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1 (Audience publique.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Questions relatives à la procédure.)
4 Mme la Présidente (interprétation): Madame la Greffière, veuillez annoncer
5 l'affaire.
6 Mme Ameerali (interprétation): Bonjour Madame et Messieurs les Juges, il
7 s'agit de l'affaire IT-95-16-A, le Procureur contre Zoran Kupreskic,
8 Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic et Vladimir Santic.
9 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie. Bonjour aux parties,
10 bonjour à la régie et au personnel technique. Nous nous excusons de notre
11 retard, mais vous pouvez constater, d'après la température qui règne ici,
12 quelle est la cause de ce retard. On travaille à réparer la climatisation.
13 Je suis sûre que dans quelques minutes la température sera beaucoup plus
14 fraîche, mais nous devons commencer quand même.
15 A cet égard, je vais demander aux parties de se présenter. Pour
16 l'accusation, M. Yapa?
17 M. Yapa (interprétation): Bonjour Madame et Messieurs les Juges. Je
18 m'appelle Upawansa Yapa. Je représente l'accusation en présence de M.
19 Anthony Carmona, M. Fabrice Guariglia, Mme Sonja Boelaert-Suominen et Mme
20 Norul Rashid. Je vous remercie.
21 Mme la Présidente (interprétation): Pour l'accusation, nous allons
22 commencer par M. Radovic.
23 M. Radovic (interprétation): Bonjour, je suis Ranko Radovic. Je représente
24 Zoran Kupreskic.
25 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Je suis Jadranka Slokovic-Glumac et
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1 je représente Mirjan Kupreskic.
2 M. Abell (interprétation): Je m'appelle Anthony Abell et je suis assisté
3 de mon co-conseil John Livingston. Nous représentons les intérêts de
4 Vlatko Kupreskic.
5 M. Pavkovic (interprétation): Bonjour, je suis Petar Pavkovic et je
6 représente Vladimir Santic.
7 M. Clegg (interprétation): William Clegg, en présence de Valérie Charbitt.
8 Nous défendons les intérêts de Dragan Josipovic.
9 Avant de poursuivre, est-ce que nous pourrions avoir la présence de
10 l'interprète qui est censée nous aider au cours de ces audiences? Nous
11 aimerions qu'elle soit ici à l'intérieur du prétoire. Nous allons
12 l'utiliser ainsi que M. Abell. Pour le moment, l'interprète se trouve dans
13 la galerie du public.
14 Mme la Présidente (interprétation): Oui.
15 Maître Clegg, pendant que vous êtes debout, apparemment vous avez eu des
16 difficultés à recevoir les précédents. En tout cas, vous avez des
17 difficultés pour la télécopie. J'en suis désolée, mais apparemment tous
18 ces précédents sont terminés. Tout ceci sera déposé, sera mis à votre
19 déposition lors d'une des premières pause. Je voulais vous assurer du fait
20 que, comme c'est le cas de toutes les écritures, les Juges prendront
21 connaissance avec beaucoup d'attention de ces précédents. Ceci
22 n'occasionnera aucun retard.
23 M. Clegg (interprétation): Je vous remercie.
24 Mme la Présidente (interprétation): Nous allons commencer. Nous avons un
25 ordre du jour très serré pour ce qui est de ces trois journées d'audience.
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1 Malheureusement, nous avons déjà pris un peu de retard en raison des
2 difficultés techniques que nous avons rencontrées ce matin.
3 Cependant, très rapidement, j'aimerais parcourir l'emploi du temps de
4 cette journée d'aujourd'hui.
5 Nous sommes conscients du léger retard accusé au départ. Maître Clegg va
6 parler des critères de révision. Ceci concerne tous les accusés. Il va
7 disposer d'une heure et dix minutes.
8 Puis, Me Clegg et Me Slokovic-Glumac vont intervenir pour parler pendant
9 30 minutes. C'est Me Clegg qui commencera et Me Slokovic-Glumac va parler
10 pendant 26 minutes du caractère imprécis de l'Acte d'accusation.
11 Nous aurons une pause de 30 minutes dont ont besoin les interprètes.
12 A la reprise, Me Abell et Me Pavkovic parleront des questions communes à
13 tous les accusés en matière de prononcé de la peine.
14 Après quoi, l'accusation disposera de 15 minutes s'agissant de l'appel
15 interjeté en matière de condamnation et de peine.
16 Au départ, nous avions prévu environ une heure trente de pause pour la
17 période du déjeuner. J'espère que nous pourrons la respecter.
18 L'après-midi, nous aurons l'appel déposé par Vlatko Kupreskic. Ceci durera
19 une heure 25. Puis, nous aurons une pause et nous aurons la première
20 partie de l'appel déposé par Mirjan Kupreskic.
21 On va peut-être dépasser 17 heures mais, dans la mesure du possible, nous
22 essaierons de respecter cet emploi du temps, pour autant bien sûr que la
23 climatisation soit avec nous ou ne nous achève pas d'ici là!
24 Deux remarques très brèves, puis je donnerai la parole à Me Clegg.
25 Tout d'abord, ceci: je tiens à mentionner le fait que, aussi bien dans le
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1 dossier de l'audience en première instance que dans une partie des
2 procédures en appel, nous avons certains témoins qui ont déposé en
3 bénéficiant de mesures de protection. Nous avons les témoins AT, ADA, ADB,
4 CA, APA, etc. Inutile de vous rappeler qu'il faut maintenir la protection
5 quant à l'identité de ces témoins. Nous allons pour ce faire utiliser les
6 pseudonymes.
7 Si vous estimez qu'il est nécessaire pour faire valoir vos arguments
8 d'aborder la question de façon différente, d'une façon qui est susceptible
9 d'identifier le témoin, n'hésitez pas à nous demander de passer à huis
10 clos partiel pour cette partie-là de l'argumentaire. Ce n'est pas facile
11 effectivement de savoir quand il faut le faire. Quelquefois, ce qui se
12 trouve déjà dans le dossier public, surtout pour ce qui est du témoin AT
13 -puisque ceci est intervenu dans la décision Kordic-, ceci est néanmoins
14 maintenu sous protection. Ce qui veut dire que si vous avez quelques
15 questions, nous essaierons d'en tenir compte.
16 Dernière chose que je voulais dire: puisque nous avons un emploi du temps
17 très serré, les Juges n'auront pas beaucoup de temps pour poser leurs
18 questions. Je me suis dit qu'il était sans doute utile de prendre deux
19 minutes pour dire aux conseils quelles seraient les questions dont les
20 Juges espèrent qu'elle seront reprises dans les arguments des parties.
21 Ceci serait de nature à accélérer la période consacrée aux questions par
22 la suite.
23 Ces questions seront très brèves pour ce qui est de Me Clegg et de Me
24 Slokovic-Glumac qui vont parler du caractère vague allégué quant à l'Acte
25 d'accusation. Nous pensons -et de toute façon ils le feront-, nous pensons
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1 qu'il serait utile qu'ils fassent allusion aux différences qu'il y a entre
2 la condition à remplir pour les faits matériels dans l'Acte d'accusation,
3 et pour ce qui est des éléments de preuve à apporter. L'expérience nous a
4 montré que ceci ne se trouve pas nécessairement dans l'Acte d'accusation.
5 Et puis, ceci vaut pour l'accusation de voir en quelles mesures certains
6 accusés auraient été lésés par le caractère vague de l'Acte d'accusation.
7 Puisque ce sont les deux premières présentations, je m'en tiendrai là.
8 Lorsque viendra le tour des autres appelants, nous mentionnerons les
9 éléments qui nous semblent particulièrement pertinents. Mais, à ce stade,
10 je vais sans plus tarder passer la parole à Me Clegg -j'espère du moins.
11 Et j'espère que nous aurons une atmosphère un peu plus fraîche.
12 Monsieur Yapa?
13 M. Yapa (interprétation): Je ne veux pas retarder la procédure, mais j'ai
14 parlé avec le conseil de Drago Josipovic. Dans la réplique écrite qu'il a
15 fournie dans l'Acte d'accusation, il fait référence à quelques précédents,
16 d'autres ou peut-être ceux dont vous avez parlé ce matin.
17 Dans nos arguments, nous allons peut-être faire référence à d'autres
18 précédents. J'en ai parlé à Me Clegg qui ne semble pas avoir d'objection.
19 Je vais fournir copie de ceci à mon confrère. Je voulais simplement vous
20 le préciser maintenant.
21 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Maître Clegg?
22 Excusez-moi, Maître Clegg. Madame Slokovic-Glumac?
23 Mme Slokovic-Glumac (interprétation): Je veux demander à la Chambre
24 d'appel de nous permettre de faire une petite modification au niveau de
25 l'ordre du jour, parce qu'il y a le mémoire de l'intimé qui était très
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1 bref. J'ai donc une réponse au nom de Me Radovic et de moi-même.
2 Maître Radovic a l'intention de parcourir tous les éléments essentiels des
3 motifs à l'appel, qui sont d'ailleurs consignés dans le mémoire d'appel.
4 Par conséquent, vu l'accord auquel nous sommes parvenus, il nous
5 semblerait préférable que ce soit Me Radovic qui intervienne en premier
6 lieu. Je pourrais le suivre. Je présenterai quant à moi les motifs
7 relatifs au deuxième appelant, si vous en êtes d'accord.
8 Mme la Présidente (interprétation): Oui.
9 Maître Clegg, poursuivez.
10 M. Clegg (interprétation): Je n'ai pas d'objection à ce que l'accusation
11 fasse référence aux précédents qui m'ont été signifiés ce matin.
12 Cependant, je voudrais avoir un peu plus de temps mercredi, ce qui me
13 permettra d'englober les arguments que j'aurai à ce propos puisque je
14 n'aurai pas eu l'occasion de les lire d'ici là, ou du moins en tout cas
15 d'ici à ce soir.
16 Cela, c'est la mauvaise nouvelle. Peut-être, cependant, y en a-t-il une
17 bonne. Moi, je ne vais pas intervenir sur le côté vague ou imprécis de
18 l'Acte d'accusation. Lors de la conférence de mise en état à laquelle
19 j'étais présent, nous avions dit que nous allions peut-être évoquer ce
20 sujet ici à l'audience; c'était une possibilité plutôt qu'un fait, mais
21 nous n'allons pas le faire, tout du moins en ce qui concerne ce motif. Si
22 j'ai bien compris, c'est Me Radovic qui va intervenir au nom de tous les
23 appelants sur ce point, et nous n'aurions rien à ajouter à ces arguments.
24 Nous pourrons ainsi peut-être faire une économie de temps sur ce point de
25 l'ordre du jour. J'espère que vous ne serez pas déçue par ce fait.
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1 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que je vous ai bien compris? Je
2 veux m'en assurer, je vais donc répéter: en tout, il y a les 55 minutes
3 que nous avions prévues au départ pour le côté vague ou imprécis de l'Acte
4 d'accusation que vous deviez vous répartir, vous et Me Slokovic-Glumac.
5 C'est maintenant Me Radovic qui va prendre une partie de ce temps pour
6 évoquer ce point important. Et ni vous ni Me Slokovic-Glumac, vous n'allez
7 vous pencher sur ce point?
8 M. Clegg (interprétation): J'aurai peut-être quelques mots à ajouter vers
9 la fin, dans le cadre de ces 55 minutes.
10 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie.
11 Maître Slokovic-Glumac, est-ce que… excusez-moi, Maître Radovic plutôt.
12 Est-ce que 30 minutes vous suffiront pour parler du caractère imprécis ou
13 vague de l'Acte d'accusation?
14 M. Radovic (interprétation): Oui, même moins.
15 Mme la Présidente (interprétation): C'est magnifique! Je vous remercie.
16 Maître Clegg, vous n'aurez plus d'interruption, je vous le promets.
17 (Critères de révision présentés par Me Clegg pour tous les accusés.)
18 M. Clegg (interprétation): La question principale qu'il me faut évoquer
19 ici, c'est la norme ou le critère de révision lorsque des éléments de
20 preuve sont admis devant la Chambre d'appel, en vertu de l'Article 115.
21 Nous estimons qu'il est important de penser à ceci: aucun système de
22 justice pénale ne peut être parfait tant que des Juges ou des jurés
23 resteront des êtres humains; inévitablement, il s'ensuivra des erreurs
24 humaines avec des innocents qui sont condamnés pour des crimes qu'ils
25 n'ont pas commis.
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1 Nous avons divers systèmes de justice pénale de part le monde qui ont mis
2 au point des règles de procédure et de preuve qui cherchent à minimiser
3 les possibilités d'erreur au niveau du jugement. Et c'est cette
4 jurisprudence qui a été reprise dans le cadre du droit international, tel
5 que ceci est répercuté dans le Règlement de procédure et de preuve de ce
6 Tribunal. Tout système de justice pénale est faillible et ce Tribunal
7 n'est pas une exception à cette règle. Les tribunaux d'Angleterre, des
8 Etats-Unis d'Amérique, de France notamment ne sont que trois exemples
9 représentant des pays où il y a eu des cas consacrés où vous avez eu des
10 condamnations injustes. Et la protection conférée à un accusé par le
11 fardeau de la preuve et les règles de procédure et de preuve n'ont pas été
12 une sauvegarde, un garde-fou . Inévitablement ces systèmes de justice
13 pénale bien sûr prennent de bonnes décisions la plupart du temps. Mais
14 cela veut dire qu'il y a beaucoup de personnes coupables qui sont
15 acquittées. C'est le prix que tout système de justice pénale doit payer
16 afin de minimiser le risque d'une injustice qui aurait été faite à un
17 innocent.
18 Le Statut de ce Tribunal en son Article 25 dit au paragraphe b) que la
19 Chambre d'appel peut renverser une décision lorsqu'il y a -et je cite: "Il
20 y a une erreur de fait qui a entraîné un déni de justice."
21 Il n'existe pas de définition du terme "déni de justice". En tout cas pas…
22 il ne faudrait pas avoir de décision complète, car il est facile de dire
23 qu'un homme innocent a été condamné à tort et que cela représente un déni
24 de justice. Personne n'aura de grief si l'on inclut un tel exemple dans
25 les confins de cette définition.
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1 Cependant le terme "déni de justice" a en fait une portée bien plus large.
2 Je prends des exemples: la condamnation d'un homme coupable par faux
3 témoignage ne serait qu'un autre exemple de déni de justice. Si la Chambre
4 d'appel déclare recevables des éléments de preuve en vertu de l'Article
5 115, elle doit le faire dans le contexte du fardeau de la preuve, du
6 critère de la preuve et des règles de preuve qui existent au procès. Et
7 lorsqu'on estime qu'il y a déni de justice, permettez-moi de citer ce qu'a
8 dit un spécialiste de la common law, -nous parlons ici d'un tribunal
9 d'appel en Angleterre-, et ce juriste a dit -j'adapte la fin de son
10 intervention pour la faire correspondre à la présente espèce: "Cette
11 Chambre ne s'inquiète pas de la culpabilité ou de l'innocence de
12 l'appelant, mais plutôt du caractère sûr qu'elle veut garder pour sa
13 condamnation."
14 Ceci peut, à première vue, être considéré comme un état un peu frustrant
15 mais ceci ne vaut que si l'on ne se souvient pas que l'intégrité du
16 processus judiciaire est la considération la plus importante pour la
17 Chambre qui doit entendre des appels au niveau de la condamnation.
18 L'innocent et le coupable ont droit à un procès équitable. Et ceci, un
19 procès n'est pas équitable s'il y a transgression ou infraction à
20 matériel, aux règles de preuve et d'évidence. Nous sommes ici dans une
21 Chambre qui s'interroge sur la révision et qui doit répondre à plusieurs
22 questions. Si j'adapte cette citation à ce Tribunal, cette Chambre d'appel
23 doit se demander s'il y a eu des dénis de justice. Nous ne sommes pas ici
24 au niveau d'une Chambre de jugement ou de jugement de novo.
25 Dans une affaire de Nouvelle-Zélande qui est reprise dans les précédents
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1 qui ne sont toujours pas soumis à la Chambre, on cite une affaire, "la
2 Reine contre Dougherty" est décrit un déni de justice. Et ceci cadre bien
3 avec les arguments avancés par les appelants en l'espèce.
4 La question à trancher est de savoir si les éléments disponibles
5 permettent d'établir qu'il y a eu déni de justice. Voilà bien sûr les
6 termes, le libellé de l'Article 25 du Statut. Il faut voir si les éléments
7 de preuve étaient disponibles au moment du procès. Le caractère pertinent
8 peut être tel qu'il aurait occasionné une autre décision de la part du
9 jury. C'est dans ce contexte que la présente Chambre d'appel doit examiner
10 les critères qui s'imposent en matière de révision, si les éléments de
11 preuve ont été reçus en vertu de l'Article 115.
12 Cette Chambre le sait pertinemment, l'appelant ou les appelants auraient
13 déjà réuni les conditions très rigoureuses établies avant de déclarer
14 recevable un élément de preuve et les critères repris par la Chambre
15 d'appel Tadic et par plusieurs affaires par la suite.
16 Je ne vais pas aujourd'hui vouloir critiquer ce test très rigoureux ou
17 vouloir que l'on revienne sur ces conditions, mais cela veut dire que
18 lorsque des éléments de preuve ont été admis par une Chambre d'appel, cela
19 veut dire que ce seuil très rigoureux aura été franchi; et puisque ce
20 critère aura été rempli, selon nous, lorsqu'on appliques les critères
21 adéquats pour des éléments de preuve que la Chambre a effectivement reçu
22 et déclaré recevables, la justice ne peut être faite que si la Chambre
23 d'appel répond aux questions posées au paragraphe 2.32 du mémoire de
24 l'appelant; à savoir ceci: est-ce que ces éléments de preuve peuvent ou
25 risquent d'entraîner un verdict différent que celui auquel est parvenue la
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1 Chambre de première instance?
2 Bien sûr, il y a des affaires qui peuvent être aisément réglées lorsque
3 des éléments de preuve nouveaux ont été admis. Ce ne sont pas des affaires
4 très fréquentes, mais quelquefois, les éléments apportés prouvent au-delà
5 de tout doute raisonnable que la personne est innocente. A ce moment-là,
6 il est facile de se demander quel serait ce type d'élément de preuve. Par
7 exemple, des éléments obtenus par analyse ADN qui n'étaient pas
8 disponibles au procès ou le fait que la personne peut affirmer ne pas
9 avoir été présente sur les lieux du crime. On pourrait penser à d'autres
10 exemples.
11 Dans un tel cas, les parties s'accordent à dire que la Chambre pourrait
12 aisément conclure à un déni de justice et aucun Tribunal raisonnable ne
13 pourrait, à ce moment-là, imposer une condamnation. Par conséquent, il
14 serait plus logique d'annuler la condamnation pour en arriver à une
15 conclusion de non-culpabilité.
16 Malheureusement, bien sûr il peut y avoir d'autres affaires où, lorsqu'on
17 voit le procès, on peut conclure qu'aucun tribunal raisonnable n'aurait pu
18 être convaincu par des éléments de preuve supplémentaires; auquel cas nous
19 pouvons voir que la Chambre d'appel, même si elle a admis les éléments de
20 preuve peut néanmoins rejeter l'appel en matière de condamnation et
21 maintenir le verdict imposé par la Chambre de première instance. Mais
22 entre ces deux pôles, on trouve beaucoup d'affaires vers le milieu de
23 cette échelle de valeur où les éléments de preuve sont de nature à
24 influencer la décision prise au départ par la Chambre de première
25 instance. A ce moment-là, quels sont les tests ou critères à appliquer? Il
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1 y en a trois que l'on pourrait appliquer.
2 Le premier, c'est que la Chambre d'appel pourrait se demander si les
3 éléments de preuve supplémentaires prouvent, au-delà de tout doute
4 raisonnable, que la Chambre de première instance aurait pris une décision
5 différente si elle avait eu ces éléments de preuve. Par conséquent, le
6 fardeau de la preuve repose sur les épaules de l'appelant, qui doit
7 démontrer qu'il y aurait eu une différence au niveau du jugement à cause
8 de ces éléments de preuve. Mais si j'ai bien compris, l'intimé ne demande
9 pas un critère aussi rigoureux.
10 Il reste deux autres options qui reflètent la différence qu'il y a ici
11 entre les deux parties. Une des options demeurant pourrait être celle-ci,
12 c'est-à-dire que l'appelant a le fardeau de la preuve de montrer qu'au
13 niveau des probabilités, il est plus probable que les éléments de preuve
14 admis auraient eu une incidence sur le verdict.
15 Mais la deuxième option que j'avance au nom de l'appelant, c'est que les
16 éléments de preuve pourraient ou risqueraient être de nature qu'un
17 tribunal ou un Juge des faits ou une Chambre de première instance, ici, en
18 l'occurrence, auraient pu être tels que celle-ci serait arrivée à un
19 verdict différent.
20 La différence qu'il y a entre les auxiliaires en anglais, "would" et
21 "could", à savoir "aurait" ou "pourrait avoir" est une différence très
22 significative; c'est le temps passé des auxiliaires "will" et "can". Ce
23 sont deux auxiliaires qui, pour l'un de ceux-ci, impose une charge très
24 lourde à l'accusé; l'autre par contre est ou reflète le critère de la
25 preuve qui s'impose au niveau du jugement de la première instance.
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1 J'ai essayé de trouver une illustration en trouvant un exemple dans notre
2 système. On peut s'imaginer une affaire, un procès où vous auriez quatre
3 témoins oculaires qui, pour chacun d'entre eux, disent que l'accusé est la
4 personne qui aurait tué telle ou telle victime. En l'absence d'autres
5 éléments de preuve, si ce n'est ce que dit l'accusé lui-même qui affirme
6 avoir été ailleurs au moment du crime, on pourrait imaginer pourquoi une
7 chambre de première instance raisonnable pourrait conclure à ce qu'il y a
8 eu preuve de l'allégation et, par conséquent, conclure par un verdict de
9 culpabilité.
10 Par la suite, si l'on imagine qu'il y a un autre témoin que l'on découvre
11 plus tard et qu'il était impossible de trouver au moment du procès, un
12 témoin supplémentaire qui a pu voir le crime beaucoup mieux que les quatre
13 premiers témoins; c'était peut-être le professeur qui avait donné cours à
14 tout le monde et qui dit que ce n'était pas l'accusé mais son frère; nous
15 sommes d'accord pour dire qu'il y a une forte ressemblance entre eux deux.
16 Dans un cas aussi simple que celui-ci, l'appelant ne pourra jamais
17 convaincre la Chambre d'appel que les éléments de preuve apportés auraient
18 entraîné un verdict différent.
19 La prémisse de mon exemple, c'est que tous les témoins sont honnêtes et
20 que personne n'était conscient de l'erreur commise. Mais si l'appelant
21 n'est pas en mesure de s'acquitter de cette charge qui est très rigoureuse
22 -comme le dit l'accusation-, à ce moment-là, l'appelant serait débouté au
23 niveau de son appel et ceci entraînerait déni de justice, en tout cas
24 comme le Juge Gold l'a décrit dans l'affaire que j'ai citée qui concerne
25 la Nouvelle-Zélande. Et ceci entraînerait un déni de justice si l'on tient
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1 compte de la jurisprudence.
2 En effet, dans l'exemple que je vous ai fourni, il serait tout à fait
3 possible qu'un tribunal des faits dise à la lumière de ces éléments de
4 preuve supplémentaires: "Eh bien, ceci crée un doute raisonnable dans
5 notre esprit. Nous ne savons pas précisément si l'accusé est coupable ou
6 pas, mais nous ne sommes pas sûrs qu'il le soit; il se peut qu'il ne le
7 soit pas. Par conséquent, nous devons conclure à un verdict de non-
8 culpabilité pour rester fidèle à la charge de la preuve qu'il y a toujours
9 dans une affaire au pénal".
10 Et dans mon exemple, si on conclut à la non-culpabilité de l'appelant, si
11 ces éléments de preuve avaient été disponibles au moment du procès, mais
12 la décision ne peut pas être renversée en l'absence de ces éléments de
13 preuve au niveau de la Chambre d'appel. Et ceci pourrait entraîner une
14 injustice, surtout si l'on tient compte des circonstances dans lesquelles
15 les éléments de preuve n'ont pas pu être apportés au moment du procès.
16 Une des bases de l'admissibilité, c'est qu'avec toute la diligence
17 possible, il n'était pas possible de découvrir les éléments de preuve au
18 moment du procès. Ce qui veut dire que l'on ne peut pas imputer la
19 responsabilité à l'accusé du fait que la Chambre n'était pas informée. De
20 façon purement hypothétique, il se pourrait que ce témoin crucial n'ait
21 pas été présent parce que l'accusation n'aurait pas communiqué l'existence
22 de ce témoin à la Chambre ou à la partie adverse. Une telle communication,
23 hypothétiquement parlant, serait aussi bien malhonnête qu'innocente. Et
24 cela devrait être considéré comme une possibilité si l'on veut
25 effectivement, comme nous l'avançons, démontrer pourquoi ce critère, dont
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1 nous demandons qu'il soit reconnu par la Chambre pour jauger les nouveaux
2 éléments de preuve, comme étant un critère honnête et équitable.
3 Ce critère que nous proposons part du principe reconnu et étendu par la
4 Chambre d'appel Tadic, à savoir que des personnes tout à fait raisonnables
5 peuvent tirer des conclusions différentes alors qu'elles ont examiné le
6 même fait.
