Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 27 juin 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (Réquisitoire et plaidoirie.)

4 (L'audience est ouverte à 9 heures 25.)

5 (L'accusé Krstic est introduit dans le prétoire.)

6 M. le Président: Bonjour Mesdames, Messieurs, cabine technique,

7 interprètes, personnel du Greffe, accusation et défense, et Général

8 Krstic. Nous allons continuer le réquisitoire du Procureur.

9 Etes-vous en bonne condition, Monsieur Harmon, pour continuer? Vous avez

10 la parole, s'il vous plaît.

11 (Réquisitoire et plaidoirie de M. Harmon.)

12 M. Harmon (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

13 Monsieur les Juges, bonjour à la défense. Oui, je suis en forme.

14 Hier, lorsque j'ai terminé mes observations, j'en étais resté à quelques

15 remarques concernant le moment où le général Krstic était devenu

16 commandant du Corps de la Drina.

17 Aujourd'hui, je voudrais parler de cette opération de tuerie, de meurtres

18 et du rôle qu'ont joué la VRS et en particulier le général Krstic dans

19 cette action génocidaire.

20 Madame et Messieurs les Juges, vous savez que l'opération Krivaja 95 qui

21 était l'attaque planifiée sur l'enclave de Srebrenica avait pour objectif

22 immédiat de réduire l'enclave à la partie citadine de celle-ci.

23 Toutefois, l'attaque menée sur cette enclave a remporté un succès bien

24 plus important que ce qui avait été prévu au départ. Le 9 juillet, le plan

25 qui consistait à assurer la prise de contrôle de l'enclave s'est réalisé.

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1 C'est au cours de cette nuit que le président Karadzic a donné comme

2 instruction au général Mladic et à la VRS de prendre le contrôle total de

3 l'enclave.

4 Une fois arrivé le 11 juillet, cet objectif était rempli. A ce moment-là,

5 la VRS savait parfaitement que, dans l'enclave et aux alentours de celle-

6 ci, plus précisément à Potocari et aux environs, il y avait des dizaines

7 de milliers de personnes. Du point de vue qu'ils avaient, de la position

8 qu'ils avaient sur ces collines, qu'ils avaient conquises, ils étaient en

9 mesure de voir toutes ces personnes. Ils ont pu voir, détecter des hommes

10 parmi ces milliers de réfugiés.

11 De ce fait, il a fallu mettre au point de nouveaux plans. C'est le 11

12 juillet que ce plan génocidaire a été concocté. C'était une action

13 militaire, planifiée, organisée et mise en œuvre, et je le répète, elle a

14 été planifiée au niveau suprême.

15 Dans mes remarques liminaires, je vous ai demandé de penser à ce qu'il

16 faut faire, à ce qui est nécessité pour mener une action de telle

17 envergure, une action qui vise à tuer.

18 Je vous ai demandé de penser à ces éléments, il faut émettre et

19 transmettre des ordres à toutes les unités qui ont participé ou assisté au

20 déplacement, aux meurtres et à l'enterrement des victimes.

21 Il faut assembler suffisamment de bus, de camions, pour transporter les

22 milliers de victimes musulmanes, tout d'abord à l'extérieur de l'enclave

23 et puis sur ces lieux où ils allaient être assassinés, notamment dans la

24 région de Zvornik.

25 Il fallait obtenir suffisamment de carburant pour ces si nombreux

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1 véhicules qui ont été utilisés pour transporter les victimes. Sans oublier

2 bien sûr que, étant donné l'embargo qui avait été imposé, le carburant

3 était une denrée très rare.

4 Il fallait fournir des gardes pour chacun de ces camions, de ces véhicules

5 chargés de prisonniers. Il fallait assurer l'escorte en direction de

6 Zvornik. Il fallait fournir des gardes pour que ces prisonniers soient

7 emmenés des lieux de détention vers les lieux d'exécution. Il fallait

8 identifier, déceler et circonscrire diverses installations de détention

9 utilisées pour loger des milliers de prisonniers dans la zone de Zvornik.

10 Il fallait assurer des itinéraires sûrs pour ces convois, avoir

11 suffisamment de bandeaux, de liens pour que ces victimes impuissantes

12 puissent être bâillonnées, ligotées avant d'être exécutées.

13 Il fallait aussi assurer suffisamment de sécurité sur les lieux de

14 détention pour surveiller et garder ces milliers de prisonniers. Il

15 fallait organiser des pelotons d'exécution, réquisitionner, transporter de

16 l'équipement lourd qui était nécessaire pour creuser ces énormes fosses

17 communes. Il fallait enterrer des milliers de victimes qui avaient été

18 exécutées en divers lieux sur tout le territoire de la zone de Zvornik.

19 Il fallait préparer et coordonner des programmes de propagande au niveau

20 du Corps de la Drina mais aussi au niveau du gouvernement de la Republika

21 Srpska pour réfuter les affirmations tout à fait fondées qui émanaient de

22 l'enclave selon lesquelles il y avait des massacres qui avaient lieu ou

23 avaient eu lieu.

24 Tous ces facteurs ont, sans aucun doute, été pris en compte par l'expert

25 Richard Dannatt appelé par l'accusation. Il a convenu du fait que cette

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1 opération était une action militaire de large envergure qui nécessitait de

2 la planification et une exécution minutieuse jusqu'au dernier détail,

3 parfaite.

4 Je vous rappelle ce qu'a dit le général Krstic, s'agissant de ces meurtres

5 et de ces tueries. Il a témoigné sous serment et il a été catégorique; il

6 a dit qu'il n'était pas au courant du fait que des Musulmans de Srebrenica

7 devaient être tués selon un plan précis. Il dit que c'est seulement fin

8 août ou début septembre qu'il a été mis au courant, bien après la survenue

9 de ces événements tragiques.

10 Il a déposé en disant que par la suite il avait appris que le général

11 Mladic et le colonel Beara de l'état-major principal ainsi que ses propres

12 subordonnés; le lieutenant colonel Vujadin Popovic, étaient responsables,

13 je le cite: "De tout ce qui s'est passé." (Fin de citation.)

14 Alors, à quel moment précis a-t-on créé ce plan génocidaire?

15 Madame, Messieurs les Juges, nous n'avons pas de documents écrits en

16 attestant qui auraient précisé la date à laquelle a été créé ce plan. Les

17 criminels, les auteurs de délit ont rarement l'habitude de coucher sur

18 papier leur plan. Nous devons tirer des déductions à partir des faits qui

19 nous sont disponibles pour savoir à quel moment ce plan a été créé.

20 Et nous affirmons que la thèse que nous avançons, ce plan a été créé dans

21 la soirée du 11 juillet aux premières heures du 12 juillet. Il a été

22 planifié par le général Mladic, le général Krstic et par les représentants

23 de leur état-major respectif.

24 Nous savons qu'au cours de la nuit du 11 juillet, les généraux Mladic et

25 Krstic étaient ensemble à l'hôtel Fontana, étaient avec eux le lieutenant-

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1 colonel Popovic, le lieutenant-colonel Svetozar Kosoric qui était le

2 responsable des renseignements du Corps de la Drina et il se fait aussi

3 qu'il était le beau-frère de l'accusé. Il y avait d'autres membres du

4 personnel de l'état-major principal qui auraient eu pour consigne de

5 préparer ce type de plan de telle envergure.

6 Nous avons des éléments qui nous prouvent qu'ils étaient ensemble dans la

7 nuit du 11, nous avons notamment des extraits de film qui montrent "les

8 négociations ayant lieu entre la VRS, plus précisément le général Mladic

9 et le général Krstic qui négocient avec le Bataillon néerlandais et Nesib

10 Mandzic".

11 Nous avons montré des notes d'hôtel qui montrent la présence de quelques-

12 uns de ces participants importants à l'hôtel Fontana. Nous avons aussi

13 soumis des preuves de témoins oculaires qui ont vu le général Krstic à

14 l'hôtel Fontana dans la soirée du 11 juillet.

15 Nous estimons et nous vous faisons valoir qu'une action militaire aussi

16 complexe qui nécessite la coordination d'un nombre aussi important

17 d'unités du Corps de la Drina et de l'état-major principal n'aurait pas pu

18 être planifiée, coordonnée et exécutée sans l'intervention du général

19 Krstic qui était le planificateur n°1 pour le général Mladic à Srebrenica

20 et Zepa et qui connaissait de l'intérieur les ressources qui étaient

21 disponibles dans sa zone de responsabilité, lui qui connaissait les lieux

22 où pouvaient avoir lieu ces différentes exécutions.

23 Si nous passons à un étage supérieur, à plus large échelle, nous avons

24 montré des éléments de preuve qui attestaient du fait que Mladic et Krstic

25 étaient pratiquement tout le temps ensemble à partir du 9 juillet jusque

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1 dans la soirée du 13 juillet.

2 Par exemple, nous avons le témoignage du témoin DB qui était officier du

3 Corps de la Drina et qui a observé le général Mladic, le général

4 Jovanovic, le général Krstic ensemble au poste de commandement avancé de

5 Pribicevac. Nous vous avons présenté, Madame et Messieurs les Juges, le

6 film qui montre la marche triomphale de pénétration dans Srebrenica en fin

7 de matinée du 11 juillet.

8 Nous vous avons présenté des extraits de films montrant le général Krstic

9 et le général Mladic ensemble au cours de la soirée du 11 juillet. Vous

10 les avez avec Nesad Mandic et des représentants du Bataillon néerlandais.

11 Le lendemain matin, le 12, avec le général Mladic, vous avez Mladic et

12 Krstic qui étaient assis côte à côte au cours "des négociations", bien sûr

13 des négociations avec trois représentants Musulmans qui étaient venus à

14 l'hôtel Fontana, à 10 heures du matin, le 12 juillet.

15 Nous vous avons présenté des moyens de preuve attestant du fait que le

16 général Krstic se trouvait au quartier général de la Brigade de Bratunac

17 avec le général Mladic dans la soirée du 12 juillet et que le général

18 Mladic et le général Krstic étaient ensemble à Viogora s'adressant aux

19 troupes qui étaient sur le point de partir en direction du théâtre de

20 guerre de Zepa, ça c'était le 13 juillet.

21 Nous vous avons présenté des moyens de preuve montrant que Krstic et

22 Mladic étaient ensemble au quartier général de Vlasenica dans la soirée du

23 13 juillet, lorsqu'il y a eu passation de commandement du général

24 Jovanovic au général Krstic.

25 Nos moyens de preuve attestent clairement du fait que, vers le début de

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1 l'après-midi du 12 juillet, le plan était appliqué, était en vigueur. La

2 première preuve en est qu'il a eu ce processus de séparation des hommes et

3 des jeunes garçons, des milliers et des milliers de réfugiés se trouvant à

4 Potocari.

5 Vous le savez ce processus, Madame et Messieurs les Juges, ce processus

6 est intervenu ou commencé dès l'arrivée des bus à Potocari. Ce processus,

7 nous l'avons enregistré sur des extraits de films, je vais vous en montrer

8 un très bref, ceci a été filmé par un journaliste serbe de Bosnie. Cet

9 extrait vous montre ces files d'hommes qui s'attendent à monter dans les

10 bus qui devaient les emmener en lieu sûr, et vous voyez que vous avez un

11 soldat serbe de Bosnie qui les écarte, qui les dirige ailleurs qu'à ce

12 bus.

13 (Diffusion de la cassette vidéo.)

14 Au début de cet extrait, vous avez vu ces hommes qu'on écartait des bus.

15 Vous avez aussi entendu des moyens de preuve dérivant des audiences en

16 vertu de l'Article 61 du Règlement, où vous avez Pasaga Mesic qui est un

17 représentant du gouvernement bosniaque, où vous avez ces hommes qui

18 marchent le long des bus. Cet homme a identifié 27 personnes, il en

19 connaissait les noms. Ces films ont été montrés aux survivants, et sur les

20 27 hommes identifiés, aucun n'a survécu.

21 D'après le général Mladic et d'autres officiers de la VRS, ce processus de

22 séparation que nous venons de voir était réalisé afin d'identifier

23 d'éventuels criminels de guerre, mais manifestement ce n'était pas

24 l'objectif recherché dans ce processus de séparation des survivants qui

25 sont venus déposer devant vous ainsi que des membres du Bataillon

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1 néerlandais qui ont servi dans l’enclave et qui ont dit dans leur

2 déposition avoir été présents au moment où se faisait cette séparation. Et

3 lorsque les hommes étaient séparés des membres de leur famille, on les a

4 emmenés à la maison blanche où aussitôt on les a forcés à abandonner leur

5 pièce d'identité, leurs effets personnels, leur sac.

6 D'après le capitaine Van Den Zwan, qui est un officier néerlandais qui est

7 venu déposer et qui était présent à la maison blanche, l’avant, la partie

8 avant de cette maison blanche était, je cite: "Couverte, jonchée d'effets

9 personnels, de pièces d'identité, de photos, de photos de vacances

10 notamment."

11 Je vais maintenant vous montrer un extrait vidéo de l’aspect qu'avait la

12 partie avant de la maison blanche après que ces hommes, qui avaient été

13 séparés des autres et qui avaient été expulsés de l'enclave, y soient

14 passés.

15 (Diffusion de la cassette vidéo.)

16 Le capitaine Van Den Zwan a demandé à un Serbe de Bosnie, un certain Mane,

17 qui était près de la maison blanche, il lui a demandé pourquoi la VRS

18 voulait faire une distinction entre ces hommes et les criminels de guerre,

19 pourquoi ces hommes qui étaient séparés ne pouvaient pas emporter leurs

20 papiers d'identité, et Mane a répondu, je cite: "De toute façon, ils n'en

21 avaient pas besoin, ils n'en avaient plus besoin."

22 Alors, je lui ai demandé comment il pouvait expliquer le fait que s'il

23 voulait savoir qui était un criminel de guerre et qui ne l'était pas,

24 comment ils auraient pu le faire sans document d'identité. Si quelqu'un

25 donnait un faux nom, on ne trouverait pas ce nom sur la liste des

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1 criminels de guerre et cette personne pourrait rester en liberté et

2 rejoindre le reste du convoi en direction de Tuzla. Ensuite il a plus ou

3 moins ri, et il m'a dit: "Oh! N'en fais pas toute une histoire, ces hommes

4 n'ont plus besoin de leur passeport".

5 Je me suis rendu compte que le récit qu'il m'avait fait auparavant était

6 faux, n'avait pas été exact du tout, c'est à ce moment-là que je me suis

7 rendu compte que ces hommes aller connaître un sort terrible, c'est ce que

8 vous disait le capitaine Van Den Zwan à la page du compte rendu

9 d'audience.

10 A l'extérieur de Potocari aussi, il y avait un plan. Ce plan existait

11 aussi. Nous savons que le 13 juillet, le témoin P, qui a survécu au

12 massacre du barrage, au départ il avait été détenu au stade de football de

13 Nova Kasaba avec des milliers d'autres hommes et jeunes hommes. Eux aussi

14 avaient été forcés à abandonner leurs effets personnels, leurs documents

15 d'identification, avant d'entrer sur le terrain de football et pendant

16 qu'ils se trouvaient à ce stade de football, rappelez-vous, le général

17 Mladic est venu s’adresser aux détenus.

18 Un des détenus a été tué, assassiné, en présence du général Mladic et, à

19 la suite de l'allocution du général Mladic, le témoin P ainsi que d'autres

20 détenus ont reçu l'ordre de monter dans des camions qui allaient les

21 emmener sur les lieux du site d'exécution. Voici ce que dit le témoin P,

22 je cite: "Mon groupe d’hommes, le groupe qui se déplaçait avec moi quand

23 on franchissait le portail, à ce moment-là quelqu’un a dit qu'il nous

24 fallait prendre nos sacs. Un des groupes de soldats serbes nous a dit:

25 'Vous n'en n'aurez plus besoin'."

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1 Ce qui veut dire que, le 13 juillet, même les soldats serbes de Bosnie les

2 plus subalternes savaient que ces hommes étaient destinés à leur mort et

3 qu'il y avait un plan visant à les exécuter. Ces objets abandonnés, ces

4 pièces d'identité abandonnées à Potocari, le long de la route, au stade de

5 Nova Kasaba, toutes ces pièces ont été brûlées pour ne laisser aucune

6 trace de l'identité de ces victimes.

7 Vous avez maintenant une image sur l'écran, c'est la pièce de l'accusation

8 62, une photographie prise par un des soldats néerlandais qui vous montre

9 le moment où on brûle ces effets personnels devant la maison blanche.

10 C'est une scène qui s'est reproduite partout dans la région, là où on

11 avait fait prisonniers des Musulmans.

12 Pour ce qui est de Potocari, nous sommes les 12 et 13 juillet, nous savons

13 que nombreux des architectes de ce plan et non plus nombreux de ceux qui

14 les ont mis en œuvre, qui ont mis en œuvre ce plan génocidaire, étaient

15 présents, observant les réfugiés, les hommes à la maison blanche, ces

16 hommes au moment où ils étaient séparés.

17 Il y avait Mladic, Krstic, le lieutenant-colonel Popovic, le lieutenant-

18 colonel Kosoric, le capitaine Momir Nikolic et, d'après l'observateur

19 militaire Kingori des Nations Unies, il dit avoir vu Mladic et Krstic à

20 proximité de la maison blanche. Le colonel Kingori a eu l'impression que

21 le général Krstic donnait des ordres à des subordonnés.

22 Il est aussi intéressant de relever, savoir que tous ces actes de terreur

23 sur la population musulmane dans l'enclave et aux alentours avaient

24 commencé le 12. Vous avez vu le témoignage d'Erdemovic, vous avez aussi le

25 témoignage du caporal Groenewegen qui dit avoir vu une exécution le 13

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1 mai. Il a dit qu'il pouvait entendre des coups qui étaient tirés de façon

2 constante, permanente à proximité des officiers de la VRS qu'il a pu

3 observer, qui se trouvaient à proximité de lui.

4 Il y avait, parmi eux, des officiers de haut rang et jamais ils n'ont

5 marqué quelque surprise que ce soit au cours de ces rafales et de ces

6 tirs. On pourrait s'attendre s'il y a un certain danger, si on craignait

7 que ce soit feu ennemi puisque c'était à proximité, on pourrait s'attendre

8 que ces officiers essaient de se protéger, de se mettre à l'abri. Si vous

9 entendez ce que disait le caporal Groenewegen, ces hommes, ces officiers

10 déambulaient parmi les réfugiés, ils entendaient ces coups de feu sans la

11 moindre réaction. Ils étaient de la plus grande indifférence, de la plus

12 grande nonchalance parce qu'ils savaient pertinemment ce qui se passait.

13 Autre élément de preuve important pour montrer que ce plan était déjà en

14 train d'être mis en œuvre, il faut voir ce que la VRS a fait aux

15 Néerlandais qui essayaient d'assurer l'escorte de convoi de réfugiés et

16 des hommes destinés à ce sort terrible, qui étaient en passe de quitter

17 l'enclave.

18 Il y avait une première escorte qui avait réussi à passer jusqu'à Kladanj.

19 Je pense que hormis celle-ci, il n'y a aucun véhicule d'escorte des

20 Nations Unies qui ait pu assurer cette percée.

21 Je pense que c'est le commandant Franken qui a dit que le plan initial

22 consistait à placer un soldat néerlandais dans chacun des bus mais il

23 n'avait pas les moyens de le faire. En lieu et place de cela, afin de

24 quand même assurer la sécurité des réfugiés, les Néerlandais ont placé un

25 petit véhicule des Nations-Unies, par exemple une jeep, à l'avant du

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1 convoi ainsi qu'à l'arrière du convoi.

2 De cette façon, ils pouvaient déterminer si ces convois…tout d'abord

3 quelle était la destination de ceux-ci et puis aussi ils pouvaient aussi

4 veiller que ces personnes, se trouvant dans les bus, arrivent en lieu sûr,

5 soient en sécurité.

6 Vous avez entendu dire, Madame et Messieurs les Juges, que de façon

7 systématique, la VRS a arrêté ces véhicules, les a empêchés de quitter la

8 zone.

9 Dès qu'un convoi essayait de partir, on arrêtait le véhicule d'escorte.

10 C'étaient des soldats de la VRS armée qui le faisaient, qui dirigeaient

11 leur fusil sur les soldats faisant partie de l'escorte, leur enlevaient,

12 dérobaient leur casque bleu, leur gilet pare-balle, leurs armes et leurs

13 véhicules. Pas le moindre véhicule d'escorte n'a été en mesure de suivre

14 les hommes qui avaient quitté la maison blanche. Pas le moindre. Pas après

15 le premier ou le deuxième convoi, pas le moindre véhicule n'a pu suivre ce

16 cortège de femmes et d'enfants qui partait vers Kladanj.

17 Le colonel Karremans, ce commandant du Bataillon néerlandais, a dit que la

18 VRS, l'armée des Serbes de Bosnie avait réussi à enlever au Bataillon

19 néerlandais ses yeux et ses oreilles. Les officiers, les soldats

20 néerlandais qui ont participé à cette tentative d'escorte, les victimes

21 ont dit qu'ils avaient eu l'impression que ces confiscations, ces arrêts

22 semblaient être une manœuvre systématique organisée.

