Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 29 juin 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (Réquisitoire et plaidoirie de la défense.)

4 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

5 M. le Président: Bonjour Mesdames et Messieurs. Bonjour cabine technique.

6 Interprète: Bonjour, Monsieur le Président.

7 M. le Président: Bonjour conseils de la défense et de l'accusation.

8 Bonjour Général Krstic. Nous allons donc continuer le réquisitoire de la

9 défense. Je donne la parole à Me Petrusic, s'il vous plaît.

10 M. Petrusic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

11 Monsieur les Juges, bonjour collègues, Procureur.

12 La défense parlera ce matin des questions qui ont trait à la capture des

13 Musulmans le long de la route Konjevic Polje/Nova Kasaba/Bratunac et de

14 l'axe Bratunac/Konjevic Polje.

15 Il est exact, en fait, il est vrai de dire que la capture des personnes

16 avait été faite par des brigades du MUP et du 65e Régiment de protection,

17 le 60e Bataillon de la police militaire et le 65e Régiment de protection.

18 Ce Bataillon de police militaire relevait directement du commandement de

19 l'état-major et la défense prétend que cette unité n'était pas, au cours

20 de l'opération, et même après, elle n'a jamais été rattachée au

21 commandement du Corps de la Drina.

22 Pour soutenir cette affirmation, la défense se base sur la pièce à

23 conviction 76 datée du 5 juillet 1995; notamment au cours de l'exécution

24 de l'opération Krivaja 95, un ordre a été émis pour effectuer les combats,

25 les activités de combat actif.

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1 Radislav Krstic, le général Krstic est le chef d'état-major du Corps de la

2 Drina, a donné une information à l'état-major principal de la VRS,

3 information dans laquelle il dit: "A cause des activités de combat qui

4 débuteront contre Srebrenica et puisque les effectifs des Musulmans de

5 Bosnie de l'enclave de Zepa, pour qu'ils ne frappent pas les arrières du

6 Corps de la Drina qui sont en train d'effectuer cette opération, il prie

7 l'état-major d'assurer l'exécution des combats pour le 65e Régiment qui

8 est situé sur la région de Zepa."

9 En fait, il s'agit d'un Bataillon d'infanterie, c'est le 65e Régiment de

10 protection. Donc si le 65e Régiment de protection qui se trouve à Zepa, il

11 s'agit d'un Bataillon, s'il avait été subordonné au Corps de la Drina ou

12 rattaché au Corps de la Drina, le général Krstic ne se serait pas adressé

13 à l'état-major car ce n'est pas lui qui leur donne des ordres. Il ne fait

14 que suggérer à l'état-major que l'état-major principal devrait affecter

15 cette unité et lui donner l'ordre.

16 Le Corps de la Drina ne peut donc pas émettre un ordre à ces dernières.

17 Si, selon une décision soit écrite soit orale, cette unité, ce 65e

18 Régiment de protection de l'état-major, s'il avait été rattaché au Corps

19 de la Drina à cette époque-là, le général Krstic ne se serait pas adressé

20 à l'état-major mais il leur aurait donné un ordre direct.

21 Un autre exemple, nous pouvons voir que le général Zivanovic a émis un

22 ordre mais seulement à l'endroit des unités de la 1re et de la 5e Brigade

23 de Podrinje et non pas au 65e Régiment de protection, il s'agit donc d'un

24 Bataillon d'infanterie comme nous l'avons vu car ce n'est que l'état-major

25 qui peut émettre un ordre à leur endroit.

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1 Il n'y a pas d'éléments, de moyens de preuve, ni de témoignage qui

2 pourront nous indiquer et selon la thèse de la défense, l'accusation n'a

3 pas prouvé que la Brigade spéciale du MUP avait été rattachée au Corps de

4 la Drina.

5 En suivant une certaine logique, si une unité avait à être rattachée à

6 l'une des deux unités au Corps de la Drina, il aurait plutôt fallu que ce

7 soit le 65e Régiment de protection qui avait les traits d'une unité

8 militaire plutôt qu'une Brigade spéciale du MUP.

9 Cependant l'accusation maintient, la défense maintient que, selon la pièce

10 à conviction 76, il est clairement démontré dans ce document que le 65e

11 Régiment de protection n'était pas subordonné au Corps de la Drina.

12 L'identité des unités qui faisaient l'exécution ne peut pas être affirmée

13 ou confirmée. La défense estime donc que parmi eux il n'y avait pas de

14 membres du Corps de la Drina ou ces unités ne sont pas rattachées au Corps

15 de la Drina. La seule exception est le 10e Bataillon de diversion qui

16 représente une unité qui est rattachée, bien sûr, à l'état-major,à l'unité

17 de sabotage.

18 La défense désire prouver qu'il devrait être, qu'il est incontestable

19 qu'il s'agissait d'une unité de l'état-major et que c'est l'état-major qui

20 lui émet des ordres et qu'il n'est pas rattaché au Corps de la Drina.

21 Il est vrai qu'au cours de l'opération Krivaja 95, en date du 11 juillet,

22 lors de la pénétration dans Srebrenica, le commandant de cette unité, Miso

23 Pelemis, avait été aperçu à Srebrenica.

24 Selon le témoignage d'Erdemovic, les membres de son unité se sont

25 présentés à Srebrenica vers le 10 juillet. Le seul fait qu'ils aient été

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1 présents dans cette zone et à cet endroit ne donne pas le droit au

2 Procureur d'estimer ou de croire ou de déduire qu'ils ont été rattachés ou

3 qu'ils sont subordonnés au Corps de la Drina.

4 S'ils avaient été rattachés au Corps de la Drina, selon la thèse de la

5 défense lorsqu'on a émis l'ordre pour les activités de combat, ces

6 derniers auraient reçu une tâche à accomplir: ils auraient été informés de

7 l'activité, de l'exécution des activités tel que cela a été vu dans

8 l'ordre de préparation et, comme cet ordre préparatif, lorsque qu'il a été

9 mis, il avait été donné à l'endroit des autres unités qui ont participé à

10 cette attaque.

11 Le témoin DB a été même très clair dans son affirmation lors de sa

12 déposition au poste de commandement avancé, dans ce système de

13 communication, donc au sein de ce système, il n'avait pas sous lui cette

14 unité.

15 La défense n'a donc aucune raison de douter du témoignage, d'un tel

16 témoignage, et de ces propos tenant compte du fait qu'il s'agissait d'une

17 unité rattachée à l'état-major. On ne peut pas, selon les éléments de

18 preuve présentés, on ne peut pas affirmer qu'ils étaient subordonnés au

19 Corps de la Drina et, il est vrai que Butler dans son rapport nous affirme

20 que cet ordre des effectifs, en fait, est venu aider, selon M. Butler, et

21 prêter main-forte aux unités du Corps de la Drina.

22 Si ces unités s'étaient présentées en date du 10 juillet, le développement

23 de la situation sur le front, tel qu'il était en date du 10 juillet, ne

24 justifie pas et n'alimente pas la thèse de M. Butler qui dit que ces

25 unités étaient venues prêter main-forte.

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1 Cette unité comprenait une trentaine de soldats, Srebrenica était déjà

2 devant sa chute, la ville était presque complètement vide et abandonnée.

3 Nous ne voyons donc absolument pas quelle aurait été une raison

4 rationnelle pour que le commandement du Corps de la Drina appelle cette

5 unité et lui demande de venir prêter main-forte de quelque façon que ce

6 soit, et ne l'aurait certainement pas impliquée dans quelque activité de

7 combat ou activité militaire. Donc, le 10e Détachement de sabotage n'avait

8 vraiment pas besoin d'avoir des forces qui lui viennent en aide.

9 Il est tout à fait incontesté également, tel qu'on le voit du témoignage

10 de M. Erdemovic, que cette unité a participé aux liquidations qui ont eu

11 lieu à Pilica. Or, avant de poursuivre et de passer sur ce sujet ou à ce

12 sujet, très brièvement, je souhaiterais dire que toutes les captures qui

13 ont été faites sur ces axes, comme nous l'avons déjà dit, étaient sous le

14 commandement du MUP, sous le contrôle également du MUP et du 65e Régiment

15 de protection du Bataillon de la police.

16 Si ces unités -et il est certain et très clair qu'elles l'ont fait-, si

17 ces unités ont donc participé à la capture et à l'emprisonnement, elles

18 l'ont fait selon un ordre émis par l'état-major.

19 Il s'agit là de O3-4.16.28, c'est un document qui émane, en fait qui a été

20 rédigé le 13 juillet 1995. Dans la pièce à conviction du Procureur 462, le

21 général Zivanovic dit la chose suivante:

22 "Selon l'ordre émis par l'état-major, il parle un peu plus tard de

23 l'avancée des forces musulmanes, il émet l'ordre pour que, entre autres,

24 on procède à la capture et à l'emprisonnement, donc également au

25 désarmement des Musulmans.

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1 Donc cet ordre, il l'a copié littéralement de l'ordre qu'il a reçu de

2 l'état-major, et cet ordre est destiné à toutes les unités subordonnées du

3 Corps de la Drina et également il est destiné aux postes de commandement

4 avancés pour qu'ils en prennent connaissance.

5 Donc cet acte de procéder à l'emprisonnement ou à la capture si cela a été

6 fait -et nous savons effectivement que cela a bel et bien était fait car

7 nous avons des détenus ou des prisonniers qui ont été emprisonnés et que

8 l'on voit au stade de football à Nova Kasaba-, la défense croit

9 effectivement qu'il y a, c'est tout à fait légitime en fait -il faut

10 vérifier-, la défense estime que cela est légitime, c'est un fait

11 légitime.

12 Il faudrait vérifier car il est survenu, nous avons mis la main sur une

13 liste qui parle des personnes ou des condamnés sur la zone en question,

14 donc des personnes qui ont été incriminées, donc des auteurs de certains

15 crimes qui se trouvaient dans la zone protégée, et ces gens se trouvaient

16 sur la liste de l'armée de la Republika Srpska.

17 Donc, la défense estime que cet acte a été fait, exécuté de façon légitime

18 mais tout ce qui est arrivé plus tard la défense estime que cela ne peut

19 pas être justifié par aucune doctrine militaire et n'a certainement pas

20 été fait de façon légitime.

21 Certains témoins nous ont dit que le général Mladic bien sûr se trouvait

22 sur place lorsque ces événements se sont déroulés au stade de Nova Kasaba.

23 Puisqu'il est déjà question du 10e Détachement de sabotage, la personne

24 importante est le colonel Beara, donc le 10e Détachement de sabotage est

25 subordonné à l'état-major.

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1 Ljubo Beara donc, qui à l'époque était colonel et le chef de la sécurité

2 de l'administration de l'état-major et de l'armée de la Republika Srpska.

3 Des gens donc appartenant à ce détachement appuient les règles qui

4 prévalaient dans l'armée de la Republika Srpska et, selon mon exposé

5 d'hier, en fait, je crois que nous avons pu l'entendre lors de mon exposé

6 hier, les organes de sécurité, il est vrai, n'ont pas l'obligation

7 d'informer ces postes de commandement originaux, de base, mais le font

8 selon une hiérarchie qui relève de la sécurité. C'est donc le commandement

9 de sécurité subordonné qui informe leurs supérieurs de toute sorte

10 d'informations.

11 Ce qui est important c'est la chose suivante: le colonnel Ljubo Beara -on

12 en parle pour la première fois en date du 12 juillet à Nova Kasaba,

13 lorsqu'il donne la permission aux membres de la Forpronu que Zoran

14 Malinic, qui était le chef du Bataillon de police, donc du 65e Régiment en

15 date du 12 juillet-, émet l'ordre que ces mêmes membres ne peuvent pas

16 circuler librement sans en recevoir préalablement un ordre de son chef.

17 Nous apercevons ici le colonel Beara qui donne cette permission, ce

18 permis, et les membres de la Forpronu poursuivent leur chemin.

19 Selon la défense, il a été déjà établi que c'est bien lui qui décide de la

20 liberté du mouvement au sein de la zone du Corps de la Drina.

21 Ce qui est caractéristique avec cette rencontre et selon ce que les

22 témoins ont pu apercevoir, c'est que le colonel Beara part à bord d'un

23 véhicule de marque Opel rekord, ce véhicule de marque Opel rekord nous

24 pouvons l'apercevoir en date du 14 juillet, il est également aperçu

25 jusqu'au 26 juillet en tant que véhicule qui circule sur l'axe

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1 Zvornik/Orahovac/Rocevici/Kozluk/Pilica/Cerska, donc les endroits sur

2 lesquels les liquidations ont eu lieu. Le colonel Beara est aperçu. Il a

3 également émis l'ordre au commandement dudit 10e Détachement de diversion,

4 en date du 16 juillet. A Karakaj, c'est le siège de la Brigade de Zvornik.

5 M. Erdemovic a témoigné de cela dans sa déposition et pour le bien de la

6 vérité, Erdemovic n'a pas reconnu et il n'a pas dit qu'il s'agissait du

7 colonel Beara, mais il parle de lui comme étant le lieutenant-colonel sans

8 bien sûr l'identifier par son nom, et il le décrit en détail.

