Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Vendredi 15 janvier 1999

5 L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Puisque le greffier

7 d'audience n'est pas présent, je donnerai le numéro d'affaire : Affaire

8 IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic,

9 Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.

10 Nous allons poursuivre maintenant.

11 J'espère que vous n'avez pas de pièces à verser au dossier

12 puisque nous n'avons pas de greffier d'audience.

13 Il est arrivé. Tout va bien maintenant.

14 M. Terrier. – Merci, Monsieur le Président.

15 Bonjour, Monsieur Cilic. Nous allons, si vous le voulez bien,

16 reprendre le cours de nos travaux là où nous nous sommes arrêtés à la fin

17 de la dernière audience. Vous vous souvenez que je souhaitais que nous

18 commencions à parler de cette journée du 15 avril 1993. Au cours de votre

19 témoignage, il a été présenté un film vidéo relatant l'enlèvement du

20 commandant Totic et l'assassinat de son escorte. Vous n'étiez pas sur les

21 lieux bien entendu, vous n'avez pas, je pense, participé à l'enquête, s'il

22 y a eu une enquête, mais, compte tenu de votre position, avez-vous appris

23 quelque chose sur les circonstances de cette action ?

24 M. Cilic (interprétation). - C’est évident que je n'ai pas

25 participé à l'enquête et je ne me suis pas non plus trouvé sur les lieux

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1 de l'événement, mais je

2 n'ai pas pu apprendre de détails sur l'enquête, sur le déroulement de

3 l'enquête, si ce n'est une information, à savoir que le commandant de la

4 brigade Jure Francetic de Zenica était en vie. C'est ce que nous avons

5 appris dès le 16 en fin d'après midi.

6 Quant à d'autres informations concernant cet événement, je n'en

7 ai pas eu à ce moment.

8 M. Terrier. – Est-ce que le commandant Totic a reparu quelques

9 jours plus tard ?

10 M. Cilic (interprétation). - Non, je pense qu'il s'est passé

11 plus d'un mois.

12 M. Terrier. – Et lorsqu'il a reparu, l'avez-vous rencontré ?

13 M. Cilic (interprétation). - Je l'ai rencontré à Vitez après

14 plusieurs jours, parce que, suite à sa libération, il est venu à Vitez. Un

15 certain nombre des membres de la brigade dont il était le commandant, sous

16 la pression de l'armée de Bosnie-Herzégovine s'est enfui dans la vallée de

17 la Lasva, donc de ce fait-là, sur le territoire de la municipalité de

18 Vitez

19 (A la demande de la cabine anglaise, la cabine française demande

20 à Maître Terrier de parler un peu plus fort)

21 M. Terrier. – Lorsque vous avez rencontré le commandant Totic,

22 vous a-t-il expliqué ce qui s'était passé ?

23 M. Cilic (interprétation). - Il ne me l'a pas expliqué à moi

24 personnellement, puisque nous ne nous connaissions que de manière très

25 superficielle, mais dans une déclaration brève qu'il a donnée, il a essayé

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1 de l'expliquer aux spectateurs de la radiotélévision locale.

2 M. Terrier. – Qu'avez-vous retenu de ses explications ?

3 M. Cilic (interprétation). - Je ne me souviens pas de beaucoup

4 de choses, mais très brièvement, je peux vous dire de quoi je me souviens.

5 Totic a dit qu'avec son escorte, comme tous les jours, il est parti le

6 matin de Zenica en direction du commandement de sa brigade qui se trouvait

7 dans la banlieue qui s'appelle Podbrijezje. En chemin, à proximité

8 immédiate de ce commandement, il a été arrêté par un groupe d'hommes

9 armés, d'hommes masqués qui ont

10 arrêté le véhicule. Lui-même a été tiré du véhicule et, par la suite, des

11 tirs en rafales ont été tirés et son escorte a été tuée. Il ne savait pas

12 à l'époque qu'un passant qui se trouvait là par hasard a été tué. C'est

13 tout ce que j'ai su sur cet événement.

14 M. Terrier. - Donc le commandant Totic n'a pas donné

15 d'explication sur le sens de cette action, pourquoi cette action a-t-elle

16 été conduite contre lui-même et son escorte ?

17 M. Cilic (interprétation). - Certainement pas à moi et à la

18 télévision locale. Je suppose qu'il a donné des informations ou des

19 explications plus précises à l'endroit compétent. Les médias locaux ne

20 sont certainement pas l'endroit indiqué dans une situation comme celle-ci,

21 c'est du moins ce que je pense.

22 M. Terrier. - Je comprends. Les noms des membres de l'escorte du

23 commandant Totic ont été donnés à la télévision. Selon le transcript qui

24 nous a été remis avant-hier, il s'agit de MM. Ivica Lidovic, Anto Zernic,

25 Marko et Tihomir Ljubic.

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1 Est-ce que vous les connaissiez ?

2 M. Cilic (interprétation). – Non, je n'en connais aucun.

3 M. Terrier. - Est-ce qu'à votre connaissance, il s'agissait de

4 personnes de la région, de la région de Vitez ?

5 M. Cilic (interprétation). - Non, aucun d'eux n'étaient de la

6 municipalité de Vitez, pour autant que je le sache, tous les quatre

7 venaient de la municipalité de Zenica.

8 M. Terrier. - Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, à la

9 conférence de presse dont nous avons vu un extrait avant-hier au cours de

10 votre témoignage. Au cours de cette conférence de presse, selon ce qu'on a

11 vu, une jeune femme a lu une liste d'actions imputées à l'armée de Bosnie,

12 une liste évidemment préparée soigneusement, et le film s'est arrêté là.

13 Est-ce que vous pouvez préciser à quelle heure cette conférence

14 de presse a été tenue ?

15 M. Cilic (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire avec

16 certitude. Etait-ce à 11 heures ou à 12 heures ? Mais c'était certainement

17 à ce moment, vers ces heures-là.

18 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez nous dire, qui, ensuite,

19 après que cette liste ait été lue, comme on l'a vu sur le film vidéo, a

20 pris la parole et pour dire quoi ?

21 M. Cilic (interprétation). - Là non plus, je ne suis pas sûr, si

22 c'était le colonel Tihomir Blaskic qui a pris la parole en premier ou si

23 c'était M. Dario Kordic. Mais il me semble que ce n'était pas non plus

24 très important de savoir qui était le premier à prendre la parole. Tous

25 les deux ont parlé.

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1 M. Terrier. - Tous les deux ont parlé, ce qui importe

2 effectivement c'est peut-être de savoir ce qu'ils ont dit. Vous étiez

3 présent au cours de cette conférence de presse bien entendu ?

4 M. Cilic (interprétation). - Oui, j'étais présent. Un laps de

5 temps s'est écoulé qui m'empêche de vous dire très précisément ce que ces

6 deux hommes ont dit, mais je peux effectivement vous donner les grandes

7 lignes.

8 M. Terrier. - Les grandes lignes suffiront, bien entendu,

9 Monsieur.

10 M. Cilic (interprétation). - J'essaierai de vous donner un

11 résumé

12 approximatif qui correspond à ce qu'ils ont dit et je pense

13 qu'on peut dire que c'était à peu près la même chose chez l'un et chez

14 l'autre.

15 Donc, très brièvement, ils ont parlé plus en détails de tous ces

16 événements qui se sont produits depuis le début de l'année jusqu'au

17 15 avril 1993. Ils ont mis en lumière l'existence des incidents réguliers

18 provoqués par des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine dont les

19 victimes étaient pour l'essentiel des membres du conseil de défense

20 croate.

21 Ils ont, et notamment M. Dario Kordic, dit qu'à plusieurs

22 reprises ces incidents ont fait l'objet d'informations transmises à toutes

23 les instances compétentes de la vie politique,

24 militaire, ainsi que les représentants de la communauté internationale.

25 M. Tihomir Blaskic a dit à peu près ceci : "Les forces du HVO

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1 s'opposaient à tout conflit mais elles allaient être contraintes à se

2 défendre si c'était nécessaire." Il a dit à peu près cela : "Nous n'allons

3 pas reculer mais nous allons nous défendre, si notre intégrité était

4 atteinte dans cette région".

5 Ce serait à peu près le résumé mais, Monsieur le Procureur, je

6 vous prie de prendre cela avec toutes les réserves, parce que le laps de

7 temps est trop long.

8 M. Terrier. - Est-ce que l'on peut dire que le sens général de

9 cette conférence de presse, sa justification, étaient de préparer la

10 communauté croate à la guerre ?

11 M. Cilic (interprétation). - Ce n'est pas ainsi que je l'ai

12 perçu. A ce moment, je ne pouvais même pas imaginer que seules quelques

13 heures nous séparaient de la guerre. Certes, il y a eu un certain nombre

14 d'avertissements, on nous a dit qu'il fallait être extrêmement prudent,

15 que chacun était responsable là où il se trouvait, au poste où il se

16 trouvait, mais je n'ai pas du tout eu l'impression que c’était le dernier

17 avertissement avant une guerre sanglante. Si vous me le permettez,

18 Monsieur, je voudrais aussi ajouter que l'intonation de ces discours,

19 d'après ce que j'en ai pensé, était tolérante et, sur certains aspects,

20 avait un effet apaisant.

21 M. Terrier. - Pensez-vous que la lecture à laquelle nous avons

22 assisté de la liste des actes agressifs prétendument commis par l'armée de

23 Bosnie, depuis le début de l'année jusqu'à la date du 15 avril, a un effet

24 apaisant sur la communauté croate ?

25 M. Cilic (interprétation). - Non, ce n'est pas cela que je

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1 voulais dire. Je voulais dire que dans les déclarations qui ont été faites

2 par les premiers d'entre nous, sur le plan civil et militaire, d'après mon

3 estimation à moi, il n'y a pas eu de mots qui auraient attisé le conflit.

4 Evidemment, tous ces événements ne pouvaient pas être calmants, apaisants,

5 mais je dois dire que d'autres moments où l'on a énuméré des incidents ou

6 des crimes s'étaient déjà produits auparavant, non pas de cette ampleur

7 puisque cette conférence de presse et ces renseignements

8 ont englobé une période assez longue ; c'est de ce fait que la liste des

9 incidents et des crimes était bien plus longue que ce n'était le cas des

10 conférences de presse précédente.

11 M. Terrier. - Cette conférence de presse a-t-elle été diffusée

12 en direct à la télévision ?

13 M. Cilic (interprétation). - Non, nous n'avions pas ces moyens

14 techniques qui nous permettraient de diffuser en direct. Nous étions

15 entièrement isolés sur le plan des communications ; notre télévision

16 locale était vraiment quelque chose de très improvisé face à ce système

17 immense de diffusion d'informations dont disposaient les Musulmans à

18 l'époque en Bosnie-Herzégovine.

19 M. Terrier. - Dans ces conditions, pouvez-vous préciser à quelle

20 heure cette conférence de presse a été diffusée à la télévision à

21 l'intention de la communauté croate ?

22 M. Cilic (interprétation). - A 19 heures. C'était le moment

23 habituel et le seul moment dont nous disposions à la télévision locale, où

24 nous pouvions diffuser les actualités. A la radio de Vitez, c'était à

25 18 heures.

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1 M. Terrier. - Vous avez dit au cours de votre déposition qu'en

2 fin d'après-midi de ce 15 avril, vous vous étiez rendu à Zenica en voiture

3 pour y retrouver votre fille, qui était lycéenne dans cette ville. Si j'ai

4 bien compris votre témoignage, mais vous me corrigez si c'est inexact,

5 vous avez sur la route rencontré un certain nombre de barrages. Tous ces

6 barrages étaient soit des barrages du HVO, soit des barrages de la police

7 civile. Vous n'avez pas rencontré, sur la route allant de Vitez à Zenica,

8 l'armée de Bosnie. Est-ce exact ? Est-ce que j'ai bien compris ?

9 M. Cilic (interprétation). - Vous avez bien compris, mais sur

10 une partie, vous vous trompez. Il n'y a eu aucun barrage installé et tenu

11 par les membres du HVO sur la route entre Vitez et Zenica.

12 M. Terrier. - Il s'agissait donc de barrages de la police

13 civile ? Vous avez parlé, je

14 crois, aussi de barrage du HOS.

15 (Le témoin acquiesce.)

16 L'essentiel de ma question étant que l'armée de Bosnie n'était

17 pas présente sur la route jusqu'à l'entrée de Zenica.

18 Vous avez dit aussi, et là encore corrigez-moi si je me trompe,

19 que dans la ville de Zenica vous n'avez rencontré aucune présence

20 significative de l'armée de Bosnie, en dehors de quelques camions qui

21 circulaient.

22 M. Cilic (interprétation). - Sur la route, je n'ai vu nulle part

23 de membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur la route allant de Vitez à

24 Zenica. Là, je pensais aux barrages, et je n'ai pas non plus vu de membres

25 du HVO. Au premier barrage, j'ai vu la police civile ; c'étaient des

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1 policiers civils qui appartenaient au commissariat de Vitez, puis au

2 deuxième barrage, j'ai vu la police civile qui était rattachée elle aussi

3 auparavant au commissariat de Vitez, mais désormais ils appartenaient à la

4 partie musulmane. Le troisième barrage, c'étaient uniquement les membres

5 du HOS, puis par la suite, c'étaient des barrages qui était constitués par

6 des hommes lourdement armés portant des casques, et qui étaient eux aussi

7 des policiers. A l'époque, c'était la police musulmane de Zenica.

8 M. Terrier. - Lorsque vous êtes rentré à Vitez, c'était le soir

9 même ?

10 M. Cilic (interprétation). - Je pense que c'était vers

11 19 heures. A 19 heures, j'étais déjà à Vitez.

12 M. Terrier. - Vous êtes rentré accompagné de votre fille ?

13 M. Cilic (interprétation). - Oui, j'ai réussi à ramener ma fille

14 chez moi, je l'ai laissée chez nous, à la maison, et puis moi je suis

15 revenu au commandement.

16 M. Terrier. - Avez-vous fait au commandement un rapport de ce

17 que vous avez vu à Zenica, sur la route de Vitez à Zenica ?

18 M. Cilic (interprétation). - Oui, j'ai fait un rapport oral

19 détaillé au commandant

20 Mario Cerkez.

21 M. Terrier. - Quel était le sens de ce rapport ? Est-ce que le

22 sens de ce rapport était, comme on peut le penser compte tenu de ce que

23 vous nous dites avoir vu, qu'en fin de compte il y avait très peu

24 d'activité de l'armée de Bosnie dans la région ?

25 M. Cilic (interprétation). - En plus des impressions parentales

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1 très privées, et ma joie d'avoir pu ramener ma fille, j'ai présenté, peut-

2 être avec quelques détails supplémentaires, ce que j'ai déjà expliqué ici

3 et ce que j'ai essayée de vous résumer ce matin.

4 M. Terrier. - Monsieur Cilic, ma question était la suivante :

5 quel était le sens de votre rapport : est-ce que ce sens était plutôt

6 apaisant, rassurant, signifiant : "Il y a peu de présence, peu d'activité

7 de l'armée de Bosnie dans la région et en particulier à Zenica", ou est-ce

8 que le sens de votre rapport au contraire était inquiétant ?

9 M. Cilic (interprétation). - Suite à tout ce que j'ai vu, tout

10 ce que j'ai vécu, évidemment il ne pouvait pas être apaisant. J'ai été en

11 particulier surpris de trouver à Zenica une situation qui était celle

12 qu'on voyait normalement à 2 heures du matin, et non pas à 16 ou 17 heures

13 de l'après-midi.

14 Zenica est un grand centre industriel, une ville de taille très

15 importante pour la région, avec beaucoup d'étudiants, beaucoup d'élèves,

16 c'est une ville extrêmement active, alors que l'après-midi en question,

17 bien qu'il ait fait beau, la ville était relativement déserte. C'est

18 probablement pour cela que j'ai remarqué plusieurs véhicules de l'armée de

19 Bosnie-Herzégovine, et un nombre bien plus élevé qu'habituellement qui

20 étaient en plus armés d'armes automatiques.

21 M. le Greffier (interprétation). - Pièce 334.

22 M. Terrier (interprétation). - Monsieur Cilic, ce document

23 paraît être un rapport militaire classé "strictement confidentiel", établi

24 par l'officier de service de la brigade Jure Francetic à Zenica, il est

25 daté du 16 avril. Il y a un numéro d'ordre, mais pas d'heure, aucune heure

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1 n'a été mentionnée pour son établissement, en tout cas aucune heure ne

2 peut être lue sur ce document.

3 Néanmoins, il semble que ce document relate la situation telle

4 qu'elle se trouvait à 6 heures du matin, ce 16 avril.

5 Vous en avez pris connaissance ? Vous connaissiez ce document ?

6 M. Cilic (interprétation). – Non, c'est la première fois que je

7 le vois.

8 M. Terrier (interprétation). - Ne pensez-vous pas que la

9 situation qui est décrite le 16 avril à 6 heures est une situation,

10 disons, aussi normale que possible dans la situation de la Bosnie Centrale

11 à cette époque-là ? La nuit a été parfaitement calme, aucun combat ne

12 s'est produit et les civils peuvent se rendre à leur travail.

13 M. Cilic (interprétation). - Il ressort de ce document

14 effectivement, que la situation était telle que vous la décrivez.

15 M. Terrier (interprétation). – Monsieur Cilic, je vais vous

16 soumettre un autre document, nous allons aborder un autre aspect de votre

17 témoignage.

18 (Le témoin examine le document)

19 Monsieur Cilic, pouvez-vous identifier l'en-tête de ce

20 document ?

