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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 15 Septembre 1998
4 L'audience est ouverte à 9 heures 30.
5 M. le Président (interprétation). – Bonjour, mesdames et
6 messieurs. Je vais demander au greffier d'audience d'introduire l'affaire.
7 Mme le Greffier (interprétation). – Affaire IT-95-16, le
8 Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko
9 Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.
10 M. le Président (interprétation). – Merci. Avant de laisser
11 entrer le témoin, je souhaiterais préciser une chose. Vous savez que jeudi
12 après-midi, il y aura un exercice d'évacuation du bâtiment ; nous devrons
13 interrompre nos travaux à 13 heures 30. En conséquence, nous avons décidé
14 que la meilleure façon de procéder pour ne pas perdre du temps serait de
15 commencer à 8 heures 30. Nous poursuivrons jusqu'à 13 heures 30 sans
16 interruption jeudi.
17 Pour ce qui est maintenant de vendredi, vous savez qu'il faut
18 que nous ayons terminé nos travaux à 12 heures 30. Par conséquent, là
19 encore, il serait souhaitable de commencer à 8 heures 30. Nous
20 travaillerons de 8 heures 30 à midi 30. Nous ne travaillerons pas dans
21 l'après-midi de vendredi. Ni jeudi ni vendredi après-midi, il n'y aura
22 d'audience dans cette salle. C'est la meilleure façon de procéder. Cela
23 nous permet de ne pas perdre trop de temps, tout en tenant compte de
24 certaines circonstances externes.
25 (Le témoin, Sakib Ahmic, est introduit dans la salle
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1 d'audience.)
2 Bonjour, Monsieur. Veuillez vous asseoir.
3 Si personne ne souhaite soulever de problèmes pratiques ou de
4 problèmes d'intendance, nous allons commencer tout de suite avec le
5 contre-interrogatoire de ce témoin. Je me tourne vers les conseils de la
6 défense. Je me demande si quelqu'un pourrait nous préciser quel sera
7 l'ordre des contre-interrogatoires. Monsieur Pavkovic, pourriez-vous nous
8 indiquer dans quel ordre les conseils de la défense prendront le micro ?
9 M. Pavkovic (interprétation). – Bonjour, monsieur le président,
10 Madame et Monsieur les Juges. Je tiens à vous informer que le témoin sera
11 contre-interrogé d'abord par Me Radovic, ensuite par Me Glumac, puis par
12 Me Krajina qui voudrait lui poser quelques questions. Je vous remercie,
13 monsieur le président.
14 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie, maître.
15 Maître Radovic, vous avez la parole.
16 M. Radovic (interprétation). – Merci, monsieur le président.
17 Monsieur Sakib Ahmic, bonjour.
18 M. Ahmic (interprétation). – Bonjour.
19 M. Radovic (interprétation). – Nous sommes reposés ; par
20 conséquent, nous pouvons poursuivre, si vous le voulez bien.
21 M. Ahmic (interprétation). – Oui, nous pouvons poursuivre.
22 M. Radovic (interprétation). – Auriez-vous l'amabilité de nous
23 dire, très brièvement, quelles étaient vos relations avec les Kupreskic,
24 avec Mirjan, Zoran et leurs parents, s'il vous plaît ? Est-ce que vous
25 étiez en bonnes relations ? Quel était votre point de vue à leur sujet
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1 jusqu'au 16 avril 1993 ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Je me dois de vous dire que nous
3 étions en très très bonnes relations. Depuis tout petits, on s'entendait
4 très bien.
5 M. Radovic (interprétation). – Vous êtes des générations
6 différentes ; par conséquent, vous n'avez pas pu être de très bonnes
7 relations depuis tout petits ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Je pensais effectivement à leurs
9 parents, bien évidemment. Je ne pensais pas aux jeunes.
10 M. Radovic (interprétation). – Vous-même et leurs parents, vous
11 êtes de la même génération ; vous avez donc vécu ensemble et vous vous
12 connaissiez très bien. Vous étiez en très bonnes relations. Est-ce que je
13 vous ai bien compris ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Oui, vous avez bien dit ; c'est
15 exact. Nous étions en très très bonnes relations depuis toujours.
16 M. Radovic (interprétation). – Au moment où Zoran et Mirjan sont
17 nés, quand ils ont grandi ?
18 Je vais demander, Monsieur le Président, peut-être de travailler
19 à huis clos, de ne pas travailler en séance publique s'il vous plaît,
20 parce que je vais mentionner quelques noms.
21 M. Ahmic (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.
22 M. Radovic (interprétation). - C'est une question technique que
23 je vais poser à la Chambre, donc vis-à-vis des tiers, pas vis-à-vis de
24 vous.
25 M. le Président (interprétation). - Vous souhaitez, Maître, que
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1 nous passions à huis clos pendant quelques instants. Je vous ai bien
2 compris ?
3 M. Radovic (interprétation). - Oui, c'est exact.
4 L'audience se poursuit à huis clos.
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19 L'audience se poursuit en session publique.
20 M. Radovic (interprétation). - Maintenant, nous nous sommes
21 reposés. Nous pouvons continuer si vous le voulez bien, Monsieur le
22 témoin.
23 Monsieur Ahmic, nous sommes arrivés au point où nous avons
24 donc... où vous étiez tombé. Vous avez dit que vous étiez tombé et ceci à
25 des moments différents et je vais par conséquent vous dire des moments
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1 dont vous avez parlé. Vous me direz à quel moment exactement vous êtes
2 tombé.
3 Dans la première transcription, dans la cassette vidéo, vous
4 n'avez pas parlé du tout de votre chute. Ensuite, quand vous avez donné
5 votre déclaration, le 24/ 04 /93, à UDBA, vous n'avez pas parlé de cette
6 chute non plus. Au moment où vous avez été interrogé devant le Juge
7 d'instruction à Zenica, vous avez dit que vous étiez tombé, ou vous avez
8 perdu connaissance au moment où votre fils a été tué.
9 Plus tard, ultérieurement, vous avez dit que vous avez donc pu
10 observer tout. Vous étiez debout et c'est au moment où votre belle-soeur a
11 été tuée que vous êtes tombé.
12 Auriez-vous l'amabilité de me dire les raisons pour lesquelles
13 vous avez parlé différemment et pour quelles raisons votre sécurité était
14 mise en cause, si vous avez parlé d'une seule façon, si vous n'avez pas
15 parlé différemment, d'autant plus que vous avez dit que vous avez remarqué
16 de vos propres yeux tout ce que vous avez vu et que vous étiez debout
17 pendant tout ce temps-là ?
18 M. Ahmic (interprétation). - J'ai considéré peut-être que ce
19 n'était pas indispensable au moment où j'avais parlé de dire une chose ou
20 une autre.
21 M. Radovic (interprétation). - Attendez, Monsieur Ahmic. Au
22 moment où vous avez dit... Moi j'accepte qu'à UDBA vous n'en avez pas
23 parlé parce que tout simplement vous n'avez pas pensé que c'était
24 important. Mais, à partir du moment où vous avez parlé devant
25 le Juge d'instruction, vous avez dit que vous étiez tombé. Vous avez parlé
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1 également du moment où vous étiez tombé. Par conséquent, c'était une
2 déclaration qui était tout à fait libre et vous avez parlé du moment où
3 vous étiez tombé pour, par la suite, changer votre déclaration, mettre
4 dans un autre temps et ce qui vous permet donc de nous dire que vous étiez
5 resté debout, que vous avez tout vu en restant debout.
6 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, j'ai dit ce qui était
7 vrai.
8 M. Radovic (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous demande
9 pourquoi vous avez interprété de manières différentes le moment où vous
10 étiez tombé. C'est tout ce que je vous demande. Vous avez décrit cela de
11 manières différentes. Je vous demande pourquoi.
12 M. Ahmic (interprétation). - On ne m'a peut-être pas posé les
13 questions de manière détaillée.
14 M. Radovic (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez fait
15 une déclaration qui était votre propre déclaration : vous avez décrit lors
16 de ces déclarations le moment où vous étiez tombé. Le Juge ne vous a même
17 pas posé la question, il ne vous a pas demandé si vous étiez tombé. C'est
18 tout simplement que vous l'avez raconté, c'était votre propre déclaration
19 et le moment où vous êtes tombé, vous avez dit que c'était un moment qui
20 n'était pas le même par rapport aux autres.
21 M. Ahmic (interprétation). - Au moment où j'ai vu Naser qui a
22 été tué...
23 M. Radovic (interprétation). - Quand il a été tué, vous voulez
24 dire.
25 M. Ahmic (interprétation). - Oui, quand j'ai vu également ma
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1 belle-soeur qui est tombée qui a été tuée, c'est à ce moment-là également
2 qu'ils s'étaient rapprochés vers le lit d'Elvis et c'est à ce moment-là
3 que j'étais tombé.
4 M. Radovic (interprétation). - Oui, vous l'avez dit lors de
5 votre interrogatoire principal mais je vous dis que, devant le Juge
6 d'instruction, vous avez dit que vous avez perdu connaissance et que vous
7 étiez tombé au moment où votre fils a été tué.
8 M. Ahmic (interprétation). - C'était une erreur. De toute façon,
9 moi j'ai vu de mes propres yeux que ma belle-soeur a été tuée, a été
10 coupée.
11 M. Radovic (interprétation). - Lors de votre première
12 déclaration, c'était la déclaration de la cassette vidéo, n'est-ce pas ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
14 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que avant cette émission
15 il y avait quelqu'un qui vous a interrogé, avec lequel vous avez parlé,
16 vous avez fait une déclaration écrite ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je pense qu'il y avait
18 quelqu'un qui était venu effectivement et qui m'avait interrogé.
19 M. Radovic (interprétation). - C'était peut-être quelqu'un au
20 nom de M. Mazoviecki ou vous ne vous souvenez pas ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas exactement, je ne
22 m'en souviens pas qui était la personne qui m'avait interrogé.
23 M. Radovic (interprétation). - Après, il y avait cette
24 déclaration devant la télévision. Est-ce que vous vous souvenez du moment
25 où vous avez donné cette déclaration devant la télévision, la partie où
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1 vous parlez du moment où vous étiez tombé ? Est-ce que l'animateur vous a
2 posé la question devant la caméra : qui avait fait une chose pareille ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Non.
4 M. Radovic (interprétation). - Vous ne vous en souvenez pas,
5 donc.
6 M. Ahmic (interprétation). - Mais je pense qu'au premier moment
7 je ne me rendais pas compte qui l'avait fait.
8 M. Radovic (interprétation). - Mais je vous reformule la
9 question. La question est la suivante : au moment où vous avez donné la
10 déclaration que nous avons eue par la bonté du Procureur, est-ce que lors
11 de cette déclaration on vous a posé la question : qui avait fait une telle
12 chose aux membres de votre famille ? Est-ce qu’il vous a posé la question
13 au sujet du nom ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.
15 M. Radovic (interprétation). - Donc vous ne vous souvenez pas.
16 C'est peut-être vrai, ce n'est peut-être pas vrai.
17 M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, c'est
18 comme cela.
19 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez si,
20 après ces déclarations à la télévision, il y avait quelqu'un qui était
21 venu de la part de M. Mazoviecki, qui était venu vous interroger ? C'était
22 avant ou après la télévision ?
23 M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
24 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de
25 la teneur de la conversation entre lui et vous-même ou, je vais préciser,
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1 est-ce que vous vous rappelez du nom de ce monsieur ?
2 M. Ahmic (interprétation). - Je pense que c'était (expurgé),
3 (expurgé).
4 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit (expurgé), donc nous
5 savons à qui ceci se rapporte.
6 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
7 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de
8 la teneur de cette conversation ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Je me souviens qu'au moment où il
10 est arrivé, il m'avait dit...
11 M. Radovic (interprétation). - Je vais être tout à fait direct,
12 il ne faut donc pas raconté tout cela. Est-ce qu’il vous a demandé de
13 manière tout à fait directe qui l'avait fait, si vous avez reconnu celui
14 qui l'avait attaqué ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas mais, ce
16 dont je me souviens
17 très bien parce que c'était essentiel pour moi et important, où je voulais
18 qu'on enterre les membres de ma famille, où je souhaitais qu'ils soient
19 enterrés. Et moi j'ai dit qu'à Grejbe* les cimetières nous avons les deux
20 et si c'était possible, de les enterrer à Ahmici. Si ce n'était pas
21 possible, à ce moment-là de les enterrer, si c'était possible, à côté de
22 la mosquée de Vitez.
23 M. Radovic (interprétation). - Stari Vitez, à côté ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Oui. Et j'ai dit que si ce n'était
25 pas possible, à ce moment-là de les transporter jusqu'à Zenica, de venir
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1 me chercher et de me permettre d'assister à leur enterrement.
2 M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous s'il vous
3 plaît que, lors de cet entretien, il y avait une question également qu'il
4 fallait vérifier : s'il y avait encore des corps sous les débris de votre
5 maison et qu'on n'était pas sûr si le décès s'est produit à cause du coup
6 de feu ou bien que la personne a été brûlée ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
8 M. Radovic (interprétation). - Mais je l'ai dit peut-être d'une
9 façon un peu différente, mais est-ce qu'on a parlé de la manière dont la
10 mort s'est produite ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne sais pas. On n'a pas
12 parlé de ça.
13 M. Radovic (interprétation). - D'après les documents dont je
14 dispose, que nous avons reçu et qui fait partie du dossier judiciaire,
15 nous avons parlé d'UDBA, la sécurité d'Etat. Est-ce que vous vous souvenez
16 de ce procès-verbal, c'était le 16 mai 1993, donc un mois après les
17 événements ? Le numéro de la pièce à conviction : 00 58 54 28.
18 Est-ce que les policiers sont arrivés pour vous interroger à
19 l'hôpital ou bien c'est vous qui vous êtes rendu à la police ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
21 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez que
22 lors de cet interrogatoire, vous avez parlé des noms d'une série de
23 Croates pour lesquels vous avez pensé qu'éventuellement ils auraient pu
24 être au courant de cet événement tragique qui s'est produit et qui a
25 frappé entre autres également vous-mêmes et votre famille ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Tout ceci était très loin par
2 rapport à aujourd'hui.
3 M. Radovic (interprétation). - Je ne vais pas lire les noms
4 parce qu'on peut les voir sur le procès-verbal, mais ce que je peux
5 constater c'est qu'entre les noms dont vous avez parlé donc en 93, il n'y
6 a ni Mirjan ni Zoran Kupreskic. Ces noms ne figurent pas sur le procès-
7 verbal. Comment cela se passe ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Voyez-vous, Maître, à cette époque
9 je n'ai pas osé véritablement parler des auteurs et à cette époque-là, je
10 ne savais pas ce qui allait se passer avec moi-même, la guerre a commencé
11 à s'enflammer dans cet espace.
12 M. Radovic (interprétation). - Excusez-moi, il y a quelques
13 documents que j'ai égarés. Les documents se sont mélangés. Je me réfère au
14 procès-verbal du 24 avril 93, mais les noms sont les mêmes bien évidemment
15 et je vois que les noms de Zoran et Mirjan Kupreskic ne figurent pas sur
16 cette liste, sur ce procès-verbal. C'est le 22 avril 1993. Et bien,
17 maintenant, quand vous étiez à UDBA, avez-vous parlé des personnes qui se
18 sont rendues chez vous et comment elles étaient ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Je ne pense pas que j'avais
20 prononcé les noms.
21 M. Radovic (interprétation). - Non, je ne parle pas de noms.
22 Mais avez-vous décrit les personnes qui sont rentrées chez vous ?
23 M. Ahmic (interprétation). – Si j'ai donné la description à ce
24 moment-là, j'ai probablement dit que ces personnes avaient le visage peint
25 par les marqueurs.
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1 M. Radovic (interprétation). - Quel genre de marqueur ?
2 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas. C'était une craie,
3 c'était à peu près la largeur du doigt, vous voyez.
4 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire si
5 vous avez parlé des couvre-chefs qu'ils portaient ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je ne me
7 souviens pas d'avoir parlé des couvre-chefs.
8 M. Radovic (interprétation). -Je vais donner la lecture de ce
9 que vous avez dit : "En même temps, j'ai vu les personnes en uniforme
10 portant les couvre-chefs noirs. C'étaient les cagoules, que les yeux qu'on
11 voyait, on les appelait les cagoules, donc on ne voyait que des yeux".
12 Voilà, Monsieur le Président, c'est cela.
13 M. Ahmic (interprétation). - Je pense que c'était une erreur
14 parce qu'il est vrai qu'ils portaient des traits peints sur le visage.
15 M. Radovic (interprétation). - Mais le policier qui vous a
16 interrogé ne pouvait pas inventer ce fait si vous ne l'avez pas dit, et
17 c'est marqué que les gens portaient les couvre-chefs et les cagoules avec
18 les ouvertures uniquement pour les yeux, pour la bouche et les oreilles.
19 M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y a cette possibilité
20 également que moie j'ai dit une chose et qu'eux, ils écrivent autre chose.
21 Je n'ai jamais dit, jamais déclaré qu'ils portaient des cagoules car j'ai
22 toujours répété qu'ils portaient des traits peints.
23 M. Radovic (interprétation). - Mais je lis ce qui est écrit.
24 Vous voyez que personne ne m'a arrêté. S'il y avait jamais quelque chose
25 qui était erroné, dont je ne donnais pas lecture correctement, on m'aurait
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1 coupé la parole.
2 M. Ahmic (interprétation). - Mais c'est une erreur de toute
3 façon.
4 M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous, s'il vous
5 plaît, de votre description des personnes et de la manière dont elles se
6 sont comportées, de la manière dont elles ont pénétré dans votre maison ?
7 Est-ce que vous vous rappelez de cela ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Je m'en souviens, bien évidemment.
9 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous voulez nous
10 décrire s'il vous plaît la manière dont ils faisaient ? Qu'est-ce que la
11 première personne a fait ?
12 M. Ahmic (interprétation). - Kupreskic Zoran.
13 M. Radovic (interprétation). – Non, on parle de la première
14 déclaration. Vous parlez de la personne, la première personne (vous pouvez
15 l'appeler comme vous voulez), qu'est-ce qu'elle a fait cette première
16 personne quand elle est entrée dans votre maison ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Elle a tué Naser d'abord.
18 M. Radovic (interprétation). - D'après votre première
19 déclaration du 22 avril 93, vous dites que dès qu'il a pénétré dans la
20 maison, il a tiré un coup de feu, un coup de rafale.
21 M. Ahmic (interprétation). – Non, c'est une erreur.
22 M. Radovic (interprétation). - "Quand j'ai vu la lumière, j'ai
23 vu mon fils Naser, il avait donc tiré plusieurs rafales. Il l'a tué ".
24 M. Ahmic (interprétation). - C'est exact. C'est Kupreskic Zoran.
25 M. Radovic (interprétation). - Mais je vous pose la question si
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1 c'est exact ou non, tout ce que vous avez dit ce qui est marqué dans le
2 procès-verbal.
3 M. Ahmic (interprétation). - Je pense que je n'avais pas parlé
4 des rafales, qu'il avait donc tiré une rafale à la maison.
5 M. Radovic (interprétation). - Mais c'est marqué. Est-ce que
6 c'est votre signature ?
7 M. Ahmic (interprétation). - J'ai dit tout à l'heure que par
8 moments j'avais dit quelque chose et qu'ils ont peut-être écrit autre
9 chose.
10 M. Radovic (interprétation). - Mais je vais demander, Monsieur
11 le Président, de lire.
12 M. Ahmic (interprétation). - C'est ma signature.
13 M. Radovic (interprétation). - A la fin, il est marqué : "Je
14 n'ai rien à déclarer, tout ce que j'ai dit dans ma déclaration est
15 véridique et je confirme cela par ma signature".
16 M. Ahmic (interprétation). - C'est vrai, mais il y a des erreurs
17 dans ce procès-verbal, je le constate.
18 M. Radovic (interprétation). - En ce qui concerne...
19 M. le Président (interprétation). – Pardonnez moi, Maître, de
20 vous interrompre. Pour que tout soit clair dans le compte rendu, je tiens
21 à préciser que je ne trouve pas le passage que vous venez de citer.
22 Faites-vous référence à la citation qui a été faite par le témoin le
23 4 décembre 93, parce que celle dont vous parlez, celle du 22 avril, celle
24 dont je dispose, tient sur une seule page.
25 M. Radovic (interprétation). – 22 avril. Tout ce que j'ai lu,
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1 tout ce que j'ai dit est noté dans ce procès-verbal du 22 avril. Et après
2 on va parler de la deuxième déclaration.
3 M. le Président (interprétation). – Je me tourne vers le Bureau
4 du Procureur. Maître Moskowitz, je ne crois pas que nous disposons de
5 cette déclaration dont Me Radovic parle en ce moment ?
6 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je vois
7 tout à fait quelle est la feuille de papier que vous avez entre les mains,
8 nous avons cette feuille de papier dans nos dossiers. C'est en fait un
9 résumé de la déclaration qui a été citée par Me Radovic dans le cadre de
10 ses questions posées au témoin. C'est une déclaration de trois pages qui
11 date du 22 avril 1993. C'est cette déclaration que vous devriez avoir
12 entre les mains, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation). - Eh bien, ce n'est pas le
14 cas. Nous disposons d'une déclaration ultérieure qui a été recueillie le
15 4 décembre 1993.
16 M. Radovic (interprétation). – C'est autre chose. C'est le
17 Procureur qui en dispose et là, c'était devant la police de Zenica. Nous
18 n'avons pas les trois premières pages dont parle le Procureur. On a tout
19 simplement la déclaration du 22 avril 1993.
20 De toute façon, ce n'est pas le plus important. En ce qui nous
21 concerne, cela me suffit.
22 M. Moskowitz (interprétation). – La déclaration que tient
23 Me Radovic est rédigée en bosniaque et elle tient sur un simple recto
24 verso. Pour ce qui est maintenant de la traduction en anglais, elle tient
25 sur deux pages, le recto seulement.
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1 M. le Président (interprétation). – Eh bien, Maître, auriez-vous
2 l'obligeance de nous en fournir un exemplaire ?
3 M. Moskowitz (interprétation). – Certainement.
4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
5 Maître Radovic, vous pouvez poursuivre.
6 M. Radovic (interprétation). – Eh bien, dans cette première
7 déclaration à la police, à la personne qui est bien entraînée pour
8 constater ce que quelqu'un a fait, etc., vous ne nommez pas cette
9 personne. Vous dites que c'était une personne qui était masquée, qui avait
10 donc versé de l'essence partout dans la chambre, partout. Donc pas à deux
11 endroits.
12 M. Ahmic (interprétation). – C'est une erreur.
13 M. Radovic (interprétation). – "Ensuite, il a mis le feu aux
14 deux endroits". Et ensuite, vous dites que : "Pendant tout ce temps-là, je
15 me trouvais dans ma chambre, à côté de la porte qui était entrouverte et
16 je regardais ce qui se passait. C'est la raison pour laquelle je ne sais
17 pas pourquoi ils ne sont pas rentrés dans ma chambre". Voilà, Monsieur le
18 Président, Madame et les Juges. Nous devons par conséquent juger toutes
19 les pièces à conviction dans l'intérêt de la Justice.
20 M. Ahmic (interprétation). – Je ne comprends pas tout à fait
21 votre question. Vous dites que j'avais passé tout ce temps-là dans ma
22 chambre. Est-ce que vous parlez après le moment où les personnes ont été
23 tuées ?
24 M. Radovic (interprétation). – Oui. Vous avez dit que vous avez
25 regardé tout ce temps-là, que vous êtes resté tout ce temps-là dans la
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1 chambre.
2 M. Ahmic (interprétation). – C'est une erreur : j'étais à côté
3 de la fenêtre, la fenêtre qui a été ouverte dans ma chambre et j'attendais
4 le moment où l'espace se libérerait pour pouvoir moi-même m'enfuir et
5 sauver ma propre vie.
