Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 21 Septembre 1998

4 L'audience est ouverte à 9 heures 35.

5 Mme le Greffier (interprétation). – L'affaire n° IT-95-16-T, le

6 Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirijan Kupreskic, Vlatko

7 Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic, alias Vlado.

8 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Avant de demander

9 au Procureur d'appeler le prochain témoin, permettez-moi d'attirer votre

10 attention sur une motion présentée le 17 septembre par deux accusés

11 concernant des preuves non matérielles dans ce dossier. Je me demande si

12 l'accusation et la défense pourraient nous faire part de leurs

13 commentaires oraux, mercredi ou jeudi, avant que nous ne prenions une

14 décision. Nous aimerions connaitre leur avis sur cette requête. Pouvons-

15 nous nous mettre d'accord pour que vos remarques nous arrivent dès

16 mercredi matin ? Oui ? Bien. Nous pouvons maintenant passer au témoin

17 suivant.

18 M. Moskowitz (interprétation). - Avec la permission de la Cour,

19 Monsieur le Président, pendant que nous attendons le prochain témoin nous

20 avons présenté aujourd'hui un ordre de comparution des témoins pour cette

21 semaine. Je voudrais attirer votre attention sur une petite modification

22 dans l'ordre de passage. Le témoin n °2 de notre liste actuelle témoignera

23 à la place du témoin 4. En fait le témoin 2 devient le témoin n° 4 et le

24 témoin n 4 devient le témoin 3. J'espère que c'est clair ?

25 M. le Président (interprétation). - Comme nous attendons

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1 toujours le témoin, je me demandais si vous avez présenté à la Chambre la

2 déclaration du témoin n°°11. Peut-être que je manque un peu d'ordre, mais

3 dans mon dossier je ne retrouve par cette déclaration, c'est peut-être un

4 problème personnel.

5 (L'accusation se concerte.)

6 M. Moskowitz (interprétation). - D'après nos notes, la

7 déclaration a été enregistrée et présentée à la Chambre mais peut-être

8 qu'il y a eu un certain degré de confusion concernant le nom. En fait, si

9 la Chambre a du mal à retrouver la déclaration, nous pouvons parfaitement

10 vous en présenter une nouvelle aujourd'hui, si nécessaire.

11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Parfait.

12 Je crois que vous allez utiliser un pseunodyme pour ce témoin-ci, c'est le

13 témoin M.

14 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

15 Témoin M, puis-je vous inviter à vous lever et à lire la

16 déclaration solennelle.

17 (Le témoin M litla déclaration en serbo-croate, il n'y a pas de

18 traduction.)

19 M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous

20 plaît, relire la déclaration ?

21 Témoin M (interprétation). - Je déclare solennellement que je

22 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 M. le Président (interprétation). – Merci, je vous en prie,

24 prenez place.

25 M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je

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1 demanderai maintenant à l'huissier de bien vouloir transmettre au témoin

2 la pièce suivante. Il s'agit d'un bout de papier.

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. le Greffier. - Pièce 171. Document 178.

5 (Le greffier remet le document au Président.)

6 M. le Président (interprétation). - Monsieur l'huissier,

7 pourriez-vous veiller à ce que le témoin s'exprime dans le micro parce que

8 les interprètes me signalent qu'ils ont du mal à entendre le témoin ?

9 Merci.

10 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

11 Bonjour, Témoin M.

12 M. le Président (interprétation). – Pardon, Maître Radovic ?

13 M. Radovic (interprétation). - Je pense qu'il ne s'agit pas d'un

14 nom réel. En fait, la première lettre est "ch" et pas "ce".

15 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Radovic,

16 d'avoir attiré notre attention sur une petite coquille. Je vous en prie.

17 M. Moskowitz (interprétation). - Bonjour, Témoin M.

18 Témoin M (interprétation). - Bonjour.

19 M. Moskowitz (interprétation). - Je voulais vous préciser que ce

20 Tribunal vous a accordé les mesures de protection que vous avez demandées.

21 Est-ce que vous le comprenez ?

22 Témoin M (interprétation). - Oui, je comprends.

23 M. Moskowitz (interprétation). - Vous pouvez donc vous exprimer

24 librement et nous faire part d'un témoignage clair et complet.

25 Témoin M (interprétation). - Merci.

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1 M. Moskowitz (interprétation). - Je vous demanderais également,

2 si cela vous est possible...

3 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)

4 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas de quoi vous parlez.

5 M. le Président (interprétation). - Maître Moskovitz parle

6 anglais. Est-ce que le son passe, Madame ? Oui, bien. Pardonnez-nous, je

7 vous en prie.

8 Témoin M (interprétation). – Moi, je vous entends.

9 M. le Président (interprétation). - Ceci n'a pas été traduit.

10 Est-ce que que les interprètes entendent le témoin maintenant ?

11 L'Interprète - La cabine française a bien entendu.

12 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, je vous en

13 prie. J'espère que les problèmes sont maintenant réglés.

14 M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Président.

15 Témoin M, pourriez-vous nous dire quand vous êtes née ?

16 Témoin M (interprétation). - Je suis née en 1948.

17 M. Moskowitz (interprétation). - Témoin M, nous avons quelques

18 problèmes techniques avec l'interprétation, c'est ce qui explique ce petit

19 retard. Alors, je vous demanderai de bien vouloir faire preuve de

20 patience.

21 Témoin M (interprétation). - Il n'y a pas de problème.

22 J'attends, je patiente.

23 M. Moskowitz (interprétation). - Merci.

24 (Problèmes techniques.)

25 Madame le Témoin M, je vais devoir vous reposer la même

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1 question. Où êtes-vous née ?

2 Ensuite, nous verrons si la technique fonctionne. Il est peut-

3 être dommage de répéter ce type de question, mais en même temps c'est

4 peut-être la question la plus logique à reposer.

5 Pourriez-vous nous dire, une fois de plus, quand vous êtes née

6 (en vous exprimant dans le micro) ?

7 Témoin M (interprétation). - Je suis née en 1940.

8 M. Moskowitz (interprétation). - Sans donner les noms des

9 membres de votre famille, est-ce que vous pourriez nous décrire quelle

10 était la composition de votre famille en 1993 ?

11 Témoin M (interprétation). - J'avais trois fils, deux filles,

12 trois petits enfants, moi-même et mon mari.

13 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

14 de la date à laquelle vous êtes venue à Ahmici ?

15 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas exactement.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

17 de l'année ?

18 Témoin M (interprétation). - Non plus, je suis désolée.

19 M. Moskowitz (interprétation). - Votre village d'origine,

20 c'était lequel ?

21 Témoin M (interprétation). - A Karavla.

22 M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi n'y êtes-vous pas

23 restée ?

24 Témoin M (interprétation). - On ne pouvait pas y rester.

25 M. Moskowitz (interprétation). - Que s'y est-il passé ?

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1 Témoin M (interprétation). - Eh bien, on a été obligé de partir

2 à Travnik. On nous a évacués pour parler plus précisément. La guerre avait

3 commencé, et puis je ne sais pas. On nous a demandé de partir à Travnik.

4 C'était obligatoire. On nous a demandé ça.

5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous êtes restés à

6 Travnik ou avez-vous dû quitter Travnik aussi ?

7 Témoin M (interprétation). - Nous étions à Travnik pendant un

8 certain temps. Au moment où Karavla est tombé, nous sommes partis à Vitez,

9 à Dubravica.

10 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez passé combien de

11 temps environ à Dubravica ?

12 Témoin M (interprétation). - Trois jours seulement.

13 M. Moskowitz (interprétation). - Après avoir quitté Dubravica,

14 vous êtes allés où ?

15 Témoin M (interprétation). - Nous sommes allés à Ahmici.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce vous vous souvenez de

17 l'endroit où vous êtes allés à Ahmici, la maison ?

18 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que je m'en souviens,

19 c'est comme si je la vois maintenant. Malheureusement, elle n'existe plus,

20 elle est partie.

21 M. Moskowitz (interprétation). - Qui était le propriétaire de

22 cette maison ?

23 Témoin M (interprétation). – (expurgé).

24 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que (expurgé)

25 fait partie de votre famille ?

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1 Témoin M (interprétation). - Non, nous ne sommes pas en

2 relation.

3 M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi êtes-vous allés vivre

4 dans sa maison lorsque vous êtes allés à Ahmici ?

5 Témoin M (interprétation). - C'est par l'intermédiaire de nos

6 amis.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous viviez, vous et

8 votre famille, avec (expurgé) juste avant le début de l'attaque en 1993 ?

9 Témoin M (interprétation). – (expurgée)

10 M. Moskowitz (interprétation). (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 Témoin M (interprétation). - Oui, je me souviens que le voisin

14 le plus proche c'était Vlatko Kupreskic.

15 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez

16 Vlatko Kupreskic de vue ? Est-ce que vous pourriez le reconnaître ?

17 Témoin M (interprétation). - Non.

18 M. Moskowitz (interprétation). - Saviez-vous où il habitait et à

19 quoi ressemblait sa maison ?

20 Témoin M (interprétation). - Oui, la maison n'était pas très

21 loin par rapport à la maison de (expurgé).

22 M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous voir la maison de

23 Vlatko Kupreskic à partir la maison de (expurgé) ?

24 Témoin M (interprétation). - Oui on pouvait bien voir à travers

25 la fenêtre la maison de Vlatko, et le soir, quand il y avait des lumières

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1 on voyait des personnes qui se déplaçaient, la mère le père ; c'est

2 vraiment pas loin.

3 M. Moskowitz (interprétation). - Pour préciser l'orientation des

4 maisons, est-ce que que vous vous souvenez de certains de vos voisins

5 musulmans les plus proches ?

6 Témoin M (interprétation). - Oui je me souviens. Il y avait

7 Redzib Ahmic, Meho Hrustanovic, Huso Krozalic, Sakib Ahmic ses deux fils.

8 Naser, Sukrija, Budo. Il y avait également une autre personne de la maison

9 de (expurgé), mais je ne me souviens pas de son nom.

10 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'à l'extérieur de la

11 maison de Razim, il y avait une prise d'eau et, si c'était le cas, où se

12 trouvait cette prise d'eau par rapport à la maison de (expurgé) ?

13 Témoin M (interprétation). - Oui je peux vous le dire. Si on

14 part de la maison de Vlatko vers la maison de (expurgé), c'était le premier

15 angle à gauche. Il y avait une prise d'eau ou plutôt un puits.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que de temps à autre,

17 vous utilisiez cette prise d'eau, pendant que vous viviez dans la maison

18 de (expurgé)?

19 Témoin M (interprétation). - Oui c'était tous les jours. C'est

20 là où on lavait le linge également.

21 M. Moskowitz (interprétation). - Pouviez-vous discerner la

22 maison de Vlatko de ce point-là, de cette prise d'eau ?

23 Témoin M (interprétation). - Bien sûr parce que c'était

24 tellement près, je ne peux pas vous dire à quelle distance c'était, mais

25 c'était tout à fait près. La maison de Vlatko est tout près la maison des

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1 Razko.

2 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

3 du jour de l'attaque et, sans décrire ce qui s'est passé ce jour-là, je

4 pose simplement la question : est-ce que

5 vous vous en souvenez ?

6 Témoin M (interprétation). - Je m'en souviens.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Je souhaiterais attirer

8 maintenant votre attention sur la veille ou le soir précédant l'attaque.

9 Est-ce que vous vous souvenez vous être rendu à la prise d'eau ce jour-là,

10 donc la veille de l'attaque ?

11 Témoin M (interprétation). – Oui, je me souviens très bien,

12 c'était le 15 avril, c'était un jeudi.

13 M. Moskowitz (interprétation). - Et pendant que vous étiez

14 devant cette prise d'eau, ce puits, le 15 avril, est-ce que que vous avez

15 regardé la maison de Vlatko Kupreskic ?

16 Témoin M (interprétation). – Oui, j'ai jeté un coup d'oeil,

17 peut-être que je ne l'aurais pas fait, mais j'ai entendu un véhicule qui

18 s'approchait de la maison. J'ai vu un camion. Il y avait les soldats

19 également ; je n'aurais pas su que c'étaient les soldats qui se trouvaient

20 dans le camion, mais j'ai vu qu'ils descendaient du camion et puis ils

21 descendaient dans la cave de la maison de Vlatko.

22 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

23 du type de véhicule ?

24 Témoin M (interprétation). - Je ne peux pas vous dire plus que

25 le camion.

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1 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé de soldats.

2 Vous les avez vus où ces soldats ? D'où venaient-ils ?

3 Témoin M (interprétation). - Ils sont arrivés en provenance de

4 l'autre village et ils ont emprunté la route qui était goudronnée.

5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez vu les

6 soldats rentrer dans la maison de Vlatko ?

7 Témoin M (interprétation). - Cela, non. Il y a l'entrée de la

8 maison de Vlatko. Ils se sont arrêtés à ce niveau-là devant la cave. A ce

9 niveau-là.

10 M. Moskowitz (interprétation). - Il s'agit de la cave de la

11 maison de Vlatko à laquelle vous faites référence ?

12 Témoin M (interprétation). - Oui c'est un entrepôt, quelque

13 chose comme ça, je ne peux pas vous dire exactement. Il y avait quelque

14 chose qu'il mettait là-dedans, mais il y avait un entrepôt, il y avait une

15 ouverture. C'était comme un cave. Je ne peux pas décrire davantage.

16 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

17 du nombre de soldats que vous avez vus ?

18 Témoin M (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, je n'ai

19 pas vu et je n'ai pas eu le temps pour compter.

20 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que que vous pourriez

21 nous donner un idée ? Est-ce qu'il y en avait un ou deux ou plutôt une

22 dizaine, voire plus

23 Témoin M (interprétation). - Non, ça je ne sais pas, je pense

24 qu'il y avait probalement cinq ou six, mais je n'ai vraiment pas regardé,

25 j'ai lavé mes chaussures et puis je suis retourné chez moi.

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1 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avait mentionné qu'il

2 s'agissait de soldats. Comment le saviez-vous ?

3 Témoin M (interprétation). - Bien évidemment, que j’ai pu les

4 reconnaître. Tout d’abord, je savais comment les soldats étaient habillés,

5 leur propre armée, la nôtre également. J'ai vu les uniformes et j'ai vu

6 que c'étaient les soldats, j'en suis sûr. Ils portaient des uniformes,

7 c’étaient les uniformes militaires.

8 M. Moskowitz (interprétation). - A ce stade, je voudrais

9 demander à l'huissier de bien vouloir présenter au témoin la pièce 32 qui

10 a été déjà déposée. Il s'agit de la pièce 32.

11 (L'huissier s’exécute.)

12 Est-ce que que vous pourriez regarder l'écran et nous dire si

13 vous reconnaissez ce qui y figure ? Il s'agit donc de la pièce 32 déjà

14 déposée. Pourriez-vous nous dire ce que montre

15 cette image ?

16 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que je peux, ça c'est la

17 maison, et on le voit bien sur cette image, de Vlatko Kupreskic.

18 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que cette photographie

19 montre l'endroit où vous avez vu le camion la veille de l'attaque ?

20 Témoin M (interprétation). - Non. C'est l'entrée par rapport à

21 la route. La route traversait donc de là à là, et là vous voyez la maison

22 de Vlatko, là c’est l'entrée de la maison de Vlatko. Pendant cinq mois je

23 regardais cette maison comme ça et je traversais souvent cette route là,

24 je suis passé plusieurs fois à côté de cette maison.

25 M. Moskowitz (interprétation). - Je voudrais préciser une chose,

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1 vous avez parlé d'une cave il y a quelques instants et vous nous avez dit

2 que les soldats se sont rendus dans une cave. Est-ce que la cave se

3 trouvait dans cette maison-ci ? Est-ce que c’est là que sont entrés les

4 soldats ?

5 Témoin M (interprétation). - C’est au-dessous, au-dessous de la

6 maison et vous la voyez bien sur l’image.

7 M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous avez vu les

8 soldats se rendre au sous-sol, est-ce que vous les avez vus avant qu’ils

9 ne rentrent dans la cave, est-ce que vous les avez vus sortir du camion,

10 ou est-ce qu'ils étaient déjà descendus du camion avant que vous ne les

11 voyiez ?

12 Témoin M (interprétation). - Je les ai vus, ils sortaient, ils

13 descendaient du camion. Ils ne pouvaient donc pas disparaître. Je ne sais

14 pas si c’était une cave, un entrepôt. Ils descendaient du camion, ils

15 rentraient quelque part. Ils descendaient quelque part dans le sous-sol.

16 M. Moskowitz (interprétation). - D’accord. Est-ce que vous avez

17 parlé à quelqu’un de ce que vous avez vu ce jour-là ? Vous avez parlé à

18 votre mari ou à quelqu’un d’autre en leur

19 disant que vous aviez vu certains soldats qui descendaient d’un camion et

20 qui rentraient...

21 Témoin M (interprétation). - Non, je n'ai pas parlé de cela. Je

22 ne me suis même pas posé la question : quelle était la raison pour

23 laquelle ils se sont rendus dans cette maison ? Non, cela ne me venait

24 même pas à l'esprit, non, absolument pas, je n'en pas parlé.

25 M. Moskowitz (interprétation). - Je voudrais maintenant vous

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1 demander de repenser au lendemain de la journée dont nous avons parlé,

2 c’est-à-dire le 16 avril 1993. Est-ce que vous pouvez nous dire quel est

3 votre souvenir de ce jour-là ?

4 Témoin M (interprétation). - Oui, je peux. Je me souviens bien

5 de cette journée. C'était tôt le matin, c’était le 16 avril, c’était un

6 vendredi. Je dormais. J’étais dans la maison d’été de Redzib, chez sa

7 fille plus particulièrement. Elle avait les deux enfants, elle était

8 seule, moi je dormais chez elle. Le matin, c'était 6 heures moins 25,

9 6 heures moins 20 à peu près, j'ai entendu les coups de feu. Tout de

10 suite, les vitres ont été brisées. Nous sommes sortis de cette maison

11 d’été et nous sommes partis vers la maison de Redzib. Il bruinait. Nous

12 sommes restés quelque peu sur ce terrain. On ne pouvait pas rester

13 longtemps, bien évidemment. Nous nous sommes dirigés vers la colline. Nous

14 nous sommes rendus à Vhrovine, c'est un village qui porte ce nom. On nous

15 a dit qu'on ne pouvait pas rester, que de toute façon on allait commencer

16 à pilonner le village. Nous sommes partis un peu plus loin et nous nous

17 sommes rendus dans le village de Poculica.

18 Une fois dans ce village, nous avons passé dix jours chez un

19 homme, dans sa maison. Le onzième jour, on nous a déplacés de cette maison

20 dans une maison croate. Nous y sommes restés pendant trois jours et,

21 encore, on nous a demandé de nous déplacer dans une autre maison croate.

22 Nous avons passé à cet endroit, jusqu'au moment où Slimena, à côté de

23 Travnik, n'était pas tombé.

24 Ensuite, on nous avait donné une voiture. C'est du quartier

25 général qu'on nous a envoyé la voiture. On nous a déplacés dans une

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1 troisième maison croate. C'est dans cette maison

2 que nous sommes restés pendant deux ans et demi.

3 Quand Karavla, le village, a été libéré et au moment où

4 Varosluk, un village serbe, était tombé, c'est juste à côté de Turbe, nous

5 sommes allés dans le village qui s'appelle (expurgé). C'était le

6 septième foyer, si je peux m'exprimer ainsi, pour nous. Je me trouve

7 encore à cet endroit-là, nous sommes encore là-bas. Nous ne sommes plus

8 partis de là-bas.

9 M. Moskowitz (interprétation). - Témoin M, j'aimerais vous poser

10 quelques questions afin d'apporter quelques précisions.

11 Vous avez dit que, le 16 avril à Ahmici, vous aviez passé la

12 soirée qui avait précédé l'attaque et que vous aviez passé la nuit à une

13 maison d'été. A quelle distance ?

14 Témoin M (interprétation). - C'était la veille, avant l'attaque.

15 J'ai passé effectivement la nuit dans cette maison d'été de Redzib.

16 M. Moskowitz (interprétation). – (expurgée)

17 (expurgée) ?

18 Témoin M (interprétation). – (expurgée)

19 (expurgée)

20 M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez fui Ahmici, vous vous

21 êtes enfuis de cette maison d'été. A ce moment-là, avez-vous vu des

22 incendies dans le village ?

23 Témoin M (interprétation). - Oui, tout le monde, qui y était,

24 pouvait voir les incendies. Tous ceux qui étaient vivants pouvaient voir

25 les incendies. On n'est pas allé trop loin par rapport à la maison de

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1 Redzib, une cinquantaine de mètres à peu près. C'est tout le village qui

2 était incendié, tout était en flammes. On ne voyait rien d'autre que des

3 incendies, tout était en flammes et on entendait des coups de feu, rien

4 d'autre. Et nous, on marchait vers le-Haut.

5 M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez un

6 souvenir précis d'une maison, que vous auriez vue, en feu alors vous

7 quittiez Ahmici ?

8 Témoin M (interprétation). - Je me souviens des maisons, mais je

9 ne sais pas si je

10 serais capable véritablement de vous dire quelles étaient les maisons de

11 manière très précise parce que, ce qui m'intéressait, c'était tout

12 simplement de constater que c'étaient les maisons qui étaient incendiées

13 mais, à partir du moment où elle a été incendiée, je ne savais pas. Je ne

14 pourrais pas probablement reconnaître toutes ces maisons.

15 M. Moskowitz (interprétation). - Une dernière question. Vous

16 souvenez-vous de l'heure ? En ce qui concerne la veille, lorsque vous avez

17 vu ces soldats descendre du camion et entrer dans la maison de Vlatko,

18 quelle heure était-il à peu près à ce moment-là ?

19 Témoin M (interprétation). - C'était vers la fin de la journée.

20 Je n'ai pas regardé ma montre, bien évidemment. Ma fille était rentrée de

21 son poste de travail parce qu'elle travaillait. Elle travaillait à

22 Slimena, à Olip, dans une société qui s'appelle Olip. Je ne peux pas vous

23 dire exactement l'heure, mais c'était avant que la nuit tombe. Il faisait

24 encore jour mais c'était avant que la nuit tombe. Je ne sais pas

25 véritablement l'heure, j n'ai pas regardé la montre.

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1 M. Moskowitz (interprétation). - Permettez-moi de consulter mon

2 confrère.

3 (L'accusation se consulte.)

4 Nous n'avons plus de questions à poser à ce témoin. Nous

5 demandons que la pièce 178 soit versée sous plis scellés.

6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

7 Maître Moskowitz.

8 Témoin M (interprétation). - Au revoir.

9 M. le Président (interprétation). - Témoin M, non, non, vous

10 vous restez ici, avec nous, vous ne partez pas encore.

11 Je m'adresse à Maître Pavkovic pour lui demander quels seront

12 les conseils de la défense qui vont procéder aux contre-interrogatoires du

13 témoin.

14 M. Pavkovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

15 Madame et Monsieur les Juges. Notre témoin sera contre-interrogé par

16 Me Borislav Krajina, par Me Radovic et, je pense, par Me Slokovic-Glumac.

17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

18 Maître Krajina, vous avez la parole.

19 M. Krajina (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

20 Bonjour, Madame le témoin. Je voudrais tout simplement vous poser une

21 question, si vous voulez bien.

22 Témoin M (interprétation). - Oui, d'accord, je vous écoute.

23 M. Krajina (interprétation). - Vous avez dit que vous avez

24 habité dans la maison de (expurgé)

25 Témoin M (interprétation). - Oui.

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1 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire si

2 le 15 avril 1993 vous avez vu (expurgé) ?

3 Témoin M (interprétation). - Non, je ne sais absolument pas où

4 il se trouvait. Il était parti quelque part, mais de toute façon il

5 n'était pas à la maison.

6 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez qui

7 était avec vous dans cette maison ?

8 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que je m'en souviens.

9 M. Krajina (interprétation). - Mais le jour même, ce jour-là ?

10 Témoin M (interprétation). - Il y avait la femme de (expurgé), ma

11 fille, mon fils également qui a été opéré. Il avait subi un intervention

12 chirurgicale et il était à la maison.

13 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que ce jour-là vous avez

14 apercu (expurgé) ?

15 Témoin M (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.

16 M. Krajina (interprétation). - Vous ne savez pas ? Est-ce que

17 vous l'avez vu ce jour-là ?

18 Témoin M (interprétation). - Bien sûr que nous l'avons vu.

19 M. Krajina (interprétation). - Où ?

20 Témoin M (interprétation). - Il était à la maison, mais à ce

21 moment-là je ne sais pas où il était, à l'heure où je me suis rendue à la

22 prise d'eau je ne l'ai pas vu. Il avait passé la nuit dans cette maison.

23 Ils sont partis le lendemain.

24 M. Krajina (interprétation). - Mais le jour qui avait précédé

25 l'attaque, je parle du 15 avril ?

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1 Témoin M (interprétation). - Il était à la maison.

2 M. Krajina (interprétation). - Mais où il était dans la maison ?

3 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux pas vous

4 le dire. Ce que je n'ai pas vu, je ne peux pas vous le dire.

5 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous avez passé la

6 journée entière, le 15 avril, chez vous ?

7 Témoin M (interprétation). - Non.

8 M. Krajina (interprétation). - Où est-ce que vous étiez si vous

9 n'étiez pas à la maison ?

10 Témoin M (interprétation). - Je n'ai pas passé toute la journée

11 à la maison.

12 M. Krajina (interprétation). - Mais où avez-vous été toute cette

13 journée-là ? Où l'avez-vous passée ?

14 Témoin M (interprétation). - J'ai été invitée par une famille à

15 Ahmici-le-Haut.

16 M. Krajina (interprétation). - A quel moment vous êtes partie à

17 Ahmici-le-Haut ?

18 Témoin M (interprétation). - Mais c'était vers midi, autour du

19 déjeuner.

20 M. Krajina (interprétation). - Qui était parti avec vous ?

21 Témoin M (interprétation). - Il y avait (expurgé)qui

22 était avec nous, moi-même, (expurgé). Eh bien, nous sommes partis

23 à Ahmici-le-Haut.

24 M. Krajina (interprétation). - Vous êtes restés combien de

25 temps ?

