Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 [Le mercredi 19 avril 2000]

2 [Audience publique]

3 [Les accusés entrent dans la Cour]

4 [Le témoin entre dans la Cour]

5 --- L’audience débute à 9 h 30

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Madame la

7 Greffière.

8 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T,

9 Le Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et

10 Zoran Vukovic.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

12 Avant de commencer, j’aimerais tout simplement

13 savoir si les accusés entendent ou pas en langue B/C/S.

14 L’ACCUSÉ KUNARAC : Oui.

15 L’ACCUSÉ KOVAC : Oui, j’entends.

16 L’ACCUSÉ VUKOVIC : Oui, j’entends.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant

18 d’entendre la prestation du serment…

19 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Je voulais

20 tout simplement dire quelque chose.

21 Monsieur Ryneveld, j’ai suivi de très près le

22 dossier « viol » de Furundzija du point de vue médecine

23 légiste. Je voudrais vraiment savoir s’il s’agit à peu

24 près du même cas. Je ne sais pas si moi éventuellement,

25 j’ai une approche qui est quelque peu différente, mais il

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1 me semblait qu’il s’agissait véritablement d’un viol qui a

2 été produit par force. Par conséquent, il n’y avait pas de

3 consentement. C’est la raison pour laquelle on en a parlé

4 devant le Tribunal international, notamment dans l’affaire

5 Furundzija, et vous n’êtes pas sans savoir que l’Accusation

6 permettait donc cette supposition.

7 Me RYNEVELD (interprétation) : Excusez-moi, je

8 vous suis.

9 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, et bien

10 évidemment quand on parle du viol, c’est la force. Par

11 conséquent, il n’y a pas de consentement et nous pouvons

12 tout simplement prendre en considération le fait que si le

13 témoin ne le dit pas de manière expresse qu’il a été violé,

14 dans ce cas-là, on pourrait ne pas considérer du fait qu’il

15 s’agissait de quelque chose qui était fait par force.

16 C’est la raison pour laquelle je vous demande

17 d’insister auprès des témoins de le dire expressément : y

18 avait-il un consentement ou bien éventuellement c’était par

19 la force, car les termes sont extrêmement importants. Les

20 définitions ne vont pas correspondre probablement aux

21 revendications et les requêtes ainsi que les examens qui

22 seront les nôtres.

23 Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux

24 dire, mais pour moi, il est très logique que d’insister

25 auprès des témoins de vous dire au cours de la déposition

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1 s’il s’agissait donc d’un viol dans le vrai sens de ce mot

2 et dans la définition, donc qu’ils le disent expressément,

3 parce que s’il y a un consentement, ce n’est pas un viol.

4 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Monsieur le

5 Juge.

6 D’après moi, quand on utilise le terme « viol »,

7 quand le témoin prononce ce terme, ceci comprend par

8 conséquent l’absence de consentement.

9 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, quand le

10 terme anglais est utilisé. À ce moment-là, bien

11 évidemment, c’est ce que vous dites. Mais il me semble que

12 l’Accusation devrait y insister parce que nous ne devons

13 pas avoir des sous-entendus. Par conséquent, si vous avez

14 un témoin qui peut le dire expressément, il faut qu’il le

15 dise.

16 Me RYNEVELD (interprétation) : Comme je l’ai déjà

17 précisé, l’équipe du Bureau du Procureur y a réfléchi et on

18 en a parlé et nous avons justement pensé à la Règle 96.

19 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, mais

20 c’était quand même une hypothèse ou une supposition selon

21 laquelle il n’y avait pas par conséquent le consentement.

22 Me RYNEVELD (interprétation) : Bien évidemment, ce

23 n’est pas difficile. Nous pouvons y insister, mais nous

24 étions quelque peu préoccupés car si jamais on pose une

25 question d’une manière aussi explicite au témoin, il est

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1 indispensable également qu’il parle des circonstances et

2 que ça pourrait également poser une question de répétition,

3 de double emploi, mais vous avez parfaitement raison.

4 Pourquoi demander à la Chambre, aux juges d’interpréter

5 alors qu’on peut carrément poser la question simple et

6 avoir la réponse simple.

7 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Bien

8 évidemment, vous avez raison. Moi personnellement, je n’ai

9 pas encore tiré la conclusion définitive, mais il me semble

10 qu’il est extrêmement utile qu’à partir du moment où on

11 parle de ce terme, de cette définition donc du terme

12 « viol », qu’il est indispensable quand même d’y penser et

13 ne pas laisser aux juges, si vous voulez, d’interpréter.

14 Me RYNEVELD (interprétation) : Nous avons pensé

15 que nous avons déjà abouti à notre objectif à travers donc

16 ces dépositions qui ont déjà été faites, mais je ne peux

17 qu’apprécier le commentaire du juge et nous allons nous y

18 conformer en tenant compte donc de cet aspect et au moment

19 où d’autres témoins viendront déposer ici.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

21 prie, la prestation de service du témoin.

22 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare

23 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

24 rien que la vérité.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Micro, s’il

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1 vous plaît.

2 TÉMOIN : TÉMOIN AS (ASSERMENTÉE)

3 INTERROGÉE PAR Me KUO (interprétation) :

4 Q. Bonjour.

5 R. Bonjour.

6 L’INTERPRÈTE : Il y a des problèmes techniques.

7 Le son n’est pas bon, le volume. Il faut éventuellement

8 faire quelque chose avec le volume.

9 Me KUO (interprétation) : Je voulais tout

10 simplement vérifier les micros.

11 Q. Bonjour, Madame le Témoin.

12 R. Bonjour.

13 L’INTERPRÈTE : C’est bon.

14 Me KUO (interprétation) :

15 Q. Est-ce que vous m’entendez?

16 R. Oui, je vous entends.

17 Me KUO (interprétation) : C’est moi qui n’entends

18 pas la réponse.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : On vient de

20 nous dire que le micro du témoin n’est pas éventuellement

21 bien placé.

22 LA GREFFIÈRE : Visiblement, nous avons un

23 problème d’interprétation. Donc, les techniciens vont

24 vérifier avec les interprètes s’ils peuvent bien entendre

25 le témoin.

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1 [Difficultés techniques]

2 [La Chambre discute]

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

4 vous entendez maintenant ? Ce sont des essais, juste des

5 essais pour voir comment ça marche sur le plan technique.

6 L’INTERPRÈTE : Bonjour, Madame la Présidente.

7 Est-ce que vous entendez maintenant ? La cabine française,

8 je pense que vous l’entendez. Oui ?

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bon. Bien,

10 on va essayer de voir si on s’entend. En ce qui me

11 concerne, j’entends la cabine anglaise. La cabine

12 française, je ne sais pas si vous pouvez suivre.

13 Me KUO (interprétation) :

14 Q. Est-ce que vous m’entendez ?

15 R. Oui, je vous entends très bien.

16 Me KUO (interprétation) : Là maintenant, je pense

17 que ça va marcher. Je vais demander à l’Huissier de nous

18 aider juste pour montrer la pièce à conviction 197 au

19 témoin.

20 Q. Est-ce que vous voyez votre nom, s’il vous

21 plaît, sur cette pièce ?

22 R. Oui.

23 Q. Eh bien, à côté de votre nom, est-ce que vous

24 voyez également les initiales AS ?

25 R. Oui.

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1 Q. Est-ce que vous voyez également la date de

2 votre naissance ?

3 R. Oui.

4 Q. En bas, est-ce que vous voyez également le

5 nom de votre mère ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quel est le

8 numéro qui correspond au nom de votre mère ?

9 R. 152.

10 Q. En dessous du nom de votre mère, est-ce que

11 vous voyez le nom de votre père ?

12 R. Oui.

13 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,

14 Messieurs les Juges, l’Accusation souhaite verser au

15 dossier la pièce à conviction 197.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : D’accord.

17 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …197 et elle est

18 enregistrée de façon confidentielle.

19 Me KUO (interprétation) :

20 Q. Madame, quel âge avez-vous ?

21 R. Vingt-sept ans.

22 Q. En 1992, en avril, vous aviez quel âge ?

23 R. Dix-neuf ans.

24 Q. En juillet ?

25 R. Dix-neuf.

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1 Q. Où est-ce que vous êtes née ?

2 R. À Foca.

3 Q. À quelle ethnicité vous appartenez ?

4 R. Je suis Musulmane.

5 Q. En 1992, vous viviez à quel endroit ?

6 R. À Miljevina.

7 Q. Avec qui avez-vous vécu ?

8 R. Avec ma mère et mon père.

9 Q. Est-ce que vous avez travaillé à cette

10 époque-là ?

11 R. Oui.

12 Q. Où est-ce que vous avez travaillé ?

13 R. J’ai travaillé dans une usine de chaussures à

14 Miljevina.

15 Q. Qu’est-ce que vous avez travaillé là-bas ?

16 R. Je travaillais dans une usine qui fabriquait

17 des chaussures.

18 Q. Quel était votre poste ? Qu’est-ce que vous

19 avez fait ? Quelles étaient vos activités ?

20 R. Je travaillais à la chaîne.

21 Q. Est-ce que vous savez quand la guerre à Foca

22 a été déclenchée ?

23 R. Le 7 avril 1992.

24 Q. Comment savez-vous que la guerre s’est

25 déclenchée ce jour-là ?

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1 R. C’était un anniversaire.

2 Q. Est-ce que vous avez vu éventuellement

3 quelque chose ou bien est-ce que vous avez appris quelque

4 chose qui était en relation avec ce conflit qui s’est

5 déclenché ?

6 R. On avait entendu que tout a été très brusque.

7 Enfin, on a entendu qu’il y avait quelqu’un qui s’est

8 rassemblé.

9 Q. Est-ce que vous avez vu éventuellement

10 quelque chose ? Est-ce que vous avez entendu des tirs ?

11 Est-ce que vous avez entendu que quelque chose a été

12 incendié ?

13 R. Oui. Des villages des alentours étaient

14 incendiés. C’est ce que nous avons vu plus tard.

15 Q. Quand vous dites « après », est-ce que vous

16 pouvez me dire également quelle est la période à laquelle

17 vous pensez ?

18 R. Un jour ou deux jours plus tard.

19 Q. Est-ce que les maisons dans votre village ont

20 été incendiées ?

21 R. Non. C’était les villages dans les environs.

22 Q. Est-ce que vous avez vu des soldats dans

23 votre village ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu’ils ont fait,

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1 ce que vous avez vu, ce qu’ils avaient fait ?

2 R. Oui.

3 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

4 R. Ils faisaient sortir les gens des maisons et

5 puis ils les conduisaient dans une direction inconnue.

6 Q. Quand vous dites les « gens », le peuple, à

7 qui pensez-vous, des gens simples ? Enfin, vous avez des

8 gens très concrets que vous pouvez citer ?

9 R. Musulmans.

10 Q. Les gens qu’on nommait, est-ce qu’eux étaient

11 en tenue militaire ou éventuellement ils étaient en civil ?

12 R. Les Serbes portaient des uniformes militaires

13 alors que les Musulmans étaient en civil.

14 Q. Pour ce qui concerne les Serbes, ceux qui

15 étaient en tenue militaire, ce sont ceux que vous avez

16 décrits comme des soldats, n’est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce qu’éventuellement quelqu’un avait

19 donné des ordres dans le sens de remettre des armes ?

20 R. Je ne m’en souviens pas.

21 Q. Est-ce que vous avez continué à travailler à

22 cette époque-là ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous avez été terrifiée, vous

25 aviez peur ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous vous sentiez comme un objet

3 qui fait but parce que vous étiez Musulmane ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous avez pu circuler librement en

6 ville ?

7 R. Non, non.

8 Q. Pourquoi pas ?

9 R. Parce que tout simplement on avait peur.

10 Q. Pourriez-vous nous donner la description ?

11 Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi aviez-vous peur ?

12 R. De tout.

13 Q. Est-ce qu’il y avait des soldats serbes qui

14 se sont rendus chez vous à la maison ?

15 R. Il y en avait plusieurs.

16 Q. Quand est-ce qu’ils sont venus ?

17 R. Ils venaient le matin, le soir, dans l’après-

18 midi. Ça dépendait. Enfin, ils pouvaient se rendre chez

19 moi à n’importe quel moment.

20 Q. À quelle fréquence venaient-ils ?

21 R. Chaque fois quand ils le voulaient.

22 Q. Est-ce qu’éventuellement vous avez connu de

23 ces soldats auparavant ?

24 R. Oui. Il s’agissait de nos voisins.

25 Q. Quand ils venaient chez vous à la maison,

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1 est-ce qu’ils disaient pourquoi ? Quelles étaient les

2 raisons pourquoi ils sont venus ?

3 R. Oui.

4 Q. Qu’est-ce qu’ils ont dit ?

5 R. Ils me demandaient moi-même.

6 Q. Est-ce qu’ils ont dit quelles étaient les

7 raisons pourquoi ils sont venus pour vous chercher ?

8 R. Non. Ils ont toujours demandé où je me

9 trouvais. Enfin, ils voulaient savoir où j’étais.

10 Q. Qu’est-ce que vous avez fait vous-même au

11 moment où les soldats serbes se rendaient chez vous ?

12 R. Moi, j’essayais de me cacher partout où je

13 pouvais.

14 Q. Est-ce que vos parents étaient à ce moment-là

15 à la maison ?

16 R. Oui.

17 Q. Qu’est-ce que vos parents disaient ? Qu’est-

18 ce qu’ils disaient aux soldats quand ils venaient vous

19 chercher ?

20 R. Ma mère disait toujours qu’elle ne savait pas

21 où j’étais.

22 Q. Est-ce qu’on vous a trouvée ?

23 R. Oui. Après, oui.

24 Q. Comment ils vous ont trouvée ?

25 R. Au moment où on était obligé de quitter tous

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1 nos maisons respectives.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quelle date

3 c’était à peu près ?

4 R. C’était mi-août, à peu près comme ça, oui.

5 C’était mi-août, je pense.

6 Q. Comment saviez-vous que vous étiez obligée de

7 quitter la maison ?

8 R. C’est ce qu’ils ont annoncé. Ils nous ont

9 demandé de sortir. C’est par les haut-parleurs qu’ils ont

10 annoncé qu’il était indispensable que la population

11 musulmane quitte leurs lieux d’habitation.

12 Q. Est-ce que vous savez qui avait annoncé par

13 les haut-parleurs cette information ou qui en était

14 responsable ?

15 R. Non, je ne sais pas. Je ne sais pas. Peut-

16 être mais je ne sais pas.

17 Q. Qu’est-ce que vous avez fait au moment où

18 vous avez appris par les haut-parleurs qu’il fallait sortir

19 ?

20 R. Nous nous sommes préparés. On n’avait

21 absolument pas le droit d’emporter grand-chose, qu’un sac à

22 voyage et puis c’était tout.

23 Q. Est-ce que vous-même et vos parents, vous

24 avez préparé ce sac de voyage et qu’est-ce que vous avez

25 fait par la suite ?

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1 R. Oui.

2 Q. Où est-ce que vous êtes allés ?

3 R. À Foca.

4 Q. Comment êtes-vous venus jusqu’à Foca ?

5 R. En autocar.

6 Q. Est-ce qu’il s’agissait des cars qui étaient

7 organisés justement à cette intention ou bien il s’agissait

8 des cars ordinaires ?

9 R. Ordinaires.

10 Q. Ne mentionnez aucun nom, mais dites-nous,

11 s’il vous plaît : Qui était avec vous dans l’autocar ?

12 R. Vous pensez aux hommes ou quoi ?

13 Q. La question que j’avais posée était de savoir

14 s’il y avait des hommes, des femmes et des enfants.

15 C’était des villageois ? Qui était avec vous dans

16 l’autocar ?

17 R. Je ne sais pas le nombre exact, mais de toute

18 façon, il y avait deux autocars qui étaient remplis, je

19 pense, à peu près. Il y avait deux autocars.

20 Q. Eh bien, ces gens-là, ça voulait dire qu’il y

21 avait également des hommes, des femmes et des enfants ?

22 R. Il y avait trois hommes tout simplement et

23 les autres ont été déjà emmenés auparavant. Ils n’étaient

24 pas avec nous dans le car.

25 Q. Vous étiez où exactement à Foca, à quel

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1 endroit ?

2 R. À Foca.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

4 prie.

5 Me LOPICIC (interprétation) : [Hors microphone]

6 Au moment où le Témoin AS avait donné le nom, elle a parlé

7 de « Pero Elez » alors que dans la transcription, c’était

8 marqué « Krnojelac ».

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Où ça se

10 trouve ?

11 Me LOPICIC (interprétation) : C’était la ligne

12 12.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Moi

14 aussi, j’ai remarqué qu’il s’agissait de « Krnojelac ».

15 Me LOPICIC (interprétation) : Il s’agissait de

16 Pero Elez.

17 Me KUO (interprétation) : Je peux reposer la

18 question au témoin. Il y avait probablement une petite

19 erreur de traduction.

20 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui,

21 effectivement. C’est marqué « Krnojelac », ligne 2.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous pouvez

23 reposer la question si vous voulez bien.

24 Me KUO (interprétation) :

25 Q. Madame, je vous ai déjà posé la question pour

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1 savoir qui était responsable des annonces qui ont été

2 données aux haut-parleurs et ils ont dit aux Musulmans

3 qu’ils devaient sortir de chez eux et partir. Est-ce que

4 vous pouvez me dire qui en était responsable ?

5 R. J’ai entendu dire qu’il s’agissait de Pero

6 Elez, mais je ne sais pas. De toute façon, je ne sais pas

7 si c’est Pero Elez qui a demandé, a insisté qu’on me viole.

8 Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous dise de plus.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Témoin, je

10 vais vous demander de répondre aux questions qui vous sont

11 posées par Me Kuo.

12 Me KUO (interprétation) :

13 Q. C’est tout simplement qu’on avait entendu que

14 vous prononciez un nom différent. C’est pour ça qu’on vous

15 a reposé la question. Par conséquent, je poursuis.

16 Qu’est-ce que vous avez fait au moment où vous

17 vous êtes rendue à Partizan ?

18 R. On nous a alignés et puis ensuite, on a lu

19 nos noms respectifs.

20 Q. Quand vous dites « ils », à qui pensez-vous ?

21 R. Je pense aux Serbes.

22 Q. Il s’agissait des Serbes ?

23 R. Oui.

24 Q. Qu’est-ce que vous avez fait ? Qu’est-ce que

25 vous-même, vous avez fait au moment où on avait appelé les

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1 noms ?

2 R. Rien. Nous étions sur place. Nous avons

3 attendu. Ensuite, on nous a fait rentrer à la salle de

4 Partizan.

5 Q. Qu’est-ce qui s’est passé une fois que vous

6 êtes rentrée à la salle Partizan ?

7 R. Nous sommes restés à cet endroit-là, je ne me

8 souviens plus exactement combien de temps, mais de toute

9 façon, au début, il n’y avait rien. Rien ne s’est passé.

10 Après, il y avait des soldats qui sont arrivés.

11 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ces soldats au

12 moment où ils sont arrivés ?

13 R. Ils ont d’abord pris un Musulman. Ils l’ont

14 fait rentrer dans une pièce. Ensuite, nous avons entendu

15 qu’ils le passaient à tabac. Ensuite, Misko est arrivé et

16 il m’a ordonné de sortir avec lui et il m’a dit que

17 j’allais passer à un interrogatoire.

18 Q. Est-ce que vous connaissiez Misko auparavant

19 ?

20 R. Non.

21 Q. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?

22 Qu’est-ce qui s’est passé au moment où il est venu vous

23 chercher ?

24 R. Il m’a d’abord demandé où j’étais. Donc, il

25 a dit mon nom, il m’a appelée. Il m’a demandé donc de

Page 1996

1 sortir. Il a dit qu’il fallait que je passe à un

2 interrogatoire. Je ne sais pas ce qu’ils ont pensé en

3 disant que c’est un interrogatoire que je dois passer.

4 Ensuite, ils m’ont séparée de ma mère et de mon père.

5 Q. Est-ce que ce Misko vous a éventuellement

6 conduite jusqu’à un endroit très précis ?

7 R. Oui.

8 Q. Où il vous a emmenée ?

9 R. À la maison de Karaman à Miljevina.

10 Q. Est-ce que vous connaissiez la maison de

11 Karaman ? Est-ce que vous saviez avant qu’on vous y emmène

12 ?

13 R. Oui. Je savais bien évidemment que les

14 propriétaires étaient des Karaman parce que ce n’était pas

15 loin par rapport à où moi-même, j’habitais. C’était une

16 maison qui était pratiquement à proximité.

17 Q. Est-ce que vous avez entendu éventuellement

18 quelque chose au sujet de ce qui s’est passé dans cette

19 maison de Karaman au cours de la guerre et avant que vous y

20 soyez emmenée ?

21 R. Oui, tout à fait.

22 Q. Qu’est-ce que vous en avez entendu dire et

23 parler ?

24 R. On a entendu dire que quelques filles ont été

25 enfermées dans cette maison.

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1 Q. Qui vous l’a appris ?

2 R. Il y avait quelques voisins qui nous en ont

3 parlé.

4 Q. Il s’agissait des voisins Serbes ou des

5 Musulmans ou bien il y avait des uns et des autres ?

6 R. Oui, il y avait des uns et des autres, mais

7 il y avait un peu plus de Musulmans, mais de toute façon,

8 on ne pouvait pas contacter les autres.

9 Q. Excusez-moi, mais vous n’aviez pas de

10 contacts avec qui, s’il vous plaît ?

11 R. On n’avait pas le droit de contacter avec des

12 Musulmans.

13 Q. Vous voulez dire que les Musulmans entre eux

14 n’avaient pas à se contacter les uns les autres : C’est ça

15 que vous voulez dire ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu’on vous a dit que ceci n’était pas

18 permis ou quoi ?

19 R. On n’avait pas le droit de circuler,

20 absolument pas. C’est ce que j’ai déjà précisé.

21 Me KUO (interprétation) : Avec l’aide de

22 l’Huissier, je voudrais montrer au témoin la pièce à

23 conviction 11, les photographies 7353 et 7358. Je vais

24 demander, s’il vous plaît, que la photographie 7353 soit

25 placée sur le rétroprojecteur.

Page 1998

1 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette maison qui

2 est au milieu de la photographie ?

3 R. Oui.

4 Q. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est

5 comme maison ?

6 R. C’est la maison de Karaman.

7 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, prendre le

8 pointeur et puis nous indiquer cette maison très

9 précisément et nous dire également où se trouvait votre

10 maison où vous viviez avec vos parents ?

11 R. C’est un peu plus en bas.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant que le

13 témoin n’indique l’endroit que vous demandez, est-ce que

14 vous voulez qu’elle identifie véritablement la photographie

15 ?

16 Me KUO (interprétation) : Je voudrais tout

17 simplement qu’elle nous montre la région approximativement

18 par rapport à cette maison où se trouvait sa propre maison.

19 R. Voilà la maison de Karaman [indication du

20 témoin], et moi, je me trouvais à peu près à cet endroit-là

21 [indication du témoin].

22 Q. Merci.

23 Me KUO (interprétation) : Je voudrais maintenant

24 vous demander de mettre la photographie 7358, de la placer

25 sur le rétroprojecteur.

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1 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce que vous

2 voyez sur cette photographie ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous en donner la

5 description, s’il vous plaît ?

6 R. Il s’agit de l’hôtel et ensuite, il y avait

7 la rue où se trouvait ma maison, quelque peu à l’écart.

8 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous dire

9 maintenant si cette photographie avait été prise du balcon

10 de la maison de Karaman ?

11 R. Je le pense.

12 Q. Une fois de plus, est-ce que vous voyez donc

13 l’ensemble de cette zone, de ce secteur ou de cette région,

14 comme vous voulez, où se trouvait votre propre maison ?

15 Est-ce que vous pouvez nous l’indiquer également avec le

16 pointeur ?

17 L’INTERPRÈTE : Le témoin indique avec le pointeur

18 la maison, sa propre maison.

19 Me KUO (interprétation) :

20 Q. Merci. Quand Misko vous a emmenée à la

21 maison de Karaman, il était en uniforme ?

22 R. Oui.

23 Q. Au moment où vous êtes arrivée à la maison de

24 Karaman, y avait-il d’autres personnes qui y étaient déjà ?

25 R. Oui.

Page 2000

1 Me KUO (interprétation) : Avec l’aide de

2 l’Huissier, je vais montrer au témoin la pièce à conviction

3 198.

4 Q. Madame le Témoin, quand vous regardez cette

5 pièce à conviction 198, est-ce qu’éventuellement vous

6 pourriez également nous citer les numéros d’un certain

7 nombre de personnes qui se trouvaient à ce moment-là à la

8 maison de Karaman ? Vous nous donnez les initiales de ces

9 personnes-là et des numéros.

10 R. Il y avait 87, 75, ensuite, AB – AB, elle est

11 venue quelque peu plus tard – ensuite, DB.

12 Q. Est-ce qu’il y a sur la liste également un

13 nom qui n’est pas accompagné des initiales ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que cette personne-là également se

16 trouvait dans cette maison ou bien on l’a emmenée plus tard

17 ?

18 R. Elle était déjà sur place.

19 Q. Y avait-il d’autres personnes éventuellement

20 qui étaient pendant le temps pendant lequel vous y étiez ?