7 C'est intrinsèque à tout système de justice de voir que deux tribunaux de
8 faits différents, qui entendent les mêmes témoins, peuvent néanmoins et de
9 façon raisonnable aboutir à des conclusions différentes.
10 Il est inévitable que des conclusions tirées au cours d'une procédure
11 pénale seront tributaires de l'avis que l'on a d'un témoin, de
12 l'évaluation que l'on fait d'un témoin pour savoir si ce dernier dit la
13 vérité ou pas.
14 Et il est inévitable que les avis diffèrent d'un Juge à l'autre. Il suffit
15 pour s'en convaincre d'examiner, non pas nécessairement ce Tribunal-ci,
16 mais des tribunaux nationaux où il n'y a pas de jurés; on a effectivement
17 des jugements qui diffèrent lorsqu'il s'agit de déterminer la culpabilité.
18 Ceci pour montrer que même des Juges chevronnés peuvent avoir une
19 évaluation différente des mêmes faits soutenus par les mêmes éléments de
20 preuve.
21 Si l'on tient compte du fait que, pour évaluer des éléments de preuve
22 supplémentaires, on sait qu'il est dangereux qu'une Chambre d'appel
23 devienne pour ainsi dire une Chambre de révision et évalue, ce faisant,
24 des éléments de preuve; il est encore plus dangereux qu'une Chambre
25 d'appel essaye de décider ou d'imaginer ce qu'une Chambre de première
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1 instance ferait si cette Chambre de première instance était saisie
2 d'éléments de preuve supplémentaires.
3 Finalement, tout ce qu'une Chambre d'appel peut faire sans trop de risques
4 -et l'on reprend ces deux cas types que l'on trouve aux deux pôles opposés
5 de cette considération-, tout ce qu'une Chambre d'appel peut faire, c'est
6 dire qu'une Chambre saisie de faits, une Chambre de première instance
7 raisonnable, pourrait ou arriverait ou risquerait d'arriver à un verdict
8 différent si elle avait été saisie de ces éléments de preuve. Selon nous,
9 c'est le critère qu'il faudrait appliquer en l'espèce.
10 Si l'on prenait l'auxiliaire "would" -"ferait"-, ce serait imposer une
11 charge insoutenable à l'appelant, parce que la Chambre d'appel n'a pas été
12 saisie de ces éléments de preuve. Elle n'a pas entendu de témoins ni en
13 appel ni en première instance.
14 Alors, je pose la question de façon rhétorique de savoir comment une
15 Chambre d'appel pourrait-elle savoir si, effectivement, au niveau du
16 jugement, le verdict aurait été différent si vous n'avez entendu aucun
17 témoin? Certes, vous aurez peut-être les conclusions de la Chambre de
18 première instance qui a entendu le témoignage qui n'a pas été contesté
19 d'un témoin au moment du procès, qui n'a pas été contesté par les éléments
20 qui étaient à la base des éléments de preuves supplémentaires, mais vous
21 ne savez pas, vous, Juges d'appel, ce que les témoins au procès auraient
22 dit si on leur avait soumis ces éléments de preuve supplémentaires, ni
23 comment ce témoin aurait réagi au niveau du contre-interrogatoire, a
24 fortiori l'incidence que ceci aurait sur la Chambre de première instance
25 au moment où elle aurait pu observer la réaction du témoin soumis au
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1 contre-interrogatoire.
2 Il est difficile pour vous de savoir l'impression qu'aurait eue la Chambre
3 de première instance de ces éléments de preuve, puisque vous, vous n'avez
4 même pas vu le témoin; vous n'avez vu que son témoignage par écrit. A
5 fortiori, vous ne saurez pas comment il se comporte en contre-
6 interrogatoire.
7 Tous ceux qui s'occupent du pénal ne comprennent pas le fait que,
8 lorsqu'il y a contre-interrogatoire d'un témoin, en fait, ceci ne fait que
9 confirmer plutôt que de contrecarrer les éléments de preuve soumis. Ceci
10 peut être l'effet d'un bon contre-interrogatoire et, à notre avis, la base
11 de la justice réside dans le fait de chercher à infirmer des éléments de
12 preuve qui n'ont pas été examinés de façon convenable dans un système
13 contradictoire.
14 Pour le meilleur ou pour le pire, ces tribunaux fonctionnent sur la base
15 d'un système contradictoire. Il s'ensuit que des moyens de preuve
16 importants doivent être examinés dans le cadre d'un système
17 contradictoire.
18 Nous affirmons donc qu'il existe des raisons puissantes et très logiques
19 qui justifient qu'un niveau inférieur soit appliqué, s'agissant du fait
20 d'avoir décidé différemment ou de pouvoir décider différemment pour la
21 Chambre d'appel, après examen des moyens de preuve supplémentaires en
22 application de l'Article 115.
23 Ceci correspond tout à fait au Règlement du Tribunal. Bien sûr, l'Article
24 115 du Règlement ne stipule pas de façon très claire qui a la charge de la
25 preuve et quels sont les critères exacts à appliquer s'agissant des moyens
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1 de preuves complémentaires. Les Articles du Règlement qui concernent la
2 Chambre de première instance stipulent clairement, bien sûr, que le test
3 d'arriver à une décision différente ou pouvoir arriver à une décision
4 différente -c'est-à-dire du "would" et du "could"-, s'applique en effet à
5 la Chambre de première instance.
6 Il n'y a donc aucune raison, selon nous, qui justifierait que ces mêmes
7 critères ne s'appliquent pas au stade de l'appel, notamment lorsqu'on
8 convient du fait que ce n'est pas l'appelant qui a agi de façon fautive
9 s'agissant de l'examen de ces moyens de preuve supplémentaires, notamment
10 lorsqu'on examine toutes les circonstances dans lesquelles les procès se
11 déroulent. Il est inévitable, dans ces conditions, que le recueil des
12 moyens de preuve constitue une tâche très difficile dans la plupart des
13 cas.
14 Nous affirmons que le test que nous venons de décrire respecte tout à fait
15 les décisions des tribunaux qui appliquent la common law, le droit
16 coutumier, dans un grand nombre de pays du monde.
17 Les systèmes judiciaires à code civil ne sont peut-être pas tout à fait
18 comparables de ce point de vue. Dans la plupart des systèmes judiciaires
19 appliquant un code civil, après le jugement de première instance, se
20 déroule un procès en appel qui en fait est un procès en bonne et due
21 forme. Ceci n'est pas le cas dans les systèmes qui appliquent la common
22 law.
23 Par conséquent, la façon d'aborder le verdict est très différente dans les
24 deux systèmes, très différente notamment de ce qui pourrait être le cas en
25 France ou en Italie.
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1 J'admets que les mots "could" ou "would" aient été utilisés de façons
2 interchangeables dans la plupart des jugements en appel de ce Tribunal.
3 Aucune des parties ne peut s'appuyer sur les observations précédentes des
4 Chambres de première instance de ce Tribunal car il est tout à fait
5 possible de choisir en toute liberté entre les deux expressions.
6 Donc, dans les systèmes judiciaires nationaux, en tout cas c'est ce que
7 nous affirmons, les mots "would" et "could" en anglais sont utilisés de
8 façon interchangeable dans certains pays -et notamment aux Etats-Unis.
9 En Angleterre, le droit de ce point de vue est tout à fait clair et aucun
10 doute ne subsiste quant au fait que la position de la common law anglaise
11 corresponde au test que propose l'appelant ici. Et c'est effectivement ce
12 qu'ont appliqué les Tribunaux de common law de l'Angleterre depuis de
13 nombreuses années.
14 Ceci est établi de la façon la plus claire qui soit dans une décision de
15 la Chambre des Lords bien connue, décision rendue il y a déjà quelques
16 années.
17 Trois des Juges, Lord Cross et Lord Kilbrandon notamment, ont tous déclaré
18 de la façon la plus claire que le test à appliquer soit celui que soutient
19 l'appelant qui est devant vous aujourd'hui. Vous verrez les citations des
20 propos tenus par ce Juge en page 12 de notre document, que je n'ai pas
21 l'intention de lire ici car vous pourrez l'examiner en toute liberté hors
22 de cette audience.
23 Cette source est une source qui s'applique de façon très claire et qui a
24 été suivie par une autre affaire, l'affaire de "la Couronne et de Clegg"
25 dans un procès concernant l'Irlande du Nord, affaire très connue, où un
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1 soldat britannique était accusé du meurtre d'une jeune fille lorsqu'il
2 était en patrouille à Belfast. Ce test a été appliqué par le Juge
3 Carswell, et toutes les sources juridiques qui ont été citées ici par
4 nous-mêmes se retrouvent dans le document citant les précédents. Les Juges
5 de cette Chambre pourront en prendre connaissance plus tard, comme je
6 viens de le dire.
7 Donc le caractère persuasif, très précis de ces précédents, s'agissant des
8 Chambres d'appel britanniques notamment, ne laissent aucun doute quant aux
9 critères à appliquer et au fait que ces critères appliqués dans le droit
10 britannique correspondent à ceux de l'appelant ici.
11 S'agissant du registre des précédents, je cite également une source
12 américaine qui correspond aux tests proposés par moi aujourd'hui. Je
13 conçois, j'admets que d'autres précédents peuvent exister qui vont dans un
14 sens différent. Et bien sûr, les Juges de la Chambre d'appel, ici, ont la
15 possibilité de choisir les critères qu'ils vont appliquer, de choisir donc
16 les normes et les sources juridiques qu'ils appliquent. C'est peut-être
17 une façon un peu cynique de parler du registre des précédents, mais je dis
18 avec la confiance que j'ai dans ce Tribunal et dans cette Chambre d'appel
19 que le fait demeure -comme nous le voyons aujourd'hui- que ces précédents
20 sont très différents comme le montre l'affaire de Maine contre le
21 Procureur et bien d'autres affaires qui indiquent l'existence de critères
22 très différents.
23 Ceci, néanmoins, constitue une aide pour les Juges de cette Chambre
24 d'appel qui ont à décider parmi ces sources juridiques très différentes.
25 Je citerai d'ailleurs de façon plus classique des décisions rendues au
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1 Canada, en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande qui,
2 d'après nous, permettent de choisir entre ce critère du "could" ou du
3 "might", c'est-à-dire du "pourrait avoir" ou "aurait eu".
4 Dans mes écritures, je donne le détail de ce qu'ont dit les Juges dans
5 toutes ces affaires, et ces propos dans l'affaire "Palmer" notamment sont
6 les suivants, -je cite: "Des éléments de preuve supplémentaires doivent
7 être de nature à ce que, si l'on pense raisonnablement que ces éléments
8 ont un poids supérieur à ceux qui ont été présentés en première instance,
9 on peut s'attendre à ce qu'ils aient eu un effet sur le résultat obtenu."
10 (Fin de citation.).
11 Je cite un autre passage tout à fait crucial: "Il est suffisant pour les
12 éléments de preuve supplémentaires à mon avis que ces éléments aient un
13 poids suffisant pour que, raisonnablement, ils affectent le verdict rendu
14 par le jury." (Fin de citation.).
15 Et tout cela, à mon avis, ne permet pas de décider, d'appliquer des
16 critères moins exigeants. Les mots "might" utilisés en association avec
17 "raisonnablement" montrent que le critère du "would" proposé par le
18 Procureur est trop exigeant. La différence entre "might" et "would",
19 "pourrait" et "aurait", est présentée de façon très claire dans cette
20 affaire.
21 Un autre test, celui d'une affaire australienne maintenant. Je cite:
22 "aurait conduit à une possibilité importante que le verdict ait été un
23 verdict d'acquittement". (Fin de citation.).
24 Différents libellés mais même signification.
25 Une affaire en Nouvelle-Zélande, -je cite: "aurait conduit raisonnablement
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1 le jury à infirmer le jugement rendu en première instance". (Fin de
2 citation.). Il s'agit-là de l'affaire "Dougherty".
3 Une autre affaire, celle d'Afrique du Sud, -je cite: "ait satisfait aux
4 critères exigés, c'est-à-dire qu'à première vue la possibilité existe que
5 les éléments de preuve présentés aient été véridiques.". (Fin de
6 citation.). Il s'agit de l'affaire "Ndueni & autres".
7 Donc si je résume tous ces éléments de la jurisprudence, le droit
8 coutumier d'Angleterre et d'un certain nombre de pays du Commonwealth
9 montre que les critères pratiqués par l'appelant sont bien ceux que nous
10 citons en rapport avec les moyens de preuve supplémentaires. Nous disons
11 donc que les précédents sont très contradictoires, notamment aux Etats-
12 Unis. Mais ces éléments ont toujours une force persuasive et rien d'autre.
13 Nous invitons donc la Chambre d'appel à réfléchir sur ce fait, en
14 particulier le fait que le droit coutumier appliqué dans un système
15 contradictoire est bien celui qu'applique ce Tribunal. La jurisprudence
16 est tout à fait persuasive par nature.
17 Donc la question posée, c'est comment cette jurisprudence peut protéger
18 contre des décisions erronées? Et cette question est bien celle qui se
19 trouve au cœur de tous les systèmes judiciaires. A partir du moment où
20 l'on étudie de très près la différence entre les mots "could" et "might",
21 et que l'on applique le critère très exigeant consistant à prouver que les
22 moyens de preuve supplémentaires auraient effectivement conduit à une
23 décision différente, on ouvre la porte à ce que la Chambre d'appel
24 confirme des verdicts de condamnation, alors que les Chambres de première
25 instance -si elles avaient examiné les mêmes moyens de preuve que ceux qui
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1 ont été soumis à la Chambre d'appel-, auraient pu ne pas prononcer un
2 verdict de culpabilité et, dans certains cas, n'auraient pas prononcé de
3 verdict de culpabilité.
4 Si l'on choisit en revanche le test que propose l'appelant, ici, des
5 individus considérés comme coupables par la Chambre de première instance
6 auraient pu être acquittés par la Chambre d'appel. A notre avis, il y
7 aurait donc déni de justice comme le stipule l'Article 25 du Statut, déni
8 de justice qui est une condamnation prononcée contre un accusé alors que
9 les moyens de preuve présentés sont tels que la Chambre de première
10 instance aurait pu ne pas condamner la personne en question au vu des
11 moyens de preuve supplémentaires.
12 Et ce paragraphe correspond tout à fait à celui qui a été appliqué dans
13 l'affaire "Stafford et Luvaglio " par le Tribunal britannique, ainsi que
14 le critère adopté par la Cour suprême de Nouvelle-Zélande dont j'ai parlé
15 tout à l'heure dans ma citation.
16 C'est tout à fait délibérément que je respecte une pause à ce stade de mon
17 exposé, car j'aimerais demander aux Juges s'ils ont des questions sur ce
18 que je viens de dire avant de passer à la partie de mon exposé consacrée à
19 la peine prononcée.
20 Mme la Présidente (interprétation): Vous avez des questions, Messieurs les
21 Juges? Non. Eh bien, moi j'en ai une.
22 Si l'on accepte ce test de "could" et de "would" que vous venez de
23 proposer, n'en découlerait-il pas logiquement que l'on procède dans tous
24 les cas à un nouveau procès? Ou bien est-ce que vous voulez dire que la
25 Chambre d'appel, si elle considère le critère du "would" et du "could"
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1 comme satisfaisant, celle-ci infirme la décision de première instance?
2 M. Clegg (interprétation): Normalement, vous réexaminez, vous révisez le
3 verdict de la Chambre de première instance et donc, il y a nouveau procès
4 au vu des nouveaux éléments de preuve
5 Mme la Présidente (interprétation): Très bien, c'est ce que je vous
6 demandais en fait. Je vous remercie.
7 M. Clegg (interprétation): Bien.
8 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Maitre Clegg, je pense que vous
9 pouvez passer au deuxième aspect de votre exposé.
10 M. Clegg (interprétation): Monsieur Livingston me rappelle que la Chambre
11 d'appel a le pouvoir d'examiner de nouveaux éléments de preuve.
12 Mme la Présidente (interprétation): Je comprends.
13 M. Clegg (interprétation): J'en arrive maintenant à la question de la
14 sentence. Dans les règles de révision que nous appliquons, et qui ont déjà
15 fait l'objet d'un certain nombre décisions rendues par la Chambre d'appel
16 de ce Tribunal, une jurisprudence a vu le jour dans l'affaire Tadic:
17 "Normalement la Chambre estime qu'elle n'a pas le pouvoir d'intervenir
18 s'agissant de la sentence dans la décision rendue en première instance,
19 hormis dans le cas où une erreur a été constatée." (Fin de citation.)
20 C'est le critère qui a toujours été appliqué et, depuis l'affaire Tadic,
21 ce critère a été appliqué dans un certain nombre d'autres affaires. La
22 conséquence de ceci fait que ceux qui cherchent à infirmer une sentence
23 sont contraints de démontrer qu'il y a erreur discernable dans le jugement
24 rendu en première instance, comme par exemple le fait de n'avoir pas pris
25 en compte le droit local yougoslave ou lorsqu'il y a d'autres facteurs
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1 identifiables qui s'opposent à ce que stipule le Statut ou le Règlement de
2 procédure et de preuve et que la Chambre de première instance aurait dû
3 prendre en compte dans le prononcé de la sentence.
4 En l'absence de démonstrations satisfaisantes faites devant la Chambre
5 d'appel qu'il y a eu erreur dans la façon dont la Chambre de première
6 instance a examiné ces éléments, l'appel ne peut pas être déposé.
7 D'après moi, c'est une façon un peu exigeante d'aborder la façon dont la
8 Chambre d'appel doit considérer la sentence. Le fait de prononcer une
9 sentence dans un contexte pénal reflète un certain nombre d'éléments très
10 différents qui, lorsqu'ils sont associés les uns aux autres, produisent la
11 sentence. Et il en découle nécessairement que les Juges ont un jugement
12 très difficile et très complexe à prononcer.
13 Par définition, il ne peut pas y avoir quelque chose que l'on pourrait
14 définir comme une sentence exacte. Des Juges différents, tout en étant
15 tout à fait raisonnables, peuvent aboutir à des jugements différents
16 lorsqu'ils examinent y compris les mêmes faits. Lorsqu'on prend des Juges
17 séparés, on constate que, parfois, ils rendent des jugements très
18 différents lorsqu'ils sont confrontés à des faits similaires. Donc il n'y
19 a rien de mal à ce que des Juges différents prononcent des sentences
20 différentes en jugeant les mêmes faits, c'est quelque chose d'inévitable
21 tant que le prononcé de la sentence dépend du pouvoir discrétionnaire des
22 Juges de première instance qui ne travaillent pas sur les mêmes bases que
23 les Juges d'une Chambre d'appel.
24 Alors, je conçois que le critère à respecter puisse être plus ou moins
25 haut , plus ou moins haut placé. Il appartient aux Juges de la Chambre
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1 d'appel de décider à quel niveau ils vont fixer ces critères.
2 Cependant, la sentence devrait être réexaminée par la Chambre d'appel
3 lorsqu'il est démontré que cette sentence est excessive ou capricieuse. Et
4 la sentence est effectivement excessive lorsqu'elle ne rentre pas dans le
5 cadre des peines prononcées par d'autres tribunaux confrontés aux mêmes
6 circonstances. Cette façon d'aborder le travail de la Chambre de l'appel
7 est définie de façon très claire dans la décision rendue en appel dans
8 l'affaire Jelisic.
9 L'importance de ce principe réside dans le fait qu'il ouvre la porte à une
10 révision équitable d'une sentence excessive, non pas lorsque l'appelant a
11 prouvé qu'il y avait un élément d'erreur discernable mais lorsque, compte
12 tenu d'un certain nombre de facteurs, il est possible de démontrer que la
13 sentence rendue est hors de proportion si on la compare à des sentences
14 rendues pour les mêmes chefs d'accusation dans un certain nombre
15 d'affaires jugées ailleurs.
16 J'affirme que, compte tenu du nombre d'affaires déjà jugées en première
17 instance devant ce Tribunal, et des décisions rendues en appel par la
18 Chambre d'appel de ce Tribunal, personne ne peut discerner de façon
19 raisonnable une sentence définie comme étant exacte ou juste quelque soit
20 le mot que l'on préfère.
21 Dans ce cas-ci, une sentence excessive a été rendue si on la compare aux
22 sentences rendues dans d'autres affaires similaires. Très souvent,
23 l'approche la plus équitable -si l'on examine l'historique des sentences
24 déjà rendues-, consiste à prononcer une sentence légère lorsque les faits
25 jugés ne se sont pas très graves. Bien entendu, lorsque la Chambre de
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1 première instance de ce Tribunal a commencé à siéger il n'y avait pas de
2 précédent, donc les Juges ont dû s'appuyer sur le critère du raisonnable
3 en l'absence de quelque précédent que ce soit s'agissant des sentences et
4 de leur durée. Mais, au fil du temps, nous affirmons que la Chambre
5 d'appel, notamment dans l'affaire Jelisic, a permis de discerner un
6 certain nombre d'éléments appliqués aux sentences rendues par ce Tribunal.
7 Dans l'affaire Jelisic, il a été stipulé que la sentence était excessive.
8 Donc il existe désormais des critères qui permettent d'étayer la
9 présentation d'un appel sur cette base, sur la base du fait que la
10 sentence a été excessive .
11 Dans l'affaire qui nous intéresse, la question se pose de savoir si,
12 s'agissant de faits matériels, un certain nombre d'éléments ont échappé à
13 la Chambre de première instance qui n'a pas été soumise à ces éléments
14 alors que normalement ils auraient dû lui être soumis.
15 A mon avis, la réponse à cette question se trouve dans le Statut du
16 Tribunal, à l'Article 24 notamment, où un certain nombre de facteurs sont
17 énumérés, facteurs que la Chambre de première instance a pour obligation
18 de prendre en compte avant de prononcer sa sentence.
19 D'après nous, c'est le devoir de la Chambre de première instance de
20 s'assurer que les éléments matériels lui ont bien été soumis et, si tel
21 n'est pas le cas, il est du devoir de la Chambre de première instance de
22 veiller, peut-être avec l'aide du Procureur dans certains cas, que les
23 informations de faits qui lui sont nécessaires lui ont été soumises de
24 façon à ce que les éléments énumérés à l'Article 24 du Statut existent bel
25 et bien; tout ceci bien sûr avant d'examiner de très près les
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1 circonstances précises qui concernent l'accusé.
2 Le silence de la Chambre de première instance ou le silence d'un accusé
3 non représenté par un conseil n'exonère pas la Chambre de première
4 instance des obligations qui lui incombent en vertu du Statut -et
5 notamment de son Article 24.
6 Il s'ensuit, lorsqu'on fait cette analyse, que si, en appel il est
7 possible de démontrer que la Chambre de première instance n'a pas pris en
8 compte les facteurs énumérés à l'Article 24 du Statut et qu'en conséquence
9 un verdict injuste a été prononcé, la Chambre d'appel est absolument
10 autorisée à réviser la sentence compte tenu de ces faits. Agir de façon
11 différente serait d'après nous un moyen de produire un résultat assez
12 curieux.
13 Les moyens de preuve ou les éléments présentés à la Chambre comme étant
14 des circonstances atténuantes ne viennent pas nécessairement de témoins
15 sous serment, mais en tout cas émanent d'un certain nombre de rapports,
16 notamment de rapports médicaux soumis par des médecins qui voient l'accusé
17 en prison. Ce genre d'élément, d'après nous, peut être pris en compte par
18 une Chambre d'appel lorsque celle-ci s'efforce de déterminer si la
19 sentence prononcée est excessive ou pas.
20 Si une Chambre d'appel devait fermer les yeux lorsque ces éléments lui
21 sont soumis, l'appelant serait habilité à demander révision de la sentence
22 en application de l'Article 119 du Règlement de ce Tribunal, tout ceci
23 bien sûr lorsque des éléments matériels nouveaux ont vu le jour.
24 Dans ces conditions nous affirmons que, même si des éléments sont apparus
25 après le jugement en première instance -donc des éléments que la Chambre
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1 de première instance ne pouvait pas prendre en compte puisqu'ils
2 n'existaient pas à ce moment-là-, comme une coopération importante avec le
3 Procureur, eh bien, dans ces conditions, nous affirmons que la Chambre
4 d'appel doit prendre en compte ces éléments lorsqu'elle examine la
5 sentence rendue par la Chambre de première instance. Elle ne peut pas
6 fermer les yeux sur ces éléments car cela ouvrirait la porte au non-
7 respect de la révision telle que présentée dans l'Article 119 du
8 Règlement.
9 Il serait d'ailleurs contradictoire de constater que l'Article 115 du
10 Règlement autorise l'examen d'éléments de preuve supplémentaires qui
11 n'étaient pas disponibles pour la Chambre de première instance, alors que
12 dans le même temps, en application de l'Article 119, la Chambre d'appel
13 n'accepterait pas d'agir de la même façon lorsque lui sont soumis les
14 critères d'admissibilité.
15 Je voudrais en conclusion revenir brièvement à ce que j'ai déjà dit un peu
16 plus tôt, c'est-à-dire que le test que je voudrais voir appliquer
17 s'agissant de l'admission des éléments de preuve supplémentaires -je parle
18 ici de ce "would" opposé au "could" ou au "might"-, est totalement
19 contradictoire par rapport aux règles qui sont acceptées s'agissant de la
20 révision des procès dans l'Article 120 du Règlement.