6 M. Radovic (interprétation). – Bien évidemment, je respecte tout
7 ce que vous avez dit ; je comprends parfaitement que vous vous êtes enfui,
8 etc. Mais cela ne me paraît pas tout à fait clair parce que, lors de la
9 déclaration que vous avez donnée à UDBA, où vous avez écrit vous-même, de
10 votre propre main, où vous avez dit que vous avez enjambé la fenêtre, que
11 vous avez sauté par la fenêtre, et ensuite vous donnez une déclaration qui
12 est contraire à ceci ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Mais, si je peux rajouter quelque
14 chose, je n'ai écrit aucune déclaration de ma propre main. Cela, c'est une
15 première chose.
16 M. Radovic (interprétation). – Vous voulez dire que celui qui
17 vous a interrogé, c'est lui qui avait écrit ? Mais ce n'est pas important.
18 D'accord. Maintenant, nous allons donc voir ce qui s'est passé devant le
19 juge d'instruction. Est-ce que vous vous souvenez qu'en octobre 1993, un
20 juge d'instruction vous a posé un certain nombre de questions à Zenica ? A
21 cet entretien, vous avez été assisté d'un avocat.
22 M. Ahmic (interprétation). – Je ne m'en souviens pas. Peut-être
23 était-ce le cas effectivement.
24 M. Radovic (interprétation). – Vous rappelez-vous avoir entendu
25 le juge d'instruction vous dire que vous deviez dire toute la vérité ?
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1 M. Ahmic (interprétation). – Oui, effectivement, il n'a cessé de
2 m'avertir, de me dire qu'il fallait que je dise toute la vérité.
3 M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz, celle du
4 mois de décembre ?
5 M. Moskowitz (interprétation). – Pour que tout soit clair, je
6 tiens à préciser que la déclaration en bosniaque de Me Radovic porte la
7 mention "octobre" alors que, dans la version en anglais, pour une raison
8 quelconque, c'est le mois de "décembre" qui est indiqué. Je vous apporte
9 cet éclaircissement, Monsieur le Président. J'espère qu'il vous est d'une
10 quelconque utilité.
11 M. le Président (interprétation). – Absolument. Je vous
12 remercie.
13 M. Radovic (interprétation). – Nous ne disposons que d'une
14 déclaration. Monsieur le Président, permettez-moi également d'ajouter
15 quelque chose d'autre. Plutôt, je vais redire quelque chose au témoin : le
16 juge d'instruction vous a demandé de dire la vérité ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Oui, il m'a demandé de dire toute
18 la vérité et de parler de parler de tout ce que j'avais vu.
19 M. Radovic (interprétation). – Il vous a dit de dire tout ce que
20 vous aviez vu et non pas entendu ?
21 M. Ahmic (interprétation). – Exactement : seulement ce que
22 j'avais vu.
23 M. Radovic (interprétation). – Et ce sont ces mêmes instructions
24 que vous ont données les enquêteurs du Bureau du Procureur ? Et c'est bien
25 ce que les membres de la Chambre vous ont dit aujourd'hui lorsque vous
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1 êtes venu déposer ?
2 M. Ahmic (interprétation). – C'est exact.
3 M. Radovic (interprétation). – Vous avez fait un certain nombre
4 de déclarations qui affirment des vérités différentes, semble-t-il. Je me
5 pose la question de savoir comment de telles divergences peuvent
6 apparaître dans les déclarations qui ont été faites, par exemple, devant
7 le juge d'instruction de Zenica. Nous parlons ici d'un tribunal
8 d'instance ; nous ne parlons pas d'une unité de police. Il y avait sur
9 place un substitut du procureur, un avocat qui vous défendait ou qui vous
10 apportait ses conseils, et ce parce qu'il était précisé que, dès lors
11 qu'il y avait une enquête menée sur des actes graves, il était obligatoire
12 qu'une personne soit assistée des conseils d'un avocat. Toutes ces mesures
13 sont prises pour que les affirmations qui sont faites soient déclarées
14 véridiques et acceptables. Donc vous avez fait une certaine description
15 des auteurs des actes qui ont été perpétrés contre votre famille, n'est-ce
16 pas ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Je m'en souviens.
18 M. Radovic (interprétation). – Vous vous souvenez de ce que vous
19 avez dit au juge d'instruction en cette occasion ?
20 M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne m'en souviens pas. J'ai
21 dit ce que j'ai dit.
22 M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je vais tâcher de vous
23 rappeler ce que vous avez dit. Je cite votre déclaration. Et peut-être que
24 Me Glumac, ma collègue, pourrait lire le texte parce que mon exemplaire
25 est extrêmement mauvais, la photocopie est très mauvaise, donc je vais lui
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1 passer le document et elle va lire le passage de la déclaration à haute
2 voix.
3 Mme Glumac (interprétation). - « Ce matin-là, je me trouvais
4 chez moi en compagnie de mon fils Naser, de sa femme Dina et de eux de mes
5 petits-fils. Le plus âgé avait 6 ans et demi, le cadet quant à lui n'avait
6 que 3 mois et 3 jours. Ce petit enfant se trouvait encore au berceau.
7 Avant 5 heures et demie du matin, j'ai été réveillé ».
8 Là, je ne vois pas ce qui est écrit, c'est brouillé.
9 Ensuite, on voit : "J'ai entendu l'appel de la prière du matin.
10 Après l'appel de la prière du matin, un engin explosif a été jeté dans la
11 maison. J'ai entendu l'explosion. J'ai sauté hors du lit. Je suis entré
12 dans la pièce où se trouvaient mon fils et le reste des membres de ma
13 famille. Mon fils était déjà réveillé. Dans cette pièce, la lumière était
14 allumée. Simultanément, un individu portant un uniforme est apparu. Il
15 était accompagné d'un autre individu portant un uniforme noir. Ils avaient
16 également des couvre-chefs. Ces couvre-chefs étaient de couleur noire. Par
17 conséquent, on ne pouvait apercevoir que leurs yeux. Leur visage était
18 recouvert de maquillage. Nous ne pouvions apercevoir que les yeux de ces
19 individus. Dès qu'ils sont entrés dans la pièce, l'un de ces deux
20 individus a ouvert le feu sur mon fils Naser. Il l'a abattu sur le coup.
21 Il y a eu donc une rafale. A ce moment-là, je suis tombé derrière le
22 canapé sur lequel mon petit-fils se trouvait étendu, mon petit-fils Elvis,
23 celui qui avait 6 ans et demi. Et j'ai entendu et senti qu'un des
24 individus tirait sur ma belle-fille et sur mon fils. Des douilles sont
25 tombées sur mon bras et sur tout mon corps".
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1 M. Radovic (interprétation). - Eh bien maintenant je vais
2 poursuivre la lecture parce que la photocopie est beaucoup plus lisible à
3 présent.
4 Je cite : "Le canapé me protégeait, par conséquent aucune des
5 balles qui ont été tirées ne m'a atteint. Il y a eu trois premières
6 rafales et, après ces trois premières rafales, mon fils, ma belle-fille et
7 mon premier petit-fils sont restés à terre". C'est bien exact ?
8 M. Ahmic (interprétation). - C'est exact.
9 M. Radovic (interprétation). - Maintenant nous atteignons un
10 point crucial. Peut-être ne l'avez-vous pas relevé à la lecture, mais il
11 est dit que vous êtes tombé par terre juste après que Naser a été tué.
12 M. Ahmic (interprétation). - C'est une erreur.
13 M. Radovic (interprétation). - Vous dites que c'est une erreur ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Absolument.
15 M. Radovic (interprétation). - C'est une erreur de votre fait ou
16 du fait du juge d'instruction ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Ce n'est pas moi qui ait commis
18 cette erreur, c’est eux qui l’ont commise, j’en suis absolument certain.
19 Moi, je suis témoin oculaire de ce qui s'est passé. J'ai vu ces hommes
20 tirer sur ma belle-fille.
21 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, nous allons poursuivre
22 et nous allons atteindre un autre point important.
23 Je cite : "Je n'ai pas reconnu les hommes qui ont perpétré ces
24 actes, mais ils ressemblaient" -ils ressemblaient- "à mes voisins et aux
25 deux fils de mes voisins, Zoran et Mirjan Kupreskic qui étaient les fils
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1 de Ante... », etc., etc., la déclaration se poursuit.
2 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
3 M. Radovic (interprétation). - C’est une erreur ?
4 M. Ahmic (interprétation). - C’est une autre erreur, je n’ai
5 certainement pas nommé ces individus lors de cette déclaration. Je n’osais
6 pas à cette époque citer leurs noms.
7 M. Radovic (interprétation). - Mais peu de temps après vous avez
8 cité leurs noms ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Non, c’est une erreur.
10 M. Radovic (interprétation). - Le juge d’instruction vous a
11 demandé de dire la vérité.
12 M. Ahmic (interprétation). - Oui, c’est exact, on m’a dit de
13 dire la vérité. A chaque fois que j’ai eu un entretien de ce genre, on m’a
14 dit qu’il fallait que je dise la vérité, mais je n’ai pas osé prononcer
15 ces mots. Je n’ai pas osé prononcer ces noms.
16 M. Radovic (interprétation). - Mais qu’est-ce qui a fait que,
17 par la suite, vous avez été capable de prononcer ces noms, peu de temps
18 après les événements ? Qu’est-ce qui vous a poussé à dire, dans le cadre
19 d’un entretien télévisé diffusé dans le monde entier, que tout le monde
20 devait savoir ce que vos voisins vous avaient fait ?
21 Ensuite, vous avez dit à un représentant du Bureau de
22 M. Mazoviecki ce qui s'était passé et vous en avez informé certains
23 représentants des Nations Unies. Cependant, vous n'en avez pas parlé aux
24 services de police de l’UDBA, à la police secrète donc. Vous n'en avez pas
25 parlé à tout le monde. Vous n'en avez pas parlé au juge d'instruction. Et
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1 vous n'avez pas non plus essayé de protéger votre identité. Vous vous êtes
2 toujours prononcé en votre nom propre. Vos déclarations portent vos nom et
3 prénom. Et puis, subitement, vous dites que vous ne voulez pas citer le
4 nom des auteurs de ces actes parce que vous aviez peur, parce que vous ne
5 vouliez pas le faire. Il y a là un lien logique qui m'échappe.
6 M. Ahmic (interprétation). - Excusez-moi, mais je précise un
7 point important. Je n'avais pas la force nécessaire pour dire toute la
8 vérité à l'époque. Il fallait que je me protège. A cette époque-là, je ne
9 croyais plus personne, je n'avais plus confiance en personne. Vous
10 comprenez, les combats venaient de commencer. Il y avait des grenades un
11 peu partout, à Zenica. On tirait un peu partout. Et moi, je ne savais pas
12 si j'allais rester en vie, je ne savais pas ici j'allais mourir à
13 l'hôpital ou pas.
14 M. Radovic (interprétation). - Mais avant qu'il vous arrive quoi
15 que ce soit, n'aurait-il pas été plus logique que vous citiez les auteurs
16 des actes commis contre votre famille ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Mais si j'avais su que j'allais
18 déposer ici aujourd'hui, je l'aurais dit tout de suite. Mais je ne savais
19 pas ce qu'il allait advenir de nous, je ne savais pas ce qui allait se
20 passer à Zenica.
21 M. Radovic (interprétation). - Monsieur Sakib Ahmic, pour que
22 tout soit plus simple, seriez-vous d'accord pour que nous affirmions que
23 vous n'avez pas écouté les conseils qui vous ont été donnés par le juge
24 d'instruction de Zenica lorsqu'il vous au dit de dire la vérité ?
25 M. Ahmic (interprétation). - C'est vrai, je n'ai pas dit toute
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1 la vérité.
2 M. Radovic (interprétation). - Parfait. Vous reconnaissez donc
3 que vous n'avez pas dit toute la vérité.
4 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas dit toute la vérité
5 parce que je n'ai pas osé dire la vérité, mais pour me protéger moi-même,
6 pour assurer ma propre sécurité.
7 M. Radovic (interprétation). - Cela, c'est vous qui le dites.
8 Bien.
9 Monsieur le Président, nous disposons de ces documents dans leur
10 version en anglais, je parle de la déposition faite devant le juge
11 d’instruction de Zenica. Nous souhaitons demander leur versement au
12 dossier. Le Bureau du Procureur dispose de ces mêmes documents, je n'ai
13 donc pas besoin de lui en faire parvenir un autre exemplaire.
14 Monsieur Sakib Ahmic...
15 M. le Président (interprétation). - Les pièces sont versées au
16 dossier. Pour ce qui est de ce document, il porte la date du 4 octobre
17 1993. Nous sommes tous d'accord ? Parce que dans la version anglaise, il
18 est fait état du mois de décembre, mais en fait cette déclaration a été
19 recueillie en octobre.
20 M. Radovic (interprétation). - Le Bureau du Procureur a reconnu
21 qu'il s'agissait d'une erreur. Nous ne disposons que d'une copie du
22 document, qui nous a été fournie par le Bureau du Procureur.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Maître Radovic a parfaitement
24 raison. La copie dont nous disposons et qui est en bosniaque est datée du
25 1er octobre 1993... Oui, 1er octobre 1993, je répète. Et puis, dans la
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1 version en anglais, on voit "4 décembre 1993". Mais je crois qu'il s'agit
2 en fait d'un seul et même document. Pour une raison quelconque, les dates
3 ne sont pas les mêmes. Quelle est l'explication à fournir ? Je n'en sais
4 trop rien, mais c'est le même document.
5 M. le Président (interprétation). - Le document est versé au
6 dossier comme document portant la date du 1er octobre 1993.
7 Maître Radovic, vous pouvez poursuivre.
8 M. Radovic (interprétation). - Certainement, il y a eu une
9 erreur.
10 Mme le Greffier. - Document de la défense numéro D9/1.
11 M. Radovic (interprétation). - Bien, Monsieur Ahmic, vous
12 rappelez-vous quand les enquêteurs du Bureau du Procureur vous ont
13 interrogé ? Et notamment, quand vous ont-ils posé des questions relatives
14 au type d'armes qui ont été utilisées par les personnes qui ont tué les
15 membres de votre famille ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Effectivement, on m'a posé ce type
17 de questions, on m'a parlé des armes qui avaient été utilisées. En réponse
18 aux questions qui ont été posées, j'ai déclaré qu'à l'époque j'avais été
19 capable de faire un certain nombre d'observations.
20 Je ne sais pas si un seul type d'arme a été utilisé. Moi, je ne
21 regardais que les individus qui tenaient cette arme. C'étaient eux qui
22 étaient au centre de mon champ de vision et l'individu qui tenait cette
23 arme.
24 M. Radovic (interprétation). - Lorsqu'on vous a interrogé,
25 lorsque les membres du Bureau du Procureur vous ont interrogé, on vous a
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1 montré une arme qui n'est pas très répandue parce qu'elle est fabriquée en
2 nombre limité. Je parle de l'arme MGW. On vous a montré une photo de cette
3 arme et vous avez déclaré qu'il s'agissait bien de l'arme utilisée par
4 l'individu dont vous avez parlé. C'est une arme dont la partie supérieure
5 du barillet est très particulière. Vous vous souvenez de cette photo ? On
6 vous a montré une reproduction de cette arme.
7 M. Ahmic (interprétation). - Oui, et j'ai répondu à cette
8 question de la façon que vous avez dite parce qu'à l'époque j'ai vraiment
9 cru qu'il s'agissait de cette arme-là, mais maintenant je ne suis plus sûr
10 à 100 % si c'est effectivement l'arme qui a été utilisée. Ce n'est pas
11 l'arme qui m'intéressait, c'était l'individu qui la portait.
12 M. Radovic (interprétation). - Pourtant, vous avez affirmé au
13 Bureau du Procureur que c'était bien l'arme qui avait été tenue par
14 l'individu dont nous parlons. Lorsque vous avez identifié cette arme comme
15 étant un MGW, est-ce que vous aviez des connaissances quelconques
16 relatives aux propriétés techniques de cette arme ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Je vous demande pardon ?
18 M. Radovic (interprétation). - Je parle des propriétés
19 techniques de cette arme. Je vais essayer de simplifier les choses, je ne
20 veux pas que vous pensiez que j'essaie de vous induire en erreur. Savez-
21 vous comment les cartouches tombent à terre une fois qu'elles ont été
22 tirées ?
23 M. Ahmic (interprétation). - J'étais couché, j'étais à terre.
24 M. Radovic (interprétation). - Vous ne me comprenez pas,
25 Monsieur Ahmic. Lorsque vous avez identifié cette arme, après avoir vu des
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1 photos de cette arme, vous avez donc identifié cette arme et vous avez
2 déclaré qu'il s'agissait d'une arme MGW. C'est, en fait, un fusil-
3 mitrailleur qui est produit par l'entreprise Velenje. Vous avez identifié
4 cette arme en disant qu'il s'agissait bien de l'arme utilisée ce jour-là.
5 Mais au moment où vous avez fait cette déclaration, est-ce que
6 vous saviez comment fonctionnait cette arme ? Est-ce que vous saviez
7 comment les douilles tombent à terre une fois que les coups ont été tirés
8 de cette arme ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Moi, je ne connais rien à ces
10 armes, je ne connais rien à la balistique. Je ne sais pas comment les
11 douilles sont tombées à terre. Mais moi, quand je l'ai vue sur la photo,
12 je me suis dit : "Ah oui, c'est cette arme-là". Est-ce que c'était
13 effectivement cette arme-là très particulière ? Je n'en sais rien. Je
14 répète que je regardais l'individu qui portait cette arme et tout cela
15 s'est passé en un quart de seconde.
16 M. Radovic (interprétation). - Mais alors pourquoi avez-vous
17 identifié cette arme alors que vous n'êtes pas certain du fait qu'il
18 s'agissait bien de l'arme utilisée ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas quelle est l'arme
20 qui a été utilisée.
21 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je pose la
22 question au témoin parce que nous parlons d'une arme très précise et nous
23 aurons un rapport relatif à cette arme. Or, cette arme a pour propriété de
24 projeter les douilles vers l'arrière et non pas vers le bas une fois que
25 les coups ont été tirés. Bien.
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1 Vous avez déclaré que vous n'étiez pas en fait absolument
2 certain de l'arme qui avait été utilisée. Mais est-ce que lorsque vous
3 avez fait cette déclaration, vous saviez que le terrain environnant votre
4 maison avait fait l'objet d'un examen extrêmement détaillé ? On s'est
5 assuré que toutes les douilles et que toutes les pièces d'armement qui
6 gisaient aux alentours de la maison avaient été rassemblées et que le
7 terrain avait été dégagé. Est-ce que vous savez si, parmi ces douilles, on
8 a trouvé des douilles de balles qui sont utilisées lorsqu'on se sert d'une
9 arme MGW ?
10 M. Ahmic (interprétation). - Je n'en sais rien. Je ne sais pas
11 s'il y a eu évacuation de ce type d'éléments du terrain qui environne ma
12 maison.
13 M. Radovic (interprétation). - Quelqu'un vous l'a dit ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Ah oui, peut-être que quelqu'un me
15 l'a dit.
16 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous savez qu'aucune
17 trace n'a été trouvée, trace prouvant que des substances telles que de
18 l'essence avaient été utilisées ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas, personne ne m'a
20 parlé de cela.
21 M. Radovic (interprétation). - Oui, je sais, vous nous l'avez
22 dit. Mais tout de même, je vous dis, moi, qu'il y a eu une enquête menée
23 sur le terrain. Cette enquête visait à trouver des traces, certaines
24 traces. Nous avons certains experts qui ont été envoyés sur place et les
25 analyses ont été faites ici, aux Pays-Bas et je pense que les experts des
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1 Pays-Bas sont des personnes extrêmement qualifiées. Or, ces personnes nous
2 ont fait parvenir une analyse des traces qui ont été trouvées sur le
3 terrain et elles disent qu'il n'y a pas eu de douilles trouvées sur le
4 terrain, pas de douilles correspondant aux balles utilisées dans un MGW.
5 M. Ahmic (interprétation). - Mais moi je vous répète que tout
6 cela s'est passé en quelques secondes. Nous parlons de deux ou trois
7 secondes. Et moi, je vous pose la question, Monsieur : quand on essaie de
8 sauver sa propre vie, qui est à même de faire ce type d'observations ? Qui
9 est à même d'expliquer en détail tout ce qui s'est produit ?
10 J'accepte tout ce que vous me dites. Je reconnais ce que vous me
11 dites. Mais moi, je vous dis simplement que tout s'est passé en l'espace
12 de quelques secondes. Je ne peux pas affirmer qu'il s'agissait de cette
13 arme ou d'une autre arme. Je ne regardais pas l'arme, je regardais l'homme
14 qui la portait.
15 M. Radovic (interprétation). - Bien. Simplement je m'étonne du
16 fait que vous l'ayez d'abord identifiée, puis que vous affirmiez que tout
17 s'est passé en quelques secondes et que vous n'aviez rien pu observer du
18 tout. Mais nous tâcherons de faire toute la vérité sur ce point un peu
19 plus tard. Bien
20 Vous déclarez que le 15 avril 1993, entre 11 heures et minuit,
21 vous avez vu un individu appelé Ivica Kupreskic. Vous vous rappelez avoir
22 déclaré cela ?
23 M. Ahmic (interprétation). - Ivica Kupreskic ?
24 M. Radovic (interprétation). - Oui, dans le village d'Ahmici, le
25 15 avril 1993, entre 11 heures et minuit.
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1 M. Ahmic (interprétation). - Est-ce que j'ai vu Ivica Kupreskic
2 à ce moment-là ? Est-ce que j'ai cité son nom ? Franchement, cela
3 m'étonnerait. Je ne crois pas avoir dit cela. Parce que là nous parlons,
4 n'est-ce pas, de minuit.
5 M. Radovic (interprétation). – Mais non, non, pas minuit. J'ai
6 dit peut-être 11 heures ou 12 heures. Moi, je parle en fait de midi. Pas
7 de minuit.
8 M. Ahmic (interprétation). - Est-ce que je l'aurais vu ?
9 M. Radovic (interprétation). - Monsieur, Monsieur, j'essaie
10 d'être très précis, j'ai besoin d'une réponse très précise. Vous dites
11 qu'entre 11 heures et 12 heures, vous avez vu Ivica Kupreskic. Moi, ce qui
12 m'intéresse, c'est ce qu'il faisait et ce qu'il portait.
13 M. Ahmic (interprétation). -. Mais où je l'ai vu ?
14 M. Radovic (interprétation). – A Armici.
15 M. Ahmic (interprétation). - Nous nous serions rencontrés ?
16 M. Radovic (interprétation). – Oui, et vous avez déclaré qu'il
17 était accompagné d'un certain nombre de personnes. Ecoutez, l'avez-vous vu
18 ou pas ? Si vous affirmez aujourd'hui que vous ne l'avez pas vu, alors je
19 ne vais pas vous poser les questions que j'avais l'intention de vous
20 poser.
21 M. Ahmic (interprétation). - Et bien, pour vous dire toute la
22 vérité, je rencontrais souvent beaucoup de gens mais je n'ai aucune idée
23 des dates auxquelles j'ai rencontré ces personnes.
24 M. Radovic (interprétation). - Cette déclaration indique qu'il a
25 vu M. Ivica Kupreskic. Bien. Je vais passer à autre chose.
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1 Pourriez-vous nous donner les noms des Croates que vous avez
2 rencontrés le 15 avril 1993, même après 11 heures ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Le 11 ?
4 M. Radovic (interprétation). - Non, le 15 avril, après 11 heures
5 du matin.
6 M. Ahmic (interprétation). - Ah, le 15 avril, d'accord.
7 M. Radovic (interprétation). - Oui, le 15 avril, j'ai tout
8 précisé. Comme cela, tout le monde se comprend.
9 M. Ahmic (interprétation). - Je ne crois pas avoir cité qui que
10 ce soit le 15 avril. Non, Non, pardon. Dans la soirée, peut-être que j'ai
11 rencontré quelqu'un.
12 M. Radovic (interprétation). – Dites-nous tout ce que vous avez
13 à nous dire. Qui avez-vous vu et où avez-vous vu ces personnes ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Attendez, non. Si nous parlons du
15 15 avril, je ne crois pas avoir rencontré qui que ce soit à quelque heure
16 que ce soit.