23 Le commandant Franken a déposé en disant qu'il a fallu très peu de temps,

24 la totalité des hommes de l'enclave y compris ces hommes qui étaient

25 destinés à ce sort terrible, les Néerlandais ont perdu de 15 à 16

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1 véhicules, lorsqu'il est apparu clairement que les hommes se trouvant dans

2 la file, dans la colonne, se livraient à la VRS le long de la route Milici

3 Bratunac, ils étaient, bien sûr, aussi inclus dans ce plan génocidaire.

4 Je vous ai déjà parlé du témoignage de ce témoin qui a été détenu au stade

5 de Nova Kasaba parce que, lui aussi, avait été forcé à abandonner ses

6 effets personnels et ses pièces d'identité. Le 13 juillet, à 17 heures 30,

7 et d'après une communication interceptée, une communication radio

8 interceptée, quelque 6.000 hommes et adolescents avaient été capturés,

9 s'étaient livrés le long de la route.

10 Pouvons-nous maintenant recevoir de la régie l'extrait suivant? C'est un

11 panneau. C'est une communication interceptée en date du 13 juillet. Vous

12 le voyez, Madame et Messieurs les Juges, en haut de cette interception, il

13 y a une discussion entre deux membres de la VRS.

14 On demande que des bus soient envoyés pour prendre les prisonniers qui

15 avaient été capturés. Deuxième ligne, on estime à peu près combien de

16 personnes ont été capturées, on voit le chiffre de 6.000 à l'heure de 17

17 heures 30, le 13. Et puis, il y a une discussion, on se demande où ces

18 6.000 personnes sont détenues. En fait, elles le sont dans trois lieux

19 différents et chaque fois il y a 2.000 personnes. Je voulais mentionner

20 ces endroits; ils se situent le long de la route Bratunac-Milica.

21 Puis on discute de la nécessité de les transporter au stade. Nous le

22 voyons à l'image suivante, ce stade, c'est celui qui se trouve à Nova

23 Kasaba. Cette vue aérienne a été prise le 13 juillet 1995 vers 14 heures.

24 Vous voyez qu'il y a un très grand nombre de prisonniers qui étaient

25 rassemblés en deux grands groupes.

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1 Il se fait que cette route a été utilisée par le général Krstic, comme

2 nous le savons, le 13 juillet, mais c'est aussi le 13 juillet, nous le

3 savons, qu'il y a eu les premières exécutions en masse. Celles-ci montrent

4 de façon patente qu'il y a eu un haut degré de coordination.

5 Je vous ai parlé du massacre de Srpska au cours duquel des bus emportant

6 des prisonniers sont passés par des routes isolées, étaient suivis de VTT

7 avec des soldats et suivis d'engins destinés à creuser le sol.

8 Je vous ai parlé de l'entrepôt de Gravica où il y a eu, en fin d'après-

9 midi du 13, un massacre aussitôt suivi de l'arrivée de gros engins de

10 chantier. Entendons ce que dit une des victimes, l'impression qu'elle a à

11 propos de l'organisation. Rappelez-vous le témoin O, il est un des deux

12 survivants du massacre du barrage, c'est un homme remarquablement jeune

13 qui a été blessé, mais qui a été sauvé par l'unique autre survivant à ce

14 massacre et, d'après lui, je le cite: "De tout ce que j'ai pu avoir dit et

15 vu, j'ai pu conclure que tout ceci était extrêmement bien organisé,

16 c'était une tuerie systématique et ceux qui avaient organisé ceci ne

17 méritent pas de rester en liberté." (Fin de citation.)

18 Voici quelques-uns des mots les plus extraordinaires prononcés ici en

19 cette espèce, peut-être dans ce Tribunal, le témoin 0 a poursuivi en

20 disant:

21 " Si j'avais le droit et le courage, au nom de tous ces innocents, de

22 toutes ces victimes, je pardonnerai les véritables auteurs de ces

23 exécutions parce que, en fait, ils ont été induits en erreur." (Fin de

24 citation.)

25 Ces moyens de preuve, que nous vous avons soumis, montrent que ce plan

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1 génocidaire avait été créé le 11 juillet. Nous le voyons en résumé dans le

2 fait qu'il a eu d'abord ces séparations, qu'il y a eu abandon des pièces

3 d'identité le 11 juillet, qu'il a eu blocage systématique des convois afin

4 d'empêcher le Bataillon néerlandais d'intervenir dans ces événements qui

5 allaient se produire.

6 Ce sont des preuves patentes de planification, notamment du massacre à

7 l'entrepôt de Kravica ainsi qu'à Srpska.

8 Je vais déplacer mon centre d'intérêt quelque peu, parlons maintenant des

9 preuves montrant qu'il a eu participation directe de Krstic dans ces

10 tueries et le fait qu'il en était au courant.

11 Nos moyens de preuve montrent qu'il savait directement ce qui passait et

12 nous constatons cela sur la base de trois catégories, les messages

13 interceptés avec les participants au meurtre y compris les conversations

14 avec Krstic lui-même, le manque d'enquêtes menées concernant ces crimes et

15 les fausses déclarations données par Krstic au Bureau du Procureur et

16 devant cette Chambre visant à le distancier par rapport à ces événements

17 et à leurs auteurs.

18 Tout d'abord penchons-nous sur les messages interceptés.

19 Le premier message intercepté qui nous intéresse porte la date du 12

20 juillet. Il s'agit là d'un message intercepté portant sur une conversation

21 entre le général Krstic et Slavko Ognjenovic, et M. Ognjenovic apparemment

22 -nous pouvons le voir sur l'organigramme- il est membre de l'état-major du

23 Corps de la Drina qui a participé à ces opérations.

24 Ce message intercepté montre que Krstic surveillait le progrès de la

25 colonne, il dit à Slavko Ognjenovic: "Qu'est-ce qui se passe par là?" et

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1 il lui dit de recueillir autant d'informations que possible, d'organiser

2 les unités sur les lignes de front, de faire en sorte qu'il se renseigne

3 sur tout, et il dit: "On va garder le contact."

4 Il garde son intérêt et il se tient au courant du progrès de la colonne.

5 Cette même nuit, la nuit où Krstic est devenu commandant du Corps de la

6 Drina, il a appelé le lieutenant-colonel Ljubisa Borovcanin qui était

7 l'adjoint du commandant de la police spéciale du ministère de l'Intérieur,

8 et comme nous le savons l'unité de la police spéciale de Borovcanin, ces

9 unités travaillaient avec les unités du Corps de la Drina sur la route

10 Bratunac-Milica et ils étaient en train de capturer les Musulmans de la

11 colonne.

12 Nous pouvons voir le cliché ici. A gauche, nous voyons un soldat bosno-

13 serbe. C'est une photographie qui a été prise le 13 juillet. La personne à

14 droite, qui ne porte pas de casque, est le lieutenant-colonel Borovcanin.

15 Le soldat serbe que l'on voit porte un casque de l'ONU qui avait été volé

16 de l'ONU. Et ces casques et les véhicules de l'ONU ont été organisés afin

17 de piéger les Musulmans et afin de les faire tomber dans le piège

18 génocidaire.

19 Le message intercepté suivant porte sur une conversation qui a eu lieu le

20 13 juillet. Il s'agit là d'une conversation entre le général Krstic et le

21 lieutenant-colonel Borovcanin. Il s'agit là d'une conversation qui a eu

22 lieu à 20 heures 40, à savoir peu de temps après la passation de pouvoirs.

23 A ce moment-là donc le général Krstic était le commandant du Corps de la

24 Drina, et sur la base de ce message intercepté il est possible de

25 constater que le général Krstic était en train de s'entretenir avec

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1 Borovcanin en lui demandant comment cela allait et en disant à la fin:

2 "Nous garderons le contact."

3 Comme je l'ai déjà dit, le plan génocodaire n'a pas été conservé par

4 écrit. Il n'y a aucun doute que les ordres et les discussions à ce sujet

5 se déroulaient de manière orale et que les discussions étaient tout à fait

6 confidentielles.

7 Le témoin DB nous a dit que plusieurs fois le général Krstic allait tout

8 seul dans la pièce de codage et qu'il y restait pendant un certain temps

9 tout seul. Bien sûr il n'aurait pas été prudent de communiquer à ce sujet-

10 là en utilisant les téléphones non sécurisés, mais parfois il y a eu des

11 moments où la prudence n'était pas totale au cours des communications qui

12 se déroulaient par le biais des moyens de communication non sécurisés.

13 A des moments pareils, les interlocuteurs faisaient recours aux chiffres,

14 et nous avons un exemple de codes qui étaient employés dans la

15 conversation du 14 juillet.

16 Je souhaite d'abord dire quelque chose sur le contexte de ce message

17 intercepté. Il ne faut pas oublier que, le 14 juillet, des exécutions en

18 masse ont eu lieu à Orahovac et au barrage, et des milliers de victimes

19 supplémentaires avaient été transportées au nord de Zvornik pour y être

20 exécutées par la suite.

21 Cette conversation a eu lieu entre le commandant Jokic, qui était le chef

22 de l'état-major chargé du génie militaire de la Brigade de Zvornik, et le

23 lieutenant-colonel Beara, qui appartenait à l'état-major, et dont le

24 général Krstic a dit qu'il était l'une des personnes les plus responsables

25 pour ce qui s'est passé.

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1 Dans cette conversation, vous allez voir que le colonel Beara parle au

2 commandant Jokic, et voici ce qu'il dit, je cite:

3 "Nous avons des problèmes énormes ici." Et ensuite Jokic dit: "Il y a des

4 problèmes, de grands problèmes avec les gens, je veux dire avec les

5 colis." (Fin de citation.)

6 Donc clairement, il s'agit d'un code selon lequel le colis signifie les

7 gens, les Musulmans que l'on était en train de tuer.

8 Le 15 juillet, après les meurtres à Orahovac et au barrage, et avant les

9 meurtres à Kozluk et à la ferme militaire de Branjevo et le centre

10 culturel de Pilica, le colonel Beara a parlé au commandant du Corps de la

11 Drina, le général Krstic.

12 Voici le message intercepté qui a été enregistré à trois endroits

13 différents, et les Juges de la Chambre ont pu se pencher sur les trois

14 enregistrement et sur les documents, de même que les dépositions des

15 opérateurs qui ont intercepté les messages.

16 Il s'agit ici d'une requête donnée par le colonel Beara au commandant du

17 Corps de la Drina. Il demande son aide, il se plaint.

18 Beara dit: "Général, Furtula n'a pas exécuté l'ordre du chef."

19 Krstic dit: "Ecoute, il lui a demandé d'apporter un tank et non pas un

20 train."

21 Beara dit: "Mais j'ai besoin de 30 hommes conformément à l'ordre."

22 Ensuite Krstic lui dit de les prendre de Nastic ou Blagojevic, en

23 ajoutant: "Je ne peux retirer personne d'ici."

24 Nastic est le lieutenant-colonel qui est le commandant d'une brigade

25 subordonnée au général Krstic, à savoir la 1re Brigade de Milici, et le

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1 colonel Blagojevic est le commandant d'une autre brigade subordonnée au

2 général Krstic, la 1re Brigade de Bratunac.

3 Nous pouvons voir que, plus loin dans ce message intercepté, on mentionne

4 un homme répondant au nom de Boban Indzic. Nous savons que cette personne

5 était subordonnée à l'accusé, et, sur la base des dépositions, nous savons

6 que Boban Indzic se trouvait avec le général Krstic au poste de

7 commandement avancé.

8 Dans ce message intercepté aussi, référence est faite à Furtula; Furtula

9 est l'un des commandants subordonné du général Krstic. Il est le

10 commandant de la 5e Brigade de Visegrad et Gorazde.

11 Et le colonel Beara dit finalement au général Krstic qu'il reste encore

12 3.500 colis qui doivent être distribués et qu'il n'y a pas de solution à

13 cela. Bien sûr, ce dont il parlait c'était le fait qu'il avait devant lui

14 3.500 autres Musulmans qui devaient être exécutés alors qu'il n'avait pas

15 de personne qui pouvait effectuer les exécutions. Le général Krstic a dit:

16 "Je vais voir ce que je peux faire."

17 Ce qui est intéressant, c'est de savoir que le général Krstic n'a pas pris

18 les personnes de la zone de responsabilité de Zvornik afin qu'elles

19 participent à ces meurtres puisque le général Krstic était tout à fait au

20 courant des difficultés de la Brigade de Zvornik, et il savait très bien

21 que c'étaient eux qui avaient été responsables des combats qui se

22 déroulaient avec les forces, les forces adverses, qui s'infiltraient dans

23 la zone de Zvornik.

24 Le 15 juillet, il a reçu un rapport sur les combats, qui lui a été envoyé

25 par le colonel Vinko Pandurevic, le commandant de la Brigade de Zvornik.

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1 Et voici ce qui figure dans ce rapport, je cite:

2 "Un fardeau supplémentaire pour nous constitue un grand nombre de

3 prisonniers qui se trouvent partout dans les écoles, dans la zone de

4 responsabilité de la Brigade, de même que l'obligation de sécuriser et

5 restaurer le terrain."

6 La restauration du terrain, comme nous le savons, signifie l'enterrement

7 des morts. Il s'agit ici d'un rapport de combat qui continue, qui parle du

8 commandement de la Brigade de Zvornik qui ne peut plus s'occuper de ces

9 problèmes puisqu'ils n'ont pas suffisamment de matériel ni de ressources.

10 Il s'agit là de la pièce à conviction de l'accusation 609 et 610.

11 Le général Krstic, face à cette demande de distribuer les 3.500 colis,

12 s'adresse donc aux autres unités qui n'avaient pas été engagées à Zvornik.

13 Ce qui est intéressant également est de noter que ce message intercepté

14 comporte les mots suivants: le général Krstic, un peu plus loin, en

15 parlant des hommes supplémentaires qui doivent être envoyés, qui sont

16 requis, le général Krstic dit à Beara:"Ljubo, cette ligne n'est pas

17 sécurisée". Et la réponse est: "Je sais, je sais".

18 Mais les craintes du général Krstic portent sur le fait qu'il a peur que

19 l'on parle de ce plan en employant les moyens de communication non

20 sécurisés. Il s'agit donc ici d'une preuve claire du fait que le général

21 Krstic a participé, était au courant du plan génocidaire. Une autre

22 conversation importante a été interceptée le 16 juillet.

23 Veuillez placer cela sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Il s'agit là

24 d'une conversation qui a eu lieu à 13 heures 58, il s'agit donc d'une

25 conversation entre le lieutenant-colonel Popovic, la personne qui était

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1 subordonnée au général Krstic et qui était chargée de la sécurité. Cette

2 conversation porte sur le besoin des carburants.

3 Nous savons que le général Popovic n'a pas participé aux activités de

4 combat. Nous savons également que Pilica était beaucoup trop loin par

5 rapport à l'endroit où se déroulaient les combats entre la colonne et les

6 membres de la Brigade de Zvornik.

7 Voyons ce qui est dit dans de ce message intercepté. Ici, il s'agit d'une

8 requête faite par le lieutenant-colonel Popovic qui souhaite parler avec

9 Basevic. M. Basevic sur cet organigramme, nous constatons que son nom

10 apparaît, il était la personne chargée des carburants dont la Brigade

11 avait besoin. Il fait partie du service logistique ici.

12 Le lieutenant-colonel Popovic s'intéresse à 500 litres de carburant et,

13 selon ce message intercepté, Popovic dit: "500 litres de D2 sont requis de

14 toute urgence, sinon le travail qu'il est en train d'effectuer se

15 terminera." (Fin de citation.)

16 Nous savons quel était le travail que l'on était en train d'effectuer le

17 16 juillet, il s'agissait des massacres qui se déroulaient à la ferme

18 militaire de Branjevo et au centre culturel de Pilica.

19 Un peu plus loin dans ce message intercepté, nous voyons qu'il est dit que

20 les carburants doivent être acheminés au village de Pilica, le village de

21 Pilica est le lieu où a eu lieu le massacre du centre culturel de Pilica.

22 Sur la base de la pièce à conviction suivante, nous savons qu'il s'agit

23 donc là d'un reçu portant sur 500 litres de carburant.

24 Vous allez voir que ceci a été distribué le 16 juillet. Au n°14 ici, vous

25 allez voir que ceci a été reçu par le commandement du Corps de la Drina,

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1 que la personne qui l'a reçu était le lieutenant-colonel Popovic, donc il

2 a reçu les carburants précieux, ce qui lui permettait de continuer son

3 travail qui était en train d'être effectué à la ferme militaire de

4 Branjevo et à Pilica.

5 Nous savons également que, le 16 juillet, sur la base d'un message

6 intercepté qui a eu lieu à 21 heures 16 que le lieutenant-colonel Popovic

7 donnait des informations détaillées au général Krstic concernant le

8 progrès des exécutions.

9 Dans ce message intercepté qui a eu lieu à 21 heures 16, le lieutenant-

10 colonel essaye de se mettre en contact avec le général Krstic, le général

11 Krstic n'est pas là, je cite ce que dit le lieutenant-colonel Popovic, je

12 cite: "Tout s'est passé absolument conformément à ce qu'il avait écrit.

13 J'ai été sur le terrain et j'ai vu moi-même qu'il avait reçu des nombres…,

14 bon peu importe, je vais venir demain et je vais tout dire au général."

15 (Fin de citation.) Il parle ici du général Krstic.

16 Il poursuit:

17 "J'ai terminé mon travail.

18 -Question: Vous avez terminé?

19 -Réponse: J'ai tout terminé. Très bien, je vais venir demain lorsque je

20 serai sûr que ce sera terminé."

21 Plus tard, dans ce message intercepté, le lieutenant-colonel Popovic dit:

22 "Eh bien, Général, il n'y avait pas de grand problème, mais là-bas il y a

23 eu des problèmes horribles. Ce que le commandant avait envoyé, c'était

24 vraiment la chose à faire." Et l'autre interlocuteur dit: "Très bien."

25 (Fin de citation.)

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1 Le travail, comme je l'ai dit, dont parle le lieutenant-colonel Popovic,

2 ce sont les exécutions qui ont eu lieu à la ferme militaire de Branjevo et

3 au centre culturel de Pilica, et la chose qui avait été envoyée c'étaient

4 les personnes qui ont effectué les exécutions.

5 Le message intercepté important suivant porte la date du 17 juillet. Il

6 s'agit d'un message intercepté à 12 heures 42. Il s'agit là d'une

7 conversation entre le commandant Golic, qui est l'adjoint du lieutenant-

8 colonel Kosoric, qui est le beau-frère de l'accusé qui travaille au

9 service de renseignements du Corps, ce que le commandant Golic dit vers la

10 fin, c'est je cite: "Ecoute, trouve ce type Popovic et dit lui de se

11 présenter auprès du poste de commandement avancé". (Fin de citation.) Il

12 s'agit là du poste de commandement avancé à Zepa.

13 Qui s'y trouve à Zepa? Le général Krstic. Le message est: "Trouve-le afin

14 qu'il prenne contact immédiatement."

15 Deux minutes plus tard, un autre message intercepté où l'on est en train

16 d'essayer de trouver Popovic. Ce que ce message intercepté révèle est

17 l'information intéressante suivante. Lorsqu'on lui pose la question de

18 savoir où est Popovic, Tribic², l'un des interlocuteurs dit: "Eh bien, il

19 est allé là-bas vers cette tâche".

20 De quelle tâche parle-t-il? Il ne va pas dire "il est allé vers les

21 exécutions," il fait recours au code encore une fois en disant: "Il est

22 allé vers la tâche" et l'autre interlocuteur comprend parfaitement ce

23 qu'il veut dire. Au nord par rapport à vous? Oui. Donc, il continue à

24 chercher le lieutenant-colonel Popovic et, cinq minutes plus tard, nous

25 avons un autre message intercepté, ici encore une fois l'un des

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1 interlocuteurs est Trbic qui dit: "Cette fois-ci, les choses ont changé,

2 encore une fois". Et Trbic dit: "Oui", et l'autre interlocuteur dit: "Si

3 vous le contactez, faites en sorte qu'il termine ce travail". Et ensuite,

4 l'autre interlocuteur dit: "Permettez-lui de terminer le travail qu'il est

5 en train d'effectuer et dites-lui de nous contacter immédiatement ici à

6 Golac. Je suppose qu'il voulait dire à Golic".

7 Ensuite, Trbic dit: "Très bien, dans ce cas-là, je vais lui laisser faire

8 son travail, je ne vais pas le déranger et ensuite il va faire un saut là-

9 bas".

10 Le dernier message intercepté prouve que le général Krstic était tout à

11 fait au courant de ce processus. Il s'agit du message intercepté de 16

12 heures 22, du 17 juillet, encore une fois le même jour où ils étaient en

13 train d'essayer de trouver Popovic, donc à 16 heures 22.

14 Il est dit: "Bonjour, c'est Popovic, chef". Là, il se réfère au commandant

15 Krstic. "Tout est OK, tout le travail est fait, tout est OK, tout a été

16 mené à sa fin. Pas de problème. Je suis ici sur place. Je suis ici sur

17 place là où j'étais avant. Vous savez, je suis à la base. Je suis à la

18 base. Puis-je prendre une petite pause? Prendre une douche? Et je pense

19 que je vais réfléchir de nouveau un peu plus tard. Au fond, tout reçoit un

20 "A", un "A", le grade est "A". Cela mais cela mérite une note de "A". Tout

21 est OK. C'est cela, au revoir". (Fin de citation.)