21 Est-ce qu’éventuellement vous connaissez des noms de

22 quelqu’un qui s’y trouvait alors que les noms ne figurent

23 pas sur cette liste ?

24 R. Non, je ne pense pas.

25 Q. Y avait-il des soldats également sur place ?

Page 2001

1 R. Oui.

2 Q. Il y avait à peu près combien de soldats

3 d’après votre estimation ?

4 R. Au moment où je suis arrivée, ils étaient

5 deux au total, peut-être deux ou trois. Je ne me souviens

6 plus exactement.

7 Q. Qu’est-ce qui s’est passé avec vous au moment

8 où vous êtes arrivée à la maison de Karaman ?

9 R. On m’a violée. On m’a violée.

10 Q. Qui vous a violée ?

11 R. Il y en avait deux ou trois. Je ne me

12 souviens pas.

13 Q. Vous dites « ils » et quand vous le dites,

14 vous pensez exactement à qui ? Est-ce qu’il s’agissait des

15 soldats ou éventuellement des personnes que vous

16 connaissiez ?

17 R. C’était des soldats.

18 Q. Où on vous a violée ?

19 R. Ils m’ont demandé, ils m’ont ordonné plutôt

20 de monter dans la chambre.

21 Q. Quelle chambre ?

22 R. C’était une chambre au deuxième étage.

23 Q. Est-ce qu’ils vous ont ordonné de faire autre

24 chose ?

25 R. Après, j’ai été obligée de descendre dans la

Page 2002

1 cuisine, et dans la cuisine, il y avait d’autres filles qui

2 s’y trouvaient.

3 Q. Vous avez dit qu’on vous a violée, qu’il y

4 avait deux soldats ou éventuellement trois qui vous ont

5 violée ?

6 R. Je pense que c’était deux, peut-être trois.

7 Je ne me souviens pas parce que j’étais sous le choc.

8 Q. Est-ce que vous connaissiez leurs noms ?

9 R. Il y en avait un qui répondait au nom Nikola

10 et je ne me souviens plus de l’autre.

11 Q. Quand vous avez dit le terme « viol »,

12 excusez-moi, je suis obligée de vous poser cette question,

13 qu’est-ce qu’ils ont fait exactement ? Ça, c’est

14 indispensable que je vous pose cette question.

15 R. Ils m’ont détruite. Ils m’ont détruite

16 complètement.

17 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre, s’il vous

18 plaît, pour que les juges soient au clair – c’est

19 indispensable que ceci figure dans la transcription – est-

20 ce qu’ils ont placé leur pénis dans votre vagin ?

21 R. Oui.

22 Q. C’était contre votre propre volonté ? Vous

23 n’étiez pas consentante ?

24 R. Oui, contre ma volonté.

25 Q. Par la suite, ils vous ont ordonné de

Page 2003

1 descendre, n’est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Qu’est-ce qui s’est passé une fois quand vous

4 êtes descendue en bas ?

5 R. Ensuite, c’est Pero Elez qui est venu et puis

6 il m’a demandé ce que j’y cherchais et puis il riait. Il y

7 avait deux autres soldats. Je ne me souviens pas qui

8 encore était avec eux.

9 Q. Est-ce que vous connaissiez Pero Elez ? Est-

10 ce que vous le connaissiez auparavant ?

11 R. Oui.

12 Q. Comment vous le connaissiez ? D’où vous le

13 connaissiez ?

14 R. Je le connaissais de vue. C’est comme ça.

15 On se saluait quand on se rencontrait, on se croisait.

16 Q. Est-ce qu’il y avait d’autres soldats, un

17 autre soldat éventuellement qui a fait une réflexion ?

18 R. Je ne me souviens pas.

19 Q. Est-ce que qui que ce soit vous a menacée ?

20 Est-ce qu’on vous a dit ce qu’ils allaient vous faire ?

21 R. Non, non, non. Je ne me souviens pas.

22 Q. Comment vous sentiez-vous ce premier jour à

23 la maison de Karaman ?

24 R. Je pleurais, je les suppliais de me laisser

25 sortir, de partir.

Page 2004

1 Q. Quelle était leur réponse ?

2 R. Tout le monde riait.

3 Q. Vous êtes restée combien de temps à la maison

4 de Karaman ?

5 R. Je ne me souviens pas. Peut-être un mois,

6 peut-être deux, trois. Je ne sais pas.

7 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît nous donner la

8 description et nous dire ce qui s’était passé par la suite

9 avec vous dans la maison de Karaman, parce que vous êtes

10 restée plusieurs mois ?

11 R. Il y avait plusieurs soldats, et chaque fois,

12 on nous a ordonné qu’on les accompagne. On était obligé

13 également de laver leurs vêtements, de cuisiner, de faire

14 le ménage à la maison.

15 Q. Est-ce que ces soldats également vous

16 violaient, vous attaquaient, abusaient de vous

17 sexuellement ?

18 R. Oui.

19 Q. À quelle fréquence, s’il vous plaît ?

20 R. Une cinquantaine de fois, soixante fois, je

21 ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire.

22 Q. Est-ce que vous connaissiez quelqu’un de ces

23 soldats ?

24 R. Oui.

25 Q. Qui c’était ?

Page 2005

1 R. Ils habitaient sur place. Il y en avait deux

2 ou trois qui habitaient dans cette maison.

3 Q. Ils s’appelaient comment ?

4 R. Il y en avait un qui répondait au nom Nikola.

5 Il y avait l’autre… je ne me souviens pas.

6 Q. Outre ces soldats que vous venez de décrire

7 comme des soldats qui vivaient, est-ce qu’il y en avait

8 d’autres éventuellement qui se rendaient à la maison, qui

9 vous violaient ?

10 R. Oui.

11 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît nous dire qui

12 était responsable de ces soldats, qui était celui qui

13 contrôlait, qui veillait, qui surveillait la maison ?

14 R. Je ne me souviens pas exactement. Vraiment,

15 Je ne sais pas. Je ne peux pas me souvenir exactement si

16 c’était un certain Stankovic, Pero Elez. Je ne sais pas.

17 Vraiment, je ne me souviens pas exactement.

18 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît me dire d’où

19 venaient ces soldats ?

20 R. Ils étaient de Miljevina, de Foca, du

21 Monténégro.

22 Q. Est-ce que vous savez ou vous rappelez-vous

23 d’un nom, d’un homme qui s’appelait Zaga ? S’est-il jamais

24 présenté dans cette maison ?

25 R. Je me souviens vaguement, mais je ne l’ai

Page 2006

1 jamais vu. Je ne me souviens pas. Je crois qu’on m’avait

2 entraîné vers une chambre, mais je ne sais plus.

3 Q. Est-ce qu’on vous a dit qu’il viendrait dans

4 cette maison un moment donné ?

5 R. Oui. On se parlait entre nous.

6 Q. Quand vous dites « nous », à qui pensez-

7 vous ?

8 R. Nous, les filles qui étions là dans cette

9 maison.

10 Q. Est-ce qu’un soldat vous a dit que quelqu’un

11 du nom de Zaga allait venir dans cette maison ?

12 R. Oui… enfin, je ne me souviens pas.

13 Q. Est-ce que les filles vous ont dit qu’un

14 dénommé Zaga se présenterait à la maison ?

15 R. Oui.

16 Q. Qu’est-ce que les filles vous ont dit ?

17 R. Elles m’avaient dit qu’elles avaient très

18 peur de lui.

19 Q. Vous rappelez-vous de quelles filles il

20 s’agit, et si oui, donnez-nous son nom s’il vous plaît ou

21 son numéro ?

22 R. 75.

23 Q. Est-ce qu’elle vous a dit la raison pour

24 laquelle elle avait peur de Zaga ?

25 R. Non. Elle ne m’a pas fait part des détails,

Page 2007

1 seulement…

2 Q. Pardon ? Elle a seulement quoi ?

3 R. Je pense qu’elle avait été violée, qu’il

4 l’avait violée.

5 Q. Mais vous vous-même n’avez jamais vu Zaga,

6 n’est-ce pas ?

7 R. Non.

8 Q. Pendant que vous étiez dans la maison de

9 Karaman, vous ou d’autres filles, aviez-vous le sentiment

10 que vous pouviez quitter librement ?

11 R. Non.

12 Q. Comment vous sentiez-vous séquestrée dans

13 cette maison ?

14 R. Je me sentais de toutes façons et en aucune

15 façon.

16 Q. Vous pourriez peut-être essayer d’expliquer à

17 la Cour comment vous vous sentiez ?

18 R. Enfin, cela avait été pénible pour nous, du

19 moins pour moi.

20 Q. Est-ce qu’on vous a emmené de la maison de

21 Karaman un moment donné ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui vous a emmené ?

24 R. Tuta.

25 Q. Vous a-t-il dit les raisons pour lesquelles

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1 il vous emmenait ?

2 R. Non. Il nous avait dit qu’il nous amenait à

3 Foca, sans plus.

4 Q. Où exactement à Foca vous a-t-il emmené ?

5 R. Excusez-moi ?

6 Q. Où exactement à Foca vous a-t-il emmené ?

7 R. Il nous a emmenées dans un appartement.

8 Q. Qui d’autre était emmenée avec vous ?

9 R. Le numéro 87, je me souviens d’avoir été avec

10 elle.

11 Q. Vous rappelez-vous si 75 était emmenée avec

12 vous également ?

13 R. Je sais que AB avait été emmenée, mais je ne

14 me souviens plus.

15 Q. Donc, lorsque que Tuta vous a emmenée,

16 c’était en compagnie de 87 et de AB, d’après votre

17 souvenir : Est-ce que c’est exact ?

18 R. Oui. Je sais… pour le numéro 87, je suis

19 sûr.

20 Q. Que s’est-il passé lorsque vous avez été

21 emmené par Tuta dans cet appartement à Foca ?

22 R. Il nous a présenté deux soldats.

23 Q. Lorsque vous dites « présenté », que voulez-

24 vous dire ?

25 R. Il nous a dit que nous allions être avec eux.

Page 2009

1 Q. Qu’aviez-vous compris que cela voulait dire ?

2 R. Qu’il nous fallait être avec eux puisque nous

3 n’avions aucune autre issue.

4 Q. Vous voulez dire que vous n’aviez pas de

5 choix et vous deviez obéir à ce qu’ils disaient ?

6 R. C’est cela.

7 Q. Qu’est-ce que ces deux soldats vous ont

8 fait ?

9 R. Ils nous ont amenées dans un appartement de

10 cet immeuble.

11 Q. Que s’est-il passé par la suite ?

12 R. Ils nous ont amenées là-bas et Jagos Kostic

13 m’a donné l’ordre de l’accompagner vers l’extérieur. Il

14 fallait que je me promène et le numéro 87 est restée.

15 Q. Permettez-moi juste de revenir un peu en

16 arrière. Donc, les deux soldats qui vous ont amenées au

17 bloc de Lepa Brena, connaissez-vous leurs noms ?

18 R. Oui.

19 Q. Qui sont-ils ?

20 R. Radomir Kovac et Jagos Kostic.

21 Q. Connaissiez-vous également leurs surnoms ?

22 R. Klanfa et Jago.

23 Q. Klanfa était Radomir Kovac : Est-ce que

24 c’est exact ?

25 R. Oui.

Page 2010

1 Q. Les connaissiez-vous avant la guerre, l’un ou

2 l’autre ?

3 R. Non.

4 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander à

5 Monsieur l’Huissier de présenter au témoin la pièce à

6 conviction 11, la photographie cotée 7401.

7 Q. Reconnaissez-vous ce qui apparaît sur cette

8 pièce à conviction ?

9 R. Oui.

10 Q. De quoi s’agit-il ?

11 R. C’est l’immeuble où nous avons été.

12 Q. Seriez-vous en mesure d’identifier de quel

13 appartement vous avez été emmenée, à partir de cette

14 photographie ?

15 R. Je pense que cela devait se trouver par ici

16 [indication du témoin], quatrième ou cinquième, voire

17 sixième. Je ne me souviens pas exactement de l’étage.

18 Q. Donc, vous nous indiquez le quatrième, le

19 cinquième ou le sixième étage à partir du rez-de-chaussée ?

20 R. Je ne me souviens pas de l’étage.

21 Q. Merci. Madame le Témoin, vous avez dit que

22 lorsqu’on vous a emmenée dans cet appartement et que

23 Kostic… vous nous avez raconté qu’il vous a emmené à

24 l’extérieur : C’est exact ?

25 R. Oui.

Page 2011

1 Q. Qu’a-t-il fait lorsqu’il vous a emmenée à

2 l’extérieur ?

3 R. J’ai dû me promener avec lui en ville.

4 Q. Lorsque vous dites : « Il a fallu que vous

5 vous promeniez avec lui en ville », pourriez-vous nous

6 décrire que s’est-il passé, comment ça s’est passé ?

7 R. Il fallait que le prenne sous le bras.

8 Q. Il vous a pris par le bras : Est-ce que

9 c’est exact ?

10 R. Non. C’est moi qui l’ai pris sous son bras.

11 Q. Comment saviez-vous que c’est ce qu’il

12 fallait faire ?

13 R. Il m’a dit de le faire.

14 Q. De quelle façon était-il vêtu Kostic à ce

15 moment-là ? Est-ce qu’il portait un uniforme ou il était

16 habillé en habit de civil ?

17 R. Je ne m’en souviens plus. Je ne m’en

18 souviens plus.

19 Q. Vous rappelez-vous s’il portait une arme ?

20 R. Non, je ne m’en souviens pas.

21 Q. Où vous a-t-il emmenée ?

22 R. Dans un café.

23 Q. Qu’avez-vous fait au café ?

24 R. Nous étions assis là et puis il m’a ramenée

25 jusqu’à l’appartement.

Page 2012

1 Q. Est-ce que vous, vous aviez l’impression que

2 vous aviez le choix ou est-ce que vous vous sentiez obligée

3 d’aller au café avec lui ?

4 R. Mais j’ai dû y aller.

5 Q. Vous a-t-il dit quelque chose ? Vous a-t-il

6 menacé ?

7 R. Au début, non. Après, oui.

8 Q. Comment vous sentiez-vous lorsqu’il vous a

9 sortie ou emmenée à l’extérieur de l’appartement pour vous

10 emmener au café ?

11 R. J’avais peur.

12 Q. Une fois à l’extérieur, est-ce que vous aviez

13 vu des gens que vous connaissiez ?

14 R. Oui.

15 Q. De quelle façon ont-ils réagi de vous voir là

16 avec la présence de Kostic ?

17 R. Ils n’ont fait que regarder, sans plus.

18 Q. Avez-vous essayé de leur dire quoi que ce

19 soit, de leur indiquer que vous aviez peur ou est-ce que

20 vous leur avez demandé de vous venir en aide ?

21 R. Non. Je ne pouvais pas leur demander de

22 l’aide puisque c’était aussi des Serbes.

23 Q. Qu’a fait Kostic avec vous après qu’il vous

24 ait emmenée au café ?

25 R. Il m’a ramenée à l’appartement.

Page 2013

1 Q. Est-ce que Kovac s’y trouvait encore ?

2 R. Je pense qu’oui. Oui.

3 Q. Savez-vous ce qu’il faisait ?

4 R. Non, je ne m’en souviens pas.

5 Q. Savez-vous ce qui s’est passé avec le numéro

6 87 pendant que vous étiez à l’extérieur avec Kostic ?

7 R. Je pense qu’il l’avait violée.

8 Q. Pourquoi le pensez-vous ?

9 R. Elle me l’a dit par la suite. Elle me l’a

10 dit.

11 Q. Qu’a fait Kostic avec vous après qu’il vous

12 ait ramenée dans l’appartement ?

13 R. J’ai dû l’accompagner jusqu’à la chambre.

14 Q. Quelle chambre ?

15 R. Eh bien, la chambre, la chambre qu’il y avait

16 dans cet appartement.

17 Q. Que s’est-il passé plus tard dans cette

18 chambre avec vous ?

19 R. Il m’a violée.

20 Q. Lorsque vous dites « viol » – vous vous

21 servez de ce mot – est-ce que vous voulez dire ce qui s’est

22 passé plus tôt dans la maison de Karaman ?

23 R. Oui.

24 Q. Savez-vous si Kovac s’y trouvait pendant que

25 Kovac… (l’interprète se reprend). Est-ce que vous savez si

Page 2014

1 Kovac était là pendant que Kostic vous violait ?

2 R. [Signe négatif de la tête] Je ne m’en

3 souviens pas. Non, je ne m’en souviens pas.

4 Q. Pendant combien de temps étiez-vous

5 séquestrée dans cet appartement ?

6 R. Peut-être un mois, peut-être deux.

7 Q. Est-ce que vous savez de l’appartement de qui

8 il s’agissait ?

9 R. Nous avons appris qu’un docteur ou un

10 professeur quelconque avait vécu là, mais je ne sais pas

11 exactement.

12 Q. Mais pendant tout le temps que vous vous y

13 trouviez, est-ce que vous étiez en mesure de dire qui avait

14 le contrôle de cet appartement ?

15 R. Klanfa.

16 Q. Sur quoi vous basez cette conclusion que

17 c’était Klanfa qui avait le contrôle de l’appartement ?

18 R. Je pense que c’était lui qui était à la tête

19 des autres.

20 Q. À quelle fréquence Klanfa se présentait à

21 l’appartement ?

22 R. Ils étaient là tout le temps en attendant de

23 partir sur le front.

24 Q. Quand vous dites « ils », vous parlez de

25 Klanfa et de Kostic ?

Page 2015

1 R. Oui.

2 Q. Vous rappelez-vous si la porte de

3 l’appartement était fermée à clé ?

4 R. Oui.

5 Q. Savez-vous qui avait les clés ?

6 R. Non. Je ne m’en souviens pas.

7 Q. Est-ce que les filles avaient la possibilité

8 de venir et de partir librement ?

9 R. Non.

10 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander à

11 Monsieur l’Huissier de montrer au témoin la pièce à

12 conviction de la Défense D37.

13 Q. Reconnaissez-vous ce schéma ?

14 R. Oui, je m’en souviens vaguement.

15 Q. Pourriez-vous nous montrer à l’aide du

16 pointeur ce que c’est et nous le décrire, s’il vous plaît ?

17 R. Je m’en souviens. Ici [indication du témoin]

18 se trouvait l’entrée. Je me souviens de cette pièce-ci

19 [indication du témoin]. Je ne me souviens plus exactement

20 si c’était dans cette pièce-ci ou dans la cuisine. Dans

21 l’une des pièces, il y avait des meubles, un canapé, une

22 table. Je ne me souviens pas exactement de l’emplacement

23 de la cuisine. Il y avait, je crois, ici [indication du

24 témoin] une salle de bain. Je ne sais plus.

25 Q. Donc, ça représente le plan de l’appartement

Page 2016

1 de Klanfa : Est-ce que c’est exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous voyez la pièce qui était

4 décrite comme « toilette » ?

5 R. Oui.

6 Q. Elle se trouve à droite sur le plan : C’est

7 exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que c’était l’emplacement de la salle

10 de bain, tel que vous vous rappelez ?

11 R. Je ne me souviens vraiment pas. Je ne peux

12 pas vous le dire.

13 Q. Bien ! Maintenant, au-dessus de ce plan,

14 nous voyons deux chambres qui sont intitulées « chambre » :

15 Est-ce que c’est exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Et la chambre qui se trouve à la droite est

18 un peu plus petite que la chambre de gauche : Est-ce que

19 c’est exact ?

20 R. Non. Je pense que c’était plutôt une chambre

21 d’enfant là.

22 Q. La plus petite, n’est-ce pas ?

23 R. C’est ça.

24 Q. Dans quelle pièce est-ce que vous avez été

25 violée par Kostic cette première journée ?

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1 R. Ici [indication du témoin].

2 Q. Celle que vous avez décrit comme étant la

3 chambre d’enfant qui se trouve à droite : Est-ce que c’est

4 exact ?

5 R. Oui.

6 Q. Y avait-il des portes qu’on pouvait fermer ou

7 fermer à clé ?

8 R. Oui. Il y avait des portes, une porte.

9 Q. Est-ce que vous nous diriez que c’était un

10 grand appartement ou un petit appartement ?

11 R. Bien, moyennement grand.

12 Q. Savez-vous quelle était la superficie de cet

13 appartement ?

14 R. Non. Je ne m’en souviens pas.

15 Q. Merci. Maintenant, cette chambre que vous

16 avez décrit comme étant la chambre d’enfant, qui dormait

17 dans cette chambre-là pendant que vous étiez séquestrée

18 dans cet appartement ?

19 R. C’est moi qui m’y trouvais.

20 Q. Quelle est la raison pour laquelle vous

21 dormiez dans cette chambre-là ?

22 R. Il fallait que je reste là avec Jagos.

23 Q. Est-ce que vous aviez un libre choix en ce

24 qui a trait à cela ?

25 R. Non.

Page 2018

1 Q. Y avait-il quelqu’un qui dormait dans la plus

2 grande pièce ?

3 R. Oui.

4 Q. De qui s’agissait-il ?

5 R. Le numéro 87 et Klanfa.

6 Q. Est-ce que vous savez si elle avait un

7 choix ?

8 R. Non.

9 Q. Non, elle n’avait pas de choix ou non, vous

10 ne savez pas ?

11 R. Non, nous n’avions pas le choix, ni l’une ni

12 l’autre.

13 Q. Est-ce que c’était évident que Kovac savait

14 que Kostic se trouvait dans la plus petite chambre avec

15 vous ?

16 R. Oui.

17 Q. Savez-vous si les deux hommes étaient

18 d’accord en ce qui a trait à cette façon de faire les

19 choses ? Est-ce que vous le saviez ?

20 R. Je pense qu’oui.

21 Q. Est-ce que Kostic portait des armes ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que Kovac avait des armes ?

24 R. Oui.

25 Q. De quel genre d’armes il s’agit ?

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1 R. Des couteaux, des fusils, un revolver.

2 Q. Où gardaient-ils leurs armes ?

3 R. Je sais que Jagos gardait son arme sous le

4 coussin : un revolver et un couteau, là où je devais passer

5 la nuit.

6 Q. Est-ce que Kostic vous a violée de nouveau

7 après cette première fois ?

8 R. Oui.

9 Q. À quelle fréquence ?

10 R. Chaque fois qu’il le voulait.

11 Q. Aviez-vous un choix ?

12 R. Non.

13 Q. Je suis désolée de nouveau mais je dois vous

14 poser la question et c’est très important pour le Tribunal.

15 Lorsque vous dites « viol », voulez-vous dire qu’il a mis

16 son pénis dans votre vagin contre votre volonté ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce qu’il est arrivé qu’il place son pénis

19 dans votre bouche également à quelques reprises ?

20 R. Oui.

21 Q. Lorsque Jagos Kostic vous a violée, est-ce

22 que Kovac se trouvait dans l’appartement également ?

23 R. Des fois, oui. Des fois, non.

24 Q. Pensez-vous que Kovac savait que Kostic vous

25 violait ?

Page 2020

1 R. Oui.

2 Q. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous le

3 pensez ?

4 R. Eh bien, ils vivaient là ensemble.

5 Q. Est-ce qu’ils semblaient avoir de bons

6 rapports l’un avec l’autre ? Est-ce qu’ils se parlaient ?

7 Est-ce qu’ils semblaient bien s’entendre ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que Kostic vous a battue ?

10 R. Oui.

11 Q. Pourriez-vous nous le décrire, s’il vous

12 plaît ?

13 R. Une fois, il m’avait traîné dehors, il m’a

14 mis le couteau sous la gorge, il m’a battu avec ses bras et

15 ses pieds et il m’avait mis le couteau sous la gorge, il

16 m’avait tiré vers l’escalier de cet immeuble en me disant

17 qu’il allait m’égorger.

18 Q. Vous rappelez-vous de quand est-ce que c’est

19 arrivé ?

20 R. Non.

21 Q. Étiez-vous malade avant qu’il ne vous batte ?

22 R. Oui.

23 Q. De quelle façon ? Qu’aviez-vous ? Quelle

24 était la maladie dont vous souffriez ?

25 R. J’avais une très forte grippe. Il faisait

Page 2021

1 très froid dans cet appartement.

2 Q. Est-ce que Kostic vous a donné la raison pour

3 laquelle il vous a battue ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que Kovac vous a battu à quelque

6 moment que ce soit ?

7 R. Non.

8 Q. Vous a-t-il jamais violée ?

9 R. Non.

10 Q. Savez-vous si Kovac violait quelqu’un d’autre

11 dans cet appartement ?

12 R. Oui, le numéro 87.

13 Q. Comment vous le savez ?

14 R. Eh bien, j’étais là.

15 Q. [Non interprétée]

16 R. Oui.

17 Q. Kovac a-t-il fait quoi que ce soit d’autre

18 avec vous ou quelqu’un d’autre dans l’appartement ?

19 R. Pas à moi.

20 Q. Y avait-il un moment où Kovac vous a forcée

21 vous et l’autre fille ou les autres filles de vous

22 déshabiller ?

23 R. Oui, oui.

24 Q. Pourriez-vous nous décrire ce qui s’est passé

25 cette fois-là ?

