Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 13 mars 2000

2 [Audience publique]

3 [Remarques préliminaires de l’Accusation]

4 [Les accusés entrent dans la Cour]

5 --- L’audience débute à 9 h 30

6 M. LE PRÉSIDENT (interprétation) : Bonjour,

7 Mesdames, Messieurs. J’espère que les interprètes

8 m’entendent.

9 L’INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président.

10 M. LE PRÉSIDENT : Je salue aussi la cabine

11 d’audiovisuel. Je salue l’Accusation, la Défense, le

12 Général Krstic. Je salue aussi le public qui participe à

13 nos débats, comme il se doit dans une enceinte

14 internationale et judiciaire publique.

15 Nous sommes dans les déclarations liminaires

16 réglées par l’Article 84 de notre Règlement du déroulement

17 du procès.

18 Monsieur Dubuisson, pouvez-vous annoncer l’affaire

19 s’il vous plaît.

20 LE GREFFIER : Il s’agit de l’affaire IT-98-33T,

21 Le Procureur contre Radislav Krstic.

22 M. LE PRÉSIDENT : Oui. Merci, Monsieur

23 Dubuisson.

24 Monsieur Harmon, pouvez-vous présenter le banc du

25 Procureur, s’il vous plaît.

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1 Me HARMON (interprétation) : Bonjour, Monsieur le

2 Président. Bonjour, Madame et Monsieur les Juges.

3 Bonjour, conseils de la Défense.

4 Je comparais ici aujourd’hui avec mon collègue

5 assis à ma droite, Monsieur Peter McCloskey et à sa droite,

6 Monsieur Cayley, avec Mademoiselle Kirsten Keith qui est à

7 ma gauche. Je m’appelle Harmon et je comparaîtrai pendant

8 tout le procès.

9 M. LE PRÉSIDENT : Merci, Monsieur Harmon.

10 Et pour la Défense, Me Petrusic ?

11 Me PETRUSIC (interprétation) : Bonjour, Monsieur

12 le Président. Bonjour, Madame et Monsieur les Juges. Je

13 souhaite le bonjour également à l’équipe du Procureur. Je

14 m’appelle Petrusic et j’assurerai la défense de notre

15 client avec Me Visnjic pendant toute la durée de ce procès.

16 Merci.

17 M. LE PRÉSIDENT : Merci, Me Petrusic.

18 Nous allons vraiment rouvrir notre affaire et

19 comme j’ai dit, je donne la parole à Monsieur Harmon pour

20 les déclarations liminaires.

21 Monsieur Harmon, vous avez la parole, s’il vous

22 plaît.

23 Me HARMON (interprétation) : Merci, Monsieur le

24 Président. Encore une fois, je vous dis bonjour, Monsieur

25 le Président et Madame et Monsieur les Juges.

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1 Après avoir conquis la zone sous protection des

2 Nations Unies de Srebrenica en juillet 1995, l’armée

3 victorieuse des Serbes de Bosnie a abandonné tout semblant

4 d’humanité en commettant des atrocités d’un genre et d’une

5 ampleur inconnus en Europe depuis la Seconde Guerre

6 mondiale. Sur une période de cinq jours environ, des

7 milliers de civils musulmans de Bosnie et de soldats

8 musulmans de Bosnie qui avaient déposé les armes ont été

9 systématiquement assassinés par les membres de l’armée

10 serbe de Bosnie.

11 Ce procès est le procès du triomphe du mal. Il

12 montrera comment des soldats et des officiers de l’armée

13 serbe de Bosnie, des hommes éduqués qui s’affirmaient

14 soldats de métier, qui professaient leur foi dans le Tout-

15 puissant et déclaraient incarner les idéaux découlant d’un

16 passé fier et honorable, celui des Serbes, ont organisé,

17 planifié et participé de leur plein gré à un génocide, à

18 moins de s’être tus face à son exécution.

19 Les auteurs de ces actes ignobles ont laissé en

20 héritage une tache qui a sali la réputation du peuple serbe

21 et jeté le discrédit…

22 M. LE PRÉSIDENT : [Hors microphone] Monsieur

23 Harmon, mais je crois que le Général Krstic ne peut pas

24 nous suivre.

25 Général Krstic, vous m’entendez ?

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1 L’ACCUSÉ (interprétation) : [Signe affirmatif]

2 M. LE PRÉSIDENT : D’accord.

3 Donc, Monsieur Harmon, excusez-moi de

4 l’interruption et vous pouvez continuer, s’il vous plaît.

5 Me HARMON (interprétation) : Comme je le disais,

6 ces actes ont jeté le discrédit également sur le noble

7 métier des armes.

8 Au fil de la progression de l’armée des Serbes de

9 Bosnie, elle a assassiné des milliers d’hommes et de jeunes

10 gens sans défense, anéantissant l’existence de plusieurs

11 générations de Bosniaques. Le seul moyen de supprimer

12 cette tache et de rendre justice aux victimes de cette

13 tragédie c’est de mettre en lumière la responsabilité

14 pénale individuelle de ceux qui ont ordonné, perpétré et

15 contribué à commettre ces crimes.

16 Au cours de ce procès, le Procureur prouvera la

17 responsabilité pénale de l’un des individus responsables de

18 cette tragédie, le Général Radislav Krstic.

19 J’aimerais à présent replacé les événements

20 décrits dans l’acte d’accusation dans le contexte qui est

21 le leur, c’est-à-dire celui de la guerre en Bosnie-

22 Herzégovine. Je le ferai en quelques mots puisque j’ai

23 l’intention de verser au dossier de ce procès le rapport du

24 Secrétaire Général au sujet de Srebrenica ainsi que des

25 copies de toutes les résolutions pertinentes des Nations

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1 Unies relatives à ce conflit. Le rapport du Secrétaire

2 Général relate dans le détail les événements importants qui

3 ont marqué le conflit ainsi que les réponses apportées par

4 les Nations Unies à ces événements.

5 L’ex-Yougoslavie était un État fédéral composé de

6 six républiques et de deux provinces autonomes. À la fin

7 du mois de juin 1991, la Yougoslavie a commencé à se

8 désagréger moyennant plusieurs guerres menées sur le

9 territoire des républiques de Slovénie et de Croatie, suite

10 à la déclaration d’indépendance de leur gouvernement.

11 Le 6 mars 1992, le gouvernement de Bosnie-

12 Herzégovine déclarait son indépendance par rapport à l’ex-

13 Yougoslavie, provoquant une guerre de grande ampleur.

14 Comme cela avait été le cas en Croatie, l’armée fédérale

15 yougoslave, la JNA, s’est battue aux côtés des forces

16 serbes rebelles afin de conserver les territoires déclarés

17 parties intégrantes des nouvelles entités serbes

18 autoproclamées. Les Serbes de Bosnie sous la houlette du

19 Dr Radovan Karadzic étaient soutenus politiquement et

20 militairement par le gouvernement de ce qui restait de la

21 Yougoslavie, le gouvernement du Président Slobodan

22 Milosevic.

23 En raison de la supériorité militaire de

24 l’alliance constituée entre la JNA, les forces armées

25 policières de la Serbie et les forces serbes de Bosnie, des

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1 ponts importants du nouvel État souverain de Bosnie-

2 Herzégovine sont rapidement tombés aux mains des autorités

3 serbes de Bosnie. Leurs opérations militaires ont été

4 menées – je parle des opérations menées par ces entités –

5 elles ont été menées donc de façon coordonnée et

6 systématique. À la fin de 1992, cette campagne militaire

7 s’est soldée par la mort ou le déplacement forcé d’environ

8 2 millions de non-Serbes considérés comme une menace pour

9 la création d’une entité ethniquement homogène dominée par

10 les Serbes.

11 Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté

12 plusieurs résolutions destinées à rétablir la paix, à

13 commencer par la Résolution 713 qui prévoyait un embargo

14 sur la livraison d’armes et d’équipements militaires à la

15 Yougoslavie. Cette Résolution a eu toutefois des

16 conséquences négatives puisqu’elle n’a fait que consolider

17 le déséquilibre militaire régnant entre une JNA et des

18 forces serbes insoumises, fortement armées et bien équipées

19 d’une part, et des forces armées sous-équipées de l’autre.

20 La pression internationale a obtenu que l’exigence

21 soit faite à la JNA de se retirer mais ce retrait ne fut

22 qu’un subterfuge puisqu’en réalité, un grand nombre de

23 soldats de la JNA et une quantité considérable

24 d’équipements sont restés aux mains des Serbes de Bosnie.

25 La vacance du pouvoir qui en a résulté a été

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1 comblée sans transition par la naissance d’une armée serbe

2 de Bosnie rebaptisée armée de la Republika Srpska. Son

3 commandement était un officier de la JNA, le Général Ratko

4 Mladic qui en 1991 avait commandé des unités de la JNA,

5 appuyant ouvertement les revendications territoriales des

6 Serbes en Croatie.

7 Nombre d’autres officiers de la JNA, dont l’accusé

8 ici présent, le Général Radislav Krstic, sont devenus

9 officiers de la VRS, et désormais pendant toute la durée de

10 mon intervention, je parlerai de l’armée de la Republika

11 Srpska en la désignant par « VRS ».

12 La VRS a été l’instrument en apparence anodin

13 d’une politique qui visait à créer une entité serbe-

14 bosniaque indépendante et ethniquement pure au sein de la

15 Bosnie-Herzégovine, destinée en fin de compte à s’unir à la

16 Serbie, au Monténégro et à la République décidante de la

17 Krajina serbe de Croatie pour constituer la Grande Serbie.

18 Les non-Serbes ont été victimes du nettoyage ethnique qui

19 les a chassés systématiquement et de façon organisée des

20 territoires occupés par la VRS.

21 À présent si vous le permettez, j’aimerais me

22 consacrer aux événements survenus à Srebrenica depuis le

23 début de la guerre et je commencerai par vous dire où se

24 trouve la municipalité de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine.

25 Mon assistante a placé sur le rétroprojecteur,

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1 pour vous permettre de suivre, une carte de la Bosnie-

2 Herzégovine sur laquelle vous verrez à droite, surlignée en

3 jaune, la municipalité de Srebrenica.

4 Monsieur Dubuisson vous a remis, Madame et

5 Monsieur les Juges, des copies papiers d’un certain nombre

6 de documents que j’utiliserai dans mon allocution

7 liminaire.

8 Selon le recensement de 1991, Srebrenica était une

9 municipalité peuplée majoritairement de musulmans. Sa

10 population se composait de 73 pour cent de Bosniens

11 musulmans et de 25 pour cent de Serbes. En dépit de leur

12 supériorité numérique au début de la guerre, les musulmans

13 bosniaques de Srebrenica, de la municipalité de Srebrenica,

14 ont été chassés de leurs foyers et soumis à des traitements

15 inhumains par les formations armées des Serbes de Bosnie.

16 Les musulmans ont été expulsés de Srebrenica. De nombreux

17 Bosniens ont été assassinés. De nombreux autres ont vu

18 leurs maisons réduites en cendres. Mais les musulmans

19 bosniens se sont réorganisés et ont pris des initiatives

20 destinées à reconquérir la ville de Srebrenica.

21 En mai 1992, leur tentative pour étendre leur

22 contrôle territorial aux environs de Srebrenica a porté des

23 fruits, débouchant sur la jonction avec Zepa, une ville

24 située au sud de Srebrenica. Pendant cette phase

25 particulière du conflit, les civils serbes de Bosnie ont

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1 souffert. Nombre d’entre eux ont été tués, les autres

2 étant chassés de chez eux. Des maisons de Serbes de Bosnie

3 ont été détruites.

4 Le 7 janvier 1993, date du Noël orthodoxe, le

5 village de Kravica a été attaqué par des éléments provenant

6 de Srebrenica, et selon des sources serbes, de nombreux

7 civils ont été tués. Les événements survenus à Kravica ont

8 galvanisé la résolution militaire des Serbes de Bosnie

9 d’anéantir la menace musulmane et une contre-offensive des

10 Serbes de Bosnie s’en est suivie.

11 Cette contre-offensive a été rapide, efficace et

12 violente. Elle s’est soldée par un renversement des

13 pourcentages démographiques dans les villages musulmans

14 bosniens et par des dizaines de milliers de musulmans

15 bosniens cherchant refuge dans la ville assiégée de

16 Srebrenica et dans ses environs. Le sort subi par ces

17 réfugiés est devenu désespéré, faute de nourriture ou

18 d’abris en nombre suffisant.

19 Alors que le monde avait les yeux fixés sur

20 Srebrenica, le Général Morillon, commandant français de la

21 FORPRONU en Bosnie-Herzégovine, est arrivé le 11 mars 1993

22 dans la ville assiégée. Il a dit à la population de

23 Srebrenica qu’il ne les abandonnerait pas et cette promesse

24 spectaculaire a été saisie par la pellicule et diffusée

25 dans le monde entier.

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1 Un mois plus tard à peu près, des commandants

2 serbes de Bosnie ont menacé de pénétrer dans Srebrenica, et

3 trois jours plus tard, le 16 avril 1993, le Conseil de

4 Sécurité, agissant en vertu du Chapitre 7 de la Charte,

5 adoptait la Résolution 819. Cette Résolution exigeait que

6 toutes les parties traitent Srebrenica comme une zone de

7 sécurité destinée à être abritée de toute attaque armée.

8 Elle exigeait aussi le retrait immédiat des forces serbes

9 de Bosnie des territoires entourant Srebrenica.

10 Deux jours plus tard, le 18 avril 1993, un accord

11 a été signé entre le commandant des Serbes de Bosnie, le

12 Général Ratko Mladic et le commandant des forces

13 gouvernementales bosniaques, le Général Halilovic. Aux

14 termes de cet accord, Srebrenica devait être démilitarisée

15 et les troupes de la FORPRONU devaient être déployées dans

16 la région.

17 Le 8 mai 1993, un accord encore plus global a été

18 signé par les généraux Mladic et Halilovic, accord qui

19 concernait les enclaves de Srebrenica et de Zepa. Donc,

20 les enclaves étaient désormais créées.

21 Je me servirai à présent, Monsieur le Président,

22 Madame et Monsieur les Juges, d’une carte pour vous montrer

23 où elles se situent en Bosnie. Vous voyez les trois

24 enclaves qui existaient à ce moment-là dans la partie

25 orientale de Bosnie : l’enclave de Srebrenica, l’enclave

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1 de Zepa et la troisième enclave, l’enclave de Gorazde,

2 toutes sur le territoire contrôlé par la Republika Srpska.

3 Suite à ces événements, la situation s’est

4 stabilisée. À Srebrenica, le 18 avril 1993, un petit

5 contingent de soldats de la FORPRONU, originaire du Canada,

6 a pénétré dans Srebrenica. Sa tâche consistait

7 initialement à superviser la démilitarisation de la ville

8 de Srebrenica. Il est resté à Srebrenica jusqu’à l’arrivée

9 d’éléments du Bataillon néerlandais qui s’y sont déployés

10 en janvier 1994.

11 Suite à l’adoption de ces résolutions et à la

12 conclusion de ces accords, un calme précaire a fini par

13 régner dans l’enclave de Srebrenica. Cependant, l’enclave

14 n’a jamais été totalement démilitarisée et une unité armée

15 de l’armée de Bosnie-Herzégovine est demeurée présente au

16 sein de l’enclave, faisant quelques sorties pour attaquer

17 des cibles serbes de Bosnie afin de se procurer vivres et

18 munitions.

19 En raison de la menace militaire que constituait

20 la présence d’une unité militaire gouvernementale au cœur

21 même de la Republika Srpska, des unités militaires

22 importantes de la VRS, nécessaires ailleurs sur le front,

23 ont été maintenues dans l’enclave pour faire pièce à ce qui

24 était considéré comme une menace musulmane à l’intérieur de

25 Srebrenica.

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1 En 1995 alors que le cours de la guerre se

2 retournait contre la VRS, ces éléments militaires se sont

3 avérés précieux en d’autres lieux. Une décision prise au

4 plus haut niveau politique et militaire de la Republika

5 Srpska a débouché sur l’attaque des zones protégées de

6 Srebrenica et de Zepa.

7 Par la suite, un plan militaire destiné à attaquer

8 l’enclave et dont le nom de code était Opération Krivaja 95

9 a été élaboré par le Général Krstic et d’autres. Ce plan

10 prévoyait d’attaquer l’enclave et d’y pénétrer par le sud.

11 Le 6 juillet 1995, l’opération Krivaja 95 a

12 commencé et cinq jours plus tard, la ville de Srebrenica

13 était prise. Je ne rentrerai pas dans les détails de cette

14 opération.

15 J’aimerais à présent vous dire quelques mots de

16 l’accusé.

17 Le Général Krstic est un soldat de métier et au

18 moment des crimes décrits dans l’acte d’accusation, il

19 était officier supérieur expérimenté et compétent, un

20 officier supérieur qui avait été formé à ses

21 responsabilités et qui les connaissait bien, comme il

22 connaissait les obligations qui étaient les siennes aux

23 termes du droit international en temps de guerre.

24 Le Général Krstic est né le 15 février 1948 dans

25 la municipalité de Vlasenica. Il a suivi les cours des

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1 académies militaires de Belgrade et de Sarajevo et, une

2 fois diplômé, a été affecté en tant qu’officier dans les

3 rangs de la JNA. Il y a occupé des postes divers.

4 Il a d’abord été affecté au centre des écoles

5 militaires de Sarajevo de 1972 à 1981, après quoi il a été

6 envoyé à l’académie du quartier général à Belgrade. De là,

7 il a été transféré au Kosovo où il a occupé un certain

8 nombre de commandements et de positions à l’état-major de

9 la JNA. Lorsqu’il a quitté la JNA, il avait le grade de

10 lieutenant-colonel.

11 Après le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine,

12 l’accusé a rejoint les rangs de la VRS et il est devenu

13 commandant d’une brigade, la 2e Brigade mécanisée de Romani

14 qui faisait partie du Corps Sarajevo-Romani.

15 En novembre 1992, cette unité a été intégrée au

16 Corps de la Drina et l’accusé en est resté le commandant

17 jusqu’en septembre 1994, date à laquelle il a occupé en

18 même temps le poste de commandant adjoint du chef d’état-

19 major du Corps de La Drina.

20 Le 29 décembre 1994, l’accusé a marché sur une

21 mine antipersonnel qui lui a infligé une blessure

22 nécessitant l’amputation d’une partie de la jambe. Une

23 fois remis de cette grave blessure, le Général Krstic a

24 repris son poste de commandant adjoint du chef d’état-major

25 du Corps de la Drina. En mai 1995, l’accusé a été promu au

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1 grade de général de brigade.

2 Les éléments de preuve que nous présenterons au

3 cours du procès démontreront que le 13 juillet 1995, le

4 Général Krstic a émis des ordres en qualité de commandant

5 du Corps de la Drina et que les unités qui lui étaient

6 subordonnées ont accepté ses ordres et les ont exécutés.

7 De plus, le 14 juillet 1995, la nomination du

8 Général Krstic au poste de commandant du Corps de la Drina

9 a été rendue officielle par le commandant suprême de la

10 VRS, le Dr Radovan Karadzic. Cette nomination officielle

11 est devenue effective le lendemain de sa publication.

12 Le Général Krstic est demeuré commandant du Corps

13 de la Drina jusqu’au 21 novembre 1995, date à laquelle il a

14 été envoyé à l’école de la défense nationale à Belgrade où

15 il est resté jusqu’en septembre 1996.

16 En septembre 1996, le Général Krstic a été nommé

17 au poste de Inspecteur chef de la VRS et chargé d’un

18 certain nombre de tâches.

19 En 1998, le Général Krstic a été nommé au grade de

20 général de corps d’armée, grade équivalent dans les armées

21 américaines et britanniques à un général deux étoiles, et

22 au moment de son arrestation par les forces de la SFOR, le

23 Général Krstic était commandant du 5e Corps d’armée de la

24 VRS.

25 Alors, Monsieur le Président, Madame et Monsieur

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1 les Juges, j’aimerais à présent vous décrire rapidement la

2 structure de la VRS, vous parler des personnalités qui y

3 étaient présentes et dont vous entendrez parler plus en

4 détail au cours du procès.

5 La JNA était l’une des armées les plus

6 professionnelles d’Europe de l’est et après le départ de la

7 JNA, la VRS a conservé une structure identique.

8 Je demanderais à mon assistante de placer ce

9 tableau sur le chevalet. Ce tableau vous décrit la

10 structure de la VRS.

11 Comme vous pouvez le voir, vous avez sous les yeux

12 ici la structure du grand état-major de la VRS.

13 Le commandant suprême de la VRS était le Dr

14 Radovan Karadzic dont le nom ne figure pas ici, le tableau

15 commençant par le Général Mladic, Ratko Mladic, commandant

16 de l’état-major.

17 On passe ensuite directement aux différents

18 subordonnés qui sont identifiés du haut vers le bas et vous

19 trouvez au milieu du tableau le nom du Corps de la Drina

20 commandé par le Général Krstic. Vous voyez également sur

21 ce tableau les noms d’autres personnes qui seront

22 identifiées comme ayant des postes de commandement au sein

23 de cette structure.

24 La structure que vous voyez ici était celle qui

25 était appliquée le 13 juillet 1993. Mais outre cette

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1 chaîne de commandement directe qui allait donc du Général

2 Mladic aux commandants des différents corps d’armée, le

3 Général Mladic commandait également le grand quartier

4 général et j’aimerais vous donner les noms de certaines

5 personnes dont vous entendrez parler, je le répète, au

6 cours du procès.

7 Vous remarquerez le nom du Lieutenant-Colonel

8 Beara, nom que vous entendrez souvent au cours du procès.

9 Un autre nom que vous entendrez souvent est le nom

10 de Jankovic, le Colonel Jankovic qui était l’adjoint au

11 chef du renseignement au quartier général et vous verrez

12 des séquences vidéos qui vous montreront le Colonel

13 Jankovic occupé aux missions qui étaient les siennes.

14 Maintenant, Monsieur le Président et Madame et

15 Monsieur les Juges, je vais vous parler de la structure et

16 des personnalités qui étaient membres du Corps de la Drina

17 le 13 juillet 1993 et aux environs de cette date. Donc, on

18 parle du Général Mladic et du grand quartier général pour

19 arriver au Corps de la Drina.