22 Voici ce qui a été dit. Ce qui a été fait. Nous avons vu les images, il

23 s'agit de la ferme militaire de Branjevo où selon M. Erdemovic, 1.200

24 Musulmans ont été tués au cours de cinq heures. Le travail qui a été

25 effectué également concerne le centre culturel de Pilica où 500 Musulmans

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1 ont été tués.

2 Il est clair, sur la base de ce moyen de preuve, que le général Krstic

3 était tout à fait au courant et qu'il a tout à fait participé aux

4 exécutions massives qui étaient en train de se dérouler. Il a participé à

5 la planification de ces activités. Il connaissait parfaitement les mots de

6 code.

7 Il comprenait parfaitement le colonel Beara lorsque celui-ci a parlé de

8 3.500 colis à distribuer. Il a envoyé des personnes qui devaient effectuer

9 les tueries afin de les aider soi-disant à distribuer ces colis, et il a

10 été tout à fait tenu au courant des progrès du génocide par le lieutenant-

11 colonel Popovic qui était son subordonné direct et dont le général Krstic

12 dit que cette personne était responsable pour tout.

13 Nous allons également parler du fait que le général Krstic n'a pas envoyé

14 de rapports concernant ces crimes, n'a pas lancé une enquête afin de

15 trouver les auteurs et les punir. Et d'après l'avis de l'accusation, c'est

16 que le général Krstic ne l'a pas fait en raison de sa participation

17 directe à ces crimes.

18 Enfin, les Juges de la Chambre peuvent conclure sur la base de la manière

19 systématique dont le général Krstic disait des mensonges à la fois au

20 Bureau du Procureur et ensuite sous serment devant cette Chambre. Il

21 n'arrêtait pas de dire qu'il n'avait pas participé à tous ces événements

22 mais comme les Juges de la Chambre le savent, la défense du général Krstic

23 dépend exclusivement de sa déposition et de la question de savoir si les

24 Juges vont le croire ou pas.

25 Qu'est-ce qu'il essaie de nous faire croire, le général Krstic? Il essaie

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1 de nous faire croire qu'il a été complètement, hermétiquement, isolé à

2 Zepa, dans un vide d'information où les membres de son état-major,

3 délibérément, faisaient en sorte qu'il ne soit pas informé des tueries

4 massives qui se déroulaient et où ces ressources précieuses étaient

5 impliquées.

6 Mais rien ne peut être plus loin de la vérité. Il était tenu au courant

7 absolument de chaque aspect crucial du plan à la planification duquel il

8 avait participé. Il a essayé de dire des mensonges au Bureau du Procureur

9 et aux Juges de cette Chambre sous serment et il a essayé de rejeter la

10 responsabilité sur d'autres personnes afin de se défendre lui-même.

11 Penchons-nous maintenant sur sa crédibilité en nous penchant sur des

12 éléments de sa déposition. Puis-je continuer?

13 M. le Président: Vous pouvez continuer jusqu'à 11 heures moins 10.

14 M. Harmon (interprétation): Merci. Examinons donc les aspects très

15 importants de sa déposition, les mensonges qu'il nous a dits, j'ai déjà

16 mentionné la chose.

17 Il a parlé des expulsions. Il a dit, je cite: "Nous ne savions rien de

18 l'arrivée des bus à Potocari". Il a dit qu'il n'avait nullement participé

19 à l'obtention de ces bus, etc. Et je vais vous démontrer que tout ceci est

20 faux.

21 Il a dit qu'il n'est devenu commandant du Corps de la Drina que le 20 ou

22 le 21 juillet au moment d'une cérémonie de passation de commandement à Han

23 Kram. Je vous ai expliqué en détail les raisons pour lesquelles nous

24 avançons qu'il est devenu commandant du Corps de la Drina le 13 juillet.

25 Donc quand il vous a dit, à vous, Madame et Messieurs les Juges, qu'il

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1 n'est devenu commandant qu'à partir du 20 ou 21, il n'a pas dit la vérité.

2 J'ai également parlé d'un autre mensonge qu'il nous a fait, à savoir qu'il

3 n'était pas à Potocari. Il s'agit d'une déclaration erronée qui a été

4 faite au Bureau du Procureur. Vous vous souviendrez que nous avons vu un

5 film où nous voyons un dialogue entre M. Ruez et le général, il dit

6 catégoriquement "absolument pas" dans cette vidéo. Mais lorsqu'est venu le

7 moment de témoigner au procès, sa version des faits a changé. Une fois que

8 nous avons présenté ce film dont nous avions un exemplaire, il a dit la

9 chose suivante, il s'agit d'un témoignage, compte rendu d'audience, pages

10 6218, 6219, il a dit qu'il avait l'intention de retourner au poste de

11 commandement avancé de Pribicevac en passant par Srebrenica.

12 Il dit, je cite: "Je suis tombé sur un point de contrôle à Potocari qui

13 était tenu par des soldats du 65e Régiment motorisé de protection, et les

14 soldats m'ont dit que personne n'avait le droit de passer ce point de

15 contrôle avant le général Mladic. C'était son ordre et c'est ainsi que je

16 l'ai interprété comme un ordre et j'ai respecté cela parce que les soldats

17 sont censés respecter les ordres donnés par leur supérieur.

18 Alors que je me trouvais à cet endroit pendant une période de temps très

19 limité, j'ai remarqué la présence d'une équipe de télévision. Ils m'ont

20 demandé de descendre de mon véhicule et je leur ai accordé une brève

21 interview." (Fin de citation.)

22 Il a ensuite déclaré dans le cadre de sa déposition qu'immédiatement

23 ensuite il est retourné à Bratunac et il s'est rendu au poste de

24 commandement avancé.

25 Cette partie de cette déposition se trouve au compte rendu d'audience,

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1 pages 6628, 6629. Ce qu'il a dit là c'étaient des mensonges.

2 Nous vous avons présenté des éléments de preuve qui sont en contradiction

3 directe avec le général Krstic à ce sujet. Il est allé à Potocari le 12.

4 Il a été intercepté à un point de contrôle mais il a passé ce point de

5 contrôle où lui et le général Mladic sont restés une à deux heures.

6 Le fait que le général Krstic soit resté à Potocari a été confirmé par des

7 témoins tiers impartiaux qui viennent du colonel Kingori qui dit avoir vu

8 le général Krstic à Potocari, il a dit que c'était un des officiers de

9 haut rang de la VRS qui sont arrivés à la base des Nations Unies à

10 Potocari pour voir s'il n'y avait pas de soldats musulmans qui s'étaient

11 réfugiés dans la base. On trouve ceci aux pages 1837, 1839 du compte rendu

12 d'audience.

13 Il a déposé en disant qu'il avait vu le général Krstic et le général

14 Mladic près de la maison blanche où se trouvaient les hommes musulmans qui

15 avaient été séparés et qui étaient détenus à cet endroit. Il a semblé au

16 colonel Kingori que le général Krstic donnait des ordres aux soldats aux

17 alentours. Compte rendu d'audience pages 1848 et 1907.

18 Ensuite, nous avons le témoignage du commandant Robert Franken du

19 Bataillon néerlandais qui a déclaré que vers le 12 ou le 14, qu'il n'était

20 pas sûr de la date exacte, tout ceci s'est passé il y a près de 6 ans. Il

21 avait observé l'accusé à Potocari à l'extérieur de la base des Nations

22 Unies avec un groupe de la VRS de haut rang.

23 Enfin nous avons le témoin F, un autre soldat du Bataillon néerlandais,

24 qui déclare avoir vu le général Krstic et le général Mladic à Potocari aux

25 alentours de la base des Nations Unies et aux alentours de la maison

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1 blanche et près des réfugiés. Il a déposé en disant qu'il l'a vu à

2 plusieurs reprises donner des ordres à ses subordonnés. Il a également

3 déclaré que le général Mladic et le général Krstic étaient, je cite: "De

4 bonne humeur. Il lui a semblé que le général Krstic déambulait à cet

5 endroit et il s'assurait que tout était conforme au plan." (Fin de

6 citation.)

7 Cela c'est un témoignage d'un soldat néerlandais. Nous savons qu'il y

8 avait non seulement le général Mladic, le général Krstic, mais il y avait

9 également le lieutenant-colonel Popovic et les principaux acteurs de ce

10 plan génocidaire. Donc nous avançons que lorsque le général Krstic nous

11 dit qu'il a été arrêté à un point de contrôle, qu'il n'a pas pu passer,

12 qu'il a simplement donné une brève interview à une équipe de télévision et

13 qu'il est ensuite retourné à Bratunac au poste de commandement avancé,

14 nous avançons qu'il a menti lorsqu'il a déclaré cela.

15 Ensuite, le général Krstic a essayé de se distancer d'un certain nombre de

16 personnes dont il a dit que c'étaient eux qui étaient responsables de

17 tout. Pendant le procès sous serment, le général Krstic a dit qu'il ne

18 s'était absolument jamais entretenu avec le colonel Beara entre le 13 et

19 le 17 juillet. Une fois de plus un effort de sa part pour se distancer de

20 l'un de ceux qui a joué un rôle majeur dans ce crime. Et cette

21 affirmation, elle est contraire à la vérité, elle a été réfutée par une

22 communication interceptée le 15 juillet entre le colonnel Beara et le

23 général Krstic, où on entend Beara dire: "J'ai 3.500 colis à distribuer."

24 Nous avons présenté des témoignages à huis-clos qui montrent que Beara

25 était présent au poste de commandement avancé à Zepa. Nous avons également

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1 entendu le témoignage du témoin de la défense DC qui a déclaré qu'elle

2 avait vu le colonel Beara au poste de commandement avancé pendant

3 l'opération de Zepa. Il s'agit de déclarations qui figurent aux pages 7450

4 et 7493 du compte rendu d'audience.

5 Nous avons également des éléments de preuve qui montrent que le colonel

6 Beara et le général Krstic sont restés en contact.

7 L'image suivante, que nous allons vous présenter, a été prise lors d'une

8 cérémonie qui a eu lieu à Vlasenica le 2 décembre 1995 et, Krstic, vous

9 vous en souviendrez, a été félicité par Mladic pour le rôle de premier

10 plan qu'il a joué dans l'opération de Srebrenica et de Jepa.

11 La première personne que nous voyons est le général Mladic -Mlle Keith est

12 en train d'entourer le général Mladic sur la photographie-, l'autre

13 personne que nous voyons est l'accusé, ensuite nous avons le colonel

14 Beara.

15 Nous avançons, Madame et Messieurs les Juges, que lorsque le général

16 Krstic nous dit qu'il ne s'est pas entretenu avec Beara entre le 13 et le

17 17, nous avançons qu'il mentait. Non seulement Beara était au poste de

18 commandement avancé à Zepa, mais il y avait également le lieutenant-

19 colonel Popovic à cet endroit.

20 Je vous renvoie à la page du compte rendu d'audience 9134, il y avait

21 également Furtula qui était là, il y avait également Boban Indzic qui

22 était également là, tous les acteurs de premier plan en consultation avec

23 le général Krstic et présents avec lui à Zepa.

24 Penchons-nous maintenant sur deux aspects essentiels, deux points

25 essentiels au sujet desquels le général Krstic ne vous a pas dit la

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1 vérité. Il s'agit en premier lieu de sa connaissance du fait que des gens

2 qui avaient fui Srebrenica avaient été capturés.

3 Lors du procès, Mme la Juge Wald a demandé au général Krstic si, entre le

4 13 et le 17 juillet, il avait reçu des informations selon lesquelles des

5 gens avaient été où étaient capturés, des gens qui venaient de la colonne,

6 et le général Krstic a répondu, je cite: "Je ne savais pas du tout." Il

7 dit également: "Je n'avais aucune connaissance, je n'avais aucune

8 information quelle qu'elle soit pendant cette période au sujet du fait que

9 des gens avaient été capturés. Je ne savais pas ce qui arrivait ou ce qui

10 était arrivé aux gens qui avaient été ainsi capturés." (Fin de citation.)

11 Les éléments de preuve, que nous avons présentés, montrent que le 12

12 juillet le commandement du Corps de la Drina recevait des informations

13 selon lesquelles des Musulmans appartenant à la colonne se livraient à la

14 police militaire du ministère de l'Intérieur ainsi qu'à la VRS.

15 La pièce à conviction suivante est en date du 12 juillet, il s'agit d'un

16 rapport des services de renseignement qui est adressé au service des

17 renseignements du Corps de la Drina. Je vous demande de vous pencher sur

18 le premier paragraphe, on fait référence au fait que la colonne a été

19 découverte et qu'elle a été coupée en deux.

20 Un peu plus loin, on peut voir, je cite: "Le troisième groupe a été trouvé

21 dans la zone, il s'enfuit, paniqué, sans aucun contrôle. En groupe ou

22 individuellement, ils se livrent au ministère de l'Intérieur ou à l'armée

23 de la Republika Srpska". Ceci date du 12 juillet 1993. Informations

24 fournies directement au quartier général du Corps d'armée, des information

25 selon lesquelles des prisonniers se livraient à l'armée, ainsi qu'aux

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1 représentants du ministère de l'Intérieur.

2 Nous avons également déjà parlé et je ne reviendrai pas à ce sujet tout de

3 suite, donc j'ai parlé du dernier ordre délivré par le général Zivanovic,

4 le 13 juillet, avec un tampon qui indique qu'il a été transmis à 16

5 heures. Vous vous souviendrez qu'au point 3 de cet ordre il s'agissait

6 d'un ordre donné à des unités subordonnées de, je cite: "Placez les

7 Musulmans capturés et désarmés dans des bâtiments appropriés et d’en

8 informer immédiatement le commandement supérieur." Fin de citation.

9 En d'autres termes, il existait un ordre selon lequel toutes les unités

10 subordonnées devaient, sur ordre du commandement du Corps de la Drina,

11 placer tous les Musulmans capturés dans des bâtiments appropriés et en

12 informer le commandement, c'est-à-dire le général Krstic et les autres,

13 donc ils étaient informés du fait que ces Musulmans avaient été capturés.

14 Je vous ai déjà parlé d'une communication interceptée entre le lieutenant-

15 colonel Borovcanin et le général Krstic le 13 juillet, au cours de cette

16 conversation Krstic demande à Borovcanin comment les choses se passent et

17 il dit qu'il va reprendre contact plus tard, et de quoi parle-t-il dans

18 cette conversation? il parle de prisonniers capturés.

19 Quant le général Krstic a répondu au Juge Wald en disant qu'il ne savait

20 rien du tout, qu'il n'avait absolument aucune information au sujet du fait

21 que des prisonniers avaient été capturés, nous disons, nous, qu'il ne

22 disait pas la vérité à la Chambre.

23 Deuxième mensonge de sa part, c'est lorsqu'il nous dit dans sa déposition

24 que le 12 juillet il a quitté la zone de Srebrenica et qu'il a emprunté la

25 route de Viogora/Susica/Derventa/Milici/Vlasenica. En empruntant cette

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1 route, il nous dit qu'il est arrivé au quartier général de Vlasenica entre

2 16 heures et 18 heures. Il est important de constater, et vous connaissez

3 parfaitement Madame et Messieurs les Juges, la géographie de la région,

4 qu'en empruntant cette route il aurait emprunté une route complètement

5 désertée. Or, nous avons des informations qui vont dans le sens contraire,

6 qui montrent que le 13 juillet, le général Krstic a emprunté la route de

7 Bratunac/Milici/Konjevic Polje, une route donc où il a dépassé des

8 milliers de prisonniers musulmans qui avaient été arrêtés le long de la

9 route. Il a emprunté une route qui l’a fait passer devant les sacs à dos

10 abandonnés près de la route, il est passé là où les Musulmans ont été

11 détenus avant leur exécution, à l'entrepôt de Gravica, il est passé devant

12 la prairie de Sandici, devant le stade de football de Nova Kasaba où des

13 milliers de Musulmans ont été détenus.

14 Nous allons passer à la l'image suivante, vous voyez la route qui passe

15 devant le stade de Nova Kasaba, le stade est à droite.

16 Et l'image suivante c'est une image qui nous montre ce que le général

17 Krstic a vu en passant par cet itinéraire.

18 Nous disons donc que le général Krstic a menti quand il a dit qu'il ne

19 savait pas que des prisonniers avaient été capturés et lorsqu’il nous dit

20 avoir emprunté un itinéraire qui l'aurait fait passer par des endroits

21 totalement désertés, sans aucune circulation.

22 Le général Krstic vous a également déclaré qu'il n'avait appris le meurtre

23 des Musulmans qu’à la fin août ou au début septembre. Cela, on le trouve à

24 la page du compte rendu d'audience 6331 à 6332 et page 6850. Bien entendu,

25 ceci est faux. Nous avons présenté à la Chambre des éléments de preuve par

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1 ouï-dire relatifs au moment et à l’heure à laquelle le général Krstic a

2 été informé de ces meurtres. Nous avons la communication interceptée du 15

3 au sujet des 3500 colis à distribuer. Nous avons une série de

4 communications qui culminent avec le 17 juillet, avec une communication

5 avec Popovic qui dit que "Tout a été fait et que cela mérite 20 sur 20, ça

6 mérite la note de A." Et nous avons également le fait que Popovic, Beara

7 et le général Mladic étaient présents au poste de commandement avancé de

8 Zepa. Enfin nous avons, pour soutenir ce fait, la publicité qui a été

9 faite partout dans le monde au sujet de ces meurtres, le fait qu'ils sont

10 universellement connus.

11 Donc lorsque le général Krstic a affirmé à la Chambre qu'il n’a pris

12 connaissance de ces meurtres que vers la fin août ou en septembre il n’a

13 pas dit la vérité.

14 Lors de sa déposition le général Krstic n'a cessé de dire qu'entre le 13

15 juillet et le 2 août il ne s'est jamais rendu au quartier général de

16 Vlasenica. Je vous invite à vous référer à la page 6732 du compte rendu

17 d'audience. Bien entendu, cela représente un point essentiel de sa

18 stratégie, sa stratégie qui consiste à vouloir nous faire croire qu'il

19 était complément isolé à Zepa, qu'il ne recevait absolument aucune

20 information. Or nous savons, Madame et Messieurs les Juges, sur la base de

21 ce que nous a dit le témoin DB, que tout ce qui passait par Zepa en termes

22 d’information devait passer par le quartier général de Vlasenica, et

23 qu’ensuite ces informations étaient retransmises à d’autres brigades qui

24 se trouvaient à d’autres endroits.

25 Nous savons que le quartier général du Corps de la Drina recevait et

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1 transmettait des communications relatives à ces meurtres, nous en avons vu

2 un certain nombre d'exemples, et il est extrêmement probable que celles-ci

3 étaient chiffrées. Toutes ces communications arrivaient à Vlasenica et

4 étaient transmises par Vlasenica, là où le général Krstic nous dit ne

5 jamais s'être rendu.

6 L'accusation et la défense ont convenu du fait que Vlasenisa n’était pas

7 très éloignée du poste de commandement avancé de Krivace. Nous avons

8 convenu qu'entre le poste de commandement avancé de Krivace, là où le

9 général Krstic dit avoir été isolé, et le quartier général de Vlasenica,

10 la distance est de 34 kilomètres.

11 Les enquêteurs de mon Bureau, en se déplaçant à 47 km/heure ont parcouru

12 cette distance en 42 minutes et 57 secondes, c'est-à-dire la distance

13 entre le poste de commandement avancé de Krivace et le quartier général de

14 Vlasenica.

15 Nous savons sur la base de témoignages donnés à huis clos, page du compte

16 rendu d'audience 9133, nous savons que le général Krstic était à

17 Vlasenica. Nous savons également, après avoir entendu la déposition faite

18 à huis clos, qui avait un rapport avec ces faits, nous savons qu'il était

19 à Vlasenica.

20 Maintenant, je vais passer à la pièce à conviction suivante. Nous savons

21 que le 17 juillet, le général Krstic se trouvait au quartier général de

22 Vlasenica. Vous avez ici un ordre qu'il a délivré le 17 juillet et qui est

23 signé par lui en tant que commandant. Et vous voyez en haut à gauche que

24 ceci a été délivré à partir du quartier général de Vlasenica.

25 Maintenant, pièce à conviction suivante: il s'agit d'une communication

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1 interceptée le 18 juillet. Je n'en ai extrait que les 5 premières lignes,

2 mais il s'agit là d'une communication entre le général Krstic et un

3 interlocuteur inconnu.

4 Le général Krstic dit, je cite: "OK. Alors est-ce qu'il t a dit où je suis

5 censé venir, ici ou là-haut?"

6 L'autre répond : "Eh bien, le patron a dit que vous venez l'attendre là-

7 bas à Vlasenica."

8 Krstic dit alors: "Bien. Je voulais juste vérifier que j'avais bien

9 compris."

10 X répond alors: "Vous avez bien compris." Et le général Krstic répond

11 ensuite: "Bien, bien." (Fin de citation.)

12 Nous disons donc qu'à ce sujet le général Krstic a encore une fois menti à

13 la Chambre.

14 Je peux m'arrêter ici, Monsieur le Président.

15 M. le Président: Il est convenable de faire une pause maintenant et nous

16 allons faire une pause d'une demi-heure.

17 (L'audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 30.)