17 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, maintenant il va falloir
18 revoir intégralement le compte rendu de l'audience précédente. Quel
19 travail ! Peut-être cette tâche est-elle trop importante. Je ne vais pas
20 m'y attacher maintenant.
21 Quand vous êtes sorti de la maison... A présent, je vais devoir
22 poser une question qui porte sur des noms, donc je demanderai un huis clos
23 pour quelques instants uniquement, quelques instants pour que ces noms
24 puissent être prononcés.
25 M. le Président (interprétation). – Oui. Merci.
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1 L'audience se poursuit à huis clos.
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13 page 1990 expurgée – audience à huis clos.
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1 (expurgée)
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9 (expurgée)
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11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 L'audience se poursuit en session publique.
14 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez procéder,
15 Maître.
16 M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je vais répéter la
17 question de façon qu'elle soit entendue par le public. Lorsque vous avez
18 été interrogé au siège de la police -et cela s'est passé après
19 l'interrogatoire que vous avez subi auprès du juge d'instruction-, comment
20 a eu lieu cet interrogatoire ?
21 M. Ahmic (interprétation). – Croyez-moi, je ne me rappelle pas.
22 Je ne peux pas me rappeler tout ce qui s'est passé ; le cerveau n'est pas
23 un filtre inépuisable. Il est donc impossible de se rappeler tout ce qui
24 s'est passé dans son propre passé.
25 M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je vais vous poser une
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1 question plus précise. Lorsque vous avez été interrogé pour la première
2 fois dans les services de l'UDBA, la sécurité publique -nous en avons déjà
3 parlé-, comment a eu lieu cet interrogatoire ? Il existe plusieurs façons
4 d'interroger quelqu'un. On peut vous demander de parler, vous demander
5 d'écrire, on peut vous demander de parler et la personne qui vous entend
6 dicte à une dactylo pour que celle-ci tape à la machine. Donc je vous
7 demande : on vous a interrogé et vous avez raconté votre histoire ? Vous
8 avez raconté qu'une autre personne dictait ce que vous disiez lorsque vous
9 avez parlé des cagoules, n'est-ce pas ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Ça, c'est une erreur.
11 M. Radovic (interprétation). – C'est une erreur, mais ce qui
12 m'intéresse c'est de savoir de quelle façon on vous interrogeait.
13 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas.
14 M. Radovic (interprétation). – Ecoutez, à la fin du texte, il y
15 a la signature de la personne qui vous a interrogé, votre signature et la
16 signature de la personne qui tapait le texte. Donc ce qui m'intéresse,
17 c'est : est-ce que vous avez raconté votre histoire, est-ce que vous avez
18 dicté les propos qui ont été enregistrés ou est-ce que ces propos ont été
19 inscrits en dehors de votre contrôle ?
20 M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'ai parlé et je dictais.
21 M. Radovic (interprétation). – Donc, vous dictiez à la personne
22 qui suivait l'interrogatoire et veillait à ce que le texte soit fidèle ?
23 M. Ahmic (interprétation). – Non, la personne qui
24 interrogeait...
25 M. Radovic (interprétation). – Mais la personne qui vous
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1 interrogeait lisait à haute voix le texte devant vous. C'est bien cela ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Je ne suis pas sûr.
3 M. Radovic (interprétation). – Mais c'est comme cela que
4 travaillait l'UDBA à l'époque. C'est comme cela que je travaillais moi
5 aussi. Je vous demande si, dans le cadre de votre interrogatoire, c'est
6 ainsi que les choses ont eu lieu.
7 M. Ahmic (interprétation). – Peut-être.
8 M. Radovic (interprétation). – Puis, je vous demande aussi au
9 sujet de cette interview télévisée... Nous devons en parler parce que la
10 caméra apporte des réponses, elle montre bien comment les choses ont été
11 dites et les images qui les accompagnent. Alors, auprès du juge
12 d'instruction de Zenica, comment est-ce que l'interrogatoire a eu lieu ?
13 Je vous pose toujours la même question : est-ce que ce juge d'instruction
14 vous a d'abord dit : "Vous devez dire la vérité ; si vous ne dites pas la
15 vérité, cela constituera un délit, etc. Nous ne recherchons que la
16 vérité" ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Oui. Oui, oui.
18 M. Radovic (interprétation). – Ecoutez, laissez-moi terminer ma
19 question. Ensuite, vous répondrez. Si quelque chose n'est pas clair, nous
20 y reviendrons.
21 Est-ce que le juge d'instruction de Zenica vous a d'abord dit
22 que, dans une narration libre, vous pouviez raconter les événements ?
23 M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est ce qu'il m'a dit. Il m'a
24 dit de raconter ce que j'avais vu de mes yeux, donc uniquement ce qui
25 était vrai et exact.
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1 M. Radovic (interprétation). – C'est ce qu'il vous a dit ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
3 M. Radovic (interprétation). – Est-ce que c'est ainsi que vous
4 avez agi ?
5 M. Ahmic (interprétation). – Je ne pouvais pas être franc et
6 honnête sur tous les sujets.
7 M. Radovic (interprétation). – Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
8 Ensuite, il appartiendra aux Juges de décider en quoi vous étiez en droit
9 d'agir ainsi ou pas. Mais nous y reviendrons à la fin. Maintenant, je vous
10 interroge sur la façon dont l'inscription, la rédaction de vos propos
11 s'est effectuée. Est-ce que vous avez parlé au juge ? Est-ce que le juge
12 dictait et est-ce qu'une dactylo tapait ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
14 M. Radovic (interprétation). – Et au moment où vous avez raconté
15 votre histoire, au moment où vous avez fait cette narration libre, est-ce
16 que le juge vous a posé des questions ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Je ne me rappelle pas.
18 M. Radovic (interprétation). – Très bien. Est-ce que le
19 procureur vous a posé des questions ?
20 M. Ahmic (interprétation). – Je ne me rappelle pas.
21 M. Radovic (interprétation). – Mais il y avait un conseil de la
22 défense à cet endroit et, finalement, je vous demande si le conseil de la
23 défense vous a posé des questions pendant votre narration. Parce que
24 l'ordre de prise de parole du conseil de la défense est en général en
25 dernier devant le juge d'instruction.
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1 M. Ahmic (interprétation). – Ah, au moment où j'ai donné ma
2 déclaration ? Mais je ne me rappelle pas la date exacte. Quelle est la
3 date de cette déclaration ?
4 M. Radovic (interprétation). – Nous venons d'en parler : c'était
5 au début du mois d'octobre 1993.
6 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas, je ne peux pas me
7 rappeler précisément tous les détails. Je sais qu'il y a eu des questions.
8 M. Radovic (interprétation). – Mais le bâtiment du Tribunal à
9 Zenica est un bâtiment bien connu, n'est-ce pas ? Enfin, écoutez, je ne
10 fais que vous demander si, finalement, quand tout le monde vous a
11 interrogé, le juge vous a demandé s'il s'agissait bien de votre
12 déposition, de la déposition faite par vous ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
14 M. Radovic (interprétation). – Et ensuite vous l'avez signée ?
15 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
16 M. Radovic (interprétation). – Après cela vient la déclaration
17 fournie au service de l'AID, qui porte la date du 20, et puis je n'arrive
18 plus à lire la suite. Enfin, il s'agit d'une déclaration...
19 M. Glumac (interprétation). – (Inaudible. Note de l'interprète :
20 Mme Glumac souffle une date à Me Radovic.)
21 M. Radovic (interprétation). – C'est impossible.
22 M. Glumac (interprétation). – Si, si, c'est possible.
23 M. Radovic (interprétation). – Eh bien, dans les services de
24 l'AID, comment s'est déroulé l'interrogatoire ? Parce que le compte rendu
25 est écrit à la main. C'est la raison pour laquelle je pose la question.
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1 Est-ce que la personne qui parlait avec vous a écrit le compte rendu ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas.
3 M. Radovic (interprétation). – Vous avez dit que ce n'était pas
4 de votre main que le texte a été écrit, donc quelqu'un d'autre a dû
5 l'écrire ?
6 M. Ahmic (interprétation). – Ça, c'est sûr. Je m'en tiens à ce
7 que j'ai dit : ce n'est pas moi qui ai écrit ce texte. Donc c'est sûrement
8 la personne qui m'a interrogé.
9 M. Radovic (interprétation). – Et maintenant ce qui m'intéresse,
10 c'est... Voyons, voyons... Dans les services de l'AID, cet homme ou cette
11 femme vous a-t-il donné lecture de votre déclaration ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui. On m'en a donné lecture.
13 M. Radovic (interprétation). – Donc c'est cette personne qui
14 écrivait elle-même ? Comment les choses se sont passées ?
15 M. Ahmic (interprétation). – Il est probable, en tout cas, que
16 j'aie répondu à toutes les questions qui m'ont été posées quand je
17 connaissais la réponse.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je suis
19 complètement perdu quant aux déclarations auxquelles fait référence
20 Me Radovic. Est-ce que vous parlez de la déclaration de 1994 ou de 1993 ?
21 M. Radovic (interprétation). – 1994.
22 M. Moskowitz (interprétation). - 1994 ?
23 M. Radovic (interprétation). - 1994.
24 M. le Président (interprétation). - Donc celle du 20 février ?
25 Moi, aussi j'étais un peu perdu.
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1 M. Radovic (interprétation). – Celle du 20 février.
2 M. Moskowitz (interprétation). – Celle dans laquelle il est
3 stipulé que la déclaration a été recueillie par le Bureau international
4 pour la recherche sur les crimes contre l'humanité et le respect du droit
5 international ?
6 M. Radovic (interprétation). – Oui, en effet.
7 Eh bien, Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser pour
8 vous avoir un peu fatigué et lassé, mais j'en suis arrivé au terme de mon
9 contre-interrogatoire. Apparemment, j'ai été un peu long, et parfois un
10 peu rapide.
11 M. le Président (interprétation). – (Hors micro.)
12 M. Glumac (interprétation). – Je vous remercie, mais je crois
13 qu'il serait préférable que nous ayons maintenant la pause de façon que je
14 revoie un peu les questions posées déjà par Me Radovic, car les questions
15 que je souhaite poser sont très semblables aux siennes. Donc il vaudrait
16 mieux peut-être que je commence mon contre-interrogatoire après le
17 déjeuner.
18 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant lever
19 la séance pour le déjeuner. Nous reprendrons nos travaux à 13 heures 45,
20 n'est-ce pas.
21 La séance est suspendue.
22 Suspendue à 12 heures 20, l'audience est reprise à 13 heures 45.
23 M. le Président (interprétation). – Avant de reprendre nos
24 travaux, puis-je poser la question de la climatisation de la salle ? Il me
25 semble que nous avons bien chaud. Enfin, c'est la technologie qui veut
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1 cela.
2 En attendant le témoin, je vais me tourner vers le Bureau du
3 Procureur et je vais demander au substitut ce qu'il en est de cette
4 cassette que nous avions visionnée lors de notre dernière session. Où en
5 sommes-nous, Maître Moskowitz ?
6 M. Moskowitz (interprétation). – Un de nos enquêteurs est à
7 Sarajevo cette semaine, Monsieur le Président ; il est en train d'obtenir
8 toutes les informations qui pourraient être disponibles relatives à cette
9 cassette.
10 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.
11 D'après ce que j'ai compris, votre mémoire juridique relatif à
12 la persécution sera déposé aujourd'hui ?
13 M. Moskowitz (interprétation). – Absolument. Nous y apportons
14 les toutes dernières retouches.
15 J'aimerais, d'autre part, soulever un point qui concerne plus
16 directement M. le Juge May et qui porte sur ce problème des mesures qui
17 ont été prises à Ahmici : un de nos experts est sur place en ce moment
18 même, il est en train de réaliser diverses mesures. Nous serons à mêmes de
19 vous en dire plus un peu plus tard.
20 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Monsieur
21 Radovic, vous avez la parole.
22 M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je voulais tout
23 simplement dire que nous n'allons pas pouvoir pratiquer l'expertise de
24 graphologie, compte tenu du fait qu'elle avait treize ans à l'époque où
25 elle avait signé. Maintenant, elle a 18 ou 19 ans, il n'est par conséquent
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1 pas possible d'identifier les deux signatures. C'est tout ce que je
2 voulais dire, Monsieur le Président.
3 M. le Président (interprétation). – Maître Glumac ?
4 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, Madame et
5 les Juges, je voudrais tout simplement vous demander si vous disposez de
6 toutes ces déclarations parce que je vais m'y référer lors de mon contre-
7 interrogatoire, pour pouvoir suivre.
8 (Le président fait un signe de tête affirmatif.)
9 Monsieur Ahmic, bonjour. Je m'appelle Jadranka Slokovic-Glumac
10 et je vais vous poser quelques questions supplémentaires. Je vais essayer
11 de ne pas répéter ce qui a été déjà avancé, mais il y a peut-être un
12 certain nombre de questions que nous allons être obligés de reposer.
13 Revenons à vos déclarations précédentes, ceci pour voir d'où
14 viennent les différences qui existent dans ces déclarations précédentes
15 par rapport à la situation dans laquelle vous vous trouvez. C'est mon
16 confrère Branko Radovic (?) qui vous a posé la même question. Vous avez
17 dit dans ce prétoire aujourd'hui, vous l'avez également redit, que vous
18 étiez debout à la porte de votre chambre et que vous avez donc vu la
19 manière dont votre fils et votre belle-fille ont été tués. Je vais tout
20 simplement vous faire référer à la déclaration que vous avez donnée le
21 22 avril 1993. Cela vous a déjà été rappelé aujourd'hui, mais c'est
22 indispensable pour moi, à cause de l'ordre chronologique.
23 Dans ces déclarations, vous avez dit -et je cite- que "pendant
24 tout ce temps, je me trouvais dans ma chambre, à côté de la porte
25 entrouverte et je regardais dans l'entrebâillement ce qui se passait. Par
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1 conséquent, je ne vois pas très clairement pourquoi ils ne sont pas
2 entrés, ils n'ont pas pénétré dans ma chambre". C'est la page n° 2 de la
3 déclaration.
4 Après quoi -je pense que c'était probablement avant également-,
5 au moment où vous avez parlé avec (expurgé) vous appelez
6 (expurgé), vous avez parlé avec lui à deux reprises ou une fois. Est-ce que
7 vous vous en souvenez, s'il vous plaît ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Je ne me souviens pas si c'était
9 une seule fois que je l'ai rencontré ou éventuellement deux fois. Mais je
10 pense que c'est deux fois que je l'ai rencontré, à deux reprises.
11 Mme Glumac (interprétation). – C'était juste après l'événement,
12 n'est-ce pas ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
14 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, si vous en
15 êtes d'accord, je vais donner lecture du procès-verbal de la Commission
16 chargée des Droits de l'homme, elle fait part du procès-verbal. Je
17 voudrais tout simplement rappeler un certain nombre de différences au
18 témoin. C'est à cette époque-là que vous avez dit...
19 (expurgé) avait transmis à M. Okaven et, citation : "Je me
20 suis caché derrière le canapé qui se trouvait dans une pièce alors que les
21 soldats du HVO ont fait irruption dans l'autre pièce. La famille qui
22 habitait cette maison se trouvait dans l'autre pièce. Il y avait là le
23 père, la mère, un garçon de quatre ans et un petit bébé. Le témoin a
24 entendu une rafale de coups de feu et a vu s'écrouler à terre le mari et
25 son épouse. Les soldats ont alors versé de l'essence dans la pièce. Cette
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1 essence était transportée dans des bouteilles en verre. Ils en ont versé
2 partout dans la pièce, y compris sur le canapé derrière lequel le témoin
3 se trouvait caché.
4 Ensuite, la maison a été incendiée grâce à des allumettes. Le
5 témoin n'a pas été capable de dire si ces membres de la famille avaient
6 été tués par l'incendie ou par les rafales de coups de feu qui avaient été
7 tirés."
8 Eh bien, vous avez dit que vous étiez donc dans la chambre,
9 derrière le canapé, mais pas dans la chambre où les membres de votre
10 famille ont été tués, mais dans votre chambre, derrière le canapé, n'est-
11 ce pas ?
12 M. Ahmic (interprétation). - Non, ce n'est pas ça ce que j'avais
13 dit. J'ai dit que je suis tombé, que j'étais perdu à un moment donné. Je
14 suis tombé à côté du canapé, mais dans l'autre chambre.
15 Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce que vous avez raconté
16 ceci d'une manière erronée à (expurgé), étant donné qu'il avait écrit son
17 rapport en suivant les notes qu'il avait prises ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Je ne pense pas que j'aie pu
19 commettre une erreur pareille. Je ne sais pas comment ça s'est produit.
20 Tout ce que je sais, c'est que j'étais dans la chambre où les membres de
21 ma famille ont été tués et que c'est dans cette chambre que je me suis
22 effondré à côté du canapé.
23 Mme Glumac (interprétation). - Il y a également une autre
24 déclaration qui concerne cet événement. Comme c'est différent, c'est la
25 raison pour laquelle je m'y réfère. C'est également une transcription de
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1 la cassette vidéo que nous avons vue. Lors de cette déclaration également,
2 vous avez précisé : "J'ai entrouvert la porte et je regardais dans
3 l'entrebâillement". Il y a les quatre versions de ce que vous avez dit et
4 ce que nous avons pu constater, où vous vous trouviez au moment où cet
5 événement critique s'était passé.
6 (expurgé) a parlé avec vous. Vous avez signé le
7 compte rendu de la police et il y avait ces déclarations que vous avez
8 présentées à la télévision. C'était bien la vôtre.
9 M. Ahmic (interprétation). - Mais c'était mal compris peut-être,
10 que j'étais dans ma chambre et que les membres de ma famille étaient dans
11 l'autre chambre. C'était peut-être une mauvaise interprétation, mais je
12 pense que ce n'était pas bien compris et que c'était comme ça que ça a été
13 écrit. Mais moi, j'étais dans la chambre où les membres de ma famille ont
14 été tués.
15 Mme Glumac (interprétation). - D'accord, mais on va poursuivre.
16 Il y a une autre question également qui est importante et qui concerne
17 votre déclaration et cette fois-ci concerne la description des personnes
18 qui ont pénétré dans votre maison.
19 Vous avez répété aujourd'hui également qu'ils portaient de la
20 peinture noire sur le visage ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
22 Mme Glumac (interprétation). - C'est avec des marqueurs que les
23 agresseurs avaient des visages peints et qu'il y avait quelques traits
24 tout simplement et que, malgré ces traits, vous avez pu reconnaître ces
25 personnes ?
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1 (Le témoin fait un signe de tête affirmatif.)
2 Lors de votre déposition devant le Tribunal le 13 octobre et le
3 14 octobre 1994, vous avez changé quelque peu, en d'autres termes, vous
4 avez décrit d'une manière différente les agresseurs. En ce qui concerne
5 Zoran et Mirjan Kupreskic, vous avez précisé -c'est la page 3- (que les
6 interprètes n'ont pas, indique l'interprète) que vous avez vu
7 Mirjan Kupreskic qui avait des couleurs sur le visage et une bande sur le
8 visage. Vous avez dit exactement la même chose pour Zoran. Vous avez dit,
9 je cite : "J'ai reconnu Zoran même s'il avait des couleurs sur le visage
10 et une bande". C'est une description. Une deuxième description que vous
11 avez présentée, et c'est une description que vous avez faite devant le
12 juge d'instruction, c'était le 1er octobre 93. Lors de cette déclaration,
13 vous avez dit qu'ils portaient des uniformes noirs avec des couvre-chefs
14 et que c'étaient les couvre-chefs noirs et qu'on ne voyait que des yeux.
15 "Pour le visage, il y avait des bandes et des traits de couleurs
16 différentes que j'ai pu remarquer, il n'y avait que les yeux que j'ai pu
17 voir".
18 M. Ahmic (interprétation). – Effectivement, je l'ai dit pour ma
19 sécurité, j'avais peur et je ne voulais pas donner les noms des personnes
20 en question.
21 Mme Glumac (interprétation). – Mais vous avez changé les
22 couleurs des traits sur le visage. Pourquoi vous avez dit qu'il y avait
23 des couleurs différentes ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Non, j'ai toujours parlé des traits
25 noirs.
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1 Mme Glumac (interprétation). – C'était le marqueur qu'ils ont
2 utilisé ou une bande ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas si c'était une bande
4 ou si c'était avec le marqueur qu'ils se sont peint le visage, je ne peux
5 pas vous le préciser.
6 Mme Glumac (interprétation). - Le 22 avril 93, en revanche, à la
7 page n° 1, vous avez précisé qu'"en même temps des personnes en uniforme
8 pénétraient dans ma maison, portant les couvre-chefs" qu'"on ne voyait que
9 des yeux" et que "ces couvre-chefs s'appellent Ninja*". A la fin de votre
10 déposition, vous dites que les agresseurs et les auteurs de ces crimes,
11 vous ne pouviez pas les reconnaître étant donné qu'ils portaient les
12 masques et les couleurs dans cette situation-là, ils avaient des cagoules
13 sur le visage, ils portaient des cagoules, mas uniquement le couvre-chef.
14 M. Ahmic (interprétation). - Je vous l'ai déjà dit, j'avais
15 peur. Je ne voulais pas qu'on fasse pression sur moi, qu'on me demande de
16 donner les noms.
17 Mme Glumac (interprétation). – Pourquoi voulez-vous que la
18 police fasse une pression, vous auriez pu reconnaître ou ne pas
19 reconnaître.
20 M. Ahmic (interprétation). – Mais je les ai reconnus. Je savais
21 fort bien de qui il s'agissait.
22 Mme Glumac (interprétation). – Mais c'est moi qui vous dis, vous
23 auriez pu les reconnaître et ne pas changer les descriptions.
24 M. Ahmic (interprétation). – Mais je vous ai dit les raisons
25 pour lesquelles je l'ai fait.
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1 Mme Glumac (interprétation). – En ce qui concerne donc le fait
2 de reconnaître Zoran ou Mirjan Kupreskic, si vous voulez bien je vais
3 poursuivre. Lors du débat, vous dites que vous les avez reconnus à la
4 minute même quand ils sont apparus...
5 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
6 Mme Glumac (interprétation). – Dans la transcription de la
7 cassette vidéo -il s'agit de la transcription de la déclaration que vous
8 avez faite vous-même-, vous précisez que l'armée du HVO est rentrée par la
9 porte, qu'ils ont enfoncé la porte d'un coup de pied et que, par des
10 rafales, ils ont détruit la clôture sur le balcon. Là, vous ne parlez de
11 personne ?
12 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai jamais parlé des rafales
13 sur le balcon et sur la véranda, mais j'ai tout simplement dit qu'il y
14 avait des détonations à côté de la maison, ou à proximité de la maison.
15 M. Glumac (interprétation). – Mais c'est vous qui l'avez dit, ce
16 n'était probablement pas une erreur. Nous l'avons entendu ici aussi dans
17 ce prétoire également. Après quoi, dans la déposition que vous avez donnée
18 au service d'Etat à Zenica le 22 avril 1993, vous dites ce que j'ai lu
19 tout à l'heure, que vous n'avez pas reconnu les auteurs de ces crimes
20 compte tenu du fait qu'ils portaient les couvre-chefs et des couleurs sur
21 le visage.
22 M. Ahmic (interprétation). -A qui ai-je donné ces dépositions ?
23 Mme Glumac (interprétation). – Devant le tribunal de Zenica et
24 vous poursuivez, vous dites que vous n'avez pas reconnu les deux visages,
25 mais qu'ils ressemblaient à vos voisins, à deux frères, Mirjan et
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1 Zoran Kupreskic, qui sont les fils de Vlatko Kupreskic, prénommé Sutra,
2 alors qu'aujourd'hui vous avez également parlé du fait que vous n'avez pas
3 précisé à (expurgé) l'identité de ces personnes.
4 M. Ahmic (interprétation). – Je l'ai dit peut-être. Le fait est
5 que c'étaient les personnes et que j'en suis sûr et certain.
6 M. Glumac (interprétation). – Mais j'essaie d'établir un ordre
7 chronologique et surtout d'attirer votre attention sur les différences de
8 vos déclarations.