20 Le commandant du Corps de la Drina le 13 juillet

21 et aux environs de cette date était le Général Krstic. Il

22 commandait directement les unités subordonnées dont les

23 noms figurent au bas du tableau.

24 Vous y trouverez le nom d’un certain nombre de

25 brigades telles la Brigade de Zvornik, la Brigade de

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1 Bratunac et autres brigades et vous entendrez les noms d’un

2 certain nombre de personnes qui figurent ici sur cette

3 pièce à conviction.

4 Par exemple, vous entendrez le nom du Colonel

5 Vinko Pandurovic qui commandait la Brigade de Zvornik et

6 vous entendrez parler également de son adjoint, le

7 commandant Dragan Obrenvic, chef d’état-major du Colonel

8 Pandurovic.

9 Vous entendrez les noms d’un certain nombre

10 d’autres hommes qui commandaient d’autres brigades dans la

11 région et le corps d’armée comme le grand quartier général

12 a sa propre direction. C’est le Général Krstic qui

13 commandait les hommes faisant partie de son quartier

14 général.

15 Vous entendrez également le nom de ses hommes, à

16 commencer par le Lieutenant-Colonel Popovic, commandant

17 adjoint chargé de la sécurité.

18 Je citerai également le nom du Lieutenant-Colonel

19 Kosoric, chef du renseignement, et le nom de son adjoint,

20 le commandant Pavle Golic.

21 On vous parlera également de Lazar Acimovic,

22 adjoint pour les services particuliers.

23 Vous entendrez d’autres noms nombreux, le nom des

24 hommes qui sont inscrits sur ce tableau.

25 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

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1 Juges, outre la structure de la JNA, c’est aussi le

2 règlement, ce sont les règles, les règlements ainsi que la

3 doctrine militaire de la JNA qui sont adoptées par la VRS.

4 Il n’y avait pas de raison de réinventer la roue. Ils n’en

5 avaient pas l’envie non plus.

6 Un pivot essentiel de la VRS et de la JNA c’était

7 le concept de la responsabilité du supérieur hiérarchique,

8 ce qui voulait dire que les membres de l’armée avaient

9 l’obligation d’exécuter les ordres émis par un officier

10 supérieur, sans poser de questions, de façon complète et

11 dans les temps prévus. La seule exception faite à ce

12 principe se trouve dans les règles régissant la conduite de

13 la guerre, règles qui furent adoptées à la fois par la

14 Fédération de Yougoslavie et par la Republika Srpska.

15 Le 13 mai 1992, le Dr Radovan Karadzic signait un

16 ordre faisant obligation à la VRS d’appliquer et de

17 respecter les lois et coutumes internationales de guerre

18 dont les traités signés, ratifiés et adoptés par la

19 République fédérative socialiste de Yougoslavie ainsi que

20 le droit international coutumier régissant les conflits

21 armés, et au titre des principes adoptés par ce décret, les

22 commandants de toutes les unités et des membres de la VRS

23 avaient la responsabilité de respecter les principes du

24 droit international régissant les conflits armés et tout

25 officier supérieur avait l’obligation d’engager des

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1 poursuites judiciaires à l’encontre d’individus qui

2 auraient violé ces règlements.

3 Je vais vous donner un exemple d’un tel règlement

4 et ici, je vous renvoie au paragraphe 21 des instructions

5 régissant l’application des lois internationales des

6 conflits armés imposées aux forces armées.

7 Ce Règlement dit et je le cite : « Un officier

8 sera tenu personnellement responsable de toute violation

9 des règles et coutumes de la guerre s’il savait ou avait

10 des raisons de le savoir que les unités lui étant

11 subordonnées ou d’autres unités ou personnes qui avaient

12 l’intention et avaient planifié la commission de telles

13 violations et si au moment où il avait encore la

14 possibilité d’en empêcher la perpétration, a manqué à

15 l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour en

16 punir ou en prévenir les auteurs.

17 « L’officier sera aussi considéré responsable à

18 titre personnel s’il savait que des violations des règles

19 des conflits armés avaient été commises, n’avait pas

20 répondu à l’obligation d’engager des poursuites

21 disciplinaires ou criminelles à l’encontre des

22 contrevenants ou si le fait d’instituer des procédures ne

23 relevait pas de ses prérogatives, a manqué à l’obligation

24 de faire rapport de cette violation à son supérieur. »

25 On trouve des similitudes de ce Règlement dans

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1 notre Statut. On précise d’ailleurs au paragraphe 20 de ce

2 document que les auteurs de tels agissements criminels

3 devront répondre ou seront susceptibles de répondre de

4 leurs actes devant une cour internationale si elle a été

5 établie.

6 Vu la formation militaire, vu l’existence des

7 règles et règlements de la JNA et de la VRS, il ne fait

8 aucun doute que le Général Krstic était tout à fait

9 conscient des obligations lui incombant au titre du droit

10 international. Il a pourtant préféré de violer en toute

11 impunité les droits fondamentaux qui lui étaient imposés en

12 sa qualité d’officier et de commandant et c’est la raison

13 pour laquelle il est aujourd’hui traduit en jugement devant

14 vous ou en justice.

15 Je vais maintenant passer à l’examen de l’acte

16 d’accusation dont vous disposez, Madame et Monsieur les

17 Juges.

18 Nous avons retenu huit chefs d’accusation à

19 l’encontre du Général car ici, il y a un chef de génocide,

20 un chef de complicité à la commission de génocide, cinq

21 chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité ainsi

22 qu’un chef pour violation des lois et coutumes de la

23 guerre.

24 Tous les actes visés à l’acte d’accusation se sont

25 produits au sein du Corps de la Drina ou tout du moins sous

Page 460

1 la zone de responsabilité ou sous la responsabilité de

2 l’accusé, le Colonel Krstic, et ont trait à des événements

3 qui se sont produits au moment ou à la suite de la chute de

4 la zone de sécurité des Nations Unies à Srebrenica, des

5 actes qui ont eu pour conséquence le nettoyage ethnique de

6 musulmans de Bosnie de l’enclave de Srebrenica.

7 Ces chefs peuvent être divisés en deux grandes

8 catégories. Pour première catégorie, nous avons la

9 déportation et le transfert forcé de musulmans, d’un nombre

10 d’environ 20 à 30 000 personnes de l’enclave de Srebrenica.

11 Ceci a été fait par les membres de la VRS et s’est produit

12 les 12 et 13 juillet 1995.

13 Nous avons une seconde catégorie, celle du meurtre

14 massif organisé et systématique de milliers de civils

15 musulmans et de soldats qui avaient été mis hors de combat

16 par les membres de la VRS. La plupart de ces assassinats

17 se sont produits entre le 11 et le 17 juillet.

18 Au titre de l’Article 7(1) du Statut, nous avons

19 retenu le chef d’accusation contre le Général Krstic pour

20 avoir commis, planifié, incité à commettre, ordonné ou de

21 toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer

22 ou exécuter ces crimes.

23 Nous l’accusons aussi d’avoir manqué à

24 l’obligation d’empêcher ses subordonnés de commettre ces

25 crimes, cette responsabilité pénale individuelle étant

Page 461

1 visée à l’Article 7(3) du Statut. Ce sont des crimes qui

2 ont été visés à l’acte d’accusation et ce chef d’accusation

3 est retenu contre l’accusé pour son manquement à

4 l’obligation de punir les auteurs de ces crimes.

5 Les preuves directes et indirectes apportées ici

6 au cours du procès apporteront la preuve au-delà de tout

7 doute raisonnable de ces deux formes de responsabilité

8 pénale.

9 Au cours de ce procès, nous allons faire face à

10 plusieurs questions. La première question sera celle de

11 savoir à quel moment le Général Krstic est devenu

12 commandant du Corps de la Drina, et comme je le disais

13 déjà, nous allons apporter la preuve de ce que le Général

14 Krstic était commandant du Corps de la Drina et exerçait le

15 commandement et le pouvoir attaché à ce commandement au

16 cours de la période couverte par l’acte d’accusation.

17 Autre question qui se pose : Est-ce que les

18 musulmans de Bosnie ont quitté l’enclave le 12 et le 13

19 juillet de leur plein gré ou est-ce qu’ils ont été forcés à

20 le faire ? Est-ce qu’il y a eu expulsion et déportation

21 forcées ? Nous allons apporter la preuve de ce qu’ils ont

22 été expulsés et déportés de l’enclave par la force.

23 Autre question qu’il faudra trancher au cours de

24 ce procès, c’est la question de savoir si des milliers de

25 musulmans de Bosnie ont été sommairement exécutés par la

Page 462

1 VRS, comme le paragraphe 24 de l’acte d’accusation le

2 décrit, et s’il y a là constitution de génocide.

3 La preuve de ce que ces meurtres se sont produits,

4 comme nous l’avons décrit dans l’acte d’accusation, ces

5 preuves sont dirimantes, et j’en discuterai rapidement,

6 constituent un génocide.

7 Autre question qui va se poser : Est-ce que le

8 Général Mladic a pris le contrôle et le commandement

9 exclusif du Corps de la Drina ou est-ce qu’il a créé une

10 chaîne de commandement séparée qui contournait le Général

11 Krstic afin que soit commis le génocide ?

12 À cet égard, l’affaire du haut commandement posait

13 la question de savoir si oui ou non un commandant voit sa

14 responsabilité engagée pour des actes commis sous son

15 commandement en exécution d’ordres qui ont été donnés

16 indépendamment de lui.

17 Le Tribunal a affirmé que dans ces conditions,

18 l’officier de commandement se voit placé devant quatre

19 choix. Il peut émettre un ordre contrecarrant l’ordre

20 initial; deuxième option : il peut donner sa démission;

21 troisième option : il peut entraver l’exécution de l’ordre

22 dans le domaine limité qui lui est réservé; ou quatrième

23 option : il peut ne rien faire.

24 Le Tribunal a poursuivi en disant ceci :

25 « Au titre des principes fondamentaux de la

Page 463

1 responsabilité du supérieur hiérarchique, un officier qui

2 se contente d’assister aux événements alors que ses

3 subordonnés exécutent un ordre criminel donné par ses

4 supérieurs dont il sait que cet ordre est criminel se

5 trouve en violation d’une obligation morale lui incombant

6 au titre du droit international, et en ne faisant rien, il

7 ne peut pas simplement se laver les mains pour ce qui est

8 de sa responsabilité internationale. »

9 Nous apporterons la preuve de ce que ces crimes

10 furent commis par des membres et par des unités de l’état-

11 major principal de la VRS et par le Corps de la Drina qui

12 œuvraient de concert.

13 Nous apporterons la preuve de ce que le Général

14 Krstic a participé à ces crimes, qu’il en était pleinement

15 conscient au moment où ces crimes ont été commis et qu’il a

16 apporté un soutien actif à la perpétration de ces actes.

17 Autre question qui va se poser dans le cadre de ce

18 procès : Est-ce que le Général Krstic était au courant des

19 tueries décrites dans l’acte d’accusation qui se sont

20 produites au moment où elles se sont produites et par la

21 suite ?

22 Nous allons apporter la preuve de ce que le

23 Général Krstic était parfaitement au courant de ces tueries

24 alors qu’elles étaient commises.

25 C’était là donc quelques-unes des questions

Page 464

1 principales qui vont se poser tout au long de ce procès.

2 J’aimerais maintenant revenir au moment de

3 l’invasion de l’enclave de Srebrenica par la VRS. Je vous

4 l’ai déjà dit précédemment, cette invasion, elle a commencé

5 le 6 juillet 1995 et il y a eu dans le cadre de cette

6 invasion des attaques dirigées contre plusieurs postes

7 d’observation qui ceinturaient l’enclave.

8 À la suite de ces attaques de la VRS sur ces

9 postes d’observation, les soldats néerlandais ont cédé

10 leurs positions aux forces de la VRS en marche et nombre

11 d’entre eux ont été pris en otage par la VRS et ces mêmes

12 soldats néerlandais ont été menacés de mort si l’OTAN

13 menait de nouvelles frappes aériennes contre les soldats de

14 la VRS à Srebrenica et aux alentours.

15 Entre le 6 et le 11 juillet 1995, l’attaque

16 dirigée contre la zone de sécurité s’est poursuivie de

17 façon sporadique. L’avance ou la progression de la VRS a

18 rencontré peu de résistance de la part des éléments de

19 l’armée de Bosnie qui se trouvaient dans l’enclave mais

20 aussi de la part des soldats de la FORPRONU.

21 Au cours de cette progression en direction de

22 l’enclave, les soldats du Corps de la Drina et les unités

23 spéciales ont incendié de façon systématique les maisons

24 musulmanes. Alors que se poursuivait la progression des

25 troupes de la VRS, les habitants musulmans ont été pris de

Page 465

1 panique et des milliers d’entre eux ont pris la fuite en

2 direction de la ville de Srebrenica pour chercher refuge

3 dans la base des Nations Unies ainsi qu’autour de cette

4 base.

5 Le 11 juillet 1995, la VRS a pilonné la base des

6 Nations Unies, tuant et blessant plusieurs réfugiés se

7 trouvant à l’intérieur. Ces personnes étaient terrifiées.

8 De ce fait, pris de panique, ces réfugiés ont pris la fuite

9 en direction de l’enclave des Nations Unies ou venant de la

10 base de l’enclave de Srebrenica vers la base des Nations

11 Unies établie à Potocari. Cette distance fait quelques

12 trois ou quatre kilomètres.

13 Au cours de ce procès, nous allons vous soumettre,

14 Madame et Messieurs les Juges, des séquences vidéos

15 reprenant ces événements et vous pourrez de vos propres

16 yeux constater à quel point ces personnes étaient

17 paniquées, désespérées, alors qu’elles fuyaient Srebrenica

18 pour se diriger vers Potocari. C’était le chaos le plus

19 complet qui régnait.

20 Alors qu’arrive la matinée du 12 juillet 1995,

21 quelques 20 à 30 000 réfugiés sont estimés être parvenus

22 aux abords de la base des Nations Unies à Potocari.

23 Nous allons également vous soumettre des séquences

24 vidéos filmées le 11 juillet. Elles vous montreront le

25 Général Ratko Mladic, le Général Zivanovic, le Général

Page 466

1 Krstic et d’autres officiers supérieurs de la VRS faisant

2 une entrée triomphale dans la ville désertée de Srebrenica,

3 et au cours de leur marche victorieuse, le Général Mladic a

4 été interviewé par un correspondant de guerre serbe et on

5 peut citer une partie des propos tenus par le Général

6 Mladic.

7 Il a déclaré que : « Le moment était enfin venu de

8 se venger ici des Turcs. » (Fin de citation) Quand il

9 parlait des Turcs, il parlait des musulmans de Srebrenica.

10 Le Général Krstic était présent à Srebrenica en

11 compagnie du Général Mladic au moment où celui-ci a

12 prononcé ces paroles.

13 Nous aurons aussi le témoignage de Drazen

14 Erdemovic qui était membre du 10e Détachement de Sabotage,

15 unité d’élite de l’état-major principal de la VRS.

16 Monsieur Erdemovic a participé à l’invasion de l’enclave et

17 à la prise de la ville même de Srebrenica le 11 juillet

18 1995.

19 Monsieur Erdemovic vous fera la description de

20 l’assassinat de sang froid d’un jeune musulman désarmé qui

21 avait été capturé par son unité, et en exécution des ordres

22 du commandant, ce 10e Détachement de Sabotage a tué ce

23 musulman et ceci était annonciateur de la tragédie qui

24 allait suivre.

25 Tous les habitants musulmans de Bosnie qui avaient

Page 467

1 pris la fuite en direction de Potocari… tous n’étaient pas

2 partis en direction de Potocari (se corrige l’interprète).

3 Il y avait un autre groupe assez considérable de musulmans,

4 quelques 15 000 hommes et quelques femmes et des enfants,

5 qui eux ont pris la fuite en direction de Susnjari et

6 Jahilci.

7 Ils constituèrent une colonne et on trouvait parmi

8 ces personnes des membres des formations militaires armées

9 qui se trouvaient à l’intérieur de l’enclave, mais il y

10 avait aussi des civils, des femmes, des enfants, et toutes

11 ces personnes ont pris la fuite en direction de Tuzla.

12 Tuzla se trouve ici sur cette carte à cet endroit. C’était

13 leur destination ultime.

14 Un tiers environ des personnes constituant cette

15 colonne avaient des armes légères, des fusils. Le présent

16 acte d’accusation se concentre en partie sur ces personnes

17 faisant partie de la colonne parce qu’il y a des milliers

18 de personnes qui ont pris la fuite et qui ont fini par être

19 capturées par la VRS.

20 [Difficultés techniques]

21 Me HARMON (interprétation) : Il y a un petit

22 problème technique apparemment, Monsieur le Président. Je

23 vais donc m’arrêter un instant. Nous pouvons poursuivre ?

24 Comme je le disais, des milliers de personnes

25 faisant partie de la colonne en fuite avaient été

Page 468

1 capturées, ont fini par être capturées par la VRS et

2 assassinées par celle-ci.

3 Ce soir-là, le soir du 11 juillet, alors que la

4 colonne était déjà partie de l’enclave, d’autres événements

5 significatifs se sont produits. Il y a eu d’abord deux

6 réunions tenues à l’hôtel Fontana.

7 La première réunion s’est produite à 8 h 30 du

8 soir. Il y avait parmi les participants le Général Mladic,

9 le Général Zivanovic ainsi que le Colonel Karremans,

10 commandant néerlandais de la FORPRONU.

11 Ce fut une réunion très brève à l’occasion de

12 laquelle le Général Mladic a insisté pour savoir si le

13 commandant néerlandais avait donné l’ordre que de nouvelles

14 frappes aériennes soient dirigées contre la VRS. Il avait

15 aussi exigé que le commandant néerlandais revienne à

16 l’hôtel à 23 h 00 en compagnie de représentants des

17 réfugiés musulmans.

18 Nous allons vous soumettre, Madame et Messieurs

19 les Juges, des séquences vidéos de cette première réunion

20 et vous verrez le contexte et vous percevrez l’ambiance, le

21 climat dans lequel ces réunions ont eu lieu.

22 Deuxième réunion, à 23 h 00 : effectivement, le

23 Colonel Karremans revient à l’hôtel Fontana avec des

24 membres de son état-major et il avait avec lui un

25 représentant des musulmans de Bosnie. C’était un

Page 469

1 enseignant de métier. Il s’appelait Nesib Mandic. Cette

2 réunion avait pour vocation d’intimider Monsieur Mandic et

3 de faire comprendre aux musulmans se trouvant encore dans

4 l’enclave ce qu’il en était.

5 À l’occasion de cette réunion, de l’autre côté de

6 la table de Monsieur Mandic, il y avait le panneau

7 indiquant la ville de Srebrenica, et symboliquement, ce

8 panneau avait été brisé.

9 Au cours de cette réunion, le Général Mladic a

10 informé Monsieur Mandic de ce qu’il voulait avoir des

11 précisions, obtenir une position claire de sa part afin

12 qu’il sache si les musulmans voulaient survivre, rester ou

13 « disparaître ».

14 Il a aussi exigé que les musulmans de Srebrenica

15 déposent les armes, et pour renforcer l’importance qu’il

16 attribuait à ces remarques, pour accroître la terreur

17 psychologique qui pesait sur Monsieur Mandic, à ce moment-

18 là, un cochon a été tué sous les fenêtres de la pièce où se

19 tenait cette réunion et des hurlements frénétiques

20 pouvaient être entendus par toutes les personnes assistant

21 à cette réunion.

22 Assis aux côtés du Général Mladic au moment où

23 s’entendaient ces propos menaçants se trouvait un des

24 subordonnés principaux du Général Mladic, le Général

25 Krstic.

Page 470

1 Il y a eu une autre réunion le lendemain à 10 h 00

2 du matin et là, Mladic a insisté pour que soient présents à

3 une réunion des représentants des musulmans. Nous allons

4 vous soumettre des séquences vidéos de cette réunion.

5 Le lendemain, le 12 juillet, le lendemain matin,

6 le Colonel Karremans et des membres de son état-major ainsi

7 que trois représentants des civils musulmans de Bosnie sont

8 repartis en direction de l’hôtel de Fontana. Il y avait

9 parmi les représentants musulmans Monsieur Mandic.

10 À l’occasion de cette réunion, le Général Mladic a

11 renouvelé ses menaces à l’encontre des musulmans disant

12 qu’ils devaient soit survivre ou disparaître. Une fois de

13 plus, alors que ces propos étaient tenus par le Général

14 Mladic, Monsieur le Général Krstic était présent. Le

15 Général Mladic a insisté pour que les membres de l’armée de

16 Bosnie-Herzégovine rendent leurs armes et il a informé les

17 représentants musulmans de ce que les civils, s’ils le

18 voulaient, pouvaient rester à l’intérieur de l’enclave ou

19 qu’ils avaient toute liberté de partir. Ce fut une réunion

20 brève, elle aussi.

21 Dans l’après-midi du 12 juillet, de 50 à 60 bus et

22 camions sont arrivés à Potocari et c’est à ce moment-là

23 qu’ont commencé les déportations. Nous apporterons la

24 preuve de ce que le Général Krstic a joué un rôle capital

25 puisqu’il a ordonné et coordonné l’arrivée des bus qui

Page 471

1 allaient déporter les musulmans hors de l’enclave.

2 Nous apporterons aussi la preuve qu’après

3 l’arrivée de ces bus, le Général Mladic, le Général Krstic

4 et d’autres officiers de haut rang du Corps de la Drina se

5 trouvaient à Potocari, dont le Lieutenant-Colonel de la

6 VRS, Popovic, le commandant adjoint du Corps de la Drina

7 pour la sécurité ainsi que le Lieutenant-Colonel Momir

8 Nikolic, chef du renseignement et de la sécurité de la

9 Brigade de Bratunac, ainsi que d’autres personnes dont vous

10 entendrez les noms au cours du procès.

11 Nous apporterons la preuve de ce qu’au cours de la

12 période allant du 12 au 13 juillet, des membres de la VRS

13 ont terrorisé les réfugiés avant que ces derniers soient

14 expulsés, facilitant ainsi le départ des réfugiés de

15 l’enclave.