18 M. le Président: Monsieur Harmon, en continuant pour terminer.

19 M. Harmon (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame et

20 Messieurs les juges. Merci beaucoup

21 M. Harmon (interprétation): Merci beaucoup.

22 Avant la pause, je vous avais parlé du, des mensonges que le général

23 Krstic avait dits à la Chambre à plusieurs reprises et je vais poursuivre

24 dans cette veine. J'ai parlé de la déposition du général Krstic lorsqu’il

25 nous a dit qu’il n’était pas au fait des meurtres qui se produisaient

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1 parce qu’il était dans un endroit où il lui était impossible de recevoir

2 toute information. Il était soi-disant au poste de commandement de Zepa.

3 Mais je voudrais modifier un petit peu cela. Non seulement le général

4 Krstic nous a dit qu’il n’était pas au fait des meurtres qui avaient lieu

5 en dehors de la zone d’opération de Zepa, mais il nous a dit qu'il n'avait

6 absolument aucune information au sujet de ce qui passait au sujet d'autres

7 événements qui se déroulaient en dehors de la zone de responsabilité de

8 Zepa, à l'exception du 14 juillet; 14 juillet, jour où il a reçu des

9 informations venant du commandant adjoint de la brigade de Zvornik lui

10 faisant connaître les événements très inquiétants qui avaient lieu dans la

11 zone de responsabilité de Zvornik.

12 Il nous a dit que c'était là le seul élément d'information qu’il avait

13 reçu; c'est ce qu'il a dit au Bureau du Procureur au cours de son

14 interrogatoire et pendant le procès il a confirmé ces dires. Mais à ce

15 moment-là, il a quelque peu modifié sa version des faits, il a dit que ce

16 manque total d'information qui était celui qui régnait dans la zone de

17 Zepa, a été quelque peu compensé le 20 juillet quand il a reçu des

18 informations de la part du colonel Cerovic, responsable du service de la

19 conduite de la guerre et des affaires juridiques, et il nous a dit qu'à ce

20 moment-là il a été informé par le colonel Cerovic des événements qui se

21 déroulaient dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina.

22 Une fois encore, il s’agissait là pour l’accusé de nous donner

23 l’impression qu’il se trouvait dans une zone où il n’avait accès à aucune

24 information et ceci jusqu'à à peu près le 2 août, donc une période un

25 petit peu réduite, mais c’était quand même une période de temps assez

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1 importante qui a duré jusqu'au 20 juillet.

2 Nous avons communiqué à la Chambre un grand nombre d'éléments indiquant

3 que ce n'était absolument pas le cas. Je souhaiterais vous renvoyer à la

4 pièce 378, une pièce qui a été versée au dossier sous scellés et qui

5 répertorie les communications qui ont été faites en direction du général

6 Krstic, communications assez nombreuses. Je vais me référer à quelques-

7 unes d'entre elles. Je souhaiterais que l’on place le document sur le

8 moniteur. (Intervention technique.)

9 Voilà, je vois le document sur mon moniteur. Il s'agit ici d'un exemple

10 des nombreux documents que j'évoquais et il s'agit d'une réponse du

11 commandement de la Brigade de Bratunac à un ordre du général Krstic.

12 Pièce suivante, pièce de l’accusation 536 qui émane également de la

13 Brigade de Bratunac et qui fait référence à un ordre donné précédemment, à

14 un ordre donné par le général Krstic.

15 Autre pièce à conviction, qui a déjà été évoquée dans le cadre de mon

16 réquisitoire, c’est la pièce à conviction 537, il s’agit de la proposition

17 faite par le responsable de la défense aérienne du Corps de la Drina qui

18 l’informe des événements qui se déroulaient dans la zone de Zepa et aux

19 alentours. Proposition en date du 15 juillet.

20 Maintenant, je passe à la pièce à conviction suivante, pièce à conviction

21 de l'accusation 65O, je vais m'y attarder un peu plus longtemps, sur cette

22 pièce. Pourquoi? Parce que c’est une pièce qui est extrêmement parlante,

23 vu ce que nous a dit le général Krstic, lors de sa déposition, il s'agit

24 là d'une conversation qui a été interceptée, une conversation entre le

25 général Krstic et le commandant de la Brigade de Zvornik, le colonel

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1 Pandurevic.

2 Il s'agit d'un rapport d'une communication, je veux dire, qui nous montre

3 que le général Krstic recevait des informations venant d'une zone

4 extérieure à la zone de responsabilité de Zepa. Je souhaiterais vous

5 demander de référer à une partie de cette communication qui n'a pas été

6 surlignée, je le remarque à l'instant, cela se trouve à peu près au quart

7 de la page, le général Krstic dit, je cite: "Est-ce que les choses ont

8 changé pour le mieux là-haut?" Et Trbic répond: "Bien, la plupart des

9 choses vont mieux. On est en train de stabiliser la situation, le travail

10 se poursuit, on prépare les hommes qui arrivent etc." (Fin de citation.)

11 Ensuite, si nous descendons un petit peu plus bas sur la page, nous avons

12 une conversation entre Pandurevic, qui est le commandant de la Brigade de

13 Zvornik, et le général Krstic. Je cite:

14 "-Pandurevic: Bonjour mon Général.

15 -Krstic: Allo, Vinko, Vinko.

16 -Pandurevic: Allez-y.

17 -Krstic: Est-ce qu'il y a des changements en ce qui concerne ce rapport?

18 -Pandurevic: Rien d'important. En fait, on va sans doute en finir

19 aujourd'hui.

20 -Krstic: "En finir?

21 -Pandurevic: Oui." (Fin de citation.)

22 Cette communication interceptée atteste du fait que le général

23 Krstic ne vous a pas dit la vérité lorsqu’il affirmait qu’il ne

24 disposait d’aucune information sur les événements qui se déroulaient

25 en dehors de sa zone de responsabilité. Il s’agit d’une conversation

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1 interceptée le 17 juillet au cours de laquelle le général Krstic

2 s'entretient directement avec Vinko Pandurevic, son subordonné. Ils

3 font référence ici, Krstic plutôt fait référence à un rapport qu'il

4 a reçu de Pandurevic.

5 Pièce à conviction suivante, nous l'avons déjà examinée également.

6 Il s’agit d’une conversation interceptée le 19 juillet entre le

7 colonel Cerovic, qui était chargé du département du service du moral

8 des troupes et des affaires juridiques, et Vinko Pandurevic.

9 Nous avons déjà évoqué cette conversation lorsqu’il s'agissait de

10 parler du fait que Krstic donnait des ordres à des unités qui se

11 trouvaient en dehors de la zone de compétence du Corps de la Drina.

12 Si on examine ce document, en bas de ce document, on peut voir que

13 Cerovic dit, je cite: "Oui, j'ai présenté cela à Krstic et je lui ai

14 écrit un rapport spécial sur la base de vos rapports intérimaires et

15 de vos rapports quotidiens." Ce qui prouve que contrairement à ce

16 qu'a dit Krstic à la Chambre, il recevait des informations

17 quotidiennement et régulièrement.

18 D'autre part, nous avons également présenté des éléments de preuve

19 qui montrent que le général Krstic dans la zone de Zepa était avec

20 le général Mladic, Mladic qui était le chef d’état-major et qui

21 savait parfaitement à quoi s’en tenir en ce qui concernait la

22 situation sur le champ de bataille. Il était à Zepa avec le général

23 Krstic, bien entendu, il est normal qu’il ait informé le général

24 Krstic de ce qui se passait. Il y avait également le beau-frère du

25 général Krstic, le lieutenant-colonel Svetovar Kosoric.

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1 Nous avons présenté des exemplaires de rapport des services de

2 renseignements au sujet de la situation à l’extérieur, à l’intérieur

3 de l'enclave. C'était le colonel Kosoric qui recevait ce type

4 d’informations, il est tout à fait naturel d'imaginer qu'il ait

5 communiqué ces informations au commandant du Corps de la Drina qui

6 était également son beau-frère.

7 Donc, nous disons que lorsque le général Krstic vous affirme qu'il était

8 dans une sorte de vide total où il ne recevait absolument aucune

9 information, et ceci jusqu'au 20 juillet, nous avançons qu'il vous

10 mentait. Maintenant, passons à une période cruciale, ou à un moment

11 crucial de la déposition du général Krstic, moment où il ne vous a pas dit

12 la vérité. Il a déclaré que le général Mladic avait pris le commandement

13 du Corps de la Drina, de toutes les unités du Corps. Il a dit que cette

14 prise de commandement avait eu lieu le 9 juillet au cours de l'attaque sur

15 Srebrenica. Ultérieurement, il a dit que c'était lors d'une réunion qui

16 avait eu lieu le 11 juillet au commandement de la Brigade de Bratunac, il

17 a dit que c'était à ce moment-là que le général Mladic avait assumé le

18 commandement du Corps de la Drina. Encore une fois, le général Krstic

19 s'efforce ici de faire reposer la responsabilité sur d'autres personnes,

20 en l'occurrence, le général Mladic qui est également responsable de tous

21 ces actes atroces.

22 Maintenant, examinons la déposition de l'accusé. Lorsqu'il nous que le

23 général Mladic a pris le commandement du Corps de la Drina lorsqu'il est

24 arrivé au poste de commandement avancé de Pribicevac le 9 juillet et qu'il

25 est resté au commandement pendant toute l'attaque; eh bien, lorsqu'il nous

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1 dit cela, il nous dit quelque chose qui a été contredit par le témoin DB.

2 Le témoin DB qui était un témoin de la défense, un officier supérieur de

3 haut rang de la VRS, comme nous le savons, quelqu'un qui est resté au

4 poste de commandement avancé pendant toute l'attaque. Et d'après le témoin

5 DB qui était dans une position privilégiée pour observer les

6 communications entre les généraux qui étaient en sa présence. Donc d'après

7 lui, la chaîne de commandement pendant toute cette période est restée

8 intacte. Elle est restée intacte pendant toute l'opération de Srebrenica.

9 On peut trouver le relevé de cette déposition à la page 7.231 du compte

10 rendu d'audience.

11 Lorsque le général Krstic a été interrogé par le Bureau du Procureur en

12 février 2000, il a déclaré au Bureau du Procureur que lors de cette

13 réunion du 11, il a dit, je cite: "lors d'une réunion du commandement de

14 la Brigade de Bratunac, Mladic a dit qu'à partir de ce moment-là toutes

15 les unités dans les zones de Bratunac-Srebrenica-Zvornik étaient placées

16 sous son commandement. Il était présent à cette réunion où lui-même,

17 Mladic, le général Zivanovic, le colonel Pandurevic et celui qui était à

18 l'époque le colonel Andric, le colonel Blagojevic, le colonel Nastic et

19 (expurgé) se trouvaient là également.

20 Au procès, il a réaffirmé la position qu'il avait alors adoptée, une fois

21 de plus en essayant de se débarrasser de sa responsabilité pénale. La

22 déposition faite par le général Krstic au procès était contredite par le

23 témoignage de ses propres témoins dont celui du témoin DB. (expurgé),

24 (expurgé) qui s'est tenue au quartier

25 général de Bratunac. Ecoutez cette série de questions et de réponses,

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1 s'agissant (expurgé), et ceci s'est produit au cours du procès.

2 Je cite:

3 "-Question: A cette réunion (nous parlons ici bien sûr de la réunion au

4 quartier général de Bratunac), à laquelle vous avez assisté, est-ce le

5 général Mladic a dit qu'à partir de ce moment-là le commandement de toutes

6 les forces, des forces du Corps de la Drina dans les municipalités de

7 Srebrenica, Bratunac, Zvornik, Milici et Vlasenica serait assumé par lui

8 en personne?

9 -Réponse: Je ne me souviens pas de ces termes.

10 -Question: Le commandement des unités du Corps de la Drina, s'il avait été

11 assumé personnellement par le général Mladic, est-ce que cela n'impliquait

12 pas que ces unités devaient faire rapport au général Mladic, n'est-ce pas?

13 -Réponse: En termes militaires, ce serait le cas effectivement.

14 -Question: Et cela voudrait dire que quand des rapports de combat,

15 rapports de combat réguliers, ceux-ci seraient envoyés au général Mladic

16 puisqu'il est maintenant commandant des forces du Corps de la Drina?

17 -Réponse: Oui." (Fin de citation.)

18 Et ceci se trouve à la page 7265 et se poursuit jusqu'à la page 7267.

19 Si vous passez en revue les nombreux rapports de combats intérimaires et

20 réguliers des Brigades Bratunac et Zvornik dans la période qui s'écoule

21 entre le 11 et 20 juillet, vous constaterez que pas un seul de ces

22 rapports n'est adressé, que ce soit au général Mladic ou au quartier

23 général principal.

24 Tous ces rapports sont adressés au commandement du Corps de la Drina

25 indiquant par là de façon très claire que la chaîne de commandement, la

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1 chaîne hiérarchique demeurait intacte.

2 Richard Butler qui était l'analyste militaire du Procureur et qui a déposé

3 devant vous et qui a examiné littéralement des milliers de documents de

4 l'époque provenant de la VRS, a tiré ses conclusions-ci. Il a conclu que

5 le général Mladic n'avait pas assuré le commandement du Corps de la Drina

6 comme le disait le général Krstic. Ceci se trouve aux pages 5.262 à 5.265

7 du compte rendu d'audience et aux paragraphes 13-24 à 13-25 du rapport

8 d'expert de M. Butler.

9 Les observations directes relevées par le témoin DB qui a constaté que la

10 chaîne hiérarchique était intacte, tout ceci a été corroboré par le

11 témoignage de l'expert général Dannatt qui, en réponse à une question que

12 lui posait le Juge Riad, a dit qu'il n'avait vu aucune trace, aucune

13 preuve de ce que le général Mladic, je le cite: "Aurait donné des ordres à

14 des unités organiques du Corps de la Drina, ainsi contournant la structure

15 de contrôle et de commandement normal du Corps." Je n'en vois aucune

16 preuve. C'est ce que déclare ce témoin à la page 5.714 du compte rendu

17 d'audience.

18 Et en effet, deux pièces à conviction sont l'illustration parfaite de ce

19 que le général Mladic n'a pas pris le commandement de toutes les unités du

20 Corps de la Drina. C'est simplement l'illustration que je montre. Mais si

21 nous examinons la pièce de l'accusation 463, il s'agit ici du premier

22 ordre -nous l'avons déjà examiné- donné par le général Krstic qui consiste

23 à faire une fouille du terrain. Vous constaterez qu'un des destinataires

24 de cet ordre est le Bataillon indépendant de Skeleni.

25 Ce dernier n'était pas une unité présentée comme étant une des unités qui

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1 auraient pris part à l'attaque sur Zepa. De même, Madame et Messieurs les

2 Juges, ceci nous montre que les rapports relatifs à cet ordre doivent être

3 soumis par écrit au général Krstic d'ici au 17 juillet. Ils ne sont pas

4 censés être soumis au grand quartier général, ni au général Mladic, mais

5 bien au général Krstic.

6 Examinons la pièce suivante, pièce 536. C'est une autre illustration de ce

7 même fait, c'est un de ces rapports de combat régulier émanant de la

8 Brigade de Bratunac. Examinez une fois de plus les destinataires, ce

9 rapport, il a été envoyé au commandement du Corps de la Drina, ainsi qu'au

10 poste de commandement avancé, il n'a pas été envoyé au général Mladic pas

11 plus qu'au grand quartier général. Ceci démontre une fois de plus que la

12 chaîne de commandement était demeurée intacte.

13 Et enfin, voyons la pièce de l'accusation 539, pièce que je n'ai pas

14 encore utilisée dans ce réquisitoire. C'est un rapport de combat régulier

15 quotidien en date du 16 juillet 1995. Il émane une fois de plus du

16 commandement de la Brigade d'infanterie DC de Bratunac du colonel

17 Blagojevic. Ceci a trait à cet ordre donné par le commandant Krstic le 13.

18 Examinez de plus près la portion surlignée qui se trouve vers le milieu,

19 on dit pendant la journée le commandant de la Brigade a rendu visite à

20 toutes les unités qui bloquaient, qui arrêtaient la retraite de l'ennemi.

21 Il y a le 65ème Régiment motorisé, une partie du MUP, ministère de

22 l'Intérieur, le 5e Bataillon du génie, et ce qui est important, il est

23 précisé: elles ont défini leurs tâches et organisé leurs actions communes

24 ainsi que les transmissions communes.

25 Ce document est à l'illustration du fait que les actions, les opérations

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1 qui se déroulaient sur tout le territoire de la zone de responsabilité du

2 Corps de la Drina étaient des actions unifiées entreprises par le Corps

3 des unités du Corps de la Drina et se trouvant sous le commandement du

4 commandant du corps de la Drina.

5 Examinons maintenant une pièce présentée par la défense, il s'agit d'une

6 pièce que nous avons aussi utilisé comme pièce à conviction, la pièce 649,

7 c'est le seul document qui appuie l'affirmation avancée par la défense

8 selon laquelle le général Mladic a pris le commandement de tous les

9 éléments se trouvant sur la zone de responsabilité du Corps de la Drina.

10 Remarquez dans le coin supérieur gauche que ce document a été envoyé

11 depuis l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska le 17

12 juillet 1995 et qu'il est signé du général Mladic. Il faut placer ce

13 document dans son contexte, dans le contexte de ce qui produisait à

14 l'époque. Et qu'est-ce qui se produisait le 17 juillet 1995 dans la zone

15 qui nous concerne, à savoir la zone de responsabilité du Corps de la

16 Drina?

17 Tout d'abord il y a l'opération Zepa qui a commencé le 14 juillet et qui

18 nécessite beaucoup d'hommes, beaucoup d'effectifs du Corps de la Drina. A

19 cela s'ajoute le fait que le 14 juillet, cette colonne armée qui a pénétré

20 dans la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik, Brigade de

21 Zvornik qui était engagée dans des opérations de combat actif, là on parle

22 contre cette colonne.

23 Troisièmement, le 16 juillet, la Brigade de Bratunac a préparé une unité

24 qui devait être déployée sur Zepa, vous le voyez dans la pièce à

25 conviction 404/2. Et puis nous savons que le 14 juillet Blagojevic et des

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1 éléments de la Brigade de Bratunac étaient à Zepa pour remplir, pour

2 combler ce vide qui avait été créé par le fait qu'il y avait eu une

3 dislocation du colonel Pandurevic qui avait dû quitter avec ses hommes la

4 région pour aller vers le nord pour essayer de reprendre la situation qui

5 se présentait là avec les éléments de sa brigade.

6 C'est là le contexte dans lequel cet ordre a été émis.

7 Examinons maintenant cet ordre, tout d'abord d'après ce qu'il nous dit. Il

8 demande l'incorporation et l'intégration des opérations afin de continuer

9 à s'occuper des Musulmans dans la région et aux alentours. Voyez le

10 troisième paragraphe, que constatez-vous? Des forces jointes, conjointes

11 Corps de la Drina et celle du grand état-major, doivent être engagées dans

12 la région de Bratunac-Milici et Drinjaca, c'est donc un ordre qui porte

13 sur une région géographique limitée et circonscrite.

14 Poursuivez la lecture, on parle aussi d'une période de temps très limitée

15 qui se situe entre le 17 et le 19 juillet. Dans cet ordre, le général

16 Mladic ordonne que soit nommé un membre du grand état-major à la tête de

17 ces opérations. Ceci n'est pas la preuve de ce que le général Mladic

18 aurait pris le contrôle de tous les éléments constituant le Corps de la

19 Drina et dans cette zone de responsabilité de ce dernier. Ceci concerne

20 une situation bien précise une zone géographique précise pendant une

21 période précise, à savoir deux jours. Nous avons d'après la date celle du

22 17 juillet et par d'autres moyens de preuve qu'il n'y a pas eu de meurtre,

23 de tuerie, pas de massacre dans cette zone visée par ce document. Nous

24 savons que des exécutions massives, celles-ci étaient terminées une fois

25 arrivé le 17 juillet.

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1 Revenons à la pièce de l'accusation 364/2/15 juillet, intercalaire 83 i).

2 Il s'agit ici une fois de plus d'une conversation interceptée dans

3 laquelle le général Beara et le général Krstic se parlent. Le colonel

4 Beara lui parle d'hommes dont il a besoin pour distribuer des colis, 3.500

5 colis.

6 Le colonel Beara était du grand état-major, s'il y avait eu des problèmes,

7 une interruption dans la chaîne de commandement, cela voudrait dire qu'il

8 y aurait eu des ordres donnés directement par le colonel Beara ou par le

9 général Mladic aux unités du Corps de la Drina, qui sont identifiées ici.

10 Mais au lieu de cela, qu'avons-nous?

11 Le colonel Beara s'est rendu au commandement du Corps de la Drina pour

12 qu'il obtienne ces unités, pour qu'il puisse obtenir ceux qui allaient

13 exécuter ses ordres; et ceci montre bien que la chaîne de commandement

14 fonctionnait sans aucun problème.

15 Nous faisons dès lors valoir que, lors de la déposition du général Krstic,

16 lorsqu'il nous a dit dans ce cadre que Mladic était devenu le responsable,

17 avait assuré le commandement du corps de la Drina pour les opérations

18 concernées entre le 9 et le 11 juillet, il ne vous disait pas la vérité

19 lorsqu'il a ajouté que, au cours de la nuit du 11 juillet, le général

20 Mladic avait assumé le commandement de toutes les unités se trouvant dans

21 la zone de responsabilité du Corps de la Drina. Il ne vous disait pas non

22 plus la vérité.

