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1 (Lundi 20 novembre 2000.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 32.)
4 Mme Lauer: Affaire IT-96-23-T et IT-96-23/1-T, le Procureur contre
5 Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic. Ulica Osmana Dikica
6 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour. Je suppose que les
7 compositions des équipes sont les mêmes qu'auparavant. Votre équipe se
8 compose de la même façon, Monsieur Ryneveld, et pour la défense également.
9 Ce matin, M. le Juge Pocar est absent pour des raisons exceptionnelles
10 urgentes. C'est la raison pour laquelle nous allons opérer en vertu du
11 15bis. Nous allons consacrer cette audience aux réquisitoires et
12 plaidoiries. Nous commencerons par le réquisitoire de l'accusation.
13 (Réquisitoire de Mme Uertz-Retzlaff.)
14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous remercie, Madame la
15 Présidente.
16 Madame la Présidente, Monsieur le Juge, le 20 mars 2000, jour de début du
17 procès, mon collègue, M. Ryneveld, vous a dit que cette affaire portée
18 contre l'accusé Kunarac, l'accusé Kovac et l'accusé Vukovic n'est pas une
19 affaire de viols comme dans des tribunaux nationaux. Nous parlons ici de
20 crimes qui relevaient d'une politique de nettoyage ethnique, une politique
21 qui a fait que des civils non serbes, hommes et femmes, ont souffert dans
22 toutes les municipalités de Foca, Gacko et Kalinovik.
23 Huit mois après les déclarations liminaires, nous avons entendu les
24 dépositions de 31 témoins à charge, dont 16 avaient été victimes de viols.
25 24 témoins de la défense sont venus déposer dont l'accusé Kunarac. Nous
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1 avons également entendu trois experts militaires et six experts en
2 médecine et en psychologie.
3 Mes collègues, M. Ryneveld et Mme Kuo, ainsi que moi-même allons vous
4 soumettre les faits qui, de l’avis de l’accusation, ont été prouvés au
5 cours de cette présentation de moyens de preuve; puis nous vous dirons
6 comment l'accusation applique le droit à ces faits ainsi circonscrits et
7 puis nous parlerons des sanctions qu'il faut appliquer, vu le comportement
8 et la conduite de l'accusé.
9 Nous n'allons pas répéter ce que nous avons dit dans notre mémoire
10 définitif. Il est inutile de revenir sur tous les détails que nous avons
11 entendus au cours de la présentation des moyens de preuve. Nous allons
12 plutôt dresser la cadre de nos thèses d’accusation et mettre en lumière
13 certains des litiges ainsi que des preuves documentaires et matérielles
14 substantielles qui ne laissent aucun doute. L'accusé Kunarac, l'accusé
15 Kovac…
16 Mme Lauer: Parlez beaucoup plus lentement de façon à ce que les débats
17 soient retranscrits de façon correcte en BCS et en français, s'il vous
18 plaît.
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Tout le monde s'accorde à dire qu'il
20 y avait conflit armé en Bosnie-Herzégovine à l'époque. A l'occasion de ce
21 procès, nous n'avons pas eu à répondre à la question de savoir qui a
22 déclenché la guerre, qui en est responsable. Nous laisserons cette
23 responsabilité aux historiens. Ce n'est pas une responsabilité qui incombe
24 aux Juges. La défense conteste que les infractions soient liées à ce
25 conflit armé et faisaient partie ou relevaient d'une attaque généralisée,
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1 systématique, dirigée sur la population non serbe civile.
2 Nous allons parler du contexte dans lequel ces crimes ont été commis.
3 Avant le mois d'avril 1992, la ville de Foca était une communauté qui
4 avait une population mixte et se situait sur les rives de la Drina, dans
5 le sud-est de la Bosnie-Herzégovine.
6 La municipalité de Foca comptait quelque 40.513 habitants dont la plupart
7 étaient des Musulmans. Les témoins à charge comme à décharge ont établi
8 par leurs dépositions que la prise de pouvoir politique et militaire de la
9 municipalité de Foca par les forces serbes avait commencé le 8 avril 1992
10 et s'était terminée le 16 ou le 17 avril 1992. Les témoins à charge et à
11 décharge vous ont dit que, dès la prise de pouvoir par les forces serbes
12 de Bosnie de certains quartiers de la ville, ces soldats avaient commencé
13 à arrêter tous ceux qui n'étaient pas serbes. Plusieurs témoins sont venus
14 vous dire comment, en compagnie de centaines d’autres civils musulmans,
15 ils avaient été arrêtés, dès le 14 avril 1992, pour être par la suite
16 détenus dans les camps de Livade et KP Dom, à l’école secondaire de Foca
17 ainsi qu'au centre sportif des partisans, dans des conditions de vie
18 inhumaines et ceci pendant de très longues périodes, allant même parfois
19 jusqu'à plus de deux ans et demi.
20 Jusqu'à la mi-juillet 1992, les forces serbes ont continué à procéder à
21 des rafles, à arrêter tous ceux qui n'étaient pas serbes dans les villages
22 environnants de la municipalité. C'était un schéma qui se représenta à
23 chaque fois. Les forces serbes exigeaient d’abord des villageois qu’ils
24 livrent leurs armes dont ils étaient propriétaires et, une fois cela fait,
25 ces soldats serbes attaquaient les villages sans défense. Ces attaques sur
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1 des villages sans défense étaient reliées, sans en faire partie
2 intégrante, au conflit armé qui régnait dans la région. Au moment où se
3 produisent ces attaques, la municipalité de Foca et les villages
4 particulièrement attaqués se trouvaient déjà sous le contrôle des Serbes.
5 Il n'y avait aucune raison de lancer des attaques.
6 Au cours des premiers mois qui suivirent l'irruption de la guerre, le
7 déclenchement de la guerre, les foyers musulmans, les sites de culte ont
8 été intentionnellement détruits, comme vous l'ont dit les témoins. Les
9 maisons musulmanes de la localité de Donje Polje ainsi que les onze
10 mosquées de Foca ont été incendiées intentionnellement après que les
11 combats ont cessé. Et, quelquefois, il y avait même la présence de
12 véhicules de la caserne des pompiers. Cette présence de véhicules des
13 pompiers montre bien que ce qui s’est passé dans les mosquées et dans les
14 quartiers musulmans n'était pas des actes isolés de vandalisme mais
15 faisait partie d’une politique délibérée de nettoyage ethnique. Même si
16 les autorités serbes de Foca, une fois arrivé la fin du mois d’avril ou le
17 début du mois de mai 92, ont déclaré publiquement que la situation était
18 revenue à la normale, il a été impossible pour les Musulmans de réintégrer
19 leur emploi. Le déplacement de la population musulmane et surtout des
20 hommes était limité. Les femmes musulmanes devaient se dissimuler dans des
21 vêtements noirs pour ressembler à des Serbes et pouvoir ainsi sortir. Les
22 Musulmans de Foca vivaient dans la peur constante, surtout lorsqu'il était
23 devenu notoire que les civils musulmans étaient assassinés et ciblés. Même
24 les témoins à défense sont venus vous dire que les Musulmans avaient
25 besoin d’aide et de protection de la part de leurs amis serbes. La police,
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1 elle, ne protégeait pas la population musulmane. Au contraire, elle
2 tolérait les violences dirigées contre les Musulmans.
3 En juillet 1992, le témoin 183 a été emmenée de l'appartement qu'elle
4 occupait à proximité du poste de police, par l'accusé Kunarac; celui-ci
5 voulait la voler et la violer. Lorsqu’elle a réussi à s'échapper et à
6 courir vers le poste de police pour y trouver de l'aide, non seulement
7 elle n'y a pas trouvé de l'aide mais elle a été frappée à coups de fusil
8 par un garde.
9 Etant donné le fait que les conditions de vie empiraient et que la
10 situation devenait de plus en plus précaire et effrayante, les Musulmans
11 ont dû quitter Foca. Les témoins ont dit clairement qu'ils n'étaient pas
12 partis de leur plein gré. Ils ont été forcés à partir par une politique
13 d’expulsion par la terreur. Ceux qui n'ont pas pris la fuite ont
14 finalement été chassés par Gorazde et le Monténégro. L’attaque dirigée sur
15 les non-Serbes de Foca n’était pas un incident isolé. Des attaques
16 analogues se sont produites au même moment dans d'autres parties de la
17 Bosnie-Herzégovine. La ville, la municipalité de Gacko qui comptait
18 quelque 10.700 ou 800 habitants se trouve au sud de Kalinovik.
19 A partir de la moitié du mois d'avril 1992, les forces serbes contrôlaient
20 la municipalité de Gacko. La prise de pouvoir a enclenché toute une série
21 d’événements similaires à ceux qui ont été décrits dans le cadre de Foca.
22 Beaucoup d’habitants de Gacko, par conséquent, ont quitté la ville et les
23 villages environnants. Ceux qui sont restés ont fini par être expulsés en
24 direction de la Macédoine.
25 Plus de mille civils musulmans parmi eux, surtout des femmes, des enfants
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1 et des personnes âgées ont commencé à partir à pied en direction de Konjic
2 qui se trouve dans le centre de la Bosnie-Herzégovine. Le 4 juillet 1992,
3 quelque 250 personnes ont été capturées à Ulog juste au moment où elles
4 allaient passer dans la municipalité de Konjic. Ces Musulmans qui avaient
5 été capturés, et parmi lesquels se trouvaient de nombreux témoins qui sont
6 venus déposer ici, ont été détenus à l'école primaire de Kalinovik
7 jusqu'au 1er septembre 1992, moment où ils ont été échangés contre les
8 corps de soldats serbes.
9 La municipalité de Kalinovik a quelque 4.657 habitants et elle est
10 limitrophe de la municipalité de Foca. Le 1er août 1992, des soldats
11 serbes ont chassé les femmes et les enfants musulmans de leur foyer pour
12 les détenir ensuite à l'école primaire de Kalinovik où ils ont rejoint les
13 femmes et les enfants qui venaient de Gacko. L'école primaire de Kalinovik
14 n'était pas un centre de réfugiés comme le prétend la défense, car pour
15 les Musulmans venant de Gacko et de Kalinovik c'était un centre de
16 détention. Les conditions de vie étaient inhumaines et il y avait des
17 sévices constants, surtout après la fin du mois de juillet, au début
18 d'août 1992, au moment où Trnovo est tombée entre les mains des forces de
19 Bosnie-Herzégovine et lorsque les Serbes ont subi de lourdes pertes sur la
20 ligne se trouvant au col de Rogoj. Des soldats serbes dont l'accusé
21 Kunarac se sont vengés sur les détenus musulmans. Les soldats serbes
22 venaient régulièrement à l'école, ils venaient y chercher des femmes pour
23 les violer.
24 Je vais vous dire maintenant pourquoi tout ceci s'est produit. Cette
25 attaque dirigée sur la population non serbe de Foca, de Kalinovik et de
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1 Gacko faisait partie d'une campagne organisée, orchestrée, planifiée,
2 d'une politique mise au point par les autorisés serbes de Bosnie afin
3 d'assurer le nettoyage ethnique de ces municipalités. Cette politique et
4 les objectifs qu'elle poursuivait sont devenus apparents dès l'année 1992,
5 en septembre 1992 alors qu'il y avait un rassemblement du parti
6 démocratique serbe, autrement dit le SDS à Foca. Des hommes politiques
7 serbes ont menacé de remplir de sang de nouveau la rivière Drina pour ce
8 qui s'était passé avec les Chetniks au cours de la Deuxième guerre
9 mondiale. Ils ont ajouté que les Serbes et les Musulmans ne pouvaient pas
10 coexister ou cohabiter. Lorsque Vojislav Maksimovic, autre homme de
11 premier plan au niveau de la république pour le SDS, a tenu un discours,
12 il a dit que les Musulmans étaient les plus grands ennemis des Serbes et
13 ce faisant il a préparé le terrain chez les Serbes pour que ceux-ci
14 décident d'attaquer les Musulmans. Radovan Karadzic qui est l'homme
15 politique numéro un du SDS déclarait ouvertement que s'il y avait conflit,
16 une des nations serait exterminée et que ce seraient les Musulmans.
17 L'accusation affirme avoir apporté la preuve de ce que les violences
18 sexuelles faisant l'objet des charges retenues dans ce procès relevaient
19 d'une campagne de nettoyage ethnique dirigée surtout contre la population
20 musulmane de Foca, Kalinovik et Gacko et avait été mise au point par les
21 dirigeants serbes pour parvenir à un environnement exclusivement serbe.
22 Cet objectif ultime, eh bien ils l'ont réalisé. La municipalité au départ
23 mixte de Foca, celle de Kalinovik et de Gacko ont cessé d'exister en tant
24 que telles. Et le nettoyage ethnique a été à ce point minutieux à Foca
25 qu'ils s'en sont même allés à rebaptiser la ville de Foca, "Serbinje,
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1 ville serbe". La culture musulmane à Foca a été éliminée sans laisser
2 aucune trace. La mosquée Aladza était un symbole notoire de la culture
3 musulmane en Bosnie-Herzégovine. Et là où elle se trouvait avant,
4 maintenant il n'y a plus qu'un espace vide. Je vous ai décrit le contexte
5 dans lequel furent commis ces crimes.
6 Passons maintenant aux violences sexuelles telles qu'elles ont été
7 perpétrées sur les victimes et parlons de leurs auteurs. D'abord l'accusé
8 ou les accusés, tous trois sont des Serbes de Bosnie nés à Foca. Dragoljub
9 Kunarac qu'on connaît surtout sous son surnom, celui de Zaga, avait 32 ans
10 au moment des événements. Sitôt avant la guerre, il vivait au Monténégro,
11 il est rentré à Foca en juin 1992 pour rejoindre les forces serbes de
12 Bosnie. Il a participé aux combats qui se sont déroulés dans la zone de
13 Foca en qualité de commandant du Détachement indépendant Zaga qui était
14 une unité de déminage et de reconnaissance. Mon collègue, M. Ryneveld, va
15 vous parler dans le détail du poste qu'il occupait.
16 Le deuxième accusé, Radomir Kovac, connu aussi sous le nom de Klanfa avait
17 31 ans au moment des événements. Il vivait à Foca. C'était un soldat du
18 1er Détachement indépendant Dragan Nikolic. Cet accusé a participé à
19 l'attaque dirigée sur Foca et sur les villages environnant dès le 17 avril
20 1992 et il a continué à servir dans cette unité pendant toute la période
21 couverte par les Actes d'accusation.
22 Troisième accusé, Zoran Vukovic, lui aussi habitant de Foca. Il avait 37
23 ans au moment des événements. Lui aussi était membre du 1er Détachement
24 indépendant Dragan Nikolic pendant toute la période pertinente.
25 Parlons maintenant des victimes.
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1 Le 3 juillet, le village de Mjesaja à proximité de Foca a été attaqué par
2 des soldats dont les membres du 1er Détachement indépendant Dragan
3 Nikolic. Il y avait parmi eux l'accusé Radomir Kovac. Un groupe d'environ
4 50 villageois musulmans, parmi lesquels se trouvaient de nombreux témoins
5 que nous avons entendus, ont été capturés ce jour là.
6 Les témoins 75 et DB ont été violentées et battues par les soldats. Sept
7 hommes capturés parmi eux, des frères, des pères, des fils et des maris
8 des témoins 75, 87, DB, 105 et 96 ont été battus, séparés des femmes et
9 abattus sur place.
10 Les soldats serbes ont capturé 57 villageois musulmans ce jour-là et les
11 ont emmenés à Buk Bijela. Buk Bijela, c'est une localité qui se trouve en
12 contrebas de Mjesaja sur les rives de la Drina. C'est là aussi que se
13 trouvait à l'époque un poste militaire de la VRS, alors qu'un homme âgé a
14 été tué à Buk Bijela. Après avoir été interrogés, les femmes et les
15 enfants ont été détenus à cet endroit pendant plusieurs heures. Toujours à
16 Buk Bijela, plusieurs soldats du Détachement Dragan Nikolic étaient
17 présents également. Il y avait parmi eux l'accusé Zoran Vukovic. Cet
18 accusé a participé aux interrogatoires infligés aux civils capturés. Au
19 cours de ces interrogatoires, les villageois étaient insultés, humiliés.
20 Plusieurs femmes, plusieurs gamines ont été victimes de viol et de viols
21 collectifs.
22 Le témoin 75 qui avait à l'époque 24 ans a subi un viol collectif de la
23 part de plus de dix soldats.
24 Le témoin 87 qui elle avait 15 ans à l'époque, elle a été violée par cinq
25 soldats.
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1 Un autre témoin, le témoin 48, elle aussi a été violée.
2 Après ces incidents, les villageois ont été transférés à l'école
3 secondaire de Foca où ils ont été détenus. Il y avait un autre groupe de
4 17 villageois musulmans et là se trouvaient parmi eux plusieurs témoins
5 que nous avons entendus. Ils ont d'abord réussi à se cacher et ils se sont
6 livrés le 4 juillet. Les hommes ont été emmenés au KP Dom, ont disparu
7 sans laisser de traces, alors que les femmes et les enfants ont été
8 emmenés à Buk Bijela. Là, ils ont été interrogés, humiliés et l'une
9 d'entre elles a été violée.
10 L'accusé Zoran Vukovic a séparé le témoin 50 qui, à l'époque, avait 16
11 ans. Il l'a arrachée à sa mère et, sous le prétexte de vouloir
12 l'interroger, il a emmené cette gamine dans une remise et il l'a violée;
13 viol oral. Au cours de ce viol, l'accusé avait son pistolet en main et la
14 menaçait; elle a eu peur d'être tuée.
15 L'accusé savait que le témoin était en proie à la peur. Au cours de ce
16 viol, il a demandé au témoin ce dont elle avait peur, si elle savait ce
17 que c'était que d'avoir des relations sexuelles; il lui a demandé si elle
18 en avait eu avant et elle a dit qu'elle devrait prendre son plaisir.
19 Ces violences sexuelles perpétrées par Vukovic sur le témoin 50 ne sont
20 pas reprises dans les charges retenues contre l'accusation. Ce témoin n'a
21 révélé cet incident qu'au moment du procès, lorsqu'elle est venue à la
22 barre; elle n'a pas voulu en parler auparavant. Elle ne l'a aucunement
23 révélé aux enquêteurs du Bureau du Procureur. Ce témoin a expliqué
24 pourquoi elle n'a pas voulu en parler auparavant. Elle a dit: "Il m'était
25 impossible de prononcer ces mots". Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle
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1 avait décidé malgré tout de révéler cet incident au moment du procès, elle
2 a dit tout d'abord: "C'est surtout à cause du serment que je viens de
3 prêter. J'ai promis que je dirais la vérité, toute la vérité et rien que
4 la vérité."
5 Parlons maintenant de l'école secondaire de Foca. Entre le 3 juillet et le
6 milieu du mois de juillet…
7 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.
8 M. Hunt (interprétation): Que voulez-vous que nous fassions de cet
9 incident qui n'est pas retenu dans les charges? Je suppose que, puisque
10 ceci a été versé au dossier, cela montrera qu'il y a eu des attaques
11 dirigées contre la population civile. Mais c'est tout ce que nous pouvons
12 en faire si ceci n'est pas repris dans l'Acte d'accusation.
13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il nous semble important d'en parler,
14 car ceci relève du cadre général des allégations. C'est une trop violence
15 sexuelle perpétrée au moment des faits.
16 Parallèlement, nous estimons que ceci peut être utilisé pour déterminer la
17 peine applicable.
18 Mon collègue, M. Ryneveld, vous en reparlera.
19 M. Hunt (interprétation):Ceci a été évoqué au moment de la déclaration
20 liminaire et cela a été retiré, si je m’en souviens bien. Je ne me
21 souviens pas si c’était cet incident précis, mais si vous pensez que ceci
22 peut être repris pour déterminer la peine, alors que il n’y avait pas eu
23 de condamnation sur ce point, je crois que cela avait été retenu.
24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ce n'est pas un autre viol. Ce n'est
25 pas comme cela que nous voulons le présenter. Nous voulons montrer son
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1 comportement hostile à l'égard des femmes musulmanes. Comme principe,
2 c’est son comportement en tant que tel. Non pas le fait qu'il ait commis
3 ce viol-là.
4 M. Hunt (interprétation): Nous en reparlerons plus tard mais puis-je
5 partir du principe que vous vous basez sur ce viol, pour autant qu'il soit
6 établi, pour montrer qu'il y avait des attaques dirigées sur la population
7 civile?
8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. C'est la raison pour laquelle
9 j’ai indiqué ici tout particulièrement qu’il est important pour permettre
10 d’identifier l’accusé Vukovic. C’est une partie du réquisitoire qui sera
11 présentée par Mme Kuo.
12 M. Hunt (interprétation): Merci.
13 Mme la Présidente (interprétation): Faites-vous également valoir que, même
14 si ceci ne fait pas l’objet d’une charge précise, le fait que des éléments
15 de preuve aient été administrés est que l’accusé a eu l’occasion de
16 procéder au contre-interrogatoire?
17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Nous avons envisagé de modifier
18 l'Acte d'accusation mais, finalement, nous avons changé d'avis. Si j'en ai
19 parlé aujourd'hui, c'est aussi pour les raisons que j'évoquais dans ce
20 contexte.
21 Je poursuis. Entre le 3 juillet et la mi-juillet 1992, quelque 70
22 habitants musulmans de Foca ont été détenus dans deux salles de classe de
23 l’école secondaire de Foca. Il y avait parmi eux des femmes et des enfants
24 de Mjesaja. L’école secondaire de Foca n’était n'était pas un centre de
25 rassemblement, ni un centre de réfugiés pour les Musulmans, comme l’ont
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1 prétendu la défense et les accusés. Selon l'accusation, les civils
2 musulmans qui étaient détenus à cet endroit étaient vraiment sous
3 détention. Ils étaient entourés de soldats serbes armés; de surcroît, ils
4 étaient gardés par la police. Et même si les détenus n'étaient pas
5 verrouillés à l'intérieur des salles, ils n'étaient pas autorisés à
6 quitter ces salles. Il était dans l’impossibilité pour eux de le faire.
7 Le témoin 95 est venu vous dire que, du fait que tous les villageois
8 avaient été détenus par groupes de famille, il était impossible pour
9 quiconque d’échapper sans être remarqué. Le témoin 51 nous a dit que,
10 comme les villages avaient été dépouillés de tout ce qu'il y avait en
11 guise d'argent, ces personnes n’avaient aucun moyen pour s'échapper.
12 Les conditions qui prévalaient à l’école secondaire de Foca étaient
13 vraiment inadéquates. C'était de la détention manifeste, caractérisée par
14 les violences physiques, les sévices psychologiques, les violences
15 sexuelles. Ces violences sexuelles qui avaient commencé à Buk Bijela se
16 sont poursuivies. Dès le second jour de la détention, pratiquement chaque
17 soir, il y avait des groupes de soldats serbes appartenant au 1er
18 détachement indépendant Dragan Nikolic, dont l'accusé Zoran Vukovic qui
19 venait faire subir des violences sexuelles aux gamines.
20 C’était d’habitude Dragan Zelenovic qui venait en compagnie de plusieurs
21 autres soldats. Il avait coutume d'abord d'infliger des sévices physiques
22 aux hommes plus âgés. Il y avait un homme âgé qu'il insultait. Cet homme,
23 les enfants étaient apeurés, hurlaient de peur. Dragan Zelenovic et les
24 autres soldats désignaient alors les femmes et les jeunes filles; ils leur
25 disaient de les suivre. Dans ce climat de peur, de violence, les filles et
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1 les femmes qui avaient été choisies, sélectionnées n’osaient pas résister.
2 Elles n’avaient qu’un choix, celui d’obéir.
3 Il y a bien une femme qui a essayé de résister à ces violences sexuelles,
4 c'est le témoin 95. Elle a été battue, ce qui n’a fait qu’accroître,
5 exacerber la peur qui animait toutes les autres victimes. Ces victimes
6 ainsi choisies étaient emmenées soit dans d’autres salles de classe soit
7 dans des endroits proches de l’école où elles étaient victimes de
8 violences sexuelles de la part de plusieurs soldats.
9 Le 6 juillet, aux alentours de cette date, Dragan Zelenovic en compagnie
10 de l’accusé Vukovic et de plusieurs autres soldats ont fait irruption dans
11 la salle de classe. Ces soldats ont désigné plusieurs jeunes filles et
12 femmes parmi lesquelles les témoins 50, 75, 87 et 95. Les soldats ont
13 alors emmené ces femmes et ces jeunes filles dans la classe voisine. C’est
14 là que le témoin 75 a été violée par le soldat Dragan Zelenovic et un
15 autre soldat. Le témoin 95 a été violée par DP1 qui l’a frappée à deux
16 reprises lorsqu’elle refusait de se déshabiller. Il l'a frappée avec une
17 telle violence qu'elle en a gardé une lésion permanente à la mâchoire.
18 Le témoin 87, elle, a dû se placer dans un coin, se diriger là où se
19 trouvait déjà l'accusé Vukovic. L’accusé Vukovic lui a ordonné de
20 s'allonger, l’a déshabillée et l’a violée.
21 Le témoin 50 ne s'est trouvé que brièvement dans cette classe avec les
22 autres victimes. En effet, un des soldats l’a emmenée dans une autre
23 classe et c'est là qu'il l'a violée.
24 J'en viens maintenant à ce qui s'est passé au centre sportif de Partizan.
25 Partizan était très brutal. La détention était caractérisée par un
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1 traitement inhumain, par les installations sans hygiène, par la famine,
2 par la torture tant physique que psychologique. Elle incluait notamment
3 des violences sexuelles. Ces conditions de vie déplorables qui prévalaient
4 à l’école secondaire de Foca se sont encore détériorées une fois que les
5 détenus ont été transférés au centre sportif. Le témoin 105 a précisé que
6 les détenues ont été soumises à des provocations répétées, que les femmes
7 et les jeunes filles étaient emmenées de plus en plus souvent pour être
8 violées et que la quantité de nourriture était chaque jour un peu moins
9 importante. Partizan n'était pas un centre de réfugiés ainsi que l’a dit
10 la défense. L'accusation affirme qu'il s'agissait d'un centre de détention
11 tout comme l’école secondaire de Foca en était un. Les détenus étaient
12 sous surveillance, elles ne pouvaient pas quitter les lieux lorsqu'elles
13 le souhaitaient. Seul un témoin, le témoin 95, ayant bénéficié de
14 l'autorisation d'un garde qui la connaissait avant la guerre et l'a prise
15 en pitié, a pu sortir pour acheter du pain.
16 Au cours du mois de juillet 1992, les autorités serbes de Bosnie ont
17 emmené un certain nombre des détenus qui se trouvaient à Partizan et ont
18 également emmené certaines détenues qui se trouvaient au KP Dom à la
19 municipalité de Cajnice afin qu’il y ait un échange, échange qui,
20 malheureusement, n’a pas eu lieu. Etant donné que la route passait par le
21 Monténégro, les détenus ont supplié les autorités de les remettre en
22 liberté au Monténégro. Cependant, ce n’est pas ce qui s’est passé, elles
23 ont été ramenées.
24 Cet incident met en valeur le fait que les civiles qui étaient détenues à
25 Partizan étaient détenues et ne bénéficiaient pas du traitement réservé à
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1 des réfugiés. Ce transport vers le Monténégro a offert aux autorités de
2 Foca la possibilité de laisser les civils sur place au Monténégro. Or,
3 c'était exactement l'objectif inverse de leur projet puisqu'ils voulaient
4 garder les détenus comme monnaie d'échange potentielle. Tout de suite
5 après le transfert des femmes et des jeunes filles vers Partizan, ce
6 schéma répété de violences sexuelles systématiques et généralisées s'est
7 poursuivie. Les soldats du 1er Détachement indépendant Dragan Nikolic ont
8 continué à prendre part à ces violences sexuelles. Outre la présence de
9 ces soldats, des soldats appartenant au Détachement indépendant Zaga ont
10 commencé à faire leur apparition et à se livrer également à ce type
11 d'assaut. Les soldats arrivaient généralement à Partizan au cours de la
12 soirée mais également au cours de la journée. Ils faisaient sortir des
13 jeunes femmes et des jeunes filles. Lorsque les groupes de soldats
14 arrivaient, ils insultaient ces détenues, leur criaient dessus, leur
15 hurlaient dessus, les montraient du doigt ou donnaient leur nom afin
16 qu'elles sortent de la pièce. C'est dans ce climat de grande tension et de
17 grande terreur que les jeunes femmes et les jeunes filles choisies
18 devaient se rendre à l’évidence, leur seul choix était de se lever et de
19 suivre les soldats. Lorsque les femmes montraient une résistance ou
20 essayaient de se cacher, les soldats les menaçaient.
21 Le témoin 105 s'est souvenu qu'en une occasion, un soldat du Détachement
22 indépendant Zaga avait tiré en direction du plafond lorsque les femmes
23 n’avaient pas immédiatement répondu à ses exigences.
24 Les soldats ont emmené les femmes du centre sportif Partizan vers des
25 maisons afin de les y violer. Les femmes, les jeunes filles ont été
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1 violées jusqu’à ce qu’elles soient dans un état de total épuisement. Le
2 témoin 95 a déposé et raconté qu'elle a été violée avec fureur et
3 brutalité, que les soldats s'étaient vengés sur les victime. Alors
4 qu'elles étaient détenues au centre sportif de Partizan, un certain nombre
5 de détenus notamment les témoins 95, 51 et 48 ont fait part des viols dont
6 elles ont été victimes au chef de la police. Suite à cela, non seulement
7 le nombre de viols n'a pas diminué mais le chef de la police n'a apporté
8 aucune aide. Bien au contraire, suite à ces dépôts de plainte, le chef de
9 la police a violé l'une des plaignantes lui-même.
10 J'en viens maintenant à certains des viols qui sont détaillés dans
11 certains des chefs d'accusation de l'Acte d'accusation. Alors que les
12 soldats arrivaient au centre sportif de Partizan, le témoin 50 essayait
13 parfois de se cacher. Sa mère, le témoin 51, savait où elle se trouvait.
14 Un ou deux jours après son arrivée à Partizan, l'accusé Zoran Vukovic
15 ainsi qu'un autre soldat ont fait leur arrivée à Partizan. Tout d'abord,
16 ils n'ont pas pu trouver le témoin 50. C'est alors que l'accusé a menacé
17 d’abattre les autres détenues, parmi lesquelles notamment la mère du
18 témoin. Le témoin 51 n'a pas eu le choix, elle a dû se rendre à la salle
19 de bain et appeler sa fille. Lorsqu’elle a dû le faire, elle était dans un
20 tel état de désespoir qu’elle s’est mise à hurler et à s’arracher les
21 cheveux. L'accusé Vukovic a emmené le témoin 50 dans un appartement où il
22 lui a fait subir un viol. Après le viol, l'accusé s'est assis et a allumé
23 une cigarette. Il s'est tourné vers le témoin et lui a déclaré qu'il
24 aurait pu lui faire subir bien plus de choses encore mais que comme elle
25 était à peu près de l’âge de sa fille, il n'allait pas lui faire subir
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1 quoi que ce soit d'autre, pour le moment.
