Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1           Le mardi 21 mars 2000

  2               [Audience publique]

  3               [Les accusés entrent dans la Cour]

  4               [Le témoin entre dans la Cour]

  5               --- L’audience débute à 9 h 33

  6         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  La Greffière

  7   pourrait-elle annoncer l’affaire ?

  8   LA GREFFIÈRE :  Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T, Le Procureur

  9   contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic.

 10         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je suppose

 11   que les parties sont composées comme hier et je propose

 12   qu’on poursuive.

 13         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je vous remercie,

 14   Madame la Présidente.

 15         Mais avant de commencer, puis-je vous adresser une

 16   demande formelle pour que la Chambre de première instance

 17   autorise que l’on procède d’une certaine sorte avec ce

 18   témoin, à savoir j’ai déjà demandé à la Défense que les

 19   traits du visage soient déformés et qu’ils n’apparaissent

 20   pas à l’écran ?  Nous avons déjà demandé cela et nous

 21   demandons à la Chambre de nous l’accorder à présent.

 22         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je m’adresse

 23   à la Défense.  Pouvez-vous accepter cela ?

 24         Me PRODANOVIC (interprétation) :  Oui, Madame la

 25   Présidente et Messieurs les Juges.  J’ai déjà entendu mon


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  1   collègue à ce sujet et nous sommes d’accord avec les

  2   mesures de protection qui ont été demandées.

  3         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous

  4   remercie.

  5         Nous pouvons continuer.  Les mesures qui ont été

  6   demandées sont accordées par la Chambre.

  7         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je vous remercie.

  8         LE TÉMOIN (interprétation) :  Je déclare

  9   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

 10   rien que la vérité.

 11         TÉMOIN :  TÉMOIN 33 (ASSERMENTÉE)

 12         INTERROGÉE PAR Me RYNEVELD :

 13         Q.    Témoin, vous allez voir un bout de papier. 

 14   Je voudrais que vous le regardiez.

 15         R.    [Signe de tête]

 16         Q.    Vous l’avez consulté.  Votre nom et votre

 17   numéro de témoin figurent-ils sur ce papier ?

 18         R.    Oui.

 19         Q.    Je m’adresserai à vous en utilisant ce numéro

 20   tout au long de votre déposition et tous mes collègues,

 21   lorsqu’ils vous parleront, utiliseront ce même numéro.

 22         Me RYNEVELD (interprétation) :  Cette note a été

 23   montrée à la Chambre.  Je vous remercie.  S’il convient de

 24   le verser au dossier, ce serait la pièce 176, mais je ne

 25   sais pas si vous souhaitez qu’on le verse.


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  1         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Oui.  Il est

  2   sous scellé.

  3         Me RYNEVELD (interprétation) :  Donc, oui, sous

  4   scellé.  Ce serait bien le numéro 176 ?

  5         LA GREFFIÈRE :  Donc, le nom de ce témoin est le

  6   Témoin 33 et il sera en pièce à conviction numéro 176 du

  7   Procureur.

  8         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Sous scellé.

  9         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je vous remercie.

 10         Q.    Vous êtes médecin et vous avez fait vos

 11   études de médecine à Belgrade pour autant que je sache ?

 12         R.    Oui, c’est exact.  Je suis médecin et j’ai

 13   fait mes études de médecine à Belgrade, la médecine

 14   générale, et j’ai suivi la spécialisation à Belgrade, et

 15   par la suite, encore un degré de spécialisation à Zagreb.

 16         Q.    Et vous êtes spécialisée dans la pédiatrie ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Vous avez été élevée dans la municipalité de

 19   Foca ?

 20         R.    Oui.

 21         Q.    Vous vous êtes mariée là-bas et vous avez eu

 22   vos enfants là-bas ?

 23         R.    Oui.

 24         Q.    Vous avez travaillé comme médecin à cet

 25   endroit et vous avez enseigné aux élèves en médecine à Foca


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  1   dans les années qui ont précédé l’année 1992 et à partir de

  2   ce moment-là pendant une brève période ?

  3         R.    Oui.

  4         Q.    Je vous remercie.

  5         R.    C’est moi.

  6         Q.    De quelle appartenance ethnique ou religieuse

  7   êtes-vous ?

  8         R.    Je suis musulmane de religion et je suis

  9   Bosniaque d’appartenance.

 10         Q.    Vous n’avez pas été active dans une activité

 11   politique quelconque avant la guerre ?

 12         R.    Non.

 13         Q.    Pourriez-vous nous dire ce que vous pensiez

 14   des relations entre les musulmans et les Serbes à l’époque

 15   où vous viviez à Foca avant 1990 ?  De manière générale,

 16   quelles étaient les relations entre les habitants de Foca ?

 17         R.    Avant la guerre, ces relations étaient les

 18   meilleures du monde.  On n’aurait pas pu en souhaiter de

 19   meilleures.  Nous vivions tous de la même manière.  Il n’y

 20   avait pas de partage entre les Serbes, les Croates et les

 21   musulmans ou d’autres.  Nous vivions ensemble.  Nous étions

 22   très proches par un des uns ou des autres de nos enfants. 

 23   Il y avait environ 30 pour cent de mariages mixtes en

 24   Bosnie.  Nous fêtions nos fêtes religieuses ou autres

 25   ensemble et nous nous rendions les uns chez les autres,


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  1   chez les voisins, chez nos amis serbes ou croates pour

  2   leurs fêtes religieuses.  Nous nous réunissions tous. 

  3   C’était une vie… on n’aurait pas pu en souhaiter de

  4   meilleure.

  5         Q.    À un moment, d’après ce que j’en sais, ces

  6   relations idylliques se sont transformées :  Est-ce exact ?

  7         R.    Oui, oui.  Elles se sont modifiées

  8   pratiquement du jour au lendemain, hélas.

  9         Q.    Pourriez-vous vous concentrer sur l’année

 10   1990 ou à peu près cette période ?  Un incident particulier

 11   se serait-il produit à cette époque qui aurait modifié la

 12   situation ?

 13         R.    Je ne pourrais pas préciser à quelle époque

 14   exactement cela s’est produit en 1990 mais à Foca, il a

 15   commencé à y avoir des séparations, des lignes de partage

 16   entre les Serbes et les musulmans.  Il y a eu une affaire,

 17   l’affaire de Focatrans.  C’est une entreprise de transport. 

 18   Il y a eu quelque dissension entre le directeur de cette

 19   entreprise, musulman, et quelques employés qui étaient

 20   d’appartenance nationale serbe, et par la suite, des partis

 21   nationaux se sont constitués.  Je ne sais pas si c’était en

 22   1990 ou 1991.  Moi, je n’ai appartenu à aucun de ces

 23   partis, et à l’époque, on continuait à vivre ensemble.

 24         Il y avait encore la concorde mais il a commencé à

 25   se produire quelque chose qui laissait entendre qu’il


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  1   fallait différencier les gens, qu’il fallait les séparer. 

  2   Je ne sais pas exactement comment identifier ce qui s’est

  3   passé.  Ce n’était pas dans la rue.  Il n’y a pas eu de

  4   bagarre mais entre certaines personnes, il y a eu des

  5   conflits, donc des personnes d’appartenances ethniques

  6   différentes, et c’est là que des partis nationaux se sont

  7   constitués, le SDA et le SDS, le SDA qui était le parti de

  8   la partie musulmane et le parti SDS du côté serbe.

  9         Je crois que c’est ça qui a créé un terrible fossé

 10   entre les gens et ça a mené à ce qui allait se produire

 11   ultérieurement car en fait, en réalité, ceux qui étaient à

 12   la tête de ces partis nationaux, ce qu’ils voulaient

 13   c’était leurs partis, leurs états nationaux, et cela a

 14   influé sur nous.  Nous nous redoutions que quelque chose

 15   allait se passer parce que s’il y avait eu ce partage, on

 16   aurait pu continuer à vivre comme auparavant et quant à

 17   nous qui ne faisions pas partie de ces partis nationaux,

 18   cela nous inquiétait énormément.

 19         Q.    Très bien.  Vous avez évoqué le SDS et le

 20   SDA.  Vous avez dit que c’était deux partis nationaux qui

 21   ont été constitués et je suppose que c’était à peu près à

 22   cette époque ?

 23         R.    Je crois que c’était en 1990.  Je ne suis pas

 24   absolument sure.  Moi, je n’ai appartenu à aucun de ces

 25   partis.  Alors, je ne suis pas vraiment absolument sure


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  1   mais je crois que c’est à cette époque-là que les partis

  2   nationaux ont été constitués.

  3         Q.    La constitution du SDS quant à cela, vous

  4   vous rappelez un incident impliquant le stade de foot de

  5   Foca, un incident qui se serait produit lors de ce

  6   rassemblement du SDS ?

  7         R.    Au stade de Foca, c’est le SDS qui a été

  8   constitué.  Je ne m’y suis pas rendue.  C’était une

  9   manifestation publique.  Tout et chacun pouvait s’y rendre,

 10   de quelque nationalité qu’ils soient.  On pouvait venir

 11   entendre quels étaient les projets et le programme du

 12   parti.  Donc moi, je ne m’y suis pas rendue mais les

 13   personnes qui étaient à la tête du SDS sont venues :

 14   Biljana Plavcic, Maksimovic, Ostojic et très semblablement

 15   Karadzic.  Je ne suis pas sure.  Je n’y étais pas.

 16         Mais après, j’en ai entendu parler à la

 17   télévision, j’ai lu dans les journaux et un de mes

 18   collègues est venu qui est d’une municipalité voisine,

 19   Dusko Kornjaca il s’appelle, et ce qui m’a frappé moi en

 20   tant que personne et en tant que médecin, en tant

 21   qu’humaniste, c’était les déclarations disant que la Drina

 22   coulerait de nouveau ensanglantée puisque cela a été le cas

 23   pendant la Seconde Guerre mondiale, et ça, je n’arrivais

 24   pas à comprendre que les gens aient pu prononcer ce genre

 25   de propos.  Ce n’est pas digne d’un homme et encore moins


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  1   de notre profession ou lors d’un rassemblement public et

  2   suite à une vie harmonieuse commune.

  3         Q.    Par rapport à la télévision, à la radio,

  4   ainsi que ce que vous ont dit vos collègues, est-ce que

  5   vous avez compris ou deviné quel devait être le sort des

  6   musulmans de Foca ?  Qu’est-ce qui allait leur arriver ? 

  7   Est-ce qu’ils allaient rester à Foca ?

  8         R.    L’assemblée de la République, le Parlement de

  9   la République, eh bien, c’est quelque chose que nous

 10   suivions à la télévision tout le temps et ces années-là,

 11   des disputes, des heurts ont commencé entre ces deux partis

 12   nationaux.  Je me rappelle une déclaration, une déclaration

 13   de Karadzic notamment.  Il a dit :  « Soit la Bosnie se

 14   partagera le long des lignes ethniques, soit un peuple sera

 15   rayé de cette région et ce peuple, ce seront les

 16   musulmans. »  Bien entendu que tout citoyen normalement

 17   constitué a eu des craintes à partir de ce moment-là mais

 18   nous espérions que cela n’allait pas se produire.

 19         Q.    Je vous remercie, Témoin.  Pourriez-vous

 20   maintenant vous reportez à la semaine qui a précédé le

 21   début de la guerre à Foca ?  Donc, on parle du début du

 22   mois d’avril 1992.  Pouvez-vous nous décrire la situation à

 23   Foca pour ce qui est des détentions, l’attente et l’état

 24   d’esprit des gens ?  Donc, cette semaine qui a précédé la

 25   guerre.


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  1         R.    Pour autant que je m’en souvienne, quant aux

  2   relations entre les collègues, donc à l’hôpital où je

  3   travaillais, les relations n’ont pas été modifiées mais ce

  4   qui était un peu étonnant c’est que nos collègues serbes se

  5   réunissaient un peu plus souvent entre eux dans certaines

  6   pièces.  Moi, j’aimais bien fréquenter les gens et discuter

  7   des choses ouvertement avec tout et chacun mais quand

  8   j’entrais par exemple dans une pièce comme ça, ils

  9   s’arrêtaient, ils ne parlaient plus.  Alors, je leur

 10   disais :  « Mais dites-moi de quoi parlez-vous.  Est-ce que

 11   vous avez des griefs à notre encontre ? »  Et je ne

 12   recevais pas de réponse.  Néanmoins, les relations

 13   restaient correctes, amicales comme avant.

 14         Cependant, dans la ville… je vous le dis comme ça

 15   d’après ce qui se disait.  Moi, je n’étais pas membre d’un

 16   parti quelconque et je travaillais, j’étais très occupée. 

 17   En fait, tout ce que je vous relate c’est des histoires que

 18   j’ai entendues de la part des infirmières et des gens qui

 19   travaillaient à l’hôpital.  Donc, elles me rapportaient ce

 20   qui se disait dans les foyers, dans la rue.  Alors, il

 21   était question de partager le SUP, donc le ministère de

 22   l’Intérieur, de le partager en deux, donc une partie

 23   musulmane d’une part et serbe d’autre part.

 24         Donc en réalité, le peuple serait divisé en deux

 25   parties dans la ville.  Donc, vous avez les Serbes d’un


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  1   côté et les musulmans.  Si je ne parle pas de Croates,

  2   c’est parce qu’il y en avait très, très peu dans notre

  3   ville.  Et ça, ça nous faisait très peur car partager,

  4   diviser les institutions qui protégeaient les deux peuples,

  5   cela ne pouvait pas mener à quelque chose de bien.

  6         Pour autant que je sache, les gens qui étaient

  7   employés au sein du SUP, ils n’étaient pas d’accord avec

  8   ça.  Ils étaient des amis.  Ça faisait des années qu’ils

  9   travaillaient ensemble.  Ils entretenaient des relations

 10   correctes et ils ne voyaient pas pourquoi il y aurait une

 11   division.  Mais je pense que Maksimovic, Ostojic, Cancar,

 12   donc ceux qui étaient du SDS, ils insistaient sur cela et

 13   je pense qu’effectivement, il y a eu cette division et le

 14   chaos s’est ensuivi.

 15         Q.    Puis-je vous interrompre à cet endroit ?  Je

 16   voudrais revenir sur un quelque petit point que vous avez

 17   évoqué dans votre réponse.  Premièrement, vous avez dit que

 18   vos collègues au travail, à l’hôpital, arrêtaient de parler

 19   ou quelques-uns d’entre eux s’arrêtaient de parler quand

 20   vous entriez.  C’était des musulmans ou des Serbes ?

 21         R.    Ils n’ont pas arrêté de nous parler à nous

 22   mais ils se réunissaient dans certaines pièces entre eux. 

 23   Ils étaient tous de même appartenance nationale et s’ils

 24   étaient en train de discuter, au moment qu’un collègue

 25   musulman entrait, ils s’interrompaient net.  Mais pour ce


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  1   qui est de nos relations de travail, elles se sont

  2   poursuivies comme auparavant.

  3         Donc, quand ils se trouvaient entre eux, par

  4   exemple les Serbes, à discuter de quelque chose, à parler

  5   de quelque chose, s’il y avait un musulman qui entrait dans

  6   la pièce, ce n’était pas agréable pour nous, c’est vrai, de

  7   voir les voix s’interrompre comme ça, mais au niveau des

  8   relations entre collègues, cela ne s’est pas modifié. 

  9   C’est juste donc le fait qu’eux s’arrêtaient de parler. 

 10   Donc, c’est ça qui suscitait ce doute dans nos esprits que

 11   quelque chose n’allait pas bien.

 12         Q.    Merci.  La deuxième clarification s’il vous

 13   plaît.  Vous avez mentionné le SUP.  Il me semble que vous

 14   avez dit ce que c’était.  C’est un autre nom pour la police

 15   locale, est-ce exact ou c’est une erreur ?

 16         R.    Oui, oui.  C’est le nom qu’on emploie pour la

 17   police locale.

 18         Q.    Vous l’avez également appelé ministère de

 19   l’Intérieur ou quelque chose comme ça ?  Comment l’avez-

 20   vous appelé ?

 21         R.    Ça s’appelait Secrétariat des Relations

 22   intérieures.

 23         Q.    Donc, c’était la police qui était chargée de

 24   mettre en œuvre les lois, d’appliquer la loi dans la

 25   municipalité de Foca ?


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  1         R.    Oui, oui.

  2         Q.    Pour que ce soit tout à fait clair, les

  3   hommes politiques de l’époque voulaient partager donc cette

  4   police entre les Serbes et les musulmans ?

  5         R.    Oui.  C’est ce que je voulais dire.  Les

  6   politiciens voulaient partager donc la police pour qu’il y

  7   ait une partie serbe et une partie musulmane.  Les Serbes

  8   travailleront donc avec les Serbes et les musulmans avec

  9   les musulmans et il y aurait des contacts entre eux.  Du

 10   moins, c’est ça que disaient les rumeurs qui couraient dans

 11   la ville.

 12         Q.    Et c’était de toute évidence une modification

 13   par rapport à la situation d’avant ?

 14         R.    Oui.  C’était un grand changement.  Nous

 15   avions vraiment très peur parce que nous ne nous attendions

 16   pas à ce que quoi que ce soit se produise suite à cette vie

 17   commune de qualité.  Avant, nous n’avions aucune raison de

 18   craindre quoi que ce soit, mais à partir du moment où on

 19   commence à partager, à diviser les gens, il y avait toute

 20   raison de craindre que de mauvaises choses se produisent et

 21   que les relations s’enveniment.

 22         Q.    Vous pouviez voir ou entendre quoi que ce

 23   soit vous laissant entendre que les gens réagissaient à

 24   cela ?  Tout le monde est resté à Foca ou bien il y a eu

 25   quelques départs ?


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  1         R.    Eh bien nous, on se demandait – concrètement

  2   mes collègues parce que c’était les gens qui m’étaient les

  3   plus proches – pourquoi mettaient-ils à l’abri leurs

  4   familles en Serbie, leurs enfants ou parfois leurs femmes ? 

  5   Donc, ils les envoyaient en Serbie ou au Monténégro, et ça,

  6   on ne le comprenait pas.  On ne comprenait pas ce qui

  7   pouvait se passer.  Mais nous, on rassemblait, on

  8   réunissait nos familles.  Nos enfants venaient chez nous,

  9   ceux qui avaient été ailleurs, et nous ne comprenions pas…

 10   en fait quant cela s’est produit, quand il s’est produit ce

 11   qui s’est produit, en fait, on a vu qu’eux avaient su

 12   auparavant tout cela et qu’ils ont mis en sécurité leurs

 13   enfants alors que nous, comme on n’était pas au courant, on

 14   n’a pas su les protéger.

 15         À l’époque, c’était l’époque du Bajram musulman. 

 16   Les enfants qui faisaient leurs études à l’extérieur de

 17   Foca, bien, ils revenaient à la maison.  Moi, j’ai deux

 18   enfants.  Ils étaient tous les deux des étudiants.  Bien,

 19   tous les deux, ils sont rentrés à la maison.

 20         Q.    Devons-nous comprendre d’après votre réponse

 21   que les gens partaient de Foca, quittaient Foca ?

 22         R.    Les enfants et les femmes qui ne

 23   travaillaient pas partaient, quittaient Foca avec leurs

 24   enfants.

 25         Q.    C’était les familles serbes ou les familles


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  1   musulmanes qui partaient avec leurs enfants ?

  2         R.    Les familles serbes partaient avec leurs

  3   enfants.

  4         Q.    Nous parlons de quelle période à présent ?

  5         R.    Eh bien, c’était peut-être 10 jours avant le

  6   début de, comme on l’appelait, la guerre de Foca.  Quand il

  7   a commencé à y avoir des coups de feu et des barrages ont

  8   été érigés, c’est par là… c’est le 8 avril qu’on a commencé

  9   à entendre des coups de feu à Foca et ça, c’était 10 jours

 10   avant.  Peut-être qu’il y a eu des familles musulmanes qui

 11   sont parties aussi, des familles musulmanes qui auraient

 12   été au courant.  Ça, je ne le sais pas mais je sais que les

 13   enfants de mes collègues, leurs épouses partaient pour la

 14   plupart au Monténégro et en Serbie, et puis les familles

 15   aisées, ceux qui pouvaient emmener les leurs à l’extérieur,

 16   bien, emmenaient leurs familles à l’extérieur de la ville.

 17         Q.    Auriez-vous entendu quoi que ce soit au sujet

 18   des événements un peu étonnants ou étranges qui se seraient

 19   produits, notamment pour ce qui est des armements ?  Les

 20   Serbes se seraient-ils préparés au sujet des armements ?

 21         R.    Eh bien, c’était à la télévision et c’était à

 22   la presse.  On montrait les camions qui transportaient les

 23   armes de Serbie en Bosnie et on disait que la nuit, les

 24   camions circulaient afin de distribuer les armes et d’armer

 25   les foyers et les familles serbes.  Je ne l’ai pas vu. 


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  1   J’ai entendu que cela se produisait également à Foca.

  2         Q.    À une date ultérieure, quelque chose est

  3   venue confirmer ces rumeurs ?

  4         R.    Je dirais que c’était bien la confirmation. 

  5   Quand on a entendu des coups de feu, on a vu que les Serbes

  6   étaient pratiquement tous armés.

  7         Q.    Vous avez dit que vous travailliez à

  8   l’hôpital.  Pourriez-vous nous parler de fournitures

  9   médicales, de médicaments, donc au sujet de ce que nous

 10   venons d’aborder ?

 11         R.    Quelques mois avant le début de la guerre,

 12   trois ou quatre mois, on s’est mis à manquer de pansements,

 13   de pansements par exemple aux départements de chirurgie, de

 14   gynécologie, d’ophtalmologie, d’ORL, et alors les gens ont

 15   commencé à se rendre compte que les solutions nécessaires

 16   aux transfusions ou par exemple les pansements ont commencé

 17   à manquer et j’ai entendu des gens parler à l’hôpital.

 18         Certains ont vu une dizaine de camions partir

 19   chargés comme ça un jour.  Il s’agissait des réserves où on

 20   a prélevé pratiquement tous les pansements et tout le

 21   matériel servant à faire des pansements.  Ils ont chargé

 22   donc… c’était un entrepôt, un bâtiment qui se trouvait

 23   derrière l’hôpital principal de l’hôpital et ces camions

 24   portaient la plaque d’immatriculation de Trebinje, et

 25   vraisemblablement, ils sont partis en direction de


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  1   Trebinje.  À l’époque, c’était le théâtre des opérations de

  2   Dubrovnik parce qu’à l’époque, la guerre sévissait déjà en

  3   Croatie.

  4         Pour ce qui est de tout ce matériel de soins, de

  5   médicaments et de pansements, ce que j’ai entendu c’est que

  6   ce matériel était emporté dans les villages alentour où on

  7   se serait mis à préparer des dispensaires de secours pour

  8   avoir sous la main donc ce matériel.

  9         Q.    Ai-je bien compris qu’il s’agissait donc d’un

 10   processus de transport de médicaments et de matériel ? 

 11   Est-ce que ça a commencé avant le 8 avril ?

 12         R.    Oui, avant, avant la guerre.  Nous au début,

 13   on ne prêtait pas attention mais après on s’est rendu

 14   compte que c’était lié.

 15         Q.    Alors quant à ces fournitures, elles étaient

 16   entreposées à quel endroit à Foca avant d’arriver à

 17   l’hôpital ?

 18         R.    Où est-ce qu’on gardait ses réserves

 19   médicales avant d’arriver à l’hôpital, il y avait un

 20   bâtiment derrière l’hôpital à une cinquantaine de mètres

 21   qui a été construit spécialement pour ce qu’on appelait les

 22   réserves de guerre et ce qu’utilisait l’hôpital, cela se

 23   trouvait dans la pharmacie de l’hôpital dans un des

 24   bâtiments du centre hospitalier.

 25         Q.    Vous aviez également un entrepôt d’une


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  1   compagnie pharmaceutique à Foca ?

  2         R.    Oui, il y avait un entrepôt.  En fait, il y

  3   avait un entrepôt de médicaments qui était situé pas loin

  4   de Aladza, près du centre d’enseignement secondaire.  Ça

  5   appartenait à Vela Farmacija et c’est là qu’il y avait

  6   beaucoup de réserves, de médicaments.

  7         Q.    Vous savez qui était le directeur de cet

  8   entrepôt et de quelle appartenance ethnique était ce

  9   directeur ?

 10         R.    Le directeur de la pharmacie de l’hôpital

 11   était Vitomir Mrgud de nationalité serbe et à Vela

 12   Farmacija, c’était Milka Przulj, Serbe elle aussi.

 13         Q.    Très bien.  Et c’était les personnes qui

 14   contrôlaient donc les fournitures pharmaceutiques ?

 15         R.    Oui.

 16         Q.    Est-ce qu’il y avait éventuellement quelques

 17   avertissements ?  Est-ce qu’on aurait pu éventuellement

 18   s’attendre qu’avant le 8 avril la guerre allait se

 19   déclencher ?

 20         R.    Je pense que c’était le 5 avril, le soir.  Il

 21   y avait une manifestation pour la paix qui a été organisée

 22   à Foca.  Les Serbes et les musulmans ont participé à cette

 23   manifestation.  C’était le dimanche soir.  Mes enfants

 24   également étaient parmi les manifestants.  Ils étaient des

 25   étudiants, je l’ai dit, et ils étaient à Foca.  Je n’étais


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  1   pas moi-même présente.  Je ne sais pas combien d’hommes,

  2   combien à peu près il y en avait qui ont participé, mais il

  3   y avait à la télévision un certain nombre de publicités qui

  4   ont été consacrées à cette manifestation et d’après

  5   lesquelles on disait : « Nous sommes pour la paix.  Nous ne

  6   sommes pas pour la guerre. »

  7         On a pu remarquer également qu’il y avait un

  8   certain nombre de déplacements des unités militaires. 

  9   C’est ce que nous avons pu suivre à la télévision.  Moi

 10   personnellement, bien évidemment, je ne l’ai pas vu ça de

 11   mes propres yeux mais j’ai vu à la télévision ces

 12   déplacements des troupes en direction de Sarajevo et de

 13   Trebinje.  C’est quelque chose qu’on a pu suivre à la

 14   télévision et également dans la presse quotidienne.

 15         Même à ce moment-là, on ne pouvait pas

 16   véritablement croire qu’il y avait quelque chose de

 17   désagréable qui allait se passer parce qu’on ne voyait pas

 18   la raison.  Il n’y avait pas véritablement de raison pour

 19   ça.

 20         Q.    Entendu !  Par conséquent, vous avez passé la

 21   plupart de votre temps à Foca.  Vous nous avez dit

 22   également qu’avant que la guerre se déclenche, il

 23   s’agissait d’une communauté qui vivait en bonnes relations

 24   et tout le monde était dans ces relations ?

 25         R.    Oui.


Page 460

  1         Q.    Par conséquent, je considère que vous aviez

  2   beaucoup d’amis également qui appartenaient à des groupes

  3   ethniques différents, n’est-ce pas ?

  4         R.    Oui, j’avais beaucoup d’amis qui

  5   appartenaient à la communauté serbe et davantage parmi les

  6   Serbes que parmi les musulmans.  Ma sœur est mariée à un

  7   Serbe.  Le frère de ma mère est marié à une Serbe, l’autre,

  8   un Français.  L’autre également était marié à un Croate. 

  9   Par conséquent, dans notre famille, c’était en quelque

 10   sorte la Yougoslavie en petit.

 11         Q.    Eh bien, je vais vous poser une autre

 12   question maintenant.  Est-ce que vous avez été avertie

 13   éventuellement par vos amis vous-même ou bien

 14   éventuellement, est-ce que vos voisins vous ont dit

 15   qu’éventuellement la guerre allait se déclencher ?  Est-ce

 16   qu’on vous a prévenue ?  Est-ce qu’on vous a dit qu’il

 17   fallait que vous quittiez la ville ?

 18         R.    Mais c’est une question qui est très

 19   douloureuse que vous me posez et qui me fait beaucoup de

 20   peine et c’est ce qui me fait beaucoup de peine en tant

 21   qu’être humain, comme amie, et c’est de la part de mes

 22   amis, de mes collègues, que je n’ai jamais reçu aucun

 23   avertissement.  J’avais deux enfants.  J’ai travaillé à

 24   Foca.  J’ai travaillé pratiquement 29 ans.  Trois mois a

 25   manqué pour 29 ans.  J’ai aidé pratiquement tout le monde


Page 461

  1   et en dehors de mes heures de travail, je recevais plein de

  2   monde chez moi et personne ne m’a jamais rien payé.  Je

  3   suis vraiment… ça me fait beaucoup de peine mais je suis

  4   désolée d’être obligée de vous dire que personne, personne

  5   ne m’a jamais dit quoi que ce soit au sujet de ce qui

  6   allait se passer.  Excusez-moi mais ça me fait beaucoup de

  7   peine et c’est la raison pour laquelle je réagis comme ça.