23 Nous avançons également, s'agissant des éléments relatifs aux meurtres,

24 aux tueries, que les éléments de preuve apportés en l'espèce montrent que

25 le général Krstic a planifié, a ordonné, a incité et a contribué à

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1 l'accomplissement de l'exécution massive d'hommes et de jeunes hommes

2 musulmans à la suite de la chute de Srebrenica.

3 Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président. Nous changeons de

4 panneau.

5 (Intervention technique.)

6 La question suivante que j'aimerais aborder est celle de savoir si les

7 massacres, dont vous avez eu la preuve, constituent ou pas un génocide.

8 Vous le savez, nous vous avons présenté des écritures très circonstanciées

9 sur ce point.

10 L'accusé au chef 1 est accusé de génocide, de l'intention de détruire une

11 partie de la population musulmane en tant que groupe ethnique ou

12 religieux, en tuant des parties de ce groupe ou en causant des atteintes

13 graves à la santé physique et morale de membres de ce groupe.

14 Il est aussi accusé de façon alternative, au chef 2, de complicité dans la

15 perpétration du génocide.

16 Nous parlons de quel groupe de personnes? De Musulmans de Bosnie, de l'est

17 de la Bosnie, qui se trouvaient dans l'enclave de Srebrenica ou aux

18 alentours de celle-ci.

19 D'autres pièces à conviction présentées par le Bureau du Procureur nous

20 montrent que les 38.000 ou 42.000 Musulmans qui vivaient dans cette zone

21 sûre, créée artificiellement, ne venaient pas au départ de cette région.

22 C'étaient des Musulmans de Bosnie qui venaient des alentours de

23 Srebrenica, de Srpska, de Bratunac, de la région de Zvornik, entre autres,

24 et qui avaient été acculés dans cette enclave du fait de la contre-

25 offensive de 1993 par la VRS.

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1 C'est donc une portion congrue de Musulmans qui venaient de Srebrenica.

2 Nous parlons ici de Musulmans venant de la Bosnie orientale, qui avaient

3 été acculés dans cette zone créée artificiellement.

4 Le meurtre a été défini dans le jugement Akayesu, il inclut toutes les

5 formes de meurtre et de tuerie volontaire, pas seulement le meurtre en

6 tant que tel. Ce jugement Akayesu a aussi circonscrit les termes suivants:

7 "Causant des atteintes graves à la santé physique ou morale. Cela signifie

8 les actes de torture qu'ils soient physiques ou mentaux, traitements

9 inhumains ou dégradants, persécution."

10 Et on cite comme jurisprudence l'affaire Eichmann où on a dit que:

11 "Les atteintes graves à la santé physique ou mentale peuvent être

12 provoquées par la mise en esclavage, par le fait de mettre en famine,

13 l'expulsion et la persécution et par la détention dans des ghettos, dans

14 des camps de transit ou dans des camps de concentration dans des

15 conditions qui avaient pour but de provoquer la dégradation, la privation

16 à ces êtres humains de leurs droits d'être humains, pour les supprimer et

17 leur infliger des souffrances inhumaines ainsi que des actes de torture."

18 La jurisprudence même de notre Tribunal montre que le génocide peut être

19 perpétré sur une zone géographique limitée. En l'espèce, ici nous parlons

20 de la Bosnie orientale.

21 Nous vous faisons valoir que l'intention de détruire des milliers de

22 personnes du fait qu'elles appartiennent à un groupe donné et constitutif

23 de génocide, même si ces personnes ne représentent qu'une partie du groupe

24 que ce soit dans un pays ou dans une région ou même dans une même

25 communauté.

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1 Cette position est appuyée et corroborée par la jurisprudence de notre

2 Tribunal mais aussi par celle du Tribunal du Rwanda. Dans le jugement

3 Akayesu, les actes de l'accusé se limitaient à une seule commune, là où il

4 était le bourgmestre.

5 Pareillement dans l'audience en vertu de l'Article 61 Nikolic et dans la

6 décision qui s'en est suivie, on dit qu'il s'agit effectivement de cette

7 région, c'est une seule région de Bosnie-Herzégovine, à savoir Vlasenica.

8 Et là c'est constitutif de génocide.

9 Dans le jugement Jelisic, la Chambre a estimé que le droit international

10 admet cette qualification du génocide même si l'intention exterminatoire

11 se réduit à une zone géographique limitée.

12 Plus récemment, il y a eu une décision dans l'affaire Kayishema et

13 Ruzindana. On a dit que le génocide a été perpétré dans une seule

14 préfecture contre les Tutsis.

15 Par conséquent, nous avançons que la présente Chambre de première instance

16 a tout à fait le droit et la compétence de concentrer ces actes

17 génocidaires sur la zone géographique se limitant à l'enclave de

18 Srebrenica et ses alentours. Selon nous, ce serait là une décision juste

19 que vous prendriez.

20 Le génocide porte sur la destruction d'une population en tout ou en

21 partie. Mais notre jurisprudence montre clairement que la destruction d'un

22 groupe tout entier n'est pas nécessitée pour juger qu'il y a eu génocide.

23 La destruction en partie veut dire destruction en partie substantielle

24 d'une proportion importante ou encore destruction d'une partie ou d'un

25 secteur significatif de ce groupe.

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1 Je voudrais m'arrêter un instant sur le premier aspect, à savoir la

2 destruction d'une partie substantielle du groupe, quand on voit les

3 proportions.

4 Au moment où tombe l'enclave, on estime que de 38.000 à 42.000 Musulmans

5 vivent à Srebrenica au moment de la prise de contrôle. Je le répète, ce

6 n'étaient pas seulement des Musulmans qui étaient originaires de

7 Srebrenica, mais des environs. Nous estimons qu'une partie substantielle

8 en terme de proportionnalité, une partie substantielle de ce groupe a été

9 détruite.

10 Nous avons des estimations tout à fait modestes. Nous pensons que 7.475

11 Musulmans de Bosnie ont été tués. Il s'agissait d'hommes.

12 M. Riad (interprétation): Il y a une erreur sans doute dans le transcript.

13 On dit: "Il était clair de notre jurisprudence que la destruction de tout

14 le groupe est nécessaire pour qu'il y ait génocide."

15 M. Harmon (interprétation): Merci de cette correction. Ce n'est pas ce que

16 j'ai dit.

17 M. Riad (interprétation): Oui, donc il faut le corriger.

18 M. Harmon (interprétation): Non non, effectivement, il ne faut pas que

19 tout le groupe soit nécessairement détruit, il suffit qu'une partie du

20 groupe soit détruit pour conclure au génocide. Moi, je parlais de la

21 destruction d'une partie substantielle en terme de proportions. Vous avez

22 entendu des moyens de preuve, vous avez eu un expert en démographie qui

23 est venu vous parler de l'analyse qu'il avait faite des registres, et

24 c'est une estimation tout à fait modeste. On dit que 7.465 hommes et

25 jeunes hommes ont été tués. C'est un chiffre qui n'exagère pas, loin de

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1 là, parce que tout le monde n'a pas été mentionné. D'après ce démographe,

2 des familles entières ont été décimées au cours de ces tragiques

3 événements, et ces familles n'auraient pas pu physiquement faire rapport

4 du fait qu'elles étaient portées manquantes.

5 Nous avons les communications interceptées de la VRS du 13 juillet où nous

6 savions qu'il y avait 6.000 hommes qui étaient détenus. Il était 17

7 heures, ce jour-là, le 13 juillet. Aucun de ces hommes, aucun de ces

8 jeunes garçons n'a survécu.

9 Nous avons mené des exhumations et elles ne portaient que sur une partie

10 seulement des fosses communes qui ont été identifiées. Nous ne savons pas

11 s'il y en a d'autres, où elles se trouvent. Nous avons récupéré 2.028

12 corps au maximum et, d'après ce que nous disait un expert, 2.571 corps

13 pourraient encore se trouver dans les fosses communes qui n'ont pas été

14 exhumés et qu'on connaît. J'insiste sur le fait qu'on connaît mais nous ne

15 savons pas où se trouvent la plupart des corps de ceux qui ont été

16 massacrés au barrage, nous ne savons pas où ces corps ont été emmenés.

17 Il s'agit donc bien d'une partie substantielle du groupe lorsqu'on parle

18 de ce groupe global de 38.000 ou 42.000 Musulmans de Bosnie qui se

19 trouvaient là. On peut dire que, de ce groupe, une partie substantielle a

20 été détruite.

21 Par conséquent, nous estimons que ce chiffre s'inscrit parfaitement dans

22 les termes précisés par la définition. C'est donc une partie de la

23 communauté des Musulmans qui a été détruite.

24 Parlons de ce deuxième aspect, de ce deuxième élément constitutif du

25 génocide. Quand on dit la destruction en tout et en partie, on parle d'une

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1 section, d'un secteur significatif de ce groupe qui serait éliminé. Comme

2 il a été dit dans la décision Jelisic, une section significative peut bien

3 sûr inclure des dirigeants d'un groupe, ils constituent une partie

4 importante d'un groupe.

5 Dans le jugement Jelisic, il est dit que l'intention génocidaire, je cite:

6 "Consiste dans le souhait de détruire un nombre limité de personnes qui

7 sont sélectionnées pour l'incidence qu'aura leur disparition sur la survie

8 du groupe en tant que tel." A ce moment-là, serait constituée l'intention

9 de détruire de façon sélective ledit groupe.

10 La commission d'experts des Nations Unies a dit, s'agissant des attaques

11 sélectives dirigées sur la direction, sur les dirigeants d'un groupe,

12 ceci, je le cite: "La nature de l'attaque doit être considérée dans le

13 contexte, dans le sort qui est réservé au reste du groupe. Si un groupe

14 voit ses dirigeants exterminer et qu'en même temps un nombre assez

15 important des membres du groupe est soumis à des actes odieux, comme par

16 exemple être expulsés ou déportés à large échelle, il faut voir la

17 totalité des infractions d'évaluation dans leur ensemble pour bien

18 interpréter les dispositions des Conventions de Genève dans l'esprit qui

19 est conforme au but recherché."

20 Madame et Messieurs les Juges, nous vous avons présenté des moyens de

21 preuve qui montrent le tissu social de la société musulmane en Bosnie

22 orientale. C'était une société patriarcale, une société où les hommes

23 étaient les chefs du groupe. En général les hommes avaient une meilleure

24 éducation, une meilleure formation. En général, ils travaillaient à

25 l'extérieur du foyer, c'étaient eux qui gagnaient le soutien financier

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1 nécessaire à la famille et c'étaient eux qui prenaient les décisions

2 définitives, qui conditionnaient la vie des membres de leur famille. Ils

3 constituaient la protection du groupe.

4 En éliminant les hommes de la société de la Bosnie orientale, la VRS était

5 parfaitement consciente, comme l'était tout autant le général Krstic, de

6 l'incidence que ceci allait avoir sur la survie du groupe. Je vais parler

7 plus tard de l'effet que tout ceci a eu sur ce groupe.

8 Cependant, nous estimons qu'en détruisant, en annihilant les hommes de la

9 communauté musulmane de la Bosnie orientale, on détruisait ainsi une

10 section significative du groupe.

11 Pour emporter, entraîner condamnation pour génocide dans le chef du

12 général Krstic, nous devons établir qu'il avait une intention génocidaire,

13 à savoir qu'il a commis ces actes dans l'intention de détruire en tout ou

14 en partie un groupe national ethnique racial ou religieux en tant que tel

15 pour ce qu'il est.

16 Lorsque vous allez vous pencher sur cet élément, vous ferez peut-être

17 comme l'a fait la Chambre de Ruzindana Kayishema, vous reconnaîtrez qu'il

18 est peut-être difficile de trouver les manifestations explicites de telles

19 intentions.

20 On dit que les auteurs peuvent être… qu'il peut y avoir des preuves

21 indirectes qui peuvent suffire comme preuves de l'intention. Il y a eu

22 cette audience en 1996 en vertu de l'Article 61 consacré à Mladic

23 notamment. On a déterminé les facteurs desquels on peut déduire

24 l'intention génocidaire. Je vais me pencher sur ces facteurs.

25 Tout d'abord, la Chambre en ce qui concerne cette décision Karadzic et

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1 Mladic a dit que la Chambre peut examiner la doctrine politique générale

2 qui a donné lieu aux actes interdits. Nous avons vu quels étaient les

3 objectifs stratégiques de la population serbe comme ceci a été publié le

4 12 mai 1992, là où le premier objectif était d'établir des frontières qui

5 séparent les deux communautés ethniques.

6 En fait, le programme politique de la Republika Srpska était de constituer

7 un Etat homogène qui élimine toute population non serbe du territoire dont

8 la population serbe affirme par tradition qu'il était le leur. On a défini

9 aussi les dirigeants, et cette politique a été définie par ces dirigeants

10 politiques et a été mise en œuvre par l'armée, la police et d'autres

11 éléments de la Republika Srpska.

12 Les objectifs stratégiques de cette politique ont été accomplis par le

13 nettoyage ethnique, je vous renvoie aux pièces à conviction 33 à 38. Il

14 s'agit là du rapporteur spécial Tadeusz Mazowiecki où il discute la

15 politique de nettoyage ethnique. Le Président Karadzic de la Republika

16 Srpska et d'autres dirigeants ont créé une atmosphère de danger et ont

17 utilisé la propagande afin d'embraser les esprits des Serbes de Bosnie en

18 répétant sans cesse que les Serbes allaient probablement devenir des

19 victimes d'un génocide perpétré par des ordres Oustachis musulmans." (Fin

20 de citation.)

21 Les leaders de l'armée ont partagé ces avis. Je souhaite notamment attirer

22 votre attention sur la pièce à conviction 750, pages 153 à 154, rédigée

23 par le général Mladic. Le général Krstic lui aussi partageait ces avis,

24 nous pouvons voir cela sur la base de ses interviews accordées au Drinski

25 magazine où il a dit, je cite: "Dans cette guerre, tout comme dans les

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1 guerres précédentes, les Musulmans, le but des Musulmans était d'annihiler

2 tout ce qui est Serbe.

3 Et dans le magazine Srpska Vojska, voici ce que le général Krstic dit, je

4 cite: "Nous avons apporté la paix et la tranquillité à la population qui

5 n'a plus à craindre les pogroms des Oustachis." (Fin de citation.)

6 Suite à la chute de Srebrenica, le général Krstic a félicité ses unités en

7 disant, je cite: "Par le biais de votre détermination, votre courage,

8 votre sacrifice et votre dévouement, vous avez tout fait afin de libérer

9 les territoires serbes séculaires de l'ennemi haï et afin d'empêcher un

10 nouveau génocide à l'encontre du peuple serbe."

11 Une telle rhétorique, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,

12 a créé le contexte dans lequel il a été possible de déclencher un

13 génocide, et il est possible, sur la base de ce langage et de cette

14 rhétorique, de tirer des conclusions sur l'intention du général Krstic de

15 perpétrer un génocide.

16 Nous souhaitons également nous pencher sur la nature générale des

17 atrocités qui ont été commises dans la région et dans le pays, et ceci est

18 fait de l'audience en vertu de l'Article 61. Après que la zone de

19 Srebrenica a été nettoyée ethniquement au début de la guerre, nous savons

20 que les forces musulmanes ont repris le contrôle de cette zone. En 1993,

21 comme nous le savons, la VRS, l'armée de la Republika Sprska a entamé une

22 contre-offensive contre les forces musulmanes.

23 Et selon le rapport du Secrétaire général, la chute de Srebrenica, notre

24 pièce à conviction 30, au mois de mars 1993, je cite: "Les forces serbes

25 avançaient rapidement en tuant et incendiant ce qu'ils trouvaient sur leur

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1 passage."

2 Et je souhaite également attirer votre attention sur le fait que le

3 général Krstic, à l'époque, était un haut officier pendant cette contre-

4 offensive. Je souhaite également attirer votre attention sur la pièce à

5 conviction 37, à savoir le rapport du rapporteur spécial M. Mazowiecki qui

6 parle du nettoyage ethnique dans les enclaves de la Bosnie orientale.

7 Je souhaite également attirer votre attention sur la pièce à conviction 35

8 et un autre rapport rédigé par M. Mazowiecki, notamment les paragraphes 8

9 à 20 de ce rapport qui parlent en détail de ces opérations de nettoyage

10 ethnique.

11 Un autre facteur qui peut vous permettre de tirer les conclusions

12 concernant l'intention génocidaire est l'existence du plan génocidaire et

13 la participation de l'accusé à sa création et son exécution.

14 Bien sûr la preuve d'un plan génocidaire n'est pas un élément en soi du

15 crime du génocide mais ceci peut aider à tirer des conclusions concernant

16 l'intention génocidaire. Par exemple, dans l'affaire Kayishema et

17 Ruzindana, il a été dit la chose suivante: "L'un des facteurs portant sur

18 l'intention génocidaire peut être la manière méthodique de sa

19 planification."

20 Vous avez certainement pu constater qu'il y a eu une méthode systématique

21 qui a été appliquée dans le cadre de la planification, le plan a été

22 effectué afin d'éviter toute erreur. Le piège génocidaire a été tendu.

23 Mais heureusement, le général Krstic et ses collègues n'ont pas totalement

24 réussi, grâce à Dieu.

25 Mais en si concerne l'intention génocidaire, il est possible de prendre en

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1 considération l'efficacité de la planification, un autre facteur qui peut

2 être pris en considération portant sur l'intention génocidaire et

3 l'échelle des atrocités commises.

4 J'ai identifié plusieurs pièces à conviction qui suggèrent que le nombre

5 de victimes trouvées ne reflète même pas l'intégralité des personnes

6 tuées. Mais nous pouvons dire que pendant la période de cinq jours, une

7 communauté musulmane de la Bosnie orientale aux alentours de Srebrenica et

8 à Srebrenica a été détruite.

9 Dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, il a été constaté que l'intention

10 peut être déduite sur la base de la manière systématique dans laquelle les

11 meurtres ont été perpétrés. Bien sûr, ceci s'applique à ces meurtres-là

12 qui ont été systématiques et bien organisés.

13 La Chambre de première instance dans l'audience en vertu de l'Article 61

14 sur Karadzic et Mladic a également identifié un autre facteur, à savoir le

15 fait que les actes perpétrés peuvent violer ou violent, selon les auteurs

16 des crimes, le fondement même du groupe.

17 Le général Krstic a été élevé en Bosnie orientale, il a vécu à côté de la

18 communauté musulmane en Bosnie orientale et, selon lui, il avait de bons

19 rapports avec les Musulmans au sein de sa carrière dans l'armée, puisqu'il

20 était issu de la région, il savait tout à fait quel était le rôle des

21 hommes dans une société musulmane et il savait tout à fait quel devait

22 être l'impact de la destruction des hommes, l'impact sur ce groupe.

23 Et son intention de détruire une partie de ce groupe doit être prise en

24 considération à la lumière de ses connaissances de cette société contre

25 laquelle il a orienté ses actions et les actions de ses subordonnés.

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1 La Commission des experts a noté que le génocide peut être constitué d'une

2 série d'actes qui, pris ensemble, menacent l'existence d'une collectivité.

3 Il faudrait prendre en considération ces actes dans leur intégralité afin

4 d'interpréter les dispositions de la Convention dans l'esprit conforme à

5 ce but.

6 La série des actes dont nous sommes en train de parler était dirigée

7 contre la communauté musulmane de Bosnie et impliquait les meurtres en

8 masse, les déportations et les expulsions forcées, le fait d'incendier les

9 maisons musulmanes et je pense aussi que, même si la Convention sur le

10 génocide n'interdit pas le génocide culturel, ceci peut être pris en

11 considération pour tirer des conclusions concernant l'intention

12 génocidaire, et l'exemple peut être le fait qu'à Srebrenica toutes les

13 mosquées ont été dynamitées et la mosquée principale à Srebrenica a été

14 complètement détruite et aujourd'hui sert de parking.

15 Le jugement en vertu de l'Article 61 a identifié un autre facteur, à

16 savoir la haine contre le groupe ressenti par l'accusé et/ou ses associés

17 qui ont perpétré le crime. Ceci se réfère également à leurs supérieurs et

18 leurs subordonnés.

19 Alors que le crime de génocide n'exige pas que la haine contre le groupe

20 soit prouvée, ceci peut être pris en considération pour tirer les

21 conclusions sur l'intention génocidaire.

22 Avant et pendant la prise de contrôle de l'enclave, c'est-à-dire les 11 et

23 12 juillet, la haine à l'encontre des Musulmans de Bosnie ressentie par

24 les officiers les plus élevés de la VRS, y compris Mladic, Krstic et les

25 autres officiers haut placés du Corps de la Drina et de leurs soldats,

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1 était évidente.

2 Avant l'attaque contre l'enclave, le colonel de l'UNMO Kingori a déposé

3 concernant cette période, et il a dit que le colonel Vukotic de la VRS,

4 qui était le commandant du Bataillon de Skelani et qui était souvent en

5 contact avec le colonel Kingori, a exprimé son attitude à l'encontre des

6 Musulmans.

7 Il a dit, selon donc M. Kingori, je cite: "Son attitude était un peu

8 dure." Il a dit que les Musulmans devaient quitter Srebrenica dans leur

9 intégralité, et il ne souhaitait plus les voir. S'ils restaient, ils

10 risquaient de finir par tuer quelqu'un.