Page 2022

1 R. Il nous avait donner l’ordre de nous

2 déshabiller complètement.

3 Q. Quand vous parlez de « eux », « ils », à qui

4 vous référez-vous ?

5 R. Radomir Kovac et Jagos Kostic et il me semble

6 qu’il y avait encore un ou deux soldats. Je ne me souviens

7 pas exactement.

8 Q. Quand vous parlez « des filles », de qui

9 s’agit-il ? Pourriez-vous nous donner leurs numéros et

10 leurs initiales, s’il vous plaît ?

11 R. 87, AB.

12 Q. Vous rappelez-vous si le numéro 75 s’y

13 trouvait également ?

14 R. Non.

15 Q. En disant « non », voulez-vous dire qu’elle

16 ne s’y trouvait pas ou vous ne vous rappelez pas ?

17 R. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Que s’est-il passé après qu’ils aient forcé

19 les filles et vous-même de vous déshabiller ?

20 R. Ils nous ont dit de danser.

21 Q. Est-ce que c’est effectivement ce que vous

22 avez fait ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous sentiez-vous en mesure de refuser ou de

25 dire non ?

Page 2023

1 R. Nous avons dû le faire.

2 Q. Comment vous êtes-vous sentie ?

3 R. C’est pénible.

4 Q. Aviez-vous également peur ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez mentionné qu’il y avait d’autres

7 soldats présents. Y avait-il d’autres soldats présents à

8 d’autres moments également ?

9 R. Non, je ne m’en souviens pas.

10 Q. Y avait-il d’autres moments où les soldats se

11 sont présentés à l’appartement à part de Kovac et de Kostic

12 ?

13 R. Je ne m’en souviens pas, non.

14 Q. Après cette première journée, est-ce que vous

15 êtes ressortie, est-ce qu’on vous a ramenée à l’extérieur

16 de cet appartement ?

17 R. Non.

18 Q. Vous rappelez-vous spécifiquement précisément

19 que vous vous trouviez toujours dans l’appartement ou vous

20 ne vous rappelez peut-être pas des détails ?

21 R. Nous sommes restées là tout le temps, pour

22 autant que je m’en souvienne.

23 Q. Vous avez mentionné que lorsqu’on vous a

24 forcée à enlever vos vêtements et à danser que AB se

25 trouvait également là. Est-ce que vous savez si elle est

Page 2024

1 venue dans l’appartement avec vous et le numéro 87 ? De

2 quelle façon est-elle arrivée à cet appartement ?

3 R. Je pense qu’elle se trouvait là. Je ne sais

4 plus.

5 Q. Vous souvenez-vous de quelle façon elle a

6 quitté ou elle a été emmenée à l’extérieur de cet

7 appartement ?

8 R. Non, je ne sais pas. Je ne m’en souviens

9 pas.

10 Q. Quel âge avait AB à l’époque ?

11 R. Douze ans.

12 Me KUO (interprétation) : J’aimerais demander à

13 Monsieur l’Huissier de montrer au témoin la pièce à

14 conviction 195. Je ne voudrais pas que cette pièce soit

15 présentée ou placée sur le rétroprojecteur car il s’agit

16 d’une pièce à conviction confidentielle.

17 Q. Je vous pose la question, Madame. Est-ce

18 qu’il s’agit bien de AB sur cette photographie ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que c’est de ça qu’elle avait l’air en

21 1992 ?

22 R. Oui.

23 Q. Merci. Pendant que vous étiez en captivité

24 dans cet appartement, est-ce qu’il fallait également faire

25 le ménage ?

Page 2025

1 R. Oui.

2 Q. Quel genre de tâches deviez-vous faire ?

3 R. Nettoyer l’appartement.

4 Q. Est-ce qu’il a fallu également que vous

5 laviez des vêtements pour Kovac et Kostic ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce qu’il a également fallu que vous leur

8 serviez la nourriture ou des boissons ?

9 R. Oui.

10 Q. Étiez-vous en contact avec le monde

11 extérieur, avec votre famille, par exemple ?

12 R. Non.

13 Q. Est-ce que votre famille savait où vous étiez

14 ?

15 R. Non.

16 Q. Est-ce que vous vous sentiez comme si vous

17 étiez la propriété de Kostic et de Klanfa ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous nous décrire la raison pour

20 laquelle vous vous sentiez ainsi ?

21 R. Bien, nous devions faire tout ce qu’ils

22 disaient de faire.

23 Q. Seriez-vous en mesure d’identifier Radomir

24 Kovac aujourd’hui ?

25 R. C’est lui là-bas au milieu [indication du

Page 2026

1 témoin], le troisième à compter de ce côté-ci [indication

2 du témoin], premier, deuxième, troisième.

3 Q. Pouvez-vous nous décrire comment il est vêtu

4 ?

5 R. Il a un costume grisâtre avec une cravate

6 grise.

7 Me KUO (interprétation) : Pour le compte-rendu

8 d’audience, le témoin a identifié l’Accusé Radomir Kovac.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

10 Me KUO (interprétation) :

11 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous savez si à

12 un moment donné Kovac s’est trouvé à l’hôpital ?

13 R. Je pense qu’il avait été blessé, oui.

14 Q. Vous rappelez-vous à quel moment c’est arrivé

15 ?

16 R. Non.

17 Q. Vous rappelez-vous pendant combien de temps

18 a-t-il séjourné à l’hôpital ?

19 R. Non.

20 Q. Vous rappelez-vous de quelle façon vous aviez

21 appris qu’il était à l’hôpital ?

22 R. Je ne me souviens seulement que d’une chose,

23 quelqu’un était venu à la porte amener des vêtements à

24 Klanfa en disant qu’il avait été blessé, mais je ne sais

25 plus de qui il s’agissait.

Page 2027

1 Q. Seriez-vous en mesure d’identifier ou de

2 reconnaître cette personne aujourd’hui ?

3 R. Non.

4 Q. S’agissait-il d’un soldat ?

5 R. Oui.

6 Q. À quel moment avez-vous été emmenée à

7 l’extérieur de cet appartement ?

8 R. Après un mois ou deux. Je ne sais pas

9 exactement.

10 Q. Pourriez-vous nous décrire les circonstances

11 dans lesquelles c’est arrivé ?

12 R. Eh bien, nous ne savions pas au début et puis

13 après, nous avons su, appris que nous avions été vendues

14 pour 500 marks et pour un camion de lessive, entre autres.

15 Q. Quand vous parlez de « nous », à qui pensez-

16 vous ?

17 R. Moi et le numéro 87.

18 Q. Qui vous a emmenées ?

19 R. Misko.

20 Q. Ce Misko était-il seul ou était-il accompagné

21 de quelqu’un ?

22 R. Je pense qu’il y en avait encore un.

23 Q. Est-ce qu’il s’agit du même Misko que vous

24 avez mentionné auparavant, pendant que vous étiez encore à

25 Miljevina ?

Page 2028

1 R. Non, pas celui-là. Un autre.

2 Q. Savez-vous d’où venaient ces deux hommes ?

3 R. Du Monténégro.

4 Q. Vous avez dit que vous avez appris que vous

5 aviez été vendues pour 500 DM. De quelle façon l’avez-vous

6 appris ?

7 R. Eh bien, ils riaient entre eux et ils

8 disaient : « Vous voyez combien vous valez. »

9 Q. Quand vous dites « qui », à qui pensez-vous…

10 (l’interprète se reprend). Quand vous dites « ils », à qui

11 pensez-vous ?

12 R. Les Monténégrins rigolaient entre eux.

13 Q. Est-ce qu’ils vous ont dit quel était le

14 montant qu’ils ont payé pour vous et le numéro 87 ?

15 R. Oui, 500 marks et une camionnette de lessive.

16 Q. De quelle façon vous ont-ils emmenées ? Est-

17 ce qu’ils se sont servis d’un véhicule ?

18 R. Oui, une petite voiture.

19 Q. Y avait-il autre chose dans cette voiture ?

20 R. Je ne sais plus. Je ne m’en souviens pas.

21 Q. Plus précisément, s’agissait-il également

22 d’armes cachées dans la voiture ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que les Monténégrins ont parlé de ces

25 armes ?

Page 2029

1 R. Par la suite, lorsque nous sommes arrivés sur

2 un petit chemin, ils ont ouvert les portes de la voiture en

3 nous disant qu’il fallait qu’on souffle un peu. 87 et moi,

4 nous étions assises. Ils nous ont dit : « Relevez-vous. »

5 Il y avait beaucoup de bombes et d’armes.

6 Q. Pourriez-vous nous décrire ces deux

7 Monténégrins… (l’interprète se reprend). Est-ce que vous

8 êtes parties volontairement avec ces deux Monténégrins ?

9 R. Non.

10 Q. De quelle façon est-ce que vous vous êtes

11 retrouvées avec eux ? Est-ce que quelqu’un vous a dit

12 qu’il a fallu que vous le fassiez ?

13 R. Je ne m’en souviens pas.

14 Q. Où est-ce que les Monténégrins vous ont

15 emmenées ?

16 R. Nous avons été à Niksic et Titograd.

17 Q. Que vous ont-ils fait à Niksic ?

18 R. Il a fallu que nous travaillions dans un

19 café.

20 Q. Vous a-t-on jamais payées ?

21 R. Non.

22 Q. Avez-vous également été violées ?

23 R. Oui.

24 Q. Qui vous a violées ?

25 R. Ceux qui nous gardaient à la maison.

Page 2030

1 Q. Est-ce qu’il s’agissait d’un des deux hommes

2 qui vous y ont emmenées ?

3 R. Oui.

4 Q. Où vous a-t-on emmenées après Niksic ?

5 R. Ils nous ont emmenées à Titograd.

6 Q. Est-ce que Titograd est le même endroit que

7 Podgorica ?

8 R. Oui.

9 Q. Que vous est-il arrivé à cet endroit ?

10 R. Nous sommes restées là-bas je ne sais plus

11 combien de temps et nous avons été violées aussi.

12 Q. Pendant combien de temps étiez-vous restée en

13 captivité à Titograd ?

14 R. Huit, peut-être dix jours. Je ne m’en

15 souviens plus.

16 Q. Vous rappelez-vous de quelle façon vous avez

17 été en mesure de quitter Titograd ?

18 R. Non. Je sais que quelqu’un m’avait emmenée à

19 une gare routière, je ne sais plus qui et il m’a montré la

20 route vers une localité habitée par des Musulmans.

21 Q. À quelque moment que ce soit, est-ce que vous

22 avez été en mesure de contacter votre famille ?

23 R. Oui, un ou deux mois plus tard.

24 Q. Où êtes-vous arrivée après qu’on vous ait

25 placée sur cet autobus ?

Page 2031

1 R. À Rozaje.

2 Q. Lorsque vous êtes rentrée en contact avec

3 votre famille, est-ce que vous avez parlé avec votre mère ?

4 R. Oui.

5 Q. Avez-vous également parlé avec votre père ?

6 R. Non.

7 Q. Avez-vous raconté à votre mère les détails de

8 ce qui vous était arrivé ?

9 R. Nous en avons parlé, mais nous ne sommes

10 jamais rentrées dans les détails.

11 Q. À quel moment avez-vous revu votre mère de

12 nouveau ?

13 R. Cinq ans après.

14 Q. Avez-vous dit à votre mère à quelque moment

15 que ce soit ce qui vous était arrivé ?

16 R. Non.

17 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

18 R. Non. C’est trop dur.

19 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,

20 Messieurs les Juges, j’aurais encore quelques questions,

21 mais je vois qu’il est déjà 11 h 00. Nous pourrions peut-

22 être continuer après la pause.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, très

24 bien. Nous allons prendre la pause et nous allons ajourner

25 à 11 h 15… (l’interprète se reprend) nous allons reprendre

Page 2032

1 à 11 h 30.

2 --- Suspension de l’audience à 11 h 00

3 --- Reprise de l’audience à 11 h 30

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous pouvons

5 poursuivre avec l’interrogatoire principal.

6 Me KUO (interprétation) : Avant de poursuivre,

7 j’aimerais tout simplement vérifier si la photographie 195,

8 la pièce à conviction, a été versée au dossier, ainsi que

9 la pièce à conviction 198.

10 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Il serait

11 peut-être plus utile si vous pouviez non seulement parler

12 du chiffre du document mais de parler de la pièce à

13 conviction avant de la verser au dossier.

14 Me KUO (interprétation) : Oui, mais excusez-moi,

15 Monsieur le Juge, je pensais tout simplement qu’il

16 s’agissait d’une pièce à conviction qui a déjà été versée

17 au dossier.

18 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Entendu !

19 Me KUO (interprétation) :

20 Q. Madame le Témoin, une fois arrivée à Rozaje,

21 vous avez vu le médecin ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce qu’en résultat de tout ce qui vous est

24 arrivé, après toutes les épreuves éventuellement que vous

25 avez eues, vous avez subi un certain nombre de conséquences

Page 2033

1 ?

2 R. Oui.

3 Q. Quelles séquelles avez-vous ressenties ?

4 R. J’avais des infections. Au niveau des reins

5 également, j’ai eu des problèmes. J’avais des problèmes de

6 dos. Donc, j’ai souffert de plein d’autres choses et j’ai

7 été opérée également des polypes.

8 Q. Est-ce que sur le plan psychologique

9 également, vous avez des problèmes à cause de toutes ces

10 épreuves ?

11 R. Oui.

12 Q. Pourriez-vous nous donner également la

13 description, nous dire comment vous souffrez ?

14 R. C’est du point de vue psychique que j’ai des

15 problèmes.

16 Q. Est-ce que vous souffrez encore sur le plan

17 psychique ?

18 R. Oui.

19 Q. Êtes-vous également capable de nous décrire

20 et de nous dire comment ça se présente ?

21 R. Je ne sais pas comment. Comment voulez-vous

22 que je vous en parle plus concrètement ?

23 Q. Je voulais vous demander comment vous sentez-

24 vous, comment vous réagissez à tout ce qui vous est arrivé.

25 R. C’est très dur pour moi.

Page 2034

1 Q. Pourriez-vous essayer quand même de nous

2 donner plus de précisions ?

3 R. Oui, je vais essayer. J’ai des médicaments,

4 je suis sous traitement, je prends des antidépressifs et

5 puis également contre les douleurs rhumatismales, et puis

6 voilà, pour le reste également.

7 Q. Est-ce que les cachets que vous prenez

8 réagissent, ont une action sur votre mémoire et que vous

9 ayez perdu la mémoire à cause de ça ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous savez que les enquêteurs ont

12 essayé de vous contacter ? Est-ce que vous vous en

13 souvenez ?

14 R. De quel type d’enquêteurs parlez-vous ? De

15 quels enquêteurs parlez-vous ?

16 Q. Est-ce que vous avez reçu éventuellement des

17 lettres, des lettres qui vous ont été adressées par le

18 Tribunal international et que dans ces lettres, on vous a

19 tout simplement proposé de vous citer à la barre comme

20 témoin potentiel ?

21 R. Oui, je m’en souviens.

22 Q. Est-ce que vous vous souvenez également des

23 dates de ces lettres ? Est-ce que vous savez à quel moment

24 ces lettres ont été datées ?

25 R. Non, je ne m’en souviens pas.

Page 2035

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez combien de

2 lettres avez-vous reçues ?

3 R. Une seule.

4 Q. Est-ce que vous avez répondu à cette lettre ?

5 R. Non. J’avais peur.

6 Q. Au moment où vous avez pris la décision

7 définitivement de rencontrer les représentants du Tribunal,

8 est-ce que vous vous souvenez de ce moment-là ?

9 R. Oui. Au téléphone, on m’a appelée et puis

10 après, j’ai pris la décision de venir ici déposer.

11 Q. Est-ce que c’était à la mi-mars de cette

12 année ?

13 R. Oui, oui, oui.

14 Q. Est-ce que vous avez donné une déclaration

15 écrite ? Est-ce que vous avez déposé par écrit, vous avez

16 donné une déclaration écrite à qui que ce soit au Tribunal

17 ?

18 R. Non.

19 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi

20 vous avez décidé en définitive de discuter, de parler avec

21 les représentants du Tribunal ?

22 R. C’est à cause de mon avenir.

23 Q. Est-ce que vous pouvez être un peu plus

24 précise, s’il vous plaît, et nous dire des choses plus

25 concrètes ? Qu’est-ce que vous sous-entendez sous cela ?

Page 2036

1 R. Je voulais tout simplement déposer et dire ce

2 qui s’est passé.

3 Q. Comment ça peut avoir à faire avec votre

4 avenir ?

5 R. Je me sentirais mieux.

6 Q. Avant que vous soyez en sécurité à Rozaje,

7 est-ce que vous avez eu peur tout le temps, tout ce temps-

8 là ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous aviez peur éventuellement

11 qu’on aurait pu vous tuer ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous sentiez que vous pouviez

14 maîtriser les événements ? Est-ce qu’à un moment ou

15 l’autre, vous sentiez que vous pouviez maîtriser les

16 événements ? Je n’ai pas entendu votre réponse.

17 R. Vous parlez du contrôle des événements. Je

18 ne comprends pas.

19 Q. Excusez-moi, je vais reformuler ma question.

20 Est-ce que vous avez pu également vous-même décider où vous

21 allez vous rendre ou est-ce que vous avez vous-même eu

22 l’impression que vous pouviez vous-même décider où allez-

23 vous vous rendre ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous avez pu également, par

Page 2037

1 exemple, décider où vous allez vous rendre et avec qui à

2 tel et tel endroit ?

3 R. Non.

4 Q. Est-ce que vous avez pu contrôler quoi que ce

5 soit qui se passe avec vous et dans le sens traitement

6 sexuel ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous avez pu contrôler quoi que ce

9 soit, maîtriser quoi que ce soit ? Est-ce que tout ce qui

10 s’est passé avec vous, vous auriez pu vous-même le

11 contrôler ?

12 R. Non.

13 Me KUO (interprétation) : Madame la Présidente,

14 ce sont les questions que j’avais à poser et j’ai terminé

15 mon interrogatoire principal.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous

17 remercie. Je pense que nous pouvons nous attendre au

18 contre-interrogatoire.

19 Je vous en prie, Me Prodanovic.

20 Me PRODANOVIC (interprétation) : J’ai juste deux

21 questions, Madame la Présidente, si vous le permettez.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

23 prie, vous pouvez les poser.

24 CONTRE-INTERROGÉE PAR

25 Me PRODANOVIC (interprétation) :

Page 2038

1 Q. Avant de poser la question, je voudrais vous

2 dire bonjour.

3 R. Bonjour.

4 Q. Aujourd’hui même, au moment où on vous a

5 emmenée de Partizan, vous avez dit qu’il y avait un soldat

6 qui est venu et qui répondait au nom de Misko et qu’il

7 était Monténégrin. Est-ce que vous avez eu l’occasion de

8 le voir plus tard ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que lui, il appartenait à l’armée de

11 Miljevina ?

12 R. Je ne me souviens pas de cela.

13 Q. Est-ce qu’il était en contact, est-ce qu’il

14 était copain, copain avec ceux de Miljevina ?

15 R. Je le pense.

16 Q. Merci. Vous avez cité le nombre de personnes

17 et les noms des personnes que vous avez rencontrées à la

18 maison de Karaman.

19 R. Oui.

20 Q. Vous avez dit également que vous étiez avec

21 le Témoin 87 ?

22 R. Oui, mais j’étais le plus avec 87.

23 Q. Donc, avec 87 ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce qu’éventuellement, une fois quand vous

Page 2039

1 restiez l’une et l’autre, vous avez parlé ensemble ? Est-

2 ce que vous vous êtes confiées l’une à l’autre ?

3 R. Oui. C’est normal parce qu’on était resté

4 tout le temps.

5 Q. Est-ce qu’elle vous a parlé d’elle-même ?

6 Est-ce qu’elle s’est confiée à vous ?

7 R. Oui. On a parlé de tout, mais on a essayé

8 notamment d’oublier, de ne pas y penser.

9 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …d’éteindre son

10 microphone quand il a fini de poser ses questions. Merci

11 beaucoup. Et de ménager naturellement des pauses entre les

12 questions et les réponses pour faciliter le travail des

13 interprètes. Merci.

14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

15 Greffière, mais de toute façon, j’ai terminé, Madame la

16 Présidente. Je n’ai plus de questions à poser.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

18 prie, Me Kolesar.

19 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

20 Présidente, Messieurs les Juges, je voudrais poser quelques

21 questions.

22 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR

23 (interprétation) :

24 Q. Madame le Témoin, bonjour.

25 R. Bonjour.

Page 2040

1 Q. J’aimerais tout simplement attirer votre

2 attention sur votre séjour dans l’appartement qui se

3 trouvait dans l’immeuble appelé Lepa Brena.

4 R. D’accord.

5 Q. Vous avez dit que vous vous êtes rendue dans

6 cet appartement depuis la maison de Karaman. Est-ce que je

7 vous ai bien comprise ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous nous avez dit par ailleurs qu’à Foca,

10 vous avez été emmenée par Tuta et qu’il vous a emmenée dans

11 cet appartement. Est-ce qu’il était accompagné de

12 quelqu’un d’autre ?

13 R. Je me souviens qu’il y avait Tuta, mais je ne

14 me souviens pas des noms des autres.

15 Q. Je ne vous ai pas tout à fait bien comprise.

16 R. Il y avait Tuta qui était sur place.

17 Q. Est-ce qu’il y avait encore d’autres

18 personnes, s’il vous plaît ?

19 R. Je ne me souviens pas.

20 Q. Merci. Où est-ce que vous avez vu pour la

21 première fois Kovac et Kostic ?

22 R. Nous les avons vus dans un appartement.

23 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous situer

24 cet appartement ?

25 R. Je sais, je me souviens que nous sommes

Page 2041

1 restées dans l’immeuble de Lepa Brena.

2 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise qu’eux

3 aussi, ils se sont rendus dans l’immeuble de Lepa Brena ?

4 R. Oui. Je me souviens qu’il s’agissait de

5 l’immeuble Lepa Brena, mais malheureusement, je ne me

6 souviens pas de tous les détails.

7 Q. Avant de sortir de la maison de Karaman

8 jusqu’à cet endroit, est-ce qu’éventuellement il y avait un

9 incident auquel vous avez assisté et que c’était en liaison

10 avec un soldat serbe ?

11 R. Je ne me souviens pas.

12 Q. Je vais vous demander : Est-ce qu’il y avait

13 éventuellement quelqu’un qui a essayé de vous demander de

14 faire le signe de la croix à vous-même et aux autres filles

15 ?

16 R. Oui, mais c’était à la maison de Karaman.

17 C’était avant qu’on parte à Foca.

18 Q. Ce jour-là où on vous a emmenée ou

19 éventuellement quelques jours auparavant ?

20 R. Auparavant.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom de ce

22 soldat ?

23 R. Je ne me souviens pas du nom de ce soldat.

24 Q. Quand Kostic et Kovac vous ont prise, est-ce

25 qu’eux, ils vous ont dit quelle était la raison pour

Page 2042

1 laquelle ils vous emmenaient dans leur appartement ?

2 R. Non.

3 Q. Pour que ce soit donc plus facile pour vous

4 et pour moi, il est indispensable, s’il vous plaît, de

5 ménager la pause parce que moi, il faut que je me débranche

6 pour que votre voix reste déformée. S’il vous plaît,

7 attendez un petit peu avant de répondre.

8 Vous avez donc traversé un chemin entre l’endroit

9 où vous étiez puis vous êtes restée pendant un certain

10 temps dans l’autre appartement. Eh bien, ce chemin,

11 comment vous l’avez passé ?

12 R. Comment ? Je ne comprends pas.

13 Q. Je vous demande est-ce que vous êtes allée à

14 pied ou bien en voiture ?

15 R. En voiture et pas par avion.

16 Q. On ne s’est pas compris.

17 R. Par voiture.

18 Q. Donc, de Tuta, de chez Tuta jusqu’à Lepa

19 Brena, vous avez traversé en voiture ?

20 R. Je ne me souviens pas de ce détail, mais de

21 toute façon, jusqu’à Foca, nous sommes allés en voiture.

22 Q. Ceci est logique, mais ce n’est pas ça que je

23 vous ai demandé. Je vous ai demandé comment vous avez

24 parcouru le chemin depuis l’appartement où vous étiez avec

25 Tuta jusqu’à l’appartement habité par Kovac et Kostic.

Page 2043

1 R. Je ne me souviens pas de ce détail.

2 Q. Est-ce qu’éventuellement sur le chemin, Kovac

3 vous a dit que vous resterez chez lui, que vous allez être

4 protégée, que personne ne vous toucherait, qu’il n’allait

5 emmener personne et que c’est là où vous allez rester

6 jusqu’au moment où on vous fera sortir de Foca ?

7 R. Je ne me souviens pas de ça.

8 Q. Est-ce qu’éventuellement, en cours de route,

9 on vous a maltraitée, on a proféré des injures, on vous a

10 frappée ?

11 R. Non.

12 Q. Est-ce que vous pouvez répondre une fois de

13 plus ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce qu’en cours de chemin, vous êtes

16 arrêtée à un magasin pour acheter de la nourriture, des

17 articles alimentaires ?

18 R. Non, non, je ne me souviens pas.

19 Q. Vous ne vous souvenez pas ou bien vous n’êtes

20 pas passée par le magasin ?