2 J’en viens maintenant au Détachement indépendant Zaga. Cette unité avait
3 désigné la maison sise au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica comme point
4 de réunion et de rassemblement. Cette maison était connue comme étant la
5 maison du tailleur. Pendant un certain nombre de nuits, l’accusé Kunarac,
6 accompagné par certains de ses soldats, a fait sortir des femmes de
7 Partizan et les a emmenées à la maison du tailleur afin de les y violer.
8 Après avoir emmené ces femmes dans cette maison, l’accusé Kunarac restait
9 parfois sur place et violait les victimes. En une occasion, avant le 2
10 août 1992, l'accusé Dragoljub Kunarac a emmené le témoin 87 ainsi qu’un
11 certain nombre d’autres jeunes filles dans cette même maison. Lors de ces
12 occasions, le témoin a été violée par des soldats monténégrins qui
13 venaient de Niksic.
14 D'après les éléments de preuve qui ont été déposés, l'accusé Kunarac, à
15 deux reprises entre le 13 juillet et le 11 août 1992, a emmené le témoin
16 95 et un certain nombre d’autres femmes qui ont été entraînées hors du
17 centre sportif pour être emmenée à la maison du tailleur. En ces deux
18 occasions, l'accusé Kunarac a violé ces témoins.
19 Dans les paragraphes 6.1 et 6.2 de l'Acte d'accusation Kunarac-Kovac,
20 l'accusé s'est vu reprocher d'avoir violé la victime 48 dans l'hôtel
21 Zelengora ainsi que dans une maison se trouvant à proximité de l’arrêt
22 d’autobus. Cependant, le témoin 48 a été emmenée à l’extérieur du centre
23 sportif si souvent et elle a été violée avec une telle fréquence qu'elle
24 n'était plus à même de replacer ces viols dans le temps et qu'elle ne
25 pouvait plus se prononcer précisément sur qui étaient les auteurs de ces
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1 viol qui l’avaient emmenée avec d'autres victimes vers telle ou telle
2 location. Par conséquent, l'accusation reconnaît que ces viols qui sont
3 décrits dans les paragraphes 6.1 et 6.2 n'ont pas été prouvés au-delà de
4 tout doute raisonnable. Cela étant dit, les viols qui ont été infligés au
5 témoin 48 font partie des allégations générales de l'Acte d'accusation et
6 c'est pour cela qu'ils ont été décrits.
7 J'en viens maintenant aux viols qui sont décrits aux paragraphes 5.3 de
8 l'Acte d'accusation Kunarac-Kovac. Un soir, vers la mi-juillet 1992,
9 l'accusé Kunarac a fait irruption au centre Partizan accompagné de son
10 adjoint, surnommé Gaga, et du soldat Bane. Il a alors emmené les témoins
11 75 et DB à la maison du tailleur pour la première fois. C'est là que les
12 témoins ont été placés chacune dans des pièces différentes. Le témoin DB a
13 d’abord été violée par le soldat prénommé Jure, par le soldat Gaga et par
14 un soldat âgé de 15 ou 16 ans. Ensuite, Gaga a emmené le témoin DB vers la
15 salle de bain afin qu'elle puisse y prendre une douche et lui a indiqué
16 que c'était désormais son commandant qui allait arriver. Gaga a menacé le
17 témoin DB, lui a dit qu'il la tuerait si elle ne satisfaisait pas aux
18 désirs de son commandant. Après avoir entendu cela, le témoin était dans
19 un état de grande terreur. C'est alors que Gaga a ramené le témoin dans
20 cette pièce où elle avait d'abord été violée. Se tenant sur le seuil de la
21 porte, Gaga à nouveau menaçait le témoin DB de la tuer si elle ne
22 satisfaisait pas son commandant et c'est à ce moment précis que l'accusé
23 Kunarac est entré dans la pièce et a entendu ce que son adjoint avait
24 menacé de faire. Après que l'accusé Kunarac s'est allongé à côté du
25 témoin, il ne lui a pas dit quoi faire et ne lui a rien fait du tout. Le
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1 témoin DB était très effrayé et ne savait pas non plus quoi faire.
2 Après quelques instants, Gaga a fait son entrée dans la pièce et a dit à
3 l'accusé, en regardant la victime: "Commandant, êtes-vous satisfait?". Le
4 témoin DB a pris cela comme étant une autre menace. A partir de ce moment-
5 là, elle a commencé à déshabiller l'accusé Kunarac et à l'embrasser sur
6 tout le corps. C'est alors que l'accusé a eu des rapports sexuels avec le
7 témoin.
8 Pendant toute la durée du viol, l'accusé est demeuré passif. Afin de ne
9 pas être tuée, le témoin a pris une part active à ce qui se passait. Le
10 témoin DB a décrit que, pour elle; ce viol était particulièrement
11 humiliant et beaucoup plus douloureux que les viols précédents. Pendant
12 toute la durée du viol; l'accusé Kunarac était conscient du fait que le
13 témoin était dans un état de terreur et qu'elle ne se livrait pas
14 volontairement à ces actes sexuels.
15 Alors que le témoin DB se trouvait en compagnie de l'accusé Kunarac, le
16 témoin 75 a subi un viol collectif qui a duré environ trois heures et qui
17 a été perpétré par quelques soldats, tous étant membres du Détachement
18 indépendant Zaga. Ils lui ont fait subir des violences sexuelles de toutes
19 sortes. Ils lui ont fait pratiquer des fellations, ils l'ont violée
20 analement et vaginalement. Ils lui ont fait subir des violences sexuelles
21 soit en la violant collectivement, soit en la violant un par un. Alors que
22 le soldat Bane violait le témoin, il a menacé de lui découper un de ses
23 seins en la menaçant avec son couteau.
24 Alors qu'il se trouvait avec le témoin DB, l'accusé Kunarac était
25 pleinement conscient du fait que le témoin 75 faisait l'objet de violences
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1 sexuelles pratiquées par les autres soldats. Un peu plus tard au cours de
2 la même nuit, alors que Bane était toujours en train de la violer, la
3 victime a vu arriver Kunarac dans la pièce; il l'a vu voir ce qu'il était
4 en train de faire et Kunarac a donné l'ordre à chacun de sortir.
5 J'en viens maintenant à la date du 2 août 1992. Cette date doit être mise
6 en lumière car il s'agit d'une date particulièrement importante. C'est ce
7 jour-là que la mosquée Aladza a été détruite; un fait qui n'est pas
8 contesté. En dépit du fait que certains témoins n'étaient pas tout à fait
9 certains des dates qu'ils avançaient, ils ont réussi à établir la
10 chronologie des événements par rapport à la date à laquelle la mosquée a
11 été détruite.
12 Le 2 août 1992, des membres désignés des deux groupes de détenus, à la
13 fois de Partizan et de Kalinovik, ont été rassemblés pour la première fois
14 dans la maison qui se trouvait au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica. Par
15 la suite, ce groupe a été déplacé et détenu dans divers endroits.
16 Je vais d'abord parler des victimes qui se trouvaient à Partizan. Dans la
17 soirée du 2 août 1992, alors qu'il faisait déjà nuit, c'est-à-dire vers 10
18 heures ou 22 heures, l'accusé Kunarac ainsi que son adjoint Gaga ont
19 emmené les témoins 75, DB, 87 et 50 et les ont fait sortir de Partizan.
20 Ces jeunes femmes, un ou deux jours avant le 2 août, au cours d'un
21 entretien, avaient révélé à la journaliste serbe Gordana Draskovic
22 qu'elles avaient subi des viols perpétrés par Zaga et par ses hommes.
23 Cette journaliste qui connaissait l'accusé Kunarac l'avait informé de la
24 teneur de cet entretien. Afin de punir les jeunes filles qui avaient donné
25 cet entretien, l'accusé Kunarac et Gaga ont emmené ces quatre filles vers
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1 la maison du tailleur pour les y violer. Après être arrivées à la maison,
2 les jeunes filles de Partizan ont retrouvé trois autres jeunes filles qui,
3 avant, avaient été détenues à Kalinovik. Il s'agissait des témoins 190,
4 205 et d'une jeune femme enceinte; elles avaient été emmenées dans cette
5 maison un peu plus tôt au cours de cette même soirée.
6 Au cours de cette même nuit et le lendemain matin, le témoin 75 a été
7 violée par DP8, par Kontic et par Gaga. Le témoin DB a été violée par le
8 soldat dénommé Jure, cette nuit-là, tandis que le témoin 87 a été violée
9 par l'accusé Kunarac lui-même ainsi que par deux autres soldats.
10 Après son arrivée dans cette maison, le témoin 50 n'a pu passer qu'un bref
11 moment avec les autres jeunes filles arrivées du centre Partizan. Le
12 témoin 50 a déclaré qu'elle avait peut-être ri à un moment donné, ce qui
13 avait attiré l'attention de l'accusé Kunarac. Il a dit alors au témoin 50:
14 "Eh bien, viens, toi qui as un si joli rire; viens avec moi!". Il l'a
15 emmenée dans une pièce et l'a violée. Le témoin a déclaré que ce viol
16 était extrêmement brutal et qu'il lui avait semblé que l'accusé voulait
17 lui faire autant de mal que possible.
18 Au cours de cette même nuit, un autre soldat provenant du Monténégro a
19 violé le témoin 50. Il l'a violée si brutalement qu'elle a commencé à
20 saigner. Au cours de ce viol, le soldat a montré son couteau à la victime
21 et a menacé de lui graver une croix sur le dos.
22 Ce 3 août 1992, l'accusé Kunarac a transféré les témoins 75, 87, 190 et DB
23 de la maison qui se trouvait au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica vers la
24 maison dite de Karaman. Il les a remises entre les mains de DP3, le
25 commandant militaire local.
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1 Ces témoins ainsi que d'autres jeunes filles ont été détenues dans cette
2 maison pour diverses périodes de temps qui allaient jusqu'à plusieurs
3 mois. Alors qu'elles étaient ainsi détenues, elles ont fréquemment été
4 soumises à des viols et à des violences sexuelles par des soldats qui soit
5 vivaient dans cette maison, soit qui s'y rendaient de temps à autre. L'un
6 de ces visiteurs était l'accusé Dragoljub Kunarac.
7 Au cours du mois de septembre 1992, il s'est rendu dans la maison de
8 Karaman; il a été invité par les soldats qui avaient la garde de la maison
9 de profiter de la présence des jeunes filles. L'accusé Kunarac a compris
10 qu'il pouvait choisir une fille et la violer. Et il a effectivement choisi
11 une fille; il a choisi le témoin 87 et l'a violée.
12 Au cours de ce viol, l'accusé était pleinement conscient du fait que le
13 témoin 87 ainsi que les autres femmes et jeunes filles gardées dans la
14 maison de Karaman l'étaient pour y être violées. Il a notamment remarqué
15 que le témoin 87 était dans un état de grande détresse et de grande peur,
16 et qu'elle était donc particulièrement vulnérable. Ce qu'il ne l'a pas
17 empêché de la violer.
18 Les épreuves des victimes 75, 87, AS et AB n'ont pas pris fin avec leur
19 détention dans la maison de Karaman; elles ont continué lorsqu'elles ont
20 de nouveau été transférées à Foca et placées sous le contrôle de l'accusé
21 Kovac qui les a réduites en esclavage. Mon collègue, Mlle Kuo, référera à
22 ce qui leur est arrivé dans sa partie du réquisitoire.
23 J'en viens maintenant aux jeunes femmes et aux jeunes filles de l'école
24 primaire de Kalinovik.
25 Au début de la soirée du 2 août 1992, l'accusé Kunarac ainsi que son
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1 adjoint Gaga et d'autres soldats de son unité ont emmené sept jeunes
2 filles de l'école primaire de Kalinovik et les a transférées vers la
3 maison qui se trouvait au n°16 de la rue Ulica Osmana Dukica.
4 Au cours de ce déplacement qui a eu lieu dans un camion réfrigéré, une des
5 jeunes filles a dû descendre à Miljevina et s'est retrouvée finalement
6 dans la maison de Karaman. Une fois que les six jeunes femmes et jeunes
7 filles qui restaient ont atteint cette maison de la rue Ulica Osmana
8 Dikica, elles ont été divisées entre les soldats qui composaient le
9 Détachement indépendant Zaga; elles ont été livrées à ces hommes et ont
10 subi des violences sexuelles. Les victimes 191, 186 et JG ne sont restées
11 que très brièvement dans la maison. Lorsque les quatre filles de Partizan
12 sont arrivées dans la maison, les victimes précédemment citées avaient
13 déjà été emmenées.
14 L'accusé Kunarac se trouvait à la maison du tailleur seulement pendant
15 certaines parties de cette nuit. En outre, il prenait part au déplacement
16 des jeunes femmes qui venaient de Partizan et de Kalinovik et qu'on
17 envoyait vers d'autres endroits.
18 Le témoin 190 a été violé par deux des soldats dépendants des ordres de
19 l'accusé Kunarac cette nuit-là. Et le lendemain, elle a été emmenée avec
20 d'autres filles, de Partizan vers la maison de Karaman.
21 Le témoin 205 a été également été violée par certains des soldats de
22 l'accusé Kunarac. Elle a finalement réussi à atteindre Brod, un
23 appartement où elle a également été violée.
24 J'en viens maintenant à la maison de Trnovace. Au cours de la soirée du 2
25 août 1992, l'accusé Kunarac ainsi que DP6 a emmené en voiture les témoins
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1 186, 191 et la petite fille JG. Ils leur ont fait quitter la maison qui se
2 trouve au n°16 de la rue Ulica Osmana Dikica et les ont emmenées à une
3 maison qui se trouvait à Trnovace. L'accusé n'est pas resté dans ladite
4 maison toute la nuit. Il a quitté la maison peu de temps après l'arrivée
5 des jeunes filles et est retourné voir ces femmes qui se trouvaient dans
6 la maison qui se trouvait rue Ulica Osmana Dikica. Et ce n'est que
7 beaucoup plus tard dans la nuit, vers minuit, qu'il est revenu avec son
8 adjoint Gaga. Lorsqu'ils sont revenus, ils ont réparti les filles entre
9 les différents hommes qui se trouvaient présents. L'accusé Kunarac a fait
10 subir des violences sexuelles au témoin 191 cette nuit-là. Il était
11 conscient du fait que ce témoin était vierge. Il l'a humiliée en lui
12 disant: "C'est très bien, je serais ton premier". Alors qu'il lui faisait
13 des violences sexuelles, l'accusé a posé un grand couteau sur la table qui
14 se trouvait à proximité du canapé. Le témoin 191 avait tellement peur
15 qu'elle en tremblait. L'accusé Kunarac a essayé de la violer mais comme le
16 témoin était absolument pétrifié, l'accusé ne pouvait pas vraiment lui
17 faire subir un rapport sexuel cette nuit-là. La nuit suivante, l'accusé
18 Kunarac a violé le témoin 191 et l'a de surcroît humiliée en lui disant:
19 "Désormais, tu es une femme".
20 A partir de cette première nuit du 2 août 1992 et jusqu'à la mi-août,
21 pardon la mi-septembre 1992, le témoin 191 a dû demeurer dans cette maison
22 de Trnovace et elle a été constamment violée par l'accusé Kunarac. Le
23 témoin 186, pendant ce temps, a été violée par DP6 à partir du 2 août 1992
24 et pendant les six mois qui ont suivi.
25 JG, la petite fille de 13 ans, a été détenue dans la maison de Trnovace
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1 pendant quelques jours seulement, journées pendant lesquelles elle a été
2 violée par Gaga. Cette enfant était dans un tel état de traumatisme
3 qu'elle criait sans pouvoir s'arrêter. Et c'est probablement pour cette
4 raison que l'accusé Kunarac et son adjoint Gaga l'ont transférée vers la
5 maison de Karaman.
6 En outre, les victimes 191 et 186 ont subi d'autres violences sexuelles.
7 Le témoin 191 a été violé non seulement par l'accusé mais également par
8 DP6 et un autre soldat.
9 L'accusé Kunarac a proposé à une occasion à un soldat de violer 191 en
10 échange de quelque 100 deutsche marks. L'accusé Kunarac a également emmené
11 191 au chevet de DP3 qui se trouvait à l'hôpital et a proposé cette
12 victime à son commandant dans un geste de bonne volonté.
13 Les témoins 191 et 186 vivaient dans un climat de terreur sexuelle
14 constante. Elles se trouvaient en présence d'autres femmes musulmanes qui
15 étaient également emmenées dans cette maison afin d'y être violées et d'y
16 être victimes de violences sexuelles. Pendant toute la période de
17 détention dans la période de Trnovace, les témoins 191 et 186 étaient sans
18 défense et ils ne pouvaient en aucun cas intervenir pour modifier la
19 situation dans laquelle elles se trouvaient. Elles ont d'abord été
20 verrouillées à l'intérieur de la maison mais, par la suite, elles ont reçu
21 une clef mais elles n'ont pas pu pour autant s'enfuir car elles se
22 trouvaient isolées au milieu d'un territoire placé sous contrôle serbe et
23 n'avaient pas les moyens de s'enfuir. Comme l'a déclaré le témoin 191:
24 "Nous ne pouvions pas quitter la maison. Nous ne pouvions pas quitter
25 toute cette région. Où pouvions-nous nous rendre? Nous ne connaissions
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1 rien, nous ne savions même pas où se trouvait ce Trnovace". Finalement, un
2 autre soldat a protégé le témoin 191, a évité qu'elle soit violée par
3 l'accusé. Le témoin 186 a fait l'objet d'un échange mois de novembre 1993.
4 L'accusé Kunarac est enfin accusé d'avoir violé le témoin 183.
5 Vers la mi-juillet, un peu après minuit, l'accusé Kunarac ainsi que deux
6 soldats sont arrivés à l'appartement qu'habitait ce témoin. Le témoin 183
7 ne connaissait pas l'accusé d'avant la guerre. En revanche, l'accusé –lui-
8 connaissait le témoin. Il savait que cette femme était une femme qui avait
9 une certaine qualité de vie et qui avait eu du succès professionnellement.
10 Dès que les soldats sont arrivés dans l'appartement, ils ont commencé à la
11 menacer, à lui dire qu'elle avait passé des messages à la radio. Ils ont
12 essayé de la faire chanter et ils ont pillé et cherché tout son
13 appartement. L'accusé a emmené le témoin 183 dans sa voiture et l'a emmené
14 sur les rives de la rivière Cehotina. Là, l'un des soldats a menacé le
15 témoin avec son couteau. C'est alors que l'accusé Kunarac et que les deux
16 autres soldats ont violé le témoin 183. L'accusé qui a d'abord violé le
17 témoin, a humilié la femme qui tremblait en lui disant qu'elle devait
18 prendre plaisir à ce qu'il allait lui faire. Lorsque le témoin a essayé de
19 cacher ses yeux de ses mains, il lui a dit qu'il fallait qu'elle regarde
20 un Serbe droit dans ses yeux alors qu'il était en train de la violer.
21 Ensuite, la victime a été violée par les deux autres soldats. Alors que le
22 viol était perpétré, l'accusé a provoqué le témoin en lui disant qu'elle
23 aurait un fils, qu'elle ne saurait pas qui en était le père mais que ce
24 qui était le plus important, c'est qu'il s'agirait d'un enfant serbe.
25 L'accusation affirme que ces faits sont prouvés par les dépositions faites
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1 par les différents témoins. Les témoins ont décrit ce à quoi ils ont
2 survécu au cours de la guerre à Foca, ils ont confirmé ce que les trois
3 accusés leur avaient fait subir. Leurs témoignages sont fiables, sont
4 convaincants et se corroborent les uns les autres.
5 Nous allons maintenant parler de la défense. Alors que ma collègue, Me
6 Kuo, parlera des actions des accusés Kunarac et Vukovic, je vais vous
7 parler maintenant de la défense d'alibi de Kunarac.
8 L'accusé Kunarac à travers son témoignage et ses déclarations précédentes
9 données aux enquêteurs n'a pas discuté du fait que les victimes qui ont
10 témoigné avaient été violées. Il prétend qu'il s'agit d'une identité
11 erronée. Il dit qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre. L'accusé Kunarac,
12 en parlant de chacune des charges de l'Acte d'accusation ne prétend pas
13 seulement cela mais il essaie également de parler d'une défense d'alibi.
14 Les témoins de la défense incluant l'accusé ont témoigné que l'accusé
15 était soit sur le front ou dans le quartier général ou dans la maison de
16 ses parents et non pas aux endroits où les viols ont eu lieu.
17 L'accusation soumet que l'alibi de l'accusé Kunarac manque de crédibilité
18 et n'est pas fiable.
19 Permettez-moi maintenant de parler de la défense d'alibi un peu plus en
20 détail. L'accusé Kunarac prétend qu'à partir du 7 juillet jusqu'au 21
21 juillet 1992, accompagné de plusieurs de ses soldats parmi lesquels se
22 trouvaient Gaga et Kontic, il était constamment présent à Gabelica Kosa
23 tout près de Cerova Ravan. Il a témoigné en effet qu'à cause d'un
24 écoulement de boue, il était resté sur place et qu'on avait attaqué Cerova
25 Ravan . L'accusé prétend que le 18 ou le 19 juillet 1992, après qu'un
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1 bulldozer soit arrivé, la route avait été ouverte de nouveau au trafic
2 mais il dit qu'il est resté derrière, il est resté à Gabelica Kosa afin
3 d'aider et de protéger le chauffeur du bulldozer. Il n'y a absolument
4 aucune contestation en effet que, pendant la période pertinente, les
5 activités contre les Musulmans avaient eu lieu. L'accusation ne conteste
6 pas le fait que l'accusé et son unité avaient pris part à ces combats. Par
7 contre, nous prétendons que Kunarac a menti lorsqu'il a témoigné en disant
8 qu'il était à cet endroit à ce moment-là. Accompagné de ses hommes, il est
9 allé à Foca dans les soirées, après les activités militaires et il a fait
10 sortir des filles et des femmes du Partizan. L'accusé lui-même a confirmé
11 que la distance qui se trouvait entre Cerova Ravan et Foca n'était que de
12 20 kilomètres.
13 Etant donné que l'accusé avait plusieurs moyens de transport et le fait
14 que l'accusé avait des véhicules à sa disposition, lui et ses hommes
15 avaient la possibilité d'aller à Foca, de se rendre à Foca le soir.
16 L'accusation soumet que le barrage routier ne constitue qu'une fiction
17 même si l'alibi de l'accusé est très important, il n'a pas mentionné sa
18 présence à Cerova Ravan pendant son interrogatoire principal. Il a
19 simplement parlé de ce barrage routier dans son témoignage précédent.
20 L'accusé Osman Subasic qui lui-même a été témoin, a témoigné qu'il n'y
21 avait pas de barrage routier dans cette zone. Le trafic pouvait… On
22 circulait librement sur cette route. Il y avait effectivement un bulldozer
23 mais il était là pour élargir la route afin qu'on puisse y avoir des
24 mouvement d'artillerie et que le trafic pouvait bel et bien passer avec ce
25 bulldozer. L'accusé lui-même a témoigné et a dit que la route avait été
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1 endommagée sur 7 mètres, cela ne peut pas représenter un obstacle pour un
2 soldat qui était aussi disponible que l'accusé. De plus, le témoignage de
3 l'accusé était consistant concernant les autres possibilités. L'accusé
4 devait faire la reconnaissance et un déminage mais ce qu'il prétend qu'il
5 s'est passé à Gabelica Kosa n'est ni l'un ni l'autre. L'accusé ou
6 n'importe quel autre soldat de Gabelica Kosa ne sont pas non plus… n'ont
7 pas permis des attaques d'infanterie, les positions (?) et Cerova Ravan,
8 l'accusé lui-même a témoigné que rien n'avait pu être fait avant l'arrivée
9 des véhicules d'artillerie. Et finalement, les accusés croyaient que le
10 soldat Kontic aurait pu avoir commis les viols et les lui attribuer. Par
11 contre, ce soldat était avec lui à ce moment-là. Est-ce que Kontic aurait
12 pu se rendre à Foca? Et s'il l'avait pu, l'accusé aurait bien pu le faire
13 également. Le témoin de la défense, Blagojevic, a confirmé que l'accusé a
14 toujours été présent à Gabelica Kosa pendant les jours et les nuits. Le
15 témoin Blagojevic prétend que si l'accusé avait quitté, les soldats de son
16 unité Josanica, de la Compagnie de Josanica à Gabelica Kosa, auraient pu
17 se sentir tellement en détresse qu'ils auraient abandonné leur position.
18 Ce que prétend ce témoin est complètement absurde. Le témoin Blagojevic a
19 témoigné et a dit qu'à cette époque qu'il n'y avait absolument aucun
20 combat à Gabelica Kosa, donc il n'y avait absolument aucune raison pour
21 les soldats de la Compagnie de Josanica d'avoir peur et de ne pas se
22 sentir en sécurité. Etant donné qu'il n'y avait pas de combat à cet
23 endroit, il n'y avait absolument aucune raison pour cette compagnie de s'y
24 trouver et il n'y avait aucune raison pour que le témoin soit là. Le
25 témoin, d'après son propre témoignage, était impliqué dans les affaires de
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1 logistique dans l'armée, il n'était pas sur le front. L'accusé Kunarac a
2 dit que le 23 juillet 1992, les forces musulmanes ont attaqué les villages
3 de Jabuka qui se trouvait environ à 25 kilomètres de Foca. L'accusé
4 prétend que lui et ses hommes étaient envoyés à cet endroit par mission de
5 reconnaissance et sont restés sur place jusqu'au matin du 23 juillet
6 jusqu'à tard le soir le 26 juillet.
7 L'accusation ne conteste pas le fait que l'accusé Kunarac et ses hommes
8 auraient pu se trouver dans la zone de Jabuka pendant une courte période
9 de temps.
10 L'accusé Kunarac a témoigné lui-même et a dit: "Comme je l'ai dit, les
11 hommes qui se sont rendus avec moi, étaient avec moi presque toute la
12 journée, cette journée-là à Jabuka; lui-même parle d'une journée et c'est
13 ce que nous prétendons être la vérité. L'accusation soumet que l'accusé
14 Kunarac n'a aucune crédibilité lorsqu'il témoigne et lorsqu'il dit qu'il
15 se trouvait à Jabuka pendant 4 jours et 4 nuits. Lui et ses hommes se sont
16 trouvés effectivement à Foca pendant les soirées et ont fait sortir des
17 femmes du Partizan. L'accusé n'a pas parlé de cette présence à Jabuka lors
18 de sa première interview donnée aux enquêteurs du Tribunal. Pendant sa
19 deuxième interview, il a parlé d'une journée au mois de juillet et c'est à
20 ce moment-là qu'il a parlé de Jabuka. Dans tous les cas, il n'y a
21 absolument aucune raison pour que l'accusé et ses hommes restent sur place
22 pour une période prolongée pour chercher des corps, ce n'était pas leur
23 devoir.
24 Deux témoins de la défense ont confirmé l'alibi de la défense concernant
25 Jabuka; le témoin Gordan Mastilo et le témoin DJ prétendent qu'entre le 23
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1 juillet et le 26 juillet 1992 l'accusé était avec eux tous les jours, tout
2 le temps et toutes les nuits, et qu'ils n'ont jamais perdu l'accusé de
3 vue. Ceci est assez incroyable étant donné qu'il s'agissait d'une période
4 de temps assez prolongée. Le Procureur soumet que cette assertion faite
5 par le témoin Mastilo est même contredite par lui-même. En fait, le témoin
6 a témoigné et a dit qu'au cours de la nuit entre le 23 juillet et le 24
7 juillet, il a dormi dans un autre village que l'accusé.
8 Le témoin DJ à travers son témoignage a essayé d'induire en erreur la
9 Cour. Son désir de donner à l'accusé un alibi complet, sans faille, va
10 jusqu'à dire qu'il n'a même pas dormi pendant la nuit du 23 au 24 juillet.
11 Ce qui voudrait dire qu'il a donné à l'accusé un alibi même pendant la
12 période de temps où les gens dormaient. L'accusé Kunarac a témoigné et a
13 dit qu'à partir du matin du 27 juillet jusqu'au 29 juillet il était en
14 mission de reconnaissance à Dragocava. Il prétend également que lui et ses
15 hommes sont restés à Preljuca du 29 au 31 juillet et qu'ils ont observé
16 les troupes musulmanes.
17 Il prétend également qu'il est resté à cet endroit pendant la nuit et
18 qu'il a été engagé dans une mission de reconnaissance. L'accusation ne
19 conteste pas que l'accusé Kunarac et ses hommes se trouvaient bel et bien
20 à Dragocava et Preljuca. Par contre, l'accusation soumet que l'accusé
21 Kunarac a fait sa mission de reconnaissance seulement pendant le jour et
22 qu'il avait assez de temps, amplement le temps le soir de retourner à
23 Foca. D'après l'accusé lui-même, Dragocava ne se trouve qu'à 6 kilomètres
24 de Foca et Preljuca se trouve à environ 12 kilomètres.
25 L'accusé Kunarac a dit dans son témoignage que, du 31 juillet 1992
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1 jusqu'au 2 août 1992 lui et ses hommes étaient engagés dans les combats de
2 Rogoj Pass. Rogoj Pass est un endroit qui est situé à environ 50
3 kilomètres de Foca. Le 31 juillet, les troupes musulmanes et croates
4 avaient pris le contrôle sur ce passage le2 août 1992, d’après l'accusé.
5 Vers environ midi, les forces serbes ont lancé une contre-attaque sur
6 Rogoj Pass et l'ont repris. L'accusé prétend que lui et ces hommes ont
7 pris part à cette attaque et qu’ils ont capturé un véhicule musulman avec
8 un canon anti-véhicule qui se trouvait sur le véhicule. Il a témoigné que
9 Gaga, Kontic, DP7 avait été avec lui à Rogoj Pass. Il prétend également
10 que ses soldats ont quitté Rogoj avant lui. L'accusé prétend qu’après son
11 arrivée à Foca, il a passé la nuit dans les villages, au quartier général
12 de Velecevo, à l’exception d’une période très courte lorsque la mosquée
13 d'Aladza avait été soufflée. L'accusé ne prétend pas que le soir du 2 août
14 1992, les sept filles ont été emmenées de l'école de Kalinovik et ont été
15 emmenées à Foca. Par contre, il prétend que Gaga, Kontic et DP7 l'on fait
16 et, que Gaga et DP7 ont emmené trois des filles à la maison de Trnovace.
