LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba, Président
M. le Juge David Hunt
M. le Juge Fausto Pocar

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le :
28 septembre 2000

LE PROCUREUR

C/

DRAGOLJUB KUNARAC
RADOMIR KOVAC

et

ZORAN VUKOVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA PRÉSENTATION DES MOYENS EN RÉPLIQUE

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Le Bureau du Procureur :

M. Dirk Ryneveld
Mme Peggy Kuo
Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. Daryl Mundis

Les Conseils de la Défense :

M. Slavisa Prodanovic et Mme Mara Pilipovic, pour Dragoljub Kunarac
M. Momir Kolesar et M. Vladimir Rajic, pour Radomir Kovac
M. Goran Jovanovic et Mme Jelena Lopicic, pour Zoran Vukovic

 

1. La Chambre de première instance est saisie de la Notification préliminaire du Procureur relative à sa réplique («la Notification»), déposée le 20 septembre 2000, de la Réponse de la Défense à la notification préliminaire du Procureur relative à sa réplique («la Réponse »), déposée le 25 septembre 2000 par le conseil de Radomir Kovac («la Défense») et de la Réponse du Procureur à la réponse de la Défense à la Notification préliminaire du Procureur relative à sa réplique («la Réplique »), déposée le 27 septembre 2000.

2. Le Procureur a omis de demander l’autorisation de déposer une réplique à la Réponse, comme le prescrit l’Ordonnance relative au dépôt des requêtes rendue le 9 mars 1998. La Chambre estime toutefois qu’à ce stade avancé de la procédure et compte tenu de la nature de la question posée, l’intérêt de la justice commande d’assimiler la Réplique elle-même à une demande d’autorisation de répliquer et d’accéder à cette demande.

3. Dans sa Notification, le Procureur déclare son intention de faire comparaître de nouveau les témoins FWS-87 et FWS-191 («les témoins à charge») dans le cadre de sa réplique — au sens de l’article 85 A) iii) du Règlement de procédure et de preuve («le Règlement») — aux dires des témoins de la Défense DH, DI, DK, DL, DM, DN, DO et DV («les témoins à décharge»). Le Procureur entend poser à ces témoins à charge des questions «relatives aux actions et aux déclarations spécifiques que leur ont attribuées les témoins de la Défense, auxquelles ils n’ont pas eu la possibilité de répondre lors du contre-interrogatoire consécutif à l’interrogatoire principal de l’Accusation»1.

4. La Défense objecte que rappeler lesdits témoins à charge n’est ni possible ni «équitable» dans le cadre de la procédure visée à l’article 85 A) iii) du Règlement, en l’absence d’explications circonstanciées sur les événements spécifiques à propos desquels ils sont cités à nouveau et sur les raisons pour lesquelles l’Accusation estime qu’ils n’ont pas eu la possibilité de répondre lors du contre-interrogatoire consécutif à la présentation des moyens de l’Accusation2. La Défense est d’avis que les témoins à décharge n’ont pas déposé à propos des événements qui seraient pertinents pour rappeler les témoins à charge, de sorte que «rien, dans la déposition du témoin FWS-191, ne peut réfuter les dires des témoins à décharge susmentionnés qui ont déjà déposé»3. Elle soutient en outre que puisque les témoins à décharge ont été soumis à un interrogatoire principal et à un contre-interrogatoire, il n’y a pas de point nécessitant d’être débattu ni de question à poser aux témoins à charge4. Elle ajoute que la Chambre de première instance devrait se prononcer sur le poids à accorder aux témoignages présentés5. La Défense déclare ensuite que pour le cas où le Procureur devrait être autorisé à rappeler les deux témoins, elle prie la Chambre de première instance de prendre immédiatement acte de son intention de rappeler alors, si nécessaire, les témoins à décharge et des témoins supplémentaires dans le cadre de sa duplique, au sens de l’article 85 A) iv) du Règlement6. La Défense réclame que la question soit débattue oralement7.

5. La Réplique du Procureur contient «un échantillonnage des points» évoqués par les témoins à décharge mais que les témoins à charge n’ont pas eu l’occasion d’aborder lorsqu’ils ont comparu dans le cadre de la présentation des moyens à charge8. Ils portent en général sur l’existence ou non d’une liaison entre FWS-87 et l’accusé Radomir Kovac9.