Page 2359

1 Témoin M (interprétation). - Deux heures et demi à peu près.

2 M. Krajina (interprétation). - Est-ce vous êtes tous rentrés ?

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. Krajina (interprétation). - Mais à ce moment-là, (expurgé) se

5 trouvait où ?

6 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas, il est parti

7 quelque part.

8 M. Krajina (interprétation). - Mais est-ce qu'il était à la

9 maison au moment où vous êtes rentrés ?

10 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.

11 M. Krajina (interprétation). - Vous ne le savez pas ?

12 Témoin M (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire parce

13 que je ne le sais pas.

14 M. Krajina (interprétation). - Est-ce vous êtes partis par la

15 suite quelque part ?

16 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.

17 M. Krajina (interprétation). - Vous ne le savez pas ?

18 Témoin M (interprétation). - Mais bien évidemment, je n'ai pas

19 fait attention parce qu'il était dans une autre chambre et moi dans une

20 autre.

21 M. Krajina (interprétation). - Mais l'avez-vous vu au cours de

22 la journée ?

23 Témoin M (interprétation). - Le matin, je l'ai vu parce que, de

24 toute façon, tous les matins, il a pris le café avec nous, le petit-

25 déjeuner.

Page 2360

1 M. Krajina (interprétation). - Est-ce qu'il est allé

2 travailler ?

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. Krajina (interprétation). - Mais quand il rentrait de son

5 travail ?

6 Témoin M (interprétation). - Le soir.

7 M. Krajina (interprétation). - Le soir ?

8 Témoin M (interprétation). - C'était déjà la nuit quand il

9 rentrait. Il travaillait chez les voisins, des Croates.

10 M. Krajina (interprétation). - Et ce jour-là, vous l'avez vu au

11 moment où il est

12 rentré et quand il est rentré ?

13 Témoin M (interprétation). - Non, cela je ne m'en souviens pas

14 exactement. Je ne sais pas s'il est allé travailler quelque part. Je ne

15 m'en souviens pas, mais ce que je sais c'est que le matin il était chez

16 lui et nous sommes partis dans le village.

17 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai

18 plus de questions.

19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

20 Maître Radovic vous avez la parole.

21 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit que vous avez eu

22 trois fils et également des petits-enfants. Pouvez-vous me dire si un de

23 vos fils était à l'armée ou faisait partie de la Défense territoriale ?

24 Témoin M (interprétation). - Tous les trois étaient à l'armée.

25 M. Radovic (interprétation). - Donc, ils n'étaient pas avec vous

Page 2361

1 à la maison ?

2 Témoin M (interprétation). - Ils étaient avec moi quand ils

3 retournaient de ces lignes. On les appelait les lignes de front. Ils

4 venaient un peu se reposer, ils passaient une ou deux nuit à peu près.

5 M. Radovic (interprétation). - Le 15 avril, à la veille de

6 l'attaque, est-ce qu'ils étaient avec vous ou bien ils étaient sur la

7 ligne de front ?

8 Témoin M (interprétation). - Les deux n'étaient pas avec nous,

9 ils étaient sur la ligne de front.

10 M. Radovic (interprétation). - Il y en avait un qui était avec

11 vous ?

12 Témoin M (interprétation). - Oui, un s'était fait opérer, par

13 conséquent il était resté à la maison.

14 M. Radovic (interprétation). - Il était resté le 16 avril ?

15 Témoin M (interprétation). - Oui, il était le 16 avril avec moi.

16 M. Radovic (interprétation). - Et ce fils-là qui est retourné de

17 la ligne de front, qui

18 était à la maison pendant l'attaque, avait-il un uniforme, une arme sur

19 lui ?

20 Témoin M (interprétation). - Il avait l'uniforme. Il est venu en

21 uniforme.

22 M. Radovic (interprétation). - Au moment où vous êtes partie de

23 chez vous, il était en uniforme ou en civil ?

24 Témoin M (interprétation). - Il avait porté l'uniforme.

25 M. Radovic (interprétation). - Il était en uniforme. C'est comme

Page 2362

1 cela que vous vous êtes enfuis ?

2 Témoin M (interprétation). - Il est sorti en uniforme, il était

3 malade, et en trois jours, il devait se présenter devant une commission

4 médicale et ensuite se rendre sur la ligne de front. Il n'a pas pu

5 procéder de cette manière. Le troisième jour, on lui avait donné une arme.

6 M. Radovic (interprétation). - On ne s'est pas compris. Le jour

7 où vous vous êtes enfuis, il portait l'uniforme ou non ?

8 Témoin M (interprétation). - Il a porté l'uniforme et c'est

9 comme cela qu'il est sorti.

10 M. Radovic (interprétation). - Jusqu'à Vrhovine, il était en

11 uniforme ?

12 Témoin M (interprétation). - Oui.

13 M. Radovic (interprétation). - Portait-il également des armes ?

14 Témoin M (interprétation). - Non, il n'avait pas d'arme et

15 jamais il ne prenait d'arme. Il laissait les armes à Travnik.

16 M. Radovic (interprétation). - Pourquoi ?

17 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.

18 M. Radovic (interprétation). - Vos fils vous en ont parlé ?

19 Témoin M (interprétation). - Non, ils n'en ont pas parlé. Ils

20 n'ont jamais apporté les armes avec eux. Ils venaient tout simplement

21 comme cela.

22 M. Radovic (interprétation). - Mais au moment où ils étaient

23 chez vous, est-ce qu'ils faisaient partie des patrouilles de la Défense

24 territoriale ?

25 Témoin M (interprétation). – Oui, de temps à autre. Pendant la

Page 2363

1 nuit, ils marchaient dans le village. Ils faisaient partie des

2 patrouilles.

3 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'ils avaient un

4 programme qu'ils suivaient, de la Défense territoriale, pour savoir à quel

5 moment ils devaient aller patrouiller, monter la garde ?

6 Témoin M (interprétation). - Probablement, mais ils ne portaient

7 pas d'armes comme je l'ai dit, mais de toute façon ils se déplaçaient dans

8 le village.

9 M. Radovic (interprétation). - Mais est-ce que quelqu'un leur

10 avait donné des armes pour faire partie de la patrouille ?

11 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas, mais ce que je peux

12 vous dire c'est qu'à la maison ils n'avaient jamais les armes. Je n'ai

13 jamais vu les armes dans leurs mains, mais devant la maison probablement

14 on leur donnait les armes.

15 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous les avez

16 rencontrés quelques fois quant ils faisaient partie de la patrouille ?

17 Témoin M (interprétation). - Non c'est la nuit surtout qu'ils

18 faisaient partie de cette garde et, nous, la nuit, on ne se déplaçait pas

19 dans le village.

20 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire quelque chose

21 au sujet de votre mari ? Est-ce que lui faisait également partie de la

22 Défense territoriale ?

23 Témoin M (interprétation). - Oui.

24 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que lui également portait

25 les armes ?

Page 2364

1 Témoin M (interprétation). - Non.

2 M. Radovic (interprétation). - Qu'a-t'il fait lui ? Avait-il une

3 tâche toute spéciale ?

4 Témoin M (interprétation). - Cela, je ne le sais pas bien

5 évidemment, mais ce que je sais c'est qu'il accompagnait (expurgé)

6 et ils marchaient dans le village.

7 M. Radovic (interprétation). - Mais votre mari qui a fait partie

8 de la Défense

9 territoriale, il portait un uniforme ?

10 Témoin M (interprétation). - Non. Il portait les vêtements

11 civils.

12 M. Radovic (interprétation). - Au moment il faisait de la

13 patrouille également ?

14 Témoin M (interprétation). - En civil.

15 M. Radovic (interprétation). - Et quand vos fils revenaient du

16 front, et faisaient partie de cette patrouille, ils patrouillaient en

17 uniforme ?

18 Témoin M (interprétation). - Cela dépend.

19 M. Radovic (interprétation). - Cela n'était pas tellement bien

20 défini, ils pouvaient sortir à l'extérieur en uniforme, en civil ?

21 Témoin M (interprétation). - Par moment ils étaient en civil,

22 par moment en uniforme. Il fallait également laver l'uniforme, ils

23 passaient une journée ou deux, puis ils devaient revenir sur la ligne de

24 front.

25 M. Radovic (interprétation). - Très brièvement, ils passaient le

Page 2365

1 temps chez vous ?

2 Témoin M (interprétation). - Oui.

3 M. Radovic (interprétation). - Je vais vous poser une autre

4 question, si vous voulez bien. Au moment où vous avez fuit, vous avez dit

5 qu'ils vous ont déplacée à plusieurs reprises et qu'ils vous ont installée

6 dans des maisons croates ?

7 Témoin M (interprétation). - Oui.

8 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire si vous

9 saviez ce qui se passait avec les Croates qui étaient propriétaires de

10 cette maison ? Où ils se trouvaient ?

11 Témoin M (interprétation). – Non, je ne savais absolument rien.

12 M. Radovic (interprétation). - Mais je n'ai pas dit que c'est

13 vous qui les avez expulsés. Vous étiez venue dans la maison qui était

14 vide ?

15 Témoin M (interprétation). - Bien évidemment, nous n'avons vu

16 personne.

17 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez vu les

18 personnes qui pouvaient

19 vous dire où ils étaient partis, s'ils avaient fui, où se trouvaient ces

20 propriétaires ?

21 Témoin M (interprétation). - Mais nous n'avons vu personne, je

22 suppose qu'ils étaient partis.

23 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez parlé avec

24 vos voisins, les Musulmans, de ce qui s'était passé avec les propriétaires

25 de ces maisons ?

Page 2366

1 Témoin M (interprétation). - Non, ça ne m'est même pas venu à

2 l'esprit.

3 M. Radovic (interprétation). - Mais on parle de tout dans les

4 villages. Par conséquent, on a probablement parlé également de ce qui

5 s'était passé avec les propriétaires de ces maisons. Il y a eu une rumeur

6 qui est passée dans le village, n'est-ce pas ?

7 Témoin M (interprétation). - Mais ça ne m'intéressait guère. Moi

8 j'avais mes propres problèmes, j'étais malade, j'étais également opérée,

9 j'avais une blessure, une plaie, des fils qui sont restés, je suis sortie

10 de l'hôpital et tout ce dont je me souviens c'est que j'ai marché, j'ai

11 fui.

12 M. Radovic (interprétation). - Je comprends parfaitement, vous

13 vous êtes enfuie, vous avez marché beaucoup, mais ce que j'aimerais savoir

14 également c'est ce que les propriétaires de cette maison ont fait ; eux

15 aussi ils devaient se déplacer.

16 Témoin M (interprétation). - Oui.

17 M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz ?

18 M. Moskowitz (interprétation). - J'aimerais élever une objection

19 car il semble que ces questions ont déjà été posées à plusieurs reprises

20 et la réponse fut toujours la même :le témoin ne savait pas. Nous

21 demanderons que Me Radovic passe à une autre question.

22 M. le Président (interprétation). - Effectivement,

23 Maître Radovic, auriez-vous l'obligeance de passer à une autre question.

24 Il est exact que vous avez déja posé cette question à plusieurs reprises.

25 M. Radovic (interprétation). - Je pense que le témoin allait

Page 2367

1 répondre au moment où

2 Me Moskowitz l'avait interrompu, mais ça ne fait rien, Monsieur le

3 Président.

4 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons pas reçu la

5 traduction en anglais.

6 M. Radovic (interprétation). - Je vais répéter ce que j'avais

7 dit. Je viens de dire que le témoin était prêt à nous répondre à la

8 question, il a commencé à parler au moment ou Me Moskowitz l'avait

9 interrompu ; mais ça ne fait rien Monsieur le Président, je vais poser

10 d'autres questions.

11 M. le Président (interprétation). - J'avais le sentiment que le

12 témoin avait répété qu'elle ne savait pas et qu'elle ne tenait pas à

13 savoir où se trouvaient les propriétaires croates de ces maisons. Je

14 comprends bien que votre question présente un certain intérêt, mais je

15 pense que le témoin a déjà répondu en disant qu'elle n'était pas en mesure

16 de répondre, elle ne savait pas.

17 M. Radovic (interprétation). - D'accord. Je pense que j'ai

18 compris à peu près de quoi il s'agissait. Par conséquent, je ne vais pas

19 insister, je respecte votre décision.

20 Vous avez dit que vous vous êtes rendue dans un village où la

21 majorité de la population était des Serbes ?

22 Témoin M (interprétation). - Oui.

23 M. Radovic (interprétation). - Mais qu'est-ce qui s'était passé

24 avec les propriétaires serbes et où sont partis ces Serbes ?

25 Témoin M (interprétation). - Les Serbes ? Eh bien, les Serbes de

Page 2368

1 ce villages sont partis. Qui étaient les propriétaires ? Je ne peux pas

2 vous dire si c'était uniquement l'armée ou si c'étaient les vieillards, ça

3 je ne peux pas vous le dire. Ils sont partis, ça je le sais.

4 M. Radovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire pourquoi

5 ils sont partis ? Est-ce tout simplement parce que le village a été pris

6 par l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Ou sont-ils partis tout simplement

7 comme cela, parce qu’ils ne voulaient plus rester dans leur village ? Ou

8 bien vous ne le savez pas ?

9 Témoin M (interprétation). - Ils sont partis, c’est tout ce que

10 je sais.

11 M. Radovic (interprétation). - D’accord. Moi je suis satisfait.

12 Je ne vais pas insister. Maintenant nous allons revenir au 16 avril, en ce

13 qui concerne les conditions météorologiques au moment où l’attaque a

14 commencé, où le témoin disait des choses différentes. Vous avez dit qu’il

15 pleuvait. Est-ce que vous en êtes sûre ?

16 Témoin M (interprétation). - Oui, je suis sûre qu’il pleuvait.

17 Je sais que je n’avais pratiquement rien sur moi. Au moment où nous nous

18 sommes réveillés, nous n’avons pas véritablement mis des vêtements

19 convenables et c’est pratiquement pieds nus que nous sommes partis.

20 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu’il pleuvait vraiment ?

21 Est-ce que c’étaient des averses ? Est-ce que vous étiez mouillés en

22 allant vers Vrhovine ?

23 Témoin M (interprétation). - Non, il bruinait. Mais de toute

24 façon nous sommes arrivés mouillés, nous sommes arrivés plein de boue et

25 nous sommes restés là-bas quelques jours. Nous nous sommes séchés là-haut.

Page 2369

1 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire que

2 ce n’était pas une averse mais que cela bruinait ?

3 Témoin M (interprétation). - Non, effectivement, ce n’était pas

4 une averse, mais ça bruinait. Je me souviens que j’étais pleine de boue,

5 mes enfants, moi-même, ma fille, et puis on a été un peu mouillé. C’est

6 comme ça que nous sommes restés dans la maison où on a été reçu du

7 vendredi au dimanche.

8 M. Radovic (interprétation). - Ce n’est pas cela que je posais

9 comme question. Ce qui m’intéressait, c’était simplement de savoir s’il

10 pleuvait fort ou pas.

11 Témoin M (interprétation). - Oui, d’accord.

12 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire

13 quels étaient les uniformes que portaient les soldats que vous avez vus le

14 jour avant l’attaque ?

15 Témoin M (interprétation). - Les uniformes, c’étaient les

16 uniformes de camouflage,

17 les uniformes que portaient les soldats du HVO.

18 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez des uniformes de

19 camouflage, n’est-ce pas ?

20 Témoin M (interprétation). - Oui, c’étaient des couleurs

21 différentes.

22 M. Radovic (interprétation). - Les couleurs différentes ?

23 Témoin M (interprétation). - Oui, effectivement.

24 M. Radovic (interprétation). - Merci, monsieur le Président, je

25 n’ai plus de questions.

Page 2370

1 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie,

2 Maître Radovic. Maître Glumac ?

3 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je

4 n’ai plus de questions. C’est mon confrère qui a posé toutes les

5 questions.

6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

7 Maître Moskowitz, vous voulez procéder à un interrogatoire

8 supplémentaire ?

9 M. Moskowitz (interprétation). - Nous n’avons pas de questions

10 supplémentaires, merci Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation). - Merci. J’ai une question à

12 vous poser, Madame, qui enchaîne sur les questions posées par

13 Maître Radovic.

14 Témoin M, vous avez dit qu’à un moment donné, après le 16 avril,

15 vous vous êtes rendue dans un village, dont je ne me souviens pas le nom,

16 en tout cas que vous avez été logée dans une maison croate.

17 Voici ma question : y avait-il des Croates dans ce village au

18 moment où, vous, vous y êtes arrivée ?

19 Témoin M (interprétation). - Non, non, il n’y avait aucun

20 Croate.

21 M. le Président (interprétation). - Y avait-il que des

22 Musulmans ?

23 Témoin M (interprétation). - Uniquement des Musulmans.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Madame.

25 Témoin M (interprétation). - Merci à vous.

Page 2371

1 M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous ne

2 verrez aucun inconvénient à ce que le témoin se retire. Témoin M, je vous

3 remercie infiniment d’être venue témoigner devant nous aujourd’hui. Vous

4 pouvez vous retirer.

5 Témoin M (interprétation). - Merci à vous tous, merci Monsieur

6 le Président. Je peux partir maintenant ? Je peux enlever le casque ?

7 M. le Président (interprétation). – Oui.

8 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

9 M. le Président (interprétation). - Nous passons, si vous le

10 voulez bien, au témoin qui était auparavant le témoin 4 et qui est devenu

11 le témoin 2. Maître Moskowitz ?

12 M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le Président, le

13 moment est peut-être opportun pour régler les questions qui n’avaient pas

14 été terminées vendredi. Je pensais que les conseils de la défense

15 voulaient faire une présentation. Je pensais que le moment serait peut-

16 être bienvenu car nous ne savons pas exactement est le témoin qui est prêt

17 pour le moment.

18 M. le Président (interprétation). - Tout à fait. Je m’adresse à

19 Maître Pavkovic. Les conseils de la défense sont-ils prêts à émettre leur

20 avis sur les questions dont nous avons discutées vendredi, soulevées par

21 la défense ? Il s’agit de la question des contacts entre l’accusation, les

22 témoins à charge, la défense et ces témoins. Etes-vous arrivés à un

23 terrain d’entente ? Est-ce que l’un d’entre vous peut parler au nom de

24 tous les autres ?

25 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, notre

Page 2372

1 confrère Moskowitz a proposé justement que nous en parlions. Je vais être

2 très bref. Nous avons une attitude qui nous est commune. Je vais parler au

3 nom de tous les conseils de la défense. Par conséquent, les conseils de la

4 défense ont examiné un certain nombre d’aspects de la question qui a été

5 soulevée. Ils ont également examiné des raisons différentes de l’idée qui

6 a été lancée par le Procureur. Sont tirées de leurs conclusions, les

7 choses suivantes.

8 Tout d’abord, les conseils de la défense remercient le Président

9 et la Chambre de nous permettre de dire également notre position. Les

10 conseils de la défense considèrent tout d'abord que ce que le Procureur

11 avait dit, avec les arguments qu’il avait avancés, le vendredi

12 18 septembre, est acceptable, à savoir que le témoin, une fois qu’il

13 commence sa déposition, est le témoin du Tribunal et que, par conséquent,

14 indépendamment du fait qu’il soit le témoin du Procureur ou de la défense,

15 il est sous serment, il ne parlera que sous serment et il ne dira que la

16 vérité.

17 Toutefois, les conseils considèrent qu'en ce qui concerne

18 l'interdiction des contacts

19 avec les témoins, c'est une question, qui a été soulevée au moment où un

20 bon nombre de témoins ont déjà été cités, ont déjà déposé, et les contre-

21 interrogatoires ont eu lieu, et par conséquent dans le cadre de ce régime

22 a pu également obtenir quelques avantages. A ce propos, les conseils

23 expriment leurs préoccupations et considèrent que cela pourrait

24 éventuellement apporter un certain déséquilibre dans le cadre de ce procès

25 si le régime était maintenant modifié et que ce droit doit être maintenu

Page 2373

1 également pour les droits de la défense.

2 D'un autre côté également, les conseils de la défense ont noté

3 que devant le Tribunal il y a un certain nombre de témoins qui ont été

4 cités et qui ont quelques caractéristiques qui sont assez spécifiques. Il

5 s'agit au fond aussi bien des témoins que des victimes, des victimes qui

6 ont traversé des événements tragiques et qui ont subi dans le cadre de

7 leur famille également des épreuves, qu'ils sont très sensibilisés, par

8 conséquent que leur déposition pourrait être également un moyen

9 d'influencer l'évolution du procès et qu'il faudrait tenir compte que,

10 lors de ces contacts, il s'agit d'une situation où on essaie de faire

11 appel aux souvenirs des témoins et non pas de suggérer une situation

12 donnée.

13 Lors de l'examen de cette position et de notre conclusion

14 définitive, je me dois de vous dire que les conseils de la défense avaient

15 en vue tout d'abord l'attitude qui a été définie par le Juge Mumba qui

16 avait eu à l'esprit le cas de Furundzija, et l'iniative du conseil de la

17 défense sur l'interdication des contacts.

18 En se fondant sur ces situations différentes, les conseils de la

19 défense ont arrêté l'attitude suivante, la position suivante : ils sont

20 d'avis qu'à partir du moment où le témoin apparaît devant la Chambre, où

21 il fait le serment, qu'à partir de ce moment il devient le témoin du

22 Tribunal et qu'il ne devrait être contacté par personne, indépendamment du

23 fait de qui l'avait cité, que ce soit le Procureur ou la défense, sans que

24 la Chambre prenne une décision à ce sujet-là.

25 Si vous portez une décision à ce sujet-là, les conseils de la

Page 2374

1 défense sont d'avis qu'il

2 faudra avoir en vue également quelques exceptions, exceptions par rapport

3 à cette attitude à savoir que, si la Chambre en donne l'autorisation, sous

4 son contrôle, à titre tout à fait exceptionnel, on pourrait adopter,

5 arrêter cette décision et autoriser les contacts.

6 En guise de conclusion, les conseils de la défense sont d'avis

7 que ce point de vue ne se fonde pas sur le Règlement de procédure et de

8 preuve, mais a le fondement dans un certain nombre d'articles du Statut

9 qu'au cours du procès, par conséquent pour véritablement connaître la

10 vérité et aboutir à une justice équitable, il est indispensable d'agir

11 ainsi. C'est la raison pour laquelle nous demandons à la Chambre de bien

12 vouloir en tenir compte et d'examiner le plus tôt possible toutes ces

13 questions et de prendre la décision à ce sujet là.

14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que

15 l’accusation veut apporter un commentaire ? Pas nécessairement ? Oui, je

16 pense que votre position était des plus claires dès vendredi. Avez-vous

17 des commentaires ? Fort bien. Je tiens à remercier Maître Pavkovic ainsi

18 que ses confrères pour nous avoir communiqué leur position qui est

19 désormais très claire. Nous savons ce qu’il en est de la position de

20 chacune des parties. Nous trancherons la question sans doute d’ici demain

21 matin.

22 Je vous propose une pause. Nous reprendrons à 11 heures 15

23 précises.

24 L’audience, suspendue à 10 heures 45, est reprise à

25 11 heures 15.

Page 2375

1 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président (interprétation). - Tout d’abord, je vais

3 demander au témoin de faire la déclaration solennelle. Pourriez-vous, je

4 vous prie, vous lever et lire la déclaration solennelle ?

5 M. Dooley (interprétation). - Je déclaire solennellement de dire

6 toute la vérité, rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation). - Merci.

8 M. Terrier. - Monsieur le témoin, pouvez-vous dire au Tribunal

9 votre nom, votre prénom et votre date de naissance ?

10 Témoin (interprétation). - Certainement. Major Michael Dooley.

11 Je suis né le 15 mars 1966.

12 M. Terrier. - Pouvez-vous dire au Tribunal ce qu’est votre

13 affectation actuelle ?

14 M. Dooley (interprétation). - Je suis le responsable des

15 opérations d’une brigade qui consiste en une partie du (?) dans le cadre

16 de l’ONU.

17 M. Terrier. - Pouvez-vous nous indiquer ce qu’est votre

18 expérience professionnelle, ce qu’a été votre formation ?

19 M. Dooley (interprétation). - Oui, j’ai rejoint l’armée en 1990,

20 notamment le corps royal de transmission en 1992. J’ai été désigné

21 commandeur de section dans le régiment du Cheshire pour une période

22 d’environ 18 mois et j’étais commandeur des Warriors. Après quoi je suis

23 allé à Katarik où j’ai été conseiller à l’infanterie pour le corps de

24 transmission et ensuite j’ai participé aux Armed brigade* en tant que

25 directeur des opérations.

Page 2376

1 Ensuite, j’ai été envoyé à l’Académie Royale de Sanders. Là

2 j’étais instructeur. Et récemment, j’ai reçu mon mandat actuel, c’est-à-

3 dire operation officer.

4 M. Terrier. - A quelle date avez-vous été envoyé en Bosnie-

5 Herzégovine ?

6 M. Dooley (interprétation). - J’ai été envoyé en octobre 1992 et

7 nous sommes partis en mai 1993.

8 M. Terrier. - Quelle était votre mission en Bosnie pendant cette

9 période ?

10 M. Dooley (interprétation). - Notre mission initiale était de

11 protéger les convois ONU, HCR, et d’apporter l’aide humanitaire aux

12 victimes de la région.

13 M. Terrier. - En Bosnie, vous commandiez un peloton ?

14 M. Dooley (interprétation). - C’est exact, oui.

15 M. Terrier. - Pouvez-vous nous dire comment est composé un

16 peloton ?

17 M. Dooley (interprétation). - Certainement. Il y avait environ

18 36 soldats dans un peloton. Le peloton disposait de quatre warriors,

19 c’est-à-dire des véhicules blindés et un commandant.

20 M. Terrier. - J’aimerais maintenant que nous nous intéressions à

21 cette période qui précède le mois d’avril 1993. Vous étiez un observateur

22 dans cette région et je voudrais que vous nous disiez ce que vous avez vu

23 des forces en présence dans la région de Vitez. Est-ce que vous avez vu

24 des éléments de l’armée de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous avez vu

25 des éléments du HVO ? Pouvez-vous indiquer cela au Tribunal ?