21 Que dit cet article 120 du Règlement? Je cite: "Si la majorité des Juges
22 de la Chambre qui a statué sur l'affaire conviennent que le fait nouveau,
23 s'il avait été établi, aurait pu être un élément décisif de la décision
24 -et vous voyez ici que l'on utilise le mot "would"-, eh bien, dans ces
25 conditions, la Chambre révise le jugement et prononce un nouveau jugement
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1 après audition des parties". (Fin de citation.).
2 Ne serait-il pas absurde de voir qu'en application de l'Article 115, le
3 niveau à respecter pour l'admissibilité des nouveaux moyens de preuve est
4 situé bien plus haut que dans l'Article 120 de ce même Règlement.
5 Ceci rendrait l'examen des éléments de preuve par la Chambre de première
6 instance comme une véritable loterie, et cette loterie concernerait les
7 nouveaux faits découverts après le jugement en première instance.
8 Je suis désolé de revenir sur ce point, mais je tenais à le souligner dans
9 mes conclusions.
10 Mme la Présidente (interprétation): Je voudrais voir si mes collègues ont
11 des questions. Malheureusement, moi, j'en ai une.
12 J'ai quelque mal en effet à comprendre votre argument s'agissant de la
13 sentence: c'est-à-dire que, lorsque des éléments nouveaux par rapport à
14 ceux qui ont été soumis à la Chambre de première instance sont
15 disponibles, s'agissant des circonstances atténuantes notamment, la
16 Chambre d'appel est dans l'obligation de réviser le jugement en première
17 instance. Je crois que c'est ce que vous avez dit en d'autres termes.
18 Je vous demande si vous voulez dire qu'il existe un test différent
19 s'agissant des éléments pris en compte pour la sentence au stade de
20 l'appel que ceux qui sont stipulés dans l'Article 115 du Règlement.
21 M. Clegg (interprétation): En effet, parce que les éléments relatifs à la
22 sentence ne sont pas des éléments de preuve supplémentaires, mais
23 appartiennent à une catégorie différente d'éléments de fait.
24 Mme la Présidente (interprétation): Donc, ce n'est pas l'Article 115 du
25 Règlement qui s'applique mais, d'après vous, ce sont les critères de
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1 justice généraux qui…
2 M. Clegg (interprétation): Oui, on trouve la définition de ce qui
3 s'applique à l'Article 24 du Statut.
4 Mme la Présidente (interprétation): Je comprends bien.
5 M. Clegg (interprétation): Et les différents éléments par rapport à ceux
6 qui ont été soumis à la Chambre de première instance, s'agissant de la
7 preuve de la culpabilité, dépendent entièrement des éléments présentés par
8 les parties qui sont dans l'obligation de les soumettre.
9 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que vous voulez dire que la
10 Chambre de première instance et la Chambre d'appel ont des obligations
11 différentes? Par exemple, si un conseil de la défense n'évoque pas
12 certaines circonstances particulières de l'accusé qui, comme le stipule
13 l'Article 24 pour les circonstances atténuantes, est-ce que vous dites que
14 la Chambre d'appel a obligation d'agir différemment et d'examiner ces
15 circonstances atténuantes pour faire ce que la Chambre de première
16 instance n'a pas fait?
17 M. Clegg (interprétation): Je dis que la Chambre de première instance
18 était dans l'obligation en application de l'Article 24.
19 Mme la Présidente (interprétation): Mais, une Chambre de première instance
20 peut-elle avoir obligation d'examiner les conditions individuelles qui
21 concernent un accusé si le conseil de la défense n'en parle pas?
22 M. Clegg (interprétation): Il se peut qu'il n'y ait pas de conseil de la
23 défense.
24 Mme la Présidente (interprétation): Oui, mais s'il y en a un?
25 M. Clegg (interprétation): Il faut réfléchir sur la situation dans ce cas
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1 en s'appuyant sur l'Article 24 du Statut, qui exige de la Chambre de
2 première instance qu'elle examine les circonstances atténuantes relatives
3 à l'accusé, qu'elle demande même l'aide du Procureur pour ce faire. Celui-
4 ci doit indiquer tout ce qu'il sait et le rendre évident avant le prononcé
5 de la sentence.
6 Mme la Présidente (interprétation): Oui, d'accord, j'ai bien compris votre
7 position.
8 M. Clegg (interprétation): Ma position consiste à dire que la défense qui
9 a agi à l'époque était bien loin d'être utile.
10 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Maître Clegg. Nous n'irons pas
11 plus loin.
12 Maître Radovic, je crois que vous allez intervenir sur le caractère vague
13 de l'Acte d'accusation.
14 M. Radovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente.
15 Mme la Présidente (interprétation): Eh bien, je pense que vous pouvez
16 procéder et, après les 30 minutes qui vous sont imparties, nous aurons 10
17 minutes après 11 heures pour une pause.
18 (Plaidoirie d'appel sur l'Acte d'accusation par Me Radovic.)
19 M. Radovic (interprétation): Voici comment on peut résumer notre point de
20 vue. En vertu de l'Article 18 du Statut et de l'Article 47 du Règlement,
21 l'Acte d'accusation doit contenir le résumé des faits qui sont reprochés à
22 l'accusé.
23 Dans le cas concret, nous considérons que l'Acte d'accusation n'a pas
24 respecté cela et que c'est ainsi que les accusés n'ont pas eu la
25 possibilité d'avoir un procès équitable. En effet, l'Acte d'accusation
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1 contient deux parties. Là, je parle de l'Acte d'accusation qui a servi de
2 base dans le cadre de cette affaire et qui a été modifié peu avant le
3 début du procès; parce que, avant le procès, il y avait un autre Acte
4 d'accusation, et d'ailleurs, les accusés se sont rendus eux-mêmes pour se
5 prononcer devant ce Tribunal par rapport à cet Acte d'accusation.
6 Les faits contenus dans l'Acte d'accusation ne sont pas du tout précis.
7 Dans la première partie concernant les persécutions, les frères Kupreskic
8 sont accusés d'avoir effectué des persécutions des Musulmans de Bosnie,
9 des citoyens de Ahmici, Santici et les alentours, sur les bases ethniques
10 raciales et autres en planifiant et effectuant des attaques systématiques
11 visant à nettoyer ce village et les alentours de leurs citoyens musulmans.
12 Il est également dit qu'ils ont incité à commettre, commis et encouragé
13 d'autres manières le fait d'avoir détruit les maisons des Musulmans de
14 Bosnie, de les avoir tués de manière systématique, d'avoir organisé leur
15 détention et l'expulsion des Musulmans de Bosnie de leur foyer.
16 Ensuite, il est dit également qu'ils ont pris part à l'entraînement
17 militaire, qu'ils se sont armés, qu'ils avaient regroupé les Croates de
18 Bosnie la veille de l'attaque, qu'ils avaient organisé l'armement et la
19 fourniture en munitions du HVO dans le village aux alentours, et qu'ils
20 étaient au courant du fait qu'une attaque était imminente.
21 Dans le paragraphe 400 du jugement il est dit que, par le biais d'un tel
22 Acte d'accusation, l'on traite également des allégations portant sur le
23 point H de l'Acte d'accusation. Le témoin H, mais si nous nous penchons
24 sur l'Acte d'accusation, nous voyons que si ceci fait défaut, nous
25 considérons que l'accusé a le droit de savoir quels sont les faits qui lui
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1 sont reprochés pour que sa défense puisse être efficace.
2 Notre affirmation est fondée, ceci est montré par le biais de deux
3 manières différentes dans les actes d'accusations qui ont été écrits: dans
4 la deuxième partie de l'Acte d'accusation, l'on reproche concrètement les
5 faits aux accusés liés à ce qui s'est passé dans la maison du témoin KL,
6 et environ dix chefs d'accusation traitent de cela.
7 Dans la première partie qui n'est pas concrète et par rapport à cette
8 première partie, le jugement de culpabilité a été rendu. Dans la deuxième
9 partie concrétisée, où la défense des accusés a pu être efficace, un
10 jugement d'acquittement a été rendu.
11 Le fait que l'Acte d'accusation n'a pas été suffisamment précis a rendu la
12 Chambre de première instance quelque peu perplexe. On peut voir cela sur
13 la base du fait que le Président de la Chambre a demandé à deux reprises
14 au Procureur: "Quels sont concrètement les faits reprochés à Zoran et
15 Mirjan Kupreskic liés aux événements qui se sont déroulés dans la maison
16 du témoin H?".
17 L'une de telles questions a été posée au milieu de la présentation des
18 moyens de preuve de l'accusation; la deuxième question a été posée vers la
19 fin de cette présentation des moyens de preuve. Donc si le Président de la
20 Chambre de première instance qui devait rendre le jugement, jusque presque
21 la fin de la procédure, ne comprenait pas tout à fait clairement quels
22 étaient les faits reprochés aux accusés, il faut encore moins s'attendre à
23 ce que les accusés et leurs défenseurs le comprennent.
24 S'agissant de la demande visant à ce que l'on définisse de manière tout à
25 fait précise quels sont les faits reprochés aux accusés, nous nous
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1 référons à l'affaire Celebici IT-96-12-T, qui a été jugée devant ce
2 Tribunal. Dans le cadre de cette affaire, la Chambre de première instance
3 a décidé de ne pas traiter d'autres actes concernant lesquels les moyens
4 de preuves ont été présentés mais qui ne sont pas mentionnés concrètement
5 dans l'Acte d'accusation.
6 Dans le point 1020 du jugement, la Chambre de première instance conclut,
7 la Chambre de première instance limite aux faits concrètement mentionnés
8 dans l'Acte d'accusation et ne se penchera pas sur les autres actes dans
9 le cadre desquels des souffrances ont été infligées de manière délibérée;
10 les actes concernant lesquels les moyens de preuves ont été présentés dans
11 le cadre de la procédure mais qui ne sont pas mentionnés dans l'Acte
12 d'accusation.
13 Par conséquent, la Chambre de première instance va se pencher sur les
14 faits tels qu'ils ont été énoncés et on énumère les noms, mais ce n'est
15 pas pertinent dans le cadre de l'affaire présente.
16 Sur la base de ce que je viens de dire, nous pouvons voir que la Chambre
17 de première instance a pris sa décision finale sur la base uniquement des
18 faits concernant lesquels les allégations concrètes avaient été énoncées.
19 Dans le même jugement, la Chambre de première instance de ce tribunal a
20 dit: "La Chambre de première instance constate que, dans l'Acte
21 d'accusation, il ne figure pas d'allégation concernant les incidents
22 décrits par ces témoins-là."
23 Lorsque, dans le cadre du procès, des moyens de preuves ont été
24 représentés concernant des actes criminels prétendus qui n'ont pas été
25 précisés dans le cadre de l'Acte d'accusation, la Chambre de première
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1 instance, pour être équitable -alors que nous nous référons sans cesse à
2 cette équité-là-, n'a pas considéré que les actes criminels non-précisés
3 font partie des allégations à l'encontre des accusés. Nous considérons
4 qu'une telle décision de la Chambre de première instance constitue un
5 exemple d'une procédure équitable dans le cadre duquel l'on respecte les
6 droits de l'accusé dans le cadre de la procédure, et non pas sur papier
7 mais en réalité.
8 Madame la Juge, il s'agirait ici de la version la plus brève de la manière
9 dont nous envisageons l'Acte d'accusation, dont nous analysons l'Acte
10 d'accusation mais, puisque nous avons suffisamment de temps, je souhaite
11 ajouter quelque chose, quelque chose par rapport à la manière dont l'Acte
12 d'accusation a été rédigé et dont les faits sont énoncés là-dedans.
13 S'agissant de la description des faits contenus dans l'Acte d'accusation,
14 il est nécessaire d'écrire en résumé quels sont les fondements de la
15 culpabilité des accusés, selon l'accusation. Mais dans le système qui
16 prévaut ici, les faits allégués ne sont pas écrits de manière isolée, mais
17 s'agissant des accusés, l'on écrit s'agissant du chef 1 "l'accusé est
18 coupable", etc., etc.
19 Donc maintenant, nous nous retrouvons dans une situation absurde
20 s'agissant du chef d'accusation portant sur les persécutions: on parle de
21 la période entre octobre 1992 et avril 1993. Or, le mois d'octobre est
22 pris comme le début des persécutions puisque, à ce moment-là, le premier
23 conflit armé a eu lieu dans la municipalité d'Ahmici, et ce conflit armée
24 a eu lieu dans la route principale entre Vitez et Busovaca qui traverse
25 Ahmici. Le Tribunal lui-même dans son jugement dit que ce conflit armé-là
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1 n'a pas été provoqué par les Croates mais par les Musulmans.
2 Donc si nous lisons seulement la partie du jugement portant sur la
3 culpabilité, nous pourrions presque conclure que c'étaient les Croates qui
4 avaient provoqué ce conflit.
5 De nombreuses personnes ne lisent pas les motivations d'un jugement mais
6 seulement le résumé, alors que sur la base du résumé nous ne pouvons pas
7 arriver à ces conclusions-là.
8 Ensuite, s'agissant des persécutions, il est écrit qu'entre octobre et,
9 encore une fois, le mois d'avril les Kupreskic aussi avaient persécuté les
10 Musulmans de toutes les manières décrites par le Procureur en suivant le
11 système selon lequel il est possible de mettre tout sur le papier alors
12 que c'est beaucoup plus difficile de prouver tout cela.
13 Et le Tribunal a accepté cala et a accepté cela dans une situation lors de
14 laquelle le Procureur, à la page 6094 du compte rendu d'audience, a dit
15 lui-même "il n'est pas contestable". Donc il n'y a pas de contestation
16 entre la défense et le Procureur que les accusés Kupreskic, jusqu'au 16
17 avril, à savoir jusqu'au conflit lors duquel il y a eu le massacre à
18 Ahmici, étaient de bonnes gens et de bons voisins.
19 Donc le Procureur lui-même ne conteste pas le fait qu'ils n'effectuaient
20 pas tous ces actes de persécution qui leur sont reprochés dans le cadre de
21 l'Acte d'accusation. C'est tout ce que j'ai souhaité dire par rapport à
22 cela, mais lorsque je traiterai de l'Acte d'accusation, je vais également
23 me pencher sur la sentence.
24 Mais puisque nous avons encore un peu de temps, je souhaite me pencher sur
25 un certain nombre d'éléments liés au jugement lui-même. L'un des principes
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1 de base garantis par le Statut, c'est que toutes les personnes accusées
2 sont égales devant ce Tribunal. Donc si quelque chose est contesté par
3 rapport à Zoran Kupreskic, c'est contesté par rapport à Mirjan Kupreskic
4 aussi. Cependant ce n'est pas la logique suivie par la Chambre de première
5 instance.
6 Je vais vous donner un exemple de la situation qui a été interprétée de
7 manières différentes: dans le moyen de preuve P355, on énumère les membres
8 du régiment de Domobrani, et on écrit également au cours de quelles
9 périodes un certain nombre de gens étaient membres de ce régiment. La
10 défense a réussi à contester le contenu de ce document, l'authenticité de
11 ce document. Mais, de toute façon, s'agissant de Dragan Papic qui a été
12 mis en accusation dans le cadre de la même affaire, la Chambre a trouvé
13 que ce document effectivement n'était pas authentique et a accepté
14 l'affirmation de la défense de Papic que ce document-là n'était pas
15 authentique, et qu'il a été rédigé simplement pour que les membres du
16 régiment puissent bénéficier d'un certain nombre de bénéfices financiers.
17 Mais ce même document a été considéré comme authentique s'agissant des
18 frères Kupreskic.
19 Ensuite, s'agissant d'un des accusés, il est accepté que jusqu'au mois
20 d'avril il était un bon voisin et une bonne personne. S'agissant du même
21 fait qui n'est pas contesté par rapport aux frères Kupreskic non plus,
22 ceci n'est pas pris en compte en tant que circonstance atténuante.
23 Ensuite, en acceptant les faits contenus dans l'Acte d'accusation, il est
24 accepté qu'ils organisaient le HVO, l'armement et les Musulmans dans les
25 villages de Ahmici, Santici, aux alentours, alors qu'aucune preuve ne
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1 corrobore cela. Et la Chambre de première instance ne se penche pas du
2 tout là-dessus dans le cadre de son jugement pour expliquer les raisons de
3 cette décision.
4 Ensuite, il est dit qu'au cours de cette période entre octobre et avril
5 ils avaient participé à la destruction des foyers et de la propriété;
6 qu'ils ont privés, mis en détention les Musulmans, et organisé cela. Il
7 n'y a même pas un mot dit par rapport à cela. Et bien sûr que rien n'est
8 dit par rapport à cela puisqu'il a été constaté que, jusqu'au 16 avril,
9 ils étaient de "bonnes personnes et des bons voisins".
10 Donc je ne vois pas comment la Chambre de première instance dans le résumé
11 accepte les faits contenus dans l'Acte d'accusation.
12 Ensuite, dans les motivations, nous voyons que tel n'était pas le cas et
13 qu'entre octobre et avril ils ne faisaient pas tout ce qui est décrit dans
14 l'Acte d'accusation.
15 Mais je ne souhaite plus vous faire perdre de temps, Madame la Juge, j'ai
16 dit tout ce que j'avais à dire pour cette partie-là de mon intervention.
17 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Maître Radovic, nous apprécions
18 le fait que vous preniez soin de pas prendre trop de temps. Je pense que
19 maintenant nous pouvons procéder à une pause d'une demi-heure jusqu'à 11
20 heures 25. Mais n'oublions pas que nous sommes presque à même de respecter
21 le programme prévu préalablement. J'espère que nous pourrons procéder
22 encore ainsi.
23 Nous aurons donc une pause pour les interprètes jusqu'à 1 heure 25 et, si
24 j'ai bien compris, Me Abell et Pavkovic vont parler de la sentence.
25 M. Abell (interprétation): J'ai encore quelques bonnes nouvelles.
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1 Maître Clegg, dans son intervention de ce matin, a couvert un certain
2 nombre de points que je souhaitais mentionner et dont j'ai traité au cours
3 de la conférence de mise en état. Donc le mieux que je puisse faire est
4 d'adopter les points soulevés par Me Clegg ce matin et notamment, ce qu'il
5 a dit au paragraphe 3.12 de la page 20 du mémoire soumis par mon éminent
6 collègue, Me Clegg, le 18 juillet.
7 Mme la Présidente (interprétation): Merci.
8 Et en ce qui vous concerne vous, Maître Pavkovic, est-ce que vous allez
9 parler de la sentence après notre retour?
10 M. Pavkovic (interprétation): Madame la Présidente, je pensais que Me
11 Abell et moi-même nous allions nous répartir ce temps de manière
12 équitable. Donc nous allons faire économie de 20 minutes. Et pendant les
13 20 minutes qui restent, je vais exprimer un certain nombre d'autres points
14 de vue à ce sujet-là.
15 Mme la Présidente (interprétation): Très bien. Nous pouvons dire que nous
16 allons faire une pause jusqu'à 11 heures 30 en fait.
17 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise 11 heures 35.)
18 Mme la Présidente (interprétation): Nous allons reprendre l'audience.
19 Maître Clegg a été informée du fait que son recueil de précédents est
20 arrivé et est désormais en notre possession.
21 Nous allons maintenant entendre Me Pavkovic qui va parler pendant une
22 vingtaine de minutes.
23 Maître Radovic, vous voulez intervenir?
24 M. Radovic (interprétation): Je souhaiterais simplement corriger le compte
25 rendu d'audience. Parce que là où je citais "le jugement Celebici", ceci
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1 portait sur le point 1045 et non pas le point qui a été consigné au compte
2 rendu d'audience.
3 Mme la Présidente (interprétation): Très bien, nous allons noter cela. La
4 représente du Greffe va corriger cela.
5 Jusqu'à midi moins cinq, s'il vous plaît.
6 (Questions communes à tous les accusés présentées par Me Pavkovic.)
7 M. Pavkovic (interprétation): Merci, Madame la Présidente.
8 Le sujet dont je traiterai pendant cette période, pendant ce temps
9 extrêmement bref est sans doute extrêmement important. Et si nous devons
10 décider de la question de savoir quel est le sujet dont il faut traiter en
11 si peu de temps, nous nous trouvons face au dilemme de décider ce qui est
12 important et ce qui ne l'est pas.
13 Tout d'abord, nous avons entendu l'introduction de Me Clegg que je
14 soutiens entièrement. Il est vrai que nous ne nous sommes pas mis d'accord
15 pour décider qui va traiter de quel sujet, mais clairement nous avons
16 senti quels étaient les sujets concernant lesquels nous pouvions traiter
17 plus en détail.
18 Il est facile dès le début de voir quels sont les sujets auxquels se
19 confronte ce Tribunal international pénal. Mais, lorsque nous traitons du
20 prononcé de la sentence, il est nécessaire de se pencher sur la
21 législation.
22 Moi, je vais m'attarder à la pratique générale ayant trait au prononcé de
23 la sentence dans l'ex-Yougoslavie.
24 Mais permettez-moi tout d'abord de dire brièvement qu'il s'agissait-là
25 d'un sujet crucial, et le dilemme qui se posait était de savoir si ce
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1 Tribunal international était tenu de respecter -notamment en vertu de
2 l'Article 101 du Règlement et l'Article 24 du Statut-, si donc ce Tribunal
3 était tenu de respecter la pratique judiciaire dans le cadre du prononcé
4 de la sentence en ex-Yougoslavie? Or, ceci ne constitue pas le sujet de
5 mon intervention.
6 Mais je pense, s'agissant de l'Article 24 du Statut de ce Tribunal,
7 lorsque nous interprétons cela en général, non pas seulement les mots-clés
8 contenus aux points 1 et 2 selon lesquels la Chambre de première instance
9 va prendre en compte et tient compte des facteurs, etc., il ne faut pas
10 oublier le point 3 non plus où il est dit que la Chambre de première
11 instance peut faire quelque chose. Ici, concrètement parlant, il s'agirait
12 du fait que la Chambre de première instance peut faire quelque chose en
13 récompense.
14 Je pense qu'il pourrait être possible d'interpréter cet Article en
15 concluant que la Chambre de première instance peut tenir compte de la
16 législation nationale. Je pense que c'est la manière dont il est possible
17 de lire l'Article 24.
18 Si nous nous penchons maintenant de nouveau sur le prononcé de la sentence
19 par les tribunaux de l'ex-Yougoslavie et de la grille générale des peines
20 prononcées en ex-Yougoslavie, voici la question qui se pose, à savoir:
21 quelle est la pratique judiciaire qui devrait être respectée par ce
22 Tribunal? Est-ce que ce Tribunal pourrait s'inspirer de la pratique des
23 tribunaux nationaux ou pas?
24 A mon avis, les décisions prises par ce Tribunal s'adressent en premier
25 lieu à la région de l'ex-Yougoslavie. Ceci est d'ailleurs conforme à
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1 l'idée qui a déjà été exprimée par le Conseil de sécurité qui a expliqué
2 que l'objectif de la création de ce Tribunal était d'atteindre et
3 consolider la paix en ex-Yougoslavie.
4 Quels sont donc les fondements auxquels il est nécessaire de se référer,
5 indépendamment de la question de savoir si ce Tribunal est obligé de
6 respecter la pratique judiciaire dans l'ex-Yougoslavie ou s'il lui suffit
7 de s'en inspirer de manière générale? Voici ce qui est important de noter
8 dans ce contexte-là.
9 Au moment du prononcé de la sentence dans les tribunaux de l'ex-
10 Yougoslavie, ceux-ci se guidaient tout d'abord par un certain nombre de
11 principes. Et avant de traiter des questions pragmatiques, je souhaite
12 souligner ces principes; il s'agit-là des principes d'autant plus
13 intéressants qu'à la lumière de ces principes, il est possible de se
14 pencher sur les circonstances prises en compte par ce Tribunal. Donc, le
15 Code pénal de l'ex-Yougoslavie partait du point de vue selon laquelle la
16 culpabilité pénale constitue le fondement du prononcé de la sentence.
17 Nous allons voir par le biais de plusieurs exemples de la pratique de ce
18 Tribunal que l'élément clé était la gravité du crime. Mais il est
19 certainement également important de prendre en considération la
20 responsabilité pénale tout comme ceci a été fait par les tribunaux
21 nationaux de l'ex-Yougoslavie parce que, quelle que soit la gravité du
22 crime, à défaut de la responsabilité pénale, il n'y aura pas de peine non
23 plus.
24 Un autre principe qu'il ne faut pas perdre de vue non plus est le fait que
25 les tribunaux en ex-Yougoslavie avaient abandonné le système selon lequel
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1 il existait des règles strictes concernant les circonstances concrètes qui
2 doivent être prises en compte au moment du prononcé de la sentence. En
3 vertu des dispositions de la loi qui régit ce domaine, il est nécessaire
4 de souligner que la loi définissait seulement le contexte général, alors
5 qu'il incombait aux tribunaux de se pencher sur toutes les circonstances
6 qui entouraient le crime pour décider de la sentence concrète.