11 Le 11 juillet, au cours de la marche victorieuse dans Srebrenica, le

12 général Mladic a donné, a accordé une interview au cours de laquelle il a

13 dit devant Krstic et les autres, je cite: "Le moment est venu de se venger

14 contre les turcs."

15 Au cours des rencontres qui ont eu lieu avec les représentants musulmans,

16 les 11 et 12 juillet, le général Mladic a intimidé et menacé les

17 représentants musulmans, il a employé les termes selon lesquels les

18 Musulmans allaient disparaître.

19 Et la personne qui se trouvait à côté de lui au moment où ces menaces ont

20 été proférées était l'accusé lui-même. Il ne faut pas oublier que…

21 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre mais si vous avez besoin

22 d'une pause, sentez-vous à l'aise pour la demander.

23 M. Harmon (interprétation): J'ai simplement besoin d'un peu d'eau. Merci

24 beaucoup.

25 Je souhaite citer un autre exemple en février 1995. A ce moment-là, le

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1 capitaine Momir Nikolic, qui était l'adjoint du commandant chargé des

2 renseignements et de la sécurité de la Brigade de Bratunac, a dit au cours

3 d'une réunion au colonel Karremans, je cite: "Il m'a dit, et vous pouviez

4 voir cela sur son visage aussi, que la haine contre le peuple musulman sur

5 tous ceux qui vivaient dans l'enclave était grande.

6 Je pense quand je repense à ces jours-là et à ce moment à ce que j'ai vu

7 sur son visage que ce qu'il souhaitait dire c'est qu'il y avait beaucoup

8 de haine, y compris dans ses yeux mais aussi dans ses paroles."

9 Ensuite le terme "balija", il s'agit d'un terme qui est très péjoratif

10 vis-à-vis des Musulmans. D'après les survivants des massacres, tout au

11 long de leur détention et jusqu'au moment où les victimes ont été

12 exécutées, on s'adressait à eux en employant ce terme sans cesse, et ceci

13 a été fait par les soldats et les officiers du Corps de la Drina.

14 Il s'agit d'un terme que le général Krstic a employé dans un article qui a

15 paru dans le Drinski magasine en novembre 1995. Nous savons sur la base de

16 déposition de Bego Ademovic, un survivant de Potocari, que les soldats ont

17 juré contre lui et contre sa mère de "balija", et ensuite un soldat l'a

18 menacé ainsi, je cite: "Vous allez tous être massacrés, vous allez être

19 incendiés et brûlés. Il s'agit ici de notre patrie serbe, il s'agit ici de

20 la grande Serbie."

21 Nous allons également sur la base de ce que M. Erdemovic nous a dit qu'au

22 cours des exécutions des victimes musulmanes, à la ferme militaire de

23 Branjevo, que l'on maltraitait s'ouvrant ces Musulmans et qu'on les

24 insultait et que parfois on les torturait et humiliait avant leur

25 exécution.

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1 Enfin la pièce à conviction du Procureur 513, qui est une communication

2 interceptée du 13 juillet, comporte une discussion où l'un des

3 interlocuteurs parlant des Musulmans dit: "Nique-les, ce ne sont pas des

4 humains!" et l'autre interlocuteur répond: "Ceci m'est clair.".

5 Nos moyens de preuve montrent qu'une grande haine existait à l'encontre

6 des Musulmans de Bosnie et que ceci commençait au sommet de la chaîne de

7 commandement de la VRS et ceci était reflété dans les paroles et les actes

8 commis par leurs subordonnés, et ceci est également un facteur qui peut

9 être pris en considération lorsqu'on décide sur l'intention génocidaire de

10 Krstic.

11 Un autre facteur qui a été pris en considération par la Chambre au cours

12 de l'audience, en vertu de l'Article 61, portant sur l'intention

13 génocidaire, est le degré dans lequel le groupe a été détruit en réalité,

14 dans sa totalité ou en partie.

15 Les efforts de détruire la communauté musulmane de la Bosnie orientale

16 étaient orientés vers leur but et étaient efficaces. Par le biais des

17 déportations, des exécutions massives à la fois des hommes et des garçons,

18 lorsque je dis "des garçons", je souhaite dire qu'ils savaient que ces

19 personnes allaient devenir un jour des leaders de la communauté suite à la

20 mort de leur père.

21 A travers la destruction des hommes et des garçons, à travers le fait

22 qu'aucun musulman n'est resté dans la zone de Srebrenica, les Juges

23 peuvent déduire que l'intention génocidaire existait. Les survivants de la

24 communauté restent ébranlés et ne peuvent pas fonctionner normalement, ils

25 ne sont pas prêts à retourner dans la région de Srebrenica.

Page 9998

1 Et nous considérons que le général Krstic a planifié, a donné les ordres,

2 a mis en œuvre, a aidé et incité à commettre la déportation d'environ

3 25.000 à 35.000 Musulmans de Srebrenica et qu'il a participé également aux

4 exécutions massives des milliers des hommes musulmans de Srebrenica. En

5 faisant cela, son intention était de détruire une partie du peuple

6 musulman. Et nous considérons qu'en faisant cela il s'est rendu coupable

7 du génocide, le chef d'accusation 1. Nous avons également reproché au

8 général alternativement la complicité au génocide. Et pour aider la

9 Chambre à prendre la décision à ce sujet-là il est nécessaire, bien sûr,

10 tout d'abord de déterminer si un génocide a été commis.

11 Il existe des différences entre le génocide et la complicité. La

12 différence principale porte sur l'intention de l'accusé. Si le général

13 Krstic était au courant du plan génocidaire au moment où il a participé à

14 cela, dans ce cas-là, il peut être considéré comme le complice au

15 génocide. Il ne doit pas nécessairement possédé le dolus specialis ou

16 l'intention concrète de détruire mais s'il était au courant du plan, dans

17 ce cas-là, il peut être tenu pour responsable de la complicité.

18 Dans le cas précis, nous considérons qu'effectivement un génocide a été

19 perpétré et que le général Krstic était au courant de ce plan, en raison

20 de ses contacts étroits avec le général Mladic et les autres, et qu'il est

21 donc également coupable de la complicité au génocide.

22 Monsieur le Président, Madame et Monsieur le Juge souhaitent parler

23 également d'un autre sujet, brièvement avant la pause du déjeuner, à

24 savoir, la responsabilité du général en vertu de l'Article 7.3 du Statut.

25 Le général Krstic est responsable en vertu de l'Article 7.3 du Statut

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1 concernant tous les chefs d'accusation.

2 D'après l'Article 7.3, l'accusé peut être responsable pour les actes de

3 ses subordonnés s'il savait, ou avait des raisons, de savoir que le

4 subordonné s'apprêtait à commettre cet acte, ou l'avait fait, et que le

5 supérieur n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour

6 empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.

7 Dans le cas précis, il est tout à fait clair que le général Krstic était

8 au courant de ces violations de la loi et des coutumes de la guerre, il

9 était un haut officier à la fois de l'ancienne armée yougoslave, la JNA,

10 et était également un officier de haut rang de l'armée des Serbes de

11 Bosnie. Il avait terminé l'académie militaire, il avait reçu une formation

12 concernant ses obligations en vertu des Conventions de Genève. Et selon sa

13 propre déposition, il est l'homme qui avait dit que toute personne

14 commettant ce genre de violation allait être coupable des crimes de

15 guerre.

16 En ce qui concerne l'article 7.3, il comporte deux volets: d'un côté, le

17 fait d'empêcher les crimes et d'autre part, le fait de sanctionner les

18 subordonnés qui les ont commis.

19 Je vais tout d'abord parler du fait d'empêcher les crimes. Selon le haut

20 commandement, l'affaire sur le haut commandement de la jurisprudence de

21 Nuremberg, un officier qui reçoit les ordres illégaux à trois possibilités

22 de réaction: soit, il peut donner à ses subordonnés un ordre allant dans

23 le sens inverse de l'ordre reçu, il peut démissionner, il peut avoir

24 recours au sabotage afin de faire en sorte que l'ordre illégal ne soit pas

25 exécuté. Le général Krstic était d'accord avec une telle jurisprudence

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1 tout comme le général Dannatt et le professeur général Radenovic mais le

2 général Krstic n'a pas eu recours à aucune de ces possibilités de

3 réaction.

4 Les crimes de guerre sont commis par des personnes qui ne se comportent

5 pas de manière appropriée. Le général Krstic, s'il avait pris des mesures

6 afin d'empêcher ou de bloquer, d'avorter les ordres donnés par le général

7 Krstic, il aurait atténué les conséquences de la tragédie. Peut-être la

8 tragédie aurait même été entièrement évitée mais malheureusement les gens

9 comme le général Krstic qui n'ont pas suffisamment de courage moral pour

10 faire face et s'opposer à leur supérieur à cause des risques

11 professionnels ou personnels ont joué un grand rôle dans les crimes de

12 guerre puisque si le général Krstic avait refusé d'exécuter l'ordre du

13 général Mladic, il n'aurait pas été ici avec nous aujourd'hui.

14 Le deuxièmement volet de l'Article 7.3 porte sur le défaut de sanction.

15 Dans son interview, le général Krstic dit, je cite: "Je n'étais pas

16 autorisé et je n'aurais pas osé donner des ordres à qui que ce soit, de

17 mener des enquêtes sur ce qui s'était passé". Tout d'abord clairement, il

18 avait été autorisé de le faire, c'était même son devoir. Et ce devoir

19 était confirmé par le décret signé par le Président Karadzic, était décrit

20 par le règlement régissant les activités régies sans les activités de la

21 VRS. Seulement selon le général Krstic, c'est seulement vers la fin août,

22 début septembre qu'il a appris de la part (expurgé) que des

23 exécutions avaient été commises par la VRS à Kravice et à un endroit qu'il

24 a décrit plus tard comme, probablement, la zeta. Il a également que des

25 membres de l'état-major principal, le général Mladic et le colonel Beara

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1 et la personne qui lui était subordonnée, le lieutenant-colonel Popovic et

2 des personnes responsables de ces crimes. En tant que commandant du Corps

3 de la Drina, le général Krstic aurait dû prendre des mesures positives

4 afin de mener des enquêtes et rédiger des rapports sur les crimes et de

5 sanctionner les auteurs de crime en vertu de la loi de la Republika Srpska

6 et de la guerre.

7 Il n'a rien fait en ce sens. La seule chose qu'il a faite était la

8 tentative au cours de sa déposition de relever de ses fonctions le

9 lieutenant-colonel Popovic pour des raisons qui n'ont absolument rien à

10 voir avec sa participation aux crimes. Ceci constitue absolument la

11 totalité des efforts entrepris, déployés par le général Krstic. Il a dit

12 dans sa déposition qu'il avait peur du général Mladic et de ses acolytes

13 dans la Republika Sprska. Mais cette crainte n'a pas été corroborée par

14 aucun moyen de preuve objectif.

15 En effet, nous avons pu voir aujourd'hui un moyen de preuve qui est la

16 photographie d'un événement qui s'est déroulé à Vlasenica à laquelle le

17 général Mladic et le colonel Beara ont participé ensemble avec le général

18 Krstic et lors de cette cérémonie, le général Mladic a félicité le

19 commandant du Corps de la Drina, le général Krstic de ce qu'il a fait. Et

20 d'après l'accusation, le général Krstic n'a pris aucune mesure, soit pour

21 empêcher les crimes, soit pour sanctionner les auteurs de crimes. Et c'est

22 pour cela que nous concluons qu'il est responsable en vertu de l'article

23 7.3 du Statut de ce Tribunal.

24 Je pense Monsieur le Président, que le moment est opportun pour procéder à

25 uns pause. Je vais dire également que je vais terminer aujourd'hui. Il me

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1 reste une section encore dont je souhaiterais parler.

2 Peut-être la défense peut bénéficier du reste du temps pour commencer sa

3 plaidoirie. Mais il me faudra encore peu de temps seulement.

4 M. le Président: Vous avez besoin d'environ combien de temps pour

5 terminer.

6 M. Harmon (interprétation): Je dirai probablement 45 minutes.

7 M. le Président: OK. On va voir si on peut commencer la défense

8 aujourd'hui. Mais peut-être que les Juges ont des questions, et peut-être

9 du point de vue méthodologique, nous avons toujours des problèmes avec les

10 méthodes, il serait mieux de commencer la défense demain.

11 J'ai déjà vu des signes non verbaux du côté de la défense, qui sont

12 d'accord avec cela. C'est cela Maître Petrusic, j'ai bien interprété ?

13 M. Petrusic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. La défense

14 souhaite commencer sa plaidoirie au cours de la journée de demain.

15 M. le Président: Très bien. Monsieur Harmon, nous allons faire la pause de

16 50 minutes. Nous allons terminer le réquisitoire du Procureur, puis nous

17 aurons les questions des Juges à poser aussi.

18 Demain nous commencerons la défense, c'est ce que nous décidons.

19 Une cinquantaine de minutes maintenant pour déjeuner et pour reposer votre

20 voix Monsieur Harmon.

21 M. Harmon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 (L'audience, suspendue à 12 heures 46, est reprise à 13 heures 45.)

23 M. le Président: Monsieur Harmon, en attendant que votre voix soit plus

24 confortée, maintenant vous pouvez continuer, s'il vous plaît.

25 M. Harmon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

Page 10003

1 Il ne me reste qu'un sujet à aborder cet après-midi, il s'agit de l'impact

2 de ces crimes affreux sur les victimes. Les crimes qui ont été perpétrés

3 par l'accusé et ses complices ont entraîné la mort de milliers d'hommes et

4 de garçons musulmans, et ceci, il ne faut jamais l'oublier.

5 De plus, il ne faut jamais oublier non plus l'impact de ces crimes sur les

6 victimes qui ont survécu: les femmes, les enfants et les quelques hommes

7 qui ont survécu.

8 L'annihilation de la population masculine de cette communauté, une société

9 qui est traditionnellement patriarcale a entraîné des ravages et des

10 dommages incalculables dans cette communauté, et ceci par rapport à la vie

11 de ceux qui habitaient dans cette communauté dynamique avant que ces

12 crimes n'aient lieu. Ceux qui ont survécu vivent pour la plupart dans la

13 pauvreté la plus extrême, et, très souvent, vous avez plusieurs

14 générations d'une même famille qui vivent dans une même pièce ou bien dans

15 des centres pour réfugiés ou bien dans des logements qui sont

16 subventionnés par l'Etat.

17 La plupart de ces personnes, de ces victimes qui ont survécu sont au

18 chômage. Ils ne perçoivent qu'un revenu extrêmement limité qui ne

19 représente absolument rien par rapport à la vie qu'ils avaient auparavant,

20 une vie au cours de laquelle ils pouvaient élever leurs enfants, envoyer

21 leurs enfants à l'école et vivre tous les moments que l'on vit en famille.

22 Aucun de ces survivants n'est retourné dans ses foyers à Srebrenica. Ils

23 ne peuvent pas retourner parce qu'ils ont peur, et puis il leur manque un

24 sens de la direction. Les hommes ne sont plus là, ceux qui

25 traditionnellement assuraient la protection de la communauté.

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1 Le témoin Ibrahimefendic qui, comme vous le savez, fait partie de

2 l'association Vive zene, a donc participé au traitement des femmes et des

3 enfants, et elle nous a déclaré, dans le cadre de sa déposition, qu'elle

4 avait travaillé avec une femme qui avait perdu en une seule journée 56

5 membres, hommes de sa famille immédiate élargie. Pratiquement toutes les

6 femmes de Srebrenica ont perdu leurs frères, leurs fils, leurs pères,

7 leurs neveux, leurs cousins. C'est une communauté entière qui a été

8 décimée par ces crimes.

9 Ceux qui restent de la communauté de Srebrenica survivent dans la plupart

10 des cas au sens strictement biologique du terme et rien de plus. Il s'agit

11 d'une communauté qui est plongée dans le désespoir, d'une communauté qui

12 s'accroche à des souvenirs, d'une communauté qui manque de direction, de

13 vision d'avenir, c'est une ombre de ce qu'elle était avant.

14 Le témoin I était un grand-père au moment de ces événements; il a été

15 séparé de sa famille au moment de Srebrenica pour être emmené à la ferme

16 militaire de Branjevo où a eu lieu une exécution massive. Il fait partie

17 des rares survivants.

18 Voici ce qu'il dit, a eu à nous dire au cours de sa déposition, je cite:

19 "Il y a 8.000 habitants de Srebrenica qui ont disparu et il faut tous

20 qu'on le sache, nous devons tous savoir qu'il a dû y avoir des enfants,

21 des pauvres gens dans ce nombre, entre 16.000 et 20.000, et il faut les

22 nourrir, il faut les élever.

23 Il y a tellement de pères qui n'ont plus de fils et de fils qui n'ont plus

24 de pères. Moi, j'avais deux fils et je ne les ai plus. Pourquoi? Je

25 vivais, je travaillais chez moi, pas chez quelqu'un d'autre. Et cela,

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1 c'était ce qui s'était également passé pour mon père et mon grand-père.

2 Ce qu'ils ont pris, ce qu'ils ont emporté, tout ce dont ils se sont

3 emparés, j'avais deux maisons, il y en a une qu'ils ont incendiée parce

4 qu'elle pouvait brûler, donc ils l'ont incendiée.

5 L'autre, ils n'ont pas pu l'incendier, donc ils sont venus et ont placé

6 une mine dedans parce que c'était une maison neuve, je n'avais pas fini de

7 la construire, il manquait encore le toit. Mais la maison était faite de

8 briques et de béton, donc elle ne pouvait pas brûler. Alors, je me suis

9 dit au moins cette maison-là, elle va résister. Mais non, ils sont venus,

10 ils ont mis des mines et puis la maison s'est écroulée. Il ne restait plus

11 que de la poussière. Mais bon, peu importe. J'avais cette maison et

12 maintenant elle n'est plus là, ils l'ont prise, ils se sont emparés de

13 cette maison. Mais pourquoi est-ce qu'ils avaient besoin de tuer mes fils?

14 Et aujourd'hui je suis aussi asséché que cet arbre dans la forêt. Moi,

15 j'aurais pu vivre avec mes fils sur mes propres terres et maintenant je

16 n'ai ni l'un ni l'autre. Comment est-ce que je suis censé continuer à

17 vivre aujourd'hui? Je n'ai pas de retraite, je n'ai rien. Avant cela, je

18 comptais sur mes fils. Il ne m'aurait pas laissé, il ne m'aurait pas

19 laissé avoir faim. Aujourd'hui, sans mes fils, sans ma terre, je meurs peu

20 à peu de faim." (Fin de citation.)

21 C'était la voix d'une des milliers de victimes, victimes des crimes

22 perpétrés par l'accusé. Nous vous avons soumis les témoignages de

23 professionnels du secteur de la santé, Jasna Zecevic, Teufika

24 Ibrahimefendic, l'organisation gouvernementale Vive Zene qui ont parlé de

25 leur travail au cours des cinq dernières années, travail avec les femmes

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1 et les enfants qui ont survécu à Srebrenica. Elles ont témoigné devant la

2 Chambre au sujet de leurs conclusions au sujet de ces victimes.

3 Tout d'abord, elles nous ont parlé du traumatisme causé par la guerre,

4 parce qu'elles avaient pu voir le traumatisme subi par les victimes dans

5 d'autres parties de la Bosnie et elles ont comparé le traumatisme de la

6 guerre avec le traumatisme de la guerre subi par ceux qui étaient à

7 Srebrenica et ces témoins nous ont dit que, dans les autres cas, dans les

8 cas de traumatismes normaux au cours de la guerre, dans ces cas-là, quand

9 la réalité de la mort des victimes a été confirmée, leurs proches peuvent

10 se remettre; en dépit de leurs souffrances extrêmes, ces gens-là

11 parviennent à reprendre le contrôle de leur propre vie et sont en mesure

12 peu à peu de penser à l'avenir. Mais ces témoins nous ont dit que le

13 traumatisme subi par les victimes de Srebrenica était bien différent, ces

14 témoins nous ont parlé de "syndrome de Srebrenica".

15 J'ai extrait du témoignage de ces deux témoins qui venaient de

16 l'organisation non-gouvernementale, Vive Zene , l'extrait suivant, qui

17 définit les caractéristiques de ce "syndrome de Srebrenica", les personnes

18 qui souffrent de ce syndrome, je cite:

19 "Ne peuvent pas commencer à vivre, elles ne peuvent pas se confronter à la

20 réalité de la mort d'une personne disparue. Tout ce qu'elles peuvent

21 faire, ces personnes, c'est de se souvenir du moment où elles ont dit

22 adieu, le moment où elles ont convenu de se rencontrer à un endroit où

23 elles seraient en sécurité. Cela c'est toujours quelque chose qui

24 détermine leurs pensées. Elles sont coincées, elles sont coincées, ces

25 victimes. Elles attendent, elles sont en position d'attente constante,

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1 elles continuent à penser que leurs maris vont revenir, qu'ils habitent

2 quelque part, ailleurs. C'est épuisant, c'est décourageant. Elles pensent

3 que la vie n'a aucune valeur, et parfois elles souffrent même de manque

4 affectif. Certaines de ces personnes continueront à attendre, continueront

5 à vivre dans l'incertitude jusqu'à la fin de leurs jours." (Fin de

6 citation.)