21 M. Cilic (interprétation). - Oui, je peux.

22 M. Terrier (interprétation). - Pouvez-vous nous indiquer quelle

23 est l'autorité qui a établi ce document ?

24 M. Cilic (interprétation). - Ce document émane du bureau de la

25 défense de Vitez et d'après ce que je vois, il a été signé par celui qui

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1 était à la tête de ce bureau, Marjan Skopljak.

2 M. Terrier. - Il paraît être daté de la fin du mois

3 d'avril 1993, si on lit correctement la date qui se trouve en haut et à

4 gauche ; et en tout cas très clairement, il a été enregistré à Travnik

5 comme tous les autres documents qu'on a pu voir, le 30 avril 1993. Est-ce

6 exact ?

7 Cela est visible sur la première page.

8 M. Cilic (interprétation). - Oui, bien que le numéro ne soit pas

9 tout à fait lisible, je pense qu'il s'agit du 29 avril 1993.

10 M. Terrier. - Je voudrais appeler votre attention sur la

11 première page et sur le point numéro 3, en précisant qu'il y a deux points

12 numéro 3, semble-t-il, à la suite d'une erreur peut-être de numérotation,

13 et que c'est le deuxième point numéro 3 qui m'intéresse.

14 Je peux lire, et je lis sous votre contrôle, qu'il est indiqué

15 dans ce document à la date du 16 avril 1993, et jusqu'au 28 avril 1993,

16 qu'un total de 498 conscrits ont été mobilisés et activement versés dans

17 les forces du HVO, en plus du personnel régulier de la brigade de Vitez.

18 Il est indiqué ensuite que la majorité des conscrits mobilisés

19 depuis le début des hostilités ont été directement versés sur les lignes

20 de défense.

21 Je voudrais que vous parcourriez ensuite ce document, les pages

22 suivantes de ce document, et j'appelle votre attention sur les

23 numéros 106, 107 et 109.

24 Quels noms pouvez-vous lire ?

25 M. Cilic (interprétation). - Sous le numéro d'ordre 108, c'est

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1 Kupreskic Zoran ; 107, Kupreskic Vlatko ; et le numéro d'ordre 109,

2 Kupreskic Mirjan.

3 M. Terrier. - J'appelle maintenant votre attention sur les

4 numéros 343 et 349. Quels noms pouvez-vous lire ?

5 M. Cilic (interprétation). - Le numéros d'ordre 343,

6 Josipovic Drago ; et 349, Papic Dragan.

7 M. Terrier. - Je vous invite maintenant à revenir quelques pages

8 avant et à regarder les numéros 84, 85, 86, 87 et 88.

9 Il y a sur la droite une mention. Quelle est cette mention ?

10 Qu'est-ce qu'elle signifie ?

11 M. Cilic (interprétation). - Pensez-vous au numéro d'ordre 81 ?

12 M. Terrier. - Juste en-dessous, Monsieur Cilic, en face des noms

13 qui portent les numéros 84 et 88, il y a une mention. Qu'est-ce qu'elle

14 signifie, selon vous ?

15 M. Cilic (interprétation). – Malheureusement, je ne pourrai pas

16 répondre à cette question. Pour moi, c'est incompréhensible. C'est la

17 première fois que je vois ce document, je ne comprends pas de quoi il

18 s'agit.

19 M. Terrier. - Est-ce que cette mention ne signifie pas

20 simplement que l'incorporation de ces personnes, qui sont mentionnées, a

21 été reportée au 26 avril ?

22 M. Cilic (interprétation). - Oui, on pourrait conclure ceci, car

23 c'est marqué dans les parenthèses "à partir du 26 avril".

24 M. Terrier. - Sur la même page, le dernier nom qui porte le

25 numéro 149, il y a une mention, un commentaire.

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1 La même page, Monsieur Cilic, numéro 149, il y a un commentaire.

2 Quel est-il ?

3 M. Cilic (interprétation). - Il s'agit probablement de la

4 personne qui avait un âge avancé, ou bien de toute façon l'âge où il ne

5 pouvait pas être mobilisé selon la législation en vigueur. Je suppose

6 qu'il s'agit de cela.

7 M. Terrier. - Un peu plus loin, malheureusement je ne peux pas

8 vous indiquer les numéros de page car...

9 C'est un document qui porte le numéro 67, 68-29 ; un peu plus

10 loin, il est porté mention de personnes qui font l'objet d'affectation

11 particulière. C'est la page 29.

12 M. Cilic (interprétation). - Monsieur le Procureur, je n'ai pas

13 les numéros d'ordre sur cette liste. Vous voulez bien m'aider, s'il vous

14 plaît ?

15 M. Terrier. – Volontiers Monsieur Cilic. En haut, à droite de

16 chaque page, il y a un numéro, effectivement, pardonnez-moi, c'est sur la

17 version anglaise que figure ce numéro.

18 (Maître Terrier tend la version anglaise au témoin)

19 Est-ce que, sur cette page, qui sur la version anglaise porte le

20 numéro 29 ne sont pas mentionnés les noms des personnes qui sont

21 dispensées d'un service actif dans le HVO en raison d'obligations de

22 travail particulières et qui ont été déployées par d'autres moyens que les

23 forces armées, notamment des moyens logistiques ?

24 M. Cilic (interprétation). – Ici, il y a les trois mentions de

25 ce type, il y a l'ordre numéro 10, donc l'obligation de travail

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1 particulier, ensuite la logistique et également la formation. Je suppose

2 qu'il s'agit des tâches dont vous avez parlé.

3 M. Terrier. – Monsieur Cilic, pouvons-nous constater que les

4 noms d'aucun des accusés ne figurent dans ces rubriques ?

5 M. Cilic (interprétation). - Si vous me laissez un petit peu de

6 temps, je vais voir les noms.

7 M. Terrier. – Je vous en prie.

8 (Le témoin examine les documents)

9 M. le Président. – Maître Terrier, je constate qu'on n'a pas

10 traduit en entier en anglais votre question dans le transcript. Peut-être

11 pourriez-vous la reposer encore une fois.

12 M. Terrier. – Je répète volontiers Monsieur le Président. J'ai

13 demandé au témoin s'il était d'accord avec moi pour constater que les noms

14 des accusés ne se trouvent pas dans ces rubriques d'affectations

15 spéciales.

16 M. Cilic (interprétation). – Oui, oui, je peux vous donner la

17 réponse Monsieur le Procureur, si vous le permettez.

18 Tout d'abord, ici, il n'y a aucun nom des personnes qui sont les

19 accusés ici présents dans le prétoire, mais moi je peux conclure de cette

20 liste qu'il s'agit de personnes d'un âge avancé et de personnes qui

21 n'étaient pas en très bon état de santé.

22 M. Terrier. – Si vous me le permettez, tout de même,

23 Monsieur Cilic, puisque la date de naissance figure en face de chaque nom,

24 toutes ne sont pas d'un âge avancé, puisque certaines sont nées en 1950,

25 ou 1952 ou 1963. Il ne s'agit tout de même pas d'un âge avancé, mais peut-

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1 être d'un état de santé effectivement.

2 Par conséquent, Monsieur Cilic, est-ce que nous ne devons pas

3 conclure de ce document que les accusés dont nous avons cité les noms se

4 trouvaient tous à la date du 16 avril 1993, mobilisés et au service actif

5 de l'armée du HVO ?

6 M. le Président. – Maître Slokovic Glumac, vous avez une

7 objection ?

8 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

9 tout simplement attirer l'attention sur le fait que le Procureur montre la

10 liste au témoin. Il est un fait que, dans la première partie, on dit qu'il

11 s'agit de la période qui part du 16 avril jusqu'au 28 avril, par

12 conséquent de 418 personnes qui ont déjà été mobilisées. Cette partie ne

13 permet donc pas de conclure que toutes ces personnes ont été mobilisées en

14 date du 16 avril. Comment le témoin peut-il en conclure cela, alors qu'il

15 y a le texte d'introduction qui le précise de manière claire ? Par

16 conséquent la question n'est pas pertinente, et c'est dans ce sens-là que

17 je fais objection, parce qu'il y a cette contradiction entre la

18 déclaration et le texte.

19 M. le Président. - Non, je ne suis pas d'accord parce que le

20 Procureur, M. Terrier, a bien posé des questions concernant les noms sur

21 la liste par rapport auxquels la liste précise qu'ils ont été mobilisés à

22 partir du 26 avril. Il pose des questions basées sur des déductions

23 logiques, donc la question est pertinente, je pense que Me Terrier a

24 raison de la poser, et je souhaite que le témoin puisse répondre à cette

25 question.

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1 M. Terrier. - Il est bien évident, Monsieur le Président, que

2 c'est le Tribunal qui donnera sa pleine signification à ce document, et

3 pour l'instant je souhaite simplement que le témoin me donne son point de

4 vue.

5 Est-ce que ce document, qu'il a sous les yeux, ne signifie pas

6 que les accusés dont nous avons donné les noms se trouvaient tous, à la

7 date du 16 avril 1993, mobilisés et au service actif de l'armée du HVO ?

8 M. le Président. - Avant que le témoin ne réponde, il y a une

9 objection de la part de Me Par.

10 M. Par (interprétation). - Monsieur le Président, je considère

11 que la question qui est liée à la date du 16 est une question suggestive.

12 Il faudrait tout simplement poser la question si l'on voit quelles étaient

13 les dates lors desquelles les personnes ont été mobilisées.

14 Par conséquent, je rejoins ma collègue Mme Glumac ; on voit que

15 la période de mobilisation s'est étendue entre le 16 et le 28. Par

16 conséquent, je fais objection, je considère qu'on ne peut pas demander si

17 le 16 ils ont été mobilisés, mais tout simplement voir à quel moment ces

18 personnes ont été mobilisées.

19 M. le Président (interprétation). - La question que le Procureur

20 a posée n'est pas si les accusés ont été mobilisés le 16, parce que bien

21 sûr le témoin ne le sait pas. Elle est basée sur le document en tout cas.

22 Donc l'objection ne peut être retenue. Je n'attacherai pas trop

23 d'importance à ce problème parce que, comme le Procureur vient de le dire,

24 il appartient à la Cour de décider, de lire le document et d'en déduire

25 toutes les fonctions nécessaires sur le plan de la logique.

Page 5079

1 Maître Radovic ?

2 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame

3 le Juge, Monsieur le Juge, en général les témoins sont interrogés sur les

4 circonstances qu'ils connaissent, et ce n'est pas leur point de vue qu'ils

5 doivent donner vis-à-vis d'un document. Par conséquent, si nous posons au

6 témoin la question de ce qu'il pense à ce moment-là, c'est en dehors de la

7 fonction du témoignage.

8 J'aimerais également attirer votre attention sur le fait, qui me

9 paraît tout particulièrement important, du document, alors que le

10 Procureur n'en tient pas compte lors de son contre-interrogatoire. Il pose

11 la question bien évidemment de son point de vue. Donc, il est dit de

12 manière expresse dans le document, que les personnes qui ont été

13 mobilisées ont été utilisées pour remplacer les autres personnes sur les

14 lignes de front ; elles ont été utilisées pour remplacer les personnes qui

15 se trouveraient déjà sur les lignes de front.

16 Par conséquent, ces personnes sont entrées dans la guerre après

17 le premier conflit qui a eu lieu avec les membres des unités

18 opérationnelles et professionnelles.

19 M. Terrier. - Monsieur le Président, si vous le permettez,

20 Me Radovic vient de dicter sa réponse au témoin. Je trouve cela tout à

21 fait désolant. Je me permets tout de même de reposer avec votre

22 permission, Monsieur le Président, une question au témoin sur ce document

23 qui paraît présenter une certaine importance dans le cadre de ce procès.

24 Monsieur Cilic, vous étiez très informé de la situation

25 militaire. Est-ce que ce document ne signifie pas qu'à la date du

Page 5080

1 16 avril, et en tout cas jusqu'au 28 avril, les personnes dont nous avons

2 cité les noms, qui sont accusées dans le cadre de ce procès, ont été

3 mobilisées au service actif de l'armée du HVO ?

4 M. Cilic (interprétation). - Je peux répondre partiellement, de

5 manière affirmative, à votre question. Je ne peux pas conclure de ce

6 document qu'ils ont été mobilisés le 16 également, mais je peux conclure

7 qu'ils avaient été mobilisés jusqu'au 28 avril.

8 M. Terrier. - N'est-il pas indiqué, dans la suite de ce

9 document, que la majorité de ces conscrits, mobilisés depuis le début des

10 hostilités, ont été directement versés sur la première ligne de défense ?

11 C'est la même page, Monsieur Cilic, juste la suite du texte.

12 M. Cilic (interprétation). - Oui, jusqu'à cette date-là et plus

13 tard également, on peut conclure qu'ils ont été versés pour remplacer les

14 soldats sur les premières lignes de front.

15 M. Terrier. - Je vous remercie. J'en ai terminé avec ce

16 document. Je voudrais aborder un autre point de votre témoignage.

17 Vous nous avez dit mercredi que vous aviez appris ce qui s'était

18 passé à Ahmici trois jours après, et que ce que vous aviez appris vous

19 avait profondément choqué. Vous avez parlé de ce qui s'est passé à Ahmici

20 comme étant un crime, c'est le mot que vous avez employé et qui figure au

21 transcript.

22 Je voudrais que vous nous disiez quelles informations vous avez

23 obtenues, qui vous ont conduit à penser qu'un crime avait été commis à

24 Ahmici ?

25 M. Cilic (interprétation). - Je pense que le troisième, ou peut-

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1 être le quatrième jour, un nombre de corps de Musulmans qui ont été tués à

2 Ahmici avait été échangé ; et notre télévision locale en avait parlé. Par

3 la suite, je pense qu'un de ces jours également, j'ai pu voir un rapport

4 de la CNN ou de BBC, je ne peux pas vous dire exactement, mais de toute

5 façon d'une maison étrangère, enfin de la télévision, qui avait parlé

6 justement de ce crime qui a eu lieu à Ahmici.

7 M. Terrier. - Est-ce que vous avez disposé d'autres informations

8 que celles qui ont été communiquées par la télévision ou par la radio ?

9 Vous-même étiez journaliste, spécialiste de l'information ; avez-vous

10 disposé d'autres faits que ceux-là ?

11 M. Cilic (interprétation). - Est-ce que vous pensez à Ahmici

12 concrètement, ou à la région de Vitez dans l'ensemble ? Car il y avait des

13 crimes...

14 M. Terrier. - Je pense au crime dont vous nous dites qu'il a été

15 commis à Ahmici spécifiquement.

16 M. Cilic (interprétation). - En ce qui concerne les informations

17 détaillées, je n'en ai pas disposé. D'ailleurs, je ne pouvais pas les

18 avoir étant donné que, après un tel événement très dur, toute la région a

19 été bloquée par le BRITBAT et la Forpronu. Par conséquent, on ne pouvait

20 pas s'y rendre, on ne pouvait pas faire les enregistrements, avoir

21 d'autres informations, faire les photos... Il n'y avait que des maisons

22 étrangères qui avaient accès, et pas toutes les maisons de presse.

23 M. Terrier. - Si je vous ai bien compris, Monsieur Cilic, vous

24 dites que le bataillon britannique stationné à Vitez a bloqué les accès à

25 Ahmici dans les jours qui ont suivi ?

Page 5082

1 M. Cilic (interprétation). - Oui. D'après les informations dont

2 je disposais moi, comme membre du HVO, et membre de la télévision, notre

3 télévision locale, de la radio, nous n'avions aucun accès à Ahmici.

4 M. Terrier. - Vous étiez tout de même très bien informé des

5 opérations militaires en cours à ce moment-là, le 16 avril, le 17 avril et

6 les jours qui ont suivi ?

7 M. Cilic (interprétation). - Je ne sais pas si j'étais bien

8 informé, mais il va sans dire que je savais un certain nombre de choses.

9 Et je devais le savoir.

10 M. Terrier. - Est-ce qu'on peut dire que vous étiez impliqué

11 dans l'action militaire ?

12 M. Cilic (interprétation). - Non. Heureusement, jamais.

13 M. Terrier. - Je vais vous soumettre, Monsieur Cilic, un autre

14 document.

15 M. Le Greffier. - Document 30/136.

16 Le témoin examine le document.

17 M. Terrier. - Monsieur Cilic, êtes-vous bien le signataire de ce

18 rapport ?

19 M. Cilic (interprétation). - Oui.

20 M. Terrier. - Etes-vous bien mentionné comme signataire en

21 qualité d'officier, duty officer ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-

23 moi mais il est très difficile de lire le texte en langue croate, c'est

24 pratiquement illisible. Il faudrait peut-être laisser un petit peu de

25 temps au témoin pour qu'il puisse lire le document, parce que c'est

Page 5083

1 pratiquement illisible en langue croate.

2 M. le Président. - D'accord.

3 M. Terrier. – Vous avez pris connaissance du document ?

4 M. Cilic (interprétation). - Oui.

5 M. Terrier. – Vous êtes donc signataire de ce document en tant

6 qu'officier de permanence, officier de service. Ce document est daté du

7 17 avril à 6 heures. Depuis quand étiez-vous officier de service ? A quel

8 jour et à quelle heure avez-vous pris votre service ?

9 M. Cilic (interprétation). - Je ne me serais pas souvenu de cela

10 si vous ne m'aviez pas soumis ce document, mais on peut conclure de ce

11 document qu'au cours du 17 j'ai été officier de service, donc c'était

12 entre le 16 dans la nuit et le 17 avril.