  8         Q.    Maintenant, je vais vous poser encore une

  9   question mais buvez tranquillement votre verre d’eau.  Je

 10   sais que ceci vous pose beaucoup de problèmes mais je vais

 11   être obligé de vous poser les questions au sujet du 8 avril

 12   1992.

 13         Dites-nous s’il vous plaît, relatez-nous par vos

 14   propres paroles ce qui s’était passé ce jour-là et ce qui a

 15   changé complètement votre vie.

 16         R.    Le 8 avril 1992, comme toute autre personne,

 17   je suis partie à 7 h 00 pour me rendre travailler mais il

 18   n’y avait pas de car qui normalement nous transportait à

 19   l’hôpital et nous étions quelques-uns et nous nous sommes

 20   dirigés vers l’hôpital.  Il y avait les deux barrages sur

 21   lesquels nous sommes tombés.  Il y avait des personnes qui

 22   avaient des cagoules sur les têtes et qui étaient auprès

 23   des barrages.  Je ne pouvais pas reconnaître bien

 24   évidemment ces personnes, ni moi, ni mes collègues, ni les

 25   infirmières qui étaient avec moi.  On n’avait aucun


Page 462

  1   problème.

  2         Nous nous sommes rendus jusqu’à l’hôpital tout à

  3   fait librement et c’est à ce moment-là que les gens ont

  4   commencé à se rendre à l’hôpital.  Enfin, je parle bien

  5   évidemment des employés de l’hôpital.  Leurs familles sont

  6   restées à Foca et ils se sont rendus à l’hôpital.  Ils ont

  7   amené leurs enfants à l’hôpital parce qu’ils se disaient

  8   qu’il y avait quand même quelque chose qui allait se

  9   passer.  Il y avait des barrages qui ont été dressés, la

 10   police également.  Comme je l’ai dit, le ministère des

 11   Affaires intérieures a été déjà séparé et ils trouvèrent le

 12   refuge à l’hôpital.

 13         Avec un collègue, je suis partie en ville.  J’ai

 14   une voiture pour amener les membres de ma famille, et puis

 15   lui également, il voulait amener ses propres membres de sa

 16   famille, mais ma famille est restée et ils sont restés

 17   seuls.

 18         Q.    Excusez-moi s’il vous plaît, je vais vous

 19   demander de ne pas parler si rapidement pour que les

 20   interprètes puissent suivre la dynamique, le rythme dont

 21   vous parlez.

 22         Vous nous avez par conséquent relaté quel était

 23   l’état à peu près ce jour-là.  Est-ce que vous vous êtes

 24   rendue à l’hôpital – je ne suis pas sûr que je vous ai

 25   compris tout à fait – ou bien vous êtes restée chez vous ?


Page 463

  1         R.    Non.  Je suis restée chez moi car ma famille

  2   ne voulait pas quitter la maison.  Donc, les membres de ma

  3   famille ne voulaient pas quitter la maison.

  4         Q.    Merci.  Est-ce que vous vous êtes rendue

  5   quand même à l’hôpital à un moment donné ?

  6         R.    Non.  Pendant ce temps-là, non.  J’étais dans

  7   la cave du bâtiment où j’habitais normalement avec d’autres

  8   voisins.  À ce moment-là, on a commencé à tirer dans la

  9   ville de plus en plus.  On est resté dans la cave

 10   pratiquement la journée entière mais quand les tirs

 11   s’arrêtaient, moi, je suis sortie une ou deux fois mais

 12   j’étais pratiquement obligée de ramper dans l’appartement

 13   parce qu’il y avait des balles qui venaient de toutes les

 14   parties.

 15         Q.    Et votre bâtiment se trouvait à quel endroit

 16   à Foca ?

 17         R.    C’est juste en face de l’hôtel de Zelengora. 

 18   C’est un quartier qui n’appartenait ni à Aladza ni à Donje

 19   Polje, juste en face de Zelengora.

 20         Q.    Tout à l’heure, je vais vous montrer la

 21   carte.  Mais pour le moment, donc vous êtes chez vous. 

 22   Est-ce que c’était une maison particulière ou

 23   éventuellement c’était un bâtiment d’habitation ?

 24         R.    C’était un bâtiment avec 27 appartements.  Il

 25   y avait des Serbes et des musulmans.  Nous étions tous


Page 464

  1   ensemble dans la cave.  Il y avait un certain nombre de

  2   membres de familles serbes qui ne sont pas descendus dans

  3   la cave mais la majorité se trouvait parmi nous.

  4         Q.    Par conséquent, je suppose que les habitants

  5   ont essayé donc de s’abriter dans la cave.  C’est ça ce que

  6   vous vouliez dire ?  Les musulmans et les Serbes ?

  7         R.    Oui.

  8         Q.    Et vous vous êtes cachés pourquoi ?

  9         R.    Mais on a commencé à tirer dans la ville.  Je

 10   ne sais pas d’où les tirs venaient mais de toute façon, les

 11   fenêtres également étaient percées par les balles et il y

 12   avait des meubles qui ont été détruits le soir notamment. 

 13   Moi, je ne comprends pas ce qui se passait tout à fait

 14   parce que je ne connais pas les types d’armes qu’ils

 15   utilisaient.  Nous étions dans la cave mais de toute façon,

 16   on sentait que les balles arrivaient, puis on sentait

 17   l’intensité également qui a monté.  En fait, les tirs

 18   étaient de plus en plus violents.

 19         Q.    Eh bien, comment vous vous êtes nourris

 20   pendant ce temps-là ?

 21         R.    J’ai déjà dit qu’au cours de la journée, je

 22   suis sortie à quelques reprises de la cave, même la nuit,

 23   mais j’ai rampé pratiquement.  On mangeait du pain et puis

 24   tout ce qu’on pouvait manger sans vraiment faire de la

 25   cuisine.  On avait quelques charcuteries à la maison.  On a


Page 465

  1   préparé des sandwichs.

  2         Q.    Entendu !  Je vois bien.  Par conséquent, en

  3   sortant de la cave, avez-vous pu voir s’il y avait des

  4   dégâts éventuellement dans votre département ?

  5         R.    Oui.  On a pu voir que les vitres ont été

  6   brisées.  Il y avait également quelques meubles qui ont été

  7   abîmés.  Probablement, ce sont les balles qui ont déchiré

  8   par exemple des tissus, des canapés, ou bien dans la

  9   vitrine, il y avait un certain nombre d’objets qui ont été

 10   abîmés.

 11         Q.    Entendu !  Je comprends.  Vous êtes restée

 12   combien de temps dans la cave avec les voisins ?

 13         R.    Entre le 8 et le 14 avril.

 14         Q.    Est-ce que vous avez pu voir pendant ce

 15   temps-là ce qui se passait dans d’autres quartiers de la

 16   ville ?

 17         R.    Nous n’avons pas séjourné longtemps dans

 18   l’appartement.  Nous étions au quatrième étage.  Mais je me

 19   souviens, il y avait quand même un soir où c’était plutôt

 20   calme.  Je pense que c’était le 12 avril.  On ne tirait pas

 21   beaucoup et je me souviens que la ville était illuminée. 

 22   On a regardé d’un côté et on a pu voir qu’il y avait un

 23   quartier de la ville qui a été incendié.

 24         À l’époque, on l’appelait centre-ville, Carsija,

 25   et c’est un quartier de la ville où il y avait des


Page 466

  1   boutiques typiques, toutes petites comme avant la Deuxième

  2   Guerre mondiale.  En général, il s’agissait des boutiques

  3   qui ont été construites en bois, en poutre.  C’est un style

  4   de construction oriental et cette partie de la ville a été

  5   incendiée et c’est la raison pour laquelle on a vu que la

  6   ville pratiquement était illuminée.

  7         Me RYNEVELD (interprétation) :  On pourrait peut-

  8   être montrer maintenant au témoin ce que nous avons montré

  9   comme pièce à conviction 12/1.  C’est une carte qui a été

 10   remplacée, la carte de remplacement.

 11         Q.    Est-ce que je peux voir si véritablement il

 12   s’agit de la carte dont il était question ?

 13         R.    Oui, absolument.

 14         Me RYNEVELD (interprétation) :  C’est donc la

 15   pièce à conviction 12/1.  Il serait peut-être utile de

 16   placer sur le rétroprojecteur la carte.  L’huissier peut-il

 17   mettre la carte sur le rétroprojecteur ?

 18         Je pense qu’il serait utile également que le

 19   témoin puisse avoir sa carte directement sous ses yeux

 20   étant donné que nous possédons tous cette carte, peut-être

 21   pas tout à fait sur le rétroprojecteur.  Ça dépend

 22   également des Juges.  S’ils le demandent, on peut la placer

 23   sur le rétroprojecteur.  Mais il y a également une légende

 24   avec les numéros.  Je ne sais pas si c’est bon pour le

 25   témoin de placer sur le rétroprojecteur.


Page 467

  1         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Mais je

  2   pense qu’il est mieux quand même de la placer sur le

  3   rétroprojecteur parce que de toute façon, on ne voit pas le

  4   témoin.  Par conséquent, il ne faut pas non plus cacher ce

  5   qui se trouve sur le rétroprojecteur.  À mon avis, c’est

  6   mieux.

  7         Me RYNEVELD (interprétation) : 

  8         Q.    Madame, est-ce que vous pouvez reconnaître ce

  9   qui se trouve sur cette carte ?

 10         R.    Oui, je peux.

 11         Q.    Mais est-ce que vous reconnaissez que la

 12   carte comme la carte de Foca ?

 13         R.    Oui.  Je vois que c’est la carte de Foca.  Il

 14   s’agit du quartier industriel de la ville.

 15         Q.    Un petit moment s’il vous plaît.  On va juste

 16   attendre un petit moment.  Est-ce que vous avez aidé le

 17   Bureau du Procureur pour préparer la carte et de la manière

 18   à identifier un certain nombre de secteurs qui sont marqués

 19   par les chiffres ici ?

 20         R.    Oui.

 21         Q.    Entendu !  Par conséquent, il y a un certain

 22   nombre de données que vous avez mis à la disposition du

 23   Bureau du Procureur, n’est-ce pas ?

 24         R.    Oui.

 25         Q.    Vous avez acquiescé ?


Page 468

  1         R.    Oui.

  2         Q.    Est-ce que vous voulez s’il vous plaît

  3   répondre ?  Ça c’est utile également.

  4         R.    Oui.

  5         Q.    Vous reconnaissez par conséquent qu’il s’agit

  6   de la carte.  Est-ce que vous pouvez utiliser le pointeur

  7   et montrer ce que vous avez eu l’intention de nous montrer

  8   au moment où je vous ai interrompu ?

  9         R.    Eh bien, ici tout au début, c’est donc la

 10   rive de la Drina, de la rivière Drina.  À droite, c’est

 11   Brod, un quartier industriel.  Ensuite donc en aval, en

 12   direction de Foca.

 13         Q.    Mais pour le compte rendu, vous avez montré à

 14   gauche en bas un quartier qui était intitulé « Brod ». 

 15   Maintenant avec le pointeur, vous descendez la rivière de

 16   Drina et qu’est-ce que c’est ?

 17         R.    Le numéro 1 c’est le hall de sport, enfin le

 18   Centre sportif Partizan.  Ensuite, vous avez le SUP, le

 19   ministère des Affaires intérieures.  Ensuite, numéro 3, la

 20   mairie.  Ensuite, le numéro 4, un bâtiment.

 21         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Me Ryneveld,

 22   l’authenticité de ce document a été déjà confirmée, n’est-

 23   ce pas ?

 24         Me RYNEVELD (interprétation) :  Mais je n’essaie

 25   pas de prouver quoi que ce soit.  Je voulais tout


Page 469

  1   simplement poser la question au témoin.

  2         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Mais vous avez

  3   déjà posé la question.  Vous avez dit qu’elle vous a aidé

  4   pour écrire ce document.

  5         Me RYNEVELD (interprétation) :  D’accord.  Merci,

  6   Monsieur le Juge.

  7         Q.    Madame le Témoin, vous nous avez dit qu’il y

  8   avait ce quartier qui a été incendié.  Si j’ai bien

  9   compris, il s’agissait par conséquent d’un quartier qui a

 10   été construit après la Deuxième Guerre mondiale et qu’il

 11   s’agissait des maisons qui étaient en bois.  Est-ce que

 12   vous pouvez nous décrier sur la carte ou plutôt nous

 13   montrer sur la carte où se trouvait ce quartier ?

 14         R.    Il faudrait que je me rapproche un petit peu

 15   pour voir.

 16         Q.    Mais je ne sais pas si on peut pousser un

 17   petit peu le siège.  Mais il paraît que ce n’est pas

 18   possible.

 19         R.    Il s’agit par conséquent d’une agglomération

 20   qui était en face de la route.  Il y avait des maisons

 21   particulières musulmanes, et en contrebas par rapport à la

 22   route, il y avait donc de ces HLM qui étaient habités aussi

 23   bien par les Serbes que par les musulmans et d’autres

 24   groupes ethniques.  Cette partie de la ville a été

 25   pratiquement incendiée.  Je ne peux pas dire que c’est tout


Page 470

  1   le quartier qui a été incendié mais en majorité, oui.

  2         Q.    Entendu !  Par conséquent, vous parlez d’un

  3   secteur que vous montrez avec le pointeur.  C’est le 12

  4   avril que vous avez pu remarquer que ce secteur a été

  5   incendié ?

  6         R.    Non.

  7         Q.    Mais c’est le chiffre numéro « 7 », n’est-ce

  8   pas ?

  9         R.    Non, mais c’est le centre-ville qui a été

 10   incendié.  Le 12, c’est Carsija, mais ce n’est pas sur la

 11   carte et c’est la partie qui se trouvait en haut par

 12   rapport au Centre sportif Partizan et du côté du centre-

 13   ville, là où se trouvait… je ne sais pas comment

 14   m’expliquer.  C’est un quartier qui appartenait à Gornje

 15   Polje.  Par conséquent, il ne s’agit pas du tout du

 16   quartier qui a été incendié le 12 avril.

 17         C’était Prijeka Carsija qui ne figure pas sur la

 18   carte et ce Prijeka Carsija, ce centre donc qui a été

 19   appelé comme ça, se trouve par rapport à l’hôtel Zelengora

 20   à l’opposé.  Je ne peux pas véritablement localiser

 21   exactement.  Je me souviens qu’il y avait une mosquée mais

 22   la mosquée a été détruite également.  Ensuite, il y avait

 23   un marché et c’est à partir du marché qu’il y avait un

 24   chemin qui allait vers ce Prijeka Carsija.  Mais ce Prijeka

 25   Carsija ne figure pas sur la carte ici.


Page 471

  1         Q.    Entendu !  Merci.  Je pourrais peut-être vous

  2   demander maintenant de nous dire s’il y avait

  3   éventuellement quelque chose qui s’est passé le 14 avril et

  4   si c’était le cas, à ce moment-là, de nous relater cet

  5   événement.

  6         R.    Le 14 avril, il y avait quelques-uns de mes

  7   amis serbes, connaissances serbes qui m’ont appelée et qui

  8   m’ont prévenue et qui m’ont dit que la police militaire

  9   allait se rendre dans l’appartement pour voir si

 10   éventuellement il y a des armes et qu’ils allaient tout

 11   simplement rassembler les armes et que de toute façon, il

 12   ne fallait pas craindre quoi que ce soit, qu’ils allaient

 13   se rendre très tôt le matin, et bien évidemment, nous

 14   étions tous à la porte du bâtiment vers 6 h 00, 6 h 30.

 15         Il y avait quelques personnes qui sont venues et

 16   ils nous ont demandé de sortir.  Les Serbes et les

 17   musulmans ensemble sont sortis et nous nous sommes donc

 18   cachés derrière une partie du bâtiment.  Ils nous ont

 19   demandé de remettre les armes.  Tous ont remis les armes

 20   mais c’était des armes avec des autorisations que les

 21   personnes en question disposaient et qu’ils ont obtenu

 22   auprès du ministère des Affaires intérieures.  Mon mari

 23   également a remis cette arme mais il y avait une

 24   autorisation.

 25         Ensuite, il y avait une école qui se trouvait pas


Page 472

  1   loin.  On nous a demandé de traverser la cour et de nous

  2   diriger vers un dispensaire qui était dans le quartier, et

  3   à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une

  4   trousse avec des médicaments pour mon mari qui était malade

  5   et j’ai demandé tout simplement qu’on me permette de

  6   retourner chercher ma trousse.  Il y avait une personne qui

  7   était présente.  Moi, je ne l’ai pas reconnu mais lui, il

  8   m’avait appelé « Docteur » et il m’a permis de retourner

  9   pour chercher cette trousse avec les médicaments.

 10         Au moment où je suis retournée… cette personne

 11   portait une cagoule mais de toute façon, je ne l’ai

 12   toujours pas reconnue, mais ce n’était pas important pour

 13   moi parce que ce qui était important c’est d’avoir la

 14   trousse avec les médicaments.  Mon mari en avait

 15   véritablement besoin.  Donc, je suis retournée vers

 16   l’appartement, j’ai pris la trousse et lui, il m’a dit :

 17   « Docteur, si vous souhaitez, vous pouvez rentrer dans

 18   votre appartement.  Prenez tout dont vous avez besoin et

 19   tout ce qui a une valeur. »  Alors moi, je lui ai dit :

 20   « Tout a une valeur parce que moi, j’ai travaillé 30 ans

 21   pour avoir tout ce que j’ai actuellement dans mon

 22   appartement. »  Par conséquent, j’ai tout simplement fermé

 23   la porte, j’ai pris ma trousse et ensuite, il m’a

 24   accompagné. 

 25         Nous nous sommes rendus jusqu’au dispensaire du


Page 473

  1   quartier.  Il y avait un certain nombre d’autres voisins,

  2   de citoyens également.  Il y avait des Serbes et il y avait

  3   des musulmans.  On nous a dit que c’était l’endroit où on

  4   était en sécurité.  C’est la raison pour laquelle nous

  5   sommes restés à cet endroit-là.  Il y avait une certaine

  6   personne qui répondait au nom Nedjo.  Je ne sais pas quel

  7   était son nom de famille mais il paraît qu’il travaillait

  8   dans une banque commerciale.  Il nous a dit par la suite de

  9   nous aligner et d’aller deux par deux et de nous rendre

 10   dans une prairie, ce qui a été fait.

 11         Nous nous sommes dirigés vers ce pré.  Sur la

 12   carte d’ailleurs, on peut très bien voir.  C’est au niveau

 13   du centre secondaire et c’est marqué par le chiffre numéro

 14   « 9 ».  Juste devant le bâtiment de cette école secondaire,

 15   il y avait beaucoup de soldats qui portaient des couvre-

 16   chefs noirs, des bérets également, des brassards blancs,

 17   des uniformes, des insignes différents.

 18         Nous sommes restés quelque peu de temps sur place

 19   et ensuite, nous avons continué en prenant cette route. 

 20   Sur la carte, c’est le chiffre « 10 ».  Ce sont les prés

 21   dont je parle.  À l’époque, c’était des entrepôts

 22   militaires qui étaient stationnés, ensuite les entrepôts

 23   d’une société industrielle.

 24         Nous avons été escortés par des soldats mais tous

 25   ne portaient pas des armes.  Il y avait un soldat qui


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  1   n’avait pas de cagoule et je l’ai reconnu.  C’était

  2   quelqu’un que je connaissais parce qu’il était à l’école

  3   infirmière et j’ai plaisanté même un petit peu :  « Si je

  4   savais, je n’aurais pas été aussi gentille avec toi quand

  5   tu étais à l’école. »  Alors lui, il m’a dit :  « Mais

  6   Docteur, je vais vous aider parce qu’il ne faut pas vous

  7   rendre à l’endroit, enfin dans cette prison, parce que là-

  8   bas, on pourra vous passer à tabac.  Il vaut mieux donc que

  9   vous restiez sur Livade et pas à Velecevo. »

 10         Dans les prés, il y avait des hangars.  C’était

 11   les grands entrepôts qui étaient là-bas.  Il y avait un

 12   espace dégagé également entre les deux hangars et nous

 13   sommes restés à cet endroit-là pendant un certain temps. 

 14         Ensuite, ce Nedjo est arrivé et quelques autres

 15   personnes également qui étaient en tenue… enfin qui

 16   portaient des uniformes vert-olive, qui n’avaient pas des

 17   uniformes de camouflage et qui sont arrivées vers nous. 

 18   Ils nous ont tout simplement pris nos noms et nos prénoms. 

 19   En ce qui nous concerne, moi-même, mon mari et les autres

 20   membres de ma famille, on ne nous a pas demandé les noms. 

 21   Probablement qu’ils nous connaissaient mais je sais qu’ils

 22   avaient tout simplement établi deux listes, d’un côté une

 23   liste où ils ont marqué les noms des Serbes et l’autre les

 24   musulmans.  C’était un petit peu vexant.  Nous sommes tous

 25   sortis d’un même bâtiment et nous étions des voisins et


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  1   tout d’un coup, on nous a séparés et on a inscrit nos noms

  2   sur deux listes séparées.

  3         Au bout d’un certain temps, au bout d’une heure ou

  4   deux heures éventuellement, les Serbes sont partis pour

  5   regagner leurs maisons alors que nous, on est resté sur

  6   place.

  7         Q.    Excusez-moi, attendez.  Vous avez dit que les

  8   Serbes sont retournés vers leurs maisons.  Est-ce que vous

  9   parlez des personnes qui, comme vous, sont arrivées jusqu’à

 10   l’endroit où vous étiez emmenés ?

 11         R.    Oui.

 12         Q.    Par conséquent, vous avez acquiescé.  Est-ce

 13   que nous pouvons nous arrêter ici ?  Est-ce que vous

 14   pourriez maintenant nous relater qui était rassemblé à

 15   l’endroit et qui étaient ces personnes dont les noms

 16   figuraient sur les deux listes différentes ?

 17         R.    Je ne sais pas.  Je ne connaissais pas.  Tout

 18   simplement, j’ai vu ce Nedjo.  Je ne le connaissais pas

 19   auparavant mais on m’a dit qu’il s’appelait Nedjo et qu’il

 20   travaillait dans la Privredna Banka.  Il y avait trois ou

 21   quatre personnes qui portaient des uniformes militaires et

 22   ces personnes-là ont dressé les listes, d’une part des

 23   listes pour les musulmans et d’autres, les listes des

 24   Serbes.  Donc, il y avait des listes où figuraient des noms

 25   des musulmans et une autre liste où figuraient des noms des


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  1   Serbes.  Nous étions au nombre d’une centaine, peut-être

  2   120.

  3         Q.    Arrêtez-vous s’il vous plaît.  Je m’excuse si

  4   ma question n’était pas suffisamment claire.  Justement, je

  5   suis en train de parler de ces 100 à 120 personnes qui

  6   étaient rassemblées là-bas.  Est-ce que toutes ces

  7   personnes ont été amenées à ce même endroit comme vous et

  8   vos voisins ?

  9         R.    Oui.  Ces gens qui étaient là-bas habitaient

 10   dans des immeubles voisins par rapport au bâtiment dans

 11   lequel moi, je vivais.

 12         Q.    Je vois.  Et après que ces listes ont été

 13   constituées, vous avez dit que les Serbes sont rentrés chez

 14   eux.  De qui parlez-vous : de ces 100, 120 personnes qui

 15   étaient rassemblées là-bas ?

 16         R.    C’était des Serbes qui faisaient partie de ce

 17   groupe de personnes.  C’était donc nos voisins, les gens

 18   qui vivaient dans ces immeubles.

 19         Q.    Donc, les gens qui se trouvaient sur les

 20   listes serbes ont reçu les instructions de rentrer chez

 21   eux ?  C’est ce que vous voulez dire ?

 22         R.    Oui.  C’est ce que je voulais dire.

 23         Q.    Merci.  Je m’excuse de ne pas avoir compris

 24   ceci auparavant.  Est-ce que vous pouvez nous dire

 25   maintenant ce qui est arrivé aux gens dont les noms


Page 477

  1   figuraient sur les listes musulmanes ?

  2         R.    Nous étions nombreux, il n’y avait pas

  3   beaucoup de place là-bas et ce dénommé Nedjo – tout le

  4   monde l’appelait Nedjo de toute façon – il a dit : « S’il y

  5   a quelqu’un que nous connaissons dans ce groupe, la

  6   personne peut rentrer et revenir le lendemain. »

  7         Moi, je connaissais la famille Bojat.  La femme de

  8   cet homme travaillait dans l’hôpital, j’ai soigné ses

  9   petits enfants et j’ai dit que je pouvais aller chez eux. 

 10   Il leur a téléphoné et il a demandé si nous pouvions venir. 

 11   Ils ont été d’accord et donc nous, nous sommes partis,

 12   escortés par un jeune homme qui portait un uniforme

 13   militaire et moi, je connaissais cet homme très bien.  Il

 14   avait travaillé à l’hôpital et c’est lui qui nous a

 15   escortés jusqu’à la maison Bojat.  Lui aussi, il était l’un

 16   des membres de cette famille.

 17         Donc, nous avons passé la nuit là-bas et le

 18   lendemain, nous sommes rentrés à cet endroit où se

 19   trouvaient des hangars.

 20         Q.    À Livade de nouveau ?

 21         R.    Oui, à Livade, conformément aux consignes que

 22   nous avions reçues.

 23         Q.    Que s’est-il produit lorsque vous êtes

 24   rentrée à Livade ?

 25         R.    À ce moment-là, ils nous ont placés dans des


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  1   pièces différentes.  Dans ce hangar se trouvaient deux

  2   salles et un long couloir.  Il y avait environ une centaine

  3   de personnes qui ont été amenées pendant la nuit et dans

  4   les deux pièces se trouvaient pratiquement tous ces gens-

  5   là. 

  6         Dans une pièce, il y avait moi, ma famille et

  7   environ une trentaine d’autres personnes.  C’était une

  8   pièce de trois mètres sur trois et nous étions assez

  9   nombreux et dans l’autre pièce, il y avait encore plus de

 10   personnes.  Je ne peux pas vous dire le nombre exact parce

 11   que je ne sortais pas de ma pièce et je ne voulais pas me

 12   mettre en contact avec des gens, poser des questions.  Moi,

 13   je me préoccupais de ma famille et de ce qui allait nous

 14   arriver.

 15         Dans l’autre hangar qui se trouvait à une

 16   vingtaine de mètres du nôtre, l’une des personnes en

 17   uniforme m’a dit que plusieurs de mes collègues qui avaient

 18   travaillé dans le dispensaire y avaient été placés et il

 19   m’a amenée là-bas et c’est là que j’ai trouvé mon collègue,

 20   Dr Sadinlija, le Dr Karovic, Selimovic, et ensuite, il y

 21   avait également trois chauffeurs qui avaient travaillé pour

 22   le même dispensaire.

 23         Q.    Merci.  Peut-être je peux vous arrêter à ce

 24   point-là pour vous poser la question de savoir combien de

 25   temps vous avez été détenue à Livade.


Page 479

  1         R.    Nous avons passé quatre jours à Livade.  Ils

  2   relâchaient des femmes et des enfants et également des

  3   personnes âgées et malades et lorsque c’était notre tour,

  4   nous avons dû attendre.  Nous avons dit : « Est-ce que nous

  5   pouvons partir, nous aussi ? », mais au moment où il

  6   fallait sortir, ils disaient par exemple que moi et ma

  7   fille, nous pouvions sortir et que mon mari et mon fils ne

  8   pouvaient pas sortir.  Ceci se reproduisait le premier, le

  9   deuxième, le troisième jour et moi, j’ai dit à ce moment-là

 10   que je ne quitterais ces lieux sans eux qu’une fois morte.

 11         Q.    Merci.  Dites-nous très brièvement, s’il vous

 12   plaît, pendant que vous étiez à Livade, quelle était

 13   l’appartenance ethnique de gens qui y étaient avec vous

 14   dans ces hangars ?  Étaient-ils tous des musulmans ?

 15         R.    Ils étaient tous des musulmans, sauf un

 16   voisin à moi qui était serbe et un autre voisin, lui aussi,

 17   il était serbe et un troisième qui est reparti dès le

 18   lendemain, lui aussi, il était un serbe.  Je crois qu’il

 19   était de Serbie.  Les deux autres, je les connaissais. 

 20   L’un d’eux travaillait dans la société Maglic.  Je pense

 21   qu’il était un technicien forestier.  Il y en avait un

 22   autre qui travaillait à l’agence d’assurances.

 23         Q.    Pendant que vous étiez à Livade, avez-vous vu

 24   des blessés ?