7 Ces observations cliniques ont été reflétées par le témoignage de

8 quelqu'un qui a été expulsé de Srebrenica, Mirsad Alagic. A la fin de sa

9 déposition, Monsieur le Juge Rodrigues lui a demandé si elle avait quelque

10 chose à ajouter, et voici ce qu'elle a eu à dire, je cite:

11 "Hier après-midi, quand je suis sortie d'ici, je suis allée marcher en

12 ville. C'est cela dont je voulais vous parler. Je n'ai pas vu grand-chose

13 mais ce que j'ai vraiment aimé, ce qui a attiré mon attention c'est un

14 monument que nous sommes allés visiter, c'est un monument consacré aux

15 femmes, aux femmes qui attendent des marins qui ne sont jamais revenus. Et

16 ce monument érigé en l'honneur de ces femmes m'a profondément touchée.

17 Je voudrais pouvoir trouver cette statue et l'emmener en Bosnie avec moi.

18 On peut peut-être la rapprocher des femmes et des mères de Srebrenica qui

19 attendent et qui espèrent depuis toutes ces années, sauf que, nous, nous

20 empruntons des chemins différents.

21 Nous, nous pourrions nous tourner vers nos forêts désertées, c'est là que

22 nous avons vu partir nos fils, nos époux, et puis ensuite nous n'avons

23 jamais plus retrouvé aucune trace d'eux. Nous ne savons pas s'ils sont

24 morts ou vivants, où reposent leurs ossements.

25 Beaucoup de mères sont mortes en espérant contre toute probabilité, et il

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1 est très possible que toutes les autres mères finissent comme elles parce

2 que leur nombre diminue chaque jour." (Fin de citation.)

3 Les experts ont ensuite, dans le cadre de leur déposition, précisé que les

4 survivants étaient dans l'incapacité de rentrer à Srebrenica, de retrouver

5 leur place dans la société, de retrouver leur foyer, leur ferme parce

6 qu'ils leur manquent la protection et le sens de l'avenir assuré par la

7 population masculine.

8 D'après ces experts, cinq ans après les événements, la condition

9 psychologique de ces femmes est toujours extrêmement grave, et les experts

10 estimaient que certaines de ces personnes ne s'en remettraient jamais.

11 Il est impossible de se représenter l'ampleur de la perte, des pertes

12 subies par ces personnes. Il est impossible de s'imaginer leur douleur.

13 Et en essayant de placer ces crimes dans un contexte, il faut essayer de

14 s'imaginer ce que, nous, nous ressentirions si nous devions perdre un être

15 cher, un enfant, un mari, un frère qui a été tué pour rien, de manière

16 insensée. Il faut essayer de s'imaginer le traumatisme personnel qu'un tel

17 événement produirait, imaginer Srebrenica!

18 Et souvent nous avons pu voir dans ce prétoire, nous avons pu sentir la

19 douleur causée par ces faits, une douleur qui reflétait l'immense douleur

20 ressentie par toute la communauté.

21 Hier nous avons réentendu le témoignage du témoin DD dont le fils de 14

22 ans lui a été arraché par la VRS. Ma collègue, Mme Karagiannakis a demandé

23 au témoin DD: "Que pensez-vous qu'il soit arrivé à votre mari et à vos

24 fils?" Et voici ce que le témoin a répondu; nous allons écouter son

25 témoignage.

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1 Je demande qu'on lance la vidéo.

2 (Diffusion de la cassette vidéo.)

3 "-Question:"A votre avis, qu'est-il arrivé à votre mari et à vos deux

4 fils?

5 -Réponse: Qu'est-ce que j'en sais! En tant que mère, je continue à

6 espérer, je n'arrive pas à croire que cela puisse être vrai. Comment il

7 est possible qu'un être humain puisse faire quelque chose comme cela,

8 puisse tout détruire, puisse tuer autant de gens!

9 Essayez d'imaginer ce petit garçon que j'avais, ses petites mains! Comment

10 peut-il être mort? J'imagine ses mains en train de cueillir des fraises,

11 en train de lire des livres, je l'imagine aller à l'école, aller en

12 excursion. (Le témoin pleure.)

13 Chaque matin, je me lève, je me couvre les yeux pour ne pas regarder les

14 autres enfants qui vont à l'école, pour ne pas voir les maris qui vont au

15 travail et qui se tiennent la main.

16 (Le témoin pleure, sanglote.)"

17 (Fin de la diffusion de la cassette vidéo.)

18 Madame et Messieurs les Juges, nous avons vu la douleur de Srebrenica, une

19 douleur qui existe bien des années encore après tous ces événements.

20 C'est à cause de cette souffrance que nous sommes ici aujourd'hui, que

21 nous venons de passer 15 mois dans le cadre de ce procès.

22 A la fin de son témoignage, après avoir été excusée, le témoin DD a

23 demandé à la Chambre de première instance la permission d'ajouter quelque

24 chose, on lui a accordé cette demande et voici ce qu'elle a eu à nous

25 dire.

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1 (Diffusion de la cassette vidéo. )

2 "Témoin DD (interprétation): Je voudrais vous demander, vous implorer de

3 demander à M. Krstic, si vous le pouvez, s'il y a un espoir quel qu'il

4 soit pour qu'au moins ce petit enfant qu'ils m'ont arraché, parce que je

5 ne cesse de rêver de lui, je rêve qu'il m'amène des fleurs et qu'il me

6 dit: "Maman, je suis là" et je l'enlace et je lui dis: "Mais où étais-tu,

7 mon fils?" et il me répond: "Mais j'étais à Vlasenica pendant tout ce

8 temps." Donc je vous implore si M. Krstic sait quoi que ce soit à son

9 sujet, si jamais il sait qu'il a survécu quelque part."

10 (Fin de la diffusion de la cassette vidéo.)

11 Le témoignage du témoin DD reflète bien le "syndrome de Srebrenica" et

12 cette douleur qui continue à exister suite à ces crimes.

13 Et bien entendu, Madame et Messieurs les Juges, il y a les enfants,

14 beaucoup d'enfants qui ont vu leurs frères et sœurs, leurs frères plus

15 âgés partir pour ne plus jamais revenir.

16 Mme Ibrahimefendic nous a dit que:

17 "Les enfants dont elle s'était occupée et qui avaient survécu à Srebrenica

18 sont très différents des autres enfants qui ont subi des traumatismes

19 ailleurs en Bosnie. Des enfants ailleurs dans d'autres parties de la

20 Bosnie ont vu également leur vie balayée par la guerre, mais ils ont gardé

21 un sens de sécurité au sein de leur famille.

22 Il y a toujours des hommes dans leur famille qui peuvent leur servir de

23 modèles alors que les enfants de Srebrenica, il n'y a pas de modèle qui

24 existe, personne à qui ils puissent s'identifier, surtout en ce qui

25 concerne les petits garçons.

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1 Le traumatisme immédiat qui a été celui de beaucoup de ces enfants ainsi

2 que les conditions de vie qu'ils ont été obligés de subir ont marqué à

3 jamais ces jeunes victimes et fait qu'ils sont dans l'impossibilité de

4 nouer des relations sociales normales. Une société sans homme, une société

5 déracinée de son domicile traditionnel à pour conséquence des enfants qui

6 vivent encore cinq ans après dans l'insécurité et sous le coup de ce

7 traumatisme." (Fin de citation.)

8 Donc nous avançons Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges que

9 les crimes de l'accusé non seulement ont entraîné la mort de milliers de

10 jeunes garçons et d'hommes musulmans, mais que ces crimes ont également

11 détruit la totalité de la communauté musulmane de Srebrenica et infligé

12 des souffrances incalculables aux dizaines de milliers de femmes et

13 d'enfants qui ont survécu et qui sont maintenant réduits à une vie de

14 précarité matérielle et de souffrance affective.

15 Ce qui était une communauté dynamique a maintenant disparu. Tout ce qui

16 reste ce sont les souvenirs.

17 Maintenant je vais passer aux recommandations que souhaite vous faire

18 l'accusation en matière de peine à prononcer contre l'accusé.

19 Au cours du procès, vous avez demandé Monsieur le Président à Mme

20 Ibrahimefendic ce qu'elle pensait que devait être le rôle du Tribunal, et

21 elle vous a répondu la chose suivante, je cite:

22 "Le Tribunal de La Haye, toutes les victimes, toutes les femmes avec qui

23 j'ai eu l'occasion de travailler, eh bien, pour tous ces gens le Tribunal

24 a beaucoup d'importance, elles en attendent la justice. Nous pensions que

25 nous étions membres d'une société civilisée, une société où le bien était

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1 récompensé et le mal sanctionné.

2 Les victimes ont confiance et pensent que les véritables causes de ce qui

3 s'est passé vont être précisées, identifiées, et que les gens, y compris

4 les victimes, auront suffisamment de courage pour raconter ce qui s'est

5 passé. On espère également que ceux qui se sont rendus coupables de ces

6 actes, eux aussi ils seront en mesure de parler pour que nous puissions

7 tous avoir un avenir, pour que nous puissions tous créer les fondations

8 d'une vie commune un jour prochain. On en attend beaucoup du Tribunal. Les

9 gens espèrent que la justice sera rendue et que les bonnes décisions

10 seront prises." (Fin de citation.)

11 En répondant de la sorte, Mme Ibrahimemfendic a souligné la raison même

12 pour laquelle le Conseil de sécurité a créé ce Tribunal international,

13 dont l'objectif est de prendre des mesures concrètes pour faire juger les

14 personnes responsables de violations graves du droit humanitaire

15 international commis en Yougoslavie et pour contribuer à la restauration

16 et au maintien de la paix.

17 En l'espèce, le général Krstic a eu l'avantage d'un procès. Il a bénéficié

18 de toute la gamme des droits qui sont ancrés dans le droit international,

19 des droits qui sont les siens d'après le droit. Et il s'agit là d'un

20 triomphe de l'état de droit et de la civilisation sur les instincts

21 primitifs qui ont certainement motivé lui-même ainsi que ses complices,

22 qui les ont certainement motivés à massacrer des dizaines de milliers de

23 victimes impuissantes, d'expulser 35.000 personnes de leurs terres et de

24 la terre de leurs ancêtres et de les priver du droit le plus élémentaire,

25 le droit à la vie elle-même ainsi que leur famille.

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1 L'accusé a eu le bénéfice d'un procès, cela n'a pas été le cas de ses

2 victimes. Vue l'ampleur des crimes commis, on peut se demander s'il existe

3 une peine qui puisse être adéquate, on peut vraiment se poser cette

4 question: existe-t-il une peine appropriée à ces crimes?

5 Lorsqu'il s'agit de déterminer une peine, j'avance quant à moi en ce qui

6 concerne ce procès qu'il n'existe pas de circonstances atténuantes.

7 En revanche, les circonstances aggravantes sont extrêmement importantes,

8 je les ai évoquées lors de mon réquisitoire.

9 Il s'agit de l'ampleur considérable du crime de la préméditation qui a

10 accompagné ce crime.

11 Il s'agit de la souffrance des victimes, aussi bien des victimes qui ont

12 péri que de celles qui ont survécu.

13 Il s'agit de la destruction de la communauté de l'est de la Bosnie et de

14 Srebrenica.

15 Il s'agit de l'impact immédiat et à long terme, impact psychologique et

16 matériel que ces crimes ont eu et continuent à avoir sur les victimes qui

17 ont survécu.

18 Il s'agit des faux témoignages continuels de l'accusé sous serment. Il

19 s'agit également du manque total de remords dont a fait preuve l'accusé

20 pour les crimes qu'il a commis. C'est en gardant tout ceci à l'esprit que

21 je demande respectueusement à la Chambre de première instance de déclarer

22 l'accusé Krstic coupable de tous les chefs de l'Acte d'accusation et de le

23 condamner à des peines de prison à vie pour chacun des chefs d'accusation

24 au titre desquels il sera reconnu coupable.

25 D'autre part, nous vous demandons que ces peines de prison soient purgées

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1 de façon consécutive.

2 J'en ai terminé, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, de

3 mon réquisitoire. Je vous remercie.

4 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur Harmon.

5 Nous allons passer maintenant aux questions des Juges.

6 (Questions de M. le Juge Riad à M. le Procureur Harmon.)

7 M. le Président: Je donne la parole à Monsieur le Juge Riad.

8 M. Riad (interprétation): Bonjour, Monsieur Harmon.

9 M. Harmon (interprétation): Bonjour, Monsieur le Juge.

10 M. Riad (interprétation): Je comprends que vous êtes très fatigué en ce

11 moment. Nous avons suivi très attentivement votre intervention au cours de

12 ces deux jours et j'ai une seule question à vous poser pour avoir une

13 clarification.

14 En ce qui concerne les communications interceptées des conversations entre

15 le général Krstic et quelques-uns de ses associés, comme le premier qui

16 était le colonel Beara, l'un des principaux messages de ces communications

17 était contenu dans la conversation dans laquelle le colonel Beara lui a

18 demandé d'envoyer des hommes en disant littéralement: "Il me reste 3.500

19 colis à distribuer et je n'ai pas de solution".

20 Nous avons compris la manière dont vous avez déchiffré le mot "colis" qui

21 a été employé apparemment plusieurs fois.

22 Est-ce qu'il y a d'autres connotations que vous pourriez attribuer au mot

23 "colis" sauf le fait de tuer les hommes?

24 M. Harmon (interprétation): Il n'y en a pas d'autre, Monsieur le Juge.

25 Je souhaite attirer votre attention encore une fois sur le message

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1 intercepté le 14 juillet entre le colonel Beara et le commandant Jokic de

2 la Brigade de Zvornik.

3 Le commandant Jokic a par hasard dit: "Les colis, je veux dire les

4 hommes". Donc c'était clair qu'il s'agissait des gens. Et si vous examinez

5 le contexte de cette communication interceptée, il est clair qu'il s'agit

6 d'un plan. La personne qui discute de cela avec le commandant Jokic est le

7 colonel Beara, l'une des personnes dont le général Krstic a dit qu'il

8 était coupable, il a dit qu'il était entièrement responsable de tout ce

9 qui s'était passé. Le colonel Beara n'a pas participé à la distribution

10 des colis. Ce dont il parle sont les gens.

11 C'est pour cela que lorsque le commandant Jokic a mentionné par hasard le

12 mot "peuple", il s'est tout de suite repris pour réemployer le mot chiffré

13 qui était "colis". Et c'est pour cela aussi qu'il y ait mentionné dans

14 cette communication interceptée: "Sois tranquille, cette ligne n'est pas

15 sécurisée".

16 Donc l'unique connotation, à mon avis, est la connotation avancée par le

17 Procureur, c'est-à-dire que les colis voulaient dire "les gens", les colis

18 voulaient dire les gens qui allaient être massacrés le lendemain à Pilica,

19 au centre culturel de Pilica et à la ferme militaire de Branjevo et peut-

20 être aussi à Kozluk.

21 Si nous faisons les calculs, nous savons, si nous faisons les calculs, que

22 3.500 colis ont été mentionnés et si nous faisons le calcul nous savons

23 que 1.200 personnes ont été tuées à la ferme militaire de Branjevo.

24 M. Riad (interprétation): Et chronologiquement?

25 M. Harmon (interprétation): Oui, chronologiquement justement parce que

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1 1.200 personnes ont été massacrées à Branjevo, ensuite 500 à Pilica, ceci

2 nous fait arriver au chiffre de 1.700 et nous ne savons pas combien de

3 personnes ont été massacrées à Kozluk.

4 M. Riad (interprétation): Et lorsqu'il parle de la "solution", de quoi

5 parle le colonel Beara?

6 M. Harmon (interprétation): D'après nous, c'est le général Krstic qui l'a

7 fournie.

8 M. Riad (interprétation): Et vous pouvez conclure cela seulement de cette

9 conversation ou sur la base d'autres circonstances?

10 M. Harmon (interprétation): Sur la base de toute une série de

11 circonstances aussi.

12 Tout d'abord, en ce qui concerne Drazen Erdemovic. Mais tout d'abord, les

13 personnes qui ont été identifiées en tant que personnes capables de

14 fournir les hommes, étaient toutes subordonnées du général Krstic, y

15 compris le colonel Blagojevic, le chef de la Brigade de Bratunac, Nastic,

16 qui était à la tête de la Brigade de Milici, ensuite on a mentionné

17 Furtula, qui appartenait à la Brigade de Vlasenisa, Boban Indzic, qui

18 était un subordonné de Furtula, et toutes ces personnes pouvaient fournir

19 des hommes qui pouvaient fournir, eux, la solution et ils étaient tous des

20 subordonnés directs du général Krstic.

21 Nous pouvons conclure cela aussi sur la base du contexte de la

22 conversation, et d'après l'accusation le général Krstic était tout à fait

23 au courant et était tenu informé de tous les événements liés à ces

24 meurtres.

25 J'ai déjà présenté des moyens de preuve et attiré votre attention sur des

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1 moyens de preuve au cours de ces deux derniers jours indiquant que le

2 lieutenant-colonel Popovic et les autres informaient entièrement le

3 général Krstic du progrès en ce qui concerne les meurtres.

4 A mon avis, Monsieur le Juge Riad, il y a eu très peu de communications

5 qui ont été envoyées aux personnes qui effectuaient les exécutions sur le

6 terrain entre eux et le général Krstic puisque les lignes ouvertes non

7 sécurisées de transmission étaient employées, et c'est par le biais de ces

8 lignes-là que dans ce cas-là le plan d'exécution du génocide aurait été

9 dévoilé.

10 Finalement, si nous nous penchons sur le contexte de la distribution de

11 ces 3.500 colis, nous ne devons pas oublier la communication interceptée

12 du 17 juillet entre le colonel Popovic et le général Krstic où le premier

13 l'informe du fait que le travail avait été effectué et que cela mérite la

14 note "A".

15 Ma réponse à votre question serait que, compte tenu du contexte, il est

16 logique de conclure ce nous avons conclu, et nous savons également que le

17 général Krstic dans cette même conversation a dit: "Cette ligne n'est pas

18 sûre, n'est pas sécurisée".

19 Ce qu'il ne souhaitait pas dévoiler, ce dont il ne souhaitait pas parler,

20 c'était l'exécution massive qui était en cours.

21 La réponse à votre question est que les 3.500 colis distribués se réfèrent

22 exclusivement aux vies humaines, aux vies des Musulmans qui ont été perdus

23 par la suite le lendemain dans la municipalité de Zvornik.

24 M. Riad (interprétation): Et en ce qui concerne le message de Popovic, que

25 vous avez mentionné, lorsqu'il dit: "J'ai terminé le travail", ceci peut

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1 être interprété seulement en tant que meurtre?

2 M. Harmon (interprétation): C'est notre avis. Nous savons par exemple que

3 le colonel Popovic était un officier chargé de la sécurité. Le lieutenant-

4 colonel Popovic ne participait pas aux opérations de combat et, lorsqu'il

5 a demandé du carburant pour se rendre au village de Pilica, le 16 juillet,

6 nous savons que les meurtres à la ferme militaire de Branjevo et par la

7 suite au Dom de Pilica se sont passés à peu près à ce moment-là ou

8 s'étaient déjà passé.

9 Des équipements permettant de remuer la terre ont dû être utilisés afin de

10 creuser les fosses pour cacher les cadavres dedans à la ferme militaire de

11 Branjevo. Ces engins ont été employés et ils avaient besoin de quantités

12 énormes de carburant. Des camions aussi étaient nécessaires afin de

13 transférer les cadavres du centre culturel de Pilica jusqu'au site

14 d'enterrement et ceci aussi exigeait des quantités énormes de carburant.

15 Et dans ce message intercepté, lorsque Popovic demande à Bacevic qui était

16 à la tête des services techniques, finalement à la tête de la pompe à

17 essence du Corps de la Drina, lorsqu'il lui demande d'avoir du carburant,

18 il a dit: "Sinon le travail va s'arrêter, le travail devra être terminé".

19 Et par la suite dans le message intercepté, nous entendons que le travail

20 mérite un "A".

21 C'est donc pour cela que nous pouvons conclure que le colonel Popovic

22 était responsable de tout ce qui s'est passé et c'est sur la base de cela

23 que nous tirons nos conclusions.

24 M. le Président: Merci.

25 (Questions de Mme la Juge Wald à M. le Procureur Harmon.)

Page 10019

1 Mme Wald (interprétation): J'ai cinq questions à vous poser. Je vais

2 essayer de vous les poser rapidement tant que vous n'aurez pas perdu

3 complètement votre voix.

4 Premièrement, j'ai compris, sur la base de votre intervention ces jours-

5 ci, que vous considérez que le général Krstic se trouvait à la source du

6 plan génocidaire, tout comme le général Mladic et plusieurs autres

7 personnes qui ont décidé de cela entre le 9 et le 11.

8 Cependant, est-ce que vous considérez que, dans le cadre de la

9 présentation de vos moyens de preuve, il serait possible d'interpréter

10 cela de la manière suivante, c'est-à-dire est-ce qu'il pourrait être

11 possible de caractériser cela par le biais des théories sur le dessein

12 commun? Autrement dit, même si le général Krstic ne participait pas à cela

13 dès le début, peut-être il s'est aligné un peu plus tard, lorsqu'il a

14 découvert ce qui passait, il a continué à participer?

