LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit : M. le Juge Antonio Cassese, Président
M. le Juge Richard May
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le : 21 janvier 1999
LE PROCUREUR
c/
Zoran KUPRESKIC, Mirjan KUPRESKIC, Vlatko KUPRESKIC,
Drago JOSIPOVIC, Dragan PAPIC, Vladimir SANTIC alias "VLADO",
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DÉCISION RELATIVE À LORDRE DE PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE
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Le Bureau du Procureur :
M. Franck Terrier
M. Albert Moskowitz
Le Conseil de la Défense :
M. Ranko Radovic, pour Zoran Kupreskic
Mme Jadranka Glumac, pour Mirjan Kupreskic
M. Borislav Krajina, Vlatko Kupreskic
M. Luko Susak, pour Drago Josipovic
M. Petar Puliselic, pour Dragan Papic
M. Petar Pavkovic, pour Vladimir Santic
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 (le "Tribunal international"),
ATTENDU que lors de laudience du 15 janvier 1999, un Conseil de la Défense a demandé à être autorisé à procéder à un nouvel interrogatoire supplémentaire dun témoin à décharge quil navait pas appelé à la barre, après que ce témoin ait été contre-interrogé par lui-même et par lAccusation,
ATTENDU que la présente Chambre de première instance a rejeté oralement cette demande le 15 janvier 1999, comme en témoigne lextrait du compte rendu daudience joint à la présente décision (Annexe 1),
VU larticle 82 A) du Règlement de procédure et de preuve (le "Règlement"), lequel dispose que, "En cas dinstances jointes, chaque accusé a les mêmes droits que sil était jugé séparément",
VU larticle 85 B) du Règlement, lequel dispose que "Chaque témoin peut, après son interrogatoire principal, faire lobjet dun contre-interrogatoire et dun interrogatoire supplémentaire. Toutefois, un juge peut également poser toute question au témoin à quelque stade que ce soit. Le témoin est dabord interrogé par la partie qui le présente.",
ATTENDU que larticle 73 C) ii) du Règlement autorise la Chambre de première instance à indiquer, lorsquelle statue oralement, quune décision écrite suivra,
VU la Décision relative à la requête de la Défense aux fins de citer des témoins à comparaître, rendue le 06 octobre 1998, par laquelle la Chambre de première instance ordonnait, "en application de larticle 85 B) du Règlement que, sagissant de ces quatre témoins, lordre de présentation des éléments de preuve seraSitC le suivant : interrogatoire principal par le Conseil de la Défense de Vlatko Kupreskic, éventuellement, interrogatoire complémentaire par un autre Conseil de la Défense, contre-interrogatoire par lAccusation et interrogatoire supplémentaire par le Conseil de la Défense de Vlatko Kupreskic",
ATTENDU quil sagit là de lordre retenu et systématiquement suivi par la Chambre de première instance, à savoir, interrogatoire principal par laccusé ayant appelé le témoin, contre-interrogatoire par les autres accusés, contre-interrogatoire par lAccusation et finalement interrogatoire supplémentaire par laccusé ayant appelé le témoin,
ATTENDU quil appartient au Tribunal de veiller à léquité et à la rapidité du procès, ainsi quau bon déroulement de linstance et que lordre susmentionné de présentation des moyens de preuve sert au mieux ces intérêts,
ATTENDU que cet ordre est également celui qui est suivi dans la plupart des systèmes nationaux qui connaissent linterrogatoire principal, le contre-interrogatoire et linterrogatoire supplémentaire (cf., p. ex, South African Commentary on the Criminal Procedure Act S1998C, par. 166 : "Linterrogatoire supplémentaire est le droit qui peut être exercé par la partie qui a appelé le témoin une fois que le contre-interrogatoire est achevé" ; cf., aussi, Archbold par. 8-247 ; Peter Murphy, A Practical Approach to Evidence (3e édition), p. 460 : "Il y a peu à dire sur linterrogatoire supplémentaire. Cest le processus par lequel une partie qui a appelé un témoin peut chercher à expliquer ou clarifier certains points abordés lors du contre-interrogatoire et qui semblent être défavorables à sa cause. En conséquence, linterrogatoire supplémentaire nest possible que lorsquil y a eu un contre-interrogatoire et il est limité aux questions soulevées lors de celui-ci : il ne constitue pas une occasion de présenter dautres éléments de preuve à titre principal" [traductions non officielles]),
ATTENDU que la Chambre de première instance II-quater a, dans laffaire Delalic et consorts, adopté la même approche dans sa Décision relative à la requête concernant la présentation de moyens de preuve par laccusé Esad Lando, rendue le 1er mai 1997 et dans laquelle elle estimait que larticle 85 B) prévoyait seulement la tenue dun interrogatoire principal, dun contre-interrogatoire et dun interrogatoire supplémentaire, tout en affirmant que le contre-interrogatoire supplémentaire, bien quil soit généralement interdit, pouvait être autorisé quand de nouveaux points étaient soulevés lors de linterrogatoire supplémentaire. La partie adverse est autorisée à procéder à un contre-interrogatoire supplémentaire pour poser au témoin des questions sur ces nouveaux points, puisquen pareilles circonstances, "le contre-interrogatoire supplémentaire est à linterrogatoire supplémentaire ce que le contre-interrogatoire est à linterrogatoire principal". De même, lorsquà loccasion de questions posées par la Chambre de première instance au témoin après le contre-interrogatoire et linterrogatoire supplémentaire, des points totalement nouveaux sont soulevés, la partie adverse a le droit de poser au témoin des questions sur les points en question.
ATTENDU que cette approche du problème nous semble judicieuse,
VU, cependant, le préjudice possible qui pourrait résulter, pour un des coaccusés, du fait que lAccusation verse de nouveaux documents au dossier pendant son contre-interrogatoire dun témoin, documents que le coaccusé na pas eu loccasion dexaminer auparavant et quil na pu soumettre au témoin alors quil le contre-interrogeait lui-même,
CONFIRME, en conséquence sa décision orale du 15 janvier 1999 selon laquelle le Procureur doit, de bonne foi, au plus tôt et en tout état de cause avant son contre-interrogatoire, communiquer à tous les accusés tout nouveau document quil souhaite soumettre à un témoin lors du contre-interrogatoire et ce, afin que les accusés en soient dûment informés à temps,
CONFIRME sa décision orale du 15 janvier 1999 selon laquelle les moyens de preuve seront présentés dans lordre suivant : interrogatoire principal par laccusé qui appelle le témoin, contre-interrogatoire par les autres accusés, contre-interrogatoire par lAccusation et interrogatoire supplémentaire par laccusé qui appelle le témoin. La Chambre de première instance se réserve le droit de permettre ou non la tenue dun contre-interrogatoire supplémentaire dans léventualité ou de nouveaux points auraient été soulevés,
DÉCLARE, de surcroît, que la présente Décision ne saurait être interprétée de manière à empêcher plusieurs accusés dappeler un témoin à décharge à la barre, sous réserve que soit clairement précisé quel accusé appelle quel témoin, et quen pareil cas, les règles relatives à linterrogatoire principal sappliquent, interdisant entre autres que soient posées des questions tendancieuses.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre
de première instance
/signé/
Antonio Cassese
Fait le vingt et un janvier 1999
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]
ANNEXE 1 : Extrait du compte rendu de laudience du 15 janvier 1999