Page 2377

1 M. Dooley (interprétation). - Oui, certainement. Je voudrais

2 préciser une chose. Est-ce que vous voulez que je parle depuis le mois

3 d’octobre ou des jours qui précèdent avril ?

4 M. Terrier. - Sur cette période de plusieurs semaines ou de

5 plusieurs mois, donc depuis le mois d’octobre 1992 jusqu’au mois d’avril

6 1993.

7 M. Dooley (interprétation). - D’accord. Au départ la région

8 était divisée en un certain nombre de groupes localisés, de troupes sans

9 doute croates et HVO ; et les concentrations générales étaient à Travnik.

10 ABiH principalement, Vitez, là, principalement croates, même s'il y avait

11 également des ABiH sur place, et il y avait un mélange entre la vallée de

12 la Lasva entre les troupes BHV et de l'armée.

13 M. Terrier - Quelle est votre opinion de l'Etat de l'armée de

14 Bosnie-Herzégovine à ce moment-là, de son organisation, de son armement ?

15 M. Dooley (interprétation). - Oui. Equipement faible dans la

16 majorité des régions, sauf Travnik où ils étaient bien armés, je veux dire

17 qu'ils ne disposaient que d'armes à feu automatiques. Je n'ai jamais rien

18 vu de gros calibres surtout à Vitez. Les seules choses que j'ai vues

19 étaient des armes légères automatiques et lorsqu'on quittait la région de

20 Vitez, une fois de plus, je voyais uniquement des armes légères pour

21 l'ABiH. Les Croates, quant à eux, disposaient d'armes plus lourdes, de

22 plus gros calibres, par exemple point 5/0, antiaériennes automatiques,

23 montées sur camion et qu'ils utilisaient de temps à autre.

24 M. Terrier - Est-ce que dans les semaines qui ont précédé le

25 16 avril 1993, pendant la première quinzaine du mois d'avril 1993, vous

Page 2378

1 avez constaté la présence d'éléments de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans

2 la région de Vitez-Ahmici ?

3 M. Dooley (interprétation). - Non. Non, il n'y avait pas de

4 soldat ABiH dans la région d'Ahmici. Il y en avait quelques, mais peu

5 nombreux, pratiquement pas à Vitez même. Le gros des soldats se trouvait

6 plutôt dans la région de Travnik.

7 M. Terrier - Est-ce que dans les semaines qui ont précédé le

8 16 avril 1993 vous avez senti une évolution de la situation entre les

9 communautés ?

10 M. Dooley (interprétation). - Oui. Les tensions étaient plus

11 grandes. Il y a eu de nombreux cas de tirs dans l'ensemble de la vallée,

12 allant de Travnik jusqu'à Vitez notamment.

13 M. Terrier - Est-ce que vous pouvez maintenant nous raconter

14 cette journée du 16 avril 1993 selon les souvenirs que vous avez

15 conservés ? Vous étiez bien entendu en service cette journée-là ?

16 M. Dooley (interprétation). - Oui. En fait, j'étais le

17 responsable des opérations, dès très tôt le matin, vers 6 heures, (je

18 m'étais peut-être couché vers 2 heures du matin), j'ai été réveillé par un

19 de mes collègues et de grandes explosions avaient été causées par un

20 mortier de gros calibre. Je dois dire que cette explosion a fait que je me

21 suis levé très rapidement pour diriger les opérations.

22 Mon commandant en second, le Major Watters, m'a dit ensuite

23 d'aller sur place pour voir ce qui se passait à la ville de Vitez. J'ai

24 estimé l'heure à laquelle je suis arrivé à Vitez, 6 heures 30 environ. La

25 ville de Vitez était couverte de fumée des premiers bâtiments jusqu'au

Page 2379

1 centre et il y avait énormément de tirs. A cause de l'écho provoqué par

2 les bâtiments, il était très difficile de détecter l'origine du feu, des

3 tirs et au départ, nous avons choisi une route au centre

4 de la ville pour essayer d'identifier l'origine des tirs. Ensuite, nous

5 avons lancé un appel radio vers la région qui nous semblait être à

6 l'origine des tirs, le stade à Vitez, nous nous y sommes rendus. Nous

7 avons vu des troupes qui tiraient sur certaines maisons et mettaient le

8 feu à certaines maisons également. Voulez-vous que je poursuive ?

9 M. Terrier - Les troupes que vous avez vues ce matin-là à Vitez,

10 à quelles unités appartenaient-elles ?

11 M. Dooley (interprétation). - Je ne pourrais pas préciser les

12 unités pratiques. Je sais qu'il s'agissait de troupes croates, j'ai

13 reconnu leurs uniformes, etc. Quand je les ai vus, ils tiraient sur des

14 civils uniquement et je n'ai pas vu de troupes à ABiH sur place et il n'y

15 a pas eu non plus de morts à ABiH que j'ai pu détecter.

16 M. Terrier - Voulez-vous poursuivre le récit de cette journée ?

17 M. Dooley (interprétation). - Oui. On m'a ensuite dit d'aller

18 dans le nord de Vitez, dans un village dont le nom m'échappe, parce qu'il

19 y avait des menaces, où qu'il était possible que des tirs aient lieu.

20 Lorsque je suis arrivé à ce village tout semblait calme, même si les

21 villageois se cachaient derrière des murs. Il n'y avait pas de signe de

22 lutte, de combat, je n'en ai pas vu en tout cas. Entre temps, le tir se

23 poursuivait à Vitez, à la ville, donc nous nous sommes rendus une fois de

24 plus à Vitez. Il est important de noter que chaque fois que nous sommes

25 arrivés dans un des quartiers de Vitez, le feu s'arrêtait dans cette

Page 2380

1 région-là. Les troupes croates s'accroupissaient et attendaient notre

2 départ. En général lorsque nous mettions pied-à-terre, lorsque nous

3 descendions des véhicules, le tir commençait dans un autre quartier donc

4 nous nous déplacions et une fois de plus, les tirs s'arrêtaient dans ce

5 point-là.

6 Vers la pause déjeuner, ma radio m'a dit que je devais me rendre

7 dans le village d'Ahmici où, apparemment, il y avait aussi des incidents

8 de tirs échangés. Je me suis rendu de Vitez à Ahmici avec les quatres

9 Warriors, les véhicules transporteurs, j'ai empreinté la route principale,

10 je peux vous la montrer, et je me suis rendu vers le parking qui est au

11 nord du

12 cimetière et ensuite j'ai fait demi-tour.

13 A ce stade, nous voyions ce qui s'est passé dans cette région,

14 mais de la route. Alors j'ai appelé par radio mon commandant,

15 M. Matten Thomas, Major Montooth Thomas, pour lui dire quel était l'état

16 de la situation. Je lui ai dit qu'il y avait toute une série de cadavres

17 qui jonchaient les côtés de la route, qui jonchaient également le sol des

18 maisons, le sol devant les maisons, et, de temps à autres, il y avait un

19 coup de feu qui venait du sud-ouest, c'est vrai, mais que sinon moi je

20 n'avais vu aucune résistance et que je n'avais pas non plus vu de

21 survivants. Certaines personnes locales se trouvaient dans cette région et

22 qui essayaient de récupérer leurs morts.

23 Alors, il m'a dit qu'il avait l'intention d'envoyer des

24 renforts, c'est-à-dire des éléments Simetar, avec Simetar, donc je les ai

25 attendus ici, dans la région sud-est, sur un parking jusqu'à ce que les

Page 2381

1 renforts arrivent du camp de Vitez.

2 (Le témoin montre l'endroit sur le plan.)

3 M. Terrier. - Il s'agit là de la première viste que vous faites

4 à Ahmici. Quelle heure était-il à peu près lorsque vous êtes arrivé à

5 Ahmici, la première fois ?

6 M. Dooley (interprétation). - Il était environ midi.

7 M. Terrier. - Vous étiez à la tête de quatre véhicules blindés,

8 c'est ce que vous avez dit ?

9 M. Dooley (interprétation). - C'est correct, oui.

10 M. Terrier. - Sur quel véhicule vous étiez ?

11 M. Dooley (interprétation). - Je me trouvais toujours dans le

12 véhicule de tête. La composition du peloton était telle pour les quatre

13 véhicules que je serais toujours, moi, en tête, je serais suivi par un

14 corporal dans un deuxième véhicule et suivi ensuite par mes sergents de

15 peloton. Bon, c'est un peu délicat, il y en a deux : il y en a un qui est

16 un sergent Warrior qui commande le troisième véhicule et son corporal à

17 lui se trouverait dans le troisième véhicule.

18 Donc c'est toujours la même formation que nous utilisions.

19 M. Terrier. - Est-ce que, à l'occasion de cette première visite

20 à Ahmici, vous avez constaté des tirs, l'existence de tirs ?

21 (Le témoin montre le plan.)

22 M. Dooley (interprétation). - Oui, lors de la première visite,

23 les tirs étaient relativement limités mais ils étaient suffisants pour que

24 nous nous rendions sur place pour mener une enquête. Mais il y avait un

25 coup de feu de temps à autres, ce n'était pas énorme.

Page 2382

1 M. Terrier. - C'est à l'occasion de cette première visite à

2 Ahmici qu'un film vidéo a été pris par un de vos hommes ?

3 M. Dooley (interprétation). - C'est exact, oui, c'est lors du

4 premier voyage.

5 M. Terrier. - Je souhaiterais, Monsieur le Président, que nous

6 projetions ce film vidéo que votre Tribunal connaît déjà car il a déjà été

7 projeté à l'occasion de l'audition du témoin G. Mais je souhaiterais que

8 le major Dooley, qui se trouvait présent, puisse faire éventuellement

9 quelques commentaires sur ce film. Il s'agit de la pièce de l'accusation

10 numéro 120. Pouvons-nous projeter ce film ?

11 (Projection de la cassette vidéo.)

12 Monsieur le Major Dooley, vous pouvez faire quelques

13 commentaires, bien entendu, quand vous le souhaitez, sur la projection de

14 ce film. Nous n'avons pas le son.

15 M. Dooley (interprétation). - C'est la vue que l'on a depuis la

16 route et c'est ce que nous avons constaté au moment du premier passage.

17 Comme vous l'avez constaté, bon, d'après nous, il n'y avait pas de

18 survivants. Il y avait un certain nombre de corps, peut-être un peu plus

19 d'ailleurs que ceux que vous voyez sur cette vidéo, donc devant les

20 portes, à côté des maisons. A ce stade, on avait donc l'impression qu'il

21 s'agissait d'une opération de nettoyage, sans plus. Alors il y avait de

22 temps à autres des coups de feu dans le plateau surélevé que vous voyez à

23 l'arrière-plan. La vidéo n'est peut-être pas très précise ici, mais il y

24 avait énormément de fumée

25 qui nous gênait quelque peu la vue, notamment du côté nord-ouest.

Page 2383

1 (Projection de la cassette vidéo.)

2 Ici, le tout premier véhicule que vous avez vu est celui dans

3 lequel je me trouvais. Et en fait, c'est le sergent de peloton qui est en

4 train de filmer. Moi, je n'ai jamais vu quelqu'un de vivant. Mon sergent

5 de peloton a pris cette vue, mais moi je dois dire que je ne l'avais pas

6 vue.

7 Ici, nous sommes un peu plus tard, lors du deuxième passage, et

8 je vous le signale parce qu'ici il n'y a pas de tirs ; ceci arrive plus

9 tard et dans cette scène-ci je suppose que moi j'étais à l'arrière du

10 bâtiment que vous voyez à gauche de l'écran, je suppose.

11 (Projection de la cassette vidéo.)

12 M. Terrier. - A ce moment-là, s'agissant de votre deuxième

13 passage à Ahmici sur la grande route, est-ce qu'il y avait des tirs

14 importants ?

15 M. Dooley (interprétation). - Oui, lors de chaque passage nous

16 avons vu que les tirs s’accroissaient. Au moment du premier passage, la

17 vidéo l’a montré, il n’y avait pas de gros incidents. Ici, j’estime qu’il

18 s’agit d’un deuxième passage parce qu’ici les coups de feu restent

19 extrêmement limités.

20 Je vais vous montrer sur la carte. En fait, nous avons enlevé un

21 certain nombre de corps -six, c’est une estimation- et nous les avons

22 transportés de cette région -je crois d’ailleurs que c’est ce que vous

23 avez sur la vidéo- et là nous avions vu certains Musulmans, auparavant,

24 qui essayaient de récupérer leurs corps, et nous les avons alignés sur le

25 parking afin que les gens puissent récupérer les corps. Ensuite, après

Page 2384

1 cela, nous avons fait demi-tour et nous sommes revenus dans cette région-

2 là une troisième fois.

3 Je poursuis ?

4 M. Terrier. - Vous pouvez.

5 M. Dooley (interprétation). - Lors du troisième passage, nous

6 sommes revenus une

7 fois de plus, en gros en suivant le même itinéraire, mais les tirs

8 commençaient à être plus importants et nous avons dû utiliser les

9 véhicules blindés pour former un mur. Nous les avons mis l’un à la suite

10 de l’autre afin que les tirs qui venaient de cette région, dans ce sens-

11 là, ne nous touchent pas. Nous avons fait un mur horizontal, si vous

12 voulez, en utilisant les blindés face aux collines. Nous avons dû faire

13 entrer l’ambulance par la suite et mettre les corps dans l’ambulance pour

14 que celle-ci se trouve entre les tirs et nous. Ce n’est peut-être pas très

15 clair ici, mais la fumée était telle que nous ne voyions pas d’où

16 provenaient les tirs. La seule chose que nous pouvions dire, c’est qu’il

17 s’agissait de très gros calibres. Nos estimations parlent de 5.0.

18 Nous avons pu le constater d’après les traces que laissaient les

19 balles dans la fumée. Nous ne pouvions pas vraiment réagir aisément parce

20 qu’il était impossible d’identifier l’origine des tirs, à cause de la

21 fumée. Lors de ce troisième passage, nous nous sommes rendus ici, nous

22 avons déchargé les corps, mais là aussi les tirs commençaient à arriver.

23 Auparavant, lors du passage précédent, il n’y avait pas de coups de feu,

24 mais ces coups de feu commençaient à arriver.

25 Nous avons aligné d’autres corps, cinq, six, une dizaine peut-

Page 2385

1 être, je ne sais plus. Certaines personnes attendaient les blessés et les

2 corps, mais ils n’y étaient plus maintenant. Moi je n’avais pas vu ce que

3 les autres sergents avaient vu sur la vidéo. Donc je partais du principe

4 qu’il n’y avait plus de survivants. Et lors du quatrième passage, les tirs

5 devenaient extrêmement intenses. Les soldats se faisaient tirer dessus à

6 côté des bâtiments dans lesquels ils essayaient d’évacuer les corps.

7 Cela n’avait pas beaucoup de sens d’exposer mes soldats

8 puisqu’il n’y avait, d’après moi, personne de vivant à protéger. Donc quel

9 était le but, ici inutile, d’exposer mes soldats. Tel que moi j’avais vu

10 la situation, tout le monde était mort, il n’y avait pas non plus de

11 blessés.

12 Ces personnes, nous les avons ramenées dans cette région que

13 j’indique sur la carte et là aussi, nous avons subi des tirs de deux

14 directions, les deux directions que je vous indique.

15 Les tirs étaient suffisants pour que je ne débarque plus les personnes.

16 Donc tout le monde restait à l’intérieur des blindés, sinon je risquais

17 d’exposer mes soldats sans véritable raison. C’est à ce stade que j’ai

18 décidé de reprendre les corps vers la ville de Vitez puisqu’on m’avait dit

19 qu’il y avait un centre médical à Vitez. C’est la raison pour laquelle je

20 suis retourné en ville. En fait, je les ai pris dans un centre médical

21 croate. Cela, nous l’avons constaté par la suite. Je ne le savais pas à

22 l’époque et là nous avons débarqué les corps dans une morgue, à

23 l’intérieur d’un hôpital de fortune.

24 M. Terrier. - Est-ce qu’on peut dire qu’entre votre premier

25 passage et votre quatrième passage la situation s’est aggravée à Ahmici

Page 2386

1 par le nombre des tirs plus intenses, plus lourds ?

2 M. Dooley (interprétation). - Certainement, oui c'est exactement

3 ce qui s’est passé.

4 M. Terrier. - Vous avez dit qu’à l’occasion de votre troisième

5 passage, vous aviez vu des tirs d'armes de gros calibre provenant de

6 l’intérieur du village. Est-ce que vous pouvez préciser de quelle zone ces

7 tirs provenaient ?

8 M. Dooley (interprétation). - Dans Ahmici, il n’y avait qu’une

9 région d’où venait le tir. Nous ne pouvions pas la voir, mais nous

10 connaissions la direction. Là je vous l’indique. Le calibre était de .50.

11 Vous pouviez en juger en fonction du son et en fonction de la trace

12 laissée dans la fumée.

13 M. Terrier. - Quelle heure était-il approximativement, lorsque

14 vous avez constaté ce tirs ?

15 M. May (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre et

16 de préciser une chose. Le témoin nous dit que les tirs venaient d’un point

17 précis. Ce point a déjà été mentionné dans l’un des témoignages comme le

18 point central. Je crois que le témoignage devrait le préciser, le point

19 central ou le rond-point.

20 M. Terrier - Monsieur le Juge, en effet je pense qu'il convient

21 de préciser, pour le

22 transcript en particulier, que le témoin a indiqué, comme zone d'où

23 provenaient ces tirs de gros calibres, qu'il a constaté à son troisième

24 passage une zone qui se trouve à proximité du parking qu'on appelle Sutra,

25 Krabovi, où se trouvent implantées les maisons de certains des accusés

Page 2387

1 Kupreskic. Pouvez-vous indiquer à quelle heure vous avez constaté ces tirs

2 provenant de cette zone de Sutra ?

3 M. Dooley (interprétation) - Il est probablement important de

4 noter que lors de tous les passages il y avait des tirs, mais les tirs

5 plus nourris ont eu lieu vers 13 heures 30.

6 M. Terrier - A quelle heure s'est passée votre dernière visite à

7 Ahmici ?

8 M. Dooley (interprétation) - C’est difficile à dire bien

9 évidemment mais je dirais environ 15 heures 30, je devais encore faire un

10 voyage et je me souviens que lorsque je suis rentré à la base, il faisait

11 noir, donc encore un voyage vers Ahmici, village au nord de Vitez.

12 Il y a une chose importante que j'ai oubliée de signaler au

13 sujet de mon premier passage qui est que, ici dans ce ravin (je ne voyais

14 pas très loin parce qu'il y avait de la fumée) nous avons vu peut-être une

15 dizaine de soldats croates qui étaient couchés dans cette direction-là,

16 donc moi j'avais l'impression que c'était un groupe qui devait faire

17 barrage et intercepter les gens qui descendaient du village, c'est

18 difficile à dire.

19 M. Terrier - Comment étaient habillés ces soldats que vous avez

20 vus dans ce fossé ?

21 M. Dooley (interprétation) - Ils avaient le style croate

22 américain, tenue de camouflage traditionnelle.

23 M. Terrier - Est-ce que leur appartenance à l'armée croate ne

24 fait aucun doute pour vous ?

25 M. Dooley (interprétation) - Aucun doute.

Page 2388

1 M. Terrier - Pouvez-vous de nouveau nous montrer à quel endroit

2 se trouvaient ces soldats sur le tableau qui se trouve derrière vous ?

3 M. Dooley (interprétation) - Il s'agit d'un petit ravin qui est

4 très net ici, sur cette

5 partie-là de la rive, juste en-dessous de la partie supérieure, et ils ont

6 essayé de se cacher au moment du passage des véhicules blindés, mais,comme

7 nous sommes plus hauts dans ces véhicules blindés, nous avons pu les voir.

8 (Le témoin l'indique sur le plan.)

9 M. Terrier - On peut peut-être préciser pour le transcript que

10 ce fossé, ce ravin, est parallèle à la route qui rentre dans Ahmici, dans

11 la direction de Vitez. Il est effectivement bien visible sur la

12 photographie aérienne.

13 Monsieur le Témoin, pouvez-vous préciser le nombre de corps que

14 vous avez enlevés à Ahmici, que vous avez trouvés et enlevés au cours de

15 cette journée ?

16 M. Dooley (interprétation) - Il y en a moins de vingt que nous

17 avons enlevés sur les trois passages, peut-être dix ou douze déposés sur

18 le parking, et ensuite peut-être six que nous avons déposés à la morgue.

19 Vu le nombre de corps que j'ai vus, j'aurais pu continuer toute la

20 journée, et c'est vrai que si moi, j'avais vu des survivants, j'aurais

21 changé toute mon approche. Mais comme d'après moi il n'y avait que des

22 personnes décédées, ça n'avait pas de sens de rester.

23 M. Terrier - Dans quelle zone les avez-vous trouvés ?

24 (Le témoin montre le plan.)

25 M. Dooley (interprétation) - Environ de là à là, environ sur

Page 2389

1 toute cette zone.

2 M. Terrier - Ces corps, s'agissait-il de corps d'hommes, de

3 femmes, de vieillard, d'enfants ?

4 M. Dooley (interprétation) - Les corps que nous avons enlevés

5 concernaient les corps d'hommes et de femmes, tous les corps étaient

6 habillés en vêtements civils et la majorité d'entre-eux n'avaient pas de

7 chaussures, ça c'est l'un des soldats qui me l'a indiqué, ce qui montre

8 bien que ces personnes ont été surprises. Moi, je n'ai pas vu d'enfants

9 tués, mais des hommes des femmes et un certain nombre de personnes âgées.

10 M. Terrier - Avez-vous vu des armes à proximité de ces corps ?

11 M. Terrier - Non, il s'agissait dans tous les cas de civils. Et

12 il y a peut être un point important à signaler qui est que le nombre de

13 blessures par balles dans chacune des victimes était important. Ce qui

14 semble suggérer, d'après moi en tous cas, que les tirs étaient très

15 rapprochés, parce que plus vous êtes proche plus l'impact est réduit.

16 d'oeil.

17 M. Terrier - Ce qui signifie l'utilisation d'armes automatiques

18 à une distance rapprochée ?

19 M. Dooley (interprétation) - - C'est correct.

20 M. Terrier. - J’aimerais, Monsieur le Président, qu’on montre au

21 Tribunal un autre film vidéo qui est très court, qui est un film de la

22 télévision croate, de la communauté croate de Bosnie, studio de Zenica.

23 J’aimerais que le témoin puisse nous faire un commentaire. J’ai

24 ici, sur ce film... Il est important d’avoir le son. J’aimerais que nous

25 ayons le son parce qu’on entend les tirs et j’aimerais que le témoin

Page 2390

1 puisse identifier les armes dont il s’agit. Peut-être peut-on commencer au

2 début ?

3 (Le greffier s’exécute.)

4 Sur ce film, un homme apparaît qui fait un commentaire. J’ai ici

5 la transcription en anglais de ce commentaire qui est en langue croate.

6 Monsieur l’huissier peut-être....

7 M. Bos (interprétation). - La vidéo sera notée comme

8 pièce 179 A.

9 (L'huissier distribue le document de traduction.)

10 M. Terrier. - Monsieur le Président, il est important que nous

11 entendions le son de ce film.

12 (Diffusion de la vidéo.)

13 M. Terrier. - C’est intéressant, mais ce qu’on entend est encore

14 plus intéressant.

15 M. le Président (interprétation). - Est-ce que nous pourrions

16 demander aux techniciens de veiller à ce que nous ayons la bande sonore ?

17 M. le Président (interprétation). - A ce qui paraît, on a besoin

18 d'un peu de temps. Pourrait-on passer à d'autres questions et vers la fin,

19 nous verrons la vidéo avec le son.

20 M. Terrier - Oui. Monsieur le témoin, est-ce que vous pouvez

21 dire au Tribunal ce que vous pensez de ce qui s'est passé à Ahmici cette

22 journée-là ? Quelle opinion avez-vous de ce qui s'est passé à Ahmici ?

23 M. Dooley (interprétation). - D'accord. Je connais les

24 événements du petit matin parce que j'ai discuté avec mes collègues d'un

25 autre bataillon qui étaient là le matin. Mais lorsque je suis arrivé vers

Page 2391

1 midi, il semblait que l'attaque initiale était terminée et les personnes

2 que j'ai enlevées essayaient de se rendre vers la route. Elles étaient

3 toutes devant les maisons et se rendaient dans cette direction. Ce qui,

4 une fois de plus, coïncide avec les tirs qui ont été constatés par la

5 suite et qui provenaient de ce point-là. Il semble voler dans cette

6 direction-là.

7 Un grande partie des corps qui se trouvaient à cet endroit-là

8 avaient aussi des balles dans leur côté droit. Ce qui semble montrer, une

9 fois de plus, qu'ils ont été touchés par un tir croisé venant de cette

10 direction, puisqu'ils ont été frappés de cette façon. Parfois, nous avons

11 vu des impacts de balles différents, un calibre plus petit pour les tirs

12 croisés donc apparemment les armes utilisées de devant et de derrière sont

13 différentes.

14 Lorsque je suis arrivé les tirs venaient de cet endroit-là et

15 plus tard dans la journée, lorsque nous étions en train de ramasser les

16 corps, ils ont décidé que nous étions gênants et c'est la raison pour

17 laquelle, à ce moment-là, ils ont commencé à tirer dans notre direction à

18 travers la fumée. Mais nous ne les voyions pas et eux ne nous ont pas vus.

19 Il est probable qu'ils ont peut-être vu les véhicules blindés, mais il ne

20 nous ont pas vus nous de façon spécifique. C'est sans doute au bruit des

21 véhicules qu'ils nous ont plus ou moins repérés. C'est la raison pour

22 laquelle ils ont sans doute dirigé le tir dans notre direction. C'est tout

23 ce que je pourrais dire. J'ai l'impression qu'ils repoussaient les

24 habitants vers cette direction, ils les attendaient sur la route et de

25 cette direction que j'indique sur la carte.

Page 2392

1 M. Terrier - Est-ce que vous pensez qu'il s'agissait d'une

2 opération militaire ? Est-ce vous qualifieriez cela d'opération

3 militaire ? Je parle des Croates bien entendu.

4 M. Dooley (interprétation). - J'ai vu des preuves de présence de

5 soldats croates, cela me pousserait à tirer cette conclusion, en effet.