7 S'agissant de la pratique générale du prononcé de la sentence en ex-
8 Yougoslavie, il ne faut pas oublier non plus que les tribunaux nationaux
9 pouvaient également prononcer des sentences qui passaient au-delà du cadre
10 prévu si les circonstances extraordinaires étaient établies par le
11 Tribunal.
12 Il s'agit ici donc de quelques observations de principe portant sur la
13 question liée au prononcé de la sentence en vertu de la législation en
14 vigueur en ex-Yougoslavie.
15 Quelles seraient donc les dispositions pertinentes qui devraient être
16 prises en considération par ce Tribunal, si le Tribunal décide qu'il
17 serait utile de se pencher sur la pratique judiciaire de l'ex-Yougoslavie?
18 Le Code pénal de l'ex-Yougoslavie contenait des règles générales du
19 prononcé de la sentence dans son Article 41. Mis à part cela existaient
20 également un certain nombre de règles particulières concernant un certain
21 nombre de crimes cumulatifs. Et puis des règles particulières également
22 concernant la possibilité de prononcer une sentence au-dessous de la peine
23 minimale prévue par la loi; et également en ce qui concerne les situations
24 où il fallait prononcer une peine plus stricte que prévu.
25 Que faut-il souligner concernant tout cela? A savoir le fait que ces
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1 règles générales obligeaient les tribunaux à prononcer les peines
2 conformes à ce qui a été prévu par la loi, compte tenu du contexte et du
3 but dans lequel les peines étaient prononcées: soit dans un but préventif
4 général, soit afin de dissuader des auteurs de crimes potentiels de
5 commettre les crimes et finalement, afin de consolider la discipline et la
6 responsabilité dans le respect des valeurs culturelles et de civilisation.
7 Sur la base de tout ceci nous pouvons voir- et ceci se reflète d'ailleurs
8 dans un certain nombre de jugements de ce Tribunal-, il n'y a pas de
9 rétribution qui pourrait être prise en compte comme élément du prononcé de
10 la sentence.
11 Donc les tribunaux étaient guidés également dans leurs décisions par des
12 circonstances particulières afin de prononcer une peine qui s'approchait
13 du maximum ou du minimum prévu par la loi. Les tribunaux yougoslaves
14 tenaient compte, comme je l'ai déjà, dit en premier lieu et d'après ce que
15 le législateur avait prévu, de la responsabilité pénale ensuite du motif
16 du crime, le comportement général de l'accusé avant le crime et après et
17 toute une série d'autres circonstances.
18 Je cite cela uniquement à titre d'exemple bien sûr, et les tribunaux
19 pouvaient prendre en compte toute autre circonstance qui pouvait lui être
20 utile afin de déterminer la peine appropriée aux crimes commis.
21 Dans le cadre d'un certain nombre de décisions prises par des tribunaux de
22 l'ex-Yougoslavie, il a été dit que seulement un certain nombre de
23 circonstances ne peut pas être pris comme fondement du prononcé de la
24 peine mais qu'il faut prendre en considération toutes les circonstances
25 pertinentes ensemble. Il est également intéressant de constater que les
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1 circonstances qui constituent l'acte criminel ne peuvent pas être prises
2 en considération comme des circonstances aggravantes puisqu'elles font
3 déjà partie de l'acte criminel en question. De même, les circonstances qui
4 vont au-delà des éléments nécessaires qui constituent un acte criminel
5 peuvent être prises en considération comme circonstances aggravantes.
6 Donc, le Code pénal yougoslave prévoyait les circonstances atténuantes les
7 plus typiques seulement, alors que les tribunaux pouvaient se pencher sur
8 d'autres circonstances de ce genre.
9 S'agissant de la responsabilité pénale, il est possible de constater que
10 ce genre de questions se résumaient surtout au degré de responsabilité
11 mentale. S'agissant de la responsabilité mentale, les tribunaux
12 établissaient toute une gamme d'états d'esprit de l'accusé sur la base
13 également des rapports d'experts.
14 D'un côté de cette gamme, il s'agissait des personnes qui considéraient
15 que la personne était dans un état psychique tel qu'elle n'était pas
16 responsable de ses actes; d'autre part; que son état psychique permettait
17 de conclure que la personne était responsable des actes commis.
18 Au moment du prononcé de la sentence il était nécessaire, cependant,
19 d'examiner l'ensemble des circonstances pertinentes. Donc nous pouvons
20 constater que, s'agissant de cette circonstance-là, la pratique judiciaire
21 se concentrait surtout sur la question liée à la préméditation ou crimes
22 commis par inadvertance. La préméditation implique que la personne est
23 complètement consciente des conséquences de l'acte criminel. Ou bien, les
24 tribunaux se penchaient sur les situations lors desquelles la personne qui
25 a commis le crime était consciente du crime mais pas des conséquences, ne
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1 souhaitait pas les conséquences.
2 Ensuite, il y avait des crimes commis par inadvertance, de même que
3 l'inadvertance, négligence, et également les négligences conscientes.
4 Le motif du crime ou bien les intentions constituaient également une
5 circonstance importante qui, parfois, était prise en considération comme
6 circonstance aggravante -ce qui est normal.
7 Mais s'agissant d'un certain nombre d'affaires, ceci n'était pas une
8 circonstance aggravante; il fallait savoir si le crime avait été motivé
9 par la haine, la vengeance, le souhait de s'approprier des biens de
10 quelqu'un d'autre, ou bien, est-ce que la personne était contrainte de
11 procéder à cela?
12 Mme la Présidente (interprétation): Je souhaite simplement vous rappelez
13 du fait qu'il ne vous reste que quelques minutes encore.
14 M. Pavkovic (interprétation): Merci, excusez-moi, j'ai oublié un peu
15 combien de temps il me restait puisque je l'ai l'impression que mes
16 collègues avaient pris un peu plus de temps que prévu.
17 Donc, tout ceci constitue les circonstances qui étaient prises en compte
18 par les tribunaux de l'ex-Yougoslavie au moment du prononcé de la
19 sentence. Le comportement préalable au crime est un facteur important,
20 aussi le comportement pendant le procès était important également et était
21 pertinent au moment du prononcé de la sentence.
22 Il était important également de savoir si l'accusé exprimait des remords
23 par la suite, souhaitait faire quelque chose afin de compenser ce qui
24 était fait. Il était également important de savoir si la personne avait
25 reconnu son crime, et le fait de reconnaître son crime était d'habitude
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1 pris en compte comme circonstance atténuante.
2 Pour conclure, je souhaite peut-être parler un peu aussi de l'aveu.
3 Si l'aveu était fait en bonne foi, il était interprété comme circonstance
4 atténuante. Cependant, le fait de ne pas avouer le crime commis n'était
5 pas interprété comme circonstance aggravante par les tribunaux puisque
6 l'on considérait que l'accusé n'était pas tenu de s'incriminer lui-même.
7 Donc, voilà, c'étaient quelques exemples de la pratique judiciaire dans ce
8 domaine en ex-Yougoslavie, et j'espère que cette Chambre pourra trouver
9 utile éventuellement de s'inspirer de cette pratique judiciaire en ex-
10 Yougoslavie.
11 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Est-ce que nous avons des
12 questions? Non. Merci.
13 Nous avons maintenant l'appel déposé par le Procureur en matière de
14 condamnation et de peine. Je pense que vous avez demandé 15 minutes au
15 moment de la conférence de mise en état?
16 (Réquisitoire de Mme Boelaert-Suominen.)
17 Mme Boelaert-Suominen (interprétation): Oui, une quinzaine de minutes.
18 Bonjour Madame la Présidente, Messieurs les Juges. Je m'appelle Sonja
19 Boelaert-Suominen, et j'ai l'honneur de vous présenter les arguments de
20 l'accusation en matière de condamnation et de peine.
21 Vous l'avez deviné au moment de la conférence de mise en état, nous serons
22 brefs. Surtout parce que nous pensons que nos arguments, nos précédents
23 viennent d'être appuyés par la jurisprudence, par les décisions prises par
24 la Chambre d'appel.
25 Voici comment je vais structurer mon intervention: une brève intervention
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1 d'abord, puis je vais reprendre l'histoire de la procédure que nous avons
2 déposée, puis je prendrai les éléments principaux qui constituent nos
3 arguments.
4 Nous parlerons du cumul des chefs d'accusation. Et puis nous allons aussi
5 parler du cumul des peines.
6 Je terminerai mon intervention par notre propre appel et je reviendrai sur
7 une erreur prononcée, de la vue de l'accusation, par la Chambre de
8 première instance en matière de la condamnation d'une des personnes
9 accusées.
10 Nous allons parler également des remèdes sollicités par l'accusation dans
11 le cadre du présent appel.
12 Notre appel se limite à la condamnation prononcée suite à deux chefs
13 d'accusation retenus contre les deux personnes suivantes: Drago Josipovic
14 et Vladimir Santic.
15 Lorsque vous lisez l'Acte d'accusation, vous constatez que ces deux hommes
16 ont été accusés de multiples crimes provenant du même acte.
17 La conduite reprochée à l'accusé est précisée aux paragraphes 32 à 35 de
18 l'Acte d'accusation.
19 Lorsqu'il y a cumul de condamnations, ce dont je vais parler aujourd'hui,
20 on constate que celles-ci ont toutes trait au meurtre de Musafer Puscul et
21 au fait que la maison des Puscul a été incendiée.
22 S'agissant du rôle joué dans le meurtre de Musafer Puscul, les accusés
23 étaient accusés de meurtre en vertu de l'Article 3 du Statut, qui renvoie
24 à l'Article commun 3 des Conventions de Genève, mais aussi en vertu de
25 meurtre retenu à l'Article 5 du Statut en tant que crime contre
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1 l'humanité.
2 S'agissant de la conduite reprochée aux accusés qui revenait au fait que
3 la famille Puscul avait été expulsée de sa maison, et au fait que les
4 membres avaient été retenus à proximité alors que la maison familiale se
5 trouvait incendiée, les accusés s'étaient vu reprocher un chef de
6 traitement cruel en vertu de l'Article 3 du Statut et un chef d'acte
7 inhumain visé à l'Article 5 du Statut.
8 La Chambre de première instance a conclu que l'accusation avait apporté la
9 preuve au-delà de tout doute raisonnable. La Chambre de première instance
10 avait aussi conclu que l'accusation avait prouvé la culpabilité de ces
11 deux accusés dans ces événements, et la Chambre a également constaté que
12 les faits étaient prouvés au niveau de tous les éléments constitutifs.
13 Cependant, la Chambre de première instance, pour des raisons de droit, a
14 estimé que les chefs d'inculpation de crime de guerre n'avaient pas fait
15 l'objet d'une peine correcte, à savoir qu'il y avait eu cumul
16 d'infractions en vertu de l'Article 5 du Statut.
17 La Chambre a parlé des infractions concomitantes. Ceci est précisé au
18 paragraphe 637 jusqu'au paragraphe 748 du jugement.
19 En conclusion, la Chambre a décidé que l'interdiction de meurtre en tant
20 que crime contre l'humanité était lex specialis par rapport à
21 l'interdiction du crime en tant que violation des crimes et coutumes de
22 guerre. Le même raisonnement est appliqué par la Chambre pour les chefs
23 d'accusation retenus qui étaient ceux de traitements cruels et d'actes
24 inhumains. La Chambre de première instance a décidé de rejeter ces chefs
25 d'accusation basés sur l'Article 3 du Statut et a donc déclaré que ces
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1 deux accusés n'étaient pas coupables de crime de guerre.
2 L'accusation a déposé son mémoire le 3 juillet 2000. A l'époque, la
3 question de la concomitance des infractions s'était posée dans une autre
4 affaire, en l'occurrence l'affaire Celebici. Lorsque est venu le moment de
5 déposer le mémoire de l'intimé, l'accusation s'est rendu compte que la
6 Chambre d'appel avait rendu une décision importante précisément en matière
7 de concomitance de chefs d'accusation. Je parle ici de l'affaire Celebici
8 et de l'appel rendu cette année.
9 Peu après la décision de la Chambre d'appel, deux affaires ont été
10 statuées dans lesquelles on a tenu compte de la décision en appel de
11 Celebici lorsqu'il y avait eu cumul d'inculpation. Là aussi, je pense au
12 jugement Kunarac rendu le 22 février 2001. Je vous renvoie aussi au
13 jugement Kordic-Cerkez rendu le 26 février de cette année.
14 Etant donné que l'accusation voit dans cette jurisprudence un élément
15 important dans l'évolution de la jurisprudence de ce Tribunal, nous avons
16 chercher à déposer un mémoire modifié. Ceci nous a été accordé et nous
17 avons déposé un mémoire modifié le 15 mai 2001.
18 L'accusation a pu répondre aux deux mémoires des appelants mais, à ce
19 moment-là, la Chambre d'appel avait déjà rendu une autre décision qui
20 portait sur la concomitance des infractions. Nous parlons ici de l'appel
21 Jelisic rendu cette année le 5 juillet.
22 Nous avons essayé de tenir comme de cette nouvelle évolution de la
23 jurisprudence dans le mémoire que nous avons déposé en réponse aux
24 mémoires de l'appelant ou des appelants, plus exactement à savoir Drago
25 Josipovic et Vladimir Santic.
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1 De l'avis de l'accusation, le mémoire modifié et la réplique vous donnent
2 une analyse détaillée de nos arguments. Je ne reviendrai pas sur eux, mais
3 j'aimerais, si vous me le permettez, attirer votre attention sur les
4 éléments saillants de notre mémoire.
5 L'accusation critique le jugement en première instance au niveau de la
6 concomitance des infractions sur trois points. Nous estimons que la
7 Chambre de première instance tout d'abord a versé dans l'erreur en
8 énonçant et en appliquant les principes juridiques applicables au cumul
9 des chefs d'accusation dans ce Tribunal.
10 Deuxièmement, de l'avis de l'accusation, la Chambre a versé dans l'erreur
11 lorsqu'elle a appliqué les principes juridiques applicables au cumul des
12 condamnations; surtout pour ce qui est de la question des condamnations
13 multiples relevant de l'Article 3 et de l'Article 5.
14 Troisièmement, et par conséquent de l'avis de l'accusation, la Chambre,
15 par sa décision d'acquittement, s'agissant des chefs 17 et 19 qui ont
16 trait aux crimes de guerre, est une erreur et ceci est contraire au droit
17 qui est énoncé à l'Article 25-1A) du Statut.
18 Nous estimons -et je reviens à mon premier point-, nous estimons que la
19 Chambre n'a pas bien appliqué les principes relatifs au cumul des chefs
20 d'accusation tels qu'appliqués dans ce Tribunal. D'après nous, cette
21 question a été abordée dans le jugement Celebici et, plus précisément, au
22 paragraphe 400 de la décision Celebici. Dans cet arrêt Celebici, la
23 Chambre d'appel a, pour la première fois, rendu une décision qui portait
24 sur la concomitance des infractions. L'arrêt décidait que les cumuls de
25 condamnations ne pouvaient être autorisés que si prévalaient certaines
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1 conditions ou circonstances sur lesquelles je reviendrai.
2 Elle a décidé par ailleurs et par contre que la pratique du cumul des
3 chefs d'accusation était autorisée. Là je vous lis le paragraphe 400.
4 Mme la Présidente (interprétation): Vous avez encore cinq minutes, pensez-
5 y si vous voulez présenter tous les arguments.
6 Mme Boelaert-Suominen (interprétation): Eh bien, je ne vous donnerais pas
7 lecture du paragraphe 400. Je conclurai simplement que sur ce point nous
8 estimons que la Chambre de première instance a versé dans l'erreur.
9 Revenons au cumul des condamnations, Madame et Messieurs les Juges. Il y a
10 l'arrêt Celebici, mais aussi et surtout l'arrêt Jelisic qui vient d'être
11 rendu -c'était le 5 juillet 2001 qu'il a été rendu-, que ces deux arrêts
12 sont à l'appui des arguments présentés par l'accusation dans son mémoire
13 initial et dans son mémoire récemment déposé, mémoire modifié celui-là.
14 L'arrêt Celebici estime qu'il est possible d'avoir cumul de condamnations
15 dans les circonstances suivantes: lorsque vous avez affaire à des
16 infractions distinctes, en vertu du droit pénal international, pour savoir
17 s'il s'agit d'infractions distinctes, il faut appliquer le test des
18 différents éléments si chacun des crimes en question contient un élément
19 constitutif matériel distinctif qui n'est pas contenu dans l'autre.
20 Lorsque nous avons déposé notre mémoire modifié, nous avons fait valoir
21 que le cumul de condamnations entre l'Article 3 et l'Article 5 devrait
22 être autorisé généralement puisque les conditions du test étaient
23 remplies. Les éléments matériels distincts, ou l'élément matériel distinct
24 qui se trouve, selon nous, dans ces trois infractions est qu'il doit y
25 avoir un lien de connexité suffisamment proche avec un conflit armé.
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1 L'élément matériel distinct contenu dans l'Artcle 5 était l'exigence selon
2 laquelle les crimes contre l'humanité faisaient partie d'une campagne
3 généralisée et systématique dirigée contre la population civile.
4 L'arrêt Jelisic confirme l'argument avancé par l'accusation et nous
5 estimons que ceci est bien fondé en droit. L'arrêt Jelisic est pertinent
6 puisqu'on a affaire à la même catégorie d'infractions, infractions en
7 vertu de l'Article 3 et de l'Article 5. C'est aussi pertinent puisqu'on a
8 affaire exactement à la même infraction que les infractions visées ici:
9 "meurtres en vertu de l'Article 3 et meurtres en vertu de l'Article 5;
10 traitement cruel en vertu de l'Article 3, acte inhumain en vertu de
11 l'Article 5."
12 Troisièmement, l'arrêt Jelisic confirmait qu'il n'y avait pas de raison
13 valable qui nous permettrait de nous écarter de cette jurisprudence. Nous
14 pensons que l'arrêt Jelisic est pertinent aussi et c'est là notre
15 quatrième point, parce qu'il détermine déjà que s'il y a des éléments
16 distincts il faut voir quels sont les éléments qui interviennent pour
17 l'actus reus ou pour la mens rea, tout en tenant également compte des
18 éléments de compétence ou des éléments de contexte.
19 En conclusion, le recours demandé par l'accusation est celui-ci: la
20 Chambre d'appel devrait tenir compte d'abord des erreurs contenues dans le
21 jugement visé par l'appel -je ne vais pas répéter ces erreurs-, et le
22 fondement de notre recours est que la Chambre renverse la décision
23 d'acquittement de Drago Josipovic et Vladimir Santic pour ce qui est des
24 chefs 17 et 19 de l'Acte d'accusation, et déclare la culpabilité de ces
25 deux hommes sur ces points. Si vous m'accordez une minute…
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1 Mme la Présidente (interprétation): Oui, encore une seulement.
2 Mme Boelaert-Suominen (interprétation): Comme nous l'avons dit dans notre
3 mémoire modifié, l'accusation a fait valoir qu'il y a une erreur
4 supplémentaire au niveau de la peine commise par la Chambre de première
5 instance pour ce qui est de Drago Josipovic.
6 Lisez le dispositif, vous verrez que Drago Josipovic s'est vu imposé 15
7 ans pour meurtres mais 10 ans pour persécutions. L'accusation pense que la
8 peine globale imposée à Drago Josipovic est appropriée vu la gravité de
9 son comportement. Pourtant, nous estimons que la façon dont la peine a été
10 prononcée est une erreur. Pourquoi? Parce que le comportement qui était à
11 la base, qui a été pris en compte pour le chef de meurtre, était aussi à
12 la base du chef de persécution. Cependant, le chef de persécution se
13 basait sur beaucoup plus de faits. S'agissant de Drago Josipovic, on
14 tenait compte tenu du rôle qu'il avait joué par rapport à Naser Ahmic.
15 Voilà, si vous n'avez pas d'autres questions suite à mes arguments, j'en
16 ai terminé de l'appel déposé par l'accusation.
17 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Y a-t-il des questions? Je
18 voulais simplement vérifier une chose, Madame. Je suppose que vous ne
19 demandez pas une nouvelle peine s'agissant des Article 3 et Article 5 si
20 votre position est retenue en appel, bien sûr toutes choses étant égales.
21 C'est exact?
22 Mme Boelaert-Suominen (interprétation): Oui, oui, nous demandons
23 simplement renversement de la décision d'acquittement, nous ne demandons
24 pas que la peine soit plus lourde.
25 Mme la Présidente (interprétation): Il est 12 heurs 10, et si Maître Abell
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1 en est d'accord, nous allons entendre ses arguments. Il se peut qu'il ne
2 soit pas en mesure de terminer d'ici la pause puisqu'il est prévu que nous
3 ayons une pause déjeuner. Je le préviens, il dispose en tout de 85
4 minutes. C'est le temps qui est accordé à tous les appelants. Nous allons
5 consacrer 45 minutes maintenant. Nous verrons s'il est en mesure de
6 terminer à ce moment-là. Nous pourrons alors avoir la pause-déjeuner. Il
7 pourra terminer après celle-ci.
8 Permettez-moi de prendre 30 secondes supplémentaire pour vous parler de
9 deux points que vous allez peut-être vouloir reprendre dans vos arguments.
10 A votre avis, quelle est l'incidence du fait que Vlatko Kupreskic était
11 policier et quel est, à votre avis, l'incidence de ce fait sur la décision
12 prise par la Chambre de première instance? Et, à votre avis, quel est
13 l'impact de la déposition du témoin AT sur votre appel? Je vous remercie.
14 Vous avez maintenant quelque chose comme 50 minutes.
15 (Plaidoirie d'appel de Vlatko Kupreskic par Me Abell.)
16 M. Abell (interprétation): Je suis heureux que nous soyons un peu en
17 avance lorsqu'il s'agit maintenant d'examiner l'appel interjeté par Vlatko
18 Kupreskic. J'espère que je ne fais pas des promesses en l'air, mais je
19 ferai l'impossible pour veiller à ce que cet élan que nous avons pu
20 insuffler soit maintenu. J'espère que ce n'est pas une promesse faite à la
21 hâte.
22 Nous avons déposé au nom de Vlatko Kupreskic les écritures suivantes. Il y
23 a d'abord le mémoire de l'appelant déposé le 5 septembre 2000 et qui est
24 maintenant publié de façon publique sous sa forme expurgée. Et puis nous
25 avons déposé le 12 juin un supplément et la réponse que nous avions au
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1 mémoire de l'appelant le 5 juillet.
2 J'espère que ces écritures prises dans leur ensemble vous auront présenté
3 la plupart des arguments avancés au nom de le Vlatko Kupreskic et j'espère
4 que tous ces arguments sont suffisamment détaillés.
5 Ce que j'ai maintenant à dire ici à l'audience ne va pas répéter mot à mot
6 ce qui est déjà consigné par écrit. J'espère que je pourrai saisir cette
7 occasion.
8 Maintenant, pour apporter un complément à ces arguments écrits, en
9 essayant de rassembler les fils de l'écheveau et pour essayer de comparer
10 certains éléments entendus à l'audience, pour les reprendre ici et voir la
11 base sur laquelle Vlatko Kupreskic a été condamné, et j'espère pouvoir me
12 concentrer sur ce qui me semble l'essentiel de ces questions.
13 Mais avant de terminer ces remarques liminaires, je vous rappelle que,
14 bien entendu, et comme nous l'avons toujours fait, nous nous basons sur
15 nos arguments écrits. Et j'espère que vous, Madame et Messieurs les Juges,
16 vous en prendrez connaissance en même temps que vous tiendrez compte des
17 arguments présentés oralement.
18 Je vais diviser mon intervention en sept chapitres, le premier évoquant
19 rapidement les conclusions de droit tirées par la Chambre de première
20 instance et se concentrant sous forme de commentaire sur la nature des
21 arguments avancés par l'accusation, et qui ont entraîné la condamnation en
22 première instance de Vlatko Kupreskic.
23 Les chapitres 2 à 6 parleront de certains témoignages, que ce soient ceux
24 présentés au moment du procès ou ceux présentés devant la présente Chambre
25 d'appel.
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1 Le chapitre 7, car à ce moment-là j'espère que vous aurez mérité une autre
2 voix, ce sera Me Livingston qui vous parlera au chapitre 7 de la peine à
3 prononcer en appel.
4 Lorsque j'aborderai les chapitres 2 à 6, il faudra de temps en temps
5 passer à huis clos partiel. Mais je vous le ferai savoir lorsque ce sera
6 nécessaire.
7 Avant de passer au premier chapitre, j'aimerais dire ceci: s'agissant des
8 critères aux normes de révision, nous faisons nôtres les arguments
9 présentés ce matin par Me Clegg.
10 En d'autres termes, le critère correct à appliquer, c'est de savoir si les
11 éléments de preuve supplémentaires seraient de nature à entraîner un autre
12 verdict prononcé par la Chambre de première instance. Nous répétons ce que
13 nous avons dit dans notre mémoire supplémentaire page 3, paragraphe 8.
14 Permettez-moi d'aborder le premier chapitre. Les conclusions tirées par la
15 Chambre de première instance peuvent être résumées rapidement de la façon
16 suivante. On les trouve au paragraphe 795 jusqu'au paragraphe 804 du
17 jugement en première instance.