9 M. Ahmic (interprétation). – Mais il y a des différences parce
10 que je n'ai pas osé dire toute la vérité, toute la vérité.
11 M. Glumac (interprétation). – D'accord. Maintenant, nous allons
12 voir les raisons pour lesquelles vous n'avez pas cité les noms des
13 auteurs. Lors de votre déposition dans ce prétoire, vous avez dit que vous
14 n'avez pas osé donner les noms de ces personnes étant donné que la guerre
15 prenait de l'essor et de l'envergure.
16 M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est vrai.
17 M. Glumac (interprétation). – Et que vous ne saviez pas comment
18 la guerre allait se terminer, que c'était la raison pour laquelle vous
19 n'aviez pas le courage de dire le nom des auteurs.
20 M. Ahmic (interprétation). – C'est bien ça. C'était justement la
21 raison : la question de ma propre sécurité.
22 M. Glumac (interprétation). – Le 2 septembre 1995, vous avez
23 donné une déclaration complémentaire aux enquêteurs du Tribunal de
24 La Haye. Ils vous ont posé la question : d'où viennent les différences
25 entre votre déclaration donnée aux enquêteurs en 1994 et la déclaration
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1 que vous avez donnée devant le Tribunal, pour le Tribunal ? Vous avez donc
2 dit -je cite- : "Je ne pense pas que le premier enquêteur m'avait posé des
3 questions toutes spéciales. Il ne m'avait pas demandé qui avait tué mon
4 fils, ma belle-fille et mes deux petits-fils. Il m'avait tout simplement
5 posé un certain nombre de questions d'ordre général sur ce qui s'était
6 passé à Ahmici". Par conséquent, là vous précisez que la raison était
7 justement que les questions d'un tel genre ne vous ont pas été posées.
8 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas quelle était la
9 raison dans le cas concret.
10 M. Glumac (interprétation). – C'est quand même vrai qu'à ce
11 moment-là vous avez dit aux enquêteurs que, tout simplement, on ne vous a
12 pas posé la question sur les circonstances dans lesquelles cela s'est
13 déroulé.
14 M. Ahmic (interprétation). – Non. Ce n'est pas qu'on m'avait
15 posé des questions de ce genre-là, mais…
16 M. Glumac (interprétation). – Je vais attirer votre attention
17 sur une autre déclaration que vous avez donnée devant ce Tribunal. Ceci
18 concerne maintenant les différences qui sont apparues entre les
19 déclarations que vous avez données aux enquêteurs et une autre déclaration
20 qui a été donnée devant le juge d'instruction. Là, vous avez dit : "J'ai
21 été confus à moment-là et, par conséquent, j'ai déclaré qu'ils
22 ressemblaient à mes voisins". Avant, vous avez dit également, en réponse à
23 la question qui était directe, "Pourquoi avez-vous déclaré : 'Je n'ai pas
24 reconnu ces deux personnes' ?", vous donnez la réponse suivante : " Je ne
25 sais pas pourquoi j'ai dit cela ; je ne sais pas pourquoi ces mots sont
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1 sortis de ma bouche. Mais dans la phrase qui suit, j'ai déclaré la chose
2 suivante : 'Ils ressemblaient à deux de mes voisins, Mirjan et Zoran
3 Kupreskic, qui sont les fils de Sutra Kupreskic. A ce moment-là, la
4 confusion régnait dans mon esprit et j'ai déclaré qu'ils ressemblaient à
5 mes voisins", explication qui est différente par rapport à ce que vous
6 avez dit lors des débats.
7 M. Ahmic (interprétation). – Mais je n'étais pas confus ; j'ai
8 bien reconnu les personnes. Ce n'est pas à ce sujet-là que j'étais confus.
9 Je pense tout simplement qu'il y avait un certain nombre, comme je l'ai
10 dit, de sécurités… Enfin, personnellement, je n'avais pas confiance. Je
11 n'avais confiance en personne et je n'ai pas osé en parler, même s'il
12 avait insisté ; il voulait véritablement que je dise, que je réponde de
13 manière exacte. Mais, pour moi, c'était difficile.
14 M. Glumac (interprétation). – Vous avez dit que vous avez eu
15 peur de donner les noms des auteurs ?
16 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
17 M. Glumac (interprétation). – Par rapport à cette affirmation
18 d'après laquelle vous n'avez pas osé donner les noms des agresseurs, le
19 22 avril 1993, vous avez dit la chose suivante : "Je n'ai pas reconnu les
20 auteurs de ces actes étant donné qu'ils portaient des couvre-chefs et
21 avaient des couleurs sur le visage. Mais, deux jours auparavant, j'ai
22 remarqué Ivo Papic, Slavko Milicevic, Niko Sakic, Toma Alilovic,
23 Joso Alilovic, Nikola Alilovic, Gabro Vidovic et Ivica Vidovic, surnommé
24 Jevco, ainsi que Jure Vrebac qui était membres des formations du HVO et
25 qui se déplaçaient dans le village et autour de ma maison".
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1 Outre ces personnes-là, vous avez parlé à plusieurs reprises,
2 déjà lors de votre première déclaration, de Vlatko Kupreskic, de Nikica
3 Safradin, surnommé Cico, et d'une personne de nom Petrovic. Vous avez
4 parlé de toutes ces personnes qui auraient pu être mêlées dans tous ces
5 événements, le 16 avril ?
6 M. Ahmic (interprétation). – Vous parlez de cette liste que j'ai
7 donnée et de ceux qui se déplaçaient dans le village ? C'est vrai. Ils
8 marchaient dans le village. Les noms, de toute façon, ça ne porte
9 préjudice à qui que ce soit : ils n'ont pas commis les erreurs ni les
10 actes criminels…
11 M. Glumac (interprétation). – Et, pour Vlatko Kupreskic, cela
12 n'impliquait aucun risque si vous disiez qu'il enlevait des objets de
13 l'atelier de votre fils qui a été tué ?
14 M. Ahmic (interprétation). C'est une chose tout à fait
15 différente. Le jour du 16 avril, lorsque les membres de ma famille ont été
16 tués dans ma maison, à ce moment-là, alors que j'étais debout à côté de la
17 fenêtre et que j'attendais une possibilité pour…
18 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Cela, vous l'avez dit dans
19 votre déclaration, cela a déjà été évoqué, mais je vous demande comment il
20 se fait que vous avez également mentionné le nom d'autres personnes dont
21 celui de Vlatko Kupreskic ? Vous avez également mentionné le nom de
22 Cico Safradin...
23 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
24 Mme Glumac (interprétation). - ...Qui se trouvait à cet endroit
25 et qui était tout près de l'endroit où les assassinats ont eu lieu.
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1 M. Ahmic (interprétation). - Il est d'abord allé... Il est
2 apparu devant la maison, il est allé dans la direction de Franjo Kupreskic
3 qui s'occupait des poulets et Cico et lui a dit : "Retourne voir ce qui se
4 passe". Cico est revenu vers la maison et la maison était déjà en flammes
5 à ce moment-là.
6 A ce moment-là, Franje revient en arrière, Franje lui demande :
7 "Qu'est-ce qui se passe, Cico ?" et Cico, sur un ton un peu énergique,
8 dit : "Il n'y a rien, tout est mort".
9 Mme Glumac (interprétation). - Mais il était à une distance très
10 faible, très petite de la scène des événements, n'est-ce pas ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
12 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que Cico portait un
13 uniforme ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, il portait un uniforme.
15 Mme Glumac (interprétation). - Voyez, il portait un uniforme.
16 Avant cela, dans la même déclaration, en page 1, vous avez dit qu'il
17 conduisait probablement une camionnette TAM.
18 M. Ahmic (interprétation). - Non.
19 Mme Glumac (interprétation). - Mais c'est ce que vous avez dit.
20 M. Ahmic (interprétation). - Non, il ne s'agissait pas de
21 Cico Safradin, il s'agissait d'un autre homme, du fils, de Ilkan.
22 Mme Glumac (interprétation). - Mais pour cet autre Safradin,
23 vous avez dit qu'il est arrivé dans cette camionnette TAM et qu'un certain
24 nombre d'objets ont été déchargés à la veille du conflit.
25 M. Ahmic (interprétation). - Oui, le 13 ou le 14.
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1 Mme Glumac (interprétation). - "J'ai vu qu'un certain nombre
2 d'objets étaient déchargés, pour lesquels j'ai découvert plus tard qu'il
3 s'agissait de mitrailleuses antiaériennes, des PAM, ainsi que des PAT -P-
4 A-T-, qui sont des canons antiaériens, des canons Bestersov (?), des
5 canons sans recul et des armes MB, ainsi qu'une grande quantité de
6 munitions."
7 M. Ahmic (interprétation). - Je crois que ce que j'ai dit au
8 moment de cette déclaration était tout à fait exact. J'ai dit que j'ai vu
9 cette camionnette TAM aux alentours de 9 heures, lorsque cette camionnette
10 est arrivée dans la cour d'Ivica Kupreskic. Et j'ai dit également que la
11 cheminée... Que les lumières dans cette maison n'étaient pas allumées. Or
12 elles étaient allumées tous les soirs. Ce soir-là, elles n'étaient pas
13 allumées.
14 La camionnette TAM est restée toute la nuit devant cette maison
15 et, vers 7 heures du matin, elle est repartie.
16 Mme Glumac (interprétation). - Cela, vous l'avez déjà dit. Mais
17 ce que je vous demande c'est si vous avez vu le déchargement de ces
18 objets.
19 M. Ahmic (interprétation). - Non, ça, c'est une petite erreur.
20 Mme Glumac (interprétation). - Ah, c'est une erreur ? Bien. Donc
21 vous avez mentionné le nom d'autres personnes, vous avez parlé d'Ilkan, le
22 fils de Safradin. Vous avez parlé de Kupreskic...
23 M. Ahmic (interprétation). - De Vlatko.
24 Mme Glumac (interprétation). - Et d'autres personnes qui
25 auraient pu être mêlées à ces événements.
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1 M. Ahmic (interprétation). - Le fait est que, à partir de la
2 maison de Suhrija, Ahmed, Lija, Vlatko est arrivé vers ma maison...
3 Mme Glumac (interprétation). - Mais vous affirmez que cela ne
4 fait pas le moindre doute que vous avez reconnu ces personnes à ce moment-
5 là ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Oui, de cela je suis sûr.
7 Mme Glumac (interprétation). - Mais vous avez mentionné le nom
8 de certaines personnes que vous aviez vues et pas le nom d'autres
9 personnes.
10 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compris de quels noms
11 vous parlez.
12 Mme Glumac (interprétation). - Les noms dont je vous ai lu la
13 liste. Bien, poursuivons. Dans la déclaration que vous avez faite devant
14 ce Tribunal, vous avez déclaré également que le feu a été mis à un endroit
15 dans la pièce.
16 (Signe de dénégation du témoin.)
17 C'est ce que vous avez dit, je l'ai lu dans un compte rendu
18 d'audience.
19 M. Ahmic (interprétation). - Non, le feu a pris au même moment
20 dans deux endroits de la maison : au niveau d'une chaise qui se trouvait à
21 côté du lit de Sejo, le petit enfant qui est mort, et au niveau du buffet.
22 Mme Glumac (interprétation). - Donc, selon le compte rendu, vous
23 avez parlé d'un endroit mais... bon, vous dites aujourd'hui qu'il y en a
24 eu deux.
25 M. Ahmic (interprétation). - Le fait est qu'il y en avait deux,
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1 c’est certain.
2 Mme Glumac (interprétation). - Très bien. D'après ce que vous
3 dites, qui a fait cela, qui a versé le liquide ?
4 M. Ahmic (interprétation). - Mirjan.
5 Mme Glumac (interprétation). - Qui a mis le feu ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Mirjan.
7 Mme Glumac (interprétation). - Toujours au moment de l'audience
8 devant le Tribunal, lorsqu'on vous a interrogé, vous avez dit, je cite :
9 "L'un des deux hommes a versé à partir d'une bouteille du liquide dans la
10 chambre et ensuite ils ont mis le feu en deux endroits dans la pièce", fin
11 de citation.
12 M. Ahmic (interprétation). - C'est inexact.
13 Mme Glumac (interprétation). - Ce qui signifie que deux hommes
14 ont mis le feu. Et à la police, dans les mêmes circonstances, vous avez
15 déclaré ce qui suit, je cite : "Immédiatement après les meurtres des
16 membres de ma famille, de la famille de mon fils Naser, un agresseur au
17 visage peinturluré qui avait une bouteille à la main a versé du liquide un
18 peu partout dans la pièce et a mis le feu en deux endroits avant de
19 quitter la maison", fin de citation.
20 M. Ahmic (interprétation). - Non, ce que j'ai dit et qui est
21 exact est que, lorsqu'il a pénétré dans la maison, il a jeté de l'essence
22 sur le côté gauche, il a mis le feu, il s'est tourné vers la droite, il a
23 mis le feu à la chaise qui se trouvait à côté du lit de Sejo et, pendant
24 qu'il faisait cela, l'autre a terminé tout ce qu'il avait l'intention de
25 faire. Il a tué...
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1 Mme Glumac (interprétation). - Dites-moi, s'il vous plaît, où se
2 trouvait cette chaise, de quel côté de la porte d'entrée ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Sur la droite de la porte qui
4 permettait d'entrer dans la pièce, sur la droite, immédiatement. Il y
5 avait le petit lit et la chaise. Entre le lit et la porte.
6 Mme Glumac (interprétation). - Dans la documentation élaborée
7 par les Nations Unies en rapport avec la déclaration que vous avez faite à
8 (expurgé), vous dites quelque chose de différent. Vous dites à
9 (expurgé), je cite : "Les soldats ont alors versé de l'essence qu'ils
10 portaient dans des bouteilles en verre un peu partout dans la pièce y
11 compris sur le canapé derrière lequel le témoin se cachait ". Fin de
12 citation.
13 Après cela, la maison a pris feu. Par ce mots, vous affirmez que
14 les deux hommes ont versé de l'essence dans la maison.
15 M. Ahmic (interprétation). - Non.
16 Mme Glumac (interprétation). – Bon, c'est bien.
17 M. Moskowitz (interprétation). – C'est peut-être un peu tard,
18 Monsieur le Président, mais je souhaitais élever une objection par rapport
19 à la référence qui est faite à cette déclaration donnée à (expurgé) et
20 M. Pajavan. C'est une déclaration que le témoin ne connaît pas, n'a pas
21 lue, n'a pas signée et il me paraît un peu inéquitable de lui citer une
22 déclaration de troisième main et qui a été fournie à une tierce personne.
23 Cela n'est pas, à mon avis, une manière équitable de contre-interroger le
24 témoin.
25 M. le Président (interprétation). – Oui, je suis d'accord,
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1 d'autant plus que je crois comprendre que vous avez cité (expurgé) comme
2 témoin.
3 M. Moskowitz (interprétation). – Oui, en effet.
4 Mme Glumac (interprétation). – Mais M. Pajavan a été entendu et
5 a dit qu'il avait élaboré cette déclaration sur la base des notes qui lui
6 avaient été remises par (expurgé) et que, pour élaborer cette déclaration,
7 aux fins de son témoignage, il s'était appuyé sur les notes en sa
8 possession. Donc il ne s'agissait pas de personnes qui se trouvaient par
9 hasard sur les lieux et qui ont été entendues par hasard, mais il s'agit
10 de personnes affectées et à qui a été confiée la mission de suivre les
11 événements, donc je pense que ces déclarations ont un certain poids et une
12 certaine valeur dans le cadre de notre procès, mais je ne poursuivrai pas
13 mes questions sur ce point.
14 M. le Président (interprétation). – Entendu.
15 Mme Glumac (interprétation). –Nous allons encore parler quelques
16 instants de ces déclarations, car un certain nombre de déclarations ont
17 été faites et nous considérons que ces déclarations ont un poids
18 indubitable, donc nous aimerions encore poser quelques questions à ce
19 sujet. Dans la déclaration devant ce Tribunal, vous avez déclaré que le
20 premier à pénétrer dans la pièce a été Zoran et que Mirjan a pénétré dans
21 la pièce immédiatement derrière lui.
22 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
23 Mme Glumac (interprétation). – Cela, vous l'avez répété à
24 plusieurs reprises, il n'y a pas de problème, pas d'ambiguïté à ce sujet.
25 Mais dans la déclaration que vous avez faite devant l'enquêteur les 13 et
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1 14 octobre 1994, vous avez décrit les événements d'une façon tout à fait
2 différente. Je vais maintenant vous donner lecture d'un passage de cette
3 déclaration. Vous avez dit ce qui suit, je cite :
4 "Lorsque j'ai regardé dans la direction de Naser, j'ai vu
5 pénétrer dans la pièce Zoran Kupreskic qui était penché en avant et qui
6 tenait un fusil à deux mains comme s'il s'apprêtait à tirer. Je l'ai
7 reconnu même s'il avait sur le visage des traits de couleur. Il a pénétré
8 dans la pièce et il s'est tourné vers la droite où Naser était debout.
9 Naser se trouvait dans le coin inférieur de la pièce et ne portait pas
10 d'arme. Lorsque Zoran a vu Naser, il a immédiatement tiré une rafale qui a
11 tué Naser. Zoran s'est alors retourné dans la direction de Zehrudina qui
12 était toujours sur le matelas et a tiré une rafale sur elle mais ne l'a
13 pas tuée.
14 (Rire du témoin.)
15 Ensuite : "Il s'est dirigé vers le canapé sur lequel se trouvait
16 Elvis. Au moment où il a commencé à marcher, j'ai vu pénétrer dans la
17 salle de séjour Mirjan Kupreskic", fin de citation.
18 Donc... Je vous prie de m'écouter jusqu'au bout.
19 Je cite : "Lui aussi avait des peintures, des couleurs sur le
20 visage, mais j'ai tout de même reconnu Mirjan car je le connais depuis sa
21 naissance. Mirjan portait une bouteille qui contenait quelque chose qui
22 ressemblait à de l'essence. Il est allé jusqu'au canapé qui se trouvait
23 dans la partie est de la salle de séjour et a versé un peu d'essence sur
24 le canapé. Après quoi, il s'est dirigé vers le fauteuil qui se trouvait à
25 la droite de la porte d'entrée de la salle de séjour et a versé de
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1 l'essence sur ce fauteuil. Après quoi il a allumé une allumette et a mis
2 le feu au fauteuil. C'est tout ce que j'ai vu car je suis tombé sur le
3 ventre sur le canapé où se trouvait Elvis. Je suis tout de même absolument
4 sûr qu'il s'agissait de Zoran, mais je n'ai pas vu si Mirjan portait des
5 armes. Et il est arrivé jusqu'à moi et a tiré trois rafales sur moi."
6 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
7 Mme Glumac (interprétation). – Donc ce que vous dites, c'est que
8 Mirjan a pénétré dans la pièce après que le premier agresseur qui, selon
9 vous, serait Zoran, a tué votre fils et votre belle-fille.
10 M. Ahmic (interprétation). - Au moment même où Zoran a pénétré
11 dans la pièce, au même moment, Mirjan a pénétré dans la pièce.
12 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Ahmic, c'est ce que vous
13 avez dit au cours des débats. Comment cela se fait-il qu'à l'enquêteur
14 auquel vous avez parlé pendant deux jours, vous avez décrit les événements
15 en disant que Mirjan a pénétré dans la pièce après la commission des deux
16 meurtres. Et ensuite, au moment où il se dirige vers le canapé où se
17 trouve votre petit-fils...
18 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
19 Mme Glumac (interprétation). – ...Mirjan parvient à mettre le
20 feu en deux endroits dans la pièce, à mettre le feu. C'est seulement à ce
21 moment-là que se produisent les tirs que vous ne voyez pas ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Je vais vous dire : tous ces
23 événements se sont produits en un instant, en quelques secondes.
24 Mme Glumac (interprétation). – Je vous crois. C'est exact. Mais
25 il y a une chose que j'aimerais vous dire : vous affirmez aujourd'hui, en
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1 vous disant sûr à cent pour cent –c'est ce que vous avez dit vendredi dans
2 votre déposition- que les événements se sont déroulés de la façon que vous
3 avez dite. Moi, je vous montre que vous avez parlé de ces mêmes événements
4 d'une façon différente.
5 M. Ahmic (interprétation). – Ça, c'est…
6 Mme Glumac (interprétation). – Donc vous ne pouvez pas
7 aujourd'hui être sûr à tel point.
8 M. Ahmic (interprétation). – Je suis sûr à cent pour cent.
9 Mme Glumac (interprétation). – Vous êtes sûr à cent pour cent ?
10 M. Ahmic (interprétation). – A cent pour cent.
11 Mme Glumac (interprétation). – Ces erreurs, d'après vos
12 suppositions, sont des erreurs dues à des tiers ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Ce sont peut-être des erreurs dues
14 à moi, mais ce que je vous dis, c'est qu'il est exact que, lorsque Zoran a
15 pénétré dans la pièce, Mirjan est entré dans la pièce immédiatement
16 derrière lui, il a versé de l'essence sur la chaise à droite. Pendant que
17 cela se faisait, l'autre a commis les meurtres de Naser, de ma belle-fille
18 et d'Elvis, et qu'à ce moment-là j'étais déjà couché au sol. J'ai déjà
19 dit, il y a quelques instants, que tout cela s'est produit en quelques
20 secondes et tout était fini. Personne n'est venu pour photographier ou
21 filmer ceci ou cela.
22 Mme Glumac (interprétation). – Mais dans ces quelques secondes,
23 vous avez quatre versions de ces événements. Il y a peut-être certaines
24 choses que vous ne vous vous rappelez pas mais, chaque fois, vous apportez
25 des réponses déterminées.
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1 Mais parlons encore quelques instants de ce fusil qui a déjà été
2 mentionné. Vous avez déclaré au cours des débats, ce matin, que vous ne
3 vous rappelez pas exactement quel était le fusil qui était entre les mains
4 de Zoran Kupreskic.
5 M. Ahmic (interprétation). – Oui, je n'en suis pas sûr à cent
6 pour cent parce que mon regard n'était pas dirigé sur l'arme, mais sur la
7 personne qui commettait ce crime, qui tuait tout le monde et qui voulait
8 me tuer moi aussi, en un instant.
9 Mme Glumac (interprétation). – Le 13 octobre, dans cette
10 déclaration que vous avez fournie au juge d'instruction, vous avez déclaré
11 ce qui suit : "Le fusil qu'il portait avait une longueur d'environ
12 48 centimètres. Au bout du canon se trouvait un chargeur circulaire. Le
13 13 octobre 1994, un fusil automatique de marque MGV m'a été montré. Et je
14 crois que c'est exactement ce type de fusil que Zoran a utilisé le
15 16 avril 1993", fin de citation
16 Donc vous décrivez en détail le fusil, vous dites quelle est sa
17 longueur, où se trouve le chargeur, vous dites que c'était un fusil de ce
18 type, en tout cas que c'était votre impression. Ce sont des descriptions
19 très précises.
20 M. Ahmic (interprétation). – Oui, ils m'ont montré ce fusil.
21 Mais ce qui est vrai, c'est que ce fusil m'a été montré à ce moment-là.
22 Peut-être qu'il s'agissait d'un autre fusil, peut-être plus grand, qu'est-
23 ce que j'en sais, à ce moment-là ?
24 Mme Glumac (interprétation). – Mais pourquoi avez-vous dit à ce
25 moment-là que vous aviez l'impression que c'était le même fusil ?
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1 M. Ahmic (interprétation). – Qu'est-ce j'en sais ? Peut-être que
2 c'était un fusil même plus grand.
3 Mme Glumac (interprétation). – Mais ici nous parlons de vos
4 déclarations, c'est la raison pour laquelle je vous pose ces questions.
5 M. Ahmic (interprétation). – Oui et je vous ai répondu que, dans
6 des moments de ce genre, j'aimerais que chacun d'entre vous soit placé
7 dans des situations de ce genre et que je vous pose des questions aussi
8 détaillées.
9 Mme Glumac (interprétation). – Je peux m'imaginer, je peux
10 m'imaginer. Dites-moi, d'après vous, ces événements dans la maison ont
11 duré combien de temps ?