6 Mais il s'agissait d'une attaque extrêmement bien coordonnée. Où que nous

7 soyions avec nos blindés, les tirs s'arrêtaient. Il est clair qu'ils

8 bénéficiaient d'une communication radio pour interrompre les tirs dans

9 cette région. Dès que nous sommes arrivés quelque part, les tirs

10 commençaient ailleurs. On leur faisait la chasse. Il est clair que

11 l'ensemble de l'opération était dirigé de façon militaire. Alors que nous

12 avions coupé des troupes ici, il y avait des points de tir à cet endroit-

13 là et cela semblait relativement bien orchestré par quelqu'un qui maîtrise

14 les questions de tactique.

15 M. Terrier - Monsieur le Président, avec l'autorisation du

16 Tribunal j'aimerais soumettre au témoin, pour avoir son opinion, son

17 commentaire, une déclaration faites par Me Hayman dans le cadre d'un autre

18 procès, celui qui est conduit actuellement devant une autre Chambre contre

19 le Général Blaskic. Il s'agit d'un document public, la déclaration

20 initiale de Me Hayman agissant au nom...

21 M. Radovic (interprétation). – (Hors micro.)

22 M. Terrier. - Je termine simplement. Vous me permettez de

23 terminer ?

24 Il s'agit donc de la déclaration de Me Hayman, agissant au nom

25 de l'accusé M. Blaskic, qui à un moment donné a donné un certain nombre

Page 2393

1 d'explications sur ce qui s'est passé, selon lui, à Ahmici le

2 16 avril 1993. C'est un document public. Cette déclaration a été faite

3 publiquement.

4 J'aimerais simplement soumettre au témoin le contenu de cette

5 déclaration concernant Ahmici -il s'agit d'une demi-page- pour avoir son

6 commentaire.

7 M. le Président (interprétation). - Merci.

8 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous

9 faisons objection. Nous considérons que le témoin n'a rien à faire avec

10 les déclarations des conseils de la défense dans un autre procès.

11 Monsieur le Président, je pense que ce n'est pas une question

12 pertinente, d'autant plus que, dans le procès Blaskic, notre accusé n'a

13 pas participé. Par conséquent, je considère effectivement que cette

14 question n'est pas pertinente et elle ne peut pas être un moyen et une

15 pièce à conviction pour ce procès.

16 (Les Juges se consultent sur le siège.)

17 M. le Président. - Monsieur Terrier, nous considérons que vous

18 pourriez peut-être résumer en quelques mots, assez brièvement, le contenu

19 essentiel de la déclaration faite, si j'ai bien compris, par Me Hayman

20 qui, si j'ai bien compris, reflète la position du général Blaskic. Mais,

21 dans ce cas, vous pourriez peut-être résumer en quelques mots le contenu

22 essentiel de cette déclaration pour poser une question.

23 Si j'ai bien compris, vous allez demander à votre témoin quelle

24 est son opinion en tant qu'expert militaire, concernant l'opinion que vous

25 allez rapporter ?

Page 2394

1 M. Terrier. - En tant qu'expert militaire et surtout en tant que

2 témoin des faits, présent à Ahmici le 16 avril 1993 de midi à peu près

3 jusqu'à 4 heures, 3 heures et demie de l'après-midi.

4 C'est une déclaration faite par Me Hayman, le 7 septembre

5 dernier, devant donc une autre Chambre de ce Tribunal. Je suppose qu'elle

6 reflète la position du Général Blaskic, mais je ne la prends que comme une

7 déclaration de Me Hayman bien entendu.

8 Ce que Me Hayman dit, c'est que, certes -je la résume en

9 substance mais je tiens à la disposition de votre Tribunal et des avocats

10 de la défense une version de cette déclaration, la version complète de

11 cette déclaration- il y a eu certes un massacre de civils musulmans à

12 Ahmici ; toutes les maisons musulmanes ont été brûlées à Ahmici. Ce

13 massacre s'inscrit tout de même, selon Me Hayman, dans le cadre d'une

14 opération militaire car il y avait une résistance organisée et

15 significative à Ahmici le 16 avril 1993.

16 Ma première question est donc : avez-vous constaté qu'à Ahmici

17 le 16 avril 1993 il y avait une résistance organisée et significative à

18 une attaque lancée contre ce village ?

19 M. Dooley (interprétation). - Il n'y a eu absolument aucune

20 résistance et il n'y a pas eu de signes du tout de présence d'éléments

21 Abih (?).

22 M. Terrier. - Deuxième question, Me Hayman dit que ce massacre

23 était terminé à peu près vers midi, si ce n'est à la fin de la matinée du

24 16 avril 1993. Est-ce que c'est votre opinion ?

25 M. Dooley (interprétation). - Oui, c'est mon avis.

Page 2395

1 M. Terrier. - Je crois que nous pouvons maintenant voir le petit

2 film vidéo.

3 (Diffusion de la cassette vidéo.)

4 M. Dooley (interprétation). - Eh bien, c’est peu sûr ici pour

5 notre équipe. Nous sommes obligés de nous retirer. Nous allons essayer,

6 une fois de plus, de nous rapprocher. Nous sommes à deux kilomètres de

7 Vitez et probablement que nous n'allons pas pouvoir nous y rendre car tout

8 est miné. Et puis, vous voyez que c’est impossible de se rapprocher de la

9 ville.

10 M. Terrier. - J’ai quelques questions après la projection de ce

11 film. Est-ce que ce que l’on voit sur ce film correspond à votre souvenir

12 d'Ahmici ?

13 M. Dooley (interprétation). - Oui, en voyant la vidéo, vous

14 voyez l'écran de fumée. Le reporter s'était mis un peu plus haut sans

15 doute, pour éviter cette fumée, et on entend également les armes à gros

16 calibre. Les petits calibres ne font pas ce genre de bruit. Donc, oui.

17 M. Terrier. - Pour les armes à gros calibres, est-ce que vous

18 pouvez préciser de quel genre d’armes il s’agit ?

19 M. Dooley (interprétation). - Le type d’armes dont j’ai déjà

20 parlé, donc un

21 calibre 5.0.

22 M. Terrier. - Est-ce que vous aviez déjà vu dans la région,

23 avant le 16 avril, des armes de ce type ?

24 M. Dooley (interprétation). - Oui, j’avais vu ce type d’armes

25 montées sur un camion. En général, ils l’utilisaient pour intimider l'ABiH

Page 2396

1 dans la région autour de Vitez.

2 M. Terrier. - Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres

3 questions à poser au témoin. Simplement, je demanderai que soient versées

4 au dossier de la procédure la pièce 179 et son annexe 179.1.

5 S’agissant de la déclaration de Me Hayman, dont j'ai donné la

6 substance, mais peut-être le Tribunal souhaiterait vérifier si cette

7 substance est bien conforme au texte même de la déclaration, je me demande

8 s'il n'est pas nécessaire de verser au dossier du Tribunal un extrait ?

9 M. le Président - Nous considérons que ce n’est pas nécessaire.

10 Ce n’est pas un élément de preuve. En tout cas, vous avez bien résumé

11 l’essence de la déclaration.

12 Je me tourne maintenant vers Maître Pavkovic pour lui demander

13 qui va procéder au contre-interrogatoire.

14 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, il est

15 12 heures 10. Je ne sais pas si c’est éventuellement le temps propice pour

16 lever la séance. Au début de l’après-midi, les conseils de la défense

17 pourront contre-interroger le témoin. De toute façon, Me Radovic a demandé

18 également à contre-interroger, ainsi que Me Puliselic et moi-même.

19 M. le Président (interprétation). - Pourrais-je vous proposer de

20 commencer par les questions de Maître Radovic ? Il pourrait peut-être

21 avoir l’amabilité de se présenter comme volontaire et se lancer.

22 M. Radovic (interprétation). - Je vais avoir probablement besoin

23 d’un peu plus de vingt minutes, mais dans ce cas-là je vais vous proposer

24 également de nous interrompre. J’ai déjà appris à agir comme les autres et

25 à me préparer pour ces cas-là.

Page 2397

1 Monsieur le Témoin, vous avez été dans l’infanterie. Par

2 conséquent, vous avez été formé pour l’officier d’infanterie, n’est-ce

3 pas, dans l’armée britannique ? Est-ce que je vous ai bien compris ?

4 M. Dooley (interprétation). - Tous les officiers sont formés de

5 la même façon à Sanders. C’est seulement après avoir quitté Sanders qu’on

6 se spécialise. Moi, je faisais les transmissions.

7 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que votre formation

8 d’infanterie comprenait la stratégie ou la tactique ?

9 M. Dooley (interprétation). - C’est exact.

10 M. Radovic (interprétation). - Vous n’avez pas répondu à la

11 question. Est-ce que votre formation comprenait la stratégie ou uniquement

12 la tactique ?

13 M. Dooley (interprétation). - Les deux.

14 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, étant donné que votre

15 formation comprenait les deux, la stratégie et la tactique, je vais vous

16 poser un certain nombre de questions qui portent sur la stratégie.

17 Par conséquent, je vais vous demander de regarder la route qui

18 est derrière vous et de me dire si le contrôle sur cette route était d’une

19 importance stratégique pour le HVO ?

20 M. Dooley (interprétation). - Il y avait des éléments mujahidins

21 qui essayaient de parvenir à Travnik afin d’apporter du renfort aux

22 brigades de l'ABiH à cet endroit. Ils auraient utilisé cette artère comme

23 artère principale. Donc celle-ci revêtait une importance stratégique pour

24 le contrôle de la région, effectivement.

25 M. Radovic (interprétation). - Je vous remercie de cette réponse

Page 2398

1 car, en ce qui concerne le colonel Watters, je n'étais pas content étant

2 qu'il n'avait pas parlé de l'importance stratégique de cette route.

3 Eh bien, maintenant, vous avez traversé à plusieurs reprises

4 cette route, vous avez

5 pu voir tout ce qui se passe dans la vallée de la Lasva. Si vous voulez

6 bien, nous allons maintenant dire à la Chambre quelques-unes de nos

7 réflexions stratégiques sur les événements à cet endroit-là.

8 Quand il s'agit d'une région qui a été sous le contrôle du HVO,

9 donc de la vallée de la Lasva, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour

10 dire que les forces du HVO étaient en quelque sorte encerclées par les

11 Musulmans ?

12 M. Dooley (interprétation). - Vous vous rendez sans doute compte

13 que c'était peut-être comme une cible où il y avait des gens qui se

14 trouvaient au centre de la cible et qui étaient entourés de personnes

15 représentant un autre groupe, en cercles concentriques ?

16 M. Radovic (interprétation). - Nous sommes d'accord, maintenant

17 donc. Le HVO a contrôlé un certain nombre de villes, d'une façon ou d'une

18 autre : Vitez, Busovaca, etc., à titre d'exemple.

19 L'armée qui souhaite s'emparer de la région dans l'ensemble,

20 qu'est-ce qu'elle doit faire d'abord, quelles sont les démarches à

21 entreprendre pour occuper cette région ? Pour être plus direct, pour que

22 vous puissiez bien me comprendre, que vous ne soyez pas dans l'obligation

23 de lire entre les lignes, est-ce que l'armée qui souhaite prendre une

24 région essaie -donc on parle des forces de la défense- de séparer les

25 forces de la défense et les forces de l'ennemi ? A titre d'exemple, est-ce

Page 2399

1 qu'elle aurait pour but de séparer l'armée qui siège à Vitez par rapport à

2 celle qui est à Busovaca, à Kiseljak, etc. ?

3 M. Dooley (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire qu'on

4 essaie d'interrompre, de couper les lignes de communication pour empêcher

5 les renforts d'arriver ?

6 M. Radovic (interprétation). - Oui, exactement. Couper la

7 communication pour empêcher les manoeuvres sur le terrain, est-ce exact ?

8 (Le témoin acquiesce.)

9 Par conséquent, nous sommes d'accord que l'armée qui veut

10 occuper le terrain a

11 pour but de disperser en groupes séparés les troupes d'ennemis pour ne pas

12 permettre qu'une unité rejoigne l'autre en renfort, pour couper les

13 communications. C'est la raison pour laquelle vous avez considéré que

14 cette route était d'une importance stratégique pour le HVO. Est-ce que

15 nous sommes d'accord là-dessus ?

16 M. Dooley (interprétation). - Oui, on pourrait avoir cette

17 impression-là.

18 M. Radovic (interprétation). - Eh bien maintenant, nous allons

19 revenir à votre affirmation selon laquelle à Ahmici il n'y avait pas de

20 membres de l'armée de l'ABiH. Comment vous pouvez conclure une telle

21 chose ? Est-ce que vous pensez tout simplement que, n'ayant pas vu les

22 hommes portant l'uniforme ou bien il n'y avait pas d'installations

23 militaires à Ahmici ou il y avait d'autres hypothèses que vous voudrez

24 avancer ici ?

25 M. Dooley (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à

Page 2400

1 Ahmici, nous avons surpris manifestement les assaillants car ils se

2 seraient manifesté s'ils avaient voulu à ce que nous soyons là où s'ils

3 s'attendaient à ce que nous soyons. Je crois que nous aurons surpris tout

4 le monde, n'importe quelle force… (Hors micro). Je n'ai vu aucun.... J'ai

5 vu des Croates en uniforme mais je n'ai pas vu d'éléments de l'armée de

6 Bosnie-Herzégovine. Et toutes les personnes blessées ou tuées étaient des

7 civils.

8 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit que parmi les

9 civils il y avait deux hommes -je parle des cadavres. Je comprends

10 parfaitement votre estimation, votre appréciation : qui est le soldat, qui

11 ne l'est pas. C'est en votre qualité de soldat britannique que vous portez

12 une telle conclusion, étant donné que les officiers britanniques ou les

13 soldats bien évidemment portent l'uniforme.

14 Est-ce que vous avez eu l'habitude, par exemple, d'agir sur un

15 terrain où les gens qui appartenaient à un groupe militaire ne portaient

16 pas d'uniforme mais étaient quand même des combattants ? Est-ce que vous

17 avez eu cette expérience-là ?

18 M. Dooley (interprétation). - Si vous pensez à la participation

19 britannique en

20 Irlande du Nord, j'y ai servi cinq ans, même si je n'ai jamais vu de

21 terroristes. J'ai vu beaucoup de civils qui étaient effectivement, ou

22 beaucoup de vidéo de civils, qui étaient des terroristes. Donc je peux

23 répondre par l'affirmative.

24 M. Radovic (interprétation). - Je n'ai pas parlé de l'Irlande,

25 bien évidemment, mais je pensais aux autres pays où il y avait de tels

Page 2401

1 genres de conflit. L'Irlande est un bon exemple : tout combattant ne doit

2 pas porter l'uniforme.

3 Est-ce que vous permettez qu'en Bosnie il y a eu également une

4 telle situation que tout combattant ne portait pas l'uniforme ou que par

5 exemple un combattant, quand il avait l'uniforme, a tout simplement changé

6 son uniforme pour un vêtement civil parce qu'il a vu qu'il ne pouvait plus

7 résister à Ahmici ? On sait qu'il n'y avait pas de caserne, il n'y avait

8 pas d'installations militaires où on pouvait placer un groupement

9 militaire important.

10 M. Dooley (interprétation). - Non seulement ces gens étaient

11 habillés en civil, je comprends bien, mais ils n'ont même pas eu le temps

12 de mettre des chaussures au pied. Je ne sais pas, ceux qui les ont tués

13 auraient dû cacher leurs armes.

14 M. Radovic (interprétation). - Ecoutez cela est votre point de

15 vue, ce que vous avez vu au moment où vous vous êtes rendu sur les lieux.

16 Mais là nous avons également des témoins, je ne vais pas dire leurs noms,

17 qui ont précisé que le fils ou le frère voulait d'abord mettre l'uniforme

18 et, ensuite, il avait hésité, il avait vu qu'il y avait des soldats, il a

19 mis le vêtement civil et il était sorti comme cela devant la maison. Est-

20 ce que vous êtes d'accord avec une telle possibilité ?

21 M. Dooley (interprétation). - Je ne peux pas dire ce qu'il en

22 est d'individus qui auraient eu cette pratique, mais aucune de ces

23 personnes n'avait une arme.

24 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, je peux même vous

25 énumérer le nombre de personnes qui portaient les armes, qui étaient à

Page 2402

1 Ahmici et qui ont même prétendu qu'ils avaient tiré. En dehors de cela,

2 vous avez dit qu'au moment où vous vous êtes rendu à Ahmici il y avait

3 un combat qui se déroulait.

4 Qu'entendez-vous par combat ?

5 M. May (interprétation). - Maître Radovic, ce témoin dépose sur

6 ce qu'il a vu. Il lui est impossible de vous donner des commentaires sur

7 les informations que vous avez peut-être. Il vous a dit ce qu'il a vu à

8 l'époque. Il a vu des civils et aucune arme. Si vous avez d'autres

9 éléments de preuve, à vous de les produire. Il est inutile de lui poser la

10 question puisqu'il n'en connait rien.

11 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

12 Monsieur les Juges, le témoin a quand même beaucoup parlé de ce que lui-

13 même pensait. Par conséquent, je pensais moi aussi qu'il avait affirmé

14 qu'il n'y avait pas de soldat. Mais cela ne fait rien, je n'insiste pas.

15 Le témoin nous a dit qu'il y avait des combats au moment où lors

16 du troisième passage, je ne peux pas le dire exactement, il était rentré à

17 Ahmici. Qu'est-ce qu'il sous-entend par combat ? C'est ça ce que je lui

18 pose comme question. Y avait-il combat ou pas ?

19 M. Dooley (interprétation). - Le terme le plus adéquat serait de

20 savoir s'il y avait des coups de feu tirés depuis le nord-ouest vers le

21 village. C'était uniquement dans une direction.

22 M. Radovic (interprétation). - Nord-est ou sud-ouest ? Est-ce

23 que vous voulez montrer sur la photo quelle était l'originie des coups de

24 tirs ?

25 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez dire, d'où j'ai vu

Page 2403

1 l'origine des tirs ?

2 M. Radovic (interprétation). - Oui, je voulais tout simplement

3 savoir d'où l'on tirait et vers où ?

4 M. Dooley (interprétation). - Au départ, mais pratiquement

5 pendant toute la durée, c'est de cette région-ci en direction de la route.

6 Par contre, plus tard, lorsque nous avons déposé les corps dans ce

7 parking, il y avait des coups de feu venant de cette direction-ci et de

8 cette

9 direction-là qui passaient par-dessus nos têtes dans le parking.

10 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, vous avez parlé

11 également des armes de gros calibres. Est-ce que vous pensez que c'étaient

12 les coups de tir sur Ahmici également ?

13 M. Dooley (interprétation). - Les calibres point 5.0 venaient de

14 la région du parking que j'ai montré en direction de l'endroit où nous

15 étions sur la route, mais c'était à une hauteur de 15 à 20 pieds, donc

16 6 mètres, cela passait par-dessus nos têtes.

17 M. Radovic (interprétation). - Je n'ai pas tout à fait bien

18 compris. Il s'agit de quelle arme point 5.0 ? Est-ce que c'est un fusil

19 mitrailleur, un canon à recul ou un lance-roquette, c'est quoi ?

20 M. Dooley (interprétation). - C'est la mitrailleuse la plus

21 lourde que l'on peut trouver avec une cartouche d'un demi-pouce de large.

22 M. Radovic (interprétation). - Une mitrailleuse antiaérienne ?

23 M. Dooley (interprétation). - Ce serait une arme antiaérienne

24 très large, mais cela pourrait être une mitraillette plus lourde. On peut

25 l'utiliser pour la terre, mais on peut l'utiliser éventuellement aussi

Page 2404

1 comme arme antiaérienne.

2 M. Radovic (interprétation). - Ce calibre laisse-t-il des traces

3 particulières sur la cible qu'il a touchée ?

4 M. Dooley (interprétation). - Non, l'orifice est important. On

5 voit une trace en l'air, mais cela ne laisse aucune trace sur ce qui est

6 frappé par la balle, à part l'impact bien entendu.

7 M. Radovic (interprétation). - C'est comme une balle incendière,

8 n'est-ce pas ?

9 M. Dooley (interprétation). - Oui.

10 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous avez vu lors de

11 votre patrouille à Ahmici, vous avez trouvé les traces de ces balles ?

12 M. Dooley (interprétation). - Oui nous avons vu des trous

13 importants, provoqués manifestement par de telles armes, dans les murs et,

14 par la suite, lors de patrouilles, nous avons

15 trouvé des cartouches vides. Il y en avait manifestement dans toute la

16 vallée.

17 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous trouvé également les

18 traces d'armes d'artillerie. Vous avez parlé de gros calibres, je pensais

19 que vous parliez de canon mais vous parlez de la mitrailleuse si je

20 comprends bien. Ce qui m'intéresse c'est si vous avez trouvé les traces

21 des armes d'artillerie ou éventuellement de lance-roquettes ou des

22 mortiers, etc..Donc, c'est pour moi le grand calibre et des armes lourdes.

23 M. Dooley (interprétation). - A Ahmici même, il n'y en avait

24 pas. Ce n’était pas le cas dans d'autres villages, comme à Travnik. Là, on

25 trouvait des signes.

Page 2405

1 M. Radovic (interprétation). - Là, on parle d’Ahmici, car tous

2 les accusés le sont pour ce qui s’est passé à Ahmici. Par conséquent, ce

3 qui s’est passé ailleurs ne m’intéresse pas. Ce que je vous ai demandé,

4 c’était tout simplement de savoir si, du point de vue que vous avez, la

5 route a une importance stratégique.

6 Par ailleurs, vous avez dit également que les victimes que vous

7 avez vues étaient les victimes qui étaient touchées d’une distance assez

8 rapprochée, une dizaine par exemple, dont vous avez parlées, que vous avez

9 ramassées.

10 Est-ce que vous pouvez me dire, s’il vous plaît, quels sont les

11 fondements matériels sur lesquels vous vous fondez au moment où vous le

12 dites ? Qu’est-ce que la distance rapprochée ? Est-ce que vous pouvez me

13 dire cela, en pieds ou en mètres, comme vous voulez. Qu’est-ce que c’est ?

14 M. Dooley (interprétation). - Bien sûr. On utilise des cibles en

15 bois, en formation. Donc on a eu une idée de ce que cela représente. En

16 tout cas si une cartouche avait frappé ces personnes, les trous étaient

17 séparés de deux ou trois pouces. Pour avoir un tel groupement, il faut

18 être très près de la cible. Je dirais qu’il se trouvait à une distance de

19 dix pieds, peut-être la distance qui nous sépare, vous et moi, entre celui

20 qui a tiré et la victime.

21 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pensez que vous

22 êtes tout à fait

23 exact dans votre appréciation, car il y a un certain nombre de méthodes

24 scientifiques qui ont donné un certain nombre de résultats, d'après

25 lesquels tout est approximatif ; on ne peut pas avec exactitude préciser

Page 2406

1 de quelle distance il s'agissait. A combien de pourcentage, vous êtes

2 sûr ?

3 M. Dooley (interprétation) - Vous voulez me demander comment je

4 sais que c'était à ce point proche ?

5 M. Radovic (interprétation). - Vous l'avez dit, mais sur quoi

6 vous fondez votre exactitude, le pourcentage ? Est-ce que d'après vous

7 c'est exact dans 80 %, 99 %, 100 % ? Je suppose que ça n'est pas à 100 %

8 que vous êtes sûr ?

9 M. Dooley (interprétation) - S'il n'y avait eu qu'une victime,

10 là je serais d'accord avec vous, je ne pourrais pas être aussi sûr, mais

11 puisque toutes les victimes ont été frappées de la même façon, je suis

12 assez convaincu que j'ai raison. Si je devais placer une cible sur ce

13 pilier, je pourrais donner les mêmes résultats, mais si je m'écartais de

14 dix mètres supplémentaires, je ne pourrais pas avoir un tel regroupement

15 de balles.

16 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez de la densité ?

17 M. Dooley (interprétation) - C'est exact.

18 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, c'est le

19 moment de faire la pause, je continuerai cet après midi.

20 L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 14 heures.

21 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina ?

22 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai

23 l'impression que tous les accusés ne sont pas dans le prétoire .

24 M. le Président (interprétation). - Tout d'abord, bonne après-

25 midi. Je crois comprendre que les conseils de la défense ont marqué leur

Page 2407

1 accord à l'absence de deux accusés,

2 en l'occurence Zoran et Vlatko Kupreskic, est-ce exact ?

3 M. Krajina (interprétation). - Nous n'avons pas été mis au

4 courant. Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation). - On ne vous a pas tenu au

6 courant ? Désolé. N'ont-ils pas été emmenés à l'hôpital pour faire l'objet

7 d'un traitement, ils avaient un rendez-vous auprès d'un médecin, nous ne

8 le savions pas, on vient de nous le dire, on vient de m'apprendre que les

9 conseils de la défense avaient marqué leur accord. Il y avait un rendez-

10 vous à 14 heures, je ne sais pas quand ils avaient été pris ce rendez-

11 vous.

12 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, nous

13 n'avons pas été informés de cela. Bien évidemment nous n'avons rien

14 contre, si vous le dites maintenant.

15 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Même si à mon

16 grand regret vous n'aviez pas été informé de ce fait, vous êtes d'accord

17 pour que ces deux accusés soient absents du prétoire, puisqu'ils doivent

18 faire l'objet d'une visite médicale.

19 Nous pouvons poursuivre. Je m'interroge ; est-ce que Me Radovic

20 avait fini son interrogatoire ? Voulez-vous poursuivre Me Radovic ?

21 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

22 encore quatre questions à poser. Ce sont des questions d'ordre général, ce

23 ne sont pas des questions qui portent sur des événements très précis. Vous

24 permettez Monsieur le Président ?

25 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

Page 2408

1 M. Radovic (interprétation). - Si j'ai bien compris, vous êtes

2 arrivé sur place vers 11 heures du matin. A quel moment exactement vous

3 vous êtes rendu à Ahmici, s'il-vous-plaît ?

4 M. Dooley (interprétation) - Difficile de vous le dire, car je

5 n'avais pas regardé ma montre, je crois que c'était vers midi.