16 Au cours des 12 et 13 juillet, les membres de la

17 VRS se sont rendus coupables d’actes de violence

18 indescriptible commis sur les réfugiés. Ils ont commis des

19 meurtres, des viols. Ces actes barbares ont semé une

20 panique extrême parmi les réfugiés. Certains d’entre eux

21 étaient à ce point désespérés qu’ils ont essayé de se

22 suicider. Certains l’ont fait.

23 Alors que les réfugiés prenaient la fuite en

24 direction des bus, les hommes et les jeunes hommes

25 musulmans furent séparés de leur famille et détenus à

Page 472

1 Potocari. C’est alors que commençait ce processus

2 constituant à trier les victimes destinées au prochain

3 massacre.

4 Ceux qui avaient été séparés furent victimes de

5 vols. On leur a volé leurs effets de valeur. Nombre

6 d’entre eux furent victimes de sévices corporels et

7 certains furent sommairement exécutés.

8 À la suite de la séparation des hommes et des

9 jeunes hommes, ces derniers furent forcés de monter dans

10 des bus et furent obligés de quitter l’enclave pour se

11 diriger vers des endroits où ceux qui les avaient gardés

12 captifs ne voulaient pas que le monde les voit.

13 Ceci est devenu particulièrement invitant au

14 moment où des soldats du DeutschBat qui avaient reçu

15 l’ordre de leur commandant d’assurer l’escorte de ces bus

16 afin de veiller à ce qu’aucun mal ne soit fait à leurs

17 occupants furent arrêtés de façon systématique par les

18 membres de la VRS et détenus. Les véhicules d’escorte et

19 d’équipement dont ils disposaient furent confisqués.

20 Comme l’a dit un témoin néerlandais par la suite :

21 « La VRS essayait de faire en sorte que nous n’ayons plus

22 de yeux ni d’oreilles. » Rétrospectivement, il apparaît

23 clairement que les Serbes de Bosnie ne voulaient pas que

24 quiconque soit en mesure d’assister à ou de s’immiscer dans

25 leur plan de génocide.

Page 473

1 L’expulsion de tous les musulmans de Potocari a

2 pris un peu plus d’une journée, était terminée à 20 h 00 le

3 13 juillet. Au cours de cette brève période, quelques 20 à

4 30 000 musulmans furent déportés de l’enclave. Cependant,

5 certains, une poignée, sont restés à l’intérieur de

6 l’enclave, cachés dans leur maison ou aux alentours. Les

7 chiens furent lancés à leur recherche. Ces hommes furent

8 abattus.

9 La dure réalité des musulmans de Bosnie était

10 claire : rester à Srebrenica ne constituait pas une option

11 viable. Un des seuls musulmans de Bosnie autorisé à rester

12 dans l’enclave après la déportation, à la fin de la

13 déportation, fut Monsieur Nesib Mandic qui était resté

14 séquestré dans la base des Nations Unies à Potocari.

15 Le 17 juillet, un représentant des Serbes de

16 Bosnie s’est rendu à la base des Nations Unies, a insisté

17 pour que Nesib Mandic et un représentant du DeutschBat

18 signent une « déclaration ». Celle-ci a été signée sous la

19 contrainte par Monsieur Mandic et par le Commandant

20 Franken, un officier néerlandais. Cette soi-disant

21 déclaration disait notamment que la réunion du 12 juillet

22 avait été convoquée à la demande des autorités civiles

23 musulmanes, ce qui était tout à fait faux.

24 Cette déclaration affirmait également que la soi-

25 disant évacuation des musulmans de l’enclave avait été

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1 exécutée sans incident et de façon correcte par les Serbes

2 et que les Serbes avaient respecté les Conventions de

3 Genève et les règles internationales de la guerre. Cette

4 déclaration disait que le Général Krstic était présent à la

5 réunion.

6 Ce document a été confectionné de toutes pièces à

7 des seules fins de propagande. Au cours des jours qui

8 s’ensuivirent, la VRS et la RS ainsi que la machine de

9 propagande ont essayé de dissimuler la laideur de leurs

10 crimes par le biais de ce document trompeur.

11 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

12 Juges, j’aimerais à présent, si vous me le permettez,

13 passer à un autre sujet et cet autre sujet est celui des

14 tueries. Les éléments de preuve que nous allons vous

15 présenter démontreront que 7 574 personnes au moins ont

16 disparu de Srebrenica au cours des événements dont je viens

17 de vous parler.

18 Les membres de l’armée bosniaque équipés d’armes

19 ainsi que les civils sans arme qui faisaient partie de la

20 colonne fuyant dans la direction de Tuzla ont été tués par

21 des Serbes au fil de la progression de cette colonne qui a

22 tenté de se frayer un chemin sur les territoires occupés

23 par les Serbes.

24 Nous ne savons pas et ne saurons jamais le nombre

25 exact des personnes qui ont été tuées dans ces

Page 475

1 circonstances terribles. Nous ne connaîtrons pas le nombre

2 exact des survivants et ces personnes, au sens juridique de

3 l’acte d’accusation dressé ici, ne sont pas des victimes

4 des crimes allégués dans l’acte.

5 Notre acte d’accusation se concentre lui sur le

6 sort des milliers d’hommes musulmans qui ont été séparés

7 des autres à Potocari ou capturés par la VRS, à moins

8 qu’ils ne se soient rendus à la VRS après avoir fui

9 l’enclave la nuit du 11 juillet.

10 Nous prouverons au-delà de tout doute raisonnable

11 que ces personnes ont été assassinées systématiquement par

12 des membres de la VRS commandés et contrôlés par le

13 quartier général de la VRS et par l’accusé.

14 La façon dont ces personnes ont péri, l’ampleur

15 des atrocités commises sont impossibles à comprendre si

16 l’on applique les normes de l’humanité.

17 Lorsque le Bureau du Procureur a conduit des

18 exhumations en divers lieux, notamment sur les lieux

19 identifiés comme sites des tueries évoquées au paragraphe

20 24 de l’acte d’accusation, le Procureur a découvert les

21 restes de 1 866 victimes. Les restes de 2 571 victimes,

22 selon les évaluations, sont censés se trouver dans des

23 fosses communes déjà sondées par le Bureau du Procureur

24 mais qui n’ont pas encore été exhumées complètement.

25 Par ailleurs, d’autres sites mortuaires restent

Page 476

1 encore à découvrir. Au cours des exhumations déjà

2 réalisées, nous avons trouvé de nombreuses pièces

3 d’identité sur les corps, ce qui confirme que les personnes

4 tuées étaient originaires de Srebrenica.

5 Je demande à mon assistante de vous montrer un

6 document sur le rétroprojecteur et vous verrez, Monsieur le

7 Président, Madame et Monsieur les Juges, qu’un nom vous est

8 montré ici à côté de cet individu et le nom est celui de

9 Srebrenica, la ville de Srebrenica. On le voit en bas à

10 gauche du document. Cet individu est donc identifié comme

11 un disparu sur les listes de la Croix-Rouge Internationale.

12 Au cours de nos exhumations, nous avons également

13 découvert des photographies accompagnant les corps des

14 victimes et je vais demander à mon assistante de vous en

15 placer une sur le rétroprojecteur.

16 Tous ces objets découverts par nous sont des

17 restes poignants de moments de bonheur appartenant au passé

18 de ces victimes. Ce sont des images de cette nature qui

19 nous touchent au plus profond de notre humanité et nous

20 rappellent que les victimes de ces crimes sont aussi bien

21 les vivants que les morts.

22 Parlons maintenant d’autres objets que nous avons

23 découverts. Nous avons découvert des bandeaux tels que

24 celui-ci.

25 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

Page 477

1 Juges, le bandeau que je viens de vous montrer est celui

2 que l’on a découvert ici sur le corps de cette personne

3 découvert dans une fosse de Kozluk. Ce corps était ligoté.

4 Il avait un bandeau sur les yeux. C’était d’ailleurs le

5 cas de la plupart des personnes découvertes dans cette

6 fosse commune. C’était le cas d’un nombre très important

7 des corps que nous avons exhumés.

8 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

9 Juges, en contradiction avec la propagande de l’armée des

10 Serbes de Bosnie et de la Republika Srpska, ces individus

11 n’ont pas été des victimes collatérales des combats. Ce

12 sont des personnes qui ont été liquidées dans le cadre d’un

13 génocide planifié et commis par la VRS contre la population

14 musulmane de Srebrenica.

15 Ces actes lâches et vils ont été méticuleusement

16 planifiés, organisés et exécutés par les membres de grands

17 quartiers généraux de la VRS ainsi que les membres du Corps

18 de la Drina au cours d’une opération conjointe qui a duré

19 plusieurs jours.

20 Il ne s’agit pas de simples opérations militaires

21 mais d’actes impliquant une planification importante, une

22 grande coordination, actions exécutées à un moment où les

23 combats faisaient rage dans toute la zone de responsabilité

24 du Corps de la Drina, notamment à Zvornik.

25 La plupart, sinon tous les sites où se sont

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1 produites des exécutions de masse, se trouve dans la zone

2 de Zvornik que je vous montre ici, à Orahovac, au barrage,

3 à l’école de Pilica, à la ferme militaire de Branjevo, et

4 vous constaterez que ces sites sont très éloignés de

5 l’enclave de Srebrenica, mais tous les sites d’exécution ne

6 se trouvent pas à une telle distance de Srebrenica.

7 Vous entendrez des éléments de preuve qui vous

8 parleront d’exécution de masse à Kravica dans un entrepôt.

9 Kravica est tout près de l’enclave, tout près de la ville

10 de Bratunac où le Général Mladic et le Général Krstic ont

11 participé aux réunions dont j’ai parlé tout à l’heure.

12 Vous entendrez parler d’un site d’exécution de

13 masse dans la vallée de la Cerska également, mais le gros,

14 la majorité des exécutions de masse a eu lieu plus loin

15 dans le nord.

16 J’aimerais, Monsieur le Président, Madame et

17 Monsieur les Juges, que nous réfléchissions un instant à ce

18 qui est nécessaire pour mener des opérations d’une telle

19 ampleur.

20 D’abord, il faut émettre, transmettre et diffuser

21 des ordres à toutes les unités qui participent ou aident à

22 déplacer, tuer, enterrer puis réenterrer les victimes.

23 Une telle opération exige de rassembler un nombre

24 suffisant d’autobus et de camions pour transporter des

25 milliers de victimes musulmanes jusqu’à des centres de

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1 détention situés non loin des sites d’exécution. Une telle

2 opération exige d’obtenir une quantité suffisante d’essence

3 pour ces véhicules. Il ne faut pas perdre de vue l’embargo

4 sur l’essence qui était en vigueur à l’époque et donc le

5 fait que l’essence était un article d’une très grande

6 valeur.

7 Une telle opération exige de prévoir des gardes

8 pour accompagner tous les véhicules chargés de prisonniers

9 se rendant vers les sites de détention non loin des sites

10 d’exécution.

11 Une telle opération exige d’identifier et

12 d’organiser des installations de détention non loin des

13 sites d’exécution pour y placer les prisonniers avant de

14 les tuer.

15 Une telle opération exige de prévoir des routes

16 sures pour le déplacement des convois amenant les

17 prisonniers.

18 Une telle opération exige de se procurer un nombre

19 suffisant de bandeaux et de liens pour ligoter les

20 prisonniers.

21 Elle exige d’assurer une sécurité suffisante dans

22 les installations de détention pour y garder des milliers

23 de prisonniers.

24 Elle exige de se procurer des transports en nombre

25 suffisant pour emmener les prisonniers depuis les centres

Page 480

1 de détention jusqu’aux sites d’exécution.

2 Elle exige d’organiser les escadrons de tueurs

3 chargés des exécutions.

4 Elle exige de réquisitionner et de transporter les

5 équipements lourds nécessaires pour creuser les fosses

6 communes.

7 Elle exige également un nombre d’hommes suffisant

8 pour enterrer les milliers de victimes dont nous

9 connaissons aujourd’hui l’existence.

10 Une telle opération exige également, Monsieur le

11 Président, Madame et Monsieur les Juges, de préparer et de

12 coordonner les éléments de propagande du Corps de la Drina

13 et de toutes les unités militaires et gouvernementales de

14 la Republika Srpska, éléments de propagande qui allaient

15 tenter de réfuter les affirmations fondées selon lequel des

16 atrocités avaient eu lieu.

17 Ces opérations d’extermination ont impliqué la

18 coopération, la connaissance et la participation d’un très

19 grand nombre de membres de l’armée. Elles étaient connues

20 de la population civile.

21 Le Général Krstic connaissait pleinement

22 l’existence de ces plans et lui et ses subordonnés ont

23 coordonné de façon active à leur préparation, même s’il

24 était à l’époque présent physiquement dans le secteur de

25 Zepa où se déroulaient des opérations militaires destinées

Page 481

1 à la capture de cette zone de sécurité.

2 Lorsqu’il est devenu apparent, Monsieur le

3 Président, Madame et Monsieur les Juges, que la communauté

4 internationale avait eu vent de la disparition de ces

5 milliers de musulmans et de leur exécution, le Général

6 Krstic et ses collègues, membres des unités placées sous

7 son commandement, ont déployé des efforts systématiques

8 pour couvrir leurs crimes. Qu’ont-ils fait ?

9 Eh bien, vous voyez ici la zone que je vous

10 indique. En septembre, les fosses communes qui avaient été

11 creusées dans ces endroits ont été ouvertes et les corps

12 sortis de ces fosses ont été transportés à des distances

13 importantes, jusqu’à des lieux isolés longeant la route de

14 Cancari notamment.

15 Nous avons retrouvé ces fosses. Nous en avons

16 exhumé un grand nombre, et Monsieur le Président, Madame et

17 Monsieur les Juges, nous vous montrerons quelles ont été

18 ces opérations destinées à masquer, à cacher l’existence de

19 ces fosses.

20 Je vous montre à présent, Monsieur le Président,

21 Madame et Monsieur les Juges, une photographie prise sur le

22 site de Kozluk. Je répète qu’une exhumation a été menée

23 par le Bureau du Procureur sur ce site qui a consisté à

24 d’abord enlever la couche superficielle de terre placée sur

25 ces corps et vous pouvez constater sur cette photographie

Page 482

1 que les tentatives destinées à masquer les actes de ces

2 hommes ont été très malhabiles.

3 Vous voyez ici une tranchée, un fossé assez

4 important qui est dû à l’utilisation d’une excavatrice par

5 la VRS pour déverser les corps dans la fosse. Comme vous

6 le constaterez, un certain nombre de corps ont échappé à

7 l’excavatrice et on peut voir qu’un grand nombre des corps

8 que l’on remarque sur cette photographie ont les mains

9 liées dans le dos.

10 Lorsque vous réfléchirez, Monsieur le Président,

11 Madame et Monsieur les Juges, à l’importance de la

12 coordination et de la planification de ces efforts destinés

13 à cacher les faits, lorsque vous réfléchirez à ce qu’il a

14 fallu pour déterrer les corps et les réenterrer ailleurs,

15 il vous apparaîtra de façon manifeste que le Général Krstic

16 était au courant de tout puisqu’une telle opération

17 exigeait un soutien logistique important et une

18 planification importante.

19 Alors, Monsieur le Président, Madame et Monsieur

20 les Juges, puisque l’une des questions qui vous sera posée

21 au cours de ce procès consiste à se demander si les

22 exécutions ont existé, notamment celles dont il est

23 question au paragraphe 24 de l’acte d’accusation,

24 j’aimerais vous dire en quelques mots quels seront les

25 éléments de preuve que nous présenterons pour étayer

Page 483

1 chacune des allégations de l’acte d’accusation.

2 Parlons d’abord, Monsieur le Président, de

3 l’exécution qui s’est produite dans l’entrepôt de Kravica.

4 Cette exécution, comme le prouveront nos éléments

5 de preuve s’est déroulée le 13 juillet 1995. Kravica se

6 trouve ici. Lorsque la colonne est partie dans la

7 direction de Tuzla, elle a démarré dans le village de

8 Susnjari et s’est efforcée de prendre le chemin que je vous

9 indique ici à l’aide du pointeur.

10 La route que vous voyez ici est une route qui

11 était entourée par des éléments de la VRS, diverses unités,

12 et la colonne a éprouvé d’extrêmes difficultés pour

13 traverser ce rideau de fer ou d’acier. Plusieurs milliers

14 de bosniens musulmans se sont rendus à la VRS ici même sur

15 la route avant d’être rassemblés en divers sites et

16 notamment sur un stade de football.

17 Un grand nombre des personnes capturées après

18 s’être rendues ont été amenées dans un bâtiment agricole

19 que l’on trouve dans le village de Kravica et en ce lieu

20 particulier, les détenus ont été entassés les uns sur les

21 autres dans ce bâtiment de ferme. Donc, les bâtiments ont

22 été remplis et la chose faite, les soldats de la VRS ont

23 ouvert le feu sur les personnes qui se trouvaient à

24 l’intérieur des bâtiments.

25 Vous voyez sur le rétroprojecteur une partie de la

Page 484

1 façade du bâtiment dont je suis en train de parler et vous

2 y constaterez les traces de coups de feu, les traces qui

3 montrent que des mitrailleuses ont été utilisées contre le

4 bâtiment. Des grenades ont également été jetées à

5 l’intérieur du bâtiment et très peu des personnes entassées

6 à l’intérieur ont survécu.

7 Les quelques survivants qui existent hurlent pour

8 demander de l’aide. Les exécutions ont été sommaires dans

9 ce bâtiment mais trois personnes ont survécu. Deux d’entre

10 elles témoigneront devant vous au cours du procès.

11 Elles témoigneront entre autre chose du fait

12 qu’après les massacres, des matériels lourds, des

13 équipements lourds sont arrivés sur les lieux pour amener

14 les victimes, pour amener les corps sans vie jusqu’à un

15 lieu où ils devaient être enterrés et nombre de ces corps

16 ont été enterrés sur un site à Glogova que je vous montre

17 en ce moment.

18 Mais à ce moment-là, l’opération destinée à

19 masquer, à cacher les événements a commencé, en septembre

20 sans doute, et des corps enterrés à Glogova ont été exhumés

21 puis réenterrés à une grande distance de Glogova, cachés à

22 l’orée d’une forêt après avoir parcouru un long chemin sur

23 une route de montagne en un lieu appelé Zeleni Jadar où

24 cinq fosses ont été découvertes.

25 L’autre lieu dont j’aimerais vous parler, Monsieur

Page 485

1 le Président, Madame et Monsieur les Juges, se trouve à

2 Tisca que je vous montre actuellement avec le pointeur.

3 Tisca est un endroit où les autobus ont amené les

4 personnes originaires de l’enclave. Arrivés là, on a

5 ordonné aux personnes de quitter les autobus et elles ont

6 dû marcher à pied sur six kilomètres pour rejoindre le

7 territoire sous contrôle des musulmans de Bosnie. Mais

8 Tisca en fait était le point ultime où s’effectuait le tri

9 entre les hommes, les jeunes gens et les autres. C’est là

10 que les deux catégories ont été séparées à la sortie des

11 autobus. Les hommes ont été amenés dans une école, l’école

12 de Luka où ils ont été enfermés par la VRS, puis placés à

13 bord de camions pour être amenés jusqu’au site d’exécution.

14 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

15 Juges, vous entendrez le témoignage du seul survivant de

16 l’un de ces camions.

17 J’aimerais à présent vous parler d’un autre lieu :

18 Orahovac qui se trouve au nord de l’enclave. C’est un

19 petit village.

20 Le 14 juillet, nombre des hommes détenus à

21 Bratunac ont été transportés jusqu’à l’école située non

22 loin et enfermés dans les locaux de l’école. Ensuite, on

23 leur a mis un bandeau sur les yeux et on les a transportés

24 jusqu’au village de Orahovac où ils ont été sommairement

25 exécutés. Les membres de la Brigade de Zvornik ont

Page 486

1 participé à ces exécutions et ont enterré les victimes.

2 Nous vous présenterons des éléments de preuve de

3 médecine légale qui corroboreront le témoignage des

4 survivants. Nos éléments de preuve démontreront que cette

5 fosse commune a été exhumée et que les corps ont ensuite

6 été transportés vers différents sites secondaires situés le

7 long de la route de Hodzici.

8 Autre site dont je voudrais vous parler c’est

9 celui du barrage, autre site d’exécution massive. Ce

10 barrage se trouve non loin du village de Petkovci où le 14

11 juillet, des centaines de musulmans bosniens ont été

12 transportés pour être enfermés dans l’école de Petkovci, et

13 en ce lieu, nombre de ces musulmans ont été sommairement

14 exécutés.

15 Au cours de la soirée du 14 juillet et de la

16 matinée du 15 juillet, les soldats de la VRS ont transporté

17 ces personnes jusqu’au barrage pour les assassiner. Les

18 victimes ont été enterrées d’abord en un endroit, puis

19 ensuite réenterrées ailleurs dans une tentative pour cacher

20 le crime commis.

21 Nous allons, Monsieur le Président, Madame et

22 Monsieur les Juges, vous présenter le témoignage des

23 survivants de cette exécution et vous constaterez que le 15

24 juillet 1995, à 10 h 00 du matin, le Colonel Beara, chef de

25 la sécurité au grand quartier général, a parlé au Général

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1 Krstic par téléphone sur une ligne non-sécurisée.

2 Le Colonel Beara s’est plaint à l’accusé du fait

3 qu’il avait (je cite) : « 3 500 paquets à distribuer et

4 qu’il n’avait pas de solution. » (Fin de citation)

5 Le mot « paquets » était un mot de code signifiant

6 « musulmans bosniens » et le mot « distribuer » un autre

7 mot de code signifiant « assassiner ».

8 Il a demandé au Général Krstic des hommes pour

9 effectuer ce travail et le Général a essayé de l’aider.

10 Alors que cette conversation avait lieu, il y avait encore

11 des milliers de musulmans à exécuter.

12 Autre lieu dont nous parlerons, Monsieur le

13 Président, Madame et Monsieur les Juges, c’est la vallée de

14 la Cerska qui se trouve ici. Entre le 14 et le 21 juillet,

15 des exécutions de masse se sont produites à cet endroit

16 également.

