Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 27 Janvier 1999

4 L'audience est ouverte à 9 heures 10.

5 Mme Ameerali (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

6 Madame le Juge, Monsieur le Juge. L'affaire IT-95-16-T, le Procureur

7 contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic,

8 Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.

9 M. le Président (interprétation). - Bonjour.

10 M. Blaxill. - Monsieur le Président, vous êtes au fait d'une

11 question que je vous ai communiquée hier. Vous savez que demain il y aura

12 des funérailles à 10 heures 30 et je voudrais donc demander que la Cour se

13 réunisse à un autre moment.

14 M. le Président (interprétation). - Tout d'abord, je voudrais

15 vous présenter toutes les condoléances de la Cour. Nous sommes tous très

16 attristés par ce qui s'est passé. En principe, si la défense est d'accord,

17 on pourrait reporter l'audience à demain après-midi, mais il faudrait voir

18 s'il n'y aura pas de problème. Peut-on en discuter plus tard ?

19 Donc nous n'avons pas d'audience demain, on va voir si on peut

20 l'organiser d'1 heure 30 à 6 heures de l'après-midi, s'il n'y a pas

21 d'objection de la part de la défense.

22 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame la

23 Juge, Monsieur le Juge, la défense est d'accord avec ce que Monsieur le

24 Procureur vient de proposer. Nous n'avons aucune objection pour organiser

25 nos travaux demain après-midi et je voudrais également profiter de

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1 l'occasion pour présenter au nom de la défense nos condoléances à nos

2 collègues au niveau du Bureau du Procureur. C'est un jeune qui est décédé.

3 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

4 Aujourd'hui, je vous propose de faire une pause à 10 heures 15

5 de 30 minutes, entre 10 heures 15 et 10 heures 45. Le conseil Slokovic-

6 Glumac va reprendre maintenant l'interrogatoire du témoin.

7 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

8 Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour, Monsieur Grebenar.

9 M. Grebenar (interprétation). - Bonjour.

10 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit hier au cours de

11 notre contre-interrogatoire que vous avez entendu plus tard que

12 le 16 avril M. Redzo... Vous avez dit que vous ne saviez pas si c'était un

13 surnom ou éventuellement le prénom de la personne qui a été victime et

14 qu'il s'agissait d'une personne qui venait de Prnjavor ?

15 M. Grebenar (interprétation). - Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous où il a été tué et

17 connaissez-vous éventuellement les circonstances dans lesquelles il a été

18 tué ?

19 M. Grebenar (interprétation). - Il est un fait que j'ai dit que

20 Redzo a été tué. C'est son prénom, je ne connais pas son nom, je suis

21 désolé. Mais comme je l'ai appris... et je l'ai appris par un collègue qui

22 m'avait précisé qu'un Musulman avait été tué à Poculica. Il m'avait dit

23 également qu'il a été tué quelque part à côté de l'école, il ne m'a pas

24 donné de précision. Ce Redzo était de Prnjavor et il a été tué dans ce

25 quartier autour de l'école.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Mais vous, vous n'avez rien vu,

2 quoi que ce soit, vous-même ?

3 M. Grebenar (interprétation). - Non. Je pense même qu'il a été

4 tué dans la soirée, après que j'ai été blessé.

5 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez parlé également du

6 village de Donja Dubravica. C'est un village qui se trouve juste en

7 dessous de Poculica, vous l'avez montré sur la carte ?

8 M. Grebenar (interprétation). - Oui.

9 Mme Glumac (interprétation). - Il y avait combien de maisons

10 croates ?

11 M. Grebenar (interprétation). - Gornja Dubravica s'étend de

12 cette route, enfin plutôt du virage et le tournant qui mène vers

13 Sivrino Selo... Je ne sais pas exactement le nombre de maisons croates,

14 mais je pense que c'était un nombre de 50, peut-être 60, entre 50 et 60 de

15 toute façon.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez si ces

17 gens-là ont été informés sur les événements qui allaient se produire

18 le 16 ?