18 On prend de A à F le fait qu'il était membre de la police, qu'il était
19 officier responsable des opérations pour ce qui était des crimes et des
20 intérêts de l'Etat. Il était inspecteur de 1e classe; donc, selon ses
21 arguments, il était à un poste supérieur à celui de simple responsable de
22 l'inventaire au poste de police. Il déchargeait des armes de sa voiture en
23 octobre 1992, et aussi, il y aurait eu des personnes qui l'auraient
24 observé devant chez lui et devant le magasin Sutra la veille de l'attaque
25 sur Ahmici, dans l'après-midi, dans la soirée du 15 avril. On l'aurait
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1 identifié devant l'hôtel Vitez le matin du 15 avril. On a estimé que
2 c'était correct.
3 Et il y aurait une rubrique dans le journal intime du témoin V selon
4 laquelle ce témoin V aurait appris que des Croates se concentraient ou se
5 rassemblaient autour de la maison des Kupreskic. La déposition du témoin H
6 qui a affirmé que Vlatko Kupreskic était présent près de la maison de
7 Suhreta Ahmic le matin du 16, même s'il n'y a pas de preuve de ce qu'il
8 aurait fait exactement, on a conclu qu'il était présent, prêt à prêter
9 main forte de la façon qui lui était demandée.
10 On a déduit de tous ces faits que l'appelant a participé à la préparation
11 de l'attaque menée sur Ahmici, en sa qualité de responsable des opérations
12 à la police, et en acceptant que sa maison serve de lieu stratégique et de
13 lieu de déploiement pour les troupes assaillantes.
14 C'est là un résumé des conclusions juridiques tirées par la Chambre de
15 première instance et plus tard, au niveau du jugement même.
16 Cependant, nous affirmons qu'il est éclairant de voir par quel processus
17 la Chambre de première instance en est arrivée à ces conclusions
18 juridiques.
19 Vous trouverez ces éléments un peu plus avant dans le jugement. Je vous
20 donne la référence. Je ne demanderai à personne de l'examiner maintenant.
21 C'est à la page 176 du jugement.
22 Vous voyez les conclusions de la Chambre de première instance s'agissant
23 de Vlatko Kupreskic, si vous lisez en particulier le paragraphe 462,
24 lecture qui commence là jusqu'au paragraphe 471; c'est peut-être là que
25 vous voyez le mieux le raisonnement qui est la base des conclusions tirées
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1 par la Chambre de première instance. Je pense que c'est tout à fait
2 instructif de prendre connaissance de ces paragraphes, dans la mesure où y
3 est démontrée la façon dont la Chambre de première instance, après avoir
4 tiré une conclusion factuelle, à savoir par exemple que Vlatko Kupreskic
5 avait travaillé pour la police entre 1992 et 1993, après cette conclusion
6 factuelle alors qu'il était plutôt responsable de l'inventaire, eh bien,
7 que la Chambre s'est servie de cela pour estimer qu'il serait possible de
8 tirer d'autres conclusions.
9 Je pense plus particulièrement, à partir du même exemple, au paragraphe
10 463. Je fais une brève citation d'un passage de ce paragraphe: "La Chambre
11 rejette les propos de l'accusé selon lesquels il était uniquement chargé
12 de procéder à des inventaires de fourniture pour la police et est
13 convaincue qu'il était un officier actif.".
14 Elle est convaincue je le souligne.
15 "Ceci explique pourquoi l'accusé a été aperçu en train de décharger des
16 armes d'une voiture devant chez lui en octobre 1992 et a de nouveau été
17 aperçu au même endroit le 15 avril 1993. La Chambre acceptant ces éléments
18 de preuve dans leur intégralité…". (Fin de citation.)
19 Donc ce qu'on a estimé et prouvé, à savoir le fait d'aider ou de
20 participer à un crime, tout ceci se base de façon générale sur plusieurs
21 éléments épars, plusieurs éléments de preuve épars qui, pour la plupart,
22 pourraient être considérés comme étant des éléments de preuve indirect,
23 éléments de preuve indirects à partir desquels la Chambre de première
24 instance dotée des éléments qu'elle avait a pu tirer certaines déductions
25 et certaines conclusions.
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1 Je reviens une fois de plus aux paragraphes 462 à 471 où l'on voit, je
2 cite: "La Chambre de première instance déduit ou tient compte des éléments
3 de preuve." (Fin de citation.)
4 On le trouve aux 466 ou au 470 où la Chambre tire des conclusions à partir
5 d'un élément de preuve indirect qu'il combine avec d'autres éléments
6 indirects, pour ainsi dire déclarer "disposer d'une base permettant la
7 condamnation pour le fait d'aider à commettre à savoir le chef 1".
8 C'est un exercice tout à fait légitime que peut faire une Chambre de
9 première instance, nous ne le nions pas. Une Chambre peut parfaitement
10 rassembler plusieurs éléments épars pour voir quel est leur effet
11 cumulatif. Mais je reviendrai sur ce point un peu plus tard.
12 Je tiens à dire pour le moment que ces éléments épars et séparés, si on
13 les prend un à un de façon isolée, sont incapables d'apporter la preuve de
14 la complicité de cet appelant même en tant que complices. Il faut
15 considérer ces éléments de preuve épars comme la Chambre l'a fait comme
16 étant en situation de dépendance réciproque. Et c'est uniquement dans ces
17 circonstances qu'il est possible de trouver une base permettant d'emporter
18 condamnation.
19 Je reviens au paragraphe 463 du jugement. Permettez-moi d'établir une
20 analogie. Les éléments de preuve considérés comme apportant la preuve de
21 la culpabilité de Vlatko Kupreskic pourraient être comparés à une toile
22 d'araignée, une toile d'araignée qui n'aurait que quelques fils, fils qui
23 chacun soutient l'autre, fils qui pour chacun d'entre eux soutiennent la
24 structure générale. Une toile d'araignée c'est quelque chose de très
25 délicat, et nous estimons que les éléments de preuve retenus contre Vlatko
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1 Kupreskic sont tout aussi ténus que des fils de toile d'araignée.
2 Si vous reprenez un, deux, trois ou quatre de ces sept ou huit fils, si
3 vous les éliminez, si vous les neutralisez ou si vous les expliquez -bon
4 je ne vais pas pousser trop loin cette métaphore-, mais je pense qu'à ce
5 moment-là cette toile d'araignée disparaît, elle se désintègre, et il ne
6 reste plus rien qui permette d'asseoir une condamnation.
7 C'est la raison pour laquelle dans le motif d'appel A nous disons que les
8 éléments de preuve apportés contre cet homme sont ténus. Et je crois que
9 c'est là une description correcte.
10 Pour ce qui est d'éléments de preuve indirects on peut dire ceci: plus
11 vous avez d'informations, mieux vous êtes à même dévaluer la force ou la
12 faiblesse -ce qui est le revers de la médaille-, de cet élément de preuve
13 indirect.
14 Je termine une analogie. Ici je ne veux pas faire le cruciverbiste, mais
15 je veux vous expliquer ceci: un élément de preuve nouveau peut éclairer de
16 façon tout à fait nouvelle des éléments de preuve. Si vous aviez une
17 énigme de quatre mots dans des mots croisés, on ne peut pas tout à fait
18 savoir ce que c'est, mais on pense que l'idée est le terme "mieux" -"best"
19 en anglais. Et si ceci correspond à l'énigme, à ce moment-là, on sait que
20 cela va être sans doute pour solution "best".
21 Pourtant, si on lit l'énigme à l'envers, on se rend compte qu'il faut
22 avoir une lettre différente pour donner ce mot. Donc si ce n'est pas
23 "best", cela devient "belt". C'est la conclusion qu'on peut tirer.
24 C'est un exemple un peu léger, mais ceci vous montre de quelle façon des
25 éléments de preuve nouveaux qui se présentent sous une autre énigme
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1 peuvent changer de façon radicale l'évaluation qu'on fait d'un élément de
2 preuve donné.
3 A notre avis, en l'espèce, c'est effectivement ce que nous avons fait au
4 niveau de l'appel. Les éléments de preuve supplémentaires que nous avons
5 amenés, ou que vous avez à votre disposition, ces éléments de preuve
6 éclairent de façon nouvelle ces sept fils de la toile d'araignée. Ces
7 éléments épars qui, rassemblésn, ont été la base de la condamnation de
8 Vlatko Kupreskic.
9 A notre avis, la Chambre d'appel va être grandement aidée par ces
10 éléments. Elle pourra mieux voir quel est le cadre général, la réalité
11 globale. Elle pourra ainsi mieux reconnaître les limites, les restrictions
12 qui pèsent sur les éléments de preuve retenus pour condamner cet homme.
13 Permettez-moi de revenir rapidement sur le paragraphe 463 du jugement. On
14 a dit au paragraphe 463 que, parce que la Chambre avait conclu que Vlatko
15 Kupreskic travaillait pour la police en 1992 et en 1993, apparemment, ce
16 serait la raison pour laquelle ou ce serait l'explication de l'observation
17 qu'on a fait de lui lorsqu'il déchargeait des armes de son véhicule en
18 octobre 1992.
19 Mais la difficulté qui se présente là est la suivante: d'abord, eh bien,
20 le déchargement des armes en 1992, si l'on examine ce fait à lui tout
21 seul, ce n'est rien du tout, cela n'a aucun poids. Pourquoi? Je pose une
22 question rhétorique. L'observation alléguée d'un déchargement d'armes en
23 1992, à savoir 6 mois avant le début du conflit à Ahmici qui s'est produit
24 en avril 1993, et ce qui est encore plus grave qui s'est fait à un moment
25 où les tensions qu'il y avait dans la région de Vitez, dont le village
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1 d'Ahmici, ces tensions opposaient les Croates et les Serbes et non pas des
2 Croates et des Musulmans.
3 Comment pris isolément cet élément de preuve pourrait-il constituer une
4 base suffisante à conclure que, six mois plus tard, dans une situation de
5 tension tout à fait différente, l'appelant aurait participé aux
6 préparatifs menant au conflit. Il est impossible de prendre cet élément
7 isolément. Il est trop éloigné.
8 Pourtant, la Chambre de première instance s'en est servi en conjonction
9 avec d'autres déductions. La déduction d'abord selon laquelle cet homme
10 était occupé à un poste plus élevé dans la police, plus élevé que ce qui
11 avait été présumé au départ. Sur quoi ceci se fondait-il au départ?
12 Uniquement sur deux preuves documentaires, la pièce P377 ainsi que la
13 pièce P378, lesquelles affirmaient que Vlatko Kupreskic avait été officier
14 d'opération d'active.
15 Si l'on voit cette conclusion basée sur deux documents uniquement, la
16 difficulté est celle-ci: la Chambre de première instance n'a pas le
17 bénéfice que vous avez eu, membres de la Chambre d'appel, puisque vous
18 avez entendu le témoignage du témoin ADB, ADC ainsi que de Miro Lazarevic
19 qui étaient des témoins supplémentaires appelés en vertu de l'Article 115.
20 C'est trois témoins ont pu parler chacun pour soi de façon détaillée de
21 ces documents. Et ils ont pu parler de ce que faisait effectivement Vlatko
22 Kupreskic au poste de police; ils ont pu préciser qu'effectivement, en
23 octobre 1992, Vlatko ne travaillait par pour la police au moment où,
24 apparemment, il y aurait eu cette observation de déchargement d'armes.
25 Je vous présente ceci en tant qu'exemple de la qualité très limitée que
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1 peuvent avoir ces éléments de preuve. A quoi peuvent-ils servir lorsqu'on
2 n'a pas une idée complète? Et nous avançons que la Chambre de première
3 instance ne pouvait pas avoir d'idée complète de la situation.
4 Nous observons en outre qu'en ce présent appel, Vlatko Kupreskic est
5 véritablement différent des autres appelants, pour deux raisons à notre
6 avis.
7 Première raison: le caractère ténu des éléments de preuve qui ont abouti à
8 sa condamnation; et deuxièmement, parce que dans son appel il y a
9 véritablement un corpus effectif de moyens de preuve supplémentaires qui
10 peuvent permettre, une fois toutes ces circonstances évaluées, à quel
11 point ces circonstances étaient limitées, étaient circonscrites au moment
12 où la Chambre de première instance a pris sa décision.
13 Si vous me permettez une analyse rapide, je dirai que ceux-ci -ces
14 éléments de preuve- portent sur 4 conclusions juridiques. En fait, il y a
15 sept conclusions juridiques, mais la septième découle des six précédentes,
16 donc il faut parler en fait de six conclusions.
17 Nous affirmons que ces conclusions, lorsqu'elles sont examinées en tant
18 que telles, ne suffisent pas à appuyer le verdict de culpabilité et je
19 reviendrai sur ces éléments pour parler du fond plus tard. Mais, pour le
20 moment, je vais parler du chapitre 2 et j'aborderai des questions pour
21 lesquelles, Madame la Présidente, il serait sans doute préférable de
22 passer à huis clos partiel.
23 Mme la Présidente (interprétation): Maître Abell, avant de passer à huis
24 clos partiel -car nous accéderons à votre demande dans l'intérêt de la
25 protection des témoins-, je vous demanderai de nous dire à peu près
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1 pendant combien de temps vous aurez besoin de ce huis clos partiel -si
2 c'est possible.
3 M. Abell (interprétation): Très bonne question, Madame la Présidente, si
4 vous me permettez de m'exprimer ainsi. Je pense qu'il est possible que
5 cela nous mène à la pause déjeuner.
6 Mme la Présidente (interprétation): Pensez-vous que vous n'aurez plus
7 besoin de huis clos partiel lorsque nous reprendrons notre audience, après
8 le déjeuner?
9 M. Abell (interprétation): Je le pense, Madame la Présidente, en effet.
10 Mme la Présidente (interprétation): Très bien.
11 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 35.)
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17 (Audience publique à 12 heures 55.)
18 Mme la Présidente (interprétation): Nous sommes en audience publique, vous
19 pouvez procéder.
20 M. Abell (interprétation): Tout ce que je dis n'est pas dit pour offenser
21 qui que ce soit, je tiens à le souligner, mais le témoin ADA a sans doute,
22 à notre avis, jeté plus de doute qu'elle n'a éclairé quiconque. Et vous me
23 pardonnerez de faire ce commentaire peut-être un peu dur sur un témoin,
24 mais nous avons fait véritablement de notre mieux pour aborder les choses
25 de façon objective, réaliste, avec un regard que je qualifierais de
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1 clinique lorsque nous avons rédigé le plaidoyer relatif à Vlatko
2 Kupreskic.
3 Les éléments que l'on trouve dans la déposition de ce témoin de
4 l'accusation, témoin que l'accusation a cité à la barre en réfutation,
5 s'est appuyé largement sur des éléments très détaillés que je ne vais pas
6 énumérer tous ici, car il y en avait effectivement qui avaient une
7 certaine valeur, mais dans l'ensemble cette déposition du témoin ADA, dans
8 ces éléments les plus importants, était une déposition très exhaustive.
9 Donc, je me contenterai de revenir sur les éléments les plus importants.
10 Premièrement, il est important et j'utiliserai, si vous me le permettez
11 ici, une expression un peu argotique, de ne pas lâcher la balle des yeux
12 et également de voir l'ensemble de la situation. N'oublions pas que le
13 témoin ADA, dans une déclaration soumise au cours du procès ainsi que dans
14 la déposition qu'il a faite lors de l'audience tenue en application de
15 l'Article 115, n'oublions pas qu'il a incriminé deux autres personnes qui
16 sont assises à la place des accusés durant l'audience d'aujourd'hui. Ce
17 que nous disons, c'est qu'il est difficile de comprendre pourquoi le
18 témoin ADA aurait agi de la sorte s'il était venu ici devant ce Tribunal
19 dans le but de mentir.
20 Deuxièmement, il est important de ne pas perdre de vue que le témoin ADA
21 est un Musulman dont la famille a subi ces événements atroces du 16 avril,
22 famille qui a été décimée au cours des événements puisque le témoin ADA a
23 perdu son père à ce moment-là. Nous réaffirmons donc qu'il est difficile
24 de comprendre pourquoi une personne serait venue dans ces conditions
25 devant le Tribunal pour mentir en prononçant délibérément des contre-
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1 vérités à l'égard de telle ou telle personne dont il souhaiterait voir
2 établir la culpabilité à l'issue du procès.
3 Ces deux difficultés se résolvent néanmoins à notre avis très facilement
4 si on examine la déposition du témoin ADA sous un angle différent. La
5 réponse devient très simple à ce moment-là si l'on conclut que cet homme
6 est venu devant le Tribunal pour dire la vérité. Si quelqu'un a fait
7 quelque chose et que lui en a eu connaissance, cette personne est coupable
8 et il n'a pas peur de le dire. Dans une autre situation, si quelqu'un a
9 été déclaré présent à tel ou tel endroit et qu'il ne l'a pas vu à cet
10 endroit il n'a pas peur de dire cela également.
11 Il peut être bon donc de laisser de côté un comportement peut-être un peu
12 excentrique, un témoin peut-être excentrique; il peut parler d'une façon
13 peut-être un peu trop animée, il peut décrire les incidents d'une façon
14 peut-être un peu trop animée. Il peut même exagérer lorsqu'il parle d'un
15 homme sous l'emprise de la boisson, par exemple lorsqu'il décrit son
16 comportement. Mais cela ne signifie pas que, sur les points les plus
17 fondamentaux, il ne dit pas la vérité au Tribunal.
18 C'est de cette façon que nous vous demandons de considérer la déposition
19 du témoin ADA.
20 Si cet homme a dit la vérité, eh bien, cette vérité sape à la base les
21 dépositions des témoins L, M et O et vient appuyer les éléments de preuve
22 dont je parlerai dans le dernier chapitre de mon exposé.
23 Le Procureur, dans sa réponse, cherche à diviser pour régner lorsqu'il
24 parle de la déposition du témoin ADA et de celle du témoin AT. Et je crois
25 pouvoir répondre de la façon suivante. L'argument du Procureur, c'est que
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1 si les soldats ont été vus par les soldats ADA tard dans la soirée du 15
2 avril -et n'oublions pas que selon le témoin ADA les maisons Kupreskic
3 étaient à une certaine distance de la maison de Vlatko Kupreskic-, eh
4 bien, l'accusation affirme que ceci ne concorde pas avec la déposition du
5 témoin AT. C'est pour cela que j'ai utilisé l'expression "diviser pour
6 régner".
7 Cependant, une analyse effective prouve, à notre avis, ce qui suit. Si
8 l'on commence par considérer la déposition prise en considération pour
9 prononcer la culpabilité de Vlatko Kupreskic sur le chef d'accusation n°1
10 où il est question des soldats, eh bien, nous voyons que Vlatko Kupreskic
11 a été condamné pour avoir été vu par les témoins L, M et O à la tombée du
12 jour, c'est-à-dire à 6 heures ou 6 heures et demie de l'après-midi aux
13 alentours des maisons Kupreskic, mais pas autour du garage de Branko
14 puisqu'il y a cette distance entre la maison de Vlatko Kupreskic et la
15 maison des frères Kupreskic.
16 Le fait que le témoin ADA ait vu des soldats devant le garage de Branko
17 est venu à l'appui des dires du Procureur, a aidé le Procureur et, pour
18 dire les choses très simplement, c'est une erreur de localisation et une
19 erreur de détermination de l'heure qui ont servi de base à la condamnation
20 de Vlatko Kupreskic.
21 S'agissant du témoin L, vous avez les moyens de preuve supplémentaires qui
22 jettent un doute très important sur les circonstances dans lesquelles les
23 soldats ont été vus à cet endroit et en compagnie de Vlatko Kupreskic -je
24 parle du témoin AT et du témoin ADA-, mais il importe aussi d'ajouter que
25 des facteurs, des éléments supplémentaires sont apportés.
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1 D'abord, la décision du Procureur est difficile à comprendre. On comprend
2 mal dans ces conditions ce que le témoin L a dit au sujet de l'accusé qui
3 a été acquitté -je parle de Papic- Alors que la charge retenue contre lui
4 était celle de meurtre, nous avons la déclaration du témoin L qui implique
5 Papic dans ce meurtre et il est difficile dans ces conditions de
6 comprendre pourquoi le Procureur a décidé de ne pas citer du tout le
7 témoin L à la barre.
8 Nous, pour notre part, nous affirmons ce qui suit. Il faut qu'un point
9 d'interrogation soit placé sur l'ensemble des déclarations du témoin L et,
10 deuxièmement, il y a des éléments nouveaux dans les dépositions qui
11 permettent des identifications.
12 La situation est la suivante. Le témoin L affirme avoir vu Vlatko
13 Kupreskic ainsi que Mirko Vidovic et d'autres devant sa maison à la tombée
14 du jour donc devant le magasin. Excusez-moi, à la tombée du jour, à
15 quelques mètres à peine de sa maison dans la soirée du 15, c'est-à-dire
16 tôt dans la soirée du 15. Cette identification contestée fermement par
17 Vlatko Kupreskic a été retenue par l'accusation, voilà ce qui s'est passé.
18 La défense au cours du procès a pu prouver, c'est ce que nous affirmons,
19 au-delà de tout doute raisonnable, que Mirko Vidovic n'aurait tout
20 simplement pas pu être vu à cet endroit. Des documents ont été produits au
21 cours du procès à l'appui de cette affirmation: un permis de circulation
22 du HVO, un passeport portant des sceaux, un certificat établi à Francfort
23 ont permis de démontrer qu'à ce moment-là, Mirko Vidovic était en
24 Allemagne et ne pouvait donc pas avoir été vu devant le magasin de Vlatko
25 Kupreskic à Ahmici.
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1 Donc, selon nous, si l'on tient compte du fait que Mirko Vidovic est un
2 voisin très proche de Vlatko Kupreskic, quelqu'un qui était bien connu du
3 témoin L a été mis en cause; je veux parler de Mirko Vidovic qui en fait à
4 l'époque se trouvait en Allemagne. Le même genre d'identification a été
5 faite pour Vlatko Kupreskic par le témoin L qui affirme l'avoir vu au même
6 moment dans le même endroit.
7 Donc le fait qu'il y ait eu erreur d'identification pour Mirko Vidovic à
8 elle seule aurait dû amener les Juges de la Chambre de première instance à
9 mettre en doute l'exactitude de l'identification du témoin L, lorsqu'il a
10 identifié Vlatko Kupreskic.
11 Bien entendu il est important -nous le soulignons dans nos écritures-, il
12 est important de se rendre compte que l'identification de Mirko Vidovic
13 était quelque chose d'assez important au cours du procès, et que la
14 Chambre de première instance finalement n'en a pas tenu compte. Nous
15 disons que c'était quelque chose de tout à fait important car ce témoin
16 était un témoin clé, un témoin tout à fait important s'agissant de
17 l'identification faite soi-disant par le témoin L. Nous pensons que
18 maintenant il peut y avoir suspension.
19 Mme la Présidente (interprétation): Il vous reste, selon mes calculs, 35
20 minutes lorsque nous reprendrons nos travaux. Mais pour le moment, nous
21 suspendons pour le déjeuner jusqu'à 14 heures 30. C'est un peu moins d'une
22 heure et demie mais il est plus facile, je crois, de reprendre à une heure
23 un peu ronde: c'est-à-dire 14 heures 30.
24 (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 35.)
25 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour à tous.
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1 Maître Abell, il vous reste je pense 35 minutes, enfin, pour vous ou pour
2 votre conseil également.
3 M. Abell (interprétation): Merci, Madame la Présidente.
4 Quatrième chapitre dans le cadre de l'appel relatif à la condamnation.
5 Nous allons parler de points divers, c’est-à-dire d'éléments de preuve
6 divers cités par l'accusation. Il y a le témoin B tout d'abord.
7 Observation contestée de sa part de Vlatko Kupreskic, alors que celui-ci
8 se serait trouvé devant l'Hôtel Vitez le 15 avril 1993. Selon nous, il
9 faut apporter le plus grand soin à l'examen de cette soi-disant preuve
10 parce que, à première vue, si on la prend de façon isolée, il ne s'agit
11 pas là d'un élément de preuve susceptible de prouver la culpabilité de
12 Vlatko Kupreskic; d'autant que le supermarché de Sutra de Vlatko à
13 l'inverse du magasin d'Ahmici, ce supermarché de Vitez est à quelques pas
14 à peine de l'hôtel Vitez près du poste de police. Et ceci ne prouve pas
15 qu'il y ait eu d'activité criminelle de la part de Vlatko Kupreskic.
16 Au moment du procès, Vlatko a contesté -comme il le fait encore
17 aujourd'hui-, qu'il a été présent à cet moment-là et à cet endroit-là.
18 Nous estimons qu'il s'agit-là d'une preuve problématique. Vous avez un cas
19 classique d'observation vraiment très rapide en passant. Nous avons cité
20 plusieurs grandes affaires dans notre recueil précédent notamment, la
21 reine contre Turnbull où vous avez des cas qui montrent comment il
22 faudrait qu'un tribunal jugeant les faits examine cette question.
23 "Le véhicule était en route, il se déplaçait". La personne qui aurait fait
24 cette observation se trouvait à environ 40 mètres de la personne qu'elle
25 aurait observée. Ce ne sont pas là des circonstances idéales, c'est le
Page 630
1 moins que l'on puisse dire, lorsqu'il s'agit de procéder à une
2 identification digne de foi.