13 M. Terrier. – N'est-il pas du devoir d'un officier de service,

14 lorsqu'il prend ses fonctions, de s'informer de la situation sur le

15 terrain et de rassembler toutes les informations disponibles ?

16 M. Cilic (interprétation). - Pendant cette nuit, tout le

17 commandement de la brigade de Vitez se trouvait au siège du quartier

18 général, enfin du commandement. En ce qui me concerne, j'ai rédigé le

19 rapport, je l'ai signé, je ne dis pas que ce n'est pas vrai. Toujours est-

20 il qu'on peut en conclure que ce rapport a été rédigé sur la base des

21 informations et des données que nous avons reçues au cours de la nuit au

22 commandement. Ce rapport est le résultat de toutes ces informations que

23 nous avons obtenues, moi-même ainsi que les membres du commandement au

24 cours de la nuit.

25 M. Terrier. – Monsieur Cilic, puisqu'il ressort de ce document

Page 5084

1 que vous étiez finalement très étroitement impliqué dans l'action

2 militaire, je me demandais si, par ce moyen-là, vous n'aviez pas obtenu

3 des renseignements sur ce qui s'était passé à Ahmici.

4 M. Cilic (interprétation). – Non, je ne pouvais pas obtenir les

5 informations car j'étais membre du commandement de la brigade de Vitez qui

6 n'avait aucune activité ce jour-là à Ahmici.

7 M. Terrier. – Est-ce que d'autres responsables croates que vous-

8 même ont dit qu'un crime avait été commis à Ahmici ? En avez-vous le

9 souvenir ?

10 M. Cilic (interprétation). - Je ne peux pas parler au nom des

11 autres, mais je peux vous dire qu'aucun homme raisonnable ne pourrait

12 donner une autre caractéristique à un tel événement.

13 M. Terrier. – Avez-vous le souvenir qu'un responsable croate de

14 la région ait publiquement désigné les auteurs de ce crime ?

15 M. Cilic (interprétation). - Non, je ne me souviens pas.

16 M. Terrier. – Il va de soi que je ne parle pas de noms de

17 personnes, je parle d'unités militaires.

18 M. Cilic (interprétation). - En ce qui concerne cet événement

19 plus particulièrement du crime d'Ahmici, pendant une longue période, il y

20 a eu de nombreuses spéculations et des informations également ont été

21 diffusées au sujet de ce crime. Très franchement, je me dois de vous dire

22 que je n'aimerais pas moi-même me lancer dans de telles spéculations, je

23 n'avais jamais d'informations qui, pour moi, pourraient être véritablement

24 exactes sur qui avait été l'auteur de ce crime à Ahmici. Ce que je pouvais

25 dire expressément, c'est que ce n'étaient pas les membres de la brigade de

Page 5085

1 Vitez.

2 M. Terrier. – Je reviens à ce document dont vous êtes le

3 signataire intitulé "rapport de combat" daté du 17 avril à 6 heures du

4 matin, et j'appelle votre attention sur le troisième paragraphe. Avez-vous

5 pu le lire dans la version...

6 M. Cilic (interprétation). - Si je ne fais pas d'erreur, vous

7 pensez au paragraphe où l'on parle de Grbavica, de Mudjahidins…

8 M. Terrier. – Où l'on parle de Vrhovine, Santici, Ahmici.

9 Vrhovine est souligné à la main, Santici et Ahmici sont

10 soulignés à la main également. Il s'agit du troisième paragraphe.

11 M. Cilic (interprétation). – Oui, je le vois.

12 M. Terrier. – Vous avez pu procéder à une relecture ? Vous

13 l'avez relu ?

14 M. Cilic (interprétation). – Oui, mais difficilement.

15 M. Terrier. – Néanmoins, est-ce que l'on ne doit pas conclure de

16 ce paragraphe, dont vous êtes l'auteur, que vous avez reçu au cours de la

17 nuit qui précède la rédaction de ce rapport, c'est-à-dire au cours de la

18 nuit du 16 au 17 avril, des informations relatives à un mouvement des

19 forces musulmanes, mouvement dont vous concluez que ces forces vont faire

20 une tentative pour percer de Vhrovine en direction de Santici, Ahmici.

21 Ne doit-on pas conclure -je vous demande votre point de vue en

22 tant que rédacteur de ce document- qu'à la date et à l'heure où vous

23 écrivez, le 17 avril à 6 heures du matin, aucun combat ne s'est encore

24 produit dans la région d'Ahmici, Santici, pour le contrôle de la route

25 Vitez-Busovaca ?

Page 5086

1 M. Cilic (interprétation). - En ce qui concerne Ahmici, le crime

2 a eu lieu le 16, par conséquent on ne peut pas dire qu'il n'y avait aucun

3 combat à Ahmici jusqu'à cette période-là.

4 En ce qui concerne les termes qui ont été utilisés, ou plutôt ce

5 vocabulaire tout à fait professionnel, c'est pour moi assez étranger étant

6 donné que, pendant cette nuit, comme je l'ai déjà précisé, nous étions

7 tous, tous les membres au commandement, et ainsi il n'y avait pas un seul

8 officier de service, même si moi j’avais bien évidemment signé ce rapport.

9 Ce n'est pas pour cela que je veux me tirer et dire que ce n'est pas moi

10 qui avais signé, au contraire, mais il y en avait qui étaient beaucoup

11 plus compétents que moi pour les opérations et les questions militaires.

12 M. Terrier (interprétation). - Monsieur Cilic, permettez-moi

13 tout de même d’observer que d'abord, dans mon esprit, il y a déjà une

14 différence entre un combat et un crime, d'une part ; d'autre part vous

15 êtes journaliste de profession, spécialiste de l'information, vous

16 connaissez donc le langage et vous êtes aussi parfaitement informé de la

17 situation militaire, puisque vous êtes officier de service. Par

18 conséquent, il me semble que ce que vous écrivez a un sens, que ce que

19 vous écrivez est fondé sur les informations que vous avez recueillies, et

20 sans doute vérifiées, et ma question était : ce sens n'est-il pas, qu'à la

21 date où vous écrivez et à l'heure ou vous écrivez ce rapport, aucun

22 combat, -je parle de combat entre unités militaires, -ne s'est produit

23 dans la région de Santici Ahmici, pour la maîtrise de la route reliant

24 Vitez à Busovaca ?

25 M. Cilic (interprétation). - Les combats se poursuivaient sans

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1 relâche, avec plus ou moins d'intensité, et l'on ne peut certainement pas

2 dire qu'il y avait de longs intervalles ; là, je pense aux heures où il

3 n'y avait pas de combats dans cet région. Ici, on parle du regroupement de

4 forces, de regroupement beaucoup plus important, ce qui aurait pu conduire

5 au fait qu'on coupe la communication, ce qui était fort important pour

6 nous autres dans la vallée de la Lasva.

7 M. Terrier (interprétation). - Monsieur Cilic, puisque vous avez

8 été rédacteur de ce rapport et peut-être d'autres rapports de même type,

9 et que ce rapport porte une référence qui est un peu analogue aux

10 documents réservés au Tribunal qui ont été communiqués pendant votre

11 déposition, vous êtes sans doute familier de ces questions

12 administratives. Pouvez-vous nous expliquer quelle est la signification de

13 la référence, en vous reportant de nouveau au document dont vous êtes le

14 signataire, quelle est la signification de ce numéro d'ordre qui se trouve

15 en haut, au dessus de la date du document ?

16 Sur votre document, il s'agit du numéro 02-125-16 /93.

17 M. Cilic (interprétation). - Je vous ai déjà précisé lors de ma

18 déposition, ou plutôt à l'avocate, que je ne connaissais pas véritablement

19 la manière dont on procédait au moment où l'on enregistrait les

20 références. C'est moi qui avais signé, comme je l'ai déjà dit, le

21 document, et là il n'y a aucun doute.

22 M. Terrier (interprétation). - Je n'ai rien dit sur

23 l'authenticité ou la sincérité de ce document, je vous demande seulement

24 si vous pouvez expliquer comment cette numérotation a été réalisée, ce

25 qu'elle signifie. Y a-t-il une référence à un service, à une chronologie ?

Page 5088

1 Existait-il une suite numérotée des différents documents,

2 établie par l'officier de permanence ?

3 Comment ce numéro était-il porté ?

4 Si vous ne le savez pas, vous ne le savez pas, Monsieur Cilic.

5 M. Terrier (interprétation). - Je ne sais pas. Très sincèrement,

6 Monsieur le Procureur, il n'y a aucune raison pour que je ne vous donne

7 pas la réponse, mais je ne sais pas.

8 M. Terrier (interprétation). - Bien. Je voudrais que l'on

9 soumette au témoin la pièce D 39/ 2.

10 (Le témoin examine la pièce)

11 Monsieur Cilic, il s'agit d'un document que vous avez vu,

12 puisqu'il a été versé au dossier du Tribunal au cours de votre audition.

13 Je voudrais appeler votre attention sur le nom de Livancic Zeljo. Cette

14 personne est décédée. Il s'agissait d'un combattant de la brigade de

15 Vitez.

16 Savez-vous quand cette personne est décédée, et dans quelles

17 circonstances ?

18 M. Terrier (interprétation). - Je ne sais pas quand cette

19 personne est décédée, et je pense qu'il y a un point d'interrogation parce

20 que je me suis demandé s'il était membre de la brigade de Vitez.

21 M. Terrier (interprétation). - Je vais vous soumettre un autre

22 document, se rapportant à la même question, c'est-à-dire les victimes du

23 conflit qui étaient engagées dans le HVO.

24 M. Le Greffier. - Document 337.

25 Le témoin examine le document.

Page 5089

1 M. Terrier. - Monsieur Cilic, en vous reportant à la version en

2 langue croate, est-ce que vous pouvez nous dire si vous savez sous quelle

3 autorité ce document a été établi ?

4 M. Cilic (interprétation). - Il n'est pas difficile de voir que,

5 d'après l'en-tête, le document a été délivré par le bureau de la défense

6 de la municipalité de Vitez.

7 M. Terrier. - Est-ce que vous serez d'accord avec moi pour dire

8 que ce document est la liste des personnes membres du HVO qui ont été

9 tuées au cours du conflit ?

10 M. Cilic (interprétation). - Je dois exprimer une réserve, parce

11 que je crois que vous surestimez ma capacité à confirmer tous ces noms et

12 toutes ces dates ; parce que, par respect pour vous et pour les Juges, je

13 ne souhaite pas dire oui ou non sans véritablement savoir, je n'ai pas un

14 ordinateur dans la tête. Par conséquent, je ne peux pas vous donner de

15 réponses très détaillées. Mais cela dit, je ne vais pas remettre en

16 question la véracité de cette liste.

17 M. Terrier. - Monsieur Cilic, il va de soi que je ne vous

18 demande pas me de confirmer si toutes les indications portées dans ce

19 document sont authentiques ou non. Ce ne serait pas sérieux, bien entendu.

20 Donc rassurez-vous sur ce plan. Je fais seulement appel à votre

21 expérience de cette époque et à votre expérience professionnelle.

22 Vous avez identifié l'autorité sous laquelle ce document a été

23 établi et je voudrais simplement que nous le regardions ensemble sous

24 quelques-uns de ses aspects.

25 Je voudrais que vous m'indiquiez, puisque je me réfère à une

Page 5090

1 version en langue anglaise, si vous êtes d'accord sur le fait que sont

2 portés sur ce document, tout d'abord : à gauche un numéro ; ensuite un

3 nom ; ensuite l'année de naissance de cette personne ; ensuite la date de

4 sa mort ; ensuite le lieu de sa mort ; ensuite son lieu de résidence

5 habituel avant sa mort ; le lieu et la date, quelquefois la date, de son

6 inhumation ; et, dans certains cas, un commentaire sur sa personnalité ou

7 sur les circonstances de sa mort.

8 J'appelle votre attention, il est peut-être délicat d'employer

9 des numéros mais à la page 3 de votre document, il y a un nom au regard du

10 numéro 160.

11 Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ce nom est celui de

12 Livancic Josezaljo ?

13 M. Cilic (interprétation). - Oui.

14 M. Terrier. - Etes-vous d'accord avec moi pour dire que, selon

15 ce document, cette personne est décédée le 18 avril 1993 à Kuber ; elle

16 était originelle de Santici ?

17 M. Cilic (interprétation). - Bien que les dates semblent avoir

18 été corrigées, je pense que c'est lisible et je pense qu'il s'agit du

19 18 avril.

20 M. Terrier. - Je ne pense pas que cette date a été corrigée, je

21 pense qu'elle a été surlignée sur l'original et que la trace s'en trouve

22 encore sur la photocopie. Je précise que ce document a été communiqué par

23 la défense du colonel Blaskic dans le cadre du procès Blaskic.

24 Je voudrais appeler votre attention maintenant sur la page 8 de

25 ce même document. Au regard des numéros 413 et 414, figurent deux noms.

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1 Selon les indications de ce document, ces deux personnes sont toutes les

2 deux décédées le 18 avril 1993 à Kuber. Toutes les deux étaient

3 originaires de Santici. Sommes-nous d'accord ?

4 M. Cilic (interprétation). - Une petite correction cependant :

5 ces personnes sont portées disparues, elles n'ont jamais été retrouvées.

6 Elles ne sont pas nécessairement décédées.

7 M. Terrier. - Doit-on conclure, peut-on conclure,

8 Monsieur Cilic, de ce document, qu'un affrontement s'est effectivement

9 produit à Kuber mais à la date du 18 avril 1993 ?

10 M. Cilic (interprétation). - A Kuber, et c'est quelque chose

11 dont j'ai parlé au cours de mon témoignage, Kuber était l'un des villages

12 les plus importants dans la région puisqu'il surplombait Zenica, Busovaca

13 et Vitez, mais le premier conflit, les premières blessures à des soldats

14 dans la région de Kuber, des soldats croates, les premières blessures ont

15 été enregistrées le 15 avril 1993 dans l'après-midi. A l'époque déjà

16 l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé une attaque armée, a provoqué des

17 incidents graves et a blessé deux soldats. Je n'en suis pas certain, mais

18 je crois que l'un des deux soldats a succombé à ses blessures, mais cela,

19 je ne peux pas en être tout à fait sûr.

20 Je dois dire également que, dès le premier jour du conflit,

21 lorsque le conflit s'est aggravé le 16 avril, les forces musulmanes ont

22 pris le contrôle du sommet de Kuber qui avait été contrôlé principalement

23 jusque là par des unités de Busovaca, mais également par des unités plus

24 petites venant de Vitez. L'armée de Bosnie-Herzégovine a également pris le

25 contrôle de Brdo qui est également un endroit important au nord de la

Page 5092

1 municipalité et a expulsé les habitants croates et a mis le feu à des

2 maisons croates.

3 Si nous ajoutons que, le même jour, un point stratégique, le

4 village de Poculica a été pris par les forces musulmanes, et d'ailleurs,

5 au cours de cette attaque plusieurs civils ont été tués et de nombreuses

6 maisons croates ont été incendiées, le 16 les forces musulmanes avaient

7 pris le contrôle des points les plus stratégiques dans le nord de la

8 municipalité de Vitez, par conséquent, déjà à cette date, la vallée de la

9 rivière Lasva ou plutôt le territoire de la municipalité de Vitez était,

10 disons, facile à obtenir, en tout cas ils y étaient presque.

11 M. Terrier. – Monsieur Cilic, comment se fait-il dans ces

12 conditions, que, dans ce document, -vous pouvez me croire ou ne pas me

13 croire- mais le document est à la disposition des Juges du Tribunal et de

14 chacun des avocats, on ne peut trouver aucune victime qui aurait été

15 touchée le 15 ou le 16 avril à Kuber, qu'en revanche, nous avons mention

16 de trois personnes victimes d'affrontements le 18 avril à Kuber ?

17 Comment se fait-il que si l'on examine tous ceux qui ont été

18 victimes à la date du 16 avril, on trouve trois noms ? Personne n'a été

19 victime, aucun membre du HVO n'a été victime des combats, s'il y a eu des

20 combats à Ahmici ou à Kuber.

21 Ne doit-on pas penser, compte tenu des indications qui figurent

22 dans ce document dont vous avez identifié l'origine qu'en réalité, ce qui

23 nous a été présenté comme s'étant produit le 15 ou le 16 avril, c'est-à-

24 dire le jeudi ou le vendredi, s'est en réalité produit le dimanche ou le

25 lundi, le 18, ou le 19 avril ?

Page 5093

1 M. Cilic (interprétation). - D'après les informations que j'ai

2 obtenues, les deux personnes que vous venez de mentionner, Grgic et

3 Livancic, je crois, ces deux personnes ont disparu le 16. Cependant, leur

4 disparition n'a été signalée que le 18. Par conséquent, c'est ce jour qui

5 a été enregistré comme étant le jour de leur disparition. Vous savez, dans

6 ces circonstances, alors que la guerre faisait rage de plus en plus

7 violemment, les informations arrivaient à ces organisations de façon

8 quelque peu inopportune, elles n'étaient pas toujours correctes. Il y a

9 certainement un nombre important d'erreurs dans ces documents, il faudra

10 un certain temps avant de pouvoir les corriger toutes.