17 L'accusé ne conteste pas que les filles étaient agressées sexuellement,
18 par contre il prétend que ce n'est pas lui qui les a agressées
19 sexuellement. Au contraire, il dit qu'il a essayé de les aider.
20 L'accusation ne conteste pas le fait que l'accusé Kunarac et ces hommes
21 étaient présents dans les régions de Kalinovik et Rogoj le 2 août 1992. Au
22 contraire, les moyens de preuve de l'accusation le confirme. Par contre,
23 l'accusation soumet que l'accusé n'a pas capturé un véhicule musulman avec
24 une inscription en arabe sur ce dernier tel qu’il le prétend. Les témoins
25 Nogo et Alic ont confirmé que les forces serbes avaient capturé un
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1 véhicule d'artillerie mais que c'était un véhicule que les Musulmans
2 avaient déjà capturé des Serbes auparavant et c'est la raison pour
3 laquelle il n'y avait aucune inscription arabe sur ce véhicule. L’accusé
4 Kunarac n'a pas parlé du fait qu'ils ont capturé le véhicule musulman lors
5 des entretiens précédents. L'accusation soumet que l'accusé Kunarac n'est
6 pas revenu à bord de ce convoi tard le soir. Nous prétendons que le soir,
7 son député Gaga et DP7, le soir du 2 août 1992 ont d’abord fait sortir les
8 femmes et les filles de Kalinovik et, par la suite, ils se sont rendus au
9 Partizan pour y faire la même chose. De nouveau, l’accusé parle d’alibi,
10 d’identité erronée et dit qu’il aurait été complètement impossible
11 physiquement de faire sortir les filles de l’école primaire de Kalinovik
12 et de Partizan. Par contre, les trois personnes qu’il identifie comme
13 étant les auteurs de ces crimes à Kalinovik étaient avec lui à Rogoj Pass.
14 Lorsqu'il admet qu'ils avaient pu, ils avaient eu la possibilité et le
15 temps de faire sortir les filles de Kalinovik et de les emmener à Foca,
16 cela s’applique également à l'accusé lui-même.
17 Plusieurs témoins de la défense ont confirmé en partie ce que dit l'accusé
18 concernant les événements du 2 août. Par contre, l'accusation soumet qu'on
19 ne devrait pas croire ces témoins. Le témoin DD qui était un membre de
20 sécurité dit qu'il a vu l'accusé Kunarac arriver à bord de ce convoi et à
21 bord de ce camion capturé. Il prétend également qu'il a vu l'accusé à
22 plusieurs reprises, plus tard cette même nuit jusqu’après minuit. Le
23 Procureur soumet que ce témoin n'est pas crédible. D'après ses propres
24 dires, il n'aurait pas pu se trouver à l'entrée, après le moment que
25 l'accusé soit arrivé jusqu'après minuit. D'après les règlements
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1 militaires, un soldat ne peut pas tenir la garde pendant plusieurs heures
2 de suite. De plus, alors que l'accusé a témoigné, il a dit qu’il y avait
3 une toute petite plaque avec des inscriptions en arabe qui se trouvaient
4 sur le camion. Il parle d'une dimension de cette plaque comme ayant de 7 à
5 12 centimètres. Le témoin DD a témoigné et a dit qu'il a vu une
6 inscription en arabe écrite derrière le camion en grandes lettres, les
7 lettres étaient tellement grandes que le témoin pouvait les voir à une
8 distance de 10 mètres. L'accusation soumet que le témoin DD n'a jamais vu
9 de véhicule capturé, il n'a jamais vu l'accusé arrivait à bord de ce
10 véhicule. Le témoin Radoslav Jojovic qui était l’intendant du groupe
11 tactique de Foca a témoigné et a dit que le 2 août 1992, il était à Drobo
12 Polje pour essayer de trouver de la nourriture et des cigarettes afin de
13 les donner aux soldats du groupe tactique de Foca et qu’il s’était rendu à
14 cet endroit le jour auparavant. Il prétend qu'il a vu l'accusé vers 18
15 heures, le 2 août, à bord de ce véhicule capturé et a confirmé que
16 l’accusé s’est rendu à Foca à bord de ce convoi. Le témoin prétend qu'il
17 s'est rendu à Drobo Polje pour emmener de la nourriture et des cigarettes.
18 Ce qu’il prétend est illogique. D'abord, les soldats qui partent au combat
19 prennent des rations avec eux de nourriture et n'ont pas besoin de faire
20 cela sur le front. Deuxièmement, les soldats auraient pu se procurer ce
21 dont ils avaient besoin des baraquements de Kalinovik qui était situés
22 près du champ de bataille. Ces témoins disent également qu'ils avaient vu
23 également les grandes lettres en arabe sur le camion capturé. L'accusation
24 prétend donc que ce témoin n'a pas vu le camion capturé parce que ce
25 camion ne se trouvait pas à Drobo Polje.
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1 L'accusé Kunarac a admis qu’il a pris le témoin FWS75 et DB à la maison
2 sise Ulica Osmana Dikica au n°16. Il a admis qu'il avait eu des rapports
3 sexuels avec le témoin DP à cette occasion. Par contre, il prétend qu'à ce
4 moment-là, il a emmené les filles à la maison le matin du 3 août 1992,
5 après qu'il ait entendu parler des allégations de viol de la journaliste
6 Gorduna Draskovic. L'accusé prétend que c'était la première fois que
7 l'accusé avait entendu parler du fait qu'il y avait des civils qui se
8 trouvaient au Partizan. L'accusé dit qu'il a emmené les filles à la maison
9 sise au n°16 d’Ulica Osmana Dikica pour enquêter; le tout est pour les
10 confronter avec ces hommes. Il a témoigné et a dit après la confrontation
11 qui n’a mené à rien, il a discuté de la chose plus longuement avec le
12 témoin DB en privé, et que lors de cet entretien un rapport sexuel a eu
13 lieu contre sa volonté. L'accusé prétend seulement que plus tard, le 11
14 août 1992, il avait découvert que Gaga(?) avait été (?) par Gaga. L’accusé
15 admet qu’alors qu’il était ensemble avec DB, le témoin WS subissait un
16 viol collectif mais il prétend qu'il ne savait pas ce qui se passait,
17 qu'il a appris cela seulement le 13 août 1992 de Gaga. L'accusé dit qu’il
18 a emmené les filles à Miljevina pour les confronter avec les journalistes
19 et il les a laissées là seulement parce qu'il devait partir ailleurs. Le
20 Procureur soumet que cette entière version donné par l'accusé Kunarac des
21 événements qui ont eu lieu le 3 août 1992 est complètement fausse.
22 L'accusé lui même a dit dans son témoignage qu'il avait eu la réputation
23 d'être un guerrier, que lui et son surnom étaient très bien connus.
24 L'idée que quelqu'un aurait pu prendre le nom et l'identité de l'accusé
25 n'a aucun sens. L'accusé dit que c'est peut-être le soldat Kontic qui
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1 aurait pu être l'auteur de ces crimes. Il a témoigné que ce soldat avait
2 sa posture et avait sa taille. Malheureusement, ce soldat est mort
3 aujourd'hui. Le plus important, c'est que ce soldat n'a pas le visage de
4 l'accusé, le visage osseux de l'accusé et ses grands yeux foncés. De plus,
5 cela est absurde, car le témoin nous a dit que Zaga ne s'est jamais
6 présenté seul mais que Gaga était souvent avec lui. Cela voudrait dire que
7 d'autres soldats, plus particulièrement Gaga, aurait pu être impliqués
8 dans cette prise d'identité. Mais l'accusé lui même a témoigné et a dit
9 que Gaga ne l'aurait jamais fait.
10 L'accusé prétend qu'il a essayé d'enquêter sur ces viols et voulait même
11 impliquer la police dans cette affaire. Mais il ne l'a jamais fait, même
12 s'il était très près du bâtiment de la police.
13 La version de l'accusé du viol du témoin DB est complètement ridicule.
14 L'accusé a voulu que la Chambre croie que lui-même était une victime de
15 viol parce que ce qui s'était passé était contre sa volonté. Les témoins
16 DB et 75 ont décrit ce qui leur était arrivé dans la maison du tailleur
17 lorsqu'elles ont été emmenées là pour la première fois.
18 Ce n'était pas le 3 août, mais plusieurs jours avant. Ce sont des
19 événements qui n'ont pas été dits aux journalistes. Pour contraster cela,
20 leur version est logique et corroborée par d'autres témoins.
21 Le témoin DB a dit à la Chambre de quelle façon Gaga l'avait menacée au
22 même moment, lorsque l'accusé est entré dans la pièce. Le témoin était
23 honnête et a fait attention: pendant son témoignage, elle n'a prétendu que
24 l'accusé a entendu ce que Gaga avait dit et comment Gaga l'avait menacée
25 puisqu'elle n'en avait pas été sûre. Par contre, l'accusé lui-même nous a
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1 dit qu'il a entendu Gaga parler. Il a seulement menti sur ce qui a été dit
2 et ce qui a été dit, nous le savons des témoins.
3 Le témoin 75 a donné une description très logique de son viol collectif et
4 a témoigné des faits; elle a dit que l'accusé l'a vue se faire violer.
5 L'accusé prétend qu'il a pris les filles et les a emmenées à Miljevina
6 pour les confronter à des journalistes et pour enquêter des allégations de
7 viol. Ce qu'il prétend est absurde. Une confrontation avec le journaliste
8 aurait ou n'aurait pas pu établir l'identité des auteurs de ces actes.
9 De plus, pour prendre le témoin 190 de Gacko et de…, la confrontation avec
10 le journaliste n'a aucun sens. L'accusé a admis qu'il avait visité la
11 maison de Karaman, à Miljevina, au mois de septembre 1992 et qu'il a
12 rencontré le témoin 87 à cet endroit. L'accusé a finalement admis qu'il
13 savait qu'il y avait des relations sexuelles qui se passaient dans la
14 maison de Karaman et qu'il avait été invité à choisir les filles. Il a
15 également admis qu'il avait choisi le témoin 87. Par contre, il prétend
16 qu'il ne l'a pas violée mais qu'il lui a simplement parlé pour l'aider.
17 Ce témoignage de l'accusé n'est pas crédible. L'accusé, selon ses propres
18 dires, savait depuis le 13 août, que les filles se trouvaient à Miljevina.
19 Est-ce qu'il avait eu l'intention de les aider? S'il l'avait voulu, il
20 aurait pu le faire avant. Ce qui est le plus important, c'est qu'il ne les
21 a jamais aidées.
22 Ce que l'accusé a fait, le témoin 87 nous le dit: après qu'il a visité la
23 maison, l'accusé a admis qu'il avait rencontré le témoin 191 et le témoin
24 87 dans la maison de Trnovace et qu'il avait également rencontré leur mère
25 dans l'école primaire de Kalinovik. L'accusé admet plus loin qu'il s'est
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1 trouvé dans la maison pendant plusieurs jours avec les filles, en la
2 présence de Gaga, de EP6, de Jadranka et d'un autre soldat. L'accusé dit
3 qu'il a rencontré les filles pour la première fois le 9 août.
4 Sa défense d'alibi qui était en effet qu'il était encore à Rogoj du 3 au 7
5 août n'est pas du tout confirmée. Les témoins de la défense qui prétendent
6 l'avoir vu à Kalinovik entre le 3 et le 8 août l'ont vu brièvement et à
7 deux reprises. C'est un fait qui confirme les moyens de preuve donnés par
8 l'accusation, que l'accusé s'est rendu à deux reprises à l'école pour voir
9 la mère du témoin 191. L'accusé nie avoir violé le témoin 191. Il prétend
10 qu'à cause des blessures qu'il avait eues au cours d'un accident de
11 voiture, la journée précédente, il se sentait tellement mal qu'il ne
12 pouvait même pas s'asseoir, qu'il ne pouvait pas bouger librement et ne
13 pouvait surtout pas violer qui que ce soit. L'accusé prétend qu'étant
14 donné ses blessures, il n'aurait pas été physiquement en mesure de violer
15 la victime.
16 Cela est contredit par l'accusé lui-même, par sa description de ses
17 activités de la journée, le jour de l'accident de voiture et par la suite,
18 par le fait qu'il se déplaçait constamment, même sur les lignes de front.
19 A cette époque, d'après lui-même, il a porté secours aux soldats qui se
20 trouvaient sur le front; et il avait encore cette blessure.
21 Cela donc prouve que cette partie de son témoignage est encore une fois un
22 mensonge. Ce qui s'est passé dans la maison de Trnovace, vous l'avez
23 entendu des témoins. Les témoins ont donné une explication logique et
24 crédible des événements.
25 Permettez-moi maintenant de me tourner vers ma collègue, Mme Kuo, qui va
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1 poursuivre. Mais étant donné le temps, je suggère qu'on devrait peut-être
2 lever la séance à ce moment-ci?
3 Mme la Présidente (interprétation): Oui. Même si nous levons la séance
4 quelques minutes plus tôt, nous allons reprendre les travaux à 11 heures
5 30. La séance est suspendue.
6 (L'audience, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 30.)
7 Mme la Présidente (interprétation): Madame Kuo, poursuivez.
8 (Réquisitoire de Mme Kuo.)
9 Mme Kuo (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente. Je vais
10 maintenant m'attacher aux actes de l'accusé Radomir Kovac et je veux
11 parler aussi des défenses adoptées tant par Kovac que par Vukovic. Et puis
12 je vous parlerai de la façon dont l'accusation interprète le droit, le
13 droit applicable aux faits, aux faits qui ont été prouvés ici au-delà de
14 tout doute raisonnable. Comme ma collègue vous l'a déjà dit, les témoins
15 87 et 75 ont été emmenés en même temps que d'autres jeunes filles le 3
16 août 1992 à la maison de Karaman. AS avait à l'époque 19 ans. AB et AS ont
17 été désignées, choisies, emmenées, arrachées à leur mère à Miljevina et
18 emmenées à la maison de Karaman. La mère de AB n'a plus jamais revu sa
19 fille après ce jour-là, après que les soldats l'eut fait sortir du bus.
20 Vous avez entendu les autres filles parler de AB, de ce qui lui est
21 arrivé, de la façon dont elle a été violée, a subi des violences
22 sexuelles. Vous avez vu sa photographie, tout le monde s'accordait à dire
23 que c'était une belle petite fille mais une fois passée entre les mains de
24 Kovac et des autres soldats, une fois qu'elle a été vendue par celui-ci,
25 elle a disparu, elle n'avait que 12 ans. A la maison de Karaman, les
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1 filles ont été soumises à des viols, des sévices sexuels et des
2 humiliations de toutes sortes. Le 30 octobre, ces quatre jeunes filles -le
3 témoin 87, le témoin 75, le témoin AS et le témoin AB- ont été sorties de
4 la maison de Karaman, emmenées à Foca où elles ont été séquestrées pendant
5 une nuit, dans un appartement à Rabarski. Ce même jour, elles ont été
6 livrées à l'accusé, Radomir Kovac, et à ses comparses, Kostic notamment.
7 Comme les chefs d'accusation 22 à 25 de l'Acte d'accusation Kunarac-Kovac
8 le prouvent, l'accusé Radomir Kovac a violé, a placé en esclavage, a
9 commis des atteintes à la dignité personnelle de ses quatre victimes.
10 Kovac et Kostic étaient tous deux des soldats parmi les forces serbes. Ils
11 ont séquestré ces quatre filles dans l'appartement de Kovac à Foca.
12 C'étaient leurs esclaves personnelles. Ils les violaient quand ils en
13 avaient envie, de la façon qu'il leur plaisait. Le témoin 75 nous a décrit
14 la façon dont Kovac l'avait violée en même temps que le témoin 87, en même
15 temps dans un même lit. Le témoin AS a dit que Kostic la frappait
16 lorsqu'elle était malade. Elle a qualifié de cette façon la détention
17 qu'elles ont subi dans son appartement: "Nous devions faire tout ce qu'ils
18 nous disaient de faire". C'est là la définition même d'un rapport, d'une
19 relation maître-esclave. Kovac leur a fait faire des choses qui visaient à
20 les terrifier, à les humilier. Le témoin 75 décrit la façon dont Kovac les
21 a toutes forcées à danser nues sur une table et elle vous a montré la
22 façon dont Kovac les avait observées, le poignard au poing, prenant
23 plaisir à leurs souffrances. Le témoin 87 n'a pas simplement confirmé cet
24 incident, elle s'est souvenue d'un autre incident au cours duquel Kovac
25 l'a forcée à se placer nue sur une table, seule, l'a fait danser au son
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1 d'une musique bosnienne alors qu'il la tenait au bout de son pistolet.
2 Pendant tout ce temps, les filles ont été violées sinon par Kostic et
3 Kovac, par d'autres soldats que Kovac avait fait venir à l'appartement
4 afin qu'ils violent les jeunes filles. Le témoin 75 vous a décrit comment
5 Kovac l'avait forcée à permettre le viol par Slavo Ivanovic. Lorsqu'elle
6 avait résisté, opposé une moindre résistance, il l'a giflée et a forcé la
7 jeune fille de 12 ans, le témoin AB à aller avec lui. Ce qui montre qu'il
8 y avait un contrôle psychologique mais aussi physique pour veiller à ce
9 que ces filles obéissent à leurs injonctions. Un mois plus tard, Kovac a
10 prêté le témoin 75 et le témoin AB à un groupe de quelque quinze soldats
11 qui les ont emmenées dans un autre appartement. Mais il arrivait même à ce
12 moment-là à Kovac de passer par-là pour contrôler les filles. Il faisait
13 semblant de s'inquiéter de leur santé mais il savait pertinemment que là
14 aussi elles étaient utilisées comme elles avaient été utilisées auparavant
15 dans son appartement lui en tant qu'esclaves sexuelles. Tout ceci relevait
16 de l'attitude cynique qu'a montré l'accusé Kovac dans ce procès, il disait
17 qu'il voulait les protéger. Lorsqu'il a emmené le témoin 75 dans cet
18 appartement, il lui a promis de la protéger mais il n'a fait que la
19 protéger comme quelqu'un protégerait sa propriété, ses marchandises, son
20 investissement. Il l'a traitée comme du bétail, pas comme un être humain.
21 Lorsque les soldats à qui avaient été données ces deux jeunes filles,
22 lorsqu'ils sont passés dans un autre appartement, ils ont emmenés les
23 filles et ces jeunes filles ont compris qu'elles deviendraient la
24 propriété de Kovac. En décembre 1992, les soldats ont ramené les témoins
25 75 et AB à l'appartement de Kovac mais là ils se sont disputés sur la
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1 question de savoir qui allait prendre quelle fille et certains soldats ont
2 emmenés des jeunes filles sans la permission de Kovac. Lorsque l'accusé
3 Radomir Kovac l'a découvert, il était furieux et il s'est vengé sur les
4 filles. Il est parti à leur recherche, les a frappées et puis il les a
5 forcées à se déshabiller et à se placer pendant une demi-heure dans le
6 froid sur une table puis il les a fait descendre en direction de la
7 rivière Drina, les a fait marcher nues en plein jour et à ce moment-là, il
8 a menacé de leur couper la gorge. Le témoin 75 était à ce point désespérée
9 –comme elle nous l'a dit- qu'elle a pensé à se tuer, à se jeter à l'eau
10 plutôt que de se laisser menacer de la sorte et c'est seulement quand
11 Kostic est intervenu que Kovac a autorisé ces filles à rentrer dans
12 l'appartement. Ceci montre le pouvoir qu'exerçait Kovac sur ces jeunes
13 filles et montre aussi l'utilisation qu'il a fait de son pouvoir. Le
14 lendemain, Kovac a vendu AB à un soldat pour la somme de 200 marks et il a
15 donné le témoin 75 à deux autres soldats. Le témoin 75 s'est retrouvé avec
16 ce même soldat qui avait acheté AB. Elle vous a décrit ce qu'il lui a fait
17 et ce qu'il a fait au témoin AB, elle a dit, je cite: "Il nous a vendues
18 partout. Il faisait du commerce avec nous. Il nous vendait pour du viol,
19 il veillait à ce que d'autres hommes puissent nous violer. Quinze jours ou
20 un mois plus tard, le soldat Jasko Gadzic a emmené le témoin AB et
21 personne ne l'a plus jamais revue. Pendant huit ans, il n'y a pas eu
22 moindre trace, et ceci montre malheureusement bien qu'elle a sans doute
23 été tuée. Le témoin 75, elle, a été aidée par deux soldats serbes qui ont
24 compris sa situation et l'ont aidée à s'échapper en mars 1993. Dans
25 l'intervalle, l'accusé Kovac s'est gardé pour lui-même le témoin 87 alors
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1 que Kostic, lui, avait le témoin AS. Ces jeunes filles étaient séquestrées
2 dans l'appartement de Kovac, elles ne pouvaient pas sortir, elles
3 n'avaient aucun contact ni avec leur famille ni avec l'extérieur. Il leur
4 était interdit de sortir sans la permission de Kovac et lorsqu'il en avait
5 envie, il faisait sortir le témoin 87, il la forçait à porter une
6 casquette militaire serbe et la forçait à l'accompagner dans des cafés où
7 elle était assise à côté de lui comme un élément de décoration. Les gens
8 qu'ils ont rencontrés dans ces endroits n'ont pas montré de sympathie
9 envers le témoin. Au contraire, ils sont restés à l'écart et les témoins
10 de la défense sont même venus vous dire qu'ils n'ont jamais demander au
11 témoin 87 d'où elle venait ou comment il se faisait qu'elle soit avec
12 Kovac. Il n'était pas nécessaire qu'elle se pose une telle question, ils
13 savaient. Tout le monde savait d'ailleurs. Ce n'était pas sa petite amie
14 comme il l'affirmait, elle était son esclave.
15 Kostic a gardé en tant qu'esclave le témoin AS. Il la frappait, la violait
16 quand il le voulait. Il la séquestrait, menaçait de la tuer jusqu'au
17 moment où Kovac a décidé qu'il fallait vendre ces deux jeunes filles, les
18 témoins AS et 87. Il les a vendues à deux soldats du Monténégro pour 500
19 marks la pièce. Ces deux soldats ont acheté ces deux filles tout comme ils
20 ont acheté des armes au cours de ce déplacement. Eux, comme Kovac,
21 considéraient ces jeunes filles non pas comme des êtres humains mais comme
22 des marchandises qu'il était loisible d'acheter et de vendre comme on
23 l'entendait. Ces deux soldats du Monténégro ont emmené les témoins AS et
24 87 au Monténégro. Là, ces deux jeunes filles ont été forcées à travailler,
25 à être abusées par le premier venu et finalement elles ont eu un peu de
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1 chance parce que, de là, elles ont réussi à s'échapper et à se retrouver
2 plusieurs mois plus tard en sécurité. L'accusé Kovac n'a jamais nié avoir
3 vécu dans cet appartement de Lepa Breva au moment des faits. Il n'a pas
4 nié non plus que le témoin 87 s'y soit trouvé avec lui. D'ailleurs, tous
5 les témoins qu'il a cité à sa décharge ont attesté du fait qu'il vivait
6 dans cet appartement depuis l'été 1992 jusqu'au moins le printemps 1993.
7 Cet appartement qui avait été autre fois occupé par des Musulmans mais
8 Kovac s'en était emparé. Il l'a utilisé même si ses parents habitaient à
9 proximité, à Foca eux aussi.
10 Ajouté à cela le fait que les témoins à décharge sont venus aussi vous
11 dire que le témoin AS était séquestré à cet endroit, que Jagos Kostic y
12 vivait et que trois des survivantes ont identifié l'accusé Kovac ici dans
13 le prétoire. Vous avez ainsi la preuve irréfutable au-delà de tout doute
14 raisonnable que Kovac était bien l'homme qui avait réduit ces jeunes
15 filles en esclavage. S'agissant de l'identité de l'accusé Kunarac,
16 l'accusation affirme que, là aussi, il y a preuve au-delà de tout doute
17 raisonnable. Ses victimes l'ont reconnu lui aussi dans le prétoire et tout
18 comme l'accusé Zoran Vukovic, il a manifestement violé ces jeunes filles.
19 Ils n'ont fait aucun effort pour dissimuler leur identité, ils ont utilisé
20 leur nom et leur surnom, ce qui fait que la question de leur identité ne
21 se pose pas ici. L'accusé Kunarac a reconnu qu'il avait emmené les témoins
22 75 et DB à la maison se trouvant au 16 de l'Ulica Osmana Dikica. Il
23 reconnaît avoir eu des rapports sexuels avec DB dans cette maison alors
24 que le témoin 75 se trouvait seule dans l'autre pièce à subir un viol
25 collectif. Là non plus, la question de l'identité ne se pose pas. De même,
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1 l'identification de l'accusé Kunarac par le témoin 87 n'est pas contesté
2 puisque lui-même reconnaît l'avoir vue, elle, à la maison Karaman et il
3 reconnaît l'avoir appelée par son nom au Centre des Partisans et l'avoir
4 emmenée avec le témoin 75, le témoin DB et une autre jeune fille à
5 Miljevina. Cette autre jeune fille, c'était le témoin 190 qui, elle aussi,
6 a reconnu l'accusé Kunarac dans le prétoire.
7 En ce qui concerne les témoins 191 et 186, là non plus ne se pose aucun
8 problème d'identification. De ces propres dires, Kunarac reconnaît les
9 avoir emmenées à la maison de Trnovace, les y avoir séquestrées même s'il
10 qualifie ses actes comme n'étant pas criminels.
11 De surcroît, nous avons d'autres moyens de preuve qui permet d'identifier
12 l'accusé Kunarac surnommé Zaga comme étant celui qui était venu au Centre
13 des Partisans avec des soldats, avaient fait sortir des jeunes femmes pour
14 les violer. Les témoins 105, 95 et 48 ont tous reconnu Kunarac dans le
15 prétoire comme étant un homme qui venait fréquemment au Centre des
16 Partisans pour les violer.
17 Le témoin 50 a également reconnu l'accusé Kunarac comme étant celui qui
18 l'avait violée à la maison du tailleur. Elle a reconnu sa photo dans une
19 sélection photographique avant l'audience mais elle vous l'a dit qu'elle
20 ne voulait pas se prononcer à partir d'une simple photographie. Toutefois,
21 lorsqu'elle a vu l'accusé ici, assis dans le prétoire, elle l'a reconnu.
22 Et rappelez-vous la façon dont elle l'a reconnu. Elle l'a reconnu à ses
23 yeux, elle a dit que c'étaient ses yeux qu'elle avait reconnus.
24 Le témoin 183 a également reconnu l'accusé. Elle a eu amplement l'occasion
25 de le voir et dès lors de pouvoir le reconnaître au moment de sa
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1 déposition. L'accusé est venu chez elle, lui a parlé, a proféré des
2 menaces à son encontre. Il est resté avec elle alors que les deux autres
3 soldats pillaient son appartement et puis il l'a emmenée dans un bois où
4 lui et les autres soldats l'ont violée; et en la violant, il lui a dit
5 précisément de le regarder dans les yeux, ce qu'elle a fait puisqu'il
6 l'avait forcée à le regarder. Et ce sont ces yeux-là qu'elle a reconnus,
7 ce sont ces yeux qu'elle a reconnus comme étant ceux de Kunarac, son
8 violeur.
9 Parlons maintenant de l'accusé Zoran Vukovic.
10 Il est exact de dire, et c'est un fait que l'accusation n'a jamais
11 dissimulé, il est vrai de dire qu'il y avait plusieurs hommes répondant au
12 nom de Zoran Vukovic à Foca, à l'époque. Plusieurs témoins à charge sont
13 d'ailleurs venus parler à la barre d'autres Zoran Vukovic qui n'étaient
14 pas l'homme assis dans ce prétoire aujourd'hui.
15 Mais est-ce que ceci jette un doute raisonnable sur la thèse de
16 l'accusation?
17 Nous estimons que non, que ce n'est pas le cas. Que signifie non
18 d'ailleurs? Ici, en l'espèce, très peu de chose. Parce que ce ne sont pas
19 les noms qui ont permis de reconnaître les accusés, ce sont les visages.
20 Il y a peut-être plus qu'un seul Zoran Vukovic mais, manifestement, il n'y
21 en n'a qu'un qui porte ce visage, le visage de l'accusé qui se trouve ici
22 dans ce prétoire.
23 Le témoin 50, lui, a reconnu l'accusé à son visage, ici aussi. Parce que
24 c'est lui qui l'avait forcé à une fellation, à un Buk Bijela, un incident
25 à ce point traumatique qu'il a fallu huit ans à cette jeune femme pour
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1 pouvoir en parler. Elle l'avait revu au centre de Partizan quand il avait
2 forcé la mère du témoin à trahir l'endroit où elle se cachait afin qu'elle
3 puisse être violée par cet homme. Le visage de l'homme qui lui a infligé
4 ce supplice lui restait gravé dans la mémoire.
5 Le témoin 75 a reconnu l'accusé Zoran Vukovic à son visage aussi. Il lui
6 avait dit qu'il avait tué son oncle. Et ceci n'a été qu'une confirmation
7 de ce qu'elle avait déjà vu elle-même, à savoir que Zoran Vukovic était
8 l'homme qui avait emmené son oncle qui à Buk Bijela, son oncle qui avait
9 disparu sans laisser de traces. L'accusé Zoran Vukovic lui a infligé un
10 viol oral, dans l'appartement de Kifla. Nous n'avons pas repris cet
11 incident dans l'Acte d'accusation puisque cet incident a été révélé au
12 moment du procès et non pas au moment où nous préparions l'Acte
13 d'accusation. Là non plus, nous ne pouvons pas, à l'intérieur, demander à
14 la Chambre de retenir cet incident, ce fait comme chef d'accusation. Mais
15 je pense qu'il intervient pour montrer que l'accusé Zoran Vukovic ne s'est
16 pas contenté de participer aux attaques menées sur la population civile,
17 il ne s'est pas contenté de savoir le contexte dans lequel ces infractions
18 étaient commises, mais qu'en fait, il était membre du détachement Dragan
19 Nikolic dont faisait partie l'accusé Kovac.
20 Le témoin 87 a, elle aussi, reconnu l'accusé Zoran Vukovic à son visage.
21 C'est lui qui l'avait violée à l'école secondaire de Foca, pendant que
22 deux autres soldats violaient deux autres jeunes filles dans la même
23 pièce, au vu et au su l'une des autres aussi.