17 Nous vous présenterons le témoignage d’une

18 personne qui avait fui avec la colonne avant de se cacher

19 dans les bois qui dominent le secteur de Cerska, et à un

20 certain moment dans la période que je suis en train de

21 décrire, il a vu arriver trois autobus remplies d’hommes

22 musulmans, des autobus qui longeaient la grande route et

23 qui se sont engagées ensuite dans une route plus petite qui

24 allait vers la vallée de la Cerska.

25 Derrières ces autobus se trouvaient des engins

Page 488

1 lourds, des engins d’équipement, et depuis l’endroit où cet

2 homme se trouvait, il a entendu des rafales d’armes

3 légères. Il est descendu de l’endroit où il se cachait et

4 a découvert un site d’exécution. Il nous a accompagnés

5 lorsque des fosses ont été exhumées sur ces lieux et 150

6 corps d’hommes âgés de 14 à 50 environ y ont été

7 découverts. Nombre de ces corps avaient les mains liées

8 avec du fil de fer.

9 Je vous présente ici, Monsieur le Président,

10 Madame et Monsieur les Juges, ce qui deviendra une pièce à

11 conviction au cours du procès, c’est-à-dire ces liens en

12 métal, et vous voyez ici sur la photographie que je vous

13 montre actuellement les poignets liés, les poignets ligotés

14 de cette personne dont le corps a été trouvé sur le site de

15 la vallée de la Cerska.

16 Nous parlerons aussi, Monsieur le Président,

17 Madame et Monsieur les Juges, des exécutions qui se sont

18 déroulées à l’école de Pilica, au centre culturel de Pilica

19 et à la ferme de Branjevo. Vous le voyez, ces endroits se

20 situent à l’extrémité nord de l’enclave.

21 Ces tueries qui eurent lieu à l’école de Pilica se

22 sont produites entre le 14 et le 16 juillet. Les meurtres

23 qui furent commis à la ferme militaire de Branjevo et au

24 centre culturel de Pilica, eux se sont produits le 16

25 juillet 1995.

Page 489

1 Nous allons apporter la preuve du fait que ces

2 exécutions ont eu lieu, ont bien eu lieu, et ceci par le

3 biais des témoignages des rares survivants qui ont pu se

4 frayer un passage vers la liberté après ces exécutions et

5 nous vous soumettrons aussi les éléments de preuve de

6 médecine légale à l’appui de ces témoignages.

7 Nous vous présenterons également le témoignage de

8 Drazen Erdemovic, membre du 10e Détachement de Sabotage qui

9 a participé à ces exécutions. Il fut également témoin des

10 tueries commises au centre culturel de Pilica. Monsieur

11 Erdemovic a été déclaré coupable par ce Tribunal et il a

12 été condamné pour sa participation à ces événements.

13 Ces fosses communes trouvées à ces endroits où

14 eurent lieu les tueries firent l’objet elles aussi

15 d’exhumations, en septembre je crois. Je crois que les

16 restes des victimes se trouvant à la ferme militaire de

17 Branjevo furent enterrées le long de la route de Cancari

18 tout à fait au sud.

19 Après les exécutions faites à la ferme de Pilica

20 et au centre culturel, nous montrerons que le Lieutenant-

21 Colonel Popovic, commandant adjoint de Krstic, responsable

22 de la sécurité, a appelé le quartier général du Corps de la

23 Drina et a demandé à parler à l’accusé, mais l’accusé

24 n’était pas présent et Popovic a laissé un message à son

25 attention disant qu’il avait terminé le travail.

Page 490

1 Je vais enfin vous parler d’une exécution en masse

2 qui s’est produite à Kozluk. Je vais vous situer cet

3 endroit sur la carte. À l’endroit où eut lieu cette

4 exécution en masse, on se trouve à un kilomètre à peine du

5 quartier général des Loups de la Drina, une unité

6 subordonnée au Corps de la Drina, subordonnée au Général

7 Krstic.

8 À cet endroit, Madame et Messieurs les Juges, des

9 centaines de musulmans ont été sommairement exécutés. Ils

10 y furent enterrés et je vous ai montré deux vues agrandies

11 de ce lieu où s’est produit l’exécution.

12 En septembre, la VRS est retournée sur les lieux

13 pour déterrer certains de ces corps et pour les enterrer à

14 un autre endroit, à Kozluk. Lorsque nous avons procédé à

15 une enquête et à une exhumation sur ces lieux, nous avons

16 trouvé les restes de 340 personnes dont la plupart étaient

17 attachées par divers liens. Les restes de 158 victimes qui

18 ont péri dans ces tueries furent trouvés dans une fosse

19 secondaire le long de la route de Cancari.

20 Madame et Messieurs les Juges, j’en ai terminé de

21 mes déclarations liminaires.

22 Je dirais en guise de conclusion que le Bureau du

23 Procureur va vous apporter des éléments de preuve qui

24 feront la preuve au-delà de tout doute raisonnable de ce

25 que ces crimes visés à l’acte d’accusation ont vu la

Page 491

1 participation pour chacun d’entre eux du Général Krstic.

2 Je vous remercie.

3 M. LE PRÉSIDENT : Merci, Monsieur Harmon.

4 Nous allons avoir une pause d’une demi-heure pour

5 que le Procureur puisse se préparer pour présenter ses

6 moyens de preuve à charge. Donc, nous serons ici à 11 h

7 30.

8 --- Suspension de l’audience à 11 h 00

9 --- Reprise de l’audience à 11 h 34

10 M. LE PRÉSIDENT : Vous m’entendez bien, Général

11 Krstic, maintenant ? Vous m’entendez ? O.K.

12 Donc, nous allons maintenant, aux termes de

13 l’Article 85, commencer la présentation des moyens de

14 preuve à charge par le Procureur.

15 Donc, Monsieur Harmon, vous avez la parole, s’il

16 vous plaît.

17 Me HARMON (interprétation) : Je vous remercie,

18 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.

19 J’aimerais appeler à la barre Monsieur Jean-René

20 Ruez.

21 [Le témoin entre dans la Cour]

22 M. LE PRÉSIDENT : [Hors microphone] …que

23 l’huissier va tendre, s’il vous plaît.

24 LE TÉMOIN : Je vous entends, Monsieur le

25 Président, mais je vais témoigner en langue anglaise.

Page 492

1 M. LE PRÉSIDENT : Très bien ! C’est une langue

2 officielle du Tribunal.

3 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare

4 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

5 rien que la vérité.

6 M. LE PRÉSIDENT : Veuillez vous asseoir.

7 Donc, je crois que vous êtes habitué à cette

8 procédure, mais de toute façon, vous allez maintenant

9 répondre aux questions que Monsieur Harmon va vous poser et

10 après, vous répondrez aux questions que la Défense va vous

11 poser.

12 Maintenant, vous pouvez vous sentir à l’aise.

13 Vous êtes chez nous.

14 Donc, vas-y, Monsieur Harmon.

15 Me HARMON (interprétation) : Merci.

16 TÉMOIN : JEAN-RENÉ RUEZ

17 (ASSERMENTÉ)

18 INTERROGÉ PAR Me HARMON

19 (interprétation) :

20 Q. Bonjour, Monsieur Ruez.

21 R. Bonjour.

22 Q. Pourriez-vous donner votre nom ?

23 R. Je m’appelle Jean-René Ruez, R-U-E-Z.

24 Q. Monsieur Ruez, quelle est votre occupation

25 présente ?

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1 R. Je suis un chef d’équipe des enquêteurs au

2 TPI et je suis arrivé au Tribunal au mois d’avril 1995 et

3 je m’occupais de l’enquête à l’époque, et maintenant,

4 depuis 1997, je suis officiellement nommé chef d’équipe.

5 Q. Depuis que vous travaillez au Tribunal, le

6 Bureau du Procureur travaille exclusivement sur l’enquête,

7 vous avez travaillé exclusivement sur l’enquête de

8 Srebrenica ?

9 R. Oui. Nous travaillons depuis 1995 sur ce

10 sujet. La première mission sur le territoire était le 20

11 juin 1995 et nous sommes arrivés là le 1er juillet 1995.

12 Q. Monsieur Ruez, à votre droite, vous avez la

13 pièce 2. Pourriez-vous d’abord identifier la map et

14 expliquer aux Juges de quelle façon vous vous êtes procuré

15 cette map ?

16 R. Ça fait partie des documents qui ont été

17 saisis à la brigade de Zvornik au mois de janvier 1998.

18 Elle fait partie de plusieurs documents qui ont été saisis

19 lors de la perquisition des quartiers généraux, et donc, ça

20 représente la description des opérations militaires telles

21 que vue par les gens qui l’ont faite.

22 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, vous

23 approcher de la carte avec un pointeur et expliquer les

24 diverses caractéristiques de cette map ?

25 R. D’abord et avant tout, cette carte n’est pas

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1 une carte opérationnelle utilisée pendant les opérations.

2 Elle a été faite ou confectionnée par la suite pour

3 démontrer le résultat du point de vue militaire.

4 Les éléments importants sur cette carte sont ceux

5 où l’on voit l’attaque qui vient du sud de l’enclave.

6 Telles qu’on les connaît, les premières opérations

7 militaires conduites ont eu lieu au sud. Cette carte

8 confirme cet élément.

9 Les flèches démontrent la pénétration des forces

10 serbes à l’intérieur de Srebrenica et la prise de postes

11 d’observation. Je ne vais pas parler de ce point

12 maintenant. Les analystes militaires vont témoigner à cet

13 effet plus tard lors de ce procès, incluant les

14 peacekeepers néerlandais qui étaient présents sur place à

15 l’époque.

16 Alors, ça démontre qu’à ce moment-là, ils sont

17 entrés à Srebrenica. L’opération s’arrête ici [indication

18 du témoin] et par la suite, d’autres forces sont arrivées

19 et se sont introduites du nord de Bratunac et ont pénétré

20 l’enclave et elles sont arrivées à Potocari.

21 Les éléments qui peuvent être vus, on peut voir

22 qu’il y a eu une activité militaire faite dans le sud-ouest

23 de l’enclave qui s’appelle le triangle de Bandera et on

24 pourra voir les comptes-rendus journaliers ou quotidiens de

25 la FORPRONU de l’époque. Il y a eu une lutte très

Page 495

1 puissante qui avait lieu à cet endroit de l’enclave qui

2 constitue le triangle de Bandera.

3 Nous pouvons également voir une concentration de

4 réfugiés et de personnes militaires, d’officiers militaires

5 qui ont essayé de fuir l’enclave et qui ont commencé à se

6 rassembler vers 11 h 00 du soir dans le territoire du nord-

7 ouest de l’enclave qui représente la partie de Susnjari et

8 qui se trouve dans le petit hameau.

9 Le 11 juillet, effectivement, la population a

10 compris que l’enclave tombera et a pris un cours d’actions

11 spécifiques. Les femmes, les enfants et les personnes

12 âgées mais également un nombre d’hommes avaient décidé de

13 prendre la chance de faire face aux Serbes de Bosnie qui

14 allaient entrer dans ce territoire et ils pensaient que

15 puisqu’ils n’avaient rien à cacher, ils ne seraient pas

16 blessés, mais effectivement, c’était une mauvaise décision

17 à l’époque.

18 Tous ceux qui n’ont pas voulu faire face au risque

19 d’être capturés ont décidé de fuir, et après les

20 instructions qui leur disaient de suivre la ligne

21 électrique que l’on peut voir sur le chemin entre Bratunac

22 et Konjevici, dans cette intersection-ci, ils ont décidé

23 d’aller à l’intérieur du pays, de prendre la direction des

24 montagnes et de se diriger vers le nord.

25 Ce sont tous les éléments que nous avons trouvés

Page 496

1 ou que nous avons entendus des témoins et maintenant, ils

2 sont confirmés par cette carte opérationnelle. Cette carte

3 n’est pas très précise. Les flèches ici démontrent une

4 ligne droite entre Susnjari et le carrefour de Konjevici et

5 en réalité, c’était un peu différent.

6 D’abord, les gens ont pris la direction du nord-

7 ouest et marchaient plus près des montagnes qui longent

8 cette route asphaltée, mais on ne voit pas très bien ça sur

9 la carte. Nous allons voir ça plus tard.

10 Un détail très important indiqué sur cette carte,

11 c’est la position de blocage que la police serbe a mise sur

12 place. C’est l’endroit qui s’appelle Konjevic Polje se

13 trouvant exactement ici et Nova Kasaba. C’est une petite

14 ville qui se trouve un petit peu plus au sud.

15 Le 12 juillet, lorsque l’armée des Serbes de

16 Bosnie a réalisé ou a compris ce qui arrivait, c’est qu’il

17 y avait une colonne d’hommes qui essayait de fuir la zone

18 et de prendre cette direction, initialement, il y avait cet

19 élément de surprise. Bien sûr, il n’y avait pas de

20 possibilité de [hors microphone] …contre cette colonne.

21 Une partie de cette colonne était armée. Le premier groupe

22 était organisé en brigades.

23 Des forces à l’intérieur de Srebrenica étaient

24 très structurées et ils ont recréé des brigades au moment

25 où ils étaient assemblés, ceux qui avaient des armes parce

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1 que les hommes en fait marchaient devant, précédaient le

2 reste. Donc, la position a été mise en place. L’armée a

3 réussi de passer. Quand je dis l’armée, je veux dire ceux

4 qui portaient des armes et ceux qui étaient avec eux et

5 quand ces gens-là ont pu passer, cette route était

6 complètement bloquée et personne ne pouvait plus passer.

7 Par la suite, nous pouvons voir sur la carte la

8 route prise par les gens pour aller vers la montagne de

9 Dovodici (ph.). Ce n’est pas encore très précis parce

10 qu’en réalité, elle se trouve en ligne directe plus haut de

11 Subovici(ph.). C’est une montagne de 20 mètres de hauteur

12 et c’est une partie très difficile à marcher.

13 Ici, nous pouvons voir les combats qui ont eu

14 lieu.

15 L’INTERPRÈTE : Désolée, le micro.

16 R. [Non interprété]

17 M. LE PRÉSIDENT : Une minute, 1,20.

18 R. Je disais que la carte n’est pas tout à fait

19 précise ici parce que nous voyons la flèche qui monte

20 directement vers la montagne de Udrc, qui n’est pas en fait

21 réaliste. C’est une montagne très difficile et très haute.

22 Le mouvement était moins précis qu’ici. Bon, elle

23 contournait d’ailleurs, mais une fois que les gens sont

24 arrivés dans cette zone qui se trouve au sud-ouest de

25 Zvornik, les embuscades ont été montées pour bloquer cette

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1 colonne d’hommes mais ces embuscades n’étaient pas très

2 réussies.

3 En fait, la colonne a pu passer à travers, ils ont

4 pu capturer certains équipements et ils ont acquis des

5 mortiers, des fusils et ils ont également pu capturer des

6 prisonniers serbes. J’en parlerai plus en détail plus tard

7 mais ce n’est pas vraiment le point crucial de notre

8 enquête en fait, mais j’en parlerai plus tard.

9 Ce qui est très important c’est que le 16 juin

10 1995, nous pouvons voir que la colonne… le 16 juillet

11 (l’interprète se reprend), a pu passer à travers. En fait,

12 il y a eu une entente qu’on laisserait la colonne passer,

13 mais très brièvement ou très rapidement, cette entente a

14 été annulée. Donc, un combat a eu lieu pour passer à

15 travers les lignes de Serbie.

16 Un point important ici c’est que le 14 juillet, en

17 fait à partir du 13 juillet, l’armée serbe de Bosnie s’est

18 rendu compte que cette colonne en fait représentait une

19 menace importante pour la ville de Zvornik et la raison

20 pour ceci était que toutes les forces, enfin les forces

21 principales dans cette zone qui allaient vers Srebrenica

22 pour mener l’opération de Srebrenica, donc, il y avait une

23 décision qui a été prise de mobiliser tous les hommes en

24 âge de porter des armes et tous les gens qui représentaient

25 un [hors microphone] …policier pour sécuriser la zone de

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1 Zvornik.

2 Le point très important ici, et vous allez voir

3 lorsqu’on ira sur l’autre carte, c’est que cette zone ici

4 se trouve très près de l’endroit où nous avons des centres

5 de détention et des centres d’exécution, mais ces sites ne

6 sont pas à jour, ne sont pas liés avec l’opération, et

7 donc, cette partie n’est pas liée aux activités de combats,

8 mais ça a eu lieu tout près de l’endroit en question.

9 Donc, c’est tout ce que j’aurais à vous dire sur

10 cette carte à ce moment-ci.

11 Me HARMON (interprétation) :

12 Q. Donc, est-ce que cela indique en fait les

13 frontières et les possibilités de l’élément critique ?

14 R. Oui, bien sûr.

15 Q. C’est une zone de responsabilité du corps de

16 la Drina ?

17 R. Oui. C’est que ce sont les limites précises

18 du Corps de Drina. Cette carte démarque au nord la limite

19 du corps qui se trouve ici au nord et vous allez voir que

20 les scènes de crime identifiées que nous avons au nord de

21 notre carte, c’est cette région de Pilica, ce qui

22 représente cette zone-ci, donc juste un peu au nord, à la

23 frontière nord du corps de Drina. Donc, tout est à

24 l’intérieur de ces limites.

25 Me HARMON (interprétation) : Si nous pouvions

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1 avoir l’assistance du huissier, j’aimerais avoir, s’il vous

2 plaît, la deuxième pièce à conviction, donc la pièce 2.

3 Ce que vous voyez là, Messieurs et Madame les

4 Juges, est une carte que j’ai indiquée lors de ma

5 déclaration liminaire, que j’ai cotée comme pièce à

6 conviction I.

7 Q. Ce que j’aimerais que vous fassiez, Monsieur

8 Ruez, c’est de nous raconter en bref les événements

9 principaux que vous avez faits lors de votre enquête, et en

10 vous servant de cette pièce à conviction, pourriez-vous

11 nous expliquer, si ça ne vous dérange pas de vous lever et

12 de pointer donc avec le pointeur ?

13 Me HARMON (interprétation) : Monsieur le

14 Président, Madame et Monsieur les Juges, nous avons une

15 légende que nous allons vous donner et c’est la pièce à

16 conviction cotée 1E bis. Nous n’avons pas une copie pour

17 l’instant pour vous, Messieurs et Madame les Juges, mais

18 nous vous la donnerons plus tard.

19 R. Ici, c’est la carte qui représente la vue que

20 nous avons des événements du point de vue de l’enquête.

21 Les couleurs sont très importantes à comprendre pour ces

22 endroits. Les triangles représentent les zones où les

23 prisonniers étaient concentrés. Les triangles rouges sont

24 indiqués comme petits sites d’exécution, et en fait ce que

25 nous parlons, de petits sites, de petits lieux d’exécution

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1 dans cet environnement représentent environ moins de 100

2 personnes, donc des sites où on a exécuté moins de 100

3 personnes.

4 Les cercles rouges représentent les sites

5 d’exécution de masse et nous avons également les cercles

6 jaunes qui indiquent les endroits où les fosses communes

7 peuvent être trouvées. Nous les appelons fosses communes

8 primaires ou non déterrées. Donc, les jaunes avec une

9 croix par-dessus représentent des masses, des fosses

10 communes mais déterrées.

11 Donc, le résultat de cette opération est la

12 création des sites de fosses communes secondaires

13 éparpillées sur le territoire. Nous en avons retrouvé

14 quelques-unes, mais nous n’avons pas été en mesure de

15 démontrer exactement combien de personnes ont été

16 massacrées durant cette opération. Je vais en parler plus

17 tard plus en détail.

18 Donc en se basant sur cette carte, la

19 reconstruction des événements est telle que je l’ai dit :

20 c’est que les gens de l’enclave ont pris deux cours

21 d’actions. Ceux qui ont décidé de fuir vers Potocari et de

22 chercher la protection des Nations Unies, ces gens-là se

23 sont dirigés vers Potocari. L’évacuation de ce groupe a

24 débuté en juillet, le 12 juillet, après des rencontres qui

25 ont eu lieu à Bratunac entre le Général Mladic et les

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1 membres de son état-major. Nous avons commencé le 12…

2 donc, le Général Mladic et les représentants de son état-

3 major.

4 Les gens… Donc, pour pouvoir en arriver à la

5 ligne de confrontation avant Kladanj, le dernier arrêt se

6 trouvait ici dans cette zone-ci [indication du témoin] et

7 les gens devaient marcher à travers un canyon vers Kladanj

8 qui à l’époque était sous le contrôle des forces bosniennes

9 ici [indication du témoin].

10 Par la suite, beaucoup d’autres opérations ont eu

11 lieu. Il y avait des barrages routiers le long de la route

12 et les gens essayaient de fuir. Les représentants de l’ONU

13 ont essayé de suivre les convois pour s’assurer que tout

14 aille bien. Les personnes des Nations Unies, on leur a

15 enlevé leurs équipements et ils n’ont pas pu comprendre

16 exactement ce qui arrivait.

17 Nous avons plusieurs témoins qui peuvent témoigner

18 à l’effet que les soldats vérifiaient le contenu des

19 autobus et sortaient des hommes et des jeunes garçons qui

20 étaient là. Alors, les femmes vous diront qu’elles

21 devaient habiller des petits garçons comme filles pour

22 s’assurer que les petits garçons ne seraient pas enlevés

23 des autobus.

24 Quelques-uns ont réussi de monter à bord de ces

25 autobus et d’aller vers Kladanj au début de l’opération en

Page 503

1 fait mais plus on se dirige profondément dans l’opération,

2 plus on peut voir que de moins en moins d’hommes pouvaient

3 fuir ou se trouvaient dans cette opération.

4 Les hommes qui ont essayé d’embarquer à bord de

5 l’autobus à Potocari ont eu un traitement particulier. Ils

6 ont été séparés quand ils ont essayé de monter à bord et

7 ont été pris à un endroit spécifique à Potocari qu’on

8 appelle la maison blanche.

9 À l’intérieur de cette maison blanche, les gens

10 étaient entassés les uns sur les autres et il y avait un

11 grand nombre de personnes, des autobus attendaient pour les

12 emmener. Ces gens-là ont été emmenés avec ces autobus

13 particuliers, ils ont été emmenés à Bratunac.