21 R. Je ne me souviens pas.

22 Q. Est-ce que plus tard éventuellement, vous

23 sortiez de l’appartement, descendiez dans une boutique pour

24 faire des courses ?

25 R. Non.

Page 2044

1 Me KOLESAR (interprétation) : J’aimerais demander

2 l’aide de l’Huissier pour montrer une pièce à conviction,

3 la photographie 407401 qui a été versée au dossier comme

4 pièce du Procureur 11, numéro 11.

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez… je pense que

6 tout à l’heure, le Procureur nous a montré cette

7 photographie, et lors de l’interrogatoire principal, vous

8 avez dit qu’il s’agissait de l’immeuble de Lepa Brena et

9 vous avez également montré où se trouvait l’appartement où

10 vous étiez ensemble avec Kovac et Kostic. Est-ce que vous

11 vous souvenez ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous maintenez ce que vous avez

14 dit : qu’il s’agit des balcons aux quatrième, cinquième,

15 sixième étages ?

16 R. Oui.

17 Me KOLESAR (interprétation) : J’aimerais demander

18 à l’Huissier de m’aider et de placer sur le rétroprojecteur

19 la photographie. Il y a suffisamment d’exemplaires aussi

20 bien pour le Greffe que pour la Chambre, pour le Procureur

21 également. L’original est chez moi.

22 LA GREFFIÈRE : Il s’agira de la pièce à

23 conviction de la Défense D38.

24 Me KOLESAR (interprétation) :

25 Q. J’aimerais vous demander de regarder

Page 2045

1 attentivement la photographie et de nous dire si vous

2 pouvez identifier quel est le bâtiment dont il a été

3 question tout à l’heure.

4 R. Je pense qu’il s’agit du même immeuble.

5 Q. Mais si je vous ai bien compris, vous avez

6 dit qu’il s’agissait de l’immeuble de Lepa Brena ?

7 R. Je ne me souviens pas véritablement de tous

8 les détails.

9 Q. Je vais vous demander s’il vous plaît de

10 faire la comparaison entre les deux photographies : celle

11 que je vous ai donnée et l’autre que vous avez vue tout à

12 l’heure, et puis de nous préciser s’il s’agit véritablement

13 de l’immeuble de Lepa Brena.

14 R. Ce n’est pas l’immeuble qui m’a violée. Ce

15 n’est pas ça ce qui m’intéresse. C’est à l’époque. Je ne

16 sais pas.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais

18 éventuellement, Madame le Témoin, vous pourriez tout

19 simplement dire que cette photographie ressemble à l’autre,

20 si vous pouvez en conclure ?

21 R. Oui. C’est peut-être… ça ressemble, mais je

22 ne me souviens pas.

23 Me KOLESAR (interprétation) : [Hors microphone]

24 Je vais demander à l’Huissier de m’aider et de montrer

25 l’autre photographie au témoin.

Page 2046

1 LA GREFFIÈRE : Cette deuxième photographie est

2 cotée D39 des pièces de la Défense.

3 Me KOLESAR (interprétation) :

4 Q. Reconnaissez-vous cet immeuble ?

5 R. Mais tous ces immeubles se ressemblent. Je

6 ne sais pas. Écoutez : Je n’habitais pas Foca. J’ai été

7 capturée à Foca, rien d’autre. Par conséquent, je ne peux

8 pas me souvenir de tous les détails. Impossible.

9 Q. Mais la toute dernière photographie qui vous

10 a été montrée, est-ce que c’est l’entrée de l’immeuble qui

11 conduit vers l’appartement où vous étiez ?

12 R. Je ne me souviens pas.

13 Q. Pourriez-vous me dire s’il vous plaît :

14 Quand on vous a montré la première photographie, vous avez

15 dit que vous avez reconnu l’immeuble de Lepa Brena ?

16 R. Je me souviens de la couleur. Je me souviens

17 à peu près de la manière dont ressemblait… à quoi

18 ressemblait le balcon. C’est un petit peu comme un rêve.

19 Q. Est-ce que vous voulez jeter un coup d’œil

20 sur la première photographie et puis la dernière

21 photographie ? Est-ce que vous pouvez également me donner

22 la différence sur le plan couleur, sur le plan présentation

23 du balcon ? Quelle est la différence ?

24 R. Je sais qu’il y avait des arbres. Non, mais

25 non, je ne peux pas me souvenir de tous les détails. Ce

Page 2047

1 n’est pas l’immeuble qui m’a violée. Est-ce que vous me

2 comprenez ? Moi, je n’ai jamais vécu à Foca. Je ne sais

3 pas si vous me comprenez.

4 Q. Je vous comprends parfaitement bien, mais…

5 R. Mais je ne me souviens pas de cet immeuble.

6 Ces immeubles se ressemblent pratiquement. Je sais que

7 c’était à peu près comme ça. Si je me rends sur place à

8 Foca, dans ce cas-là, je vais peut-être pouvoir reconnaître

9 les photographies. Non, non.

10 Q. Est-ce que vous pouvez me dire également

11 comment les meubles étaient disposés ?

12 R. Il y avait un canapé. Il y avait des

13 meubles. Je ne sais pas de quoi vous parlez.

14 Q. Mais qu’est-ce qui se trouvait dans la salle

15 de séjour et dans les chambres ?

16 R. Il y avait deux chambres, il y avait une

17 salle de bain, il y avait un couloir, il y avait une salle

18 de séjour.

19 Q. Qu’est-ce qu’il y avait comme meubles dans la

20 salle de séjour ?

21 R. Il y avait un canapé, il y avait une table,

22 puis il y avait également un meuble.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez comment était

24 la table ?

25 R. Elle était blanche.

Page 2048

1 Q. Comment ?

2 R. Bien, elle était blanche.

3 Q. Au moment où vous êtes venue dans cet

4 appartement, qu’est-ce que vous aviez comme vêtements ?

5 R. Je ne sais pas. Je n’avais rien. Ce qui

6 était sur moi.

7 Q. Entendu ! Mais est-ce qu’on vous a dit que

8 vous pouviez utiliser les vêtements qui étaient dans les

9 placards, dans les vêtements et que vous pouviez mettre ?

10 R. Mais on n’a pratiquement rien trouvé.

11 Q. Est-ce qu’il y avait dans la salle de bain un

12 lave-linge ?

13 R. Mais il n’y avait pas d’électricité, il n’y

14 avait pas d’eau, donc, pourquoi le lave-linge.

15 Q. Et comment vous avez cuisiné ?

16 R. Comment on a cuisiné ? On mangeait des

17 conserves. On mangeait trois ou quatre jours et il y avait

18 des jours où on n’avait rien.

19 Q. Et d’où venait les conserves ?

20 R. Mais on nous rapportait… on nous ramenait les

21 conserves.

22 Q. Mais quand il y avait le courant et quand on

23 pouvait faire de la cuisine, vous l’avez fait ?

24 R. Quoi alors, parce qu’on n’avait rien.

25 Q. Vous avez dit que vous étiez enfermée à clé,

Page 2049

1 que vous ne pouviez pas sortir de l’appartement ?

2 R. Oui.

3 Q. Si c’est vrai, comment les soldats en

4 question ont pu pénétrer dans l’appartement et emmener

5 l’équipement de Kovac au moment où il a été blessé ?

6 R. Je ne sais pas comment il est rentré. Je ne

7 me souviens pas. Je ne l’ai pas vu. Moi, j’étais dans une

8 autre pièce et il n’est pas impossible qu’on lui a donné la

9 clé. De toute façon, on était enfermé à clé. Moi

10 également, je me pose la question.

11 Q. Est-ce que vous êtes allée chez les voisins

12 pour demander du café, pour faire du café également chez

13 cette voisine qui avait une cuisinière ?

14 R. Non. On n’est pas sorti.

15 Q. Est-ce que les voisines se rendaient chez

16 vous ?

17 R. Non.

18 Q. Vous souvenez-vous que dans cette même

19 entrée, il y avait également une parente très proche, une

20 cousine de Kovac qui habitait donc le même immeuble ?

21 R. Oui. Oui, oui. Il y avait une femme

22 effectivement. Oui.

23 Q. Est-ce qu’elle, elle se rendait chez vous ?

24 R. Non, non.

25 Q. Est-ce qu’elle vous a donné de la nourriture

Page 2050

1 d’une façon ou d’une autre ?

2 R. Oui. Une fois, j’étais malade et elle m’a

3 envoyé de la nourriture. On n’avait ni l’eau ni à manger,

4 et une fois, c’est vrai.

5 Q. Une seule fois ?

6 R. Oui, si mes souvenirs sont bons.

7 Q. Et comment elle l’a fait ?

8 R. 87 a fait passer un sac par la fenêtre et

9 c’est là-dedans qu’elle a mis du potage, des cigarettes.

10 Je ne me souviens pas. J’avais beaucoup de fièvre et je ne

11 me souviens pas vraiment du reste.

12 Q. Eh bien, pendant qu’eux, ils n’étaient pas

13 sur le front, vous le dites, et quand on a préparé la

14 nourriture, est-ce que vous étiez ensemble à table ou bien

15 vous mangiez séparément ou bien ils étaient à table avec

16 vous ?

17 R. Je ne me souviens pas de ça.

18 Q. Par conséquent, vous maintenez que vous ne

19 vous êtes jamais rendue chez des voisins pour demander du

20 café ou du sucre, ni les voisins ne se rendaient jamais

21 chez vous ? Ça, vous le maintenez ?

22 R. Oui, je le maintiens, si mes souvenirs sont

23 bons encore. Non.

24 Q. Mais dites-moi s’il vous plaît si

25 éventuellement la mère de Kovac s’était rendu chez vous

Page 2051

1 dans l’appartement de temps à autre.

2 R. Non. Je ne me souviens pas. Non.

3 Q. Le premier jour quand vous êtes arrivée, vous

4 avez dit que Kostic vous a fait sortir en ville ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce qu’éventuellement il y avait d’autres

7 moments où vous, vous êtes allée en ville avec Kovac et la

8 personne qui correspond au numéro 87 ?

9 R. Je ne me souviens pas.

10 Q. Mais est-ce que le café intitulé Linea vous

11 dit quelque chose ?

12 R. Non.

13 Q. Leonardo ?

14 R. Leonardo ? Non, absolument pas.

15 Q. Oui. Ça vous dit quelque chose ?

16 R. Non.

17 Q. Et Han ? H-A-N.

18 R. Non, je ne me souviens pas.

19 Q. Vous ne vous souvenez pas non plus de tels

20 cafés à Foca ?

21 R. Non. Je ne sais même pas si ces cafés

22 existent.

23 Q. Et vous affirmez que vous ne vous êtes jamais

24 rendue dans ces cafés ?

25 R. Non.

Page 2052

1 Q. Est-ce que vous êtes allée chez leurs amis ou

2 éventuellement chez leurs cousins pour les visiter ?

3 R. Non.

4 Q. Vous nous avez dit le temps que vous avez

5 passé dans l’appartement. Pourriez-vous nous dire combien

6 de fois Kovac est resté dans cet appartement, combien de

7 nuits à peu près ?

8 R. Je ne sais pas.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez quel était le

10 moment où il a été blessé, à quelle période à peu près ?

11 R. Non.

12 Q. Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire.

13 Est-ce que vous vous souvenez qu’au moment où on a fêté St-

14 Nicholas, il y avait une attaque qui a été organisée sur

15 Foca ?

16 R. La fête St-Nicholas ? Non, non, je ne me

17 souviens pas. S’ils avaient respecté St-Nicholas et la

18 fête, ils n’auraient pas déclenché la guerre.

19 Q. Je vous pose les questions, Madame le Témoin.

20 Je vais vous demander s’il vous plaît de me répondre. Moi,

21 je ne fais pas de commentaire. Enfin, je vais vous prier

22 de ne pas faire de commentaire.

23 R. Oui, oui, d’accord.

24 Q. Est-ce que vous avez entendu parler du

25 village Josanica ?

Page 2053

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous avez entendu également parler

3 du massacre à Josanica quand 51 civils ont été tués et

4 brûlés, 17 ont été capturés, et c’était la brigade

5 musulmane de Foca ?

6 R. Non, je ne me souviens pas, et combien

7 d’hommes de chez nous ont été tués ?

8 Q. Mais vous savez quand même qu’il y avait

9 cette opération militaire à côté de la station balnéaire,

10 Josanica ?

11 R. Non, je ne m’en souviens pas.

12 Q. À l’époque de la blessure de Kovac, vous

13 rappelez-vous d’un incident particulier qui a eu lieu la

14 veille de Noël – c’est donc la veille du Noël orthodoxe –

15 moment où un soldat a essayé de pénétrer dans l’appartement

16 par force où vous vous trouviez vous et le numéro 87 ?

17 R. Non, je ne me souviens pas.

18 Q. Pour rafraîchir votre mémoire, ne vous

19 rappelez-vous pas que vous êtes descendue en bas pour voir

20 la cousine pour vous venir en aide ?

21 R. De quelle façon voulez-vous que j’aille, que

22 je descende ou que je sorte de l’appartement, puisque

23 j’étais enfermée à clé ?

24 Q. Pendant votre séjour dans cet appartement,

25 vous souvenez-vous ou avez-vous connaissance du fait que

Page 2054

1 Kovac aurait pu passer quelques jours en prison ?

2 R. Non, je ne me souviens pas.

3 Q. C’est très intéressant de voir que vous ne

4 vous rappelez d’absolument rien.

5 R. Je ne peux pas mentir. Je ne me rappelle

6 vraiment pas.

7 Q. Je ne vous demande pas de mentir.

8 R. Il y a eu tellement d’événements, je me

9 rappelle exactement ce qui m’est arrivé à moi. Je me

10 rappelle des souffrances que j’ai vécues mais je ne me

11 souviens pas des autres événements.

12 Q. Vous avez dit qu’un moment donné, Kovac et

13 Kostic vous ont demandé de vous dévêtir nue et de danser ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous rappelez-vous dans quelle pièce est-ce

16 que cela a eu lieu ?

17 R. Dans la salle de séjour, c’est-à-dire dans…

18 je crois qu’il s’agissait d’une salle de séjour. C’était

19 la pièce qui était plus grande.

20 Q. Et où est-ce que vous étiez là en train de

21 danser ?

22 R. Eh bien, dans cette salle, dans cette

23 chambre, dans cet appartement.

24 Q. Oui, d’accord. Bien sûr, j’ai bien entendu,

25 mais vous étiez dans l’appartement où : sur un lit, sur le

Page 2055

1 plancher, où ?

2 R. Non. On était debout sur le plancher.

3 Q. Et où étaient-ils assis ces deux hommes et où

4 étaient assis les deux autres soldats que vous avez

5 mentionnés ?

6 R. Je ne sais pas. Je crois qu’ils étaient

7 assis sur le canapé, sur des chaises.

8 Q. Pourriez-vous nous décrire l’endroit où ils

9 étaient assis ?

10 R. Eh bien, vous voulez des descriptions ? Ils

11 étaient assis sur le canapé dans l’appartement.

12 Q. Donc, je vous répète : Je sais très bien

13 qu’il s’agissait de l’appartement, je sais très bien que

14 c’était dans la chambre, je sais très bien qu’il y avait un

15 canapé et qu’il y avait également un lit et il y avait

16 également des chaises, des tabourets. Alors, je vous

17 demanderais de nous dire…

18 R. Si vous vous en souvenez, vous pouvez le

19 décrire. Moi, je ne le sais pas.

20 Q. Je ne me rappelle pas de quoi que ce soit, je

21 n’y étais pas. Je sais seulement… je vous demande

22 seulement de vous demander à quel endroit ils étaient

23 assis.

24 R. Je ne me rappelle vraiment pas des détails.

25 Je sais qu’ils étaient assis de cette façon-là [indication

Page 2056

1 du témoin]. Nous, nous étions de côté, nous étions là et

2 il a fallu qu’on se mette nues. Que voulez-vous que je

3 vous dise de plus ?

4 Q. Vous avez mentionné plus tôt qu’au début,

5 vous ne saviez pas que vous étiez vendue et par la suite,

6 vous avez entendu parler ou vous avez entendu dire des deux

7 autres hommes que vous avez été vendue et qu’ils vous aient

8 dit en riant que vous été vendue pour 500 marks allemands ?

9 R. Quand est-ce que j’ai dit que je ne le savais

10 pas ?

11 Q. Mais c’est aujourd’hui que vous avez dit :

12 « Au début, je ne savais pas que j’avais été… ou nous ne

13 savions pas que nous avions été vendues. Nous l’avons

14 appris par la suite des Monténégrins qui nous ont vendues

15 pour 500 marks allemands et un camion de détergent. »

16 R. Je ne me rappelle pas avoir dit de ne pas le

17 savoir au début. J’ai simplement dit que je savais que

18 nous avons été vendues pour 500 marks allemands, qu’ils

19 riaient entre eux et qu’ils nous ont dit : « Voilà !

20 Voici ce que vous valez : 500 marks allemands et un camion

21 plein de détergent. » Et voilà ! C’est ce que j’affirme

22 avec certitude.

23 Q. À quel moment est-ce qu’ils vous l’ont dit ?

24 R. Eh bien, déjà lorsque, en fait, quand on

25 était un peu plus loin de Foca, c’est-à-dire lorsque nous

Page 2057

1 nous sommes arrêtés pour nous reposer.

2 Q. C’est à ce moment-là que vous avez entendu

3 dire pour la première fois que vous avez été vendue pour

4 500 marks allemands ?

5 R. Mais Monsieur, c’est eux qui nous l’ont dit.

6 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Niksic, est-ce

7 que vous êtes allés voir Kostic et Kovac ?

8 R. À qui voulez-vous que je dise que je suis

9 là ? On n’avait pas le droit de parler.

10 Q. Ne soyez pas fâchée contre moi : Je vous

11 pose des questions.

12 R. Je ne suis pas fâchée contre personne.

13 Q. Ne vous fâchez pas contre moi, je ne fais que

14 faire mon travail. Est-ce que le nom de Panta vous dit

15 quelque chose ?

16 R. Panta ? Bof ! Non, non.

17 Q. Est-ce que vous avez envoyé une lettre par

18 l’intermédiaire de ce Panta, de ce café à Niksic où vous

19 travailliez ?

20 R. Non, jamais.

21 Q. Vous et le numéro 87, vous n’avez pas envoyé

22 une lettre avec deux cœurs à la fin, signée avec deux

23 cœurs ?

24 R. Non.

25 Me KOLESAR (interprétation) : Merci beaucoup,

Page 2058

1 Madame la Présidente, Messieurs les Juges, je n’ai plus

2 d’autres questions.

3 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Monsieur

4 Kolesar, simplement pour le compte-rendu, pourriez-vous

5 s’il vous plaît nous donner la date de la fête de St-

6 Nicholas ?

7 Me KOLESAR (interprétation) : La fête du St-

8 Nicholas a lieu le 19 décembre, d’après le nouveau

9 calendrier.

10 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Merci. Est-ce

11 que c’est exact ?

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Avant de

13 vous asseoir, les pièces à conviction ou les documents

14 cotés 38 et 39, voulez-vous qu’ils soient versés au dossier

15 puisqu’ils ont été simplement cotés pour l’instant ?

16 Me KOLESAR (interprétation) : Merci beaucoup,

17 Madame la Présidente, de me l’avoir fait penser ou de

18 l’avoir souligné. J’aimerais à ce que ce soit versé au

19 dossier.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Y a-t-il des

21 objections ?

22 Me KUO (interprétation) : Non, Madame la

23 Présidente.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

25 Alors, les pièces à conviction sont versées au dossier.

Page 2059

1 Voulez-vous qu’on garde les mêmes cotes ?

2 Pourriez-vous confirmer, Madame la Greffière.

3 LA GREFFIÈRE : Les pièces de la Défense ont reçu

4 les numéros D38 et D39. Elles sont à présent enregistrées

5 au dossier.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

7 Kolesar, avant de terminer, à quel moment ont-elles été

8 prises ces photographies, à quelle date ?

9 Me KOLESAR (interprétation) : La photographie D38

10 et D39, ces deux photographies ont été prises entre la

11 pause des sessions, c’est-à-dire c’est la semaine dernière.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc,

13 c’était au mois d’avril de l’an 2000 ?

14 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

15 Présidente.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

17 Monsieur Jovanovic, est-ce que vous avez un

18 contre-interrogatoire ?

19 Me JOVANOVIC (interprétation) : Oui, Madame la

20 Présidente. J’aurais quelques questions, avec votre

21 permission.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

23 Poursuivez.

24 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci.

25 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me JOVANOVIC

Page 2060

1 (interprétation) :

2 Q. Bonjour.

3 R. Bonjour.

4 Q. J’aimerais vous demander pour commencer si

5 vous pourriez nous décrire : Vous avez mentionné aux

6 lignes 23, 24 et 25, à la page 9 du compte-rendu, au début

7 du conflit, vous avez continué à travailler. Pourriez-vous

8 nous expliquer comment se fait-il que pendant la guerre,

9 vous avez travaillé et vous vous sentiez comme cible ?

10 R. C’était tout au début. Ils nous ont dit de

11 ne pas abandonner nos maisons et ils nous ont dit que ceux

12 qui travaillaient devaient continuer de travailler et qu’il

13 ne nous arriverait absolument rien, et c’est après cela,

14 deux mois plus tard, qu’ils ont commencé à faire avec nous

15 absolument ce qu’ils voulaient, car on avait espoir que

16 cela allait se terminer.

17 Q. Si je vous ai bien compris, après le début de

18 la guerre, vous avez poursuivi votre travail pendant deux

19 autres mois ?

20 R. Peut-être un mois et demi, je ne suis pas

21 tout à fait certaine.

22 Q. Merci. Je ne vais pas abuser de votre temps

23 encore longtemps.

24 R. Il fallait travailler. On était obligé de

25 travailler. Je n’avais pas… de quelle façon vouliez-vous

Page 2061

1 que je m’occupe de ma famille ? Mon père était malade, de

2 toute façon.

3 Q. Donc, j’imagine que vous étiez payée pendant

4 cette période-là ?

5 R. Non, non. Ils ne nous ont pas payés.

6 Finalement, à la fin, ils nous ont dit que tous les

7 Musulmans qui travaillaient devaient abandonner ou devaient

8 quitter, devaient partir de l’usine.

9 Q. Très bien ! Dites-moi maintenant :

10 J’aimerais que l’on revienne à votre départ de la maison de

11 Karaman à Foca.

12 R. Oui.

13 Q. Pouvez-vous vous rappeler combien de

14 personnes se trouvaient dans ce véhicule avec vous ?

15 R. Je ne me souviens pas.

16 Q. Vous souvenez-vous du moment où vous êtes

17 arrivée dans cet appartement pour lequel vous affirmez que

18 Kovac… dans lequel Kovac habitait ? Est-ce que cet

19 appartement était déjà vide ou y avait-il quelqu’un qui y

20 habitait ?

21 R. Je crois que quelqu’un devait y habiter

22 avant. Je ne sais pas, mais c’était là que nous avons

23 séjourné.

24 Q. Je crois que vous ne m’avez pas compris.

25 Lorsque vous avez pénétré dans cet appartement, dans

Page 2062

1 l’appartement, y avait-il quelqu’un d’autre ?

2 R. Eh bien, il y avait Kovac et Jagos. Ils

3 étaient présents.

4 Q. Pourriez-vous nous dire qui avait pénétré

5 dans l’appartement à ce moment-là ?

6 R. Qu’est-ce que vous voulez dire par : « qui

7 avait pénétré dans l’appartement ? »

8 Q. Je sais que vous ne pouvez pas nous dire les

9 noms, mais c’était vous-même et qui d’autre avec vous ?

10 S’il y avait quelqu’un de la liste des gens qui porte un

11 numéro, vous pouvez nous le dire. S’il y avait une tierce

12 personne, vous pouvez nous donner le nom. Donc, qui a

13 pénétré dans l’appartement ?

14 R. Eh bien, moi-même, 87, AB, et je ne me

15 souviens pas de quiconque autre.

16 Q. Très bien ! Maintenant, vous souvenez-vous

17 du moment où vous avez vu pour la dernière fois le témoin

18 qui est indiqué sous le chiffre 75 ?

19 R. Non, je ne me souviens pas.

20 Q. Pouvez-vous nous dire ou pouvez-vous vous

21 rappeler de l’endroit ou de l’emplacement où vous avez vu

22 cette personne pour la dernière fois ?

23 R. Non.

24 Q. Est-ce que le témoin qui est indiqué sous le

25 numéro 75 se trouvait avec vous dans cet appartement ?

Page 2063

1 R. Non, je ne pourrais pas vous le dire.

2 Q. Combien de personnes y avait-il dans cet

3 appartement si vous ne vous souvenez pas… ou plutôt, je

4 reprends ma question. Lorsque vous avez rencontré le

5 Témoin 75… ou à quel moment l’avez-vous rencontrée ?

6 R. Dans la maison de Karaman.

7 Q. Combien de temps avez-vous passé dans la

8 maison de Karaman en compagnie du Témoin 75 ?

9 R. Un mois, deux mois. Je ne me souviens pas

10 exactement. Je n’ai pas compté les jours.