24 Le témoin 95 a reconnu spontanément Zoran Vukovic dès qu'elle l'a vu dans
25 le prétoire. Elle ne connaissait même pas son nom mais dès qu'elle l'a vu
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1 dans le prétoire, elle l'a reconnu. C'était l'un des hommes qui venaient
2 au centre des Partizan, venaient la chercher et la violer.
3 Ceci n'a pas été une identification aléatoire due au hasard ou suggérée
4 par l'accusation. Nous estimons que le témoin n'a pas identifié Kovac, ce
5 qu'elle aurait pu faire car il était assis à côté de Vukovic. Elle ne l'a
6 pas fait parce qu'elle a surtout vu le visage de Zoran Vukovic.
7 Ce nom est peut-être un nom très courant, mais est-ce que ce visage l'est?
8 Nous estimons qu'il ne l'est pas.
9 Souvenez-vous que le témoin 48 nous a dit avoir été violée par un homme
10 qui s'appelait Zoran Vukovic et qu'elle connaissait avant la guerre mais
11 elle a précisé que l'homme qui se trouvait ici dans ce prétoire n'était
12 pas le Zoran Vukovic qui l'avait violée. Elle a pu établir une différence
13 entre le visage d'un Zoran Vukovic et l'identité d'un autre et nous
14 pensons que la franchise, la candeur avec laquelle elle s'est exprimée
15 ici, dans ce prétoire, montrent que son témoignage est fiable et crédible.
16 Le témoin 75 nous a dit qu'il y avait un autre Zoran Vukovic qui l'avait
17 violée après qu'elle ait été vendue par Kovac. Celui-là s'appelait Kifla.
18 Et là-aussi, elle a pu établir une différence entre le visage qu'avait ce
19 Zoran Vukovic là, et celui-ci.
20 Et nous soutenons qu'ici, il est exclu que l'homme qui se trouve ici dans
21 ce prétoire ne soit pas l'homme qui a violé ces jeunes filles, incidents
22 qui sont repris dans l'Acte d'accusation.
23 Il y a d'autres éléments d'identification s'agissant de l'accusé Zoran
24 Vukovic à l'appui de son identité. Les témoins qui ne le connaissaient pas
25 avant la guerre ne pourraient connaître ces détails si ce n'était lui-même
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1 qui les leur avait fournis. Par exemple, le témoin 50 a dit que l'accusé
2 lui a dit, après l'avoir violée, qu'il lui aurait infligé d'autres
3 supplices s'il n'avait pas eu une fille de son âge. Il a effectivement une
4 fille qui a à peu près l'âge du témoin 50. A l'époque, le témoin 50 avait
5 quinze ans, âge aussi de la fille de Kovac. Le témoin 50 n'aurait pas pu
6 avoir connaissance de ce fait si cet homme, après l'avoir violée, ne le
7 lui avait pas dit.
8 De surcroît, il n'y avait qu'un Zoran Vukovic dans le détachement de
9 Dragan Nikolic, même les témoins à décharge sont venus vous le dire. Et
10 lorsqu'on rassemble ces différents éléments de preuve, il y a un faisceau
11 qui est établi et qui prouve qu'au-delà de tout doute raisonnable, que
12 c'est bien l'homme en question. Pendant toute la durée du procès, les
13 avocats des trois accusés ont essayé de mettre en cause la crédibilité des
14 témoins.
15 Mais de l'avis de l'accusation, la crédibilité de ces témoins n'a pas été
16 touchée, elle est intacte. Voyons ce que la défense a essayé d'avancer.
17 Elles ont commencé à mettre en cause le souvenir des événements qu'avaient
18 les témoins et les quelques incohérences qu'il y avait entre ce qu'elles
19 avaient dit avant le procès et ce qu'elles disaient à l'audience.
20 S'agissant de l'effet de mémoire, tout le monde sait que la mémoire, le
21 souvenir se dissipe au fil du temps. Ce sont des événements qui se sont
22 produits il y a huit ans. Souvent, les témoins ne se souvenaient pas des
23 événements avec toute la clarté qu'on pourrait avoir d'un souvenir survenu
24 hier. Elles ne se souvenaient pas de tous les détails et ne se sont pas
25 souvenues de certains incidents non plus.
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1 Ceci a eu certains effets sur les thèses de l'accusation. Par exemple,
2 lorsque le substitut a posé une question directe à propos d'un viol repris
3 au paragraphe 7.13 de l'Acte d'accusation, le témoin 87 s'est contentée de
4 répondre qu'elle ne se souvenait pas et l'accusation accepte son avis, car
5 c'est ce qui se passe lorsque les témoins disent la vérité.
6 Nous reconnaissons là aussi que l'incident évoqué ici n'a pas été prouvé.
7 Mais c'est tout à fait normal qu'un témoin comme le témoin 87, qui a été
8 violée tant de fois, par tant de personnes, pendant si longtemps, pendant
9 un supplice aussi prolongé, ne puisse pas se souvenir du moindre des
10 incidents. Elle vous l'a dit très franchement. Et ceci donne encore plus
11 de poids à sa déposition.
12 De quoi pouvaient se souvenir les témoins? De beaucoup de choses. Certains
13 incidents sont restés gravés dans leurs mémoires. Je vous donne quelques
14 exemples. Par exemple, le témoin 87 se souvient avoir été violée par
15 Kunarac dans la maison de Karaman. D'autant plus qu'elle se souvenait que
16 quelqu'un avait un plâtre sur une partie de son corps. Elle se demandait
17 comment quelqu'un qui était dans le plâtre pouvait violer. Pourtant c'est
18 ce qu'il a fait.
19 Le témoin 75 se souvient avoir été la victime d'un viol collectif par
20 quinze soldats et elle se souvient qu'au moment où elle était encore en
21 train d'être violée, Kunarac est entré dans la pièce, a dit aux hommes de
22 se dépêcher afin qu'elle puisse repartir une fois après avoir remis ses
23 vêtements.
24 Les témoins 87 et AS se souviennent avoir eu tellement faim pendant
25 qu'elles étaient séquestrées dans l'appartement de Kovac qu'elles devaient
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1 supplier les voisins pour avoir un peu de nourriture, utiliser une corde
2 pour se faire monter de la nourriture par ces témoins. Les témoins 191 et
3 186 se sont souvenus du fait qu'elles avaient dû cacher tous les couteaux
4 qui se trouvaient dans la maison de Trnovace, car elles étaient tellement
5 terrifiées du soldat Jadranka: cette femme, elles avaient tellement peur
6 de cette femme car c'était elle qui les avait amenées et les terrorisait.
7 Tous les témoins se sont souvenus du pouvoir dont disposait Zaga à l'égard
8 de tous ces soldats, tous ces témoins se souviennent de la terreur, de
9 l'humiliation, du désespoir.
10 S'il existe une mémoire sélective, comme essayait de le dire la défense,
11 c'est comme cela qu'elle a opéré. Les témoins se sont souvenus des choses
12 qui les avaient le plus frappées, les plus touchées, c'est cela qui est
13 resté résistant à l'épreuve du temps. Nous avons vu aussi la façon dont la
14 personnalité peut déterminer les détails qui restent dans la mémoire des
15 témoins.
16 Le témoin 87 avait reconnu qu'elle ne se souvenait pas tellement bien du
17 temps. Elle était dans l'impossibilité de dire à quel moment quelque chose
18 s'était passé par rapport à un autre incident. Pourtant, elle s'est très
19 bien souvenue de ce qui s'était passé.
20 Le témoin 75 avait une très bonne mémoire en ce qui concerne les noms et
21 les surnoms. Et elle a donné de nombreux noms. Nous faisons valoir que ces
22 variations, ces écarts entre les différentes personnalités sont des choses
23 parfaitement humaines, tout à fait crédibles et dignes de foi.
24 La défense a parfois contesté la capacité des témoins à observer
25 précisément les choses du fait du traumatisme dont elles étaient les
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1 victimes. Cela étant dit, il n'y a rien qui permette de démontrer que le
2 traumatisme affecte de façon négative la fiabilité de ces témoins. Bien au
3 contraire, nous affirmons que ce que l'on est à même de repérer, alors
4 qu'on est sous le coup d'un traumatisme, reste pour toujours gravé dans sa
5 mémoire et se répète encore et encore comme un mauvais rêve. Les témoins
6 vous l'ont décrit eux aussi.
7 Il est arrivé que deux témoins déposent à propos d'un même incident et que
8 leurs dépositions soient quelque peu différentes l'une de l'autre. Par
9 exemple, un témoin a déclaré qu'elle se trouvait à un certain endroit à un
10 certain moment et qu'elle a assisté à un certain incident; il est arrivé
11 qu'un autre témoin, présente au même moment et au même endroit ne se
12 souvienne pas de l'incident. Mais nous savons tous d'expérience que nous
13 nous souvenons mieux de ce qui nous arrive à nous-mêmes que ce qui arrive
14 à d'autres. Nous affirmons ici que, si divergence il y a entre ce type de
15 dépositions, eh bien, la déposition pour ce qui a trait à ce qui est
16 arrivé au témoin lui-même est beaucoup plus fiable que ce qui peut être
17 rapporté par une personne à qui ce n'est pas arrivé personnellement.
18 Mais, pour la plupart des incidents dont nous avons fait rapport ici, les
19 dépositions se corroborent, les témoins corroborent la présence des autres
20 femmes, des autres jeunes filles, corroborent les faits.
21 Et puis, il y a toujours ce problème du récit et la façon dont nous
22 décrivons les événements que nous traversons. Nous savons tous
23 d'expérience que, lorsque nous racontons une histoire et que nous la
24 racontons encore et toujours, à chaque fois que nous la répétons, il
25 apparaît quelques variations: des détails sont omis, des détails sont
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1 ajoutés. Mais, quoi qu'il arrive, il s'agit toujours bel et bien de la
2 même histoire.
3 Ajoutons à cela que les témoins ont souvent eu à se prononcer sur des
4 événements qui se sont déroulés sur plusieurs mois, des événements qui ont
5 été provoqués à différents endroits et qui ont été perpétrés par
6 différents auteurs.
7 Le témoin 95 a été très éloquente. Elle a dit: "Il y a toujours des choses
8 qui ne sont pas dites. Il me faudrait dix jours pour vous raconter mon
9 histoire. Peut-être qu'au bout de dix jours, je ne pourrais pas encore
10 vous avoir tout dit".
11 Ce n'est que lorsqu'on apprend par cœur un texte que l'on peut être
12 absolument cohérent à tout instant. Mais ce n'est pas ce que les témoins
13 en cette affaire, ce n'est pas ce que les témoins de l'accusation ont pu
14 faire. Elles n'ont pas pu apprendre un texte.
15 Parfois, les variations entre un témoignage et des déclarations préalables
16 n'ont rien à voir avec la mémoire. C'est plutôt une réticence à décrire
17 tout ce qui s'est passé. Souvenez-vous du témoin 50 qui a finalement
18 réussi à décrire le premier viol dont elle avait été victime, lorsque
19 Zoran Vukovic a placé son pénis dans sa bouche à Buk Bijela. Très
20 innocemment, elle vous a dit: "Je suis couverte de honte". Elle ne pouvait
21 pas se permettre de prononcer ces mots qui découvrait cet acte innommable.
22 Il ne s'agit pas ici de mémoire: elle se souvenait très bien de ce qui lui
23 était arrivé. Elle se souvenait très bien que c'était Zoran Vukovic qui
24 avait perpétré cet acte sur elle. Mais, à l'époque, elle avait seize ans
25 et jamais, elle n'a raconté à sa famille ce qui s'était passé. Elle vous a
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1 expliqué pourquoi. Elle vous a dit: "J'ai pensé que, si je devais
2 souffrir, ils n'avaient pas à savoir ce qui m'était arrivé.
3 Rappelez-vous également du témoin AS qui, au début, avait trop peur de
4 répondre aux demandes formulées par le Bureau du Procureur qui souhaitait
5 avoir un entretien avec elle. Même si, lorsqu'elle était dans le prétoire,
6 elle avait toujours l'air très effrayé, elle a tout de même expliqué
7 pourquoi elle avait décidé de se présenter devant vous. Elle a dit: "C'est
8 pour mon avenir que je fais cela". Quand on a posé la question, elle a
9 répondu: "Oui, je veux dire ce qui s'est passé". Lorsque d'autres
10 questions lui ont été posées, elle a dit: "Je crois que je me sentirai
11 mieux après cela".
12 Nous savons tous que le prétoire n'est pas un lieu qui se prête à des
13 expériences thérapeutiques. Or, il arrive que ce soit précisément ce qui
14 se passe. Le témoin 50 a expliqué qu'elle avait finalement réussi à
15 décrire ce premier viol parce qu'elle avait prononcé la déclaration
16 solennelle, qu'elle s'était engagée à dire toute la vérité.
17 De la même façon, le témoin 191 a expliqué que, même si elle essayait de
18 faire en sorte de ne plus penser à tout cela, "elle était venue
19 aujourd'hui pour nous parler de tout ce qui lui était arrivé". Je la cite:
20 "Je crois que c'est l'endroit le mieux approprié pour que je puisse parler
21 de tout cela."
22 Dans son mémoire de clôture du procès, la défense a évoqué un argument
23 auquel l'accusation doit répondre parce que c'est la première fois que cet
24 argument a été invoqué: c'est l'allégation selon laquelle les témoins de
25 l'accusation ont fait l'objet d'une préparation. L'accusation affirme que
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1 rien, rien ne permet d'envisager qu'une telle chose ait pu se produire.
2 Jamais les témoins ne se sont vu poser de questions qui auraient pu être
3 considérées comme une préparation, même s'il y a eu tout loisir au cours
4 du contre-interrogatoire de poser ces questions aux témoins. Jamais il y a
5 n'y a eu possibilité de contrer ces allégations, avec description des
6 mesures prises pour s'assurer que les témoignages devaient être
7 parfaitement impartiaux et sincères.
8 Nous affirmons ici que, si la défense était vraiment convaincue que les
9 témoins s'étaient vu dire qu'ils devaient dire autre chose que la vérité,
10 elle aurait soulevé cet argument au cours de procès plutôt que d'attendre
11 le départ de tous les témoins de La Haye afin qu'ils ne soient pas à même
12 de décrire tout ce qui s'était passé, afin qu'ils soient à même de dire
13 qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'une préparation. La défense n'a pas
14 choisi de faire cela. Dans quelle situation nous trouvons-nous donc? Des
15 insinuations ont été prononcées; elles sont suspendues et ne sont motivées
16 par rien de tangible.
17 De la même façon, la défense a indiqué que, d'une certaine manière, les
18 témoins avaient réussi à monter leur histoire de toutes pièces. Mais là
19 encore, il n'y a rien qui permette de prouver cela, rien ne permet de
20 croire que les témoins aient même eu des contacts les uns avec les autres.
21 Sans parler d'une possible collaboration en matière d'élaboration de leurs
22 témoignages.
23 Nombre des témoins se sont retrouvés les uns aux côtés des autres par les
24 hasards de l'infortune et, après avoir traversé ces incidents, ils ont
25 essayé de vivre chacun leur propre vie. Ils n'ont pas eu de contact les
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1 uns avec les autres, ils ont tâché de reprendre le fil de leur existence.
2 Il y a eu d'ailleurs un cas où des informations nous ont été données qu'un
3 témoin qui avait un autre témoin dans sa famille l'avait contacté. C'est
4 l'accusation qui a fait valoir cette information aux yeux des Juges de la
5 Chambre et, immédiatement, aux yeux de la défense également, afin que la
6 défense puisse y consacrer du temps lors du contre-interrogatoire. Et ce
7 n'est pas ce qu'elle a choisi de faire.
8 L'accusation n'a pas présenté ses éléments à charge de la façon la plus
9 parfaite, mais c'est cela qui fait la force de cette présentation. Si
10 chaque témoin avait raconté une histoire parfaite, parfaitement cohérente
11 dans ses détails, cela aurait été trop simple, beaucoup trop facile et
12 trop improbable. Les imperfections, nous le savons tous, sont la
13 caractéristique même de la réalité et sont le signe d'une plus grande
14 véracité que tout récit fait minute par minute, tels que ceux qui ont été
15 faits par les témoins de la défense.
16 La défense s'est plainte au cours du procès de la façon dont les témoins
17 avaient répondu à leurs questions et ont essayé, de façon simpliste, de
18 déformer les réponses apportées à leurs questions. Par exemple, la défense
19 se plaint que les témoins ont répondu aux questions posées par
20 l'accusation mais pas à celles posées par la défense. Eh bien, je dirai
21 tout d'abord que cela est inexact: nous vous avons d'ores et déjà donné
22 des exemples d'occasions au cours desquelles les témoins de l'accusation
23 donnaient des réponses tellement candides qu'elles ont en fait été à
24 l'encontre des objectifs visés par l'accusation. Deuxièmement, les témoins
25 étaient très concentrés, ils écoutaient très attentivement les questions
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1 qui leur étaient posées avant d'y apporter réponse.
2 Alors, posez-vous la question: est-ce que c'est la réponse ou plus
3 simplement la question qui prêtait à confusion? Est-ce que le témoin n'a
4 pas essayé de répondre à la question du mieux qu'elle le pouvait? Est-ce
5 que la question a été posée de telle sorte que le témoin se retrouve dans
6 une situation quelque peu délicate?
7 Je vais vous donner un autre exemple de la sincérité, de l'impartialité
8 des témoins qui sont venus ici. Ils n'ont pas mis tous les Serbes dans le
9 même sac, ils n'ont pas essayé de se faire l'écho de préjugés, ils n'ont
10 pas essayé de se baser sur des stéréotypes qui déforment la réalité. Dans
11 ce scénario d'actes cruels, il y a des éclairs, des actes de générosité,
12 des actes de sympathie; et les témoins vous en ont fait le rapport.
13 On vous a dit comment une femme serbe était devenue l'ami des détenus qui
14 se trouvaient à Partizan et comment elle avait essayé de les protéger. Les
15 gardiens ont parfois aidé à détourner les soldats de leur intention. Le
16 soldat qui a sauvé 191 et 186 de l'accusé Kunarac a été décrit par le
17 témoin 191, qui a dit de façon très poignante "qu'il ne me voyait pas
18 juste comme une Musulmane mais comme un être humain". Je vous rappelle que
19 cet homme est par la suite devenu son mari. On a également entendu parler
20 de ces soldats serbes qui ont refusé de se livrer à des viols en dépit de
21 la pression exercée par leurs pairs. Le témoin 48 a décrit le soldat qui
22 l'a emmenée dans son appartement, ne l'a pas violée mais, bien au
23 contraire, lui a donné du shampooing et des sous-vêtements afin qu'elle
24 puisse les distribuer aux autres femmes qui se trouvaient à Partizan.
25 DB a également raconté comment elle avait été protégée lorsqu’elle avait
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1 été emmenée à Buk Bijela, par un soldat qui avait été camarade de classe.
2 D'autres témoins encore ont décrit comment des soldats qui avaient pitié
3 d’elles et les avaient emmenées, ne les avaient pas violées mais plutôt
4 avaient constaté l’état déplorable dans lequel elles se trouvaient. Le
5 refus de se livrer au mal est une maigre consolation, mais ce sont tout de
6 même des attitudes qui deviennent remarquables au cours de ces périodes
7 troublées et terribles. Les témoins vous ont rapporté ces actes et ne se
8 sont pas livrés à des jugements basés sur le préjugé. Ils n'ont pas essayé
9 de donner un dessein manichéen de ce qui s’est passé, dessein qui reposait
10 sur des divisions ethniques. Ils vous ont décrit dans toute leur
11 complexité les rapports humains qui étaient en place. Il y a une seule
12 raison pour laquelle les témoins ont montré du doigt des accusés tout en
13 exonérant d'autres soldats ; ils ont montré ces accusés du doigt parce que
14 ce sont les auteurs des crimes dont ils ont été victimes. Ce sont ces
15 hommes qui se sont livrés à ces actes ignobles. Les témoins ne sont pas
16 emplis de vengeance, ils sont simplement là à titre de témoin et pour
17 raconter ce qu'il s'est passé.
18 Les témoins de l'accusation étaient des témoins qui avaient du mal à venir
19 ici, du mal à s’exprimer. Ils n'avaient rien à gagner en venant ici et en
20 racontant dans la plus grande véracité les événements horribles qu’elles
21 avaient traversés. Elles se soumettaient en venant ici à des attaques sur
22 leur honneur, leur crédibilité. On a minimisé leurs souffrances bien
23 réelles. Souvenez-vous du contre-interrogatoire auquel a été soumis le
24 témoin 87 lorsque Me Kolesar lui a posé la question suivante: "Pourquoi ne
25 nous dites-vous pas que Kovac vous a aidé et que vous l'aimiez bien?".
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1 Elle a répondu avec autant de dignité que faire se pouvait dans de telles
2 circonstances: "Eh bien, je dirai d'abord que, non, je ne l'aimais pas. Et
3 deuxièmement, ce n'est pas vrai qu'il m'a aidée. Vous me demandez d’être
4 reconnaissante. De quoi serais-je reconnaissante? Je ne vois vraiment pas
5 pourquoi je devrais être reconnaissante. Parce qu’il m’a violée peut-être?
6 Parce que Kostic m’a violée, parce qu’il m’a vendue à des Monténégrins?"
7 Je ne sais pas. Vous pouviez observer le comportement des témoins, vous
8 pouviez juger au vu de leurs expressions, de leur langage corporel qu’ils
9 ne disaient que la vérité. Je crois que chacun dans ce prétoire a pu
10 comprendre à quel point il était difficile pour ces témoins de témoigner,
11 combien cela était une expérience douloureuse même après toutes ces
12 années, combien il était gênant de décrire dans le détail des actes
13 sexuels auxquels elles avaient été soumises mais vous pouviez également
14 voir à quel point les témoins essayaient de se concentrer et de vous
15 donner une réponse claire et précise ; parfois réponses apportées à des
16 questions totalement outrageantes. Nous vous affirmons que les témoins de
17 l'accusation ont déposé de façon mesurée, de façon concentrée, qu'ils ont
18 résisté de façon admirable à des contre-interrogatoires vigoureux et, ce
19 qui est plus important encore, que leurs dépositions sont fiables et
20 dignes de foi.
21 Revenons maintenant aux arguments de défense invoqués par l’accusé Kovac.
22 Pendant tout le contre-interrogatoire et pendant le témoignage de
23 différents témoins de la défense, l’avocat de M. Radomir Kovac a essayé de
24 dépeindre la situation qui prévalait dans l’appartement de Lepa Breva
25 comme une situation de havre et non pas de réduction en esclavage. Aucun
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1 élément de preuve crédible n’est venu soutenir cet argument. Ce qui a été
2 affirmé par l'accusé Kovac n’est pas vrai, on n’a pas permis à ces jeunes
3 femmes de faire des courses, on ne leur a pas permis de se rendre à
4 l’extérieur, de rendre visite à des gens ou d’assister à des fêtes. Elles
5 n’avaient pas liberté de mouvement. Jamais on ne leur a apporté de
6 nourriture. Il n'y avait pas de fêtes, de moments de loisir, pas de
7 lettres d'amour. Nous affirmons que les témoins de la défense qui ont
8 déclaré qu'ils avaient vu ces jeunes filles mener leur vie de façon gaie
9 et légère ne sont pas crédibles. Ils ont pensé qu'il était bizarre qu’un
10 soldat serbe ait une jeune fille musulmane à ses côtés. Comme se fait-il
11 que cette fille se mette simplement à danser au milieu d'étrangers? Cette
12 femme qui vivait au premier étage de l’immeuble de Kovac disait ne rien
13 savoir de ce qui se passait dans l’appartement du 10, en dépit du fait que
14 tout soldat qui vivait dans cet endroit et qui s'y rendait devait passer
15 devant sa porte. Souvenez-vous de ce qu’a dit le témoin DL. La femme qui
16 vivait aussi dans ce même immeuble et qui a commencé par affirmer que le
17 témoin 87 lui avait dit, personnellement, qu'elle était amoureuse de
18 Kovac. Lorsqu’on lui soumis sa déclaration préalable où elle n’affirmait
19 rien d’approchant, elle a finalement dû admettre que jamais elle n’avait
20 vraiment parlé avec le témoin 87, qu’elle avait seulement entendu parler
21 du fait que le témoin 87 était l’ami de Kovac.
22 En fait, il faut se poser la question suivante: si on essayait de sauver
23 ces jeunes filles, si on essayait de les protéger dans un appartement,
24 pourquoi alors coucher avec ces mêmes jeunes filles dans le même lit alors
25 que Kovac pouvait évidemment se rendre chez ses parents pour y demeurer.
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1 Les jeunes filles n'aimaient pas cet homme. Le témoin 87 vous a dit,
2 lorsque la question vous a été posée par le conseil de la défense: "Est-ce
3 que c'était plus facile avec vous et Kovac que lorsque vous étiez au
4 centre de détention ou au centre Karaman?"
5 Rappelez-vous la réponse du témoin 87: "Eh bien, pour tous les sites que
6 vous avez cités, je dirais qu’il n’y avait aucune différence parce que
7 dans tous ces endroits j'ai été violée et même dans l'appartement de
8 Kovac, j’ai été violée par Kovac lui-même et Kostic. Donc, en ce qui me
9 concerne, je ne peux pas établir de distinction entre ce qui m’est arrivé
10 dans ces différents endroits. Il n’y a aucune différence" (Fin de
11 citation). Voilà l’essence même de la situation où se trouvaient ces
12 femmes: une esclave reste une esclave, qu'ils s'agisse d’une personne qui
13 est placée sous esclavage d’une personne ou d’un groupe de personnes.
14 L'accusation ne nie pas qu'il y avait effectivement une situation à Foca à
15 cette époque qui a vu une jeune fille musulmane tomber amoureuse d’un
16 soldat serbe. C’est le cas du témoin 191 qui est effectivement tombé
17 amoureuse de l’homme qui l’a sauvée des agissements de l’accusé Kunarac.
18 C'est elle qui a choisi de rester et d’épouser ce soldat. L’amour est
19 quelque chose qui se produit en dépit des affirmations faites par le
20 psychologue de la défense Raskovic Ivic qui avait dit précédemment qu’il
21 était impossible que l’amour survive dans de telles circonstances. En
22 disant cela, il a attaqué la crédibilité du témoin 191. L’amour ne peut
23 surgir que lorsque quelqu'un traite autrui comme un être humain, avec
24 tendresse, avec compréhension ; en comprenant que l’amour est quelque
25 chose qui se donne librement, si c'est quelque chose que l'on souhaite
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1 donner.
2 L'amour ce n'est pas ce qui a surgi entre Kovac et les jeunes filles qu'il
3 tenait séquestrées dans son appartement. Peut-on parler d'amour quand
4 Kovac a tenu les témoins 87 et AS en état d'isolation contre leur gré?
5 Peut-on parler d’amour lorsqu’en fait il a vendu ces jeunes femmes comme
6 s’il s’agissait de bétail? Quelle tendresse y avait-il lorsque le témoin
7 87 et les autres filles ont dû se tenir nues sur une table par un froid
8 atroce? Quelle tendresse y avait-il lorsqu’on les a forcées, sous la
9 menace d'un fusil, à se diriger nues vers la rivière? Quelle tendresse y
10 avait-il lorsqu’on les menaçait de leur couper la gorge? Les témoins 87 et
11 75 vous ont dit qu’elles ont chacune pensé à se suicider du fait de ce que
12 Kovac leur avait fait subir.
13 Madame le Président, Monsieur le Juge, la défense vous a demandé de croire
14 qu'il s'agissait là d'une relation amoureuse mais comment pourrions-nous
15 parler d'une telle relation? Il s’agissait d’une relation de haine dans le
16 cadre de laquelle l’identité des victimes était dépréciée, humiliée. On
17 les dépréciait, on les humiliait à la fois en tant que musulmanes mais à
18 la fois en tant que femmes. C'était une relation basée sur la peur, dans
19 les armes, les menaces, les passages à tabac étaient utilisés pour réduire
20 la volonté des victimes à néant. Il s'agissait d'une relation de maître à
21 esclave. Ce qui importe ici, c’est que Radomir Kovac pouvait démontrer son
22 pouvoir de possession sur un autre être humain et qu'il ne s'en est pas
23 privé, bien au contraire.
24 Quels ont été les arguments de défense avancés par l'accusé Zoran Vukovic?
25 Les arguments médicaux de défense de Zoran Vukovic méritent à peine qu'on
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1 s'y attarde. Il suffit de dire que seuls les éléments de preuve qui
2 indiquent que l'accusé est tombé dans les bois et s'est blessé aux
3 testicules, de telle sorte qu'il a été blessé pendant un an, sont des
4 éléments de preuve qui proviennent de l'infirmière, le témoin DV, dont le
5 registre médical n'indique en aucun cas ce qu'elle affirme s'être passé.
6 Ces éléments de preuve ont également été apportés par un ami de l'accusé
7 Zoran Vukovic qui a affirmé avoir vu cette blessure. Sur l'insistance de
8 la défense, la Chambre de première instance a désigné un expert médical
9 impartial qui a mené à bien deux examens médicaux très poussés de
10 l'accusé. Cet expert impartial a non seulement établi que rien n'indiquait
11 que l'histoire de l'accusé reposait sur des faits réels, mais encore il
12 apparaît que cette histoire a sans doute été montée de toute pièce parce
13 qu'elle ne tenait pas compte de certains faits médicaux évidents dont
14 certains, dont une personne qui aurait effectivement subi une telle
15 blessure aurait forcément évoquée: à savoir qu'une telle blessure aurait
16 provoqué le noircissement de la zone touchée dans l'espace de quelques
17 jours.
18 L'expert médical de la défense n'a simplement pas pu exclure la
19 possibilité qu'une telle blessure ait pu se produire. Par conséquent,
20 l'accusation affirme que la Chambre de première instance ne dispose pas
21 d'éléments de preuve confirmant l'existence de cette blessure. La seule
22 chose dont nous disposons, ce sont la description de circonstances dont
23 même un expert médical avait trouvé qu'elle étaient sujettes à caution.
24 La seule conclusion que la Chambre de première instance était en droit de
25 tirer de cela, c'est qu'il s'agit là d'une tentative de déformation et de
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1 tromperie, effort d'un homme qui essaie se sauver.
2 Je vais maintenant parler des éléments juridiques. Quatre crimes ont été
3 reprochés dans cette affaire: viol, torture, outrage sur la personne et la
4 dignité de la personne, et la réduction à l'esclavage. Il y a également eu
5 des charges indiquant la violation des lois aux coutumes de la guerre et
6 crimes contre l'humanité.