14 À Bratunac, on les gardait dans des lieux

15 différents et ça pouvait durer deux jours de l’évacuation,

16 donc le 12 et le 13. Donc, l’évacuation a duré pendant

17 deux jours, le 12 et le 13.

18 Nous connaissons ceci d’un homme qui a pu

19 survivre, d’un survivant à l’exécution. Donc, nous

20 connaissons cette information de lui, mais nous savons

21 qu’il y a un grand nombre d’hommes qui se trouvaient à

22 Bratunac et il faudra revenir à Bratunac plus tard puisque

23 Bratunac en fait était devenue une zone de concentration

24 principale pour tous les prisonniers capturés dans cette

25 partie du territoire.

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1 Ceux qui ont essayé de s’enfuir vers les bois,

2 environ 15 000 personnes… on ne peut pas être plus précis

3 que cela. C’est le nombre en fait donné par presque toutes

4 les personnes qui étaient présentes à l’époque et donc on

5 ne peut pas vraiment vous donner le chiffre total. On ne

6 peut pas. C’est très difficile de faire une évaluation de

7 chiffre, mais nous allons garder ce chiffre général comme

8 point de repère, mais lorsqu’on parle de 25 000 personnes

9 qui étaient enlevées de la gorge et ont été emmenées en

10 autobus vers Kladanj, ce nombre, en fait ce chiffre est

11 difficile à confirmer.

12 La fuite vers les bois a commencé le soir et s’est

13 poursuivie pendant la nuit. Les gens attendaient la nuit

14 pour essayer de s’enfuir et ils ont dû traverser les champs

15 miniers vers l’enclave. Alors, ils devaient d’abord ouvrir

16 un petit passage d’un mètre à travers ces champs miniers et

17 c’était un très long processus d’essayer… et donc, ils

18 devaient passer par ici [indication du témoin] vers midi…

19 le soir.

20 M. LE PRÉSIDENT : Il serait convenable de dire le

21 nom des villages qui sont dans la map au lieu de dire

22 « ici », dire le nom parce que comme vous savez, il y a le

23 compte-rendu et une chose, c’est de voir maintenant que

24 nous avons la map, mais une autre chose, c’est de voir

25 quand nous n’avons pas la map. Donc, peut-être je crois

Page 505

1 que ça serait bien d’indiquer et de dire les noms des

2 villages, je crois, pour la bonne conduite des choses.

3 Merci beaucoup.

4 R. Tout à fait. Vers midi, une partie de la

5 colonne avait déjà rejoint la zone de Konjevic Polje tandis

6 que les autres se trouvaient encore éparpillés le long de

7 l’orée des collines qui se trouvent le long de la route

8 asphaltée entre Bratunac et Konjevic Polje qui se trouve

9 dans la zone au sud de Kravica.

10 Plusieurs embuscades ont été placées le long de la

11 route et le pilonnage a été fait également. L’embuscade

12 principale a eu lieu le 12 dans l’après-midi ou vers la fin

13 de l’après-midi juste au sud du village de Kravica, dans un

14 endroit qu’on appelle Kamenica puisqu’il y a un petit

15 hameau qui s’appelle Kamenica.

16 Alors, cela pourrait créer une confusion. C’est

17 Kamenica, en fait. Nous allons appeler cette zone Cancari

18 parce que Kamenica pourrait créer une certaine confusion

19 chez certaines personnes.

20 Après cette embuscade, la panique s’est installée

21 parmi les personnes qui essayaient de s’enfuir. La plupart

22 de ces personnes ne savaient pas très bien… la plupart des

23 réfugiés qui étaient dans l’enclave de Srebrenica n’étaient

24 pas originaires de Srebrenica.

25 La population se trouvant à l’intérieur de

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1 l’enclave, c’était des personnes qui étaient ethniquement

2 nettoyées en 1992 et venaient de Bijeljina, de Zvornik, de

3 Vlasenica et de d’autres municipalités entourantes. Donc,

4 ils ne connaissaient pas très bien la zone. C’est la

5 raison pour laquelle ils avaient l’idée de suivre la ligne

6 électrique.

7 C’est la raison pour laquelle ces gens-là ne

8 savaient pas où aller et les forces serbes ont commencé à

9 infiltrer la colonne. Les gens ont commencé à parler du

10 fait que les blessés étaient tués, personne ne faisait plus

11 confiance à personne. À un certain moment donné, les gens

12 avaient commencé à s’entre-tuer pensant qu’ils étaient

13 confrontés aux ennemis.

14 Donc, une panique énorme s’en est suivie et la

15 conséquence de cela était que le 13 au matin, tous ces gens

16 ont décidé de se livrer. Bon nombre de personnes ont

17 essayé de les empêcher de faire et il y a des témoins qui

18 disaient qu’au moment de la livraison, lorsque les gens se

19 rendaient, ils étaient exécutés sur-le-champ.

20 Donc, c’était soit des groupes de deux ou trois

21 personnes ou des exécutions individuelles, mais la décision

22 était faite par un mouvement massif du désir de se livrer,

23 et donc le matin, les gens se sont présentés dans la vallée

24 et se sont rendus dans la zone de Sandici. Alors, une zone

25 qui s’appelle Lolici est également… a eu lieu, mais ce

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1 n’est pas indiqué sur la carte ici.

2 Le 12 au soir, j’ai également mentionné que la

3 colonne, en fait le point principal, la tête de la colonne

4 a réussi à percer les lignes, mais le reste de la colonne

5 était piégé derrière. Donc, nous avons une partie de

6 Konjevic Polje [inaudible] et nous avons Konjevic Polje où

7 les gens se rendaient. Donc, nous avons donc le 13 du

8 matin, les gens qui étaient assemblés sur les prairies de

9 Sandici et d’autres se trouvaient sur le soccer field à

10 Nova Kasaba.

11 On peut également dire que ce mouvement de

12 reddition était encouragé par l’illusion que la protection

13 sera donnée à ceux qui se livrent ou se rendent. Donc, les

14 forces serbes étaient présentes et les gens qui ont pris

15 donc l’équipement du personnel, des personnes de l’ONU ont

16 pris cet équipement et leur ont fait accroire qu’ils

17 seraient sous la protection de la FORPRONU.

18 Les soldats portaient donc des casques bleus.

19 Donc, il y avait des soldats qui se servaient de

20 l’équipement des personnes de l’ONU. Donc, ça a donné

21 l’impression aux gens qu’ils étaient protégés par l’ONU,

22 mais donc, les soldats criaient, donnaient des messages ou

23 criaient des messages à travers les mégaphones disant aux

24 gens de se livrer et qu’ils seraient sous la protection de

25 la Croix-Rouge Internationale qui était présente sur place.

Page 508

1 Le sort de ceux qui se trouvaient sur ces prés est

2 que la plupart de ces gens-là ont été mis dans des camions,

3 des autobus et ils ont été emmenés vers Bratunac, mais il y

4 a eu quelques exceptions. Le 13, un grand nombre de

5 prisonniers a été assemblé sur les prairies de Sandici et

6 il y a quelqu’un qui a donné un petit discours aux

7 prisonniers. Ensuite, ils ont quitté l’endroit.

8 Peu de temps après, le premier groupe a été pris

9 et a été emmené à bord d’autobus et ils ont été emmenés

10 vers Kravica. Alors, c’est à ce moment-là qu’on les a mis

11 dans une ferme, sur une ferme. On les a placés sur une

12 ferme, c’est-à-dire dans un grand entrepôt fermier et les

13 gens étaient emmenés là.

14 Nous allons en parler en détail plus tard, mais

15 une fois que les gens se sont trouvés à l’intérieur de

16 cette ferme, de cet entrepôt, les gens qui les gardaient

17 ont commencé à ouvrir le feu et à lancer des grenades à

18 l’intérieur de cet entrepôt fermier et les gens qui s’y

19 trouvaient ont été tués mais pas tous puisque nous avons

20 quand même quelques survivants de cette exécution.

21 La plupart de ces exécutions à petites échelles se

22 trouvaient dans les environs qui ne sont même pas indiqués

23 sur cette carte. Les témoins viendront nous en parler plus

24 longuement plus tard.

25 M. LE PRÉSIDENT : C’est nécessaire de penser

Page 509

1 toujours qu’entre vous et nous, il y a des interprètes et

2 donc il faut ralentir un peu, s’il vous plaît.

3 R. L’exercice est très difficile. C’est que

4 malheureusement, je suis habitué à parler rapidement. Je

5 suis désolé.

6 La situation du soccer field à Nova Kasaba… donc,

7 la situation (l’interprète se reprend) sur le terrain de

8 football de Nova Kasaba c’est qu’il y a eu des exécutions

9 faites sur le terrain. Les prisonniers étaient assemblés

10 ici [indication du témoin] et ils ont été transportés vers

11 Bratunac.

12 Donc, le 13 juillet, Bratunac commençait à se

13 remplir par ces prisonniers et bon nombre d’immeubles ont

14 été utilisés. L’école Vuk Karadzic a été utilisée. Une

15 vieille école qui se trouvait derrière l’école Vuk Karadzic

16 a été utilisée également, un hangar qui n’est pas encore

17 identifié, mais l’enquête se poursuit encore pour

18 déterminer lequel il était. Donc, l’entrepôt était donc

19 utilisé également et il semble également que les

20 installations qui étaient disponibles étaient remplies de

21 personnes et plusieurs témoins peuvent nous expliquer que

22 les autobus et les camions attendaient en ligne. Ils

23 étaient pleins de prisonniers, ils attendaient devant à la

24 ville de Bratunac.

25 Nous allons en parler plus tard, mais nous avons

Page 510

1 donc un convoi de camions qui attendait devant le garage et

2 un autre convoi de camion qui attendait devant l’école de

3 Vuk Karadzic et un autre convoi de camions qui attendait

4 dans les environs de Bratunac, la ville, donc dans la

5 périphérie de la ville de Bratunac, à l’ouest.

6 Pendant ces journées-là, le 12 et le 13, la

7 déportation de la population à l’intérieur de l’enclave se

8 poursuivait. Donc, vous aviez un mouvement d’autobus qui

9 allait vers Kladanj, mais il y avait également des autobus

10 et des camions qui allaient vers Bratunac.

11 Les hommes qui étaient séparés ont quitté les

12 points de contrôle et il y a un endroit, il y a un petit

13 endroit qui s’appelait Luke. À partir de là, le 13 au

14 soir, ce processus a pu avoir lieu à plusieurs reprises,

15 mais nous ne connaissons que le processus… enfin, nous

16 allons parler d’un puisqu’il y a un témoin qui a survécu.

17 Donc, les hommes ont été emmenés à bord d’autobus ou de

18 camions. Ils ont été emmenés vers Vlasenica. À partir de

19 là, ils ont dû se diriger au nord de Vlasenica dans une

20 zone… Vlasenica, pardon (l’interprète se reprend) et c’est

21 à cet endroit-là, à Vlasenica, que les gens se sont

22 exécutés. Nous n’avons pas encore trouvé le lieu exact où

23 l’exécution a eu lieu.

24 Nous avons également des témoignages de témoins

25 qui étaient sur les collines de Konjevic Polje

Page 511

1 qu’effectivement, les gens capturés qui se sont livrés

2 étaient exécutés dans cette zone, mais nous parlons d’un,

3 deux ou trois corps mais nous n’avons jamais trouvé ces

4 endroits et nous n’allons pas non plus les trouver plus

5 tard, mais les endroits principaux ont été trouvés et il y

6 a un témoin qui parle d’une exécution massive qui a eu lieu

7 mais ce n’est pas exactement ce dont je vais parler plus

8 tard mais on parle de trois groupes de prisonniers, un

9 groupe de 30, un autre groupe d’hommes et ils ont parlé de

10 comment les gens ont été tués sur les lieux.

11 Il y a une date qui est un peu difficile à fixer,

12 mais lors du témoignage du témoin, nous allons peut-être

13 pouvoir avoir la date exacte, mais plusieurs témoins

14 parlent d’un événement qui a eu lieu dans la vallée de

15 Cerska. Je vais donner les détails de cela un petit peu

16 plus tard lorsque j’en parlerai plus en précisions, mais

17 nous avons un site d’exécution d’environ 150 personnes dans

18 la vallée de Cerska. Elles ont été transportées par

19 autobus vers la vallée et c’est là qu’elles ont été tuées.

20 Je vais vous donner les détails de cette exécution plus

21 tard.

22 Nous avons également une petite exécution de 16

23 personnes qui a eu lieu au carrefour de la rivière de Jadar

24 et Drljaca.

25 La situation pendant la nuit du 13 au 14 à

Page 512

1 Bratunac était la préparation de l’évacuation de tous ces

2 prisonniers vers d’autres endroits. Nous avons diverses

3 versions de ce qui s’est passé à ce moment-là. Je dois

4 admettre que c’est un peu difficile pour nous de vous

5 donner tous les détails en ce moment puisque l’enquête

6 finalement est encore en cours et qu’en ce moment, nous

7 sommes en contact avec les témoins de tous les sites et

8 nous sommes encore en train de recueillir l’information de

9 ces témoins.

10 Donc, tout ce que nous disons pendant ces

11 procédures aide énormément les gens qui essaient de trouver

12 exactement ce qui est arrivé, quels étaient leurs rôles et

13 leurs implications lors de ces événements.

14 Toujours est-il que ce qu’on peut dire sur

15 Bratunac c’est que les versions données par les témoins qui

16 s’y trouvaient c’est qu’il y avait une peur que la ville

17 serait capturée par tous ces prisonniers qui se trouvaient

18 à l’intérieur de la ville de Bratunac. La raison est qu’il

19 n’y avait pas de présence de militaires dans la ville.

20 Donc, c’est la raison pour laquelle les

21 prisonniers devaient être gardés par les personnes âgées et

22 par les enfants qui portaient les armes et il y avait donc

23 une peur qu’on allait se venger sur eux. Donc, ils ont

24 justifié de cette façon-là le besoin d’évacuer la ville.

25 En réalité, ce qui est arrivé concernant cette

Page 513

1 évacuation c’est que le 14, aux petites heures du matin, un

2 premier convoi de prisonniers a quitté la ville de

3 Bratunac. Ce convoi n’avait pas pris la route vers

4 Konjevic Polje et la route asphaltée probablement parce

5 qu’il y avait encore des activités, des combats qui avaient

6 lieu sur cette route. Donc, le convoi a pris la route au

7 nord de Bratunac et a ensuite rejoint la route qui mène

8 vers Zvornik.

9 Donc, il y avait une promesse en fait d’échanges

10 qui avait été faite la journée qui a précédé le 12 au soir

11 par le Général Mladic qui est allé visiter certains de ces

12 sites et a dit aux prisonniers qu’ils n’avaient pas besoin

13 d’avoir peur et que plus tard, ils seraient échangés.

14 Donc en fait ces prisonniers, ils ne pensaient pas

15 que cela allait arriver puisqu’ils ont pris la direction de

16 Zvornik. Ils se dirigent vers Zvornik et ils arrivent à

17 Karakaj et là ils tournent à gauche pour prendre la route

18 asphaltée qui mène vers Tuzla.

19 Ils arrivent à un carrefour qui est un carrefour

20 qui mène vers un village qui, à l’époque, était

21 complètement détruit. C’est le village de Kriljevici qui

22 n’est pas indiqué ici sur cette carte. Ils se sont donc

23 arrêtés et les gens sont sortis des autobus.

24 Tous les prisonniers devaient entrer dans une

25 école et pendant cette journée-là, les gens arrivaient de

Page 514

1 Bratunac et les prisonniers entraient dans cette école et

2 se dirigeaient vers la salle à Grbavci et plus tard, le

3 Général Mladic est venu dans cette école et il a donné un

4 discours aux prisonniers.

5 Après son départ, les prisonniers sont sortis du

6 gymnase de l’école et ils ont été emmenés par petits

7 groupes dans des petits camions TAM – c’est une marque de

8 camions – et ils ont été emmenés vers un champ où un

9 escadron d’exécution les attendait, une escouade

10 d’exécution les attendait… pardon, un peloton d’exécution

11 les attendait et les a tués (l’interprète se reprend) et

12 ils sont exécutés sur le site qui s’appelle Orahovac.

13 Cette même journée, le 14 juillet, au même moment,

14 probablement simultanément, d’autres convois de camions et

15 de bus remplis de prisonniers quittent la ville de

16 Bratunac. Ils prennent la même direction vers Zvornik.

17 Ils passent Karakaj et ils tournent à gauche vers un

18 endroit qui s’appelle Petkovci.

19 Il y a donc une école qui s’y trouve également.

20 Il n’y a pas de salle de gymnastique, il n’y a pas de

21 gymnase à l’intérieur de cette école, mais les prisonniers

22 ont été mis dans des classes, dans des salles de classes.

23 Quand ces classes étaient remplies, nous avons des

24 témoignages de témoins qui disent qu’ils pensaient que le

25 premier étage était également rempli de prisonniers.

Page 515

1 Vers la fin de l’après-midi, les prisonniers sont

2 emmenés vers le barrage de Petkovci. Je vais en parler

3 plus tard. Donc, le soir du 14 et pendant la nuit, groupes

4 après groupes, un peloton d’exécution attendait les

5 camions, que les camions emmènent les prisonniers et tous

6 les prisonniers sont donc exécutés à ce moment-là.

7 Certains vont cependant réussir à se sauver et ils

8 raconteront ce qui leur est arrivé devant vous.

9 Il y a toujours à ce moment-là des prisonniers à

10 Bratunac. Ils se trouvent à l’ancienne école et ils ne

11 seront pas évacués avant le 15 juillet, en dépit des

12 allégations de la part des responsables officiels de

13 Bratunac qui nous ont dit que la ville avait été vidée en

14 l’espace d’un jour, le 15 juillet.

15 Ce n’est pas vrai, nous le savons car le 15, les

16 prisonniers se trouvaient toujours à l’école et ils ont été

17 évacués ce jour-là vers Zvornik en passant à Kozluk, en

18 s’acheminant toujours vers le nord pour arriver à la

19 délimitation de la zone de responsabilité du Corps de la

20 Drina, ils furent emmenés vers l’école de Pilica, dans un

21 hameau répondant au nom de Pula.

22 Ils ont été entassés à l’intérieur de l’école.

23 Nous parlons d’un nombre considérable de personnes.

24 Lorsque nous eviendrons sur les détails, vous aurez une

25 idée de la taille de cette école, une école assez

Page 516

1 importante qui comporte aussi une salle de gymnastique et

2 des salles de classes et ce sont ces salles qui ont été

3 destinées à maintenir et détenir les prisonniers.

4 Nous pensons que c’est la raison pour laquelle, au

5 cours de la nuit du 15 à 16 h 00, un autobus chargé de

6 prisonniers est resté à l’extérieur. Les prisonniers n’ont

7 pas été emmenés à l’intérieur sans doute parce qu’il n’y

8 avait plus d’espace disponible à l’intérieur pour y placer

9 les prisonniers.

10 Le lendemain matin, le 16, les personnes furent

11 sorties de l’école et furent emmenées en véhicule vers la

12 ferme de Branjevo où se trouvait un peloton d’exécution

13 composé de membres du 10e Détachement de Sabotage et de

14 membres d’une autre unité.

15 Ce peloton attendait l’arrivée de ces détenus et

16 faisait partie de la Brigade de Bratunac. Nous parlerons

17 plus tard de l’application et de la participation de la

18 Brigade de Bratunac à l’extermination de tous ces

19 prisonniers à la ferme de Branjevo.

20 Le témoin-clé de cette exécution, outre les

21 survivants, bien entendu, sera Monsieur Drazen Erdemovic

22 qui pourra vous relater ces événements.

23 Après l’exécution à la ferme, le même peloton

24 d’exécution a été chargé de se rendre à Pilica pour y tuer

25 les prisonniers qui se trouvaient à l’intérieur du centre

Page 517

1 culturel. L’officier de commandement qui donnait les

2 instructions au peloton d’exécution leur a dit d’aller tuer

3 ces personnes. Nous ne savons pas combien de personnes se

4 trouvaient à l’intérieur de ce centre culturel.

5 Toujours ce jour-là, le 16 voir le 17 – là nous ne

6 sommes pas tout à fait sûrs sur la date, nous vous dirons

7 pourquoi par la suite – nous avons connaissance d’une autre

8 exécution qui a eu lieu dans la région et nous pensons que

9 les prisonniers qui furent exécutés étaient au départ

10 détenus dans l’école de Rocevic.

11 Ces prisonniers furent emmenés à Kozluk où, sur

12 les bords de la rivière de la Drina, se trouvait un peloton

13 d’exécution qui les attendait et ces personnes furent

14 exécutées à cet endroit. Nous avons un chiffre de 500

15 personnes qui ont trouvé la mort à cet endroit, mais nous

16 en parlerons davantage lorsque nous examinerons les lieux

17 du crime et lorsque nous pourrons revenir sur ces chiffres

18 pour les confirmer.

19 Voici en gros et de façon sommaire la succession

20 d’exécutions qui se produisirent après la prise du

21 contrôle.

22 Par la suite, mais ceci relèvera d’une autre

23 démonstration, et avant la signature, disons que l’armée

24 des Serbes de Bosnie a commencé à se rendre compte que la

25 guerre n’allait pas s’achever comme elle l’attendait, mais

Page 518

1 plutôt qu’elle se conclurait par un accord. Ils ont donc

2 essayé à ce moment-là de couvrir leurs crimes, d’éliminer

3 toute trace de leurs crimes, mais il était clair que les

4 journalistes étaient déjà arrivés sur place, essayaient de

5 mener des enquêtes et ils savaient donc parfaitement, les

6 membres de l’armée de Serbes de Bosnie, qu’une enquête

7 complète allait être menée sur ces événements.

8 La décision était prise d’effacer toutes les

9 traces de fosses communes et de déterrer les corps pour les

10 enterrer ailleurs. Nous avons tous les triangles ici qui

11 vous montrent l’emplacement des tombes individuelles.

12 Chacune de ces tombes contient de 80 à 180 corps, mais nous

13 trouvons surtout ces fosses communes au sud-est… au sud-

14 ouest, pardon (se corrige l’interprète), de Zvornik et au

15 sud de l’enclave de Srebrenica.