 25         R.    Oui.


Page 480

  1         Q.    De quelle sorte de blessures s’agissait-il ? 

  2   Combien de fois les avez-vous vues ?

  3         R.    Les frères Selimovic ont été amenés.  Ils

  4   avaient été tabassés.  L’un d’eux avait pratiquement perdu

  5   l’œil.  Il ne pouvait pratiquement pas bouger.  Je ne sais

  6   pas très exactement de quelle sorte de blessures il

  7   s’agissait puisqu’ils étaient dans l’autre pièce et moi, je

  8   n’étais pas à même de les examiner.  Personne ne me l’a

  9   demandé d’ailleurs et je ne pouvais pas le faire de mon

 10   propre gré.

 11         Une autre personne, Uzunovic, Enis, qui faisait

 12   partie du personnel médical, lui aussi, il avait été passé

 13   à tabac.  Il était gravement blessé.  Je ne sais pas très

 14   exactement de quelle sorte de blessures il s’agissait mais

 15   il ne pouvait pas respirer et puis je sais qu’il y en a eu

 16   d’autres dans la même situation.

 17         Q.    Est-ce que vous avez vu ces personnes avant

 18   leur passage à tabac et ensuite après ou juste au moment où

 19   elles ont été amenées dans cet état-là ?

 20         R.    Je les ai vues juste dans cet état-là.

 21         Q.    Pendant que vous étiez à Livade pendant ces

 22   trois ou quatre jours, est-ce que vous avez reçu de la

 23   nourriture, est-ce que vous avez pu vous laver, est-ce

 24   qu’il y a eu des possibilités de faire tout cela ?

 25         R.    Non.  Il s’agissait de hangars où la


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  1   marchandise devait être stockée.  Il n’y avait pas de

  2   toilettes.  Mais par exemple, pour déféquer – je m’excuse

  3   de l’expression – il fallait sortir escorté de deux soldats

  4   et puis pour uriner, il fallait monter dans le grenier, et

  5   parfois, il y avait des fuites du haut vers la pièce en bas

  6   où nous étions.

  7         Q.    Je vois.  Pendant… c’est-à-dire votre séjour

  8   à Livade a pris fin au bout de quatre jours.  Est-ce que

  9   vous pouvez nous dire dans quelles circonstances ceci s’est

 10   produit et vous, où avez-vous été amenée ensuite ?

 11         R.    Un soir, il faisait très noir, il pleuvait. 

 12   Des camions sont venus.  Ils nous ont chargés dans des

 13   camions et ils nous ont amenés jusqu’au KP Dom, c’est-à-

 14   dire la prison qui était connue à Foca auparavant déjà.

 15         Q.    Je vois.  Lorsque vous dites : « Nous, nous y

 16   avons été amenés », vous parlez de toute votre famille ?

 17         R.    Toute ma famille et tous les gens qui se

 18   trouvaient dans le hangar ont été amenés dans ce KP Dom,

 19   cet établissement pénitentiaire, ce soir-là.

 20         Q.    Que s’est-il produit ensuite ?

 21         R.    C’était la nuit.  Ils nous ont placés dans

 22   des pièces.  Moi, j’étais dans une pièce avec ma famille et

 23   quelques autres personnes.  Il y avait huit lits et nous

 24   étions au nombre de 12.  Dans l’autre pièce, il y avait

 25   environ 50 lits pour 75 personnes.  Dans la troisième


Page 482

  1   pièce, je ne sais pas quel était le nombre.  Je sortais de

  2   la pièce où moi, j’avais été détenue seulement si je devais

  3   le faire, mais nous pouvions disposer des toilettes, de

  4   l’eau, des couvertures.  Il s’agissait des équipements qui

  5   faisaient partie de l’établissement pénitentiaire

  6   auparavant déjà.

  7         Q.    Pendant que vous étiez là-bas, est-ce que

  8   vous avez vu certains de vos anciens collègues ?

  9         R.    J’ai vu encore une fois le Dr Sadinlija, le

 10   Dr Karovic également, Dr Selimovic et par la suite, ils ont

 11   amené le Dr Torlak.  Moi, je croyais qu’il était venu afin

 12   de procéder à un examen de quelqu’un.  Ils l’ont amené de

 13   l’hôpital et il portait l’uniforme blanc médical et donc,

 14   c’était un chirurgien.  J’ai vu certains autres membres du

 15   personnel médical dont je ne me souviens pas les noms.

 16         Q.    Vous venez d’énumérer les noms de ces

 17   docteurs.  Est-ce que vous savez quelle était leur

 18   appartenance ethnique ?

 19         R.    Oui.  Il s’agissait de mes collègues.  Ils

 20   travaillaient à Foca.  Nous nous connaissions bien.  Je

 21   pense qu’aucun d’eux, sauf Karovic peut-être, n’était

 22   membre d’un quelconque parti nationaliste.

 23         Q.    Je voulais savoir si vous saviez s’ils

 24   étaient des Serbes ou des musulmans.

 25         R.    Je sais qu’ils étaient des musulmans.


Page 483

  1         Q.    Tous ?

  2         R.    Excusez-moi, je n’ai pas entendu votre

  3   question.

  4         Q.    Tous ces gens, ces docteurs que vous avez

  5   mentionnés, dont vous avez mentionné les noms, est-ce

  6   qu’ils étaient tous des médecins musulmans ?

  7         R.    Ils étaient tous des médecins musulmans.

  8         Q.    Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ils

  9   y étaient, dans quelle capacité ?  Est-ce qu’ils y ont été

 10   amenés de force comme vous ou bien est-ce qu’ils y avaient

 11   été envoyés pour d’autres fins ?

 12         R.    Lorsque nous, nous avons été amenés à Livade,

 13   dans une partie de ce camp se trouvait déjà le Dr Karovic,

 14   Sadinlija… [Note de l’interprète :  Un troisième dont

 15   l’interprète n’a pas entendu le nom] …et puis trois

 16   chauffeurs qui avaient été emmenés du dispensaire.

 17         Q.    Est-ce qu’ils avaient été emprisonnés ou bien

 18   est-ce qu’il s’agissait simplement des médecins qui

 19   exerçaient leur métier vis-à-vis des personnes emprisonnées

 20   dans le KP Dom ?

 21         R.    Non, ils n’exerçaient pas leur métier.  Ils

 22   étaient des prisonniers tout comme moi.

 23         Q.    Je vois.  Pendant que vous étiez détenue là-

 24   bas, donc dans le KP Dom, est-ce que vous avez vu des

 25   personnes blessées, et si oui, est-ce que vous pouvez nous


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  1   dire dans quelles circonstances avaient-ils été blessés ?

  2         R.    J’ai vu plusieurs personnes blessées à KP Dom

  3   qui ont été amenées après avoir été blessées parce que,

  4   pour autant que je m’en souvienne, des gens n’étaient pas

  5   passés à tabac sur place là-bas.  Je me souviens très bien

  6   de deux personnes gravement blessées.  L’un d’eux était

  7   Kuno Marinovic, un Croate, dont, entre autres choses, la

  8   mâchoire était cassée, et puis un autre, Munib Beco,

  9   c’était un commerçant, il avait été violemment passé à

 10   tabac.  Son dos était couvert de bleus.  Je l’ai vu une

 11   seule fois et puis plus jamais.

 12         Q.    Est-ce que l’on vous a demandé de soigner

 13   l’un d’eux ?

 14         R.    Non.

 15         Q.    Combien de temps est-ce que vous êtes restée

 16   dans KP Dom ?

 17         R.    Au total, si je compte le camp et le KP Dom,

 18   je peux dire que mes deux enfants et moi, nous y avons

 19   passé dix jours et mon mari y est resté encore deux jours. 

 20   Nous, nous sommes sortis le 24 et mon mari le 26 avril.

 21         Q.    Pendant que vous étiez toujours emprisonnée

 22   dans le KP Dom, est-ce que vous avez entendu ce qui était

 23   arrivé dans votre appartement ?  Là je parle de

 24   l’appartement dans lequel vous avez vécu entourée de vous

 25   voisins avant votre arrestation et détention.


Page 485

  1         R.    J’ai entendu de la part de personnes qui sont

  2   venues par la suite que mon appartement a été incendié le

  3   jour où nous, nous avons été amenés au camp.  Ceci s’est

  4   produit le 14 avril vers 2 h 00 de l’après-midi.

  5         Q.    Lorsque vous êtes partie le 24 avril, est-ce

  6   que vous avez eu l’occasion de rentrer chez vous afin de

  7   vérifier si tel était effectivement le cas ?

  8         R.    Vous parlez de mon appartement ?

  9         Q.    Oui.  Je m’excuse si je n’étais pas

 10   suffisamment clair.

 11         R.    Pendant quelques jours, je n’y suis pas

 12   allée.  Je suis allée dans l’appartement de mon collègue

 13   Sadinlija.  J’ai été dans son appartement pendant toute la

 14   période avant de quitter Foca.

 15         Q.    Vous êtes allée dans l’appartement de votre

 16   collègue puisque votre appartement à vous avait été

 17   incendié.  Est-ce exact ?

 18         R.    Oui.  Il a été complètement détruit.  Par la

 19   suite, j’y suis allée avec un collègue du personnel médical

 20   et une personne de la police.  Nous y sommes allés et j’ai

 21   pu voir qu’il a été complètement détruit et que rien n’est

 22   resté intact dans l’appartement.

 23         Q.    Après la libération de vous et votre famille

 24   du KP Dom, est-ce que vous êtes restée à Foca pendant une

 25   certaine période ?


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  1         R.    Oui, pendant deux mois.

  2         Q.    Pendant ces deux mois, est-ce que vous êtes

  3   rentrée au travail à un moment en tant que médecin ?

  4         R.    Dès ma sortie du camp, donc le 25, je suis

  5   allée à l’hôpital et j’ai travaillé, mais je ne faisais

  6   plus le même métier.  Il n’y avait plus tellement de

  7   patients dans l’hôpital.  Il y avait encore deux collègues

  8   qui étaient restés.  Il s’agissait des collègues serbes. 

  9   La situation était plus avantageuse pour eux que pour moi. 

 10   Il y avait des tensions dans l’air. 

 11         Je ne sais pas, peut-être les gens leur faisaient

 12   plus confiance qu’à moi tout d’un coup, mais moi, de toute

 13   façon, j’avais été médecin et je suis restée médecin dans

 14   mon fort intérieur.  J’ai continué à aller au travail

 15   jusqu’au 20 mai.  Donc, j’allais au travail mais je n’ai

 16   pas reçu de salaire. 

 17         Au moment où je devais recevoir le salaire,

 18   c’était déjà après notre départ de l’hôpital puisqu’on nous

 19   a dit qu’on ne pouvait plus y travailler et je suis allée

 20   voir un ami serbe.  C’était quelqu’un qui était un bon ami,

 21   c’était un collègue.  Je suis allée dans son appartement. 

 22   Je lui ai dit : « Qu’est-ce qui arrive avec notre salaire »

 23   et il a répondu : « Nous, nous avons reçu notre salaire de

 24   Trebinje et vous, vous allez recevoir le vôtre de

 25   Sarajevo. »  J’ai trouvé ça bizarre puisque ce n’était pas


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  1   possible que l’on reçoive notre salaire de Sarajevo.

  2         Q.    Donc, vous dites que vous avez travaillé

  3   jusqu’au 20 mai et ensuite, vous dites quelque chose comme

  4   on vous a dit que vous ne pouviez plus venir travailler. 

  5   Est-ce que quelqu’un vous a dit cela directement ?

  6         R.    Non.  Ils nous ont dit, je ne sais pas qui a

  7   donné ces ordres, quels étaient les hauts fonctionnaires

  8   qui ont émis les ordres, mais ils ont dit que les médecins

  9   musulmans ne pouvaient plus travailler dans l’hôpital.  Il

 10   y avait quatre médecins hommes.  Moi, j’étais l’unique

 11   femme médecin et on nous a dit qu’on ne pouvait plus

 12   travailler, ni les médecins, ni les infirmières, ni

 13   d’autres membres du personnel médical.

 14         Q.    Donc, on vous a empêchée de travailler après

 15   le 20 mai ?

 16         R.    Il nous était interdit de travailler.

 17         Q.    Très bien !  Dites-nous, pendant ces deux

 18   mois que vous avez passés à Foca après votre libération le

 19   24 avril, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous avez

 20   pu observer dans la ville de Foca ?  Est-ce que vous pouvez

 21   nous dire ce qui est arrivé aux foyers musulmans ?

 22         R.    Je sais quelle était la situation à Donje

 23   Polje, par exemple, parce que je pouvais voir bien ce

 24   quartier depuis l’endroit où j’habitais.  Les foyers

 25   musulmans dans cette partie étaient incendiés.  La plupart


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  1   des maisons, peut-être deux tiers des maisons qui faisaient

  2   partie de cette agglomération appelée Donje Polje étaient

  3   incendiées.

  4         Q.    Il s’agissait d’une agglomération musulmane ?

  5         R.    C’était pour la plupart une agglomération

  6   musulmane.  Il y avait parfois par-ci, par-là une maison

  7   serbe ou croate, mais la grande majorité était des maisons

  8   musulmanes.

  9         Q.    Et en ce qui concerne les mosquées de la

 10   ville ?

 11         R.    Toutes les mosquées de la ville ont été

 12   détruites et incendiées.

 13         Q.    Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à la

 14   mosquée Alazda ?

 15         R.    Bien sûr que oui.  Alazda, c’était l’une des

 16   plus vieilles mosquées.  Je crois qu’elle a été construite

 17   environ en l’an 1555.  Elle avait bénéficié de la

 18   protection de l’UNESCO et j’étais à Foca au moment où le

 19   minaret a été détruit et après mon départ de Foca, le reste

 20   a été détruit également.  C’est la dernière mosquée qui a

 21   été détruite.

 22         Q.    Pendant que vous étiez là-bas avant votre

 23   départ, est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose sur

 24   ce qui arrivait à la population musulmane à Foca ?  Est-ce

 25   que cette population-là est restée en ville ou bien est-ce


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  1   que vous pouvez nous dire ce qui est arrivé ?

  2         R.    La partie de la population qui est restée

  3   dans la ville ne pouvait pas quitter la ville avant de

  4   recevoir l’autorisation indiquant que nous pouvions sortir

  5   avec des laissez-passer, mais la plupart des hommes

  6   musulmans ont été amenés au camp.

  7         Q.    Vous parlez de combien de personnes ?

  8         R.    Je ne peux pas vous donner le nombre exact. 

  9   Je ne peux pas préciser.  Je dis la plus grande partie.  Je

 10   ne sais pas combien de gens sont restés dans la ville.  Je

 11   ne sais pas combien de personnes ont été amenées, mais je

 12   sais que je connais beaucoup de familles dont des membres,

 13   des maris ou des fils ont été amenés au camp.

 14         Q.    Vous avez dit que les gens ne pouvaient pas

 15   quitter la ville sans une autorisation, sans un laissez-

 16   passer.  Je suppose qu’à la fin, vous et votre famille,

 17   vous avez obtenu ces autorisations.  Est-ce exact ?

 18         R.    Oui, c’est exact.  Personnellement, je suis

 19   allée à l’assemblée municipale.  Je suis allée également au

 20   comité de crise et j’ai demandé… j’ai vu que la situation

 21   se détériorait de plus en plus.  Il y avait des

 22   restrictions aux déplacements des hommes.  Les femmes

 23   pouvaient sortir pour acheter des vivres de base.  Nous ne

 24   pouvions pas nous rassembler.  Il n’était pas possible

 25   d’enterrer des gens dans des cimetières mais autour des


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  1   maisons.  Les lignes téléphoniques étaient coupées.  Les

  2   avis de décès ne pouvaient pas être publiés et une telle

  3   vie était insupportable.

  4         Moi personnellement, je suis allée au comité de

  5   crise.  Tout d’abord, j’ai dû y aller pour obtenir des

  6   documents puisque tous mes documents ou tous les documents

  7   appartenant à ma famille avaient brûlé dans l’appartement. 

  8   Nous n’avions ni de carte d’identité, ni de passeport. 

  9   J’ai dû demander qu’un photographe prenne nos photos pour

 10   que l’on puisse obtenir des documents. 

 11         Ensuite, j’ai demandé qu’ils nous laissent sortir

 12   de la ville, qu’ils nous laissent vivre comme des êtres

 13   humains ou bien qu’ils nous tuent parce que c’était une vie

 14   très, très difficile.  Il est très difficile de vivre

 15   constamment dans la peur. 

 16         Nous n’avions plus de travail.  Nos déplacements

 17   étaient restreints.  Nous ne pouvions pas nous rencontrer

 18   entre nous.  Il est très difficile de vivre ce genre de

 19   vie.

 20         Q.    Est-ce que vous savez si les musulmans

 21   avaient le droit de recevoir des médicaments ou un

 22   traitement médical pendant cette période avant votre

 23   départ ?

 24         R.    Tout dépendait de la personne qui travaillait

 25   dans le dispensaire.  Je connais plusieurs cas, plusieurs


Page 491

  1   exemples.  Par exemple, Beco Zuko, un homme âgé, il avait

  2   été relâché du KP Dom, il était malade, il souffrait d’une

  3   pneumonie, mais le Docteur qui travaillait dans le

  4   dispensaire ne souhaitait pas lui prescrire

  5   d’antibiotiques.  Moi, j’en disposais encore à l’époque. 

  6   Donc, je lui en ai donné.

  7         Je connais plusieurs autres personnes qui sont

  8   allées au dispensaire et qui n’ont pas pu recevoir de

  9   médicaments, mais par exemple, en ce qui concerne les

 10   collègues de l’hôpital que je connaissais depuis des

 11   années, ils m’ont envoyé, par exemple, personnellement à

 12   moi des médicaments pour mon mari et moi, je considérais

 13   cela plutôt normal.

 14         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je vois quelle est

 15   l’heure.  Je peux vous dire, Madame et Messieurs les Juges,

 16   qu’il me reste environ 20 minutes.  Si le moment est bon

 17   pour procéder à la pause puisque je vais aborder un autre

 18   sujet, je propose que l’on fasse le nécessaire pour que le

 19   témoin puisse sortir.

 20         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Oui.  Nous

 21   aurons une pause maintenant jusqu’à 11 h 30. 

 22         Me RYNEVELD (interprétation) :  Veuillez rester

 23   dans la salle d’audience jusqu’à ce que les Juges ne

 24   sortent, s’il vous plaît, Madame le Témoin.  Merci.

 25               --- Suspension de l’audience à 11h 00


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  1               --- Reprise de l’audience à 11 h 30

  2         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Veuillez

  3   poursuivre.

  4         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je vous remercie.

  5         Q.    Témoin 33, avant la pause, nous avons terminé

  6   un sujet et nous étions sur le point d’en aborder un autre. 

  7   Pourriez-vous remonter vers le mois de juin, la mi-juin

  8   1992 ?  Quelque chose s’est-il passé ou auriez-vous entendu

  9   parler de quelque chose qui se serait produit à Cohodor

 10   Mahala ?

 11         R.    Oui. 

 12         Q.    Il s’agissait de quoi ?

 13         R.    J’ai entendu que vers la mi-juin – je ne

 14   connais pas précisément la date – un massacre s’était

 15   produit.  Il me semble qu’il y avait environ 27 personnes,

 16   majoritairement des femmes et des enfants.  Je ne sais pas

 17   s’il y a eu des hommes ou non.  Il paraît que toutes ces

 18   personnes se trouvaient dans une maison parce que c’était

 19   plus facile et un groupe est alors arrivé, un groupe qui

 20   les a tuées de diverses manières.  C’est ce que j’ai

 21   entendu.  Je ne sais pas comment cela s’est passé

 22   exactement, je ne sais pas qui l’a fait, mais j’ai entendu

 23   parler de 27 femmes et enfants, peut-être quelques hommes.

 24         Q.    Cet endroit, Cohodor Mahala, est-ce une

 25   partie de Foca, est-ce dans le voisinage de Foca ?  Où est-


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  1   ce que cela se trouve ?

  2         R.    C’est une partie de Foca le long de la

  3   rivière Cehotina.  Quand on s’achemine vers Livade, c’est à

  4   gauche de Cehotina.  C’est un quartier résidentiel où il y

  5   avait surtout des maisons particulières, mais c’était un

  6   peu mixte.  Il y avait à la fois des maisons serbes et des

  7   maisons musulmanes.

  8         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je demanderais

  9   l’aide de l’huissier pour qu’on présente au témoin la pièce

 10   12/1.

 11         Q.    Pourriez-vous nous montrer à peu près

 12   l’endroit à Foca où se situe Cohodor Mahala ?

 13         R.    C’est Cohodor Mahala.

 14         Q.    Cohodor Mahala.  Je vous remercie.

 15         R.    C’est en face de Livade.  Non.  C’est sur

 16   l’autre rive de la rivière Cehotina à gauche par rapport à

 17   moi.  Donc, Livade est sur la droite et Cohodor Mahala à

 18   gauche.  Donc, pour moi, à gauche, là [indication du

 19   témoin] je suis en train de le montrer.

 20         Q.    Livade, c’est numéro 10 ?

 21         R.    Oui.  J’ai montré Livade et en face, c’est

 22   Cohodor Mahala.

 23         Q.    La zone que vous montrez à l’aide du

 24   pointeur, c’est à peu près à un pouce à droite, donc une

 25   quinzaine de centimètres par rapport au bord de la carte en


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  1   bas à droite ?

  2         R.    Oui, oui.  C’est marqué sur la carte, environ

  3   15 centimètres.  C’est marqué en grandes lettres « Cohodor

  4   Mahala ».

  5         Q.    Je vous remercie.

  6         R.    On ne voit pas de chiffre attribué à ce site

  7   mais c’est marqué.

  8         Q.    Oui, je vois, mais si je vous le demande

  9   c’est parce que je souhaite savoir autre chose.  Quel

 10   impact a eu cette rumeur concernant ce massacre, quel

 11   impact sur vous, sur votre famille par rapport à vos

 12   préoccupations concernant votre sécurité ?

 13         R.    Eh bien, c’était la peur généralisée parmi

 14   les familles musulmanes, donc qui s’est emparée des

 15   familles musulmanes.  C’est normal.  Quand il y a un

 16   massacre qui se produit dans la ville, donc dans le

 17   quartier où vivaient ces gens, il arrive qu’on connaît

 18   beaucoup de gens qui ont été tués, donc on s’attend à ce

 19   que cela arrive également à notre propre famille.  Moi et

 20   ma famille, on vivait dans une grande peur.

 21         Q.    Vous nous avez dit que vous avez entendu

 22   parler de la mort de ces 27 personnes, que ces personnes

 23   auraient été tuées.  Vous savez si ces personnes étaient

 24   des Serbes ou des musulmans ?

 25         R.    Toutes ces personnes étaient des musulmans. 


Page 495

  1   Pour la plupart, c’était des femmes et des enfants, du

  2   moins pour ce que j’ai entendu.

  3         Q.    Est-ce qu’il y a eu d’autres avertissements

  4   ou d’autres inquiétudes donc qui auraient été communiqués à

  5   vous ou à votre famille, quelque chose qui vous aurait

  6   incitée à quitter Foca ?  S’il vous plaît, ne donnez pas de

  7   noms de personnes qui vous auraient parlé de cela.

  8         R.    Non, je ne le souhaite pas.  Moi

  9   personnellement, je l’ai appris de la part du fils d’une

 10   amie serbe.  Il m’a dit qu’ils allaient venir un soir tuer

 11   mon mari.  Quand je lui ai demandé pourquoi, la réponse

 12   était… j’ai dit : « Mais pourquoi ?  Pourquoi ?  Il n’a

 13   rien fait. »  La réponse était : « Eh bien, à cause de la

 14   purification ethnique parce qu’il est musulman. »

 15         Q.    Votre mari a été libéré le 26 avril 1992.  Il

 16   était en liberté.  Est-ce qu’on lui a demandé pendant ce

 17   moment-là de venir se présenter quelque part ou de rester

 18   en contact avec les autorités ?

 19         R.    Il devait se présenter deux fois par jour à

 20   la station de police compétente à une heure précise dans la

 21   matinée et dans l’après-midi.  Là il a subi des

 22   humiliations de tout genre ainsi que des mauvais

 23   traitements physiques.

 24         Q.    Vous nous avez déjà relaté votre tentative

 25   auprès des autorités d’obtenir l’autorisation de partir,


Page 496

  1   n’est-ce pas ?

  2         R.    Oui, c’est exact.  Je m’y suis rendue.

  3         Q.    Enfin, vous avez reçu l’autorisation de

  4   quitter Foca ?

  5         R.    Oui.

  6         Q.    Pendant ce processus, vous avez obtenu des

  7   certificats, des documents où il était indiqué que vous et

  8   votre famille avez reçu l’autorisation de partir ?

  9         R.    Nous avons reçu des attestations de la part

 10   du poste de police compétent que nous avions l’autorisation

 11   de quitter Foca.  Chaque membre de notre famille a reçu

 12   cette attestation à titre personnel et nous avons été

 13   obligés de signer un document disant que nous laissions nos

 14   biens à la Republika Srpska.

 15         Q.    Vous n’avez pas été autorisée à emmener vos

 16   biens ?

 17         R.    Mais nous n’avions rien.  Tout ce que nous

 18   avions, c’était de l’argent emprunté et des vêtements

 19   empruntés aux autres parce que notre appartement a été

 20   incendié quand nous sommes partis au camp.  Donc, nous

 21   n’avions rien.

 22         Q.    Toutefois, vous avez été obligée de signer un

 23   certificat ou un document, quel qu’il soit, disant que vous

 24   aviez laissé tous vos biens à la Republika Srpska ?

 25         R.    Oui.  À Foca, je possède une maison familiale


Page 497

  1   qui appartient à moi-même et à ma sœur.  Cette maison n’a

  2   pas été incendiée.  Elle est située dans un quartier de

  3   Donje Polje.  J’ai une maison en construction.  Nous avons

  4   lancé la construction, je ne me rappelle plus l’année. 

  5   Donc, cette maison se trouve dans le quartier de Alazda et

  6   les travaux n’étaient pas terminés.  Il y avait juste le

  7   toit et il y avait pas mal de matériel de construction

  8   dessus.  Pour autant que je le sache, ça a été emmené, mais

  9   la maison est toujours au même endroit et nous avons un

 10   garage que nous utilisions nous-mêmes.  Nous y habitions.

 11         Q.    Vous avez dû signer ce document donc pour

 12   tous ces biens, si j’ai bien compris ?

 13         R.    Nous avons signé un papier.  Alors, quant à

 14   ce qui était écrit sur ce papier, je dois vous dire que

 15   cela ne m’intéressait pas particulièrement parce que ma

 16   seule préoccupation, c’était de partir au plus vite et de

 17   me retrouver en liberté.

 18         Q.    Sans donner de nom de localité, est-il vrai

 19   que vous et votre famille, vous avez quitté Foca et vous

 20   vous êtes rendus dans un pays tiers à l’étranger ?

 21         R.    Oui, c’est exact.

 22         Me RYNEVELD (interprétation) :  J’aurais besoin de

 23   l’assistance de l’huissier.

 24         Q.    Je souhaite vous présenter quelques

 25   documents.  Ce que je vous demande, c’est de les identifier


Page 498

  1   et si vous parvenez à les identifier, nous allons leur

  2   attribuer des numéros. 

  3         Me RYNEVELD (interprétation) :  En premier lieu,

  4   donc j’ai deux exemplaires d’un document que je vous

  5   demanderais de distribuer, un document pour le témoin et un

  6   document pour la greffière d’audience, s’il vous plaît.  Ne

  7   placez pas cela sur le rétroprojecteur puisque cela

  8   contient des informations permettant l’identification. 

  9   Nous souhaitons que ces informations restent

 10   confidentielles. 

 11         Q.    Pouvez-vous tourner la page, s’il vous plaît ?

 12   Donc, la page que vous regardez ne porte pas de numéro,

 13   mais s’agit-il de votre mari ?  S’il vous plaît, ne donnez

 14   pas son nom.

 15         R.    Oui, c’est exact.  C’est cela.

 16         Q.    Très bien !  Est-ce le document qui dit qu’il

 17   était obligé de se présenter quotidiennement au poste de

 18   police de la municipalité serbe de Foca ?

 19         R.    Oui.

 20         Q.    C’est le document qui montre qu’il a été

 21   libéré du KP Dom où il a été détenu du 16 au 26 avril 1992. 

 22   Est-ce exact ?

 23         R.    Il y a une erreur.  Du 14 au 26 puisque nous

 24   avons été amenés tous ensemble le 14 avril.  Nous sommes

 25   sortis le 24 avril alors que lui a été libéré le 26 avril.


Page 499

  1         Q.    Vous ne vous rappelez pas la date de la même

  2   manière que ce document mais ce document porte la date du

  3   16.

  4         R.    Excusez-moi, mais il y a au-dessous une

  5   correction où il est indiqué le 14 avril.  C’est vrai que

  6   cela ne porte pas de tampon mais c’est ça qui est exact, du

  7   14 avril au 26 avril.

  8         Q.    Je vous remercie.

  9         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je demanderais que

 10   cela porte la cote 39, s’il vous plaît.