11 M. Terrier. – Je voudrais, et j'en aurai presque terminé,

12 aborder un autre point de votre déposition. Vous avez parlé de votre

13 rencontre avec le Docteur Mujezinovic. Il se trouve que le

14 Docteur Mujezinovic a été témoin au Tribunal de La Haye dans le cadre de

15 deux procédures : la procédure suivie contre Tihomir Blaskic et la

16 procédure suivie contre Anto Furundzija. Dans les deux cas, il a relaté

17 effectivement cette rencontre avec Mario Cerkez dont vous avez été le

18 témoin direct, mais, -et c'est là que je voudrais connaître votre point de

19 vue et faire appel à vos souvenirs- dans les deux cas, le

20 Docteur Mujezinovic n'a pas relaté les mêmes faits que vous.

21 Si vous me permettez très rapidement de résumer son témoignage

22 et de souligner les points importants de sa déclaration, selon le

23 Docteur Mujezinovic, il s'est produit ceci : le lundi 19 avril 1993, il se

24 trouvait très tôt le matin à l'hôpital pour soigner les blessés ou les

25 malades dont il avait la charge, et il a été interpellé par des soldats du

Page 5094

1 HVO. Il a été conduit au cinéma, au complexe cinéma dont vous nous avez

2 parlé, et présenté à Mario Cerkez. Lors de cette comparution du

3 Dr Mujezinovic, vous étiez présent en même temps que d'autres personnes

4 appartenant au HVO. Vous vous trouviez en uniforme, vous portiez l'insigne

5 du HVO. Est-ce que jusque là c'est exact ?

6 Quelle ont été la raison et le sens de cette entrevue entre le

7 Dr Mujezinovic et Mario Cerkez. Selon le Dr Mujezinovic, Mario Cerkez a

8 dit ceci, il a demandé au Dr Mujezinovic : "Avez-vous entendu parler

9 d'Ahmici ?", - nous sommes le 19 avril, le lundi, le crime d'Ahmici s'est

10 produit le vendredi précédent - "Avez-vous entendu parler d'Ahmici ?". Le

11 Dr Mujezinovic répond que oui, effectivement, en tout cas qu'il a des

12 informations sur ce qui s'est passé.

13 A ce moment-là, Mario Cerkez dit : "Vous devrez faire ce que

14 nous vous dirons de faire". Mario Cerkez demande au Dr Mujezinovic

15 d'appeler certaines de ses connaissances, en particulier des responsables

16 musulmans, pour leur dire que si l'armée de Bosnie avance en direction de

17 Vitez, ils doivent savoir que lui, Mario Cerkez et le HVO, disposent de

18 2 223 musulmans capturés, notamment des enfants et des femmes, et qu'il

19 les tuera tous.

20 Est-ce exact ? Est-ce que Mario Cerkez a bien dit cela au

21 Dr Mujezinovic en votre présence ?

22 M. Cilic (interprétation). - Oui. En fait, je n'étais pas

23 présent, moi, quand cette conversation a eu lieu. Mario n'a pas dit cela

24 au Dr Mujezinovic.

25 Au début de votre résumé, quelle que soit la façon dont est

Page 5095

1 arrivé Muhammed au commandement, les choses étaient un peu différentes

2 parce qu'il n'a pas été amené du centre...

3 M. Terrier. - Pardonnez-moi, il ne me semble pas que vous

4 puissiez dire en même temps que vous n'étiez pas présent lors de cette

5 conversation et dire que Mario Cerkez n'a pas dit cela. Soit vous étiez

6 présent et vous savez ce qui s'est dit, soit vous n'étiez pas présent et

7 vous ne savez pas ce qui s'est dit.

8 M. Cilic (interprétation). - J'ai dit que je n'étais pas présent

9 au cours de la réunion lorsque de telles paroles ont été prononcées. Peut-

10 être y a-t-il eu une autre réunion, une autre rencontre, mais je sais très

11 bien ce qui s'est passé puisque j'ai dit très clairement que Muhammed

12 était un de mes amis et que je me suis tourné vers Muhammed, et c'est

13 pourquoi je me souviens de tous les détails. Par conséquent, je vous

14 demande instamment de bien m'écouter lorsque je dis que le Pr Mujezinovic

15 n'a pas été amené devant Mario Cerkez du centre médical. Peut-être ceci

16 s'est-il produit un autre jour. En fait, il a été amené du complexe du

17 cinéma où il avait passé la journée en détention et, sur mon insistance

18 auprès de Mario Cerkez (en effet, je lui ai parlé deux fois), il a convenu

19 que le Pr Mujezinovic pouvait être amené à partir du cinéma, qu'il pouvait

20 s'entretenir avec lui et qu'il pouvait repartir chez lui. Le lendemain,

21 d'ailleurs, Muhammed est allé travailler au centre médical.

22 Donc, je vous demande, Monsieur le Procureur, de ne pas croire

23 que j'essaie d'éviter de répondre à vos questions. Je dis

24 qu'effectivement, il y a peut-être eu une autre rencontre entre Mario et

25 le Pr Mujezinovic à laquelle je n'ai pas assisté parce de telles menaces

Page 5096

1 et de telles paroles n'ont pas été proférées par Mario en ma présence

2 lorsqu'il a parlé au Pr Mujezinovic.

3 M. Terrier. - Je ne faisais que rappeler des déclarations faites

4 à deux reprises devant ce Tribunal, une formation de ce Tribunal, par le

5 Dr Mujezinovic selon lesquelles ces propos on été tenus en votre présence

6 et d'autres personnes dont il cite les noms, vous-même vous trouvant en

7 uniforme avec l'insigne du HVO.

8 Et le Dr Mujezinovic continue son récit de cette manière :

9 Mario Cerkez demande au Dr Mujezinovic de prendre un certain nombre de

10 contacts avec différents responsables musulmans pour les informer de cette

11 menace de tuer tous les otages, en quelque sorte, et vous confie le soin à

12 vous, Monsieur Cilic, de mener matériellement ces discussions. Et c'est ce

13 que vous faites. Le Dr Mujezinovic prend contact avec différents

14 responsables musulmans, leur transmet la menace proférée par Mario Cerkez

15 de tuer les otages, et M. Mujezinovic, accompagné par vous-même, doit se

16 rendre au centre de détention (nous sommes toujours le lundi 19 avril)

17 pour réunir un groupe de musulmans qui seraient chargés de négocier, si

18 l'on peut appeler cela négocier, avec les autorités du HVO.

19 A ce moment-là dans le cinéma se trouvent à peu près

20 300 personnes qui sont détenues. C'est exact ?... Si quoi que ce soit que

21 j'ai dit et inexact, vous le relevez et vous le dites au Tribunal.

22 M. Cilic (interprétation). - Merci, merci beaucoup. J'allais

23 vous demander quelque chose, si vous me le permettez. Je voudrais pouvoir

24 faire part de mes sentiments quant à la situation et les événements qui se

25 sont produits.

Page 5097

1 Moi, j'ai ramené le Pr Mujezinovic à partir du cinéma au

2 commandement de la Brigade, donc en fait à l'étage supérieur. Le

3 Dr Muhammed a serré la main de façon très cordiale au commandant de la

4 brigade de Vitez, Mario Cerkez. Il a bu un verre d'une boisson forte. Moi

5 je n'ai pas bu, parce que je ne prends pas d'alcool ; et il a pris

6 également une tasse de café. Ensuite ils ont parlé d'un rapport diffusé

7 par la télévision de Sarajevo ce jour-là, à savoir qu'un médecin

8 important, renommé, un spécialiste dans son domaine, un citoyen modèle et

9 un personnage important du SDA, le docteur Mujenizovic, avait été tué à

10 Vitez le jour même. Il n'avait pas entendu parler de cette nouvelle.

11 Aucune référence n'a été faite, en ma présence, à Ahmici et je

12 suis resté pendant toute la réunion avec les deux hommes, à partir du

13 moment même où le docteur Mujezinovic est rentré dans le bâtiment du

14 commandement, jusqu'au moment où il est reparti chez lui et non plus en

15 détention, au cinéma.

16 Les responsables des autorités politiques de Vitez et

17 Mario Cerkez ont demandé au docteur Muhamed, étant donné son prestige dans

18 différents groupes politiques et militaires, et notamment parmi les

19 citoyens simples, ont demandé donc qu'il utilise son influence, afin de

20 permettre une cessation du pilonnage dans les zones habitées, notamment

21 dans le centre-ville.

22 En effet, à l'époque on pensait qu'il y avait une certaine

23 menace. Certaines des personnes qui étaient parties de Zenica, qui avaient

24 perdu des parents proches, pourraient provoquer des incidents relativement

25 graves parce que, à deux ou trois endroits différents, de grands groupes

Page 5098

1 de Musulmans ont été maintenus en détention. Mais jamais il n'a été dit

2 que quiconque tuerait intentionnellement des personnes, des habitants, si

3 le pilonnage avait cessé.

4 Et c'est pourquoi je prononce ces mots de façon tout à fait

5 sincère.

6 M. le Président - Avez-vous d'autres questions ?

7 M. Terrier (interprétation). - J'ai pratiquement terminé,

8 Monsieur le Président. Cinq minutes.

9 Donc vous dites que vous étiez présent, mais que Mario Cerkez

10 n'a pas employé les menaces que rapporte le docteur Mujenizovic ?

11 Le docteur Mujenizovic dit encore -et j'aimerais votre point de

12 vue très rapidement, c'est peut-être un peu éloigné de notre sujet- que

13 dans ce cinéma, se trouvaient 300 personnes détenues, 300 Musulmans, dans

14 des conditions qu'il a jugées extrêmement difficiles, c'est-à-dire dans un

15 local à charbon, beaucoup de ces personnes se trouvant malades.

16 Il dit qu'il a fait une fait une liste de 20 personnes qu'il

17 convenait de libérer immédiatement, compte tenu de leur état de santé

18 difficile.

19 M. le Président (interprétation). - Objection de la part de

20 Me Glumac.

21 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

22 du mal à suivre M. le Procureur. Il utilise le témoignage donné dans une

23 autre affaire, il cite des passages, il en lit d'autres, il est assez

24 difficile de suivre ses questions, parce que nous ne connaissons pas

25 l'intégralité de cette déclaration par conséquent nous avons du mal à

Page 5099

1 suivre. On ne nous a pas signalé que le témoignage d'un autre témoin

2 allait être utilisé, témoignage fait dans une autre affaire de façon aussi

3 détaillée. Par conséquent, le témoin et nous-mêmes avons du mal à suivre.

4 Je ferai donc objection à la méthode utilisée par le Procureur.

5 Excusez-moi, le témoin a déjà relaté en détail sa rencontre avec

6 le docteur Mujezinovic, il s'agit donc d'une répétition. Il est fait

7 également référence à un témoignage que nous ne connaissons pas et que

8 nous n'avons pas à notre disposition. Merci.

9 (Les Juges se consultent sur le Siège)

10 M. le Président - Nous considérons que comme, en effet,

11 Me Glumac a raison, la défense n'a pas pu avoir, si j'ai bien compris, le

12 texte de ce témoignage donné par le docteur Mujezinovic dans un autre

13 procès. Donc si vous comptez continuer sur cette ligne de questions, il

14 faudrait passer à la défense les témoignages pertinents. Mais allez-vous

15 insister sur ce point ou pourriez-vous, peut-être, conclure votre

16 interrogatoire ?

17 M. Terrier (interprétation). – Monsieur le Président,

18 l'accusation se trouve dans la situation suivante : au cours de son

19 audition, le témoin M. Cilic a relaté une rencontre avec le docteur

20 Mujezinovic, qui est une rencontre que l'accusation juge importante et

21 significative de la situation qui régnait à l'époque.

22 Il se trouve que le docteur Mujenizovic, à deux reprises, dans

23 le cadre de deux procédures différentes, a relaté la même rencontre en des

24 termes évidemment différents. Je me réfère à l'une des déclarations qu'il

25 a faites, la déclaration qu'il a faite dans le cadre de la procédure

Page 5100

1 suivie contre M. Blaskic et bien entendu, peut-être pourrions-nous

2 suspendre quelques instants ; je communiquerai, pendant ce temps-là, à la

3 défense, le contenu de cette déclaration de manière à ce que les droits

4 des avocats puissent s'exercer pleinement.

5 M. le Président (interprétation). - En effet, mais nous n'allons

6 pas suspendre la séance pour quelques instants, mais pour trente minutes.

7 La séance, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures 15.

8 (L'huissier remet les pièces au témoin)

9 M. Le Greffier. - Document 338.

10 M. Terrier. - Il s'agit donc, Monsieur le Président, du

11 transcript de la déposition du Dr Mujezinovic faite le 20 août...

12 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, nous

13 venons de recevoir à l'instant le transcript contenant la déposition du

14 Dr Mujezinovic. Afin de pouvoir suivre le cours du contre-interrogatoire,

15 nous devrions avoir la possibilité de le lire autrement ; c'est comme si

16 nous ne l'avions pas reçu du tout.

17 M. Terrier. - Je pense que cela peut être effectivement réalisé

18 de manière très rapide. Puis-je indiquer, Monsieur le Président, aux

19 avocats de la défense que le passage qui nous intéresse est le suivant : à

20 compter de la ligne 22, de la page 1 704, le Dr Mujezinovic relate ce qui

21 lui est arrivé le lundi 19 avril.

22 A compter de la page 1 706, ligne 8, il relate ce que

23 Mario Cerkez lui a dit, en présence de M. Cilic. La présence effective de

24 M. Cilic est mentionnée par M. Mujezinovic page 1 705, ligne 17.

25 De cette manière, les avocats de la défense vont pouvoir très

Page 5101

1 rapidement prendre connaissance de ce document.

2 M. le Président. - D'accord, donc on donne aux avocats de la

3 défense un peu de temps ; et entre temps le témoin a-t-il reçu le texte,

4 mais en anglais ?

5 M. Terrier. - Il a le texte, mais en anglais, Monsieur

6 le Président ; nous n'avons pas, évidemment, comme vous le savez, de

7 transcript en langue croate.

8 M. le Président. - Il faudra peut-être lire les passages

9 pertinents comme cela, de manière à lui permettre de suivre dans la

10 traduction croate.

11 M. Terrier. - Monsieur le Président, à moins que vous le

12 souhaitiez bien entendu, je n'entendais pas revenir sur ce dont nous avons

13 déjà parlé, c'est-à-dire ce qu'a dit Mario Cerkez en sa présence ou en

14 dehors de sa présence, le témoin nous a dit quel était son souvenir. Le

15 témoin ne confirme pas la déclaration faite par le Dr Mujezinovic, je

16 n'entends pas insister outre mesure sauf si vous souhaitez que je revienne

17 sur cette question.

18 M. le Président. - Non.

19 M. Terrier. - Je souhaitais simplement aller un peu plus loin

20 dans ces rencontres entre M. Cilic et le Dr Mujezinovic, et évoquer la

21 question des prisonniers musulmans qui se trouvaient réunis au cinéma.

22 Cette question est mentionnée, évoquée à partir de la page 1 709 du

23 transcript.

24 A l'intention de M. Cilic, avec votre permission Monsieur

25 le Président, et pendant que les avocats prennent connaissance de ce

Page 5102

1 transcript, je vais peut-être résumer ce qu'a dit le Dr Mujezinovic, donc

2 sous le contrôle de vous-même, de Mme et MM. les Juges et de Mmes et

3 MM. les avocats.

4 M. Cilic dit que le Dr Mujezinovic s'est donc rendu dans le

5 sous-sol de ce complexe cinéma et y a découvert qu'étaient détenus à cet

6 endroit, dans un local à charbon, un très grand nombre de personnes. Il

7 cite, je crois, le nombre de 300 personnes, page 1 710, ligne 14. Il dit

8 que parmi ces 300 personnes, qui se trouvaient donc, le lundi 19 avril,

9 réunies, détenues dans ce local, se trouvait un certain nombre de

10 personnes malades, et chroniquement malades.

11 Le Dr Mujezinovic dit qu'il a dressé une liste de ces personnes

12 malades et il dit, page 1 710, ligne 20, que parce qu'il savait que vous

13 étiez un travailleur social il vous a donné cette liste de 20 personnes

14 chroniquement malades, en vous demandant de les libérer. Il dit qu'il ne

15 sait pas si cela a été fait.

16 Et ma question est simplement celle-ci : vous souvenez-vous que

17 le Dr Mujezinovic a établi cette liste de 20 personnes détenues, malades,

18 qu'il fallait libérer et qu'il vous l'a donnée ? Est-ce que vous vous en

19 souvenez ?

20 M. Cilic (interprétation). - Oui, je sais que le docteur

21 Mujezinovic a fourni une liste. En fait, il a demandé à Mario Cerkez

22 l'autorisation de constituer cette liste. C'est ce qu'il a fait, il a

23 remis la liste à Mario Cerkez. J'étais présent au moment où il a dressé et

24 au moment où il a remis cette liste à Mario Cerkez. Pour la plupart de ces

25 personnes figurant sur la liste, je dois dire que je les connaissais

Page 5103

1 auparavant.

2 M. Terrier. - Donc ce n'est pas vous-même à qui le

3 docteur Mujezinovic a remis cette liste, mais à Mario Cerkez directement.

4 Ce n'est pas à vous ?

5 M. Cilic (interprétation). - Au commandant Mario.

6 M. Terrier. - Est-ce que ces personnes ont été libérées ?

7 M. Cilic (interprétation). - Pour autant que je m'en souvienne,

8 dès le lendemain matin une partie de ces personnes ont été libérées. Pour

9 un certain nombre d'autres, des médecins ont été appelés, des médecins qui

10 avaient des spécialités correspondantes, ils sont venus du dispensaire ;

11 et puis quant à certains autres qui avaient demandé des soins médicaux,

12 ils ont été examinés au complexe du cinéma. Il me semble que trois ou

13 quatre d'entre eux sont restés sur place, sans être libérés.

14 M. Terrier. - Il me semble que vos souvenirs diffèrent donc de

15 ceux de Mujenizovic, mais je vais avancer parce que nous nous trouvons là

16 un peu à la périphérie du procès.