19 M. Grebenar (interprétation). - Je pense que non, tout

20 simplement parce qu'au moment où nous avons acheminé les civils vers

21 Sivrino Selo, les civils également de Gornja et de Dubravica se trouvaient

22 également dans la clairière à côté du ruisseau et ensemble, avec les

23 civils de Poculica, sont partis vers Krizancevo Selo.

24 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que les Croates

25 de Gornja Dubravica se sont enfuis le 16 vers Krizancevo Selo ?

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1 M. Grebenar (interprétation). - Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne Kuber, la côte

3 dont on a parlé et qui n'était pas très loin par rapport à votre village,

4 il y a juste une partie de Kuber, je pense, cette pente du côté de Vitez ?

5 M. Grebenar (interprétation). - Oui, Kuber c'est tout un

6 complexe. Il y a plusieurs surélévations, ou je dirai côtes. Par

7 conséquent, nous avons eu un poste d'observation sur la pente qui était

8 face à notre village Poculica. Et du côté de Busovaca, il y avait

9 également un autre point d'observation.

10 Mme Glumac (interprétation). - Mais vous n'êtes pas allé de ce

11 côté là ?

12 M. Grebenar (interprétation). - Non. Ce n'est que pendant le

13 conflit en octobre 1993 que je suis allé une fois de l'autre côté, j'ai vu

14 où se trouvait ce point d'observation.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez appris

16 également quelque chose sur ce qui s'est passé à Kuber le 16 avril 1993 ?

17 Ou plutôt le 15 (l'interprète se corrige) ?

18 M. Grebenar (interprétation). - En ce qui concerne le 15 avril,

19 nous avons appris un certain nombre de choses, mais ultérieurement. Nous

20 avons appris par exemple qu'au cours de cette nuit, il y avait un certain

21 nombre de mes collègues qui se trouvaient sur ce point d'observation quand

22 nous avions dit que la nuit s'était déroulée normalement et qu'il n'y

23 avait absolument pas d'incidents, qu'il n'y avait rien, que nous avons

24 remarqué par rapport aux autres nuits que pour nous, c'était une nuit tout

25 à fait normale. Nous avons tout simplement dit qu'il y avait un certain

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1 nombre de tirs que nous avons pu entendre en provenance de Vrhovine, de

2 Tolovici, de Vitez, mais pour nous c'était d'ailleurs très heureux que les

3 gens qui avaient bu deux ou trois bières, par exemple, avaient pris le

4 fusil, tiraient quelques rafales, etc. et ça s'est avéré vrai par la

5 suite. Un de mes collègues qui était au point d'observation m'avait dit

6 qu'il avait entendu quelques tirs en provenance de Kuber. Mais ce n'est

7 que plus tard que nous avons appris qu'effectivement, pendant que j'étais

8 à l'hôpital, que le 15 au soir, du côté de Busovaca, le point

9 d'observation sur ce versant du côté de Busovaca, il y avait eu une

10 attaque et on avait parlé également de deux ou trois qui ont été tués - je

11 parle du 15 avril -, mais du versant du côté de Busovaca.

12 En ce qui nous concerne, le versant face à notre village, il y

13 avait quelques tirs, mais je ne peux pas vous dire s'il y avait des

14 blessés ou non. C'est ce que j'ai appris, mais beaucoup plus tard.

15 Mme Glumac (interprétation). - Je vais demander aux Juges de me

16 permettre encore une question qui n'est peut-être pas une véritable

17 question qui rentre dans le champ du contre-interrogatoire, mais

18 Zoran Kupreskic m'avait dit que j'avais interrompu le témoin à un moment

19 donné, quand il a commencé à parler de Majda Sivro.

20 Monsieur le Président, je vais vous demander de m'accorder de

21 poser cette question au témoin parce que je l'avais interrompu, de juste

22 lui poser la question qui était Majda Sivro.

23 (M. le Président acquiesce.)