6 M. Radovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui

7 s'était passé à Ahmici avant midi ? Vous ne le savez pas parce que vous ne

8 l'avez pas vu de vos propres yeux, n'est-ce

9 pas ?

10 M. Dooley (interprétation) – Non, effectivement, je n'avais reçu

11 qu'un rapport par radio.

12 M. Radovic (interprétation). - Entendu. Maintenant nous allons

13 parler de ce que vous avez vu de vos propres yeux.

14 Donc vous savez ce qui s'est passé à Ahmici à partir de midi et

15 plus tard parce que vous y avez été. Maintenant, il y a quelques questions

16 également descaractère militaire que j'aimerais vous poser.

17 Le facteur de surprise est un facteur qui d'après vous fait

18 partie de la formation, de l'habilité militaire, ou c'est quelque chose

19 qui est contraire à la règle de la guerre, à votre avis bien évidemment ?

20 M. Dooley (interprétation) - Effectivement, la surprise est la

21 clef de cet art, c'est quelque chose à quoi on revient toujours.

22 M. Radovic (interprétation). - Je suis parfaitement d'accord

23 avec vous. Est-il est possible que l'ennemi sont surpris à tel point qu'il

24 ne soit plus capable de s'organiser dans sa résistance ?

25 M. Dooley (interprétation) - Effectivement.

Page 2409

1 M. Radovic (interprétation). - Merci. Eh bien, même si l'armée

2 britannique du point de vue technologique est beaucoup plus puissante que

3 celles que vous avez vues, pourriez-vous nous dire comment se déroulent

4 les combats dans les villages quand on doit s'emparer d'une maison après

5 l'autre (sans utiliser les canons, les chars etc., tout ce qui est

6 artillerie, on ne parle pas de ça) ?

7 M. Dooley (interprétation) - Excusez-moi, je n'ai pas tout à

8 fait saisi le sens de votre question ?

9 M. Radovic (interprétation). - Je vais donc essayer de décrire

10 ce que j'avais appris moi-même et vous me direz si c'est exact ou non, ça

11 va être plus simple peut-être. Etes-vous d'accord ?

12 M. Dooley (interprétation) - Naturellement.

13 M. Radovic (interprétation). - Tout d'abord, on arrive jusqu'à

14 la fenêtre, jusqu'à l'ouverture de la maison, on jette une grenade,

15 ensuite on enfonce la porte, et par la suite on tire d'une arme

16 automatique. Est-ce que c'est comme ça ? Tout au moins, c'est comme cela

17 qu'on m'avait appris à l'époque.

18 M. Dooley (interprétation). - C'est une option. On essaie de ne

19 pas utiliser les portes, mais effectivement c'est une option, celle que

20 vous présentez.

21 M. Radovic (interprétation). - Vous êtes d'accord avec moi que

22 c'est une des manières dont on peut procéder quand l'infanterie doit

23 s'emparer d'une maison puis de l'autre, puis de la troisième ?

24 M. Dooley (interprétation). - Je suis d'accord.

25 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que, en principe, pour de

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1 tels types de combats, on utilise des unités spécialisées, des unités

2 formées pour de tels genres d'opérations ?

3 M. Dooley (interprétation). - Dans une situation idéale, on a

4 des personnes formées à cet effet.

5 M. Radovic (interprétation). - Vous devez faire la distinction

6 entre une armée britanique et qui est professionnelle et, sur le terrain,

7 vous avez en face des personnes qui ont appris un certain nombre d'actions

8 au sein de la JNA pendant leur service militaire. Nous sommes parfaitement

9 d'accord qu'il faut être formé pour le faire.

10 Et maintenant, c'est la dernière question que je vais vous

11 poser. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une action synchronisée qui

12 n'avait pas compris tout simplement Ahmici mais toute

13 la vallée de Lasva. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit ?

14 (Le témoin fait un signe de tête.)

15 D'après votre appréciation, à quel niveau on avait pu planifier

16 une action aussi synchronisée ? A cette époque-là, vous étiez second

17 lieutenant, mais maintenant vous êtes un officier d'un haut rang, vous

18 allez donc pouvoir nous donner une appréciation. Quel niveau de

19 planification est-il indispensable d'atteindre pour planifier une telle

20 action ?

21 M. Dooley (interprétation). - Si je pensais à une brigade au

22 sens britannique du terme, cela veut dire que l'on a quatre grandes

23 formations de la taille d'un régiment, du bataillon. En ex-Yougoslavie les

24 brigades étaient beaucoup plus petites en nombre, mais le nombre

25 d'effectif concerné aurait été l'équivalent d'une brigade croate.

Page 2411

1 M. Radovic (interprétation). - En d'autres termes, le niveau le

2 plus bas sur lequel on aurait pu planifier cette action était la brigade.

3 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, dites oui ou non, s'il vous

4 plaît ?

5 M. Dooley (interprétation). - Afin de coordonner une offensive

6 sur une échelle aussi grande, effectivement.

7 M. Radovic (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

8 Merci, Monsieur le témoin, je n'ai plus de questions.

9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Maître

10 Krajina, je ne m'en souviens plus, vouliez-vous intervenir ?

11 M. Krajina (interprétation). – (Hors micro.)

12 M. le Président (interprétation). - Maître Pavkovic ou Maître

13 Pulisevic, voulez-vous poser quelques questions ?

14 M. Pavkovic (interprétation). – Ou notre confrère Pulisevic.

15 C'est comme vous le voulez Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation). - J'avais noté qu'après

17 Me Radovic, c'était Me Pulisevic qui voulait procéder au contre-

18 interrogatoire et que vous interviendriez en dernier lieu.

19 M. Pulisevic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai

20 quelques questions. Mon confrère a posé beaucoup de questions et il a

21 épuisé les questions que j'ai préparées également.

22 Je vais tout simplement demander au témoin la chose suivante.

23 Vous avez dit que vous vous êtes déplacé dans les quatre véhicules blindés

24 dans le village d'Ahmici et que vous étiez dans le premier, si mes

25 souvenirs sont bons.

Page 2412

1 M. Dooley (interprétation). - C'est exact.

2 M. Pulisevic (interprétation). - Vous avez dit par ailleurs qu'à

3 un moment donné dans un ravin, vous avez pu voir les 9 soldats qui étaient

4 couchés par terre.

5 M. Dooley (interprétation). - C'est exact.

6 M. Pulisevic (interprétation). - Comment savez-vous que

7 c'étaient les soldats du HVO ?

8 M. Dooley (interprétation). - Par leurs uniformes.

9 M. Pulisevic (interprétation). - Quelle était la différence au

10 niveau des uniformes, si bien évidemment on n'y voyait pas des insignes,

11 entre les uniformes du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

12 M. Dooley (interprétation). - Dans cette région précise, le HVO

13 portait des uniformes à l'américaine alors que l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine portait un treillis différent qui représentait plutôt

15 l'uniforme du treillis de Malaisie.

16 M. Pulisevic (interprétation). - D'accord, mais vous avez vu

17 tout cela tout en étant dans le véhicule blindé. Vous avez pu, de manière

18 très claire, voir ces différences ?

19 M. Dooley (interprétation). - Oui, depuis la tourelle je suis à

20 deux mètres et demi de hauteur et je peux voir la différence.

21 M. Pulisevic (interprétation). - A quelle distance entre la

22 route et la position où se trouvaient les soldats ?

23 M. Dooley (interprétation). - Ce ravin se trouve vraiment à

24 l'extrémité, au bord de la route. Le premier soldat était à moins de

25 10 pieds de moi.

Page 2413

1 M. Pulisevic (interprétation). - Je voudrais vous poser une

2 autre question qui concerne la cassette vidéo que nous avons vue ce

3 mation. Vous avez dit qu'elle a été filmée du troisième au quatrième

4 véhicule blindé. Je pense que c'est bien ce que j'ai retenu. Savez-vous

5 qui a filmé cette cassette ?

6 M. Dooley (interprétation). - Oui, c'était le troisième Warrior,

7 c'était le sergent qui s'y trouvait qui avait filmé. Il s'appelait Ryan.

8 M. Puliselic (interprétation). - Est-ce que vous vous en

9 souvenez ? Est-ce que vous avez vu déjà cette cassette vidéo, s'il s'agit

10 d'une cassette complète où éventuellement des séquences qui ont été

11 coupées ?

12 M. Dooley (interprétation). - Je pense que c'est l'intégralité.

13 Je ne l'avais jamais vue avant hier, cette cassette. Je ne sais pas s'il

14 existe d'autres vidéos, je ne le pense pas.

15 M. Puliselic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

16 je n'ai plus de questions.

17 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Pavkovic ?

18 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur, je m'appelle

19 Petar Pavkovic et je voudrais vous poser ces trois questions.

20 Est-ce que, avant de déposer aujourd'hui, vous avez déjà

21 éventuellement donné des déclarations devant des personnes de ce Tribunal,

22 des déclarations différentes ?

23 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez me demander si j'avais

24 déjà déposé devant ce Tribunal précédemment ?

25 M. Pavkovic (interprétation). - Non, mais je voulais tout

Page 2414

1 simplement savoir si vous

2 vous êtes entretenu, par exemple, avec les enquêteurs du Bureau du

3 Procureur ?

4 M. Dooley (interprétation). - Effectivement, je les ai

5 rencontrés.

6 M. Pavkovic (interprétation). - Combien de tels entretiens avez-

7 vous eus ?

8 M. Dooley (interprétation). - En ce qui concerne cette affaire,

9 deux entretiens, même si pour le colonel Blaskic ce fut il y a deux ans de

10 cela.

11 M. Pavkovic (interprétation). - Je ne vous ai pas tout à fait

12 bien compris ; je m'excuse. Pour ce procès-là, pour cette affaire-là,

13 combien de fois, s'il vous plaît, vous vous êtes entretenu avec

14 l'enquêteur du Bureau du Procureur ?

15 M. Dooley (interprétation). - J'ai eu deux entretiens en ce qui

16 concerne cette affaire-ci.

17 M. Pavkovic (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de nous

18 dire à quel moment vous vous êtes entretenu avec ces personnes ?

19 M. Dooley (interprétation). - Le premier entretien a eu lieu à

20 Cambley, en Angleterre. Je ne pourrais pas vous donner une date exacte,

21 mais il y a de six mois à un an de cela, peut-être plus près de six mois

22 que d'un an. Et le deuxième entretien a eu lieu hier.

23 M. Pavkovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, ce

24 n'était pas au mois de novembre 96 ?

25 M. Dooley (interprétation). - Là, ça aurait été la première

Page 2415

1 déclaration préalable qui avait trait à l'affaire Blaskic.

2 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur, aujourd'hui même, en

3 décrivant les corps, les cadavres des hommes et des femmes que vous avez

4 ramassés, vous avez dit entre autres qu'ils étaient pieds nus et que votre

5 collègue a fait un commentaire et qu'il avait dit qu'ils étaient surpris

6 probablement. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit tout à

7 l'heure ?

8 M. Dooley (interprétation). - Presque. J'ai dit que certains

9 d'entre eux étaient sans souliers. Le commentaire était tout à fait exact.

10 M. Pavkovic (interprétation). - J'ai peut-être commis une

11 erreur, mais vous n'avez pas dit : "Quelques-uns étaient pieds nus", vous

12 avez dit que la plupart étaient pieds nus. Est-ce que je vous ai bien

13 compris ?

14 M. Dooley (interprétation). - Auquel cas, je me corrige. Je

15 dirais que certains d'entre eux étaient pieds nus.

16 M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que la majorité était

17 pieds nus ?

18 M. Dooley (interprétation). - Non, certains d'entre eux

19 seulement.

20 M. Pavkovic (interprétation). - Aujourd'hui, à la question qui

21 vous a été posée par mon confrère Radovic, vous avez donné la réponse, au

22 sujet du facteur de la surprise, en disant que du point de vue tactique,

23 il s'agit d'un élément important et significatif.

24 Je pense que, à ce sujet-là, même le Procureur a attaché une

25 importance à cette question. C'est la raison pour laquelle je voudrais

Page 2416

1 vous demander de bien vouloir me préciser combien parmi tous ces cadavres

2 étaient pieds nus et d'autres ne l'étaient pas, etc. ?

3 C'est une des raisons d'ailleurs pour lesquelles je vous ai posé

4 cette question parce que, Monsieur le Président, je voudrais vous rappeler

5 la déclaration de ce témoin, qu'il avait donnée le 27 et le

6 28 novembre 1996, page 9, deuxième paragraphe, la troisième phrase en

7 haut.

8 A ce moment-là, le témoin avait précisé et je cite :"Les

9 victimes que j'avais vues avaient des chaussures, en d'autres termes elles

10 devaient être informées sur l'attaque qui se préparait".

11 Est-ce que vous faites la différence entre les deux

12 déclarations, celle que vous avez donnée et celle que vous avez donnée

13 aujourd'hui ? Pouvez-vous faire un commentaire là-dessus s'il vous plaît ?

14 M. Dooley (interprétation) - Il y a bien sûr une différence

15 entre les deux. La majorité des personnes avaient leurs chaussures aux

16 pieds, certains étaient déchaussés, et ceux qui avaient des chaussures aux

17 pieds montraient qu'ils avaient eu le temps de se chausser, les

18 autres manifestement n'avaient pas eu le temps de le faire.

19 M. Pavkovic (interprétation). - Cela, c'est tout à fait correct,

20 votre commentaire, mais il y a quand même une différence, et je pense que

21 vous êtes d'accord avec moi, de ce que vous avez affirmé lors de votre

22 première déclaration, et de ce que vous venez de dire aujourd'hui dans ce

23 prétoire.

24 M. Dooley (interprétation) - Je ne peux vous dire que ce que je

25 sais aujourd'hui, à savoir que certains d'entre eux n'étaient pas

Page 2417

1 chaussés.

2 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne

3 vais pas insister là-dessus. Je pensais tout simplement que c'était utile

4 d'appeler votre attention sur ce fait-là et notamment dans le cadre du

5 facteur de la surprise.

6 Un autre question que je voulais vous poser ; vous avez dit

7 aujourd'hui que vous avez ramassé les cadavres et que vous les avez posés

8 à un endroit, que par la suite vous êtes retourné les chercher. Est-ce que

9 vous vous souvenez combien à cet endroitl y avait au total de cadavres

10 avant que vous les ayez transportés en direction de Vitez ?

11 M. Dooley (interprétation) - Si je vous ai bien compris, vous me

12 demandez le nombre de personnes que j'ai vues qui étaient mortes. Bien sûr

13 je n'ai pas fait le décompte précis, mais j'ai eu l'impression...

14 M. Pavkovic (interprétation). - Approximativement.

15 M. Dooley (interprétation) - D'accord. Une cinquantaine peut-

16 être. J'en ai repris 2/5ème.

17 M. Pavkovic (interprétation). - Je pense qu'à un moment donné

18 vous avez parlé de moins de vingt personnes ?

19 M. Dooley (interprétation) - Je ne pouvais pas être très précis,

20 j'avais dit de dix à douze au niveau du garage, près du parking, et puis

21 il y a certains qui ont été emmenés vers une morgue temporaire provisoire

22 à Vitez. C'était peut-être moins de vingt à ce moment-là, dix huit

23 disons.

24 M. Pavkovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous

25 ne les avez pas trouvés tous à un même endroit, vous les avez tout

Page 2418

1 simplement transportés à cet endroit pour ramasser tous ces corps ?

2 M. Dooley (interprétation) - C'est exact.

3 M. Pavkovic (interprétation). - Merci. Et la troisième

4 question : à un moment donné, vous avez dit que selon votre estimation, en

5 avril 1993, on sentait la tension et que ces tensions grandissaient, c'est

6 comme cela que vous l'avez dit. Sur quelle base vous fondez-vous quand

7 vous tirez une telle conclusion ? Quand vous parlez des tensions, je

8 suppose que vous pensez aux deux parties, d'un côté des Croates, et de

9 l'autre côté des Bosniens ?

10 M. Dooley (interprétation) - C'est exact. Nous faisions des

11 sorties quotidiennes en patrouille, il y avait des coups de feu à Travnik,

12 dans toute la vallée en direction de Kiseljak et aussi des coups de feux

13 moins nombreux à Vitez, et c'est effectivement la tension dont je parlais.

14 M. Pavkovic (interprétation). - Pourriez-vous me dire si le nom

15 de Zivko Totic vous dit quelque chose ?

16 M. Dooley (interprétation) - Rien du tout.

17 M. Pavkovic (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu

18 parler d'un accident qui s'est produit à Zenica au moment où on avait

19 arrêté un officier croate du HVO et quand on avait tué la personne qui

20 l'avait accompagné ?

21 M. Dooley (interprétation) - Pas à Zenica même. Je suis au

22 courant d'un incident similaire à Vitez mais pas d'un incident qui se

23 serait produit à Zenica.

24 M. Pavkovic (interprétation). - D'accord. Monsieur le Président,

25 je n'ai plus de questions, je vous remercie. Merci Monsieur le Temoin.

Page 2419

1 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac ?

2 Mme Glumac (interprétation). - J'ai quelques questions à poser

3 si vous me le

4 permettez.

5 Est-ce que que vous pourriez me dire au moment où vous vous êtes

6 déplacé en provenance de Vitez, vous avez dit que vous avez passé quatre

7 fois, et quatre fois vous vous êtes rendu à Ahmici, si j'ai bien compris ?

8 M. Dooley (interprétation) - C'est tout à fait exact.

9 Mme Glumac (interprétation). - Quelle était la route que vous

10 avez empruntée ? C'était la route principale ou bien une autre route ?

11 M. Dooley (interprétation) - Nous avons utilisé la route

12 principale et puis nous avons emprunté les routes adjacentes.

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous êtes rentré par

14 la route que vous avez indiquée, est-ce que vous êtes rentré à Ahmici ?

15 M. Dooley (interprétation) - Vous voulez parler de la zone qui

16 se trouve près du minaret ? Non.

17 Mme Glumac (interprétation). - En d'autres termes, vous êtes

18 resté pratiquement au bord de la route au moment où vous êtes sorti ? Vous

19 ne vous êtes pas déplacé vers cette région que vous avez indiquée, ce

20 blanc qui représente le parking ?

21 M. Dooley (interprétation). - Non, pas ce jour-là.

22 Mme Glumac (interprétation). - Où est-ce que vous avez fait

23 demi-tour avec vos véhicules au moment où vous deviez retourner à Vitez,

24 parce que vous alliez tout d'abord vers Ahmici et ensuite vous deviez

25 faire un demi-tour pour vous diriger vers Vitez ?

Page 2420

1 M. Dooley (interprétation). - Ce n'était pas toujours la même

2 chose. Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire. La première fois,

3 nous avons fait demi-tour ici au parking pour rebrousser chemin. Par la

4 suite, lors du dernier passage du côté de l'école de Vitez, nous avons

5 fait le tour du village et puis nous avons rebroussé chemin, fait demi-

6 tour.

7 Mme Glumac (interprétation). - A aucun moment vous n'êtes

8 rentrés dans le

9 village, vous êtes restés sur la route principale, est-ce vrai ?

10 M. Dooley (interprétation). - On est resté dans un rayon de

11 100 mètres par rapport à la route principale.

12 Mme Glumac (interprétation). - Combien de fois vous êtes sortis

13 des véhicules, est-ce que vous vous en souvenez ? Est-ce que chaque fois

14 quand vous avez emprunté la route principale, est-ce que vous descendiez

15 chaque fois de votre véhicule ou bien éventuellement à deux reprises quand

16 vous êtes allés pour ramasser les corps ?

17 M. Dooley (interprétation). - Nous avons repris des corps à

18 trois occasions et c'est seulement pour cela que je suis sorti. Pour le

19 premier passage, j'étais surtout debout dans la tourelle.

20 Mme Glumac (interprétation). - Combien de temps vous êtes restés

21 dehors ? Est-ce que c'était cinq minutes, dix minutes ? Combien êtes-vous

22 restés en dehors des véhicules blindés ?

23 M. Dooley (interprétation). - Difficile de le dire. Je dirai de

24 10 à 15 minutes. Il nous était difficile d'introduire les corps dans

25 l'ambulance. Malheureusement, nous avons dû les empiler.

Page 2421

1 Mme Glumac (interprétation). - Les cadavres que vous avez

2 trouvés, ce sont les cadavres qui se trouvaient à gauche par rapport à la

3 route principale quand vous venez en provenance de Vitez. Est-ce bien

4 cela ? Pouvez-vous une fois de plus indiquer l'endroit où se trouvaient

5 les corps (pour la transcription ce serait très important), c'est avant ou

6 après la route qui mène vers Ahmici, le bord de cette route principale ?

7 Où est-ce que cela a commencé ?

8 M. Dooley (interprétation). - Sans doute au niveau de la route

9 qui va vers Ahmici, à partir d'ici jusque là.

10 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'à un moment

11 donné, au moment vous y êtes retournés pour la deuxième fois, que les tirs

12 ont été plus puissants, plus denses, une fois vous étiez vers midi, le

13 premier passage, ensuite à 16 heures. Vous êtes retourné, combien

14 de temps avez-vous passé en aller-retour ?

15 M. Dooley (interprétation). - La première fois cela s'est passé

16 vers 12 heures mais nous avons attendu dans le parking, qui ne se trouve

17 pas sur la carte, dans l'attente de renforts. Il a fallu informer ceux qui

18 étaient arrivés de ce qui passait. C'est difficile de l'estimer mais il

19 était peut-être une heure moins le quart, une heure.

20 Mme Glumac (interprétation). - Comment expliquez-vous que les

21 coups de feu sont devenus beaucoup plus denses ? Est-ce que cela avait

22 quelque chose à voir avec votre arrivée ou bien c'était indépendant de

23 votre passage ?

24 M. Dooley (interprétation). - Je dirais que cela n'avait rien à

25 voir avec notre arrivée. C'est difficile de le dire car manifestement

Page 2422

1 quand la route descend on perd le son, mais j'avais l'impression qu'il y

2 avait une augmentation des tirs et vers 3 heures 30 les tirs étaient très

3 nourris.

4 Mme Glumac (interprétation). - La dernière fois, lors de votre

5 dernier passage,il y avait également les coups de feu qui étaient échangés

6 vers 4 heures également. Est-ce que, à ce moment-là, j'ai bien compris

7 qu'il y avait des tirs ?

8 M. Dooley (interprétation). - C'est à peu près exact. Les tirs

9 étaient très denses à la hauteur du cimetière, je pense.

10 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez pu

11 déterminer qu'il y avait des coups de feu et des tirs à proximité de la

12 mosquée ? C'est une route qui mène vers Ahmici. Est-ce que que vous avez

13 remarqué la mosquée ?

14 M. Dooley (interprétation). - Je ne cherchais pas la mosquée à

15 ce moment-là. Non, cela je ne sais pas.

16 Mme Glumac (interprétation). - Les tirs que vous avez entendus à

17 partir de cet espace blanc que vous avez montré sur la carte, vous êtes

18 sûr que c'est en provenance de cet endroit que les tirs venaient ?

19 M. Dooley (interprétation). - Oui, ne serait-ce que parce que,

20 après cet incident,

21 nous connaissions approximativement l'origine du tir, nous ne le savions

22 pas à l'époque mais, après l'incident, nous avons pu reconnaître le

23 terrain et c'était l'endroit qui se prêtait le plus à ce genre d'exercices

24 pour une arme de ce calibre.

25 Mme Glumac (interprétation). - C'est donc de cette manière-là

Page 2423

1 que vous avez pu estimer que c'était de cet endroit-là que venaient les

2 tirs ? Est-ce que je vous ai bien compris ? C'est ce que vous vouliez

3 dire ?

4 M. Dooley (interprétation). - Oui, vous savez, nous avions la

5 trajectoire, on avait les balles traçantes, mais il fallait bien sûr

6 franchir ce barrage de fumée. Le lendemain ou le surlendemain, une fois de

7 nouveau sur place, nous avons pu regarder de plus près et tout indiquait

8 que c'était bien la direction du tir.

9 Mme Glumac (interprétation). - Quand, après, vous vous êtes

10 rendu à Ahmici, c'était le lendemain ou au bout de six jours avec le

11 colonel Stewart ?

12 M. Dooley (interprétation). - Oui, j'y suis retourné avec le

13 colonel Stewart mais, effectivement, la fois suivante, c'était sans doute

14 une mission à Ahmici, même si la route que nous avons empruntée... oui,

15 c'était celle-là, c'est bien le 18, le surlendemain ou le lendemain, que

16 nous sommes allés et que nous avons pris cette route.

17 Mme Glumac (interprétation). - A cette époque-là non plus vous

18 n'êtes pas rentré dans le village, vous avez traversé tout simplement la

19 route, vous êtes passé... Et c'est la première fois, c'est le 22 que vous

20 êtes rentré dans le village-même, avec le colonel Stewart ?

21 M. Dooley (interprétation). - C'est exact.

22 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie. En ce qui

23 concerne les soldats à Vitez, vous avez dit qu'il y avait quelques soldats

24 éventuellement qui appartenaient à l'armée de Bosnie-Herzégovine. Vous

25 avez dit : "quelques soldats". Vous pouvez me préciser à peu près combien

Page 2424

1 il y avait de soldats, avant l'attaque bien évidemment ? Je parle de

2 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

3 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez dire le 16 ?

4 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

5 M. Dooley (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir vu ces

6 soldats le 16, mais je sais (inaudible) qu'il y avait quelques soldats au

7 centre de Vitez. Les gens que j'ai vus le 16 étaient des civils, même si

8 un des civils portait un fusil de chasse.

9 Mme Glumac (interprétation). - Vous pensez à une personne, à un

10 soldat, à quelqu'un qui était un combattant ? Ce sont les deux combattants

11 de l'armée de Bosnie-Herzégovine que vous avez aperçus le 16 ?

12 M. Dooley (interprétation). - Aujourd'hui, je ne me souviens

13 plus exactement. Pas mal de temps s'est passé mais j'ai vu un homme assez

14 âgé avec une arme. C'est le seul homme que j'ai vu qui opposait une

15 quelconque résistance et il protégeait sa famille.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous êtes allé à Vitez

17 avant le 16 avril ? Probablement, vous êtes allé à Vitez plusieurs fois ?

18 M. Dooley (interprétation). - Vous voulez dire avant cette

19 journée-là ?