 11         Q.    Pendant que vous avez encore le document sous

 12   vos yeux, cela a été signé par plusieurs signatures et nous

 13   avons également un tampon.  Pouvez-vous nous dire sous

 14   l’autorité de quelle personne a été émis ce document devant

 15   la cellule de crise de la municipalité serbe de Foca ?

 16         R.    Ça a été émis par le poste de police de Foca.

 17         Q.    À droite, on voit une autre signature.  C’est

 18   l’équipe de la cellule de crise de la municipalité serbe de

 19   Foca ?

 20         R.    Excusez-moi.  Cela concerne la libération de

 21   la prison.  D’une part, il y a la cellule de crise de la

 22   municipalité serbe de Foca et d’autre part, nous avons le

 23   responsable du poste de police serbe de Foca.

 24         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Cela a déjà

 25   été montré comme authentique.


Page 500

  1         Me RYNEVELD (interprétation) :  Oui, c’est vrai.

  2         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Pourquoi doit-

  3   on entrer dans ceci ?

  4         Me RYNEVELD (interprétation) :  Vous avez tout à

  5   fait raison, Monsieur le Juge, mais je voulais juste

  6   vérifier que ce soit correct.

  7         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  [Signe de la

  8   main]

  9         Me RYNEVELD (interprétation) :

 10         Q.    Je demanderais au témoin de consulter la

 11   pièce 40, s’il vous plaît. 

 12         Me RYNEVELD (interprétation) :  J’ai deux

 13   exemplaires, Monsieur l’Huissier.

 14         Q.    Pouvez-vous consulter la deuxième page de ce

 15   document, s’il vous plaît, en B/C/S ?  Est-ce que cela

 16   concerne votre époux ?  Ne prononcez pas son nom, s’il vous

 17   plaît.  Est-ce que ce document lui donne l’autorisation de

 18   quitter Foca le 27 juin 1992 ?

 19         R.    Oui.  C’est le document qui a été donné à mon

 20   mari pour qu’il quitte Foca.

 21         Q.    Je vous remercie.

 22         Me RYNEVELD (interprétation) :  La pièce 40, s’il

 23   vous plaît.  Passons à la pièce 41.

 24         Q.    Est-ce une autorisation semblable qui vous

 25   concerne personnellement, Témoin 33 ?


Page 501

  1         R.    Oui.  C’est l’autorisation qui a été émise à

  2   mon nom.  C’est la même date, la même signature, tout ça.

  3         Q.    Encore une fois, cela vous a permis de partir

  4   au lendemain de la date où a été émis le document, donc le

  5   27 juin 1992 ?

  6         R.    Oui.

  7         Me RYNEVELD (interprétation) :  C’était la pièce

  8   41.  Passons à la pièce 42.  Monsieur l’Huissier, j’ai deux

  9   exemplaires.

 10         Q.    S’agit-il d’une autorisation de sortie pour

 11   votre fils ?

 12         R.    Oui.

 13         Q.    La même date, les mêmes personnes ?  Je vous

 14   remercie.

 15         R.    La même date, les mêmes personnes.  Ça a été

 16   émis le même jour.

 17         Q.    Je vous remercie.

 18         Me RYNEVELD (interprétation) :  C’était la pièce

 19   42.  Enfin, la pièce 43.

 20         Q.    S’agit-il d’une autorisation de sortie

 21   délivrée à votre fille ?

 22         R.    Oui.

 23         Me RYNEVELD (interprétation) :  Peut-on marquer

 24   cela sous le numéro 43, s’il vous plaît ?

 25         Q.    Avant la guerre, Témoin 33, connaissiez-vous


Page 502

  1   Zoran Vukovic ?

  2         R.    Non.

  3         Q.    Savez-vous qui est Miroslav Stanic ?

  4         R.    Je le connaissais.  Il était à la tête du SDS

  5   local, de ce parti national.

  6         Q.    Parti nationaliste serbe ?

  7         R.    Serbe.  Pour traduire, le nom complet serait

  8   Parti démocrate serbe, la traduction complète.

  9         Q.    Vous avez dit qu’il était Président de ce

 10   parti ?  Vous le saviez ?

 11         R.    Oui.  Il était Président de ce parti.

 12         Q.    Vous saviez qu’il était à la tête de la

 13   présidence de guerre de Foca également ?

 14         R.    Pour autant que je le sache, il était

 15   Président de la présidence de guerre aussi.

 16         Q.    Saviez-vous s’il occupait une position au

 17   sein de la cellule de crise de Foca ?

 18         R.    Non, je ne le sais pas.  Je ne pourrais pas

 19   vous le dire.

 20         Q.    Ces fonctions que nous avons évoquées, la

 21   présidence, c’était des fonctions civiles ?

 22         R.    Président du SDS, du Parti démocrate serbe,

 23   eh bien, ça, c’est une fonction civile.  Quant au poste de

 24   Président de la présidence de guerre, si vous m’avez posé

 25   cette question-là…


Page 503

  1         Q.    Oui.

  2         R.    Je pense que c’est aussi là une fonction

  3   civile.  Me Prodanovic, qui est expert en ce genre de

  4   choses, pourra l’expliquer mieux.

  5         Q.    Très bien !  Vous connaissiez Cosovic ?

  6         R.    Qui ?

  7         Q.    Branislav Cosa Cosovic ?

  8         R.    Cosa, j’en ai entendu parler mais je ne le

  9   connais pas.

 10         Q.    Cosa, oui. 

 11         R.    Cosa.

 12         Q.    Vous ne le connaissez pas mais saviez-vous

 13   quelle était sa fonction ou auriez-vous appris quelle était

 14   sa fonction ?

 15         R.    J’ai entendu dire qu’il était Président… non,

 16   qu’il était à la tête de la police militaire.  C’est ce que

 17   j’ai entendu, mais je n’en suis pas sûre.

 18         Q.    Très bien !  Vous avez mentionné dans votre

 19   déposition quelques autres noms.  Excusez ma mauvaise

 20   prononciation.  Je pense que vous avez mentionné Monsieur

 21   Ostojic ?

 22         R.    Oui.

 23         Q.    Qui était-ce ?

 24         R.    Ministre chargé de l’information au sein du

 25   gouvernement ou de l’assemblée de Bosnie-Herzégovine et il


Page 504

  1   était membre du SDS de la République.  Il est originaire de

  2   Foca et il s’est souvent rendu à Foca pendant ces

  3   événements.

  4         Q.    Je vois.  Vous avez également mentionné

  5   Monsieur Cancar ?

  6         R.    Il est originaire de Foca, avocat.  Je le

  7   connais personnellement.  Il a occupé une des fonctions

  8   importantes au sein de l’assemblée de Bosnie-Herzégovine et

  9   il était aussi membre du SDS.  Je ne sais pas exactement

 10   quelle fonction était la sienne au sein du SDS.

 11         Q.    Vous avez également mentionné Monsieur

 12   Maksimovic, me semble-t-il ?

 13         R.    Oui.  Je le connais personnellement. 

 14   Auparavant, nous avons été amis.  Il était professeur à la

 15   faculté de lettres de Sarajevo.  Sa fonction était celle du

 16   Président du Club des députés au sein de l’assemblée de

 17   Bosnie-Herzégovine, des députés du SDS, et il était

 18   professeur universitaire à la faculté de lettres.  Il s’est

 19   souvent rendu à Foca également pendant ces événements mais

 20   avant que cela n’arrive à Foca aussi.

 21         Q.    Très bien !  Avant de quitter Foca, vous nous

 22   avez dit que vous avez entendu parler de toute une série de

 23   choses qui se sont produites.  Vous avez entendu parler de

 24   bordels ou de camps de viols dans la zone de Foca ?

 25         R.    J’ai entendu parler de cas isolés de viols


Page 505

  1   dans des maisons.  J’ai également entendu parler de

  2   Partizan, mais je n’en savais rien.  Je ne savais ni qui se

  3   trouvait là-bas, ni qui l’a ouvert.  C’était des rumeurs. 

  4   C’est par la suite que j’en ai appris davantage dans la

  5   presse, dans d’autres moyens de communication.  J’ai appris

  6   davantage à partir du moment où je suis sortie de Foca

  7   qu’avant, pendant que j’y étais encore.

  8         Q.    Je vois.  Ne nous dites pas où vous vous êtes

  9   rendue mais vous avez eu l’autorisation donc de partir le

 10   26 juin.  Vous êtes restée ou vous êtes partie

 11   immédiatement ?

 12         R.    Je suis partie immédiatement.

 13         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  C’était bien

 14   en 1992 ?

 15         Me RYNEVELD (interprétation) :  Oui, tout à fait. 

 16   Je vous remercie.  Il me reste encore juste quelques

 17   petites questions supplémentaires.  J’en ai terminé avec

 18   les principales questions, mais ce que je souhaiterais

 19   montrer au témoin, c’est un extrait vidéo qui ne dure

 20   qu’une minute environ.  C’est un extrait d’une émission de

 21   la BBC.  C’est la pièce 24, me semble-t-il, donc cette

 22   bande vidéo. 

 23         J’aimerais avoir l’aide du témoin pour savoir

 24   exactement quelle maison et quelle zone est montrée sur

 25   cette vidéo.


Page 506

  1         Je m’adresse à la cabine technique.  Peut-on le

  2   voir ?  Peut-on visionner cette bande ?  Il me semble que

  3   la personne responsable est au téléphone.

  4               [Diffusion d’une cassette vidéo]

  5         R.    Ça, c’est Prijeka Carsija ce que l’on a vu. 

  6         Q.    Je vous laisserai visionner l’ensemble de cet

  7   extrait et c’est pendant le deuxième « visionnage » que

  8   vous allez le commenter, s’il vous plaît.

  9         Me RYNEVELD (interprétation) :  Donc, je

 10   demanderais à la cabine technique de rembobiner, mais

 11   permettez-moi de poser quelques questions préliminaires.

 12         Q.    Premièrement, avez-vous reconnu les quartiers

 13   ou l’un quelconque des quartiers qui sont filmés ?

 14         R.    C’est un peu difficile de reconnaître les

 15   maisons qui sont en flammes et peut-être que je suis aussi

 16   un peu émue, mais il me semble, je vous le montrerai, ça se

 17   trouve à proximité de moi, de là où j’étais, à proximité du

 18   dispensaire et d’une école primaire.  C’est un quartier que

 19   je connaissais bien mais quant à savoir si c’est

 20   effectivement cela ou non…

 21         Q.    Très bien !

 22         R.    Beaucoup d’années se sont écoulées.

 23         Q.    Pourriez-vous, s’il vous plaît, visionner

 24   encore une fois cet extrait et nous faire part de vos

 25   commentaires pendant que vous le visionnez ?


Page 507

  1               [Diffusion d’une cassette vidéo]

  2         Q.    Reconnaissez-vous ce quartier ?  Si vous ne

  3   pouvez pas, ce n’est pas grave.

  4         R.    Je pense que oui, mais je ne suis pas sûre. 

  5   Ça, je connais.  Ça, c’est Prijeka Carsija.  Ça, je connais

  6   bien, mais là où les maisons étaient un peu plus denses,

  7   c’est un peu plus difficile.

  8         Q.    Très bien !  Je vous remercie.  Au cours de

  9   votre déposition, quand vous parlez du 14 avril, quand vous

 10   et votre famille, vous avez été amenés de votre appartement

 11   à Livade, je ne sais pas si je vous ai demandé qui vous a

 12   amenés là-bas.  Quel genre de personnes était-ce, des

 13   soldats, des policiers ?  Pouvez-vous nous le dire ?

 14         R.    Je ne sais pas qui nous a emmenés.  Les gens

 15   portaient soit des habits vert olive militaires, soit des

 16   uniformes de camouflage, mais tous portaient des cagoules

 17   et nombreux s’adressaient à moi en disant « Docteur ». 

 18   Donc, ils me connaissaient, mais je ne sais pas qui

 19   c’était.  C’était vraisemblablement des gens du coin à en

 20   juger d’après leur dialecte puisqu’il était le même que le

 21   mien.

 22         Q.    Très bien !  Étaient-ils armés ?  Portaient-

 23   ils des armes ?

 24         R.    Ils avaient des fusils légers.  Je ne m’y

 25   connais pas très bien, mais ce n’était pas un armement


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  1   lourd.  Je ne m’y connais pas dans les différents types de

  2   fusils, mais ils ne les ont pas utilisés.  Ils avaient des

  3   armes.  C’était des fusils courts.  Je ne sais pas comment

  4   ça s’appelle.

  5         Q.    Je ne vous demande pas de le préciser.  Vous

  6   pensiez que c’était des soldats ?

  7         R.    Je pense que ce n’était pas des soldats.  Je

  8   pense qu’ils faisaient partie des unités paramilitaires. 

  9   La seule chose que je peux dire c’est que j’ai vu des

 10   soldats parce que j’ai eu un contact direct avec quelques-

 11   uns au KP Dom.  C’était des soldats qui venaient du Corps

 12   de Uzice, membres du Corps de Uzice.

 13         Q.    Puisque je ne sais pas ce que c’est,

 14   pourriez-vous nous dire ce que c’est le Corps de Uzice ?

 15         R.    Eh bien, le Corps de Uzice, c’est une armée

 16   qui venait d’une ville qui s’appelle Uzice et il a été

 17   baptisé Corps de Uzice parce que ça venait de cette ville.

 18         Q.    Très bien !  Est-ce que cette ville se trouve

 19   loin ?

 20         R.    Eh bien, c’est à peu près près de la

 21   frontière avec la Bosnie mais en Serbie.

 22         Q.    Ces gens, ils se trouvaient au KP Dom de

 23   Foca ?

 24         R.    Ils sont venus au KP Dom de Foca pour voir

 25   qui étaient les détenus.  Quant aux actions auxquelles ils


Page 509

  1   auraient pris part dans la ville, ça, je ne le sais pas,

  2   mais un jour, ils sont venus prendre nos noms et quand j’ai

  3   dit que j’étais médecin, l’un d’eux s’est un petit peu

  4   arrêté et il m’a demandé : « Où avez-vous fait vos études ? »

  5   J’ai dit : « À Belgrade. »  « Mais vraisemblablement,

  6   vous connaissez beaucoup de nos médecins à Uzice » et j’en

  7   connaissais effectivement beaucoup.  J’ai cité ces noms et

  8   il m’a dit : « Oui, vous avez raison.  Ma femme est

  9   infirmière. »  Voilà, c’est tout.  Enfin, c’est là que la

 10   conversation s’est terminée, mais eux-mêmes ont dit qu’ils

 11   venaient de Uzice et qu’ils étaient membres de ce corps.

 12         Q.    Très bien !  Quelques petites questions pour

 13   préciser vos réponses antérieures.  Vous avez dit que vous

 14   êtes allée à Livade.  Vous nous avez parlé de deux pièces

 15   où vous êtes allée.  Je ne vous ai pas demandé votre

 16   estimation quant au nombre de personnes qui étaient

 17   détenues à Livade en tout.  Je pense que vous avez dit 100

 18   à 120. 

 19         C’était des gens qui venaient de votre ensemble de

 20   logements ou c’est l’ensemble des personnes que vous avez

 21   vues ?

 22         R.    C’est l’ensemble des personnes que j’ai vues

 23   à cet endroit.

 24         Q.    Très bien !  Quand vous êtes arrivée au KP

 25   Dom, pouvez-vous nous dire à peu près combien y avait-il de


Page 510

  1   personnes détenues à cet endroit ?

  2         R.    Ils étaient bien plus nombreux, mais c’est un

  3   bâtiment immense celui du KP Dom.  Les gens étaient placés

  4   dans des pièces et je ne connais que ceux qui se trouvaient

  5   dans la même pièce que moi.  Parfois, on se croisait au

  6   petit-déjeuner ou au déjeuner. 

  7         Il m’est arrivé de reconnaître certaines personnes

  8   mais je ne peux pas vous dire combien ils étaient en tout. 

  9   Je sais que ce nombre grandissait de jour en jour.

 10         Q.    Quand vous avez été emmenée à Livade, avez-

 11   vous vu quelqu’un emmené pour être passé à tabac pendant

 12   votre séjour là-bas ?

 13         R.    Il n’y a pas eu de passage à tabac organisé à

 14   Livade, mais il y avait un gardien qui était connu pour

 15   faire ça et il lui est arrivé de rentrer dans une pièce, il

 16   portait une cagoule, donc de prendre quelqu’un, de le

 17   passer à tabac et quand d’autres personnes le voyaient, il

 18   ramenait les gens dans la pièce et il a fait ça de son

 19   propre chef pendant qu’il était de garde.

 20         Q.    Je vois.  Nous avons également parlé du

 21   quartier Alazda.  C’était un quartier majoritairement

 22   musulman, mixte ou donc, comme je le disais, à majorité

 23   musulmane ?

 24         R.    À Alazda, il y avait aussi des bâtiments de

 25   logements très grands et c’est là que la population était


Page 511

  1   mixte, mais quant aux maisons particulières, les musulmans

  2   y étaient plus nombreux que les Serbes.  Quant à un

  3   quartier qui se trouvait en face, vis-à-vis de Alazda,

  4   derrière le stade, ce quartier s’appelait… je ne me

  5   souviens pas exactement, ce quartier-là avait une

  6   population à majorité serbe.  Je n’arrive pas à retrouver

  7   le nom.  Ça se trouvait au-dessus du stade.

  8         Q.    Vous voulez dire que les musulmans habitaient

  9   plutôt dans des maisons particulières et les Serbes dans

 10   des bâtiments de logements appartements ?

 11         R.    Eh bien, comment vous dire ?  Ceux qui

 12   étaient en mesure de se faire construire une maison

 13   particulière le faisaient, mais la plupart des musulmans et

 14   des Serbes vivaient dans des appartements.  Il y en avait

 15   un grand nombre, cependant, d’une part et d’autre qui

 16   vivaient dans des maisons particulières.

 17         Q.    Dans la bande que nous avons vue, nous avons

 18   vu essentiellement des maisons particulières qui étaient en

 19   flammes.

 20         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je ne pense

 21   pas qu’il faille poursuivre le long de cette ligne.

 22         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je retire ma

 23   question.

 24         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vois. 

 25   Merci.


Page 512

  1         Me RYNEVELD (interprétation) :

  2         Q.    Connaissez-vous l’école secondaire de

  3   Alazda ?

  4         R.    Oui.

  5         Q.    Vous est-il arrivé de vous arrêter à cet

  6   endroit pendant vos déplacements ?

  7         R.    Pendant ces événements ou avant ?

  8         Q.    Non.  Quand vous avez été emmenée, donc à la

  9   période qui va du 14 avril, donc quand vous avez été

 10   emmenée au KP Dom.

 11         R.    Le 14 avril, quand nous avons été emmenés à

 12   Livade, on nous a allongés deux par deux et sur les côtés,

 13   il y avait des gardiens qui étaient vêtus d’uniformes

 14   militaires et qui portaient des armes et nous sommes passés

 15   par ce centre d’enseignement secondaire parce qu’il se

 16   trouvait en chemin vers Livade. 

 17         Donc, devant ce centre d’enseignement secondaire,

 18   il y avait un grand nombre de soldats qui portaient des

 19   uniformes différents.  Ils étaient en noir, certains qui

 20   portaient des couvre-chefs de fourrure, d’autres portaient

 21   des bérets, certains avaient des écharpes blanches autour

 22   de leur bras, et à un moment, j’ai entendu quelque chose

 23   qui m’a fait très peur.  Ils ont dit : « Sélectionnez ces

 24   balijas, mettez-les de côté, nous allons bientôt en avoir

 25   fini avec eux et qu’ils continuent à naviguer le long du


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  1   fleuve, enfin, de la rivière » et je ne sais pas de quel

  2   groupe il s’agissait, ni à quelle formation ces gens-là

  3   appartenaient.

  4         Q.    Balijas, c’est quoi ?

  5         R.    C’est une dénomination péjorative pour les

  6   musulmans.

  7         Q.    Dernière question.  Lorsque vous avez parlé

  8   du KP Dom, vous avez dit qu’il s’agissait d’un camp. 

  9   Pourquoi est-ce que vous avez appelé cela un camp ?  Est-ce

 10   que des soldats le gardaient ?  Pourquoi est-ce que vous

 11   l’avez appelé camp ?

 12         R.    Il y avait une différence.  Je ne peux pas

 13   vous le dire avec précision, mais il y a une différence

 14   entre le KP Dom et le camp puisque dans le camp, par

 15   exemple, à mon avis, on amenait des gens qui n’ont jamais

 16   été condamnés, des gens qui ont été arrêtés soit dans leurs

 17   appartements ou ailleurs, des gens qui ont été arrêtés et

 18   qui ont été amenés de force.

 19         Quant au KP Dom, il s’agit d’un établissement

 20   pénitentiaire.  Donc, des gens y étaient placés, détenus

 21   après une procédure judiciaire, après avoir fait l’objet

 22   d’une condamnation.

 23         Q.    Donc, vous dites que le lieu de détention où

 24   vous avez été détenue avant le KP Dom était un camp ?

 25         R.    Oui.


Page 514

  1         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je vais juste

  2   vérifier avec mes collègues pour voir si j’ai d’autres

  3   questions.  Non, je n’en ai plus.

  4         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Est-ce qu’il

  5   y a des questions en contre-interrogatoire ?

  6         Me PRODANOVIC (interprétation) :  Oui, Madame la

  7   Présidente.

  8         CONTRE-INTERROGÉE PAR Me

  9         PRODANOVIC (interprétation) : 

 10         Q.    Témoin 33, vous avez dit que vous avez

 11   travaillé à l’hôpital qui dépendait du centre médical

 12   régional.  Est-ce que vous pourriez nous dire combien de

 13   municipalités dépendaient de ce centre médical régional ?

 14         R.    Foca, Gorazde, Cajnice, Visegrad et Rudo, et

 15   à la fin Kalinovik, donc six municipalités.

 16         Q.    Dans toutes ces municipalités ou bien dans

 17   toutes ces villes, est-ce qu’il y a eu des établissements

 18   médicaux qui faisaient partie de ce centre médical

 19   régional ?

 20         R.    Oui.

 21         Q.    Est-ce que vous pourriez nous dire qui était

 22   le directeur du centre médical régional ?

 23         R.    C’était le Dr Lovoturs.

 24         Q.    Quelle était son appartenance ethnique, s’il

 25   vous plaît ?


Page 515

  1         R.    Il était musulman.

  2         Q.    Pourriez-vous nous dire qui était le

  3   directeur du centre médical ?

  4         R.    De Foca ?

  5         Q.    Oui.

  6         R.    Avdo Sedinlija.

  7         Q.    Quelle était son appartenance ethnique ?

  8         R.    Musulman.

  9         Q.    Est-ce que vous pouvez nous dire qui étaient

 10   les directeurs des établissements médicaux dans les villes,

 11   Visegrad, Gorazde, et cætera, si vous vous en souvenez ?

 12         R.    À Foca, le directeur de l’hôpital était le Dr

 13   Sekul Stanic et Dusko Kornjaca à Cajnice.

 14         Q.    Excusez-moi de vous interrompre.  Donc, il

 15   s’agissait de Serbes ?

 16         R.    Oui.  Ces personnes étaient des serbes. 

 17   Ensuite, à Kalinovik, c’était un autre Serbe.  Je ne me

 18   souviens pas.  À Gorazde, un musulman.  Je ne sais pas son

 19   prénom, son nom.  À Rudo, un Serbe.  Encore une fois, je ne

 20   me souviens pas de son nom.  Vous savez, beaucoup d’années

 21   se sont écoulées.

 22         Q.    Peu importe les noms.

 23         R.    Et puis un autre endroit…

 24         Q.    Rogatica, Visegrad ?

 25         R.    Rogatica ne faisait pas partie de notre


Page 516

  1   région.

  2         Q.    Visegrad ?

  3         R.    Visegrad, je ne pourrais pas vous le dire.

  4         Q.    Le centre régional médical couvrait également

  5   le lieu où se trouvait la pharmacie de Foca ?

  6         R.    Oui.

  7         Q.    Qui était son directeur ?

  8         R.    Je ne sais pas.

  9         Q.    Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour

 10   dire que le directeur était Amra Celik, le directeur de la

 11   pharmacie de la ville ?

 12         R.    Peut-être, probablement.

 13         Q.    Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour

 14   dire qu’elle était musulmane ?

 15         R.    Oui.

 16         Q.    Est-ce que vous savez combien de personnes

 17   travaillaient à l’hôpital de Foca ?

 18         R.    Plus de 500, mais je ne connais pas le nombre

 19   exact.  Maintenant, vous allez me demander quelle était la

 20   proportion des Serbes et des musulmans.  Malheureusement,

 21   ceci ne m’intéressait jamais.  Je ne l’ai jamais su et je

 22   ne le sais pas maintenant.

 23         Q.    Est-ce que vous permettez la possibilité que

 24   c’était moitié-moitié en parlant de la totalité ?

 25         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Me


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  1   Prodanovic, je sais que vous parlez la même langue, donc je

  2   comprends que vous êtes tenté de parler trop vite mais

  3   veuillez attendre les réponses du témoin.

  4         Me PRODANOVIC (interprétation) :  Je m’excuse. 

  5   Merci.

  6         R.    Je ne sais pas.  Je crois qu’il y avait plus

  7   de Serbes qui étaient employés, mais ceci ne m’a jamais

  8   intéressée.  Je n’ai jamais établi de statistiques à ce

  9   sujet.

 10         Q.    Est-ce que vous pourriez nous dire quels

 11   étaient les chefs de départements à l’hôpital ? 

 12         R.    Commençons par le début.

 13         Q.    Je suppose que c’est une question plus facile

 14   pour vous.

 15         R.    Oui.  Le département de chirurgie, c’était un

 16   Serbe.  Gynécologie, musulman.  Pédiatrie, musulman. 

 17   Département d’infections, musulman.  Transfusions, Serbe. 

 18   Service de département interne, Serbe.  Le département

 19   thoracique, Serbe.  Psychiatrie, musulman.  Oto-rhino-

 20   laryngologie, musulman.  Peut-être j’ai oublié de citer un

 21   autre département.  Attendez.  Le département de

 22   réhabilitation, c’était un Serbe.

 23         Q.    Vous-même, étiez-vous chef de département ?

 24         R.    Je me suis mentionnée moi-même.  J’étais chef

 25   du département de pédiatrie.


Page 518

  1         Q.    Très bien !  Depuis quand étiez-vous le chef

  2   du département de pédiatrie ?

  3         R.    Depuis 1976, lorsque j’ai terminé ma

  4   spécialisation.

  5         Q.    Depuis 1976.  Très bien !  Est-ce que vous

  6   pourriez nous dire exactement où vous étiez au moment où le

  7   conflit a éclaté ?

  8         R.    Comme je l’ai dit, je suis allée au travail

  9   le 8.  Je suis rentrée chez moi pour venir chercher ma

 10   famille, pour aller à l’hôpital avec eux.  Mon collègue que

 11   j’ai mentionné, Relja, il est venu avec moi et Relja, il a

 12   amené sa femme et son enfant à l’hôpital, alors que les

 13   membres de ma famille ne voulaient pas partir. 

 14         Q.    Je parle du moment où des coups de feu ont

 15   commencé à être entendus, tirés.

 16         R.    Oui.  J’étais à la maison.  Je ne suis pas

 17   sortie.  Pendant toute cette période, on entendait des

 18   coups de feu, entre le 8 et le 14, et je ne sortais pas du

 19   tout.

 20         Q.    Merci. 

 21         Me PRODANOVIC (interprétation) :  Je souhaite que

 22   l’huissier montre maintenant au témoin une carte – il

 23   s’agit de la pièce à conviction du Procureur 12/1 – pour

 24   que le témoin puisse montrer où se trouvait son immeuble.

 25         R.    Je crois que ceci ne figure pas sur cette


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  1   carte.  Ceci se trouve juste de l’autre côté de la route,

  2   de l’autre côté de Cehotina, mais je crois que peut-être

  3   ceci ne figure pas sur la carte. 

  4         L’INTERPRÈTE :  [Inaudible] 

  5         R.    L’hôtel Zelengora est numéro 5 et j’étais en

  6   face de l’hôtel Zelengora, juste de l’autre côté du pont. 

  7   Mon bâtiment se trouvait en parallèle par rapport à ce

  8   pont.

  9         Q.    Si vous regardez ça, est-ce que vous pouvez

 10   nous montrer la route vers l’hôpital ?  Quelle est la route

 11   que vous prenez pour aller à l’hôpital ?

 12         R.    Eh bien, je traversais ce pont et j’arrivais

 13   en laissant l’hôtel Zelengora à droite.  Moi, je continuais

 14   à gauche.  C’est là que l’autobus nous attendait devant

 15   Délicatesses.  On repasse le pont et puis l’autobus longe

 16   mon bâtiment, on passe au-dessous du KP Dom.