11 Q. Vous pourriez reconnaître le Témoin 75 si

12 vous le revoyiez ?

13 R. Oui, immédiatement.

14 Q. Mais alors à ce moment-là, comment ne vous

15 souvenez pas si la personne était présente avec vous dans

16 l’appartement ?

17 R. Je ne me rappelle pas. Je sais simplement

18 que j’étais avec la personne 87. Je ne me rappelle pas

19 vraiment de tous les détails puisque j’ai passé le plus de

20 temps avec le Témoin numéro 87. Nous avons resté ensemble

21 la plupart du temps… la majorité du temps (se reprend

22 l’interprète).

23 Me JOVANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

24 Présidente. Je n’ai pas d’autres questions.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

Page 2064

1 Est-ce qu’il y a des questions supplémentaires de

2 l’Accusation ?

3 Me KUO (interprétation) : Très brièvement.

4 RÉINTERROGÉE PAR Me KUO (interprétation) :

5 Q. Monsieur Kolesar vous a posé une question

6 concernant une salle de séjour dans l’appartement de

7 Monsieur Kovac. Est-ce que c’est la même pièce que vous

8 avez indiquée sur le plan comme étant la plus grande

9 chambre ?

10 R. Oui, c’est cela.

11 Q. Il s’agissait bien de la même pièce dans

12 laquelle Kovac dormait avec le Témoin numéro 87 : Est-ce

13 que c’est exact ?

14 R. Je crois qu’oui.

15 Q. Donc, le sofa que vous avez décrit comme

16 étant dans cette chambre, est-ce que ce sofa se dépliait

17 pour devenir un lit ?

18 R. Je ne me souviens pas.

19 Q. Donc, il n’y avait pas d’autre chambre ? Il

20 s’agit bien de la même pièce que vous avez décrit comme

21 étant celle où vous avez été forcée de danser nue ? C’est

22 bien la même pièce dans laquelle Kovac dormait : Est-ce

23 que c’est exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Et Monsieur Kolesar vous a également posé une

Page 2065

1 question concernant Kovac et s’il vous a dit qu’il allait

2 vous protéger. Est-ce que vous vous sentiez protégée par

3 lui à quelque moment que ce soit ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que vous sentiez que votre situation

6 dans l’appartement de Kovac était améliorée comparativement

7 à la situation dans laquelle vous étiez dans la maison de

8 Karaman ?

9 R. Pour moi, non.

10 Q. Y avait-il une différence quelle qu’elle soit

11 entre ces deux endroits ?

12 R. Non.

13 Me KUO (interprétation) : Je n’ai plus d’autres

14 questions.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

16 Merci beaucoup, Madame le Témoin, d’être venue

17 donner votre témoignage au Tribunal. Vous êtes libre de

18 partir.

19 [Le témoin se retire]

20 LA GREFFIÈRE : Le Greffe souhaiterait savoir si

21 pour le prochain témoin, nous avons besoin d’une

22 déformation de la voix.

23 Me RYNEVELD (interprétation) : Je n’avais pas mes

24 écouteurs pendant que vous parliez. Est-ce que vous vous

25 adressiez à moi ? Non. Bon, très bien.

Page 2066

1 En fait, je voulais faire une demande concernant

2 le Témoin 87… (l’interprète se reprend). Il s’agit du

3 Témoin 78.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Pourriez-

5 vous nous donner simplement une minute ?

6 [La Chambre discute]

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Très

8 bien, Monsieur Ryneveld.

9 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la

10 Présidente.

11 Maintenant, concernant ce témoin, notre prochain

12 témoin, le Témoin numéro 78, je crois que je vais faire une

13 demande à ce moment-ci pour une déformation des traits du

14 visage seulement pour ce témoin. Je ne crois pas que la

15 demande a déjà été faite en ce qui a trait à cela

16 concernant ce témoin, mais pendant la consultation avec le

17 témoin, nous l’avons consulté et il a simplement demandé de

18 faire une déformation des traits du visage, à moins que

19 vous n’ayez une objection.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Simplement

21 pour préciser pour le compte-rendu, donc le Témoin 78

22 demande seulement d’avoir une déformation des traits du

23 visage à part de porter un pseudonyme ?

24 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Bien sûr,

25 j’ai simplement présumé qu’en l’appelant « Témoin 78 », je

Page 2067

1 pensais que bien sûr le pseudonyme serait appliqué et de

2 plus, en plus de la déformation des traits du visage, donc

3 on appliquerait un pseudonyme, mais nous ne demandons pas

4 la déformation de la voix.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : J’aimerais

6 demander si les avocats de la Défense ont une objection.

7 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’ai pas

8 d’objection concernant cette suggestion de mon éminent

9 confrère.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

11 Me Kolesar.

12 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

13 Présidente, nous n’avons pas d’objection.

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

15 Jovanovic.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : Madame la

17 Présidente, nous n’avons aucune objection.

18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

19 LA GREFFIÈRE : Est-il possible de faire une

20 petite pause de cinq minutes aux fins donc de débrancher le

21 système de déformation de la voix ?

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous allons

23 prendre une pause de cinq minutes.

24 --- Suspension de l’audience à 12 h 20

25 --- Reprise de l’audience à 12 h 30

Page 2068

1 [Le témoin entre dans la Cour]

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : [Non

3 interprétée]

4 LE TÉMOIN (interprétation) : Je déclare

5 solennellement que je vais dire la vérité, toute la vérité

6 et rien que la vérité.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

8 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la

9 Présidente.

10 TÉMOIN : TÉMOIN 78 (ASSERMENTÉ)

11 INTERROGÉ PAR Me RYNEVELD

12 (interprétation) :

13 Q. Monsieur le Témoin, l’Huissier va vous

14 montrer un morceau de papier avec un nom et un numéro qui y

15 apparaissent. Pouvez-vous nous dire s’il s’agit bien de

16 votre nom ? Ne le lisez pas à haute voix, s’il vous plaît.

17 Avez-vous besoin de vos lunettes pour le voir ?

18 R. Oui.

19 Q. Il s’agit bien de votre nom et simplement

20 pour vous indiquer, le numéro qui est indiqué sous votre

21 nom, nous allons vous appeler par ce numéro. Est-ce que

22 vous comprenez ?

23 R. Oui.

24 Me RYNEVELD (interprétation) : Je crois qu’il

25 s’agit maintenant de la pièce à conviction 199 des pièces à

Page 2069

1 conviction de l’Accusation. J’aimerais que ça soit versé

2 au dossier, s’il vous plaît.

3 LA GREFFIÈRE : Ce document sera coté 199 des

4 pièces du Procureur.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : [Non

6 interprétée]

7 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …enregistrée de

8 façon confidentielle.

9 Me RYNEVELD (interprétation) : Alors, c’est un

10 témoin de contexte.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, très

12 bien.

13 Me RYNEVELD (interprétation) :

14 Q. Si je comprends bien, Monsieur, vous êtes né

15 dans un village dans la municipalité de Foca sous le nom de

16 Jelec : Est-ce que c’est exact ?

17 R. [Inaudible]

18 Q. J’aimerais maintenant que l’on parle du début

19 de la guerre en 1992. Si je comprends bien, au début donc

20 de cette guerre, vous avez déménagé de Jelec et vous avez

21 emménagé dans la ville de Jelec où vous avez vécu dans la

22 municipalité de Foca, en fait, pendant 20 ans avant 1992 :

23 Est-ce que c’est exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Pendant que vous viviez à Foca, vous étiez

Page 2070

1 marié et aviez des enfants : Est-ce que c’est exact ? En

2 fait, c’est-à-dire avant de déménager à Foca.

3 R. J’avais un enfant à Jeleca… (l’interprète se

4 reprend) à Jelec, et par la suite, j’ai eu un enfant à

5 Foca.

6 Q. Très bien ! Merci. Maintenant, pendant que

7 vous étiez un jeune homme et pendant que vous grandissiez

8 ou que vous étiez dans l’ex-Yougoslavie, est-ce qu’il vous

9 a fallu faire le service militaire ?

10 R. Oui.

11 Q. Effectivement, est-ce que vous avez reçu de

12 l’entraînement militaire et à quel moment ?

13 R. J’ai fait mon service militaire en 1966-1967

14 dans la ville de Nis.

15 Q. Très bien ! Maintenant, à ce moment-là,

16 l’armée de l’ex-Yougoslavie était connue sous le nom de la

17 JNA : Est-ce que c’est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Après avoir complété votre service militaire

20 obligatoire, que faisiez-vous, quelle était votre

21 profession ?

22 R. Pendant un certain temps, j’ai travaillé dans

23 les mines, et par la suite, j’ai travaillé à Maglic pendant

24 trois à cinq ans, et par la suite, j’ai commencé à

25 travailler sur un bateau qui s’appelait Ozren et c’est là

Page 2071

1 que j’ai travaillé jusqu’au début de la guerre… c’est-à-

2 dire (l’interprète se reprend) j’ai fait un travail de

3 maintien à Brod.

4 Q. Est-ce que le Maglic dont vous vous référez,

5 est-ce qu’il s’agit bien d’une entreprise de Foca ?

6 R. Oui, avec plusieurs succursales.

7 Q. Donc, vous avez parlé de Ozren. Vous y avez

8 travaillé dans les années qui ont précédé la guerre.

9 Qu’est-ce que c’est Ozren ?

10 R. Ozren était une entreprise de restauration

11 combinée avec du commerce.

12 Q. Est-ce que cette entreprise avait des

13 véhicules de la compagnie, pour m’exprimer ainsi ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous donniez vos services

16 concernant ces véhicules ?

17 R. Oui. Nous entretenions nos véhicules sur une

18 base régulière.

19 Q. Vous êtes mécanicien automobile ? Est-ce que

20 c’était bien votre profession ?

21 R. Oui, oui.

22 Q. Eh bien, Monsieur, si j’ai bien compris, le

23 Ozren dont vous avez parlé se trouve à Brod. Par rapport à

24 Foca, où se trouve Brod ? Est-ce que c’est loin ? Est-ce

25 que c’est près ?

Page 2072

1 R. Il fallait prendre le chemin de Scepan Polje

2 à partir de Foca. C’était de trois à cinq kilomètres

3 environ et c’est là que se trouvait Brod.

4 Q. Vous nous avez dit que vous habitiez à Foca,

5 dans la ville de Foca. Est-ce que c’est exact ?

6 R. Oui, c’est exact.

7 Q. Est-ce qu’il y a un voisinage aux alentours

8 de Foca ? Y a-t-il un voisinage ou y a-t-il un quartier

9 dans lequel vous habitiez, Monsieur ?

10 R. Nous l’appelions Mahala ce quartier. Il y

11 avait Codor Mahala, Aladza, le centre Gornje Polje, Donje

12 Polje, Zukcici, ainsi de suite. C’était les noms des

13 quartiers.

14 Q. Très bien !

15 R. J’habitais à Gornje Polje.

16 Q. Donc, Gornje Polje. Donc, cet endroit où

17 vous habitiez, est-ce que c’était un quartier mixte, était-

18 ce un quartier plutôt musulman, plutôt serbe ou bien est-ce

19 qu’il y avait d’autres membres d’autres ethnies ?

20 R. La population était plutôt mixte. Il y avait

21 plus de Serbes, mais c’était pas mal mixte.

22 Q. Très bien ! Maintenant, de quelle façon est-

23 ce que vous vous rendiez au travail de Gornje Polje à Brod

24 ? Est-ce que vous vous rendiez en voiture, en bicyclette ?

25 Y avait-il un service de transport établi par l’entreprise

Page 2073

1 pour laquelle vous travailliez ?

2 R. Nous avions notre propre autobus d’ouvriers

3 qui nous conduisait au travail. Il arrivait des fois que

4 quelqu’un prenait sa propre voiture.

5 Q. Maintenant, je vais vous poser la question

6 suivante et je vais vous demander de vous concentrer sur

7 les jours qui ont suivi le début de la guerre à Foca et

8 j’aimerais vous demander de vous pencher sur la matinée du

9 15 avril 1992. Vous rappelez-vous si vous vous rendiez au

10 travail ce matin-là comme d’habitude, et si oui, qu’est-ce

11 qui s’est passé ?

12 R. Oui. Au cours de la nuit entre le 4 et le 5,

13 un groupe de personnes a essayé d’organiser un meeting de

14 protestation, un meeting de paix. Je m’étais joint à ce

15 meeting et lorsque l’heure était arrivée d’aller

16 travailler, je suis rentré chez moi pour me préparer au

17 travail, pour me changer notamment, et des collègues

18 étaient déjà arrivés et l’autobus ne pouvait pas passer à

19 côté de l’immeuble de la municipalité, du siège de la

20 municipalité où le meeting avait commencé, et je n’ai pas

21 pu me rendre au travail de ce fait.

22 Q. Pour que les choses soient tout à fait

23 claires, ce que vous venez de nous dire témoigne-t-il de

24 votre intention d’aller au travail et que le bus ne pouvait

25 pas passer à cause du meeting et c’est la raison pour

Page 2074

1 laquelle vous n’êtes pas allé au travail ?

2 R. Oui.

3 Q. En résultat, qu’avez-vous fait puisque vous

4 n’avez pas pu vous rendre au travail ?

5 R. Eh bien, ne pouvant pas aller au travail, je

6 suis resté un certain temps au meeting et j’ai observé ce

7 que ce meeting allait nous apporter. En écoutant les

8 exposés des uns et des autres, j’ai remarqué à ce meeting

9 qu’il y avait fort rarement des Serbes et que ceux qui

10 étaient rassemblés étaient essentiellement Musulmans.

11 Un peu plus loin, plus bas vers le grand magasin,

12 il y avait beaucoup de gens de nationalité serbe par

13 groupes, mais ils ne s’approchaient pas de la foule qui

14 était rassemblée pour le meeting et cela était clairement

15 apparent. Ils n’avaient pas donc accepté ce meeting, la

16 tenue de ce meeting de paix et de vie commune.

17 Q. Peut-être devrais-je vous poser quelques

18 questions préalables. Avant que la guerre n’éclate, un an

19 avant ou deux ans avant l’éclatement de ce conflit,

20 sauriez-vous nous dire quelque chose au sujet des relations

21 entre les Serbes et les Musulmans dans cette communauté ou

22 municipalité de Foca ?

23 R. Trois ans ou cinq ans avant, les relations

24 étaient fort bonnes, et par la suite, ces relations se sont

25 détériorées, et ce au travers de la tenue des différents

Page 2075

1 meetings. Je ne sais pas si cela avait été intentionnel.

2 On avait essayé de faire tenir des meetings dans les mines

3 de charbon puis dans Maglic même et la conséquence en avait

4 été la création de certaines tensions et ces tensions sont

5 arrivées à culmination au travers de la tenue de grèves

6 dans Foca et Focatrans et on a pu constater une division du

7 personnel par appartenance ethnique pour ce qui est donc de

8 ces relations.

9 Q. Je comprends. Le meeting dont vous venez de

10 parler, vous avez dit que c’était un meeting de la paix.

11 C’était vraiment l’appellation qu’on lui avait donnée ?

12 R. Oui. C’est l’appellation qu’on lui avait

13 donnée : meeting de la paix.

14 Q. Au cours de la journée avant celle du 5 avril

15 et la tenue de ce meeting de la paix, y a-t-il eu un besoin

16 clairement exprimé de tenir un meeting de ce genre ? Est-

17 ce que l’on parlait d’autres choses plutôt que du meeting

18 de paix qui devait se tenir le 5 avril ?

19 R. Eh bien, le 4, j’étais avec quelques

20 personnes dans la terrasse du café Bor et des gens sont

21 arrivés. Je suis arrivé jusqu’à la porte et j’ai vu que la

22 télévision de Sarajevo faisait passer déjà des images

23 concernant le début de la guerre à Sarajevo. On voyait un

24 vieillard avec une canne à la main marcher dans la rue et

25 quelqu’un lui tirer dessus et je crois que tout le monde a

Page 2076

1 compris à ce moment-là que la guerre était en suspension,

2 qu’elle n’allait pas tarder à nous frapper. Alors, nous

3 avons essayé d’amortir un peu le choc de cette information,

4 mais je crois que sans cela, rien ne serait arrivé.

5 Q. Si je vous ai bien compris, il y avait une

6 certaine préoccupation auprès de vous quant à la guerre qui

7 se propageait tout autour de vous et ce meeting de la paix

8 devait empêcher la guerre à Foca ?

9 R. Oui.

10 Q. Plutôt que de nous aventurer vers des détails

11 concernant ce meeting, je voudrais vous poser plusieurs

12 questions. Vous nous avez dit tout à l’heure que vous

13 aviez un voisinage mixte dans Gornje Polje. Est-ce que

14 vous pourriez nous dire si vous êtes Musulman ou autre

15 chose ?

16 R. Oui, je suis Musulman.

17 Q. Aviez-vous beaucoup de voisins serbes ?

18 R. Dans l’immeuble où j’habitais, nous avions 24

19 appartements. Il y avait huit Musulmans. Le reste était

20 des Serbes. Enfin, je ne sais pas si c’est un hasard ou

21 pas, mais je n’avais pas relevé la chose, à chaque étage,

22 il y avait un Musulman et deux Serbes.

23 Q. Je vois ! Avez-vous remarqué concernant vos

24 voisins serbes ce qu’ils faisaient dans les journées qui

25 ont précédé la guerre ? Est-ce que tous sont restés ou

Page 2077

1 certains sont partis ?

2 R. Eh bien, cela se mijotait et on sentait cela

3 dans l’air. Quand j’ai vu que ce meeting de la paix, il

4 n’y aurait pas de paix et si un peuple ou un groupe

5 ethnique voulait la paix et que l’autre ne la voulait pas,

6 il n’en serait rien. Je suis rentré chez moi. Je me suis

7 entretenu avec ma femme et mes enfants et entre-temps, j’ai

8 regardé par la fenêtre vers les magasins. J’ai vu quelques

9 personnes de nationalité serbe faire monter leurs enfants,

10 enfin, leurs familles dans les voitures et les amener.

11 J’ai été pris de panique suite à tout cela. J’ai vu ce

12 comportement, j’ai vu des enfants que l’on faisait monter

13 en voiture et je me suis dit qu’il ne nous restait plus

14 rien d’autre à faire que de prendre des mesures. J’ai fait

15 mes bagages et je suis allé vers Ilidza.

16 Q. Je suppose, Monsieur, que vous vouliez

17 emmener votre famille de Foca par mesures de précaution ?

18 R. Oui, précisément.

19 Q. Où êtes-vous allé ?

20 R. Je suis allé à Jelec. C’est là que je suis

21 né.

22 Q. C’est le même jour, enfin, à la date de la

23 tenue du meeting, à savoir le 5 avril 1992 ?

24 R. Oui. C’est cet après-midi-là.

25 Q. Étant donné que je ne sais pas où se trouve

Page 2078

1 Jelec, est-ce que vous pourriez nous dire à quelle distance

2 Jelec se trouvait de Foca et si à proximité, il y a une

3 grande localité quelconque ?

4 R. De Foca vers Miljevina, en passant par la

5 vieille voie ferrée, c’est à côté que passe une route, il y

6 a à peu près 18 kilomètres et ensuite, à deux kilomètres à

7 gauche, on prend à gauche plutôt pour aller à Jelec et de

8 cette bifurcation, à deux kilomètres.

9 Q. Donc, il s’agit de quelques 22 kilomètres de

10 Foca et quelques kilomètres seulement de Miljevina ?

11 R. Oui.

12 Q. Je vous remercie. Je crois que vous nous

13 avez dit que vous avez été marié, que vous avez eu un

14 enfant avant d’arriver à Foca et que vous avez eu un enfant

15 une fois arrivé à Foca. Est-ce que votre femme et vos deux

16 enfants ont été emmenés par vos soins vers Jelec ?

17 R. Oui.

18 Q. Quel âge avaient vos enfants à l’époque ?

19 R. Mon fils avait 21 ans et ma fille devait

20 avoir 18. Elle devait avoir son bac technique à l’école,

21 enfin, au lycée de sciences techniques.

22 Q. Fort bien ! Donc, vous et votre famille,

23 vous vous êtes rendus à Jelec. Est-ce que vous avez

24 continué à travailler à Brod ?

25 R. Oui. Le lendemain, tout de suite, donc dès

Page 2079

1 le 6, je n’ai pas pris ma voiture, mais j’ai pris les

2 transports en commun de la ville, et ce jour-là, j’ai

3 travaillé. J’ai été un peu surpris, arrivé à mon poste de

4 travail, de voir que beaucoup de Serbes, de mes collègues

5 qui étaient toujours plus nombreux que les Musulmans,

6 étaient absents et on m’a confié la tâche de mon collègue

7 Drasko Novica. Mon chef, Simo Filipovic, m’a confié les

8 tâches de Drasko Novica à accomplir puisque lui n’était pas

9 venu.

10 Q. Quand vous parlez de travail, vous parlez de

11 mécanique auto ?

12 R. Oui, tout à fait.

13 Q. Vous avez fini votre équipe de travail et

14 vous êtes rentré vers votre famille à Jelec ?

15 R. Oui. J’ai repris l’autobus pour rentrer à

16 Jelec, en effet.

17 Q. Qu’est-il arrivé le jour d’après, le 7 avril

18 1992 ?

19 R. Le jour d’après, je m’apprêtais à partir au

20 travail, et dans la localité, nous appelons ça Carsija,

21 c’est-à-dire les lieux communs – il y a deux petits cafés,

22 deux petits magasins sur cette place, c’est pour cela que

23 nous appelons ça ainsi – il y avait beaucoup de gens

24 rassemblés qui attendaient le bus, mais le bus n’arrivait

25 pas et certains étaient descendus un peu plus bas et

Page 2080

1 avaient vu qu’il y avait un barrage routier en terre qui

2 avait empêché le bus d’arriver jusqu’à Jelec et c’est la

3 raison pour laquelle nous ne sommes pas partis au travail

4 ce jour-là.

5 Q. Est-ce qu’à ce moment-là, vous avez pu

6 apprendre ou entre-temps qui avait posé ce barrage et

7 pourquoi ?

8 R. Certains étaient arrivés à pied de Miljevina

9 et cette nuit-là déjà, Pero Elez avec plusieurs personnes

10 que je ne connaissais pas avaient attaqué le poste de

11 police où il y avait des policiers musulmans. On les avait

12 désarmés et ils ont pris le poste de police.

13 Q. Pour que les choses soient tout à fait

14 claires, à ce moment-là, ai-je bien compris que le poste de

15 police de Miljevina avait embauché, avait engagé des

16 policiers serbes et musulmans à l’époque ?

17 R. Oui.

18 Q. Qui est Pero Elez ?

19 R. Pero Elez est un ex-employé, un gardien

20 plutôt dans un centre de détention. Il avait pris sa

21 retraite. Il est parti relativement tôt en retraite,

22 probablement pour des raisons de santé ou des raisons

23 psychologiques.

24 Q. En tout état de cause, Monsieur, vous avez

25 appris que Pero Elez avec d’autres personnes encore avaient

Page 2081

1 attaqué le poste de police à Miljevina et avaient pris le

2 contrôle de ce poste de police. Je vous ai bien compris ?

3 R. Oui, tout à fait.

4 Q. Quand vous dites qu’il avait pris ce poste de

5 police, est-ce que vous entendez par là qu’à ce moment-là,

6 il avait pris le contrôle de ce poste de police de

7 Miljevina ?

8 R. Oui. C’est ainsi qu’il faut le comprendre.

9 Q. Par conséquent, les gens qui se trouvaient

10 encore dans ce poste de police de Miljevina, il y avait

11 encore des Musulmans parmi eux ou il s’agissait seulement

12 de Serbes ?

13 R. Eh bien, dès qu’ils ont pris le poste de

14 police, ils ont désarmé les Musulmans et les Musulmans

15 n’avaient plus rien à voir, ni à chercher là.

16 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Jelec,

17 Monsieur ?

18 R. Eh bien, je suis resté à Jelec, je ne suis

19 pas sûr, peut-être jusqu’au 29 ou au 30 avril. Je pense

20 que c’était plutôt le 30 que le 29 avril.

21 Q. Pendant ce temps-là, est-ce que vous avez

22 continué à voyager de Jelec à Brod pour vous rendre à votre

23 poste de travail ?

24 R. Je n’ai pas compris votre question.

25 Q. Entre le 5 avril et le 30 avril, si tant est

Page 2082

1 qu’il s’agit bien de cette date, vous avez dit tout à

2 l’heure que vous étiez resté à Jelec et vous êtes parti le

3 6 avril pour travailler et puis le 7, vous n’avez pas pu

4 passer, mais après le 7, est-ce que vous avez continué vos

5 déplacements entre Jelec et Brod, et sinon, pourquoi ?

6 R. Non. Jusqu’au 29 ou 30 avril, je ne me suis

7 plus déplacé vers Brod, étant donné qu’il y avait ce

8 barrage routier. On avait posé des rampes devant l’hôtel

9 et le passage était interdit, les déplacements étaient

10 interdits.

11 Q. Est-ce que quelque chose est arrivé vers le 8

12 avril au sujet de Foca ?

13 R. Étant donné que nous ne pouvions pas nous

14 déplacer, la population civile avait essayé d’assurer des

15 communications, mais on a vite commencé à entendre des

16 détonations, des combats en provenance de Foca, et cela

17 nous a encore plus fait peur.