9 Le Général Krstic, lors de sa déposition, sachant très bien son aspect,

10 sachant très bien l'aspect du colonel Beara, il nous explique très

11 clairement que l'homme avec de tels traits physiques, avec une telle

12 description donnée par M. Erdemovic, ne peut être nul autre que le colonel

13 Ljubo Beara.

14 C'est à ce moment-là qu'il est parti, accompagné des membres du 10e

15 Détachement à bord de l'Opel rekord, de ce véhicule, il s'est dirigé dans

16 la direction de Pilica. Dans la pièce à conviction 571, nous apercevons

17 l'axe de déplacement et la direction de ce déplacement.

18 La ligne de sécurité a mené cette opération liée à tous ces crimes qui ont

19 eu lieu dans la zone de la Brigade de Zvornik.

20 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre, mais M. Fourmy attire

21 mon attention sur le fait qu'il est inscrit à la page 7, ligne 7, qu'on

22 mentionne un nom Ademovic. Je crois que vous avez voulu dire Erdemovic,

23 c'est cela?

24 M. Petrusic (interprétation): Oui certainement, au cours de mon exposé de

25 ce matin nous pouvons certainement faire une correction mais au cours de

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1 ce que j'ai dit ce matin, le seul nom qui était mentionné était Erdemovic,

2 donc c'est le nom de Erdemovic qui doit y figurer.

3 M. le Président: Nous allons continuer en faisant la correction. Merci

4 beaucoup. Continuez s'il vous plaît.

5 M. Petrusic (interprétation): Donc il est certain que le colonel Beara n'a

6 pas pu recevoir l'ordre du Corps de la Drina. Cela n'a pu être fait que…

7 l'ordre n'a pu être donné que par un commandement supérieur.

8 Ayant donc en vue cette hiérarchie qui existe dans la ligne de sécurité au

9 sein de la VRS, Ljubo Beara aurait pu donner l'ordre au lieutenant-colonel

10 Popovic pour être inclus ou présent lors de toutes ces activités.

11 M. Erdemovic, lors de sa déposition, au moment où il parlait des membres

12 de l'armée et de ceux qui s'étaient présentés en date du 16 juillet à

13 Pilica, il fait mention de certaines personnes de Bratunac. A aucun moment

14 donné, même si on lui a posé bon nombre de questions là-dessus, il n'a

15 jamais dit qu'il s'agissait de membres de la Brigade de Bratunac.

16 Sur les pièces à conviction du Bureau du Procureur 173, 174 et 175, donc

17 il s'agit de photographies qui ont été montrées à M. Erdemovic, ce dernier

18 a bien pu reconnaître l'un d'eux comme étant un homme de Bratunac. Cet

19 homme de Bratunac, et il est incontestable entre les parties qu'il

20 s'agissait bien de membres de l'unité des Panthères, cette unité les

21 Panthères ou "Panteri", je n'ai aucune information, à savoir s'il

22 s'agissait d'une unité militaire ou paramilitaire mais il est clair qu'une

23 telle unité ne faisait pas partie de la structure du Corps de la Drina et

24 ce genre d'unité-là, selon l'endroit où ils avaient leur siège et selon

25 l'endroit où ils étaient déployés, étaient à Bijelina; et Bijelina est

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1 bien une zone qui se trouve du sud du Corps de Bosnie.

2 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, après la date du 17

3 juillet, lorsque toutes les exécutions ont été faites, après que le

4 général Krstic ait pris connaissance que les exécutions ont été menées à

5 bien ou après avoir obtenu les informations qu'il détenait à la fin du

6 mois d'août, l'accusation accuse le général Krstic du fait qu'il n'ait

7 rien fait pour sanctionner les auteurs de ces actes.

8 Le général Krstic, au cours de sa déposition, donnait selon la défense de

9 très bonnes raisons pour lesquelles il n'a pas agi de la sorte. La défense

10 a considéré que ces raisons très convaincantes étaient bien justifiées. Je

11 crois qu'il n'est même pas nécessaire de parler du fait ou de dire de ce

12 qui lui serait arrivé à lui et à sa famille si jamais quelqu'un avait

13 voulu faire ce qu'il a fait sur tous ces endroits sur lesquels ces

14 liquidations ont eu lieu.

15 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, cela met fin à ma

16 plaidoirie et, avec votre permission, mon collègue Me Visnjic va donc

17 continuer la plaidoirie. Merci.

18 (Plaidoirie de la défense par Me Visnjic.)

19 M. Visnjic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

20 Monsieur les Juges, chers collègues de l'accusation.

21 Les chefs 1 et 2 de l'Acte d'accusation modifié portent sur le génocide et

22 la complicité au génocide. La responsabilité du général Krstic à ce sujet-

23 là, pour prouver ces actes, il est nécessaire de fournir les preuves

24 indiquant que les actes ont été effectués avec l'intention de détruire

25 entièrement ou en partie des groupes nationaux, ethniques ou religieux.

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1 Et s'agissant de ce chef, la défense va prouver que, entre autres, les

2 moyens de preuve de l'accusation montrent que le général Krstic n'est pas

3 coupable même si la Chambre acceptait tous les faits contestés à

4 l'encontre du Général Krstic.

5 Il doit être acquitté en ce qui concerne ces deux chefs d'accusation parce

6 que l'accusation n'a pas pu trouver que les meurtres à Srebrenica ont été

7 commis avec l'intention de détruire entièrement ou en partie les Musulmans

8 de Bosnie. Il est nécessaire également de déterminer si l'intention

9 existait de détruire une partie importante du groupe. Et pour cela, il est

10 nécessaire de donner, d'établir la définition généralisée du groupe. Plus

11 le groupe est large, plus la notion d'une partie du groupe est large et à

12 l'inverse.

13 Dans l'Acte d'accusation, le groupe mentionné est le groupe des Musulmans

14 de Bosnie. C'est pour cela qu'il est nécessaire d'établir si les meurtres

15 ont été commis afin de détruire une partie importante des Musulmans de

16 Bosnie en tant que groupe.

17 S'agissant de l'affaire Jelisic, la Chambre a également établi que le

18 génocide peut être commis dans une zone géographique limitée. Ceci ne fait

19 aucun doute puisque probablement le meurtre commis dans l'intention de

20 détruire un groupe doit commencer quelque part plutôt que d'avoir une

21 situation où tous ces meurtres sont commis en même temps contre tous les

22 membres dudit groupe, mais une telle attitude ne prouve pas de créer un

23 groupe artificiel en créant les limitations géographiques.

24 Par exemple, s'agissant de l'affaire présente, le groupe ne peut pas être

25 défini en tant que Musulmans de Srebrenica ou Musulmans de Potocari ou

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1 Musulmans du centre culturel de Pilica, puisqu'il ne s'agit pas d'un

2 groupe national ethnique, racial ou religieux différent des autres.

3 Mais si les meurtres des Musulmans de Bosnie à Srebrenica/Potocari ou au

4 centre culturel de Pilica pourraient être qualifiés en tant que génocide,

5 si de tels actes ont été commis dans l'intention de détruire les Musulmans

6 de Bosnie en tant que tels, en tout ou en partie, un tel acte de ne peut

7 être considéré comme un acte de génocide si l'intention était, par

8 exemple, de détruire les Musulmans de Potocari par exemple pour des

9 raisons militaires ou territoriales.

10 C'est pour cela que, même si dans l'affaire Jelisic, la Chambre a établi

11 que le génocide peut être effectué dans une zone géographique limitée, une

12 telle opinion ne permet pas de jeter la base de la définition d'un groupe

13 protégé en se référant aux limitations géographiques artificielles, compte

14 tenu de la question de savoir où les événements mentionnés ont eu lieu.

15 L'accusation a défini de manière justifiée le groupe en tant que Musulmans

16 de Bosnie dans l'Acte d'accusation modifié.

17 Et cette question dans l'affaire présente doit être résolue en trouvant

18 les réponses à la question de savoir si les meurtres à Srebrenica ont été

19 commis en tant que partie d'une intention généralisée de détruire une

20 partie importante de la population des Musulmans de Bosnie.

21 Cependant dans son réquisitoire le Procureur change d'avis et de

22 définition. Maintenant il parle du groupe des Musulmans de Srebrenica.

23 Pourquoi est-ce qu'il le fait? Pour pouvoir qualifier cela en tant que

24 partie importante du groupe.

25 Le Procureur essaye de nous dire que les 7.500 personnes tuées constituent

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1 une partie importante de la population de 40.000 Musulmans de Srebrenica.

2 Cependant si le groupe est défini en tant que Musulmans de Bosnie, la

3 question qui se pose est de savoir si le chiffre de 7.500, même si ce

4 chiffre est exact, constitue une partie importante d'un groupe constitué

5 de 1.400.000 personnes.

6 Un peu plus loin dans son réquisitoire, et tenant compte de la position de

7 la défense à ce sujet contenu dans le mémoire de la défense, le Procureur

8 définit le groupe en tant que Musulmans de Bosnie ou plutôt Musulmans de

9 la Bosnie orientale. Nulle part dans l'Acte d'accusation et pendant la

10 présentation des moyens de preuve de l'accusation, le Procureur n'a défini

11 la notion de la Bosnie orientale qui nous permettrait au moins

12 géographiquement parlant d'identifier ce groupe.

13 Je souhaite attirer l'attention de la Chambre sur le fait que nos éminents

14 collègues de l'accusation avec leurs experts et leurs enquêteurs nous ont

15 donné des introductions tout à fait précises concernant les notions

16 géographiques de la zone protégée de Srebrenica, de la zone urbaine de

17 Srebrenica, de la zone de responsabilité du Corps de la Drina, de la zone

18 de responsabilité de tous les autres corps d'armée en Bosnie-Herzégovine.

19 L'une des erreurs dans lesquelles nous pouvons être induits avec ces

20 descriptions peu précises géographiques est la question de savoir si la

21 Bosnie orientale fait partie de la zone de responsabilité du Corps d'armée

22 de Bosnie orientale, si la Bosnie orientale et l'ensemble du territoire à

23 l'est de Sarajevo, si les territoires le long de la Drina font partie de

24 la Bosnie orientale, si Bijeljina fait partie de la zone de responsabilité

25 du Corps de Bosnie orientale au sein de la Bosnie orientale et si Zepa et

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1 Gorazde font partie de la Bosnie orientale.

2 Si le Procureur avait l'intention dès le début d'accuser le Général Krstic

3 du fait d'avoir eu l'intention de détruire tout ou en partie les Musulmans

4 de la Bosnie orientale, dans ce cas-là, le Procureur aurait pu, par le

5 biais de ces experts, MM. Butler et Dannatt, par le biais de ses

6 enquêteurs et par le biais également de ses documents et des cartes

7 géographiques, il aurait pu corroborer ces théories soit par le biais de

8 dépositions soit d'une autre manière.

9 Au lieu de cela, la Chambre de première instance ne peut que spéculer sur

10 la question de savoir quel était le groupe potentiel qui était à l'esprit

11 de l'armée de la Republika Srpska, lorsque celle-ci souhaitait le

12 détruire.

13 Il revient au Procureur de prouver cette intention au cours du procès

14 plutôt que de faire des spéculations au moment du réquisitoire.

15 C'est pour cela que la Chambre ne devrait pas permettre au Procureur de

16 changer les termes de son Acte d'accusation au moment de son réquisitoire.

17 D'après le Règlement et le Statut, l'accusé doit être informé des charges

18 retenues contre lui.

19 Le général Krstic, pendant toute cette période, était accusé d'avoir eu

20 l'intention de détruire une partie des Musulmans de Bosnie en tant que

21 groupe.

22 C'est pour cela que le Procureur doit être capable de prouver les chefs

23 d'accusation contenus dans l'Acte d'accusation, plutôt que de changer de

24 définition du groupe dans le mémoire préalable au procès, dans le mémoire

25 final et le réquisitoire.

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1 Le génocide est défini en tant qu'intention de détruire un groupe en tout

2 ou en partie.

3 Une interprétation correcte de l'Acte d'accusation est que le général

4 Krstic aurait eu l'intention de détruire une partie des Musulmans de

5 Bosnie par le biais de ses activités effectuées à Srebrenica.

6 Les Musulmans de Srebrenica ne constituent pas un groupe ethnique

7 distinct, ni les Musulmans de Bosnie orientale. Ceux-ci constituent une

8 partie du peuple des Musulmans de Bosnie.

9 Le Procureur essaie de définir le groupe en tant que Musulmans de

10 Srebrenica ou les Musulmans de la Bosnie orientale, et c'est ainsi qu'il

11 rétrécit ce groupe en disant que la partie du groupe sur lequel portait

12 l'intention de les détruire était les hommes.

13 Ensuite le Procureur déclare que, compte tenu du fait que presque tous les

14 hommes ont été tués, le résultat en est la destruction complète du groupe.

15 Il ne s'agit pas là d'une bonne interprétation des dispositions relatives

16 au génocide, et ceci va même à l'encontre de l'Acte d'accusation lui-même.

17 Il est toujours possible virtuellement d'arriver à la conclusion portant

18 sur la destruction du groupe, si la définition est suffisamment étroite.