16 Par la suite, je vous parlerai de la façon dont

17 ces sites qu’on appelle secondaires sont à relier ou

18 montrent un lien avec les sites primaires.

19 Je crois que c’est à peu près tout ce que j’ai à

20 dire pour le moment.

21 Me HARMON (interprétation) :

22 Q. Veuillez vous rasseoir, Monsieur Ruez.

23 Me HARMON (interprétation) : Je tiens à vous

24 informer du fait que Monsieur Ruez sera de nouveau appelé à

25 la barre à un stade ultérieur du procès pour nous parler

Page 519

1 surtout de ces sites de fosses communes secondaires.

2 Q. Parlons d’abord du film que j’aimerais que

3 vous présentiez. Veuillez dire aux Juges ce que nous

4 allons voir sur ce film, nous dire qui est l’auteur de ce

5 film, où il a été obtenu, et au cours de la diffusion de ce

6 film, je vais vous demander d’en faire le commentaire

7 suivant les besoins.

8 R. Effectivement, nous allons voir un film qui

9 vous décrit plusieurs aspects de l’opération alors en

10 cours. Nous verrons des habitants de Srebrenica quitter la

11 ville de Srebrenica au cours des séquences.

12 Zoran Petrovic est un journaliste présent dans

13 l’enclave au moment des événements et c’est lui qui a filmé

14 ces images. À l’évidence, sa présence avait été autorisée

15 par les forces serbes de Bosnie puisqu’il se déplaçait en

16 véhicule militaire et ceci sous présence constante

17 d’effectifs militaires des Serbes de Bosnie.

18 Le film ne le montre pas très clairement puisque

19 des personnes lui posent des questions à propos de sa

20 présence sur les lieux étant donné qu’il se présente comme

21 étant à un moment donné journaliste indépendant de la

22 station B de Belgrade, et puis à d’autres moments, il se

23 présente comme étant de la police.

24 Nous verrons toute une série intéressante. Cet

25 homme n’a pas filmé ces images pour aider le Tribunal. Ça,

Page 520

1 c’est manifeste. Il n’en demeure pas moins qu’il a vendu

2 des séquences de ce qu’il avait enregistré aux journalistes

3 de la presse internationale, mais auparavant, il avait,

4 bien sûr, monté ces séquences afin que ne soient pas

5 dévoilées des images qui impliqueraient trop lourdement les

6 Serbes de Bosnie, l’armée des Serbes de Bosnie. Il y a

7 donc des blancs.

8 Vous verrez Curnaja Kordenovic (ph.). Il y a

9 certaines parties qui ne sont pas très pertinentes dans la

10 mesure où elles ne montrent pas la commission de meurtres

11 ou des corps sans vie mais elles nous montrent des

12 prisonniers. On verra la maison dite blanche de Potocari.

13 Nous verrons qu’il y avait en fait un homme ou des hommes

14 assis au balcon. C’est intéressant en soi parce qu’en

15 fait, cette maison était remplie de personnes, mais cette

16 partie-là a été effacée par l’auteur.

17 Ce film est malgré tout intéressant parce qu’il

18 nous fait mieux comprendre les événements d’un côté, mais

19 aussi, il nous permet de reconnaître et d’identifier

20 plusieurs individus particulièrement intéressants.

21 Ce film aussi corrobore certains éléments de

22 dépositions de témoins qui n’avaient pas, bien sûr, pu

23 donner des événements aussi complets. Nous avons une

24 partie de la route asphaltée entre Lolici et Sandici où

25 l’on voit des casques bleus et sans ce film, il nous aurait

Page 521

1 été impossible d’apporter la confirmation de la présence de

2 ces casques bleus.

3 Dans la séquence que nous allons voir, nous avons

4 là en fait un recueil de différentes séquences. Nous

5 verrons aussi une partie des nouvelles télévisées. En

6 fait, je suis en train de prendre connaissance du

7 déroulement des événements au moment où je m’exprime.

8 Nous allons voir des réfugiés qui quittent

9 l’enclave. Nous verrons des éléments serbes entrant à

10 Srebrenica. Nous verrons Milan Jojovic entrer avec les

11 Loups de la Drina qui faisaient partie à l’époque de la

12 Brigade de Zvornik et nous verrons cet homme donner

13 certaines consignes à ses troupes.

14 Nous verrons également le Général Mladic, le

15 Général Krstic, le Général Zivanovic entrer en ville, dans

16 la ville de Srebrenica. Nous verrons également le Général

17 Mladic. La traduction de ses propos n’est pas fournie dans

18 la cassette, mais nous aurons l’occasion de voir ce qu’il a

19 dit exactement. C’est à ce moment-là qu’il parle des

20 Turcs. C’est de cette façon-là qu’il désignait les

21 musulmans de Bosnie.

22 Nous verrons également des images de Potocari, les

23 réfugiés et les femmes qui arrivent à Potocari. Nous

24 verrons des images du Général Mladic qui s’adresse à ces

25 réfugiés et leur fournit certaines garanties.

Page 522

1 Nous verrons le Général Mladic qui fournit un

2 entretien qui n’est pas traduit dans la séquence, mais au

3 moment de la diffusion de cet extrait, je vous fournirai un

4 commentaire adéquat.

5 Nous verrons plusieurs vues de Potocari, mais je

6 préfère réserver le reste de mes commentaires à la

7 diffusion même du film.

8 Après les séquences consacrées à Potocari, nous

9 allons voir ces séquences consacrées à Petrovic et nous

10 verrons les opérations militaires se déroulant entre

11 Bratunac et Konjevic Polje.

12 À un moment donné, nous y reviendrons lorsque nous

13 examinerons de plus près les lieux du crime, nous

14 reviendrons sur ces images car elles nous permettent

15 d’avoir une identification très précise de l’emplacement.

16 Ceci a été réalisé tout récemment. C’est une découverte

17 récente que nous voulons vous soumettre.

18 Vous verrez ensuite la ville de Srebrenica,

19 élément intéressant puisque vous verrez comment la mosquée

20 principale ou l’aspect qu’a la mosquée principale de

21 Srebrenica au moment de la prise de la ville par les forces

22 serbes de Bosnie et nous verrons la même mosquée en 1996,

23 en 1997, en 1998. Vous verrez comment peu à peu cette

24 mosquée a été détruite jusqu’à être transformée en aire de

25 parking.

Page 523

1 Nous avons des séquences qui ne sont pas

2 particulièrement datées. Nous voyons l’arrivée de réfugiés

3 à Kladanj, puis nous avons une séquence qui nous vient de

4 la radio et télévision de Bosnie-Herzégovine où nous avons

5 les premiers militaires qui sortent de la région de Nezuk,

6 là où se trouvaient des effectifs de la 28e Division au

7 sein de l’enclave de Srebrenica, et nous voyons comment ses

8 membres ont réussi à sortir de cette section du territoire.

9 Q. Au moment de la diffusion du film, n’hésitez

10 pas à fournir vos commentaires aux Juges.

11 Me HARMON (interprétation) : Nous allons peut-

12 être baisser la lumière et lancer le film. Il s’agira de

13 la pièce de l’Accusation numéro 3.

14 R. C’était la base des Nations Unies à

15 Srebrenica qui s’appelait le PO B, poste d’observation B ou

16 compagnie B. En ce moment même…

17 L’INTERPRÈTE : Les interprètes entendent très mal

18 le témoin.

19 R. Est-ce que vous entendez le son au moment où

20 se diffuse le film ?

21 Me HARMON (interprétation) : Est-ce que vous

22 pourriez rembobiner le film, baisser le volume et nous

23 pourrons recommencer ?

24 [Diffusion d’une cassette vidéo]

25 R. Eh bien, la première séquence en noir et

Page 524

1 blanc vous montre un moment de panique au sein de la ville

2 de Srebrenica. La population se rend compte que l’enclave

3 est sur le point de tomber et les hommes se demandent ce

4 qu’ils vont faire. C’est un moment-clé, un moment crucial

5 puisqu’une décision est prise en masse de prendre la fuite

6 soit vers Potocari, soit vers les bois pour essayer de

7 sortir de la région.

8 Très peu de temps après, voire avant cette

9 séquence, la foule pénétrait dans la base des Nations

10 Unies. La veille, le Général Mladic avait proféré des

11 menaces à l’encontre des Nations Unies, avait dit qu’aucun

12 réfugié ne pouvait être admis dans la base, sinon, celle-ci

13 serait pilonnée.

14 Par la suite, nous avons des actes délibérés ou

15 « des incidents », un accident. En tout cas, un obus est

16 tombé en plein milieu de la foule et un nombre inconnu de

17 personnes a péri.

18 Q. Est-ce que ceci a été filmé par Zoran

19 Petrovic ou est-ce qu’il s’agit de séquences

20 supplémentaires ?

21 R. C’est un ajout. Il faudra vérifier quelle

22 est sa source, son origine. Soit qu’elle provient de films

23 faits par les musulmans de Bosnie ou ça a été filmé par des

24 néerlandais.

25 Q. Poursuivez vos commentaires.

Page 525

1 [Diffusion d’une cassette vidéo]

2 R. Nous avons la compagnie B dans la ville de

3 Srebrenica. Voilà la foule amassée à la base des Nations

4 Unies ou à proximité, foule qui essaie de déterminer ce

5 qu’elle va faire. À ce moment-là, tout le monde savait que

6 la cause était perdue. Voici l’arrivée des premiers

7 réfugiés à la base des Nations Unies. Les premiers

8 arrivent dans des camions, des autobus et le personnel des

9 Nations Unies fait de son mieux pour aider le plus grand

10 nombre possible de personnes. La plupart de ces personnes

11 sont arrivées à pied.

12 Il y avait eu du pilonnage en chemin mais qui ne

13 ciblait pas la population. Il essayait de canaliser la

14 population vers Zenica. Plusieurs personnes ont été

15 blessées à l’occasion du pilonnage, mais le pilonnage

16 n’était pas destiné, n’avait pas pour but de tuer les

17 personnes, mais plutôt de s’assurer de ce que ces personnes

18 seraient poussées vers Potocari.

19 Nous avons ici le commandant des Loups de la Drina

20 qui donne des commandements à ses troupes. Il leur dit de

21 crier comme des hyènes ou comme des loups.

22 Nous sommes au sud de l’enclave au moment de

23 l’opération militaire qui est en cours et les personnes que

24 nous avons vues étaient probablement à proximité du poste

25 de commandement avancé de Kravica, à proximité de la ville

Page 526

1 de Kravica pour avoir une vue d’ensemble de la région.

2 Voici ici un char. Ceci vient sans doute des

3 nouvelles diffusées par la radio de la Republika Srpska.

4 Nous avons ici des uniformes en noir. Ce sont des membres

5 du 10e Détachement de Sabotage. Nous en connaissons

6 nommément plusieurs. Il appelle le Général Krstic et le

7 Général Zivanovic et il leur dit d’accélérer.

8 Vous voyez ici des membres des Loups de la Drina.

9 Ils ont un brassard avec un insigne blanc au milieu duquel

10 se trouve… ou bleu, pardon, un loup noir. Vous avez

11 entendu le Général Zivanovic, notamment, ou le frère plutôt

12 du Général Zivanovic.

13 Nous reviendrons à ces séquences pour identifier

14 des visages et des noms par la suite pour déterminer leur

15 responsabilité. Lorsque vous entendez prononcer le nom de

16 Krle, cela veut dire Général Krstic.

17 Vous avez le 2e Corps de Romani ou du moins un

18 élément de celui-ci. C’était une unité qui a participé à

19 la prise de l’enclave. Vous voyez ici le Général Krstic

20 qui salue ses collègues du 2e Corps de Romani. Il y a

21 plusieurs personnes qui présentent un intérêt considérable.

22 Nous reviendrons à ces personnes par la suite.

23 Voici la séquence au cours de laquelle le Général

24 Mladic dit que le temps est venu de se venger des Turcs.

25 Voici un groupe de reconnaissance de la Brigade de

Page 527

1 Bratunac entrant d’abord à Potocari. Vous voyez ici des

2 séquences filmées à Potocari. Ce sont les forces serbes de

3 Bosnie qui s’y trouvent. D’abord, ces forces sont dirigées

4 vers la maison blanche. Derrière, il y a un centre

5 électrogène et puis ils viennent du hameau supérieur. Ils

6 sont dirigés vers la route asphaltée puis nous voyons la

7 foule de réfugiés à Potocari près de la base. Le Général

8 Mladic explique à la foule ce qui va se passer. Il y a les

9 femmes, les enfants, les personnes âgées qui vont d’abord

10 être évacués, puis viendra le tour des hommes, dit-il,

11 après quoi, cette partie de l’évacuation sera terminée et

12 il ajoute qu’on ne fera de mal à personne.

13 L’emplacement précis est bien connu. Je vous

14 montrerai plus tard d’autres photos de cet emplacement et

15 vous avez des caractéristiques de base qui sont tout à fait

16 reconnaissables. Vous avez une personne qui porte un gilet

17 pare-balles bleu. C’est un observateur militaire des

18 Nations Unies présent sur les lieux et qui a beaucoup de

19 détails intéressants à fournir.

20 Au cours de cet entretien, le Général Mladic donne

21 des détails techniques sur l’opération en cours, sur ce qui

22 va se passer. Il parle de toutes les bonnes choses qu’il

23 est en train de faire pour son peuple en lui fournissant de

24 l’eau et des vivres.

25 Je pense que c’est ici aussi dans cette séquence

Page 528

1 qu’il explique que cette opération n’est pas dirigée contre

2 la FORPRONU, pas plus qu’elle n’est dirigée contre la

3 population civile. Elle a pour seul objectif de s’opposer

4 à l’armée.

5 Les hommes qui entourent Mladic sont ses gardes du

6 corps qui jamais ne le quittent. Là où vous voyez le

7 Général Mladic, vous voyez aussi ses gardes du corps.

8 Ici, la ligne de séparation qui se trouve à

9 proximité de la base E juste au moment où le Général Mladic

10 fournissait cet entretien. Ceci est un exercice de

11 propagande destiné à la télévision. Il distribue des

12 chocolats, des bonbons. Vous avez ces personnes qui

13 attendent l’arrivée des autobus à proximité de la base E,

14 là où il y avait cet entretien du Général Mladic. C’est

15 l’endroit où s’opère la séparation des personnes étant

16 dirigées vers la maison dite blanche.

17 Voici une vue d’ensemble de cette base E. C’est

18 là qu’on voit une des usines de Potocari où étaient

19 entassés les réfugiés qui attendaient l’occasion de prendre

20 la fuite, de s’échapper et vous voyez des personnes qui,

21 apparemment, ont été emmenées à bord d’autobus. Vous avez

22 des soldats à proximité de ces autobus qui tous proviennent

23 de l’ensemble de la région.

24 Un appel public avait été lancé d’ailleurs afin

25 que des moyens de transport publics soient mis à la

Page 529

1 disposition. Vous voyez tous ces hommes et ces hommes

2 jeunes qui vont monter dans des bus séparés. À un moment

3 donné, vous allez voir une personne qui essaie de s’écarter

4 de ce chemin. Il en est empêché par un soldat qui

5 l’empêche de passer de l’autre côté de la route. Tous ces

6 hommes ont été identifiés. Ce sont tous des hommes portés

7 manquants et quelqu’un, un témoin viendra vous parler des

8 tentatives d’identification.

9 De l’autre côté, on voit les femmes, les enfants,

10 les personnes âgées et toutes ces personnes vont monter

11 dans des bus en direction de Kladanj, alors que les hommes

12 eux étaient emmenés vers Bratunac.

13 Vous êtes en mesure de voir certains de ces hommes

14 qui se trouvent toujours de ce côté-là de la route.

15 Normalement, ces hommes devaient pouvoir monter à bord

16 d’autobus mais ils seront séparés alors que les autobus

17 seront en route vers Kladanj. À l’exception des personnes

18 ou des hommes très âgés ou des personnes véritablement

19 handicapées, la plupart des hommes seront emmenés.

20 Les gens se connaissent entre eux, cela se voit.

21 Vous avez là une discussion entre un soldat des Nations

22 Unies et le commandant d’une force de police spéciale

23 chargée de l’organisation et de l’ordre. Vous voyez qu’il

24 y a beaucoup de vêtements qui gisent au sol. Beaucoup de

25 personnes avaient dû abandonner leurs effets, leurs bagages

Page 530

1 au moment d’entrer dans les bus et sur tout le long du

2 chemin menant à Kladanj, on trouvera ces vêtements

3 éparpillés des personnes à qui on avait tout dérobé.

4 Voici le Commandant Kingori qui se plaint de la

5 situation qui prévaut à l’intérieur de la maison blanche.

6 Il dit que les hommes sont empilés les uns sur les autres

7 et que la situation est insupportable.

8 Le Général Mladic qui se rend à la maison blanche.

9 Voici les effets personnels appartenant aux hommes qu’on a

10 forcé d’entrer dans cette maison blanche. Ceci est filmé

11 sur les prés ou dans les prés de Sandici.

12 Cet homme est forcé à crier le nom de son fils

13 puisqu’il se trouve dans les bois. Il lui demande à ce

14 fils de se rendre.

15 Ici, on voit des soldats qui gardaient les

16 prisonniers. Ces images sont très certainement filmées

17 aussi à Sandici. En fait, j’affirme avec certitude qu’il

18 s’agit d’un pré à Sandici.

19 L’homme qui joue avec le revolver de ce soldat

20 est, semble-t-il, un conseiller juridique, d’après ce qu’il

21 dit, et on voit ici l’arrivée d’un groupe de prisonniers.

22 Ici, le sud de la route asphaltée Bratunac-

23 Konjevici avec les champs. On tire sur la colonne avec des

24 armes antiaériennes. Les obus éclatent quand ils touchent

25 les arbres et retombent ensuite en faisant des blessés.

Page 531

1 Aujourd’hui, il est interdit d’utiliser ce type d’armes

2 contre des personnes, mais ces armes ont été utilisées

3 pendant toute la guerre dont nous parlons en tant qu’armes

4 destinées à frapper des personnes.

5 Ici, nous voyons la route qui vient de Konjevici

6 et se dirige vers Sandici, Sandici se trouvant sur la

7 colline que l’on voit après ce virage. Derrière la

8 colline, on arrive à Sandici.

9 Vous voyez toujours des vêtements éparpillés sur

10 le bord de la route qui marquent la reddition de certaines

11 personnes qui se livraient par petits groupes de deux ou

12 trois même si, en général, les redditions se faisaient par

13 groupes beaucoup plus importants.

14 Les soldats marchaient un peu partout sur cette

15 route. Vous voyez donc des soldats déployés régulièrement

16 le long de la route. Les soldats attendent que les

17 prisonniers se rendent.

18 Ici, quelques mots d’un entretien entre le soldat

19 et celui qui l’interroge. Je pense que tout sera traduit

20 plus tard. Il explique qu’aujourd’hui, en cet endroit, 3 à

21 4 000 prisonniers ont été arrêtés. Le journaliste lui

22 dit : « C’est tout de même exagéré et ça fait vraiment

23 beaucoup », et le soldat répond : « Oui, oui, c’est

24 beaucoup. »

25 Ici, vous voyez un soldat des Serbes de Bosnie à

Page 532

1 côté de celui qui déclarait être un conseiller juridique.

2 Je parle de l’homme qui porte le casque bleu.

3 Ici, nous voyons des personnes qui sortent de la

4 forêt et au moment où elles sortent de la forêt, elles

5 deviennent des prisonniers. Vous voyez une tache de sang

6 sur le sac à dos que porte cet homme.

7 Le journaliste ici demande à cet homme pourquoi il

8 a peur. La réponse de cet homme est : « Qui est-ce qui

9 n’aurait pas peur dans ces conditions ? », et on voit sur

10 l’image un corps sans vie gisant au sol. À ce moment-là,

11 il n’y avait pas de raison que des corps sans vie gisent

12 sur le sol, mais selon la propagande, certaines personnes

13 dans le secteur s’apprêtaient à résister, à se battre, et

14 ces prétendus combats auraient fait les morts que l’on voit

15 sur le sol.

16 Sandici toujours. Les gens arrivent à Sandici.

17 La plupart du temps, on leur donne l’ordre de se dévêtir.

18 Vous voyez ici cet homme contraint d’enlever son T-shirt.

19 Finalement, tout le monde aura le droit au même traitement

20 indépendamment des vêtements qu’ils portent.

21 Les soldats dirigent les prisonniers vers la

22 prairie. Nous voyons ici l’arrivée dans la prairie. Un

23 blessé est transporté jusqu’à la prairie avant d’être

24 enfermé dans une maison et personne n’a plus jamais entendu

25 parler de lui.

Page 533

1 Des images des collines qui se trouvaient à côté

2 de la route asphaltée et ici, la ville de Srebrenica. La

3 ville est déserte. Une voiture traverse la ville et le

4 passager fait le signe de la victoire des Serbes.

5 Zoran Petrovic a filmé ici ces corps dans vie dans

6 les rues de la ville de Srebrenica, mais nous ne savons pas

7 quelle est la cause du décès de ces personnes, nous ne

8 savons pas si elles sont mortes touchées par des obus ou

9 suite à une exécution.

10 Ici, vous voyez l’aspect de la mosquée lorsque

11 l’enclave a été prise par les forces serbes, toujours

12 filmée par Zoran Petrovic.

13 Ici, des femmes, des enfants et quelques hommes

14 qui arrivent à Kladanj, territoire sous contrôle musulman à

15 l’époque. Nous ignorons si ces images ont été filmées le

16 12 ou le 13.

17 Ici, l’arrivée des membres de la 28e Division qui

18 ont réussi à franchir les lignes à Nezuk. Vous voyez

19 qu’ils portent des armes et il a été prouvé sans l’ombre

20 d’un doute que l’enclave n’a pas été démilitarisée.

21 Seule la première partie de la colonne était

22 organisée et bien équipée. On trouvait parmi les armes

23 équipant ces hommes des fusils de chasse, des vieux fusils

24 et également des armes récupérées sur ceux qui les avaient

25 abandonnées.