7 Je vais commencer par la description des viols. Les trois accusés ont été
8 chargés de crimes, de viols comme crimes contre l'humanité. Pour qu'il y
9 ait un viol, il faut absolument avoir pénétration sexuelle, suivie d'une
10 force ou une menace de force. La pénétration sexuelle n'a pas été
11 contestée dans les actes qui sont allégués dans l'Acte d'accusation. Il y
12 a eu pénétration vaginale et orale et anale. La défense prétend qu'il n'y
13 a pas eu d'utilisation de force. La jurisprudence du Tribunal est très
14 claire et elle stipule que ce n'est pas nécessaire d'avoir de la force
15 pour qu'on crée une terreur et une détresse chez la victime. La guerre en
16 elle-même crée une pression et, dans ce cas-ci, nous avons les victimes
17 qui ont toutes été détenues; c'est-à-dire que ces victimes ne pouvaient
18 pas se déplacer librement. Indépendamment de ce que la défense dit de
19 l'école de Foca, du Partizan comme étant des centres de rassemblement, ce
20 n'est pas vrai parce que ces femmes étaient détenues, elles ne pouvaient
21 pas se déplacer et dans tous les cas, lorsque les soldats se sont
22 présentés pour les faire sortir et les emmener dans différents endroits
23 afin de les violer à ce moment-là, ces femmes étaient bien séquestrées car
24 elles n'étaient pas libres, elles ne pouvaient pas circuler librement. Les
25 victimes avaient peur. Elles étaient terrifiées et on a raison de le
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1 croire, dans un conflit ethnique, pour une femme musulmane, de se faire
2 sortir par un soldat serbe qu'elle ne connaissait pas et qui était de
3 surcroît armé, qui souvent venait en groupe, il l'emmenait dans des
4 endroits isolés, non familiers pour aucune autre raison que le viol. Ce
5 sont des raisons qui peuvent certainement créer la peur ou causer la peur.
6 Les victimes se sentaient psychologiquement opprimées étant donné les
7 circonstances et les événements qui ont eu lieu dans leur village, lorsque
8 leur mari, leurs frères et leurs oncles avaient été tués, leur maison
9 avait été brûlée, leurs biens avaient été enlevés, il y avait toute raison
10 de croire que les victimes pouvaient croire que la résistance était
11 futile. Les victimes elles-mêmes ont parlé de viol. Elles se servent du
12 mot viol et elles ont pu caractériser la situation comme étant quelque
13 chose qui avait été fait contre leur propre volonté, ne pas avoir eu de
14 choix ou avoir peur de ce qui aurait pu se passer le cas échéant.
15 Le témoin 132 a expliqué que la langue elle-même ne peut pas enlever le
16 concept de séparation et de force dans la langue yougoslave et nous a
17 expliqué qu'il y a un mot qui dit "silo" et qui veut dire "pouvoir", qui
18 veut dire "force".
19 Elle a dit à moi: "Pour moi, ce mot silovanje qui veut dire viol, voulait
20 dire qu'ils utilisaient le pouvoir, la force pour me contraindre et cela
21 veut dire tout pour moi, tout ce que j'ai vécu, ainsi que les autres
22 filles, s'est passé non contre ma propre volonté mais avec l'utilisation
23 de la force et du contrôle".
24 Les circonstances dans lesquelles les victimes se sont trouvées étaient
25 assez graves, mais de plus celles qui ont essayé de résister ou qui ont
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1 offert de la résistance étaient battues. Les femmes et les enfants ont été
2 emmenés du Partizan, se sont faits sortir et se sont faits battre comme le
3 témoin 95, et tout le monde l'a vu, les auteurs de ces actes ont
4 constamment montré leurs armes et ils menaçaient de tuer les femmes et
5 leurs enfants. Il n'y a pas eu de consentement, on ne peut imaginer qu'il
6 y ait pu en avoir dans ce cas-ci. Vous vous rappelez quelle a été la
7 réaction du témoin 95 lorsque l'accusation lui a demandé si le contact
8 sexuel était contre sa volonté, elle a répondu, et elle était tout à fait
9 outragée, elle a dit: "Excusez-moi Madame, mais si pendant quarante jours
10 vous avez des rapports sexuels avec quelqu'un ou avec plusieurs personne,
11 croyez-vous vraiment que c'est quelque chose qui se fait de son propre
12 gré?"
13 Ni ce Tribunal ni les autres juridictions nationales ne parlent de
14 résistance comme élément de viol. La défense a mal interprété la loi de
15 cette façon-là pour ce qui est du système juridique et des victimes. Les
16 victimes ont très souvent dit qu'elles étaient plongées dans le désespoir
17 et dans l'indifférence mais cela ne les rendaient pas consentantes. Et
18 effectivement, les circonstances spécifiques qui entouraient plusieurs de
19 ces viols soutiennent même la plus étroite interprétation de la force.
20 Jagos Kostic dormait avec un revolver sous son oreiller lorsqu'il violait
21 AS dans l'appartement de Kovac et lorsque le témoin 75 a refusé d'aller
22 voir Slavo Ivanovic pour se faire violer, Kovac a forcé le témoin A12 qui
23 était âgé de 12 ans à se rendre. Et même si personne n'a posé la question,
24 il faut se demander: comment se fait-il que ces trois soldats avaient la
25 force pour contrôler ces personnes?
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1 Je vais maintenant parler du viol de DB; elle était sous les menaces
2 directes de l'adjoint de Kunarac qui s'appelait Gaga. Elle avait été
3 menacée de se faire tuer si elle ne satisfaisait pas sexuellement son
4 commandant. Outre le fait que Kunarac savait tout cela et avait entendu
5 les menaces et avait très bien compris ce qui se passait, nous pouvons…
6 mais essayons de voir pour l'instant ou de parler du fait qu'il ne le
7 savait peut-être pas. Est-ce que c'est possible? Est-ce que même
8 l'apparence d'un consentement aurait pu être perçu sous ces circonstances
9 tel que le prétend Kunarac? Il admet que DB avait été détenue, il l'avait
10 emmenée du Partizan et il l'avait amenée dans cette maison pour
11 confronter, comme il l'a dit, les soldats mais il admet qu'il avait peur
12 et il admet également qu'il savait à ce moment-là qu'elle avait été violée
13 par des soldats auparavant et c'était la raison pour laquelle il
14 l'emmenait dans cette maison. L'accusation soumet qu'il n'y a aucune façon
15 que l'accusé Kunarac aurait pu se tromper sur sa volonté sous les
16 circonstances de prendre part à des actes sexuels avec lui.
17 Je vais maintenant parler de torture. Pour qu'il y ait torture, il faut
18 qu'il y ait une qu'il y ait une affection de souffrance mentale très
19 sévère. Dans ce cas-ci, nous pouvons dire que Zoran Vukovic a violé les
20 filles à l'école de Foca, nous parlons également des viols que Kunarac et
21 Vukovic ont fait aux détenues qui se trouvaient au Partizan et au témoin
22 183. L'accusation soumet que le viol en lui-même est une souffrance
23 mentale et physique et la défense de présenter deux arguments faibles pour
24 cela. D'abord, ils disent que la souffrance doit être plus grande que
25 celle qui est normalement sentie lorsqu'on viole. C'est très difficile
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1 d'imaginer un acte qui peut causer une plus grande souffrance que le viol.
2 La psychologue de la défense Raskovic Ivic a également témoigné à cet
3 effet. Il n'y a donc rien de plus dégradant que cet acte de viol pour
4 causer une grande souffrance. La défense prétend également qu'il est
5 nécessaire de faire des tests médicaux et scientifiques pour voir si la
6 souffrance était assez grande. Ce n'est pas vrai. Les Règles de ce
7 Tribunal n'exigent pas qu'il y ait corroboration du témoignage du témoin.
8 Les témoins elles-mêmes vous ont dit à quel point elles ont souffert, à
9 quel point les viols étaient douloureux et à quel point elles continuent à
10 souffrir même aujourd'hui.
11 Le témoin 95 vous a dit que les soldats l'ont violée d'une façon furieuse
12 et elle dit que Kunarac l'a violée dans la maison située au n°16. Elle a
13 dit: "Il était… il utilisait beaucoup de force, il voulait me faire mal le
14 plus possible mais il ne pourra jamais me faire autant de mal que je ne
15 souffre déjà."
16 Les souffrances causées par ce viol sont suffisantes pour parler de
17 torture. Maintenant, concernant l'application officielle, nous croyons
18 qu'il est suffisant que les auteurs de ce crime soient des soldats comme
19 ils l'étaient dans ce cas. Ce n'est pas important de dire que c'étaient
20 des soldats simples comme le prétend la défense. Les moyens de preuve
21 démontrent que les accusés étaient actifs au combat pendant cette époque-
22 là, qu'ils ont violé les personnes qui portaient des uniformes et qu'ils
23 étaient armés. De plus, en parlant de sanction officielle qui est en fait
24 l'apparente complicité qui existait entre la police et les militaires et
25 qui appuyait cet élément. Et finalement en parlant de torture, l'objectif
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1 proscrit dans lequel nous parlons d'humiliation, de discrimination,
2 d'intimidation dans le but d'obtenir l'information et de punir les
3 personnes. La discrimination est basée sur le fait que les victimes dans
4 ce cas-ci étaient toutes des femmes musulmanes.
5 Et les moyens de preuve démontrent que les auteurs de ces crimes ont
6 insulté ces femmes musulmanes. Kunarac a dit au témoin 183 de regarder un
7 Serbe dans les yeux alors qu'il la violait. Kunarac a également dit au
8 témoin 48 qu'elle aurait des bébés serbes. Dans chacun des incidents,
9 l'humiliation était le but.
10 La façon ouverte, la façon publique de violer les filles puisque les
11 filles étaient souvent violées dans une même salle de classe, nous
12 démontre qu'il y a eu humiliation, de ramener les filles violées à leur
13 fille ou de ramener les femmes à leurs enfants faisait également partie de
14 cette humiliation. Alors que le témoin 183 se faisait violer par ce groupe
15 de soldats, Kunarac l'a provoquée et lui a dit: "Tu ne sauras jamais qui
16 sera le père de ton enfant." Et lorsqu'on nous parlons du viol de DB,
17 lorsque Gaga l'a forcée à prendre une part active à son propre viol, tout
18 cela est conçu pour humilier les personnes et l'accusation soumet que
19 c'était vraiment le cas. L'intimidation était également présente dans
20 chacun des cas. Les viols ouvertement faits envers les femmes au Partizan
21 ou à l'école étaient faits dans le but d'intimider tous les détenus et
22 également pour intimider toute la population musulmane. Lorsque les
23 victimes ont quitté le territoire de la municipalité de Foca, d'autres
24 personnes savaient ou apprenaient qu'il y avait eu des viols et que le
25 nettoyage ethnique prenait part. Les filles qui se sont fait sortir du
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1 Partizan le 2 août 1992, les sanctions étaient également… la punition
2 faisait partie de ces viols. L'accusé Kunarac a choisi ces filles
3 particulièrement parce qu'elles avaient parlé à une journaliste quelques
4 jours plus tôt et il leur a dit: "Vous qui aimez bien parler, venez avec
5 moi."
6 En dernier lieu, lorsque nous parlons du viol du témoin 183, il y a eu un
7 autre motif pour obtenir l'information. L'accusé Kunarac et les deux
8 autres soldats qui l'ont violée l'avaient accusée d'avoir envoyé des
9 messages par voie de la radio, et ils ont essayé également d'obtenir des
10 informations, savoir où elle avait caché l'argent et l'or. C'est donc la
11 raison pour laquelle nous souhaitons que tous les éléments de torture ont
12 été prouvés au-delà de tout doute raisonnable.
13 Maintenant, je vais vous parler d'asservissement ou d'esclavage. La seule
14 définition de l'esclavage qui existe maintenant dans le droit
15 international pénal est une personne qui exerce le pouvoir sur d'autres
16 personnes. Et nous avons énuméré plusieurs indices parlant de cette
17 possession de personnes, de l'habileté de contrôler le mouvement, les
18 traitements abusifs tels que l'agression sexuelle et les caractéristiques
19 principales d'esclavages dans ce cas, ce sont vraiment ces violences
20 sexuelles.
21 Dans cette situation, ce qui a aggravé les choses, c'est le fait que ces
22 violences étaient répétées et on infligeait vraiment des violences telles
23 à la personne que la personne se sentait comme une chose. Cela incluait
24 également de faire promener les filles comme si elles étaient du bétail et
25 de s'en débarrasser lorsqu'on n'en voulait plus.
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1 Les éléments de preuve démontrant qu'elles étaient forcées à faire des
2 travaux de maison pouvaient être considérés également comme un aspect
3 d'esclavage mais ce n'était qu'une composante de la condition d'esclavage
4 dans lesquelles les filles se trouvaient puisqu'elles devaient servir et
5 servir les hommes qui les ont violées. La défense dit que les filles
6 voulaient probablement rester d'une façon volontaire dans ces endroits-là
7 puisqu'elles n'ont fait aucun effort pour s'échapper et que l'esclavage ne
8 peut pas exister s'il n'y a pas de possession permanente mais ils se
9 trompent. D'abord, essayer de s'enfuir et résister au viol, ces deux
10 éléments doivent être évalués. Les témoins vous ont dit qu'ils ne savaient
11 pas où aller puisque lorsqu'elles étaient emmenées vers ces maisons que
12 les accusés connaissaient, ces maisons étaient isolées, elles étaient
13 isolées des personnes qui auraient pu les aider. AS décrit qu'on l'a fait
14 promener dans la ville mais elle n'avait rencontré personne qui lui avait
15 offert ou qui avait voulu l'aider.
16 Le témoin 75 décrit qu'on s'est moqué, que les Serbes se sont moqués
17 d'elle, ceux qui étaient restés à Foca. Quelle est la raison pour laquelle
18 ces filles n'ont pas essayé de s'échapper? C'est une raison simple: parce
19 qu'elles ne le pouvaient pas. Et comment nous le savons? Eh bien, parce
20 que lorsqu'elles ont pu le faire, elles l'ont effectivement fait. Les
21 témoins 191, 186, 75, 87 et le témoin AS ont finalement fini par
22 s'échapper quand elles l'ont pu, et très souvent avec l'aide d'autres
23 personnes.
24 Concernant le laps de temps nécessaire pour qu'on puisse parler
25 d'esclavage, il n'y a pas de mesure de temps quand on parle d'esclavage.
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1 Si une personne a été achetée, par la suite vendue en une minute, est-ce
2 que vous pourriez dire qu'un rapport de maître à esclave n'a pas existé
3 pendant cette minute-là?
4 C'est ainsi que puisque les moyens de preuve soutiennent l'exercice de
5 cette possession sur une autre personne, le temps n'est seulement qu'un
6 facteur parmi lesquels l'un des facteurs que vous devriez considérer. Dans
7 l'affaire de Kunarac et Kovac, la durée de l'esclavage a duré plusieurs
8 mois et cela est suffisant pour établir ce lien.
9 Et finalement, je vais maintenant vous parler des atteintes à la dignité
10 de la personne. Dans les affaires précédentes que ce Tribunal a vu, le
11 viol a fait partie d'atteinte à la dignité de la personne mais dans ce
12 cas-ci, puisque nous parlons de viol séparément et d'une façon directe,
13 l'accusation a limité la charge des atteintes à la dignité de la personne
14 aux actions qui sont séparées du viol lui-même et c'est de cette façon-là
15 que nous vous soumettons qu'il n'y a pas eu de lien entre les actions
16 individuelles de viol et les atteintes sur la personne qui est une
17 composante d'autres actions, et premièrement ces autres actions sont
18 celles qui sont liées à la condition d'esclavage et qui parlent donc du
19 traitement de Kunarac sur les témoins 191, 186 et JG et de la façon dont
20 Kovac a traité les témoins 75, 87, AS et AB.
21 C'est la raison pour laquelle les charges d'atteinte à la dignité de la
22 personne sont les actions suivantes, c'est-à-dire traiter les témoins
23 comme si c'était de la propriété, de faire en sorte qu'elles dansent nues,
24 faire en sorte qu'elles marchent nues dans la rue en public et de les
25 garder en tant qu'esclaves sexuelles, de les forcer à avoir des rapports
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1 sexuels avec d'autres personnes et de les forcer à avoir peur d'autres
2 personnes incluant un soldat de sexe féminin et en les vendant. Le fait
3 que ces victimes ont pu retrouver leur dignité ne veut pas dire que rien
4 ne leur a été fait, que leur dignité n'avait pas été atteinte par Kunarac
5 et Kovac.
6 Je vais maintenant parler des éléments constitutifs des Articles 3 et 5 du
7 Statut. Pour qu'il y ait violation des lois aux coutumes de la guerre, en
8 vertu de l'Article 3 du Statut du Tribunal, il faut qu'il y ait conflit
9 armé, il faut qu'il y ait un lien de connexité entre l'acte criminel et le
10 conflit armé, il faut également qu'il y ait eu violation des lois sur les
11 traités ou des lois coutumières. De surcroît, il faut que les victimes
12 soient des personnes qui n'aient aucunement participé aux hostilités. En
13 l'espèce, il s'agissait ici de toutes de femmes civiles, ceci n'est pas
14 contesté. L'existence du conflit armé a été l'objet d'un accord entre les
15 deux parties au début du procès et aux fins de l'interprétation du présent
16 article, il importe peu de savoir qui a déclenché la guerre. Il y a eu
17 conflit armé dans les municipalités de Gacko et Kalinovik depuis le 8
18 avril 1992 jusqu'au moins le printemps de l'année 1993. Et les accusés ont
19 tous pris part à ce conflit armé. Cela aussi reste incontesté.
20 La défense affirme que l'Article 3 se contente de protéger les biens et
21 pas les personnes, c'est absurde. Le fondement même de cette disposition
22 "Prévaloir contre les crimes de guerre" vise à protéger les personnes des
23 personnes qui ne participent pas aux hostilités et sont pourtant les
24 victimes de celles-ci. L'interprétation juridique attribuée à cet article
25 est tout à fait générale et complète englobant tous les aspects. L'autre
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1 argument avancé par la défense s'agissant de l'Article 3 semble s'attaquer
2 au fondement même des crimes matériels commis ici. Ils disent qu'il ne
3 s'agit pas de nouveaux crimes. L'interdiction du viol existait dans les
4 lois dans le droit des traités et existent depuis si longtemps et de façon
5 assez courante que c'est devenu une partie du droit coutumier. Le viol est
6 interdit, il l'était dans le Code Libert en 1863. Dans les Règles, en
7 annexe à la 4e Convention de La Haye de 1907, de la Convention de Genève
8 de 1929, de la loi sur les Conseils alliés n°10 ainsi que pour les
9 Conventions de Genève de 1949 et du Protocole A10 n°2 de 1977. Plusieurs
10 procès ont été tenus devant un Tribunal militaire néerlandais à Batavia
11 après la Deuxième guerre mondiale, à l'occasion desquels plusieurs
12 responsables militaires japonais, eux aussi, ont été condamnés pour viol
13 comme crime de guerre. Il est donc tout à fait clair que le viol n'est pas
14 une nouvelle infraction. Le viol a toujours existé pendant la guerre mais
15 dans les temps modernes, le viol a toujours été une arme, un crime de
16 guerre. L'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que tous
17 ces éléments constitutifs existaient et sont à l'appui de la qualification
18 de viol, torture et atteinte à la dignité de la personne en tant que
19 "crimes de guerre" en vertu de l'Article 3 du Statut. Pour qu'il y ait
20 "crimes contre l'humanité" en vertu de l'Article 5 du Statut, il faut
21 qu'il y ait également conflit armé, il faut que les actes criminels
22 s'inscrivent dans le contexte d'une attaque généralisée ou systématique
23 dirigée sur la population civile. Il faut également que les auteurs soient
24 au courant de l'existence du contexte dans lequel se commet ce crime. De
25 nouveau, l'existence du conflit armé n'est pas contestée. Quant à
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1 l'attaque généralisée ou systématique dirigée sur la population musulmane,
2 ceci aussi a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Une attaque ne
3 doit pas nécessairement être militaire. Si l'on met de côté les dix jours
4 de combat effectifs qui ont sévi à Foca, tout le monde s'est accordé à le
5 dire, dès le 17 avril 1992, après les combats qui s'étaient déroulés à
6 Foca, ceux-ci avaient pris fin et c'étaient des Serbes qui en étaient
7 sortis vainqueurs. Disons donc que l'attaque perpétrée contre les
8 Musulmans a commencé véritablement à ce moment-là. A Foca, après le 17
9 avril 1992, des hommes musulmans étaient arrêtés, les mosquées étaient
10 détruites.
11 Nous ne nous trouvions plus à ce moment-là dans un contexte militaire . Au
12 contraire, la cible était devenue précisément la population civile: les
13 villages musulmans voisins étaient incendiés, les hommes étaient abattus
14 et les femmes étaient placées en détention. Toute une colonne de femmes,
15 d'enfants, de personnes âgées d'origine musulmane -qui essayaient de
16 partir en lieu sûr en direction de Konjic- ont été arrêtés à Ulog. C'est
17 là qu'on les a ramenés à Kalinovik, qu'on les a mis en détention à l'école
18 secondaire de Foca, au Centre sportif des Partisans, à l'école de Kalonik.
19 Tous les détenus étaient des Musulmans, toutes les victimes de viols ont
20 été des Musulmanes.
21 Dans le cadre de ce propos, il n'est pas important de savoir ce qui était
22 infligé aux femmes serbes, aux femmes croates à l'époque parce que tout
23 ceci pourra faire l'objet de procès différents, dans un contexte
24 différent. Ce qui est important pour ce procès-ci, c'est ce qu'ont fait
25 les accusés, ce sont les attaques auxquelles eux ont participé.
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1 Cette attaque dirigée contre la population musulmane a été généralisée.
2 Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il y a eu beaucoup de
3 victimes et que c'était une attaque systématique: en l'espace de quelque
4 mois, les habitants musulmans de Foca -qui étaient plus de 5000- ont été
5 chassés, arrêtés, tués. D'autres Musulmans, ceux qui vivaient dans les
6 municipalités limitrophes de Kalinovik et de Gacko mais aussi dans la
7 ville même de Foca, ont vécu ce même destin.
8 Les témoins qui sont venus ici à la barre sont les survivants de ce
9 nettoyage ethnique. Plus un seul d'entre eux ne vit aujourd'hui à Foca, à
10 Kalinovik ou à Gacko. En fait, les villages musulmans de Marcnja, Krasanja
11 et Vilovic n'existent plus.
12 C'était une attaque systématique. Le fait qu'elle se soit répétée, qu'elle
13 ait été continue suffit à montrer sa systématicité. Il n'en demeure pas
14 moins qu'il y a d'autres preuves que derrière tout cela, il y avait une
15 politique officielle. Lorsqu'on incendiait les mosquées, même si en
16 principe il y avait des règlements qui s'y opposaient, personne n'a été
17 tenu pour responsable, n'a été poursuivi pour ces actes. De même,
18 l'arrestation et l'exécution de Musulmans par les soldats et la police
19 militaire ont reçu l'autorisation des autorités ou, en tout cas, se sont
20 faites avec leur approbation.
21 Les témoins 48 et 95 nous ont montré comment elles ont été violées
22 lorsqu'elles sont allées à la police. Lorsque le témoin 183 s'échappait
23 pour essayer de fuir des mains de l'accusé Kunarac et de deux autres
24 soldats, la police l'a ignorée. Le témoin 95 a montré que les soldats qui
25 venaient au Partizan avaient des documents officiels montrant qu'ils
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1 avaient l'autorisation d'emmener ces femmes parce qu'on estimait que
2 c'était bon pour le moral des troupes d'avoir des contacts sexuels.
3 Est-ce que les accusés étaient conscients de ce contexte au moment de
4 leurs agissements? Les preuves le prouvent au-delà de tout doute
5 raisonnable. Tous ces trois accusés étaient soldats de l'armée serbe, tous
6 trois vivaient à Foca, tous trois étaient en mesure de voir les rafles
7 effectuées sur les hommes musulmans, la détention dans laquelle étaient
8 placées les femmes musulmanes à l'école secondaire et au centre des
9 Partizans.
10 Le témoin 95 a reconnu Kovac comme étant un des membres qui avaient
11 participé à l'arrestation des civils à Mjesaja. Elle et le témoin 50 ont
12 vu également l'accusé Zoran Vukovic à Buk Bijela. Zoran Vukovic avait
13 participé au meurtre de l'oncle du témoin 75 à Buk Bijela, Kovac avait
14 aussi dit à ce témoin 75 que c'était lui qui avait tué son frère.
15 Ces soldats se trouvaient en plein cœur du conflit; c'étaient eux qui
16 participaient aux attaques dirigées sur la population musulmane et civile.
17 Les civils serbes avaient beaucoup de peine à ne pas savoir ce qui se
18 passait. Il était aussi difficile pour eux de ne pas savoir que c'étaient
19 des soldats qui y participaient. Des témoins vous ont dit que même avant
20 d'être emmenées à la maison de Karaman, elles étaient au courant de ce qui
21 s'est passé: elles savaient que c'était un bordel où l'on emmenait des
22 filles contre leur volonté. Les avocats de Kovac vous ont dit qu'il avait
23 sauvé ces filles. En fait, il a pu y aller parce qu'il savait ce qui s'y
24 passait; sinon, comment aurait-il pu affirmer qu'il ait sauvé ces filles?
25 Mais sauver de quoi? C'est une question que nous sommes en droit de nous
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1 poser, parce que lui était au courant de ce qui se passait; il connaissait
2 le contexte dans lequel tout ceci se produisait, tout comme le savaient
3 Kunarac et Vukovic.
4 De même, Kunarac était aussi au courant de ce qui se passait à la maison
5 de Karaman puisque c'est lui qui a dit, dans sa déposition, que ses
6 soldats lui avaient dit qu'ils allaient chercher une fille. Il s'agissait
7 du témoin 87. Il était au courant du concept et a admis lui-même avoir
8 appris par la journaliste qu'il y avait des viols perpétrés par des
9 soldats.
10 Toutes ces preuves ayant été apportées, il a malgré tout refusé de leur
11 apporter une aide quelconque; il était donc au courant.
12 Vukovic était membre du détachement indépendant Dragan Nikolic; il a
13 participé avec d'autres membres, tout comme Kovac, dans l'appartement de
14 ce dernier, avec DP6, à tous ces actes de réduction en esclavage. C'est la
15 raison pour laquelle il est repris, lui aussi, dans l'Acte d'accusation.
16 Il est donc absolument injustifiable et dénué de toute crédibilité que les
17 accusés n'aient pas été au courant du contexte dans lequel se sont
18 perpétrés la plupart de ces actes.
19 Parlons maintenant de la responsabilité personnelle, individuelle de
20 chaque accusé.
21 Chacun est responsable à titre individuel des actes de viols, tortures,
22 atteintes à la dignité de la personne et réduction en esclavage, pour
23 chacun des actes qu'il a personnellement et physiquement commis. De
24 surcroît, chaque fois qu'ils agissaient ensemble ou dans le cadre d'un
25 plan, tous les accusés doivent être tenus responsables des actes qu'ont
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1 commis les uns et les autres dans ce groupe de trois; aussi pour les actes
2 commis par d'autres soldats dans le cadre du même plan.
3 Par exemple, quand l'accusé Zoran Vukovic a violé le témoin 87 à l'école
4 secondaire, après que le soldat Dragan Zelanovic a réparti les filles, les
5 quatres jeunes filles qu'ils avaient, entre les quatre soldats, il devrait
6 être tenu responsable des quatre viols qui se sont alors commis. Il savait
7 ce qui se passait et il a alors participé de son plein gré, en toute
8 connaissance de cause, à l'exécution de ce plan.
9 De même, l'accusé Kunarac doit lui aussi être tenu responsable du viol
10 collectif commis à l'encontre du témoin 75, pratiqué par ses soldats qui
11 se trouvaient dans cette même maison, alors que lui, à ce moment-là,
12 violait le témoin DB. Puisque c'est lui qui a amené ces deux jeunes femmes
13 pour qu'elles y soient violées. Il savait ce qui se passait, il a
14 participé à ce plan. Il doit donc être tenu responsable de ce viol, comme
15 de tous les autres viols qui se sont produits dans cette maison aux
16 alentours, puisque c'est lui qui amenait les victimes du Centre des
17 Partisans.
18 L'accusé Kunarac voit sa responsabilité pénale personnelle engagée pour
19 les trois viols commis à l'encontre du témoin 183, viols qu'il a commis
20 lui et les deux autres soldats qui se trouvaient en sa compagnie; ils ont
21 agi de concert et l'ont violée sur les rives de la Drina.
22 Enfin, l'accusé Radomir Kovac doit être tenu responsable non seulement
23 d'avoir lui-même violé les témoins 87, 75, AS et AB, mais il doit aussi
24 être tenu responsable pour les viols commis par d'autres soldats.
25 Notamment par Jago Skotic, quand il s'est livré à des viols répétés du
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1 témoin AS. Il est aussi responsable des actes commis par les autres
2 soldats à qui il a donné les témoins 75 et AB.
3 Tous ces accusés doivent voir leur responsabilité pénale engagée pour la
4 commission de ces actes. De surcroît, l'accusé Kunarac encourt la
5 responsabilité du supérieur hiérarchique du fait du rôle qu'il jouait, lui
6 qui était commandant du détachement indépendant Zaga.
7 Je vais maintenant donner la parole à mon collègue Dik Ryneveld pour qu'il
8 se penche de plus près sur ces points.
9 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie. Monsieur Ryneveld,
10 vous avez la parole.
11 M. Ryneveld (interprétation): Je vois l'heure qu'il est, Madame la
12 Présidente. Je puis vous dire que les éléments que je vais évoquer, la
13 responsabilité en vertu du 7.3 du Statut, ainsi que les éléments de preuve
14 seront évoqués l'après-midi. Si vous voulez, je peux commencer dès
15 maintenant, Madame la Présidente, mais je devrai terminer bien avant la
16 fin de l'audience aujourd'hui. A vous de décider.
17 Mme la Présidente (interprétation): Nous estimons que vous pouvez
18 commencer.
19 (Réquisitoire de M. Ryneveld.)
20 M. Ryneveld (interprétation): D'emblée, Madame et Monsieur les Juges, nous
21 disons qu'au vu de tous les éléments que vous avez entendus, vous ne
22 devriez avoir aucun doute sur le fait qu'au moment où se commettent des
23 infractions reprises dans l'Acte d'accusation, Kunarac était le commandant
24 d'autres soldats qui ont commis des crimes de guerre; il encourt donc la
25 responsabilité pénale visée à l'Article C3 du Statut.
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1 Nous disons avoir prouvé qu'il était commandant, qu'il disposait d'un
2 commandement "de jure" et d'un commandement "de facto".