12 M. Ahmic (interprétation). – Quelques secondes.
13 Mme Glumac (interprétation). – Quelques secondes ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Le temps de taper dans les mains.
15 (Le témoin tape dans ses mains.)
16 Mme Glumac (interprétation). – Bien. Encore une question que
17 j'aimerais vous poser : en fait, qui a tiré à l'intérieur de la maison ?
18 Il y a quelques différences dans les diverses déclarations que vous avez
19 faites à ce sujet. Devant le Tribunal, vous avez dit que c'est Zoran
20 Kupreskic qui a tiré.
21 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
22 Mme Glumac (interprétation). – Qu'il a tué Naser, Zehrudina,
23 Elvis et le bébé, parce que Mirjan ne portait pas de fusil ?
24 M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas s'il portait un
25 fusil.
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1 Mme Glumac (interprétation). – Vous n'avez pas vu qu'il en avait
2 un ?
3 M. Ahmic (interprétation). – Et je ne sais pas s'il en avait un
4 parce que Mirjan était tout le temps accroupi.
5 Mme Glumac (interprétation). – Mais comment a-t-il pénétré dans
6 la pièce : accroupi aussi ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Comment je peux le savoir ?
8 Mme Glumac (interprétation). – Comment a-t-il pénétré dans la
9 pièce ?
10 M. Ahmic (interprétation). – Il a pénétré dans la pièce derrière
11 Zoran.
12 Mme Glumac (interprétation). – Mais dans quelle position ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Il était penché en avant et c'est
14 accroupi qu'il a tiré sur le lit.
15 Mme Glumac (interprétation). – Il était donc accroupi ?
16 M. Ahmic (interprétation). – Oui, accroupi.
17 Mme Glumac (interprétation). – Et Zoran ?
18 M. Ahmic (interprétation). – Zoran était debout, il se tenait
19 droit.
20 Mme Glumac (interprétation). – Comment avez-vous pu voir Mirjan
21 s'il était accroupi et qu'il est entré derrière Zoran ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Mais comment est-ce que je ne
23 l'aurais pas vu ? Je vous vois, vous, aujourd'hui.
24 Mme Glumac (interprétation). – Mais il y avait une table au
25 milieu ?
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1 M. Ahmic (interprétation). – C'est une table qui ne me gênait
2 pas pour voir.
3 Mme Glumac (interprétation). – Elle ne vous gênait pas ?
4 M. Ahmic (interprétation). – Non, pas du tout.
5 Mme Glumac (interprétation). – Sur ce même sujet, vous avez dit
6 à la police ce qui suit.
7 (Les interprètes signalent qu'elles ne possèdent pas ces
8 diverses déclarations.)
9 Je cite, il s'agit de la déclaration du 22 avril :
10 "Immédiatement après avoir pénétré dans la pièce, l'un des deux hommes a
11 tiré une rafale dans le couloir, alors que le deuxième, voyant qu’il y
12 avait de la lumière dans la pièce, et voyant mon fils Naser debout dans la
13 pièce, a tiré une rafale sur lui et tué ma belle-fille, Zehudina, après
14 avoir pénétré dans la pièce, ainsi que le petit Elvis qui dormait encore
15 avec elle dans le lit. Puisqu’ils ont tiré des rafales sur eux, au bout
16 d’un instant le silence s’est fait et ensuite le petit a recommencé à
17 pleurer".
18 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
19 Mme Glumac (interprétation). - Et l’assassin s’est retourné ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Il n’a pas fait demi-tour, il s’est
21 simplement retourné.
22 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Je vous lis ce qui figure
23 dans le document.
24 Je cite : "Et il a ensuite tiré une rafale sur le berceau de
25 l’enfant" (fin de citation).
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1 Dans cette déclaration, il apparaît qu’il y a eu deux rafales,
2 l’une dans la véranda,
3 l’autre...
4 M. Ahmic (interprétation). - Non. La rafale qui est mentionnée
5 ici se rapporte au meurtre de Naser et n’a pas été tirée dans la véranda.
6 Il n’y a pas eu de rafale dans la véranda.
7 Mme Glumac (interprétation). - Très bien.
8 Je prends maintenant la déclaration que vous avez faite devant
9 le juge d’instruction. Dans cette déclaration, vous avez affirmé qu'ils
10 avaient pénétré dans la maison, que l’un des deux avait tiré sur Naser et
11 que vous étiez tombé derrière le canapé sur lequel dormait votre petit-
12 fils et que vous avez entendu qu’ils tiraient une rafale sur votre belle-
13 fille et sur votre fils.
14 M. Ahmic (interprétation). - Non.
15 Mme Glumac (interprétation). - Donc c’est encore au pluriel, il
16 y a deux hommes qui ont tiré ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Non, il y a une seule personne, un
18 seul homme qui a tiré dans cette pièce.
19 Mme Glumac (interprétation). - Et finalement je vais encore vous
20 montrer, grâce à la transcription de la cassette qui a été diffusée et que
21 nous avons vue, que vous utilisez également le pluriel.
22 Vous dites dans cette transcription ce qui suit, je cite :
23 « Entre-temps, les membres du HOS... Non, plutôt les soldats du HVO sont
24 arrivés à la porte, ils ont défoncé la porte à coups de pied et ont
25 immédiatement tiré une rafale dans la véranda. Ils sont ensuite entrés
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1 dans la pièce où la lumière était allumée ».
2 M. Ahmic (interprétation). - Oui, la lumière était allumée.
3 Mme Glumac (interprétation). - « Et comme ils ont vu que mon
4 fils était debout, ils l’ont immédiatement abattu, et moi j’ai entrebaîllé
5 la porte et ai regardé entre l’entrebaîllement. Ensuite, ils ont tiré une
6 rafale sur ma belle-fille et sur mon deuxième petit-fils, Sino. Ils se
7 sont ensuite dirigés vers la porte, mais le petit... »
8 M. Ahmic (interprétation). - ...S’est fait entendre.
9 Mme Glumac (interprétation). - « ... a commencé à pleurer dans
10 son berceau » (fin de citation).
11 Donc, à partir de cette déclaration, il apparaît également qu’il
12 y avait deux hommes qui ont tiré ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Non, un seul homme.
14 Mme Glumac (interprétation). - Un seul homme ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Un seul homme a tiré.
16 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous me dire encore une
17 chose ? Vous dites, dans cette déclaration, que vous avez pu voir ce qui
18 était arrivé à Naser, vous l’avez vu. Que voulez-vous dire par là ?
19 Lorsque Naser est tombé et que la maison a commencé à brûler,
20 vous l’avez regardé pour voir ce qui lui arrivait. Vous avez dit qu’il y
21 avait du sang.
22 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j’ai jeté un coup d’œil et
23 devant sa poitrine, il y avait du sang. Je l’ai vu de mes yeux. J’ai
24 ouvert ensuite la fenêtre et j’ai essayé de sauter par la fenêtre pour
25 m’enfuir et sauver ma vie. Mais quand j’ai regardé par la fenêtre, j’ai vu
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1 en bas Vlatko et deux ou trois soldats. Vlatko est arrivé à la maison de
2 Suhrija...
3 Mme Glumac (interprétation). - Nous n’allons pas aller plus
4 loin, cela vous l’avez déjà raconté et ne fait pas l’objet du moindre
5 doute.
6 Est-ce que vous avez regardé ce qui arrivait à Elvis et à Sead ?
7 Est-ce vous avez vu cela ou n’avez-vous pas réussi à le voir ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Que voulez-vous dire par là ?
9 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes
10 approché pour voir ce qui leur arrivait ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Non, d’ailleurs je ne me suis
12 approché de personne à
13 ce moment-là.
14 Mme Glumac (interprétation). - Non ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Non, il suffisait que je jette un
16 coup d’œil car tout se trouvait dans une pièce de 6 mètres sur 8.
17 Mme Glumac (interprétation). - Vous ne vous êtes approché
18 d’aucun d’entre eux ?
19 M. Ahmic (interprétation). - Non.
20 Mme Glumac (interprétation). - Dans cette transcription de la
21 cassette vidéo, vous affirmez que vous avez essayé de retirer les enfants
22 de cette pièce.
23 M. Ahmic (interprétation). - C’est ce que j’ai imaginé, j’ai
24 pensé à la façon dont j’aurais pu les sauver, mais je n’ai rien réussi.
25 Mme Glumac (interprétation). - Vous dites la chose suivante, je
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1 cite : « J’ai essayé de retirer les enfants pour les emmener dans la pièce
2 où je me trouvais de façon à ce que nous soyons tous localisés dans une
3 pièce, au moins pour que les enfants ne brûlent pas vivants, c’est-à-dire
4 que si on nous tue les enfants ne brûlent pas vifs ».
5 M. Ahmic (interprétation). - C’est ce que j’ai imaginé, mais en
6 fait je n’ai retiré personne de la pièce.
7 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Dites-moi, s’il vous plaît,
8 encore à quel dormait Elvis ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Elvis ?
10 Mme Glumac (interprétation). - Oui, Elvis.
11 M. Ahmic (interprétation). - Il dormait sur le canapé.
12 Mme Glumac (interprétation). - C’est le même canapé derrière
13 lequel vous dites que vous vous êtes caché ?
14 M. Ahmic (interprétation). - Exactement.
15 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Il y a quelques instants,
16 j’ai lu un extrait de
17 la déposition que vous avez faite à la police, déposition dans laquelle
18 vous dites que : « Lorsque les soldats ont pénétré dans la pièce, ils ont
19 tué notre belle-fille, Zehudina, et le petit Elvis qui dormait encore avec
20 elle dans le lit ».
21 M. Ahmic (interprétation). - Non, il ne dormait pas avec elle
22 dans le lit.
23 Mme Glumac (interprétation). - Mais ce sont toutes des
24 déclarations que vous avez signées ; c’est la raison pour laquelle je vous
25 demande pourquoi cela ne correspond pas à ce que vous dites aujourd’hui.
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1 M. Ahmic (interprétation). - Alors c’est une erreur de celui qui
2 a écrit tout cela parce qu’Elvis avait son propre canapé sur lequel il
3 dormait, Sejo avait aussi son petit lit dans lequel il dormait, et Naser
4 et sa femme, Zehudina, avaient un matelas sur le sol et dormaient sur ce
5 matelas.
6 Mme Glumac (interprétation). - C’est ce que vous avez dit
7 avant ?
8 M. Ahmic (interprétation). - J’ai toujours dit les choses de
9 cette façon parce que je ne peux pas expliquer les choses autrement
10 qu’elles ne sont.
11 Mme Glumac (interprétation). - Avançons un petit peu, si vous le
12 voulez bien.
13 Vous avez déclaré qu’en dessous de la maison, il y avait une
14 cave et que cette cave était aménagée et qu’on pouvait y vivre. Est-ce que
15 vous entendez par là qu’il y avait une pièce avec une cuisine et que l’on
16 pouvait y vivre, ou est-ce qu’il y avait autre chose ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Non, c’était une pièce avec une
18 cuisine.
19 Mme Glumac (interprétation). - Je vois. Y avait-il des
20 toilettes ?
21 M. Ahmic (interprétation). - Je vous demande pardon ?
22 Mme Glumac (interprétation). - Y avait-il des toilettes dans la
23 cave ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Non. Je ne vous avais pas comprise,
25 mais non, il n’y avait pas de toilettes.
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1 Mme Glumac (interprétation). - Donc toute personne qui vivait
2 dans la cave devait utiliser les toilettes à l’extérieur ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Exactement, dans un petit appentis.
4 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous-même il vous
5 arrivait de passer un peu de temps dans la cave ?
6 M. Ahmic (interprétation). - Cela nous arrivait à tous.
7 Mme Glumac (interprétation). - Notamment dans les mois d’été ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Oui, pendant les mois d’été et en
9 hiver également.
10 Mme Glumac (interprétation). - Et il vous arrivait souvent de
11 dormir dans la cave ?
12 M. Ahmic (interprétation). - Oui, nous y dormions, et notamment
13 moi j’y dormais si les choses n’étaient pas assez calmes en haut,
14 j’essayais d’y trouver un petit peu de calme et d’y dormir.
15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous passiez la nuit,
16 est-ce que vous y dormiez la nuit ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Oui, absolument, ou bien lorsque je
18 voulais me reposer pendant la journée ; les deux cas de figure se sont
19 présentés.
20 Mme Glumac (interprétation). - Cela signifie que dans la cave,
21 il y avait tout ce dont vous aviez besoin ?
22 M. Ahmic (interprétation). - Absolument, il y avait également
23 l’eau courante.
24 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie.
25 Monsieur, aviez-vous un chien ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Oui, nous avions un chien. C’était
2 un Berger allemand.
3 Mme Glumac (interprétation). - Un Berger allemand ?
4 M. Ahmic (interprétation). - Non, c’était un bâtard et nous
5 l’avons adopté parce que nous lui avons un jour donné de la nourriture et
6 il est resté là.
7 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ce chien rentrait dans
8 la maison ?
9 M. Ahmic (interprétation). - Non, il n’est jamais rentré dans la
10 maison. Les chiens n’entrent pas dans la maison, les chiens sont faits
11 pour vivre dehors, mais nous le nourrissions tous, moi je lui donnais de
12 la nourriture également.
13 Mme Glumac (interprétation). - Et ce chien était avec vous
14 lorsque tous ces événements se sont produits ?
15 M. Ahmic (interprétation). - Vous voulez dire dans la maison ?
16 Mme Glumac (interprétation). - Non, devant la maison. Est-ce que
17 vous avez vu le chien ?
18 M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu, mais j’ai
19 entendu des aboiements et ensuite il y a eu cette rafale, puis un grand
20 silence, je n’ai plus entendu le chien. J’ai eu cette pensée qui m'a
21 traversé l’esprit : « Le chien a été tué ».
22 Mme Glumac (interprétation). - Le chien était attaché ?
23 M. Ahmic (interprétation). - Non, il n’était pas attaché, il se
24 déplacé librement dans la cour.
25 Mme Glumac (interprétation). - Parmi les maisons croates, quelle
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1 est la maison qui se trouvait immédiatement en contrebas de la vôtre sur
2 la route ?
3 M. Ahmic (interprétation). - Sur la route ?
4 Mme Glumac (interprétation). - Oui.
5 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas exactement,
6 ma maison en fait se trouve entre deux routes, celle qui mène vers Ahmici
7 et celle qui va vers Pirici. Et moi, je me trouve exactement dans l’angle
8 que forment ces deux routes. Là, je regarde vers le bas, je suis entre la
9 route qui mène qui va vers Ahmici et la route principale.
10 Mme Glumac (interprétation). - Et à qui appartient la maison qui
11 se trouve en première position le long de cette route ?
12 M. Ahmic (interprétation). - C’est la maison de Vlatko
13 Kupreskic.
14 Mme Glumac (interprétation). - Fort bien.
15 Vous avez dit que ces événements se sont déroulés très
16 rapidement, que tout s’est déroulé en l’espace de quelques secondes.
17 M. Ahmic (interprétation). - Oui, tout a été terminé très
18 rapidement.
19 Mme Glumac (interprétation). - Naser travaillait-il dans la
20 cordonnerie ou le magasin de chaussures qui se trouvait entre Vitez et
21 Ahmici ?
22 M. Ahmic (interprétation). - Oui, effectivement. Il y a
23 travaillé constamment jusqu'à son dernier jour.
24 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu’il lui arrivait d’aller
25 prendre un verre avec ses amis après le travail pour se détendre ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, tout dépendait du temps
2 libre dont il disposait, tout dépendait également de l’argent dont il
3 disposait. A l’époque, nous n’avions pas beaucoup d’argent, il nous
4 fallait travailler dur.
5 Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce qu’il lui arrivait
6 parfois d’aller prendre un verre avec des amis après le travail ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Bien sûr, il avait des amis, bien
8 sûr.
9 Mme Glumac (interprétation). - Revenons aux événements qui se
10 sont déroulés dans la maison.
11 Vous avez déclaré que les gonds se trouvaient sur le côté droit
12 de la porte.
13 M. Ahmic (interprétation). - C’est exact.
14 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez déclaré que vous vous
15 trouviez sur le seuil de la porte ou étiez-vous devant la porte ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, moi j’étais près de
17 l’embrasure de la porte.
18 Mme Glumac (interprétation). - Lorsque vous avez vu cette
19 personne se dirigeait vers Elvis, vous avez déclaré que vous aviez perdu
20 connaissance et que vous vous étiez effondré.
21 M. Ahmic (interprétation). - Oui, j’ai complètement perdu
22 connaissance.
23 Mme Glumac (interprétation). - Mais comment êtes vous tombé ?
24 M. Ahmic (interprétation). - Ma tête est allée heurter le mur.
25 Comment cela s’est produit, je n’en suis pas certain moi-même.
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1 Mme Glumac (interprétation). - D’après le plan qui nous a été
2 montré par le Bureau du Procureur, vous vous êtes effondré de telle sorte
3 que vos jambes étaient orientées vers le nord. Vous étiez allongé sur le
4 ventre et votre tête a heurté le mur. Comment cela s’est-il produit ?
5 M. Ahmic (interprétation). - Ce n’est pas volontaire !
6 Mme Glumac (interprétation). - Non, mais c’est une question que
7 je vous pose. Vous êtes tombé sur le ventre ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
9 Mme Glumac (interprétation). - Où votre tête a-t-elle heurté le
10 mur ? Au niveau du sol ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Non, j’ai heurté le sol avec ma
12 tête, pas le mur de ma tête, enfin je ne sais pas. Peut-être ai-je
13 effectivement heurté le mur de ma tête, mais je me suis retrouvé là,
14 complètement prostré, sur le sol, entre le canapé et le mur.
15 Mme Glumac (interprétation). - Donc, en fait, vous étiez debout
16 dans l’embrasure de la porte et vous êtes tombé sur le ventre et
17 verticalement par rapport au mur.
18 M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas vous décrire comment
19 tout cela s’est déroulé. Je ne peux pas vous décrire ce qui s’est passé.
20 Peut-être ai-je fait un pas en direction de Naser et peut-être qu’à ce
21 moment-là j’ai eu cette attaque cardiaque, que je suis tombé, peut-être
22 que mon cerveau a réagi de cette façon-là.
23 Mme Glumac (interprétation). - Vous étiez en train de regarder
24 Naser à ce moment-là ? Vous regardiez dans sa direction, parce que vous
25 dites que vous avez peut-être fait un pas dans sa direction ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Non, j’ai dit peut-être, peut-être
2 que j’ai fait un pas dans la direction de Naser. Ils étaient tous là sous
3 mes yeux puisque je me tenais là sur le seuil de la porte.
4 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et
5 Monsieur les Juges, j’ai encore trois autres questions, mais il me
6 faudrait passer en audience à huis clos pour les poser.
7 M. le Président (interprétation). - Nous passons en audience à
8 huis clos.
9 L'audience se poursuit à huis clos.
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5 Audience publique
6 M. Krajina (interprétation). - Je voudrais demander au témoin
7 s'il a effectivement dit que Vlatko Kupreskic avait volé les biens de son
8 fils. Monsieur Ahmic, pourriez-vous répondre à cette question, s'il vous
9 plaît ?
10 M. Ahmic (interprétation). - Oh pardon, c'est à moi que vous
11 parlez ? Nulle part je n'ai dit que Vlatko Kupreskic volait des objets.
12 M. Krajina (interprétation). - Merci. Nous n'avons besoin
13 d'aucune autre affirmation, Monsieur Ahmic, cela suffira. Bien.
14 Monsieur le Président, je voudrais maintenant poser mes
15 questions au témoin, M. Sakib Ahmic.
16 Monsieur Ahmic, c'est à vous que je m'adresse et je ne vais vous
17 demander que quelques éclaircissements. Le 4 septembre dernier, donc juste
18 avant l'interruption de nos travaux, lors du dernier jour des débats, vous
19 avez déclaré qu'au matin du 16 avril 1993, alors que vous observiez ce qui
20 se passait depuis la fenêtre de votre chambre, vous avez vu dans la cour
21 de la maison de Vlatko Kupreskic un soldat du HVO. Et, après l'avoir vu,
22 vous vous êtes dit que vous n'aviez pas le courage de sortir de la maison
23 par la fenêtre. C'est bien exact ?
24 M. Ahmic (interprétation). - C'est exact.
25 M. Krajina (interprétation). - Avez-vous reconnu ce soldat ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas reconnu.
2 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, dans le
3 compte rendu d'audience du 4 septembre, à la page 43, ligne 16, il est dit
4 -et c'est erroné- que ce soldat était Vlatko Kupreskic. Alors, est-ce que
5 cette erreur peut être rectifiée, s'il vous plaît ? Je ne sais pas comment
6 elle a pu se glisser dans le compte rendu, mais pourtant elle s'y trouve
7 bel et bien. Elle se trouve dans le compte rendu de l'audience de ce jour-
8 là et nous nous en sommes aperçu en consultant nos ordinateurs. Il y a eu
9 une erreur.
10 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina, est-ce que
11 vous dites que le
12 témoin, par erreur, a cité Vlatko Kupreskic comme étant le soldat qui se
13 trouvait dans la cour ?
14 M. Krajina (interprétation). - Oui, précisément.
15 M. le Président (interprétation). - En fait, vous voulez dire
16 que le témoin ne voulaitpas dire que Vlatko Kupreskic était le soldat en
17 question, il n'a pas identifié le soldat comme étant Vlatko Kupreskic ?
18 M. Krajina (interprétation). - Et c'est ce que le témoin vient
19 de répéter, que ce soldat n'était pas Vlatko Kupreskic. C'est peut-être le
20 mot "cour" qui manquait.
21 M. Ahmic (interprétation). - Essayons de bien nous comprendre.
22 Je me trouvais à la fenêtre et j'attendais le moment propice pour
23 m'échapper. A ce moment-là, j'ai vu deux ou trois soldats dans la cour de
24 Vlatko ; je n'ai donc pas osé m'enfuir par la fenêtre : j'ai eu peur
25 qu'ils me prennent vivant, j'ai vu qu'ils avaient tué tous les miens, j'ai
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1 vu que j'étais le seul survivant. Et j'ai eu peur, j'ai eu peur qu'ils ne
2 me prennent vivant ; j'ai eu peur qu'ils me torturent et qu'ils finissent
3 par me tuer ; j'ai eu peur de disparaître complètement.
4 M. Krajina (interprétation). - Vous nous avez déjà dit tout
5 cela. Mais ce n'est pas l'objet de ma question. Dans votre déclaration,
6 vous avez dit un peu plus tard qu'alors que vous observiez ce qui se
7 passait par la fenêtre et que vous vous demandiez si vous deviez sortir ou
8 pas, vous avez vu un soldat.
9 M. Ahmic (interprétation). – Ah, un soldat !
10 M. Krajina (interprétation). - Voilà, nous parlons de ce soldat.
11 Vous avez dit que vous ne l'avez pas reconnu et, dans le compte rendu,
12 nous nous sommes aperçus qu'il y a eu une erreur. Voilà, nous avons réglé
13 le problème. C'est tout ; merci.
14 Maintenant, une question encore, Monsieur le Président.
15 Monsieur Ahmic, qu'entendez-vous par le terme "soldat bojovnik" ? Faites-
16 vous référence à une personne portant un uniforme et armé ou à autre
17 chose ?
18 M. Ahmic (interprétation). – Pour moi, un soldat, c'est un jeune
19 homme qui porte
20 un uniforme et qui est armé.
21 M. Krajina (interprétation). - Qui porte un uniforme et qui est
22 armé ?
23 M. Ahmic (interprétation). – Oui.
24 M. Krajina (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, Je
25 n'ai plus de questions pour le témoin.
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1 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Maître
2 Susak, vous avez des questions.
3 M. Susak (interprétation). – Monsieur le Président, je n'ai
4 qu'une ou peut-être deux questions à poser au témoin. Je serai bref.
5 Monsieur Ahmic, vous avez dit qu'à Barin Gaj, il y avait eu des
6 coups de feu échangés, et vous avez dit que cinq ou six Bosniens avaient
7 été abattus. C'est bien ce que vous avez dit ? C'était bien à Barin Gaj ou
8 était-ce ailleurs ?