 17         Q.    Je crois que vous vous trompez.  Vous montrez

 18   Cehotina.

 19         R.    Oui, je montre Cehotina.  Effectivement, j’ai

 20   fait une erreur.  Donc 5, c’est l’hôtel Zelengora.  En

 21   face, c’est mon immeuble.  Donc moi par exemple, je

 22   traversais le pont.  Ensuite, je passais de l’autre côté,

 23   devant Délicatesses.  Toi, tu sais où était Délicatesses. 

 24   C’est là que le bus allant vers l’hôpital s’arrêtait. 

 25   Donc, on longeait la rivière Drina.  On passait devant le


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  1   KP Dom pour aller à l’hôpital.

  2         Q.    Oui.  Moi, je comprends, mais pour que les

  3   choses soient claires pour tout le monde ici, vous avez

  4   montré la rive gauche de la Drina, mais je crois que vous

  5   avez fait une erreur.  Je crois qu’il faut prendre la rive

  6   droite pour aller à l’hôpital.

  7         R.    Oui, vous avez raison.  J’ai faut une erreur

  8   en indiquant.  Je crois que ceci n’est pas tellement

  9   important.  Moi, je décrivais la rive gauche et je montrais

 10   la rive droite, n’est-ce pas ?

 11         Q.    Oui.

 12         R.    Eh bien, je pense que je suis simplement

 13   fatiguée et que je n’ai pas fait suffisamment attention.

 14         Q.    Oui.  Il n’y a pas de problème.  Vous

 15   traversiez quelles agglomérations pour aller jusqu’à

 16   l’hôpital ?

 17         R.    Donje Polje devant le KP Dom, et puis en bas,

 18   je ne sais pas comment ça s’appelait cette partie.  C’est

 19   la rue Proleterskih Brigada.

 20         Q.    Très bien.  Vous avez dit que ce jour-là,

 21   vous êtes partie, vous êtes allée vers l’hôpital et que

 22   vous avez passé deux barrages routiers.  C’est ce que vous

 23   avez dit dans votre déclaration.

 24         R.    Oui.

 25         Q.    Et où est-ce que ceci se trouvait ?


Page 521

  1         R.    D’un côté, près du KP Dom, et l’autre était

  2   près du pont de Zrinjski.

  3         Q.    Est-ce que vous pouvez décrire ces barrages

  4   routiers?

  5         R.    Eh bien, il y avait deux personnes et puis un

  6   camion qui bloquait la route.  Sinon, de toute façon,

  7   personne ne nous a arrêtés, personne ne nous demandait quoi

  8   que ce soit.  C’est ce que j’ai dit dans ma déclaration.

  9         Q.    Est-ce que ça veut dire que les voitures ne

 10   pouvaient pas passer ?

 11         R.    Oui, je suppose puisque le véhicule bloquait

 12   la route mais les passagers pouvaient passer sans problème.

 13         Q.    Est-ce que vous pouvez nous dire si vous

 14   savez qui avait érigé ces barrages routiers, ces points de

 15   contrôle ?

 16         R.    Non.

 17         Q.    Aujourd’hui au cours de votre déposition,

 18   vous avez dit que cette partie de l’agglomération était en

 19   majorité musulmane ?

 20         R.    Oui.

 21         Q.    Vous êtes d’accord avec cela ?

 22         R.    Oui, sauf les immeubles d’en face où la

 23   population était mixte.

 24         Q.    Est-ce que vous seriez d’accord avec moi pour

 25   dire que c’était les musulmans qui les avaient érigés ?


Page 522

  1         R.    Écoute, je ne peux pas être d’accord ni avec

  2   moi ni avec toi.  Moi, je ne connaissais pas les personnes

  3   qui étaient aux barrages routiers.  Je ne savais même pas

  4   pourquoi ces barrages routiers avaient été érigés.  C’était

  5   le début des événements.  Moi, je rentrais.  Lorsque je

  6   suis rentrée, on n’a pas eu de problèmes et après, je ne

  7   suis plus passée en prenant la même route.  Je suis restée

  8   chez moi et puis à la fin, j’ai pris ce même autobus que je

  9   prenais toujours pour aller à l’hôpital.

 10         Q.    Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce

 11   que faisaient ces personnes qui étaient au point de

 12   contrôle ?  Est-ce qu’ils vérifiaient les identités ?

 13         R.    Non.  On ne nous a pas demandé de montrer nos

 14   cartes d’identité.  On ne nous a rien demandé.  On est

 15   arrivé jusqu’au barrage routier et puis on est passé sans

 16   problèmes, et encore aujourd’hui, je dis que je ne sais pas

 17   qui étaient ces personnes.

 18         Q.    Est-ce que vous savez quel était leur

 19   comportement envers les gens qu’ils ne connaissaient pas ?

 20         R.    Aucune idée puisque nous nous allions à

 21   l’hôpital.  Nous allions au travail.  Je suppose qu’ils

 22   nous connaissaient tous.  Ils ne nous ont rien demandé et

 23   en rentrant, ils ne nous ont même pas arrêtés.  Nous avons

 24   passé, nous étions en voiture, et après, je n’ai plus

 25   repris le même chemin.


Page 523

  1         Q.    Est-ce que vous pouvez nous dire, à votre

  2   avis, quel était le but de leurs barrages routiers ?  S’ils

  3   étaient là, s’ils n’arrêtaient personne, s’ils ne

  4   demandaient pas de carte d’identité ni d’autres papiers de

  5   la part de qui que ce soit, pourquoi alors ?

  6         R.    À vrai dire, je ne sais pas.  J’ai été

  7   tellement étonnée que je ne réfléchissais pas du tout à ça,

  8   et après, les coups de feu ont commencé et à ce moment-là,

  9   je ne savais plus rien clairement.  Donc, je ne savais pas

 10   quel était le but des barrages routiers, ni qui les avaient

 11   constitués, ni qui s’y trouvait.

 12         Comme je l’ai déjà dit, à Foca, j’avais vécu une

 13   vie digne d’un être humain.  Quant à savoir ce qui s’est

 14   passé du jour au lendemain, il est très difficile de

 15   décrire cela et il est très difficile même pour nous, moi

 16   et toi qui avons vécu comme des citoyens honnêtes, dans une

 17   telle situation, il était très difficile de discuter d’une

 18   telle situation, surtout si nous qui nous connaissions

 19   tellement bien, qui fêtions nos fêtes.

 20         Moi, je souhaite qu’on le refasse.  Moi, je ne

 21   suis pas de ceux qui ne souhaitent pas rentrer chez elle

 22   dans sa ville mais je trouve ceci très, très difficile.  Il

 23   y a tous ces gens et toi, tu dois le savoir qu’il y a tous

 24   ces gens que j’ai vraiment aidé et tous les gens de la

 25   région le savent, pourquoi personne ne me l’a dit ?  Mes


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  1   enfants à moi sont des enfants aussi.  Moi, j’aimais mes

  2   enfants comme les autres aimaient les leurs.  Mes enfants

  3   étaient adultes.

  4         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Veuillez

  5   juste répondre aux questions posées directement.  Ceci nous

  6   permettra d’accélérer les choses.

  7         Me PRODANOVIC (interprétation) :  Je comprends.

  8         Q.    Ce jour-là à l’hôpital, est-ce que certaines

  9   choses se produisaient qui indiquaient qu’un conflit allait

 10   éventuellement éclater ?

 11         R.    Dès que je suis arrivée, j’ai vu que beaucoup

 12   de personnes sont venues avec leurs familles.  Moi, je suis

 13   rentrée tout de suite chez moi.  Donc, je ne savais pas ce

 14   qui s’est produit à l’hôpital.  Je n’ai pas travaillé.  Je

 15   suis allée à l’hôpital, j’ai vu qu’ils sont venus avec

 16   leurs familles et moi, je suis rentrée avec mon collègue

 17   Dimjan.  Les membres de ma famille ne voulaient pas aller à

 18   l’hôpital et donc moi, je suis restée chez moi avec ma

 19   famille.

 20         Q.    Est-ce que vous pouvez me dire combien

 21   d’enfants y avait-il dans votre département ?  Est-ce qu’il

 22   y avait des enfants abandonnés ?

 23         R.    Oui, il y en a eu des enfants abandonnés.  À

 24   ce moment-là, je crois qu’ils étaient au nombre de quatre

 25   et quant au nombre total, je crois qu’ils étaient peut-être


Page 525

  1   une trentaine.

  2         Q.    Est-ce que vous pourriez me dire si parmi ces

  3   enfants abandonnés, il y avait également des enfants

  4   d’origine musulmane ?

  5         R.    Oui.  Il y avait un petit, Dzudarija.  Sa

  6   mère était morte.  Elle est morte pendant l’accouchement. 

  7   Son anniversaire était le 20 juin, son troisième

  8   anniversaire, et par la suite, j’ai entendu qu’il a été

  9   échangé à Gorazde en novembre ou octobre.

 10         Puis, il y avait une petite fille qui est née

 11   déformée avec des déformités dans sa main et son pied et sa

 12   famille ne voulait plus l’accueillir de nouveau mais je ne

 13   sais pas ce qui est advenu à cette pauvre enfant.

 14         Q.    Vous avez montré où se trouvait votre

 15   appartement, votre immeuble.  Est-ce que vous pouvez nous

 16   dire combien d’appartements étaient musulmans et combien

 17   d’appartements appartenaient aux autres ?

 18         R.    Je crois qu’il s’agissait du même nombre

 19   d’appartements plus ou moins.

 20         Q.    Je vais vous rappeler ce que vous avez dit

 21   dans le cadre de la déclaration que vous avez donnée aux

 22   enquêteurs.  Vous avez dit que les Serbes savaient très

 23   bien sur quels appartements ils tiraient.  Est-ce que vous

 24   maintenez cette déclaration encore aujourd’hui ?

 25         R.    Parce que certains d’eux sont restés chez eux


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  1   dans leur appartement, les femmes par exemple, elles

  2   préparaient le déjeuner, les enfants étaient assis sur le

  3   lit, ils lisaient les livres, et moi, ceci était une sorte

  4   d’indice me disant que peut-être ils savaient où ils

  5   tiraient.  Au moins, ceci laisse un doute dans ma tête.

  6         Q.    Est-ce que vous connaissiez Vukasin

  7   Skiljevica ?

  8         R.    Oui.

  9         Q.    Quelle était son appartenance ethnique ?

 10         R.    Musulman.

 11         Q.    Est-ce que vous connaissiez la famille de

 12   Radovic, Jeftan Radovic ?

 13         R.    Ils habitaient au-dessus de moi.

 14         Q.    Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à

 15   leurs appartements ?

 16         R.    Leurs appartements ont été incendiés en même

 17   temps que le mien puisque le feu s’est répandu.  Le feu

 18   s’est répandu depuis mon appartement mais leurs

 19   appartements n’ont pas été détruits entièrement.

 20         Q.    Comment est-ce que vous l’avez appris ?

 21         R.    C’est ce que j’ai entendu.  Lorsque j’ai

 22   quitté le camp, je suis allée dans mon appartement et je

 23   l’ai vu.  Mon directeur et puis une autre personne, ils

 24   m’ont escorté jusqu’à mon appartement.  Il y a eu certains

 25   dommages dans cet appartement mais dans le mien, il n’y


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  1   avait absolument rien, par exemple les photos d’enfants. 

  2   C’est ce que je regrette le plus parce que ça, je ne

  3   pourrai plus jamais les prendre.  Mais quant aux

  4   appartements de Jeftan et de Vukasin, ils ont été

  5   endommagés mais pas complètement détruits mais je ne sais

  6   toujours pas qui a incendié le mien, mon appartement à moi.

  7         Q.    Est-ce que l’appartement était incendié de

  8   manière délibérée ou bien au cours des combats ?

  9         R.    Ça, je ne peux pas l’affirmer.  Je ne peux

 10   pas soutenir ni l’une ni l’autre hypothèse parce que

 11   simplement, je ne le sais pas.

 12         Q.    Est-ce que vous savez que des combats se sont

 13   déroulés autour de votre bâtiment ?

 14         R.    Pour autant que je le sache, des combats se

 15   déroulaient autour de mon immeuble puisqu’on entendait

 16   beaucoup de coups de feu pendant que nous étions dans la

 17   cave.

 18         Q.    Est-ce que vous pouvez supposer ou bien est-

 19   ce que vous savez où se trouvaient les positions des uns et

 20   des autres ?  Là, je parle des deux belligérants.

 21         R.    Je ne sais pas.  Je ne sortais pas et je ne

 22   peux pas me prononcer là-dessus.

 23         Q.    Dans votre déclaration, la déclaration que

 24   vous avez donnée aux enquêteurs auparavant, vous avez dit : 

 25   « Le soir du 12 avril 1992, nous avons pu voir depuis notre


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  1   appartement que la partie de la ville appelée Prijeka

  2   Casija était en flammes.  Cette même partie de la ville

  3   avait été incendiée par les Chetniks au cours de la

  4   Deuxième Guerre mondiale. »

  5         Est-ce que vous vous trouviez dans l’appartement

  6   ou bien au rez-de-chaussée puisque vous alliez parfois en

  7   haut, parfois en bas, au moment où Prijeka Carsija était en

  8   flammes ?

  9         R.    À un moment, les coups de feu se sont arrêtés

 10   et toute la ville était illuminée, et depuis l’appartement,

 11   nous avons pu voir que Prijeka Carsija était en flammes

 12   mais je ne sais pas qui l’avait incendié.  Je ne suis pas

 13   sortie de l’immeuble, je ne sais pas qui tirait, d’où il

 14   tirait, qui luttait contre qui.  Donc, je peux simplement

 15   dire : j’ai entendu dire ceci ou cela mais je ne peux pas

 16   l’affirmer avec exactitude.

 17         Q.    Est-ce que vous pouvez identifier les

 18   propriétaires de maison qui étaient incendiées ?

 19         R.    Certainement pas.  Je ne regardais même pas. 

 20   Je pense qu’à Prijeka Carsija, il y avait surtout des

 21   commerces et pas tellement de maisons.  Moi, je dis que

 22   Prijeka Carsija était en flammes mais je ne sais pas quels

 23   étaient les bâtiments précis qui étaient incendiés.

 24         Q.    Est-ce que vous connaissez Simo Aganovic ?

 25         R.    Vous parlez de celui qui était propriétaire


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  1   d’une pâtisserie ?

  2         Q.    Parce que je souhaite parler des commerces à

  3   Prijeka Carsija.  Je ne sais pas si vous savez qui étaient

  4   les propriétaires des commerces qui avaient été incendiés.

  5         R.    Slavisa… moi, j’ai dit que j’ai vu que

  6   Prijeka Carsija était en feu et que là-bas, il y a eu des

  7   commerces serbes et musulmans mais je ne sais pas quels

  8   étaient les commerces qui ont été incendiés.  Je ne sais

  9   pas qui étaient les propriétaires de ces commerces et je ne

 10   suis plus jamais repassée par Prijeka Carsija par la suite. 

 11   Donc, je ne peux pas dire des choses que je ne connais pas.

 12         Q.    Est-ce que vous savez où se trouvait

 13   Jugoplastika ?

 14         R.    Oui.

 15         Q.    C’était dans la même rangée de maisons, de

 16   commerces ?

 17         R.    C’était juste en face de Muja Moco.

 18         Q.    Est-ce que ça aussi, ça été incendié ?

 19         R.    Je n’ai vraiment aucune idée.  Je ne passais

 20   pas par là.

 21         Q.    Seriez-vous d’accord avec moi pour dire qu’il

 22   y a un certain nombre de bâtiments également qui ont été

 23   incendiés à Prijeka Carsija et dont les propriétaires

 24   étaient Asima Aganovic qui était musulmane; ensuite le

 25   magasin de Jugoplastika dont le propriétaire était la


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  1   famille Sunaric qui habitait au premier étage du magasin;

  2   ensuite un bâtiment d’état Lovoturs dont le propriétaire

  3   était un Serbe et qui avait loué donc ce bâtiment,

  4   Lovoturs; ensuite une orfèvrerie dont le propriétaire était

  5   Halim Brajlovic; ensuite des locaux de l’église orthodoxe

  6   serbe où l’on vendait les cierges et tout l’équipement pour

  7   l’enterrement; ensuite une boutique de l’état également, de

  8   la société intitulée « 21 Décembre »…

  9         R.    C’était à l’angle.

 10         Q.    À proximité.  Et puis également la maison de

 11   Males, Mile ?

 12         R.    Oui.  Je sais où c’est.

 13         Q.    Mais il était de quelle nationalité ?

 14         R.    Serbe.

 15         Q.    Ensuite, il y avait le propriétaire également

 16   Colpa d’une boutique ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Il était musulman ?

 19         R.    Oui.

 20         Q.    Ensuite, il y avait également un autre café

 21   qui appartenait à Hadziahmetovic, Mensud, qui était

 22   musulman ?

 23         R.    Oui.

 24         Q.    Est-ce que vous êtes d’accord avec moi que

 25   j’ai établi un ordre entre les bâtiments que nous avons vus


Page 531

  1   avoir été incendiés ?  Est-ce que vous le permettez ?

  2         R.    Je le permets.  Je ne peux pas vous dire quoi

  3   que ce soit.  Je ne sais pas à qui ces bâtiments

  4   appartenaient, à qui appartenaient ces boutiques tout

  5   simplement parce que je ne l’ai pas vu, moi.  J’ai vu la

  6   flamme, j’ai vu que les boutiques ont été incendiées.

  7         Q.    Ce n’est pas pour vous que je pose la

  8   question.  C’est pour d’autres raisons.

  9         R.    D’accord.  Je te comprends.

 10         Q.    Est-ce que vous connaissez Velizar Grusic ?

 11         R.    Oui.

 12         Q.    Bien ?

 13         R.    (expurgée)

 14         Q.    (expurgée)

 15   (expurgée)

 16         R.    Oui.

 17         Q.    (expurgée)

 18         R.    (expurgé).  Ensuite,

 19   c’était numéro 4.  C’était peut-être Beogradska numéro 6.

 20         Q.    Par conséquent, à proximité de l’immeuble que

 21   vous habitiez ?

 22         R.    Oui.

 23         Q.    Est-ce que vous êtes au courant également que

 24   la maison a été incendiée ces jours-ci ?

 25         R.    Oui.  J’ai appris également que Kong (ph.) a


Page 532

  1   été brûlé, incendié.

  2         Q.    Est-ce que vous connaissez Milisav

  3   Kovacevic ?

  4         R.    Oui, bien évidemment.  J’ai travaillé avec

  5   lui.

  6         Q.    Qu’est-ce qu’il avait comme nationalité ?

  7         R.    Serbe.  Sa maison a été brûlée, incendiée.

  8         Q.    Elle était quelque peu séparée sa maison ?

  9         R.    Elle était dans le quartier résidentiel.

 10         Q.    Je pense au fond à ces maisons qui étaient

 11   rangées l’une après l’autre, serbes et musulmanes.

 12         R.    Oui.  Elle était alignée dans cette rangée.

 13         Q.    Est-ce que le 12 avril, vous étiez au courant

 14   qu’il y avait toute une série de maisons serbes qui ont été

 15   incendiées à partir de Drago Plemic, Milisav Kovacevic,

 16   Momo Kovac, Ilija Radovic, Milorad Krnojelac ?

 17         R.    Pour Milorad, je le sais.  C’est lui-même en

 18   personne qui me l’a dit.  Pour les autres, je ne sais pas.

 19         Q.    Dzoja Pavlovic, Vasilije Radovic et les

 20   familles Obrenovic et Drakula qui se trouvaient pas trop

 21   loin ?

 22         R.    Je ne suis pas au courant tout simplement

 23   parce que je ne suis plus restée en contact avec qui que ce

 24   soit avec qui éventuellement j’aurais pu discuter, et puis

 25   en définitive, ça ne m’intéressait pas, ça ne m’intéressait


Page 533

  1   absolument pas quelles étaient les maisons qui ont été

  2   incendiées.  Ce qui m’intéressait, c’était les êtres

  3   humains et leur vie car je considère qu’en ce qui concerne

  4   les maisons indépendamment de ceux qui les ont incendiées

  5   ou non… et je souligne une fois de plus, j’ai été visée

  6   peut-être de la part du SDA parce que tout simplement, je

  7   n’étais pas membre de ce parti.

  8         Il faut que tu me comprennes.  Je ne sais pas ce

  9   qu’ils ont fait les uns aux autres.  Je sais ce que moi-

 10   même, j’ai pu voir et ce que j’ai vécu et c’est ce que j’ai

 11   relaté.  Je ne peux pas dire ce que je n’ai pas vu, ce que

 12   je n’ai pas vécu.  Je ne peux pas l’affirmer.  Ce que je

 13   peux dire, c’est tout simplement ce que moi-même, j’ai vu

 14   et ce que j’ai vécu, ce que j’ai entendu dire également.

 15         Vous m’énumérez les maisons.  Bien évidemment, à

 16   ce moment-là, je pourrais aller d’une maison pour prendre

 17   un café puis entendre ce qui s’était passé et toi, tu sais

 18   très bien que je ne pouvais pas circuler.  Ce n’était pas

 19   permis.  Je pouvais bien évidemment sortir de temps à autre

 20   pour faire quelques courses.  J’ai peut-être rencontré ma

 21   mère dans la rue, mais de toute façon, ce qui s’était

 22   passé, je ne sais pas.

 23         Milorad m’a dit que justement sa maison a été

 24   brûlée et il m’a dit textuellement : « Si jamais j’avais ma

 25   propre maison, je t’aurais emmenée chez moi. »


Page 534

  1         Q.    Je vous comprends parfaitement.  Je sais ce

  2   que vous dites, mais la Chambre et les Juges doivent

  3   entendre tout ce qui doit être dit. 

  4         R.    Ce n’est pas de moi qu’ils peuvent et doivent

  5   entendre.  Je n’ai pas énuméré les maisons musulmanes qui

  6   ont été incendiées.  J’ai dit tout simplement que mon

  7   appartement a été brûlé.  Je sais qu’à Donje Polje, par

  8   exemple, il y avait des maisons qui ont été incendiées.  À

  9   qui appartenaient ces maisons, je ne sais pas parce que la

 10   majorité des maisons à Donje Polje étaient musulmanes.  Il

 11   y avait Kovac également parce qu’il y avait une des Kovac

 12   qui travaillait à l’hôpital, mais je ne peux pas faire la

 13   distinction.

 14         Je ne sais pas quelle est la maison qui a été

 15   incendiée et qui était le propriétaire de la maison, mais

 16   après tout, ce n’est pas dans mon champ d’intérêt et puis

 17   je ne peux pas vous le dire.  Je ne peux pas dire quelle

 18   est la maison qui a été incendiée.  J’ai tout simplement

 19   dit quel était l’appartement qui était le mien qui a été

 20   incendié.  Quels étaient les autres, je ne peux même pas

 21   parler d’un côté ou de l’autre, ce qui a été fait d’un côté

 22   ou de l’autre.

 23         Q.    Je vous comprends.  Est-ce que je vous ai

 24   comprise également que vous avez bien dit aujourd’hui que

 25   les Serbes avaient fait partir leurs membres de famille


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  1   après cette séparation qui s’est produite au niveau du

  2   Ministère de l’Intérieur ?

  3         R.    Ça, c’est exact.  Je sais que Ratko, par

  4   exemple, avait emmené les membres de sa famille à Gacko,

  5   d’autres en Herzégovine, d’autres à Pludzine, d’autres

  6   encore au Monténégro, à Titograd, Podgorica et d’autres

  7   encore en Serbie.  Ça, c’est un fait, c’est la vérité et si

  8   moi, je n’étais pas au courant, je ne l’aurais pas déclaré.

  9         Q.    Vous avez dit qu’à Cohodor Mahala, il y avait

 10   un massacre et que vous avez appris que ce massacre s’était

 11   produit ?

 12         R.    Oui, je l’ai appris.

 13         Q.    Est-ce que vous pouvez vous souvenir qui vous

 14   a raconté ça ?

 15         R.    À vrai dire, pour te dire vrai, même si je le

 16   pouvais, je ne l’aurais pas dit parce qu’il ne faut pas que

 17   tu oublies une chose, moi, j’avais à Foca des amis parmi

 18   les Serbes.

 19         Q.    Je le comprends.

 20         R.    Par conséquent, je ne souhaite pas citer les

 21   noms de ceux qui voulaient m’aider et qui souhaitaient

 22   m’aider, qui n’ont pas pu m’aider.

 23         Q.    Non, je n’ai pas posé la question à cause de

 24   ça.  Je vous ai posé la question tout simplement parce que

 25   vous avez dit qu’il y avait 27 civils qui ont été tués.


Page 536

  1         R.    C’est ce que j’ai appris parce que si je dis

  2   que je l’ai entendu, je ne l’affirme pas.  Moi, je n’étais

  3   pas sur place et je ne l’ai pas vu de mes propres yeux. 

  4   Par conséquent, je peux dire tout simplement ce que j’ai

  5   entendu et dire ce que moi, j’ai vécu et éprouvé

  6   personnellement.

  7         Q.    C’est comme ça que je vous ai comprise.

  8         R.    Par conséquent, si vous avez bien lu ma

  9   déclaration, je n’ai jamais dit que moi-même ou quelqu’un

 10   de ma famille avait été maltraité, avait été torturé.  De

 11   toute façon, il y avait un certain nombre de menaces qui

 12   ont été proférées à l’encontre de mon mari et c’est pour ça

 13   que j’étais angoissée parce que de toute façon, lui, il

 14   vient de Cndica.  Il est de cette origine et je me souviens

 15   qu’il y avait quelqu’un qui m’avait dit qu’il y avait

 16   quelqu’un qui viendrait de Cndica pour le tuer.

 17         Par conséquent, j’avais mon fils, j’avais ma fille

 18   et j’avais peur que quelque chose arrive à mes enfants et

 19   c’est la raison pour laquelle j’ai dit que si j’ai quelque

 20   chose à reprocher à mes collègues, c’est tout simplement

 21   qu’ils n’ont pas été corrects et ils n’ont pas dit :

 22   « Écoute, il y a quelque chose qui va se passer, par

 23   conséquent, tu peux écarter tes enfants », parce que de

 24   toute façon, les enfants, c’est le plus précieux, ce qu’on

 25   a.  Par conséquent, ce que je ne sais pas, je ne peux pas


Page 537

  1   l’affirmer.

  2         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Me

  3   Prodanovic, est-ce qu’on peut s’en tenir, s’il vous plaît,

  4   à l’interrogatoire principal ?

  5         Madame le Témoin 33, vous êtes ici pour répondre

  6   aux questions qui vous sont posées par Maître.  Je sais que

  7   vous parlez la même langue, mais ici, vous parlez pour les

  8   Juges.  Par conséquent, ce n’est pas un entretien qui doit

  9   avoir lieu entre vous deux.

 10         R.    Excusez-moi, Madame la Présidente.

 11         Me PRODANOVIC (interprétation) : 

 12         Q.    Comme nous parlons de ce terme « camp », vous

 13   avez dit que vous avez été détenue dans ce camp, vous avez

 14   essayé également d’expliquer ce que vous sous-entendez sous

 15   le terme « camp ».

 16         R.    Oui.

 17         Q.    Est-ce que je vous ai bien comprise au moment

 18   où vous étiez dans le camp, c’est comme ça que vous vous

 19   êtes exprimée, vous avez utilisé ce terme, que vous avez eu

 20   par conséquent un lit, vous pouviez vous coucher, vous

 21   aviez la couverture, vous pouviez aller également aux

 22   toilettes ?

 23         R.    C’était à l’établissement pénitentiaire.

 24         Q.    Oui.  Par conséquent, vous avez été nourrie

 25   également à l’établissement pénitentiaire ?


Page 538

  1         R.    Effectivement, nous avons été nourris.  Ce

  2   n’était pas quelque chose de très important mais on a été

  3   nourri.

  4         Q.    C’est tout ce que je voulais vous demander. 

  5   Est-ce que, outre l’appartement, vous aviez également une

  6   maison à Foca ?

  7         R.    J’avais une maison familiale.

  8         Q.    Elle a été incendiée ?

  9         R.    C’était la maison de mes parents.  Elle n’a

 10   pas été incendiée.

 11         Me PRODANOVIC (interprétation) :  Madame la

 12   Présidente, je n’ai plus de questions.  C’est tout ce que

 13   je voulais poser comme questions.  Je vais bien évidemment

 14   laisser la place à mes collègues, à mes confrères.

 15         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Merci.

 16         Me Kolesar.

 17         Me KOLESAR (interprétation) :  Je vais axer mon

 18   attention dans mon interrogatoire sur d’autres sujets.

 19         CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR

 20         (interprétation) :  

 21         Q.    Dans une des déclarations que vous avez

 22   données au Bureau du Procureur et aux enquêteurs également

 23   du Tribunal, vous avez dit qu’en 1990, il y avait une

 24   grande manifestation qui a été organisée et que le SDS a

 25   été établi à ce moment-là à Foca.  Ce qui m’intéresse,


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  1   c’est de savoir si vous pouvez me dire à quel moment le

  2   Parti SDA a-t-il été créé, le Parti de l’action démocrate,

  3   le parti des musulmans ?