19 Par exemple, l'armée entre dans une ville et incendie toutes les maisons

20 d'une rue, le résultat en est la mort de toutes les personnes qui y

21 avaient vécu. Il est toujours possible de donner la définition des

22 Musulmans en tant que Musulmans de la rue B qui avait été incendiée, et

23 dire que c'est ainsi que l'ensemble du groupe a été détruit.

24 Il est clair que ce jeu de chiffres n'a pas été dans l'esprit des

25 législateurs qui, suite à l'holocauste, ont créé les dispositions portant

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1 sur le génocide et ont définit le groupe en tant que groupe national,

2 racial ou religieux.

3 Si le meurtre d'une famille constitue le début du plan visant à détruire

4 un groupe ethnique, ce meurtre doit légitimement être poursuivi en tant

5 qu'acte génocidaire.

6 D'autre part, pour le meurtre d'un grand nombre de personnes, comme par

7 exemple 100.000 Japonais à Hiroshima, nous pouvons dire également

8 légitimement qu'il ne s'agissait pas là d'un génocide compte tenu du fait

9 que ceci n'a pas été fait dans l'intention de détruire le peuple japonais.

10 C'est pour cela que la défense considère que le Procureur ne devrait pas

11 profiter d'un jeu de chiffres afin d'outrepasser son obligation de prouver

12 que les meurtres ont été effectués dans l'intention de détruire les

13 Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique.

14 Or, cette obligation ne peut pas être remplie par le Procureur et ne l'a

15 pas été. Le souhait de condamner les crimes à Srebrenica bien sûr est très

16 fort. Cependant le génocide constitue un terme juridique ayant une

17 définition juridique qui est plus étroite que celle employée pour des buts

18 politiques.

19 Selon cette définition, les meurtres doivent être commis dans l'intention

20 de détruire un certain groupe en tant qu'entité.

21 Selon la défense, tout simplement, tout ceci n'était pas le cas à

22 Srebrenica et c'est pour cela qu'il ne faudrait pas condamner le général

23 Krstic du génocide et de la complicité au génocide, en vertu des chefs

24 d'accusation 1 et 2.

25 Si l'on passe en revue les faits et si l'on compare ces faits aux autres

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1 affaires portant sur le génocide aussi, nous pouvons constater que les

2 tueries à Srebrenica, quel que soit leur caractère injustifié et erroné,

3 ne constitue pas un génocide.

4 Si l'armée de la Republika Srpska avait l'intention d'effectuer un

5 génocide, de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique,

6 ils auraient tué 20.000 ou plus de femmes et d'enfants capturés et détenus

7 à Potocari. C'est le signe de marque de tous les génocides de l'histoire

8 moderne, y compris les génocides perpétrés par les nazis et les crimes

9 commis au Rwanda.

10 Au lieu de cela, les preuves avancées par le Procureur prouvent que

11 l'armée de la Republika Srpska avait assuré les transports pour les femmes

12 et les enfants de Potocari.

13 Même si parfois, il y a eu des cas isolés de violence, il n'y a pas eu

14 d'hostilité qui visait les femmes et les enfants dirigées par les

15 commandants et le commandement de la Republika Srpska.

16 S'agissant des affaires Kayeshema et Ruzindana, au contraire, la Chambre

17 de première instance du Tribunal pour le Rwanda a établi que l'intention

18 de détruire le groupe Tutsi existait.

19 Voici ce que la Chambre a dit: "Non seulement les Tutsis étaient tués dans

20 un nombre effroyable mais ils étaient tués également quel que soit leur

21 âge et leur sexe: les femmes et les hommes, les jeunes et les vieux

22 étaient tués sans merci, les enfants étaient massacrés devant leurs

23 parents, les femmes étaient violées devant leur famille. Aucun Tutsi n'a

24 été épargné, ni les malades, ni les femmes enceintes".

25 D'une manière semblable, dans l'affaire Akayesu, la Chambre a établi que

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1 dans les meurtres des Tutsis, les femmes, les enfants et même les bébés

2 n'ont pas été épargnés, même les femmes enceintes, les femmes Hutus qui

3 étaient enceintes des Tutsis étaient tuées pour ne pas permettre à un seul

4 Tutsi de survivre.

5 Le fait que la Republika Srpska a déployé de nombreux efforts afin de

6 surveiller le voyage des cars à travers le territoire de la Republika

7 Srpska et afin de permettre que les femmes et les enfants arrivent à un

8 endroit sûr plutôt que de les tuer pendant que ceux-ci étaient détenus par

9 l'armée de la Republika Srpska, plutôt que de les laisser mourir de faim à

10 Potocari, prouve le fait que l'intention n'existait pas de détruire les

11 Musulmans en tant que groupe ethnique.

12 Dans l'affaire Jelisic, il est dit: "Les meurtres et le génocide peuvent

13 être massifs ou sélectifs."

14 Le Procureur affirme qu'en choisissant de tuer les hommes, l'armée de la

15 Republika Srpska était engagée dans un génocide sélectif puisque sans les

16 hommes la communauté aurait été détruite.

17 Il s'agit là d'un argument absurde.

18 Tout d'abord, si l'armée de la Republika Srpska avait l'intention de

19 détruire les Musulmans de Bosnie, il aurait été plus facile et simple de

20 tuer les femmes et les enfants à Potocari plutôt que de courir chercher

21 les hommes dans les forêts. Si toutes les femmes avaient été tuées, il n'y

22 aura pas eu de reproduction et la communauté ne pourrait plus exister.

23 D'autre part, d'après le Procureur, si une telle décision avait été prise

24 le 11 au soir, à ce moment-là, l'armée de la Republika Srpska pouvait

25 savoir seulement qu'un nombre très limité d'hommes était à Potocari.

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1 S'agissant des autres, il ne savait pas où ils étaient, quel était leur

2 nombre, s'ils étaient armés, quelle était la direction qu'ils avaient

3 prise.

4 Il y avait trop de questions ouvertes pour prendre une décision sur le

5 plan conformément à la manière dont le Procureur essaie de nous présenter

6 les choses.

7 Dans sa réponse à la question de Mme la Juge Wald, mon éminent collègue M.

8 Harmon a dit que le transport en sécurité des femmes et des enfants

9 servait à couvrir les exécutions planifiées des hommes.

10 Ceci est vraiment illogique. Si, comme l'affirme M. Harmon, l'armée de la

11 Republika Srpska était inquiète à cause de la crise humanitaire dont la

12 communauté internationale était au courant, dans ce cas-là, l'armée de la

13 Republika Srpska avait déjà un problème vis-à-vis de la communauté

14 internationale.

15 Et s'ils avaient déjà un problème vis-à-vis de la communauté

16 internationale, pourquoi dans ce cas-là n'ont-ils pas détruit l'ensemble

17 de population pouvant donner lieu à la reproduction de la communauté qui

18 était placée sous leurs autorités?

19 Et le fait est -ce qui a d'ailleurs été confirmé par des témoins de

20 l'accusation- que l'on n'essayait même pas de cacher, de dissimuler les

21 meurtres. Les femmes ont vu de nombreux corps à Potocari et le long de la

22 route qu'elles prenaient.

23 Si la décision avait vraiment été prise, comme l'affirme le Procureur,

24 qu'est-ce qui a empêché l'armée de la Republika Srpska de tuer tous les

25 hommes sur le front, le long de la route où, de toute façon, aux dires des

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1 experts même de l'accusation, ceux-ci constituaient une cible militaire

2 légitime, puisque les membres de la colonne étaient armés et puisque les

3 opérations de combat se déroulaient?

4 Pourquoi, encore une fois selon ce qu'affirme le Procureur, si le plan

5 avait été conçu et la décision prise le 11 au soir, pourquoi n'auraient-

6 ils pas pris une décision de tuer tous les hommes si -je répète ce que

7 j'ai déjà dit-, ils ne savaient pas où ils étaient, s'ils étaient armés,

8 quelle était la direction dans laquelle ils se déplaçaient, etc.

9 C'est pour cela qu'il n'y a pas de preuve que les hommes qui ont été tués,

10 ont été tués dans le cadre d'une stratégie visant à détruire les Musulmans

11 de Srebrenica. Ils ont été tués soit parce qu'ils avaient refusé de se

12 rendre, soit parce que le général Mladic avait donné un tel ordre, soit

13 parce qu'il s'agissait de combattants potentiels qui représentaient un

14 risque militaire pour le général Mladic.

15 Et quelle que soit la possibilité qui est conforme à la vérité, il

16 s'agissait d'un crime de guerre horrible, mais ceci n'a néanmoins rien à

17 faire avec l'intention de détruire les Musulmans, en tant que groupe, à

18 travers un parricide.

19 Au moment de la prise de Srebrenica, un groupe de Musulman existait dont

20 on soignait les blessures infligées. Conformément à la déposition de

21 l'expert militaire de l'accusation, M. Butler, ces personnes ont reçu les

22 soins médicaux appropriés et ont été évacués sous surveillance médicale

23 appropriée. Le témoin H a également déposé au sujet du fait qu'il avait

24 été transporté personnellement, avec d'autres personnes malades, et qu'il

25 a pu retrouver sa famille. Si l'intention était de détruire les Musulmans

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1 de Bosnie en tant que groupe ethnique en tuant les hommes, ces hommes, eux

2 aussi, auraient dû être tués.

3 Le fait que ces hommes ont été épargnés, et non pas seulement épargnés,

4 mais le fait qu'ils ont également reçu des soins médicaux, prouve que les

5 meurtres se limitaient à ceux qui étaient des participants militaires

6 potentiels ou réels et que l'intention n'était pas du tout de détruire les

7 Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique, mais d'éliminer ceux qui

8 pourraient continuer à se battre dans la guerre contre les Serbes. Comme

9 l'a affirmé l'expert de l'accusation, M. Butler, les gens qui n'étaient

10 pas qualifiés de membres de l'armée ne faisaient pas partie du plan.

11 L'attaque contre Srebrenica s'accompagnait de l'attaque contre la zone de

12 sécurité limitrophe de Zepa. Sous le commandement du général Krstic,

13 l'armée serbe avait la même possibilité de tuer et les civils et les

14 prisonniers de guerre que ceux à Srebrenica. Or ceci ne s'est pas

15 produit. Selon le rapport des Nations Unies de 1998, les civils à Zepa

16 n'ont pas été blessés ni tués et les Musulmans, les hommes musulmans

17 capables, aptes à combattre ont pu être évacués de cette zone.

18 De même, les conversations interceptées, fournies par la défense, montrent

19 que le général Krstic avait donné l'ordre personnellement que la

20 population civile soit traitée de manière régulière et civilisée. Il

21 s'agit là des pièces à conviction 167 et 168.

22 Si l'armée de la Republika Srpska, en effectuant les meurtres à

23 Srebrenica, avait l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant

24 que groupe ethnique, pourquoi pratiquement tous les Musulmans de Bosnie

25 qui se trouvait à Zepa, y compris un certain nombre qui avaient fui

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1 Srebrenica pour aller à Zepa, auraient été épargnés du même sort pendant

2 la même période?

3 Selon l'une des théories les plus probables concernant l'interprétation du

4 terme géographique de la Bosnie orientale, Zepa en fait partie aussi. Est-

5 ce que cela veut dire que le fait que Zepa n'a pas vu le même sort se

6 répéter que celui qui avait été réservé à Srebrenica et si l'on souhaite

7 accepter la théorie du Procureur concernant l'intention génocidaire, est-

8 ce que cela veut donc dire que le groupe en question doit être défini en

9 tant que Musulmans de la Bosnie orientale, mais seulement ceux qui

10 séjournaient sur le territoire de Srebrenica?

11 Ceci ne constitue qu'un des problèmes auxquels on fait face lorsqu'on

12 essaie de rétrécir de manière artificielle le terme du groupe.

13 Par opposition à cela, les meurtres commis au Rwanda, concernant lesquels

14 il a été établi qu'il s'agissait d'un génocide, se déroulaient à travers

15 le pays au cours d'une même période.

16 Le fait que, dans le cas précis, les meurtres se limitaient aux membres de

17 l'armée éventuelle et le fait que ceci se déroulait seulement dans la zone

18 de Srebrenica contredisent la thèse d'une intention génocidaire et

19 ressemblent plus à une décision militaire d'éliminer le risque face à une

20 armée beaucoup moins nombreuse ou peut-être d'effectuer la vengeance à

21 cause du refus de se rendre conformément aux ordres donnés par le général

22 Mladic.

23 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, les 15 juillet et 16

24 juillet 1995, au moment où les prisonniers étaient tués, un cessez-le-feu

25 généralisé avait été déclaré entre les Serbes et les Musulmans de Bosnie,

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1 et c'est grâce à cela que la colonne de Srebrenica a réussi à traverser

2 les lignes de l'armée de la Republika Srpska.

3 Si l'intention était de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que

4 groupe, pourquoi est-ce qu'on aurait permis à certains membres de la

5 colonne de parvenir dans des territoires musulmans et de se retrouver en

6 liberté?