15 Si je ne me trompe, Richard Butler a dit dans le cadre de sa déposition

16 que: "Au début des exécutions, l'attitude était une attitude opportuniste

17 et c'est seulement par la suite que le schéma génocidaire a pris son plein

18 essor".

19 Donc je souhaite vous poser la question suivante: est-ce que vous pensez

20 que les moyens de preuve présentés dans le cadre de cette affaire peuvent

21 corroborer une telle théorie, notamment à la lumière de la décision du

22 Juge Hunt concernant le dessein commun?

23 M. Harmon (interprétation): Eh bien, je souhaite dire qu'il existe

24 plusieurs éléments de planification.

25 Il a planifié les choses, il les a organisées, il a donné des ordres

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1 concernant cela et il a participé à la dissimulation. Donc je pense que

2 les moyens de preuve le montrent clairement.

3 Sur le plan théorique, est-ce qu’il est possible que le général Krstic ne

4 savait rien à ce sujet-là et qu'il ait appris tout cela seulement par la

5 suite, je suppose, Madame le Juge, que tout est possible!

6 Mme Wald (interprétation): Oui, mais je souhaite vous poser la question

7 concernant les meurtres. Peut-être, s'il n'était pas au courant des

8 meurtres à l'époque, qu'il était au courant des déportations.

9 M. Harmon (interprétation): Supposons qu'il ne savait rien au sujet des

10 meurtres.

11 Tout d'abord, je respecte l'hypothèse selon laquelle ceci pourrait être

12 possible. Mais d'après les moyens de preuve que nous avons présentés, à

13 mon avis ceci n'est pas acceptable comme théorie.

14 A mon avis, il est seulement possible de conclure qu'il a participé à la

15 planification de l'opération dès le début et qu'il a participé à

16 l'opération entièrement tout au long de sa durée.

17 J'espère que j’ai bien répondu à votre question?

18 Mme Wald (interprétation): Oui, tout à fait.

19 Voici ma deuxième question. Vous avez parlé du crime de génocide et

20 alternativement du crime de la complicité au génocide.

21 Et si je ne me trompe, vous avez dit que le génocide exigerait l'intention

22 de la personne de détruire un groupe ou sa partie alors que la complicité

23 exigerait que la personne sache que quelqu'un avait une telle intention

24 et, tout en connaissant ses intentions, la personne a participé ou soutenu

25 de manière importante l'opération.

Page 10021

1 Pour moi, il est un petit peu difficile de voir où se trouve cette ligne

2 entre les deux, puisque si vous savez que le génocide est en train d'être

3 perpétré selon un plan qui a été conçu suivant une intention génocidaire,

4 et si vous donnez votre contribution, pourquoi est-ce que dans ce cas-là

5 l'intention ne serait pas attribuée à une telle personne?

6 Je pense qu'il m'est un petit peu difficile de voir pourquoi dans ce cas-

7 là, d'après l'accusation, il n'y a pas d'intention génocidaire.

8 M. Harmon (interprétation): Tout d’abord, d'après les moyens de preuve, je

9 pense qu’il est clairement montré qu'il avait l'intention, notamment

10 l'intention à l'égard du génocide. Il s'agit là de notre proposition

11 principale.

12 Il est clair que la distinction, qu'une distinction plus fine n'est pas la

13 distinction que nous avançons devant ces Juges.

14 Nous considérons qu'il avait l'intention génocidaire dès le début, qu'il

15 l’a maintenue tout au long de l'opération.

16 Et sur la base de la déposition du général Krstic lui-même, parfois il

17 serait possible de conclure qu’il était sur le point de changer d’avis,

18 nous considérons qu'il ne faudrait pas examiner ces dépositions de manière

19 permettant aux Juges de conclure qu'il est coupable seulement de la

20 complicité.

21 Mme Wald (interprétation): Très bien.

22 Voici ma troisième question. Nous avons parlé des sites d'exécution et des

23 soldats, parlé des soldats qui portaient des uniformes de camouflage vert,

24 mais le plus souvent ils ne pouvaient pas donner des précisions concernant

25 les membres des unités, et concernant la question de savoir à quelles

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1 unités ces personnes appartenaient. Parfois ils identifiaient le Corps de

2 la Drina.

3 Je sais que, d'après le Procureur, les membres du MUP ont été identifiés

4 le long de la route en train de capturer les prisonniers.

5 Mais, mis à part cela, est-ce que vous pensez que vous avez prouvé de

6 manière suffisante que les soldats, portant des uniformes de camouflage

7 vert, qui se trouvaient le long de la route, qui emprisonnaient les

8 personnes, qui les gardaient et qui les transportaient aux centres de

9 détention, appartenaient au Corps de la Drina?

10 M. Harmon (interprétation): Oui, nous en sommes plutôt convaincus.

11 Mme Wald (interprétation): Oui, mais est-ce que vous pensez que vous avez

12 suffisamment de preuve? Et est-ce que vous pouvez nous dire qui a indiqué

13 qu’il s'agissait des soldats du Corps de la Drina?

14 M. Harmon (interprétation): Nous avons, je pense, pu identifier de manière

15 positive les unités.

16 Mme Wald (interprétation): Il s'agit de votre conclusion?

17 M. Harmon (interprétation): Je pense que nos conclusions sont tout à fait

18 bien posées.

19 Mme Wald (interprétation): Ma quatrième question est la suivante. La

20 défense a affirmé dans son mémoire que Srebrenica n'est pas un lieu où un

21 génocide a eu lieu puisqu'il y avait pas d'intention de détruire

22 l'intégralité ou une partie de la communauté, puisqu'il y avait des

23 femmes, des personnes âgées, et des enfants qui clairement pouvaient

24 sortir. Ces personnes ont été déportées mais elles pouvaient quitter le

25 pays et elles n'ont pas été détruites physiquement.

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1 Donc, d'après la défense, il n’y a pas eu d'intention de détruire une

2 partie ou l'intégralité de la communauté.

3 Et je pense que d'après les dépositions nous pouvons constater qu'environ

4 3.000 personnes de la colonne pouvaient passer.

5 M. Harmon (interprétation): Oui, 3.000 personnes seulement pouvaient

6 passer en territoire libre, mais il ne faut pas oublier, Madame le Juge

7 Wald, que ces 3.000 personnes -qui se trouvaient dans la colonne et qui

8 pouvaient passer jusqu'en territoire libre- n'étaient pas emprisonnées par

9 la VRS. Elles étaient en train de se battre pour leur vie.

10 Vinko Pandurovic, qui était à la tête de la Brigade de Zvornik, était dans

11 la même situation, et lui il était engagé dans le cadre de l'opération de

12 Zepa, donc il était dans une situation de crise militaire, donc il a dû

13 laisser passer ces personnes.

14 Et je n'ai aucun doute sur la base des moyens de preuve présentés devant

15 cette Chambre que, si la VRS avait capturé ces 3.000 personnes, le même

16 sort leur aurait été réservé que celui qui a été réservé aux victimes dont

17 nous avons entendu parler. A notre avis, l'intention génocidaire n'exige

18 pas l'élimination de l'ensemble du groupe. Dans le cas précis, ils ont

19 effectivement éliminé un certain nombre d'enfants, donc des personnes

20 auxquelles appartenait l'avenir de la société.

21 Il ne faut pas oublier également qu'une crise humanitaire était en cours,

22 que la communauté mondiale suivait ce qui passait, donc ils avaient besoin

23 de faire en sorte que les femmes et enfants arrivent au territoire libre

24 afin de pouvoir dissimuler leur plan génocidaire et l'exécuter. Donc nous

25 rejetons l'affirmation de la défense à ce sujet et nous considérons que

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1 l'alternative que je viens d'avancer est la bonne.

2 Mme Wald (interprétation): J'espère que vous pourrez tenir encore un peu

3 pour ma dernière question. Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de

4 l'impact de ces enterrements en masse, de ces ré-enterrements sur les

5 victimes et les survivants, les proches des victimes aussi qui ne savent

6 pas où se trouvent leurs proches qui ont péri.

7 Je ne suis pas tout à fait sûr des détails de ce vous nous avez dit

8 concernant les fosses communes qui ont été transférées ailleurs. En ce qui

9 concerne les moyens de preuve, lorsque vous parlez du fait que des fosses

10 communes ont été transférées ailleurs de manière cachée, est-ce que vous

11 souhaitez dire qu'il s'agit là encore d'un crime contre l'humanité,

12 l'humanité, d'un crime de guerre à cause des souffrances que ceci provoque

13 ou bien est-ce que vous parlez de cela plutôt dans le contexte dans lequel

14 vous avez parlé des mosquées et du génocide culturel.

15 M. Harmon (interprétation): J'ai parlé des enterrements qui masquaient le

16 génocide.

17 Mme Wald (interprétation): Mais est-ce que cela fait partie du génocide?

18 M. Harmon (interprétation): Oui, cela fait partie du génocide.

19 Mme Wald (interprétation): Merci beaucoup.

20 M. le Président: J'ai aussi quelques questions.

21 Dans l'Acte d'accusation, vous avez défini le groupe comme étant objet de

22 destruction du plan génocidaire, les Musulmans de Bosnie. Dans vos

23 mémoires finaux, vous avez défini le groupe comme étant les Musulmans de

24 Srebrenica. Dans vos arguments oraux, ici, vous avez défini le groupe

25 comme étant le groupe des Musulmans de Bosnie orientale.

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1 Ma question est de savoir quelles sont les raisons qui vous ont poussés à

2 changer la définition du groupe et quels sont les arguments juridiques que

3 vous pourriez présenter à l'appui du groupe désigné finalement comme étant

4 le groupe des Musulmans de Bosnie orientale?

5 M. Harmon (interprétation): Monsieur le Président, tout d'abord du point

6 de vue factuel, l'emploi du terme Srebrenica doit être pris en

7 considération dans le contexte des événements plus vastes qui se sont

8 déroulés où les gens ont été expulsés de la région et de ses alentours.

9 Lorsque je dis donc "les Musulmans de Srebrenica", ceci ne se réfère pas

10 uniquement aux Musulmans dans une zone limitée, géographique, encerclée

11 dans l'enclave. Nous avons présenté des moyens de preuve sous forme de

12 rapport, il s'agit là des pièces à conviction 33 à 38, où il est question

13 des Musulmans de Bosnie qui ont fait l'objet du nettoyage ethnique des

14 enclaves de Bosnie orientale.

15 Nous avons parlé dans le chef d'accusation effectivement de la destruction

16 d'une partie de la communauté des Musulmans de Bosnie.

17 En ce qui concerne la communauté musulmane bosniaque, ceci n'implique pas

18 nécessairement la destruction de l'ensemble de la communauté partout en

19 Bosnie. Compte tenu du fait que cet Acte d'accusation porte sur la

20 responsabilité du général Krstic et il est tout à fait clair d'après

21 l'Acte d'accusation, que les événements qui se sont décrits se sont

22 déroulés dans une zone limitée qui était la zone de responsabilité du

23 Corps de la Drina et donc ceci se réfère aux communautés entourant

24 l'enclave de Srebrenica et à mon avis il est possible également de se

25 pencher sur les rapports rédigés par la Croix-Rouge internationale pour

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1 voir que les Musulmans de l'extérieur de Srebrenica sont également inclus

2 dans ce groupe dont il est question dans le chef d'accusation.

3 Donc nous parlons ici d'un génocide sélectif et d'un génocide qui se

4 limite géographiquement parlant sur la Bosnie orientale. Et dans cet Acte

5 d'accusation, nous n'avons jamais accusé le général Krstic d'être

6 responsable du génocide qui était en train d'être effectué à l'extérieur

7 de la zone dont il avait la responsabilité aux termes de cet Acte

8 d'accusation.

9 M. le Président: Nous avons mentionné le moment de création de la zone

10 protégée de Srebrenica. Nous sommes quand même arrivés à quelques

11 décisions de l'assemblée constitutive de la Republika Srpska. Et dans ce

12 document, on dit, et vous mentionnez cela dans votre mémoire final: le

13 dernier objectif politique de la VRS dès 1992 était, je cite: "établir des

14 frontières pour séparer le peuple Serbe des autres deux communautés

15 ethniques." Fin de citation.

16 Et ce qu'on peut vérifier si on peut dire au long de tout le conflit

17 depuis 1992 c'est que l'objectif de chaque communauté ethnique était de

18 déplacer les populations pour créer si l'on peut dire des territoires

19 ethniquement homogènes.

20 Pourquoi en arrivant maintenant à Srebrenica, on change et on dit que

21 l'objectif n'est pas de séparer les communautés pour laisser partir pour

22 un autre territoire, mais de détruire les éléments d'une autre ethnie.

23 Quelles sont les raisons que vous voyez, en plaçant Srebrenica dans

24 l'ensemble du conflit changer la perspective du conflit?

25 M. Harmon (interprétation): Monsieur le Président, je souhaite encore une

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1 fois attirer l'attention des Juges aux pièces à conviction 33 à 38, les

2 rapports de l'ONU et l'un d'eux décrit la politique de nettoyage ethnique.

3 Et les experts qui ont rédigé le rapport font une distinction entre des

4 groupes ethniques différents et une politique menée afin de séparer les

5 races, si les races existent. Et les experts pensent qu'en ce qui concerne

6 le gouvernement musulman bosnien, une telle politique n'existe pas, et il

7 constate que, même si parfois des races ont été séparées par le biais du

8 nettoyage ethnique, pour les experts qui ont rédigé ces rapports, il

9 semble être clair que ceci n'était pas fait dans le cadre de la politique

10 mis en oeuvre par le gouvernement bosniaque.

11 Ensuite, ils se sont penchés sur la communauté de la Republika Srpska et

12 ils ont trouvé que le contraire était vrai.

13 Donc je ne peux pas savoir tout de suite quel est très exactement le

14 rapport que je viens de mentionner, mais c'est l'un des rapports que je

15 viens de mentionner qui traite du nettoyage ethnique.

16 En ce qui concerne le génocide à Srebrenica, il faut savoir que

17 préalablement à travers la Republika Srpska il y avait une politique

18 officielle qui visait à séparer les races, notamment par le biais de la

19 politique de nettoyage ethnique.

20 Bien sûr, j'ai fait de moins mieux cette après-midi afin d'expliquer les

21 facteurs qui devraient être pris en considération lorsqu'on adopte la

22 décision sur l'intention.

23 Et il ne faut pas oublier dans ce contexte les événements qui s'étaient

24 déroulés dans ce contexte autour de cette communauté, y compris la haine

25 qui existait y compris au sein des soldat de la VRS et même au sein des

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1 officiers très haut placés de la VRS.

2 Je pense qu'il est difficile de vous donner une réponse précise quant à la

3 question de savoir pourquoi une décision sur le génocide a été prise.

4 Je pense qu’il est claire que ce genre de décision portant sur le génocide

5 a été prise au niveau le plus élevé de l'armée.

6 Le général Mladic, qui est encore aujourd'hui en liberté, était l'une des

7 personnes qui ont pris cette décision.

8 Et pourquoi est-ce que ceci a eu lieu dans les esprits du général Krstic,

9 du général Mladic et les autres, comme le colonel Beara et le lieutenant

10 colonel Popovic, je ne peux pas donner de réponse à cette question, mais

11 il est clair que ceci était le résultat de l'idéologie du général Mladic,

12 c'est tout ce que je peux donner comme question malheureusement.

13 M. le Président: La défense interprète l’Article 4 de notre Statut comme

14 limitant l'intention de détruire le groupe à une destruction physique

15 et biologique, et exclut la destruction culturelle.

16 Vous avez aujourd'hui, en passant, mentionné la possibilité d'interpréter

17 le génocide aussi par la voie de la destruction culturelle. Mais vous avez

18 passé un peu rapidement.

19 Pouvez-vous nous donner quelque précision de votre suggestion à la Chambre

20 de conclure dans cette voie?

21 M. Harmon (interprétation): Oui, oui je peux le faire.

22 La Convention du génocide ne reconnaît pas la destruction de monuments

23 culturels comme étant un acte génicidaire.

24 Ce que je vous disais, ce n'était pas que la destruction des mosquées

25 revenait à un acte génocidaire, mais je voulais vous dire qu'il s'agissait

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1 d'un facteur à prendre en compte dans toute la série des autres facteurs

2 qu’il convient de prendre en considération pour déterminer s'il y a eu

3 intention génocidaire ou non.

4 Nous savons qu'immédiatement après l'expulsion, la déportation, et

5 qu'immédiatement pendant ou même après les exécutions massives, toutes les

6 traces de la communauté musulmane ont été effacées. Et c'est tout ce que

7 j'ai à dire à ce sujet!

8 M. le Président: Une autre question, Monsieur Harmon, je vais vous laisser

9 libre parce que vous êtes peut-être fatigué.

10 Mais si j'ai bien compris, vous avez placé un peu le moment de création.

11 Vous utilisez dans votre mémoire final les mots « création et

12 développement du plan de génocide ». Et vous avez placé, si j'ai bien

13 compris, le moment de création de ce plan vers la soirée du 11 juillet,

14 éventuellement le matin du 12, mais vous avez affirmé la soirée du

15 11 juillet je crois. Donc c'est le moment de la naissance. Après il y a un

16 développement.

17 Est-ce que dans ce procès de développement de ce plan il y a plusieurs

18 facteurs, comme vous l’avez mentionné, qui doivent être éventuellement

19 considérées ensemble? Mais est-ce que vous avez vu un fait plus

20 significatif dans ce plan de développement, un fait plus significatif de

21 cette intention spécifique de détruire les Musulmans de Srebrenica dans le

22 sens un peu élargi que vous avez dit, un fait ou un événement qui puisse

23 être fort ou plus significatif de cette intention spécifique?

24 M. Harmon (interprétation): Monsieur le Président, si on parle d'un fait

25 significatif qui donnerait une date à la création de ce plan, je pense que

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1 ces effets importants je les ai évoqués ce matin, à savoir la séparation

2 immédiate des hommes du reste, le fait que tout de suite on a pris leurs

3 papiers d'identité à ces hommes, ça ce sont des faits qui sont apparus

4 pendant toute la première partie de ce processus, et on en a vu la

5 première trace à Potocari. Et ensuite, on a vu cela tout le long de la

6 route. Nous avons vu un film qui nous montrait ces biens personnels qui

7 avaient été abandonnés. Nous avons eu des témoins qui venaient de Nova

8 Kasaba.

9 Tout ceci montre, très clairement d’après nous, qu'il y avait

10 effectivement un plan.

11 Ce matin, dans le cadre de mon réquisitoire, j’ai dit que même le soldat

12 de 1re classe ou de 2e classe était au courant de ce plan. Le soldat le

13 plus modeste savait que ces hommes allaient à la rencontre de leur mort

14 lorsqu’ils étaient au stade de Nova Kasaba puisqu’ils ont dit aux

15 prisonniers qu'ils n’avaient plus besoin de leurs affaires là où ils

16 allaient.

17 En ce qui concerne la date de ces événements et la façon de dater tout ce

18 processus, j'en ai déjà parlé ce matin en évoquant tous ces faits

19 significatifs.

20 D'autre part, nous avons un autre élément, une autre trace, tout cela se

21 voyant à Potocari en premier lieu.

22 M. le Président: Une autre question.

23 Vous avez mentionné aussi comme facteur à prendre en considération le fait

24 que dans le discours de plusieurs responsables, notamment du général

25 Krstic, ils ont souvent mentionné le mot « génocide ».

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1 Etes-vous convaincu qu'ils ont utilisé, que notamment le général Krstic a

2 utilisé le mot « génocide » dans le sens strictement juridique? C'est une

3 question.

4 M. Harmon (interprétation): Monsieur le Président, je ne peux pas vous

5 dire ce qui passait dans leur tête.

6 M. le Président: Oui, mais je voulais aller dans la lecteur du texte et

7 interpréter ce mot dans le contexte du texte.

8 M. Harmon (interprétation): Oui, oui, certes.

9 Je pense qu'il est juste d'interpréter ce mot dans le contexte. Ils

10 parlaient de pogroms, ils parlaient de destructions, ils faisaient

11 référence à des événements qui ont eu lieu au cours de la Deuxième Guerre

12 mondiale lorsqu’il y a eu des actes génocidaires.

13 Je pense que, dans ce contexte, il est tout à fait juste de se dire que

14 c'était là le sens qu'ils donnaient à ce mot.

15 M. le Président: Très bien.

16 Monsieur Harmon, au nom de mes collègues et comme Président de la Chambre,

17 il me reste à bien vous remercier pour tout votre travail et pour tout le

18 travail d'organisation que vous avez fait et que vous avez présenté à la

19 Chambre, vous et votre équipe. Nous vous remercions beaucoup et nous vous

20 souhaitons une bonne voie pour la prochaine fois. Donc merci beaucoup,

21 Monsieur Harmon.

22 M. Harmon (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

23 Président, Madame et Monsieur les Juges, merci de votre patience.

24 M. le Président: Donc pour aujourd’hui, nous avons terminé.

25 Comme nous avions dit avant la pause déjeuner, nous allons reprendre

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1 demain avec le réquisitoire de la défense, demain à 9 heures 20 comme

2 d'habitude.

3 (L'audience est levée à 14 heures 53.)

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