9 M. Ahmic (interprétation). – Excusez-moi, excusez-moi, mais je
10 n'ai jamais dit que quiconque avait été tué à Barin Gaj ; mais j'ai dit
11 quelque chose d'autre : le 17 avril 1993, alors que je sortais de
12 Barin Gaj, j'ai rencontré cinq ou six jeunes hommes qui entraient dans
13 Barin Gaj, armés de fusils ; ils se déplaçaient en direction d'Ahmici.
14 M. Susak (interprétation). – Je vous remercie. Autre chose
15 maintenant : connaissez-vous Nedad Dzidic ?
16 M. Ahmic (interprétation). – Nedad Dzidic ?
17 M. Susak (interprétation). – Oui. Avez-vous entendu dire ce
18 qu'il était advenu de lui ?
19 M. Ahmic (interprétation). – Ah, Nedad, oui, maintenant je m'en
20 souviens : Nedad et Muharem étaient deux frères. Oui, oui. J'ai entendu
21 qu'ils avaient tous les deux été tués. J'ai entendu dire qu'ils avaient
22 été tués dans la région de Zume.
23 M. Susak (interprétation). – Très bien, je voulais vous demander
24 si cela s'était
25 passé effectivement à Zume ou ailleurs. Puisque vous, vous étiez en train
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1 de vous diriger vers la maison de votre mère ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Non, non, c'était tout à fait dans
3 la direction opposée de la mienne.
4 M. Susak (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Je
5 n'ai plus de questions.
6 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Je crois
7 comprendre qu'il n'y a pas d'autres questions de la part des conseils de
8 la défense ? Parfait. Nous allons prendre maintenant une pause de trente
9 minutes. Je suppose que le Bureau du Procureur souhaiterait poser des
10 questions complémentaires au témoin, n'est-ce pas ?
11 M. Moskowitz (interprétation). – Absolument.
12 M. le Président (interprétation). – Nous prenons une pause de
13 trente minutes.
14 Suspendue à 15 heures 15, l'audience est reprise à 15 heures 45.
15 M. le Président (interprétation). –Maître Glumac, je vous en
16 prie.
17 Mme Glumac (interprétation). –Monsieur le Président, je
18 souhaiterais demander que ces déclarations soient versées au dossier.
19 Puis-je les faire passer au Greffe ? Je peux en citer les données si vous
20 le souhaitez. Il s'agit des déclarations des 13 et 14 octobre 1994, du
21 procès-verbal du 1er octobre 1993, de la déclaration du 22 avril 1993 et
22 enfin de la déclaration donnée aux enquêteurs de ce Tribunal le
23 12 novembre 1997. Il y a également la déclaration du 2 septembre 1995.
24 Tels sont les documents dont je souhaite le versement au dossier.
25 M. le Président (interprétation). –Maître Moskowitz ?
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, il
2 serait également bon que la déclaration du 20 février 994 soit versée au
3 dossier, ainsi nous aurions l'ensemble des documents admis.
4 M. le Président (interprétation). – Absolument. Toutes les
5 déclarations du témoin doivent être et sont acceptées en tant que pièces à
6 conviction. Bien. Maintenant, Maître Moskowitz, vous avez la parole si
7 vous souhaitez poser des questions complémentaires.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Merci. Bonjour, Monsieur Ahmic.
9 Quelques questions à vous poser et nous en auront terminé. On vous a posé
10 une question relative à Vlatko Kupreskic, et pour que tout soit bien
11 clair, voici ma question : avez-vous vu Vlatko Kupreskic le
12 26 avril 1993 ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Oui.
14 M. Moskowitz (interprétation). -. Où vous trouviez-vous lorsque
15 vous l'avez aperçu ce jour-là ?
16 M. Ahmic (interprétation). - Je me suis trouvé à la fenêtre, à
17 la fenêtre de ma chambre et c'est à partir donc de cette position-là que
18 j'ai pu voir Vlatko Kupreskic qui se déplaçait de la cour de Suhrija. Il
19 avait passé derrière la maison et ensuite je ne l'ai plus vu. Je ne
20 pouvais plus le voir parce que la visibilité n'était plus possible. Il
21 était derrière la maison et au moment où il se déplaçait, je pense qu'il
22 portait quelque chose sous le bras gauche. Je ne peux pas définir
23 exactement ce qu'il portait.
24 M. Moskowitz (interprétation). - Vous vous souvenez des
25 vêtements qu'il portait ?
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1 M. Ahmic (interprétation). - Oui, je m'en souviens. Il portait
2 un manteau bleu et, sous le manteau, je ne sais pas ce qu'il portait.
3 C'était une combinaison bleue au fond qu'il portait.
4 M. Moskowitz (interprétation). - On vous a également posé des
5 questions relatives à votre mère. Pourriez-vous nous dire quelle est la
6 date de naissance ou l'année de naissance de votre mère ?
7 M. Ahmic (interprétation). - Ma mère est née en 1909... En 1899.
8 Elle avait 90 ans, ou presque 90 ans. En 1909.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Votre mère habite-t-elle avec
10 vous actuellement ?
11 M. Ahmic (interprétation). - Oui, ma mère habite avec moi. Elle
12 n'est pas vraiment en très bon état. Elle a l'âge, elle est immobile
13 pratiquement. Il faut s'en occuper tous les jours et on doit l'examiner
14 tous les jours également.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Et parfois est-ce qu'elle se
16 trompe ? Est-ce qu'elle commet des erreurs parce qu'elle est âgée ?
17 M. Ahmic (interprétation). - Bien évidemment, il s'agit d'une
18 personne âgée.
19 M. le Président (interprétation). – Je vous vois bien,
20 Maître Radovic, mais aussi j'étais en train de me demander si cette
21 question n'était pas totalement objective. C'est une question pertinente
22 et votre objection aurait été pertinente, mais je crois que nous allons
23 accepter cette question.
24 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, bien
25 évidemment nous avons beaucoup de respect pour l'âge de sa mère. On ne va
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1 pas citer sa mère comme témoin.
2 M. Ahmic (interprétation). - Mais ce père…
3 M. Radovic (interprétation). – Mais dans ce cas-là, ce n'est pas
4 indispensable de poser des questions qui ne sont pas pertinentes et de
5 suggérer au témoin la réponse.
6 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Radovic.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Je poserai encore une question
8 relative à la mère du témoin. Monsieur, vous rappelez-vous la visite que
9 je vous ai rendu, à vous et à votre mère, à Zenica ? Pouvez-vous nous dire
10 pour qui votre mère m'a pris ? Elle m'a confondu avec quelqu'un.
11 M. Ahmic (interprétation). - Oui oui, je m'en souviens. Je me
12 souviens très très bien même. Au moment où Me Albert* est venu dans la
13 chambre, elle avait pensé tout simplement que c'était un médecin et que ce
14 médecin devait donc passer l'examiner, prendre la tension, elle
15 s'attendait également qu'il lui mette les ordonnances.
16 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, vous savez
17 qu'on n'a pas le droit de poser des questions sur les personnes tierces,
18 alors que maintenant le témoin parle de sa mère, de ce qu'elle avait pensé
19 au moment où elle avait vu le Procureur, Maître Albright* ?
20 M. le Président (interprétation). - Je crois que cette question
21 a toute raison d'être parce que le Procureur pose...
22 M. Radovic (interprétation). – Ah, pardon. Excusez-moi. En fait,
23 vous avez sans doute raison.
24 M. le Président (interprétation). - Non, c'est vous qui avez
25 raison, Maître Radovic, parce qu'en fait il demande exactement au témoin
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1 de dire quelle a été l'attitude de sa mère à son encontre. Donc, là,
2 effectivement, ouï-dire, Maître Moskowitz. Donc, abandonnez la question,
3 Maître Moskowitz.
4 M. Moskowitz (interprétation). – C'était simplement pour
5 démontrer quel était l'état d'esprit de la mère du témoin.
6 M. le Président (interprétation). – Certes, certes. Mais
7 poursuivons. De toute façon, ce n'est pas là un point de toute première
8 importance.
9 M. Moskowitz (interprétation). – On vous a également posé des
10 questions relatives à la lampe qui était suspendue au-dessus de la table
11 dans cette pièce. Pourriez-vous nous dire à quelle distance du plafond
12 était la source lumineuse, donc l'ampoule de la lampe ?
13 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, cette lampe a été à une
14 vingtaine de centimètres plus bas par rapport au plafond. C'est à peu
15 près... C'est une source lumineuse de la salle de séjour qui ne dérange
16 pas quand on se déplace dans la chambre ; elle est à une certaine hauteur,
17 à une certaine hauteur, comme dans toutes les autres pièces d'ailleurs de
18 la maison. Eh bien, cette lumière bien évidemment n'a pas pu provoquer une
19 confusion ou déranger les gens, me déranger moi, ma femme ou bien les
20 invités qui viennent chez nous. Elle ne présentait aucun obstacle.
21 M. Moskowitz (interprétation). – Lorsque vous vous teniez sur le
22 seuil de la porte de votre chambre et que vous regardiez vers la porte
23 d'entrée dans l'autre chambre, est-ce que vous pourriez nous dire si cette
24 lampe se trouvait dans votre champ de vision ? Est-ce qu'elle vous
25 empêchait d'avoir une vue parfaitement dégagée de la pièce ?
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1 M. Ahmic (interprétation). – Non, aucunement. Cela ne pouvait
2 représenter un obstacle pour moi. Absolument pas.
3 M. Moskowitz (interprétation). – On vous a également posé des
4 questions relatives à cette table qui se trouvait dans la pièce. Est-ce
5 que cette table justement vous empêchait d'avoir une vue complètement
6 dégagée de l'endroit où vous vous teniez ?
7 M. Ahmic (interprétation). – Non, absolument pas ; cette table
8 ne représentait aucun obstacle pour moi.
9 M. Moskowitz (interprétation). – Le conseil de la défense vous a
10 également parlé de sanctions disciplinaires qui auraient été prises à
11 votre encontre, lorsque vous travailliez pour une certaine entreprise.
12 Mais la question que je souhaite vous poser, moi, est la suivante :
13 pendant combien de temps avez-vous été employé dans cette entreprise ?
14 M. Ahmic (interprétation). – J'y ai travaillé pendant
15 quarante ans. Donc, j'avais l'ancienneté, j'ai accompli toutes les années
16 indispensables pour aller à la retraite. J'ai travaillé pendant
17 quarante ans. Je n'ai recouru à aucun fonds social ; je pensais qu'à la
18 retraite je pourrais compter également sur un appartement. Pendant
19 quatorze ans, j'ai demandé l'appartement et je n'ai jamais véritablement
20 pu obtenir quoi que ce soit alors que j'ai cotisé pendant quarante ans.
21 Pendant quarante ans j'ai cotisé dans le fond de logement et je n'ai
22 jamais véritablement pu obtenir quoi que ce soit, alors que j'ai cotisé
23 pendant quarante ans. Pendant quarante ans, j'ai cotisé dans le fonds de
24 logement et je n'ai jamais pu racheter un appartement ni un appartement
25 d'une pièce, alors que j'ai cotisé pour quatre pièces au moins, ou cinq.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Bien. Pour que tout soit clair,
2 ces quarante années en tant qu'employé, vous ne les avez pas toutes
3 effectuées au sein de la même entreprise. Vous avez occupé divers postes
4 au cours de ces quarante années de travail, n'est-ce pas ?
5 M. Ahmic (interprétation). – J'avais plusieurs postes que
6 j'avais occupés.
7 M. Moskowitz (interprétation). – Donc, en quarante ans de
8 travail, vous avez fait l'objet d'une seule sanction disciplinaire parce
9 que vous aviez pris un jour de congé sans l'annoncer. En fait, c'est cela,
10 n'est-ce pas ? C'est ce que vous vous rappelez ?
11 M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est ça.
12 M. Moskowitz (interprétation). – Bien. Est-ce que vous vous
13 souvenez si, le 16 avril 1993, vous avez bu quoi que ce soit ?
14 M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne bois pas. Je ne suis pas
15 un alcoolique comme ceci a été présenté de la part, par exemple, de mon
16 épouse ou de quelqu'un d'autre.
17 M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous penser à la raison
18 qui aurait poussé votre femme ou votre ex-femme à dire que vous aviez un
19 problème d'alcoolisme ?
20 M. Ahmic (interprétation). – Je pense toutefois que c'était une
21 des raisons qu'elle avait évoquées tout simplement pour obtenir une rente
22 de ma part, une pension, une allocation de pension, de pension
23 alimentaire. Pour pouvoir réaliser cette pension alimentaire, elle devait
24 bien évidemment donner une raison. C'est de cette manière-là qu'elle
25 m'avait blâmé en quelque sorte.
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1 Eh bien, malheureusement, maintenant on maintient que je suis un
2 alcoolique, que j'étais un vagabond : ce n'est absolument pas vrai et
3 personne de ma famille n'était un vaurien. Je n'ai jamais été alcoolique,
4 j'ai travaillé, j'ai investi dans la formation de mes enfants, j'ai mené
5 une vie honnête, j'étais en bons termes avec mes voisins, avec mes amis et
6 avec ceux que je connaissais à peine.
7 Et je suis sûr que j'avais une attitude très digne et les portes
8 étaient ouvertes partout où je m'étais trouvé, à Lubjana, en Croatie, en
9 Macédoine, en Serbie ; partout, j'avais des amis, partout. Mais,
10 malheureusement, c'est mon ex-épouse qui avait cité cet argument ; c'est
11 de cette manière-là qu'elle m'avait blâmé et de cette manière-là, elle
12 avait atteint l'objectif qui était le sien.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire si vous
14 avez suivi une formation spécialisée en matière d'armes et d'armement ?
15 M. Ahmic (interprétation). – Non.
16 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez servi dans les rangs
17 de la JNA pendant quelque temps, n'est-ce pas, Monsieur Ahmic ?
18 M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'ai fait mon service
19 militaire dans les rangs de l'armée, c'est-à-dire l'ex-JNA et j'ai été
20 admis à l'école des sous-officiers au sein de l'armée pour une période de
21 trois ans. J'ai fait mon service à Karlovac, en Croatie. J'ai commencé mon
22 service le 16 septembre 1992 et c'est là que j'ai été admis à l'école des
23 officiers. Mais un de nos supérieurs a été muté à ce moment-là, le
24 commandant de la région, sans doute sur décision du tribunal militaire. Et
25 c'est ainsi que j'ai été promu au poste de commandant d'une compagnie.
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1 J'ai commandé cette compagnie pendant un certain temps et, dans
2 le cinquième district militaire, la durée du service militaire a, à ce
3 moment-là, été raccourcie officiellement. Donc je n'ai pas achevé les dix-
4 huit mois de mon service militaire ; je suis rentré chez moi.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelles
6 années vous avez servi dans les rangs de la JNA dans le cadre de votre
7 service militaire ?
8 M. Ahmic (interprétation). – De 1952 à 1954, du 16 septembre
9 1952 jusqu'à une certaine date en 1954 ; je ne me rappelle pas le mois.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Quelles étaient vos fonctions,
11 vos tâches au sein de la JNA pendant ces mois que vous y avez passés ?
12 M. Ahmic (interprétation). - J'étais commandant d'une section de
13 pionniers, dès la fin de mes classes. Mais très rapidement, on m'a promu
14 au rang de commandant d'une compagnie et j'ai donc rempli les fonctions de
15 commandant de compagnie dans mon unité jusqu'à la fin de mon service
16 militaire.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Pendant que vous serviez dans
18 les rangs de la JNA, avez-vous obtenu une formation spécialisée quant à la
19 reconnaissance des armes ou à l'utilisation des armes ?
20 M. Ahmic (interprétation). - Ecoutez, il s'agissait du génie.
21 Nous nous occupions principalement de travaux de construction :
22 construction de ponts pour franchir des rivières ou des fleuves, ce genre
23 de choses. Nous nous occupions aussi des mines dans les champs.
24 M. Moskowitz (interprétation). - On vous a interrogé quant à la
25 durée de ces événements qui sont survenus en avril 1993 et vous avez dit
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1 dans votre déposition qu'ils s'étaient déroulés très rapidement. Pouvez-
2 vous nous dire qui a pénétré dans votre maison le 13 avril 1993 et a tué
3 les membres de votre famille ?
4 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est une
5 question qui a déjà été posée à plusieurs reprises. Or, la pratique
6 juridique de ce Tribunal interdit que la même question soit posée
7 cinq fois. Donc, à cette question : "Qui a pénétré dans la maison ?", le
8 témoin a déjà répondu aussi bien en réponse aux questions du Procureur
9 qu'en réponse aux questions de la défense. Je ne vois donc pas pourquoi il
10 y a la moindre raison de reposer au témoin une question qui lui a déjà été
11 posée au début de son interrogatoire.
12 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, je vous en
13 prie ?
14 M. Moskowitz (interprétation). - Bien entendu, c'est une
15 question tout à fait cruciale pour les Juges qui peuvent en même temps,
16 pendant que le témoin répond, observer la gestuelle du témoin.
17 M. le Président (interprétation). - Oui, en effet. Et,
18 Maître Radovic, c'est également dû au fait que les conseils de la défense
19 ont souligné le grand nombre de contradictions qui existaient entre les
20 différentes déclarations fournies par le témoin. Donc, c'est sans doute
21 pour poursuivre sur la voie de ces contradictions que le Procureur, je
22 crois, est en droit de reposer au témoin une question tout à fait
23 cruciale.
24 Je crois que ce n'est pas incorrect. Si vous n'avez rien contre,
25 je propose d'autoriser le Procureur à poser cette question qui est
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1 vraiment la question clé.
2 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je suis
3 d'accord avec le Procureur et avec les Juges pour admettre qu'il s'agit
4 d'une question tout à fait capitale, mais que se passe-t-il ici ? Nous
5 avons mis le doigt sur toutes les contradictions qui sont apparues dans
6 les déclarations importantes fournies par le témoin et, aujourd'hui, le
7 Procureur repose la question : "Est-ce que les deux hommes ont fait
8 cela ?" Si le témoin répond oui, tout ce que nous avons fait tombe à
9 l'eau, car nous n'avons plus la possibilité de reprendre la parole pour
10 demander au témoin si ce qu'il a dit au Procureur est exact. Vous
11 comprenez, c'est la raison pour laquelle je m'oppose à ce que cette
12 question soit posée au témoin, car cette question lui a déjà été posée.
13 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, je vous
14 demande si vous le voulez bien de faire confiance aux Juges. Nous sommes
15 des Juges professionnels ; nous ne décidons pas sur la base de la dernière
16 impression. Bien entendu, nous sommes ici face à des éléments de preuve
17 que nous examinons de très près et nous élaborons nos conclusions à la
18 suite d'un examen très attentif de tous ces éléments. Faites confiance, je
19 vous prie, aux trois Juges professionnels que vous avez en face de vous.
20 Merci.
21 M. Radovic (interprétation). - Très bien. Je renonce à ce
22 moment-là à mon objection eu égard à la question du Procureur.
23 M. le Président (interprétation). - Merci. Je vous remercie.
24 Maître Moskowitz ?
25 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, qui a pénétré
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1 dans votre maison et a tué les membres de votre famille ?
2 M. Ahmic (interprétation). - C'est Zoran Kupreskic accompagné de
3 son frère Mirjan qui ont pénétré dans la maison. Zoran a tué tous les
4 membres de ma famille qui ont été tués et Mirjan a mis le feu à un
5 endroit, puis à un deuxième endroit. Après quoi, tout a été fini.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Quel est votre degré de
7 certitude par rapport à cela ?
8 M. Ahmic (interprétation). - Je suis sûr de cela à cent pour
9 cent.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous avez parlé aux
11 enquêteurs en 1993, pourquoi ne leur avez-vous pas dit ce que vous saviez
12 être la vérité ?
13 M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas eu le courage de le
14 dire. Je n'osais pas le dire. Je n'osais le dire à personne pour protéger
15 ma vie, parce que je ne savais pas comment tout cela allait se terminer.
16 Même à l'hôpital à Zenica, quand j'étais hospitalisé, je n'avais aucune
17 certitude quant à la durée de mon hospitalisation et je n'étais pas sûr de
18 sortir vivant de cet hôpital. Je n'étais pas sûr que peut-être l'hôpital
19 serait incendié, bombardé, détruit, etc. Je n'avais aucune certitude à ce
20 sujet.
21 Donc je n'ai pas osé dire quoi que ce soit à qui que ce soit
22 parce que je ne savais pas comment tout cela finalement allait se
23 terminer. La guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine à l'époque et
24 personne n'aurait pu en prévoir la fin, quelle que soit cette fin. Voilà.
25 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Monsieur Ahmic. Je vous
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1 remercie.
2 M. Ahmic (interprétation). - Je vous remercie également.
3 M. le Président (interprétation). - Monsieur Ahmic...
4 M. Ahmic (interprétation). - Oui ?
5 M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous êtes
6 fatigué, j'en suis désolé. Nous comprenons pleinement vos sentiments et le
7 chagrin que vous éprouvez suite au décès de vos proches. Soyez sûr que
8 nous vous comprenons.
9 M. Ahmic (interprétation). - Merci.
10 M. le Président (interprétation). - Mais voyez-vous, vous pouvez
11 nous apporter une aide très importante dans la quête de la vérité. Donc je
12 vous prierai de bien vouloir répondre encore à quelques questions de façon
13 à faire la lumière sur un certain nombre de points.
14 M. Ahmic (interprétation). - Je vous en prie.
15 M. le Président (interprétation). - Merci. Ma première question
16 est la suivante : où est-ce que vous habitiez entre avril 1993 et la fin
17 de 1994 ? Pouvez-vous nous le dire ?
18 M. Ahmic (interprétation). – J'étais à l'hôpital de Serkwisa à
19 Zenica.
20 M. le Président (interprétation). – Donc, vous avez passé plus
21 d'un an à l'hôpital ?
22 M. Ahmic (interprétation). – Je peux vous donner les dates
23 exactes. Le 17 avril 1993, dans la journée, je suis arrivé à l'hôpital et
24 je suis resté hospitalisé en traitement jusqu'au 1er mai 1994, dans ce
25 même hôpital, ce qui fait un an et quelques.
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1 M. le Président (interprétation). - Très bien. Maintenant, vous
2 avez fourni trois déclarations en 1993 au sujet des événements tragiques
3 survenus le 16 avril et au sujet du décès de vos proches. Vous avez
4 déclaré à ce moment-là ne pas avoir reconnu les deux personnes qui
5 auraient tué vos proches et mis le feu à votre maison. Vous venez de nous
6 dire que vous n'avez rien dit à ce sujet à quiconque parce que vous
7 craigniez pour votre vie ?
8 M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est certain.
9 M. le Président (interprétation). - Ma question est la
10 suivante : le 20 février 1994, vous semblez avoir changé d'attitude et
11 vous avez déclaré au bureau d'enquêtes sur les crimes contre l'humanité de
12 Vitez que vous aviez reconnu Zoran et Mirjan Kupreskic. Cela s'est passé,
13 comme je viens le dire, le 20 février 1994 alors que vous étiez encore
14 hospitalisé. Donc, la question que je vous pose est la suivante : qu'est-
15 ce qui vous a amené à changer d'avis ? Qu'est-ce qui a fait que vous avez
16 cessé de craindre pour votre vie ?
17 M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, je vais vous dire. Au
18 moment où l'accord de Dayton a été conclu au sujet du cessez-le-feu, de
19 l'arrêt de la guerre, etc., j'ai acquis une certaine certitude. J'ai pensé
20 que je n'avais plus de raison d'avoir peur de quiconque parce que j'ai
21 vécu en tant qu'homme honnête ; je vis encore en tant qu'homme honnête
22 aujourd'hui et je n'ai aucune raison de couvrir quiconque ou de dire
23 quelque chose qui n'est pas exact. Maintenant, je n'ai plus peur de
24 regarder les gens dans les yeux, quels qu'ils soient, et de dire
25 exactement ce qui a été.
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1 M. le Président (interprétation). - Oui, oui, personne ne met en
2 doute le fait que vous êtes un homme courageux et, notamment, le fait que
3 vous avez traversé une expérience terrible. Mais permettez-moi de vous
4 rappeler que les accords de Dayton ont été signés en 1995. Donc...