18 Q. Est-ce que vous avez pu entendre, capter la

19 radio ou des émissions de télévision pendant que vous étiez

20 à Jelec ?

21 R. Pendant un moment, oui, puis il y a eu des

22 coupures, les lignes téléphoniques ont été coupées. On

23 avait pu encore écouter un peu la radio, en effet.

24 Q. Est-ce qu’à la télévision ou à la radio, vous

25 avez pu entendre ou apprendre qu’il y avait eu des combats

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1 à Foca ?

2 R. Oui. Nous avons appris cela par la radio et

3 nous avons vu quelques images à la télévision aussi en

4 provenance de la région de la vieille place au-dessus du

5 marché et plus bas, nous avons pu voir des maisons

6 incendiées, brûlées. Nous avons pu voir cela à la

7 télévision, en effet.

8 Q. Dans quelle mesure vous avez reconnu ces

9 images que vous voyiez à la télévision ? Est-ce que vous

10 connaissiez les quartiers qu’on vous avait montrés ?

11 R. Oui, bien sûr, fort bien.

12 Q. Pouvez-vous nous dire quels avaient été les

13 emplacements que l’on avait incendiés ou détruits ?

14 R. Eh bien, on avait détruit systématiquement.

15 On n’a pas tout détruit d’un coup. Aujourd’hui, quelques

16 maisons, le lendemain, quelques maisons encore, et il est

17 probable qu’il y en avait eu le plus de détruites dans la

18 nuit et c’est pour ça que ça me rappelle le 30 avril parce

19 qu’il y avait le car de Foca qui brûlait, et chez nous, la

20 tradition voulait que très tôt le matin pour le 1er mai, on

21 rassemblait des bouts de bois pour faire des grands feux et

22 c’était les grands feux du 1er mai, mais cette fois-ci,

23 c’était des maisons musulmanes qui brûlaient.

24 Q. Vous avez dit des maisons musulmanes. Est-ce

25 que vous pouvez nous dire s’il s’agissait seulement de

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1 maisons musulmanes d’incendiées ou il y avait des maisons

2 serbes ?

3 R. Non. C’était certainement des maisons

4 musulmanes.

5 Me RYNEVELD (interprétation) : Madame la

6 Présidente, je n’ai pas à vous dire que j’ai toute une

7 série de questions à poser encore, mais je me demande si le

8 moment serait bon pour faire une pause.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. C’est

10 l’heure où nous avons coutume de lever séance pour aller

11 déjeuner.

12 Je vous prie de vous lever.

13 --- Suspension de l’audience à 13 h 00

14 --- Reprise de l’audience à 14 h 30

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

16 prie, nous allons poursuivre l’interrogatoire principal.

17 Me Ryneveld, je vous en prie.

18 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci.

19 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin. Je pense

20 que juste avant la pause, je me suis préparé pour vous

21 poser la question si vous étiez à Jelec et pendant que vous

22 étiez à Jelec, y avait-il un soldat ou éventuellement

23 quelqu’un d’autre qui se soit rendu chez vous entre le 5

24 avril et le 30 avril ? Je peux peut-être reformuler ma

25 question. Elle n’était peut-être pas tout à fait claire.

Page 2085

1 Ce que j’aimerais savoir c’est si éventuellement vous aviez

2 connaissance si les familles musulmanes à Jelec ont été

3 informées qu’il fallait faire quelque chose, disons,

4 remettre les armes, etcetera ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelque

7 chose à ce sujet-là ?

8 R. Eh bien, il y avait deux ou trois personnes

9 qui se sont réunies dans le café de Hadzimuratovic et c’est

10 là où les négociations ont eu lieu au sujet de la

11 restitution des armes. On a dit : « Bon bien, si vous

12 remettez les armes, on ne va pas vous attaquer », et

13 caetera, quelque chose dans ce sens-là.

14 Q. Qui vous l’a appris ? Comment vous l’avez

15 appris ? Vous avez dit qu’il y avait deux, trois

16 personnes. Est-ce que vous savez qui ils représentaient ?

17 R. Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas

18 quel était le rôle de ces gens-là, mais de toute façon, il

19 y avait des personnes qui sont arrivées de Miljevina. De

20 toute façon, je ne sais pas quels étaient les postes qu’ils

21 occupaient. De toute façon, je me souviens qu’ils sont

22 arrivés et qu’ils nous ont demandé de restituer les armes.

23 Q. Est-ce que vous savez quelle était leur

24 appartenance ethnique ?

25 R. Ils étaient Serbes, exclusivement Serbes.

Page 2086

1 Q. Eh bien, comme résultat de ces négociations –

2 je pense que c’est le terme que vous avez utilisé – qu’est-

3 ce que ces familles musulmanes ont fait et si vous êtes au

4 courant, vous nous relatez ce qui s’est passé par la suite

5 ?

6 R. Ils ont tout simplement demandé qu’on

7 restitue des armes. C’était en quelque sorte un ultimatum.

8 Ils ont dit que par la suite, on ne subira pas de

9 conséquences, mais il s’est avéré qu’il y avait des

10 attaques qui ont été organisées dans d’autres villages en

11 dehors de Jelec et c’est la raison pour laquelle les gens

12 ont pris la décision parce qu’ils ne disposaient que de

13 quelques fusils, des fusils de chasse, des carabines ou des

14 armes qui à l’époque étaient à la Défense territoriale.

15 Ils ont pris la décision de ne pas restituer les armes.

16 Q. Eh bien, quand vous dites que vous étiez

17 parfaitement conscient de ce qui allait pouvoir vous

18 arriver parce que vous avez parlé d’autres villages, est-ce

19 que vous parlez des villages qui sont dans les environs de

20 Foca et avant que les événements se produisent à Jelec ?

21 R. Nous avons pu observer avec des jumelles un

22 village, Gradjan (ph.), et nous avons vu qu’à Kozja Luka,

23 les maisons ont été incendiées et c’est comme ça que nous

24 avons compris qu’à peu près la même chose se passerait à

25 Jelec.

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1 Q. Compte tenu du fait que vous disposiez de

2 cette information, vous avez par conséquent pris la

3 décision de ne pas restituer des armes, n’est-ce pas ?

4 Est-ce que je vous ai bien compris ?

5 R. Oui, oui.

6 Q. Monsieur, je pense que vous nous avez dit

7 qu’au fond, vous êtes parti de Jelec et que vous êtes

8 retourné à Foca autour du 30 avril. Est-ce que vous pouvez

9 nous relater les événements, vous pouvez nous dire ce qui

10 s’est passé, pourquoi ça s’est produit comme ça ?

11 R. Il y avait quelques négociations. Par

12 conséquent, on a bien compris que ces négociations

13 n’allaient pas aboutir et que le chaos allait advenir et

14 puis entre-temps, ma femme est tombée malade. Elle avait

15 mal à la gorge. Elle avait une inflammation et moi, je me

16 suis dit que comme ça, je vais éviter la guerre et puis je

17 vais sauver ma femme également. Elle souffrait, elle était

18 souffrante.

19 Q. Par conséquent, vous avez décidé de partir.

20 Où est-ce que vous êtes parti, s’il vous plaît ?

21 R. Au début, on avait hésité un petit peu. On

22 ne savait pas s’il fallait s’acheminer vers Kalinovik. La

23 majorité de la population serbe à Sarajevo était quelque

24 peu loin, les opérations commençaient à Sarajevo et puis je

25 me suis considéré comme un citoyen modéré. Je considérais

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1 que c’était quand même le mieux de retourner dans mon

2 appartement.

3 Q. Votre appartement, il se trouvait à Foca,

4 n’est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Y avait-il quelque chose d’autre que vous

7 avez appris ? Est-ce qu’éventuellement il y avait des

8 appels et pourquoi vous avez décidé de partir à Foca ?

9 R. Oui. On avait organisé un certain nombre

10 d’appels. On a dit que des Musulmans pouvaient regagner

11 leurs postes de travail et c’est à cause de ça également

12 que moi, j’ai pris une décision de retourner pour

13 travailler. Ça m’a aidé un petit peu dans ma décision.

14 Q. À votre connaissance, la guerre à Foca, si on

15 peut appeler ça la guerre, s’était-elle terminée à ce

16 moment-là ?

17 R. En ce qui concerne la ville elle-même, cette

18 guerre s’est terminée. Il y avait une concentration

19 d’hommes sous les armes, qui portaient des uniformes

20 différents. Oui, ça, de ce point de vue, oui.

21 Q. Vous voulez dire qu’il y avait des uniformes

22 différents. Est-ce qu’entre autres, il y avait des

23 uniformes musulmans également ?

24 R. Non, il n’y avait pas d’uniformes musulmans.

25 Les Musulmans qui résistaient, ils se sont retirés. Il n’y

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1 avait que la population civile qui restait.

2 Q. Merci. Je comprends. Vous êtes allé un peu

3 trop en avant, plus que je ne le souhaitais. J’aimerais

4 tout simplement revenir à un certain nombre de points.

5 Vous avez dit que vous avez pu remarquer des uniformes

6 différents. Pourriez-vous décrire à la Chambre de manière

7 très détaillée quel type d’uniformes avez-vous remarqué,

8 d’où ces gens-là sont-ils arrivés si vous le savez ?

9 R. Il y avait des uniformes différents. Il y

10 avait bien évidemment des uniformes ordinaires, classiques,

11 SNB, ensuite, des uniformes de camouflage. Ensuite, il y

12 avait également des personnes qui étaient en tenue

13 militaire assez bizarre avec des gants sans doigt.

14 Ensuite, ils se bandaient également la tête. Il y avait un

15 certain nombre également d’autres objets qu’ils portaient

16 et beaucoup de ces soldats, je ne les connaissais pas et

17 (expurgée)

18 (expurgé), ils m’ont dit que ce sont des soldats qui

19 sont arrivés de Serbie. Ils s’appelaient des Aigles

20 blancs. Probablement, c’est le groupe de personnes que je

21 n’ai pas pu reconnaître, je le suppose.

22 Q. Entendu ! Nous allons revenir en arrière

23 maintenant une fois de plus, nous allons revenir à cette

24 période quand vous avez quitté Jelec. Vous étiez sur le

25 chemin de Foca et il y avait quelque chose qui vous est

Page 2090

1 arrivé. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui vous a arrêté ?

2 Est-ce que vous vous êtes arrêté ? Pourquoi si c’était le

3 cas ?

4 R. Oui. Il y avait un ex-barrage qui a été

5 démantelé, et moi, j’ai pu dépasser ce barrage, mais au

6 niveau du motel Miljevo (ph.), il y avait des barrières et

7 des personnes qui gardaient donc ce point de contrôle. On

8 m’a arrêté. Ensuite, Smail Tuzluk était derrière moi, les

9 membres de sa famille et Pavle Elez s’est approché de moi.

10 Moi, je le connaissais très, très bien. Il m’avait donc

11 demandé de descendre de la voiture.

12 Q. Comment il était vêtu ?

13 R. Il portait un uniforme de camouflage et puis

14 il arborait à gauche un insigne. C’était au fond le

15 drapeau, le drapeau tricolore de la République de Serbie.

16 Puis, il m’avait donc demandé d’aller vers le

17 motel, vers la villa, et puis à l’entrée, à l’époque, il y

18 avait une réception et j’ai pu remarquer beaucoup de

19 soldats, beaucoup de personnes qui étaient en tenue

20 militaire. Il y avait également beaucoup de cartons de

21 munitions, enfin plutôt de boîtes de munitions, et je me

22 souviens que j’ai pu voir également que ces cartons, ces

23 boîtes étaient assez longues, et puis, j’ai remarqué

24 également mon collègue, Novak Stankovic. Lui également, il

25 portait un uniforme et il m’a posé la question pour savoir

Page 2091

1 où je partais, puis moi, je lui ai dit que tout simplement

2 que je partais pour regagner mon appartement. J’ai dit que

3 ma femme était malade.

4 Ensuite, on m’a demandé si éventuellement j’avais

5 des armes, et si c’était le cas, de restituer les armes.

6 Ensuite, ils sont venus avec moi. J’ai ouvert le coffre de

7 la voiture et ils ont vu qu’il n’y avait que quelques

8 affaires, enfin, qu’il n’y avait pas d’armes. Et puis,

9 voilà ! C’était la rencontre que personnellement j’ai eue,

10 comme je l’ai dit, à côté du motel.

11 Q. J’ai quelques autres questions également

12 concernant cette rencontre au niveau du motel.

13 Vous avez parlé des cartons. Est-ce qu’il y avait

14 éventuellement une inscription ? Est-ce que vous avez

15 remarqué ce qui se trouvait dans ces cartons, dans ces

16 boîtes et à partir bien évidemment de votre propre

17 expérience ?

18 R. Moi, j’ai fait mon service militaire. On ne

19 peut pas bien évidemment vraiment décrire le contenu et ce

20 qui se trouvait dans ces boîtes, mais il est un fait

21 également que je pouvais envisager qu’il s’agissait

22 d’armes, des armes de types différents parce que tout

23 simplement, c’était les boîtes qui étaient de couleur vert

24 olive, donc SNB, et puis l’ex-JNA utilisaient de tel type

25 de boîtes et c’était écrit en cyrillique « SNB », donc

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1 couleur vert olive.

2 Q. À partir de votre propre expérience,

3 l’expérience une fois de plus que vous avez acquise au

4 service militaire, est-ce que les boîtes contenaient en

5 général de telle manière des armes ? Est-ce que les armes

6 étaient normalement rangées dans de tel type de boîtes ?

7 R. Oui. Je n’ai pas vu de tel type

8 véritablement de boîtes pendant que j’ai fait moi-même mon

9 service militaire. Je peux vous le dire honnêtement, non.

10 Q. Vous avez parlé des insignes de la Republika

11 Srpska et vous avez dit qu’il s’agissait d’un tricolore, du

12 drapeau tricolore. C’était quelles couleurs ?

13 R. C’est la couleur blanche, rouge et bleue, et

14 en ce moment même, j’avoue que je ne me souviens plus

15 exactement quel était l’ordre parce que j’étais un petit

16 peu paniqué parce que j’étais très surpris au départ.

17 Donc, je ne peux pas me souvenir exactement comment elles

18 étaient rangées ces couleurs.

19 Q. Est-ce que vous avez vu des insignes de tel

20 type, enfin, plutôt le drapeau tricolore serbe avant ?

21 R. Oui. À l’hôtel, il y avait un drapeau qui

22 était hissé et qui était des mêmes couleurs.

23 Q. Est-ce que j’ai bien compris : Est-ce que

24 c’était des drapeaux qui n’ont pas été utilisés par l’ex-

25 JNA, donc c’était quelque chose de nouveau ?

Page 2093

1 R. Oui.

2 Q. Et ces autres soldats dont vous avez parlé,

3 vous avez parlé d’un ex-collègue avec lequel vous avez

4 travaillé comme auto mécanicien, ces autres soldats qui

5 étaient à côté de lui, est-ce que ces autres soldats

6 portaient les mêmes uniformes ou éventuellement ils avaient

7 d’autres uniformes, ceux qui étaient à Miljevina ?

8 R. Je pense qu’il y en avait qui sont arrivés

9 d’autres côtés, qui sont arrivés de l’extérieur, qui

10 portaient des uniformes militaires qui étaient en meilleur

11 état.

12 Q. Entendu ! Nous allons maintenant donc

13 jusqu’à Foca. Est-ce qu’on vous a arrêté avant que vous

14 regagniez votre appartement ?

15 R. Oui.

16 Q. Qui ?

17 R. C’est juste en traversant la Drina qu’un

18 policier m’avait arrêté. C’était la police de réserve qui

19 était en tenue bleue, bleue foncée, béret sur la tête, les

20 insignes toujours les mêmes tricolores, et on m’a demandé

21 de vérifier mes documents, ce que j’ai fait. Il m’a

22 demandé où je me rendais et puis moi, je lui ai dit que je

23 n’habitais pas trop loin et il m’a redonné les documents et

24 il m’a souhaité bonne chance.

25 Q. Sur la route vers le centre-ville, est-ce que

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1 vous avez traversé, est-ce que vous êtes passé à côté de

2 Brod ?

3 R. Non, pas à travers Brod, mais j’ai passé à

4 côté.

5 Q. En ce qui concerne donc cette région que vous

6 avez traversée pour regagner Brod et aller plus loin

7 jusqu’à Foca, est-ce que vous avez remarqué qu’il y avait

8 des choses qui ont changé par rapport à la situation qui

9 régnait le 5 avril ?

10 R. Oui. Nous avons pu remarquer ou plutôt moi,

11 j’ai pu remarquer qu’il y avait un certain nombre de

12 destructions, il y a des immeubles qui ont été incendiés.

13 Pas tout de suite, tout n’a pas été incendié et brûlé, mais

14 il y avait un certain nombre également d’immeubles, de

15 bâtiments qui ont été détruits ou bien endommagés.

16 Q. Tout à l’heure, lors de votre déposition,

17 vous nous avez parlé d’un certain nombre de soldats qui

18 étaient présents à Foca. Vous nous avez dit par ailleurs

19 également, je pense que vous avez utilisé le terme « bjeli

20 orlovi (ph.) », les Aigles blancs. C’est un groupe que

21 vous avez reconnu, n’est-ce pas ?

22 R. Oui. J’ai remarqué qu’il y avait des soldats

23 qui sont venus de l’extérieur et qui étaient en tenues

24 différentes, uniformes différents, et ce n’est que plus

25 tard que je l’ai appris. De toute façon, je suis monté

Page 2095

1 dans mon appartement, mon appartement a été fermé à clé, il

2 y avait une chaîne. Je suis allé chez mes voisins et ce

3 sont mes voisins qui m’ont appris qu’il s’agissait des

4 Aigles blancs et ce sont eux qui me l’ont appris. C’est

5 comme ça que je l’ai appris. Ils m’ont confirmé donc la

6 présence des Aigles blancs à Foca.

7 Q. Est-ce que vous savez si éventuellement des

8 soldats du Monténégro se trouvaient à Foca une fois quand

9 vous êtes rentré à Foca ?

10 R. Moi, j’ai appris qu’il y en avait du

11 Monténégro, de Serbie, de Novi Sad. On m’avait demandé par

12 la suite pour travailler. Enfin, moi, j’ai travaillé,

13 c’était un travail forcé et puis j’ai eu l’occasion de

14 parler avec eux. On m’a promené un petit peu partout

15 jusqu’à Miljevina, jusqu’à ma société, et caetera. C’est

16 comme ça que j’ai parlé, j’ai su qu’ils n’étaient pas de

17 chez nous.

18 Q. Par conséquent, revenons un petit peu en

19 arrière. Vous avez dépassé un certain nombre de points de

20 contrôle. Je pense que vous avez dit qu’en arrivant

21 jusqu’à votre appartement, vous ne pouviez pas rentrer dans

22 l’appartement parce que votre appartement a été fermé à clé

23 et qu’il y avait des chaînes ?

24 R. Effectivement. J’ai remarqué tout de suite à

25 la porte d’entrée qu’il y avait une chaînette et j’ai vu

Page 2096

1 également un cadenas et puis je me suis dit

2 qu’éventuellement mon appartement a été plastiqué ou je ne

3 sais pas, qu’il y avait des mines qui ont été placées.

4 C’est la raison pour laquelle je ne voulais pas y pénétrer.

5 Je suis descendu jusqu’à l’appartement de mes

6 voisins. C’est le couple Perovici qui m’ont dit que c’est

7 les Aigles blancs qui ont été dans mon appartement. Ce

8 sont eux qui m’ont d’ailleurs ouvert l’appartement, mais il

9 y avait un chaos dans l’appartement. Tout était à gauche

10 et à droite, enfin, les meubles n’importe où. Il y avait

11 mon fils qui était à la faculté à l’époque et puis ma jeune

12 fille qui avait ses livres et tout ça. Tout a été donc

13 fouillé. Il y avait des reçus, des papiers qui étaient un

14 petit peu partout. Enfin, tout a été chamboulé et enfin

15 tout a été pratiquement fouillé car chaque tiroir a été

16 jeté par terre.

17 Donc, la salle de séjour a été fouillée, la

18 chambre à coucher également, et j’ai pu remarquer qu’il y

19 avait un certain nombre également de choses qui ont été

20 emportées. Il y avait quelques montres. Il y avait

21 également un certain nombre de stylos qui avaient une

22 certaine valeur qui ont été pris, et caetera.

23 Q. Par conséquent, vous voulez dire qu’il y

24 avait un certain nombre d’objets qui ont été volés. C’est

25 ça que vous vouliez dire ?

Page 2097

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous avez appris par la suite,

3 grâce à cet entretien que vous avez eu avec vos voisins, si

4 votre appartement a été le seul qui a été fouillé ?

5 R. Non. Chaque appartement des Musulmans était

6 fouillé, fouillé jusqu’à la moindre des choses. Pour ce

7 qui concerne les Serbes et les appartements qui

8 appartenaient aux Serbes, ils rentraient dans l’appartement

9 et puis ils jetaient un coup d’oeil probablement pour voir

10 s’il y avait des Musulmans, mais ils ne les fouillaient

11 pas, ils ne les pillaient pas. En revanche, les

12 appartements des Musulmans ont été fouillés.

13 Q. Maintenant, je vais vous demander de revenir

14 à la période qui couvre le 30 avril et le 25 mai et nous

15 allons revenir au 25 mai. Au cours de cette période, est-

16 ce que vous vous sentiez libre pour circuler, et ceci en

17 fonction de votre propre choix ?

18 R. Jusqu’au moment où je suis rentré dans

19 l’immeuble, je ne pouvais plus sortir, ça m’était

20 parfaitement clair. Ma femme et ma fille pouvaient sortir.

21 En ce qui concerne mon fils et moi-même, je n’avais plus le

22 droit et je ne pouvais plus sortir plutôt car vous auriez

23 pu tomber sur les soldats, sur un soldat qui appartenait à

24 une unité paramilitaire qui était armée. Par conséquent,

25 ça me paraissait clair qu’il ne fallait pas que je sorte.

Page 2098

1 Q. Est-ce qu’il y avait un certain nombre

2 d’ordres qui ont été délivrés ou bien des instructions, des

3 communications comment fallait-il se conformer et qui

4 étaient adressés aux Musulmans ?

5 R. Oui.

6 Q. Quelles étaient donc ces communications ?

7 R. Il y avait des haut-parleurs sur les

8 véhicules et on nous annonçait que des Musulmans n’avaient

9 pas le droit de sortir de la ville, qu’on n’avait pas le

10 droit de se rassembler non plus. Par conséquent, on a pu

11 entendre ces instructions car le véhicule circulait et il

12 portait un haut-parleur. C’était un véhicule de la police.

13 Q. Eh bien, quelles étaient les conséquences de

14 cette manière de se comporter ? Comment ça s’est reflété

15 sur vous ou sur la manière de vivre ?

16 R. À partir du moment où on nous a demandé de

17 rester assignés à résidence, qu’est-ce que vous voulez que

18 je vous dise ? Il fallait tout simplement attendre, ne pas

19 faire grand-chose.

20 Q. Pendant que vous attendiez, par conséquent,

21 entre le 30 avril et le 25 mai, auriez-vous pu voir ou

22 entendre ce qui se passait dans votre voisinage ou

23 éventuellement dans le quartier qui est à côté des maisons

24 musulmanes ?

25 R. Oui. On ne pouvait pas suivre de très près.

Page 2099

1 Moi, j’ai pu regarder du côté du centre, du côté également

2 de Han, du côté de Domovski Soka (ph.), et ce que j’ai pu

3 voir également, c’est du côté de Gornje Polje qu’on

4 incendiait les maisons et notamment au cours de la nuit ou

5 les heures qui précédaient la nuit.

6 En général, il y avait d’abord des sapeurs

7 pompiers qui se rendaient sur place et ensuite, on posait

8 des explosifs pour incendier la maison, et en général,

9 avant que la maison soit incendiée, il y avait des tirs par

10 rafales très violents et probablement c’est pour faire

11 peur, pour paniquer les gens, pour que les gens ne

12 regardent pas, pour qu’ils baissent les stores, pour qu’ils

13 ne voient pas ce qui s’était passé de l’autre côté.

14 Q. Juste pour apporter un peu plus de

15 précisions, vous parlez des « échanges de tirs », enfin,

16 des « rafales ». Est-ce que vous parlez des tirs

17 d’infanterie ou ceux qui détruisent un peu davantage ? De

18 quel type d’armes ?

19 R. Des armes automatiques.

20 Q. Eh bien, je vois, mais ce que j’aimerais

21 savoir maintenant c’est si éventuellement il y avait

22 également des engins de feu. Est-ce qu’éventuellement des

23 sapeurs pompiers se rendaient sur place après les incendies

24 ?

25 R. Je vous ai déjà dit tout à l’heure qu’avant

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1 que les tirs commencent, les pompiers se rendaient sur

2 place. Par conséquent, ils étaient déjà en état d’alerte.

3 Probablement, c’est que les pompiers étaient sur place pour

4 pouvoir éteindre le feu pendant que l’autre maison a été

5 mise en flammes.

6 Q. Est-ce que les maisons musulmanes et les

7 maisons serbes étaient mixtes ?