17 En revanche, ce que je voudrais que vous confirmiez ou que vous

18 démentiez, c'est cette déclaration de M. Mujenizovic selon laquelle...

19 Cette déclaration se trouve reportée page 1713, à compter de la ligne du

20 bas de la page, de la ligne 23. Le docteur Mujenizovic dit que, le

21 lendemain -il a été donc détenu pendant cette nuit du 19, du lundi au

22 mardi-, il a été présenté à Ivan Santic et Pero Skopljak. Ivan Santic et

23 Pero Skopljak lui ont tous les deux répété la menace qui était celle du

24 HVO, c'est-à-dire que tous les otages seraient tués si les Musulmans

25 continuaient d'avancer. Ils ont demandé à Mujezinovic de signer un

Page 5104

1 document commun, que M. Mujezinovic a finalement accepté de signer, à la

2 date qui était celle de ce jour, c'est-à-dire le 20 avril 1993, le mardi

3 20 avril.

4 Est-ce que vos informations confirment votre connaissance des

5 faits, confirment cette déclaration du docteur Mujezinovic ?

6 M. Cilic (interprétation). - L'entretien qui a eu lieu entre les

7 Musulmans les plus éminents de Vitez, et qui ont été détenus au cinéma, je

8 peux me souvenir de quelques noms, dont Fuad Kaknjo, Président du comité

9 exécutif de la municipalité de Vitez au sein du gouvernement conjoint, et

10 plus tard au sein du gouvernement musulman ; puis un Musulman éminent et

11 un homme d'affaires respecté, Gerim Muazem , le directeur du centre

12 scolaire Nuraga Mulahalilovic ; un professeur dans ce centre scolaire

13 d'enseignement secondaire, Kadir Dzidic. Par ailleurs, cet homme est le

14 frère du commandant des forces armées de l'armée de Bosnie-Herzégovine à

15 Vitez, de Sefkija Dzidic.

16 Sivro Bahtija, ensuite, qui est ingénieur en électricité, qui

17 est un homme éminent, citoyen musulman et représentant du peuple musulman.

18 Un certain nombre d'entre eux, ainsi que le docteur Mujezinovic, qui à

19 l'époque n'étaient pas détenu mais se trouvaient au dispensaire, ont

20 demandé qu'un entretien soit organisé avec Pero Skopljak et Ivica Santic.

21 Moi, j'ai joué le rôle du médiateur. En principe, j'ai convenu

22 avec Ivica Santic et Pero Skopljak que cette réunion se tienne ; je ne me

23 souviens pas exactement mais je pense que c'était vers 22 heures car, à ce

24 moment, ils prévoyaient d'avoir suffisamment de temps pour pouvoir se

25 rendre à la réunion qui devait se tenir dans un bureau du foyer croate.

Page 5105

1 Les Musulmans que je viens de mentionner, c'est moi-même qui les

2 ai invités, et c'est le docteur Muhamed lui aussi qui a été invité. Nous

3 étions donc dans ce bureau, moi sans aucune obligation si ce n'est une

4 obligation morale et amicale, face à eux, et eux en attendant

5 Pero Skopljak et Ivica Santic.

6 Vu qu'ils étaient tous des gens que je connaissais bien, mes

7 fréquentations, mes concitoyens, et docteur Muhamed était également un

8 très bon ami à moi, Gerim Muazem, sa fille et ma fille étaient des copines

9 d'école, les meilleures copines... Je ne voulais pas les abandonner. Donc,

10 j'attendais l'arrivée d'Ivan Santic et de Pero Skopljak jusqu'au matin, à

11 cinq heures, bien que j'étais libre ce soir-là, et j'aurais pu me rendre

12 chez moi pour me coucher. Mais par solidarité avec eux je suis resté, je

13 leur ai apporté des cigarettes, je leur ai apporté du café et je suis

14 resté à attendre avec eux toute la nuit.

15 Le lendemain matin -et, paraît-il, ils n'auraient pas pu le

16 faire plus tôt à cause des entretiens avec des représentants de la

17 communauté internationale, avec certains représentants militaires - donc

18 Pero Skopliak et Ivica Santic, quand ils sont arrivés à cinq heures du

19 matin, je suis rentré chez moi pour me reposer et dormir pour deux heures

20 au moins. Donc, je n'ai pas assisté à cet entretien entre les deux

21 responsables croates et les deux éminents Musulmans de Vitez.

22 M. Terrier. - Je vous remercie, Monsieur Cilic. Je vais vous

23 soumettre un dernier document.

24 M. le Greffier. - Document 339.

25 (Le document est remis au témoin et aux Juges.)

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1 M. Terrier. - Monsieur Cilic, avez-vous le souvenir de cette

2 déclaration, déclaration commune signée, semble-t-il, par M. Ivica Santic,

3 représentant la communauté croate, et le Dr Mujezinovic, représentant la

4 communauté des Musulmans ?

5 M. Cilic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

6 M. Terrier. - Le Dr Mujezinovic a indiqué dans quelles

7 conditions il avait été conduit à signer cette déclaration commune le

8 20 avril 1993, alors qu'il se trouvait détenu depuis la veille au matin.

9 J'appelle en particulier votre attention, Monsieur Cilic, sur le

10 paragraphe 4 de cette déclaration. Ce paragraphe 4, Monsieur Cilic,

11 stipule que le plan Vance-Owen doit être appliqué à Vitez et dans la

12 province numéro 10, avant même que le plan soit signé par la partie serbe.

13 Est-ce exact ?

14 M. Cilic (interprétation). - Je n'ai aucune remarque à faire

15 concernant le contenu de ce document, et je pense qu'effectivement c'était

16 sa forme originale.

17 M. Terrier. - Je vous remercie.

18 Alors j'ai peut-être une dernière question à vous poser,

19 Monsieur Cilic. Ne pensez-vous pas que, dans le chaos de ces journées

20 d'avril 1993 en Bosnie centrale, il n'y a pas tout de même un sens logique

21 lorsque l'on constate qu'un état s'est constitué, sur la base d'une

22 idéologie de la partition ethnique, qu'une opportunité se présente lors

23 des négociation de Genève à la fin de l'année 1992 pour que cet état

24 puisse revendiquer et garantir un territoire, que l'ultimatum dont j'ai

25 parlé, dont vous avez dit ignorer l'existence, menace la partie musulmane

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1 de prendre de force le territoire et d'appliquer le plan de Genève si, à

2 la date du 15 avril, elle n'a pas retiré ses forces. Que dans ce mois

3 d'avril 1993... Et je me réfère à une déclaration qu'a faite ici le

4 Colonel Watters qui a été, je crois, le premier témoin de l'accusation.

5 Le Colonel Watters a dit que, dans ces journées d'avril, il y

6 avait pour le HVO une fenêtre d'opportunité tenant à ce que les forces

7 musulmanes étaient occupées sur le front contre les Serbes, et tenant

8 aussi à ce que les médias internationaux étaient occupés à Tuzla, absents

9 de la région.

10 Et l'on sait qu'une guerre aujourd'hui se gagne sur le terrain

11 et à la télévision, ou se perd à la télévision. Ne pensez-vous pas, en

12 rassemblant tous ces éléments, que ce chaos a finalement un sens assez

13 clair qui est celui de l'action menée par le HVO pour se garantir un

14 territoire ethniquement pur ?

15 M. Cilic (interprétation). - Ce que je pense, c'est que cette

16 déclaration ne va absolument pas dans ce sens-là. En connaissant

17 parfaitement bien Ivan Santic, l'homme qui a connu des difficultés

18 considérables avec les Croates pour s'être montré très tolérant à l'époque

19 où la tolérance n'était plus de mise, ainsi qu'en connaissant bien

20 Pero Skopljak qui a toujours cherché les négociations et non pas la

21 violence, je n'arrive pas à croire que cette déclaration va dans le sens

22 que vous venez d'énoncer.

23 Par ailleurs, Ivan Santic et Pero Skopljak n'étaient pas des

24 hommes politiques, du moins pas de niveau ou de renommée tels qu'ils

25 auraient pu prendre des décisions comparables ou les mettre en oeuvre.

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1 Cette déclaration correspond davantage aux tentatives d'Ivan Santic de

2 préserver la paix à Vitez. Nombreux sont ceux qui ont dit qu'Ivan Santic

3 était vraiment quelqu'un qui se distinguait par l'utopie : il voulait

4 créer une oasis de paix sur place, alors qu'il était clair que l'on ne

5 pouvait pas imaginer une oasis de paix en Bosnie à ce moment.

6 M. Terrier. - Monsieur Cilic, je vous remercie je n'ai pas

7 d'autres questions à poser. Je demande que soit versées au dossier du

8 Tribunal les pièces 332 à 339.

9 M. le Président (interprétation). - Y a t-il des objections ?

10 Mme Glumac (interprétation). - J'ai une objection à émettre

11 concernant la pièce 333. Il s'agit de la dépêche de Reuter, il n'y a

12 aucune trace de l'authenticité sur cette dépêche. Nous ne savons pas si

13 nous pouvons l'accepter et par ailleurs, le témoin n'a pas reconnu la

14 teneur de ce document.

15 J'objecte également à ce que soit versée au dossier la pièce (je

16 ne sais pas si j'ai bien noté) 334 d'après ma numérotation. Il s'agit d'un

17 rapport opérationnel sur la situation à 6 heures du matin. Il s'agit donc

18 d'un rapport qui a été rédigé par le commandement de la brigade Jura

19 Francetic. Le greffier pourrait-il m'aider ? Je ne sais pas si j'ai la

20 bonne cote.

21 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est bien la

22 pièce 334.

23 Et sur quelle base objectez-vous à ce que soit versée au dossier

24 la pièce 334 ?

25 Mme Glumac (interprétation). - Le témoin n'a pas reconnu le

Page 5109

1 contenu de ce document non plus. Il a dit qu'il n'avait pas connaissance

2 de ce document, qu'il ne connaissait rien quant à sa teneur et il n'y a

3 aucune confirmation de l'authenticité sur le document lui-même. Je vous

4 remercie.

5 (Les juges se consultent sur le siège.)

6 M. le Président (interprétation). - Les deux documents seront

7 versés au dossier mais ce sera au Tribunal de décider du poids qui leur

8 sera accordé. Quant à la dépêche de Reuter, il s'agit évidemment

9 simplement d'une dépêche de presse, donc nous devons tenir compte de cela

10 également.

11 Mais je voudrais demander au Procureur s'il a pris sa décision

12 finale quant aux documents qui ont été proposés par la défense D 35 40/2.

13 41-42/ 2.

14 M. Terrier (interprétation). - Monsieur le Président,

15 s'agissant de ces documents, il se trouve que nous n'avons aucune

16 explication sur le procédé de numérotation. J'espérais que le témoin

17 pourrait nous donner une explication sur la façon dont ces documents

18 étaient répertoriés, cela n'a pas été le cas. Il se trouve que le contenu

19 même de ces documents est parfaitement contradictoire avec ce que nous

20 avons appris de la situation par le témoignage reçu devant ce Tribunal des

21 officiers britanniques en poste à Vitez. En conséquence, il me semble que

22 subsiste, compte tenu de ce défaut d'explication et ces incohérences, un

23 doute, peut-être, sur l'authenticité et en tout cas sur la date à laquelle

24 ces documents ont été émis, et je souhaite que votre Tribunal me permette

25 de réserver ma position jusqu'à ce qu'un autre témoin puisse nous donner

Page 5110

1 des indications.

2 M. le Président (interprétation). - Nous décidons de verser au

3 dossier ces quatre documents. Il appartiendra à la Chambre de décider de

4 leur valeur et de leur pertinence. Donc ces pièces sont versées au

5 dossier.

6 Je propose que nous poursuivions en questions supplémentaires

7 pour ce témoin, si vous êtes d'accord.

8 Je souhaite faire une pause à 12 heures 15. Il vous reste une

9 demi-heure puis nous allons prendre une pause de quinze minutes et nous

10 reprendrons à midi et demi. Donc, vous avez une demi-heure devant vous.

11 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, s'il vous

12 plaît, pourriez-vous autoriser un interrogatoire supplémentaire aux

13 conseils qui n'ont pas pris part à l'interrogatoire principal de ce

14 témoin, puisque ce n'est que pendant le contre-interrogatoire qu'un

15 certain nombre de points ont surgi qui intéressent un certain nombre de

16 conseils ?

17 M. le Président (interprétation). - Je suis désolé, mais nous ne

18 pouvons pas l'autoriser. Le témoin peut être réexaminé par les mêmes

19 conseils qui ont posé des questions au cours de l'interrogatoire

20 principal.

21 M. Pavkovic (interprétation). - Merci.

22 M. le Président (interprétation). - Maître Glumac ?

23 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

24 Ces pièces à conviction ont été versées, le document 41

25 notamment a été versé au dossier, mais au moment de l'interrogatoire

Page 5111

1 principal, vous avez posé une question et je voudrais enchaîner sur cette

2 question puisque j'ai pu m'apercevoir a posteriori d'une différence.

3 Alors, pourrait-on présenter au témoin les documents D 40/2 et D 41/2.

4 (L'huissier présente les pièces au témoin.)

5 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous, s'il vous plaît,

6 examiner la manière dont ces documents sont marqués ? Sur la pièce D 40/2

7 nous voyons qu'il est indiqué "strictement confidentiel" avec un numéro

8 qui suit. Donc, un seul numéro puis, de l'autre côté, on voit le nombre

9 02-125/9. Vous avez dit que vous ne saviez pas comment ce numéro

10 d'enregistrement était constitué, mais ce que je vous demande est de

11 savoir si ce numéro d'enregistrement strictement confidentiel figurait

12 dans un registre, et l'autre dans un autre registre.

13 M. Cilic (interprétation). - Oui, cela j'en suis sûr ; je peux

14 vous le confirmer avec certitude. Mais je ne connais pas l'autre méthode.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce pour cela qu'une

16 différence dans la numérotation apparaît, la différence qui a été

17 remarquée par le Président Cassese ?

18 M. Cilic (interprétation). - Oui, oui, il est vraisemblable que

19 c'est à cela que tient cette différence. Moi-même, je m'en aperçois

20 maintenant.

21 Mme Glumac (interprétation). - J'ai examiné ces documents, les

22 documents de la brigade de Vitez. Souvenez-vous, est-ce que vous pouvez

23 nous dire si cette première référence strictement confidentielle, en fait,

24 ne se rapporte pas à une personne en particulier, par exemple le

25 commandant peut avoir sa série de numéros, et puis après ses subalternes,

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1 ou bien vous ne le savez pas ?

2 M. Cilic (interprétation). - Ecoutez, je n'en suis pas sûr. Je

3 me suis posé la question. Oui, effectivement c'est possible, mais je ne

4 peux pas vous l'affirmer. Si j'avais la possibilité de comparer plusieurs

5 rapports, peut-être que je pourrais en déduire quelque chose de concret.

6 Effectivement, c'est très possible qu'il en soit ainsi, mais je n'en suis

7 pas sûr.

8 Mme Glumac (interprétation). - Une autre question : il s'agit

9 d'une objection qui a été soulevée par le Procureur : pouvez-vous

10 expliquer si la brigade de Vitez dispose d'une série de références à part,

11 alors que le commandement de la zone opérationnelle, à savoir le

12 commandant et les membres de son état-major, dispose d'une autre série de

13 numéros ?

14 M. Cilic (interprétation). - Pourriez-vous répéter la question ?

15 Je n'ai pas compris.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'on dispose de deux

17 séries de numéros distinctes, deux séries dont l'une serait utilisée par

18 la brigade de Vitez alors que l'autre serait utilisée par le commandement

19 de la zone opérationnelle et par le colonel Blaskic ? Ou bien ces deux

20 instances utilisent la même série de numéros ?

21 M. Cilic (interprétation). - Pour autant que je sache, la

22 brigade de Vitez disposait de son propre registre.

23 Mme Glumac (interprétation). - Ainsi donc, on ne peut pas

24 procéder à une comparaison des dates, laquelle est antérieure, laquelle

25 est postérieure, ni comparer les documents d'après les dates puisque

Page 5113

1 chacune de ces instances utilisait son système de numérotation des accusés

2 de réception et de registre ?

3 M. Cilic (interprétation). - Nous avions une secrétaire au sein

4 de la brigade. Elle disposait de deux registres, et on inscrivait dans ces

5 registres uniquement les documents de la brigade de Vitez. Par ailleurs,

6 on avait un autre livre dans lequel on inscrivait les documents dont nous

7 accusions réception à leur arrivée, et nullement à leur départ.

8 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Je vous remercie.

9 Maintenant, je vais vous soumettre le document 335, la pièce à

10 conviction de l'accusation. Il s'agit du paragraphe numéro trois, je pense

11 qu'on avait déjà attiré votre attention sur vous. On parle de la période

12 du 16 au 28 avril, lors de laquelle 498 conscrits ont été mobilisés. Ils

13 ont été activement versés dans les formations du HVO.

14 La plupart des conscrits, depuis que les conflits se sont

15 déclenchés, ont été versés sur la première ligne de défense. Ces

16 personnes-là ont été utilisées pour remplacer les soldats sur les lignes

17 de défense après le premier conflit. En d'autres termes, ils ont été

18 versés comme remplacement aux soldats des unités opérationnelles. Par

19 conséquent pourriez-vous, une fois de plus, jeter un coup d'œil sur cette

20 liste qui vous a été déjà soumise, et nous dire compte tenu du fait qu'on

21 parle donc de la période qui couvre le 16 avril jusqu'au 28 avril, qui

22 avait été mobilisé en date du 17 avril dont le nom existe sur la liste ?