5 M. Ahmic (interprétation). – Excusez-moi alors, oui, oui.
6 M. le Président (interprétation). – Donc, plus tard. Alors que
7 s'est-il passé ? Ma question est la suivante : que s'est-il passé, avant
8 le 20 février 1994, qui vous a permis de vous sentir en sécurité et de
9 dire qu'à partir de ce moment-là, vous pouviez donner des noms aux Juges,
10 au Procureur ou à d'autres personnes que vous croyiez avoir reconnues ?
11 M. Ahmic (interprétation). – Je peux le dire tout à fait
12 ouvertement. Avant cela, je n'avais aucune sécurité. Vous voyez, ici, vous
13 et moi, nous sommes assis ici ; nous ne nous connaissions pas il y a un
14 an. Mais, croyez-moi, à l'époque -et je vous dis la vérité vraie-, je
15 n'aurais même pas pu avoir confiance en vous à ce moment-là. Je n'aurais
16 pas pu parce que je suis un homme qui a été détruit, qui est mort à 70 %.
17 Un homme qui a vécu ce que personne d'autre n'a vécu. Je n'avais pas
18 confiance.
19 M. le Président (interprétation). - Oui, mais dans cette période
20 -et je rappelle qu'il s'agit d'une période cruciale-, la période précédant
21 le 20 février 1994, est-ce que vous avez eu l'occasion de parler à des
22 amis ou à des membres de votre famille de ce qui s'est passé le 16 avril
23 1993 à Ahmici ? Parce que, dans nos pays, en général, lorsqu'un événement
24 tragique se produit, on éprouve le besoin d'en parler ; il est tout à fait
25 normal d'en parler et d'être entendu et d'écouter. Alors, est-ce que vous
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1 avez eu la possibilité de parler ?
2 M. Ahmic (interprétation). – Bien sûr, j'ai parlé. J'ai parlé
3 avec tous les miens du moment où ils nous ont attaqués, de la façon
4 éhontée et lâche dont ils nous ont attaqués. Bien entendu, c'est normal,
5 nous en avons parlé. Mais pour vous dire les choses en quelques mots,
6 compte tenu du fait que c'est une plaie ouverte dans le cœur, nous
7 essayons d'éviter encore aujourd'hui de mentionner ces faits les uns aux
8 autres ; encore aujourd'hui, par exemple, je cherche des gens avec qui je
9 peux m'asseoir autour d'une table et dire quelques mots, avoir une
10 conversation au sujet de tel ou tel sujet, parler de moi ou parler de
11 quelqu'un d'autre. Mais, en tout cas, essayer de rire un petit peu parce
12 que j'ai tout de même perdu les gens les plus proches et les plus chers
13 pour moi.
14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur.
15 M. Ahmic (interprétation). – Je vous remercie également.
16 M. le Président (interprétation). - Je crois que le témoin peut
17 se retirer. Je vous remercie encore une fois, Monsieur, d'être venu
18 déposer devant ce Tribunal : vous avez aidé ce Tribunal. Nous vous sommes
19 très reconnaissants. Je vous remercie de tout cœur,.
20 M. Ahmic (interprétation). – Je vous remercie également et je
21 tiens à vous remercier pour votre compréhension et le respect qui m'a été
22 manifesté dans les questions qui m'ont été posées ainsi que le respect que
23 j'ai manifesté dans les réponses que j'ai apportées. Je vous remercie
24 tous.
25 (Le témoin quitte la salle d'audience.)
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1 M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz, je pense
2 que nous avons le temps pour le début de l'audition de votre prochain
3 témoin, qui est M. Stevens ?
4 M. Moskowitz (interprétation). – Oui, Monsieur le Président,
5 M. Stevens.
6 M. le Président (interprétation). - Pendant que nous attendons
7 l'arrivée du témoin, je dois vous dire que la chef de l'unité de
8 traduction et d'interprétation est venue me voir pour me signaler que les
9 interprètes ont beaucoup de mal à interpréter, notamment lorsque les
10 conseils de la défense interrogent le témoin. Je soulève ce sujet car, à
11 présent, Me Moskowitz va parler en anglais avec un témoin anglophone.
12 Donc, j'espère que Me Moskowitz va bien vouloir respecter la règle qui
13 veut qu'il y ait une pause entre les questions et les réponses, ce pour
14 faciliter l'interprétation en croate. La règle s'applique également à
15 vous, Maître.
16 Donc, je vous engage vivement à la respecter, car il faut penser
17 au compte rendu. Le compte rendu ne sera pas entièrement fidèle si les
18 interprètes ne sont pas capables de faire la différence entre une question
19 et une réponse ou si les sténotypistes ne le sont pas non plus.
20 Bonjour, Monsieur Stevens.
21 M. le Président (interprétation). – Je vous demande maintenant
22 de prononcer la déclaration solennelle.
23 M. Stevens (interprétation). – Je déclare solennellement que je
24 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
25 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
2 Pouvez-vous nous dire, je vous prie, votre nom et votre grade pour le
3 compte rendu.
4 M. Stevens (interprétation). - Je m'appelle Capitaine
5 Charles Stevens et je suis connu sous le surnom de Charlie Stevens.
6 M. Moskowitz (interprétation). – Capitaine Stevens, je vois
7 d'après votre uniforme que vous appartenez à une armée. Pouvez-vous nous
8 dire à quelle armée et nous donner
9 quelques détails au sujet de votre carrière.
10 M. Stevens (interprétation). - Je sers actuellement dans le
11 régiment de Gloucester. Je suis membre de l'armée britannique, de
12 l'infanterie. J'ai rejoint l'armée en septembre 72 et j'ai gravi les
13 échelons, depuis soldat de deuxième classe jusqu'au grade de capitaine,
14 qui est mon grade actuel.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Quel âge avez-vous ?
16 M. Stevens (interprétation). – C'est mon anniversaire
17 aujourd'hui et j'ai 42 ans.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Bon anniversaire.
19 M. Stevens (interprétation). - Merci.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous donner une
21 idée des endroits, des pays dans lesquels vous avez servi au sein de
22 l'armée britannique ces dernières années ?
23 M. Stevens (interprétation). - J'ai servi pendant six ans en
24 Irlande du Nord, au Canada, en Amérique centrale, à Beliz, au Danemark, à
25 Chypre, et c'est à peu près tout ; et en Bosnie, bien entendu.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Oui. Et vous évoquez la Bosnie.
2 Quand est-ce que vous avez été envoyé en Bosnie ?
3 M. Stevens (interprétation). - Je suis arrivé en Bosnie le
4 13 novembre 1992.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Quel était votre grade à
6 l'époque ?
7 M. Stevens (interprétation). - A l'époque, j'étais adjudant-
8 chef.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce qu'un adjudant-chef ?
10 M. Stevens (interprétation). - Un adjudant-chef est un soldat de
11 rang supérieur au sein de l'armée. Ce n'est pas un officier. Il n'y en a
12 qu'un dans un régiment, un seul.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Vous êtes arrivé en Bosnie en
14 novembre 1992. A peu près à quel moment avez-vous quitté la Bosnie ?
15 M. Stevens (interprétation). - Je suis parti de Bosnie en mai
16 1993.
17 M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous donner une
18 idée des missions qui vous ont été confiées, des tâches qui vous ont été
19 confiées pendant votre séjour en Bosnie en tant qu'adjudant-chef ?
20 M. Stevens (interprétation). - J'ai dit que j'y étais arrivé en
21 novembre et j'y suis arrivé deux ou trois semaines avant les autres. Au
22 départ, ce qui me préoccupait, c'était que nous n'avions pas de base sûre
23 à partir de laquelle nous pouvions opérer. J'ai eu le sentiment que la
24 base avancée était insuffisante et que ma tâche consistait au départ à
25 assurer la sécurité de la base, à structurer cette base. C'étaient des
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1 activités de routine.
2 M. Moskowitz (interprétation). -.Où se trouvait la base du
3 régiment, où a-t-elle été établie ?
4 M. Stevens (interprétation). - Elle a été établie dans l'école
5 de Novi Bila*.
6 M. Moskowitz (interprétation). -.Où se trouve Novi Bila ?
7 Pouvez-vous nous donner une idée de la ville plus proche de Novi Bila ?
8 M. Stevens (interprétation). – Novi Bila se trouve au nord-ouest
9 de Travnik, au sud-ouest de Zenica, pas loin de Vitez.
10 M. Moskowitz (interprétation). – Et, au fait, à quel régiment
11 étiez-vous attaché à ce moment-là ?
12 M. Stevens (interprétation). - Au régiment du Cheshire.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous gravi les échelons
14 dans le régiment du Cheshire ?
15 M. Stevens (interprétation). - Non, j'ai gravi les échelons dans
16 le régiment du Gloucester. Il n'existait pas d'adjudant-chef dans le
17 régiment du Cheshire.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Etait-il inhabituel pour un
19 soldat de se voir octroyer un grade dans un régiment alors que ce régiment
20 est différent du régiment auquel il a été affecté initialement ?
21 M. Stevens (interprétation). - Ce n'est pas quelque chose qui
22 s'était déjà produit dans ma division.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Eh bien, parlez-nous un peu de
24 vos missions dans le camp de Novi Bila, dans cet endroit qui était proche
25 de Vitez. Avez-vous en fait accompli des missions particulières ? Pouvez-
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1 vous nous en parler ?
2 M. Stevens (interprétation). - Ma première priorité consistait à
3 assurer la sécurité de la base pour les soldats ; donc j'ai consacré
4 quelques semaines à cette action. A cette époque-là, et même par la suite,
5 j'ai acquis une préoccupation de plus en plus grande quant à la sécurité
6 du colonel Stewart qui n'avait jamais opéré dans un environnement de ce
7 genre. J'ai considéré qu'il était vulnérable dans de nombreuses régions ;
8 donc j'ai consacré pas mal de temps à assurer sa protection et sa
9 sécurité.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé du
11 colonel Stewart. De qui s'agissait-il ?
12 M. Stevens (interprétation). - Le colonel Stewart était
13 l'officier commandant le régiment du Cheshire.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Quelle était votre fonction
15 vis-à-vis du colonel Stewart pendant votre séjour en Bosnie.
16 M. Stevens (interprétation). -Ma fonction consistait à assurer
17 sa sécurité rapprochée, sa protection rapprochée.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Comment est-ce que vous
19 remplissiez cet objectif ?
20 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, pour l'essentiel, je
21 voyageais avec lui partout. Je l'accompagnais à l'arrière. Je suivais son
22 blindé et chaque fois qu'il descendait de la tourelle de son véhicule, je
23 descendais de mon véhicule pour assurer sa sécurité.
24 M. Moskowitz (interprétation). – Maintenant, pendant que vous
25 étiez en Bosnie,
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1 pendant votre mission en Bosnie, est-ce que vous avez eu la possibilité de
2 vous rendre dans un endroit appelé Turbe, dans le cadre de la sécurité que
3 vous assuriez pour le colonel Stewart.
4 M. Stevens (interprétation). - Je me suis rendu à Turbe* en
5 plusieurs occasions.
6 M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous dire où se
7 trouve Turbe et quelle était l'importance de cet endroit, à cette époque ?
8 M. Stevens (interprétation). – Turbe se trouvait à l'ouest de
9 Vitez et à l'ouest de Travnik. C'était la zone la plus proche que les
10 Serbes avaient acquise, la plus proche de la région où nous nous
11 trouvions. Donc c'était la ligne de front la plus proche avec les Serbes.
12 M. Moskowitz (interprétation). –Pouvez-vous décrire ce que vous
13 avez vu ? Est-ce que le colonel Stewart a vu lorsque vous vous êtes rendu
14 à Turbe ?
15 M. Stevens (interprétation). - Nous avons vu une augmentation
16 des forces dans la région ; il y avait toujours de nombreux combats dans
17 cette région. La principale impression que j'ai acquise était que, dans la
18 région, il y avait davantage de forces musulmanes que d'autres forces.
19 Si je devais citer des chiffres, je dirais probablement qu'il y
20 avait trois-quarts d'armée musulmane, d'armée bosniaque, et un quart de
21 Croates.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez déclaré qu'il y avait
23 des combats à Turbe. Des combats de qui contre qui ?
24 M. Stevens (interprétation). - Des combats contre les Serbes.
25 Les Serbes avançaient encore dans la direction de Turbe.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Et qui combattait les Serbes
2 sur la base de vos observations ?
3 M. Stevens (interprétation). - Sur la base de mes observations,
4 pour l'essentiel, c'était l'armée musulmane bosniaque qui combattait les
5 Serbes.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous constaté la présence
7 de l'armée croate ou du HVO à Turbe ?
8 M. Stevens (interprétation). - Je n'ai pas constaté sa présence
9 en grand nombre.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous constaté la présence
11 du HVO dans d'autres régions au niveau de votre zone opérationnelle ou aux
12 alentours de votre zone opérationnelle ?
13 M. Stevens (interprétation). - Il y avait toujours de nombreux
14 soldats dans la région de Vitez de façon générale, ainsi que dans toutes
15 les autres régions situées aux alentours de la ligne de front.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Quels types de soldats avez-
17 vous vus dans la région de Vitez.
18 M. Stevens (interprétation). - Des soldats de toutes sortes. Je
19 ne pouvais pas déterminer de quelles unités ils dépendaient, mais
20 c'étaient principalement des forces croates du HVO.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Et pendant votre séjour dans la
22 zone opérationnelle, six mois environ, du mois de novembre au mois de mai,
23 vous rappelez-vous un pilonnage de Zenica ?
24 M. Stevens (interprétation). - Oui, ce pilonnage s'est produit
25 vers la fin de notre mission sur les lieux. Je me déplaçais beaucoup avec
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1 le colonel Stewart. J'allais pratiquement partout où il allait lui-même.
2 Dans la dernière partie de ma mission (j'ai un peu perdu le sens des
3 dates, mais c'était en tout cas vers la fin de ma mission sur les lieux,
4 je dirais après les congés de Pâques, après les vacances de Pâques), les
5 choses ont commencé à sembler devenir incontrôlables.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Donc vers la fin de votre
7 patrouille d'opération, il y a eu ce pilonnage de Zenica. Que pouvez-vous
8 nous dire à ce sujet ?
9 M. Stevens (interprétation). - Oui, je me rappelle qu'un
10 dimanche matin une pièce d’artillerie a ouvert le feu. Cette pièce
11 d'artillerie se trouvait là depuis un certain temps. Elle n'avait pas
12 fonctionné depuis un certain temps. Je me trouvais dans la salle des
13 opérations et j'ai entendu dire que Zenica avait été pilonnée.
14 Normalement, il y avait un cessez-le-feu qui était en vigueur à l'époque
15 et j'étais furieux d'apprendre cela.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi étiez-vous furieux ?
17 M. Stevens (interprétation). - J'étais furieux parce que nous
18 étions en situation de cessez-le-feu et nous espérions que le cessez-le-
19 feu allait pouvoir être maintenu, et puis c'était un dimanche ; c’est une
20 fête religieuse n’est-ce pas. C’est pour ces raisons-là que j’étais en
21 colère. De toute façon, déjà la coupe était pleine après tout ce que
22 j'avais vu au cours des six derniers mois.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'avez-vous fait après avoir
24 entendu dire que Zenica avait été pilonnée ? Avez-pris pris quelque mesure
25 que ce soit ?
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1 M. Stevens (interprétation). - Normalement j'ai demandé à ce
2 qu'un autre officier vienne me rejoindre et un interprète. Ensuite, nous
3 avons quitté la base pour essayer de savoir ce qui s’était passé et où se
4 trouvait la pièce d’artillerie.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous savez où se
6 trouvait cette arme et à qui elle appartenait ?
7 M. Stevens (interprétation). - Cette pièce appartenait au HVO et
8 elle se trouvait... disons un kilomètre et demi de notre base, deux
9 kilomètres peut-être.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'avez-vous fait ensuite ?
11 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, je suis parti avec
12 l’adjudant et un interprète et j’ai essayé de me rapprocher de cette pièce
13 d'artillerie pour savoir s'il y avait un officier sur place afin qu'il
14 m’indique, sur une carte, quelle était la cible qu'il visait.
15 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez trouvé un
16 officier à proximité de cette pièce d'artillerie ?
17 M. Stevens (interprétation). - Non, j'ai trouvé en revanche
18 trois ou quatre hommes qui ont tous déclaré qu'ils n'étaient pas
19 responsableq de la situation, qu’ils n’avaient pas le contrôle de la
20 situation, et je leur ai demander de me mettre en contact avec un
21 officier.
22 M. Moskowitz (interprétation). - S'agissait-il de soldats ?
23 M. Stevens (interprétation). - Oui, des soldats revêtus de
24 l'uniforme du HVO. En fait, ils surveillaient une sorte de point de
25 contrôle qui se trouvait juste à la hauteur de la pièce d'artillerie.
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1 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’ils vous ont permis
2 de traverser ce point de contrôle pour aller observer ce canon ?
3 M. Stevens (interprétation). - Non.
4 M. Moskowitz (interprétation). - Que vous ont-ils dit ?
5 M. Stevens (interprétation). - Ils m'ont dit que je ne pouvais
6 pas m'approcher de cette pièce d'artillerie, ils m’ont dit que je ne
7 pouvais pas bouger de l'endroit où je me tenais. A ce moment-là, j'ai
8 demandé qu'un officier nous soit envoyé qui nous explique la situation.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Ensuite que s'est il passé ?
10 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, un quart d’heure ou
11 vingt minutes plus tard, un officier est arrivé à bord d’un véhicule. Il
12 n'a pas voulu me parler à l'endroit où nous nous trouvions. Il a décidé
13 que nous allions nous parler dans un petit café qui se trouvait à quelque
14 distance de là. Donc je suis monté à bord de son véhicule avec les deux
15 autres personnes qui m'accompagnaient et nous sommes partis. Nous nous
16 sommes assis dans ce café et nous avons sorti les cartes.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Et cet officier, que vous a-t-
18 il dit ?
19 M. Stevens (interprétation). - Par le truchement de
20 l'interprète, il m'a dit qu’il était un ancien officier de la JNA,
21 officier expert en artillerie, et qu'il tirait sur des cibles qui se
22 trouvaient dans la région de Brdo. Il y a une montagne à cet endroit,
23 c'est indiqué d'ailleurs sur les cartes. Ensuite, j'ai établi un contact
24 radio avec la salle des opérations pour que ces informations soient
25 confirmées et l'on m'a dit qu’il n'y avait pas eu de tirs tirés dans cette
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1 direction, que ce n'était pas dans cette région que les coups avaient été
2 tirés.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Donc vous ne l'avez pas cru ?
4 M. Stevens (interprétation). - Non.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Comment cet entretien s’est-il
6 terminé et qu'avez-vous fait après ?
7 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, j'ai essayé d'établir le
8 contact avec lui. Lui avait un eczéma extrêmement aigu. Moi, j'avais accès
9 à certains médicaments, donc en fait je lui ai parlé de ses problèmes
10 dermatologiques et je lui ai promis de lui envoyer un peu plus tard des
11 pommades. Et en parlant de la sorte, j'espérais pouvoir arriver au point
12 où il allait me dire quelles étaient les cibles qu'il visait.
13 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’il a fini par vous
14 dire quelles étaient ces cibles ?
15 M. Stevens (interprétation). - Non.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Tandis que vous vous trouviez
17 dans cette zone d'opération pendant cette période de temps, est-ce que
18 vous vous souvenez d’un incident qui se serait produit dans la ville de
19 Vitez où une bombe aurait explosé ?
20 M. Stevens (interprétation). - Je me rappelle d’un incident qui
21 s'est produit vers la mi-avril je crois, à peu près. Au cours de cet
22 incident, un camion-citerne a explosé dans la partie occidentale de la
23 ville de Vitez. Ce camion-citerne avait été placé à côté de ce qui était
24 supposé être un entrepôt de munitions. Je suis arrivé sur les lieux le
25 lendemain de cette explosion. Les hommes de la milice locale m'ont dit que
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1 deux Musulmans avaient été attachés dans la cabine de ce camion-citerne et
2 que le HVO avait tiré sur le camion-citerne provoquant ainsi l'explosion.
3 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous vu les dégâts
4 provoqués par cette explosion ?
5 M. Stevens (interprétation). - Absolument. Les dégâts étaient
6 considérables.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Dans quelle partie de Vitez
8 exactement cela s'est passé ?
9 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, de façon générale, dans
10 le quartier musulman de la ville.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Bien. Je vais demander à
12 l'huissier de bien vouloir faire passer cette photo au témoin.
13 M. le Président (interprétation). - Maître Glumac ?
14 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, le
15 Procureur évoque des événements qui sont survenus après le 16 avril 1993.
16 Le camion-citerne, c'est le 18 avril et le pilonnage de Zenica à la fin du
17 mois d'avril, donc dans les deux cas il s'agit d'événements postérieurs,
18 et je crois que les circonstances dont il est question ici ne sont pas
19 pertinentes par rapport à notre procès puisque l'acte d'accusation ne
20 porte que sur le 16 avril 1993.
21 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz ?
22 M. Moskowitz (interprétation). - Nous pensons que ces incidents
23 ont une pertinence à plus d'un titre. D'abord parce que les déclarations
24 des témoins ont été recueillies après l'incident d'Ahmici et ces témoins
25 expliquent pourquoi il existe certaines contradictions dans les
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1 déclarations qu'ils ont fournies au sujet des explications, quant à la
2 guerre, et que ces contradictions ne peuvent être justifiées par le
3 pilonnage de Zenica et la bombe qui a explosé dans la région de Vitez. Et
4 puis il y a aussi, je crois, la nécessité de démontrer ce qui s'est passé
5 après le massacre d'Ahmici. L'incident d'Ahmici fait partie de l'acte
6 d'accusation, c'est très certainement le coeur de l'acte d'accusation,
7 mais cet acte d'accusation évoque également le nettoyage ethique dans la
8 vallée de la Lasva ; et le camion piégé de Vitez ainsi que le pilonnage de
9 Zenica constituent des éléments de preuve quant à l'existence d'une
10 importante opération de nettoyage ethnique.
11 M. le Président (interprétation). - Très bien. Oui, vous pouvez
12 procéder, c'est une explication convaincante. Mais je vous demanderai de
13 centrer tout de même vos questions et d'avancer pour passer à d'autres
14 questions.
15 Mme le Greffier. - Pièce de l'accusation n° 160.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le capitaine Stevens,
17 veuillez observer cette photographie qui se trouve à votre gauche et nous
18 dire si vous êtes à même de nous décrire ce que vous voyez.
19 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, je peux confirmer qu'il
20 s'agit d'une photo qui a été prise sur les lieux de l'explosion de ce
21 camion-citerne. Donc elle se trouve... Elle a été prise à proximité de la
22 route où le camion a explosé.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Donc c'est une description ou
24 une image qui reflète exactement la situation qui prévalait après
25 l'explosion de ce camion-citerne dans le quartier musulman de Vitez,
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1 n'est-ce pas ?
2 M. Stevens (interprétation). - Absolument.
3 (De Zenica, se corrige l'interprète).
4 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous, de vos propres yeux,
5 pu observer des preuves de nettoyage ethnique à proximité de votre camp
6 dans la région de Novi Bila et de Vitez ?
7 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, vers la fin de ma
8 mission en Bosnie, je l'ai déjà dit, j'étais assez furieux de voir quelle
9 était l'évolution de la situation autour de notre base. J'avais
10 l'impression que ce petit coin de territoire était le seul que nous
11 pouvions essayer de protéger. A ce moment-là, manifestement, il y avait
12 arrivée massive de réfugiés des deux côtés de la ville, Croates d'un côté,
13 Musulmans de l'autre.
14 Et vers la fin donc de notre opération, et je parle du côté
15 croate de Novi Bila, il y a eu des mesures déployées qui visaient à
16 nettoyer ethniquement le territoire qui se trouvait à proximité de notre
17 base. Ils ont en fait lancé une attaque et cette attaque devait être
18 poursuivie tout le long de notre base pour essayer d'expulser les
19 personnes de leur domicile.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites "ils, ils, ils",
21 mais qui entendez-vous par là ?