3 Je me propose de parler d'abord de la question du commandement "de jure".
4 Il nous faut nous rappeler qu'en vertu des éléments de preuve apportés au
5 moment où éclate le conflit armé, les Serbes de Bosnie ne désignaient pas
6 nécessairement leur commandant parmi des personnes qui auraient eu un rang
7 équivalent, un grade équivalent dans l'ex-JNA. En ce qui concerne
8 d'ailleurs les Musulmans de Bosnie, ils ne le faisaient pas non plus.
9 Le colonel Nogo, qui était chef de l'état-major du centre de formation, a
10 dit que le grade n'était pas pris en compte au début du conflit armé si
11 l'on voulait désigner un commandant. Dans sa déposition, il a indiqué que
12 ce qui était pris en compte, c'était la question de savoir si l'homme
13 éventuel était capable de diriger des hommes et d'assumer des
14 responsabilités. Rappelez-vous également de l'interrogatoire principal du
15 témoin Alic; il nous a dit que, même s'il n'était pas militaire de
16 carrière, il était devenu chef d'état-major du Groupe tactique 2. Il a
17 aussi indiqué qu'aucune de ces personnes au sein du groupe tactique ne
18 disposait de grades militaires.
19 Apparemment, il n'y a pas eu de grades militaires assignés avant l'année
20 1994. Auparavant, les fonctions de direction se fondaient sur les
21 responsabilités de fonction davantage que sur le grade.
22 Dans le même sens, l'armée des Serbes de Bosnie a suivi le même schéma au
23 début du conflit. L'expert de la défense, le général Radinovic, est venu
24 nous le dire. Il a convenu avec le colonel Nogo, ce que ce dernier avait
25 dit dans sa déposition, qu'au début de la guerre ce n’était pas le grade
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1 qui comptait, c’était la capacité à être un meneur d’homme et à assumer
2 des responsabilités.
3 Il a poursuivi, au cours de l’interrogatoire principal, en disant que:
4 "Dragoljub Kunarac était le chef d’un groupe de reconnaissance. La nature
5 de ses devoirs de fonction et de commandement découlait de la nature et du
6 type d’hommes dont il était responsable et qu’il commandait".
7 Ces termes viennent de la bouche même de l'expert de la défense qui a
8 déposé à ce moment-là en interrogatoire principal. Il a parlé du devoir de
9 commandement, de la responsabilité du commandement et, pour nous, il ne
10 fait pas l’ombre d’un doute que l’accusé Kunarac, premièrement, avait des
11 devoirs de commandement et de fonction; deuxièmement était responsable de
12 ces hommes et, troisièmement, les commandait à titre de jure, de même qu’à
13 titre "de facto".
14 Pensez également ce que nous a dit Kunarac lui-même dans sa déposition,
15 que ce soit lorsqu’il faisait une déclaration aux enquêteurs du Bureau du
16 Procureur avant le procès et devant vous à la barre des témoins. Tout
17 d'abord, dans sa déclaration fournie le 13 mars 1998, il dit qu’il arrive
18 à Foca avec cinq ou six hommes du Monténégro qui était tous des
19 volontaires. Ils ont rejoint les rangs des forces serbes de Bosnie
20 ensemble. Il a terminé en disant ceci: "A partir de ce jour-là, le 6 juin,
21 vous pouvez me considérer comme étant le commandant d'une unité spéciale
22 mais pas d’une unité paramilitaire. Il poursuit dans sa déposition, il dit
23 où ses hommes étaient logés lorsqu’ils n’étaient pas de service, je cite :
24 "Si vous me demandiez où se trouvaient mes hommes lorsqu’ils n’étaient pas
25 de service, il est vrai qu’il y en avait un groupe logé à l'adresse
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1 mentionnée ici". Il reprenait ici une mention faite de l'adresse dans
2 l'Acte d'accusation:
3 "-Question: Pouvez vous nous donnez l'adresse?
4 -Réponse: c’était le n°16 Osmana Dikica".
5 C'est là qu'ils retournaient lorsqu'ils rentraient du terrain pour se
6 changer, pour se laver ou se reposer. Ces concessions, à elles seules,
7 nous permettent de voir qu'il se considérait comme étant leur commandant
8 dès le 6 juin et à partir du 6 juin. Et que ces hommes voulaient se
9 trouver sous son commandement. De plus, il parle de ces hommes comme étant
10 ses hommes.
11 Avant le début du conflit armé, Kunarac était devenu caporal dans la JNA
12 et pendant le conflit armé, il a fait fonction de commandant d’un groupe
13 ou d’une formation militaire spéciale, se composant de dix à quinze hommes
14 en qualité de soldats de première classe. Il a reconnu avoir le grade de
15 caporal dans sa déclaration donnée de 22 avril 1999. De même, au cours du
16 contre-interrogatoire mené par la défense de l’expert de l’accusation le
17 colonel Nogo, le conseil de la défense M. Prodanovic a indiqué que Kunarac
18 lui-même avait le grade de caporal.
19 Si là, se trouvaient les seuls éléments de preuve dont vous disposez, nous
20 disons que leur valeur probante vous suffit pour conclure que Dragoljub
21 Kunarac était le commandant au moment des faits et vous pourrez ainsi le
22 juger responsable des actes ou des actions menés par ses hommes en vertu
23 du 7.3 du Statut. Mais ce ne sont pas là les seules preuves que nous vous
24 avons apportées.
25 Il y en a beaucoup plus et, avant de passer à ces autres moyens de preuve,
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1 je ne me demande si ce n'est pas le bon moment pour lever l’audience et
2 faire la pause déjeuner?
3 Mme la Présidente (interprétation): Je crois que nous n'avons pas tous la
4 même heure, car d'après l'écran il est 13 heures. En tout cas, nous allons
5 nous interrompre et reprendre à 14 heures 40.
6 (L'audience suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)
7 Mme la Présidente (interprétation): L'accusation va poursuivre l'exposé de
8 ses arguments. Maître Ryneveld?
9 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Madame la Présidente.
10 Veuillez à présent examiner l'argument selon lequel Kunarac était revêtu
11 de la responsabilité du commandant, du responsable hiérarchique "de jure",
12 en vertu de l’ordre de combattre du 7 juillet 1992, qui a fait l’objet
13 d’un grand nombre de dépositions. Vous vous rappellerez tout d’abord que
14 ce document a été versé au dossier avec la cote pièce 2. Vous vous le
15 rappellerez sans doute, c'est un document qui a été abondamment débattu au
16 cours de la présentation des éléments de preuve.
17 De la version anglaise de ce document de cinq pages, nous apprenons qu’il
18 a été signé par le colonel Marko Kovac en sa capacité de commandant du
19 Groupe tactique Foca. Il établit le plan d’attaque pour la bande
20 Ustikolina-Gorazde, attaque menée par les forces serbes de Bosnie contre
21 l’ennemi musulman ou Oustachis, comme ils les appellent. Il indique la
22 mission dont chacun est responsable, le lieu et la façon dont cette
23 mission doit être menée; il indique également la cible de cette opération.
24 L'ordre de combat est divisé entre divers postes de commandement qui se
25 voient assigner un certain nombre de tâches.
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1 A la page 3, l’ordre fait référence au poste de commandement Ustikolina.
2 Sous cet intitulé, un certain nombre de détachements indépendants sont
3 cités et se voient confier des missions. En tout premier lieu, le
4 détachement indépendant Dragan Nikolic se voit ordonner de prendre part à
5 la libération et au nettoyage du village d’Illovaca.
6 Puis, ce qui est plus important dans l’affaire qui nous occupe ici, il est
7 fait référence au détachement indépendant Zaga et, d’après nous, le
8 document indique de façon limpide que "le Détachement indépendant Zaga
9 doit prendre part au nettoyage des zones habitées qui se trouvent en
10 direction de l’attaque du 5e Bataillon" (fin de citation).
11 Certes, il a été abondamment débattu de ces éléments de la représentation
12 des éléments de preuve. Nous nous sommes demandés ce que l’on entendait
13 par nettoyage et ce que voulait dire cet ordre exactement, mais nous
14 soumettons ici qu’il est tout à fait clair -et cela n’a d’ailleurs pas été
15 contesté- que cet ordre fait spécifiquement référence à l’accusé Kunarac
16 en tant que Zaga et qu’il s’agit bien de son détachement indépendant.
17 C’est ce détachement qui se voit confier des ordres par le commandant
18 colonel Marko Kovac.
19 Ce qui a été au cœur d'un débat assez nourri est le fait de savoir si le
20 détachement Zaga était véritablement un détachement indépendant, s’il
21 s’agissait d’un détachement ou d’un groupe, et même s'il était prévu que
22 l'on fasse référence à cette entité en tant que telle ou s'il s'agissait
23 d'une erreur commise par le colonel en charge du commandement.
24 Faut-il préciser -afin de correspondre à la théorie exposée par le général
25 Radinovic- que Zaga n’était pas un commandant per se, il faudrait qu’il
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1 ait essayé de vous persuader que la référence faite au détachement de Zaga
2 avait été faite par erreur. Je voudrais justement me pencher sur ces zones
3 quelque peu confuses.
4 D'abord, regardons ce qu’a dit le colonel Nogo lorsqu’il a parlé de cet
5 ordre de combat. Vous vous rappellerez que le colonel Nogo au moment de sa
6 déposition avait le grade de chef de l'état major pour le centre
7 d'entraînement au combat de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Glamoc. Lors
8 du début du conflit armé, il était capitaine au sein de l’ex-JNA. Il a
9 déposé à propos d’un certain nombre de questions qui étaient d’intérêt
10 pour la Chambre mais il s'est vu en particulier poser des questions
11 relatives à l'ordre de combat. D'après Nogo, cet ordre de combat devait
12 entrer en vigueur le 9 juillet à 5 heures du matin et il n'avait pas de
13 délai fixé, ce qui signifiait qu'il devait rester valide jusqu'à la levée
14 du siège de Gorazde. Etant donné que cette ville n’est jamais tombée entre
15 les mains serbes, Nogo a émis l’avis que cet ordre de combat devait rester
16 d'application pendant toute la période de temps. Lorsqu’il s’est vu poser
17 des questions quant aux termes -je cite- de "détachement indépendant», il
18 a indiqué que normalement -je le cite- "il s’agit d’un détachement qui est
19 placé directement sous les ordres de son commandement et qui mène à bien
20 ses tâches de façon indépendante ou dans le cadre des unités auxquelles il
21 est attaché" (fin de citation). Il a ajouté que le dirigeant du
22 Détachement indépendant Zaga recevait ses instructions directement du
23 commandant, le colonel Kovac. Il en est arrivé à la conclusion que -je le
24 cite- "la fonction et les devoirs de commandement du responsable de
25 Détachement indépendant de Zaga étaient extrêmement élevés" (fin de
Page 6304
1 citation).
2 Nous affirmons, ce qui est important, que lorsqu'il s'est vu poser la
3 question de savoir s’il était possible pour un caporal d’occuper un poste
4 de responsabilité aussi important ou s’il était possible de faire un
5 rapport directement au colonel, il a répondu -je le cite- "Nous faisons
6 référence ici à des devoirs opérationnels. Donc s’il est le commandant
7 d’un détachement indépendant, c’est là son devoir. Il n'est pas fait
8 mention ici de grade. Une tâche est confiée à un détachement et le
9 commandant d’un détachement, c’est le commandant" (fin de citation).
10 Nous sommes toujours en train de regarder cet ordre de combat et l’expert
11 de la défense, le général Radinovic, a abordé la question sous un angle
12 tout à fait différent. Dans le cadre du contre-interrogatoire, il a été
13 d’accord pour dire que l’ordre de combat, la pièce 2 -je le cite-
14 "contient tous les éléments qu’un ordre digne de ce nom doit contenir"
15 (fin de citation). Il a également été d’accord pour dire que l’ordre émis
16 à l’attention du Détachement indépendant Zaga donnait des ordres très
17 clairs à ladite unité.
18 Il a également affirmé que le Détachement indépendant Zaga était
19 subordonné à une responsabilité de commandement plus important mais il a
20 limité sa réponse en indiquant que c’était seulement pour cette tâche
21 donnée. Il a poursuivi pour indiquer qu'en dépit du fait que le mot
22 "détachement" était utilisé, il aurait dû être lu comme signifiant
23 "groupe".
24 D’après Radinovic, la différence, c’est qu’il ne s'agit pas là d'une unité
25 permanente mais d'une unité opérationnelle temporaire. Il a voulu essayer
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1 de faire croire à la Chambre que l’unité n’était pas une unité permanente,
2 dotée d’un commandant permanent mais qu’il s’agissait en fait d'une unité
3 ad hoc avec, je le suppose, un commandant ad hoc.
4 La référence faite au détachement dans l’ordre de combat était une erreur,
5 d’après Radinovic. La raison qui pousserait Radinovic de vous persuader du
6 fait que l’ordre de combat était une erreur, c’est qu’en fait, lors du
7 contre-interrogatoire, il a admis -je le cite- "qu'il s’agit là d'une
8 question d’une importance cruciale dès lors qu’il faut évaluer la
9 responsabilité du supérieur hiérarchique" (fin de citation).
10 Il était en désaccord avec l’affirmation du colonel Nogo selon laquelle
11 -je le cite- "la responsabilité, c’est la responsabilité: elle est la même
12 pour tous. Chaque grade suppose une certaine responsabilité. Si quelqu'un
13 est le commandant d'une certaine unité, il est responsable des agissements
14 de cette unité" (fin de citation).
15 La raison avancée afin d’être en désaccord avec le colonel Nogo s’appuie
16 simplement sur le fait que, d'après Radinovic, -je le cite- "afin que
17 quelqu’un soit le commandant d'une unité, il faut d'abord qu'il y ait
18 unité. Or, ici, il n'y avait pas d'unité" (fin de citation).
19 Avec tout le respect dû, ce n'est pas parce que Radinovic veut que vous
20 souhaitiez que cela est effectivement la situation qui prévaut, que vous
21 devez croire que c’est la situation qui se présentait à l'époque. Il faut
22 que vous soyez persuadés qu’il n’y avait pas de Détachement Zaga, que ce
23 n’était pas une unité permanente, parce qu’il a passé en revue les
24 documentations de tout le Corps de l’Herzégovine et il affirme qu’il n'a
25 rien trouvé qui aurait pu l’indiquer dans ces archives. Ipso facto, il
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1 conclut que cela n'existait pas.
2 C’est ce que conclut M. Radinovic. Si vous voulez le croire, il va falloir
3 vous tenir à sa seule parole, car personne d’autre, que ce soit
4 l’accusation, que ce soit la Chambre de Première Instance ou que ce soit,
5 je crois, les conseils de la défense, n’a eu la possibilité de vérifier
6 les documents dont Radinovic dit qu’ils ne contiennent aucune référence au
7 détachement de Zaga.
8 Cela étant dit, et toujours dans le cadre du contre-interrogatoire,
9 Radinovic s’est vu forcé d’admettre que, sur la base de ce qui était dit
10 dans l’ordre de combat, il n’y avait de distinction établie entre le 1er
11 détachement indépendant Dragan Nikolic et le détachement indépendant Zaga.
12 On parle de ces deux entités comme étant des "détachements". Il a reconnu
13 que le détachement Dragan Nikolic est une unité. Ce qu’il n'accepte pas,
14 c’est que cette même description du terme "détachement" puisse s’appliquer
15 à l'unité de Zaga ou Kunarac. La raison de cela -et c’est ce qu'il veut
16 vous faire croire-, c'est que les documents qu'il a seul pu consulter ne
17 disaient rien eu égard à la création de l'unité indépendante Zaga.
18 Pour ce qui est de cet élément de preuve, nous n'avons que la parole de Me
19 Radinovic sur laquelle nous appuyer. Il affirme que cet élément est tiré
20 d'un document strictement confidentiel qui se trouve dans les archives du
21 corps.
22 En réponse à la question que je lui posais lui demandant de savoir
23 pourquoi il ne pouvait pas ramener un exemplaire de ce document ici, au
24 prétoire, il a répondu: "Si je devais attacher tous les documents qui sont
25 d’intérêt, il faudrait que j’arrive avec un camion énorme; il faudrait que
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1 je vous apporte tout ce que j’ai pu examiner jusqu’à présent" (fin de
2 citation).
3 Allez-vous choisir d'accepter une réponse aussi floue à une question aussi
4 précise? Allez-vous accepter sa déposition comme étant recevable? Je vous
5 laisse le soin d’y répondre, Madame la Présidente, Madame le Juge,
6 lorsqu'il va vous falloir décider si vous voulez accepter sa déposition.
7 Cela étant dit, je vous demanderai de bien vouloir vous demander si vous
8 avez pensé que le reste de sa déposition était totalement crédible,
9 totalement impartial, présenté par une expert. Allez-vous pouvoir vous
10 appuyer sur ce qu’il a dit? Pensez-vous qu’il a avancé une opinion
11 factuelle et équilibrée? Si vous pensez, au vu de sa déposition, que vous
12 pouvez lui attribuer un certain poids, et je vous affirmerai, moi, que ce
13 qu'a dit le général Radinovic c'était plus quelque chose qui serait dit
14 par un partisan, par un défenseur que par un expert impartial.
15 Je crois que sur la base de ce qui vous a été présenté, le commandant
16 Radinovic voudrait vous faire croire que l'accusé n'était pas le
17 commandant d'une unité permanente, il voudrait vous faire croire qu'il
18 n'était pas soumis aux conséquences juridiques qu'entraîne la
19 responsabilité du supérieur hiérarchique. Je vous demanderai de regarder
20 aux évidences les éléments de preuve directe, à savoir l'ordre de combat.
21 L'ordre de combat est éminemment éloquent, il constitue un indice sérieux
22 selon lequel le Détachement indépendant Zaga était en fait directement
23 placé sous le commandement du commandant du bataillon. Il y a une chaîne
24 de commandement, il y a des preuves documentaires qui indiquent que le
25 Détachement indépendant Zaga existait et qu'il a été utilisé de la même
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1 façon dans le même ordre de combat, dans la même structure de commandement
2 qu'a été utilisé le Détachement indépendant Dragan Nikolic.
3 Très respectueusement, je dirai que sur la base de ces faits très clairs,
4 vous ne devriez avoir aucune difficulté à en arriver à la conclusion que
5 Kunarac était le commandant du Détachement indépendant Zaga et que son
6 détachement était à son tour placé sous le commandement du colonel Marko
7 Kovac. En conséquence, Kunarac était un commandant responsable, au titre
8 de la doctrine, de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Restons
9 toujours sur cet ordre de combat et venons-en maintenant à cet intitulé du
10 texte qui parle de "nettoyage".
11 Le Pr Radinovic dit que le Détachement Dragan Nikolic était une unité
12 permanente et qu'il faisait partie du groupe tactique mais il affirme que
13 le groupe de Kunarac était reconstitué à chaque fois qu'une mission lui
14 était confiée.
15 Je vous invite maintenant à regarder cet ordre de combat pour ce qu'il
16 indique. Regardez la façon dont les choses sont établies: les deux entités
17 apparaissent sous l'intitulé "Poste de commandement Ustikolina caserne",
18 les deux sont décrites dans des paragraphes qui indiquent exactement
19 quelles sont leurs responsabilités. Les deux entités se voient chargées de
20 prendre part, entre autres, à des opérations de nettoyage. Bien. Vous vous
21 rappellerez sans doute ce qu'a dit le témoin Radinovic et ce que j'ai dit
22 moi-même à propos du nettoyage. Je ne vais pas m'attarder sur ce point, il
23 suffit de dire que Radinovic a essayé de vous persuader que "nettoyage"
24 cela voulait dire: débarrasser le terrain des mines, des engins explosifs
25 et cela ne voulait pas simplement dire: attendez les civils.
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1 Il a ensuite indiqué que le groupe de Kunarac était particulièrement apte
2 à mener à bien cette tâche de nettoyage du terrain, notamment retrait des
3 mines et des engins explosifs mais, lorsqu'on lui a posé la question de
4 savoir si le Détachement Dragan Nikolic avait de tels experts en son sein,
5 il a dit que non ; il ne s'agissait pas d'une unité de reconnaissance.
6 Lorsque je lui ai demandé pourquoi il devrait également se voir demander
7 de mener à bien des opérations de nettoyage si ce terme ne supposait pas
8 de trouver des poches de résistance et d'arrêter l'ennemi, sa réponse a
9 été que tous les soldats devaient pouvoir déminer, retirer les engins
10 explosifs.
11 Il vous revient à vous, Madame et Monsieur les Juges, de décider si vous
12 allez accepter cette réponse. Il vous revient de décider si sur la base de
13 ces éléments de preuve, cette référence au "nettoyage" par les deux unités
14 n'équivaut pas à ce que ces deux détachements indépendants appartenaient
15 en fait au même type d'unité chargée des mêmes responsabilités. Radinovic
16 dans sa tentative d'établir une distinction a, d'après moi, établi une
17 distinction qui n'en est pas une et à laquelle on ne peut pas se rallier;
18 notamment, si on se base sur ce qu'a dit l'expert de l'accusation, le
19 colonel Nogo. Lorsque je lui ai demandé ce que voulait dire "nettoyage",
20 le colonel Nogo a répondu, je cite: "En tant de guerre, une activité de
21 nettoyage cela veut dire se battre dans les zones construites, se battre
22 contre les poches restantes de soldats ennemis. Cela signifie rassembler
23 les prisonniers qui se trouvent toujours sur le terrain, rassembler les
24 ennemis blessés, rassembler la population, déminer, nettoyer, emmener les
25 arbres qui restent" (Fin de citation).
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1 Alors demandez-vous si cette définition n'est pas beaucoup plus précise et
2 logique que ce qu'a pu dire Radinovic notamment au vu du fait que les
3 Détachements Dragan Nikolic et Zaga s'étaient vus confier des tâches qui
4 étaient énoncés dans le même ordre de combat.
5 Enfin et toujours sur ce même point, le général Radinovic a été forcé par
6 une série de questions auxquelles il a dû apporter des réponses précises,
7 à admettre enfin que nulle part dans les documents qui régissent le
8 fonctionnement de l'armée, il n'y a pas de section qui indique que des
9 commandants opérationnels ne sont pas responsables des actions de leurs
10 subordonnés. Il a reconnu de vive voix, dans le cadre du contre-
11 interrogatoire, que ce qui était dit dans le paragraphe d'ouverture de son
12 rapport était comme suit, je cite: "La responsabilité du commandement
13 hiérarchique est la responsabilité d'un officier supérieur qui est
14 responsable des actes commis par ses subordonnés. Il exerce un contrôle
15 sur ses hommes" (Fin de citation.).
16 M. Hunt (interprétation): Est-ce que vous avez terminé sur ce point
17 précis, Maître Ryneveld?
18 M. Ryneveld (interprétation): Sur cette question de l'ordre de combat,
19 Monsieur le Juge?
20 M. Hunt (interprétation): Oui.
21 M. Ryneveld (interprétation): Eh bien, presque.
22 M. Hunt (interprétation): Excusez-moi. Lorsque vous avez dit "Finalement",
23 j'ai cru que vous en aviez terminé mais puisque je vous interromps,
24 permettez-moi une question.
25 Vous essayez d'établir une équivalence entre ce Détachement, ou de quoi
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1 qu'il s'agisse, avec le Détachement Dragan Nikolic. Que savons-nous de la
2 façon dont ce Détachement a été constitué? Est-ce que ce sont des
3 personnes qui se sont ajoutées, jour après jour, à cette entité comme
4 l'accusé veut nous le faire croire? Ou bien est-ce que c'était quelque
5 chose qui était sous la responsabilité de ce commandement? Est-ce que ce
6 commandant était responsable des actions de ses hommes, car c'est cela qui
7 nous intéresse ici précisément? Vous déployez un argument tout à fait
8 intéressant et vous vous appuyez sur ce que dit l'ordre de combat, mais
9 vous ne nous dites pas quel est le lien qui existe entre ce document et
10 l'un ou l'autre des deux détachements. Vous essayez de faire une
11 équivalence mais vous ne pouvez pas faire d'équivalence avec un élément
12 seulement.
13 M. Ryneveld (interprétation): J'essaie de vous montrer comment l'ordre de
14 combat établit cette équivalence. Ces deux entités sont sous le
15 commandement de Marko Kovac, ces deux entités ont un ensemble de
16 responsabilités très claires et ces deux détachements doivent avoir des
17 relations avec le colonel Kovac, ils doivent faire rapport de leurs
18 activités à cet homme.
19 Les éléments de preuve que nous avons, nous montrent que l'unité
20 indépendante Zaga fonctionnait d'une certaine façon. Il nous faut tirer
21 des conclusions de la façon dont elle fonctionnait afin de pouvoir établir
22 la structure qui était en place. Donc, nous avons maintenant les avis de
23 Nogo et de Radinovic; mon argument est le suivant et il est simple:
24 lorsque vous regardez ce que dit le document, il apparaît clairement qu'il
25 y a équivalence entre ces deux entités.
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1 M. Hunt (interprétation): Mais savons-nous quoi que ce soit à propos de
2 cette autre unité, en dehors de ce que vous avez pu nous dire tout à
3 l'heure? Moi, je crois que nous n'avons rien.
4 M. Ryneveld (interprétation): Eh bien, nous savons qui étaient certains
5 des membres de cette unité. Nous savons que deux des coaccusés faisaient
6 partie de l'unité Dragan Nikolic ou du Détachement Dragan Nikolic et nous
7 savons qu'ils ont par exemple pris part à l'opération qui a eu lieu au
8 début avril, au rassemblement des prisonniers, des femmes et des enfants
9 qui se trouvaient dans les zones aux alentours de Foca. Nous savons qu'il
10 y a un ordre de combat qui leur donne des instructions pour ce qui doit se
11 faire après cette date et nous savons en outre qu'il y a un certain nombre
12 de membres de cette unité qui semblent avoir été des membres qui allaient
13 et venaient de la même façon que Zaga Kunarac le faisait. Ils avaient leur
14 propre appartement, ils n'avaient pas à rester dans des casernes. Il y a
15 donc beaucoup de similarités qui existent entre ces deux entités. Mais
16 pour vous répondre plus précisément…
17 M. Hunt (interprétation): Oui, c'est cette dernière partie qui
18 m'intéresse, le fait qu'ils pouvaient se déplacer relativement librement.
19 S'il y a des éléments de preuve sur ce point, je ne vous demande d'aller
20 les chercher là, tout de suite, mais j'aimerais tout de même savoir les
21 préférences qui sont susceptibles d'être trouvées sur ce point; peut-être
22 dans le compte-rendu. Ces hommes de l'autre unité ou de l'autre
23 détachement, quel que soit le terme que l'on choisisse, est-ce qu'ils
24 pouvaient vraiment se déplacer de la sorte?
25 M. Ryneveld (interprétation): Voyons si je peux vous apporter un début de
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1 réponse, Monsieur le Juge, et vous apporterez des compléments plus tard.
2 Ce que j'essaie de dire, c'est que les éléments de preuve à charge
3 essayaient d'aborder dans le détail ce qu'il en était de cette Unité
4 indépendante Zaga.
5 Pour ce qui est de l'Unité Dragan Nikolic, nous savons qu'elle comptait en
6 son sein certains membres spécifiques.
7 Pour ce que j'essaie de dire à propos de leurs allées et venues, ce n'est
8 pas tellement leurs activités sur-le-champ de bataille qu’en dehors du
9 champ de bataille.
10 Je me demande si, à chaque fois qu’ils avaient une nouvelle mission, ils
11 n’essayaient pas d'enrôler de nouveaux membres.
12 Nous savons que les membres de l’unité indépendante Zaga avaient un
13 certain temps libre et pouvaient se rendre dans cette maison au n°16 de
14 cette fameuse rue et pouvaient prendre part à ces agressions sexuelles
15 dont ont été victimes des femmes emmenées de Partizan et d'autres endroits
16 encore. Donc le lien que j'essaie d'établir ici, c'est que les membres de
17 l'unité Nikolic, par exemple M. Kovac, M. Vukovic, avaient également la
18 possibilité d'avoir des appartements. Il n'étaient pas tenus de se tenir
19 dans les casernes, ils pouvaient aller dans des appartements ou d'autres
20 endroits où ils pouvaient trouver des femmes qu'ils allaient utiliser pour
21 assouvir leurs besoins sexuels.
22 Il y a d'autre activités qui semblent indiquer une certaine lien. Vous me
23 demandez, Monsieur le Juge, si, dans le compte rendu, il y a des éléments
24 de preuve qui nous permettent de savoir si oui ou non ces unités, l'unité
25 Dragan Nikolic notamment, étaient des unités permanentes ou pas. Ou si
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1 c'étaient des unités qui étaient capables d'intégrer de nouveaux membres.
2 Pour autant que je le sache, je ne crois pas que le compte rendu nous dise
3 quoi que ce soit sur l'unité Dragan Nikolic, mais j'essaie d'établir ces
4 autres liens que j'ai évoqués. J'essaie d'évoquer quelles sont ces
5 similarités qui existent. C'est l'argument que j'essaye de développer
6 devant vous.
7 M. Hunt (interprétation): Vous nous dites en fait que j'ai raison et que
8 ma mémoire est bonne. Eh bien, je vous remercie.
9 M. Ryneveld (interprétation): Effectivement, à moins que mes collègues me
10 disent que j'ai tort mais votre souvenir, Monsieur le Juge, est très
11 proche du mien sur ce point précis.
12 Vous m'avez demandé si j'avais presque terminé de traiter ce point. J'ai
13 dit que j'avais presque terminé, mais permettez-moi de très rapidement
14 faire une synthèse sur ce sujet précis. Nous disons que nous avons prouvé
15 la responsabilité du supérieur hiérarchique de Jure au-delà de tout doute
16 raisonnable, mais ce n'est pas encore là tous les éléments de preuve que
17 vous avez sous les yeux et qui ont trait à cette question de la
18 responsabilité du supérieur hiérarchique.
19 Une grande partie de ces éléments de preuve, en fait la majorité, ont
20 trait aux circonstances dont on peut tirer un certain nombre de
21 conclusions irréfutables, à savoir que l'accusé Kunarac exerçait une
22 autorité de supérieur hiérarchique de facto sur ses hommes. Les incidents
23 seraient trop nombreux à citer. Vous vous souviendrez de certains
24 incidents auxquels je n'ai pas fait référence dans mes arguments oraux et
25 je n'en ai pas non plus fait mention dans mon mémoire de clôture mais j'ai
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1 essayé de vous donner une liste des incidents qui viennent rapidement à
2 l'esprit quand on y pense.