23 M. Cilic (interprétation). - Je n'ai pas une réponse à vous

24 donner, je n'ai pas cette donnée dans ma tête.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et le 18, le 20, le 21, 22, 23,

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1 24, 25, et le 27 et 28 avril, est-ce qu'à ce moment-là, il y avait des

2 personnes qui ont été mobilisées selon la liste ? Est-ce que vous voyez ?

3 M. Cilic (interprétation). - Non, ma réponse est exactement

4 comme à la première question. Je ne sais pas.

5 Mme Glumac (interprétation). - Etant donné qu'il s'agit de la

6 mobilisation qui a eu lieu entre le 16 avril et le 28 avril, est-ce qu'il

7 est visible de cette mobilisation, comment on a procédé à la mobilisation,

8 de quelle façon ?

9 M. Cilic (interprétation). - Vous parlez de la continuité ?

10 Mme Glumac (interprétation). - Oui, les jours.

11 M. Cilic (interprétation). - Non, on ne peut pas en conclure,

12 c'est la raison pour laquelle j'avais répondu à M. le Procureur que je

13 savais bien évidemment qu'ils ont été mobilisés jusqu'au 28, mais quand, à

14 quelle date, je ne pouvais pas le conclure, tout au moins pas sur la base

15 de ce document.

16 Mme Glumac (interprétation). - Comme vous étiez au commandement

17 de la brigade de Vitez, savez-vous comment on avait procédé à la

18 mobilisation ? Est-ce qu'il y avait quelqu'un qui avait une liste et qui,

19 par conséquent, se rendait sur place au domicile, ou bien c'est sur place

20 qu'on avait tout simplement convoqué les personnes qui devaient être

21 mobilisées ?

22 M. Cilic (interprétation). - Mais bien évidemment qu'on n'avait

23 pas procédé à la mobilisation classique avec les significations, etc, le

24 temps pour se préparer, etc. C'est que nous avons procédé d'une manière

25 qui n'était pas tout à fait classique, nous sommes allés voir les gens sur

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1 place, sans poser la question si la personne en question était en bon état

2 ou pas en bon état, si elle avait l'uniforme ou pas, c'est tout simplement

3 pour accélérer le processus qu'on avait mobilisé tous ceux qui étaient en

4 âge de combat.

5 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous s'il y avait des

6 listes, des unités de réserve qui, éventuellement, auraient été mises en

7 actualité, et savoir à quel moment on aurait pu convoquer ces gens-là ou

8 les mobiliser ?

9 M. Cilic (interprétation). - Non, on n'avait pas de telles

10 listes avec des unités de réserve et des personnes qui pouvaient servir de

11 réserve. On n'avait pas une telle organisation. On ne pouvait pas

12 véritablement être tout à fait systématique, ce n'était pas possible dans

13 un chaos pareil car il n'y avait pas toutes les structures qui ont été

14 mises en place, et je pense également bien évidemment à l'administration

15 au sein de la brigade.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ceci veut dire que

17 l'on ne pouvait même pas vérifier quelles étaient les personnes qui ont

18 été mobilisées, quel jour, à quelle date ? Vous voulez dire qu'il n'y

19 avait pas de signification, (l'interprète se corrige) d'assignation au

20 domicile, qu'il n'y avait donc pas vraiment une organisation systématique

21 au niveau de la mobilisation ?

22 M. Cilic (interprétation). - Je pense qu'à ce moment-là, il n'y

23 avait pas d'annonce publique de mobilisation. A cette époque-là, non. Et

24 l'on ne savait même pas exactement comment on allait s'y prendre. Je ne

25 peux pas affirmer certainement que ces listes n'étaient pas complétées ou

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1 qu'elles étaient complétées, mais il y a les gens qui se cachaient, qui ne

2 voulaient pas être mobilisés. Tout le monde essayait de s'en sortir et de

3 ne pas aller sur la ligne de défense. Tout le monde avait peur de la

4 guerre, la majorité plutôt et la majorité n'avait pas vécu une guerre. Et

5 par conséquent, on ne pouvait pas organiser de manière légale et

6 qualitative toute cette mobilisation.

7 Mme Glumac (interprétation). - Lors de l'interrogatoire

8 principal, à la question : "Savez-vous si Zoran et Mirjan Kupreskic ont

9 été mobilisés jusqu'au 16 ?", vous avez répondu négativement, vous avez

10 dit que non.

11 M. Cilic (interprétation). - Oui effectivement, j'ai dit non.

12 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez comment ils

13 ont été mobilisés ultérieurement ?

14 M. Cilic (interprétation). - Je ne sais pas exactement.

15 Mme Glumac (interprétation). - Je vais vous demander de voir la

16 pièce à conviction 337, s'il vous plaît, la pièce à conviction du

17 Procureur.

18 (La pièce est remise au témoin)

19 Ce document a été rédigé par le responsable du bureau de défense

20 Stipa Klijanaz. Il n'y a pas de date, mais il s'agit probablement de 1994

21 car on parle du 24 février 1994, c'est marqué sur la première page, tout

22 au moins c'est ce que je pense.

23 Qu'en pensez-vous ?

24 M. Cilic (interprétation). - Oui, c'est la fin de la guerre, il

25 y avait d'autres incidents qui se sont produits par la suite, mais c'était

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1 pratiquement la fin de la guerre entre les Croates et les Musulmans en

2 Bosnie-Herzégovine.

3 Mme Glumac (interprétation). - J'ai examiné quelque peu les

4 dates où les gens ont traversé les épreuves, mais je n'y ai pas trouvé la

5 date du 16 avril. Est-il possible qu'aucun soldat du HVO n'ait été tué le

6 16 avril ?

7 M. Cilic (interprétation). - Ce n'est pas possible.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ceci veut dire que

9 cette liste n'est pas complète et que toutes les données n'y figurent

10 pas ?

11 M. Cilic (interprétation). - Certainement que ce n'est pas

12 complet, car le 16 on aurait pu s'attendre à ce que les soldats des unités

13 de la région de Vitez aient été les victimes, et ceux qui ne sont pas

14 forcément de la zone de Vitez, de la région de Vitez.

15 M. Terrier (interprétation). - Puisque j'ai étudié ce document,

16 j'ai l'avantage sur Mme Glumac de l'avoir fait plus longuement, j'indique

17 simplement -pour éviter au débat d'aller dans une direction inutile- que

18 sont mentionnés comme ayant été tués le 16 avril, les noms qui se trouvent

19 au regard des numéros 363, 379 et 380.

20 Il me semble que deux d'entre eux sont mentionnés comme ayant

21 été tués, en tout cas étant tombés à Stari Vitez, et le troisième à

22 Poculica.

23 Effectivement, c'était le sens de la question de l'accusation

24 tout à l'heure, à la date du 16 avril, il n'est pas mentionné de victimes

25 à Ahmici.

Page 5118

1 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur

2 le Procureur : pouvez-vous répéter les numéros, s'il vous plaît ?

3 M. Terrier (interprétation). - 363, il s'agit de Krijesto Anto,

4 il me semble que la date mentionnée est le 16 avril 1993 à Poculica. 379,

5 un peu plus bas sur la même page, et 380, il s'agit de deux personnes qui

6 sont décédées, là encore le 16 avril à Stari Vitez.

7 J'ai pu commettre une erreur et en oublier d'autres, mais sous

8 le contrôle de Mmes et MM. les avocats, ce sont les seuls noms que j'ai

9 trouvés à la date du 16 avril 1993.

10 Mme Glumac (interprétation). - Je remercie Monsieur le Procureur

11 de ces données complémentaires, mais je pense que c'est extrêmement

12 important pour nous. Je n'ai pas pu voir tout ceci dans le texte dont je

13 dispose, je n'ai pas étudié suffisamment, pour moi c'est extrêmement

14 important.

15 Donc, Monsieur le témoin, je vais vous poser la question

16 suivante : en ce qui concerne Dragica Frkacin qui est née en 1934 sous le

17 numéro 380 : a-t-elle été, c'est une dame, membre du HVO ?

18 M. Cilic (interprétation). - On voit que la dame en question

19 avait 59 ans. Il s'agit d'une famille très pauvre, son fils Vlado était

20 invalide….

21 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, son fils Vlado est

22 la personne sous le numéro 389 Frkacin Vlado ; il est né en 1955 ?

23 M. Cilic (interprétation). - Oui.

24 Mme Glumac (interprétation). - Il était invalide ?

25 M. Cilic (interprétation). – Oui. Il était dans un fauteuil, son

Page 5119

1 corps a été trouvé alors que le corps de sa mère Dragica, malgré tout ce

2 que son fils a essayé, n'a jamais été trouvé. Ils ont habité dans une

3 installation en bois et elle a été incendiée. On suppose que son corps a

4 été brûlé ensemble, avec ce bâtiment en bois qu'ils avaient habité.

5 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ce bâtiment se

6 trouvait dans la région de Stari Vitez ?

7 M. Cilic (interprétation). - Oui, c'est à Stari Vitez, au

8 centre-ville Mahala, qui a été sous le contrôle de l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine.

10 Mme Glumac (interprétation). - Qui se trouvait le 16 avril au

11 centre même, à Mahala, de Vitez ?

12 M. Cilic (interprétation). - Oui, ce sont les forces qui sont

13 restées jusqu'à la fin de la guerre à cet endroit, à Mahala, au centre de

14 Vitez.

15 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez donné un exemple à

16 titre d'illustration. Est-ce qu'on sait quelle est la date exacte de sa

17 mort, ou bien on suppose que cela s'était passé au cours des premiers

18 jours du conflit ?

19 M. Cilic (interprétation). - On suppose tout simplement que

20 c'était le 16 avril, mais cela aurait pu être également le 18 avril.

21 Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent vous êtes d'avis,

22 je pense, que le Procureur n'a pas démenti ce que j'avais dit. Il y a tout

23 simplement un nom dont je ne sais pas si c'était un soldat ou non ; il

24 s'agit de Poculica, à mon avis il n'y avait pas de brigade de Vitez à

25 Poculica le 16 avril et il s'agit par conséquent de deux civils ; il n'y a

Page 5120

1 pas d'autres données qui concernent une autre personne pour laquelle on

2 pourrait dire qu'elle avait été tuée le 16 avril. Est-ce que j'ai raison ?

3 M. Cilic (interprétation). – Krijesto Anto de Poculica était

4 également un civil. On voit également qu'il avait plus de 60 ans, on le

5 voit bien par sa date de naissance qui figure sur la liste.

6 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que cette liste est exacte

7 d'après vous, en ce qui concerne la date où les personnes ont été tuées,

8 tout au moins les dates qui figurent sur la liste ?

9 M. Cilic (interprétation). - En principe, on peut dire qu'elle

10 porte des dates qui sont exactes, mais je l'ai déjà précisé. En ce qui

11 concerne la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés au moment

12 où nous avons essayé de recueillir un certain nombre de documents,

13 d'informations, on ne pouvait pas véritablement être très catégorique et

14 dire que chaque date est exacte, mais probablement qu'il n'y a pas de très

15 grande différence et la plupart de ces données peuvent être crédibles.

16 Mme Glumac (interprétation). - Lors du contre-interrogatoire

17 vous avez dit que vous considérez que les personnes qui ont disparu à

18 Kuber, par exemple, n'ont pas disparu le 18 avril. Là également, on voit

19 un certain nombre de données, on voit qu'il ne s'agissait pas des membres

20 du HVO mais des civils. C'est la raison pour laquelle je vous demande

21 jusqu'à quel point on peut véritablement dire que ces listes sont

22 fiables ?

23 M. Cilic (interprétation). - Moi, je pourrais même être très

24 catégorique et affirmer qu'il y a un certain nombre de noms qui manquent.

25 Je dirais même une dizaine de noms qui manquent, par conséquent que la

Page 5121

1 liste n'est pas complète. Il y avait beaucoup de réfugiés également à

2 Vitez, et on voit ici un certain nombre de personnes qui portent les noms

3 musulmans, par conséquent, qui étaient des citoyens de la région mais qui

4 étaient des Musulmans. La majorité de ces données à mon avis sont exactes

5 car les premiers jours ce n'était pas véritablement un très grand nombre

6 de personnes qui ont été tuées, par conséquent, on aurait pu les

7 enregistrer. Par la suite, ce nombre était plus important et c'est la

8 raison pour laquelle des erreurs étaient beaucoup plus possibles.

9 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez étudier la

10 dernière page numéro 10, la page numéro 10 : il y a des enfants qui sont

11 nés en 1985, en 1986, en 1987.

12 Par conséquent, pour les

13 numéros 512, 513, 514, 519, 520, 523, 524, 525, il s'agit des enfants.

14 Est-ce que, eux, ils étaient membres du HVO ?

15 M. Cilic (interprétation). - C'est une tragédie qui a eu lieu le

16 10 juin 1993, à mon très grand regret, je dirais même que j'étais très

17 malheureux une fois que cet obus était tombé dans la cour où se trouvaient

18 les enfants.

19 J'étais sur place, c'est à 300 mètres, à peu près par rapport au

20 siège du commandement. Et moi-même, également j'y étais. Et tout de suite,

21 il y avait également des caméramans et on avait pu filmer par la cassette

22 vidéo et par la caméra, quelque chose qui était atroce. C'est la chose la

23 plus atroce que j'ai pu voir. J'ai vu les mères qui ramassaient les

24 parties de corps de leur propres enfants, qui avaient un certain nombre de

25 parties de leur corps qui se trouvaient sur les arbres, dans les

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1 alentours. Et j'avoue que c'est une cassette vidéo que les télévisions qui

2 se trouvaient au siège du bataillon britannique ne voulaient même pas

3 prendre. Nos collègues nous ont dit qu'ils ne pouvaient absolument pas

4 diffuser des bandes vidéo de ce type-là, parce que c'était tellement

5 atroce. Et c'était la raison pour laquelle d'ailleurs, ils ne voulaient

6 pas prendre ces bandes vidéo.

7 Mme Glumac (interprétation). - Et cet obus, il est tombé où,

8 s'il vous plaît ? Est-ce que c'était à proximité de la ligne de défense ou

9 bien dans la partie civile de la ville de Vitez là où se trouvaient les

10 civils ?

11 M. Cilic (interprétation). - L'obus est tombé à Kamenjace dans

12 la banlieue de Vitez, outre les maisons à 200/300 mètres, il n'y avait pas

13 du tout de ligne de défense, pas un seul soldat. Il n'y avait que des

14 maisons particulières, enfin des cours, de ces maisons. Et il y avait

15 également un terrain de jeux avec du basket où ces enfants jouaient aux

16 basket au moment même où l'obus est tombé.

17 Mme Glumac (interprétation). - Si je vous ai posé cette

18 question, c'était pour savoir si ces enfants étaient membres du HVO et

19 ceci au vu de la liste.

20 M. Cilic (interprétation). - Mais on avait même marqué que les

21 enfants figurent sur la liste, mais on voit très bien selon l'âge, que

22 l'enfant le plus âgé avait dix ans ou peut-être douze ans. Par conséquent,

23 ils ne pouvaient pas être membres du HVO.

24 Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent il ne s'agissait

25 pas de la liste des membres du HVO qui ont été tués, mais il y a un très

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1 grand nombre de civils également dont les noms figurent sur la liste ?

2 M. Cilic (interprétation). - Oui c'est comme cela.

3 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez parlé également de vos

4 relations amicales avec le Dr Mujezinovic, Mithat Varupa, et un certain

5 autre nombre de personnes qui étaient des citoyens de Vitez, dont un

6 certain nombre également a été tué lors de ces conflits.

7 Pourriez-vous nous dire quel était également votre attitude vis-

8 à-vis des Musulmans très brièvement ? Est-ce que vous pouvez nous dire

9 également si tout au début du conflit, vous avez essayé d'aider un certain

10 nombre de Musulmans ? Comment vous l'avez fait ? Comment vous avez réagi

11 également à l'ensemble de la situation ?

12 M. Cilic (interprétation). - Mais, pour moi, c'est très délicat

13 également de parler en mon propre nom et de dire un certain nombre de

14 choses que j'avais entreprises et d'aide humanitaire que j'avais accordée

15 aux Musulmans. Heureusement, ce n'était pas moi, le seul, qui l'ai fait et

16 je n'étais pas le seul qu'on pourrait dire bon, vis-à-vis des Musulmans.

17 Je pense qu'il y avait des centaines de Croates qui véritablement dans

18 cette situation avaient aidé les Musulmans, car ils étaient en mesure de

19 les aider.

20 En ce qui me concerne, dans mon appartement, là où j'habitais,

21 qui se trouvait pratiquement au niveau de la première ligne, n'avait pas

22 de glace, de verre au niveau des fenêtres ; il y avait beaucoup de tireurs

23 isolés qui avaient tiré des obus également et des éclats d'obus qui sont

24 tombés ; il y avait ma fille mineure qui vivait dans cet appartement, mais

25 il y avait une Musulmane qui était au-dessus de nous ; et souvent, elles

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1 descendaient ensemble ; elle passait son temps avec mon épouse, avec ma

2 fille, tout simplement parce qu'elle se sentait en sécurité, étant donné

3 que moi-même j'étais membre du commandement du HVO.

