LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Devant:
M. le Juge Claude Jorda, Président
M. le Juge Fouad Riad
M. le juge Almiro Simões Rodrigues

Assistée de:
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le:
10 septembre 1999

LE PROCUREUR

C/

RADISLAV KRSTIC

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DÉCISION SUR LA DEUXIÈME EXCEPTION PRÉJUDICIELLE SOULEVÉE PAR LA DÉFENSE POUR VICE DE FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION

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Le Bureau du Procureur:

M. Mark Harmon
M. Peter W. McCloskey
M. Alberto E. Perduca

Le Conseil de la Défense:

M. Nenad Petrusic

 

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (ci-après "le Tribunal");

VU la "Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme" en date du 6 mai 1999 (ci-après "la Décision du 6 mai 1999") ;

VU le "Mémorandum déposé en exécution de la décision rendue le 6 mai 1999 par la Chambre de première instance sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme", en date du 7 juin 1999 (ci-après le "le Mémorandum") ; 

VU l’exception préjudicielle soulevée par la Défense le 6 juillet 1999 aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme (ci-après "la Requête") ;

VU la réponse du Procureur à la Requête de la Défense, en date du 2 août 1999 ;

VU l’article 21 du Statut et l’article 72 du Règlement de procédure et de preuves (ci-après "le Règlement") ;

ATTENDU que la Défense allègue que l’acte d’accusation est vague, indéfini et contradictoire, pour deux motifs ;

ATTENDU d’une part que, selon elle, les accusations portées contre Radislav Krstic sont dispersées dans trois documents distincts ; qu’en effet, l’acte d’accusation enregistré le 10 juin 1999 ne serait pas conforme au texte soumis à l’accusé lors de son arrestation le 4 décembre 1998 et n’intégrerait pas non plus les informations apportées par le Mémorandum déposé par le Procureur le 7 juin 1999; que l’absence d’un texte unique compliquerait inutilement la lecture et la compréhension des accusations portées contre Radislav Krstic et constituerait dès lors une violation de l’article 21 alinea 4 du Statut ;

ATTENDU d’autre part que, selon la Défense, l’acte d’accusation du 10 juin 1999 n’indiquerait pas précisément les fonctions et les responsabilités que l’accusé exerçait au moment des faits qui lui sont reprochés, ni le rôle et les fonctions tenues par les coaccusés ; qu’en conséquence, l’acte d’accusation ne serait pas conforme à la Décision du 6 mai 1999, qui ordonnait au Procureur "de préciser ou de clarifier l’acte d’accusation quant aux chefs de demande relatifs à la responsabilité de l’accusé et aux coaccusés ainsi qu’à leur part de responsabilité, sans pour autant révéler les noms de ces derniers" ;

ATTENDU qu’elle estime en effet que le Procureur ne peut se conformer à la Décision du 6 mai 1999 par un simple mémorandum tel que celui présenté le 7 juin 1999 et que les précisions apportées par ledit Mémorandum sont en tout état de cause insuffisantes ;

ATTENDU que, selon le Procureur, la Requête de la Défense repose sur un malentendu ; que l’acte d’accusation enregistré le 10 juin 1999, et sur lequel se fonde la Défense, n’avait pas pour but de répondre à la Décision du 6 mai 1999 ; que les exigences de la Chambre ont été satisfaites séparément par le biais du Mémorandum ;

ATTENDU que, selon le Procureur, les précisions apportées par ledit Mémorandum sont suffisantes et répondent à la Décision du 6 mai 1999 ;

ATTENDU que les différences existant entre l’acte d’accusation officiel et l’acte lu à l’accusé au moment de son arrestation le 4 décembre 1998 sont de nature essentiellement typographique, résultant de l’expurgation des informations relatives aux coaccusés et ne concernent pas le contenu des accusations portées contre l’accusé ;

ATTENDU que l’acte d’accusation enregistré le 10 juin 1999 correspond à l’acte d’accusation tel qu’il a été lu à l’accusé lors de sa comparution initiale ;

ATTENDU que le Procureur a expliqué dans son Mémorandum les raisons pour lesquelles il ne pouvait divulguer le grade exact des coaccusés à ce stade de la procédure, tout en précisant que les coaccusés étaient des officiers subordonnés à l’accusé à l’époque des faits qui lui sont reprochés;

ATTENDU qu’en l’état actuel de la procédure, ces informations sont suffisantes pour déterminer à quel titre l’accusé pourrait être tenu responsable de leurs actes ;

ATTENDU que le Procureur s’est par ailleurs engagé à communiquer à la Défense les informations expurgées de l’acte d’accusation initial lors du dépôt du mémoire préalable au procès en application de l’article 73 bis du Règlement ;

ATTENDU qu’il n’est pas indispensable d’intégrer à ce stade ces informations relatives aux coaccusés dans l’acte d’accusation contre Radislav Krstic ;

ATTENDU que le Mémorandum précise aussi le statut et les responsabilités de l’accusé à l’époque des faits qui lui sont reprochés, précisions qui ne constituent pas une modification de l’acte d’accusation au sens de l’article 50 du Règlement ;

ATTENDU que compte tenu des responsabilités de l’accusé au moment des faits, la Défense ne peut pas prétendre que l’accusé n’est pas en mesure d’apprécier la nature et l’étendue des crimes qui lui sont reprochés;

ATTENDU cependant qu’il est dans l’intérêt de la justice que les motifs et les chefs d’accusation portés contre toute personne soient présentés dans un seul document ;

ATTENDU en outre qu’il apparaît utile pour l’administration de la justice, notamment un déroulement plus rapide du procès, que ce texte unique présente clairement la structure militaire dans le cadre de laquelle le Général Krstic aurait exercé ses responsabilités ; qu’à cet égard il convient d’indiquer les relations qu’il entretenait tant avec supérieurs et ses subordonnés ¾ sans qu’il soit besoin de les mentionner nommément ¾ qu’avec l’ensemble des unités et sous-unités militaires ou para-militaires agissant dans le cadre du Corps de la Drina ; qu’il importe en outre de préciser la zone géographique sur laquelle l’accusé exerçait son autorité, en indiquant notamment le lien existant entre « le territoire contrôlé par le Corps Drina » et « la région de l’enclave de Srebrenica » ;

ATTENDU que dans ces conditions, il y a lieu d’organiser une conférence de mise en état aux fins notamment de permettre l’établissement par l’Accusation d’un acte définitif après avoir recueilli les observations de la Défense ;

PAR CES MOTIFS,

REJETTE l’exception préjudicielle aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme.

ORDONNE au Procureur d’intégrer dans un document unique l’acte d’accusation, le Mémorandum et les précisions ci-dessus mentionnées ;

DIT que le nouveau document sera intitulé « Acte d’Accusation mis à jour » ;

DEMANDE au Procureur de soumettre à la Chambre et à la Défense un projet d’acte d’accusation mis à jour pour le 23 septembre en vue de de la conférence de mise en état fixée le 30 septembre 1999.

 

Fait ce 10 septembre 1999,
A La Haye,
Pays Bas

Fait en français et en anglais, la version française faisant foi.

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Juge Claude Jorda
Président de la Chambre de première instance I

[sceau du Tribunal]