7 Et si l'on poursuit la logique adoptée par l'accusation, on pourrait aussi

8 examiner ceci un peu de l'autre bout de la lorgnette et précisément, c'est

9 précisément pour cette raison que l'armée de la Republika Srpska n'aurait

10 pas permis à 3.000 hommes de franchir leur ligne. En effet 3.000 hommes,

11 ainsi que les femmes qui avaient survécu, c'est un nombre suffisant pour

12 garantir la reproduction du groupe.

13 Si effectivement leur destruction avait été l'intention poursuivie, on

14 n'aurait pas permis à ces personnes de passer.

15 Grâce aux documents que l'on a retrouvés après la fin de la guerre, la

16 Chambre de première instance a une idée tout à fait complète des activités

17 déployées par l'armée de la Republika Srpska.

18 Richard Butler, et le rapport qu'il a fait sur les documents internes,

19 nous montre que l'intention poursuivie par l'armée et le gouvernement au

20 cours de l'été 1995 n'était pas de détruire les Musulmans en tant que

21 groupe ethnique mais bien d'organiser la défense et tout ceci dans

22 l'intention de sauvegarder le territoire qui avait été capturé au cours de

23 cette guerre qui a duré quatre ans.

24 Comme nous l'ont montré les témoins à charge, que ce soit Butler ou

25 Dannatt, l'opération menée sur Srebrenica n'avait pas pour intention de

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1 détruire les Musulmans de Bosnie. Cette opération avait pour objectif de

2 réduire l'enclave à son territoire citadin, de façon à minimiser les

3 besoins en effectifs de l'armée dans la région et afin de mettre en place

4 des conditions susceptibles d'encourager les Nations Unies à oublier ce

5 concept des zones protégées ou des zones de sécurité pour essayer de

6 permettre d'évacuer la population.

7 Nous avons une directive en date du 8 mars, elle est délivrée par le

8 commandement suprême Radovan Karadzic, d'après l'accusation, cette

9 directive désignait comme objectif Srebrenica. L'objectif, c'était

10 d'assurer la séparation physique complète de Srebrenica avec Zepa, même si

11 cette directive demandait que soit créée une situation insoutenable où il

12 n'y aurait aucune sécurité, aucun espoir de survie pour les habitants de

13 Srebrenica et de Zepa.

14 Il apparaît grâce au contexte dans lequel se situe cette déclaration que

15 l'idée n'était pas d'éliminer l'enclave par le moyen de la pression,

16 pression qui aurait été exercée de l'extérieur de sa délimitation ou

17 plutôt que l'objection aurait donc était d'éliminer l'enclave par la

18 pression plutôt qu'en tuant les civils qui se trouvaient à Srebrenica.

19 La Chambre de première instance a également eu l'occasion d'examiner les

20 plans militaires en vue de mettre à exécution cette directive. Il apparaît

21 clairement que ces plans n'envisageaient même pas la capture de Srebrenica

22 et a fortiori donc pas la capture ou la destruction des Musulmans de

23 Bosnie en tant que groupe ethnique.

24 Par conséquent, à l'inverse de la solution finale déterminée par les nazis

25 ou par le plan de massacre mis au point au Rwanda par les Tutsis, ici on

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1 n'avait pas d'intention, il n'y avait pas de plan qui avait pour objectif

2 de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique.

3 Nous avons entendu à cet effet les experts même de l'accusation. Il y a eu

4 notamment le général Dannatt qui nous a dit que les meurtres ayant été

5 commis semblent avoir été l'effet d'une décision assez tardive qui aurait

6 été prise soit par vengeance soit, comme l'a dit un autre expert Richard

7 Butler, qui aurait été prise en guise de punition, parce qu'il y aurait eu

8 refus de se livrer, alors que le général Mladic l'avait ordonné, ou en

9 raison de la menace numérique que posait l'armée serbe de Bosnie qui était

10 en infériorité numérique, cette menace constituée par la colonne et les

11 prisonniers.

12 L'intention de détruire un groupe ethnique n'est pas quelque chose qui

13 apparaît instantanément, de façon spontanée comme étant une réaction

14 instantanée des membres du groupe, il faut que ce soit un plan bien

15 calculé, un plan qui en règle générale s'établit en raison d'une haine

16 nourrie de façon durable et systématique, d'une intolérance qui se

17 manifeste à l'égard des membres du groupe.

18 Par conséquent, l'acte de génocide en général, il a comme précurseur une

19 campagne de propagande ciblant le groupe qui a pour objectif de créer un

20 climat psychologique favorable à l'exécution du génocide. Alors que les

21 actes génocidaires sont le fait d'individus particuliers. Le génocide en

22 tant que tel n'est pas un acte individuel exécuté par un homme, mais

23 plutôt l'expression d'un plan et d'une action coordonnés où l'individu

24 n'est qu'un maillon de la chaîne, une chaîne qui est longue et qui

25 constitue un plan dessiné visant à la commission du génocide.

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1 Aucune preuve n'a été apportée de l'existence d'un tel plan en l'espèce.

2 Au contraire, même le général Halilovic, un dirigeant de l'armée de

3 Bosnie-Herzégovine, en réponse à une question posée par le Juge Wald qui

4 lui posait la question de savoir pourquoi il croyait que l'exécution avait

5 eu lieu.

6 Il a dit, il a cité en fait les objectifs du gouvernement des Serbes de

7 Bosnie qui étaient de gagner du territoire, un territoire qui se trouvait

8 entre les deux états serbes.

9 Aucun des cinq témoins que la Chambre a eu l'occasion d'entendre, il y a

10 eu Butler, Danatt, le général Radinovic, le général Halilovic ou même le

11 général Hadzihazanovic, aucun de ces cinq témoins n'a pu attribuer les

12 meurtres à aucun plan qui aurait eu pour objectif de détruire les

13 Musulmans de Bosnie en tant que groupe.

14 Et même si nous acceptions que les événements se sont produits de la façon

15 affirmée par l'accusation dans les paragraphes 4.2, 4.A, 4.2.7, le

16 Procureur dit qu'il y a eu des activités visant d'empêcher l'acheminement

17 d'aide humanitaire, il y a la directive 7 et le plan visant l'élimination

18 des Musulmans de Bosnie de la région, il y a eu le pilonnage de Srebrenica

19 pour forcer la population à abandonner la ville. Il y a eu l'expulsion de

20 la population de Potocari.

21 Voilà autant d'actes qui ont pour objectif de faire quitter les Musulmans,

22 de faire partir les Musulmans de Srebrenica et qui n'avaient pas pour

23 objectif de tuer en tant que groupe ethnique. Je me permets de répéter que

24 c'était bien sûr là un acte erroné mais que ce n'était pas là un acte

25 génocidaire.

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1 Il y a l'accès à des documents écrits confidentiels de l'armée de la

2 Republika Srpska que la Chambre a pu examiner mais, outre cela, la Chambre

3 a eu aussi l'occasion de voir le résultat des communications interceptées

4 qui avaient lieu entre les officiers et les soldats de l'armée des Serbes

5 de Bosnie.

6 Même si la défense conteste l'exactitude et la fiabilité de ces moyens de

7 preuve, elle relève le fait que nulle part dans ces communications qui

8 s'élevaient à une centaine à peu près, on ne trouve, s'agissant des

9 opérations postérieures à Srebrenica, on ne trouve nulle part une

10 indication que ces meurtres auraient eu pour motivation la volonté de tuer

11 les Musulmans de Bosnie et de les détruire en tant que groupe.

12 Par exemple, le 13 juillet 1995, un certain Zile et l'accusation pense

13 qu'il s'agit là du général Zivanovic, ce Zile exige qu'une liste des

14 criminels de guerre soit rédigée le plus vite possible.

15 Le 16 juillet 1995, Cerovic et le colonel Beara discutent du fait que la

16 séparation, cette sélection, ce triage doit être effectué. Nous parlons

17 ici de la sélection des prisonniers.

18 Une telle déclaration montre qu'il y a l'intention d'épargner certaines

19 personnes, de ne pas les soumettre au sort réservé à d'autres.

20 Si ces communications interceptées sont acceptées en tant que moyen de

21 preuve par la Chambre de première instance, en fait, c'est une arme à

22 double tranchant parce que d'un côté, elles fournissent la preuve d'un

23 engagement de certains hommes de l'armée des Serbes de Bosnie à ces

24 meurtres, mais il y a aussi là d'autre part une preuve exonératoire, une

25 preuve qui dégage de l'accusation de génocide. Il y a eu des conversations

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1 privées entre officiers et soldats de l'armée de la Republika Srpska. Et

2 celles-ci ne donnent aucune indication de l'intention de détruire les

3 Musulmans de Bosnie en tant que groupe et ne permettent aucunement de

4 parvenir à de telles déductions. Et ceci se trouve en contexte marquant,

5 avec des cas patents et bien établis, de génocide.

6 Vous avez eu les déclarations publiques du 3e Reich qui demandaient

7 l'extermination des Juifs; tout ceci était légion dans l'armée de

8 l'Allemagne nazie. Prenez le cas du Rwanda: les auteurs des meurtres, des

9 tueries, ont dit manifestement qu'ils en avaient l'intention. Voyez la

10 déclaration Akayesu : là, on a dit qu'il fallait tuer les Tutsis pour

11 qu'un jour les enfants hutus ne savent plus à quoi ressemblait un Tutsi.

12 Vous avez aussi l'affaire Kaheshema et Ruzindana: les déclarations faites

13 par les accusés au moment des tueries, où ils disaient qu'il ne fallait

14 même pas épargner les bébés, montrent manifestement qu'ils avaient

15 l'intention de détruire les Tutsis en tant que groupe.

16 Alors qu'on a fait des déclarations très exacerbées au cours de la guerre

17 en Bosnie, de part et d'autre, si vous voyez ces conversations qui se font

18 sans qu'il y ait surveillance, conversations qui ont lieu entre des gens

19 qui ont été les exécuteurs de ces tueries à Srebrenica, on aurait pu ainsi

20 trouver la preuve que les auteurs avaient l'intention de détruire, en tout

21 ou en partie, les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique. Mais le

22 fait qu'il n'y a aucune déclaration de la sorte confirme le fait que les

23 meurtres de Srebrenica n'étaient pas le produit d'une intention

24 génocidaire.

25 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, est-ce que je peux me

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1 permettre de vous suggérer une pause ? Je pourrais mettre à parti cette

2 pause pour vérifier certaines choses avec la régie technique. Je crois que

3 ceci cadre bien avec notre temps de pause habituel.

4 M. le Président: Oui, Maître Visnjic. Nous allons accepter votre

5 suggestion et nous allons donc faire la pause d'une demi-heure.

6 (L'audience, suspendue à 10 heures 46, est reprise à 10 heures 22.)

7 M. le Président: Oui, Maître Visnjic, vous pouvez continuer, s'il vous

8 plaît.

9 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je poursuis ma

10 présentation, Monsieur le Président.

11 La défense va une fois de plus aborder la question de la propagande. Comme

12 le dit l'accusation, dans son réquisitoire et dans son mémoire finale, la

13 propagande à laquelle se sont livrés le gouvernement et l'armée de la

14 Republika Srpska constitue un autre exemple de la mauvaise interprétation

15 des faits afin de les faire correspondre aux éléments constitutifs du

16 génocide.

17 Par exemple, au Rwanda, il y a eu une propagande massive qui demandait aux

18 Hutus de régler une fois pour toutes leurs comptes avec les Tutsis afin de

19 détruire les Tutsis en tant que groupe, en tant que nation.

20 La supposée propagande à laquelle se réfère maintenant l'accusation ne

21 contient aucun appel fait par les militaires, ou un appel qu'on aura fait

22 à la population ou à l'armée pour commetre un génocide. C'est uniquement

23 parce que le général Krstic et d'autres ont utilisé le terme de "génocide"

24 dans le contexte où l'on fait mention d'un génocide contre les Serbes,

25 ceci n'étant qu'une façon, qu'une incitation qui aurait été faite pour

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1 détruire les Musulmans en tant que groupe ethnique.

2 Je ne veux pas maintenant évoquer les aspects historiques de

3 l'utilisation, justifiée ou non, du terme de génocide. En vérité, nous

4 avons l'impression que le Procureur essayait de trouver dans son

5 ordinateur le terme de génocide; et puis, il a repris toutes les

6 déclarations dans lesquelles apparaissait ce terme de génocide; et même

7 lorsque ces documents, ces déclarations évoquaient le génocide contre les

8 Serbes. Ces déclarations sont alors interprétées erronément comme étant

9 une instigation au génocide contre les Musulmans. Ces déclarations n'ont

10 rien à voir avec ce qu'on pourra appeler le génocide.

11 Je poursuis ce raisonnement logique et, si je le fais, on pourrait dire

12 que toute déclaration publique, faite en rapport avec un génocide

13 éventuellement commis contre les Musulmans, pourrait être interprétée

14 comme une déclaration qui demande à ce qu'un génocide soit commis contre

15 les Serbes.

16 Le Procureur s'efforce d'attribuer une signification différente aux faits

17 afin de trouver les éléments pré-requis pour qu'il y ait constitution de

18 génocide. Je doute que vous soyez en mesure de trouver une seule guerre

19 dans laquelle les soldats ne se servent pas de termes désobligeants et

20 insultants à l'égard de l'ennemi.