4 Et cette voisine musulmane au cours de deux, trois jours

5 également ses deux fils, je peux également dire le nom de cette famille,

6 c'est Jelaskovic ; les deux fils étaient donc de l'âge de ma fille, ils

7 allaient ensemble avec ma fille à l'école, et ces deux garçons ont été

8 cachés par mon épouse, il y en avait un que mon épouse avait caché dans le

9 placard et l'autre dans un lit. Elle lui avait donc mis le foulard parce

10 que, comme il était tout jeune, il ne se rasait pas, il pouvait donc

11 également donner l'impression qu'il était une fille ; ce n'est qu'au bout

12 de quinze jours, dix jours ou quinze jours, qu'ils ont pu regagner les

13 Musulmans. Souvent, ils nous appellent maintenant, ils téléphonent à mes

14 filles, etc..

15 Il y avait d'autres cas également, des Musulmans qui se

16 trouvaient détenus au cinéma. J'apportais des médicaments, des cigarettes,

17 il y avait même un Musulman qui n'était pas un ami à moi, même pas une

18 connaissance, il m'avait demandé que j'essaie d'apporter à son épouse, à

19 ses enfants, un certain nombre de vivres parce qu'ils n'avaient pas de

20 quoi manger alors qu'ils avaient leur maison, et dans leur maison il y

21 avait beaucoup de vivres. Par conséquent j'ai pris le véhicule officiel

22 avec le chauffeur et je suis allé à la maison de Seaganovic, son surnom

23 est Zeko ; je ne le connaissais pas plus que cela, nous nous sommes rendus

24 chez eux à la maison, on avait donc pris de l'huile, de la farine, et

25 d'autres choses dont ils avaient besoin, car ils avaient en plus un

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1 appartement.

2 Par conséquent, il y avait de tels exemples, je ne peux pas

3 parler en mon nom personnel, mais il y avait des centaines d'exemples de

4 ce genre-là ; les gens s'entraidaient, par conséquent ceux qui ont de

5 l'humanisme en eux aidaient les autres.

6 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez parlé de votre voisine

7 dont les fils étaient cachés chez vous le 16 avril, et qui étaient restés

8 quelques jours dans votre appartement. Quel était son nom, s'il vous

9 plaît ?

10 M. Cilic (interprétation). - Elle s'appelle Zumra Jelaskovic.

11 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez répondu aux questions

12 du Procureur au sujet du Dr Muhamed Mujezinovic. Savez-vous si

13 Mario Cerkez avait essayé d'accorder la sécurité à sa famille, à lui-même,

14 une fois, quand il a été relâché, pour que personne ne le menace ?

15 M. Cilic (interprétation). – Oui. Il y avait les gardes du corps

16 de la brigade qui sont allés l'accompagner jusque chez lui et ensuite il y

17 avait un certain nombre, effectivement, de personnes qui appartenaient au

18 service de sécurité, qui devaient surveiller l'appartement du

19 Dr Muhamed Mujezinovic pour assurer les membres de sa famille et lui-même.

20 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez vu la déclaration qui

21 vous a été soumise par M. le Procureur, où l'on dit qu'il est

22 indispensable d'aboutir au cessez-le-feu et d'organiser la vie conjointe

23 et la cohabitation entre les deux communautés. C'est une déposition, une

24 déclaration qui a été signée par Ivica Santic et par

25 M. Muhamed Mujezinovic, c'est bien cela ?

Page 5126

1 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). - Quel était le poste que le

3 Dr Muhamed Mujezinovic occupait à cette époque-là ?

4 M. Cilic (interprétation). - Le Dr Muhamed Mujezinovic, à cette

5 époque-là, était Président de la présidence de guerre dans la partie de

6 Vitez, sous le contrôle des Musulmans.

7 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous avez

8 d'autres questions, s'il vous plaît ? Parce que si vous avez beaucoup trop

9 de questions à poser, à ce moment-là, on pourrait peut-être faire une

10 pause.

11 Mme Glumac (interprétation). - Oui, peut-être on pourrait

12 d'abord faire la pause.

13 M. le Président (interprétation). - Dix minutes.

14 L'audience, suspendue à 12 heures 17, est reprise à

15 12 heures 35.

16 M. le Président (interprétation). – Maître Glumac, allez-y.

17 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Cilic, je n'aurai que

18 quelques questions supplémentaires à vous poser sur la situation du

19 16 avril, étant donné que le Procureur vous a demandé ce qui s'était passé

20 à Ahmici. Avez-vous obtenu des informations sur la situation qui régnait

21 en d'autres endroits ? Et si oui, où ? Je parle de zones où des conflits

22 faisaient rage ce jour-là.

23 M. Cilic (interprétation). - Cela va peut-être vous sembler

24 étrange, mais j'ai obtenu des informations sur d'autres endroits de la

25 municipalité de Vitez. La guerre faisait rage dans toute la région, je

Page 5127

1 l'ai dit au Procureur, et il y avait des affrontements à Brdo par

2 exemple ; c'est un village qui surplombe la vallée de la Lasva, à Poculica

3 également où l'armée de Bosnie avait attaqué...

4 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi un instant. Peut-on,

5 s'il vous plaît, obtenir la pièce n° 1 ? Il s'agit de la grande carte de

6 la vallée de la rivière Lasva, afin que le témoin puisse indiquer les

7 villages où ont eu lieu les combats les plus intenses ce jour-là.

8 (La carte est mise en place).

9 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Cilic, pourriez-vous

10 indiquer à la Chambre les endroits des combats les plus violents le

11 16 avril ?

12 M. Cilic (interprétation). - Je ne sais pas si cette carte est

13 exacte, mais j'ai besoin de m'y retrouver, excusez-moi.

14 Mme Glumac (interprétation). – Montrez-nous l'axe principal.

15 M. Cilic (interprétation). - Il s'agit de la route qui va de

16 Travnik à Vitez. Ici il n'y avait pas de conflit dans la zone de

17 Nova Bila, il y avait la zone de Veliki Mosunj et la zone de Zabilje et

18 Mali, mais quelque part entre Zabilje et Sadovaca, on trouve Brdo qui

19 surplombe donc toute la vallée de la rivière Lasva. Quant à Sadovaca,

20 c'est un village complètement musulman alors que Zabilje est complètement

21 croate. Quant à Bila, il abrite une majorité de Croates et un faible

22 pourcentage de Musulmans alors que Veliki et Mali , Veliki Mosjunj, sont

23 principalement des villages croates.

24 Ces zones ici sont croates. On trouve également le village de

25 Bukve et de Preocica. Ici, il y avait la ligne de défense de Krcevine et

Page 5128

1 de Jardol et de Dol.

2 Mme Glumac (interprétation). - Et quelle est la composition

3 ethnique de Preocica ?

4 M. Cilic (interprétation). - Preocica abrite 90 % de Musulmans.

5 Il y a cependant quelques petits hameaux environnants qui, avant la

6 guerre, étaient peuplés par des Serbes.

7 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une idée

8 du nombre d'habitants, afin de pouvoir évaluer l'importance du village ?

9 M. Cilic (interprétation). - Il y avait plus de 3 000 habitants

10 et, avec les réfugiés qui arrivaient, certaines estimations ont présenté

11 le chiffre de 5 000 personnes.

12 Mme Glumac (interprétation). - Le 16 avril, le camp croate a-t-

13 il mené des opérations de combat ou de guerre à Preocica ?

14 M. Cilic (interprétation). - Preocica est relativement éloigné

15 des lignes de défense et des villages croates, et il est plus élevé (son

16 altitude est plus élevée) en tout cas que les positions qu'occupaient les

17 soldats croates. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'opérations de guerre

18 à cet endroit parce que, pour cela, il fallait des fusils, mais également

19 des mortiers. Il fallait des mortiers de 120 millimètres et, à ma

20 connaissance en tout cas, il n'y a pas eu d'opérations lancées contre

21 Preocica ce jour-là.

22 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous indiquer

23 d'autres villages qui ont été le théâtre de combats ?

24 M. Cilic (interprétation). – Ici, c'est la route qui va vers

25 Zenica et c'est le village de Poculica qui est également un point

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1 stratégique à mon avis. Et c'était aussi d'ailleurs l'avis de l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine, étant donné que ce village se trouve au niveau du col

3 de Vjetrenica et qu'il est juste à côté de la municipalité de Zenica.

4 Par conséquent, d'ailleurs, à partir de cette position, des tirs

5 ont été lancés vers Vitez, des tirs à partir de chars.

6 Cette zone est principalement peuplée de Croates, je parle de la

7 zone qui va jusqu'à Prnjavor, et cet endroit en particulier est peuplé de

8 Musulmans. La population croate n'avait plus de lien physique avec le

9 reste de la municipalité, la population de cette région dont je parle. Les

10 maisons croates, par exemple, n'étaient pas regroupées, ou si vous

11 souhaitez, il y avait un groupe de maisons croates au milieu qui étaient

12 entourées par une ceinture de maisons musulmanes.

13 Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il passé à Poculica

14 le 16 ?

15 M. Cilic (interprétation). - Le matin, mais nous ne l'avons

16 appris que le soir, le matin donc, l'armée a fait des prisonniers parmi

17 les civils, et les a enfermés dans certaines maisons, des cafés et puis

18 dans des associations, des locaux d'associations.

19 Nous, puisque nous étions sur un terrain quelque peu surélevé

20 par rapport à cet endroit, nous avons vu des nuages de fumée sortant de

21 maisons qui étaient incendiées. Puis ensuite, nous avons appris qu'un

22 certain nombre de soldats qui avaient bu ou peut-être pour d'autres

23 raisons, une quarantaine environ, sont entrés dans une pièce où se

24 trouvaient quelque trente ou quarante Croates qui avaient été enfermés, et

25 ils ont tiré au travers de la porte. Et à ma connaissance quatre personnes

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1 sont mortes dans la pièce alors que huit ou neuf ont été blessées.

2 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit avoir vu des

3 maisons en feu à Poculica. Les maisons de qui ?

4 M. Cilic (interprétation). - Eh bien, il y avait des maisons

5 croates et aujourd'hui ce sont encore des monuments qui rappellent la

6 barbarie des événements qui se sont produits à l'époque. Et je dois dire

7 que les Croates n'y sont jamais retournés par la suite.

8 Mme Glumac (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres combats le

9 16 avril ?

10 M. Cilic (interprétation). - Oui, il y a les zones qui sont

11 totalement musulmanes, ici c'est un village musulman. Et d'ailleurs le

12 Dr Mujezinovic y était né.

13 Mme Glumac (interprétation). - C'est quel village dont vous

14 parlez?

15 M. Cilic (interprétation). - C'est Vhrovine, juste au-dessus de

16 l'endroit où ce crime a eu lieu. Ce village surplombe Ahmici, Santici et

17 Pirici et également la route allant de Vitez à Busovaca.

18 Mme Glumac (interprétation). - Et quelle est la composition

19 ethnique de Vhrovine ? Y a-t-il eu des combats dans ce village ?

20 M. Cilic (interprétation). - Eh bien, Vhrovine est exclusivement

21 musulman et, au cours des premiers jours, il n'y a pas eu d'opérations de

22 combat.

23 Mme Glumac (interprétation). - Vous parlez des Croates ?

24 M. Cilic (interprétation). - Oui, bien sûr, du côté des Croates,

25 parce que, là encore, il fallait un appui d'artillerie pour pouvoir mener

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1 ces attaques.

2 Mme Glumac (interprétation). - Et qu'en est-il de Sivrino Selo ?

3 M. Cilic (interprétation). - Eh bien c'est ici... Ici, entre la

4 route entre Vitez et Busovaca et la route entre Vitez et Zenica. Ici il y

5 a une autre route et le long de la route, il y avait plusieurs maisons

6 croates qui, dès les premiers jours de la guerre, le 16 ou le 17, ont été

7 totalement incendiées et dont les habitants ont été chassés vers la ville

8 de Vitez même.

9 Mme Glumac (interprétation). - Le HVO a-t-il mené des opérations

10 à Sivrino Selo le 16 ?

11 M. Cilic (interprétation). - Le 16, il n'y a pas eu d'opérations

12 de combat du HVO, en tout cas vers le nord de Vitez, sauf un affrontement

13 violent autour de Jardol et Krcevine, parce que les forces musulmanes ont

14 attaqué de cette direction, pensant sans doute que ce serait le meilleur

15 endroit pour opérer une percée dans les lignes de défense, et de se frayer

16 un chemin donc jusqu'à Travnik.

17 Mme Glumac (interprétation). - Et qu'en est-il de Kruscica ? Où

18 est-ce et quelle est la composition de sa population ?

19 Attention, ne vous tournez pas sinon les Juges ne pourront pas

20 apercevoir ce que vous indiquez sur la carte.

21 M. Cilic (interprétation). - Il s'agissait d'une des communes

22 locales les plus étendues de la municipalité de Vitez. C'est ici. Et au

23 moment de la domination de l'Empire austro-hongrois, cette région a été

24 largement exploitée puisqu'il y a beaucoup de bois et de forêts. Cette

25 région a été ensuite urbanisée. Il y avait deux motels, un motel ; ils

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1 avaient leur source d'approvisionnement en eau, et cette zone était

2 principalement musulmane et notamment les parties du village proche de la

3 forêt. Alors que cette zone qui se trouvait plus proche de la ville était

4 peuplée principalement de Croates.

5 C'est également là que se trouvait le seul cimetière catholique

6 de la municipalité. Le premier jour, les quelques Croates qui se

7 trouvaient dans la partie principalement musulmane ont été expulsés,

8 quelques uns d'entre eux se sont enfuis ; ils pouvaient traverser les bois

9 qui se trouvent ici vers la ville. Et pendant toute la journée il y a eu

10 des combats entre des unités croates dans la zone de Rijeka, plus près de

11 la ville donc, et d'autres unités. Par conséquent, l'attaque est venue de

12 la zone ou plutôt vers la zone peuplée par les Croates.

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que Kruscica est restée

14 aux mains des Musulmans jusqu'à la fin de la guerre ?

15 M. Cilic (interprétation). - Oui, et ce que je voulais ajouter

16 également, c'est que les canalisations d'eau et le système d'eau en

17 général sont situés à cet endroit, ce qui fournit en eau la ville de

18 Vitez. C'est pourquoi la plupart des citoyens de Vitez se sont vu privés

19 d'eau pendant une grande partie de la guerre. L'eau était coupée, et puis,

20 sous la pression de la communauté internationale, elle a été rétablie. Le

21 même problème s'est présenté également avec l'électricité d'ailleurs.

22 Mais le 16, tous les Croates avaient quitté Kruscica, sauf ceux

23 qui étaient détenus, ceux qui ont disparu ou ceux qui ont fui par les

24 bois.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et Gacice ?

Page 5133

1 M. Cilic (interprétation). - Le village de Gacice est très

2 proche du centre-ville. Il est peuplé... Mais je ne suis pas sûr. Je crois

3 qu'il y a environ 50 % de Croates et 50 % de Musulmans. Au cours des deux

4 ou trois premiers jours il n'y a pas eu de tirs, il n'y a pas eu

5 d'affrontements, de violence.

6 Mme Glumac (interprétation). - Et Donja Vecerska ?

7 M. Cilic (interprétation). - Là aussi, la population était

8 mixte. Au début du conflit il y a eu des affrontements violents ;

9 certaines maisons musulmanes ont été incendiées, mais certaines maisons

10 croates également. Une partie du village a été occupée par les Musulmans,

11 l'autre par les Croates. Il y a eu une division et puis il y a eu des

12 violences perpétrées des deux côtés.

13 Mme Glumac (interprétation). – Donja Vercerska était-elle une

14 position stratégique pour les Vitezit et vis-à-vis de l'usine SPS

15 également ?

16 M. Cilic (interprétation). - Oui, comme vous le voyez,

17 Donja Vecerska se trouve en surplomb du grand complexe de l'usine Vitezit.

18 Vous voyez, le village se trouve à peu près à cinquante mètres au-dessus

19 de l'usine et c'est là que se trouve l'usine SPS et les gens disaient que

20 de Donja Vecerska, on pouvait facilement jeter un caillou sur le complexe

21 SPS, tellement les distances étaient réduites.

22 Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent il y a eu des

23 combats dans ce village. Qu'en est-il de Stari Vitez du vieux Vitez, du

24 quartier de Mahala ?

25 M. Cilic (interprétation). - Là, il y a le centre ville, le

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1 terrain de football qui, pendant la guerre, constituait une zone de

2 séparation. Les Croates se trouvaient de ce côté du stade et les Musulmans

3 de l'autre côté. Il y avait une rangée de garages ici, qui se trouvaient

4 dans une zone neutre, et au-delà de cette ligne de garages, c'est là que

5 je vivais d'ailleurs, que j'ai occupé avant, pendant et après la guerre

6 puisque j'y suis toujours, ici, c'est le quartier du vieux Vitez que l'on

7 appelle Mahala. Il n'y a pas de limite véritable, les gens appellent

8 simplement l'endroit Stari Vitez ou le vieux Vitez ; certains l'appellent

9 Mahala et je pense qu'il vaut mieux l'appeler Stari Vitez, et une partie

10 de ce Stari Vitez pourrait être appelée Mahala.

11 Mme Glumac (interprétation). - Le 16 avril, il y a eu des

12 combats. Stari Vitez est-il resté aux mains de l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine jusqu'à la fin de la guerre ?

14 M. Cilic (interprétation). - Le premier jour, effectivement,

15 des combats violents ont eu lieu et, d'après mon témoignage, je pense que

16 vous en êtes arrivés à la conclusion qu'il y a eu des problèmes très

17 régulièrement à Mahala, et les efforts des Musulmans visant à créer un

18 bastion de leur résistance ; ils n'ont cessé de creuser des tranchées par

19 exemple. Les Croates leur demandaient: "Mais pourquoi creusez-vous des

20 tranchées vers la ville?", mais c'était un problème auquel nous devions

21 faire face constamment. Entre quinze et vingt familles croates vivaient

22 là ; certaines d'entre elles sont restées pendant toute la guerre à

23 Mahala. Une autre partie a fui le quartier et une autre partie a été

24 échangée.