8 R. Les maisons musulmanes et serbes se

9 touchaient presque et c’est la raison pour laquelle les

10 pompiers devaient y être. C’était indispensable.

11 Q. Est-ce que vous avez pu voir également ce qui

12 se passait au moment où, par exemple, vous avez vu qu’une

13 maison musulmane a été incendiée, elle touchait la maison

14 serbe, et comment se comportaient les pompiers ?

15 R. Ils protégeaient les maisons serbes. C’est

16 pour ça qu’ils y étaient.

17 Q. Monsieur, je pense que vous nous avez dit que

18 vous êtes parti de Jelec le 30 avril et je pense que vous

19 nous avez dit qu’il y avait plusieurs raisons. Une des

20 raisons que vous avez citées c’est que votre épouse a été

21 souffrante et par ailleurs, vous avez eu également peur que

22 quelque chose arrive à votre village comme ceci s’était

23 produit dans d’autres villages qui étaient avoisinants.

24 Est-ce que votre village a subi quelque chose après votre

25 départ ?

Page 2101

1 R. Oui. Une fois que je suis parti, quatre ou

2 cinq jours plus tard, il y avait cette attaque sur Jelec.

3 L’attaque a été très violente et ceux qui avaient des

4 fusils ne pouvaient pas résister. Ce qu’il leur restait,

5 c’est de se retirer, de rebrousser chemin, d’aller dans les

6 forêts et par conséquent Jelec a été prise sans qu’il y ait

7 une résistance. Les Serbes sont rentrés là-dedans, et en

8 rentrant, ils ont incendié tout ce qu’ils pouvaient voir.

9 Il y avait une équipe, je ne me souviens plus

10 laquelle, car moi, j’ai l’impression qu’ils sont arrivés

11 des deux directions. Il y a deux petites rivières,

12 Krupica, Gorazda (ph.), et ceux qui sont passés par

13 Krupica, ils ont détruit énormément, mais cet autre groupe

14 qui venait de Govza, ils ont capturé un certain nombre de

15 personnes et efendi (ph.) de Jelec a été égorgé.

16 Tout ce qui s’est produit le long de Krupica était

17 encore pire parce qu’ils ont été pris, incendiés, brûlés,

18 égorgés, mais ensuite, il y avait un certain nombre

19 d’étables également qui ont été brûlées. Devant ma maison

20 d’été, nous avons huit personnes qui ont habité et sur les

21 huit, il y en a sept qui ont été exécutées. Il y en a

22 d’autres également dont je ne me souviens pas, mais je sais

23 qu’il y avait beaucoup de destructions, beaucoup de maisons

24 également brûlées, beaucoup de personnes qui ont été tuées.

25 Q. Je ne vais pas entrer dans le détail, mais

Page 2102

1 vous me permettrez quand même de vous poser quelques

2 questions personnelles. Pendant que vous habitiez Jelec,

3 entre le 5 et le 30 avril, vous étiez avec vos parents,

4 avec votre mère ?

5 R. Oui.

6 Q. Au moment où vous avez quitté Jelec le 30

7 avril, votre mère était encore à Jelec ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous avez appris par la suite ce

10 qui s’était passé avec votre mère le 4 mai 1992 ?

11 R. Le 4 avril ou entre le 4 et le 5 avril, j’ai

12 écouté la Radio Sarajevo. Ça, je me souviens. J’ai

13 écouté. On a parlé de cette attaque sur Jelec et Radio

14 Sarajevo avait cité les noms et prénoms de ceux qui ont été

15 tués. Donc, ils ont prononcé le nom de ma mère et puis

16 d’autres, six personnes. J’ai parlé de sept qui ont été

17 exécutées.

18 Q. Vous avez entendu par conséquent que votre

19 mère avec six autres personnes ont été tuées. Vous l’avez

20 appris par la radio. Je pense que vous l’avez dit et je

21 pense que vous avez parlé du 4 avril alors que la question

22 que je vous ai posée portait sur le 4 mai. Est-ce que

23 c’est par hasard que vous avez parlé du 4 avril ou vous

24 avez pensé au 4 mai ?

25 R. Oui. C’est moi qui ai fait erreur. Je

Page 2103

1 pensais au mois de mai.

2 Q. Merci. Très bien ! Maintenant, les six

3 autres personnes que vous avez mentionnées ayant été

4 trouvées mortes près de votre chalet, est-ce que c’était

5 également des cousins ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous avez appris ou avez-vous eu

8 connaissance de d’autres détails à part de ce que vous avez

9 entendu à la Radio Sarajevo par la suite, lorsque vous avez

10 été détenu au centre de détention, concernant ce que vous

11 venez de dire ?

12 R. Oui. Par la suite, j’ai entendu dire que les

13 gens qui étaient emmenés de Jelec et qui ont été emmenés à

14 Kalinovik et par la suite, ils ont été emmenés à Milic et

15 par la suite, de Pilic, ils ont été ramenés à Kalinovik et

16 ensuite, au centre de détention. C’est d’eux que j’ai

17 entendu plus de précisions par la suite et comment ça s’est

18 passé.

19 Q. Vous avez entendu parler du fait de la mort

20 de votre mère et de votre parenté sur la radio. C’est

21 exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Maintenant, Monsieur, j’aimerais vous ramener

24 au 25 mai 1992. Si je comprends bien, c’était le début

25 d’un nouvel épisode de votre vie. Est-ce que c’est exact ?

Page 2104

1 R. Oui.

2 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui s’est passé le

3 25 mai 1992 qui vous a emmené au Tribunal aujourd’hui ?

4 R. Puisque nous ne sortions pas, le 25 mai,

5 c’était peut-être entre 9 h 00 et 10 h 00 du matin,

6 Monsieur Zoran Vukovic s’est présenté avec trois autres

7 personnes armées. J’ai ouvert la porte. Nous nous sommes

8 salués chaleureusement puisque nous nous connaissons bien.

9 Je lui ai dit d’entrer. Il m’a demandé qui était ici avec

10 moi. Il m’a expliqué de quoi il s’agissait. J’ai répondu

11 que non, il n’y avait personne d’autre, sauf ma famille,

12 bien sûr.

13 Alors, il a dit : « Toi et ton fils, vous devriez

14 faire une déclaration. » Par la suite, il n’y a rien eu

15 d’autre. Je suis allé me préparer, apporter des vêtements,

16 certains vêtements avec moi. Ils ont emmené un autre

17 morceau de papier et je n’ai même pas regardé ce morceau de

18 papier. Par la suite, mon épouse m’a dit… avant de nous

19 quitter, elle m’a dit que ce papier lui a été remis pour

20 dire que si quelqu’un venait la voir, de montrer ce papier

21 pour démontrer qu’il n’y aurait aucun autre problème, et

22 sur ce papier, il y avait la signature de Branic Osmic… de

23 Branic Cosic (se reprend l’interprète), c’est-à-dire de

24 Brano Cosic, pardon, et c’était donc sa signature. Alors,

25 ils se sont assis, et par la suite, deux d’entre eux ont

Page 2105

1 quitté avec Tapac, Izet (ph.), Tapac et son père, et nous

2 nous sommes dirigés vers deux véhicules.

3 Q. Je vous arrête un instant. Vous avez

4 mentionné le nom de Monsieur Zoran Vukovic. Si je

5 comprends bien, vous avez dit que vous le connaissiez

6 d’auparavant ?

7 R. Oui, oui, oui.

8 Q. D’où le connaissiez-vous et pendant combien

9 de temps vous le connaissiez ? Et parlez-nous de Zoran

10 Vukovic : Quelle était votre relation avec lui ?

11 R. La petite communauté de Foca n’est pas très

12 grande et les circonstances étaient telles qu’il avait

13 travaillé pendant un certain temps au centre de Pogon

14 Radjunik (ph.) Mladic et par la suite, il se servait des

15 véhicules de cette entreprise, Pogon, et il avait travaillé

16 pendant un certain temps dans mon service et c’est de cette

17 façon-là que je l’ai connu. On disait que j’étais le

18 meilleur mécanicien, j’étais un très bon mécanicien et on

19 me recherchait souvent et c’est de cette façon-là que nous

20 avons fait connaissance et c’est de cette façon-là qu’on se

21 connaissait.

22 Q. Zoran Vukovic qui est venu vous arrêter,

23 Monsieur, êtes-vous en mesure de le décrire pour nous ?

24 R. Oui. Il a des cheveux clairs, yeux clairs.

25 Il n’est pas très développé, bon, voilà, pas très costaud.

Page 2106

1 Q. Pourriez-vous reconnaître ce Zoran Vukovic

2 qui vous a arrêté si vous aviez à le revoir ?

3 R. Oui.

4 Q. J’aimerais que vous jetiez un coup d’oeil ici

5 dans ce prétoire et nous dire si vous voyez quelqu’un dans

6 le prétoire qui correspond à la description de cet homme.

7 R. Oui, je le vois.

8 Q. Dites-nous où il est assis dans ce prétoire.

9 R. Juste à côté du policier, du gardien.

10 Q. Très bien ! Est-ce que vous parlez du mur du

11 fond où il y a trois gardes de sécurité habillés en

12 chemises bleues, vêtus de bleu ?

13 R. À la dernière rangée.

14 Q. Bon. Très bien ! Maintenant, si vous

15 regardez à partir de la droite et si vous comptez donc les

16 personnes de droite à gauche, donc du côté le plus

17 rapproché des fenêtres, dans quelle chaise est-il assis ?

18 R. Il est assis au deuxième siège.

19 Q. Donc, la deuxième personne à partir des

20 fenêtres dans la rangée du fond : Est-ce que c’est exact ?

21 R. Oui.

22 Me RYNEVELD (interprétation) : Alors, pour le

23 compte-rendu, le témoin vient d’identifier Monsieur Zoran

24 Vukovic, l’accusé dans cette affaire.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

Page 2107

1 Me RYNEVELD (interprétation) :

2 Q. Est-ce que Monsieur Vukovic était seul ce

3 jour-là ou il était accompagné de quelqu’un ? Si je

4 comprends bien, il avait été accompagné de quelqu’un

5 d’autre. Est-ce que vous connaissez cet autre individu

6 avec qui il était ce matin-là ?

7 R. Eh bien, ce matin-là, d’après ce que j’ai pu

8 remarquer, il y avait Pipovic, Zelja, et la quatrième

9 personne, je n’ai pas pu la reconnaître.

10 Q. Donc, si je comprends bien, vous avez dit

11 plus tôt qu’après avoir eu un entretien avec vous, ils sont

12 allés chercher quelqu’un d’autre. Est-ce qu’il s’agissait

13 d’un voisin qui se trouvait soit dans le même immeuble ou

14 dans un autre immeuble ?

15 R. Non. De l’immeuble voisin. C’était un père

16 et un fils.

17 Q. Est-ce que vous savez si effectivement ils

18 sont allés chercher ce père et ce fils et s’ils vous ont

19 emmenés tous les quatre ensemble ?

20 R. Oui. Nous avons été emmenés ensemble dans

21 deux véhicules.

22 Q. De quelle façon avez-vous été emmené et où

23 avez-vous été emmené ?

24 R. Alors, deux par deux par véhicule et nous

25 avons pris la direction du centre de détention.

Page 2108

1 Q. Si je comprends bien, vous avez dit que vous

2 aviez un fils qui était âgé de 21 ans et il venait juste de

3 commencer l’université : Est-ce que c’est exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Il a été emmené avec vous. Est-ce que vous

6 étiez dans le véhicule conduit par Monsieur Vukovic ou par

7 quelqu’un d’autre ?

8 R. Je ne suis pas tout à fait certain, mais je

9 crois que j’étais avec Zoran.

10 Q. Lorsque vous étiez en route pour

11 l’établissement pénitentiaire, est-ce que vous avez passé

12 par le centre-ville ?

13 R. Oui.

14 Q. Avez-vous vu des soldats ou y avait-il

15 quelque chose qui se passait au centre-ville puisqu’on vous

16 a dit de rester à l’écart de cette zone ou du centre-ville

17 ? Est-ce que vous avez remarqué quelque chose pendant que

18 vous y passiez ?

19 R. Eh bien, vous savez, Foca était toujours

20 remplie de gens en tant que ville, il y avait également des

21 personnes armées. Donc, c’est tout à fait normal de voir

22 des gens armés.

23 Q. Y avait-il des personnes armées ?

24 R. Oui.

25 Q. Portaient-ils des uniformes ?

Page 2109

1 R. Oui, absolument.

2 Q. Que s’est-il passé lorsque vous vous êtes

3 rendu à l’établissement pénitentiaire ?

4 R. Eh bien, en arrivant à l’établissement

5 pénitentiaire, j’ai vu un très bon ami. (expurgé)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée),

9 c’est presque s’ils ne passaient tous les jours ensemble,

10 et lorsqu’il nous a vus, il nous a regardés et il est entré

11 au bureau à l’intérieur de l’immeuble.

12 Q. Très bien ! Maintenant, à l’intérieur de ce

13 centre pénitentiaire, est-ce que vous avez revu Zoran

14 Vukovic ?

15 R. Zoran Vukovic nous a accompagnés jusqu’à

16 cette salle d’interrogatoire.

17 Q. Très bien ! Maintenant, j’ai omis de vous

18 poser cette question plus tôt, mais je vais vous la poser

19 maintenant. De quelle façon était vêtu Monsieur Zoran

20 Vukovic ? Portait-il un uniforme ?

21 R. Il portait un uniforme de camouflage.

22 Q. Portait-il des armes sur lui ?

23 R. Oui, des fusils automatiques, des armes

24 automatiques… (l’interprète se reprend). Il portait un

25 fusil automatique.

Page 2110

1 Q. Est-ce que vous avez été en mesure de

2 reconnaître quel grade il détenait et quel était le genre

3 d’uniforme qu’il portait ?

4 R. Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne le

5 sais pas.

6 Q. Vous avez été donc emmené dans cette salle

7 d’interrogatoire. Par la suite, est-ce que vous avez été

8 emmené ailleurs après cette procédure, si on peut

9 l’appeler, d’enregistrement, si vous voulez ?

10 R. Ijat (ph.) a suivi. Par contre, dans cette

11 salle d’interrogatoire, il nous a fouillés pour voir si

12 nous avions quelque chose dans nos poches. Il a trouvé

13 deux boîtes de cigarettes sur moi. Il ne me les a pas

14 enlevées, il me les a remises, et par la suite, après nous

15 avoir fouillés tous les quatre, Zoran a dit qu’on devait se

16 rendre à la chambre numéro 16, et lorsque la porte de cette

17 chambre s’est ouverte, c’est Slavko Koroman qui nous a pris

18 en charge et c’est là que nous sommes allés.

19 Q. Lorsque vous vous êtes rendu à la chambre

20 numéro 16, est-ce que c’était une grande salle ?

21 R. La porte d’entrée de cette pièce numéro 16

22 est constituée d’un vestibule où on pouvait laisser nos

23 chaussures. Du côté droit de l’entrée, vous avez quelques

24 toilettes avec des pissoirs et c’est seulement par la suite

25 que l’on pénètre dans la salle de séjour, et à partir de

Page 2111

1 cette salle de séjour, on se dirige dans quatre chambres,

2 alors, deux de chaque côté de cette salle de séjour. Il y

3 avait une plus grande chambre d’un côté et une autre plus

4 petite de l’autre côté et c’est celle qui porte le numéro

5 16.

6 Q. Maintenant, Monsieur, si je comprends bien,

7 vous êtes en mesure de nous donner beaucoup de détails

8 concernant votre séjour au centre pénitentiaire. Je ne

9 veux pas vous poser des questions là-dessus à ce moment-ci,

10 peut-être plus tard, mais je vais vous poser des questions

11 d’ordre général concernant votre séjour dans cet

12 établissement pénitentiaire.

13 Donc, vous avez été enregistré le 25mai 1992. À

14 quel moment avez-vous quitté cette institution, c’est-à-

15 dire à quel moment est-ce que vous avez été libéré

16 finalement ? Donc, je ne parle pas d’une sortie.

17 R. C’était le 5 octobre 1994. Ils nous ont

18 emmenés par voiture jusqu’à Kula. C’est là que la Croix-

19 Rouge a pris nos noms, et par la suite, ils nous ont

20 emmenés sur le pont de l’unité Bratstvo e Jedintsvo et

21 c’est à ce moment-là que l’échange n’a pas eu lieu. Par la

22 suite, nous avons été ramenés sur Miljene (ph.).

23 Q. Par la suite, vous avez quitté au mois

24 d’octobre, n’est-ce pas ? Je veux dire vous avez été

25 libéré finalement au mois d’octobre ?

Page 2112

1 R. Oui, oui.

2 Q. Donc, si je comprends bien, vous avez passé

3 environ deux ans et demi au centre pénitentiaire à partir

4 du 25 mai 1992 jusqu’à la fin d’octobre 1994 ?

5 R. [Hochement de la tête]

6 Q. Pendant que vous y étiez, est-ce qu’on vous a

7 trouvé coupable de quelque offense que ce soit… est-ce

8 qu’on vous a reproché quelque offense que ce soit (se

9 reprend l’interprète) ?

10 R. Pendant toute cette période, j’ai été emmené

11 dans la salle d’interrogatoire, mais personne ne m’a

12 vraiment écouté, mais je n’étais accusé de rien non plus.

13 Ils n’avaient absolument aucune raison pour me charger de

14 quoi que ce soit.

15 Q. Cet établissement pénitentiaire était un

16 pénitencier à Foca avant la guerre ?

17 R. Oui. Par contre, le centre pénitentiaire, ce

18 KP Dom, était une prison.

19 Q. Ma question allait être la suivante : Est-ce

20 qu’on vous a donné quelque explication que ce soit

21 concernant la raison pour laquelle vous avez été gardé et

22 détenu dans ce centre pénitentiaire pendant deux ans et

23 demi ?

24 R. Non, jamais puisque moi, j’avais tout

25 compris. La raison était parce que j’étais Musulman.

Page 2113

1 Voilà ! C’est ma propre conclusion.

2 Q. À l’époque, étiez-vous un civil ?

3 R. Oui, pas seulement moi, mais presque tous.

4 Q. Cela me mène à ma question suivante : Y

5 avait-il d’autres hommes comme vous dans ce camp ?

6 R. Je n’ai pas très bien compris votre question.

7 Q. Je vais reprendre ma question. Donc, vous et

8 votre fils n’étiez pas les seuls détenus dans cette

9 prison : Est-ce que c’est exact ?

10 R. Non.

11 Q. Êtes-vous en mesure de nous donner une

12 évaluation en ce qui a trait au chiffre, au nombre de

13 Musulmans civils qui s’y trouvaient à n’importe quel

14 moment, en fait, pendant votre séjour ?

15 R. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre

16 exact, mais de temps en temps, par la fenêtre, on comptait

17 comme ça lorsqu’on nous emmenait de la salle, de cette

18 pièce jusqu’à la salle de réfectoire, donc on comptait,

19 mais on ne pouvait pas vraiment savoir exactement quel

20 était l’état ou quel était le nombre précis mais notre

21 évaluation était celle qui allait de l’ordre de 550 à 600

22 personnes.

23 Q. Est-ce que, d’après vos connaissances, il

24 s’agissait d’hommes musulmans ?

25 R. Oui.

Page 2114

1 Q. D’après les entretiens avec les autres

2 détenus, est-ce que leur situation ressemblait à la vôtre,

3 est-ce qu’ils avaient été choisis et emmenés là pour aucune

4 raison précise ?

5 R. Oui.

6 Q. De nouveau, Monsieur, ce n’est peut-être pas

7 le moment opportun de vous poser des questions spécifiques

8 concernant la vie ou le séjour à l’intérieur de cet

9 établissement de détention, mais si vous pouviez nous

10 raconter brièvement quelles étaient les conditions de vie

11 dans ce centre concernant la nourriture, l’hygiène, en

12 fait, le traitement général, de quelle façon est-ce qu’on

13 vous a traité ?

14 R. Les conditions n’étaient pas très bonnes. Je

15 crois que nous avons eu de la chance d’avoir eu quelques

16 équipements des occupants précédents, c’est-à-dire on avait

17 un peu de vêtements usagés, un peu de lames de rasoir qui

18 étaient restés des autres occupants. Donc, nous avons eu

19 de toutes petites quantités de ces moyens d’hygiène, mais

20 sinon, c’est tout. On ne recevait absolument rien.

21 La nourriture était absolument épouvantable. On a

22 presque survécu sur l’eau avec très peu de pain. Je crois

23 que je pesais environ 75 ou 76 kilos lorsqu’on m’a emmené

24 et lorsque je suis sorti 40 jours plus tard, je me suis

25 pesé et j’avais 59 kilos. Maintenant, les personnes qui

Page 2115

1 étaient très, très obèses, ces gens-là, leur condition

2 physique se détériorait encore plus que la mienne. C’était

3 vraiment terrible de voir un homme obèse qui tout d’un coup

4 avait perdu tout ce poids. Sa peau pendait sur lui comme

5 un sac.

6 Q. Est-ce que l’on pourrait dire qu’à part de la

7 qualité de la nourriture que vous avez décrite, la quantité

8 de nourriture qu’on vous donnait était également

9 insuffisante ?

10 R. [Inaudible]

11 Q. Monsieur, pendant que vous vous y trouviez,

12 est-ce que vous étiez libre de sortir : de partir et venir

13 de votre propre gré ? Je sais que la question semble être

14 peut-être un peu insignifiante, mais je dois vous la poser

15 quand même.

16 R. À part de ma propre volonté, je ne pouvais

17 pas quitter ou sortir par la porte, c’est-à-dire je ne

18 pouvais pas partir. Il aurait fallu que quelqu’un ouvre

19 cette porte.

20 Q. Pourquoi pas ?

21 R. Parce que j’étais enfermé sous clé. J’étais

22 donc détenu.

23 Q. Y avait-il des gardes ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce qu’ils portaient des armes ?

Page 2116

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous aviez peur qu’ils pouvaient

3 se servir de ces armes ?

4 R. Au début, oui, puisque au début, on avait

5 entendu pas mal de tirs. Surtout le soir sous nos

6 fenêtres, on entendait des coups de feu. Par la suite, ça

7 s’est éteint et vers la fin, les deux derniers mois, on

8 n’entendait presque plus rien… (l’interprète se reprend).

9 Quelques mois plus tard, on n’entendait presque plus rien.

10 Q. À part des portes fermées à clé, y avait-il

11 d’autres installations pour garder les gens à l’extérieur

12 ou à l’intérieur plutôt, c’est-à-dire y avait-il du fil

13 barbelé, y avait-il des murs ?

14 R. Eh bien, c’était une prison. Il y avait un

15 mur très haut. Par la suite, il y avait un fil barbelé qui

16 se trouvait sur le dessus de ce fil, et sur chacun de ces

17 murs, il y avait une petite guérite pour les gardiens qui

18 pouvaient observer les gens, et après mon arrivée à

19 l’établissement pénitentiaire, peut-être 10 jours plus

20 tard, il y a eu une unité de soldats qui se sont présentés.

21 En fait donc, ces soldats ont miné de l’intérieur jusqu’au

22 mur externe de ce centre. Donc, ils ont miné toute cette

23 région, et par la suite, à l’extérieur, il y avait un nid

24 de mitrailleuses avec des sacs de sable.

25 Q. Donc, dois-je comprendre que le périmètre

Page 2117

1 interne ou intérieur de ce mur était également miné pour

2 que les gens n’essaient pas de passer par-dessus ce mur ?

3 R. Absolument pas.

4 Q. Donc, si j’ai bien compris, c’était bien

5 l’intérieur de la cour de cette prison qui était miné et

6 non pas l’extérieur. Est-ce que j’ai bien compris ?

7 R. Oui.

8 Q. C’était simplement pour préciser.

9 Maintenant, Monsieur, vous êtes mécanicien. Vous nous avez

10 dit que vous êtes un très bon mécanicien, que vous étiez

11 très bien perçu en tant que tel. Est-ce que cela s’est

12 poursuivi pendant que vous étiez à l’intérieur du centre

13 pénitentiaire ?

14 R. Oui. Une quarantaine de jours plus tard,

15 tout le monde savait que j’étais un très bon mécanicien,

16 c’est-à-dire le meilleur dans ma ville, plus précisément

17 concernant les véhicules lourds et donc ils m’ont transféré

18 dans le département qui s’affaire aux réparations, dans le

19 département du métal.

20 Q. Qu’est-ce qu’on vous a demandé de faire

21 lorsque vous avez été transféré dans ce département de

22 maintien ?

23 R. Eh bien, ils m’ont demandé de faire tout ce

24 qu’il fallait faire, c’est-à-dire de changer l’huile, de

25 réparer, de laver les voitures, enfin, de faire tout ce

Page 2118

1 qu’il fallait faire pour assurer la maintenance de ces

2 véhicules.

3 Q. Avez-vous jamais été payé pour ce genre de

4 travail lorsque vous étiez à l’établissement pénitentiaire

5 ?

6 R. Non. C’était un travail forcé. Donc, je

7 n’étais certainement pas rémunéré.

8 Q. Est-ce que cela vous a passé à l’esprit de

9 refuser de faire du travail ?