21 On parle de différents termes comme les "Chleuhs" pour parler des

22 Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale, ou les "Boches", ou des

23 "Viets" dans la guerre du Viêt-nam.

24 A cet égard, je pense que le meilleur exemple est le fait que nous avons

25 toutes ces déclarations préalables, communiquées par l'accusation, qui ont

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1 été faites auprès de la police ou de la commission d'Etat pour l'enquête

2 sur les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine, au cours de l'année 1995

3 et de l'année 1996: on y parle des Serbes comme étant les Chetniks. Dans

4 les documents militaires nombreux établis par l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine et qui ont été versés au dossier, on retrouve l'utilisation de

6 ces mêmes termes.

7 Dans un contexte de période de guerre, ces termes n'ont rien à voir avec

8 l'intention ou la non-intention de détruire un groupe en tant que tel par

9 le biais de meurtres. Sinon n'importe quel meurtre d'un civil pourrait

10 être qualifié de génocide.

11 Par ailleurs, nous avons eu une déclaration émanant de la Directive n°7,

12 en date du 8 mars 1995, une déclaration faite par le général Mladic à la

13 population civile, plus exactement aux représentants de la population

14 civile de Srebrenica ainsi que d'autres déclarations qu'il a faites

15 lorsqu'il faisait le tour de la ville. Sans prétendre pouvoir interpréter

16 les intentions qu'avait en fait le général Mladic, la défense aimerait,

17 Madame et Messieurs les Juges, vous montrer -ne serait-ce que brièvement-

18 que ce type d'allocution n'est pas le seul apanage du général Mladic.

19 Est-ce que la régie technique pourrait diffuser un extrait vidéo?

20 (Diffusion de la vidéo.)

21 "La guerre sera menée sans merci dans toute la région. Nous nous attendons

22 à ce qu'elle soit longue. Nous ne savons pas comment la fin arrivera, mais

23 rien n'est plus certain que ceci. Chaque trace d'un pas de Hitler, toute

24 trace de ses mains sales et salissantes devra être évacué de la surface de

25 cette planète.

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1 Nous allons de façon systématique et progressive attaquer, démanteler,

2 détériorer, dévaster et finalement, à moins que le président Milosevic ne

3 réponde et ne s'exécute face aux exigences de la communauté

4 internationale, nous allons détruire toutes ces installations ainsi que

5 ces points d'appui."

6 (Fin de la diffusion vidéo.)

7 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

8 Juges, dans un contexte de guerre, les termes que l'on retrouve dans les

9 déclarations du général Mladic ainsi que dans les directives n°7, ces

10 termes ne représentent aucune preuve de ce que ces meurtres auraient été

11 commis dans l'intention de détruire un groupe ethnique.

12 Outre l'accès à des documents confidentiels et aux communications

13 interceptées entre les membres de l'armée de la Republika Srpska,

14 l'accusation a pu obtenir des informations de personnes se trouvant dans

15 la Republika Srpska qui avaient des liens directs ou indirects avec les

16 événements se produisant à Srebrenica.

17 Aucune de ces informations n'ont indiqué que les meurtres aient été commis

18 dans l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe

19 ethnique.

20 Les personnes qui sont les plus importantes à cet égard, ou la personne

21 qui l'est le plus, c'est Drazen Erdemovic puisque c'est de sa main qu'ont

22 été commis les meurtres de prisonniers musulmans à la ferme de Branjevo.

23 Jamais il n'a marqué l'intention de commettre un génocide que ce soit de

24 sa part ou de la part de ses commandants, aucune intention de vouloir

25 détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique.

Page 10133

1 En fait, il a reçu l'ordre express de ne pas tirer sur les civils au

2 moment où ils entraient dans Srebrenica. Ceci se situe à la page 3083 du

3 compte rendu d'audience.

4 Drazen Erdemovic, il était membre d'une unité spéciale, une unité

5 d'affectation spéciale qui se trouvait sous le commandement direct du

6 grand état-major, et avait un lien très précis avec la ligne de sécurité.

7 Si quelqu'un avait pu se voir confier un secret, un secret qui aurait

8 signifié l'intention d'un plan génocidaire, cela aurait été précisément

9 les membres de cette unité-là puisque c'étaient eux qui exécutaient les

10 meurtres.

11 Au cours de la guerre qui a sévi en Bosnie, ces unités ont participé à

12 beaucoup de missions secrètes, clandestines. Il s'agissait là d'un groupe

13 de personnes en qui on avait la plus grande confiance. Il n'y avait aucune

14 raison de dissimuler à ce groupe-là la moindre information.

15 S'il y avait eu un plan visant à détruire les Musulmans de Bosnie en tant

16 que groupe, Erdemovic aurait sans doute été au courant et il aurait

17 probablement parlé de cela au Bureau du Procureur ainsi qu'à la Chambre de

18 première instance, puisqu'il a longuement coopéré et de façon très

19 approfondie avec le Bureau du Procureur.

20 Rappelez-vous le contre-interrogatoire mené par le Procureur du général

21 Krstic et d'autres témoins. Il en apparaît que plusieurs officiers de

22 l'armée de la Republika Srpska ont fourni des déclarations au Bureau du

23 Procureur.

24 Madame et Messieurs les Juges, au cours de ce procès, vous avez compris le

25 problème que rencontrait la défense lorsqu'il s'agissait d'amener ici des

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1 témoins, vous savez quelles difficultés nous avons rencontrées pour ce

2 faire. Beaucoup de déclarations publiques, beaucoup d'articles portant sur

3 un grand nombre d'officiers de l'armée de la Republika Srpska qui avaient

4 été appelés par l'accusation aux fins d'entretiens ou d'interrogatoires,

5 vous savez que certaines de ces listes ont même été publiées dans les

6 médias.

7 Par ailleurs, l'accusation elle-même a déclaré qu'elle était satisfaite du

8 degré de coopération dont elle avait pu bénéficier avec le gouvernement de

9 la Republika Srpska et avec son ministère de la Défense s'agissant de ces

10 déclarations particulières.

11 S'il y avait eu la moindre preuve émanant de ces déclarations, preuve

12 selon laquelle les meurtres de Srebrenica avaient été commis dans

13 l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe, il est

14 certain que l'accusation s'en serait servie.

15 En l'espèce, la Chambre de première instance et ceci n'a pas eu de

16 précédent, puisque cette Chambre a eu l'occasion de se pencher sur les

17 délibérations, sur les communications, sur les ordres concernant tous ceux

18 qui ont participé aux événements de Srebrenica, si les meurtres avaient

19 été commis dans l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie, le Bureau

20 du Procureur aurait bien sûr retenu ces moyens de preuve pour vous les

21 présenter.

22 Or il n'existe aucune preuve de ce genre. Pour une raison très simple:

23 c'est qu'il n'y avait pas d'intention génocidaire.

24 Si la Chambre après délibération concluait que, malheureusement et ceci

25 au-delà de tout doute raisonnable, il avait été prouvé que les meurtres de

Page 10135

1 Srebrenica avaient été commis dans l'intention de détruire en tout ou en

2 partie les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique, l'accusation

3 devrait également prouver si le général Krstic avait l'intention

4 délictueuse voulue, la mens rea requise.

5 Madame et Messieurs les Juges, l'accusation nous dit que le général Krstic

6 voit sa responsabilité personnelle engagée au regard de ces crimes. Si

7 nous parlons de ce type de responsabilité, si l'on veut la prouver pour le

8 général Krstic, il faudrait prouver que le général Krstic a participé au

9 meurtre de Srebrenica en planifiant, en ordonnant, en incitant, en

10 commettant, en aidant ou en contribuant à la planification, à la

11 préparation de crimes de génocide et, qu'à l'époque des faits, il avait en

12 personne l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que

13 groupe ethnique.

14 L'absence de preuve de ce que le général Krstic aurait participé à ces

15 meurtres de Srebrenica, nous en avons parlé dans notre mémoire final ainsi

16 que dans les arguments avancés par Me Petrusic, je ne les répéterai donc

17 pas.

18 Cependant si la Chambre devait en arriver à la conclusion que le général

19 Krstic aurait effectivement participé, sous une forme ou une autre à ces

20 meurtres, rien n'est venu prouver que, lui en personne, il avait

21 l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe

22 ethnique.

23 Pas une seule conversation téléphonique interceptée, pas un seul document

24 écrit, pas une seule preuve documentaire n'est venu prouver que, lui en

25 personne, il aurait voulu la destruction des Musulmans de Bosnie en tant

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1 que groupe ethnique. Au contraire.

2 Même dans le témoignage le moins contradictoire qu'il ait déclaré, que

3 pendant toute sa carrière militaire et aussi dans la guerre en Bosnie, il

4 n'a jamais manifesté l'intention d'éliminer les Musulmans de Bosnie.

5 Par exemple, nous avons le témoignage des témoins DC, DA ainsi que celui

6 de Zeljko Borovcanin.

7 Par exemple, le témoin DC a déposé en disant ceci: "Si par exemple un

8 Musulman était capturé, il y a eu des cas où on a voulu tuer ce Musulman

9 et de surcroît se venger de lui pour ce qu'on a vécu, mais le général

10 Krstic s'est toujours opposé à ce type de comportement, et ceci de façon

11 prononcée.

12 Il attachait la plus grande importante à ce type de comportement, il

13 disait que les prisonniers de guerre ne devaient être préjudiciés en

14 aucune façon, que ce soit un civil, un soldat, une femme ou un homme. Il

15 s'opposait à ce qu'on incendie les édifices, il s'opposait à ce type de

16 comportement, c'était un officier militaire qui a toujours respecté dans

17 ses actes les conventions internationales, les droits de l'homme et a

18 toujours affiché une attitude correcte en dépit de la situation de guerre

19 et de ce qu'elle entraîne.

20 Le général Krstic, dans une de ses communications interceptées au début de

21 l'attaque sur Srebrenica, donne des instructions à un subordonné pour dire

22 qu'il faut veiller que l'on ne touche pas à un seul des cheveux d'un

23 Musulman. Il parle ici de la population musulmane, il s'agit là de la

24 pièce à conviction 446.

25 Lorsqu'il a donné le commandement de l'action menée par l'armée des Serbes

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1 de Bosnie à Zepa, ceci plusieurs jours plus tard, pratiquement tous les

2 civils musulmans ainsi que le personnel militaire musulman ont été

3 épargnés, suite à ses ordres.

4 Le témoin DA est venu vous dire que le général Krstic n'avait de cesse de

5 s'inquiéter de la sécurité des civils. Ce n'est pas là le comportement

6 d'un officier qui aurait pour intention de détruire les Musulmans en tant

7 que groupe ethnique.

8 En l'absence de preuve qui montrerait que le général Krstic avait

9 l'intention de détruire en tout ou en partie les Musulmans de Bosnie en

10 tant que groupe ethnique, on ne peut lui attribuer aucune responsabilité

11 pénale individuelle pour génocide.

12 L'accusation a essayé de l'impliquer personnellement dans ces crimes. Pour

13 ce faire, elle a déformé en partie les faits, elle en est arrivée à des

14 conclusions erronées, tout ceci dans l'objectif d'établir un lien entre

15 les exécutions et le général Krstic en personne, pour établir un lien

16 entre le général Krstic et l'intention génocidaire.

17 Aucune preuve n'a été apportée de ce que le général Krstic aurait

18 participé à la planification de la capture et de la séparation des hommes

19 à Potocari, de la participation à un plan destiné à capturer et à tuer les

20 personnes se trouvant dans cette colonne qui essayaient de faire une

21 percée, de ce qu'il aurait supervisé la capture et l'exécution de

22 prisonniers musulmans, de ce qu'il aurait donné des ordres afin que ce

23 processus se poursuive, de ce qu'il aurait reçu des rapports relatifs à

24 ces meurtres de la part de ses subordonnés, de ce qu'il aurait donné

25 l'ordre aux membres de la Brigade de Bratunac d'exécuter les Musulmans à

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1 la ferme de Branjevo ainsi qu'au centre culturel de Pilica.

2 De plus, le fait que ces actes aient été exécutés par d'autres dans

3 l'armée de la Republika Srpska ne démontre aucunement qu'ils auraient été

4 commis dans l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que

5 groupe ethnique.

6 S'agissant de la responsabilité du supérieur hiérarchique, ce qu'on

7 reproche au général Krstic, l'accusation devait apporter la preuve qu'un

8 des subordonnés aurait tué les Musulmans en vue de les détruire en tant

9 que groupe ethnique, il aurait fallu prouver que le général Krstic était

10 informé des intentions génocidaires de ses subordonnés au moment où il n'a

11 pas pu empêcher la commission de ce génocide.