20 Mme Glumac (interprétation). - Oui ?

21 M. Dooley (interprétation). - Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez remarqué les

23 fossés autour de Stari Vitez ? Est-ce que vous savez quelle est la partie

24 qu'on appelle Stari Vitez ?

25 M. Dooley (interprétation). - Oui.

Page 2425

1 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des

2 bunkers autour de Stari Vitez ?

3 M. Dooley (interprétation). - Il y avait des tranchées, je ne

4 sais pas c'est ce que vous appelez des bunkers. Il y avait des tranchées

5 de 3 pieds de profondeur qui relaient les maisons les unes aux autres pour

6 permettre le déplacement sans être touché par des tirs isolés.

7 Mme Glumac (interprétation). - Je ne parle pas des tranchées, je

8 parle des bunkers.

9 Vous ne les avez pas aperçus ?

10 M. Dooley (interprétation). - Non mais, effectivement, ils

11 auraient été dissimulés à l'intérieur de bâtiments, on ne les aurait pas

12 vus, étant des bunkers.

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous saviez quelque

14 chose au sujet de la concentration de l'armée de Bosnie-Herzégovine avant

15 le 16, à Stari Vitez ?

16 M. Dooley (interprétation). - C'est de là que vient ma confusion

17 à propos de voir des soldats ou pas parce qu'il y en avait avant le 16 et

18 il y avait certains soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il n'y en

19 avait pas beaucoup parce que leur place principale était à Travnik. Mais

20 le 16, je ne me souviens pas avoir vu des soldats de l'armée de

21 Bosnie-Herzégovine.

22 Mme Glumac (interprétation). - Le commandant de l'armée de

23 Bosnie-Herzégovine à Vitez, Sefkija Dsipic, (expurgé)

24 (expurgé) avait entre 200 et 250 soldat de l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez. Est-ce que vous pouvez nous confirmer ou

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1 pas ces données ?

2 M. Dooley (interprétation). - S'ils se trouvaient là le 16, ils

3 étaient bien cachés et ils ne défendaient pas les civils qui étaient en

4 train d'être attaqués.

5 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que le HVO s'était emparé

6 de Stari Vitez le 16 avril ?

7 M. Dooley (interprétation). - Quand je les ai vus -c'était avant

8 Ahmici-, ils avaient déjà pris un tiers de ce qui semblait être

9 Stari Vitez, du côté occidental par rapport à l'église catholique et ils

10 se déplaçaient dans cette partie-là. Nous avons déplacé nos Warriors là où

11 se trouvaient des civils attaqués et, lorsqu’ils nous ont vu en face, ils

12 ont arrêté. Je pourrais vous dire exactement à Stari Vitez où ceci s’est

13 passé.

14 Mme Glumac (interprétation). - Je vous ai demandé si Stari Vitez

15 a été pris pendant ces actions militaires qui ont été menées le 16 avril

16 et après. Est-ce que le HVO a pris Stari Vitez ? C’est ce que je vous ai

17 posé comme question.

18 M. Dooley (interprétation). - Je ne sais pas si le HVO l’a fait

19 le 16, il l’a fait tôt ou tard, il y a fait encore des Musulmans,

20 quelques-uns d’entre eux qui se trouvaient à Stari Vitez.

21 Mme Glumac (interprétation). - C’est une erreur, car de toute

22 façon Stari vitez est resté isolé pendant toute la guerre. Ce sont les

23 endroits qui ne nous sont pas connus, mais cela ce n’est pas vrai, ce que

24 vous avez dit. Est-ce que vous savez qu’à Kruscica, avant le 16, il y

25 avait également une concentration de l’armée de Bosnie-Herzégovine ?

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1 M. Dooley (interprétation). - Pourriez-vous me rappeler où se

2 trouve Kruscica ?

3 Mme Glumac (interprétation). - Kruscica se trouve à côté de

4 Vitez, plus près de Vitez qu’Ahmici. Kruscica, c’est au sud-est avant

5 Vitez.

6 M. Dooley (interprétation). - Non.

7 Mme Glumac (interprétation). - Si je vous ai posé cette

8 question, c’est tout simplement parce que vous avez parlé de la

9 concentration de l’armée de Bosnie-Herzégovine qui existait à Travnik -je

10 pense que je vous ai bien compris- et quelque peu également dans la zone

11 entre Kiseljak et Busovaca. C’est ce que vous avez dit, je pense ?

12 M. Dooley (interprétation). - Il est certain qu’il y avait une

13 forte concentration à Travnik -c’est-à-dire le 6ème Corps, je ne suis pas

14 très sûr, vous le savez mieux que moi- mais vous savez aussi qu’il y avait

15 une poche de l’armée de Bosnie-Herzégovine car il nous a fallu escorter

16 des officiers croates de Busovaca à Kiseljak et le long de cette route il

17 y a eu des points de contrôle de l’armée de Bosnie-Herzégovine que nous

18 avons dû franchir.

19 Mme Glumac (interprétation). - Si vous permettez je voudrais

20 vous poser encore une question. Etant donné que vous vous êtes trouvé dans

21 cette région depuis fin 1992, est-ce que vous savez que l’armée de Bosnie-

22 Herzégovine était en conflit avec le HVO dans la région de Busovaca, étant

23 donné que le HVO, à un moment donné, était suivi quand même, est-ce qu’à

24 votre avis, en 1993, quelques opérations ont été menées ? Ce sont des

25 opérations qui ont eu lieu en janvier 1993.

Page 2428

1 M. Dooley (interprétation). - Oui, effectivement, des tranchées

2 appartenant à l’armée de Bosnie-Herzégovine se trouvaient sur les

3 collines. Je ne peux pas vous dire exactement, mais c’est là où il y a la

4 bifurcation. Vous voyez cette route qui quitte la carte près de Kiseljak.

5 Là, en face de cette route, il y avait des positions de l’armée de Bosnie-

6 Herzégovine. Il y avait un point de contrôle -le nom m’échappe pour le

7 moment- plus en direction de Kiseljak. Vers le soir, on entendait souvent

8 des échanges de coups de feu entre les deux forces.

9 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez appris que

10 les premières victimes, au cours de cette guerre, étaient les victimes du

11 mois de janvier 1993, que c’est la première fois que des massacres ont été

12 perpétrés à Oseliste, Dusina, Grabovi ? Est-ce que vous étiez au courant ?

13 M. Dooley (interprétation). - Non, après les événements

14 effectivement, mais rappelez-vous qu’en janvier nous étions à Tuzla. C’est

15 en février, peut-être mars, que nous sommes retournés à Vitez.

16 Mme Glumac (interprétation). - D’accord, je vous remercie. Je

17 voudrais vous poser encore une question. Lors de votre déposition, vous

18 avez dit -c’est la dernière page de votre déposition- que l’armée de

19 Bosnie-Herzégovine portait les vêtements civils. Vous l’avez précisé à la

20 page où vous avez parlé également des déplacements des soldats du HVO et

21 de l’armée de Bosnie-Herzégovine et vous dites, vous précisez qu’ils

22 portaient, en gros, les vêtements civils. Je peux bien évidemment vous

23 montrer la page où vous parlez de ça.

24 M. Dooley (interprétation). - Cela m’étonne que j’y ai apposé ma

25 signature car à Travnik ils étaient tous en uniforme. J’en ai d’ailleurs

Page 2429

1 des photographies. Il se peut qu’au niveau des points de contrôle il y ait

2 eu des gens de la milice qui ne portaient que des parties d’uniforme, mais

3 je suis surpris d’avoir signé ce genre de chose.

4 Mme Glumac (interprétation). - Encore une question. Je pense

5 qu’un confrère vous

6 a déjà posé cette question. Les 12, 13, 14 et 15 avril 1993, l’attaque

7 s’est produite à Travnik. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s’est

8 passé à Travnik, de l’enlèvement des officiers croates, du fait qu’ils ont

9 été arrêtés à cette époque-là, l’attaque qui a été organisée par l’armée

10 de Bosnie-Herzégovine ? Etes-vous au courant de ces événements ? C’étaient

11 les événements qui ont précédé -je parle des 11, 12, 13, 14 et 15 avril-

12 le 16 avril.

13 M. Dooley (interprétation). - Oui, j’étais en patrouille pendant

14 certaines de ces nuits. Effectivement j’étais témoin de certaines

15 offensives. Il y avait des combats de façon générale entre le HVO et

16 l'ABiH, à Travnik notamment.

17 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez quelque

18 chose au sujet de l’attaque de l’armée de Bosnie-Herzégovine à Guber, le

19 15 avril 1993 sur le HVO ?

20 M. Dooley (interprétation). - Pourriez-vous me rappeler où se

21 trouve cet endroit ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Guber est une montagne, juste au-

23 dessus de Vitez. C’étaient les positions qui étaient gardées par le HVO,

24 jusqu’au 15 avril.

25 M. Dooley (interprétation). - J’entendais le bruit des combats,

Page 2430

1 mais je ne peux rien vous dire de précis à ce propos. On entendait qu’il y

2 avait des combats, c’est tout.

3 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que même le

4 15 avril, vous avez entendu parler des combats autour de Vitez ?

5 M. Dooley (interprétation). - Absolument.

6 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie.

7 M. le Président (interprétation). - Maître Susak ?

8 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

9 Monsieur les Juges, je voudrais poser juste deux questions, si vous me le

10 permettez.

11 La première question serait la suivante. Vous avez dit qu’il y

12 avait des échanges de coups de feu avant le 16 avril 1993, si je vous ai

13 bien compris ?

14 M. Dooley (interprétation). - C’est exact.

15 M. Susak (interprétation). - Est-ce que ces coups de feu

16 provenaient de l’artillerie lourde ou légère ?

17 M. Dooley (interprétation). - De quel endroit parlons-nous

18 précisément ?

19 M. Susak (interprétation). - Je vais vous le rappeler. Vous avez

20 dit que vous vous êtes déplacé à Vitez, que vous avez fait la patrouille

21 et le long de la vallée de la Lasva, n’est-ce pas ? Par la suite,

22 aujourd’hui même, vous avez dit que des coups de feu avaient été échangés

23 avant le 16 avril 1993. Par conséquent, la question que je pose porte sur

24 les coups de feu. Ces coups de feu provenaient-ils de l’artillerie lourde

25 ou d’armes légères ? Je parle bien évidemment de mortiers ou d’autre

Page 2431

1 chose.

2 M. Dooley (interprétation). - Il y avait un peu de tout à

3 Travnik. C’étaient des fusils-mitrailleurs lourds. Vers Kiseljak, à une

4 occasion, j’ai entendu un lanceur de roquettes multiples, mais je ne l’ai

5 jamais vu. Et puis il y a eu des preuves aussi de petits canons, de fusils

6 sans recul, mais la plupart des armes utilisées étaient des armes légères.

7 M. Susak (interprétation). - Je vous ai demandé si dans la

8 région d’Ahmici et de Vitez il y avait de telles armes. Maintenant, vous

9 parlez de Travnik.

10 M. Dooley (interprétation). - Vous m’avez demandé d’être plus

11 précis. Dans un quartier de Vitez, dans un cas de tirs, il n’y a eu que

12 des tirs provenant d’armes légères, de petites mitraillettes.

13 M. Susak (interprétation). - Vous avez dit, répondant à notre

14 confrère Radovic, qu’il s’agissait de coups de feu qui ont été échangés le

15 16 avril. Est-ce que c’étaient des coups de feu croisés ou pas ?

16 M. Dooley (interprétation). - Aux trois premières occasions, les

17 seuls coups de feu venaient de la région déjà indiquée. Lors de notre

18 dernière tentative, lorsque nous avons essayé de parvenir jusqu’ici, nous

19 avons essuyé des coups de feu depuis cet endroit et cet autre endroit,

20 mais les deux directions étaient les mêmes. Donc il n’y a pas eu de tirs

21 croisés. La seule fois où il

22 y a eu un quelconque tir croisé, je vous l’ai indiqué, tout est passé par

23 dessus nos têtes.

24 M. Susak (interprétation). - Je vais vous demander maintenant

25 votre point de vue. Au moment où l’on tire, est-ce qu’il est dangereux de

Page 2432

1 se déplacer sous les coups de feu ? Par exemple, un piéton osera-t-il se

2 déplacer au moment où il y a des tirs ?

3 M. Dooley (interprétation). - Non, effectivement c’est

4 dangereux.

5 M. Susak (interprétation). - Merci. Une autre question. Au

6 moment où l’on doit prendre une maison après l’autre -on en a parlé tout à

7 l’heure- vous avez dit qu’un des moyens de s’emparer de la maison est de

8 jeter la grenade à travers la fenêtre. Donc la question que j’aimerais

9 vous poser n’est pas ce que vous avez vu, mais ce que vous pensez. Est-il

10 possible que quelqu’un tire d’une distance de 20 mètres et qu’il se tienne

11 debout, tout en sachant que quelqu’un éventuellement pourrait tirer sur

12 lui ? Car il s’agit d’un soldat qui est formé dans ce sens-là.

13 M. Dooley (interprétation). - Ce serait intrépide et assez fou

14 si les personnes sur qui vous tiriez avaient une forme d’arme quelconque.

15 M. Susak (interprétation). - Je n’ai plus de questions, je vous

16 remercie.

17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

18 M. Terrier. - J’ai une question, monsieur le Président. Major

19 Dooley, vous avez dit tout à l’heure qu’à partir de votre deuxième passage

20 dans Ahmici, et au cours des passages suivants, vous aviez vu de quelle

21 direction générale venait un feu assez lourd. Vous avez décrit une grosse

22 mitrailleuse, si je puis m’exprimer ainsi.

23 Si vous aviez pu voir à travers la fumée où était exactement

24 cette mitrailleuse, est-ce que vous auriez répliqué avec vos propres

25 armements ?

Page 2433

1 M. Dooley (interprétation). - Je crois que dans ce cas là nous

2 aurions eu le droit, oui, nous aurions sans doute commencé par tirer très

3 haut au-dessus des personnes et si les tirs s’étaient poursuivis, oui, je

4 crois qu’on l’aurait fait.

5 M. Terrier. - Est-ce qu’à bord de vos véhicules, vous aviez des

6 armements suffisants pour constituer, pour les forces HVO présentes, une

7 opposition sérieuse et dangereuse ?

8 M. Dooley (interprétation). - Oui.

9 M. Terrier. - Tout à l’heure, sur une question de Me Radovic,

10 vous avez dit que la route de circulation entre Busovaca et Vitez pouvait

11 être considérée, effectivement, comme ayant un intérêt stratégique pour le

12 HVO.

13 Est-ce que vous diriez la même chose pour la route qui est

14 perpendiculaire à la première, qui va vers la mosquée et monte vers

15 Ahmici-le-Haut ? Diriez-vous que cette petite route peut être stratégique

16 pour le HVO ?

17 M. Dooley (interprétation). - Pas vraiment, non.

18 M. Terrier. - S’agissant d’une route ayant un caractère

19 stratégique telle que celle-ci, comment procéderait une armée régulière

20 qui ne s’autorise que des buts de guerre légitimes pour assurer la

21 sécurité de cette route stratégique ? Comment ferait-elle techniquement

22 parlant ?

23 M. Dooley (interprétation). - En fait, nous avons exécuté cet

24 acte. Nous avons mis en place avec nos véhicules un certain nombre de

25 points de contrôle et nous avons interrompu toute colonne armée. Et ce

Page 2434

1 point de contrôle est juste en dehors de la carte, à ce stade, indiqué sur

2 la carte.

3 M. Terrier. - Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres

4 questions. Je remercie le Témoin.

5 M. le Président (interprétation). - Je souhaiterais poser une

6 question. Je me demandais si le témoin aurait l’amabilité de revenir sur

7 un point qui figure dans sa déclaration écrite et qu’il a répété

8 aujourd’hui oralement devant la Chambre. Vous avez dit que les opérations

9 du HVO, à l’inclusion de l’attaque d’Ahmici, constituaient une opération

10 bien planifiée et exécutée.

11 M. Dooley (interprétation). - Pour moi c’était clair, oui.

12 M. le Président (interprétation). - Merci. Quels sont les

13 éléments que vous pouvez utiliser et qui vous permettent de tirer cette

14 conclusion ?

15 M. Dooley (interprétation). - C’était une attaque simultanée. A

16 plus d’une occasion nous pouvions le constater à l’intensité du tir et

17 aussi quand on voyait, si une section se déplaçait d’un endroit à un

18 autre, l’attaque arrêtée. Ceci ne pouvait être fait que s’il y avait

19 vraiment recoupement de rapports. Manifestement, il y avait des ordres qui

20 étaient donnés pour relier le tir.

21 M. le Président (interprétation). - J’enchaîne à cette réponse.

22 Pour ce qui est d’Ahmici, diriez-vous que cette opération militaire

23 attaque a été effectuée par des soldats professionnels ?

24 M. Dooley (interprétation). - Absolument.

25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je suis

Page 2435

1 sûr que nous pouvons permettre au Témoin de se retirer. Commandant, merci

2 d’avoir apporté ce témoignage devant la Chambre. Vous pouvez vous retirer.

3 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

4 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas de traduction.

5 Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit concernant le

6 pseudonyme.

7 M. Terrier - Ce témoin sera le témoin N.

8 M. le Président (interprétation). - C'est la seule mesure de

9 protection qui a été demandée.

10 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

11 Bon après-midi. Pourriez-vous, je vous prie, lire la déclaration

12 solennelle ?

13 Témoin N (interprétation). - Je déclare solennellement que je

14 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Asseyez

16 vous, je vous en prie.

17 M. Bos (interprétation). - La pièce est notée pièce 180.

18 M. Terrier - Puis je commencer, Monsieur le Président ?

19 M. le Président (interprétation). – Oui, je m'excuse, peut être

20 d'emblée on pourrait préciser une erreur qui s'est glissée dans le

21 document que nous avons sous les yeux, parce que ça n'a pas de sens

22 M. Terrier - Il ne faut pas lire 92, il faut lire 98.

23 Monsieur le Témoin vous avez sollicité une mesure de protection

24 qui est l'utilisation d'un pseudonyme. Cette mesure a été accordée par le

25 Tribunal,; ce qui fait que votre nom ne sera pas connu, en dehors des

Page 2436

1 membres de ce Tribunal et des attorney ici présents.

2 Je voudrais que vous nous disiez votre date de naissance et

3 votre lieu de naissance.

4 Témoin N (interprétation). - Je suis né le 29 janvier 57 à

5 Prijedor, Bosnie-Herzegovine.

6 M. Terrier - A quelle date et dans quelle circonstances êtes

7 vous arrivé à Ahmici ?

8 Témoin N (interprétation). - Je suis arrivé du camp de Keraterm

9 Chambre n °3. Elle était fameuse, je ne sais pas si vous avez entendu

10 parler de cette Chambre dans le camp ?

11 M. Terrier - C'est la matière d'un autre procès.

12 Témoin N (interprétation). - C'est là où nous avons été

13 déportés. On avait été expulsé. Je dirais plutôt qu'on a été déplacé.

14 C'est une certaine paix qu'il fallait trouver après tout ce que nous avons

15 traversé comme épreuve.

16 M. Terrier - A quelle date, quelle époque, êtes-vous arrivé à

17 Ahmici ?

18 Témoin N (interprétation). - C'était le 20 août à mon avis, le

19 matin.

20 M. Terrier - Est-ce que vous aviez votre famille avec vous ?

21 (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.)

22 M. Terrier - Sans donner de noms, sans être trop précis, dans

23 quel quartier d'Ahmici est-ce que vous vous êtes installé ?

24 Témoin N (interprétation). - C'était le village à côté de la

25 mosquée, à côté de la route principale, à une vingtaine de mètres par

Page 2437

1 rapport à la mosquée, à une quarantaine de mètres par rapport à la route

2 principale qui mène à l'Ahmici-le-Haut.

3 M. Terrier - Monsieur le Président, peut-être pourrions-nous

4 très brièvement, quelques minutes, passer à huis clos de manière à pouvoir

5 montrer au témoin une photographie qui permettra au Tribunal d'être plus

6 précisemment informé sur l'endroit où il habitait.

7 L'audience se poursuit à huis clos.

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

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21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

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1 L'audience se poursuit en session publique.

2 M. Terrier - Monsieur le témoin, nous allons d'abord parler de

3 cette période qui va d'août 1992, époque à laquelle vous vous installez à

4 Ahmici avec votre famille, jusqu'à avril 1993. Tout d'abord est-ce que

5 votre famille est restée à Ahmici pendant toute cette période ?

6 Témoin N (interprétation). - Non, ils ne sont pas restés, au

7 bout de vingt jours ils sont partis en Autriche.

8 M. Terrier. - Vous êtes donc resté à Ahmici sans votre famille ?

9 Témoin N (interprétation). - Oui, ma belle-soeur n'avait pas

10 suffisamment de place là où elle habitait. Donc pour moi il n'y avait pas

11 de place et elle n'avait pas de moyens non plus pour me recevoir. Moi,

12 j'ai demandé qu'elle prenne les enfants et qu'elle prenne mon épouse si

13 c'était possible.

14 M. Terrier. - Pendant cette période d'août 1992 à 1993,

15 avril 1993, est-ce que vous avez fait partie de la Défense territoriale ?

16 Témoin N (interprétation). - Non, je n'étais pas membre de la

17 Défense territoriale, mais on avait des patrouilles qu'on avait

18 organisées, notamment le matin, à l'appel de la prière ou à d'autres

19 moments de prières également pour que les gens puissent véritablement

20 prier tranquillement dans la mosquée. C'est à ce moment-là qu'on faisait

21 les gardes, les patrouilles.

22 M. Terrier. - Est-ce qu'au cours de ces gardes ou de ces

23 patrouilles vous étiez armé personnellement ?

24 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai jamais été armé. Non,

25 je ne portais pas d'arme, mais j'avais le revolver, oui, le revolver, ça,

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1 je l'avais.

2 M. Terrier. - Est-ce que vous portiez le revolver en dehors de

3 la maison que vous habitiez ou est-ce que ce revolver restait dans la

4 maison ?

5 Témoin N (interprétation). - Oui, je portais avec moi le

6 revolver, le pistolet on l'appelait également.

7 M. Terrier. - Au cours de cette période, août 92 à avril 1993,

8 quelles relations aviez-vous avec les habitants croates d'Ahmici ?

9 Témoin N (interprétation). - Nous étions en très bonnes

10 relations. Si je peux dire, des relations normales. Il n'y avait rien

11 d'exceptionnel : on se saluait quand on se voyait dans la rue, on achetait

12 également des articles dans le magasin qui était là-bas, c'était le

13 magasin de Kupreskic.

14 M. Terrier. - Est-ce que vous connaissiez personnellement le

15 propriétaire de ce magasin ?

16 Témoin N (interprétation). - Non, personnellement, je ne le

17 connaissais pas, je dois dire, mais c'était tout simplement parce que

18 j'avais besoin de me rendre dans ce magasin, c'est pour ça.

19 M. Terrier. - Est-ce qu'au cours de cette période toujours de

20 quelques mois avant le 16 avril 1993, vous avez eu une quelconque

21 difficulté avec un habitant croate d'Ahmici ?

22 Témoin N (interprétation). - Oui. Je ne peux pas me souvenir

23 exactement de la date, mais je me souviens que c'était l'appel à la prière

24 et puis, c'était du temps du Ramadan, c'était à cette époque-là.

25 Dragan Papic m'avait menacé. Il portait l'uniforme noir, il avait des

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1 insignes de sa formation.

2 M. Terrier. - Quelle était sa formation ?

3 Témoin N (interprétation). - La formation...

4 M. Terrier. - Quels insignes portait-il ?

5 Témoin N (interprétation). - Il portait l'insigne : il y avait

6 le damier, l'uniforme noir comme je l'ai dit, HOS... De toute façon, moi,

7 je n'étais pas très au courant mais j'ai vu qu'il portait des insignes.

8 M. Terrier. - Etait-il armé ?

9 Témoin N (interprétation). - Non, ce n'était pas visible tout à

10 fait. Plutôt, il ne le montrait pas, il portait l'arme mais il ne montrait

11 par l'arme.

12 M. Terrier. - Est-ce que vous le connaissiez bien,

13 Dragan Papic ?

14 Témoin N (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas

15 tellement bien. Ce que je peux dire bien évidemment : il était grand, il

16 était assez élancé, longiligne... C'est ça que j'ai en vue... Des cheveux

17 bruns.

18 M. Terrier. - Comment pouvez-vous être sûr que la personne qui

19 vous a menacé est bien Dragan Papic ?

20 Témoin N (interprétation). - Je pense que cette personne-là est

21 dans ce prétoire, si mon souvenir est bon.

22 M. Terrier. - La question que je vous posais est la suivante :

23 comment est-ce que vous pouvez être sûr que la personne qui, à l'époque,

24 vous a menacé, est bien la personne qui s'appelle Dragan Papic, puisque

25 vous venez de dire que Dragan Papic vous ne le connaissiez pas très bien.

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1 Comment est-ce que vous pouvez être sûr que c'est lui qui vous a menacé ?

2 Témoin N (interprétation). - J'ai dit que je ne le connaissais

3 pas personnellement mais j'avais posé la question aux voisins, j'ai

4 demandé qui c'était, ce qu'il faisait à Ahmici et ensuite ils m'ont

5 expliqué, ils m'ont dit c'est telle et telle personne, elle se nomme comme

6 ça. Eh bien le jour où il m'a menacé et il m'a montré l'insigne, c'est

7 tout simplement qu'il voulait me faire peur, c'était clair. Il m'avait

8 demandé également ou j'habitais, moi je ne voulais pas dire où j'habitais.

9 M. Terrier - Mais il ne vous a pas menacé avec une arme ?

10 Témoin N (interprétation). - Non, il ne m'a pas menacé avec une

11 arme. Sur place, vous savez tres bien comment on peut menacer les gens,

12 ça, on connait très bien de ce côté-là.

13 M. Terrier - Avec l'autorisation du Tribunal, j'aimerais

14 demander au Témoin s'il reconnaît dans cette salle la personne dont il

15 vient de parler.

16 Est-ce vous reconnaissez, Monsieur le Témoin, dans cette salle,

17 la personne dont vous venez de parler ?