22 M. Stevens (interprétation). - Les forces locales du HVO de
23 Novi Bila.
24 M. Moskowitz (interprétation). - Comment ont-ils mené à bien ces
25 opérations ? Comment est-ce qu'ils ont expulsé les Musulmans ?
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1 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, moi j'ai rencontré une
2 fois un groupe de huit ou dix d'entre eux et les Musulmans qui se
3 trouvaient dans le secteur se sont établis en position de défense. Ils
4 avaient une espèce de tranchée, ils avaient quelques armes à disposition
5 et moi je me suis interposé : je me suis placé sur la route entre les deux
6 parties rivales et j'ai essayé de faire en sorte qu'elles n'ouvrent pas le
7 feu l'une sur l'autre.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Et que s'est-il passé à ce
9 moment-là ?
10 M. Stevens (interprétation). - J'ai fait en sorte que les forces
11 du HVO regagnent leur position de départ.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez pris
13 d'autres mesures pour essayer de mettre un terme à ce type de nettoyage
14 ethnique, pour essayer d'éviter qu'ils ne se reproduisent ?
15 M. Stevens (interprétation). - A l'époque, la situation était la
16 suivante : il y avait des combats extrêmement violents un peu partout
17 autour de la base, et tous les officiers de haut rang participaient à
18 toutes ces opérations, essayaient d'intervenir. Et moi, j'ai essayé, en
19 contactant l'une des parties puis l'autre partie, de faire en sorte qu'il
20 y ait une zone démilitarisée qui soit établie autour du camp. Et j'ai
21 également porté un document au groupe local du HVO.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Et que vous a dit le
23 responsable du groupe local du HVO lorsqu'il a vu ce document ?
24 M. Stevens (interprétation). - Les membres de ce groupe l'ont lu
25 et m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas le signer. Ils ont dit qu'ils
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1 allaient voir ce qu'en disait leur commandant.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Et qui était leur commandant ?
3 L'ont-ils dit ?
4 M. Stevens (interprétation). - Ils ont dit qu'il se trouvait à
5 l'hôtel Vitez.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Et y a-t-il eu réponse après
7 que ce document a été envoyé à l'hôtel Vitez ?
8 M. Stevens (interprétation). - Deux ou trois jours plus tard, je
9 suis revenu les voir et ils m'ont dit qu'on leur avait donné pour
10 instruction de ne rien signer. Ce n'était pas un document produit par les
11 Nations Unies. C'était un document que j'avais rédigé moi-même.
12 M. Moskowitz (interprétation). - Tandis que vous vous trouviez
13 dans cette zone d'opérations, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous
14 rendre dans la région d'Ahmici en compagnie du colonel Stewart ?
15 M. Stevens (interprétation). - J'accompagnais le colonel Stewart
16 partout, absolument partout, et je l'ai effectivement accompagné lors de
17 l'un de ses déplacements à Ahmici vers la fin de ma mission.
18 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes rendu
19 sur place une fois seulement ?
20 M. Stevens (interprétation). - Non, j'ai dû y aller à plusieurs
21 reprises, trois fois peut-être.
22 M. Moskowitz (interprétation). - Lors de ces visites que vous
23 avez effectuées à Ahmici, est-ce que vous vous souvenez avoir trouvé des
24 indications qu'il y avait eu des meurtres ou des actes de destruction qui
25 avaient été perpétrés sur place ?
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1 M. Stevens (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à
2 Ahmici, il est apparu évident que l'endroit était absolument dévasté. Et
3 c'était plus frappant encore que tout ce que j'avais pu voir jusqu'à
4 présent, et pourtant je m'étais beaucoup déplacé en Bosnie centrale. Mais
5 lorsque nous sommes arrivés donc, il n'était pas difficile de voir qu'il y
6 avait eu une attaque extrêmement violente contre le village.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire
8 précisément ce que vous avez pu voir lors de votre première visite à
9 Ahmici ?
10 M. Stevens (interprétation). - La première fois, nous sommes
11 donc arrivés depuis la route principale et nous avons vu que le minaret de
12 la mosquée était tombé sur le bâtiment principal. Il n'y avait aucun signe
13 de vie. Aucun.
14 Nous avons pénétré un peu plus loin dans la ville et, alors que
15 nous approchions des quartiers nord d'Ahmici, nous avons vu des bâtiments
16 qui fumaient encore. Mais nous n'avons vu personne aux alentours de ces
17 bâtiments. Il y avait encore des échanges de coups de feu qui nous
18 parvenaient depuis les montagnes qui se trouvaient vers le Nord. Et nous
19 avons essayé de chercher d'où pouvaient provenir ces tirs.
20 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez cherché. Avez-vous
21 trouvé quelque chose ?
22 M. Stevens (interprétation). - Je me trouvais sur un véhicule
23 transporteur de troupes et normalement je descendais toujours de ce
24 véhicule en avant du reste de la délégation pour voir ce qui s'était
25 passé. En l'occurrence, nous nous sommes aperçus... On nous avait dit,
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1 plutôt, que des atrocités avaient été commises. Moi, je pensais que nous
2 nous trouvions dans une autre région que celles qui étaient concernées par
3 ces atrocités. Et suite à ces rapports sur les atrocités commises, nous
4 nous étions rendus dans un endroit appelé Jelinak, et ensuite nous sommes
5 allés à Ahmici, mais plus tard dans l'après-midi. Je crois que c'était
6 l'après-midi qui a suivi le jour de l'attaque.
7 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous savez en toute
8 certitude que c'était le jour qui a suivi le jour de l'attaque ou pas ?
9 M. Stevens (interprétation). - Non, je ne sais pas exactement.
10 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’il était difficile au
11 cours de cette période de tenir un journal détaillé des événements qui se
12 produisaient ? Est-ce que les membres du bataillon britannique avaient du
13 mal à tenir ce type de registre ?
14 M. Stevens (interprétation). - C'était très difficile. Nous
15 allions d'un village à l'autre et nous essayions d'intervenir et d'arrêter
16 les conflits.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à
18 Ahmici ce jour-là, vous avez dit que vous avez vu la mosquée et que le
19 minaret était tombé, n'est-ce pas ?
20 M. Stevens (interprétation). - C'est exact.
21 M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion
22 d'entrer dans la mosquée ? Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce
23 qui avait provoqué la chute du minaret ?
24 M. Stevens (interprétation). - Effectivement, je me suis rendu à
25 l'intérieur du bâtiment pour voir ce qui s'était passé et j'ai vu qu'il y
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1 avait un certain nombre d'obus qui n'avaient pas explosé à l'intérieur du
2 bâtiment. J'ai remarqué ou j'ai fait des observations qui m'ont permis de
3 conclure que le minaret avait été plastiqué et qu'il s'était ensuite
4 effondré. Je pense que ce sont des explosifs qui ont été utilisés.
5 M. Moskowitz (interprétation). - Pouvons-nous faire passer ce
6 document au témoin, s'il vous plaît ?
7 Mme le Greffier. - Pièce de l'accusation n° 161.
8 M. Moskowitz (interprétation). - Veuillez regarder cette pièce,
9 pièce de l'accusation 161. Il s'agit d'une photographie, elle se trouve à
10 votre gauche. Dites-nous ce que l'on voit sur cette image. Dites-nous
11 d'ailleurs, si vous le pouvez, qui a pris cette photographie ?
12 M. Stevens (interprétation). – C'est moi qui ai pris cette
13 photo. Je l'ai prise parce qu'en fait je n'avais jamais vu ce type de
14 munitions auparavant. Moi, j'ai l'impression qu'on dirait une grenade à
15 main, un petit peu.
16 M. Moskowitz (interprétation). – Où cette photo a-t-elle été
17 prise ?
18 M. Stevens (interprétation). – A l'intérieur de la mosquée.
19 M. Moskowitz (interprétation). – La mosquée dont le minaret
20 était effondré ?
21 M. Stevens (interprétation). – C'est exact.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Avez-vous vu d'autres engins
23 explosifs à l'intérieur de la mosquée ?
24 M. Stevens (interprétation). – J'ai vu une tête de mortier
25 RPG 7.
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1 M. Moskowitz (interprétation). – Qu'est-ce que c'est qu'un
2 RPG 7 ?
3 M. Stevens (interprétation). – En fait, c'est une fusée antichar
4 ou un lance-roquettes, si vous voulez, antichar.
5 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez
6 de l'aspect de l'intérieur de la mosquée lorsque vous y êtes entré ?
7 M. Stevens (interprétation). – La mosquée avait été pillée, si
8 vous voulez, entièrement dévastée. Toutes les vitres étaient cassées, tout
9 était cassé, déchiré ; tout était dévasté.
10 M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que les vitres
11 étaient brisées, en sous-entendant qu'elles avaient été soufflées peut-
12 être par une explosion. Qu'entendez-vous par là ?
13 M. Stevens (interprétation). – Oui, je pense que des engins
14 explosifs ont été placés dans la mosquée et ont provoqué une explosion qui
15 a provoqué la chute du minaret.
16 M. Moskowitz (interprétation). – Qu'est-ce qui vous a poussé à
17 atteindre ces conclusions ?
18 M. Stevens (interprétation). – Comme je vous l'ai dit, je me
19 suis beaucoup déplacé en Bosnie centrale et, plusieurs fois, nous sommes
20 arrivés dans des villes ou des villages qui venaient de faire l'objet
21 d'une attaque. C'est à Ahmici que, pour la première fois, j'ai vu un
22 minaret entièrement effondré. Dans les régions où il y avait eu même des
23 conflits violents, dans le Nord, vers Tuzla, parfois les minarets étaient
24 extrêmement abîmés mais ils étaient toujours debout.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Nous allons faire passer une
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1 autre photo au témoin, s'il vous plaît, Monsieur l'huissier.
2 Mme le Greffier). - Pièce de l'accusation 162.
3 M. Moskowitz (interprétation). – Capitaine Stevens, regardez
4 cette pièce, la pièce de l'accusation 162, s'il vous plaît. Qu'y voyons-
5 nous et est-ce que ce que nous y voyons nous permet -ou vous permet-
6 d'illustrer votre témoignage, notamment ce que vous dites à propos du
7 minaret ?
8 M. Stevens (interprétation). – Je confirme qu'il s'agit bien là
9 d'une photo de la mosquée dont nous parlons actuellement. Et si vous
10 regardez attentivement -enfin, c'est difficile de voir cela sur l'écran-,
11 mais si vous regardez de très près, on s'aperçoit que la base de la
12 mosquée est constituée d'un mur renforcé par des barrières métalliques.
13 Cette structure est tellement solide que, pour la faire exploser, il faut
14 placer des explosifs exactement à la base des murs. C'est assez difficile.
15 Et je pense que les engins explosifs ont précisément été disposés de cette
16 manière-là, pour que tout s'effondre.
17 M. Moskowitz (interprétation). – Si les explosifs avaient été
18 placés d'une autre façon, est-ce qu’il aurait été possible qu'ensuite la
19 route d'Ahmici soit bloquée ?
20 M. Stevens (interprétation). – Tout à fait.
21 M. Moskowitz (interprétation). – Nous avons parlé de la mosquée
22 que vous avez pu voir lors de votre visite à Ahmici. Est-ce que vous avez
23 vu autre chose qui vous aurait frappé lors de cette première visite ?
24 M. Stevens (interprétation). – Comme je l'ai dit précédemment,
25 lorsque nous nous sommes rendus à Ahmici pour la première fois, nous
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1 l'avons fait parce qu'il y avait des rumeurs qui circulaient quant à des
2 atrocités qui y auraient été commises. En entrant dans le village, nous
3 avons vu cette mosquée et, ensuite, comme je l'ai dit, nous nous sommes
4 dirigés vers Ahmici-le-Haut. Puis, nous nous sommes rendus dans les
5 bâtiments pour essayer de trouver des traces des atrocités qui auraient pu
6 y être commises. Ce faisant, je suis entré dans un bâtiment de taille
7 importante et j'ai trouvé deux cadavres en travers du seuil de la porte :
8 un cadavre semblait être celui d'un enfant, l'autre celui d'un homme. Ils
9 étaient au travers du seuil, tous les deux brûlés.
10 M. Moskowitz (interprétation). – Eh bien, pour illustrer ces
11 propos, je vais demander à M. l'huissier de nous faire parvenir le gros
12 plan du village d'Ahmici. Ensuite, je demanderai au témoin de nous
13 indiquer avec le pointeur la route qu'ils ont empruntée ce jour-là, la
14 route qui traversait le village. Je vais lui demander de nous indiquer où
15 se trouvait la maison où ces deux corps ont été trouvés.
16 (L'huissier installe la vue aérienne du village sur un
17 chevalet.)
18 M. Stevens (interprétation). – Je crois que la maison dont je
19 viens de parler est celle qui se trouve ici, à l'endroit que j'indique.
20 M. Moskowitz (interprétation). – Vous êtes à peu près sûr de ce
21 que vous dites, mais pas tout à fait certain, n'est-ce pas ? C'est une
22 estimation ?
23 M. Stevens (interprétation). – Oui. Ce qui est certain, c'est
24 qu'elle se trouvait de ce côté-ci de la route.
25 M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous indiquer
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1 quelle est la route que vous avez empruntée ce jour-là pour atteindre le
2 secteur d'Ahmici où vous avez trouvé ces deux corps ?
3 M. Stevens (interprétation). – Nous suivions la route qui se
4 trouve dans la vallée. Ensuite, nous avons tourné sur la droite. Nous
5 avons passé la mosquée en suivant cette route que j'indique maintenant.
6 Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions mais, avec les véhicules
7 que nous avions, c'était assez difficile. Ensuite, nous sommes descendus
8 et nous avons commencé à nous promener parmi ces maisons : nous essayions
9 de trouver des traces de corps ou d'atrocités qui y auraient été commises.
10 M. Moskowitz (interprétation). – Maintenant, pour les besoins du
11 compte rendu, vous indiquez un secteur connu comme le secteur d'Ahmici-le-
12 Haut et vous êtes au-dessus de la mosquée, n'est-ce pas ?
13 M. Stevens (interprétation). – Oui.
14 M. Moskowitz (interprétation). – Vous dites que vous avez trouvé
15 des cadavres calcinés. Pourriez-vous être un peu plus précis ?
16 M. Stevens (interprétation). – Sur les marches de cette maison,
17 nous avons trouvé le corps d'un petit enfant qui gisait en travers de la
18 porte. Il y avait également le corps d'un homme adulte. Nous avons
19 poursuivi nos recherches autour de ce bâtiment et, dans la cave, nous
20 avons trouvé le cadavre d'un autre adulte au moins, et puis les cadavres
21 de plusieurs enfants,.
22 M. Moskowitz (interprétation). – Je vais maintenant demander à
23 ce que l'huissier fasse passer au témoin les pièces 17 et 22 qui ont déjà
24 été versées au dossier.
25 Monsieur Stevens, vous regardez pour le moment la pièce de
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1 l'accusation n° 17. Que nous montre-t-elle ?
2 M. Stevens (interprétation). – Elle nous montre une photo du
3 cadavre de l'homme adulte qui se trouvait dans le couloir de la maison.
4 M. Moskowitz (interprétation). – C'est là l'un des cadavres
5 calcinés que vous avez découverts lorsque vous vous êtes rendus à Ahmici,
6 ce jour-là ?
7 M. Stevens (interprétation). – Oui.
8 M. Moskowitz (interprétation). – Nous allons maintenant vous
9 soumettre la pièce 22. Que nous montre-t-elle ?
10 M. Stevens (interprétation). – Nous y voyons le cadavre calciné
11 de l'enfant qui se trouvait sur les marches conduisant à l'intérieur de la
12 maison.
13 M. Moskowitz (interprétation). – Il s'agit donc bien des
14 cadavres que vous avez découverts à l'extérieur de cette maison, ce jour-
15 là ?
16 M. Stevens (interprétation). – Oui.
17 M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous êtes allé à
18 l'intérieur de la maison ?
19 M. Stevens (interprétation). – Je ne suis pas monté à l'étage.
20 Je suis passé par derrière et je suis descendu à la cave.
21 M. Moskowitz (interprétation). – Qu'y avez-vous vu ?
22 M. Stevens (interprétation). – J'y ai trouvé les cadavres d'au
23 moins un autre homme adulte et les cadavres de deux ou trois enfants.
24 M. Moskowitz (interprétation). – Quel était l'état de ces
25 cadavres ?
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1 M. Stevens (interprétation). – Tous les cadavres étaient
2 calcinés.
3 M. Moskowitz (interprétation). – Alors que vous vous trouviez à
4 Ahmici, ce jour-là, avez-vous eu la possibilité de faire quelques
5 observations de la situation générale, outre ce que vous nous avez dit ?
6 M. Stevens (interprétation). – Comme je l'ai dit, nous sommes
7 arrivés à Ahmici dans le courant de l'après-midi et nous avons passé un
8 certain temps dans cette partie supérieure du village. C'est là que nous
9 avons trouvé cette fameuse maison. Mais le jour ensuite commençait à
10 décliner et il était évident qu'il y avait peut-être des mines qui avaient
11 été placées. Cela devenait un peu dangereux. Donc nous avons jeté un coup
12 d'œil rapide aux autres bâtiments, aux autres maisons et puis ensuite nous
13 sommes redescendus par ici.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Pour le compte rendu, vous nous
15 indiquez un secteur qui se trouve vers le centre de la carte et où l'on
16 voit une tâche blanche ?
17 M. Stevens (interprétation). - C'est exact. J'ai observé des
18 déplacements dans ce secteur-là, quelqu'un qui se déplaçait.
19 M. Moskowitz (interprétation). - C'était un membre du Bataillon
20 britannique ?
21 M. Stevens (interprétation). – Non, c'était quelqu'un qui était
22 revêtu à moitié de partie d'uniforme et à moitié de vêtements civils.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Vous vous êtes approché de
24 cette personne ?
25 M. Stevens (interprétation). - Oui. En fait, je me suis déplacé
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1 en demi-cercle derrière lui.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il portait une arme,
3 cet individu ?
4 M. Stevens (interprétation). – Oui, il portait une arme cet
5 individu.
6 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez été à même
7 d'obtenir des observations relatives à cette personne ?
8 M. Stevens (interprétation). - Si je me souviens bien, il m'a
9 dit qu'il s'appelait Dragan et, en utilisant un bâton pour dessiner sur le
10 sol, il m'a dit qu'il avait tué 32 Musulmans.
11 M. Moskowitz (interprétation). - Comment vous a-t-il expliqué
12 cela ? Comment vous a-t-il fait parvenir ce message?
13 M. Stevens (interprétation). -Eh bien, il a fait des signes sur
14 le sol. Il a fait un signe avec sa main le long de sa gorge et ensuite il
15 a fait des marques sur le sol.
16 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce que vous entendez
17 lorsque vous dites qu'il a passé sa main en travers de sa gorge ?
18 M. Stevens (interprétation). - Eh bien, oui, comme si on
19 égorgeait quelqu'un.
20 M. Moskowitz (interprétation). –Et vous avez compris que cela
21 signifiait quoi ?
22 M. Stevens (interprétation). – Eh bien, j'ai compris qu'il avait
23 sans doute tué 32 musulmans.
24 M. Moskowitz (interprétation). - Je vais vous demander de nous
25 dire, nous dire à peu près où se trouvait cette personne et, pour que vous
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1 puissiez le faire dans les meilleures conditions possibles, je vais vous
2 faire passer un certain nombre de photos. Merci, monsieur l'huissier.
3 Mme le Greffier. - La pièce d'accusation 163.
4 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Stevens, regardez ces
5 pièces, la pièce 163, et dites-nous si vous reconnaissez ce que l'on y
6 voit.
7 M. Stevens (interprétation). – Oui. Est-ce que vous pouvez voir
8 les autres indications que je fais ?
9 M. Moskowitz (interprétation). – Faites-le sur le
10 rétroprojecteur, tout le monde pourra en bénéficier.
11 M. Stevens (interprétation). – Voilà. Je reconnais tout à fait
12 bien ce secteur : c'est celui où j'ai aperçu cette personne qui se
13 déplaçait.
14 M. Moskowitz (interprétation). - Peut-être pourriez-vous prendre
15 un des feutres qui se trouvent devant vous, orange peut-être, que cela se
16 voit bien. Prenez donc un feutre et
17 encerclez le secteur où vous avez vu se déplacer l'individu dont vous
18 parlez.
19 (Le témoin indique l'emplacement.)
20 M. Moskowitz (interprétation). - Vous souvenez-vous s'il a
21 ajouté quoi que ce soit ce soit ce jour-là, cette personne qui disait
22 s'appeler Dragan ?
23 M. Stevens (interprétation). - Je ne crois pas qu'elle ait dit
24 autre chose. Mais ce dont je me souviens, c'est que j'ai eu l'impression,
25 je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu l'impression qu'il vivait pas loin
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1 de là.
2 M. Moskowitz (interprétation). - Hormis les choses dont vous
3 nous avez déjà parlé, est-ce que vous avez pu observer d'autres signes
4 indiquant qu'il y avait eu conflit, bataille? Avez-vous observé d'autres
5 signes expliquant ce qui s'était passé ?
6 M. Stevens (interprétation). - Il y avait beaucoup de douilles,
7 généralement des douilles de 7,6; c'est une munition utilisée dans les
8 armes AKA, des armes courte portée.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez nous
10 dire où se trouvaient généralement ces douilles ?
11 M. Stevens (interprétation). - Généralement autour des maisons.
12 M. Moskowitz (interprétation). – Parlons justement des maisons.
13 Quel était l'état des maisons à Ahmici ?
14 M. Stevens (interprétation). -Eh bien, tout le village avait été
15 brûlé. J'avais l'impression de me trouver face à un mise à sac
16 systématique du village.
17 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez été à même de tirer
18 un certain nombre de conclusions, n'est-ce pas, quant à ce qui s'était
19 passé à Ahmici? Vous êtes un soldat de carrière, vous avez passé 22 ans
20 dans l'armée.
21 M. Stevens (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, je me
22 suis beaucoup déplacé en compagnie du colonel Stewart; nous nous sommes
23 rendus sur toutes les lignes de Bosnie centrale et, au cours de ces
24 déplacements, nous avions déjà eu l'occasion d'être les témoins de scènes
25 vraiment terribles. Moi, c'était la première fois que je voyais un village
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1 qui avait été intégralement détruit.
2 M. Moskowitz (interprétation). - En tant que soldat de carrière,
3 est-ce vous aviez l'impression qu'il y avait eu une bataille à Ahmici, ou
4 aviez-vous l'impression que quelque chose d'autre s'était déroulé à
5 Ahmici ?
6 M. Stevens (interprétation). – Ce n'était absolument pas une
7 bataille, c'était une opération qui visait à expulser les habitants
8 musulmans du village.
9 M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a conduit à
10 tirer cette conclusion?
11 M. Stevens (interprétation). – Il y avait certaines maisons
12 absolument intactes, maisons qui avaient l'air prospère et elles étaient
13 parfaitement intactes. Et du fait de notre expérience, nous savons que les
14 toits à quatre versants étaient des toits de maisons musulmanes et toutes
15 les maisons qui présentaient ces caractéristiques avaient été brûlées, ou
16 bien avaient été mises à sac. Les autres maisons, en revanche, étaient
17 intactes. Je l'ai déjà dit.
18 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je vois
19 que l'heure avance, est-ce que nous poursuivons au-delà de 17 heures ?
20 Quelles sont vos intentions?
21 M. le Président (interprétation). –Eh bien, Maître Moskowitz, je
22 me demandais si vous aviez encore beaucoup de questions à poser.
23 M. Moskowitz (interprétation). - Eh bien, nous souhaiterions
24 diffuser une vidéo, soumettre quelques photos au témoin, et avoir d'autres
25 questions à poser.
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1 M. le Président (interprétation). – Nous suspendons donc nos
2 travaux maintenant et reprendrons demain à 9 heures 30 très précises.
3 L'audience est levée à 17 heures.
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