24 Qui était Majda Sivro et comment Zoran Kupreskic l'a-t-il

25 aidée ?

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1 M. Grebenar (interprétation). - Majda Sivro est une Musulmane.

2 Je la connais comme une collègue qui avait travaillé avec moi dans l'usine

3 SPS et je la connaissais. Je la connaissais tout simplement parce qu'on a

4 travaillé ensemble et Zoran Kupreskic connaissait Majda depuis bien

5 longtemps, car je pense que le mari de Majda Bahtija était Président de

6 leur association culturelle et artistique de Vitez, et Mirjan et Zoran

7 Kupreskic étaient membres de cette association. C'est la raison pour

8 laquelle ils étaient amis avec Majda et ils avaient organisé à l'époque

9 beaucoup de manifestations culturelles et artistiques en dehors de Bosnie.

10 Majda les avait accompagnés, a voyagé avec eux et c'est là où ils sont

11 devenus des amis.

12 Pour ce qui concerne l'aide, effectivement hier, vous m'avez

13 coupé quand j'ai commencé à parler. J'avais parlé d'une occasion toute

14 spéciale tout au début du conflit. Zoran m'avait demandé, quand il m'avait

15 rencontré, de l'accompagner parce qu'il ne pouvait pas aller tout seul

16 visiter Majda qui se trouvait dans un appartement. Il m'avait donc demandé

17 de l'accompagner pour voir comment elle était, lui demander si,

18 éventuellement, il pouvait l'aider d'une manière ou d'une autre. Il est un

19 fait qu'à cette époque là, il y avait une panique et puis une crainte qui

20 régnait à Vitez.

21 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez parler du début de la

22 guerre ? C'était après le conflit, n'est-ce pas ?

23 M. Grebenar (interprétation). - Oui, c'était après le

24 déclenchement du conflit. C'était peut-être après le cinquième ou le

25 sixième jour, je ne peux pas vous dire exactement. De toute façon, c'était

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1 tout au début du conflit.

2 Effectivement, nous sommes allés tous les deux jusqu'à

3 l'appartement de Majda, nous avons frappé à la porte. C'est Zoran qui

4 s'est présenté parce qu'elle avait demandé qui c'était. Lui, il s'est

5 présenté, il a dit son nom, il a dit : "C'est Zoran, Majda, est-ce que tu

6 es là ?" Elle a ouvert la porte, elle l'a embrassé, elle avait des larmes

7 aux yeux, elle lui avait demandé ce qui se passait.

8 Lui, il lui a dit : "Ecoute, je ne sais pas ce qui se passe. Je

9 ne peux pas te dire plus. Je voulais tout simplement passer te voir et je

10 savais que tu étais là".

11 Je pense qu'il l'avait appris par une collègue également qui

12 avait travaillé avec nous dans cette usine croate. Je ne peux pas vous

13 dire exactement comment elle s'appelait, comment elle se trouvait là.

14 Elle nous a proposé de rentrer, elle se trouvait dans une

15 situation un peu délicate. Nous sommes rentrés puis nous nous sommes mis à

16 table dans la salle à manger. Je pense qu'il y avait les enfants, je ne

17 peux pas vous donner les détails, mais je me souviens très bien de cette

18 occasion lorsque nous sommes allés chez elle.

19 Puis nous avons parlé un petit quart d'heure. Probablement Zoran

20 a beaucoup parlé parce qu'ils étaient des amis. Moi, je la connaissais,

21 elle m'avait demandé comment je m'était blessé. Elle m'a demandé également

22 des nouvelles pour savoir si tous les membres de ma famille étaient encore

23 en vie, s'ils sont restés à Poculica ou s'ils sont partis.