25 Certaines personnes ont "prospéré", si je puis dire; en tout cas

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1 elles se sont bien sorties de la guerre puisqu'elles avaient des

2 relations, elles étaient protégées par les Musulmans ; d'autres familles

3 s'en sont moins bien sorties.

4 Et puis, il y a eu des victimes également. Un membre du HVO

5 vivait à Mahala avec sa jeune épouse, il louait sa résidence et nous avons

6 appris que, quelques jours après le début des combats, on lui a coupé la

7 gorge. Je crois qu'il s'appelait Miskovic mais je ne n'en suis pas

8 certain. En tout cas, sa femme est toujours vivante, elle habite toujours

9 à Mahala et l'on peut très facilement vérifier cette information.

10 Une autre personne a été malchanceuse : il était avec son amie

11 lorsque le conflit a commencé, et il a été vraisemblablement capturé par

12 les forces musulmanes.

13 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Je n'aurai que deux autres

14 questions à vous poser. Veuillez vous asseoir, merci.

15 Au cours du contre-interrogatoire, le Procureur vous a montré un

16 document dans lequel il était dit que la situation était calme à Zenica

17 le 16. Quelle information déteniez-vous sur la situation qui régnait le

18 16 ?

19 M. Cilic (interprétation). - Je suis heureux de pouvoir

20 m'exprimer sur ce document. Je ne remets absolument pas en cause le fait

21 que la situation était calme entre le 15 et le 16, mais de quel calme

22 parle-t-on ?

23 Je vous ai également dit qu'effectivement, c'était calme mais

24 qu'il y avait des forces du MUP qui se trouvaient là, alors je ne sais pas

25 ce qui a motivé la personne qui a rédigé ce document. Moi, j'ai dit

Page 5136

1 sincèrement quel avait été mon sentiment à Zenica. Cependant, d'autres

2 rapports ont un autre ton et il est dit dans ces rapports que le 16, la

3 situation n'était pas calme, en tout cas pas pour les Croates, dans

4 l'après-midi notamment, et au cours de la soirée, certains Croates ont

5 réussi à s'en aller de Zenica et nous savons ce qui s'est passé à Zenica

6 ce jour-là, quelle était la situation. Nous avons entendu parler des

7 arrestations des membres du HVO à leur propre domicile, dans la rue, il y

8 a eu des raids en différents endroits et durant ces premiers jours de

9 conflit dans la vallée de la Lasva, certains endroits sont devenus

10 tristement célèbres : l'école de musique (pour les Croates, j'entends) et

11 d'autres endroits encore qui étaient pleins de Croates, de membres du HVO.

12 Ceci montre que plus de 10 000 Croates ont dû fuir de Zenica. Zenica était

13 l'un des centres croates, une des communautés croates les plus

14 importantes, pas en termes de pourcentage, mais en termes de concentration

15 d'individus.

16 Mme Glumac (interprétation). - Quelle est la distance entre

17 Vitez et Zenica par le col de Vjetrenica ?

18 M. Cilic (interprétation). - En utilisant la route que j'ai moi-

19 même empruntée la veille du conflit, pas à partir du centre de la ville de

20 Vitez, mais à partir du carrefour, donc, à partir de la route principale

21 en allant jusqu'à Busovaca, donc à partir de ce carrefour, jusqu'aux

22 premiers quartiers de Busovaca, il y a 12 kilomètres.

23 Mme Glumac (interprétation). – Savez-vous combien de Croates ont

24 été détenus à Zenica au cours de ces premiers jours à l'école de musique

25 et dans le centre de détention également ?

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1 M. Cilic (interprétation). - Je ne connais pas le chiffre exact,

2 mais je dirais qu'il y en avait entre 2 000 et 3 000.

3 Mme Glumac (interprétation). - Autre information que vous nous

4 avez communiquée et qui a trait au village de Stranjani proche de Zenica.

5 Vous avez parlé du nettoyage ethnique qui avait commencé dès le 16 , et

6 dit que les gens de la région, de ce village en fait, -c'était en fait un

7 quartier de Zenica mais qui ressemblait plus à un village- ont commencé à

8 arriver là dès le 16, n'est-ce pas ?

9 M. Cilic (interprétation). – Oui, pas seulement de Stranjani

10 d'ailleurs, mais de Cajdras également, et d'autres villages dont je n'ai

11 pas le nom en tête, mais ce sont les villages qui ont été principalement

12 croates, qui étaient orientés vers le sud et qui faisaient face, en fait,

13 à la vallée de la rivière Lasva.

14 Mme Glumac (interprétation). - Une dernière question : les

15 Croates qui ont été arrêtés et emprisonnés à Zenica, je parle donc des

16 civils et des membres du HVO, ont-ils fait l'objet d'un échange et, si

17 oui, quand ?

18 M. Cilic (interprétation). - Cette question est devenue de plus

19 en plus complexe au fur et à mesure que les relations entre les Croates et

20 les Musulmans le sont devenues également. L'accord entre les parties, sous

21 l'égide du HCR et du bataillon britannique de la Forpronu n'a pas été

22 respecté par les autorités militaires de Zenica, et ces dernières n'ont

23 pas laissé partir les détenus croates, elles ne l'ont fait que plus tard.

24 Mme Glumac (interprétation). - La personne dont a parlé, le

25 Dr Mujezinovic ou les personnes dans le cadre de l'affaire Blaskic, sont

Page 5138

1 Ivan Santic et Pero Skopljak également. Alors que leur est-il arrivé à

2 eux, puisqu'ils avaient été accusés d'avoir commis un crime de guerre et

3 que l'un des chefs d'accusation se fondait sur la déclaration du

4 Dr Mujezinovic relative à l'incident dont vous avez parlé également ? Ces

5 deux hommes ont-ils été arrêtés ?

6 M. Cilic (interprétation). – Oui, effectivement ils ont été

7 arrêtés ici, mais la justice a été rendue comme toujours et ils sont

8 rentrés chez eux après quelque chose comme 70 jours de détention.

9 Mme Glumac (interprétation). - Une autre question : peut-être y

10 a-t-il eu une erreur dans le compte rendu. Est-ce que des membres du HOS

11 sont jamais devenus membres de la brigade de Vitez ?

12 M. Cilic (interprétation). – Non, jamais.

13 Mme Glumac (interprétation). – Alors, dans quelle unité spéciale

14 ont-ils été intégrés ?

15 M. Cilic (interprétation). - Ils sont tous devenus membres de la

16 brigade spéciale des Vitezovi.

17 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Je n'ai plus de questions

18 à vous poser.

19 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Susak, allez-

20 vous poser des questions supplémentaires au témoin ?

21 M. May (interprétation). - Excusez-moi, j'ai une question tout

22 d'abord à aborder.

23 (Les juges se consultent sur le Siège).

24 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, nous décidons

25 que seul le conseil qui a interrogé le témoin au cours de l'interrogatoire

Page 5139

1 principal a l'autorisation de poser des questions supplémentaires au

2 témoin. Par conséquent, les conseils qui ont contre-interrogé le témoin

3 n'ont pas l'opportunité, et ne l'auront pas à l'avenir, d'interroger à

4 nouveau le témoin.

5 M. Susak (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, c'est

6 exactement ce que je voulais dire, parce que moi j'ai participé à

7 l'interrogatoire principal de ce témoin.

8 M. le Président (interprétation). - Non, non, votre

9 participation tient du contre-interrogatoire. Ce témoin a été cité par

10 Me Slokovic Glumac. Elle avait donc la possibilité de mener

11 l'interrogatoire principal, et il a été contre-interrogé par les autres

12 conseils de la défense, contre-interrogé par l'accusation. Et nous avons

13 le sentiment que seul le conseil de la défense qui mène l'interrogatoire

14 principal du témoin doit être autorisé à poser des questions

15 supplémentaires à ce même témoin. C'est notre décision.

16 M. Susak (interprétation). - Oui. Monsieur le Président, si vous

17 le permettez, je souhaite dire quelque chose. Au moment de

18 l'interrogatoire principal, je ne disposais pas encore de l'ensemble des

19 documents qui ont fait aujourd'hui l'objet de l'interrogatoire de ce

20 témoin lors du contre-interrogatoire. Mais si telle est la décision de la

21 Chambre, je m'y conformerai.

22 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Par ?

23 M. Par (interprétation). - Si vous me le permettez, Madame et

24 Messieurs les Juges, si vous me permettez de poser une question liée à

25 cette question, une question qui a trait aux questions supplémentaires,

Page 5140

1 nous respecterons absolument la décision de la Chambre. Cependant, nous

2 trouvons qu'un certain nombre de problèmes pourraient être engendrés par

3 ce genre d'attitude.

4 Aujourd'hui le Procureur, pendant son contre-interrogatoire, a

5 présenté pour la première fois un certain nombre de documents. Il a

6 également mentionné de manière très concrète, nommément, un coaccusé.

7 Ceci nous prive de possibilité de faire référence à ce document

8 ou à ce moyen de preuve, ce qui offre la possibilité au Procureur, en

9 revanche, de présenter donc ultérieurement des documents qui ne pourront

10 pas faire l'objet de notre interrogatoire. Et nous trouvons que ceci

11 enlève à la défense la possibilité d'avoir une égalité d'armes avec

12 l'accusation.

13 Par ailleurs, pour ce qui est de la position de tous les co-

14 conseils, pour que notre procédure soit la plus efficace possible, nous

15 avons décidé que chacun citera un témoin, mais que ce témoin sera

16 interrogé par l'un des conseils lors de l'interrogatoire principal, et les

17 autres lors du contre-interrogatoire. Ce qui nous permettrait de gagner de

18 l'efficacité.

19 Je pense qu'un respect strict de cette décision nous mettra dans

20 une position d'inégalité. Ce qui m'intéresserait, c'est de savoir s'il est

21 possible que la Chambre décide désormais que, lors du contre-

22 interrogatoire, lorsqu'un des coaccusés est évoqué, que son nom est

23 évoqué, est-ce qu'on ne peut pas permettre à ses conseils de participer

24 aux questions supplémentaires ?

25 (Les Juges se concertent sur le Siège.)

Page 5141

1 M. le Président (interprétation). - Nous ne pouvons pas vous

2 accorder ce que vous demandez. Nous allons respecter la méthode qui a été

3 respectée jusqu'à présent. Cependant, nous allons demander au Procureur

4 qu'à chaque occasion où il a l'intention de présenter de nouveaux

5 documents devant la Cour, de les présenter à l'avance aux avocats de la

6 défense. Chaque fois que vous avez des documents que vous avez l'intention

7 de présenter au témoin, vous devriez les communiquer par avance, en gros

8 une semaine avant ou quelques jours avant, à la défense pour que

9 l'ensemble des conseils de la défense aient la possibilité de se préparer,

10 en particulier, le conseil qui passera à l'interrogatoire ou qui a fait

11 l'interrogatoire principal du témoin.

12 Donc, pour le moment, je pense que nous en avons terminé.

13 Maître Terrier, allez-y.

14 M. Terrier. - Nous nous conformerons bien entendu à ce souhait

15 du Tribunal. Simplement sur le délai, je ne voudrais pas qu'il soit

16 considéré comme absolument formel parce qu'il peut se trouver que la

17 veille ou dans les deux jours qui précèdent, nous trouvions des documents

18 qui seront utilisés.

19 Je propose au Tribunal que, aussitôt qu'il est décidé, et bien

20 entendu avant l'audition du témoin, nous remettions ces documents. Il peut

21 arriver aussi qu'il apparaisse que pendant l'interrogatoire principal des

22 documents soient nécessaires au moment du contre-interrogatoire. Donc, si

23 l'on exige de nous un délai trop long, nous serons complètement paralysés.

24 Nous nous efforcerons de respecter loyalement la décision du Tribunal et

25 en tout cas avant le début du contre-interrogatoire de remettre tous ces

Page 5142

1 documents à la défense, à tous les avocats de la défense.

2 M. le Président. - C'est une obligation qu'il faut remplir de

3 bonne foi. Donc disons aussitôt que possible, si possible une semaine à

4 l'avance, mais en tout cas avant l'interrogatoire principal et de manière

5 à permettre à la défense de bien évaluer, considérer, lire le document et

6 préparer la défense.

7 Donc, bonne foi, c'est-à-dire aussitôt que possible.

8 M. Terrier. - Aussitôt que possible, entendu, Monsieur

9 le Président.

10 M. le Président. - Si vous avez un document à la dernière minute

11 parce que peut-être après l'interrogatoire principal, vous songez tout à

12 coup à un document que vous avez oublié, dans ce cas, il faut donner quand

13 même un délai à la défense.

14 Donc peut-être à l'avance, vous nous dites qu'il y a des

15 documents que vous comptez produire et, dans ce cas, on pourrait reporter

16 le témoignage du témoin ou trouver des solutions pratiques pour permettre

17 à la défense de bien se préparer sur les documents. D'accord ?

18 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, je respecte

19 entièrement votre décision. Cependant, je pense que, dans ce cas concret,

20 il s'agit d'une exception. Je pense qu'afin de respecter les intérêts de

21 la justice et l'égalité des armes, il faudrait nous permettre, en

22 l'occurrence me permettre à moi-même, d'interroger de manière

23 supplémentaire ce témoin concernant les documents qui ont été présentés en

24 plus.

25 M. le Président (interprétation). - Non, je suis désolé, nous

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1 avons déjà pris la décision, je ne vois pas pourquoi vous en particulier

2 seriez autorisé à interroger de manière supplémentaire ce témoin, puisque

3 tous les coconseils se trouvent dans la même situation. Et vous aviez tous

4 la possibilité de le contre-interroger auparavant.

5 Cette décision sera maintenue et à l'avenir, nous chercherons à

6 ce que le Procureur respecte son obligation de communiquer les documents

7 par avance à la défense.

8 La Chambre n'a pas de question pour ce témoin ?

9 Monsieur Cilic, je vous remercie d'être venu déposer ici, vous

10 êtes libre de partir. Je vous remercie.

11 M. Cilic (interprétation). - Je vous remercie.

12 M. le Président (interprétation). - Il nous reste quelques

13 minutes pour voir notre agenda.

14 Me Radovic a demandé que l'on ne travaille pas pendant la

15 dernière semaine du mois de février. Si vous me le permettez, je vais vous

16 dire que nous allons continuer jusqu'à la fin du mois de janvier, donc

17 jusqu'au 29 janvier. A partir du 19 jusqu'au 29, puisque le 18 est un jour

18 de fête, une fête officielle des Nations Unies.

19 Donc, il nous reste deux semaines. Nous allons sauter une

20 semaine, la première semaine du mois de février ; nous allons reprendre le

21 8 février, nous allons travailler du 8 février jusqu'au 12, puis à partir

22 du 15 jusqu'au 17 mercredi, puisque nous devons nous arrêter le

23 mercredi 15. Nous n'allons pas travailler le 18, le 19 et le 22.

24 Je voudrais savoir si cela vous permettrait de rentrer dans

25 votre pays et de vous préparer puisque nous aimerions reprendre à la date

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1 du 23 ou 24 février. Cela vous donnerait quelques jours où vous pourriez

2 donc vous occuper de votre problème particulier. Donc, c'est le 23 ou

3 le 24, le mardi ou le mercredi que nous reprendrions et nous continuerions

4 jusqu'au 5 mars. Par la suite, nous devons sauter de nouveau une semaine

5 et nous reprendrions le 15 mars jusqu'à quelques jours après Pâques.

6 J'espérais terminer avant Pâques, mais il semble aujourd'hui que

7 cela ne sera pas possible.

8 Maître Radovic, c'est vous qui demandiez qu'on ne travaille pas

9 la dernière semaine du mois de février. Seriez-vous prêt...

10 M. Radovic (interprétation). - Vous comprenez, il s'agit de

11 notre obligation de contribuable de remettre notre déclaration

12 d'imposition, alors nous devons nous consulter entre nous, et puis, nous

13 allons vous le dire dès que nous reprendrons après ce week-end. Il me

14 semble que cela devrait nous suffire.

15 M. le Président (interprétation). - Oui, donc comme je vous ai

16 dit, vous auriez le 18 et le 19 février et puis également le 22, et si

17 c'est nécessaire aussi le 23. Mais j'aimerais que l'on reprenne le 23, le

18 mardi 23. Donc, pourriez-vous nous le faire savoir le plus tôt possible,

19 dès mardi, si possible s'il vous plaît ? Si cela vous suffit ?

20 Nous avons l'intention de citer à comparaître comme témoin du

21 Tribunal, un anthropologue qui a rédigé un livre. Son nom nous a été

22 communiqué par le Procureur, je suis désolé, je ne me souviens plus de ce

23 nom. Des photocopies de ce livre ont déjà été communiquées aux coconseils

24 de la défense, donc il sera cité à comparaître en tant que témoin devant

25 la Chambre.

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1 Et je suppose aussi puisque son livre relate des événements qui

2 concernent un village en particulier, est-ce que le Procureur pourrait se

3 préparer pour que ce témoin puisse être cité à un moment donné ?

4 J'espère que tous les conseils de la défense ont déjà eu le

5 temps d'étudier ce livre donc qu'ils sont déjà familiarisés avec son

6 contenu. S'il n'y a rien d'autre, nous allons suspendre la séance et nous

7 allons reprendre à 9 heures précises mardi.

8 (L'audience est levée à 13 heures 20)

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