Page 534

1 M. LE PRÉSIDENT : [Hors microphone] …opportunité

2 pour faire une pause ? Ça vous convient ?

3 Me HARMON (interprétation) : Oui, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE PRÉSIDENT : [Hors microphone]

6 --- Suspension de l’audience à 12 h 54

7 --- Reprise de l’audience à 13 h 18

8 M. LE PRÉSIDENT : Monsieur le Procureur, vous

9 pouvez continuer, s’il vous plaît.

10 Me HARMON (interprétation) : Monsieur le

11 Président, j’aimerais résumer la façon dont va se

12 poursuivre la déposition de Monsieur Ruez. Nous avons

13 préparé un classeur, un premier volume de pièces pré-

14 cotées. Je pense que vous disposez déjà d’un exemplaire de

15 ce classeur. Si vous ne l’avez pas encore, on va vous le

16 remettre sous peu et je me propose de demander à Monsieur

17 Ruez de procéder par l’examen de chacune des parties de ce

18 classeur. De cette façon, il pourra donner davantage de

19 détails sur cette séquence particulière d’événements.

20 Q. Monsieur Ruez, je vais vous demander de

21 donner le détail de plusieurs emplacements dont vous avez

22 parlé dans votre présentation d’ensemble des événements qui

23 se sont déroulés à la suite de la chute de Srebrenica, et à

24 cet effet, je pense que vous devez avoir sous les yeux la

25 pièce de l’Accusation numéro 4 qui est divisée en plusieurs

Page 535

1 parties précisant chacune les emplacements concernés.

2 Je vais vous demander tout d’abord de commencer

3 par le premier intercalaire de ce classeur, celui de

4 Srebrenica, et veuillez nous donner des détails. Je vais

5 commencer mon interrogatoire principal en soumettant un

6 film et je voudrais que vous disiez aux Juges ce que va

7 montrer ce film.

8 Pourriez-vous d’abord faire cela et puis je vous

9 demanderais de vous rapporter à une carte ?

10 R. Tout à fait, mais peut-être commençons-nous

11 par la carte. Il y a d’abord une carte de la région de

12 Srebrenica. Je ne sais pas si ceci apparaît sur le

13 rétroprojecteur. Est-ce que je dois appuyer sur un bouton

14 ?

15 Q. Ne vous en faites pas, je crois que la

16 technique s’occupera de tout cela.

17 R. Bien !

18 Me HARMON (interprétation) : À l’intention de la

19 cabine technique, je précise que nous allons diffuser la

20 pièce de l’Accusation 4/8.

21 Q. Avant cette diffusion, je vais vous demander,

22 Monsieur Ruez, d’expliquer aux Juges ce qu’ils sont sur le

23 point de voir.

24 R. Eh bien, vous verrez des vues de la ville de

25 Srebrenica que j’ai filmées moi-même et vous verrez la

Page 536

1 ville de Srebrenica depuis les airs et ensuite depuis la

2 route. Pourquoi vous montrer ces images ? Eh bien,

3 surtout pour vous donner une idée du terrain, de l’aspect

4 que revêt le terrain parce que le terrain change de façon

5 tout à fait spectaculaire tous les 30 kilomètres parce que

6 le sud est tout à fait vallonné, alors qu’au nord, vous

7 avez une plaine.

8 C’est important si l’on veut bien comprendre les

9 opérations militaires. Il faut connaître l’aspect du

10 terrain. C’est une autre personne qui va vous parler des

11 opérations militaires, de l’aspect militaire de

12 l’opération, mais ces images vous donneront une idée de la

13 région.

14 Au fil de la diffusion de ces images, nous

15 pourrons préciser l’endroit où furent commis beaucoup de

16 ces crimes et l’on peut voir les auteurs de ceci.

17 Je commencerai tout d’abord par la pièce 4/8,

18 carte de la région. On peut déjà repérer le terrain grâce

19 aux marques apportées à cette carte, mais la séquence vidéo

20 le fera bien mieux.

21 Élément d’importance pour ce qui est de cette

22 carte, vous voyez un petit endroit ici, un petit

23 emplacement juste au sud-est de la ville de Srebrenica, je

24 vais l’entourer d’un cercle sur la pièce. Il s’agit de

25 Pribicevac. C’est le lieu où se trouvait le poste de

Page 537

1 commandement avancé établi à cet endroit afin d’assurer le

2 commandement et le contrôle des opérations militaires

3 visant à la prise de contrôle de l’enclave.

4 Au départ, l’opération n’avait pas pour vocation

5 de prendre le contrôle de l’enclave mais de la réduire aux

6 confins de la ville. Ce cette façon, on voulait créer un

7 grand centre de réfugiés en plein air, ce qui pousserait

8 les Nations Unies à prendre la décision d’évacuer la

9 région.

10 C’est à ce moment-là que l’armée des Serbes de

11 Bosnie s’est rendu compte qu’il n’y aurait pas d’opposants

12 qui pourraient entraver leur progression vers la ville. Le

13 Général Mladic a alors pris la décision de capturer la

14 totalité de l’enclave et vous voyez ici l’endroit depuis

15 lequel se menaient les opérations.

16 Nous pouvons maintenant voir le film. Autre

17 élément important, c’est la distance qui sépare Srebrenica

18 de Bratunac, faible distance comme la carte le montre.

19 Me HARMON (interprétation) : Est-ce que la régie

20 technique peut lancer la diffusion du film ?

21 [Diffusion d’une cassette vidéo]

22 R. Voici l’accès à Srebrenica depuis le sud.

23 Vous voyez une route qui se trouve au sud de la carte et

24 qui passe par la crête de colline pour descendre ensuite

25 sur Srebrenica. C’est la route empruntée par l’armée des

Page 538

1 Serbes de Bosnie avant d’entrer dans la ville puisque le

2 poste d’observation au sud de l’enclave a été capturé.

3 Vous voyez ici le relief du terrain. C’est une

4 zone de collines boisées, très vallonnées. Vous voyez une

5 succession de collines et vous retrouverez ce même paysage

6 de Srebrenica à Konjevici. C’est une série de collines

7 importantes.

8 Voici la ville qui est prise en sandwich entre

9 deux collines et depuis Pribicevac, on peut surplomber la

10 ville.

11 Ici, nous approchons du centre de la ville. Vous

12 voyez au centre de l’image… là on ne voit plus

13 l’emplacement où se trouvait la mosquée puisque ces images

14 ont été prises en hélicoptère en 1999. J’ai filmé ceci

15 depuis l’hélicoptère et vous voyez une aire de parking. Je

16 vais montrer des photos après la diffusion du film.

17 Vous voyez ici l’église orthodoxe démontrée sur

18 les photos aussi puis nous avons deux terrains de football.

19 Pour l’un d’entre eux, nous avons un cliché et pour

20 l’autre, nous n’en avons pas.

21 Ici, vous avez le siège de la compagnie B dans la

22 ville de Srebrenica et voici le second terrain de football.

23 Ces terrains de football revêtent une grande importance

24 parce que, comme l’a dit Erdemovic dans sa déposition, la

25 population qui était restée à l’intérieur de la ville a été

Page 539

1 rédigée vers un terrain de football. On ne sait pas

2 lequel. Il ne nous l’a pas dit. Nous ne savons pas quel

3 est le sort qui a été réservé aux personnes qui furent

4 emmenées au terrain de football.

5 Vous avez ici la route qui va de Potocari vers

6 Srebrenica. Nous sommes juste en train de longer ce

7 terrain de football, celui qui se trouvait le plus au sud

8 de la ville de Srebrenica.

9 Nous voyons le côté ouest, la partie occidentale

10 de cette zone. Nous allons continuer de longer le terrain

11 de football vers le centre de la ville. Ça prend environ

12 trois ou cinq minutes pour y arriver.

13 Ces images ont été filmées par Peter Nicholson,

14 collègue du Bureau du Procureur, et ceci a été filmé en

15 avril 1996, neuf mois dès lors après la prise de contrôle

16 de la ville.

17 La plupart des collines sont déboisées parce que

18 le seul moyen de chauffage à l’intérieur de l’enclave

19 depuis 1992 et même avant l’existence de l’enclave était le

20 bois, ce qui fait que les collines sont tout à fait

21 déboisées.

22 Vous avez ici la compagnie B de la base des

23 Nations Unies à Srebrenica.

24 Vous voyez ici la guérite qui garde l’entrée.

25 Manifestement, l’endroit a été transformé en dépôt

Page 540

1 d’immondices parce qu’il a fallu sérieusement nettoyer la

2 ville après toutes ces années, et manifestement, les

3 employés s’occupaient à nettoyer la ville.

4 La qualité du film n’est pas très bonne. Ça a été

5 filmé par une caméra vidéo de huit millimètres, quelque

6 chose d’assez rudimentaire, ce qui explique les

7 tremblements fréquents.

8 On peut remarquer, pas nécessairement ici sur ces

9 images, il y en a peut-être d’autres qui le montreront, on

10 voit que cet endroit a fait l’objet de sérieux pilonnages,

11 mais il n’y a pas de signes tellement visibles des

12 destructions. La plupart des bâtiments sont encore debout.

13 Il y a des traces d’éclats d’obus mais la région présente

14 des signes de destruction… (se corrige l’interprète) n’est

15 pas totalement détruite.

16 Ces rapports de situation ont parlé de quelques

17 200 obus qui tombaient chaque jour. Ceci n’a pourtant pas

18 laissé de résultats visibles.

19 Nous sommes dans une région où l’on a aperçu le

20 Général Mladic dans cette séquence de la télévision de la

21 Republika Srpska. Nous n’avons pas repris ces images ici

22 mais on voyait ici la partie se trouvant au sud-ouest où a

23 été observé le Général Mladic le 11 juillet. Il y avait le

24 Lieutenant Pilimis (ph.) du 10e Détachement de Sabotage.

25 Ici, nous entrons dans le centre de la ville de

Page 541

1 Srebrenica. Les bâtiments que vous voyez sur la droite

2 sont devenus célèbres lorsque le Général Morillon y a hissé

3 le drapeau des Nations Unies. Nous ne savons pas s’il

4 s’agit de ce bâtiment-ci ou du bâtiment adjacent.

5 Cet endroit est celui où on a vu la vidéo de Zoran

6 Petrovic lorsqu’il passait. Cet endroit mène au marché où

7 la mosquée principale de Srebrenica était dans la vidéo de

8 Zoran Petrovic. Ça a été pris au mois d’avril 1996 et vous

9 allez voir le minaret de la mosquée et le dôme de la

10 mosquée où l’on peut remarquer qu’ils ont été dynamités.

11 Cette route mène vers Zeleni Jadar. Nous sommes

12 encore dans la ville de Srebrenica et on se dirige vers

13 Zeleni Jadar qui se trouve au sud de Srebrenica. C’est une

14 zone ou une région où lorsqu’on a parlé plus tard des

15 fosses communes secondaires, donc on y voyait des détritus.

16 Voici une région où Drazen Erdemovic a mis le feu

17 dans une meule de foin symboliquement. Nous avons le Corps

18 des Loups de Drina. Voici la vue que l’armée serbe avait

19 lorsqu’ils sont arrivés vers Srebrenica par la route.

20 Q. Monsieur Ruez, nous pouvons nous servir

21 maintenant des photographies qui se trouvent à la pièce à

22 conviction numéro 4 et pouvez-vous expliquer aux Juges ce

23 que cette pièce à conviction représente ? Pourriez-vous

24 les remonter un petit peu ? Merci.

25 R. Voici une photo d’une partie de la route que

Page 542

1 nous venons juste de voir mais c’est une photo et non pas

2 un extrait tiré d’une vidéo clip. Donc, c’est une photo de

3 la ville. Nous pouvons voir la ville et de quelle façon

4 elle est située entre ces deux collines. Donc, la ville

5 est encaissée entre les deux collines.

6 Il y a un important détail sur cette photographie.

7 Alors, c’est la seule photographie que nous avons d’un

8 terrain de jeux cimenté. Donc, vous pouvez voir un

9 regroupement d’immeubles blancs et juste derrière ces

10 immeubles blancs, derrière, vous pouvez voir une cour

11 cimentée. C’est le terrain de jeux. On appelle ça le

12 terrain de jeux numéro 1 de la ville de Srebrenica.

13 Maintenant, la pièce à conviction 4/2, donc,

14 représente la compagnie B, donc représente la base des

15 Nations Unies. C’est à cet endroit-là que la foule de gens

16 était assemblée au début du film que nous avons montré en

17 tant que pièce cotée numéro 3.

18 Q. Est-ce que c’est l’endroit où on a lancé des

19 obus et que des musulmans de Bosnie ont été tués et blessés

20 ?

21 R. Oui, c’est exactement l’endroit. La pièce

22 4/3 représente la photographie de la mosquée détruite qui a

23 eu lieu au mois d’avril 1993. Non, je suis désolé. En

24 fait, cette photo date du mois de janvier 1996. C’était la

25 première mission que nous avons faite et on était en mesure

Page 543

1 d’entrer dans la Republika Srpska. En compagnie du

2 Secrétaire d’État John Shattuck à l’époque, on avait eu la

3 chance ou la possibilité de visiter ces emplacements et on

4 était entré donc dans la ville de Srebrenica. C’était au

5 mois de janvier 1996.

6 Q. Monsieur Ruez, plus tôt dans le film de

7 Monsieur Petrovic, nous avons vu une mosquée qui était

8 érigée. Est-ce que c’est la même mosquée ?

9 R. Oui, c’est exactement la même mosquée. Le

10 seul changement qu’on aperçoit sur cette photo c’est qu’à

11 cet endroit-ci, vous pouvez voir cette partie, c’est le

12 minaret qui est tombé et le dôme qui se trouvait, bien sûr,

13 au-dessus, qui couvrait la mosquée est maintenant dans cet

14 état-là, détruit également. Ces destructions sont

15 probablement causées par le dynamitage.

16 La pièce 4/4 nous montre une vue de la mosquée

17 principale de Srebrenica, en plein milieu de l’image, dans

18 son environnement naturel, lorsque vous pouvez voir de ce

19 côté-ci qu’il y avait également un autre monument religieux

20 et c’est l’église orthodoxe.

21 Q. À quel moment est-ce que cette photo a été

22 prise ?

23 R. Au mois d’avril 1996. Nous n’avons jamais

24 visité l’intérieur de l’église orthodoxe, mais vous devez

25 savoir qu’après un nombre d’années de propagandes, on

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1 disait toujours, bien sûr, que les églises orthodoxes

2 étaient détruites par les musulmans de Bosnie qui se

3 trouvaient à l’intérieur de l’enclave, mais cette photo

4 démontre clairement non seulement que ce n’était pas

5 détruit de l’extérieur mais de l’intérieur, mais nous ne

6 sommes pas entrés à l’intérieur de l’église pour vérifier

7 mais nous pouvons vous démontrer sur la photo que l’église

8 était bel et bien encore là et qu’elle était debout.

9 Voici une autre photo datée de 1997. Elle datait

10 de 1997. La différence avec la photo précédente datée de

11 1996 c’est que vous n’avez plus de minaret et on ne voit

12 plus de dôme non plus au-dessus de cette ruine.

13 L’exhibit 4/6… la pièce, pardon (l’interprète

14 reprend) 4/6 est un extrait d’un film pris d’un hélicoptère

15 au mois d’août 1999. En fait, on l’a vu au début du film

16 de Srebrenica. Sur cette photo, vous pouvez voir l’endroit

17 précis où la mosquée se trouvait. Maintenant, vous voyez

18 que c’est un terrain cimenté et les véhicules sont

19 stationnés [indication du témoin]. Donc, le site a été

20 transformé en terrain de stationnement.

21 La pièce à conviction 4/7 représente une autre vue

22 de Srebrenica, encore une fois, en se dirigeant vers Zeleni

23 Jadar, au sud de la ville. Cette photo est datée du mois

24 d’avril 1996. Au mois de janvier, nous ne nous sommes pas

25 rendus jusque là. Nous ne savons pas de quoi elle avait

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1 l’air en janvier, mais au mois d’avril 1996, la mosquée

2 centrale du marché a été dynamitée et vous pouvez voir que

3 celle-ci a subi le même sort et que nous n’avons pas de

4 photo de cette mosquée-ci mais nous avons simplement suivi

5 la destruction de la mosquée principale. Nous voyons

6 maintenant que cette mosquée se trouve dans le même état

7 que la première, c’est-à-dire elle n’existe plus.

8 Q. Monsieur Ruez, y a-t-il d’autres détails que

9 vous aimeriez relater à la Cour avant de passer à la pièce

10 à conviction 5 ?

11 R. Non. L’enquête ne s’est plus concentrée sur

12 la ville de Srebrenica puisque les seuls éléments que nous

13 avons sur l’époque, en fait sur ce qui s’est passé, c’est

14 que les gens étaient encore là, d’après Drazen Erdemovic,

15 et que les gens qui ont été trouvés dans la ville de

16 Srebrenica étaient dirigés vers le terrain de football,

17 mais il ne s’est jamais rendu vraiment précisément au

18 terrain de football et il ne sait pas quelle était la

19 situation là-bas.

20 Il décrit un meurtre commis à Srebrenica. Ce

21 meurtre a été filmé même. Nous n’avons pas eu accès à ces

22 extraits de vidéo mais nous avons des éléments où nous

23 pouvons voir la destruction des mosquées. Nous avons

24 seulement les photographies de deux mosquées. Je sais

25 qu’il y avait quatre ou cinq mosquées, par contre, à

Page 546

1 Srebrenica.

2 Q. Très bien, Monsieur Ruez. Maintenant,

3 parlons de Potocari. Pourriez-vous informer les Juges et

4 nous donner des détails supplémentaires sur Potocari ?

5 R. La pièce 5/8 représente une… pardon

6 (l’interprète reprend), la pièce 5(A) représente une carte

7 en noir et blanc. On ne peut pas voir tous les immeubles

8 de Potocari mais vous pouvez voir sur cette carte les

9 immeubles principaux qui pourraient vous familiariser avec

10 les usines, diverses usines.

11 L’élément important dans Potocari c’est que quand

12 tous les réfugiés sont venus de toutes les parties de

13 l’enclave vers Potocari, il n’y avait pas assez d’espace

14 pour accommoder… je dis bien accommoder, je veux dire en

15 fait de donner un certain abri à toutes ces personnes.

16 Alors, ils sont entrés dans cette usine. Elle était

17 entassée de réfugiés et les maisons aux alentours étaient

18 également occupées par tous ces gens-là. Alors, un grand

19 nombre d’événements criminels ont eu lieu, ont été décrits

20 par les témoins de Potocari. Pour la plupart, ces gens-là

21 n’avaient qu’à regarder et à faire une déclaration.

22 Finalement, on peut seulement se baser sur les

23 témoignages des témoins et les déclarations qu’ils ont

24 faites, mais nous n’avons pas eu des moniteurs sur place.

25 Donc, la plupart des gens qui étaient là étaient dans les

Page 547

1 entourages et ils ont été emmenés là par des soldats. Vous

2 voyez deux petits groupes de maisons qui se trouvaient

3 également dans l’entourage.

4 Un élément important à Potocari c’est qu’on ne

5 peut pas vraiment appeler cela un site d’exécution. En

6 fait, des meurtres ont été commis à cet endroit. Très

7 clairement, c’était une possibilité assez libre soit pour

8 les soldats ou les locaux de Bratunac, c’était de venir à

9 ce site et de se comporter comme ils le voulaient.

10 Donc, c’est une situation très étrange. Il y a eu

11 énormément de meurtres qui ont été rapportés, des corps

12 étaient laissés à l’ouvert près des sources d’eau. Donc,

13 c’est une information importante puisque ces corps

14 n’étaient même pas cachés. Nous imaginons que cela a été

15 fait par exprès. La raison pour cela c’est qu’après avoir

16 passé une nuit dans les usines, après avoir passé la nuit,

17 les gens essayaient de trouver de l’eau dans les environs

18 et l’on a eu énormément de témoignages à l’effet qu’il y

19 avait des corps sans vie qui se trouvaient près de ces

20 sources d’eau.

21 Donc, le Général Mladic et ses officiers donnaient

22 à la population donc ce choix libre soit de rester sous la

23 protection de l’armée de la Republika Srpska et la police

24 de la Republika Srpska et on leur disait que les gens qui

25 n’avaient pas commis de meurtres ou de crimes n’avaient

Page 548

1 absolument rien à craindre, donc, soit de quitter vers les

2 territoires qui sont tenus par les musulmans ou de quitter

3 vers les territoires de la République fédérale ou d’aller

4 vers la Serbie ou de partir vers un pays de leur choix.

5 Donc, les options leur étaient ouvertes. Donc, la

6 réalité derrière cette liberté de choix c’est que ce qui

7 est arrivé à Potocari a été fait non pas pour exterminer

8 les gens mais pour infiltrer assez de terreur pour les

9 inciter à quitter, à fuir et vous pouvez voir que tous ces

10 gens avaient vraiment très hâte d’embarquer dans les

11 autobus et de quitter, d’évacuer ces endroits puisqu’ils

12 savaient que s’ils restaient trop longtemps, ils seraient

13 tués rapidement.

14 Donc, je ne vais pas témoigner pour les témoins

15 mais les témoins vont venir vous le raconter.

16 Q. Pourriez-vous dire aux Juges quelle était la

17 distance approximative entre Srebrenica et Potocari ?

18 R. Oui. La distance entre Potocari et

19 Srebrenica était cinq kilomètres sur la carte ici, de

20 quatre à cinq kilomètres en fait, et la distance entre

21 Potocari et Bratunac est environ trois kilomètres. Donc,

22 ce sont des distances très courtes.

23 Q. Donc, les carrés sur la map représentent des

24 carrés qui représentent un kilomètre ?

25 R. Oui, exactement.

Page 549

1 M. LE PRÉSIDENT : [Hors microphone] …j’aimerais

2 bien savoir pourquoi nous parlons de Potocari mais nous

3 avons encerclé Pecista.