24 Zoran était très ami avec elle, comme je l'ai dit. Il lui a

25 demandé s'il pouvait l'aider d'une façon ou d'une autre, si elle avait

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1 suffisamment de vivres. Elle m'a tout simplement dit qu'elle avait de la

2 nourriture mais qu'elle avait peur que des réfugiés se rendent de plus en

3 plus dans la ville et que sur la porte, c'était marqué son nom et le nom

4 de son mari également, c'était des Musulmans. Elle avait peur tout

5 simplement que quelqu'un cambriole l'appartement et je dois dire que Zoran

6 m'a surpris car il a fait une proposition et moi, je n'étais pas tout à

7 fait d'accord avec. Mais il a été démontré que cette proposition a été

8 correcte. Il a tout simplement proposé à Majda d'écrire sur un papier

9 - parce que c'était une règle - que les réfugiés qui rentrent dans des

10 appartements qui ont été abandonnés, qu'on mette le nom sur un bout de

11 papier. Et on le met sur la porte et on sait alors qu'il s'agit de

12 quelqu'un qui était croate. Par conséquent, il a proposé de mettre son

13 nom, Zoran Kupreskic, sur le papier et de coller cette étiquette sur sa

14 porte et qu'elle reste dans l'appartement. Et de cette façon-là, elle est

15 quelque peu protégée.

16 Eh bien, elle a été également surprise par ce geste. Elle lui

17 avait dit : "Mais toi aussi, tu te mets en danger !" Mais lui, il lui a

18 rétorqué que cela pouvait rester quelques jours et puis on aura du temps.

19 Grebahela - ça c'est mon surnom - "nous allons revenir te voir et tout

20 sera en ordre".

21 Plus tard, j'ai rencontré Majda également une fois, mais je sais

22 que Zoran lui a rendu visite plusieurs fois et je pense qu'il l'a aidée

23 également. Il lui a apporté des produits alimentaires.

24 Mme Glumac (interprétation). – Merci, Monsieur le Président,

25 j'ai terminé le contre-interrogatoire.

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1 M. le Président (interprétation). – Merci. Maître Slokovic-

2 Glumac, vous savez bien que, par le fait même que je vous ai autorisée à

3 soulever une autre question lors du contre-interrogatoire alors que ceci

4 n'a pas été soulevé lors du contre-interrogatoire, nous nous sommes

5 éloignés quelque part de la procédure des éléments de preuve et c'est dans

6 l'intérêt de la justice, pour respecter un certain nombre de principes.

7 Je pense par conséquent qu'il est dans l'intérêt de la justice

8 de respecter également ce principe d'égalité entre les deux parties. C'est

9 la raison pour laquelle je vais demander au Procureur si, éventuellement,

10 s'il voulait poser la question sur la question que vous venez de poser.

11 (Les membres du Bureau se consultent).

12 M. Terrier. – Je vous remercie, Monsieur le Président, je

13 n'aurai qu'une question à poser.

14 Monsieur le Témoin, au sujet de cette protection accordée par

15 M. Zoran Kupreskic à son amie musulmane, j'aimerais que le témoin nous

16 dise pour quelle raison cette personne de religion musulmane se trouvait

17 menacée, premièrement, et deuxièmement en quoi était-il dangereux pour

18 Zoran Kupreskic de lui accorder sa protection ? En quoi s'agit-il d'un

19 acte sinon d'héroïsme, du moins de courage ?

20 Ce sont les deux questions que je souhaite poser au témoin.

21 M. Grebenar (interprétation). - Si je vous ai bien compris,

22 c'est de savoir quelle était la raison pour laquelle elle était en quelque

23 sorte menacée, Majda Sivro ?

24 Je pense que c'est parfaitement clair. D'abord, moi-même en tant

25 qu'homme, je me sentais menacé et j'avais très peur de ce qui passait et

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1 même dans ma maison à Poculica. Alors le premier jour où j'ai été entouré

2 par les Musulmans, quand elle a vu que les Croates venaient à Vitez,

3 qu'elle a vu que des maisons avaient été incendiées, il y avait un certain

4 nombre de personnes qui ont été tuées, blessées, c'est normal qu'elle ait

5 eu peur car il y avait des réfugiés croates qui venaient de plus en plus

6 nombreux à Vitez. Et en représailles, éventuellement, ils commettent un

7 certain nombre de choses. C'est la raison pour laquelle il y avait cette

8 peur qui régnait.