12 Mais en fait, la question de la participation du général Krstic en tant

13 que commandant du Corps de la Drina au moment des faits fait l'objet d'une

14 discussion dans le mémoire final déposé par la défense ainsi que dans la

15 plaidoirie de Me Petrusic, le général Krstic a admis qu'il avait par la

16 suite appris qu'il y avait eu ces meurtres, qu'il avait essayé sans y

17 réussir de punir les auteurs de ces actes, mais aucune preuve n'a été

18 apportée de ce qu'il aurait été au courant du fait que ces meurtres

19 avaient été commis dans l'intention de détruire des Musulmans de Bosnie en

20 tant que groupe ethnique. Aucune manifestation de ce type d'intention ne

21 lui a été suggérée sous forme de rapport, sous forme d'autre ordre écrit

22 ou communication.

23 Les nombreuses communications interceptées n'apportent pas non plus de

24 preuve susceptible de faire comprendre au général Krstic que ces meurtres

25 étaient commis dans une intention génocidaire.

Page 10139

1 En l'absence de preuve de ce que le général Krstic aurait été au courant

2 de l'intention génocidaire des auteurs des crimes à Srebrenica, il ne peut

3 pas être tenu responsable en tant que supérieur hiérarchique pour le fait

4 de ne pas avoir pu empêcher le génocide ou d'en punir les auteurs.

5 Afin d'établir si le général Krstic est coupable du crime de complicité,

6 l'accusation aurait dû prouver qu'il connaissait les personnes qui avaient

7 commis les exécutions à Srebrenica dans l'intention de détruire les

8 Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique, et que, ayant été en

9 possession de ces éléments, il aurait donné une aide considérable aux

10 auteurs de ces crimes.

11 Pour qu'il y ait complicité, il n'est pas nécessaire que l'accusation

12 prouve que le général Krstic lui-même ait partagé cette intention

13 génocidaire.

14 Cette théorie de la responsabilité est similaire à celle de la

15 responsabilité du supérieur hiérarchique mais elle inclut et implique la

16 preuve d'actes affirmatifs destinés à assister les auteurs plutôt que

17 simplement le fait qu'il était au courant de ces actes.

18 Dans les deux cas, il faut apporter la preuve que le général Krstic savait

19 que les auteurs principaux auraient agi dans l'intention génocidaire.

20 C'est bien l'élément requis pour apporter la preuve.

21 Nous l'avons déjà expliqué, aucun moyen de preuve ne nous permet de

22 conclure que le général Krstic aurait été en possession d'une telle

23 connaissance. De façon générale, les officiers de l'armée de la Republika

24 Srpska, les Serbes de Bosnie n'ont appris ces théories que bien plus tard.

25 La preuve de ceci est apportée (expurgé)

Page 10140

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)de cela que les meurtres étaient des actes d'un

4 petit groupe d'individus menés dans une courte période de temps et ne

5 faisaient pas partie d'un plan général de l'armée de la Republika Srpska.

6 Même si le Procureur conteste qu'il y a eu des rapports faits par les

7 médias à travers le monde peu de temps après, nous devons néanmoins

8 considérer que les gens qui menaient les opérations de Zepa au sein du

9 Corps de la Drina n'avaient pas accès aux médias particulièrement parce

10 qu'ils étaient engagés dans l'opération en question.

11 Ou même s'ils avaient su qu'il y avait des meurtres, même s'ils avaient

12 aidé à commettre ces meurtres d'une façon considérable, il n'y a aucune

13 preuve nous démontrant qu'il savait que ces meurtres avaient été faits

14 dans l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe

15 ethnique.

16 Et c'est à cause d'un manque complet de moyens de preuve concernant la

17 connaissance qu'il y a eu des meurtres. Nous ne pouvons pas imputer au

18 général Krstic la complicité d'une intention génocidaire telle que

19 stipulée dans le chef d'accusation 2 de l'Acte d'accusation.

20 Le fait que 7.500 personnes ont été tuées est une chose terrible, mais les

21 conséquences de ceci indépendamment du fait que, si les meurtres ont été

22 effectués dans le but de prendre un territoire ou de s'emparer d'un

23 territoire pour punir ou bien pour montrer l'exemple de ceux qui arrivent

24 à ceux qui ne rendent pas leurs armes, pour empêcher les gens de

25 participer à de futurs combats ou qu'elles aient été menées avec

Page 10141

1 l'intention génocidaire de détruire un groupe ethnique, ces conséquences

2 ne peuvent pas prouver, ne contribuent pas à déterminer quelle était la

3 vraie intention de ces meurtres.

4 Le Procureur sera en mesure de dire que le groupe ethnique au complet

5 était détruit seulement s'il le définit comme le groupe le plus restreint

6 possible, tel que, par exemple, les Musulmans de Srebrenica.

7 Ensuite, sous la pression de certains arguments changeant la définition,

8 on parle de Musulmans de la Bosnie orientale. Si l'on prend en

9 considération le groupe tel que défini par l'Acte d'accusation, les

10 Musulmans de Bosnie ou le degré de destruction du groupe est tel que nous

11 ne pouvons établir aucun lien avec un vrai génocide qui existait dans

12 l'Allemagne nazie ou au Rwanda ou le génocide qui eût lieu contre les

13 Arméniens.

14 Il n'y a absolument aucun élément de preuve nous démontrant que les

15 auteurs de ces meurtres, de ces tueries ont pris en considération la

16 structure traditionnelle des Musulmans de la Bosnie orientale lorsqu'ils

17 ont commis leurs crimes.

18 Lorsque nous nous penchons sur les conversations interceptées, les ordres

19 écrits, les communications qui ont eu lieu entre les auteurs et les

20 victimes, il n'y a absolument aucun élément de preuve nous permettant de

21 déterminer que les auteurs, en réalité, de ces meurtres voulaient ou

22 avaient l'intention de détruire les Musulmans en tant que groupe en tout

23 ou en partie.

24 Ces meurtres-là ne représentent pas le génocide. Les meurtres de

25 Srebrenica étaient horribles mais nous ne pouvons pas les considérer comme

Page 10142

1 génocide tel que représenté par la Convention dans l'Article 3 du Statut

2 du Tribunal. Il n'y a absolument aucun moyen de preuve que cette Chambre

3 peut conclure, au-delà de tout doute raisonnable, que ces meurtres ont été

4 effectués dans le but de détruire les Musulmans de Bosnie en tant que

5 groupe ethnique.

6 Il faut un courage énorme pour conclure cela. Cela serait beaucoup plus

7 prudent politiquement parlant, et bien plus concret pour la Chambre,

8 d'ajouter le terme de génocide pour stigmatiser encore plus le tout.

9 Mais la Chambre doit appliquer le droit. Notre histoire est très riche

10 d'exemples qui proviennent de diverses institutions qui étaient appuyées

11 par des décisions qui n'étaient pas populaires à l'époque.

12 Si le monde devait avoir ou faire confiance dans les tribunaux

13 internationaux comme étant les moyens des institutions qui sont là pour

14 empêcher des crimes futurs, nous devons nous assurer que ce tribunal suive

15 les éléments de preuve et se fonde sur les éléments de preuve et non pas

16 sur un sentiment général public.

17 Pour reconnaître la vérité à Srebrenica, c'est quelque chose

18 d'indispensable des deux parties mais malgré les pertes, malgré la

19 douleur, malgré tous ces malheurs, les pertes à Srebrenica, ces actes

20 n'ont pas été faits dans le but d'anéantir en tout ou en partie les

21 Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique.

22 Il est vrai que le général Radislav Krstic n'est pas responsable du crime

23 de génocide ni de complicité de génocide ou au génocide.

24 Dans les conclusions du Procureur lors de son réquisitoire, il a essayé de

25 prouver ou d'essayer de prouver des intentions génocidaires là où elles

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1 n'existaient pas.

2 Si une telle intention avait également existé d'anéantir donc les

3 Musulmans de Bosnie en tant que groupe, le Procureur devrait être en

4 mesure de répondre facilement aux questions suivantes.

5 Pourquoi, par exemple, les femmes et les enfants tués à Potocari tel que

6 le cas a été fait avec les Juifs, les Arméniens et les Tutsis, quelle est

7 la raison pour laquelle les Musulmans de Bosnie, les hommes qui ont été

8 tués à Zepa, par exemple, pourquoi est-ce que les hommes qui ont été

9 blessés n'ont pas été tués?

10 Pourquoi est-ce que le chemin avait été frayé pour les hommes qui se

11 trouvaient dans ces colonnes de passer de l'autre côté dans le territoire

12 libre contrôlé par l'armée de la Bosnie-Herzégovine?

13 Pourquoi les meurtres de Srebrenica sont un cas isolé et unique en son

14 genre au cours de la guerre de Bosnie qui a duré quatre ans?

15 Pourquoi Drazen Erdemovic ne sait pas quelles sont les intentions, à

16 savoir les intentions de détruire les Musulmans et pourquoi, lui-même, il

17 n'a pas une telle intention?

18 Pourquoi un seul des nombreux officiers de l'armée de la Republika Srpska

19 et des soldats de la Republika Srpska et des policiers de la Republika

20 Srpska, entendu par le Procureur, n'a confirmé l'existence de l'intention

21 génocidaire de détruire les Musulmans de la Bosnie orientale?

22 Pourquoi le Procureur n'a trouvé aucun document ou aucun ordre indiquant

23 que les buts de l'armée de la Republika Srpska en juillet 1995 était de

24 détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique?

25 Pourquoi les conversations interceptées ne confirment pas que le but de

Page 10144

1 l'armée de la Republika Srpska était de détruire les Musulmans de Bosnie

2 en tant que groupe ethnique?

3 Il n'est pas possible de trouver une réponse satisfaisante à ces questions

4 parce qu'il est vrai que les meurtres à Srebrenica quel que soit leur

5 caractère outrageux et horrible n'ont pas été commis dans l'intention de

6 détruire les Musulmans de Bosnie.

7 La Chambre de première instance fait face à trois possibilités concernant

8 les intentions de ceux qui sont responsables des meurtres à Srebrenica.

9 Monsieur le Président, nous avons préparé un organigramme qui peut vous

10 être utile afin de constater ce dont on parle.

11 Les meurtres de Srebrenica, selon la théorie de l'accusation, ont été

12 commis en raison des tueries sélectives des hommes dans le but de détruire

13 en tout ou en partie les Musulmans de Bosnie, conformément aux termes de

14 l'Acte d'accusation, les Musulmans de Bosnie de Srebrenica, conformément

15 au mémoire final de l'accusation ou bien les Musulmans de Bosnie de la

16 Bosnie orientale dans l'enclave de Srebrenica et aux alentours comme le

17 Procureur l'a affirmé dans son réquisitoire, donc de les détruire en tant

18 que groupe ethnique. Cela c'est une théorie.

19 La deuxième théorie, aux dires de l'expert de l'accusation, est que ceci

20 était pris en tant que dernière décision dans le cadre des représailles de

21 la vengeance.

22 Troisièmement, afin de les punir pour avoir refusé de rendre leurs armes

23 alors que le général Mladic l'avait ordonné ou bien afin de répondre à la

24 menace numérique que la colonne et les prisonniers posaient à l'armée des

25 serbes de Bosnie beaucoup moins nombreux.

Page 10145

1 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, nous avons essayé

2 dans notre plaidoirie de montrer que la possibilité avancée par le

3 Procureur est tout simplement erronée. Il n'y a pas de logique de faire en

4 sorte que celui qui a l'intention de détruire un groupe ethnique le fait

5 en fouillant dans les forêts pour chercher les hommes alors qu'en même

6 temps on fait partir les femmes dans une zone de sécurité.

7 Il n'y a également aucune trace de preuves selon lesquelles le général

8 Krstic aurait eu cette idée dans l'esprit ni qu'il avait l'intention de

9 détruire les Musulmans en tant que groupe ethnique.

10 Il semblerait qu'il est beaucoup plus logique de conclure que les tueries

11 étaient les représailles à cause du fait que la partie adverse n'a pas

12 respecté la demande de Mladic de rendre leurs armes ou bien la conséquence

13 de la pire solution afin de, visant à éliminer le danger potentiel que

14 représentait un grand nombre de prisonniers par rapport à l'armée et la

15 population civile.

16 La question qui se pose devant ce Tribunal est de prendre la décision

17 compte tenu de la théorie du Procureur qui se base sur le prétendu plan

18 selon lequel le 11 au soir une décision a été prise.

19 D'autre part, les moyens de preuve du Procureur lui-même, parmi lesquelles

20 la lettre du rapport de M. Butler, pièce à conviction du Procureur 403,

21 paragraphe 5/19, et dans ce rapport référence est faite à la liste des

22 criminels de guerre dressée par la Brigade de Bratunac le 12 juillet 1995.

23 L'ensemble de la théorie du Procureur se fonde sur le fait que les pièces

24 d'identité et les autres documents des hommes de Srebrenica ont été

25 détruits. Cependant, la date à laquelle ces documents ont été détruits

Page 10146

1 n'est toujours pas établie avec exactitude. Il est certain que ceci s'est

2 passé le 13, mais en ce qui concerne le 12, nous ne disposons pas de faits

3 précis.

4 D'autre part, le 12, selon les moyens de preuve de l'accusation, la

5 Brigade de Bratunac constitue une liste de plus de 200 criminels de guerre

6 potentiels.

7 Pourquoi Monsieur le Président, une telle liste aurait-elle été dressée le

8 11 au soir, si le 11 au soir une décision définitive avait été déjà prise

9 concernant le sort réservé à tous les hommes?