3 Ce que nous dit l'accusé lui-même: il a admis que l'ordre de combat lui
4 était adressé au détachement indépendant Zaga et qu'il a exécuté les
5 tâches qui lui avaient été confiées par cet ordre. Il admet qu'il a reçu
6 les instructions qui étaient des ordres directs donnés par le commandant
7 du bataillon qui était le responsable du ressort dans lequel il
8 travaillait. Il a parlé de lui-même dans un interrogatoire précédent et a
9 dit qu'il se voyait comme étant un commandant d'une des parties au
10 conflit, sous le commandement de ses autorités dans la région.
11 Au D, nous affirmons ceci. Il dit: "Je commandais, j'émettais tous les
12 ordres concernant le terrain. J'ai environ quinze hommes dans la région."
13 Il avait la possibilité de sélectionner ses hommes et de décider du nombre
14 qui lui fallait pour chaque mission qu'il fallait remplir. Vous vous
15 souviendrez des propos du colonel Nogo qui a dit que ce fait démontrait
16 que Kunarac bénéficiait de la confiance de ses supérieurs et recevait, de
17 ce fait, un degré de pouvoir considérable. Vous vous souviendrez que ces
18 hommes avaient été choisis parmi un groupe de personnes fidèles à Kunarac.
19 Nombre de ces hommes l'accompagnaient à chaque reprise, pour chaque
20 mission. Rappelez-vous ce qu'a dit Kunarac lui-même: beaucoup de ces
21 hommes sont venus avec lui du Monténégro et se sont inscrits dans l'armée
22 à condition de pouvoir servir dans la même unité que Kunarac.
23 F: il fait souvent référence à eux en parlant de "ses hommes", "mes hommes
24 à moi", comme il dit. En particulier lorsqu'on lui a posé une question à
25 propos de l'interview du 13 mars, il dit: "Si vous me demandiez où se
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1 trouvaient mes hommes quand ils n'étaient pas de service, il est vrai de
2 dire qu'il y avait un groupe logé à l'adresse mentionnée."
3 -Question: "Pourriez-vous nous dire quelle est cette adresse?"
4 -Réponse: "C'était la rue Osmana Dikica n°16. C'est là qu'ils se
5 trouvaient lorsqu'ils n'étaient pas de service. C'est là qu'ils revenaient
6 du combat pour se changer, se laver et se reposer."
7 Il donnait des ordres très clairs à ses hommes et ses hommes lui
8 obéissaient. Aussi, lorsqu'ils ne se trouvaient pas sur le "champ de
9 bataille".
10 Il y a un exemple particulièrement révélateur de tout ceci. C'est que
11 Kunarac, à un moment, semble avoir oublié le scénario de la défense qui
12 lui avait donné pour se défendre, lorsqu'il dit qu'il était le commandant
13 seulement lorsqu'il était en mission et qu'il n'avait aucun pouvoir sur
14 ses hommes lorsque la mission était terminée.
15 Je repense ici à la déposition du témoin 75 et au viol collectif de cette
16 personne, le 10 août, ainsi qu'au viol de DB. Il dit à la Chambre avoir
17 parlé avec Gaga de sa version, de la façon dont il avait été séduit par DB
18 et puis, il a fait référence aux filles qui se trouvaient à Miljevena et a
19 indiqué qu'il avait donné un ordre à Gaga pour que celui-ci les amène et
20 puisse être protégé par Kunarac.
21 Un autre exemple particulièrement éclatant du fait que Kunarac était leur
22 officier de commandement même si ses hommes n'étaient pas de service:
23 c'est l'incident qui concerne les allégations formulées par ce journaliste
24 féminin en ce qui concerne les viols dont s'était plaint notamment le
25 témoin 64.
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1 Dans sa déclaration du 13 mars, à propos de cet incident, il décrit ce qui
2 s'est passé lorsqu'il a confronté ses hommes aux allégations qu'avaient
3 formulées ces deux femmes en sa présence. Et il dit ceci: "J'ai alors
4 donné l'ordre militaire à tous ces hommes qu'ils sortent. Je n'en ai
5 laissé un qu'à l'entrée de la maison. Et à lui, je lui ai donné l'ordre de
6 ne permettre à personne d'entrer dans la maison."
7 Ce qui est encore plus intéressant, c'est le fait qu'ici, à l'audience, il
8 vous a dit dans sa déposition, il vous a montré clairement que ces hommes
9 lui étaient subordonnés par ces actions. Car il avait le pouvoir de
10 confronter ces hommes à telle ou telle réalité mais il jouait aussi le
11 rôle de commandant qui avait la possibilité et le droit de sanctionner et
12 de punir ses hommes pour leurs méfaits.
13 Il dit -je le cite-: "Lorsque nous, tous ensemble, sommes allés dans la
14 cour du numéro 16, je leur ai dit à tous que, vraiment, ils n'avaient rien
15 à voir ni à faire à cet endroit. J'étais fâché et furieux et je leur ai
16 dit que, s'ils recommençaient et m'impliquaient d'une quelconque façon, je
17 serais capable de les tuer et de viser à ce que ces hommes soient punis.
18 Et que je ferais tous les efforts possibles pour qu'ils soient punis. Et
19 puis, je suis parti au centre des partisans" (fin de citation).
20 Soyons clairs. Kunarac a rapidement fait remarquer qu'il n'était pas allé
21 au n°16 en tant que commandant, mais seulement comme homme qui avait été
22 insulté. Lorsqu'on pense à ces références, il vous incombera de savoir si
23 vous acceptez l'idée selon laquelle il n'avait pas d'ordre militaire à
24 donner.
25 Il voudrait vous faire croire qu'il avait l'intention de faire rapport
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1 afin que soient punis ses soldats.
2 Si c'est vrai, c'est là manifestement la prérogative dont bénéficie un
3 commandant et non pas un soldat. C'est-à-dire dire qu'il pouvait proférer
4 des menaces de faire rapport sur ses hommes pour qu'ils soient punis
5 lorsqu'ils ne se trouvaient pas sur le champ de bataille.
6 Kunarac a admis de façon détournée, pendant le contre-interrogatoire,
7 qu'en dépit de ceux qu'il avait voulu punir, il n'avait jamais sanctionné,
8 il n'avait jamais fait rapport de ce qui s'était passé à la police et aux
9 autorités militaires.
10 Mais il y a d'autres éléments de preuve, des indices de ce que Zaga était
11 le commandant de ces hommes lorsqu'ils n'étaient pas sur le champ de
12 bataille et qu'ils étaient à d'autres endroits où ils pouvaient violer et
13 infliger des sévices de toutes sortes. Il est clair que nous avons entendu
14 de la bouche de beaucoup de victimes que c'était Zaga le responsable et
15 l'on voit que ces hommes se comportent comme si c'était lui le
16 responsable, comme si c'était lui leur supérieur. Innombrables sont les
17 incidents qui nous ont été relatés ici, qui montrent que les victimes
18 savaient parfaitement que c'était lui, Kunarac, ou encore Zaga qui était
19 le responsable.
20 Il faut aussi se souvenir du fait que ces incidents ne sont pas apparus
21 sur le champ de bataille non plus. Rappelez-vous ce que vous disait le
22 témoin 191. Elle vous a dit que Kunarac lui avait dit, à elle, que c'était
23 lui le commandant. Et que "tout le monde le savait". Elle savait que
24 c'était lui le commandant parce qu'elle l'a vu, elle l'a entendu et,
25 d'après ce qu'elle vous a dit dans le cadre de sa déposition, elle était
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1 parfaitement sûre qu'il était le commandant. Elle a ajouté que, pour Zaga,
2 les jeunes filles étaient une récompense accordée aux soldats serbes pour
3 s'être emparés du col Rogoj. Le témoin 20 vous a dit également que les
4 soldats étaient des soldats de Zaga parce que c'était Zaga qui lui avait
5 dit que c'était ainsi que la situation se présentait. Zaga les avait
6 envoyés pour qu'ils la ramènent à la maison où elle se trouvait
7 précédemment. Le témoin 105 a indiqué -je cite- "que les soldats
8 s'adressaient à Zaga comme au chef et que c'était lui qui leur avait donné
9 l'ordre de les ramener au Partizan."
10 On lui a posé les questions suivantes:
11 "-Question: Lorsque vous avez vu Zaga à cette maison, pourriez-vous
12 décrire de quelle façon les autres soldats se comportaient à son égard?
13 -Réponse: J'ai eu le sentiment que c'était lui qui les commandait. Je l'ai
14 vu. C'est de cette façon qu'ils s'adressaient à lui."
15 Le témoin 75 vous a dit aussi que Zaga était le chef de ce groupe de
16 soldats. Elle le savait parce que c'était lui qui était le chef de tout le
17 monde.
18 De même, le témoin 87 vous a dit dans sa déposition:
19 "-Question: Pourriez-vous nous dire si Kunarac était le responsable des
20 autres soldats ou quels étaient les rapports existant entre eux?
21 -Réponse: J'ai eu l'impression que, quand Zaga venait au centre des
22 partisans, lorsqu'il nous emmenait dans cette maison près d'Aladza, que
23 c'était lui qui donnait les ordres. Je l'ai senti, j'avais le sentiment
24 que les autres soldats qui étaient présents l'écoutaient."
25 La défense voudrait vous faire croire que Zaga n'était le chef de ces
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1 hommes que lorsqu'ils étaient en mission, sur le terrain.
2 Il est très clair que ce que ressentaient ces femmes, ces jeunes filles,
3 c'est une impression qui s'est forgée à des kilomètres de distance du
4 champ de bataille; ces impressions, elles les ont eues; ces affirmations,
5 elles les ont entendues. Elles savent qui était le commandant de ces lieux
6 de détention, elles le savaient dans les maisons où elles ont été violées,
7 elles le savaient quand elles se trouvaient en compagnie des soldats, à
8 Foca ou aux alentours.
9 Le témoin 61 vous a dit qu'elle était arrivée à la conclusion que Zaga
10 était le responsable du groupe au vu de la façon dont il se comportait et
11 de la façon dont il a pris le témoin 183. On voyait que les autres soldats
12 le respectaient. Et elle a dit: "De la façon dont il se comportait aussi,
13 c'était évident que c'était un homme dangereux".
14 Zaga était le commandant des soldats. Ce fait ne se forme pas simplement
15 d'après les conclusions qu'ont tirées les filles à voir se comporter Zaga
16 et ses hommes, mais c'est ce qu'ont dit directement les soldats. Ils ont
17 dit que leur commandant allait venir. Je crois qu'il est utile de répéter
18 ce que disait le témoin DB dans sa déclaration.
19 "-Question: Qui était le commandant?
20 -Réponse: Zaga.
21 -Question: Et comment l'avez-vous appris?
22 -Réponse: Ils m'ont forcée à prendre une douche. Ils ont dit: "Va te
23 doucher parce que notre commandant va arriver". Et peu de temps après,
24 Zaga est arrivé".
25 Le témoin 191, lui aussi a entendu dire directement des soldats que Zaga
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1 était leur supérieur. Elle vous a dit qu'elle avait parlé avec un jeune
2 garde qui avait mentionné le nom de Zaga.
3 Je la cite: "Il a parlé de Zaga. Il a dit que Zaga était son supérieur et
4 qu'il ne pouvait nous aider, qu'il ne savait pas lui où nous serions
5 emmenées, ni pourquoi nous étions emmenées."
6 Le témoin 191 n'a pas eu besoin de se baser sur ce seul incident pour se
7 forger cette opinion. Elle a pu tirer des conclusions tout à fait
8 adéquates du comportement qu'affichaient Zaga et ses hommes.
9 "-Question: Comment ces autres soldats se comportaient-ils par rapport à
10 DP6 et à Dragoljub Kunarac?
11 -Réponse: Avec beaucoup de respect. Chaque fois que DP6 entrait, je
12 comprenais que c'était l'homme qui décidait. C'était aussi vrai pour Zaga:
13 on voyait immédiatement que c'était lui qui avait la responsabilité de ces
14 soldats. On pouvait en juger par leur comportement".
15 Rappelez-vous aussi ce que vous disait le témoin 190.
16 Mme la Présidente (interprétation): Oui, Maître Prodanovic?
17 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, pour autant que je
18 puisse en juger, la personne mentionnée par mon collègue est un témoin
19 protégé. Il s'agit du témoin DP6.
20 Maître Ryneveld peut-il garder ce fait à l'esprit et je lui demanderai de
21 faire état de cette personne comme étant DP6. Ce nom peut-il être expurgé
22 du compte rendu d'audience?
23 Mme la Présidente (interprétation): Oui, rappelez-vous-en.
24 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je dois dire qu'au moment où cet
25 élément de preuve a été présenté, il n'y avait pas encore de mesures de
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1 protection à l'égard de cette personne. J'essaierai désormais d'en parler
2 comme étant DP6.
3 Mme la Présidente (interprétation): Oui, parce que vous savez qu'une fois
4 que les pseudonymes sont accordés, il faut les utiliser tout du long.
5 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je citais à ce moment-là ce que disait
6 le témoin; j'aurais dû expurger la citation.
7 M. Hunt (interprétation): Maître Prodanovic, ce n'est qu'expurger, ce
8 n'est pas éliminer du texte. C'est peut-être une question technique, mais
9 vous savez que le document public est le seul document dans lequel il sera
10 procédé à cette expurgation.
11 Mme la Présidente (interprétation): Poursuivez, Maître Ryneveld.
12 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Rappelez-vous également ce que vous
13 disait le témoin 190.
14 "-Question: Pourriez-vous nous dire quel rapport existait entre Zaga et
15 ses hommes? Vous avez parlé des hommes de Zaga: comment avez-vous pu tirer
16 cette conclusion?
17 -Réponse: Mais c'est lui qui avait le plus de pouvoir à cet endroit. C'est
18 lui qui donnait les ordres, qui leur disait ce qu'il fallait faire.
19 -Question: Et lorsque Zaga donnait des ordres aux soldats, est-ce qu'ils
20 lui obéissaient?
21 -Réponse: Oui". (Fin de citation.)
22 Il ne fait aucun doute, à notre avis, que les groupes de soldats qu'on
23 connaissait sous le nom des hommes de Zaga se trouvaient sous le
24 commandement de Kunarac. Et nous estimons que ce sont ces hommes, avec
25 Zaga, ont violé de nombreuses victimes qui sont venues à la barre, ici,
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1 dans ce procès. De ce fait, en vertu de la doctrine du supérieur
2 hiérarchique, Kunarac peut être tenu responsable de ces viols également.
3 Rappelez-vous aussi ce que vous ont dit de nombreux témoins, à savoir
4 qu'un groupe de soldats serbes, venant surtout du Monténégro, résidait à
5 une maison dans le quartier d'Aladza, à Ulica Osmana Dikica, n°16.
6 Les témoins 116 et 87 sont venues vous dire qu'elles avaient été emmenées
7 dans cette maison, en même temps que d'autres filles, à plusieurs
8 reprises, pour être violées. Ces femmes vous ont dit avoir été violées par
9 les soldats qui étaient les occupants de la maison. Chaque fois que
10 Kunarac se trouvait dans la maison, au n°16, c'était lui qui donnait les
11 ordres. C'étaient les autres soldats qui lui obéissaient.
12 Ceci nous permet de conclure, sans risque de nous tromper, que les hommes
13 qui violaient ces victimes dans cette maison, étaient des hommes sous le
14 commandement de Kunarac. Cette même témoin, le témoin 87, nous a dit que,
15 précédemment, elle ainsi que le témoin 50et le témoin DB avaient été
16 emmenées dans une maison proche de la gare routière où elle avait été
17 violée par deux hommes, dont Kunarac. Nous ne connaissons pas l'identité
18 exacte des deux soldats, si ce n'est celle de Kunarac, mais ceci nous
19 permet de conclure que ces hommes se trouvaient en compagnie de Kunarac
20 dans des circonstances pour le moins particulières et que ceci nous
21 indique bien qu'il s'agissait de ses hommes.
22 Soyons plus précis encore: nous vous demandons de tirer certaines
23 conclusions, mais celles-ci sont corroborées par le fait que le témoin 75
24 est venu vous dire que Kunarac les avait emmenées, elle et le témoin DB, à
25 la maison du n°16 à plusieurs reprises. Et elle se souvient d'une fois, au
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1 cours de la nuit entre le 18 et le 25 juin 1992: Kunarac était venu au
2 Centre des Partisans avec son adjoint, Gaga, et un certain Bane qui était
3 lui aussi membre du Détachement indépendant Zaga. Ces hommes ont emmené
4 les jeunes filles à la maison du n°16; à leur arrivée, les soldats se
5 trouvaient déjà sur place et d'autres sont venus encore s'y ajouter par la
6 suite.
7 DB vous a relaté cet incident elle aussi. Elle vous a dit qu'elle avait
8 été emmenée dans une pièce, qu'elle y avait été violée par un soldat
9 surnommé Jure. Après quoi, Gaga l'avait violée lui aussi. Peu de temps
10 après, elle avait été violée par un jeune soldat mentionné comme étant le
11 fils de Gaga.
12 Ce qui est encore plus important pour montrer, pour prouver le lien
13 existant entre les viols commis contre ces victimes par ces soldats, c'est
14 ce que je vais vous présenter maintenant.
15 DB vous a dit que, peu de temps après avoir subi ces trois viols
16 successifs, Gaga lui avait dit qu'elle devait se doucher parce que son
17 commandant allait arriver. Vous avez déjà entendu dire que Gaga l'avait
18 menacée, que si elle ne satisfaisait pas son commandant, il allait la
19 tuer.
20 Vous connaissez ces deux versions de ce qui vous a été présenté, les
21 incidents qui se sont produits dans cette pièce, lorsque Kunarac est
22 arrivé. Il y a une chose qui n'est pas contestée puisque Kunarac lui-même
23 l'a admise: il a eu des rapports sexuels avec elle.
24 Vu les circonstances qui ont abouti à cet événement, il faudra préciser
25 quelque chose: au cours de ces événements qui se produisaient dans la
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1 chambre à coucher, Gaga est entré dans la chambre et a demandé:
2 "Commandant, est-ce que tu es satisfait?"
3 Deuxièmement, par conséquent, Gaga et les autres qui avaient violé les
4 jeunes filles ce soir-là étaient des soldats se trouvant sous le
5 commandant de Kunarac.
6 Mais on peut aller même plus loin: alors que Kunarac et DB étaient dans
7 une chambre, le témoin 75 a subi une expérience horrible; elle a subi un
8 viol collectif, commis par environ quinze soldats pendant près de trois
9 heures. Beaucoup de ces soldats se trouvaient sous le commandement de
10 Kunarac.
11 Je le dis pour deux raisons. Kunarac savait ce qui se passait dans la
12 pièce où se trouvait le témoin 75. D'après le témoin DB, il a dit à cette
13 dernière qu'une des filles allait vraiment passer un mauvais quart
14 d'heure. Il doit avoir su ce qui serait réservé au témoin 75 qui se
15 trouvait dans l'autre pièce avec tous les autres soldats, dont Gaga et les
16 autres membres des hommes à Zaga, qui vivaient dans la maison. Le témoin
17 75 vous a dit qu'elle avait reconnu beaucoup de ces soldats par leur nom
18 ou leur surnom. Elle a reconnu Gaga, Jure Radovic, DP8, DP7 et les soldats
19 surnommés Tolja, Bane, Sepo, Puko et Miga, qui comptaient parmi les hommes
20 qui l'avaient violée cette nuit-là.
21 Je ne vais pas revenir à ces détails horribles du supplice qu'elle a subi
22 cette nuit-là parce qu'elle est venue vous le dire elle-même.
23 Elle vous l'a dit que, alors que Bane était en train de la violer, Kunarac
24 était entré dans la pièce et avait donné l'ordre à tout le monde de
25 quitter la pièce. C'est lui Kunarac qui avait dit au témoin 75 de se
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1 rhabiller et c'est lui qui l'a reconduite avec le témoin DB au Centre des
2 Partizans.
3 Des conclusions sont à tirer manifestement de ces incidents. Vous verrez
4 que Kunarac avait le pouvoir de mettre fin à cette orgie de viol et de
5 violence sexuelle. Lorsque lui avait décidé qu'il était temps de ramener
6 les filles au Centre des Partizans, il s'est contenté de donner l'ordre à
7 ses hommes qui étaient encore occupés à violer ces jeunes filles pour les
8 obliger à partir. Et ce qui est intéressant de remarquer, c'est que ses
9 hommes ont obéi à son ordre. Vous avez ainsi deux indices de la
10 culpabilité et de la responsabilité de Kunarac en vertu du 7.3. Tout
11 d'abord, nombre des hommes qui ont été reconnus comme étant auteurs de
12 viol cette nuit-là dans cette maison étaient des hommes sous son
13 commandement. Deuxièmement, ceux qui n'ont pas été reconnus par leurs noms
14 ou par leurs surnoms ont obéi à ses ordres dans les faits. Le témoignage
15 même de Kunarac nous a montré que cet homme avait rejoint les forces
16 serbes de Bosnie ainsi qu'Alestar Krnojelac surnommé "Ako" et Ljubisa
17 Markovic. Je ne vais pas revenir sur les circonstances du rassemblement de
18 tous ces hommes mais vous savez qu'ils s'étaient arrêtés en chemin à
19 Niksic où les avait rejoints Miroslav Kontic surnommé "Konta" ainsi que
20 DP8. Ces cinq hommes ont poursuivi leur route en direction de Foca et nous
21 savons que ces hommes n'étaient prêts à rejoindre ces forces que s'ils
22 servaient sous le commandement de Kunarac.
23 Mme la Présidente (interprétation): Maître Kolesar?
24 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, Monsieur le Juge, mon
25 client demande l'autorisation de se rendre aux toilettes pendant que M.
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1 Ryneveld poursuit son réquisitoire.
2 Mme la Présidente (interprétation): D'accord. Le témoin peut quitter le
3 prétoire.
4 M. Kolesar (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente.
5 M. Ryneveld (interprétation): Vous voulez que je poursuive, où que
6 j'attende son retour?
7 Mme la Présidente (interprétation): Non, parce que son avocat de toute
8 façon est présent au prétoire et l'accusé a d'ailleurs dit que vous
9 pouviez poursuivre.
10 M. Ryneveld (interprétation):Oui, je voulais simplement tirer ceci au
11 clair. Je vous remercie, Madame la Présidente.
12 Je viens de parler de ces soldats qui devaient faire partie de ceux qui
13 habitaient au n°16 et ils faisaient partie du groupe des hommes de Zaga
14 qui ont commis des viols à cet endroit. L'accusation fait valoir qu'au vu
15 des éléments de preuve qui ont été présentés, il a été établi que Kunarac
16 était au commandement d'un groupe de soldats comprenant notamment Milika
17 Kovacevic, Uros Radovic, Jure, Miroslav Kontic surnommé "Konta", Dragutin
18 Vukovic surnommé "Gaga", DP8, Bane, Miga, Miko et Puko qui faisaient
19 partie du noyau dur. D'autres éléments de preuve vous sont montrés, et
20 c'est Kunarac même qui les a apportés, qui montrent que lui-même et son
21 adjoint Gaga Vukovic, DP8, DP7 et Konta Kontic habitaient au n°16 de la
22 rue Osmana Dikica alors que le gros de l'unité demeurait dans la maison
23 voisine.
24 Quelles sont les preuves que nous avons de la participation des hommes se
25 trouvant sous le commandement de Kunarac aux viols et aux violences
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1 sexuelles infligées à ces femmes et à ces jeunes filles qui
2 déclencheraient cette responsabilité au titre du 7.3?
3 Tout d'abord, nous avons le fait qu'au moins deux de ces hommes, DP8 et
4 Konta Kontic, ont violé le témoin 75 dans cette maison dans la nuit du 2
5 août 1992, la nuit où a été détruite la mosquée.
6 Deuxièmement, en une autre occasion alors que le témoin DB était obligée
7 de "satisfaire" Kunarac dans une autre pièce, le témoin 75 a été victime
8 d'un viol collectif, notamment commis par Jure Radovic, DP8 et DP7 ainsi
9 que par les soldats surnommés Toljo, Bane, Sepo, Puko et Miga; et pendant
10 ce supplice, Bane a menacé d'arracher un des seins de la victime de son
11 couteau. Les témoins 190 et 205 vous ont dit aussi avoir été violées par
12 ces soldats au n°16 dans la nuit du 2 août. Plus tard, au cours de cette
13 même nuit, DP7 a emmené le témoin 190 dans une maison près de la gare
14 routière où il l'a violée. Kunarac était présent lorsqu'un autre soldat a
15 violé le témoin 216 et il a vu qu'elle pleurait, qu'elle était dans un
16 état de désespoir absolu. Jure, le soldat qui avait les cheveux en catogan
17 a violé le témoin DB dans le couloir de la maison n°16 lors de la nuit de
18 l'explosion de la mosquée. Jure a aussi violé le témoin 75 et à en juger
19 par la description faite par le témoin 105, son violeur devait être ce
20 même Jure puisque lui aussi avait une queue de cheval ou un catogan. Sans
21 revenir ou sans s'attarder sur tous ces détails qui sont repris par des
22 notes en bas de page dans notre mémoire de clôture, l'accusation affirme
23 que beaucoup des hommes qui se trouvaient sur le commandement de Zaga se
24 sont rendus coupables de viol et violence sexuelle à l'encontre de
25 beaucoup des jeunes filles qui sont venues déposer ici. Ma collègue, Mme
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1 Uertz-Retzlaff, vous a déjà donné le détail de ces incidents de viol
2 commis par Kunarac et ses hommes.
3 Kunarac en est ainsi responsable en vertu de sa responsabilité visé au 7.3
4 du Statut puisque cette conduite s'est produite soit à son instigation,
5 sur ses encouragements alors qu'il était au courant de ce qui se passait
6 et aussi avec son assentiment rétroactif. Il n'a rien fait pour empêcher
7 la poursuite d'un tel comportement et n'a rien fait pour le punir ou en
8 faire rapport aux autorités. Comme le colonel Nogo nous l'a dit dans sa
9 déposition: "Un commandant qui tolère ce type de comportement et fournit
10 des femmes à ses hommes n'est rien d'autre qu'un proxénète". Parlons
11 maintenant de la sentence à appliquer en l'espèce. Il n'est pas facile du
12 tout de déterminer la peine à imposer à chacun de ces accusés. Ce qui est
13 certain, c'est qu'aucune peine imposée par cette Chambre ne pourra rendre
14 justice à ces jeunes filles vu les souffrances qu'elles ont subies entre
15 les mains de ces hommes mais la communauté internationale n'attend pas de
16 votre part simplement que la justice soit faite mais qu'elle le soit de
17 façon manifeste. Afin d'accomplir cet objectif, l'accusation estimait
18 qu'il faut que nous nous penchions maintenant sur les principes appliqués
19 dans la jurisprudence à ce Tribunal en matière de peine. D'emblée, il faut
20 comprendre que le seul recours disponible en vertu du caractère unique de
21 notre mandat et de ce statut, c'est celui de la réclusion. La question
22 maintenant est de savoir quelle devrait être la peine imposée à chacun de
23 ces accusés pour les crimes commis par eux. Pour déterminer cette question
24 capitale, la Chambre devrait conformément à la jurisprudence de ce
25 Tribunal tenir compte des principes de la punition, de la dissuasion de la
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1 déchéance ou de la mise en incapacité légale des éléments dangereux de la
2 punition et de la réinsertion.
3 Il faudra bien sûr tenir compte aussi de la gravité des infractions, des
4 facteurs aggravants, des circonstances atténuantes et de la grille des
5 peines pratiquée dans l'ex-Yougoslavie, ainsi que de la jurisprudence
6 établie par le droit pénal international.
7 Je vais rapidement mettre en exergue certains de ces éléments en gardant
8 bien sûr à l'esprit le fait que nous avons établi tout ceci et présenté
9 ceci dans notre mémoire de clôture de façon circonstanciée.
10 Les chefs retenus dans l'Acte d'accusation sont la réduction en esclavage,
11 la torture, le viol et les atteintes à la dignité de la personne. Ce sont
12 là des violations extrêmement graves du droit international humanitaire.
13 Les témoignages vous l'ont montré: ces nombreuses victimes ont été chacune
14 terrorisées, soumises à des supplices physiques et mentaux incroyables.
15 Ces filles étaient désespérées, ne savaient pas ce qu'il allait devenir
16 d'elles. Elles n'ont pas seulement subi ces souffrances, la honte et la
17 terreur d'être victimes de viols répétés, elles ne savaient même pas si
18 elles allaient pouvoir survivre à tout ce qu'elles subissaient. La peur de
19 l'inconnu, les menaces de mort à bout portant se superposaient au
20 traumatisme de ces viols, de ces violences sexuelles incessantes qui leur
21 étaient imposées par d'innombrables soldats.
22 Les victimes vous-mêmes vous ont dit comment elles se sentent aujourd'hui,
23 plus de huit ans après les crimes. L'une d'entre elles vous a dit ce
24 qu'elle avait subi de la part de Kunarac et que ces souvenirs étaient
25 encore une grande douleur pour elle et pour son âme. Une autre vous a dit
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1 qu'aujourd'hui encore elle a peur quand on frappe à l'improviste à sa
2 porte. D'autres parlent de cauchemars récurrents encore à ce jour.
3 Personne, aucune d'entre elle n'oubliera. Et ce ne sont là que certains
4 des exemples de toutes les souffrances infligées à ces jeunes filles et à
5 ces femmes.
6 Il n'y a pas que le viol lui-même; c'est aussi la façon dont il est commis
7 qui compte. Vous l'avez vu, beaucoup de ces soldats ont violé avec une
8 rage non contenue, beaucoup de ces victimes ont été victimes de viols
9 collectifs. Un soir, une jeune fille a été violée par quinze soldats de
10 suite. D'autres étaient violées, quelquefois sous les yeux de leurs
11 petits-enfants, de leur mère; ou alors ceux-ci le savaient. Beaucoup ont
12 souffert au moment des viols mais elles en souffrent encore aujourd'hui;
13 elles sont encore sous traitement après les traumatismes de 1992. Ce sont
14 des expériences à ce point terrible qu'une victime est venue vous dire
15 qu'elle aurait préféré la mort. Une autre encore a été à ce point touchée
16 par tout ce qu'elle avait vécu que, même une fois en sécurité dans un pays
17 tiers, elle a essayé de se suicider. Enfin, pour beaucoup de ces jeunes
18 femmes, de ces jeunes filles musulmanes, il y a le stigmatisme qui
19 s'attache dans leur culture au viol, ce qui fait qu'elles n'ont plus
20 aucune dignité, qu'elles n'ont plus aucune chance de se voir mariées et,
21 en tout cas, que leur statut au sein de leur communauté est tout à fait
22 diminué. Les faits de ces crimes continuent de hanter les victimes et leur
23 famille.
24 L'accusation fait valoir qu'il faut tenir compte de la gravité de ces
25 infractions pour imposer, pour déterminer la peine.