9 Comme je l'ai dit, c'est de cette façon-là que je vais répondre

10 également à la question que vous m'avez posée : pourquoi Zoran Kupreskic

11 était en quelque sorte, je ne sais pas quel était le terme exact que vous

12 avez utilisé, "courageux" ? Ce n'était peut-être pas une situation, mais

13 c'était quand même un acte courageux de M. Zoran Kupreskic, car le moins

14 qu'on puisse

15 dire, en plein conflit, au moment où on avait persécuté les

16 Croates - ils ont été tués -... aider les amis musulmans - et l'inverse

17 également - les Musulmans qui étaient amis avec les Croates à Zenica, pour

18 les Croates qui étaient de cette ville, cela ne paraissait pas normal et

19 cela aurait pu également provoquer un certain nombre d'incidents. C'est la

20 raison pour laquelle j'avais dit que moi-même, à ce moment-là, que je

21 n'approuvais pas cette proposition de Zoran de mettre son nom sur la porte

22 de cette dame-là.

23 M. Terrier (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce que

24 vous me permettez une dernière, utile, question ?

25 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez connaissance que

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1 M. Zoran Kupreskic ait accordé le même genre de protection à des Musulmans

2 habitant Ahmici ?

3 M. Grebenar (interprétation). - Vous pensez au jour du conflit

4 ou avant ?

5 M. Terrier (interprétation). - Je pense davantage aux voisins de

6 Zoran Kupreskic à Ahmici. Peu importe l'époque.

7 M. Grebenar (interprétation). - Je pense que Zoran avait aidé

8 les gens. Je ne peux pas vous dire ce qui s'est passé le premier jour du

9 conflit, mais avant, je peux vous dire que nous avons eu un certain nombre

10 de collègues, et beaucoup je dirais même, de collègues qui ont travaillé

11 ensemble avec nous dans la même usine. 70 % des personnes étaient des

12 Musulmans ou des Croates qui travaillaient ensemble avec nous à

13 l'usine SPS de Vitez. Par conséquent, il s'agissait de nos collègues

14 d'Ahmici. C'étaient ses voisins et c'étaient beaucoup plus des amis de

15 Zoran que de moi-même. Je sais qu'il pouvait les aider. Il les aidait.

16 Zoran Kupreskic a été directeur d'un département mécanique où il

17 avait un certain nombre de jeunes hommes d'Ahmici, de Musulmans. Je me

18 souviens, par exemple, qu'il y avait entre autres Nermin Ahmic. Je sais

19 que même le contremaître avait fait des reproches à Zoran à un moment

20 donné, qu'il avait souvent aidé Nermin Ahmic et qu'il lui permettait un

21 certain nombre, par exemple, d'absences, ce qui n'était pas toujours

22 justifié, mais Zoran connaissait probablement sa situation. Il avait sa

23 mère qui était malade, par conséquent il devait l'emmener souvent à

24 l'hôpital et c'est de cette manière-là qu'il avait essayé également

25 d'aider le contremaître, pardon pas le contremaître mais Nermin Ahmic et

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1 d'en parler au contremaître et de lui demander d'aider Nermin Ahmic. C'est

2 de cette façon qu'il l'avait aidé et avant tous ceux qu'ils pouvaient

3 aider quand il avait l'occasion d'aider, je le pense.

4 M. Terrier (interprétation). - Je vous remercie.

5 M. le Président (interprétation). - Je crois que vous avez la

6 possibilité maintenant de poser des questions supplémentaires au témoin.

7 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je

8 n'ai plus de questions à poser.

9 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons plus de

10 questions pour le témoin. Monsieur Grebenar, merci d'être venu ici pour

11 témoigner. Vous pouvez disposer maintenant.