  4         R.    Moi, j’ai déjà dit que je n’appartiens à

  5   aucun parti national.  Par conséquent, je n’appartenais pas

  6   au Parti du SDA.  Je pense que c’est au cours de la même

  7   semaine, il y avait un parti qui a été fondé au début de la

  8   semaine, l’autre à la fin.  De toute façon, je n’ai pas

  9   assisté à ces réunions.

 10         Q.    Est-ce que vous vous souvenez quel était le

 11   premier ?

 12         R.    C’est le SDA qui a été le premier qui a été

 13   établi, fondé.

 14         Q.    Est-ce que vous vous souvenez des

 15   circonstances dans lesquelles ce parti a été fondé ?  Vous

 16   avez dit que vous n’étiez pas membre d’aucun parti, mais

 17   vous avez eu probablement l’occasion de voir que ce soit à

 18   la télévision ou éventuellement d’entendre parler de ce qui

 19   s’est passé lors de cette manifestation.

 20         R.    Non, absolument pas.  Je ne pouvais pas du

 21   tout voir quoi que ce soit de mon appartement et puis ça ne

 22   m’intéressait pas du tout.

 23         Q.    Est-ce qu’éventuellement, vous savez combien

 24   de personnes il y avait lors de cette réunion constituante

 25   du parti ?  Est-ce que vous avez un chiffre ?


Page 540

  1         R.    Je n’ai absolument aucun chiffre ni pour une

  2   manifestation, ni pour l’autre, ni pour une réunion, ni

  3   pour l’autre.

  4         Q.    Est-ce que vous permettez que lors du meeting

  5   ou de la promotion du SDA, il y avait entre 150 et 200 000

  6   personnes ?

  7         R.    Si je vous ai déjà dit que je n’appartenais à

  8   aucun parti national et si je vous dis également que des

  9   partis nationalistes ont justement emmené une telle

 10   situation, ont été à l’origine d’une telle situation, à ce

 11   moment-là, vous comprenez bien que je ne m’intéressais pas

 12   à combien de personnes avaient été réunies lors de ces

 13   réunions constituantes.  De toute façon, je n’étais pas

 14   contente.

 15         Q.    Madame le Témoin 33, vous savez que vous êtes

 16   sous serment et que vous déposez sous serment.  Par

 17   conséquent, la Chambre n’est pas intéressée à savoir si

 18   vous-même, vous étiez membre d’un parti ou l’autre, si vous

 19   étiez intéressée pour un parti ou l’autre.  C’est tout

 20   simplement de présenter aux Juges ce que vous savez, quels

 21   sont les faits que vous savez.

 22         R.    Je ne sais pas combien de personnes ont

 23   assisté à ces meetings.

 24         Q.    Vous n’avez pas par conséquent regardé à la

 25   télévision ce qui s’était passé, comment les réunions ont


Page 541

  1   été organisées ?

  2         R.    Ça fait pratiquement huit ans qui se sont

  3   écoulés.  Je ne sais pas quelle était l’année où ces deux

  4   réunions avaient eu lieu.  Il y avait plein de choses qui

  5   se sont passées depuis et j’avoue que j’ai perdu le

  6   souvenir de toutes ces manifestations.

  7         Me KOLESAR (interprétation) :  Je vais demander à

  8   la cabine technique de bien vouloir nous diffuser la

  9   cassette vidéo numéro 1.  Je vais demander à l’huissier de

 10   nous aider et nous avons également des copies pour les

 11   Juges, pour le greffe.  Il s’agit de la cassette sur la

 12   réunion, le meeting du SDA et je pense que le Procureur

 13   dispose d’une copie de cette cassette vidéo.

 14         L’INTERPRÈTE :  Les interprètes ne disposent pas

 15   de ces copies.

 16         Me KOLESAR (interprétation) :  Nous proposons

 17   également que cette cassette vidéo soit enregistrée sous la

 18   cote 9/1.

 19         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Est-ce que,

 20   Me Kolesar, les interprètes disposent d’une copie du texte

 21   ?  Sinon, on ne peut pas faire la traduction.

 22         Me KOLESAR (interprétation) :  Oui.

 23         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

 24   prie, Me Ryneveld.

 25         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je ne sais pas


Page 542

  1   quel est l’objectif que de vouloir montrer la cassette à ce

  2   témoin.  Si on veut tout simplement prouver devant le

  3   témoin que le SDA avait organisé ce meeting, elle n’a pas

  4   vu le meeting.  Bien évidemment, je ne conteste pas le fait

  5   de verser au dossier…

  6         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Est-ce qu’elle

  7   était d’accord qu’elle l’avait vu à la télévision ?

  8         Me RYNEVELD (interprétation) :  Si c’est la

  9   cassette vidéo que nous allons diffuser, à ce moment-là,

 10   oui.

 11         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Oui.  Bien, si

 12   elle l’a vu, à ce moment-là, il n’y a aucune raison de ne

 13   pas le voir.

 14         Me RYNEVELD (interprétation) :  Moi, j’ai compris

 15   qu’elle ne l’a pas vu.  Elle n’a pas assisté.

 16         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Moi, je

 17   pense que tout simplement, elle n’a pas été présente.

 18         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Je me suis

 19   posé la question si c’était véritablement le témoin devant

 20   lequel il fallait…

 21         LA GREFFIÈRE :  [Hors microphone] …portera le

 22   numéro D/1 et son transcript portera la cote D1/1.

 23               [Diffusion d’une cassette vidéo]

 24         L’INTERPRETE :  Les interprètes ne peuvent pas

 25   faire la traduction parce qu’ils ne disposent pas du texte.


Page 543

  1         Me KOLESAR (interprétation) :  Excusez-moi, la

  2   cassette n’est pas de très bonne qualité et je m’en excuse. 

  3   Je voudrais donc poursuivre mon interrogatoire.

  4         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

  5   prie.

  6         Me KOLESAR (interprétation) :  

  7         Q.    Est-ce que vous étiez au courant qui étaient

  8   les invités à ce meeting de Foca ?

  9         R.    Non.  J’ai pu suivre à la télévision et à la

 10   radio, mais de toute façon, ça ne m’a pas intéressée car,

 11   comme je l’ai dit, je n’étais pas intéressée pour la

 12   création de ce parti.

 13         Q.    Est-ce que vous êtes d’accord avec moi pour

 14   dire que les plus hauts fonctionnaires du SDA avec Alija

 15   Izetbegovic assistaient à ce meeting, à cette manifestation ?

 16   Est-ce que vous permettez cette possibilité ?  Est-ce

 17   que vous avez entendu la question ?

 18         R.    Oui, je suis au courant.

 19         Q.    Est-ce que vous savez qui étaient les autres

 20   personnes qui accompagnaient Alija Izetbegovic ?

 21         R.    Moi, une fois de plus, je répète, je

 22   n’appartiens pas à ce parti et je ne suis pas intéressée

 23   aux activités de ce parti.  J’ai suivi à la télévision ce

 24   qui se passait.  J’ai probablement lu également les

 25   journaux et encore maintenant, je ne suis pas intéressée à


Page 544

  1   ce parti.

  2         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Madame le

  3   Témoin, je vous en prie, répondez à la question.  Est-ce

  4   que vous êtes au courant qui encore était présent à ce

  5   meeting ?

  6         R.    Non.

  7         Me KOLESAR (interprétation) :  

  8         Q.    Est-ce que vous savez que lors de cette

  9   promotion, ce meeting, il y avait également un certain

 10   nombre de plans dont on a parlé pour l’évolution du SDA, et

 11   entre autres également, que Foca devienne le centre du

 12   monde islamique ?

 13         R.    Je suis extrêmement gênée de vous répondre à

 14   vos questions.  Si vous m’avez écoutée et si vous avez

 15   écouté ma déposition, je vous ai bien dit comment était

 16   constituée ma famille.  Je suis contre tout parti

 17   nationaliste et j’étais contre toute séparation, toute

 18   partition.  Par conséquent, tout ce qui a été dit lors de

 19   la manifestation du SDA était très étrange pour moi, comme

 20   toute autre, d’ailleurs, de ce type-là.

 21         Q.    Je m’excuse, je vous répète que vous êtes

 22   sous serment.  Ce n’est pas des questions que je vous pose

 23   pour vérifier votre honnêteté, mais c’est tout simplement

 24   pour que la Chambre puisse se rendre compte de ce qui s’est

 25   passé à Foca et quelles étaient les circonstances et le


Page 545

  1   contexte.  C’est la raison pour laquelle je vous pose la

  2   question au sujet de la réunion constituante du Parti du

  3   SDA et c’est pour ça que je vous pose la question et je

  4   vous prie de me répondre à ces questions.

  5         R.    Je ne sais absolument pas quel était le

  6   programme de ce parti.

  7         Q.    Est-ce que vous êtes au courant que Sulejman

  8   Ugljanin également parlait lors de cette réunion ?

  9         R.    Je l’ai appris.

 10         Q.    Est-ce que, très brièvement, vous savez quel

 11   était le contenu de ses idées ?

 12         R.    Non, non.

 13         Me KOLESAR (interprétation) :  Madame la

 14   Présidente, Messieurs les Juges, nous nous approchons de

 15   1 h 00 et il va falloir également voir une autre cassette

 16   vidéo et poser des questions à ce sujet-là.  Je vous pose

 17   la question si éventuellement on pouvait faire la pause

 18   maintenant et puis après continuer l’interrogatoire.

 19         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Oui.  Nous

 20   allons lever l’audience et cet après-midi à 14 h 30, nous

 21   reprenons.

 22               --- Suspension de l’audience à 13 h 00

 23               --- Reprise de l’audience à 14 h 33

 24         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Nous

 25   poursuivons, Me Kolesar.


Page 546

  1         Me KOLESAR (interprétation) :  [Hors microphone]

  2         Q.    La dernière question que je vous ai posée

  3   était la suivante :  Étiez-vous au courant du discours qui

  4   a été prononcé par Sulejman Ugljanin lors du rassemblement

  5   organisé par le SDA ?  Vous m’avez répondu que vous ne vous

  6   en souveniez pas ?

  7         R.    Oui.

  8         Q.    Je vous demande alors :  Cette manifestation

  9   de promotion ou ce rassemblement, cette réunion fondatrice

 10   du SDA de Foca, c’était une réunion de musulmans ou de tous

 11   les citoyens de Bosnie ?

 12         R.    Eh bien, je ne fais partie d’aucune vie

 13   politique et encore moins dans les activités des partis

 14   politiques.  Ça ne m’intéressait pas quant aux musulmans et

 15   aux Bosniens, quant à tout ce qui était fait afin de prôner

 16   leurs objectifs.  Écoutez, les musulmans et les Bosniens,

 17   je ne sais pas si c’est la même chose.  On dit que les

 18   musulmans, ce sont ceux qui appartiennent à une religion,

 19   alors que les Bosniaques, ce sont ceux qui ont la même

 20   appartenance nationale.

 21         Q.    Je vous pose une question.  J’aimerais avoir

 22   votre réponse.  Je ne voudrais pas entendre vos

 23   commentaires.  Vous évitez constamment de me répondre à mes

 24   questions.

 25         Je vous rappelle, dans votre déclaration préalable


Page 547

  1   donnée aux enquêteurs du Tribunal, vous avez parlé d’un

  2   rassemblement qui s’est tenu à un moment en 1990 lors de la

  3   fondation du SDS local et vous avez dit qu’il y a eu

  4   beaucoup de discours, que des menaces terribles ont été

  5   proférées lors de ce rassemblement, que la rivière Drina

  6   sera pleine de sang, que les musulmans disparaîtront de ces

  7   régions.

  8         Or, quand je vous pose des questions sur le

  9   rassemblement du SDA, un parti qui, d’après vous, est un

 10   rassemblement qui a réuni des membres qui vous sont

 11   beaucoup plus proches d’après leur religion ou appartenance

 12   nationale, à ce moment-là, vous me dites que vous n’êtes

 13   pas au courant, que vous ignorez tout de cela.

 14         Or, vous êtes venue ici déposer en tant que

 15   témoin.  Il est de votre devoir de nous dire tout ce que

 16   vous savez.  Je vous rappelle que vous êtes sous serment.

 17         R.    Ce serment m’oblige à dire ce que je sais et

 18   non pas ce que je ne sais pas.  Tout ce que j’ai dit à ce

 19   moment-là, c’était :  « J’ai entendu parler de »,

 20   « Quelqu’un m’a dit quelque chose » et je ne peux pas

 21   affirmer maintenant que je savais ce qui a été dit par ce

 22   parti puisque je ne le sais pas.

 23         Q.    Vous êtes une intellectuelle, un médecin. 

 24   Vous avez certainement suivi l’actualité.  Vous suivez

 25   toujours l’actualité, je n’en doute pas.  Donc, vous deviez


Page 548

  1   savoir, tout comme vous saviez ce qui se passait avec le

  2   SDS et ce qui touchait au SDS, donc vous deviez savoir ce

  3   qui avait trait à l’actualité du SDA.  Je suis convaincu

  4   qu’à la télévision, dans la presse, vous étiez en mesure

  5   d’entendre parler de ce qui a été dit lors de la réunion de

  6   Foca.

  7         R.    Croyez-moi, toutes ces histoires au sujet des

  8   rassemblements nationalistes, que ce soit d’une part ou

  9   d’autre, cela me répugne.

 10         Q.    Moi aussi, je trouve ça répugnant.

 11         R.    Je ne peux pas vous donner de commentaires

 12   sur ce que je ne connais pas.  Je vous ai dit même au sujet

 13   du SDS que j’en ai entendu parler et puis j’ai été frappée

 14   par ce qu’a dit mon collègue Kornjaca.  Si j’avais

 15   l’occasion de lui dire directement, je le lui dirais.  Je

 16   ne peux pas vous dire à présent ce qu’a dit…

 17         Q.    Quelques-uns vous auraient transmis comme ça

 18   des informations sur la réunion du SDA, tout comme sur

 19   celle du SDS ?

 20         R.    Écoutez, il y a eu…

 21         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Me Kolesar,

 22   voulez-vous attendre la réponse ?

 23         Me KOLESAR (interprétation) :  Excusez-moi.

 24         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Puisque les

 25   interprètes doivent suivre et nous avons le compte-rendu


Page 549

  1   d’audience à faire.

  2         R.    J’ai fait partie de ceux qui n’appartenaient

  3   pas aux partis nationalistes.  Ce qui était déclaré lors de

  4   ces réunions, eh bien, ça a été commenté, mais les gens qui

  5   m’entouraient dans mon groupe, on était hostile à ces

  6   partis nationalistes, à leurs dirigeants et on disait que

  7   cela allait mener au pire, à la catastrophe du pays.

  8         Ce que disait Sulejman Ugljanin, ça, je ne le

  9   suivais pas, mais ce que disaient donc eux, ça menait

 10   également à l’effondrement de l’État.

 11         Me KOLESAR (interprétation) :  

 12         Q.    C’est exactement ce que je voulais que vous

 13   me disiez.  Si vous avez entendu dire ce qui s’est passé

 14   lors de la réunion du SDS, dites-nous s’il vous plaît ce

 15   qui s’est passé lors de ce rassemblement du SDA.

 16         R.    Croyez-moi, j’étais en déplacement ce jour-

 17   là.  Cela ne m’intéressait pas et parmi les collaborateurs

 18   les plus proches, personne ne m’en a parlé.  Ça ne m’a pas

 19   intéressée et je ne sais pas ce qui s’est passé.

 20         Me KOLESAR (interprétation) :  J’aurais besoin

 21   d’assistance technique.  Je voudrais faire passer la bande

 22   numéro 2 et je voudrais que ce soit enregistré comme D2. 

 23   Nous avons fourni la transcription en anglais.

 24         LA GREFFIÈRE  :  Donc, cette vidéo cassette

 25   portera la cote D2 et son transcript portera la cote D2/1.


Page 550

  1         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je comprends tout

  2   à fait que mon collègue connaît quelques difficultés avec

  3   ce témoin, mais je ne suis pas sûr qu’il faille insister

  4   sur les sujets que le témoin ne connaît pas.  Peut-être au

  5   moment de la présentation des éléments de preuve de la

  6   Défense serait-il plus utile d’essayer d’aborder ces

  7   points. 

  8         Je ne veux pas empêcher le « visionnage » de cette

  9   cassette.  Peut-être si le témoin dit : « Cela ne me

 10   rappelle rien » ou « Oui, ça me rappelle », ce serait une

 11   bonne manière de procéder.  Sinon, je ne suis pas sûr que

 12   ce soit [hors microphone] …passer cette cassette.

 13         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Pouvez-vous

 14   nous décrire donc à l’avance cette cassette pour qu’on

 15   sache si c’est pertinent ou non et s’il convient de poser

 16   ces questions à ce témoin ?

 17         Allez-y, Monsieur Kolesar.

 18         Me KOLESAR (interprétation) :  Alors, la

 19   description de la cassette, nous avons une des personnes

 20   qui ont pris la parole lors du rassemblement du SDA de Foca

 21   et il s’agit de Semso Tankovic.  C’est l’un des discours

 22   caractéristiques qui devraient rappeler au témoin ce que je

 23   tente d’apprendre de la part de ce témoin et je suis

 24   certainement convaincu que ce témoin le sait, sinon

 25   directement, alors, indirectement, tout comme il sait ce


Page 551

  1   qui s’est passé lors du rassemblement du SDS.

  2                     [La Chambre discute]

  3         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Me Kolesar,

  4   la Chambre estime que vous devez préciser quelles sont vos

  5   intentions avec cette cassette.  Vous souhaitez verser au

  6   dossier cet extrait par l’intermédiaire de ce témoin ou

  7   vous souhaitez seulement l’utiliser pour rafraîchir la

  8   mémoire au témoin ?  Quelles sont vos intentions ?

  9         Me KOLESAR (interprétation) :  Cette deuxième

 10   option.  J’essaie de rafraîchir la mémoire au témoin et

 11   après, je souhaite verser cela au dossier.

 12         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Allez-y. 

 13   Veuillez poursuivre.

 14         Me KOLESAR (interprétation) :  Peut-on visionner

 15   la cassette ?  Vous m’autorisez à faire visionner la

 16   cassette ?

 17         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Oui, tout à

 18   fait, pour que le témoin puisse la voir.

 19         Me KOLESAR (interprétation) :  Je demande à la

 20   cabine technique de nous montrer la cassette.

 21               [Diffusion d’une cassette vidéo]

 22         L’INTERPRÈTE :

 23         « Sommes-nous des Serbes ?

 24         « Réponse de la foule :  Non.

 25         « Sommes-nous des Croates par hasard ?


Page 552

  1         « Réponse :  Non.

  2         « Sommes-nous des musulmans ?

  3         « La foule :  Oui.

  4         « Messieurs les journalistes, chers amis serbes et

  5   croates, vous avez eu l’occasion d’entendre au nom de 3 000

  6   000 de musulmans le peuple rassemblé répondre qui nous

  7   sommes et ce que nous sommes.  Nous sommes des musulmans et

  8   mettez-le bien dans votre mémoire pour toujours. 

  9         « Ceci est également une réponse à tous ceux qui,

 10   quelles que soient leurs raisons politiciennes, donc à tous

 11   ceux qui se déclarent Serbes ou Croates alors qu’ils

 12   appartiennent à la religion islamique.  C’est une réponse à

 13   ceux donc qui disent que le SDA ne leur convient pas parce

 14   que c’est un parti trop vert.  Je leur affirme ici : Il

 15   doit être vert, c’est à nous qu’il appartient.

 16         « La foule scande : SDA, SDA. »

 17         Me KOLESAR (interprétation) :  Je remercie la

 18   cabine technique.

 19         Q.    Ce que vous venez d’entendre, est-ce que cela

 20   vous a permis de vous rappeler quelque chose que quelqu’un

 21   vous aurait raconté concernant ce discours ainsi que

 22   d’autres discours ?

 23         R.    Avant tout, je n’appartiens pas au Parti SDA. 

 24   Je trouve répugnant ce discours.  Je n’ai jamais entendu

 25   parler de cet homme qui a pris la parole et je demanderai à


Page 553

  1   la Chambre de me protéger de ce genre de questions.  Je

  2   n’appartiens pas à un parti national.  Je n’étais pas

  3   favorable au partage de la Bosnie. 

  4         J’ai assisté à la réunion de création de mon parti

  5   qui était représenté par un sportif connu, par Monsieur

  6   Zarko Verajic.  Ne me posez pas ce genre de questions.  Je

  7   suis musulmane, certes, mais je ne suis pas d’accord avec

  8   cela mais j’appartiens à la Bosnie, j’aime la Bosnie. 

  9   C’est ça mon État.

 10         Ce parti-là, tout comme le SDS, je ne l’aime pas

 11   parce qu’ils nous ont menés là où nous sommes et je demande

 12   à la Chambre de me protéger de ce genre de questions

 13   désagréables.

 14         Q.    J’admets que ces questions vous soient

 15   désagréables.  Je ne vous demande pas d’exposer vos points

 16   de vue politiques.  Je vous demande de me répondre.

 17         R.    Je n’ai jamais vu cela.  Je n’ai jamais

 18   entendu cela.  Je n’ai jamais eu l’occasion de voir cette

 19   cassette.

 20         Q.    Quand vous avez fait votre déclaration aux

 21   enquêteurs du Tribunal, vous avez dit une chose que vous

 22   avez répétée plusieurs fois aujourd’hui, à savoir que vous

 23   n’étiez membre d’aucun parti national mais que vous avez

 24   fait partie de l’Alliance socialiste.

 25         R.    Oui.


Page 554

  1         Q.    Pouvez-vous préciser de quelle organisation

  2   il s’agit et de nous exposer brièvement son programme ?

  3         R.    Eh bien, l’Alliance socialiste n’était pas

  4   vraiment un parti politique.  C’était une alliance qui

  5   réunissait un certain nombre de personnes.  Enfin, dans un

  6   sens, on peut dire que c’était un parti politique, mais ce

  7   n’était pas une formation qui était proche d’un parti

  8   politique dans le sens où l’étaient les autres. 

  9         Enfin, vraiment, je ne me rappelle plus très bien

 10   parce que beaucoup de temps s’est passé.  Enfin, je ne me

 11   souviens plus très bien de son programme.  J’étais membre

 12   du Parti communiste et je suis venue assister à Sarajevo,

 13   dans le Hall Skinderia (ph.), à la création du parti qui

 14   était représenté par Zarko Verajic, qui était un grand

 15   joueur de basket bosniaque et yougoslave et je ne peux

 16   vraiment pas répondre aux questions sur des sujets que je

 17   ne connais pas, ce que je ne connaissais pas et ce qui

 18   m’était dégoûtant.

 19         Q.    Qui alors pouvait être membre de l’Alliance

 20   socialiste du peuple travailleur de Yougoslavie ?

 21         R.    Toute personne salariée.

 22         Q.    Est-ce que cette Alliance du peuple

 23   socialiste, du peuple travailleur de Yougoslavie pouvait

 24   influencer la scène politique, la vie politique ?

 25         R.    Peu à mon avis.


Page 555

  1         Q.    Alors, quelle était sa raison-d’être ?

  2         R.    C’était plutôt un rôle de coordination, mais

  3   je n’occupais pas un poste de responsabilité là-dedans. 

  4   Moi, je m’occupais de mon travail, de ma profession.

  5         Q.    Eh bien, je vais vous poser une question au

  6   sujet de votre travail.  Dans cette déclaration, lorsque

  7   vous abordez la période immédiatement avant la guerre, la

  8   semaine avant la guerre, dans le dernier paragraphe, vous

  9   dites :

 10         « Je n’ai pas vu de modification pour ce qui est

 11   de l’ambiance qui régnait à l’hôpital, mais je dois

 12   souligner que nous, docteurs d’appartenance ethnique

 13   musulmane, nous n’étions pas membres de partis politiques

 14   et les questions politiques ne nous intéressaient pas

 15   particulièrement. »

 16         Est-ce que vous maintenez toujours ce que vous

 17   avez dit ?

 18         R.    Oui, je le maintiens.

 19         Q.    Vos collègues médecins, infirmiers et autres…

 20         R.    J’ai dit collègues.

 21         Q.    Donc, les musulmans, ils n’exprimaient pas

 22   leurs opinions politiques ?

 23         R.    Je voulais dire qu’ils n’appartenaient pas

 24   aux partis nationaux.  Peut-être me suis-je mal exprimée.

 25         Q.    Donc, lors de ces rassemblements dont nous


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  1   parlons, c’est étonnant alors qu’il y avait dans la

  2   présidence un de vos collègues qui était aussi employé de

  3   l’hôpital.

  4         R.    Dr Karovic, Ibrahim, était membre donc du

  5   SDA.  Il me semble l’avoir dit.  Je ne sais rien pour ce

  6   qui est des autres.

  7         Me KOLESAR (interprétation) :  Peut-on visionner

  8   la bande numéro 3 à présent, s’il vous plaît ?

  9         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Pouvez-vous

 10   la décrire, s’il vous plaît ?  De quoi s’agit-il ?

 11         Me KOLESAR (interprétation) :  C’est un extrait de

 12   l’assemblée constituante du SDA de Foca où l’on voit la

 13   présidence qui est constituée d’un certain nombre de

 14   personnes.  Nous voyons certaines personnes qui sont des

 15   collègues de ce témoin.

 16         Me RYNEVELD (interprétation) :  Mes préoccupations

 17   sont toujours les mêmes.  Je ne voudrais pas me répéter.

 18         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Oui.  Nous

 19   verrons la bande.

 20         LA GREFFIÈRE :  Y a-t-il un transcript de cette

 21   bande pour les interprètes ?

 22         Me KOLESAR (interprétation) :  Il n’y a pas de

 23   texte.  Rien n’est dit.  Nous ne voyons que l’image.

 24         LA GREFFIÈRE :  Je vous remercie. 

 25               [Diffusion d’une cassette vidéo]


Page 557

  1         Me KOLESAR (interprétation) :  Pouvez-vous

  2   arrêter, s’il vous plaît ?  Pouvez-vous rembobiner et nous

  3   montrer image par image ces deux personnalités ?  Encore un

  4   petit peu.  Vous pouvez rendre un peu plus claire l’image ?

  5         Q.    Vous reconnaissez la personne ?

  6         R.    C’est Dr Sosevic.  Il était pneumologue et

  7   physiologue et il appartenait au dispensaire.

  8         Q.    Quelle profession ?

  9         R.    Il était spécialiste des maladies

 10   pulmonaires.

 11         Q.    C’était un médecin ?

 12         R.    Oui, oui.

 13         Q.    C’était un de vos collègues par votre

 14   profession ?

 15         R.    Non, pas dans ma profession.  Il est médecin,

 16   mais il était spécialiste des maladies pulmonaires.  Moi,

 17   j’étais pédiatre et spécialisée dans la néonatalogie.  Lui,

 18   il travaillait au dispensaire alors que moi, j’étais à

 19   l’hôpital et je ne savais pas qu’il était membre du SDA. 

 20   Par ailleurs, c’est son affaire privée.  Ça ne m’appartient

 21   pas de m’y intéresser.

 22         Q.    Il est de quelle appartenance ethnique ?

 23         R.    Il est musulman.

 24         Me KOLESAR (interprétation) :  L’image suivante,

 25   s’il vous plaît.


Page 558

  1               [Diffusion d’une cassette vidéo]

  2         Q.    Reconnaissez-vous cet homme ?

  3         R.    Je pense qu’il n’appartient pas à notre

  4   profession, il n’appartient pas à la médecine.  Je ne le

  5   connais pas.  Je ne le connais pas.

  6         Q.    Lors des élections en 1991, le Président du

  7   conseil municipal de la République de Bosnie-Herzégovine,

  8   en plus de Monsieur Cancar, il y avait aussi le Dr Ibrahim

  9   Karovic.  Le savez-vous ?  Il était du dispensaire de Foca.

 10         R.    Oui.

 11         Q.    De quelle nationalité est-il ?

 12         R.    Il est musulman.

 13         Q.    Comme on peut le constater, comme vous pouvez

 14   le constater, parmi vos collègues, il y en a eu un certain

 15   nombre qui n’étaient pas seulement membres du SDA mais qui

 16   occupaient des postes dirigeants soit au niveau de la

 17   municipalité, soit au niveau de la République. 

 18         Alors, dites-moi pour quelle raison, dans votre

 19   déclaration, vous dites que les docteurs qui sont

 20   d’appartenance musulmane ne s’intéressaient pas à la

 21   politique.

 22         R.    Écoutez, moi, j’étais médecin à l’hôpital et

 23   j’ai parlé de mes collègues qui travaillaient à l’hôpital. 

 24   Ni le Dr Karovic, ni le Dr Sosevic n’étaient employés à

 25   l’hôpital.