10 D'autre part, le 12, nous n'avons pas de preuve concernant aucune

11 exécution massive. Nous avons des meurtres opportunistes isolés à

12 Potocari, et certains rapports concernant la colonne.

13 Les premiers rapports concernant la reddition des prisonniers à grande

14 échelle et leur capture datent du 12. Or ce rapport a été envoyé au

15 commandement le 13, à 1 heure. Il s'agit là du rapport de l'officier

16 Vukotic, donc les 11 et 12, il n'existe absolument pas de preuve

17 concernant une quelconque possibilité de conclure que l'actus reus du

18 génocide existait.

19 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, ceci nous montre de

20 plus en plus efficacement que les deuxième et troisième possibilités

21 présentées dans notre document sont beaucoup plus probables que la

22 première et l'unique possibilité proposée par le Procureur.

23 La question qui se pose devant cette Chambre, cependant, ne concerne pas

24 le fait de choisir l'une de ces trois possibilités raisonnables. Il

25 revient au Procureur de montrer non pas seulement que sa théorie est

Page 10147

1 absolument exacte, mais aussi que c'est l'unique théorie raisonnable.

2 Si l'une quelconque des autres possibilités vous paraît également

3 raisonnable, dans ce cas-là, vous devez avoir un doute raisonnable et

4 trouver que le général Krstic est innocent pour le chef d'accusation de

5 génocide et de la complicité dans le génocide.

6 Au cas où vous constateriez que le général Krstic était coupable, vous

7 devriez être convaincus au-delà de tout doute raisonnable que les meurtres

8 à Srebrenica ont été commis dans l'intention de détruire la base

9 patriarcale des Musulmans de la Bosnie orientale en tant que groupe

10 ethnique et que c'était l'intention du général Krstic.

11 Il a été dit que ce procès constitue une recherche de la vérité. Il a été

12 dit: "La vérité en ce qui concerne ce qui s'est passé à Srebrenica en

13 juillet 1995 effectivement a fait surface au cours de ces 16 mois de

14 procès."

15 Il est exact que de nombreux Musulmans de Bosnie ont été tués à

16 Srebrenica, il est exact que ces meurtres sont injustifiés et immoraux,

17 mais il est exact également que ces meurtres n'ont pas été commis afin de

18 détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe ethnique en tout ou en

19 partie.

20 Si la Chambre de première instance suit les faits, si la Chambre de

21 première instance applique les lois, si la Chambre de première instance

22 suit l'histoire, elle décidera que le général Krstic n'est pas coupable du

23 génocide ou de la complicité dans le génocide.

24 Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, mon collègue Me

25 Petrusic va terminer notre plaidoirie maintenant.

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1 (Plaidoirie de la défense par Me Petrusic.)

2 M. Petrusic (interprétation): Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

3 Juges, nous en arrivons à la fin de ce procès, à la fin de notre

4 plaidoirie, la plaidoirie de la défense du général Krstic, officier de

5 carrière au sein de l'armée de la Republika Srpska.

6 Quant à la question de savoir de quel genre d'officier il s'agissait, nous

7 en avons entendu parler par le biais des dépositions des témoins de la

8 défense.

9 Les exemples de leur déposition portant sur son professionnalisme, son

10 rapport envers l'ennemi, son rapport envers les prisonniers de guerre que

11 ce soient des Croates ou des Musulmans sont remarquables. Les exemples

12 sont remarquables également s'agissant de son rapport envers ces personnes

13 même lorsqu'ils laissaient passer les uns et les autres en traversant le

14 territoire sous son contrôle.

15 Le Procureur affirme que le général Krstic essaie de prendre des distances

16 par rapport à tous ces événements et qu'il essaie de rejeter la

17 culpabilité sur quelqu'un d'autre…

18 M. le Président: Est-ce que ce bruit vous dérange ou pouvez-vous

19 continuer?

20 M. Petrusic (interprétation): Je peux continuer, Monsieur le Président.

21 J'ai presque terminé.

22 M. le Président: Je vois que Mme Thomson est en train de faire quelque

23 chose pour éviter ce bruit. Je crois qu'il y a des réparations sur le

24 toit. Maître Petrusic, excusez-moi de vous avoir interrompu.

25 M. Petrusic (interprétation): Mon éminent collègue, M. Harmon, affirme

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1 qu'il essaie de prendre ses distances en rejetant la responsabilité sur

2 d'autres personnes.

3 L'intention de la défense au cours de ces 15 derniers mois n'a pas été de

4 rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre. L'intention de la défense

5 a été de respecter le principe le plus important de tous les systèmes

6 juridiques, respecter le principe de la vérité, établir ce qui s'est

7 réellement passé à Srebrenica et quel était le rôle des différentes

8 personnes dans tout cela.

9 Le procès à l'encontre du général Krstic, Monsieur le Président, Madame,

10 Monsieur les Juges, a pris beaucoup de temps et je vais prendre beaucoup

11 de temps pour dire également que toutes les ressources disponibles et même

12 peut-être plus que cela, toutes les ressources de cette éminente Chambre

13 ont été employées.

14 La défense espère que la plaidoirie de la défense et le mémoire final de

15 la défense, tout comme les moyens de preuves versés au dossier, seront

16 examinés de manière approfondie par la Chambre de première instance et la

17 défense fait absolument confiance à la Chambre de première instance pour

18 ce faire.

19 En suivant une telle logique, la défense est convaincue que la Chambre de

20 première instance arrivera à la conclusion que le Procureur n'a pas réussi

21 à prouver la responsabilité du général Krstic et, conformément à cela,

22 prendre la décision conforme à la proposition de la défense.

23 La défense propose que le général Krstic soit acquitté en vertu de tous

24 les chefs d'accusation contenus dans l'Acte d'accusation.

25 Monsieur le Président, Madame Messieurs les Juges, la défense termine

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1 ainsi sa plaidoirie.

2 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Petrusic.

3 Je remercie aussi, vous, la défense et toute votre équipe, de vos

4 contributions pour la réflexion que la Chambre va mener pour ses

5 délibérations.

6 Maintenant je donne la parole à Mme la Juge Wald.

7 (Questions de Mme la Juge Wald.)

8 Mme Wald (interprétation): J'ai quelques questions. Maître Petrusic, j'ai

9 deux questions pour vous.

10 La première étant la suivante: quelle est l'explication que vous pourriez

11 nous donner -en vous basant sur le compte rendu et cela a trait au moment

12 où le général Krstic a pris le commandement-, quelle est l'explication que

13 vous pouvez nous fournir pour le fait qu'après le 14, le général Zivanovic

14 ne semble pas donner des ordres et en fait, il a dit à quelques personnes:

15 "Ce n'est plus à moi maintenant, je pars, je suis en train de faire mes

16 bagages"?

17 D'après ce que nous avons pu conclure des conversations interceptées,

18 j'aimerais savoir si, pour le compte rendu, vous pourriez nous donner

19 quelques explications concernant cela.

20 M. Petrusic (interprétation): Honorable Juge Wald, permettez-moi d'en

21 tirer cette conclusion concernant la conversation interceptée que le

22 général Zivanovic avait effectuée le matin, à 9 heures 56 du matin: la

23 conversation qu'il avait eue avec le colonel Beara, il est vrai que lors

24 de cette conversation interceptée, le général Zivanovic a dit: "Voilà,

25 j'ai une autre tâche à faire, il s'agit d'une nouvelle journée, une

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1 nouvelle tâche et je plie bagage".

2 Par contre, dans une conversation interceptée que la défense a interprétée

3 hier devant cette Chambre, ou a présentée hier devant cette Chambre

4 -permettez-moi de m'avancer, si je ne m'abuse, il s'agissait peut-être de

5 la conversation interceptée portant le n°555 ou 556-, nous pouvons voir

6 que l'heure de cette conversation est 20 heures et 50 minutes.

7 Les deux conversations en réalité ont été faites après que le général

8 Zivanovic ait effectué la conversation qu'il a eue avec Ljubo Beara.

9 La défense justement attire votre attention là-dessus et conclue que,

10 compte tenu de la teneur de la conversation interceptée, donc après 20

11 heures en date du 14, donc laquelle conversation effectuée avait en fait

12 un certain commandant qui s'adresse au général Zivanovic, il lui dit qu'il

13 l'attend selon ces ordres.

14 Ce mot "ordres" a permis à la défense de croire que le général Zivanovic

15 en date du 14, après 9 heures, se trouve là au poste de commandement et

16 qu'il est en train de donner des ordres.

17 Cette présentation imagée et cette explication imagée du général Zivanovic

18 à l'endroit du commandant Beara en parlant d'un nouveau jour, la défense

19 peut l'interpréter comme une envolée rhétorique, mais il est vrai que nous

20 pouvons démontrer par là qu'il est tout à fait clair quelle était sa

21 fonction en tant que personne qui est en train de donner des ordres basés

22 sur ces documents.

23 Mme Wald (interprétation): Merci. Vous nous avez parlé d'un commandement,

24 du cumul de commandements ou d'une dualité d'un commandement d'un officier

25 qui est responsable du commandement, qu'il s'agissait d'un commandant qui

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1 se trouvait ou qui donnait des ordres à un officier de sécurité au sein du

2 Corps de la Drina. Vous nous aviez dit que le commandant ne serait pas

3 nécessairement au courant de cela.

4 Je vous pose la question en vous basant sur les règlements, et en ayant

5 entendu les témoignages que nous avons entendus: croyez-vous que si un

6 commandant d'un corps découvre que son assistant, chargé de la sécurité,

7 avait été impliqué ou avait été engagé au sein du service et se sert du

8 Corps de la Drina ou des effectifs du Corps de la Drina pour avoir des

9 fonctions, en fait qu'il assistait le commandant de l'état-major pour des

10 raisons de sécurité et qu'un commandant du corps, par exemple, ait pu

11 croire qu'ils aient tort, est-ce que ce serait illégal?

12 Est-ce que le commandant du Corps aurait l'autorité d'outrepasser le

13 commandant de l'état-major, en d'autres mots, s'il y a une dualité de

14 commandement qui a le dernier mot si jamais il y a un conflit entre les

15 deux?

16 M. Petrusic (interprétation): Honorable Juge Wald, ayant en tête les

17 structures du Corps de la Drina et la structure de l'état-major, et cette

18 dualité qui peut exister entre les services de sécurité et entre les

19 organes de sécurité à un niveau de commandement normal, donc commandement

20 du Corps, le commandement du Corps dans l'exemple que vous nous avez cité,

21 s'il a connaissance que l'organe de sécurité se sert de ressources qui

22 sont… donc que c'est illégal, il ne pourrait que donner sa suggestion

23 contre l'utilisation de ces dernières.

24 Il pourrait donner une suggestion à son commandement supérieur, et donc il

25 s'agit de l'état-major, celui qui ne peut que donner l'ordre contre une

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1 utilisation illégale de ressources.

2 Mme Wald (interprétation): Merci. C'est tout ce que j'avais à vous poser

3 comme question.

4 J'ai deux questions pour Me Visnjic. Merci.

5 Maître Visnjic, vous parlez de la définition du terme "génocide". Vous

6 avez fait allusion au fait que l'article concernant le génocide dit ou

7 stipule que l'intention nécessaire est de détruire en tout ou en partie un

8 groupe protégé.

9 Ne serait-il donc pas bien de dire également que si quelqu'un a décidé, si

10 l'auteur d'un génocide ou d'une intention génocidaire décide par exemple

11 de détruire une partie d'un groupe plus large aussi, par exemple, nous

12 croyons qu'un groupe plus large -comme vous avez dit tous les Musulmans de

13 Bosnie- et par exemple si l'auteur de ce plan génocidaire décide de ne

14 détruire qu'une partie des Musulmans de Bosnie, par exemple la partie qui

15 se trouve à Srebrenica ou par exemple dans une autre ville, disons que

16 l'auteur décide seulement une partie de ce groupe, il n'a pas l'intention

17 de détruire le groupe au complet, mais seulement une partie du groupe afin

18 de pouvoir intimider les autres objectifs concernant les autres Musulmans

19 de Bosnie? Il n'a donc qu'à tuer une partie pour essayer de prouver ce

20 qu'il désire ou pour créer une intimidation?

21 Ne croyez-vous pas que cela serait suffisant pour satisfaire la définition

22 du crime de génocide ou croyez-vous que ce n'est peut-être pas assez pour

23 le définir?

24 M. Visnjic (interprétation): Madame la Juge, si je vous ai bien compris,

25 il est possible qu'il puisse détruire une partie du groupe pour démontrer

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1 quelque chose à quelqu'un d'autre.

2 Il faut savoir qu'est-ce qu'il a l'intention de démontrer, si son

3 intention est bien de détruire le groupe au complet.

4 Nous pouvons peut-être nous servir de l'exemple de la politique du

5 nettoyage ethnique. Il y a des meurtres qui ont eu lieu à ce moment-là,

6 mais ce n'est pas en fonction de la destruction d'un groupe.

7 Je ne vous ai peut-être pas bien compris, mais c'est notre vision des

8 choses.