3 Le témoin KL: là aussi il s'agit d'une observation contestée. Cette
4 personne aurait vu Vlatko Kupreskic sur la route le 15 avril. Ce témoin KL
5 aurait apparemment aussi identifié à une autre reprise Vlatko Kupreskic,
6 or, ceci a été rejeté par la Chambre de première instance. Il faut donc
7 apporter le soin le plus minutieux à l'examen de cet élément de preuve
8 pour voir s'il est digne de foi ou pas puisque la Chambre, en d'autres
9 occasions, a estimé que ces identifications n'étaient pas possibles.
10 Si l'on prend de façon isolée cet élément de preuve, une fois de plus on
11 ne peut pas dire que cela présente une preuve permettant de confirmer la
12 condamnation de Vlatko Kupreskic.
13 Quant au témoin T, j'en ai déjà parlé lorsque j'ai fait mes remarques
14 liminaires. Je l'ai cité comme exemple. Ce témoin a parlé de cette
15 allégation de déchargement d'armes en octobre 1992. La défense avait pour
16 thèse, au moment du procès, ceci: "Ce que l'on a peut-être déchargé
17 c'étaient des marchandises puisqu'il ne faut pas oublier que le sous-sol
18 de la maison de Vlatko Kupreskic, qui se trouve à proximité de son
19 magasin, est l'endroit où sont emmagasinées les marchandises.
20 Effectivement, il y a peut-être eu des chargements mais il se peut -avait
21 dit la défense à l'époque-, que c'était autre chose, qu'il y avait donc
22 une mauvaise interprétation du témoin. Il est important de constater que
23 la distance séparant le témoin T des activités qu'elle aurait observées
24 était d'environ 50 mètres. Ce témoin, au moment de sa déposition, n'a pas
25 été en mesure de décrire le type d'armes. Il est aussi important de
Page 631
1 relever que cette observation aurait eu lieu à la tombée de la nuit. Il
2 est étonnant qu'il n'y ait pas eu de contre-interrogatoire du témoin T
3 pour contester cet élément-là de sa déposition ou pour voir si ses
4 observations étaient viables ou pas.
5 L'accusation estime que c'était peut-être pour des raisons tactique que
6 ceci a été ignoré, nous ne sommes pas d'accord. Nous estimons que c'était
7 le devoir du conseil s'il y avait litige, comme c'était manifestement le
8 cas, puisque, au moment de sa déposition, Vlatko a nié que ceci eût lieu.
9 Il aurait été important de revoir ceci en contre-interrogatoire pour voir
10 si cette observation alléguée était fiable ou pas.
11 Malheureusement ceci n'a pas eu lieu. Mais nous le savons, nous savons que
12 Vlatko Kupreskic a rejeté toute responsabilité et a rejeté cette
13 observation au moment du procès.
14 Que représente ce témoignage si on l'examine à lui seul? Comme je l'ai
15 déjà dit, ceci s'est passé six mois avant l'incident du 16 avril 1993, à
16 un moment donc où la tension qui prévalait dans la région de Vitez
17 opposait Croates et Serbes, et non pas des Croates et des Musulmans. Nous
18 estimons qu'il y a là trop d'éléments distants pour donner à cet élément
19 de preuve le poids suffisant pour convaincre ce Tribunal au-delà de tout
20 doute raisonnable de la culpabilité de l'appelant.
21 Le témoin H a fait une observation contestée de Vlatko Kupreskic le matin
22 du 16 avril 1993. La Chambre de première instance -à notre avis ceci est
23 important-, la Chambre n'a pas tiré de conclusion quant à ce que Vlatko
24 Kupreskic aurait en fait fait. Selon nous, la Chambre s'est livrée à des
25 spéculations en disant que la seule présence (sans qu'il y ait preuve
Page 632
1 apportée de la moindre activité, par exemple d'une participation
2 quelconque), que la seule présence suffisait pour prouver la culpabilité
3 ou pour intervenir avec d'autres éléments de preuve pour prouver la
4 culpabilité.
5 On m'a dit que le témoin H a été très vivement critiqué par ceux qui
6 représentent les intérêts de Mirjan et de Zoran Kupreskic, et qu'un litige
7 s'est développé quant au peu de foi à accorder au témoin H. J'adopte par
8 avance les remarques qui seront faites quant au manque de fiabilité du
9 témoin H.
10 Je souligne toutefois, s'agissant de ce témoin, que la Chambre de première
11 instance n'a pas pu récolter d'idée ou déduire quoi que ce soit quant à ce
12 que faisait exactement Vlatko Kupreskic à ce moment-là précis.
13 Etant donné que Vlatko Kupreskic a dit, lors de sa déposition, qu'à un
14 moment donné il avait dû quitter l'abri où il s'était réfugié avec sa
15 femme et ses enfants, qu'il avait essayé de voir le sort de son père, voir
16 comment celui-ci était et qu'il était donc sorti de l'abri pour voir ce
17 qui se passait, pour voir s'il pouvait donner de l'aide à son père.
18 Il est donc possible que sa présence soit une présence innocente plutôt
19 qu'une présence coupable. Je suis désolé de me répéter, mais ce qu'il est
20 important de constater ici, c'est que, apparemment, d'après cette
21 observation, il ne faisait rien de précis, de particulier.
22 Je passe maintenant au chapitre 5, aux éléments de preuve relatifs à la
23 police.
24 Apparemment, ceux-ci se sont imposés ou se sont glissés dans l'évolution
25 du procès et se sont ainsi imposés à la Chambre de première instance.
Page 633
1 Mais, au départ, il n'y avait rien d'autre que deux documents, deux
2 feuilles de papier dont j'ai déjà donné les cotes.
3 Nous estimons que la Chambre ou l'importance, pardon, que la Chambre a
4 fini par accorder à ces documents n'a pas été vraiment apparente, ni à une
5 partie, ni à l'autre, au cours du procès. Nous estimons qu'apparemment,
6 c'est en dernière analyse que l'on a accordé une grande importance à ces
7 deux documents au moment du jugement et ceci a conditionné la façon dont
8 Vlatko Kupreskic a été perçu par la Chambre de première instance.
9 Et c'est en vue de cette connotation ou du fait de cette perception,
10 puisqu'on l'a présenté comme étant quelqu'un d'assez trouble, d'assez
11 louche, et c'est pour cela que l'on a fait un rapport entre lui et la
12 police. C'est un peu comme si tout ceci avait été repris dans tous les
13 aspects de l'identification indirecte dont j'ai déjà parlé.
14 Si vous voulez, cela a donné un vernis de culpabilité à certains éléments
15 de preuve, certaines pièces à conviction qui, sinon, auraient été sans
16 aucune importance. C'est un peu à cause de cela que l'on a accordé un
17 poids indu à cet élément de preuve et c'est la raison, à notre avis, pour
18 laquelle il faut traiter avec le plus de circonspection possible ces
19 éléments relatifs à la police. Nous pensons que les éléments de preuve
20 supplémentaires qu'il nous avait été autorisé à présenter à la Chambre
21 d'appel contribuent largement à expliquer et à neutraliser l'effet qu'ont
22 eu ces éléments de preuve relatifs à la police.
23 Et je reparle ici des positions de ADB, de ADC et de Miro Lazarevic. Les
24 éléments supplémentaires éclairent sous un jour nouveau leurs dépositions.
25 C'est très important à notre avis. Il est très important de constater que
Page 634
1 ces éléments de preuve déposés le 5 septembre 2000 n'ont pas été réfutés
2 par des éléments contraires qui auraient été cités par l'accusation.
3 Au contraire, au cours de la présentation des moyens de preuve, vous vous
4 en souviendrez peut-être, il y a eu certains éléments qui ont été soumis
5 en contre-interrogatoire aux témoins. Et nous avons, de ce fait, dû faire
6 faxer de Croatie un registre des payes -dont la cote est AD14-ter-, qui
7 venait à l'appui de ce qu'un des témoins avait dit. Il vous expliquait
8 comment se faisait le système de paiement et d'enregistrement des soldes à
9 payer.
10 Nous estimons que c'est ainsi que l'on a eu une idée du caractère
11 véridique et authentique des moyens de preuve que nous avons présentés,
12 pour ce qui est de la participation de Vlatko à la police. Nous avons
13 ainsi appris que c'était un homme qui travaillait à temps partiel pour
14 établir un inventaire qu'il faisait dans le cadre d'un équilibre assez
15 difficile puisqu'il essayait d'un côté de faire cela, mais aussi d'avoir
16 son métier de commerçant. Donc, ce n'est pas du tout un travail très
17 difficile pour lequel il aurait fallu nécessairement une formation
18 préalable.
19 Rappelez vous, nous avons pu citer des témoins qui ont prouvé de façon
20 tangible l'inexactitude d'un des documents sur lesquels s'est lourdement
21 appuyée la Chambre de première instance. Il y avait plusieurs noms dans
22 cette liste, dont celui de Vlatko Kupreskic; mais la nature de l'activité
23 à laquelle il s'était livré était tout à fait inexacte.
24 Si la Chambre de première instance avait eu le bénéfice de ces éléments de
25 preuve supplémentaires, il est certain qu'un doute aurait plané sur
Page 635
1 l'exactitude de ces deux documents; ce qui fait que la Chambre aurait eu
2 des doutes et se serait demandé si elle pouvait se fonder sur ces deux
3 documents.
4 Nous pensons que ceci donne une tournure radicalement différente aux
5 événements. On n'a plus cette connotation, ce vernis sombre et douteux qui
6 avait été posé sur Vlatko Kupreskic qui ainsi disparaît.
7 Dernier chapitre -et ce sera là ma conclusion: nous pensons que l'effet,
8 l'incidence de ces éléments de preuve supplémentaires permettent de jeter
9 le doute.
10 Tout d'abord, sur l'exactitude de ce qu'ont dit les témoins à charge les
11 plus importants: M, L et O, puisque eux portent sur le coeur même du
12 procès. Si vous les enlevez, il ne reste plus grand-chose.
13 Et nous avons aussi les éléments supplémentaires quant à la participation
14 de l'appelant à la police qui ont montré que l'appelant, en fait, n'avait
15 pas ce rôle. C'est ainsi neutralisé et ceci enlève l'élément sur lequel
16 s'est basée la Chambre de première instance pour le condamner. Si vous
17 retirez des éléments à charge, les témoignages des témoins L, M et O, il
18 ne reste plus grand-chose.
19 A notre avis, la question qu'il faut se poser est celle-ci: avec ce qui
20 reste comme moyens de preuve, avec ces reliquats de preuve, est-ce qu'une
21 Chambre d'appel peut être convaincue de sa culpabilité?
22 Il faut que la réponse soit négative à notre avis. Il pourrait y avoir un
23 doute au vu des éléments de preuve qui demeurent.
24 Je reviens à ma métaphore de la toile d'araignée. Ces fils qui constituent
25 cette toile, pour la plupart d'entre eux, ont été détruits par les
Page 636
1 éléments de preuve supplémentaires et la toile disparaît. C'est la raison
2 pour laquelle cette condamnation ne peut pas être maintenue.
3 La première conclusion tirée par la Chambre de première instance à propos
4 de Vlatko Kupreskic se trouve au paragraphe 462, où la Chambre tient
5 compte des éléments de preuve qui ne sont pas contestés, à savoir qu'avant
6 le conflit, cet accusé était en bonne relation, avait de bons rapports
7 avec les Musulmans et n'a jamais affiché de préjugés ethniques ou raciaux.
8 La Chambre tient aussi compte des éléments de preuve qui ne sont pas
9 contestés, selon lesquels "il souffrait d'une maladie cardiaque
10 congénitale et qu'il a de ce fait été dispensé de service militaire." (Fin
11 de citation.)
12 Ceci est un avis éclairant sur la personnalité et le passé de l'appelant.
13 Nous estimons que l'appel qu'il a interjeté devrait être reçu.
14 J'espère avoir répondu aussi au cours de mon intervention, répondu aux
15 questions que vous m'aviez posées avant que je ne commence lorsque j'ai
16 parlé de l'appel relatif à la condamnation. Je suis bien sûr prêt à
17 répondre à toute question que vous êtes supposé avoir et ceci, avant que
18 je ne passe la parole à Me Linvingston à propos de la peine.
19 Mme la Présidente (interprétation): Nous allons d'abord entendre Me
20 Livingston, et si nous avons des questions à poser sur la totalité de vos
21 deux interventions nous le ferons.
22 (Plaidoirie d'appel de Vlatko Kupreskic par Me Livingston.)
23 M. Linvingston (interprétation): J'aimerais commencer par des excuses.
24 Excusez-moi, Monsieur le Juge Pocar, je ne vous vois pas du tout à cause
25 du pilier qui nous sépare mais mes mots sont peut-être plus importants que
Page 637
1 mon apparence physique. Je parle donc du chapitre 7: la peine.
2 Je pense que je dispose d'environ 13 minutes.
3 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que vous pourriez utiliser le
4 micro, parce que les interprètes ont du mal à vous entendre.
5 M. Linvingston (interprétation): Voici en quelques mots notre thèse: la
6 peine imposée à Vlatko Kupreskic pour le chef n°1 était de 6 ans. Nous
7 estimons quelle est excessive. Nous n'analysons pas la situation comme le
8 fait l'accusation, nous n'examinons pas chacun des arguments repris dans
9 le mémoire de l'appelant pour ce qui est de la peine. Ce que nous disons,
10 c'est que la bonne démarche à adopter est d'avoir une démarche globale qui
11 recoupe tous les événements, tous les arguments. Il faut les prendre dans
12 leur globalité et vous verrez ainsi que si la Chambre de première instance
13 avait tenu compte de tous les éléments elle aurait imposé une peine plus
14 courte.
15 Il faut bien sûr remarquer, et au paragraphe 854 du jugement on le
16 précise, la Chambre a précisé quels étaient les facteurs qu'elle avait
17 pris en compte. Elle le fait des paragraphes 854 à 857. Au 854, on répète
18 qu'il est déclaré coupable; au paragraphe suivant, on a un résumé assez
19 bref qui s'en inspire, et au paragraphe d'après on dit qu'il était en bons
20 termes avec les Musulmans et qu'il n'avait manifesté aucun préjugé racial
21 ou nationaliste.
22 Et puis on fait référence au fait qu'il ne s'est pas livré au Tribunal. Ce
23 qui n'est pas considéré en sa faveur puisque le fait de reddition a été
24 considéré comme une circonstance atténuante pour les autres accusés.
25 Je dirai d'emblée qu'une Chambre n'a pas la tâche facile lorsqu'elle n'est
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1 pas assistée par un conseil de la défense qui interviendrait sur la
2 question de la peine -ce qui malheureusement a été le cas en l'espèce. Et
3 il est incontesté que le point de départ pour établir la peine est à
4 l'Article 24 du Statut, et les facteurs les plus importants qu'il faut
5 examiner sont au 24.2. C'est la gravité de l'infraction et les
6 circonstances individuelles de la personne condamnée.
7 Il y a bien sûr d'autres éléments qui sont repris dans l'Article 101 du
8 Règlements mais c'est le premier point qui est important. Je rappelle que
9 j'adopte tout ce qui est consigné dans le mémoire et tout ce qui a été dit
10 par Me Clegg ce matin, puisque j'ai peu de temps pour aborder tous ces
11 points moi-même.
12 J'ai abordé la teneur de l'Article 24 du Statut et j'en arrive ainsi au
13 paragraphe 5 du mémoire de l'appelant en matière de peine. C'est que ce
14 Tribunal devrait établir une grille de peines qui tienne compte par
15 exemple de la place qu'occupe l'appelant dans l'échelle de valeur ou de
16 gravité et puis, de voir aussi son degré de participation. Ce sur quoi
17 l'accusation n'est pas d'accord.
18 Apparemment, au paragraphe 38.11 de leur mémoire, en réplique, c'est ce
19 que l'accusation dit puisqu'elle dit qu'il ne doit pas y avoir une
20 hiérarchie de responsabilité pénale. Ce qui est alors motivé.
21 Mais les précédents établis par ce Tribunal s'opposent à ce que dit
22 l'accusation, nous avons deux affaires importantes l'appel: Tadic et
23 l'arrêt Aleksovski.
24 Reprenons tout d'abord l'arrêt Tadic, en son paragraphe 51. Si j'ai fait
25 état de ce paragraphe, c'est qu'il y a une note en bas de page de
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1 l'accusation qui fait référence au paragraphe 70, ce qui n'est pas exact.
2 Effectivement, les paragraphes concernés sont les paragraphes 51 à 58.
3 Mais commençons par le paragraphe 51. L'appelant dit qu'il est important
4 de mettre au point une grille de peines à décote pour ce Tribunal. Au
5 paragraphe 55 ont dit ceci, -je cite: "L'avis de la Chambre d'appel, la
6 décision en première instance vue dans le cadre de la jurisprudence du
7 Tribunal international et du Tribunal du Rwanda ne tient pas suffisamment
8 compte de la nécessité de tenir compte du rôle spécifique joué par
9 l'appelant dans le contexte plus large du conflit qui se déroulait en ex-
10 Yougoslavie." (Fin de citation.)
11 Paragraphe 56, on fait référence au caractère odieux des crimes commis par
12 l'appelant, mais on indique que le niveau qu'il occupait dans la structure
13 de commandement par rapport à celui de ses supérieurs était à l'échelon
14 inférieur. Ceci est repris aussi au paragraphe 184 de l'arrêt Aleksovski
15 où l'on dit ceci, -je cite: "La Chambre de première instance a eu raison
16 d'insister sur la nécessité d'établir une grille des peines". (Fin de
17 citation.).
18 Là aussi on fait référence à l'arrêt Tadic qui avait été rendu auparavant.
19 Nous pensons que l'appelant a raison d'arguer du fait que cette Chambre
20 d'appel devrait suivre ces arrêts précédents, à savoir qu'il faut replacer
21 le rôle de l'appelant dans le cadre plus large du conflit en ex-
22 Yougoslavie.
23 Au paragraphe 38.11, l'accusation dit qu'il se peut que le fait de la
24 complicité peut être considéré comme inférieur ou moins grave que le fait
25 d'avoir causé ou d'avoir été l'auteur principal, mais que ce n'est pas
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1 toujours le cas.
2 C'est difficile de les comprendre puisque l'on dit: "Si quelqu'un ordonne
3 un crime de guerre ou aide à ce que soit ordonné un crime de guerre, il
4 encourt autant de responsabilité que celui qui l'a commis". Mais ceci n'a
5 pas de sens: ce n'est pas la même chose de commettre un crime que d'aider
6 à le commettre. Donc ceci n'est pas du tout utile et la proposition faite
7 par l'appelant, à savoir que le comportement d'un complice sera toujours
8 inférieur au niveau de la gravité que celui d'un auteur, nous pensons que
9 ceci doit être adopté par la Chambre en la présente espèce.
10 Paragraphe 38.14: des arguments écrits de l'accusation. Pour ce qui est de
11 la détermination de la peine elle doit être conforme à la gravité du
12 comportement, et ceci ne doit pas se faire par comparaison avec les faits
13 allégués d'autres que cette Chambre première instance connaît ou ne
14 connaît pas. Donc ceci est tout à fait contraire aux arrêts Tadic et
15 Aleksovski. On ne voit pas comment on peut établir une échelle de gravité
16 de la peine sans tenir compte du comportement de l'appelant, et sans faire
17 de comparaison avec d'autres, qu'ils soient connus ou qu'ils ne soient pas
18 connus de la Chambre de première instance.
19 Par conséquent, si l'on voit ce qui est dit par l'accusation dans le
20 paragraphe suivant lorsqu'elle se fonde sur l'arrêt Celebici, on voit même
21 comment ceci s'applique puisque, -je cite-, ici on dit: "Une échelle qui
22 se fonderait sur le rôle occupé par l'accusé dans le conflit n'entraîne
23 pas une peine faible pour tous ceux qui se trouvaient à un échelon
24 inférieur dans la structure générale de commandement. Au contraire, la
25 peine doit toujours réfléchir la gravité inhérente d'un crime qui est
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1 déterminé par les circonstances propres à l'affaire, mais aussi tenir
2 compte du degré de responsabilité qu'avait l'accusé".
3 Sauf le respect que nous devons à l'accusation, l'appelant dit exactement
4 ce qu'a dit la Chambre d'appel Celebici, Vlatko Kupreskic ne dit pas ce
5 que lui impute l'accusation; on n'a jamais dit que cet appelant se
6 trouvait à un niveau inférieur de commandement, il n'a jamais occupé la
7 moindre position de commandement. Si vous voyez le poste qu'il occupait,
8 en fait c'est un accusé qui a peu de responsabilités comparé à d'autres,
9 qui n'a qu'une responsabilité très limitée pour ce qui s'est passé à
10 Ahmici. Il n'a qu'un rôle de complice de quelqu'un qui a aidé à ce que ce
11 soit commis. C'est un rôle grave, certes, et sérieux, mais n'il faut pas
12 le propulser à un niveau qu'il n'a pas, qu'il ne mérite pas.
13 Si vous voulez voir la gravité de l'infraction, si vous voulez déterminez
14 son niveau de responsabilité, vous pourrez constater que c'est un accusé
15 de faible responsabilité dont la peine doit refléter la faible
16 responsabilité qu'il a affiché.
17 L'accusation poursuit, elle aborde la question des peines infligées dans
18 d'autres affaires. Nous sommes au paragraphe 3818. Je n'ai pratiquement
19 plus de temps, il me reste trois minutes apparemment; je me contenterai de
20 dire ceci: je me fonde sur les affaires citées dans notre mémoire. En
21 effet, si l'on examine les faits établis en l'espèce pour Zoran et Mirjan
22 Kupreskic, Zoran bien sûr a été condamné parce qu'il se trouvait à un
23 niveau de commandement inférieur, mais ils ont été condamnés tous les deux
24 -comme on le voit au paragraphe 852. Ils ont été jugés coupables de
25 persécution pour avoir expulser des Musulmans, dont des enfants d'Ahmici,
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1 et pour leur présence active dans la région.
2 Alors ce que nous disons, même si vous estimez que huit ans est une peine
3 que Vlatko Kupreskic méritait, elle ne traduit pas la responsabilité
4 inférieure de Vlatko Kupreskic vu les circonstances.
5 Je ne vous ai pas parlé des peines minimales, je pense que nous l'avons
6 déjà fait par écrit, je ne pense pas avoir quoi ce soit à ajouter. Maître
7 Pavkovic a parlé en partie de la grille des peines en ex-Yougoslavie, je
8 me base sur l'Article 154 de la grille des peines en matière de
9 persécutions et je pense que la question de la persécution raciale est
10 très importante, parce que, ici, dans ce Tribunal, la persécution se fonde
11 sur la discrimination raciale. C'est la raison pour laquelle certains
12 actes ont été commis. Par conséquent, il ne faut pas ignorer ce fait.
13 Je crois que j'ai dépassé le temps imparti d'environ 30 secondes. Je ne
14 sais pas si vous avez d'autres questions à me poser.
15 J'en ai ainsi terminé.
16 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Maître Livingston.
17 J'aimerais demander à mes collègues s'ils souhaitent poser des questions.
18 Ce n'est pas le cas.
19 Maître Abell, moi, j'aurais deux questions à vous poser.
20 M. Abell (interprétation): Je suis tout à fait prête à vous aider, Madame.
21 (Questions de Mme la Présidente à Me Abell.)
22 Mme la Présidente (interprétation): Je voudrais bien comprendre: lorsque
23 vous parlez des éléments de preuve soumis à la Chambre de première
24 instance, nous parlons ici de ce qu'elle a entendu elle-même, pas de se
25 présenter en vertu du 115. Vous avez dit que ces éléments de preuve
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1 étaient ténus. Vous avez beaucoup insisté sur le fait que ceci donne un
2 éclairage tout à fait nouveau.
3 Mais est-ce que vous dites, en guise d'arguments séparés, que les éléments
4 de preuve soumis à la Chambre de première instance étaient insuffisants
5 pour emporter condamnation pour ces crimes qui lui ont été reprochés,
6 indépendamment de l'article 115?
7 La raison de ma question est celle-ci: la réponse de Me Clegg -et je pense
8 que vous avez adopté l'interprétation générale qu'il a faite de l'Article
9 115, si les éléments versés en vertu de l'Article 115 répondaient aux
10 critères de ce "could" ou de ce "might"-, à ce moment-là, d'après Me
11 Clegg, dans la plupart des cas les éléments se regroupent au milieu de ce
12 spectre; pas un extrait ou un autre. Est-ce que c'est quelque chose que
13 vous voulez pour votre client? Qu'est-ce que vous demandez? Une peine
14 minimale? Comment conciliez-vous les deux?
15 M. Abell (interprétation): Nous parlons de deux sujets liés à cette
16 question faite par vous, Madame la Présidente.
17 Tout d'abord, la question de savoir comment expliquer cet aspect ténu dont
18 je parlais. Le fondement A de notre appel -et je ne souhaitais pas
19 m'attarder trop là-dessus-, mais nous nous appuyons sur les éléments de
20 preuve en vertu de l'Article 115. Et sur la base des moyens de preuve dont
21 disposait la Chambre de première instance, nous considérons qu'il n'y a
22 pas eu suffisamment de moyens de preuve permettant à la Chambre de
23 conclure, au-delà de tout doute raisonnable, que cet homme était coupable
24 -même en tant que complice- est la personne qui a incité à commettre et à
25 encourager les persécutions. Donc ceci fait partie de nos fondements
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1 d'appel.