4 R. La raison pour ceci c’est que tout le monde

5 appelle cet endroit où les usines se trouvent, tout le

6 monde appelle cet endroit Potocari. En réalité, c’est un

7 petit hameau, le petit hameau de Potocari, et je vais

8 vérifier sur la carte, c’est même peut-être inscrit… oui,

9 effectivement, le petit hameau est inscrit sur cette carte

10 mais ce n’est pas l’endroit de l’immeuble. Les endroits où

11 les usines se trouvent n’ont pas de nom, en fait, ce site

12 n’a pas de nom où les usines se trouvent.

13 Me HARMON (interprétation) :

14 Q. Veuillez continuer, Monsieur Ruez. Pourriez-

15 vous nous expliquer ce que représente cette photographie,

16 s’il vous plaît ?

17 R. La pièce 5-1… 5/1 (reprend l’interprète)

18 représente une photographie aérienne et c’est l’endroit de

19 Potocari où se trouvent toutes ces usines. Cette

20 photographie est un produit du gouvernement américain.

21 Toutes les photographies qui seront soumises, qui vous

22 seront fournies viennent du département de l’État qui donc

23 nous a gracieusement prêté ses pièces à conviction et elles

24 portent des cotes.

25 Vous allez voir plus tard que sur ces mêmes

Page 550

1 pièces, il y a des inscriptions en jaune. Toutes les

2 inscriptions en jaune viennent de moi-même et ce qui est

3 inscrit en blanc, c’est l’information qui nous parvient du

4 gouvernement américain.

5 Cette photographie est datée du 13 juillet 1995.

6 Une des choses que nous n’allons pas mettre en cause, c’est

7 bien sûr la plate-forme qui a pris la photo. Nous n’avons

8 pas d’information sur donc la plate-forme qui a pris cette

9 photo.

10 Vous pouvez voir un regroupement d’immeubles et

11 permettez-moi de passer immédiatement à la prochaine pièce,

12 qui est la pièce 5/2 qui porte des indications.

13 Q. Monsieur Ruez, vous avez identifié ces sites.

14 Maintenant, pourriez-vous nous dire en les identifiant

15 brièvement qu’est-ce qui s’est passé, quelle est

16 l’importance que signifient ces immeubles ?

17 R. Je vais commencer avec la base des Nations

18 Unies. Le but de cette présentation est également pour

19 vous familiariser avec les immeubles qui s’y trouvent. En

20 fait, ce n’est pas tellement que c’est des immeubles

21 importants, ce n’est pas les immeubles les plus importants.

22 L’immeuble principal, bien sûr, c’est l’immeuble

23 des Nations Unies, la base des Nations Unies. Donc, elle

24 est en jaune et donc tout le monde se réfère à cette zone

25 comme une usine d’accumulateurs, ce qu’on appelle

Page 551

1 Akumulator Factory, l’usine Akumulator, et donc, c’est

2 vraiment la base des Nations Unies.

3 Dans cette base, environ 5 000 réfugiés ont pu

4 trouver abri le 11. Malgré les instructions de Mladic ou

5 l’ordre de Mladic de ne pas accepter des réfugiés à

6 l’intérieur de la base, les officiers néerlandais ont

7 décidé d’ouvrir la clôture à un certain endroit pour que

8 les réfugiés puissent entrer et 5 000 de ces réfugiés ont

9 pu y trouver refuge.

10 Donc à un certain moment, l’usine était pleine de

11 gens, était remplie de gens et ils ont reçu donc l’ordre de

12 ne plus accepter d’autres réfugiés à l’intérieur.

13 Lorsque cette usine était complètement remplie de

14 réfugiés, d’autres usines ont commencé à accepter des

15 réfugiés. Donc l’usine bleue, les gens n’en parlent pas

16 pour la simple raison qu’aussitôt que l’armée serbe est

17 arrivée là, ils ont pris possession de cette usine et ils

18 ont donc mis un périmètre autour et personne n’a pu s’y

19 approcher.

20 On ne sait pas qu’est-ce qui s’est passé à

21 l’intérieur de ce périmètre, autour de cet immeuble bleu,

22 mais il n’y a pas eu de réfugiés à l’intérieur de cette

23 usine. On l’appelle communément l’usine bleue, the blue

24 factory, parce que l’immeuble est bleu. Je vais vous

25 montrer plus tard sur les photos. Je vous démontrerai donc

Page 552

1 la couleur de l’immeuble.

2 Juste devant l’usine bleue, parallèlement à la

3 route en asphalte, se trouve un immeuble qu’on appelle le

4 bâtiment Feros. Ce n’est pas en fait une usine, mais c’est

5 un immeuble administratif.

6 En haut de la photo en fait, en se dirigeant vers

7 le sud, vous pouvez voir la base de l’express bus. Les

8 petits points blancs, ce sont les autobus détruits. C’est

9 un endroit important, c’est un site important. Vous avez

10 pu le voir ou vous allez pouvoir le voir sur les films qui

11 ont été pris au moment des événements soit par RS news ou

12 Zoran Petrovic.

13 Cet endroit était rempli, bondé de gens et

14 plusieurs témoins parlent de groupes de soldats

15 s’infiltrant à l’intérieur de cette base durant la nuit et

16 pointant avec une lampe de poche, pointant les personnes

17 avec cette lampe de poche et en train de séparer les hommes

18 et les emmener donc dans une direction inconnue.

19 C’est aussi un endroit dont les gens parlent de

20 personnes désespérées, ils ont eu énormément peur qu’ils

21 allaient mourir et il y a même des gens qui se sont

22 suicidés. Un corps a été trouvé dans une chambre tout à

23 fait adjacente, en fait qui est adjacente à l’usine, et cet

24 homme s’est pendu dans les toilettes.

25 En haut de la photo, malheureusement en fait sous

Page 553

1 le cadre blanc [indication du témoin], les témoins se

2 réfèrent à cet immeuble également. Il y a un immeuble qui

3 s’appelle Energoinvest et l’autre qui était également bondé

4 de réfugiés et là c’est l’usine « Le 11 Mars », étant le

5 nom, bien sûr, de la factory. Donc, Le 11 Mars, c’est le

6 nom de l’usine.

7 Je vous ai dit qu’on n’a pas pu mener des examens

8 médico-légaux à cet endroit-là mais nous avons une histoire

9 très poignante d’un témoin et nous avons trouvé des

10 éléments sur le sol que nous croyons être des preuves à

11 l’appui sur les déclarations de ce témoin pour les

12 événements qui ont eu lieu donc près de l’immeuble Le 11

13 Mars.

14 Juste à côté, vous voyez l’usine de zinc et il y a

15 eu également des éléments là aussi. C’est toujours le même

16 processus. Un groupe de soldats s’y infiltraient,

17 sélectionnaient ou séparaient les hommes et sortaient

18 certaines personnes et derrière ces usines, les meurtres

19 étaient commis. Nous allons peut-être avoir des

20 témoignages dépendamment de la volonté de ces témoins de

21 bien vouloir venir témoigner.

22 Alors l’important immeuble ici, c’est la maison

23 blanche. Juste derrière, vous avez le poste électrique.

24 Ce poste électrique est en blanc ou en fait en jaune. Nous

25 n’avons aucun autre élément nous disant ce qui s’est passé

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1 là mais nous avons oublié d’indiquer… nous allons peut-être

2 pouvoir ajouter une pièce ici pointant vers cet immeuble-

3 ci. C’est l’immeuble qu’on appelle l’immeuble bleu. Tout

4 le monde le désigne sous l’immeuble bleu.

5 Donc, nous avons deux immeubles bleus. Il y a

6 l’usine bleue et il y a l’immeuble bleu qui est plus petit

7 que l’usine bleue, donc cet immeuble bleu [indication du

8 témoin]. C’est un endroit où se trouvait le réservoir

9 d’eau et nous avons un vidéo qui va pouvoir nous montrer,

10 c’est là que Zoran Petrovic parle à un officier néerlandais

11 et il lui demande : « Qu’est-ce qui se passe ici ? »

12 La maison blanche est probablement l’élément le

13 plus important de cette photographie. C’est un endroit où

14 les hommes étaient emmenés après séparation.

15 Vous allez voir de plus près que sur la photo ici,

16 vous pouvez voir une formation, un groupe, un regroupement.

17 Les hommes qui étaient séparés à cet endroit-là marchaient

18 à côté des autobus, tel qu’on peut le voir sur le film de

19 Zoran Petrovic. C’est la raison pour laquelle nous ne

20 pouvons pas dire dans le film de Zoran Petrovic si les

21 hommes sortaient de la maison blanche pour les faire monter

22 à bord des autobus ou s’ils venaient de la ligne de

23 séparation – c’est un peu difficile – ou est-ce qu’ils

24 étaient emmenés vers la maison blanche.

25 La réalité correspond à l’une ou l’autre de ces

Page 555

1 options, mais en tout cas, c’est ici que ces hommes ont été

2 enfermés. Mladic, d’ailleurs, est venu voir ce qui se

3 passait à l’intérieur et Monsieur Kingori, un observateur

4 des Nations Unies présent sur ces lieux, a également eu la

5 possibilité de pénétrer dans la maison blanche et de voir

6 quelles étaient les conditions imposées aux détenus.

7 J’en ai terminé avec cette pièce.

8 Cette pièce est donc la pièce à conviction 5/3.

9 C’est un gros plan de la photographie que nous venons de

10 voir il y a quelques instants. Il y a une des deux photos

11 sur laquelle l’heure est indiquée et pas l’autre. Vous

12 voyez ici l’indication de l’heure, 14 h 00 le 13 juillet

13 1995.

14 Je ne commenterai rien de ce qui figure sur cette

15 photographie avant que nous ne voyions la pièce suivante,

16 la pièce 5/4 sur laquelle se trouvent les indications

17 écrites.

18 Donc, passons immédiatement à la pièce 5/4. Nous

19 pouvons prendre comme point de référence sur cette

20 photographie également l’usine bleue. Juste devant l’usine

21 bleue, on voit le bâtiment Feros qui n’est pas inscrit ici

22 mais qui est présent et devant le bâtiment Feros, la maison

23 blanche.

24 À côté de la maison blanche, un autobus qui se

25 trouve sans doute à cet endroit pour accueillir les

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1 prisonniers qui se trouvent encore dans la maison. À ce

2 moment-là, à cette heure de la journée, l’évacuation

3 n’était pas encore achevée. Il restait encore des hommes

4 présents dans le secteur.

5 Je dois dire que nous avons eu quelques problèmes

6 avec l’ordinateur sur cette partie de la photographie qu’il

7 faudra peut-être que nous refassions. Le mot écrit à côté

8 de cette ellipse, c’est le mot « people » en anglais, des

9 gens, et ces personnes se trouvent à l’intérieur de

10 l’ellipse.

11 C’est l’intérieur de l’ellipse que vous voyez ici

12 qui correspond aux images du film de Zoran Petrovic à peu

13 près au moment où le Général Mladic s’adresse à la foule.

14 Vous savez, il est entouré de ses gardes du corps et il

15 tend des barres de chocolat aux enfants.

16 Eh bien, juste à côté de ces personnes, on voit la

17 ligne de séparation, la ligne de démarcation qu’on voyait

18 également sur le film. Les soldats des Nations Unies sont

19 présents au niveau de cette ligne pour faire régner

20 l’ordre, mais ce sont les soldats de l’armée serbe de

21 Bosnie qui faisaient la loi, qui faisaient exactement ce

22 qu’ils voulaient, personne n’étant en fait capable de

23 s’opposer à leurs intentions, les soldats des Nations Unies

24 s’étant fait dérober tout leur équipement.

25 Pendant la journée du 13 donc, la séparation s’est

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1 poursuivie tout au long de la journée. Comme vous le voyez

2 ici, il y a différents types de véhicules qui vont chercher

3 les gens, des camions, des autobus et d’autres véhicules.

4 Sur cette même pièce, j’ai indiqué par écrit un

5 certain nombre d’éléments qui ne sont montrés que sur cette

6 photographie-ci et qui ont leur importance par rapport à la

7 situation.

8 Vous voyez ici, par exemple, un petit abri qui se

9 trouve juste à côté de l’usine de zinc, un autre petit abri

10 qu’on ne voit pas sur la photographie car il est caché par

11 les arbres. Ici, une maison et devant cette maison, un

12 champ de blé, un champ de maïs peut-être. En tout cas, sur

13 d’autres photographies, on voit que le maïs a poussé,

14 Donc, les plants sont de taille importante et derrière ce

15 champ, un véhicule, une voiture. Nous reviendrons sur

16 cette partie de la photographie plus tard.

17 Pièce à conviction 5/5, une photographie tirée du

18 film vidéo pris en 1999 à partir de l’hélicoptère. On y

19 voit un certain nombre des bâtiments que l’on voyait déjà

20 sur les photographies noir et blanc présentées il y a

21 quelques instants. Pas d’indication écrite encore sur

22 cette photographie-ci, mais ici [indication du témoin],

23 nous voyons l’usine de zinc.

24 Q. Pour le compte-rendu d’audience, vous pointez

25 la partie gauche de la photographie, le long rectangle que

Page 558

1 l’on voit donc à gauche de la photographie ?

2 R. Oui. Au bas de la photo, du côté est de la

3 route asphaltée qui relie Bratunac à Srebrenica, on trouve

4 ce bâtiment de la gare routière expresse. J’ai parlé d’une

5 pièce dans laquelle on avait trouvé le corps d’un pendu.

6 Cette pièce se trouve ici à l’arrière.

7 Q. Vous parlez du long rectangle blanc qui se

8 trouve à droite de la photographie, n’est-ce pas ?

9 R. Oui, c’est exact. Ce bâtiment blanc qui est

10 le bâtiment de la gare routière expresse. On voit aussi

11 sur cette même photographie, sur la route qui se dirige

12 vers Srebrenica qui, sur cette photographie, se trouve à

13 droite, on voit un bouquet d’arbres ici. C’est à cet

14 endroit que le Général Mladic a donné ses interviews, c’est

15 à cet endroit que ses gardes du corps donnaient des bonbons

16 et du chocolat aux enfants.

17 On voit aussi sur cette photographie que les

18 arbres se trouvent entre des maisons et la route et à cet

19 endroit-ci, Zoran Petrovic a tourné son film et on y voyait

20 un certain nombre de réfugiés regroupés assis par terre et

21 il y avait un homme qui portait un bandanna violet sur le

22 front et qui regardait les réfugiés derrière une barrière.

23 Nous reviendrons sur cet élément un peu plus tard. C’est

24 un élément très intéressant pour le procès.

25 Q. Monsieur Ruez, pour le compte-rendu

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1 d’audience, afin qu’il soit tout à fait clair, lorsque vous

2 avez parlé du bouquet d’arbres où le Général Mladic a donné

3 ses interviews, vous faisiez référence à ce gros bouquet

4 d’arbres que l’on voit sur la photographie en haut à droite

5 et qui obstrue la vue d’une partie de la route, n’est-ce

6 pas ?

7 R. C’est exact. Je vous remercie de l’avoir

8 décrit si précisément. Derrière les arbres en haut à

9 droite sur la photographie, on voit deux bâtiments qui sont

10 intéressants. L’un, on le constatera plus précisément sur

11 d’autres photographies, est le bâtiment bleu [indication du

12 témoin]. C’est celui que l’on a appelé tout à l’heure le

13 bâtiment bleu, c’est-à-dire l’endroit où se trouve la

14 citerne d’eau, et ces points de référence seront importants

15 plus tard pour préciser l’endroit où se trouvaient les

16 personnes. Nous y ferons référence pour désigner

17 différents endroits de façon précise.

18 Sur cette même photographie, le dernier bâtiment

19 que l’on voit en haut tout à fait à droite, c’est le

20 bâtiment blanc, c’est-à-dire celui que l’on a appelé tout à

21 l’heure la maison blanche dans laquelle les prisonniers ont

22 été regroupés avant d’être transportés vers Bratunac.

23 Un commentaire supplémentaire encore au sujet de

24 cette même photographie. On y voit toutes les autres

25 petites constructions environnantes, c’est-à-dire des

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1 maisons. En fait, la majorité des réfugiés se trouvaient

2 dans les usines mais les maisons étaient habitées

3 également. Donc, vous entendrez sans doute parler d’actes

4 criminels commis dans les environs, dans les maisons. En

5 effet, les réfugiés étaient très dispersés et il y a

6 parfois des difficultés à les situer exactement.

7 Je voudrais d’ailleurs à cet égard parler de

8 Potocari et vous dire que je dois admettre que la

9 reconstitution des événements de Potocari est le point

10 faible de notre enquête. En effet, nous avons consacré le

11 gros de notre temps à la reconstitution des exécutions de

12 masse et nous n’avons pas encore travaillé sur Potocari où

13 l’enquête est encore en cours.

14 La pièce à conviction 5/6, une vue des collines

15 qui se trouvent à l’arrière.

16 Q. Excusez-moi, Monsieur Ruez, de vous

17 interrompre quelques instants mais peut-être n’avons-nous

18 pas la même pièce sous les yeux. La pièce 5/6 que l’on m’a

19 remise montre des bâtiments un peu différents de ceux que

20 vous êtes en train de montrer.

21 R. Moi, j’ai cette photographie.

22 Q. Vous utilisez les exemplaires officiels du

23 Tribunal. Donc, peut-être serait-il bon que nous nous

24 entendions sur les cotes. Sur mon exemplaire, la cote est

25 5/19 pour la photo que vous venez de montrer, mais nous

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1 sommes bien d’accord, nous utilisons la même photographie,

2 n’est-ce pas, et moi, je modifierai la cote de la mienne ?

3 Donc, ma version 5/19 deviendra la pièce 5/6.

4 R. Cette photographie a été prise à mi-hauteur

5 de la colline où se trouve l’usine de zinc et ici, on

6 regarde vers le nord, vers le nord-est plus précisément.

7 M. LE PRÉSIDENT : Monsieur Harmon, quel est le

8 numéro de cette photo ?

9 Me HARMON (interprétation) : Dans mon dossier à

10 l’origine, c’était la photo 5/19, mais puisque Monsieur

11 Ruez utilise les pièces à conviction officielles du

12 Tribunal et que sa photographie porte la cote 5/6, c’est la

13 cote 5/6 qui s’applique. On changera donc le 5/19 en 5/6.

14 Q. Monsieur Ruez, veuillez poursuivre.

15 R. Eh bien, sur cette photographie, ce qui est

16 intéressant c’est ce que l’on voit au centre de la photo,

17 le bâtiment bleu. Ici, sur cette photographie, on voit

18 très clairement que les murs de ce bâtiment sont bleus.

19 C’est donc ce petit bâtiment qui se trouve exactement au

20 centre de la photo.

21 Sous cet angle, on a l’impression d’ailleurs que

22 ce bâtiment fait partie du bâtiment qui se trouve derrière.

23 Or, ce n’est pas le cas. Le bâtiment situé à l’arrière,

24 c’est le bâtiment Feros, donc un autre bâtiment, et

25 derrière le bâtiment Feros, cette structure bleue, c’est

Page 562

1 l’usine bleue. À gauche de l’usine bleue se trouve l’usine

2 Akumulator qui est donc la base des Nations Unies.

3 Un mot important à dire au sujet de cette base des

4 Nations Unies c’est que l’on y trouve cette structure que

5 l’on voit ici qui dépasse de la ligne formée par les autres

6 bâtiments et cette structure est donc la tour de garde. La

7 date de cette photographie, c’est juin 1996.

8 J’en arrive à présent à la pièce 5/7.

9 Me HARMON (interprétation) : Monsieur le

10 Président, peut-être que dans votre dossier, cette pièce

11 porte la cote 5/9.

12 Q. Je vous demanderais, Monsieur Ruez, de bien

13 vouloir attendre quelques instants pour que nous soyons

14 sûrs de bien parler de la même pièce.

15 M. LE PRÉSIDENT : Je crois que c’est 5/7 et qui

16 avait avant une autre numérotation, c’était la 5/15. Je

17 crois qu’il y a ici deux numérotations.

18 Me HARMON (interprétation) : Eh bien,

19 manifestement, lors de la préparation des pièces à

20 conviction utilisées dans la présente audience, il y a eu

21 quelques confusions. Je vous en prie de m’en excuser,

22 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges. Mon

23 assistante va y remédier, je l’espère, rapidement.

24 Q. Monsieur Ruez, c’est l’ordre de vos pièces

25 qui est le bon. L’ordre des miennes est erroné. Écoutez,

Page 563

1 Monsieur Ruez, on va vous donner un autre classeur.

2 R. Écoutez, maintenant, je suis perdu.

3 Q. Ne désespérez pas, moi aussi.

4 M. LE PRÉSIDENT : Il n’y a aucun problème parce

5 que nous sommes dans la pièce 5/7. Je crois que c’est

6 celle-ci.

7 Me HARMON (interprétation) :

8 Q. Monsieur Ruez, peut-être pourriez-vous mettre

9 de côté votre classeur et poursuivre votre déposition sur

10 la base du nouveau classeur qui vient de vous être remis

11 par mes soins car je crois que ce nouveau classeur

12 correspond à celui des Juges. Nous parlerons donc tous de

13 la même chose.

14 R. Je suis un peu perdu. À quelle pièce à

15 conviction en étions-nous arrivés ?

16 Q. À la pièce 5/7.

17 R. Quelle est la pièce dont je suis censé vous

18 donner la cote ?

19 Q. Écoutez, Monsieur Ruez, continuez l’examen

20 des pièces dans l’ordre où elles vous apparaissent et nous

21 identifierons les photographies au fur et à mesure.

22 R. Celle que j’avais tout à l’heure ?

23 LE GREFFIER (interprétation) : Oui.

24 Me HARMON (interprétation) : Monsieur le

25 Président, peut-être serait-ce un moment approprié pour

Page 564

1 suspendre éventuellement car je suis sûr que demain après

2 un tri de toutes ces pièces, nous serons beaucoup plus

3 efficaces.

4 M. LE PRÉSIDENT : [Hors microphone]

5 …proposition. Nous pouvons ajourner aujourd’hui et demain,

6 recommencer avec les choses bien organisées. Ça, ce n’est

7 pas quand même… vous faites votre travail. Vous faites

8 votre travail comme vous voulez, mais demain, on sera là

9 donc à 9 h 30. O.K. Donc, à demain.

10 --- L’audience est levée à 14 h 18

11 pour reprendre le mardi

12 14 mars 2000 à 9 h 30

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