6. Les dispositions réglementaires pertinentes sont les articles 89 C), 85 («Présentation des moyens de preuve») et 90 («Témoignages»). L’article 89 C) dispose que la «Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent qu’elle estime avoir valeur probante». En ses parties pertinentes, l’article 85 dispose comme suit :

A) Chacune des parties peut appeler des témoins à la barre et présenter des moyens de preuve. À moins que la Chambre n’en décide autrement dans l’intérêt de la justice, les moyens de preuve sont présentés dans l’ordre suivant : i) preuves du Procureur ; ii) preuves de la défense ; iii) réplique du Procureur ; iv) duplique de la défense ; v) moyens de preuve ordonnés par la Chambre de première instance conformément à l’article 98 ci-après ; et vi) toute information pertinente permettant à la Chambre de première instance de décider de la sentence appropriée si l’accusé est reconnu coupable d’un ou plusieurs des chefs figurant dans l’acte d’accusation. B) Chaque témoin peut, après son interrogatoire principal, faire l’objet d’un contre-interrogatoire et d’un interrogatoire supplémentaire. Le témoin est d’abord interrogé par la partie qui le présente. Toutefois, un juge peut également poser toute question au témoin à quelque stade que ce soit . […].

En ses parties pertinentes, l’article 90 dispose comme suit :

[…] G) La Chambre de première instance exerce un contrôle sur les modalités de l’interrogatoire des témoins et de la présentation des éléments de preuve, ainsi que sur l’ordre dans lequel ils interviennent, de manière à : i) rendre l’interrogatoire et la présentation des éléments de preuve efficaces pour l’établissement de la vérité et ; ii) éviter toute perte de temps inutile. H) i) Le contre-interrogatoire se limite aux points évoqués dans l’interrogatoire principal, aux points ayant trait à la crédibilité du témoin et à ceux ayant trait à la cause de la partie procédant au contre-interrogatoire, sur lesquels portent les déclarations du témoin. ii) Lorsqu’une partie contre-interroge un témoin qui est en mesure de déposer sur un point ayant trait à sa cause, elle doit le confronter aux éléments dont elle dispose qui contredisent ses déclarations. iii) La Chambre de première instance peut, si elle le juge bon, autoriser des questions sur d’autres sujets10.

7. La Chambre de première instance juge erronée la Réponse de la Défense.

8. La Réplique de l’Accusation répond à la première objection soulevée dans la Réponse, à savoir que le Procureur aurait omis d’exposer en détail les événements spécifiques au sujet desquels les témoins à charge devraient être rappelés. Les débats tenus en audience à diffusion restreinte le 12 septembre 200011 et l’exposé, dans la Réplique, d’un «échantillonnage» des points à aborder, démontrent clairement que les témoins appelés dans le cadre de la réplique évoqueront la prétendue liaison entre le témoin FWS-87 et l’accusé Radomir Kovac, dans le cadre de l’examen de l’accusation de réduction en esclavage.

9. Les débats tenus en audience à diffusion restreinte fournissent également la réponse à la deuxième objection de la Défense, à savoir que le Procureur serait tenu d’expliquer en quoi les témoins à charge n’ont pas eu l’occasion de répondre à ces points lors de leur contre-interrogatoire par la Défense dans le cadre de la présentation des moyens à charge. Lors de leur contre-interrogatoire par la Défense, ni le témoin FWS-87, ni le témoin FWS-191 n’ont eu l’occasion d’être confrontés, comme le prescrit l’article 90 H) ii), à la cause de la Défense selon laquelle en raison de l’existence d’une prétendue liaison entre FWS-87 et Radomir Kovac, l’accusé n’a pas réduit FWS-87 en esclavage.

10. Comme prévu à l’article 85, la Défense peut appeler des témoins dans le cadre de sa duplique.

11. Par ces motifs, la Chambre de première instance estime inutile la tenue d’une audience sur la question. La Chambre a) accorde au Procureur l’autorisation de déposer sa Réplique et b) rejette l’objection de la Défense.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
/signé/
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba

Fait le vingt-huit septembre 2000
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Notification, par. 4.
2. Réponse, p. 2 et 3.
3. Réponse, p. 2
4. Réponse, p. 2 et 3
5. Réponse, p. 3.
6. Réponse, p. 3.
7. Réponse, p. 3.
8. Réplique, par. 1.
9. Réplique, par. 2 à 5.
10. Non souligné dans l’original.
11. Compte rendu d’audience en anglais, p. 5491 à 5507.