2 J'espère avoir ainsi répondu à votre première question.
3 Mme la Présidente (interprétation): Oui, vous avez dit cela dans votre
4 mémoire. Je souhaitais savoir si vous maintenez cette position.
5 M. Abell (interprétation): Oui, nous avons simplement souhaité, par le
6 biais des arguments oraux, établir un supplément par rapport à ce que nous
7 avons écrit. Mais si nous revenons en arrière, au moment où nous avons
8 fait notre demande en vertu de l'Article 115 (et peut-être que j'aurai
9 besoin d'un peu de temps afin de trouver le paragraphe en question d'ici
10 demain, je pense que je pourrais le faire ou bien peut-être un peu plus
11 tard cet après-midi), nous nous sommes penchés sur la question de savoir
12 ce qui devrait se passer. Nous nous sommes dit que, si peut-être les
13 moyens de preuve en vertu de l'Article 115 étaient admis, la Chambre de
14 première instance auraient dû revoir sa décision à la baisse. Mais nous
15 considérons donc qu'il y avait deux issues.
16 D'un côté, que la Chambre de première instance revoie cette décision à la
17 baisse suite à la réception des moyens de preuve en vertu de l'Article
18 115; et l'autre issue, celle qui a été adoptée, est que la Chambre d'appel
19 entende les éléments de preuve supplémentaires pour ensuite prendre ses
20 décisions.
21 Lorsque la Chambre d'appel n'a pas pu entendre les dépositions des
22 témoins, ni voir au cours du procès les moyens de preuve présentés pendant
23 la procédure préalable, la Chambre d'appel ne peut pas adopter la décision
24 définitive. Mais elle peut répondre à la question de savoir si une autre
25 Chambre ou la même Chambre de première instance avec ces nouveaux moyens
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1 de preuve, est-ce qu'elle aurait eu un doute par rapport à ces
2 conclusions?
3 Mme la Présidente (interprétation): Mais, vous nous demandez à nous de
4 prendre cette décision.
5 M. Abell (interprétation): Oui, et il s'agit là de la décision la plus
6 importante.
7 Je souhaite demander juste encore un peu de votre temps. Il s'agit ici
8 d'une demande, d'un fait qui a eu lieu il y a environ un an. C'est
9 l'affaire Michael Davis/Rafael Rowe/ Randolf Johnston. Il s'agit d'une
10 affaire célèbre au Royaume-Uni qui traite des questions que vous venez de
11 poser. Et nous y voyons, ceci figure au recueil des affaires criminelles
12 en appel de l'année 2001 avec les rapports qui nous concernent à la page
13 115. Et nous pouvons voir dans le paragraphe 95 -je cite: "D'après nous,
14 la procédure à l'encontre des trois appelants est extrêmement solide. Les
15 moyens de preuve concernant Rowe, selon tous les chefs d'accusation,
16 étaient convaincants. Cependant, nous sommes obligés d'adopter l'approche
17 décrite préalablement dans ce jugement, à savoir à supposer que des
18 irrégularités qui n'ont pas été identifiées ne s'étaient pas produites.
19 Est-ce que le jury raisonnable aurait certainement trouvé la personne
20 coupable? En vérité, nous ne pouvons pas dire avec certitude que ceci
21 aurait été le cas et, du point de vue d'aujourd'hui, nous ne pouvons
22 simplement pas évaluer l'impact de ces matériels potentiels sur l'affaire
23 Johnson.". (Fin de citation).
24 Donc le Procureur a omis de fournir les documents à la défense et ceci n'a
25 pas du tout été présenté au moment du procès. Je pense qu'il est possible
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1 d'établir une analogie entre l'affaire décrite et l'affaire présente.
2 Mme la Présidente (interprétation): Je pense que vous avez répondu à mes
3 questions et je souhaite que l'on donne la parole à Me Radovic maintenant.
4 Si j'ai bien compris, vous et le conseil de la défense de Mirjan
5 Kupreskic, vous avez décidé de diviser le temps qui vous était imparti.
6 Maintenant, il est 3 heures 15. Nous disposons d'encore deux heures à peu
7 près. Nous allons lever la séance à 17 heures 15. Donc cela veut dire que
8 vous pouvez diviser le temps comme vous semble, mais à mon avis, vous
9 aurez environ 50 minutes chacun et nous pourrons poursuivre demain matin.
10 (Plaidoirie d'appel de Zoran Kupreskic par Me Radovic.)
11 M. Radovic (interprétation): J'ai commencé ce matin mon intervention en me
12 penchant sur le jugement rendu par la Chambre de première instance. J'ai
13 parlé de la motivation qui est nécessaire en tant qu'accompagnement du
14 résumé du jugement, donc je souhaite maintenant parler d'autres choses.
15 L'un des éléments où le jugement n'est pas conforme aux normes requises
16 est le fait que la motivation n'est pas toujours conforme au compte rendu
17 d'audience puisque, dans la motivation, nous trouvons parfois la
18 description des faits d'une certaine manière dans le compte rendu
19 d'audience, mais si nous nous penchons sur le compte rendu d'audience,
20 nous voyons autre chose.
21 Ensuite, il est stipulé que la Chambre de première instance peut conclure,
22 peut tirer ses conclusions seulement sur la base des faits qui ont été
23 présentés lors de la procédure. Donc, par exemple, si la Chambre dit:
24 "Ceci ou cela a été constaté ou n'a pas été constaté", ceci doit être
25 corroboré par le biais des faits établis dans le cadre de la procédure et
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1 non pas en adoptant ses propres conclusions sans égard aux faits présentés
2 dans le cadre de la procédure.
3 Ensuite la Chambre n'a pas respecté l'Article 21 du Statut de ce Tribunal,
4 à savoir que la Chambre n'a pas accordé un traitement égal à tout le monde
5 devant ce Tribunal. Le meilleur exemple de ce fait est la note en bas de
6 page 589. Et cette note en bas de page est écrite, à notre avis, d'une
7 manière complètement incroyable. Il est écrit que "l'on ne fait pas
8 confiance aux témoins à décharge par rapport à un fait tout simplement
9 parce que ce sont les témoins à décharge qui ont confirmé ce fait, même si
10 ce fait n'a pas été contesté par l'accusation et l'accusation n'a fourni
11 aucune preuve pour contester ce fait. Si nous suivions la logique de la
12 Chambre de première instance, tout ce qui a été prouvé par la défense,
13 notamment en ce qui concerne Mirjan et Zoran Kupreskic, était absurde.
14 Car, quoique l'on fasse, la Chambre de première instance ne nous fait pas
15 confiance puisque, selon cette note en bas de page, la Chambre ne fait pas
16 confiance aux témoins à décharge.
17 Ensuite, le Tribunal ne respecte pas le principe que j'ai déjà mentionné
18 dans l'élément suivant. Au paragraphe 162 du jugement, la Chambre a
19 accepté ce que nous avons dit, à savoir que le conflit du 20 octobre 1992
20 avait été provoqué par les Musulmans. Cependant, la Chambre de première
21 instance peut se pencher sur sa conclusion finale et, selon cette
22 conclusion finale, l'unité de l'armée de Bosnie-Herzégovine ne se trouvait
23 pas à Ahmici. Donc, afin d'éviter dès ici la conclusion contradictoire par
24 rapport au but posé, dans le point 162, voici ce que la Chambre conclut:
25 "Certains Musulmans locaux se sont joints eux aussi au conflit ou bien ils
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1 ont fourni une aide aux combattants.". Donc ceci corrobore le point de vue
2 selon lequel le conflit avait été provoqué par les Musulmans.
3 Une telle affirmation de la Chambre de première instance par rapport aux
4 Musulmans et par rapport aux Croates va à l'encontre, totalement, par
5 rapport aux moyens de preuve présentés.
6 Par rapport aux Croates, par exemple, aucun des témoins ne confirme que
7 les Croates d'Ahmici avaient pris part au conflit, sauf un ou deux témoins
8 qui ont dit cela seulement à l'égard de Dragan Papic et non pas qui que ce
9 soit d'autre, alors que Dragan Papic a été acquitté de tous les chefs
10 d'accusation.
11 S'agissant de la question de savoir qui étaient les Musulmans, membres de
12 l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui avaient participé au conflit du 20
13 octobre, nous nous appuyons exclusivement sur les déclarations des témoins
14 de l'accusation, puisque nous ne souhaitons pas nous référer à nos propres
15 témoins, puisque la Chambre de première instance ne leur fait pas
16 confiance, puisqu'il s'agit là des témoins de la défense.
17 Par exemple, les témoins Abdulah Ahmic, B, Mehmed Atic, Fahrudin Ahmic, le
18 témoin N, le témoin V, le témoin AA et toute une série d'autres témoins
19 qui ont déposé au sujet de cela, disent que les membres de l'armée de
20 Bosnie-Herzégovine qui avaient provoqué le conflit le 20 octobre 1992
21 étaient exclusivement des citoyens de la partie musulmane d'Ahmici, à qui
22 sont venus en aide les habitants du village avoisinant de Vrhovine.
23 Mis à part cela, la Chambre de première instance, dans les paragraphes 125
24 et 511 du jugement, affirme que la défense avait présenté les moyens de
25 preuve concernant les crimes commis par les Musulmans à l'encontre des
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1 Croates avant le 16 avril 1993, afin de justifier le crime commis à
2 l'encontre des Musulmans à Ahmici. A aucun moment, la défense de Zoran ni
3 de Mirjan Kupreskic n'a présenté les moyens de preuve pour des raisons
4 décrites dans la motivation du jugement. Lorsque le Président de la
5 Chambre de première instance nous a demandé pour quelle raison nous
6 présentions ce genre de moyens de preuve, nous avons expliqué nos raisons.
7 Maintenant je vais les répéter: la raison pour laquelle nous avons
8 présenté les moyens de preuve concernant les crimes commis par les
9 Musulmans à l'encontre des Croates, ces moyens de preuve-là ont été
10 présentés exclusivement afin de justifier l'état d'esprit des accusés au
11 moment où ils ont reçu l'information selon laquelle il fallait évacuer
12 leur famille puisque, d'après les renseignements, le 16 avril 1993, les
13 Musulmans allaient attaquer les Croates.
14 Les Kupreskic se trouvaient à une échelle, à un niveau tellement bas, ou
15 plus précisément ne faisaient pas partie de la chaîne de commandement, ni
16 des pouvoirs civils ni des pouvoirs militaires, donc ils ne pouvaient pas
17 disposer des informations exactes. Donc, les informations qu'ils
18 recevaient de la part des sources croates, ils devaient les considérer
19 comme exactes. Et si ces informations s'étaient arrêtées…, le fait que ces
20 informations étaient exactes était consolidé à leurs yeux en raison des
21 incidents qui se sont produits préalablement. Et c'est la seule raison
22 pour laquelle nous avons présenté ces moyens de preuve.
23 Un autre détail intéressant existe concernant l'approche différente des
24 moyens de preuve différents, à l'égard de la pièce à conviction 353, la
25 pièce à conviction de l'accusation. Dans les paragraphes 377 et 342 du
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1 jugement, il est écrit qu'il s'agit là d'un document qui contient la liste
2 des réservistes de la composante militaire du HVO.
3 Dans les paragraphes 421 et 773 du jugement, sur la base de ce même
4 document, il est constaté que l'accusé était un membre actif du HVO.
5 Quant à la question de savoir quelle est la différence entre membres
6 actifs et de réserve de l'armée, j'en parlerai plus tard plus, même si
7 nous avons eu des discussions longues au moment du procès au sujet de
8 cela; telles que parfois nous employions le terme "activistes de réserve"
9 ou "réservistes d'active", alors que ces deux notions excluent l'une
10 l'autre.
11 Mis à part cela, dans le paragraphe du jugement 423, la Chambre n'essaie
12 pas d'établir les faits afin de constater au-delà de tout doute
13 raisonnable un fait pertinent. C'est ainsi que dans le paragraphe 423 il
14 est stipulé que les deux accusés, peut-être le 15 avril, ont pu être au
15 travail. Peut-être, ce soir-là, ils étaient même des invités dans la
16 maison de Ivica Kupreskic, Ivica Kupreskic qui a reçu la veille sa femme
17 qui était rentrée d'Allemagne où elle bénéficiait du statut de réfugiée.
18 La Chambre de première instance aurait dû préciser plus concrètement s'ils
19 étaient au travail et s'ils étaient chez Ivica Kupreskic, alors que
20 l'expression selon laquelle les accusés aient pu être au travail et qu'ils
21 aient pu se rendre dans la soirée à une réunion chez Ivica Kupreskic n'est
22 pas une expression appropriée pour un jugement. Mais il est intéressant de
23 voir de quelle manière on conclut que, dès le 15 avril, les accusés
24 savaient ce qui allait se passer le 16 avril.
25 Dans le paragraphe 423 du jugement il est écrit qu'ils devaient le savoir,
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1 alors qu'au paragraphe 473 "ils auraient dû savoir"devient "ils le
2 savait", "ils avaient connaissance". J'ai déjà parlé du fait que lors de
3 cette procédure, s'agissant des mêmes faits, ils sont interprétés de
4 manière différente par rapport aux accusés différents.
5 Maintenant, je souhaite dire quelque chose concernant l'emploi de la
6 déclaration du témoin protégé AT. Je ne vais pas parler longuement du
7 contenu de sa déclaration, de sa déposition, mais seulement de la
8 possibilité que nous, la défense, avions d'avoir recours à cette
9 déposition; là je parle de la défense de Zoran et Mirjan Kupreskic. Mais
10 je ne sais pas s'il est nécessaire de passer à un huis clos partiel pour
11 traiter de ce sujet.
12 Mme la Présidente (interprétation): Maître Radovic, cela dépend de votre
13 évaluation. Je pense qu'il faut prendre des précautions. Si vous
14 considérez que, peut-être, vous allez dévoiler des éléments permettant
15 d'identifier le témoin protégé il vaut mieux éviter.
16 M. Radovic (interprétation): Très bien, je pense que dans cette partie il
17 n'y a pas besoin de passer à un huis clos partiel.
18 Mme la Présidente (interprétation): Très bien, vous allez faire attention.
19 M. Radovic (interprétation): Moi, je suis toujours coupable, j'ai
20 l'habitude.
21 Mme la Présidente (interprétation): J'ai dit que vous alliez être attentif
22 et non pas coupable.
23 M. Radovic (interprétation): Donc les mêmes faits sont interprétés de
24 manière différente par rapport aux accusés différents et justement, il n'a
25 pas été permis aux autres conseils de la défense de se référer au procès-
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1 verbal de son entretien avec le Procureur, de l'entretien de Zoran
2 Kupreskic. Mais dans la décision prise par la Chambre de première instance
3 le 29 mai, il est dit que Vlatko Kupreskic… qu'il était possible
4 d'employer le compte rendu concernant l'entretien que Vlatko Kupreskic
5 avait accordé au Procureur. Donc je pense que ceci permet à la défense de
6 se référer à ce compte rendu. C'est notre interprétation, mais si l'on
7 n'acceptait pas notre interprétation nous arriverions dans une situation
8 absurde de nouveau, puisque nous avons un témoin qui a parlé de la
9 présence des soldats dans les maisons de Kupreskic.
10 Ici, cela voudrait dire que l'on fait confiance à la déclaration du témoin
11 AT en qui concerne les deux Kupreskic mais pas en ce qui concerne le
12 troisième Kupreskic. Or, la vérité n'est qu'une, il ne peut pas y avoir
13 deux vérités pour deux accusés différents.
14 Dans le jugement, nous pouvons voir une approche différente par rapport
15 aux témoins différents. Par exemple, le témoin C la Chambre de première
16 instance ne lui a pas fait confiance puisque la personne était jeune au
17 moment des faits et dans une situation de stress. Or, il s'agit de la
18 personne qui a identifié une autre personne qu'elle a vu ce jour-là. Pour
19 la même raison on ne fait pas confiance au témoin G non plus. En ce qui
20 concerne le témoin KL qui est pertinent par rapport à 10 chefs
21 d'accusation, d'après la Chambre de première instance, il ne faut pas lui
22 faire confiance puisque la Chambre de première instance considère que
23 cette personne a eu une conclusion erronée même si elle a pu voir les
24 personnes qui étaient éclairées de lumière électrique.
25 D'autre part, la Chambre fait confiance au témoin H qui a identifié un
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1 certain nombre de personnes qui se trouvaient chez elle alors qu'il n'y
2 avait pas de lumière allumée chez elle, et malgré toute une série de
3 déclarations qui vont à l'encontre de ce qu'elle a dit et qui diminue la
4 crédibilité de sa déclaration. Or, la Chambre de première instance ne note
5 pas ces objections-là.
6 Par ailleurs, la Chambre a affirmé un certain nombre de choses qui ne sont
7 pas confirmées. Au point 163 du jugement, s'agissant des événements qui se
8 sont déroulés, ceux du 29 octobre 1992, il est écrit que les Musulmans ont
9 quitté le village alors que les Croates y sont restés. Cependant, Zoran et
10 Mirjan Kupreskic ont grâce à leur propre déposition, ainsi que grâce à la
11 déposition d'un certain nombre de témoins de la défense, apporté la preuve
12 incontestable qu'eux aussi ont quitté Ahmici accompagnés des membres de
13 leur famille et qu'ils ne sont retournés chez eux qu'au moment où les
14 Musulmans sont rentrés.
15 Autrement dit, ils ont estimé qu'ils garantissaient d'une pleine sécurité
16 dans leur village, seulement et uniquement si leurs voisins musulmans se
17 sentaient en sécurité dans ce village. Autrement dit, il n'y avait pas de
18 sécurité pour les uns et cela entraînait l'absence de sécurité également
19 pour les autres.
20 S'agissant du témoin H, je me vois contraint de dire quelque chose qui ne
21 plaira pas au Procureur, à savoir que nous avons un doute fondé quant au
22 fait que le Procureur n'a pas rempli son obligation en application de
23 l'Article 68 du Règlement de procédure et de preuve qui stipule que le
24 Procureur est dans l'obligation de communiquer à la défense les éléments
25 de preuve à décharge.
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1 Ce doute, je le justifie par les propos qui suivent: dans le système
2 judiciaire pénal de l'ex-Yougoslavie, il y avait plusieurs organes chargés
3 de procéder à l'interrogatoire des témoins. Dans ce système, ce n'étaient
4 pas les enquêteurs de la défense ou du Procureur qui procédaient à ces
5 interrogatoires, mais c'étaient des policiers. Et dans le cas de la
6 Bosnie-Herzégovine, cette tâche incombait au bureau chargé de
7 l'établissement des crimes de guerre et aux juges d'instruction.
8 Le fait que cette procédure a été respecté ressort de ce qu'a dit le
9 témoin Djana Ajanovic qui travaillait à la Cour suprême de Zenica.
10 La première déclaration que nous recevons du témoin H est celle que ce
11 témoin a faite devant le juge d'instruction du Tribunal supérieur de
12 Zenica, dans le cadre de l'enquête menée en décembre 1993, c'est-à-dire
13 huit mois après les événements dont ce témoin parle dans sa déposition.
14 Contrairement à ce qui s'est passé pour le témoin H, le témoin SA qui
15 était la mère du témoin H, le témoin EE qui était la tante du témoin H et
16 le témoin KL qui est le grand-père du témoin H, ont été interrogés par la
17 police et nous disposons de ces déclarations faites devant la police,
18 déclarations enregistrées très peu de temps après l'arrivée des réfugiés
19 musulmans à Zenica.
20 Au cours de ces premiers interrogatoires réalisés par la police, ni le
21 témoin KL ni le témoin SA n'ont identifié les auteurs des actes évoqués.
22 Mais ces témoins ont expliqué pour quelle raison ils étaient incapables de
23 procéder à cette identification ou, pour être plus précis, ils ont
24 expliqué que les attaquants portaient des masques qui ne comportaient que
25 des petites ouvertures pour les yeux, le nez et la bouche. C'est donc en
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1 raison de ces masques ou de ces cagoules qu'ils ont été incapables
2 d'identifier qui que ce soit.
3 Ceci est d'ailleurs particulièrement intéressant. En effet, nous
4 constatons que dans ces deux déclarations d'interrogatoire, le témoin KL
5 et le témoin SA décrivent exactement de la même façon les attaquants
6 lorsqu'ils décrivent ces cagoules. Ces premiers interrogatoires, nous ne
7 disposons pas de la déclaration de tels interrogatoires pour le témoin H
8 alors que, pour les deux autres, il existe également des déclarations
9 faites par eux devant le bureau chargé des crimes de guerre de la Bosnie-
10 Herzégovine. Mais, pour le témoin H, ses déclarations faites devant le
11 bureau chargé d'enquêter sur les crimes de guerre n'existent pas non plus.
12 Le témoin KL mentionne Zoran et Mirjan Kupreskic dans sa première
13 déposition faite devant la police et, interrogé par le juge d'instruction
14 du Tribunal supérieur de Zenica, en décembre 1993, il les mentionne
15 également. Mais lorsqu'il les mentionne, il ne dit pas les avoir reconnus,
16 mais dit que deux soldats ressemblaient beaucoup à Zoran et à Mirjan
17 Kupreskic. Autrement dit, il parle de la ressemblance de ces hommes, mais
18 ne dit nulle part qu'il est certain de les avoir identifiés en bonne et
19 due forme.
20 Et là, nous arrivons à quelque chose d'assez intéressant. Dans son
21 jugement d'acquittement à l'égard de Zoran et de Mirjan Kupreskic,
22 s'agissant des événements survenus dans la maison de KL, le Tribunal
23 déclare que le témoin KL est un témoin sincère, mais que, parce qu'il a eu
24 des conversations avec des tiers, il s'est convaincu lui-même du fait que
25 ces soldats étaient Zoran et Mirjan Kupreskic et que c'est pour cette
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1 raison qu'il a déclaré qu'il s'agissait de soldats qui ressemblaient à
2 Zoran et à Mirjan Kupreskic.
3 Par ailleurs, le jugement stipule que le témoin KL, après avoir parlé avec
4 le témoin H qui est sa petite-fille, s'est convaincu lui-même de cette
5 ressemblance. Je rappelle ce fait en dépit du fait que nous ne disposons
6 d'aucune déclaration émanant du témoin H, même pas de celle faite devant
7 le juge d'instruction.
8 Le témoin Djana AJanovic a mentionné le fait que les habitants d'Ahmici
9 ont parlé les uns avec les autres au sujet des souffrances qu'ils ont
10 endurées, et qu'ils ont tous essayé de déterminer qui avait bien pu être
11 l'attaquant.
12 Lorsque le Tribunal stipule que le témoin KL a parlé sous l'influence de
13 ce que lui avait dit sa petite-fille, je me vois contraint de dire -avec
14 tout le respect que je dois pour le Tribunal-, que la Chambre de première
15 instance connaît mal les habitudes en vigueur en Bosnie. Car en Bosnie il
16 n'est pas courant qu'un homme d'âge mûr écoute ce que lui dit un enfant de
17 13 ans. C'est le contraire qui se produit.
18 Une fois que le témoin KL a évoqué la ressemblance physique, une
19 déclaration est faite devant le juge d'instruction au mois de décembre,
20 déclaration dans laquelle le témoin H et sa mère, le témoin SA, procèdent
21 à une identification certaine.
22 Eh bien, s'agissant du témoin SA, nous estimons que le Tribunal a enfreint
23 les droits de la défense, et je vais m'efforcer d'être très bref sur ce
24 point.
25 Le témoin SA figurait sur la liste des témoins de l'accusation comme étant
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1 un témoin qu'il convenait d'entendre. Mais le Procureur a eu la
2 possibilité de lire les diverses déclarations émanant de ce témoin et,
3 finalement, il a renoncé à l'entendre, en dépit du fait que jusqu'à la
4 dernière minute il nous a laissé croire que l'audition de ce témoin allait
5 se produire. Cependant ce n'était pas la vérité puisque sa fille, le
6 témoin H, déclare que sa mère n'est pas venue à La Haye dans le but de
7 témoigner mais simplement pour lui tenir compagnie à elle.
8 Le Procureur a justifié son renoncement d'entendre le témoin SA par l'état
9 de santé de ce témoin SA et à ce momentn une chose s'est produite que je
10 n'ai jamais vue dans toute ma carrière -et je crois que vous ne l'avez
11 jamais vue non plus-, à savoir que c'est un travailleur social qui a
12 confirmé l'état de santé de ce témoin et pas un médecin.
13 Je vous demande un instant. Je ne connais pas le droit anglo-saxon
14 parfaitement bien mais je crois que, même dans le cadre du droit anglo-
15 saxon, il est impossible que l'état de santé de quelqu'un soit confirmé ou
16 vérifié par un travailleur social.
17 Mme la Présidente (interprétation): Je vois que le Procureur souhaite
18 prendre la parole.
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22 (Audience à huis clos partiel à 15 heures 53.)
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21 (Audience publique à 15 heures 54.)
22 M. Radovic (interprétation): S'agissant des faits, nous estimons que ces
23 fait n'ont pas été appréciés de façon correcte s'agissant des événements
24 survenus le 20 octobre 1992, et de la participation de Zoran et de Mirjan
25 Kupreskic dans les rangs du HVO avant la date du 18 avril, ainsi que de la
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1 responsabilité de commandement de Zoran Kupreskic en avril 1993. Nous
2 estimons que les faits ne sont pas non plus bien appréciés s'agissant de
3 la participation de Zoran et de Mirjan Kupreskic aux événements
4 ultérieurs.