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1 J'en viens maintenant à l'étude des éléments aggravants.
2 Il faut d'emblée rappeler ici que les victimes étaient sans arme, qu'il
3 s'agissait de femmes civiles musulmanes qui étaient sans défense. Elles
4 ont été rendues plus vulnérables encore en étant maintenues en détention
5 dans des conditions inhumaines qui ont entraîné la perte de poids, la
6 famine, la perte de sommeil et le fait d'avoir à vivre dans des conditions
7 absolument déplorables de saleté. Nombre d'entre elles ont vécu dans la
8 crainte d'être abattues. Elles ont dû être témoins de ce que les autres
9 enduraient, ont entendu les autres au milieu de leur supplice, y compris
10 des membres de leur famille qui étaient abattus par leurs geôliers.
11 Deuxièmement, souvent des jeunes filles âgées de 12 à 16 ans ont été
12 désignées pour être emmenées à l'extérieur et violées.
13 Venons-en à l'étude du cas de M. Kunarac. Nous affirmons ici qu'en tant
14 que commandant des autres soldats, le comportement de Kunarac est
15 particulièrement répréhensible. C'est lui qui a montré l'exemple à ses
16 soldats; c'est lui qui, par son comportement, a encouragé activement la
17 perpétration de crimes de guerre contre des femmes civiles sans défense
18 qui ont été livrées aux mains de soldats. Voilà un autre facteur
19 aggravant. Non seulement il a fait sortir des jeunes femmes, des filles de
20 leur lieu de détention, non seulement il les a violées mais il a encouragé
21 d'autres hommes à les violer. Il a également failli dans son devoir qui
22 était d'empêcher que ses hommes perpétuent ces crimes. Il n'a ni puni ni
23 fait part de la perpétration de ces crimes à ses supérieurs ainsi que la
24 loi l'exigeait.
25 Autre facteur aggravant: ces crimes n'ont pas été des crimes ponctuels,
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1 ils se sont déroulés pendant une période de temps considérable. Kunarac et
2 ses hommes ont fait partir du centre de détention Partizan un certain
3 nombre de jeunes femmes et de jeunes filles régulièrement, entre le 13
4 juillet et le 13 août. Il a soumis à un esclavage sexuel des témoins tels
5 que les témoins 191 et 186 qui ont été ainsi maintenues en esclavage
6 pendant un mois et demi à la maison de Trnovace.
7 Vous vous souviendrez qu'au cours de mes déclarations liminaires, j'ai
8 soumis un tableau établissant des dates, les lieux, les victimes, les
9 auteurs des crimes. J'essayais ainsi de vous montrer ce que vous alliez
10 entendre au cours de la présentation des moyens à charge. Nous avons
11 également ajouté une annexe A à notre mémoire de clôture: des tableaux
12 similaires qui indiquent exactement ce qu'a dit chaque témoin, chaque
13 victime. Cela est soutenu par les éléments de preuve qui ont été versés
14 par le biais de ces témoins durant le procès.
15 Vous verrez que nous avons listé tout ce qui a été dit par les victimes
16 avec une séquence de temps très clairement définie disant également ce qui
17 leur a été fait, par qui, où, quand et comment.
18 Ce qui devient très clair lorsqu'on regarde ces tableaux, c'est que ces
19 comportements criminels s'étendaient, prenaient toutes sortes de formes.
20 Il a été -ce comportement- renouvelé en de nombreuses occasions; le nombre
21 de perpétrateurs étaient également très important et ces comportements ont
22 été perpétrés pendant une période de temps qui indique à quel point les
23 victimes ont dû souffrir toutes sortes de supplices.
24 Ces crimes n'ont pas été sûrement motivés par la concupiscence, il y avait
25 dans ces crimes une nature beaucoup plus insidieuse. Nombre de
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1 comportements criminels se basaient sur la haine ethnique ressentie pour
2 les Musulmans; ils se fondaient sur la discrimination religieuse et la
3 discrimination sexuelle. Kunarac a souvent insulté ses victimes, utilisant
4 des termes ethniques alors qu'il était en train de perpétrer ses crimes.
5 Regardez maintenant la multiplicité des victimes. Les éléments de preuve
6 indiquent que Kunarac, directement ou indirectement, a participé aux viols
7 des témoins 50, 75, 87, 95, 183, 186, 191, ainsi que 175, les témoins RK
8 et JG. Et ce n'est pas tout. Vous vous souviendrez également que ces viols
9 n'étaient pas des viols ponctuels: nombre de ces victimes ont été violées
10 par lui de façon répétée, sur une longue période de temps. Ce qui est pire
11 encore, c'est que les témoins 50, 87, 186, 191 et JG n'étaient que des
12 enfants par la définition et la loi qui prévaut dans nombre de pays au
13 moment où ils ont été violés. Pensez également, si vous le voulez,
14 qu'après avoir violé le témoin 183 sur les rives de la rivière Cehotina,
15 il a menacé de faire du mal à son fils, l'a injurié, puis l'a dépouillé de
16 tout son argent et de tous ses biens, de tous ses bijoux notamment. Voilà
17 également des facteurs aggravants selon nous.
18 Deuxième facteur aggravant: il découle de ce qui a été dit par l'accusé
19 Kunarac devant cette Chambre de première instance. Il vous est permis de
20 conclure qu'il a témoigné de façon erronée alors qu'il était sous
21 déclaration solennelle. Il l'a fait, d'après nous, à la fois lorsqu'il a
22 parlé du viol de DB et à propos de son moyen de défense fondé sur l'alibi.
23 Si la Chambre de première instance en arrive à la conclusion qu'il a en
24 fait monté ces éléments de preuve de toutes pièces, alors il s'agirait là
25 de circonstances aggravantes que l'on pourrait assimiler à un outrage au
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1 Tribunal ainsi qu'au fait que cela montre une absence absolument éhontée
2 de remords pour le seul comportement qui a été le sien. Le seul
3 comportement qui pourrait même commencer à ressembler à l'expression d'un
4 remord a été le récit qu'il a fait d'un incident qui touchait le témoin
5 DB, dont il a néanmoins dit qu'il s'agissait pour lui d'une forme de
6 séduction qui avait été pratiquée par ce témoin à son égard à lui.
7 Il vous revient à vous de voir s'il manifeste réellement du remord ou s'il
8 essaie simplement de se faire passer lui-même pour une victime.
9 Venons-en maintenant au cas de M. Kovac. Non seulement M. Kovac peut se
10 voir attribuer tous les facteurs aggravants qui ont été décrits pour M.
11 Kunarac, mais M. Kovac fait montre d'un trait de caractère inutilement
12 mauvais, inutilement gratuit dans la perpétration de ses crimes. Par
13 exemple, il a menacé de trancher la gorge des témoins 87 et 75. Pendant
14 cette même période, il gardait à sa disposition le témoin 75 dont il a
15 fait son esclave sexuel et il s'est vanté auprès de lui d'avoir tué le
16 frère de ce témoin.
17 Est-ce qu'il n'a pas ainsi ajouté à la douleur et à la violence mentale
18 dans lesquelles se trouvait sa victime captive sans défense? Il a
19 également passé à tabac les témoins 75 et 87, il les a forcées à
20 s'humilier plus avant encore en dansant nues sur une table alors qu'il les
21 menaçait de son fusil. Vous vous souviendrez également que 75 et 87 vous
22 ont rapporté l'incident au cours duquel Kovac a menacé de les tuer. Il les
23 a forcées à se rendre à l'extérieur, nues, alors qu'il faisait froid. Il
24 les a forcées à se diriger vers les rives de la rivière. Pendant tout ce
25 temps, ces jeunes filles étaient terrifiées, pensaient qu'elles allaient
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1 être abattues.
2 Ce n'est que lorsque Kocic a réussi à localiser ces jeunes femmes, à
3 intervenir qu'elles ont pu rentrer dans l'appartement où elles ont été
4 autorisées à se nettoyer. Le fait que sa menace de les tuer ait été rendue
5 si publique au niveau local et embellie avec toute cette publicité, le
6 fait que tout ceci se soit passé constitue un facteur aggravant.
7 Il apparaît également qu'il prenait plaisir à ce qu'il faisait. Il a
8 notamment pris beaucoup de plaisir à violer les témoins 75 et 87, toutes
9 les deux dans le même lit alors qu'il écoutait la musique du "Lac des
10 Cygnes". Il semble également se repaître de ce facteur de contrôle qu'il
11 aimait exercer. Il jouait l'hôte complet, parfait pour les soldats serbes,
12 notamment l'accusé Zoran Vukovic; il les invite dans son appartement, il
13 les invite à se servir de ces femmes qui sont ses esclaves sexuelles. Il a
14 dit au témoin 75 qu'il la battrait ou qu'il enverrait sa jeune fille de
15 douze ans, AB, pour qu'elle soit violée.
16 Regardez également la période de temps pendant laquelle il les a réduites
17 en esclavage. Il a gardé 87 et AS dans son appartement pour environ quatre
18 mois, AB et 75 s'y sont trouvées pendant un mois supplémentaire avant
19 qu'il ne les transfère comme du bétail vers un autre soldat.
20 Il a également montré sa propriété sur 87 pendant sa réduction en
21 esclavage. Il a promis à Zegic, un autre soldat qu'il pouvait violer le
22 témoin 87.
23 Vous avez entendu que Kovac et son complice Kostic ont violé les témoins
24 AS, 87, 75 et AB qui avait douze ans, presque chaque nuit à partir du
25 moment où ils se sont trouvés dans l'appartement Lepa Breva.
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1 Enfin, il a manifesté son mépris pour toutes ces personnes: il les a
2 considérées comme du bétail puisqu'il a vendu A et C87 pour quelque 500 DM
3 à d'autres soldats. Le témoin 75 vous a dit qu'elle avait vu Dragec
4 acheter AB, qui avait douze ans, à Kovac. Kovac a ri lorsqu'il a vu le
5 soldat compter 200 DM.
6 L'audace de l'affirmation qu'il a faite devant vous en disant que "le
7 témoin 87 était tombé amoureuse de lui, qu'elle voulait l'épouser" est,
8 d'après nous, un facteur aggravant supplémentaire. En effet, cela ne
9 montre pas du tout du remords pour son comportement vis-à-vis du témoin
10 87; bien au contraire, un tel moyen de défense indique à quel point la
11 dignité des témoins a été dénigrée de façon continue.
12 J'en viens enfin au cas de Zoran Vukovic. Le comportement de Zoran
13 Vukovic, conformément aux éléments de preuve qui vous ont été présentés
14 couvre toute l'étendue des actes perpétrés contre les civils musulmans
15 pendant le conflit armé.
16 Vous avez entendu les éléments de preuve qui indiquent comment il a pris
17 part à l'attaque militaire lancée contre les civils qui, ensuite, ont été
18 détenus à Buk Bijela. Alors qu'il se trouvait là, selon le témoin 50, il a
19 demandé qu'elle pratique une fellation sur lui alors qu'il était armé d'un
20 couteau. Il a également fait pratiquer une fellation par le témoin 75 dans
21 l'appartement de Kovac; juste avant de le faire, il lui a dit qu'il avait
22 tué et abattu son oncle près de la rivière Drina. Le fait que son oncle
23 ait été abattu et tué n'était pas quelque chose dont elle n'était pas au
24 courant: elle le savait déjà. Le fait que ce soit Vukovic qui l'ait fait
25 était la partie la plus bouleversante de l'information.
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1 En fait, le calcul était très clair: il fallait accroître la souffrance
2 ressentie par cette victime, lui montrer qu'il avait un certain contrôle
3 sur sa vie et sur celle des membres de sa famille.
4 Cette information, qu'elle soit véridique ou pas, ajoute un autre
5 paramètre, nous indique que cet homme qui avait affirmé avoir tué son
6 oncle était, dans cet instant, en train de la violer.
7 Ce n'est pas là la fin de la liste de ses crimes de guerre. Il a également
8 participé à un viol collectif au cours duquel plusieurs femmes ont été
9 violées simultanément par des soldats. Vukovic, à cette époque, a violé le
10 témoin 87, qui était encore mineure.
11 Vous choisirez peut-être d'examiner également son comportement dans le
12 prétoire, au moment de déterminer sa peine. Son comportement, comme cela
13 est décrit plus intégralement dans notre mémoire de clôture, indique
14 clairement que l'accusé n'a aucun remords et indique de quelle façon il
15 perçoit la solennité qui doit toujours présider aux audiences qui se
16 tiennent devant ce Tribunal.
17 Venons-en maintenant au chapitre des circonstances atténuantes.
18 Malheureusement, la procédure ne nous révèle pas grand-chose qui nous
19 permette d'invoquer légitimement des circonstances atténuantes pour l'un
20 quelconque des accusés.
21 Comme cela a été dit précédemment, la seule chose qui puisse vaguement
22 être assimilée au concept de remords provient de ce que Kunarac, dans son
23 récit de comment il avait compris, avec le temps, que le témoin DB
24 n'agissait pas de son plein gré mais agissait sous l'impact de la terreur,
25 est la seule chose qui pourrait constituer une circonstance atténuante.
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1 Mais il a ensuite annulé tout ce qui pouvait être mis sur le compte de
2 circonstances atténuantes en affirmant qu'il avait été plus ou moins
3 séduit par ce témoin. Il n'a même pas essayé d'exprimer son remords lors
4 de cet incident.
5 Pour être tout à fait juste, je crois me souvenir qu'il a fait un
6 commentaire sur le fait que le témoin 75 avait été victime d'un viol
7 collectif et qu'il se sentait coupable à ce propos. Il vous revient de
8 savoir si ce commentaire peut être commenté comme une déclaration de
9 remords, auquel cas cela peut éventuellement être considéré comme une
10 circonstance atténuante.
11 Pour ce qui est de Kovac, on peut dire en sa faveur que, pour autant que
12 l'accusation le sache, il n'a pas de dossier judiciaire, de casier
13 judiciaire préexistant.
14 On peut suggérer que nous parlons ici d'hommes qui sont des chefs de
15 famille, qui ont des enfants et qui, d'une certaine façon, pourraient
16 bénéficier de cela comme étant une circonstance atténuante. Par ailleurs
17 -et bien au contraire-, le fait que leurs victimes étaient souvent de très
18 jeunes filles, certaines ayant à peine douze ans, fait de cet argument
19 selon lequel il s'agit de pères de famille un facteur aggravant.
20 Soyons équitables: il faut bien dire que, pour l'un d'entre eux, Vukovic,
21 et pour seulement l'un d'entre eux, il y a eu remords au moment de
22 perpétrer des atrocités sexuelles pires encore que celles qui avaient été
23 déjà commises contre une jeune fille; il s'est retenu parce que sa victime
24 avait à peu près le même âge que sa propre fille.
25 Enfin, il faut dire que Kunarac s'est volontairement rendu aux autorités
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1 du Tribunal. Cela est vrai, mais il ne faut pas lui donner trop de poids
2 au moment de s'interroger sur la pertinence des circonstances atténuantes.
3 Les recommandations de l'accusation à la Chambre de première instance,
4 regardant la détermination de la peine, prend en considération tous les
5 facteurs que j'ai indiqués.
6 Au moment de faire ces recommandations et afin de rester aussi succinct
7 que possible, je me propose de demander une sentence globale pour chacun
8 des accusés. Je ne propose pas de faire des recommandations pour une
9 sentence spécifique pour chaque chef d'accusation.
10 Donc, l'accusation se propose de recommander les sentences suivantes pour
11 chacun des accusés dans cette affaire.
12 Pour l'accusé Kunarac, l'accusation demande à ce que la peine qui lui soit
13 attribuée ne soit pas inférieure à trente-cinq ans de prison. En faisant
14 cette recommandation, l'accusation attire l'attention de la Chambre de
15 première instance sur les facteurs aggravants suivants: le nombre de
16 victimes qu'il a violées, les commentaires qu'il a faits à l'intention
17 d'un certain nombre de ses victimes alors qu'il était en train de les
18 violer et le fait qu'il était le commandant et qu'il a permis à ses hommes
19 d'avoir accès à ces femmes; ces hommes étaient placés sous son
20 commandement et il leur a permis de les violer. Il a montré à ses hommes
21 un exemple en violant lui-même ces femmes.
22 Pour ce qui est de Kovac, nous demandons à ce qu'il reçoive une peine
23 d'emprisonnement qui ne soit pas inférieure à trente ans. Voici les
24 circonstances aggravantes que nous souhaitons mettre en avant dans le
25 cadre de cette recommandation: l'accusé Kovac a réduit en esclavage le
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1 témoin 87 et le témoin AS, et ce, pendant une longue période de temps au
2 cours de laquelle elles ont été soumises à des agressions sexuelles ainsi
3 qu'à d'autres formes de traitements cruels et dégradants; le fait que le
4 témoin AB n'avait que douze ans, le fait que l'accusé Kovac considérait
5 ces femmes comme étant sa propriété propre, finissant même par les vendre
6 pour 500 DM pièce, et le fait qu'il a forcé ses victimes à marcher nues
7 dans la rue, provoquant ainsi la totale humiliation de ses victimes.
8 Pour ce qui est de l'accusé Vukovic, l'accusation est d'avis qu'il doit
9 être emprisonné pour une période totale qui ne soit pas inférieure à
10 quinze ans, et ce, sur la base des circonstances aggravantes suivantes:
11 les circonstances entourant le viol du témoin 50, une jeune fille de seize
12 ans, viol au cours duquel l'accusé Vukovic a menacé la mère du témoin 50,
13 le témoin 51, et a demandé son assistance afin de trouver le témoin 50 qui
14 se cachait à Partizan. Enfin, le fait qu'il ait violé le témoin 97, une
15 jeune fille de quinze ans.
16 Au nom de l'accusation et à moins que les Juges de la Chambre aient des
17 questions à nous poser, tels sont nos arguments.
18 Je vous remercie.
19 M. Hunt (interprétation): Monsieur Ryneveld, vous faites des
20 recommandations s'agissant de l'établissement de la peine: est-ce que vous
21 avez des références à telle ou telle affaire qui a été traitée dans le
22 droit international, qui soit à l'appui de ces recommandations?
23 Je n'ai pas compulsé les textes et vous ne faites pas référence, ni par
24 écrit ni oralement, à celles-ci.
25 M. Ryneveld (interprétation): Oui, nous avons établi des références dans
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1 notre mémoire de clôture et je vous ai dit que, si j'ai agi de la sorte
2 ici à l'audience, c'était dans l'intérêt de la rapidité. J'ai fait
3 référence à ces différentes doctrines et à cette jurisprudence. Nous
4 estimons qu'au vu de celles-ci, ce sont les peines qui s'imposent.
5 M. Hunt (interprétation): Vous dites que vous y faites référence dans vos
6 écritures, dans vos conclusions écrites: est-ce que là, vous faites
7 référence à d'autres cas analogues entraînant la même peine?
8 M. Ryneveld (interprétation): Non, je ne dis pas nécessairement qu'on ait
9 établi ce même genre de peine que ce soit 30 ans, 25 ou 15. Ici, nous
10 avons essayé d'établir une analyse de la jurisprudence établie par d'autre
11 tribunaux, voire les peines imposées dans ces cas analogues mais vous
12 savez qu'il ne s'agit pas ici d'un procès sur des viols comparables à
13 d'autres bien sûr. On ne peut pas dire nécessairement qu'il y ait beaucoup
14 de précédents. Nous avons bien sûr la décision Furundzija; nous avons
15 d'autres procès dans lesquels le viol était invoqué.
16 M. Hunt (interprétation): Oui, mais je parlais d'autres sources que celles
17 venant du Tribunal même.
18 M. Ryneveld (interprétation): Nous avons fait référence aux affaires
19 mentionnées par Mme Kuo, notamment dans le cas du Batavia,. Et je pense
20 que ces huit ou neuf affaires ont été citées en guise de référence.
21 M. Hunt (interprétation): Eh bien, je le trouverai sans doute dans le
22 deuxième volume de vos conclusions car ceci n'apparaît pas dans le premier
23 volume. C'est ce qui me préoccupe pour le moment. Mais si vous me dites
24 qu'il s'y trouve quelque part, je regarderai par la suite.
25 M. Ryneveld (interprétation): Je ne sais pas si sont invoqués d'autres
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1 précédents sur ce point. En effet, et il est heureux d'ailleurs qu'il n'y
2 ait pas eu beaucoup de procès portant sur ce même problème et nous avons
3 fait référence à l'affaire Batavia, avec les Japonais. Nous avons
4 également fait référence à d'autres procès relevant de la jurisprudence de
5 ce Tribunal et du TPIR.
6 Je ne peux pas dire qu'il y ait eu vraiment une foule d'autres procès
7 analogues qui nous permettraient de tirer des précédents.
8 Peut-être que c'est ce procès-ci qui va établir un précédent pour
9 l'avenir. Je vous remercie.
10 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie.
11 Nous allons maintenant nous tourner vers la défense. Nous pouvons
12 commencer car il nous reste quelques minutes avant que se termine
13 l'audience d'aujourd'hui.
14 Maître Prodanovic, je vais vous donner la parole.
15 (Plaidoirie de M. Prodanovic.)*
16 M. Prodanovic (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente,
17 Monsieur le Juge.
18 Je vais commencer ma plaidoirie par la position commune adoptée par les
19 défenses de M. Kunarac, de M. Vukovic et de M. Kovac, s'agissant des
20 questions générales, à savoir des rapports existant entre ces accusés. Au
21 cours des débats, les avocats des trois accusés se sont comportés et ont
22 agi de concert au vu de toutes les questions ayant trait aux moyens de
23 preuve à charge ou à décharge. Les conseils des accusés souhaitent
24 souligner d'emblée que la défense, en l'espèce, est unie, indépendamment
25 du fait que M. Kunarac, M. Kovac et M. Vukovic, dans l'Acte d'accusation
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1 modifié présenté dans la partie liminaire ou évoqué dans la partie
2 liminaire du réquisitoire, en fait n'avaient été mis en accusation que par
3 rapport à un seul Acte ou un seul Acte d'accusation portant sur divers
4 incidents se situant dans la même période de temps, même s'ils n'ont rien
5 à voir entre eux.
6 Les conseils de la défense souhaitent souligner que les accusés, les trois
7 accusés au moment des faits ne se rendaient pas visite, n'avaient pas de
8 contacts sociaux l'un avec l'autre, ne se connaissaient que de vue. Que,
9 par conséquent, ils n'ont pas agi de concert, ni ensemble, avec une
10 attention unique et commune.
11 La défense de Kunarac, Kovac, Vukovic souligne qu'il n'y a absolument
12 aucun lien et que l'accusation n'a pas pu prouver qu'il y ait eu un lien
13 entre les agissements de Kunarac, Kovac et Vukovic, de sorte que les actes
14 individuels, tels que décrits dans l'Acte d'accusation modifié, qui était
15 soumis le 8 décembre 1999, concernant Dragoljub Kunarac et Radomir Kovac,
16 et le 3 mars de l'an 2000, concernant Zoran Vukovic, ces documents doivent
17 être établis et traités comme des documents indépendants ou des Actes
18 d'accusation indépendants pour chacun de ces accusés: et pour l'un des
19 accusés et comme un autre Acte d'accusation pour les deux autres accusés.
20 Le manque de desseins communs est d'une importance prédominante puisque
21 nous allons en parler lors de l'analyse individuelle qui est liée à chacun
22 de ces accusés lors de notre présentation finale qui sera faite pour
23 chacun des accusés plus tard.
24 La position commune de la défense pour les trois accusés parlera des faits
25 étalés dans les Actes d'accusation sur le caractère des centres dont nous
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1 avons parlé, du statut des civils de nationalité musulmane et aux
2 événements qui ont eu lieu peu de temps avant les déclarations de la
3 guerre et après. Nous allons également parler des événements qui ont été
4 décrits comme étant des actes criminels et que l'on charge chacun des
5 accusés; nous allons en parler séparément à la fin de notre plaidoirie.
6 Pour pouvoir parler de chaque point de l'Acte d'accusation, pour pouvoir
7 établir le début des combats sur le territoire de Foca et pour parler des
8 éléments que l'on charge aux accusés Kunarac, Kovac et Vukovic, il faut
9 bien nous mettre dans un contexte historique et dans un contexte
10 économique qui prévalaient sur le territoire de Foca juste avant le début
11 de la guerre.
12 Sans connaître ces faits, nous pourrions tirer de fausses conclusions et
13 c'est la raison pour laquelle nous allons les étaler un peu plus en
14 longueur lorsque nous allons parler du droit matériel.
15 La défense a analysé en détail le survol et, en fait, a parlé d'un survol
16 historique qui parle de mouvement de la population. La défense n'en
17 parlera pas, ne parlera pas des organisations musulmanes qui existaient
18 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie mais nous allons parler seulement de
19 la formation de l'Etat musulman sur le territoire.
20 La défense ne parlera pas des partis politiques puisque le tout est déjà
21 étalé dans les plaidoiries et dans les mémoires écrits, mais nous allons
22 parler du SDA, du SDS et du HDZ. C'est à ce moment-là que les problèmes
23 ethniques ont commencé à se faire valoir concernant les actes du SDS et du
24 HDZ.
25 La défense a parlé en détail, dans la section D et E, du début du conflit
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1 en Bosnie-Herzégovine sur le territoire de la municipalité de Foca dans
2 lequel elle parle du fait que les Musulmans s'armaient. Les éléments de
3 preuve de la défense ont pu démontrer qu'à Foca, il y avait des unités
4 armées et bien organisées. Il est certain que jusqu'au début de conflits
5 armés ou que les conflits armés ont éclaté après que la communauté
6 internationale a accepté la Bosnie-Herzégovine comme territoire municipal
7 de la municipalité de Foca, c'est à ce moment-là que les premiers conflits
8 ont eu lieu entre les membres de ce territoire qui, par la suite, est
9 devenu un conflit armé afin d'avoir une prise de pouvoir à Foca.
10 Lors de ces conflits armés, tels que nous les avons démontrés dans notre
11 mémoire…
12 Mme la Présidente (interprétation): Monsieur Prodanovic, pourriez-vous,
13 s'il vous plaît, ralentir le débit?
14 Vous parlez également des événements qui ont eu lieu avant le conflit
15 armé. En fait, pour la partie dont vous parlez maintenant, pourriez-vous
16 être, s'il vous plaît, un peu plus bref là-dessus puisque ce n'est pas
17 vraiment important? Nous ne voulons pas établir qui a commencé la guerre
18 et quelles sont les raisons pour lesquelles la guerre a éclaté.
19 Nous le savons déjà, nous savons très bien qu’il y a eu un conflit armé.
20 M. Prodanovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente. Je serai très
21 bref.
22 Il y a donc eu un conflit armé entre les groupes ethniques locaux et ce
23 conflit a été un conflit spontané qui a débuté pour établir une prise de
24 pouvoir. Dans la section F, la défense a détaillé notre position, la
25 position sur l’Acte d’accusation qui parlait du fait que les forces serbes
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1 n’ont pas eu une prise de pouvoir de Foca mais qu’il y a eu établissement
2 du pouvoir.
3 Concernant le KP Dom, nous ne pouvons pas en parler puisqu’on ne peut pas
4 établir un lien entre ce dernier et les accusés, puisque nous disons qu’il
5 n’y a pas eu de conditions inhumaines: il n’y a pas eu de centres de
6 détention, il n’y a pas eu de tortures psychiques et physiques, et il n’y
7 a pas eu de mauvais traitements puisque les conditions où les gens
8 n’avaient rien à manger étaient les mêmes pour tout le monde.
9 C’est ce que les témoins de la défense et les témoins de l’accusation ont
10 pu établir. Il n’y a pas eu d’arrestations de civils ni de passages à
11 tabac, comme on le voit dans l’Acte d’accusation. Et la défense croit que
12 ces derniers n’ont pas été prouvés et on n’en a même pas parlé, en fait,
13 devant cette Chambre.
14 La défense défend sa position que ce concept d’Acte d’accusation nous met
15 dans un dilemme: elle nous demande si l'on a permis d’établir tous les
16 faits. L’accusation part d’éléments généraux et, dans ce contexte, place
17 chacun des accusés, alors la défense maintient la position que nous avons
18 démontrée qu’il ne s’agit pas de positions fondées, surtout lorsqu’on
19 parle des accusés.
20 L’accusation prétend qu’il y a eu des prisons, des bordels, des formations
21 paramilitaires. Ces faits sont fondés surtout sur un principe de ouï-dire.
22 Nous ne pouvons pas établir un Acte d’accusation en nous basant sur ces
23 principes, surtout lorsque les charges sont aussi sérieuses.
24 Outre les faits qui sont établis dans l’Acte d’accusation, l’accusation
25 concernant Kunarac et Kovac parle des faits généraux de l’Acte
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1 d’accusation dans lesquels certaines choses se sont répétées de façon non
2 systématique et que ces faits sont étalés. La défense l’a analysé dans son
3 mémoire final par écrit, mais nous aimerions néanmoins souligner le fait
4 qu’il n’y a pas eu de projet ou de plan. Il n’y a pas eu une attaque
5 systématique généralisée sur les civils d’origine musulmane.
6 Nous aimerions mentionner que, sur le territoire de la municipalité de
7 Kalinovik, il n’y a pas eu de conflit et que ce conflit a eu lieu sur la
8 ligne de démarcation qui existait entre Kalinovik et Trnovace, que les
9 accusés n’ont aucun lien entre les événements qui ont eu lieu à Gacko et
10 que, devant cette Chambre, nous n’avons pas parlé de ce qui s’est passé
11 sur le territoire des autres municipalités. Et que, de ce fait,
12 l’accusation n’a pas prouvé, au-delà de tout doute, la généralité ni la
13 façon systématique; elle n’a pas parlé non plus de l’arrivée des civils
14 sur la municipalité de Kalinovik et n’a pas démontré que l’on pouvait
15 faire un lien entre ces derniers et les accusés.
16 Nous aimerions souligner qu’au cours du conflit armé sur le territoire de
17 la municipalité de Foca, il n’y a pas eu d’attaque opérée sur la
18 population civile et, lors du combat, il y a eu une division du territoire
19 où chacune des parties a voulu établir la prise de pouvoir -les civils ont
20 quitté ce territoire- qui correspond à la doctrine militaire et tout à
21 fait légitime: elle ne peut pas représenter d’emprisonnement et ne peut
22 pas être prise non plus pour une attaque contre une population civile.
23 C’est peut-être le moment opportun pour lever la séance pour la journée?
24 Mme la Présidente (interprétation): Oui. Il est 16 heures d’après notre
25 horloge. Nous allons poursuivre nos débats demain matin à 9 heures 30.
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1 (La séance est levée à 16 heures.)
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