LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit : M. le Juge Antonio Cassese, Président

M. le Juge Richard May

Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Ordonnance rendue le : 24 août 1998

 

LE PROCUREUR

c/

ZORAN KUPRESKIC, MIRJAN KUPRESKIC, VLATKO KUPRESKIC,
DRAGO JOSIPOVIC, DRAGAN PAPIC, VLADIMIR SANTIC alias "VLADO"

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ORDONNANCE AUX FINS DE NON-DIVULGATION

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 Le Bureau du Procureur :

M. Franck Terrier
M. Albert Moskowitz

Le Conseil de la Défense :

M. Ranko Radovic, pour Zoran Kupreskic
Mme Jadranka Glumac, pour Mirjan Kupreskic
M. Borislav Krajina, Vlatko Kupreskic
M. Luko Susak, pour Drago Josipovic
M. Petar Puliselic, pour Dragan Papic
M. Petar Pavkovic, pour Vladimir Santic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ("Tribunal"),

Saisie d’une Requête du Procureur aux fins d’une ordonnance de non-divulgation et d’un projet d’ordonnance annexé à cette Requête, déposée le 24 août 1998,

Saisie par ailleurs d’une lettre strictement confidentielle adressée le 23 août 1998 par Mme Vasvija Vidvovic, Attachée de liaison avec le TPIY pour le Bosnie-Herzégovine, et de ses annexes, notamment d’une lettre, datée du 21 août 1998 et signée par le témoin auquel il est fait référence ci-après,

Attendu que le 20 août 1998, le Procureur a demandé à la Chambre de première instance de prendre des mesures de protection pour un témoin dont la comparution était prévue à cette date ;

Attendu que tous les Conseils de la défense ont approuvé cette demande ;

Attendu que, le 20 août 1998, la Chambre de première instance a rendu une ordonnance visant à protéger l’identité de ce témoin ;

Attendu que ce témoin a effectivement déposé le 20 août 1998 devant la Chambre de première instance en qualité de témoin protégé ;

Attendu que le lendemain, le 21 août 1998, l’identité de ce témoin protégé a été divulguée lors d’une audience publique par M. Radovic, Conseil de la défense de l’un des accusés, lorsqu’il a procédé au contre-interrogatoire d’un autre témoin ;

Attendu que la Chambre de première instance, dès constatation de la divulgation, a réagi le plus rapidement possible en ordonnant immédiatement l’expurgation nécessaire ;

Attendu, cependant, que cette expurgation a eu lieu lors d’une audience publique à laquelle des membres du public et des médias étaient présents dans la galerie du public ;

Attendu qu’il est essentiel, pour garantir la sécurité et la protection de ce témoin, que son identité ne soit pas divulguée ;

Et Attendu qu’il est crucial, pour l’intégrité de la présente procédure, que la protection accordée aux témoins par la Chambre de première instance soit scrupuleusement respectée en sorte que les personnes disposant d’éléments de preuve pertinents pour la cause de l’Accusation ou celle de la défense, en l’espèce ainsi que dans toutes les autres affaires, n’hésitent pas à se présenter en raison de craintes pour leur intégrité physique ;

Vu, par ailleurs, l’article 77 (A) (iii) du Règlement de procédure et de preuve ("Règlement"), qui dispose, "Toute personne qui (iii) communique des informations relatives à ces procédures en violant en connaissance de cause une ordonnance de la Chambre, se rend coupable d’outrage au Tribunal",

Attendu, cependant, que les circonstances dans lesquelles M. Radovic a divulgué l’identité dudit témoin le 21 août 1998, ne permettent pas à la Chambre de première instance d’avoir "des motifs valables de croire" que M. Radovic a divulgué ces informations "en violant en connaissance de cause une ordonnance de la Chambre" et, en conséquence, qu’il ne convient pas d’engager une procédure d’outrage, prévue à l’article 77 du Règlement, ni de procéder à toute autre enquête comme le demande actuellement le Procureur,

Attendu, cependant, que même si les explications partielles fournies par M. Radovic lors de l’audience du 24 août 1997, indiquant entre autres que "après la déposition des témoins, rien n’est arrivé aux témoins sur le territoire de l’ex-Yougoslavie", s’avèrent fondées, elles n’excusent aucunement une violation d’une Ordonnance de la Chambre de première instance,

En application des articles 54 et 75 du Règlement,

AVERTIT ledit Conseil que les Ordonnances du Tribunal doivent être respectées, sans discussion et de façon inconditionnelle, et que toute divulgation ultérieure de l’identité d’un témoin protégé pourrait donner lieu à la procédure prévue audit article 77 du Règlement,

Ordonne aux médias et aux membres du public de ne pas publier et de pas révéler de quelque façon que ce soit l’identité du témoin protégé dont le Conseil de la défense a prononcé le nom lors d’un contre-interrogatoire le 21 août 1998.

 

Le Président de la Chambre

de première instance,

  /signé/

Antonio Cassese

Fait le 24 août 1998

La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]