10 R. Non, absolument jamais.

11 Q. Pourquoi pas ?

12 R. Eh bien, probablement parce que ça aurait été

13 ma fin puisque, de toute façon, avant cela j’avais entendu

14 dire que les gens étaient emmenés même pour un mot de

15 travers, on les emmenait et ils ne revenaient plus jamais.

16 Q. Bon. Très bien ! Maintenant, Monsieur,

17 pendant que vous travailliez à la maintenance de ces

18 véhicules, est-ce qu’il vous est arrivé de voir Zoran

19 Vukovic, cet homme que vous avez identifié dans ce prétoire

20 ?

21 R. Oui, il venait.

22 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment vous

23 l’avez vu pour la première fois ?

24 R. Il venait avec des véhicules lourds avec le

25 propriétaire, Sahinpasic, Senad.

Page 2119

1 Q. Reconnaissez-vous ce camion ?

2 R. Oui, absolument.

3 Q. Donc, Senad Sahinpasic, est-ce qu’il était

4 Musulman ?

5 R. [Hochement de la tête]

6 Q. Comment se fait-il que Zoran Vukovic

7 conduisait son camion ou le camion de ce dernier ?

8 R. Bien, je ne sais pas. Il avait probablement

9 quitté Foca et ce dernier aurait sûrement trouvé ce

10 véhicule et c’est la raison pour laquelle il le conduisait.

11 Q. De toute façon, Monsieur Vukovic s’est

12 présenté au centre correctionnel ou pénitentiaire avec ce

13 véhicule, n’est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous avez eu des entretiens avec

16 Zoran Vukovic à ce moment-là ?

17 R. Oui. À cette occasion-là, nous avons échangé

18 quelques paroles. Je lui ai dit : « Bon bien, très bien,

19 puisque tu m’as déjà emmené ici, essaie au moins de sortir

20 ma femme », et il a fait un commentaire et il m’a dit :

21 « Elle a déjà essayé une fois, mais elle n’a pas réussi »,

22 et c’était la fin de cette conversation.

23 Q. Maintenant, est-ce que vous savez ce qui

24 s’est passé avec votre femme pendant que vous étiez au

25 centre pénitentiaire ?

Page 2120

1 R. Pendant très longtemps, elle s’attendait à ce

2 que cette situation se résolve et elle avait, en fait,

3 envoyé ma fille avec les voisins. Elle pensait que cela

4 n’allait durer que quelques mois et que cela se résoudrait

5 par la suite et je crois qu’elle était peut-être une des

6 dernières à quitter Foca, une des dernières Musulmanes à

7 quitter Foca.

8 Q. Bon. Très bien ! Maintenant, je vais vous

9 poser la question suivante : À quel moment est-ce que vous

10 avez revu votre femme et votre fille de nouveau ?

11 R. C’était en 1995, le 15 mars.

12 Q. Très bien ! Si je comprends bien, vous

13 l’avez vue dans un pays étranger : Est-ce que c’est exact

14 ?

15 R. Oui.

16 Q. Merci. Nous allons revenir maintenant à cet

17 atelier de réparation. Vous nous avez dit tout à l’heure

18 de l’occasion du premier incident où Monsieur Vukovic était

19 venu avec son véhicule. Pourriez-vous nous dire si

20 d’autres véhicules étaient venus en réparation pendant que

21 vous travailliez là-bas ?

22 R. Oui, des véhicules de cet établissement de

23 détention et des véhicules qui auraient dû être déjà

24 réparés. Mekic Nusret et Nuav (ph.) étaient venus avec un

25 petit véhicule TAM qui devait avoir un moteur déjà réparé à

Page 2121

1 la veille de la guerre, et ce véhicule-là aussi était venu,

2 enfin, avait été amené dans ce centre de détention.

3 Q. Avez-vous vu des véhicules ou plutôt un

4 véhicule qui semblait avoir des marchandises volées ?

5 R. Oui. C’est le petit véhicule TAM qui

6 appartenait à l’établissement de détention.

7 Q. Je vous remercie. Permettez-moi de

8 reformuler ma question : Est-ce que vous saviez que les

9 véhicules amenaient des marchandises volées et que ces

10 véhicules-là se rendaient à l’établissement de détention ?

11 Pouvez-vous nous dire quelque chose là-dessus ?

12 R. Oui. Dès le début, le collègue Goljanin qui

13 avait été une sorte de chef de ce département et à

14 plusieurs reprises, je ne saurais vous dire combien de fois

15 exactement, avait emmené des gens, enfin, des nôtres pour

16 démonter des machines, des machines, je crois, de

17 menuiserie qui devaient être démontées à partir d’ateliers

18 appartenant à des Musulmans.

19 Cela est arrivé à plusieurs reprises et en outre,

20 ce que vous venez de dire à propos de ces marchandises,

21 Hanalic avait une sorte de magasin de réparation, de

22 serrurier, tourneur ajusteur et il avait beaucoup

23 d’équipements chez lui et la petite TAM a dû faire

24 plusieurs navettes pour ramener ces marchandises.

25 Q. Donc, il s’agissait d’objets ayant appartenu

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1 à un Musulman, si j’ai bien compris ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous vous rappelez de quelque

4 événement au sujet d’un kiosque ?

5 R. Oui.

6 Q. Pouvez-vous nous relater la chose ?

7 R. Il s’agissait d’un kiosque qui appartenait à

8 un collègue, Olibasic, Mahmut (ph.), et sa maison se

9 trouvait près de la station d’essence et le kiosque en

10 question avait déjà été terminé avant les conflits. Il

11 avait été destiné à l’ouverture d’un petit commerce. On

12 avait trouvé ce kiosque. Ils sont allés le chercher avec

13 un remorqueur et ils l’avaient amené et cela est resté dans

14 le centre de détention après que nous ayons été échangés.

15 Q. Fort bien ! Je pense que vous nous avez

16 donné un résumé de ce que vous avez dû faire dans ce centre

17 de détention. Est-ce qu’on vous avait fait sortir à

18 quelques occasions pour vous emmener à un autre endroit

19 pour des tâches de réparation ?

20 R. Oui, on m’a fait sortir. Je me suis rendu en

21 ville, mais j’étais toujours accompagné. Quand un véhicule

22 tombait en panne, on m’emmenait jusque là-bas, jusqu’à mon

23 ex-société, mais toujours accompagné et on m’avait toujours

24 escorté pour faire ces interventions.

25 Q. Pouvez-vous nous raconter quoi que ce soit au

Page 2123

1 sujet de votre départ vers Miljevina, localité que vous

2 nous aviez mentionnée sur la route de Foca ? À quelle

3 distance se trouve Miljevina de Foca, une cinquantaine de

4 kilomètres ?

5 R. Non. Quelques 18 kilomètres à peu près.

6 Q. Fort bien ! Donc, vous avez quitté le centre

7 de détention et vous avez été escorté jusqu’à Miljevina ?

8 R. Oui.

9 Q. Que vous a-t-on demandé de faire lorsque vous

10 êtes arrivé là-bas ?

11 R. On m’a demandé d’entretenir cette

12 mécanisation de travaux en surface. Il s’agissait

13 d’excavation en surface en mines et il s’agissait

14 d’entretenir cette mécanisation lourde d’excavation et

15 j’avais l’habitude d’aller entretenir ces véhicules-là à

16 l’époque où je travaillais à l’atelier d’entretien.

17 Q. Je comprends. Vous a-t-on payé pour ces

18 tâches-là à quelque occasion que ce soit ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que vous avez envisagé la possibilité

21 de refuser ?

22 R. Non. Je n’en avais nulle intention.

23 Q. Aviez-vous le choix de faire quoi que ce soit

24 ?

25 R. Non, il n’y avait pas de choix. Soit on

Page 2124

1 travaillait, soit on… et en une occasion, les gens avaient,

2 par exemple, des troubles à l’estomac parce que la

3 nourriture était déjà mauvaise pour midi ou au dîner et les

4 gens qui avaient l’estomac sensible avaient des diarrhées,

5 et toute la nuit, cela faisait en sorte que les gens se

6 déshydrataient. Et lorsqu’il s’agissait d’aller

7 travailler, on interpellait untel, deux ou trois personnes,

8 mais ces personnes ne pouvaient pas se lever. Alors,

9 certains disaient : « Amène-le moi, on va le faire ramper

10 jusqu’à son poste de travail, mais il ira travailler quand

11 même. » Par conséquent, donc vous pouvez voir qu’il

12 fallait aller travailler.

13 Q. Avez-vous jamais vu ce qui se passait avec

14 ces gens lorsqu’ils étaient contraints au travail ?

15 R. Je n’ai pas vu, mais je peux imaginer qu’ils

16 devaient aller à quatre pattes après ce travail.

17 Q. À combien de reprises vous a-t-on emmené vers

18 Miljevina de ce centre de détention pour travailler ?

19 R. Je ne saurais vous le dire exactement, mais

20 je crois que je suis allé là-bas trois ou quatre fois.

21 Q. À chacune de ces occasions, est-ce que vous

22 restiez un bout de temps ou vous partiez, vous passiez la

23 nuit et reveniez ?

24 R. Eh bien, on m’emmenait de ce centre de

25 détention. On me prenait comme une espèce d’outil contre

Page 2125

1 un papier émis par le commandement que l’on amenait au

2 centre de détention, et partant de ce papier, on me

3 laissait sortir et en fonction des besoins à Miljevina,

4 tant qu’on avait besoin de moi, on ne me faisait pas

5 revenir ou alors, si on ne pouvait pas réparer quelque

6 chose au centre de détention, on me faisait revenir, mais

7 je devais rester 20, 25 jours, des fois plus d’un mois sur

8 place et on me gardait dans un poste de police. Certains

9 venaient me chercher et forcément quelqu’un devait me

10 raccompagner par la suite.

11 Q. On vous gardait dans une cellule de ce poste

12 de police ?

13 R. Non. J’étais dans une pièce où il y avait

14 une espèce de sofa et je crois que cela avait été

15 intentionnel parce que mon enfant se trouvait au centre de

16 détention. Donc, je n’osais rien faire, je n’osais rien

17 essayer, parce que nos forces tenaient la localité de Rogoj

18 et j’aurais éventuellement pu sauter par la fenêtre et

19 arriver jusqu’à Rogoj.

20 Q. Vous n’êtes pas parti, vous ne l’avez pas

21 fait : Pourquoi ?

22 R. Eh bien, ils avaient mon fils en otage.

23 Q. Je vous comprends. Monsieur, pendant que

24 vous étiez à Miljevina, avez-vous eu l’occasion de

25 remarquer ce qui se passait à Miljevina, en ville ou dans

Page 2126

1 la région ou voire même au niveau du motel ?

2 R. Eh bien, juste après mon départ pour

3 Miljevina, les combats avaient déjà atteint une phase

4 avancée parce que je suis allée là-bas pour la première

5 fois en décembre déjà. On pouvait remarquer que la

6 population serbe amenait beaucoup de marchandises pillées

7 des localités de Leca (ph.), et enfin, ce genre de

8 marchandises.

9 Q. Quelle avait été la composition de la police

10 de Miljevina ? Vous avez dit que Pero Elez avait pris en

11 charge le poste de police et s’était débarrassé de tous les

12 policiers musulmans. Avez-vous rencontré Pero Elez à

13 Miljevina ainsi que ses hommes dans cette période ?

14 R. Moi, j’avais été emmené en date du 3 décembre

15 1992 et j’ai vu Pero Elez ce soir-là seulement. Lorsque

16 Pero m’avait emmené dans l’après-midi et le soir, il était

17 revenu, ledit Pero, l’un des frères Samardzic et Pero. Ils

18 portaient des bouteilles de bière et des assiettes avec un

19 rôti, et comme il me connaissait bien, il m’avait demandé

20 comment ça allait et il m’avait demandé où était ma

21 famille. Il m’avait proposé de manger. Je lui ai dit :

22 « Non, non, je ne peux pas manger ni boire. »

23 Il avait pris de l’embonpoint et il avait une

24 barbe de plusieurs jours. Il avait une toque monténégrine

25 avec des pendentifs et des armes et je n’ai plus revu Pero

Page 2127

1 par la suite et il avait eu un accident juste après, il me

2 semble. Son revolver était tombé et puis il est mort

3 ainsi. Je crois que c’était en date du 12 ou 13 décembre.

4 D’autres personnes ont pris en charge le poste de

5 police. D’autres ont pris le commandement au niveau du

6 motel et ainsi de suite.

7 Q. Parlons maintenant du commandement au niveau

8 du motel. D’abord, le 3 décembre, lorsque vous aviez vu

9 Pero Elez, vous avez dit qu’il avait une toque monténégrine

10 avec des pendentifs. Quel était l’uniforme qu’il portait

11 et quels étaient les insignes qu’il avait ?

12 R. Eh bien, j’avais un peu peur de ces uniformes

13 bigarrés. Je n’ai pas trop prêté attention.

14 Q. Pourriez-vous nous dire quoi que ce soit

15 concernant le groupe de personnes qu’il dirigeait à

16 l’époque ? Est-ce qu’il y avait quelque chose de commun,

17 enfin, dans ce groupe et de différent par rapport aux

18 autres ?

19 R. Eh bien, dans cette localité de Miljevina, il

20 y avait une formation correspondant à un bataillon et dans

21 cette formation, il y avait une compagnie à part. Il y

22 avait donc des personnes triées qui accomplissaient des

23 tâches qu’on estimait qu’elles étaient capables de faire.

24 Ils avaient des uniformes spécifiques.

25 Q. Allez-y, allez-y, continuez.

Page 2128

1 R. Ils avaient sur leurs manches une brodure,

2 enfin, un texte brodé, « Vojvoda Gingilo », et des insignes

3 que je n’ai pas reconnus.

4 Q. Vojvoda Gingilo, ça signifie quelque chose ?

5 Est-ce que l’on peut traduire ? C’est peut-être une

6 question aux interprètes. Est-ce que vous savez nous dire

7 ce que cela signifie ?

8 R. Non. C’est ce que j’ai lu. Je ne sais pas

9 ce que cela veut dire. J’ai lu ce que j’ai pu lire.

10 Q. Fort bien ! Y avait-il d’autres insignes,

11 des animaux ou des oiseaux reproduits sur ces emblèmes,

12 exception faite de cette appellation Vojvoda Gingilo ?

13 R. Eh bien, à l’époque, ils utilisaient, je ne

14 sais pas trop, pas mal d’insignes. Il y avait deux aigles.

15 Enfin, tous les insignes existant jusque là avaient disparu

16 et on voyait AP, par exemple, et on enlevait les insignes

17 précédents sur les couvre-chefs et on mettait d’autres

18 insignes, de nouveaux insignes.

19 Q. Cette étoile de l’ex-JNA, vous avez dit qu’il

20 s’agissait des uniformes de la JNA et que l’on revêtait de

21 nouveaux insignes, de nouveaux emblèmes ?

22 R. Je ne saurais vous le dire.

23 Q. Bien ! Monsieur, pendant que vous étiez à

24 Miljevina, est-ce que vous avez eu vent d’une maison qui

25 appartenait à un certain Karaman ?

Page 2129

1 R. Oui.

2 Q. Il était Musulman, n’est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Quand vous êtes arrivé à Miljevina, est-ce

5 que l’on vous a raconté que Monsieur Karaman s’y trouvait

6 encore ou alors sa maison était-elle utilisée par d’autres

7 personnes à d’autres fins ?

8 R. Eh bien, à mon arrivée dans ce poste de

9 police en 1992, le 3 décembre, il faisait très beau, par

10 exemple, ce jour-là, et Nikola Rasic que je connaissais

11 bien, qui avait été policier et qui avait été mis en

12 retraite juste avant la guerre, il n’osait rien commenter

13 pendant que Pero était là.

14 Il avait demandé : « Que voulez-vous que je fasse

15 avec lui », et l’autre lui a dit : « Installe-le avec

16 Cadzo. » Il ne savait même pas qui était Cadzo. Il ne

17 savait pas où m’installer. Alors, il leur a dit :

18 « Apportez-nous à manger du motel et tous les jours,

19 quelqu’un viendra le chercher et tous les soirs, quelqu’un

20 le ramènera. » C’était l’ordre qui avait été délivré. Il

21 s’est assis dans sa Golf et il est parti.

22 Nikola avait été surpris après son départ, étant

23 donné que nous nous connaissions bien et il m’avait

24 demandé : « Comment se fait-il que tu sois là ? Où est ton

25 fils ? », parce que sa fille à lui et mon fils avaient été

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1 ensemble à l’école et j’ai commencé à lui raconter qu’il se

2 trouvait au centre de détention et le soir commençait à

3 tomber.

4 Alors, il m’a dit : « Va dans la pièce. Je vais

5 amener à manger. » Il y avait des bois à côté et il avait

6 rangé cela à côté du poste et quelqu’un l’avait suivi. Je

7 pense que c’était le Cadzo. Nous sommes entrés dans cette

8 pièce. Nikola nous a enfermés à clé et il est parti dîner

9 et nous avions échangé quelques paroles.

10 Il m’avait demandé qui j’étais. J’en ai fait de

11 même quand il m’avait dit que son père était Kurtovic et

12 que sa mère s’appelait Suljus et sa soeur avait épousé un

13 certain Zelovic. Il était une sorte de bonne à tout faire

14 dans ce poste. Il était homme, enfin, de courses et il

15 faisait des sauts jusque chez sa sœur pour se faire laver

16 des affaires et c’est lui qui m’a raconté que sa sœur lui

17 avait raconté des choses à propos de la maison de Karaman

18 et des gens qui y habitaient et qu’on y amenait des jeunes

19 filles musulmanes et dans le motel.

20 Q. Vous a-t-on raconté quelle avait été la

21 finalité de cette collecte de filles musulmanes vers cette

22 maison ?

23 R. On sait pourquoi. Il s’agissait donc de

24 mauvais traitements sexuels notamment et rien d’autre.

25 Q. Pendant que vous étiez à Miljevina, est-ce

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1 que vous avez pu apprendre ou savoir si des appartements

2 musulmans se trouvaient à proximité du poste de police de

3 Miljevina ?

4 R. Oui. Nous nous trouvions juste à côté d’un

5 immeuble où il y avait eu plusieurs logements musulmans et

6 comme on entrait dans cet immeuble du côté où se trouvait

7 la fenêtre de la pièce où je dormais, je ne sais plus si

8 c’était le deuxième et le troisième ou le troisième et le

9 quatrième étage, je n’en suis pas certain, il y avait là

10 deux frères qui vivaient, des Samardzic, qui avaient été

11 emprisonnés avant la guerre, Nikola et Nedzo, et alors, ils

12 avaient aussi chacun une jeune fille musulmane avec eux.

13 Q. Étaient-ils Serbes ou Musulmans ?

14 R. Serbes.

15 Q. Vous croyez savoir qu’il y avait des jeunes

16 filles musulmanes dans cet appartement ?

17 R. Oui. Je viens de vous dire qu’il y avait

18 deux Musulmanes avec.

19 Q. Oui, je comprends. Vous avez pu les voir de

20 là où vous vous trouviez ?

21 R. Oui. Quand il faisait beau, je n’osais pas

22 contacter par la fenêtre, mais j’ai pu les voir à la

23 fenêtre debout.

24 Q. Fort bien ! Pendant que vous étiez au poste

25 de police de Miljevina, avez-vous pu écouter la radio de

Page 2132

1 temps en temps ?

2 R. Oui. Dans ce centre de détention, nous

3 n’avons pas eu l’occasion de le faire et quand on a eu

4 l’occasion de le faire, c’était en cachette parce que nous

5 étions tous artisans, nous savions faire…

6 Me RYNEVELD (interprétation) : Je ne reçois pas

7 de traduction dans mes écouteurs en ce moment.

8 Q. Pendant que vous le faisiez, est-ce que vous

9 avez appris que le nom de Foca avait été changé et que ça

10 s’appelait Srbinje désormais ?

11 R. Oui. Nikola, qui était un homme assez bon,

12 très droit et il nous apportait sa propre radio quand il

13 était de service et c’est là que nous avons pu écouter la

14 radio et apprendre, enfin, ce qui se passait et une

15 histoire a circulé. On parlait d’une interview relative à

16 l’examen de l’appellation de la ville à l’assemblée

17 municipale et beaucoup de personnes avaient accepté ce nom

18 de Srbinje et il y avait des gens qui s’y étaient opposés

19 et l’assemblée a fini par adopter ce changement

20 d’appellation, ce qui fait que Foca est devenue Srbinje.

21 Mais on remarquait bien qu’il y avait même des

22 citoyens de chez eux, enfin, des leurs qui étaient

23 révoltés. En allant vers Kosavina ou en revenant, on

24 pouvait voir que quelqu’un avait barré avec une peinture

25 noire l’inscription « Srbinje ». Donc, même eux n’étaient

Page 2133

1 pas tous d’accord avec ce changement d’appellation de

2 Srbinje.

3 Q. En fait, lorsque vous reveniez vers Foca,

4 vers cet établissement de détention, suite à l’incident

5 relatif au changement d’appellation, est-ce que vous avez

6 pu remarquer les inscriptions où on a barré « Foca » et on

7 avait mis « Srbinje » ?

8 R. Non. Ils avaient changé les panneaux

9 d’inscription tout de suite.

10 Q. Lorsque vous traversiez Foca pour rentrer,

11 vous avez vu d’autres maisons incendiées aussi ?

12 R. Certes, pratiquement pendant toute cette

13 période de détention, et la chose était devenue plus rare

14 avant que nous ne partions. Mais pendant toute cette

15 détention, on pouvait voir une, deux, trois maisons

16 d’incendiées.

17 Q. D’après vos connaissances relatives à Foca

18 puisque vous y avez vécu pendant 20 ans environ, vous

19 sauriez peut-être nous dire à qui appartenaient les maisons

20 détruites, non pas par leurs noms mais du fait de

21 l’appartenance ethnique ?

22 R. Il est facile de répondre. C’était à 99 pour

23 cent des maisons musulmanes. On peut compter ça et là

24 quelques maisons serbes. On a peut-être incendié quelques-

25 unes des maisons serbes accidentellement, mais à 99 pour

Page 2134

1 cent, c’est des maisons musulmanes.

2 Q. Qu’est-il advenu des mosquées de Foca ?

3 Avez-vous remarqué ce qu’il était arrivé à ces mosquées ?

4 R. Les mosquées que j’avais pu voir moi-même, la

5 Careva (ph.) dzamija avait été incendiée avant que je n’aie

6 été emmené. Il est resté la mosquée Aladza, celle de la

7 gare routière, mais je sais que la mosquée Careva a été

8 incendiée avant que je n’aie été emmené vers

9 l’établissement pénitentiaire. Mais j’ai appris par la

10 suite qu’on avait miné les autres ultérieurement.

11 Q. Alors, la mosquée Aladza, est-ce que vous

12 savez ce qui lui est arrivé ?

13 R. Oui. Elle avait été minée. Je ne sais pas

14 exactement quand, mais en une occasion, on m’avait fait

15 sortir pour charger des affaires près du pont Cehotina et

16 j’ai remarqué à ce moment que la mosquée de Aladza

17 n’existait plus, qu’elle avait été rasée et c’est tout ce

18 que je pourrais dire à propos de cette mosquée. Les

19 matériaux de construction ont été transportés plus bas,

20 enfin, en contrebas de ce centre de détention où je m’étais

21 trouvé et ailleurs.

22 Q. Avez-vous pu voir en une occasion quelconque

23 quoi que ce soit de propre à cette mosquée Aladza à

24 proximité du centre de détention près de la rivière ?

25 R. Je sortais souvent jusqu’aux fourgonnettes

Page 2135

1 garées qui se trouvaient derrière la route sur le parking

2 et c’est à peu près là que l’on déversait tous les restes.

3 Et comme il n’y avait pas assez de pièces, je devais

4 enlever des pièces détachées de vieilles fourgonnettes et

5 j’ai vu des blocs de mosquée. J’ai vu trois piliers avec

6 les reliefs, et avec Sefko Kubat (ph.), nous avons chargé

7 ces trois piliers peints en vert et les avons amenés vers

8 la cour.

9 Q. Bien !

10 Me RYNEVELD (interprétation) : Madame la

11 Présidente, je regarde la montre et je crois pouvoir vous

12 dire qu’il me faut encore 15 minutes pour l’interrogatoire

13 principal. Je propose de reprendre demain et je voudrais

14 informer les juges que nous avons envisagé deux témoins

15 seulement pour aujourd’hui et demain et il se peut que nous

16 finissions demain un peu avant l’heure.

17 Nous ne voulons pas risquer le fait d’amener un

18 autre témoin qui est victime et d’entamer pendant une heure

19 ou deux, puis de le garder quatre jours pendant les

20 journées fériées. Je m’excuse si nos calculs ont été

21 erronés pour ce qui est de la durée de l’interrogatoire et

22 du contre-interrogatoire de ce témoin, mais je pense que

23 nous allons probablement terminer dans la matinée avec ce

24 témoin et je ne sais pas quel est le temps nécessaire pour

25 nos collègues quant au contre-interrogatoire.

Page 2136

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, c’est

2 votre dernier témoin ?

3 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Nous allons

5 interrompre maintenant et reprendre demain à 9 h 30.

6 --- L’audience est levée à 16 h 00

7 pour reprendre le jeudi

8 20 avril 2000 à 9 h 30

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