9 Mme Wald (interprétation): Non, je crois que vous m'avez donné une réponse

10 mais j'aimerais vous donner un autre exemple.

11 Si par exemple un général avait voulu conquérir une zone, une région

12 particulière et qu'il aurait voulu que les gens qui se trouvent dans les

13 villages et qui sont tenus de rendre leurs armes ou de se rendre eux-mêmes

14 par exemple, si tout d'un coup cet homme dit concernant cette ville-ci -en

15 fait bien sûr il s'agit d'une question hypothétique-, mais par exemple si

16 cette personne dit:

17 "Voilà s'agissant de cette petite ville, je vais détruire les gens de

18 cette ville, je vais consciemment détruire cette communauté. Cela va

19 montrer aux autres personnes dans d'autres communautés qu'il vaut mieux

20 avoir peur ou faire attention car mon intention n'est pas de conquérir un

21 territoire mais de détruire une ville pour prouver un point et essayer de

22 conquérir de façon normale l'autre partie, ce qui reste de cette région."

23 C'est tout ce que je voudrais savoir. Est-ce que vous croyez que cela

24 constitue un génocide?

25 M. Visnjic (interprétation): Non, j'aimerais vous donner une réponse un

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1 peu plus large.

2 D'après moi, cela ne représenterait pas une intention génocidaire mais

3 même si l'on considère ceci comme étant une intention génocidaire, les

4 choses ne se seraient pas déroulées de la façon dont elles se sont

5 déroulées lorsque j'ai cité mes exemples.

6 Il n'y aurait pas eu, par exemple, le manquement de ne pas tuer les femmes

7 et les enfants, les personnes blessées, par exemple ou le moment potentiel

8 lorsque la décision avait été prise. Je crois qu'à ce moment-là le plan

9 aurait pu être fait ou réalisé de façon plus concrète pour que les autres

10 puissent se sentir menacés.

11 Ce plan n'aurait pas été un plan secret, cela représenterait un plan tout

12 à fait public pour pouvoir présenter une menace aux autres personnes du

13 même groupe ethnique. Je crois qu'il s'agit ici d'une autre chose.

14 Mme Wald (interprétation): Merci. Vous nous avez donné trois intentions

15 possibles que nous pourrions trouver, qui pourraient expliquer pourquoi

16 les auteurs des plans de meurtre l'auraient fait.

17 Le deuxième plan. Vous nous avez parlé de la vengeance et je crois que

18 votre troisième thèse était qu'il s'agissait de représailles parce qu'on

19 n'a pas rendu les armes par exemple.

20 Ma première question est la suivante: est-il possible de dire que si

21 quelqu'un au cours ou dans le cadre d'arriver à un objectif militaire,

22 décide peut-être par vengeance, par désir de vengeance -parce que

23 quelqu'un a décidé d'être furieux-, que la partie adverse ne s'est pas

24 rendue ou n'a pas rendu ses armes, cette personne décide: "Je suis

25 tellement enragée, je suis pleine de rage, j'en ai tellement contre ces

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1 personnes que je désire tous les tuer, je vais tous les tuer. C'est de la

2 vengeance, je l'admets, je veux me venger, je veux tous les tuer à cause

3 du fait qu'ils ont refusé de se rendre".

4 Si ce groupe auquel il faisait référence, le groupe qu'il voulait tuer,

5 tous, si c'est un groupe qui est protégé selon le statut du terme de

6 "génocide", s'il décide de les tuer, même si c'est en tout ou en partie,

7 pourquoi est-ce que cela ne représente pas un génocide même si cela était

8 fait, même si le motif demeure la vengeance? Donc l'intention est là

9 puisque la vengeance représente cette intention malgré le fait que

10 l'intention de tuer ce groupe ne vient pas d'une haine ethnique.

11 M. Visnjic (interprétation): Je pourrais être d'accord avec vous pour dire

12 que le motif n'est pas une condition pour représenter le génocide mais à

13 cause des possibilités qui nous sont présentées ici, je suis plus enclin à

14 croire qu'il y a peut-être une combinaison entre la deuxième hypothèse et

15 la troisième parce que si on avait pris la décision de tuer tout le monde,

16 quelle est la raison pour laquelle alors on aurait épargné une partie

17 immédiatement sur-le-champ?

18 Pourquoi est-ce qu'on aurait liquidé seulement une autre partie? Pourquoi

19 est-ce que ce n'est pas cette autre partie qui n'a pas été liquidée?

20 Pourquoi est-ce que qu'on aurait pris la peine de les transporter avec

21 beaucoup de peine de l'endroit où on les a emprisonnés à un deuxième

22 endroit, et par la suite un troisième endroit et plus loin?

23 Je crois que dans ce sens-là nous pourrions peut-être penser qu'en partie

24 c'était peut-être une vengeance et que, dans une autre partie, cela

25 représentait une menace militaire. Peut-être cela pourrait nous donner une

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1 meilleure image de ce qui aurait pu arriver dans notre cas concret.

2 Est-ce que la vengeance aurait pu être contrôlée de telle façon pour dire

3 qu'elle n'est concentrée que sur les hommes en âge de porter les armes?

4 C'est une question, Mme la Juge Wald, pour laquelle je ne crois pas que

5 cela ait pu être si contrôlé car s'il s'agit d'une vengeance, on ne peut

6 rien contrôler, c'est instantané, c'est très agressif. C'est une vengeance

7 momentanée et agressive mais il n'y a absolument aucune possibilité de

8 contrôler le groupe visé.

9 Elle ne montre pas non plus l'intention telle que le Procureur nous le

10 démontre que, en tuant les hommes, on désire tuer le groupe visé ou

11 détruire le groupe visé. La vengeance n'a pas ses éléments de contrôle tel

12 que nous avons vu car l'accusation nous a démontré que l'armée de la

13 Republika Srpska l'aurait fait de façon systématique et planifiée et ainsi

14 de suite.

15 Mme Wald (interprétation): Merci, c'est tout ce que j'avais comme question

16 pour vous.

17 (Questions de M. le Président.)

18 M. le Président: Moi-même, j'ai deux questions pour Me Petrusic, s'il vous

19 plaît.

20 D'après la présentation des moyens de preuve devant cette Chambre, est-ce

21 que vous avez une idée, si je peux dire, comparative entre le rôle que le

22 général Zivanovic et le général Krstic ont joué dans l'opération Krivaja

23 95 et ces mêmes deux personnes par rapport à l'opération Zepa?

24 M. Petrusic (interprétation): Monsieur le Président, quel est le

25 dénominateur commun dans la réponse que je vais donner à votre question?

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1 Le général Krstic, dans les deux cas, à la fois à Srebrenica et à Zepa, se

2 trouve au poste de commandement avancé. Il est en position de la personne

3 qui est à la tête de l'opération -laissons de côté ce qui s'est passé les

4 11 et 12, du côté de Mladic, nous n'allons pas entrer dans cela-, mais il

5 se trouve au poste de commandement avancé et il est l'axe de la gestion de

6 l'opération conformément à la décision prise par son commandant, le

7 général Zivanovic.

8 Le général Zivanovic, dans les deux opérations, si on laisse de côté le

9 fait qu'il est venu au poste de commandement avancé, les 10, 11 et 12, le

10 poste de commandement avancé à Srebrenica, mais il est au poste de

11 commandement à Vlasenica et dans les deux cas, il est l'officier supérieur

12 du général Krstic et dans les deux cas également, il est accompagné des

13 officiers qui font partie de son état-major; et le commandement et les

14 adjoints de commandant sont soit au poste de commandement à Vlasenica ou

15 bien ils sont déployés ailleurs dans le cadre d'autres missions.

16 C'est ce qui peut être caractéristique dans le cadre d'une analyse

17 comparative des deux personnes dans le cadre de ces deux opérations

18 militaires.

19 M. le Président: L'autre question, Maître Petrusic, est dans les mêmes

20 termes de comparaison: comment voyez-vous la présence du général Zivanovic

21 et du général Krstic dans les réunions de l'hôtel Fontana?

22 M. Petrusic (interprétation): Monsieur le Président, peut-être si vous me

23 le permettez, je vais dire la chose suivante et ceci sera la réponse à

24 votre question.

25 Tous les autres participants, que ce soient le général Zivanovic, le

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1 général Krstic, les représentants civils des pouvoirs et les autres

2 officiers, ils sont tous des observateurs muets de cette rencontre.

3 Personne d'entre eux ne participe verbalement ou d'une autre manière lors

4 de cette première rencontre, pour dire la vérité, la rencontre qui a eu

5 lieu à l'hôtel Fontana. A la fin, nous pouvons voir le cliché qui montre

6 le général Zivanovic qui est en train de boire un verre avec les

7 participants à cette réunion. Et je vais répéter ce que j'ai déjà dit:

8 tous les participants à cette réunion ont une même attitude vis-à-vis de

9 ce qui se passait, y compris le général Krstic et le général Zivanovic par

10 rapport au général Mladic.

11 M. le Président: Oui, Maître Petrusic. Si je n'ai pas tort, je crois donc

12 que le général Zivanovic a participé dans la réunion du 11 juillet et le

13 général Krstic a participé aux deux réunions du 12. J'ai bien compris?

14 Est-ce que vous voyez dans les moyens de preuve présentés quelque raison

15 pour, par exemple, que le général Zivanovic n'ait pas participé dans

16 toutes les réunions où le général Krstic a participé à toutes les

17 réunions? C'est-à-dire, je crois que les personnes qui sont présentes dans

18 la réunion, sauf le cas -si je peux dire- des représentants des Musulmans,

19 changent et les seules personnes du Corps de la Drina qui changent c'est

20 le général Zivanovic et le général Krstic, c'est cela? J'ai bien compris?

21 M. Petrusic (interprétation): Le général Zivanovic assiste à la première

22 réunion qui a eu lieu vers 20 heures 30 du soir et, en ce qui concerne la

23 deuxième réunion, le 11 au soir et le 12 au matin, il n'y est pas. Si nous

24 traitons brièvement du sujet qui faisait l'objet des discussions de la

25 première rencontre, à savoir le fait d'assurer les moyens de transport et

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1 si nous établissons un lien entre cela et l'ordre donné le lendemain, donc

2 le 12 juillet, par le général Zivanovic, visant à faire en sorte que les

3 moyens de transport soient assurés, je peux me fonder sur ce fait pour

4 expliquer pourquoi il était absent le 12.

5 A savoir après cette réunion, il a commencé à réaliser ce qui a été décidé

6 et à assurer les moyens de transport. Pourquoi le général Krstic assiste à

7 ces réunions qui se déroulent le 11 au soir à 23 heures et le 12 à 10

8 heures du matin?

9 Avant la réunion du 11 à 23 heures, une réunion a eu lieu à laquelle ont

10 assisté les membres de l'armée serbe. Et le général Mladic, lors de cette

11 réunion, donne l'ordre au général Krstic d'engager les unités pour Zepa.

12 Le général Krstic reçoit cet ordre et il n'a aucune raison rationnelle qui

13 le pousserait à aller au poste de commandement à Vlasenica. Ces unités qui

14 vont participer à cette opération se trouvent sur place, sur ce terrain,

15 dans le cadre de cette opération-là. Donc beaucoup plus près de Bratunac

16 où la réunion a lieu que de Vlasenica où se trouve le poste de

17 commandement. Puisqu'il est nécessaire d'avoir un peu de temps pour

18 préparer cette opération et puisque ces officiers d'état-major s'y

19 trouvent, l'unique officier d'état-major qui l'aide à réaliser l'ordre, le

20 colonel Vicic y est lui aussi, pas à la réunion mais à Bratunac, il est

21 sur place. C'est ce qui explique, à mon avis, la raison pour laquelle le

22 général Krstic est resté sur place le 11 et le 12, justement pour engager

23 des activités afin de préparer cette opération.

24 M. le Président: Très bien, Maître Petrusic. Je vous remercie beaucoup. Je

25 n'ai pas d'autres questions.

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1 Donc de cette façon, je remercie les deux parties pour toutes les

2 contributions qu'elles ont donné à la Chambre encore une fois. Et une fois

3 que nous avons terminé le réquisitoire et la plaidoirie, il nous reste

4 maintenant à déclarer les débats. La Chambre va donc se retirer pour

5 délibérer.

6 Vous attendez sûrement que le Président de la Chambre, que la Chambre dise

7 quelque chose à propos d'un autre moment important, c'est de rendre le

8 jugement.

9 La Chambre va engager toutes ses forces pour essayer de délivrer le

10 jugement, de rendre le jugement vers fin juillet. Et quand je dis que nous

11 allons essayer, je dis exactement que ce n'est pas un engagement. "It's

12 not a commitment", c'est un objectif. Nous avons toujours travaillé dans

13 cette Chambre avec des objectifs, nous établissons maintenant cet

14 objectif; cela veut dire qu'il y a souvent des perturbations

15 d'organisations qui peuvent empêcher, mais de toutes façons nous allons

16 engager toutes nos ressources pour y arriver.

17 Donc ayant dit cela, je lève la séance et on se verra à une date que nous

18 allons annoncer.

19 (L'audience est levée à 12 heures 43.)

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