Page 559

  1         Q.    Ce n’est pas ça qui est dit dans la

  2   déclaration.  Il est dit docteurs d’appartenance musulmane. 

  3   Vous n’avez pas dit ceux qui étaient employés à l’hôpital

  4   où vous travailliez à Foca.

  5         R.    Je ne pense pas que ce soit ça l’important. 

  6   Ce qui est important, c’est à quel parti j’appartiens.

  7         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  C’est

  8   important, Témoin.  S’il vous plaît, répondez aux questions

  9   telles qu’elles vous sont posées.  Si vous dites simplement

 10   docteurs, cela signifie tous les docteurs musulmans.

 11         R.    Si vous me le permettez…

 12         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Non. 

 13   Attendez les questions qui vous seront posées et répondez à

 14   celles-ci.

 15         Me KOLESAR (interprétation) :  

 16         Q.    Vous dites que vous n’étiez membre d’aucun

 17   parti politique, mais vous étiez quelqu’un qui était

 18   reconnu dans sa profession et quelqu’un qui était de renom

 19   dans cette ville.  Même si vous n’étiez pas membre du SDA,

 20   au sein des organes de pouvoir au niveau municipal et de la

 21   République, vous connaissiez des personnes ?

 22         R.    Lojo était Président municipal et le

 23   Président du SDA.  Pour ce qui est du niveau de la

 24   République, originaire de Foca, c’était peut-être Saja.  Je

 25   n’en connais pas d’autres.  Saja était épicier.  Je connais


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  1   Saja.  Je ne sais pas exactement quelle fonction il avait

  2   mais il était épicier.

  3         Q.    Vous ne savez pas ou vous ne souhaitez pas

  4   répondre ?  Permettez-moi de vous rappeler que vous avez pu

  5   énumérer tous les fonctionnaires du SDA qui occupaient des

  6   postes au niveau du gouvernement municipal… excusez-moi,

  7   SDA, du SDA, qui occupaient des postes de responsabilité…

  8   du SDS.  C’est Kula, Miroslav Stanic, Spaso Cosovic ainsi

  9   que d’autres personnes.  Vous avez énuméré 10 ou 12 Serbes

 10   qui ont occupé donc des postes de responsabilité que ce

 11   soit au niveau de la municipalité ou au niveau de la

 12   République.

 13         Or, quand on vous pose des questions sur ceux qui

 14   sont de la même religion ou appartenance nationale que

 15   vous, vous mentionnez un épicier qui ne mérite même pas

 16   d’être mentionné ici.

 17         R.    Écoutez, vous m’avez demandé d’énumérer

 18   quelques personnalités serbes qui occupaient des postes de

 19   responsabilité dans votre municipalité.  Parmi les gens que

 20   j’ai énumérés, il s’agit de gens que je connais

 21   personnellement.  J’ai soigné leurs enfants. 

 22         Je ne peux pas dire maintenant qu’au sujet du SDA,

 23   je ne voulais pas le dire.  Je sais que Saja y était au

 24   niveau municipal… au niveau de la République (se reprend

 25   l’interprète) et Lojo, le nom n’est pas très clair, mais je


Page 561

  1   ne connais pas d’autres personnes.

  2         Q.    Vous êtes d’accord avec moi que Dr Muhamed

  3   Cengic était le chef du gouvernement de Bosnie-

  4   Herzégovine ?

  5         R.    Vice-président du gouvernement, Vice-chef du

  6   gouvernement.

  7         Q.    Il est de quelle appartenance nationale ?

  8         R.    Musulman.

  9         Q.    Le procureur municipal, c’était Zulfer

 10   Pjano ?

 11         R.    Vous voulez dire procureur à Foca ?

 12         Q.    Oui.  De quelle appartenance nationale il

 13   est ?

 14         R.    Musulman.

 15         Q.    Pour Saja, vous m’avez répondu.  À la tête du

 16   SUP était Himzo Seumhodzic ?

 17         R.    Peut-être lors des dernières élections.

 18         Q.    Si je vous pose des questions, cela concerne

 19   la période après les élections.

 20         R.    Eh bien, je ne peux pas vous dire pour lui.

 21         Q.    Vous saviez qu’il était commandant de la

 22   Défense territoriale, Sulejman Pilav même si, d’après les

 23   statuts de la municipalité, cela devait être un Serbe.

 24         Une dernière question.  Quelle est la profession

 25   de votre mari ?


Page 562

  1         R.    Il est ingénieur en foresterie.

  2         Q.    Après les élections de 1991, il travaillait

  3   où ?

  4         R.    Avant et après les élections, il était dans

  5   l’entreprise Maglic.  Il était directeur dans la production

  6   et après, il était membre du conseil d’administration.

  7         Q.    Vous parlez de la période au cours de

  8   laquelle les OUR existaient ?

  9         R.    Oui.  Après, il faisait partie du conseil

 10   d’administration.

 11         Q.    L’OUR, ça veut dire l’organisation du travail

 12   associé.  C’était donc conformément à la législation

 13   concernant le travail en vigueur en ex-Yougoslavie avant

 14   l’an 1991.  Est-ce que votre mari était lui aussi membre de

 15   la Ligue des Communistes de Yougoslavie ?

 16         R.    Oui.

 17         Q.    Par la suite, est-ce qu’il était membre du

 18   SDA ?

 19         R.    Certainement pas.

 20         Q.    Est-ce que vous savez qu’un cercle des

 21   intellectuels musulmans a été créé qui acceptait le

 22   programme et le statut du SDA sans en être membre ?

 23         R.    Je suppose qu’il s’agissait des sympathisants

 24   du SDA quand même.

 25         Q.    Est-ce que votre mari faisait partie de ce


Page 563

  1   cercle ?

  2         R.    Pour autant que je le sache, non.  Il n’a

  3   jamais opté pour une quelconque option qui était liée aux

  4   partis nationaux.

  5         Me KOLESAR (interprétation) :  Je souhaite que

  6   l’on montre au témoin une liste.

  7         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  À chaque

  8   fois que vous souhaitez montrer quelque chose au témoin,

  9   est-ce que vous pouvez nous donner une brève description du

 10   document et nous dire quel est le but de votre question ?

 11         Me KOLESAR (interprétation) :  Je souhaite montrer

 12   la liste des musulmans de renom de la municipalité de Foca

 13   qui se sont rassemblés à une réunion des représentants du

 14   conseil municipal du SDA et je souhaite rappeler au témoin,

 15   rafraîchir la mémoire du témoin en ce qui concerne la

 16   personne dont le nom figure au numéro 11 et dire s’il

 17   s’agit effectivement de son mari.

 18         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je viens

 19   d’entendre un nom qui a été mentionné et je souhaite dire

 20   que ceci ne peut pas être placé sur le rétroprojecteur.

 21         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Vous pouvez

 22   montrer ça au témoin sans placer ça sur le rétroprojecteur

 23   et vous pouvez poser la question au témoin de savoir s’il

 24   s’agit du nom de son mari sans qu’elle le prononce.  Donc,

 25   la greffière d’audience ensuite pourra obtenir cette liste.


Page 564

  1         Me RYNEVELD (interprétation) :  Ceci a été entendu

  2   dès que je me suis levé.

  3         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Donc,

  4   mentionnez simplement le numéro.

  5         Me RYNEVELD (interprétation) :  Pendant que le

  6   témoin examine le document, je souhaite savoir s’il s’agit

  7   du document qui nous a déjà été montré, peut-être que oui,

  8   peut-être que non.  Je souhaite simplement le savoir.

  9         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Monsieur

 10   Kolesar.

 11         Me KOLESAR (interprétation) :  Ceci n’a pas été

 12   montré ni au Procureur ni à la Chambre.  Mon intention

 13   était, après que le témoin l’aura examiné et si la réponse

 14   sera affirmative, de verser cela au dossier si les Juges

 15   sont d’accord.

 16         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Vous ne

 17   l’avez pas montré au Procureur.  Ils ne savent même pas de

 18   quoi il s’agit.  Je croyais que simplement, vous vouliez

 19   savoir quel est le nom puisque le nom, nous ne pouvons pas

 20   le mentionner.

 21         Me KOLESAR (interprétation) :  En ce moment, après

 22   la réponse du témoin, si ceci ne peut pas être versé au

 23   dossier comme pièce à conviction de la Défense, nous le

 24   verserons au dossier à un autre moment.

 25         R.    Je ne vois tout simplement pas son nom.  Il


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  1   n’y a pas de signature.  À mon avis, si quelqu’un assiste à

  2   une réunion et s’il n’appose pas sa signature, ça ne veut

  3   pas dire qu’il a assisté à la réunion, peu importe qui peut

  4   dactylographier son nom au lieu de lui.  Moi, je ne vois

  5   pas son nom.

  6         Q.    C’est un peu illisible, mais au numéro 11,

  7   vous pouvez lire quand même son nom ?

  8         R.    Excusez-moi, mais je ne comprends pas ceci.

  9         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  C’est tout. 

 10   Est-ce que nous pouvons obtenir le document de nouveau ?

 11         R.    Je ne peux pas accepter ça.  Tout d’abord,

 12   c’est assez illisible et ensuite, moi, je pense qu’il faut

 13   qu’il y ait la signature de chacune des personnes qui ont

 14   assisté parce que s’il y a une signature, dans ce cas-là,

 15   on peut savoir et ici, ce n’est pas clair, ce n’est pas

 16   suffisamment lisible.  Peut-être quelque chose a été

 17   ajouté.

 18         Me KOLESAR (interprétation) :  Malheureusement,

 19   nous n’avons pas l’original de ce document sur nous.  Si

 20   mes éminents collègues sont opposés au versement au dossier

 21   de ce document en ce moment, je vais le retirer maintenant. 

 22   Nous avons entendu la réponse du témoin.

 23         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Non.  De

 24   toute façon, ceci ne peut pas être versé au dossier.

 25         Me KOLESAR (interprétation) :  Je suis d’accord


Page 566

  1   avec vous.  De toute façon, ceci était ma dernière

  2   question.  Je n’ai plus de questions pour ce témoin, mais

  3   je demanderais que dans ce cas-là, l’on me rende le

  4   document.

  5         Puis-je m’asseoir, Madame la Présidente ?

  6         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Nous n’avons

  7   pas encore terminé.  Ce document doit recevoir une cote

  8   même s’il n’est pas versé au dossier, à moins que vous

  9   souhaitiez dire que vous le retirez.  Vous allez le retirer

 10   effectivement ?  Donc, vous ne souhaitez pas qu’une cote

 11   lui soit attribuée non plus ?

 12         Me KOLESAR (interprétation) :  Si ceci ne peut pas

 13   être versé au dossier, ça peut quand même recevoir une

 14   cote, oui.

 15         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Ce sera une

 16   copie pour l’identification seulement.

 17         LA GREFFIÈRE :  La cote D/4.

 18         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Si comme

 19   vous le dites, vous souhaiterez le verser au dossier par le

 20   biais d’un autre témoin, il va falloir donner une copie au

 21   Procureur d’abord pour que l’Accusation puisse mener sa

 22   propre enquête.

 23         Me KOLESAR (interprétation) :  Compte tenu de mes

 24   affirmations aujourd’hui, moi, j’ai supposé que le

 25   Procureur n’allait pas s’opposer à cela, mais de toute


Page 567

  1   façon, ils ont le droit de le faire et je me retire en ce

  2   moment.

  3         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Merci.

  4         Me Jovanovic, avez-vous des questions pour ce

  5   témoin ?

  6         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Oui.  Merci,

  7   Madame la Présidente.

  8         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Et vous, Me

  9   Ryneveld, est-ce que vous aurez des questions pour ce

 10   témoin ?

 11         Me RYNEVELD (interprétation) :  Non.

 12         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Excusez-moi,

 13   Madame la Présidente.  Je n’ai pas compris la traduction. 

 14   Moi, j’avais compris que je n’avais pas le droit de contre-

 15   interroger ce témoin.

 16         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Non, non,

 17   non.  Je vous ai demandé si vous aviez des questions pour

 18   ce témoin.  Vous avez dit non.

 19         Est-ce que vous souhaitez poser des questions à ce

 20   témoin sur la base de sa déposition ?  Vous représentez la

 21   Défense du troisième accusé.

 22         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Il s’agit d’un

 23   malentendu.  Excusez-moi.  J’ai des questions pour ce

 24   témoin mais des questions qui ne concernent pas cette

 25   dernière partie dont nous avons discuté.


Page 568

  1         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Donc, vous

  2   souhaitez contre-interroger ce témoin.  Allez-y, s’il vous

  3   plaît.

  4         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Merci, Madame la

  5   Présidente.

  6         CONTRE-INTERROGÉE PAR Me

  7         JOVANOVIC (interprétation) :   

  8         Q.    Bonjour.

  9         R.    Bonjour.

 10         Q.    Les questions concernant l’appartenance

 11   politique qui ont été posées ici aujourd’hui et tout ce qui

 12   se passait à Foca avant la guerre, tout ceci ne m’intéresse

 13   pas.  Ce qui m’intéresse, c’est si vous pouviez m’expliquer

 14   un peu plus certaines parties de votre déclaration, de la

 15   déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs les 3, 4 et

 16   5 juillet 1995.

 17         Avant cela, si vous êtes d’accord, je souhaite que

 18   l’on clarifie certaines expressions que vous avez employées

 19   au cours de votre déposition aujourd’hui et je n’ai pas

 20   très bien compris ceci.

 21         Par exemple, lorsque vous dites : « Nous étions

 22   pour la paix, nous ne croyions pas que quoi que ce soit de

 23   mal allait se passer » ou bien « Des gens disaient que chez

 24   nous, on enlevait les réserves médicales », quand vous

 25   dites « on », quand vous dites « nous », de qui voulez-vous


Page 569

  1   parler ?

  2         R.    Je parle de toutes les personnes qui étaient

  3   autour de moi, les gens qui appartenaient à la même

  4   profession que moi, qui appartenaient au cercle dans lequel

  5   je me trouvais, je me déplaçais.

  6         Q.    Vous parlez des Serbes et des musulmans à la

  7   fois ?

  8         R.    Et des Serbes et des musulmans et puis des

  9   Croates qui étaient au nombre réduit parce qu’il faut

 10   savoir que des trois côtés, il y avait des gens qui étaient

 11   contre la guerre et qui étaient pour la paix.

 12         Q.    Si j’ai bien compris votre déposition de ce

 13   matin, vous avez dit que mis à part les rapports de bon

 14   voisinage que vous aviez avec les Serbes, que vous aviez

 15   certains liens familiaux avec les Serbes aussi ?

 16         R.    Oui, et ceci reste le cas aujourd’hui.

 17         Q.    Très bien !  Voici pourquoi je vous demande

 18   ceci.  Il y a une chose qui m’intéresse, mais tout d’abord,

 19   j’ai une autre question.  Pendant cette période au moment

 20   des faits, c’est-à-dire donc avant le début du conflit armé

 21   à Foca, je suppose que vous suiviez les informations

 22   diffusées par les médias.  Est-ce que toutes les

 23   communautés ethniques pouvaient bénéficier des mêmes

 24   médias ?

 25         R.    Oui.  On pouvait tous suivre par le biais de


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  1   la télévision ce qui se passait dans l’assemblée.  Ceci

  2   était diffusé à la radio également.  Quant aux disputes qui

  3   éclataient entre les représentants des partis nationaux,

  4   une personne honnête et normale trouvait ça complètement

  5   répugnant.

  6         Q.    Très bien !  Donc, vous venez de dire que

  7   vous avez suivi tout cela par le biais des médias ?

  8         R.    Par exemple, les événements en ce qui

  9   concerne l’assemblée, les disputes et tout.

 10         Q.    D’après votre déclaration ou déposition, j’ai

 11   pu déduire que vous avez suivi ce qui se passait en ce qui

 12   concerne les rassemblements à Foca.

 13         R.    J’ai entendu cela le soir puisque c’est assez

 14   tard qu’ils se sont réunis.  Ils chantaient des chants de

 15   guerre tout en disant : « Nous sommes pour la paix, partez,

 16   nous ne voulons pas la guerre », et cætera.

 17         Q.    Est-ce que vous pouvez nous expliquer dans ce

 18   cas-là comment se fait-il que vous étiez étonnée au moment

 19   où le conflit a éclaté à Foca ?

 20         R.    Je n’ai pas compris la question.

 21         Q.    Vous avez dit que vous aviez des amis

 22   serbes ?

 23         R.    Oui.

 24         Q.    Et des Serbes dans la famille ?

 25         R.    Oui.


Page 571

  1         Q.    Et d’avoir suivi les événements par le biais

  2   des médias ?

  3         R.    Oui.

  4         Q.    Et puis aussi que vous avez suivi tout ce qui

  5   se passait dans le Parlement, dans l’assemblée.  Comment se

  6   fait-il alors que vous étiez étonnée par les événements qui

  7   se sont produits à Foca ?

  8         R.    Écoutez, d’après votre accent, je suppose que

  9   vous venez de Serbie.  Est-ce que vous-même, vous auriez pu

 10   croire qu’après une bonne coexistence, une guerre pouvait

 11   éclater ?  Je n’aurais pas pu le croire.

 12         Q.    Je ne vous demande pas si vous le croyez ou

 13   pas.  Je vous demande comment se fait-il que vous étiez

 14   étonnée.

 15         R.    Écoutez, vous êtes juriste.  Nous n’avons pas

 16   la même interprétation des choses.

 17         Q.    Vous êtes une intellectuelle.  Je suppose que

 18   nous nous comprenons entre nous.

 19         R.    Je ne m’attendais pas à la guerre.

 20         L’INTERPRÈTE :  Les interprètes demandent qu’une

 21   pause soit ménagée entre questions et réponses.

 22         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Très bien !

 23         Q.    Est-ce que vous pourriez nous expliquer pour

 24   quelle raison aucun de vos amis serbes ou de vos cousins

 25   serbes ne vous a jamais avertie qu’un conflit armé allait


Page 572

  1   éclater éventuellement puisque vous étiez tellement proche

  2   d’eux ?

  3         R.    J’étais très proche d’eux et personne ne m’a

  4   rien dit, ni ceux qui avaient des liens familiaux avec moi,

  5   ni d’autres, les personnes, par exemple, qui étaient mes

  6   bons amis à Foca, ni mes collègues très proches, ni les

  7   gens que je connaissais.

  8         Q.    Très bien !  Nous avons entendu cela déjà

  9   plusieurs fois.  Ma question est concrète.  Veuillez

 10   répondre concrètement.  Aucun de vos amis serbes, ni de vos

 11   cousins serbes ne vous a avertie ?

 12         R.    Personne.

 13         Q.    Très bien ! 

 14         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Je demanderais

 15   que l’on montre au témoin, s’il vous plaît, puisque nous en

 16   avons besoin, sa déclaration préalable donnée aux

 17   enquêteurs en juillet 1995 en langue bosniaque. 

 18         Q.    Si vous ne l’avez pas sur vous, nous pouvons

 19   vous remettre notre copie à nous.

 20         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Le

 21   Procureur, est-ce qu’il a une copie ?

 22         Me RYNEVELD (interprétation) :  Nous n’avons pas

 23   une copie en bosniaque, en B/C/S.

 24         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Pas de problème. 

 25   Nous pouvons remettre la nôtre.


Page 573

  1         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Si j’ai bien

  2   compris, ce document en B/C/S fait partie de vos documents

  3   déjà.

  4         Me RYNEVELD (interprétation) :  Nous avons reçu

  5   une traduction.

  6         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Vous l’avez

  7   en anglais ?

  8         Me RYNEVELD (interprétation) :  Oui.  En anglais,

  9   j’ai tout ça.

 10         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Donc, il

 11   s’agit du document du Procureur ?

 12         Me RYNEVELD (interprétation) :  Oui.  Je crois que

 13   c’est ce dont Me Jovanovic parle, mais tout simplement, je

 14   n’ai pas en ce moment une copie, un exemplaire en

 15   bosniaque.  Dans le classeur, il s’agit de la pièce à

 16   conviction 37.  Je n’ai pas versé au dossier ce document en

 17   tant que pièce à conviction, mais si la Défense souhaite

 18   poser des questions au témoin à ce sujet, au sujet de ce

 19   document, je ne sais pas s’ils ont l’intention que ce

 20   document soit versé au dossier et dans ce cas-là, la

 21   version en anglais doit être versée au dossier aussi.

 22         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Tout

 23   d’abord, nous entendrons quelle sera la cote aux fins

 24   d’identification.  Ensuite, Me Jovanovic nous dira s’il a

 25   l’intention de verser ça au dossier ou pas ou simplement de


Page 574

  1   poser des questions au témoin.

  2         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Madame la

  3   Présidente, j’ai demandé que l’on remette ceci en bosniaque

  4   au témoin tout simplement pour faciliter la communication,

  5   pour que le témoin puisse suivre plus facilement mes

  6   questions éventuelles.

  7         LA GREFFIÈRE :  C’est une pièce du Procureur cotée

  8   37.

  9         Me JOVANOVIC (interprétation) : 

 10         Q.    S’il vous plaît, avez-vous examiné la pièce à

 11   conviction que vous venez de recevoir ?

 12         R.    Quelle page ?

 13         Q.    Première page.

 14         R.    Première page ?

 15         Q.    Oui, première page, le titre.  Je crois qu’il

 16   faut aller un peu plus loin à rebours.  Donc, nous

 17   commençons par le tout début du document qui se trouve

 18   devant vous.  Voilà, vous l’avez trouvé.  Vous êtes la

 19   personne dont le nom figure là où il est indiqué « nom » ?

 20         R.    Oui.

 21         Q.    C’est vous qui avez fait cette déclaration

 22   les 3, 4 et 5 juillet 1995 ?

 23         R.    Oui.

 24         Q.    Donc, vous êtes d’accord pour dire que c’est

 25   votre déclaration préalable ?


Page 575

  1         R.    Oui.

  2         Q.    Je n’ai pas bien compris.  Oui ou non ?

  3         R.    Oui.

  4         Q.    Merci.  Je vous demanderais que l’on commence

  5   par la page 4 maintenant, s’il vous plaît.  À la page 4,

  6   paragraphe 3, ça commence par la phrase :  « Mes collègues

  7   de nationalité serbe… », et cætera, et cætera.

  8         Est-ce que vous l’avez trouvé ?

  9         R.    Oui.

 10         Q.    Vers le milieu de ce paragraphe, il y a la

 11   phrase commençant par :  « On a commencé à dire… »

 12         Est-ce que vous avez trouvé cet endroit ?

 13         R.    Oui.

 14         Q.    Je vous demanderais de lire cette partie pour

 15   que les Juges puissent entendre.

 16         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Les

 17   interprètes n’ont pas une copie de cela.  Donc, il va

 18   falloir lire cette partie.

 19         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Très bien, Madame

 20   la Présidente.

 21         Q.    « On a commencé à dire que les Serbes

 22   s’armaient.  À ce moment-là, nous avons entendu qu’on

 23   distribuait des armes aux Serbes depuis des camions.  Ceci

 24   était certainement vrai puisque lorsque la guerre a éclaté,

 25   ils étaient effectivement tous armés.  Je n’ai pas vu cela


Page 576

  1   moi-même mais je l’ai entendu dire de la part d’autres

  2   personnes. »

  3         C’est ce que vous avez dit ?

  4         R.    Oui.

  5         Q.    Est-ce que vous avez entendu qui étaient ceux

  6   qui distribuaient les armes aux Serbes ?

  7         R.    J’ai entendu que le soir, les camions

  8   transportaient des armes et que les armes étaient

  9   distribuées, mais je ne sais pas qui les distribuait.

 10         Q.    Très bien !  Vous ne savez pas.  Est-ce que

 11   vous avez entendu, est-ce que vous savez peut-être qu’un

 12   autre camp recevait des armes aussi ?

 13         R.    J’ai entendu que l’autre partie pouvait

 14   acheter des armes.  Je ne souhaite pas mentionner un nom

 15   qui a déjà été cité plus tôt.  Donc, ils ne recevaient pas,

 16   ils les achetaient.

 17         Q.    Donc, vous ne savez pas s’ils les recevaient

 18   ou s’ils les achetaient ?

 19         R.    J’ai entendu qu’ils pouvaient les acheter,

 20   mais qu’on ne leur distribuait pas les armes.

 21         Q.    Donc, on ne leur distribuait pas les armes,

 22   mais si j’ai bien compris les choses, les deux côtés

 23   s’armaient ?

 24         R.    Oui, mais j’ai entendu que le camp serbe

 25   était beaucoup mieux armé.


Page 577

  1         Q.    Pourquoi le dites-vous ?  Vous êtes un expert

  2   militaire ?

  3         R.    Non.

  4         Q.    Et pourquoi alors ?

  5         R.    Tout simplement parce qu’ils portaient tous

  6   des armes.

  7         Q.    Qui ça tous ?

  8         R.    Ceux qui étaient dans la ville qui étaient en

  9   tenue militaire.  C’est pour ça que j’ai pu conclure cela.

 10         Q.    Nous y reviendrons plus tard, mais puisque

 11   vous le dites maintenant, vous-même, dans la ville, est-ce

 12   que vous avez vu les deux armées ?

 13         R.    Non.

 14         Q.    Donc, vous avez vu une seule armée ?

 15         R.    Pendant que l’on tirait, moi, j’étais dans la

 16   cave.  Après, j’étais dans le camp.

 17         Q.    Madame le Témoin, ce n’est pas ma question. 

 18   Ma question est…

 19         R.    Je n’ai vu qu’une seule armée.

 20         Q.    Sur la base de ceci, vous avez conclu qu’une

 21   armée était armée et que l’autre ne l’était pas ?

 22         R.    Oui.

 23         Q.    Donc, vous avez vu un camp, vous n’avez pas

 24   vu l’autre camp et vous avez tiré votre conclusion sur la

 25   base de ceci ?


Page 578

  1         R.    Je n’ai pas pu voir l’autre camp puisque

  2   j’étais dans la cave pendant que l’on tirait.

  3         LA GREFFIÈRE :  [Hors microphone] …une bonne

  4   transcription des débats, le greffe souhaite que l’avocat

  5   ainsi que le témoin ménagent des pauses entre les questions

  6   et les réponses.

  7         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Peut-être

  8   vous ne savez pas quand les interprètes parlent puisque

  9   vous n’avez pas de casque sur les oreilles.  Donc, vous

 10   n’êtes pas conscient du problème.

 11         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Vous avez raison. 

 12   Je ne vais pas répéter cette erreur.

 13         Q.    Est-ce que nous pouvons reprendre là où nous

 14   nous étions arrêtés ?  Vous avez vu un camp, pas l’autre,

 15   et vous avez conclu qu’un camp était armé et que l’autre ne

 16   l’était pas ?

 17         R.    Moi, je ne parlais pas du tout de l’autre

 18   camp.  Je n’ai pas dit qu’il n’était pas armé.  Ceci est

 19   bien écrit.  J’ai dit que je supposais qu’ils étaient

 20   armés, eux aussi.

 21         Q.    Tout à l’heure, vous avez dit, lorsque l’on

 22   parlait des manières dont les gens se procuraient des

 23   armes, qu’un camp était mieux armé que l’autre. 

 24   Maintenant, nous essayons de voir comment vous avez tiré

 25   cette conclusion.  Je crois que maintenant, c’est clair. 


Page 579

  1   Vous avez vu un camp et sur la base de cela, vous avez tiré

  2   votre propre conclusion.  Merci.

  3         R.    Maintenant, j’entends la traduction en

  4   français.  Je ne vous entends pas du tout maintenant.

  5         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Quelle est

  6   la bonne chaîne ?  Monsieur l’Huissier, s’il vous plaît,

  7   quelle est la chaîne pour le témoin ?  La chaîne 6.

  8         R.    Oui.

  9         Me JOVANOVIC (interprétation) :   

 10         Q.    Est-ce que nous nous entendons bien ?

 11         R.    Oui, tout à fait.

 12         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Donc, l’alinéa 4,

 13   étant donné que la Chambre et puis mes confrères n’ont pas

 14   de traduction, ni les interprètes, je vais très brièvement

 15   dire de quoi il s’agit et nous allons pouvoir également le

 16   concrétiser par la déposition elle-même du témoin.

 17         Il s’agit en effet ici de la manière dont le

 18   témoin a décrit que les médicaments, l’équipement, et

 19   cætera, ont été sortis des entrepôts et des réserves au

 20   moment critique.

 21         Q.    Par conséquent, si vous êtes bien d’accord

 22   avec moi, Madame le Témoin, je voudrais tout simplement

 23   attirer votre attention sur une partie de votre

 24   déclaration.

 25         Je cite :  « Je ne l’ai pas vu de mes propres


Page 580

  1   yeux, mais j’ai entendu dire par d’autres collègues que des

  2   médicaments étaient sortis de l’hôpital.  La personne qui

  3   était donc chargée de la pharmacie était serbe et il

  4   s’appelait Vitomir Mrgud.  Il est fort probable que lui, il

  5   avait organisé le transport du matériel médical. »  Fin de

  6   citation.

