Affaire n° IT-96-23&23/1-A

DEVANT LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant : M. Mohamed Shahabuddeen, Juge de la mise en état en appel

Assisté de : M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le : 3 septembre 2001

LE PROCUREUR

c/

Dragoljub KUNARAC
Radomir KOVAC
et
Zoran VUKOVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE PROROGATION DE DÉLAI, NOTIFICATION DE DÉPÔT DE MÉMOIRES D’INTIMÉ EXCÉDANT 100 PAGES ET, LE CAS ÉCHÉANT, REQUÊTE AUX FINS D’OUTREPASSER LE NOMBRE LIMITE DE PAGES DES MÉMOIRES D’INTIMÉ DE L’ACCUSATION

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Le Bureau du Procureur :

M. Upawansa Yapa

Le Conseil des appelants :

M. Slavisa Prodanovicet Mme Maja Pilipovic pour Dragoljub Kunarac
MM. Momir Kolesar Vladimir Rajic pour Radomir Kovac
M. Goran Jovanovic et Mme Jelena Lopicic pour Zoran Vukovic

 

NOUS, Mohamed Shahabuddeen, juge près la Chambre d'appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (la « Chambre d’appel »), chargé de la mise en état de l’espèce,

VU la « Requête de l’Accusation aux fins de prorogation de délai, notification de dépôt de mémoires d’intimé excédant 100 pages et, le cas échéant, requête aux fins d’outrepasser le nombre limite de pages des mémoires d’intimé de l’Accusation ». déposée le 10 août 2001 par l’Accusation (la « Requête »),

ATTENDU que, dans la Requête, l’Accusation demande « i) une prorogation du délai de dépôt de sa réponse au mémoire d’appel de Zoran Vukovic, ii) l’autorisation de déposer un mémoire d’intimé de 160 pages, nombre qui s’inscrit dans la limite autorisée par la Directive pratique, et iii) le cas échéant, l’autorisation de déposer une réponse d’environ 160 pages »

ATTENDU que l’Accusation argue que, si elle interprète correctement la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes (IT/184) du 19 janvier 2001 (la «Directive pratique »), elle est en droit de déposer un mémoire unique d’environ 160 pages en réponse aux trois Appelants, et que, dans le cas contraire, elle demande à la Chambre d’appel d’autoriser ce dépôt, et ce pour les raisons suivantes :

« a) les trois mémoires d’appel totalisent environ 260 pages,

b) les trois Appelants dénoncent les mêmes erreurs de droit et de fait s’agissant des critères déterminants des articles 3 et 5 du Statut,

c) les erreurs de fait concernent principalement les questions de l’existence d’un conflit armé, du lien entre les actes des accusés et le conflit armé, de l’existence d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile et de la connaissance qu’avaient les accusés de ces attaques,

d) les Mémoires des Appelants contiennent de nombreuses références aux moyens de preuve présentés au procès, notamment aux moyens à décharge, que la Chambre de première instance doit avoir rejetés pour parvenir à ses conclusions,

e) plusieurs erreurs de droit ont été soulevées, dont le critère juridique pour la question du lien et l’intention délictueuse pour les crimes relevant de l’article 5 du Statut,

f) s’agissant du mémoire d’appel de Kunarac par exemple, en rédigeant sa réponse, l’Accusation a relevé quinze moyens d’appel, dont celui de l’alibi. Nombre de ces moyens demandent à être vérifiés par rapport aux dépositions des témoins à charge et à décharge. »

ATTENDU que les Appelants Vukovic, Kunarac et Kovac n’ont pas déposé de réponse à la Requête,

ATTENDU que, après le dépôt de la Requête et avant l’expiration des délais en vigueur, l’Accusation a déposé i) le 13 août 2001, un mémoire d’intimé totalisant 35 pages, en réponse au « Mémoire de l’appelant présenté par l’accusé Zoran Vukovic contre le Jugement du 22 février 2001 » et ii) le 15 août 2001, le « Mémoire global de l’intimé présenté par l’Accusation » totalisant 162 pages, en réponse aux mémoires des Appelants Kunarac et Kovac,

ATTENDU que la première demande de l’Accusation dans sa Requête, à savoir une prorogation du délai de dépôt de sa réponse au mémoire d’appel de Zoran Vukovic, n’a plus lieu d’être, ladite réponse ayant été déposée dans les délais,

ATTENDU qu’en conséquence, seules demeurent pendantes les deuxième et troisième demandes de l’Accusation, et qu’elles ne concernent que le mémoire d’intimé présenté en réponse aux mémoires des Appelants Kunarac et Kovac,

VU le paragraphe C) 1 b) de la Directive pratique, lequel dispose que « [l]a réponse d’un intimé, dans le cadre de l’appel contre le jugement final d’une Chambre de première instance, n’excède pas 100 pages ou 30 000 mots »,

ATTENDU qu’à la lumière de la jurisprudence de la Chambre d’appel1, le paragraphe C) 1 b) de la Directive pratique signifie qu’une réponse de l’Accusation à plusieurs appelants dans le cadre d’une même procédure intentée par l’Accusation ne doit pas excéder 100 pages ou 30 000 mots,

ATTENDU que, lorsqu’il est difficile de mettre en pratique cette interprétation, la Chambre d’appel peut prendre les mesures appropriées, soit en vertu du Règlement de procédure ou de preuve ou de la Directive pratique, soit (dans la mesure où elle s’exerce à bon droit) en vertu de sa compétence2 à régir la procédure dont elle est saisie, dans le but de dégager des critères raisonnables lui permettant de garantir une procédure rapide,

ATTENDU, en particulier, qu’en vertu du paragraphe C) 7 de la Directive pratique, la Chambre d’appel peut autoriser une partie à outrepasser les limites fixées si des circonstances exceptionnelles le justifient,

ATTENDU que pareilles circonstances existent en l’espèce,

ACCUEILLONS le « Mémoire global de l’intimé présenté par l’Accusation » et CONSIDÉRONS qu’il a été dûment déposé en réponse aux mémoires des Appelants Kunarac et Kovac , avec l’autorisation de la Chambre d’appel.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Juge de la mise en état en appel
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Mohamed Shahabuddeen

Fait le 3 septembre 2001
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]
1 - Voir Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, IT-95-16-A, Ordonnance, 2 juillet 2001 et Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez, IT-95-14/2-A, 30 août 2001.
2 - La Chambre tient toutefois à formuler une réserve en prévision d'une éventuelle objection selon laquelle, en vertu de sa compétence à régir la procédure dont elle est saisie, la Chambre d'appel peut ordonner à plusieurs parties qui ont un intérêt commun et partagent la même cause, de retirer des mémoires déposés séparément et faisant double emploi, pour y substituer un mémoire unique portant sur des points identiques qui sera complété, le cas échéant, par des mémoires séparés portant sur des points distincts. Voir le raisonnement général dans Fed. R. App. P. Rule 32 (reproduit dans le US Code) ; United States of America v. Bradly S. Ashman et al., 964 F .2d 596 ; 1992 U.S. App. Lexis 8640 et United States of America v. Miguel Torres et al., 170 F. 3d 749 ; 1999 U.S. App. Lexis 4552. La question peut être examinée sur le fondement de la loi, comme dans l'affaire USCS Ct App. 9th Cir, Circuit R 28-4 (2001) et USCS Ct App 9th Cir, Circuit R 28-5 (2001), mais on peut se demander si l'absence de disposition légale n'empêche pas la juridiction d'exercer sa compétence inhérente à régir la procédure dont elle est saisie.