5 Mme la Présidente (interprétation): Vous devez ralentir c'est la demande
6 des interprètes.
7 M. Radovic (interprétation): Je répète: les faits ont été mal appréciés
8 par la Chambre de première instance à notre avis, s'agissant des
9 événements survenus à Ahmici le 20 octobre 1992, s'agissant également de
10 la présence de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici.
11 Sur ce point B, je reviendrai à la fin de mon exposé si j'ai encore
12 quelque temps à ma disposition car ce point n'est pas capital dans le
13 cadre de notre système de défense.
14 Il y a erreur également s'agissant de la participation de Mirjan et de
15 Zoran Kupreskic dans les rangs du HVO avant le 18 avril 1993. Il y a
16 erreur s'agissant du rôle joué par Zoran Kupreskic et s'agissant la
17 participation de Zoran et Mirjan Kupreskic aux événements du 16 avril
18 1993. Il y a erreur également quant à la détermination de ceux qui ont
19 planifié et exécuté l'attaque sur Ahmici.
20 Je vais maintenant parler des événements survenus à Ahmici le 20
21 octobre1992. Au paragraphe 162 du jugement, la Chambre de première
22 instance a déclaré à juste titre que ce sont les Musulmans qui sont la
23 cause du conflit. Elle confirme qu'au cours de ce conflit, les membres de
24 l'armée de Bosnie-Herzégovine ont combattu des membres du HVO qui
25 n'étaient pas originaires d'Ahmici.
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1 Au cours de ce procès, il a très souvent été fait mention du HVO sans que
2 ce HVO ne soit défini en aucune manière. Le HVO, et il faut que chacun le
3 comprenne, représentait en même temps un élément militaire et le pouvoir
4 civil. Donc, lorsqu'on parle du HVO, il faut déterminer chaque fois s'il
5 est question du pouvoir civil ou de l'élément militaire du gouvernement du
6 HVO. Les faits ont été mal vérifiés dans les parties où il n'est pas
7 stipulé qui ont été les participants au conflit. Ces faits ont été décrits
8 de façon erronée lorsqu'il est affirmé que, seuls, quelques habitants
9 musulmans et quelques habitants croates de la région ont participé à ce
10 conflit; le manque de précision du jugement provoqué par la nécessité
11 d'expliquer les événements de l'époque, les événements du 16 avril, et il
12 est déclaré qu'il n'y avait pas d'unité de l'armée de Bosnie-Herzégovine à
13 Ahmici à ce moment-là.
14 Alors, si le 20 octobre une unité de l'armée de Bosnie-Herzégovine
15 présente à Ahmici a participé et provoqué le conflit, il est impossible de
16 penser que cette unité a disparu d'Ahmici immédiatement après et qu'elle
17 n'était plus présente sur place le 16 avril 1993.
18 Dans les conditions de guerre qui prévalaient à l'époque en Bosnie-
19 Herzégovine, le déploiement d'une unité militaire, une fois effectué, ne
20 pouvait que bénéficier de l'arrivée de renforts supplémentaires. Il était
21 impossible qu'une unité une fois déployée disparaisse d'un secteur
22 déterminé. La preuve que c'était bien de cette façon que les choses
23 fonctionnaient est apportée par le fonctionnement de l'armée de Bosnie-
24 Herzégovine dont a parlé un témoin de l'accusation Asim Djamba Sovic.
25 Ce témoin, qui était un témoin expert, a présenté une expertise très
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1 honnête, très correcte sur laquelle nous n'avons aucune remarque
2 particulière à formuler.
3 Dans cet exposé, il a expliqué que l'armée de Bosnie-Herzégovine était à
4 l'époque organisée dans le respect du principe territorial. Ce qui
5 signifie que tous les habitants d'un endroit, tous les habitants d'un
6 village par exemple, étaient versés ensemble dans telle ou telle unité de
7 l'armée de Bosnie-Herzégovine.
8 Il ressort de la déclaration du témoin de l'accusation que les membres de
9 l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient originaires d'Ahmici. Je ne vais pas
10 mentionner les dépositions des témoins de la défense sur ce point, mais il
11 y en a eu pas mal. Nous nous satisferons des témoins de l'accusation qui
12 ont confirmé qu'ils ont créé des barrages routiers et qu'ils ont défendu
13 ces barrages après avoir reçu des ordres émanant de leur commandement
14 supérieur.
15 Je ne vais pas citer le contenu de ces dépositions, mais je vais
16 mentionner le témoignage du témoin Abdulah Ahmic qui a été entendu en
17 audience publique, la déposition du témoin B, la déposition de Fahrudin
18 Ahmic, la déposition du témoin N, la déposition du témoin V, la déposition
19 du témoin AA qui montrent que ce qui est indiqué à ce paragraphe du
20 jugement est erroné; à savoir que certains Croates d'Ahmici se seraient
21 joints à ces unités. En effet, le seul Croate d'Ahmici mentionné par les
22 témoins de l'accusation que je viens de citer est Dragan Papic.
23 Il est inexact également d'affirmer que seuls les Musulmans se sont enfuis
24 d'Ahmici puisque Zoran et Mirjan ont quitté le village également, j'en ai
25 déjà parlé.
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1 Donc, j'en ai terminé de ce que je voulais dire au sujet du 20 octobre.
2 Maintenant, je vais aborder le thème suivant: Zoran et Mirjan Kupreskic
3 étaient-ils membres du HVO avant le 16 avril 1993 ou, plus précisément,
4 avant le 18 avril 1993, date à laquelle ils affirment avoir été mobilisés.
5 Excusez-moi, Madame la Présidente, je vous demande un instant.
6 Au paragraphe 377 du jugement, la Chambre de première instance affirme que
7 Zoran et Mirjan étaient membres du HVO et confirme ce fait par ce qui
8 suit, à savoir que ces deux hommes ont fait leur service militaire et que
9 leur nom figurait sur les listes de la Brigade de Vitez dans la période
10 allant du 8 avril 1992 jusqu'au 22 ou 23 janvier 1996.
11 S'agissant de Zoran Kupreskic, il est affirmé que, selon la déclaration du
12 témoin JJ, il était membre du HVO. Là, je lis un passage de l'article 378
13 du jugement. Il est même ajouté que Zoran Kupreskic aurait été une espèce
14 de commandant. C'est le témoin D et c'est également Abdulah Ahmic qui
15 affirment qu'il avait un rôle de commandement. On le lit au paragraphe 377
16 du jugement.
17 Au paragraphe 421 du jugement, la Chambre de première instance déclare
18 être convaincue que les deux accusés étaient membres actifs du HVO.
19 S'agissant de Mirjan Kupreskic, la Chambre s'appuie sur la pièce à
20 conviction 353 de l'accusation.
21 S'agissant de Zoran Kupreskic, au paragraphe 422 du jugement, il est
22 affirmé qu'il était commandant local du HVO et que ses activités ne se
23 limitaient pas à répartir les tours de garde dans le village. Ceci est
24 censé être confirmé par là la déposition du témoin JJ et par celle de
25 Abdulah Ahmic. Comme preuve importante, il est ajouté qu'il était
Page 665
1 réserviste, officier de réserve dans l'ex-JNA et qu'il était responsable
2 d'une unité de maintenance dans le cadre de son travail, étant donc
3 habitué à l'exercice de l'autorité.
4 Je dirai d'abord que la pièce à conviction de l'accusation 353 ne prouve
5 pas que Zoran Kupreskic et Mirjan Kupreskic étaient membres actifs du HVO
6 avant leur mobilisation. S'agissant de Mirjan Kupreskic il n'a jamais
7 signé le document qui l'affirme, ce qui montre qu'il n'était pas d'accord
8 sur la période évoquée dans ce document.
9 Mme la Présidente (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre encore
10 une fois, Maître Radovic, mais on me rappelle que les interprètes ont
11 absolument besoin d'une pause réglementaire. Donc nous allons faire une
12 pause jusqu'à 16 heures 30.
13 M. Radovic (interprétation): J'en arrivais au point le plus intéressant de
14 mon exposé.
15 Mme la Présidente (interprétation): Je vous prie de m'excuser, mais vous
16 aurez encore quelque temps pour marquer vos points dès que nous
17 reprendrons après cette pause.
18 (L'audience, suspendue à 16 heures 05, est reprise à 16 heures 35.)
19 Mme la Présidente (interprétation): Maître Radovic, excusez-moi encore une
20 fois de vous avoir interrompu mais c'était nécessaire. Nous allons
21 travailler maintenant jusqu'à environ 17 heures 15. J'espère que vous
22 allez retrouver votre élan et, de toute façon, vous allez reprendre demain
23 matin. Je ne sais pas si c'est Me Slokovic qui va commencer demain matin
24 ou vous-même?
25 M. Radovic (interprétation): C'est ma consoeur qui commencera demain
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1 matin.
2 Mme la Présidente (interprétation): Très bien, alors nous vous permettons
3 de reprendre votre élan maintenant.
4 M. Radovic (interprétation): La pièce à conviction 353 est une preuve
5 indiquant que les accusés n'étaient pas membres du HVO puisque, selon ce
6 document, ils ont été mobilisés entre le 16 et 28 avril. S'agissant des
7 documents qui contiennent des informations contradictoires, il faut se
8 pencher sur le document qui a été émis au moment concerné par le document
9 et non pas par la suite puisque, s'agissant de l'autre document, selon la
10 déclaration du témoin DA, ce document a été émis pour augmenter le nombre
11 des actions. Et ceci se réfère également à la déclaration du témoin II.
12 Dans le point 422 et 773 du jugement, il est dit que Zoran Kupreskic était
13 un commandant militaire en vertu des dépositions (inaudible) Ahmic. Le
14 témoin B et JJ disent qu'après le début du conflit c'était le cas, mais
15 ils ne disent rien concernant la période du 16 avril alors que c'est la
16 période qui nous concerne ici. Il a été dit par l'un des témoins, par le
17 témoin Y, que Zoran Kupreskic lui avait dit qu'il allait arrêter de
18 répartir les postes de garde et qu'il souhaitait se débarrasser de ce
19 travail. Ceci est confirmé par la déposition de Zoran Kupreskic et aussi
20 par la déposition de Dragan Vidovic qui a repris ces tâches dans le
21 village.
22 Donc, s'agissant de la période du 16 avril, il n'y a absolument pas de
23 preuve indiquant que Zoran Kupreskic serait le commandant.
24 J'attire votre attention sur la déclaration du témoin JJ qui a dit que
25 c'est en fonction des orientations politiques qu'on sélectionnait les
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1 commandants, alors que sur la base d'une autre déposition nous pouvons
2 voir que, dans les archives de la police, il est écrit que Zoran Kupreskic
3 ne soutenait pas le HDZ juste avant la guerre, qui souhaitait créer une
4 entité nationale croate en Bosnie-Herzégovine. Le témoin JJ est une
5 personne qui ne sait rien sur la base de ses propres observations mais
6 seulement sur la base de l'ouï-dire. Là, je parle des éléments concernant
7 Zoran Kupreskic mais nous allons parler plus de ce témoin un peu plus
8 tard.
9 Zoran Kupreskic n'est pas mentionné parmi les commandants ayant quelque
10 grade que ce soit, il n'a rien à voir avec la planification et le
11 commandement concernant les états.
12 Je souhaite que l'on passe à huis clos partiel maintenant.
13 (Audience à huis clos partiel à 16 heures 40.)
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8 (Audience publique à 17 heures.)
9 M. Radovic (interprétation): Veuillez vérifier donc ces distances-là pour
10 voir justement qui dit la vérité et qui essaye de présenter les choses de
11 manière erronée.
12 J'en ai donc terminé avec le témoin ADA et j'en arrive au point le plus
13 sensible, le plus délicat à savoir le fait de savoir si ces deux accusés
14 sont bien les deux personnes qui ont participé à l'attaque contre Ahmici.
15 J'ai déjà parlé du témoin SA, mais tout d'un coup arrive le témoin H qui
16 doit être un témoin protégé.
17 Bien, si vous voulez bien, j'exposerai d'abord les éléments qui ne mettent
18 pas en cause la protection du témoin et ensuite, nous passerons à huis
19 clos partiel.
20 Le témoin H est le seul témoin clé qui a confirmé que les deux Kupreskic
21 se trouvaient dans sa maison à elle au moment des événements; événements
22 qui sont les suivants, à savoir que devant la maison un Musulman a été tué
23 et que son père a été tué devant sa maison, que la maison a été incendiée
24 et qu'elle-même accompagnée de sa mère et de ses deux sœurs ont été
25 chassées.
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1 Cependant, ce qui apparaît tout à coup, c'est que la Chambre de première
2 instance est convaincue elle-même que ce qu'elle dit est difficile à
3 admettre.
4 En effet, elle commence par parler de l'arrêt rendu par une Chambre
5 d'appel anglaise et elle cite le jugement de cette Chambre d'appel. Dans
6 sa citation, elle affirme que le Tribunal, dans des conditions destinées à
7 confirmer l'identité d'une personne, de l'auteur d'un acte déterminé, doit
8 agir avec une très grande précaution en faisant très attention car il y a
9 danger d'impliquer des personnes qui ne sont pas impliquées dans cette
10 identification et qu'un témoin qui dit la vérité peut faire des erreurs,
11 même s'il est convaincu de ce qu'il dit à première vue. C'est ce qu'on lit
12 au paragraphe 339 C) du jugement.
13 Et que fait la Chambre de première instance s'agissant de croire ou de ne
14 pas le témoin H? Eh bien, la seule raison invoquée, c'est que la Chambre
15 de première instance a estimé ce témoignage convaincant.
16 Mais la Chambre ne peut pas se contenter de cela. Elle doit dire pourquoi
17 elle fait confiance à ce qu'a dit le témoin car lorsqu'on entend un
18 témoin, il y a toujours des éléments indirects qui existent, des éléments
19 secondaires qui permettent de tester la crédibilité du témoin. Dans
20 l'affaire qui nous intéresse, nous avions des témoins très solides. Chaque
21 fois que nous avons essayé de prendre des chemins détournés pour tester la
22 crédibilité du témoin H, la conclusion a été que le témoin H ne disait pas
23 la vérité. Je vais vous en donner des exemples, notamment ce qu'elle a dit
24 devant le juge d'instruction.
25 Devant le juge d'instruction, ce témoin s'est exprimé et dans sa
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1 déclaration elle fait état d'un certain nombre de faits et d'un certain
2 nombre de circonstances qui sont totalement contraires à ce qu'elle a
3 évoqué devant le Tribunal ici. Une fois confrontée à la déclaration
4 qu'elle avait faite devant le juge d'instruction elle a, à la fin de toute
5 cette affaire, déclaré n'avoir donné aucune déclaration au juge
6 d'instruction de Zenica.
7 Elle a même répété cette affirmation en répondant au Procureur qui lui
8 posait la question suivante: "Mais écoutez, comment est-ce que vous pouvez
9 dire n'avoir jamais fait de déclaration au juge d'instruction de Zenica
10 puisque, hier, lorsque nous préparions votre déposition je vous ai soumis
11 le texte écrit de votre déclaration devant ce juge d'instruction. A ce
12 moment-là elle s'est rappelée avoir fait une déclaration au juge
13 d'instruction mais elle a continué à affirmer que ce n'était pas le cas.
14 Afin de prouver que ce témoin ne dit pas la vérité nous avons proposé et
15 la Chambre a été d'accord, d'interroger le juge d'instruction. Le juge
16 d'instruction a confirmé, devant ce Tribunal, avoir entendu le témoin H et
17 avoir consigné exactement par écrit tout ce que ce témoin lui a dit dans
18 le cadre de sa déposition.
19 Quelles sont donc ces différences que l'on trouve entre la déclaration
20 faite par le témoin H devant le juge d'instruction à Zenica et devant le
21 Procureur ici? Nous avons parlé longuement de cela au cours du procès,
22 moi-même et ma collègue Me Slokovic-Glumac, donc je ne m'appesantirai pas
23 pour ce qui me concerne, ma collègue Slokovic-Glumac reviendra sur ce
24 point.
25 Mais en tous cas, ce qui ressort de tout cela, c'est que chaque fois que
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1 des éléments importants étaient en cause le témoin H a dit des choses qui
2 n'étaient pas la vérité. Et nous pouvons le prouver en parlant notamment
3 de ce qu'a dit le témoin H lorsqu'elle a affirmé connaître très bien les
4 frères Kupreskic. Cependant lorsqu'on lui a demandé de parler de ces deux
5 hommes elle a dit que Zoran Kupreskic travaillait dans le magasin d'Ivica
6 Kupreskic, et au cours du procès un peu plus tard il a été confirmé que
7 Zoran Kupreskic n'a jamais travaillé dans une boutique ou dans un magasin
8 quel qu'il soit mais qu'il dirigé une unité de maintenance dans l'usine
9 d'explosifs de Vitez. C'était Mirjan qui travaillait dans le magasin
10 d'Ivica Kupreskic.
11 D'ailleurs, les choses sont encore plus différentes puisque le 16 avril
12 Mirjan ne travaillait pas du tout dans ce magasin il était allé travailler
13 dans le magasin d'Ivica Kupreskic à Vitez alors que dans le magasin dont
14 nous parlons se trouvait un autre homme qui le remplaçait pour y
15 travailler ce jour-là. Elle dit avoir reconnu Zoran Kupreskic par sa
16 stature. Je vous demande Madame la Présidente et Messieurs les Juges qui
17 peut reconnaître quelqu'un d'après sa stature. C'est possible peut-être si
18 l'on parle d'un nain ou si l'on parle d'un géant mais si l'on parle d'un
19 homme dont la stature est à peu près moyenne il est impossible de
20 l'identifier d'après cette caractéristique.
21 Ensuite elle affirme l'avoir reconnu parce qu'il avait un début de
22 calvitie. Vous avez Madame la Présidente, Messieurs les Juges, sa
23 photographie actuellement et sa photographie de l'époque, au moment où
24 tout ce folklore a commencé. Vous pouvez voir en examinant ces
25 photographies qu'à l'époque il n'avait aucun début de calvitie. Peut-être
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1 en a-t-il une maintenant mais pas à l'époque.
2 Ensuite elle dit l'avoir reconnu par sa voix. A 80 % et elle dit qu'il
3 criait. Mais lorsqu'on lui demande si elle l'a jamais entendu au cours de
4 sa vie, si elle l'a jamais entendu crier, elle dit non. Alors, je vous
5 demande comment vous pouvez identifier quelqu'un d'après la voix qu'il
6 emploie pour crier si vous dites dans la phrase qui suit ne l'avoir jamais
7 entendu crier de votre vie. Plus tard elle déclare que les soldats qui
8 étaient dans sa maison portaient des tubes sur le dos et il s'agirait de
9 lance-roquettes de fabrication russe que l'on appelait Zolja qui étaient
10 utilisées par la JNA avant tout ces événements et qui ont été utilisées
11 par un certain nombre de personnes qui faisaient la guerre sur le
12 territoire de Bosnie-Herzégovine; mais en tout état de cause c'est une
13 arme très sophistiquée qui n'est pas en la possession de toutes les
14 armées.
15 Le témoin AT nous indique qui était en possession de cette arme,
16 déclaration confirmée par le témoin de l'accusation Djamba Sovic. Il
17 ressort de la déclaration du témoin AT quelles étaient les armes dont
18 disposaient les membres de la Brigade de Vitez, il s'agissait de mortiers
19 c'est-à-dire d'armes qui ressemblent aux canons et qui sont
20 reconnaissables à leur calibre, mais il ne s'agissait pas de lance-
21 roquettes multiples. Les lance-roquettes légers étaient en la possession
22 uniquement des unités spéciales et la police militaire fait partie de ces
23 unités spéciales. Asim Djamba Sovic confirme que c'était bien le cas, il a
24 expliqué ce qu'était une Zolja et il a confirmé également que les membres
25 de la police militaires étaient ceux qui avaient des armes de qualité
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1 supérieure et qui avaient bénéficié d'un entraînement supérieur en
2 qualité.
3 Donc c'était ces gens-là qui ont dirigé les attaques et, une fois qu'une
4 ligne était prise, ils se retiraient après quoi les locaux, comme il les a
5 appelés, arrivaient pour terminer le travail commencé par les membres des
6 unités spéciales. Donc selon cette personne qui a identifié…
7 Mme la Présidente (interprétation): Maître Radovic, je vous rappelle
8 simplement qu'il vous reste environ 5 minutes. Je crois que nous arrivons
9 à la fin de la journée.
10 M. Radovic (interprétation): J'en arrive au point capital. Merci de votre
11 remarque Madame la Présidente, j'étais sur le point d'oublier.
12 Ma remarque principale, s'agissant du témoin H, porte sur la visibilité
13 qu'il y avait à l'intérieur de la maison. Nous avons énuméré un certain
14 nombre de témoins qui au même moment ont affirmé qu'il faisait nuit et le
15 fait qu'il faisait nuit ressort de la déclaration de son grand-père, le
16 témoin KL. Nous avons même débattu longuement lors de sa déposition, le
17 fait de savoir si dans sa maison il y avait deux sources d'éclairage ou
18 une seule source d'éclairage et est-ce que cela pourrait justifier qu'on
19 voyait bien ou qu'on ne voyait pas bien à l'endroit dont il était
20 question.
21 Donc, tous les villageois vous diront à quel moment-là nuit tombe. En
22 effet les témoins que nous avons entendus savent bien à quelle heure se
23 fait l'appel du muezzin pour la prière du matin et cette prière a lieu
24 exactement au moment où l'aube commence. Donc il n'y a pas de problème à
25 ce sujet. Le seul témoin qui n'était pas prêt à répondre à ces questions
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1 c'est le témoin AD et il a dit: "comment est-ce que j'aurais pu savoir
2 l'heure puisque j'aurais dû regarder ma montre mais il faisait nuit" et il
3 dit qu'il n'a pas regardé sa montre à la lumière du jour mais à la lumière
4 du feu. Ceci confirme bien également que la femme témoin, dont nous
5 parlons depuis quelques temps, n'a pas pu procéder à une identification
6 correcte et exacte.
7 J'ai très peu de temps je le sais. Ma collègue complétera mais je tiens
8 simplement à ajouter qu'il est confirmé s'agissant de Zoran et Mirjan
9 Kupreskic qu'ils ne manifestaient aucune haine raciale ou religieuse. Tous
10 les témoins qui ont parlé d'eux on dit beaucoup de bien de ces deux
11 hommes. Même le témoin C, si je ne m'abuse, dit que Zoran Kupreskic était
12 tellement digne de confiance à ses yeux que s'il l'avait vu le 16 avril au
13 moment où les coups de feu étaient tirés sur les Musulmans, il se serait
14 approché de lui pour lui demander ce qui se passait.
15 Nous avons montré des photographies nous avons parlé de la musique
16 folklorique, du groupe folklorique, etc., mais leur participation à cette
17 activité folklorique était importante parce que l'association folklorique
18 était une association multiethnique; elle l'est restée jusqu'au 16 avril
19 malgré les pressions importantes qui ont été exercées sur Zoran Kupreskic
20 pour créer une association folklorique mono-ethnique, ou plutôt, pour
21 qu'il adhère à l'association folklorique croate qui existait déjà. Eh
22 bien, en dépit de tout cela, Zoran a résisté.
23 Et puis, quand la guerre a éclaté, le témoin JJ nous apprend qu'il a aidé
24 les Musulmans et qu'il n'a pas aidé uniquement le témoin JJ, mais
25 également d'autres personnes. De la déposition du témoin JJ, il ressort
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1 également qu'il a immédiatement condamné le crime commis à Ahmici.
2 Donc, Madame la Présidente, Messieurs les Juges, il ne s'agit pas ici de
3 circonstances atténuantes que nous vous présenterions aujourd'hui tout
4 d'un coup, mais ce sont des circonstances atténuantes qui font partie
5 intégrante des éléments de preuve que nous avons exposés dans l'intérêt
6 des accusés que nous défendons.
7 En nous appuyant uniquement sur les éléments de preuve que nous avons
8 versés au dossier durant le procès, nous sommes en mesure de vous
9 présenter des circonstances atténuantes si le Procureur ne nous autorise
10 pas à ajouter quoi que ce soit au sujet du témoin H.
11 Ne vous fâchez pas, Madame la Présidente, mais j'ajouterai que la mère de
12 Mirjan Kupreskic est malade et ce fait a été retenu comme circonstance
13 atténuante pour Mirjan Kupreskic, mais cela n'a pas été retenu comme
14 circonstance atténuante pour Zoran Kupreskic. Eh bien, je dis que, si une
15 circonstance atténuante d'une nature particulière existe pour un accusé,
16 elle doit valoir également pour l'autre.
17 Merci, Madame la Présidente, Messieurs les Juges, j'en ai terminé, juste à
18 temps!
19 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Maître Radovic. Nous avons
20 beaucoup apprécié que vous respectiez le temps qui vous était imparti et
21 que vous ayez marqué vos points avant la suspension.
22 Mais je tiens tout de même à vérifier si mes collègues ont des questions à
23 poser. Ce n'est pas le cas.
24 Eh bien, nous nous retrouvons ici demain à 9 heures. Merci beaucoup. C'est
25 la fin de nos travaux d'aujourd'hui.
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1 (L'audience est levée à 17 heures 15.)
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