  7         Ce qui m’intéresse, c’est le terme « très

  8   probablement ».  Vous avez bien parlé de « très

  9   probablement ».  Est-ce que ceci pourrait dire également

 10   que quelqu’un d’autre aurait pu organiser à la place de

 11   Vitomir Mrgud ?

 12         R.    Si Vitomir Mrgud a été chargé de la pharmacie

 13   de l’hôpital…

 14         Q.    Madame, je vous demande si c’est possible que

 15   quelqu’un d’autre l’aurait fait à sa place parce que vous

 16   parlez de très probablement.  Dites-moi oui ou non.

 17         R.    Je pense qu’il n’aurait pas été possible que

 18   quelqu’un le fasse à sa place parce que lui, il était chef. 

 19   Moi, j’étais chef de mon service et par conséquent j’étais

 20   responsable de ce qui s’est passé dans mon service.  Lui,

 21   il était responsable de ce qui s’est passé dans son service

 22   également.

 23         Q.    Dites-moi, s’il vous plaît, par oui ou non si

 24   éventuellement c’était possible que quelqu’un d’autre ait

 25   fait ça à sa place.  Est-ce que c’est possible, oui ou


Page 581

  1   non ?

  2         R.    Je ne peux pas vous donner la réponse parce

  3   que je suppose que le chef du service ou d’une institution

  4   quelconque doit être au courant de ce qui se passe dans son

  5   service.

  6         Q.    Je ne conteste pas ce fait.  Bien évidemment

  7   que c’est le chef qui en est responsable, est responsable

  8   de ce qu’il est chargé, mais ça ne veut pas dire que c’est

  9   lui qui l’a fait.  Est-ce que c’est là où nous sommes

 10   d’accord ?

 11         R.    Ça, c’est possible, mais de toute façon, je

 12   considère que celui qui en est responsable, qui est

 13   responsable du service est également responsable de ce

 14   qu’on avait emporté de ce service.

 15         Q.    Entendu !  On va poursuivre. 

 16         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Toujours le même

 17   alinéa, alinéa 4, page 4, le témoin dit (je cite) :

 18         « Le camion a été conduit par les conducteurs de

 19   l’hôpital.  Je suppose qu’ils avaient transporté le

 20   matériel dans les villages dans les alentours qui étaient

 21   habités par les Serbes. »  Fin de citation.

 22         Q.    Je voudrais vous poser donc une question,

 23   éventuellement deux.  Il y avait combien de conducteurs ou

 24   de chauffeurs à l’hôpital ?

 25         R.    Il y en avait sept, huit.  Je ne sais pas


Page 582

  1   exactement.

  2         Q.    Est-ce que vous savez de quelle nationalité

  3   ils étaient ?

  4         R.    Il y avait des musulmans et des Serbes.

  5         Q.    Est-ce que vous les connaissiez tous ?

  6         R.    Tous.

  7         Q.    Sur la base de quoi par conséquent vous

  8   supposez que c’était bien les chauffeurs de l’hôpital qui

  9   l’ont fait ?

 10         R.    C’est tout simplement parce que ce sont eux

 11   qui conduisaient les ambulances et c’est par les ambulances

 12   que le matériel a été transporté.

 13         Q.    Attendez, je ne vous comprends pas.  Vous

 14   savez que ceci a été transporté par les ambulances ?

 15         R.    Je suppose.

 16         Q.    Si je vous comprends bien, vous supposez tout

 17   ce que vous venez de dire ?  Vous ne savez absolument

 18   rien ?

 19         R.    Je n’ai rien vu, mais c’est ce que j’ai

 20   entendu dire.

 21         Q.    Non, je vous en prie.  Est-ce que vous voulez

 22   me répondre aux questions que je vous pose ?  Je ne vous

 23   demande pas…

 24         R.    Vous ne pouvez pas me forcer de dire ce que

 25   je ne sais pas.


Page 583

  1         Q.    Je ne vous force pas.  Je ne vous force pas.

  2         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Madame, si

  3   vous avez compris la question, répondez de manière tout à

  4   fait exacte.  Écoutez les questions.  Si vous pouvez

  5   répondre, vous répondez.  Si vous dites que vous ne savez

  6   pas, vous dites non.  Si vous supposez, vous dites que vous

  7   supposez.  Par conséquent, répondez.

  8         R.    J’ai dit : « Je suppose ».  Si c’est mon

  9   droit de dire « je suppose », à ce moment-là, je dis : Je

 10   suppose.

 11         Me JOVANOVIC (interprétation) :   

 12         Q.    Est-ce que vous avez entendu ce que la

 13   Présidente de la Chambre vient de dire ?  Est-ce que vous

 14   pouvez me répondre par un oui ou non ou bien vous me dites

 15   que vous ne vous souvenez pas ?  Ne me dites pas que vous

 16   supposez. 

 17         R.    La Présidente a dit que je pouvais répondre

 18   par « supposer » et moi, j’ai répondu : « Je suppose ». 

 19         L’INTERPRÈTE :  Le Président voulait intervenir

 20   mais le Maître répond tout de suite que c’est lui qui

 21   n’avait pas compris.

 22         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Par

 23   conséquent, je comprends.  Il faut écouter la réponse, mais

 24   la réponse du témoin correspond à ce qu’il sait ou ce qu’il

 25   ne sait pas.  Il suppose, il sait, il ne sait pas.  C’est


Page 584

  1   au témoin de répondre comme il le souhaite.

  2         Me JOVANOVIC (interprétation) :  D’accord, Madame

  3   la Présidente.  Excusez-moi.

  4         Q.    Madame le Témoin, est-ce que nous pouvons

  5   donc voir le paragraphe suivant, s’il vous plaît ?

  6         R.    Oui.

  7         Q.    Donc, on passe au paragraphe 5, page 4.

  8         Je cite :  « Au printemps très tôt, mes collègues

  9   et moi-même, nous avons remarqué une dizaine de camions

 10   militaires immatriculés de Trebinje qui transportaient le

 11   matériel tel que pansements, antibiotiques, solutions pour

 12   perfusions, et cætera. »

 13         Étant donné que nous sommes arrivés là au point

 14   dont vous avez parlé dans votre déclaration et vous les

 15   avez vus, est-ce que vous pouvez me décrire également ces

 16   camions ?

 17         R.    Il s’agissait des camions bâchés qui se

 18   trouvaient alignés au-dessus de l’hôpital et il y avait des

 19   réserves de guerre et des bâtiments donc qui les

 20   abritaient.

 21         Q.    Excusez-moi, mais pour vous-même, pour moi,

 22   pour la Chambre, je pense qu’il serait beaucoup plus simple

 23   si vous pouviez me donner des réponses très brèves.  Dites-

 24   moi, s’il vous plaît, de quelle couleur étaient ces

 25   camions.


Page 585

  1         R.    C’était des camions militaires, enfin, des

  2   camions comme tous les camions militaires.

  3         Q.    À quelle distance vous étiez ?

  4         R.    Quinze mètres à peu près.

  5         Q.    Est-ce que vous avez pu reconnaître les

  6   plaques d’immatriculation de cette distance ?

  7         R.    Non, pas moi, mais il y en avait d’autres qui

  8   étaient plus près.

  9         Q.    Je vous en prie, est-ce que vous avez vu ?

 10         R.    Non, moi, je ne l’ai pas vu.

 11         Q.    Par conséquent, cette partie de votre

 12   déclaration n’est pas exacte ?

 13         R.    Elle est exacte parce qu’il y en avait

 14   d’autres qui l’ont vu et ils ont vu que les plaques

 15   d’immatriculation étaient de Trebinje.

 16         Q.    Est-ce que vous pouvez répéter ce que vous

 17   avez dit, s’il vous plaît ?  Lisez ce que vous avez dit et

 18   ça commence : « Tôt le printemps… »

 19         R.    Je ne sais pas ce que vous voulez me dire. 

 20   Est-ce que vous voulez dire que c’est à 15 mètres ?  Je ne

 21   pouvais pas par conséquent moi-même voir les plaques

 22   d’immatriculation Trebinje.

 23         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  On vous a

 24   demandé de lire cette partie de la déclaration.

 25         R.    « Très tôt au printemps, mes collègues et


Page 586

  1   moi, nous avons vu une quinzaine de camions militaires,

  2   plaques d’immatriculation de Trebinje, emporter les

  3   pansements, les solutions, antibiotiques, et cætera. 

  4   L’homme qui a organisé ça, Simo Stankovic, directeur du

  5   service administratif.  Étant donné que les camions étaient

  6   de Trebinje, je suppose que les réserves ont été emportées

  7   dans cette direction-là. »

  8         Me JOVANOVIC (interprétation) :   

  9         Q.    On va revenir au début de la phrase.  Est-ce

 10   que vous avez vu ou vous n’avez pas vu les plaques

 11   d’immatriculation ?

 12         R.    Je les ai vues.

 13         Q.    Est-ce que vous savez quelles sont les

 14   plaques d’immatriculation sur les camions militaires ?

 15         R.    C’était les plaques d’immatriculation de

 16   Trebinje, peut-être pas militaire mais de SNB.  De toute

 17   façon, c’était les camions bâchés.

 18         Q.    Si je vous comprends bien, en ce moment même,

 19   vous nous dites qu’il s’agissait des camions militaires

 20   mais que les plaques d’immatriculation étaient civiles ?

 21         R.    Oui.

 22         Q.    Comment vous l’avez conclu ?

 23         R.    J’ai vu les plaques d’immatriculation.  Par

 24   conséquent, je peux conclure.  S’il s’agit des plaques

 25   d’immatriculation de Trebinje, je suppose que c’était un


Page 587

  1   camion militaire.

  2         Q.    Est-ce que vous savez quelles sont les

  3   plaques d’immatriculation des camions militaires ?

  4         R.    Non.

  5         Q.    Est-ce que vous savez faire la distinction

  6   entre les plaques d’immatriculation civiles et militaires ?

  7         R.    Non.

  8         Q.    Je me dois encore une fois de vous poser la

  9   même question.  Comment vous savez qu’il s’agissait de

 10   camions militaires, Madame ?

 11         R.    Les chauffeurs qui conduisaient ces camions

 12   étaient en uniformes militaires.

 13         Q.    Ça, c’est une toute nouvelle information. 

 14   Jusqu’à maintenant, vous n’en avez pas parlé.  Ça ne figure

 15   pas dans votre déclaration.

 16         R.    De toute façon, je ne suis pas obligée de

 17   dire tout, et de toute façon, tout n’est pas dit.

 18         Q.    C’était les uniformes de qui ?

 19         R.    De SMB.

 20         Q.    Je ne vous ai pas demandé la couleur, mais je

 21   vous demande des uniformes de qui.

 22         R.    Comment qui ?  C’est un uniforme militaire.

 23         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

 24   prie, Madame, répondez aux questions.  Vous ne pouvez pas

 25   poser des questions.  Répondez à la question qui vous a été


Page 588

  1   posée par le conseil et si vous dites que vous n’êtes pas

  2   au courant, vous n’êtes pas au courant et nous allons

  3   progresser.  Nous n’allons pas avoir de problème.

  4         R.    Il s’agissait des uniformes militaires.  Je

  5   ne sais pas à qui appartenaient ces uniformes militaires. 

  6   Je ne le sais pas.

  7         Me JOVANOVIC (interprétation) :   

  8         Q.    Eh bien, vous avez parlé également de

  9   l’équipement qui a été livré par Simo Stankovic.  Comment

 10   vous le savez ?  Sur quoi vous vous basez ?

 11         R.    Tout simplement parce qu’il était accompagné

 12   de ces gens-là qui sortaient les réserves.  Je pense qu’il

 13   était chargé de tout cela.  Il était le principal.

 14         Q.    Mais vous le supposez ou vous le savez ?

 15         R.    Je sais que lui, il signait des papiers, je

 16   sais qu’il était dans ce groupe et je suppose que c’était

 17   bien lui.

 18         Q.    Une fois de plus…

 19         R.    Je suppose que c’était lui.

 20         Q.    Par conséquent, il n’est pas vrai ce que vous

 21   avez dit dans votre déclaration ?

 22         R.    J’ai vu là-bas.

 23         Q.    Non.  Je m’excuse, je vous en prie.  Vous

 24   dites : « L’homme qui a organisé la livraison du matériel

 25   était telle et telle personne. »


Page 589

  1         R.    Oui.

  2         Q.    Maintenant, vous dites « peut-être ».  Est-ce

  3   que vous voulez opter pour l’un ou l’autre ?

  4         R.    Je dirais que c’était Simo Stankovic.

  5         Q.    Donc, nous le faisons par en arrière.  Sur la

  6   base de quoi ?

  7         R.    Parce qu’il était dans ce groupe de gens qui

  8   chargeaient le camion, c’est lui qui coopérait avec eux. 

  9   C’est lui qui signait.  Qui d’autre ?  Ce n’est pas moi.

 10         Q.    Qui éventuellement à sa place ?  On pourrait

 11   en discuter longuement, mais de toute façon, est-ce que

 12   vous tirez les conclusions très facilement ?

 13         R.    Non.

 14         Q.    Moi personnellement, j’ai l’impression que ce

 15   n’est pas vrai ce que vous dites.

 16         R.    C’est ce que vous supposez.

 17         Q.    Revenons un peu à ce qui a été dit.  Vous

 18   savez qu’il y a une partie qui a été armée, l’autre partie

 19   n’a pas été armée.  Vous voyez le camion vert qui n’a pas

 20   de plaque d’immatriculation militaire, mais civile mais

 21   vous concluez qu’il est militaire quand même.  Vous voyez

 22   Simo Stankovic qui est à côté du camion et vous en déduisez

 23   que c’est bien lui qui avait organisé le transport.

 24         Eh bien, nous allons passer à l’autre phrase, si

 25   vous voulez, étant donné qu’il s’agit des conclusions.


Page 590

  1         « Étant donné que les camions étaient de Trebinje,

  2   je suppose que les réserves ont été transportées sur le

  3   front de Dubrovnik. »

  4         Est-ce qu’éventuellement nous en déduisons à la

  5   hâte ?

  6         R.    À ce moment-là, la guerre était très violente

  7   à Dubrovnik.

  8         Q.    De toute façon, la guerre, malheureusement,

  9   elle était très violente un petit peu sur l’ex-espace de

 10   Yougoslavie.  De toute façon, si ça vous est dur, moi

 11   aussi, de le constater, mais la question que je vous pose

 12   est différente et j’aimerais que vous me répondiez à cette

 13   question.  Je vous attends.

 14         R.    Qu’est-ce que vous attendez de moi ?

 15         Q.    La réponse sur la base de laquelle vous

 16   déduisez que ces camions ont transporté l’équipement sur le

 17   front de Dubrovnik.

 18         R.    Je le suppose.

 19         Q.    Entendu !

 20         R.    De toute façon, c’est ce qui a été écrit ici.

 21         Q.    Entendu !  Il y a beaucoup de suppositions et

 22   beaucoup d’hypothèses.

 23         Mais nous allons passer à la page 5.  Page 5,

 24   paragraphe 2.  Est-ce que vous voulez le lire ou moi-même ?

 25         R.    Ça m’est égal.


Page 591

  1         Q.    C’est moi-même à ce moment-là.  Je cite :

  2   « Sept jours à peu près avant que la guerre éclate, Zdravko

  3   Milicevic s’est pendu.  Il a travaillé comme garde de

  4   sécurité au portail de l’hôpital.  C’était vraiment un très

  5   grand choc pour tout le monde car à l’hôpital, tout le

  6   monde l’aimait.  Ultérieurement, après l’éclatement de la

  7   guerre, nous nous sommes souvenus que lui, il répétait

  8   souvent avant de mourir que jamais il ne serait capable de

  9   tuer qui que ce soit ou de blesser un enfant de qui que ce

 10   soit ou d’incendier la maison de qui que ce soit.  Je pense

 11   qu’il avait reçu des ordres qu’il ne pouvait pas accomplir

 12   et que c’était la raison pour laquelle il s’était tué. » 

 13   Fin de citation.

 14         Est-ce que vous connaissiez bien Monsieur Zdravko

 15   Milicevic ?

 16         R.    Oui, très bien.  C’était un homme

 17   exceptionnel.

 18         Q.    Entendu !  Est-ce qu’il vous a dit… je vais

 19   reformuler ma question, excusez-moi.

 20         Est-ce que d’une façon ou d’une autre, vous

 21   pourriez me donner des explications au sujet du terme que

 22   vous avez utilisé : « Nous nous sommes souvenus » ?  Est-ce

 23   que ceci se rapporte à la famille, aux voisins, aux amis,

 24   et cætera ?

 25         R.    Nous autres qui avons été de permanence et de


Page 592

  1   garde à l’hôpital.  Lui, il était, comme je l’ai dit, le

  2   garde de la sécurité, enfin, au portail de l’hôpital.

  3         Q.    Excusez-moi.  La guerre a éclaté.  Donc, le

  4   conflit armé a commencé encore un petit peu ?

  5         R.    Excusez-moi, mais moi, j’en ai assez.

  6         Q.    D’accord.  Je vous comprends parfaitement.

  7         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

  8   prie, est-ce que nous pouvons poursuivre s’il vous plaît

  9   parce que c’est important de poursuivre ?

 10         Monsieur Ryneveld, je vous en prie.

 11         Me RYNEVELD (interprétation) :  Bien évidemment,

 12   il y a le contre-interrogatoire et je comprends

 13   parfaitement qu’il s’agit d’un contre-interrogatoire assez

 14   large, mais ici, il y a un certain nombre de paragraphes

 15   dont il est question alors qu’on n’en a pas parlé lors de

 16   l’interrogatoire principal. 

 17         Par conséquent, le témoin n’a pas déposé sur ces

 18   paragraphes et par conséquent il s’agit pratiquement d’un

 19   certain nombre de questions par lesquelles on guide le

 20   témoin.

 21         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  C’est la

 22   déclaration qu’elle avait donnée.

 23         Me RYNEVELD (interprétation) :  Il est vrai, mais

 24   je n’ai pas posé les questions au sujet de tous les

 25   paragraphes.


Page 593

  1         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Il s’agit de

  2   la crédibilité du témoin.

  3         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je n’ai pas parlé

  4   lors de l’interrogatoire principal de ces questions-là.

  5         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Vous n’en avez

  6   pas parlé, mais de toute façon, le conseil de la Défense a

  7   le droit tout simplement d’en parler étant donné qu’il pose

  8   la question de crédibilité du témoin car le conseil prétend

  9   qu’elle avait exagéré quelque peu en déduisant un peu trop

 10   rapidement.

 11         Me RYNEVELD (interprétation) :  Je voulais tout

 12   simplement vous rappeler qu’il y a un certain nombre de

 13   questions qui sont soulevées dont il n’a pas été question

 14   dans l’interrogatoire principal.

 15         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Me Ryneveld,

 16   il n’est pas indispensable que le Procureur avance un

 17   certain nombre de questions.  Tout ce qui a été dit dans la

 18   déclaration par le témoin, d’après notre interprétation

 19   bien évidemment, pourrait être soulevé lors du contre-

 20   interrogatoire.

 21         Me RYNEVELD (interprétation) :  Bien évidemment,

 22   je ne le conteste pas.  Je voulais tout simplement dire que

 23   lors de l’interrogatoire principal, on n’en a pas parlé,

 24   mais de toute façon, j’ai abusé du temps et le mieux c’est

 25   de m’asseoir.


Page 594

  1         M. LE JUGE HUNT (interprétation) :  Je pense que

  2   la Présidente a pris une décision.  Par conséquent, s’il

  3   paraît qu’il est pertinent que de soulever une telle

  4   question, à ce moment-là, bien évidemment, on peut contre-

  5   interroger le témoin sur ce plan-là.  C’est la raison pour

  6   laquelle personnellement, j’aurais arbitré de la même

  7   manière comme la Présidente.

  8         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

  9   prie, Maître.

 10         Me JOVANOVIC (interprétation) : 

 11         Q.    Excusez-moi un petit moment.

 12         Vous avez dit une fois qu’après le déclenchement

 13   de la guerre, si j’ai bien compris, vous avez passé huit

 14   jours dans la cave.  Ensuite, on vous a capturée et pendant

 15   cette période, vous vous êtes souvenue.  Est-ce que c’est

 16   bien ça ?

 17         R.    Non, mais j’ai commencé à travailler et ce

 18   n’est qu’après.

 19         Q.    Oui, vous avez raison.  Par conséquent, c’est

 20   après être relâchée, vous avez recommencé à travailler ?

 21         R.    Oui.

 22         Q.    Avec qui vous avez discuté ?

 23         R.    C’est dans mon service et il y avait des

 24   Serbes, il y avait des musulmans, des collègues et ceux qui

 25   n’étaient pas pour la guerre.


Page 595

  1         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Je ne sais pas si

  2   je peux me conformer à la procédure.  Est-ce qu’on peut

  3   montrer au témoin la liste des personnes qui étaient

  4   employées à l’époque dans le service parce qu’il y a une

  5   contradiction ?

  6         R.    Il y avait les uns et les autres jusqu’au 20

  7   mai.  Jusqu’au 20 mai, il y avait des Serbes et des

  8   musulmans qui étaient dans le service.

  9         Q.    Entendu !  Quand vous dites que vous vous

 10   êtes souvenue du fait qu’avant sa mort, il avait répété à

 11   maintes reprises, est-ce que vous-même, vous l’avez entendu

 12   dire qu’il n’aurait pas été capable de tuer ou de blesser

 13   un enfant ?

 14         R.    Oui.  Lui, il était de garde souvent et quand

 15   nous étions de garde, il venait, par exemple, dans notre

 16   service pour prendre un café et chaque fois, il répétait :

 17   « Jamais je n’aurais pu blesser ou tuer l’enfant d’un

 18   voisin.  Je n’aurais pas pu incendier une maison », et

 19   cætera.

 20         Q.    Est-ce que vous trouvez que c’est normal ?

 21         R.    Oui, tout à fait.

 22         Q.    Nous allons poursuivre, je vous en prie.  Il

 23   faut progresser.  Sur la base de quoi vous pensez qu’il

 24   avait reçu un ordre de blesser ou de tuer un enfant de qui

 25   que ce soit ?


Page 596

  1         R.    Il s’est pendu juste avant la guerre.

  2         Q.    Ce n’est pas ça que je vous demande.  Ce que

  3   je vous demande, c’est quelle est la base sur laquelle vous

  4   justifiez ce que vous dites ?  Est-ce que vous savez sur

  5   quelle base il avait reçu l’ordre de tuer ou de blesser

  6   l’enfant de qui que ce soit ou d’incendier la maison ?

  7         R.    Je suppose.

  8         Q.    Vous supposez sur la base de quoi ?

  9         R.    Sur la base de ce qu’il avait relaté, sur la

 10   base également du fait qu’il s’était pendu parce que tout

 11   simplement, il ne pouvait pas se le permettre en tant

 12   qu’être humain.

 13         Q.    Attendez.  Si je vous ai bien compris, en

 14   tant qu’être humain, on ne pouvait pas facilement non plus

 15   blesser l’enfant de quelqu’un ou éventuellement d’incendier

 16   la maison de quelqu’un.  Par conséquent, il y a quelque

 17   chose qui aurait dû se passer pour que moi, je me pende,

 18   n’est-ce pas ?  Je pense qu’effectivement, il se comporte

 19   comme un être humain normal.  Je pense que vous ne me

 20   contredirez pas dans ce sens-là.

 21         R.    Si par exemple, il a reçu l’ordre de

 22   quelqu’un de le faire, à ce moment-là, bien évidemment,

 23   c’est compréhensible qu’il agisse de telle manière.

 24         Q.    Comment pouvez-vous savoir qu’il avait reçu

 25   l’ordre de quelqu’un de blesser ou de tuer l’enfant de


Page 597

  1   quelqu’un ?

  2         R.    C’est ce que je suppose parce que c’était un

  3   être normal.

  4         Q.    Il y avait toute une série de suppositions,

  5   Madame.

  6         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Maître, est-

  7   ce que vous pouvez attendre, s’il vous plaît ?  Ménagez un

  8   petit peu les pauses.  Attendez les réponses du témoin.

  9         R.    Il en avait beaucoup parlé auparavant et j’en

 10   ai parlé dans ma déclaration et je suppose qu’on lui avait

 11   ordonné éventuellement quelque chose et que tout

 12   simplement, en tant qu’être humain, il n’aurait pas pu s’y

 13   conformer.

 14         Me JOVANOVIC (interprétation) :   

 15         Q.    Par conséquent, c’est une autre conclusion,

 16   c’est une autre déduction que vous faites.  Par conséquent,

 17   s’il s’agissait d’un Serbe, à ce moment-là, c’est un autre

 18   Serbe qui aurait dû lui délivrer un tel ordre.  Par

 19   conséquent, vous le supposez également ?

 20         R.    Oui.

 21         Q.    Je ne vous ai pas bien entendue.

 22         R.    Oui.  Ce n’est pas moi qui aurais pu lui

 23   donner l’ordre.

 24         Q.    Vous avez dit oui ?

 25         R.    Ce n’est pas moi.


Page 598

  1         Q.    Bien évidemment, je ne pense pas à vous.

  2         R.    C’est un autre Serbe qui aurait dû lui

  3   délivrer un tel ordre.

  4         Q.    C’est bien ça, mais un musulman aurait pu

  5   également lui ordonner ça ?

  6         R.    Oui, bien évidemment.

  7         Q.    Tout est possible ?

  8         R.    Je suppose que quelqu’un de ce groupe qui

  9   voulait procéder au nettoyage ethnique dans cet espace,

 10   celui qui voulait partager.

 11         Q.    Est-ce que vous pouvez me citer

 12   éventuellement quelques membres de ce groupe qui se

 13   préparaient pour nettoyer ethniquement cet espace ?  Est-ce

 14   que Zdravko Milicevic était avec quelqu’un qui

 15   éventuellement se préparait pour procéder à un nettoyage

 16   ethnique et qui éventuellement également a pu recevoir un

 17   tel ordre dans le sens de blesser, tuer quelqu’un,

 18   d’incendier les maisons, et cætera ?

 19         R.    Non.  Je le suppose.

 20         Q.    Excusez-moi, je reviens encore une fois à la

 21   question.  Par conséquent, tout ce que vous avez dit, ce

 22   n’est pas exact ?

 23         R.    C’est exact.  J’ai dit que je pense, que je

 24   suppose que c’est comme ça car c’est un homme intègre,

 25   honnête et il ne pouvait pas se le permettre.


Page 599

  1         Q.    Par conséquent, il y a quelqu’un qui lui a

  2   ordonné d’agir ainsi ?

  3         R.    Oui.

  4         Q.    Par conséquent, ce quelqu’un a préparé le

  5   nettoyage ethnique ?

  6         R.    Oui.

  7         Q.    Est-ce que vous pouvez me citer un nom ou

  8   plusieurs noms avec lesquels Zdravko Milicevic était en

  9   contact ?  Quel âge avait-il, s’il vous plaît ?

 10         R.    Il avait moins de 40 ans.  Je ne sais pas.

 11         Q.    Est-ce qu’il avait appartenu à un parti

 12   quelconque ?

 13         R.    Je ne pense pas qu’il ait été membre d’un

 14   parti.

 15         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Madame la

 16   Présidente, je pense qu’il y a une minute ou deux minutes

 17   jusqu’à 4 h 00.

 18         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

 19   prie, est-ce que vous avez beaucoup de questions à poser ?

 20         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Beaucoup de

 21   questions.

 22         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Encore une

 23   question, je vous en prie.  Vous avez le droit.

 24         Me JOVANOVIC (interprétation) :   

 25         Q.    Par conséquent, vous ne savez pas s’il avait


Page 600

  1   reçu ou non l’ordre ?  C’est votre supposition, n’est-ce

  2   pas ?

  3         R.    C’est ma supposition.

  4         Q.    Merci.  Un petit moment.  Est-ce que vous

  5   pouvez passer à la page 6 ?  Le paragraphe 4.

  6         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Madame la

  7   Présidente…

  8         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Je vous en

  9   prie.

 10         Me JOVANOVIC (interprétation) :  Je pense que la

 11   question que j’ai l’intention de poser demandera un peu

 12   plus de temps que le temps dont nous disposons.  Est-ce que

 13   vous pensez qu’il est véritablement opportun que de poser

 14   la question ou éventuellement de laisser pour demain matin

 15   la question ?

 16         Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) :  Oui,

 17   effectivement, il est 4 h 00.  Donc, je pense effectivement

 18   que c’est demain que nous pouvons poursuivre.  Demain, 9 h

 19   30.  Nous allons lever l’audience et demain, 9 h 30.

 20         --- L’audience est levée à 16 h 00

 21         pour reprendre le mercredi

 22         22 mars 2000 à 9 h 30

 23  

 24

 25