18 Témoin N (interprétation). - Oui, si vous voulez, moi je veux

19 bien vous indiquer la personne dont je viens de parler.

20 M. Terrier - A quel endroit elle est assise ?

21 Témoin N (interprétation). - A côté de la porte ou presque. Il a

22 une petite barbe, moustache.

23 M. Terrier - Comment est-il habillé ?

24 Témoin N (interprétation). - Il a un chemise blanche, une

25 cravate et un costume.

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1 M. Terrier - Cette identification paraît-elle suffisante au

2 Tribunal ?

3 M. le Président (interprétation). - Oui.

4 M. Terrier - Pour le transcript, je pense que nous devons

5 indiquer que le tTmoin a donc désigné l'accusé Dragan Papic.

6 Maintenant Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire quel

7 souvenir vous conservez de la journée du 16 avril 1993 ?

8 Témoin N (interprétation). - Eh bien, je me souviens aussi bien

9 que de ce Monsieur, Dragan Papic. Depuis, six ans se sont écoulés, mais je

10 n'ai pas oublié tout ce qui s'est passé le 16 avril.

11 D'abord il y a eu cette attaque qui a commencé sur le village,

12 c'était une attaque qui a été planifiée j'en suis sûr à 6 heures du matin,

13 6 heures et quart. L'attaque a commencé par un coup de tir sur le minaret.

14 Je ne sais pas si vous savez ce qu'est le minaret, c'est le sommet de la

15 mosquée. Donc la charpente n'est pas en béton mais en cuivre le minaret a

16 été touché. La charpente n'est pas en béton, mais en cuivre, et donc le

17 minaret à été touché. Je suis sûr qu'on avait tiré exprès et qu'on avait

18 planifié, parce qu'il y avait du brouillard, et je suis sûr que personne

19 n'aurait pu toucher s'ils n'avaient pas planifié la positition d'où il

20 allait tirer. Moi je suis sorti à ce moment-là pour me laver, je suis

21 sorti à l'extérieur, c'est comme ça que ça a commencé, ensuite les tirs

22 ont commencé qui venaient de tous les côtés d'ailleurs. Et l'attaque de

23 l'infanterie venait en provenance du cimetière catholique.

24 M. Terrier - A quelle heure à votre avis le minaret a été

25 touché ?

Page 2443

1 Témoin N (interprétation). - A 6 heures et quart. J'ai bien

2 regardé ma montre, j'en suis sûr.

3 M. Terrier - Est-ce qu'il faisait nuit ou déjà jour à cette

4 heure-là ?

5 Témoin N (interprétation). - Le jour se levait mais il y avait

6 du brouillard.

7 M. Terrier - Est-ce que vous êtes en mesure de préciser de

8 quelle direction venait ce tir sur le minaret ?

9 Témoin N (interprétation). - Moi je suis d'avis que le premier

10 tir que j'ai entendu était venu de Zume et du côté de la colline, pas les

11 maisons qui étaient sur le plateau mais celles qui surplombaient en haut

12 par rapport au centre-ville.

13 M. Terrier - Avec le pointeur, pouvez-vous indiquer d'où venait

14 à votre avis ce premier tir ? Regardez la photographie qui est derrière

15 vous. Est-ce que vous identifiez bien cette photographie ? Vous voyez où

16 est le minaret, la route principale, le minaret ?

17 Témoin N (interprétation). - C'est le minaret, j'indique avec le

18 pointeur, à mon avis c'est depuis Santici qu'on avait tiré. C'est le

19 minaret qui avait été touché à partir de Santici, c'est l'origine du tir,

20 il y avait une roquette multiple probablement ou quelque chose comme cela.

21 M. Terrier - Qu'est-ce que vous avez fait après le premier tir ?

22 Témoin N (interprétation). - J'habitais comme j'ai dit cette

23 maison nouvelle et le propriétaire avait beaucoup d'enfants. Il a fallu

24 d'abord évacuer les enfants, les femmes, les vieillards. Il y avait le

25 bétail également dans l'étable, et il a fallu laisser le bétail dans

Page 2444

1 l'étable car l'étable a été incendiée. Il y avait plein de choses, il y

2 avait des bléssés également, il y avait des morts.

3 M. Terrier - Après, ou êtes-vous allé ? Vous avez quitté cette

4 maison ?

5 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai pas quitté la maison

6 tout de suite. Il y avait une maison de Vehbija Ahmic qui était en-dessous

7 de la mosquée et Fahro a été très grièvement blessé. Nous l'avons aidé.

8 Nous avons pansé sa blessure. Nous avons pensé également qu'il fallait

9 l'évacuer, le transporter quelque part. Mais comme on a été encerclé, on

10 ne savait pas comment faire. Il y avait des tirs de tous les côtés.

11 M. Terrier - D'où en particulier vous avez vu provenir des

12 tirs ?

13 Témoin N (interprétation). - Je me suis déplacé dans la cuisine

14 dans la maison où j'étais. C'était une cuisine d'été, en dehors de la

15 maison principale. On avait tiré sur moi de la maison de Kupreskic,

16 c'était la maison qui se trouvait à côté de la route, la route conduisait

17 vers la mosquée et vers la maison des Kupreskic.

18 M. Terrier - Quand vous dites "la maison de Kupreskic"; à quoi

19 vous faites allusion très précisément, aussi précisément que possible ?

20 Vous parlez de quoi ? De la maison elle-même ? D'autres bâtiments ? De

21 quel Kupreskic s'agit-il ?

22 Témoin N (interprétation). - Les Kuspreskic avaient plusieurs

23 maisons et plusieurs bâtiments. Il y avait également un magasin qui était

24 sous une dalle. C'est devant cette maison-là qu'il y avait des personnes

25 qui tiraient sur moi et sur les personnes qui étaient autour de moi. Cela,

Page 2445

1 je m'en souviens.

2 M. Terrier - Quand vous parlez de cette maison, c'est devant

3 cette maison que l'on tirait, vous parlez de quoi pour que les choses

4 soient bien claires ? Vous dites qu'on tirait de devant cette maison. De

5 quelle maison s'agit-il ?

6 Témoin N (interprétation). - Tout ce que je peux faire, c'est

7 vous indiquer avec le pointeur, sur l'image, la maison d'où on tirait.

8 M. Terrier - Quelle photographie dois-je vous montrer ?

9 Témoin N (interprétation). - La photographie avec le magasin.

10 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, objection.

11 Nous considérons que ce n'est pas admissible que le témoin demande une

12 photographie toute précise. Il doit le dire verbalement. Il ne faut pas

13 lui montrer la photographie et qu'il l'indique avec le pointeur. Je ne

14 suis absolument pas d'accord.

15 Témoin N (interprétation). - Est-ce que je peux dire quelque

16 chose. Six ans se sont écoulés. Il y a beaucoup de choses qui se sont

17 passées depuis, des maisons ont été construites, d'autres détruites. Par

18 conséquent, ce que souhaite Me Krajina que j'explique verbalement, je peux

19 préciser que le magasin était une cave sous une dalle. Voilà. C'était dans

20 un sous-sol.

21 M. Terrier - J'étais aussi peu directif qu'il est possible. Il y

22 a une difficulté que l'on rencontre avec beaucoup de ces témoins, surtout

23 de ceux qui comme le témoin ici présent étaient réfugiés dans ce village.

24 Ce groupe de maisons de Sutra est généralement connu sous le nom générique

25 de maisons Kupreskic et rarement individualisé. Le témoin a dit d'ailleurs

Page 2446

1 qu'il ne connaissait pas personnellement Vlatko Kupreskic même s'il savait

2 qu'il dirigeait et exploitait un magasin.

3 Ces témoins ont toujours ici des difficultés pour exprimer de

4 quel bâtiment il s'agit très précisemment. Je n'ai pas, sans est-ce

5 regretable, ici un plan très précis du groupe des maisons Kupreskic. Donc

6 je propose de lui montrer un certain nombre de photographies, qui sont

7 d'ailleurs des pièces à conviction déjà versées dans le dossier, et de

8 recueillir ses observations sur ces photographies si le Tribunal le veut

9 bien.

10 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, le Témoin

11 avait donné une réponse très claire à la question qui lui a été posée par

12 le Procureur. Il avait dit que les tirs venaient devant la maison et la

13 boutique. Je pense qu'il n'est pas indispensable de donner plus de

14 précisions. Tout au moins, c'est mon point de vue.

15 M. le Président - Je me demande si l'on peut demander au témoin

16 de donner plus d'indications sans lui montrer une photographie, surtout si

17 on lui montre une photographie avec déjà un cercle autour de la maison.

18 M. Terrier - Je n'envisageais pas de procéder ce cette manière,

19 Monsieur le Président. Peut-être pourrait-on poser la question suivante ?

20 Est-ce que le Témoin veut bien décrire le bâtiment devant lequel se

21 trouvait l'arme qu'il a aperçue ?

22 Monsieur le Témoin, pouvez-vous décrire aussi précisément que

23 possible comment était le bâtiment devant lequel vous avez aperçu une

24 arme, quelque chose avec lequel on tirait sur vous ?

25 M. Krajina (interprétation). - Une fois de plus Monsieur le

Page 2447

1 Président, nous faisons une objection. A ma connaissance, le Témoin n'a

2 pas parlé de l'arme, il avait tout simplement parlé de la direction d'où

3 venaient les tirs.

4 M. le Président - Si on tire, on a bien une arme. Je crois que

5 c'est un peu implicite.

6 M. Krajina (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, mais

7 le Témoin peut ne pas voir l'arme.

8 M. Terrier - Monsieur le Témoin, avez-vous vu l'arme avec

9 laquelle on tirait dans votre direction ou sur vous selon ce que vous avez

10 dit tout à l'heure ?

11 Témoin N (interprétation). - Je m'excuse. Est-ce que je peux

12 vous montrer sur la photographie qui est devant moi, moi je connais bien

13 la géographie, j'avais même une très bonne note, excellente en géographie,

14 cela m'a beaucoup intéressé à l'époque. Je peux vous montrer d'où l'on

15 tirait.

16 M. Terrier - Auparavant, j'aimerais que vous répondiez à deux ou

17 trois questions.

18 Premièrement, avez-vous vu l'arme avec laquelle on tirait sur

19 vous ? Vous avez dit il y a quelques instants qu’on tirait sur vous. Avez-

20 vous vu cette arme ?

21 Témoin N(interprétation). - Eh bien j’ai vu tout d’abord un

22 bunker devant le

23 magasin... le bunker qui était dirigé vers le chemin qui conduisait vers

24 la route principale. Donc c’est un point de contrôle. Si jamais on

25 entrouvrait la porte, on regardait dans l’entrebaillement, tu recevais la

Page 2448

1 balle tout de suite. C’était vraiment ma vie qui était en danger.

2 M. Terrier. - Est-ce que vous avez vu l’arme qui était utilisée

3 à ce moment-là pour tirer ?

4 Témoin N(interprétation). - Oui, c’était une arme de grand

5 calibre. Ce n’était certainement pas un fusil, ce n’était certainement pas

6 un fusil semi-automatique. C’était un Browning, éventuellement un fusil-

7 mitrailleur ou bien une arme antiaérienne. Pas un fusil simple.

8 M. Terrier. - Quand vous parlez de bunker, à quoi faites-vous

9 allusion ? Qu’est-ce que c’est qu’un bunker dans votre esprit ?

10 Témoin N(interprétation). - C’était une espèce de barrage, des

11 sacs de sable derrière lesquels se cachaient le tireur. C’était un mur de

12 protection pour le tireur.

13 M. Terrier. - Sur quelle hauteur, ces sacs de sable ?

14 Témoin N(interprétation). - C’était à une hauteur telle qu’il

15 pouvait rester assis et tirer. Voilà.

16 M. Terrier. - Derrière vous, il y a une photographie aérienne du

17 village d’Ahmici. Est-ce que vous pouvez prendre le pointeur et indiquer

18 où se trouvait ce bunker, ce tas de sable et cette arme ?

19 Témoin N(interprétation). - Je vais vous montrer pour que tout

20 soit clair. Regardez là, c’est un chemin qui est tout plat. Il y a le

21 carré blanc. C’est de là qu’on pouvait véritablement tirer. C’est la seule

22 origine des coups de feu... jusqu’à ce petit carrefour. Là il y a quelques

23 maisons. Par la suite, ce n’est pas tellement important, bien évidemment.

24 Par conséquent, c’est de là qu’on tirait, c’est le point de contrôle.

25 Ensuite, il y a un canal, il y a la forêt.

Page 2449

1 J’indique avec le pointeur la forêt. Il y a un canal également à

2 côté. Je ne sais pas si

3 c’est satisfaisant comme réponse, si cela suffit...

4 M. Terrier. - Pour le transcript, le témoin a désigné le magasin

5 de Sutra comme étant le lieu d’où cette arme tirait.

6 A quelle heure est-ce que vous avez perçu ces tirs ? Est-ce que

7 vous vous en souvenez ?

8 Témoin N(interprétation). - On avait tiré le matin vers

9 10 heures.

10 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, objection.

11 (Les Juges se consultent sur le siège.)

12 M. le Président (interprétation). - Si j’ai bien compris, c’est

13 assez important pour vous que le témoin puisse indiquer la maison d’où

14 provenaient ces tirs. Je me demande si vous pourriez nous présenter, à la

15 fin de la pause, une photo assez grande, mais sans les cercles, c’est-à-

16 dire une photo qui soit beaucoup plus spécifique et détaillée que celle

17 qui est trop grande, de manière à lui permettre d’identifier la maison, si

18 c’est possible.

19 M. Terrier. - Nous allons examiner cette question.

20 M. le Président (interprétation). - Nous levons donc l’audience

21 30 minutes, comme d’habitude.

22 L'audience, suspendue à 15 heures 35, est reprise à

23 16 heures 10.

24 M. Terrier. – Monsieur l'Huissier, peut-on montrer cette

25 photographie au Témoin ? J'indique au Tribunal que pendant la suspension

Page 2450

1 d'audience je n'ai pas rencontré le témoin, anticipant en quelque sorte

2 sur ce que je crois devoir être la décision du Tribunal.

3 M. le Président. - Merci. En effet, on vient de déposer notre

4 décision au Greffe. Donc vous l'aurez ce soir ou demain matin, la décision

5 concernant les contacts entre une partie et les témoins.

6 M. le Greffier (interprétation). - La photographie est la

7 pièce 182.

8 M. Terrier. - Monsieur le Témoin, avant la suspension vous avez

9 dit avoir vu une arme de fort calibre tirée derrière, installée derrière

10 des sacs de sable. Est-ce que vous pouvez sur cette photographie indiquer

11 avec le pointeur où se trouvait précisément cette arme que vous avez vu

12 tirer ?

13 Témoin N (interprétation). - Oui, je peux, c'est là. J'indique

14 avec le pointeur l'endroit.

15 M. Terrier. - Je vous remercie.

16 Témoin N (interprétation). - Voilà, c'est ce bâtiment-là.

17 M. Terrier. - Est-ce que je peux vous demander, avec un des

18 stylos qui se trouvent sur ce bureau, de faire un cercle autour de cet

19 endroit ?

20 (Le témoin s'exécute.)

21 Merci. Je voudrais qu'on montre au témoin la pièce de

22 l'accusation numéro 33.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 Monsieur le Témoin, est-ce que vous reconnaissez ce qui figure

25 sur cette photographie ?

Page 2451

1 Témoin N (interprétation). - Oui. Eh bien, ce bâtiment à gauche,

2 c'est le bâtiment dont j'ai parlé. C'est donc juste devant la voiture que

3 vous voyez sur la photo. Est-ce que c'est suffisant ?

4 M. Terrier. - Pour moi, ce sera effectivement suffisant.

5 Simplement, j'aimerais encore une précision -peut-être d'ailleurs l'avez-

6 vous déjà dit et dans ce cas j'aimerais que vous le redisiez. A quelle

7 heure est-ce que cette arme tirait, selon votre souvenir ?

8 Témoin N (interprétation). - C'était vers 10 heures. C'est à ce

9 moment-là que je me devais de passer en direction de la colline. Je

10 portais dans mes bras un enfant et c'est là, en passant, que j'ai pu voir

11 également le corps d'une femme qui gisait sur le sol. Elle habitait

12 derrière. Je peux vous montrer également la maison, elle a été tuée. Il y

13 a sa fille également qui a été blessée et un de mes cousins.

14 M. Terrier. - Est-ce que vous savez combien de temps ces tirs

15 ont duré, ces tirs qui provenaient de l’endroit que vous avez désigné ?

16 Témoin N(interprétation). - Oui, ce n’était pas très long. Mais

17 de toute façon, leur tâche a été accomplie.

18 M. Terrier. - Quels autres souvenirs avez-vous de cette journée

19 du 16 avril 1993 ?

20 Témoin N(interprétation). - C’était un enfer. Le village était

21 encerclé ou plutôt il y avait juste une partie par laquelle on pouvait

22 sortir du village et certainement pas au cours de la journée. Il y avait

23 l'artillerie qui a été utilisée, les canons, les mortiers les lance-

24 roquettes, les snippers entre autres, tireurs isolés.

25 M. Terrier. - Dans quelles circonstances et quand avez-vous pu

Page 2452

1 quitter Ahmici ?

2 Témoin N(interprétation). - Eh bien nous avons réussi à sortir

3 du village vers 14 heures. Des véhicules blindés des Nations Unies sont

4 arrivés et à 14 heures cet enfer s'est arrêté en quelque sorte.

5 M. Terrier. - C’est à ce moment-là, en tout début d’après-midi,

6 que vous avez pu quitter Ahmici ?

7 Témoin N(interprétation). - C'est exact.

8 M. Terrier. - Dans quelle direction êtes-vous parti ?

9 Témoin N(interprétation). - En direction de Zenica.

10 M. Terrier. - Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je n’ai pas,

11 Monsieur le Président, d’autres questions à poser. Je demanderai

12 simplement que les pièces 180, 181 et 182 soient versées au dossier du

13 Tribunal.

14 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Pavkovic ?

15 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

16 Monsieur les Juges, Mes Krajina, Puliselic, Radovic, ainsi que Slokovic-

17 Glumac vont contre-interroger le Témoin.

18 M. le Président (interprétation). - Merci. Je vous en prie,

19 Maître Krajina.

20 M. Krajina (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

21 Président.

22 Monsieur le témoin N, j’ai trois questions que j’aimerais vous

23 poser, si vous êtes d’accord avec moi. J’espère que les questions n’étant

24 pas très longues, vos réponses ne seront pas longues non plus.

25 Est-ce que j’ai bien compris, tout à l’heure, que vous avez dit

Page 2453

1 que les tirs de fusil provenaient du bunker dont vous avez parlé ? Vous

2 avez dit que le bunker se trouvait devant la boutique, devant le magasin.

3 Est-ce que ces tirs en effet étaient une sorte de contrôle entre le bunker

4 et la mosquée ? Est-ce que je vous ai bien compris ?

5 Témoin N(interprétation). - Oui, vous m’avez bien compris.

6 M. Krajina (interprétation). - Merci.

7 Deuxième question : vous avez bien dit qu’à partir de cet

8 endroit-là, on ne pouvait pas contrôler, par les tirs de fusil, la

9 direction qui conduisait vers la forêt. Vous avez, je pense, montré

10 également sur la carte cet endroit-là.

11 Témoin N(interprétation). - Bien évidemment, avec ces armes, on

12 ne pouvait pas contrôler celles qui gardaient la route.

13 M. Krajina (interprétation). - Merci, c’était tout ce que je

14 voulais savoir.

15 Troisième question : j’aimerais vous demander de bien vouloir

16 regarder la pièce à conviction 182. C’est la pièce à conviction de la

17 défense. Je demande à l’huissier de bien vouloir porter au témoin cette

18 pièce à conviction.

19 (L'huissier s'exécute.)

20 Vous voyez la photo, auriez-vous l'amabilité d'indiquer par

21 exemple avec la lettre "S" la forêt dont vous avez parlé et dit que vous

22 ne pourriez pas contrôler en utilisant cette arme cette forêt tout au

23 moins cette direction ?

24 Témoin N (interprétation). - Je voudrais m'excuser auprès de

25 vous mais vous avez parlé d'une seule arme et d'un canon, il ne faut

Page 2454

1 surtout pas penser à une seule arme, il y en avait plusieurs.

2 M. Krajina (interprétation). - Non ça n'est pas ça qui est

3 important et nous intéresse, s'il y avait une arme ou plusieurs. Je

4 voudrais savoir où se trouve la forêt, est-ce que vous pouvez l'indiquer ?

5 Témoin N (interprétation). - C'est là et la forêt, ensuite il y

6 a les maisons qui longent la route, et ensuite il y a le canal comme je

7 l'ai précisé tout à l'heure.

8 M. Krajina (interprétation). - Tout à fait à gauche, est-ce que

9 vous pouvez me dire ce que c'est ? Vous avez montré la mosquée, vous

10 montrez avec le pointeur la mosquée et ensuite à gauche par rapport au

11 bunker, qu'est-ce que c'est, s'il vous plaît ? Là où il y a cet espace

12 blanc, vous avez marqué le cercle rouge ensuite à gauche en haut, voilà ;

13 est-ce que que c'est la forêt ? Un peu en-dessous, s'il vous plaît, deux

14 centimètres plus bas, à l'opposé, est-ce que c'est la forêt, s'il vous

15 plait ? Est-ce que vous pouvez vous arrêter là où je vous ai demandé de

16 vous arrêter avec le pointeur, un centimètre à gauche, s'il vous plaît,

17 voilà ? Est-ce que c'est la forêt ?

18 Témoin N (interprétation). - Sur la photo c'est très difficile

19 de déterminer ce qu'est la forêt.

20 M. Krajina (interprétation). - D'accord.

21 Témoin N (interprétation). - Si vous voulez m'induire en erreur,

22 vous n'allez pas obtenir la réponse.

23 M. Krajina (interprétation). - Je ne veux pas vous induire en

24 erreur.

25 M. Terrier - Il faudrait demander simplement au Témoin

Page 2455

1 d'indiquer où se trouve la forêt, ça me parrait plus simple.

2 M. Krajina (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,

3 je peux encercler la forêt.

4 Témoin N (interprétation). - Mais ce n'est pas la forêt qui est

5 en continu, il y a des clairières, il y a la forêt, il y a des petites

6 collines, il y a le canal, tout n'est pas la forêt.

7 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, sur cette

8 photo, nous avons marqué l'endroit où nous considérions que se trouvait la

9 forêt. Est-ce que le témoin veut bien nous dire si c'était bien l'endroit

10 l'endroit où se trouvait la forêt ?

11 M. le Président (interprétation). - D'accord.

12 Témoin N (interprétation). - Est-ce que peux dire quelque chose.

13 Je m'excuse, tout d'abord il s'agissait d'un forêt qui a été abattue à un

14 moment donné, puis il y a la photo que vous me présentez maintenant.

15 M. Krajina (interprétation). - Nous parlons du 16 avril 93.

16 Témoin N (interprétation). - A moment-là, il y avait la forêt.

17 M. Krajina (interprétation). - Dans ce cas-là, il n'y a pas de

18 malentendu, on vous prie de bien vouloir constater où se trouve la photo.

19 Témoin N (interprétation). - Sur la photo, je ne peux pas vous

20 montrer la forêt parce qu'on ne la voit plus.

21 M. le Président (interprétation). - Pourquoi pas ?

22 Témoin N (interprétation). - Parce que sur la photo, il n'y a

23 plus cette forêt

24 M. Krajina (interprétation). - Ce qui nous intéresse c'est tout

25 simplement de nous préciser si, oui ou non, à cet endroit-là il y avait la

Page 2456

1 forêt. Nous vous avons donc indiqué, et vous nous direz si en avril 93,

2 qu'il y avait la forêt à cet endroit-là, je pense que c'est clair.

3 M. Terrier - Je souhaiterais, Monsieur le Président, que

4 M. Krajina explique ce

5 qu'est une forêt. En Français, c'est un ensemble d'arbres massifs, un

6 massif d'arbres étroitement serrés les uns contre les autres, un ensemble

7 de végétation très développée. Je ne sais pas si c'est à ça que pense

8 M Krajina. Il me semble que s'est élevé entre le Témoin et M Krajina un

9 malentendu qui pourrait être dissipé de cette manière.

10 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, nous

11 sommes des Bosniens le Témoin et moi-même. Par conséquent, je suis sûr que

12 nous nous comprenons au niveau du terme. Lui n'est pas un Français, moi

13 non plus, on se comprend sur le terme.

14 Témoin N (interprétation). - C'est tout à fait clair.

15 M. Krajina (interprétation). - Je demande donc au Témoin de me

16 dire si c'est véritablement l'endroit où se trouvait la forêt, ce qu'il

17 appelait la forêt.

18 M. le Président (interprétation). - D'accord.

19 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que vous voulez répondre à

20 cette question, s'il vous plait ?

21 Témoin N (interprétation). - C'est la deuxième prise de vue.

22 M. Krajina (interprétation). - C'est la photo du Procureur.

23 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Témoin, ne

24 pourriez-vous faire preuve de coopération et dire à Me Krajina si c'est

25 bien l'endroit de la forêt.

Page 2457

1 Témoin N (interprétation). - Eh bien, une fois de plus,je répète

2 que ça n'est pas une forêt continue. Il y a la forêt, ensuite la

3 clairière, et le canal, et encore le bois, quelques arbre, etc..

4 M. Krajina (interprétation). – Moi, je connais Ahmici avant

5 vous. Par conséquent, voulez-vous me dire si c'est là où se trouvait cette

6 forêt ?

7 Témoin N (interprétation). - Mais c'est vous qui voulez

8 m'induire en erreur !

9 M. le Président (interprétation). - Non, Non. Témoin N,

10 Me Krajina n'essaie pas de vous induire en erreur, il vous pose simplement

11 une question et j'aimerais que vous y répondiez de façon claire et

12 directe. Dites-nous simplement si la marque figurant sur la photo indique

13 bien la présence d'une forêt ?

14 Témoin N (interprétation). - Est-ce que je peux montrer sur la

15 photo agrandie où se trouvait la forêt, où se trouvait la clairière ? Cela

16 serait plus clair, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,

17 pour tout le monde dans le prétoire. Est-ce que vous êtes d'accord ?

18 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président...

19 M. le Président (interprétation). - Donc d'abord sur la grande

20 photo, ensuite sur celle-ci.

21 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, on va

22 faciliter les choses parce que de toute façon je pense que c'est un

23 malentendu qui est superficiel. Ce n'est pas un véritable malentendu.

24 L'endroit que nous avons marqué par le "x", le Témoin pourrait tout

25 simplement dire -qu'il s'agisse de la forêt ou non-, si, de l'endroit

Page 2458

1 qu'il appelait bunker, on pouvait contrôler l'endroit que nous avons

2 marqué par la petite croix. C'est tout, voilà ?

3 Témoin N (interprétation). - Mais cette fois-ci, je ne comprends

4 plus la question. Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît ?

5 M. Krajina (interprétation). - Vous avez vu sur la photo, nous

6 avons marqué par une petite croix ou "x" -vous pouvez l'appeler comme vous

7 voulez- l'endroit dont nous avons parlé comme une forêt. Maintenant,

8 laissons de côté la forêt.

9 Est-ce que de l'endroit où se trouvait le bunker, d'où l'on

10 tirait, on pouvait contrôler cet endroit qui a été marqué par la petite

11 croix, s'il vous plaît ?

12 Témoin N (interprétation). - De la route ?

13 M. Krajina (interprétation). - Non, je ne parle pas de la route,

14 je parle de la petite croix.

15 Témoin N (interprétation). - C'est une photo que je ne vois pas

16 clairement.

17 M. Krajina (interprétation). - Je renonce à reposer la question.

18 M. le Président (interprétation). - Témoin N, je voudrais vous

19 rappeler que vous devez dire la vérité et collaborer avec le Tribunal. Je

20 vous demande, s'il vous plaît, de bien vouloir répondre aux questions que

21 vous pose Me Krajina.

22 Témoin N (interprétation). - Moi, j'ai tout simplement demandé

23 de montrer sur la photo agrandie où se trouvait la forêt, où se trouvait

24 la clairière, etc., c'est tout ce que j'ai demandé.

25 M. le Président (interprétation). - Non, non, parce que

Page 2459

1 Me Krajina vous a également posé une deuxième question.

2 Témoin N (interprétation). - Je vais également répondre à la

3 deuxième question. Je vais vous dire pourquoi.

4 On avait tout simplement découvert par la suite que je ne

5 faisais pas partie de la JNA et que j'avais donc réparé les armes

6 d'artillerie. Par conséquent, vous vous trompez si vous ne pensez pas que

7 je suis au courant de ce que l'on peut faire avec cette arme. C'est une

8 arme qui est tout à fait spéciale : elle peut donc tirer dans toutes les

9 directions, c'est un Browning, et je me souviens de cette arme et je sais

10 qu'on peut donc contrôler par cette arme plusieurs points.

11 M. le Président (interprétation). - Etes-vous en train de dire

12 que de ce point-là, avec cette arme-là, il était possible de contrôler

13 aussi la région indiquée par Me Krajina par un "x" ?

14 Témoin N (interprétation). - Non, pas toute la zone, pas tout à

15 fait à gauche mais, de toute façon, on avait l'intention de tirer,

16 notamment sur la route. Et c'est par cette route que les civils devaient

17 être évacués de l'école. Il y avait un civil qui a été blessé grièvement,

18 etc et c'est la route qu'ils visaient d'abord. C'est la raison pour

19 laquelle également on va parler des dommages et intérêts un jour ou

20 l'autre.

21 Par conséquent, une arme forte pouvait produire une telle

22 blessure, pas un tout petit

23 fusil.

24 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina, je vous en

25 prie.

Page 2460

1 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, nous

2 allons demander tout simplement que cette photographie soit versée au

3 dossier comme pièce à conviction avec la petite croix que nous avons

4 marquée sur cette photo.

5 En ce qui nous concerne, de toute façon, nous n'avons plus

6 d'autres questions. C'est la configuration du terrain à laquelle nous

7 avions pensée.

8 Témoin N (interprétation). - Est-ce que je peux rajouter quelque

9 chose : les photographies sont différentes. Je peux vous dire d'où

10 viennent les différences. La clarté n'est pas la bonne.

11 M. le Président (interprétation). - Non, non, elles ne sont pas

12 différentes.

13 Témoin N (interprétation). - A mon avis, elles sont différentes.

14 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections de

15 la part de l'accusation à ce que cette pièce soit versée comme pièce à

16 conviction ? Pas d'objection ?

17 M. Terrier. - Il parle d'une différence, je n'ai pas bien saisi

18 de quelle différence il s'agit. Est-ce qu'il s'agit d'une différence entre

19 deux photographies ou d'une différence entre la photographie et la réalité

20 qu'il a vue ?

21 M. le Président (interprétation). - Non, il a dit qu'une

22 photographie est plus claire que l'autre, l'autre est plus sombre.

23 M. Terrier. - C'est ce qu'il a dit ?

24 M. le Président (interprétation). - Oui.

25 Témoin N (interprétation). - Excusez-moi, je peux préciser sur

Page 2461

1 cette photographie bien évidemment où se trouvait la forêt,

2 approximativement, parce que Me Krajina me l'avait demandé. Ce n'est pas

3 ce que j'ai refusé de faire.

4 M. le Président (interprétation). - Je suis désolé, je ne vous

5 ai pas bien suivi. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, sur

6 l'autre photo, vous seriez en mesure d'indiquer la localisation de la

7 forêt ?

8 Témoin N (interprétation). – Oui, sur la grande photographie,

9 c'est beaucoup plus facile, visible. On peut la distinguer. On voit que

10 cette forêt a été coupée. Il y a quelques petits buissons qui sont restés.

11 M. le Président (interprétation). - D'accord, revenons donc à ce

12 document. Je repose la question : est-ce que l'accusation a des objections

13 à ce que l'on enregistre cette pièce, cette photo marquée par votre

14 confrère ?

15 M. Terrier - Non.

16 M. Bos (interprétation). - La pièce est enregistrée D3/3.

17 M. le Président - Merci. Nous passons à Maître Puliselic ?

18 M. Pulisevic (interprétation). - Monsieur le Témoin, j'aimerais

19 tout simplement vous demander, avez-vous déjà donné une déclaration au

20 sujet des événements qui se sont produits à Ahmici ? Vous en souvenez-vous

21 et à qui avez-vous donné une telle déclaration ?

22 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai jamais fait d'autres

23 déclarations. C'est que tout simplement vous demandez de l'argent, on vous

24 en offrait pour faire une déclaration. J'ai dit que je n'avais pas le

25 droit, je ne voulais pas m'enrichir sur les épreuves de quelqu'un et le

Page 2462

1 malheur de quelqu'un.

2 M. Pulisevic (interprétation). - Avez-vous fait une déclaration

3 devant les autorités officielles ?

4 Témoin N (interprétation). - Non, jamais.

5 M. Pulisevic (interprétation). - Nous avons ici une déclaration

6 que vous avez donnée à AID. Connaissez-vous cette organisation AID ?

7 Témoin N (interprétation). - Non. S'ils s'étaient adressés à

8 moi, ils auraient dû dire :

9 "Nous représentons telle ou telle organisation" et, par conséquent,

10 j'aurais éventuellement parlé.

11 M. Pulisevic (interprétation). - Il y a une signature qui est la

12 vôtre sur ces déclarations. Est-ce que vous vous en souvenez ou pas ?

13 Avez-vous donné la déclaration à quelqu'un ?

14 Témoin N (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

15 M. Pulisevic (interprétation). - Vous avez dit, par ailleurs,

16 que vous êtes arrivé à Ahmici et que vous étiez dans le camp avant ?

17 Témoin N (interprétation). - Oui.

18 M. Pulisevic (interprétation). - Etiez-vous tout seul dans le

19 camp ou avec toute votre famille ?

20 Témoin N (interprétation). - J'étais dans ce camp. Il y avait

21 sept camps dans la municipalité de Prijedor.

22 M. Pulisevic (interprétation). - Qui était dans le camp ? Vous

23 avez dit que votre famille était partie en Autriche et qu'il n'y avait pas

24 de place pour vous là-bas. Etait-ce la seule raison pour laquelle vous

25 n'êtes pas parti en Autriche pour accompagner votre famille ou y a-t-il

Page 2463

1 d'autres raisons éventuellement ?

2 Témoin N (interprétation). - Nous avons eu des conversations

3 téléphoniques. Ma belle-sœur nous avait dit qu'elle ne pouvait pas tous

4 nous accueillir, qu'elle voulait bien prendre les enfants, les vieillards,

5 ma femme mais pas les hommes, étant donné qu'elle habitait une maison qui

6 n'était pas la sienne et un appartement qui n'était pas le sien.

7 M. Pulisevic (interprétation). - Aujourd'hui même dans ce

8 prétoire, vous avez dit que Dragan Papic vous a menacé à un moment donné,

9 que vous l'avez vu porter l'uniforme noir et qu'il vous a menacé à cette

10 époque ? De quelle menace s'agissait-il ?

11 Témoin N (interprétation). - Il portait l'uniforme, les

12 insignes, il me menaçait.

13 M. Pulisevic (interprétation). - Il ne vous a pas parlé ?

14 Témoin N (interprétation). - Oui, il m'a demandé où j'habitais.

15 J'ai refusé de lui dire.

16 M. Pulisevic (interprétation). - Vous avez compris que c'était

17 une menace, le fait même qu'il soit apparu devant vous en uniforme noir ?

18 Témoin N (interprétation). - Oui, bien sûr. Nous étions des

19 réfugiés, des malheureux. On connaissait les maisons de Milicevic et,

20 nous, on savait que tous ceux qui étaient de Focek, et les familles qui

21 sont arrivées, en auraient terminé à peu près de la même façon. Tous ont

22 été abattus. Chez Milicevic, il n'y avait plus personne. Ils étaient

23 chargés d'abattre ces gens-là. Il n'y avait que les trois personnes qui

24 ont réussi à s'en sortir. L'homme qui avait le laissez-passer et qui

25 pouvait se déplacer à tout moment et qui travaillait dans la boulangerie

Page 2464

1 est venu et a dit à ces gens-là qu'il fallait qu'ils se retirent de ces

2 maisons d'été. Malheureusement, il y avait beaucoup de personnes qui ont

3 été abattues et qui se trouvaient dans ce quartier-là.

4 M. Pulisevic (interprétation). - Mais tout ce que je vous

5 demande c'est de savoir à quel moment et à quel endroit vous vous êtes

6 rencontrés, avec cette personne pour laquelle les autres vous ont dit

7 qu’il s’appelait Dragan Papic.

8 Témoin N (interprétation). - Cette rencontre, comme je l’ai dit,

9 c'était la prière devant la mosquée. Le peuple se rendait à la mosquée

10 pour prier Dieu et M. Dragan -c'était l'après-midi- je l’ai rencontré à ce

11 moment-là. Je ne l'ai pas revu depuis jusqu'à aujourd'hui.

12 M. Puliselic (interprétation). - Vous ne l’aviez jamais vu

13 auparavant ni après ?

14 Témoin N (interprétation). - Non, ni avant ni après.

15 M. Puliselic (interprétation). - Est-ce que quelqu’un a assisté

16 à cette rencontre ?

17 Témoin N (interprétation). - Non, il n’y avait personne avec

18 moi, parce que tout le monde était à la mosquée, à l’intérieur, et priait,

19 comme je l’ai dit. Il n’y avait pratiquement pas de passants, il n’y avait

20 pas de citoyens, enfin de villageois.

21 M. Puliselic (interprétation). - Etes-vous tout à fait sûr que

22 la personne dont vous parlez et que vous avez indiquée aujourd’hui était

23 la personne que vous avez rencontrée ce jour-là ?

24 Témoin N (interprétation). - Beaucoup d'années sont passées

25 depuis.

Page 2465

1 Je suis sûr à 100 % et je sais qui avait tué et les personnes

2 qu’il avait tuées. C’est à lui de porter cela sur sa propre conscience.

3 M. Puliselic (interprétation). - Vous avez vu qu'il avait tué

4 Hasim Pezer ?

5 Témoin N (interprétation). - Oui, je l'ai laissé dans la cuisine

6 à Ahmici. Elle est restée couchée par terre.

7 M. Puliselic (interprétation). - Vous l'avez vue ?

8 Témoin N (interprétation). - Son père également a été tué. C’est

9 Dragan qui l’a tué.

10 M. Puliselic (interprétation). - Comment le savez-vous et sur

11 quoi vous vous fondez ?

12 Témoin N (interprétation). - J'étais à côté et j'ai vu quand ils

13 ont été touchés l'un et l'autre, les deux personnes dont j'ai parlé.

14 M. Puliselic (interprétation). - Dans votre déclaration

15 précédente, vous avez dit que vous avez entendu parler de cet événement et

16 que vous ne l’avez jamais vu de vos propres yeux.

17 Témoin N (interprétation). - J’ai vu que les deux personnes ont

18 été touchées. Je les ai vues, elles gisaient par terre à ce moment-là.

19 Nous avons vu qu’ils étaient touchés. Les Vidovici, c'étaient nos voisins,

20 n'avaient pas d’armes et ils marchaient dans la cour. A ce moment-là il

21 n’y avait plus de tirs, à un moment donné, ça s’est arrêté.

22 M. Puliselic (interprétation). - Hasim Pezer avait quel âge ?

23 Témoin N (interprétation). - Il avait dans les soixante ans.

24 M. Puliselic (interprétation). - Dans les soixante ans ?

25 Témoin N (interprétation). - Oui.

Page 2466

1 M. Puliselic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si,

2 lors de cette rencontre... et vous dites que les villageois vous ont dit

3 que cette personne s’appelait Dragan Papic. Avez-vous pu remarquer quelque

4 chose sur son visage ?

5 Témoin N (interprétation). - Non.

6 M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous remarqué quelque

7 chose de caractéristique sur son visage, ce que vous auriez dû remarquer ?

8 Témoin N (interprétation). - C’est une personne qu'on pouvait

9 facilement reconnaître. Je pense qu'il y avait quelque chose qui m'avait

10 frappé dans le visage. Il ne pouvait pas me regarder droit dans les yeux,

11 par exemple, il fermait les paupières, ça je l'avais remarqué.

12 M. Puliselic (interprétation). - Portait-il la barbe ?

13 Témoin N (interprétation). - Je ne me souviens pas s’il portait

14 ou non la barbe.

15 M. Puliselic (interprétation). - Vous avez dit avoir remarqué un

16 certain nombre d’insignes et que vous avez conclu qu'il appartenait au

17 HOS. Vous en avez parlé.

18 Témoin N (interprétation). - A cette époque-là, c’était très

19 difficile de se rendre compte qui appartenait à quelle formation, quelle

20 unité, quelle armée, etc.

21 M. Puliselic (interprétation). - Mais l’uniforme qu’il portait

22 était reconnaissable. Vous avez dit que vous avez conclu qu’il appartenait

23 au HOS.

24 Témoin N (interprétation). - C’était difficile, tout simplement

25 parce qu’on ne savait pas qui commandait, qui était celui qui donnait les

Page 2467

1 ordres. Si on savait véritablement qui donnait les ordres, à ce moment-là

2 on se serait débrouillé définitivement, tout simplement. Il y avait un

3 massacre tellement massif qui justement prouve qu'aucun ordre direct

4 n’avait été donné.

5 M. Puliselic (interprétation). - Avez-vous des informations

6 selon lesquelles le HVO et le HOS ont coopéré à un moment donné ?

7 Témoin N (interprétation). - C’était une ruse. L’important était

8 d’augmenter les effectifs. Ils achetaient les soldats pour l'argent. Ce

9 qui était important, c’était de gagner quelque chose pour pouvoir

10 survivre.

11 M. Puliselic (interprétation). - Vous souvenez-vous de

12 l’endroit, de la date et surtout de l’heure où vous avez rencontré cette

13 personne ?

14 Témoin N (interprétation). - C’était vers midi, donc 12 heures,

15 je ne peux pas vous dire le jour de la semaine, je ne me souviens pas.

16 M. Puliselic (interprétation). - Pouvez-vous dire quel était le

17 mois ?

18 Témoin N (interprétation). - Oui, mais je ne suis pas sûr, je

19 préfère ne pas vous le dire parce que s'il fallait que je vous dise tout,

20 à ce moment-là j'aurais été une personne anormale parce que j'aurais

21 retenu trop d’éléments. Je n’ai pas pu retenir tous ces éléments.

22 M. Puliselic (interprétation). - Merci. Monsieur le Président,

23 je n’ai plus de questions à poser.

24 M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Puliselic.

25 Nous avons encore deux conseils de la défense qui souhaitent procéder au

Page 2468

1 contre-interrogatoire du témoin. Nous devrons nous interrompre à 5 heures

2 moins 5. Je me demandais s’il était possible de clôturer nos travaux.

3 Peut-être que l’un d’entre vous, au moins, pourrait poursuivre jusqu’à

4 5 heures moins 5. Cela vous convient-il, Maître Radovic ? Dix minutes vous

5 suffiront ?

6 M. Radovic (interprétation). - Je vais essayer quand même,

7 Monsieur le Président, je n'ai pas beaucoup de questions à poser. Je

8 voudrais, Monsieur le Témoin, vous poser la question suivante. Vous avez

9 dit que vous ne faisiez pas partie de la Défense territoriale, que vous

10 montiez tout simplement la garde à côté de la mosquée. Est-ce que j’ai

11 bien compris ?

12 Témoin N (interprétation). - Oui.

13 M. Radovic (interprétation). - Vous avez donné une déclaration

14 le 6 mai 1998. C’est bien cela, Monsieur le Procureur ? Vous avez dit, je

15 cite : "J’ai rejoint la Défense territoriale à Ahmici".

16 Témoin N (interprétation). - Ce n’était pas la Défense

17 territoriale.

18 M. Radovic (interprétation). - Mais c’est bien marqué que vous

19 avez rejoint la Défense territoriale à Ahmici.

20 Témoin N (interprétation). - Mais c'était une démarche

21 préventive. Ce n’est rien par rapport à ce qu'ils ont préparé de l’autre

22 côté.

23 M. Radovic (interprétation). - Je ne vous ai pas posé cette

24 question, je vous ai demandé tout simplement s’il est vrai que vous avez

25 dit à AID que vous avez rejoint la Défense territoriale à Ahmici ou non.

Page 2469

1 Témoin N(interprétation). - Vous devez savoir ce qu’est la

2 Défense territoriale.

3 M. Radovic (interprétation). - Pour moi, c’est tout à fait

4 clair. Je suis de la même région que vous, en ce qui concerne la Défense

5 territoriale et son organisation, je connais tout. Par conséquent, je vous

6 prie de me dire si vous avez rejoint ou non les rangs de la Défense

7 territoriale ou si vous ne vous en souvenez pas. Toutes les réponses me

8 sont bonnes.

9 Témoin N (interprétation). - Les patrouilles étaient

10 indispensables à organiser, à chaque fois qu’il y avait des prières. En ce

11 qui concerne la Défense territoriale, la Défense territoriale défend ce

12 qui lui appartient et n’est pas une formation offensive.

13 M. Radovic (interprétation). – Oui, pour moi, c’est important.

14 Est-ce que vous pouvez me répondre ? Monsieur le Président, je ne sais pas

15 comment poser la question au témoin si le témoin ne veut pas répondre à

16 mes questions. Si vous ne voulez pas répondre à cette question, si vous

17 avez rejoint la Défense territoriale, à ce moment-là je n'insiste plus et

18 je vais vous poser la question suivante.

19 Avez-vous eu une fonction dans le cadre de la Défense et de la

20 protection sociale -à cette époque-là c'est comme ça qu'on l'appelait- sur

21 la base de laquelle vous auriez disposé des données sur les faits qui ne

22 vous concernaient pas personnellement mais qui étaient en dehors de ce que

23 vous avez dû savoir ?

24 Témoin N (interprétation). - Non, je ne savais pas du tout, je

25 ne connaissais pas toutes ces informations. Ce qui était important pour

Page 2470

1 moi, c'est que mes enfants étaient à un endroit sûr pour eux. En ce qui me

2 concerne, c'était le plus important.

3 M. Radovic (interprétation). - Mais ce que je vous pose comme

4 question, c’est : est-ce que vous avez occupé un poste qui vous a permis

5 de parler des choses qui ne vous concernaient pas particulièrement, mais

6 étaient en dehors de vous ?

7 Témoin N (interprétation). - Non, rien.

8 M. Radovic (interprétation). - Dans ce cas-là, nous sommes

9 d'accord et vous avez parlé quand même de choses qui ne vous concernaient

10 pas ni vous, ni votre famille. Vous avez dit par ailleurs qu’au mois

11 d'octobre 93 les membres du HVO se sont dirigés vers Travnik comme

12 renfort. Comment avez-vous pu conclure que ces soldats étaient de Busovaca

13 et comment avez-vous pu savoir qu’ils allaient vers Novi Travnik ?

14 Témoin N (interprétation). - Ce n’est pas important.

15 M. Radovic (interprétation). - Je ne vous demande pas ce qui est

16 important et ce qui ne l’est pas, mais ce que vous savez.

17 Témoin N (interprétation). - Je vais vous répondre. D'accord.

18 Moi, j'étais plutôt présent au moment de la première attaque et je me

19 souviens qu'ils avaient dit qu'ils ne pouvaient pas passer, qu'ils étaient

20 de Busovaca et qu’ils allaient retourner une fois de plus. Le lendemain

21 matin, ils sont retournés, effectivement.

22 M. Radovic (interprétation). - Donc ils vous ont dit qu'ils sont

23 de Busovaca. Vous étiez sur la barricade à ce moment-là ?

24 Témoin N (interprétation). - Oui.

25 M. Radovic (interprétation). - Mais où, à quel endroit vous

Page 2471

1 trouviez-vous ?

2 Témoin N (interprétation). - C'était un barrage, une barricade.

3 Effectivement j'y étais.

4 M. Radovic (interprétation). - Mais où vous vous êtes trouvé

5 vous-même ?

6 Témoin N (interprétation). - Nous étions...

7 M. Radovic (interprétation). - Je vous prie de ne pas dire

8 "nous" mais "vous", vous vous trouviez où ?

9 Témoin N (interprétation). - Moi, j’étais à trente mètres par

10 rapport à la barricade. Il y avait des positions. On avait demandé de

11 détruire ces positions, il y avait le contrôle.

12 M. Radovic (interprétation). - Qui avait organisé la barricade à

13 la position, à la ligne de front ?

14 Témoin N(interprétation). - C’était la Défense territoriale.

15 M. Radovic (interprétation). - Mais quand vous étiez à une

16 trentaine de mètres par rapport à la route, sur cette position de la

17 Défense territoriale, avez-vous possédé des armes ?

18 Témoin N (interprétation). - Non.

19 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que quelqu’un sur la

20 barricade les avait ?

21 M. Radovic (interprétation). - Oui, des personnes, des hommes

22 qui faisaient partie de l’armée de Bosnie-Herzégovine, qui étaient

23 expérimentés et ils possédaient les armes.

24 M. Radovic (interprétation). - Combien de personnes avaient des

25 armes ?

Page 2472

1 Témoin N (interprétation). - Quatre personnes de notre village.

2 M. Radovic (interprétation). - Y avait-il des renforts arrivés

3 d'autres villages ?

4 Témoin N (interprétation). - Non, pas de renfort, pas d’aide de

5 ce genre-là. On sait comment ça s’est terminé, la première fois en 1992.

6 M. Radovic (interprétation). - On sait comment ça s'est terminé,

7 ce qui m'intéresse, c'est comment ça a commencé.

8 Témoin N (interprétation). - On avait quelqu'un qui a été

9 abattu, un mineur, plusieurs maisons incendiées, ça s’est passé.

10 M. Radovic (interprétation). - Ceux qui ont été tués, c'était

11 après que la barricade a été érigée ?

12 Témoin N (interprétation). - Je ne dirais pas ça.

13 M. Radovic (interprétation). - Ils ont été tués avant ?

14 Témoin N (interprétation). - Non.

15 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne

16 voulais même pas parler de ces gens-là.

17 Témoin N (interprétation). - Mais c’est lors de cette attaque

18 que des personnes ont été tuées.

19 M. Radovic (interprétation). - Pouvez-vous me dire, s'il vous

20 plaît, comment vous avez fait cette barricade, pourquoi l'avez-vous

21 érigée ? Etaient-ce tout simplement le peuple et les villageois qui

22 avaient décidé de monter le barrage ou est-ce qu'un ordre a été donné ?

23 Témoin N (interprétation). - A Novi Travnik tout le monde le

24 sait, la guerre avait commencé, tout le monde le savait. Nous avons suivi

25 les actualités, on était au courant.

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1 M. Radovic (interprétation). - Je vous demande si un ordre a été

2 émis d'un commandement pour ériger le barrage.

3 Témoin N (interprétation). - Oui, je pense que c’était un ordre

4 d’un commandement.

5 M. Radovic (interprétation). - Où ? De Zenica ou de Sarajevo ?

6 Témoin N (interprétation). - Ce n’était pas à moi, de toute

7 façon, je ne disposais pas de ces informations, je n’étais pas parmi les

8 officiers ni cadres, ni rien. Je n’étais pas au courant.

9 M. Radovic (interprétation). - A partir du moment où vous vous

10 êtes trouvé là-bas, vous étiez à une trentaine de mètres par rapport à la

11 route, qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez dit que vous n’étiez pas

12 armé, qu’il n’y avait aucune tâche à remplir, aucune mission, mais vous

13 vous êtes quand même trouvé sur cette barricade. Vous vous êtes dirigé

14 vers cette position. C’étaient des tranchées...

15 Monsieur le Président, je m’excuse, mais je pense que je ne vais

16 pas pouvoir terminer mon contre-interrogatoire. Je vais vous demander,

17 s’il vous plaît, Monsieur le Président, de pouvoir continuer dès demain

18 matin.

19 Témoin N (interprétation). - Mais si vous voulez, je peux

20 répondre à cette question-là.

21 M. Radovic (interprétation). - C’est demain que nous allons

22 poursuivre.

23 M. le Président (interprétation). - Donc nous reprendrons demain

24 matin à 9 heures 30 précises.

25 L’audience est levée à 16 heures 55.