12 M. Grebenar (interprétation). - Merci.

13 (Le témoin est conduit hors du prétoire).

14 M. le Président (interprétation). - Avant de passer au témoin

15 suivant, je voudrais demander au conseil Slokovic-Glumac si le numéro 2

16 sur notre liste est appelé, je crois, par le conseil Susak.

17 Mme Glumac (interprétation). - C'est Zeljka Rajic qui va être

18 entendue maintenant. Je ne sais pas quel est son ordre sur la liste des

19 témoins.

20 M. le Président (interprétation). - D'accord, n 3.

21 Est-ce une femme ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

23 M. le Président (interprétation). - Bien, donc cette femme a été

24 citée par vous-même. Maître Radovic, avez-vous demandé des mesures de

25 protection ?

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1 Mme Glumac (interprétation). - Non.

2 M. le Président (interprétation). - Très bien.

3 Mais avant d'entendre le témoin suivant, j'aimerais vous faire

4 connaître les quelques préoccupations des Juges eu égard à la liste des

5 témoins que nous avons reçue des conseils de la défense.

6 Nous voyons que 111 témoins devraient être cités par les

7 conseils de la défense, en tout cas c'est le nombre actuel, plus au moins

8 3 accusés, et quelques témoins du Tribunal, ce qui nous amène au total à

9 un chiffre approximatif de 120 témoins pour la défense. Et à en juger par

10 le rythme de nos travaux, cela semblerait signifier qu'il nous faudra 90 à

11 95 jours de travail pour entendre ces témoins.

12 Puisque nous ne siégions pas dans l'affaire Kupreskic toutes les

13 semaines, ce sera en tout cas impossible dans les quelques mois à venir.

14 Cela semblerait signifier que nous ne pourrions terminer l'audition des

15 témoins de la défense qu'en juillet ou août, après quoi il faudra bien sûr

16 prononcer un jugement. J'ai donc le sentiment que la fin de ce procès est

17 envoyée aux calendes grecques. Vous savez que les Grecs n'avaient pas de

18 calendrier, n'est-ce pas, donc vous savez ce que cela signifie.

19 Je me demandais s'il ne serait pas possible de prendre tout de

20 même quelques mesures pour raccourcir la liste des témoins. S'agissant des

21 16 témoins de moralité que la défense souhaite entendre, nous pensons

22 qu'il conviendrait d'appliquer l'article 94 ter du règlement.

23 Donc voilà notre proposition : nous proposons aux conseils de la

24 défense qui ont l'intention d'entendre des témoins de moralité de n'en

25 citer qu'un seul, les autres pouvant être associés au dépôt d'un mémoire,

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1 bien sûr s'il n'y a pas objection de l'accusation. S'il y a objection de

2 l'accusation, les témoins de moralité seront entendus et comparaîtront en

3 chair et en os.

4 Autre mesure un peu similaire s'agissant des quatre témoins qui

5 sont énumérés dans ce document, nous aimerions que s'applique

6 l'article 94 bis du Procureur. Je parle des témoins experts. Je crois que

7 vous avez prévu de déposer les déclarations écrites de ces témoins, je

8 l'espère du moins. Il appartient donc maintenant au Procureur de faire

9 savoir s'il a des objections par rapport à ces témoins experts mais, en

10 agissant de cette façon, nous pourrions, me semble-t-il, raccourcir la

11 liste des témoins de vingt.

12 J'ajouterai que nous n'accepterons pas de témoignage qui soit la

13 répétition d'un témoignage déjà entendu, notamment eu égard au chef

14 numéro 1. Donc je prie chacun ici de veiller à ce que les témoins ne

15 traitent pas de points qui ont déjà été abordés et entendus par les Juges.

16 J'aimerais à présent savoir si les conseils de la défense ou les

17 représentants du bureau du Procureur ont des remarques à faire s'agissant

18 de cette proposition de raccourcissement de nos travaux, dans la mesure du

19 possible bien sûr, car nous veillons à ne pas enfreindre les droits de la

20 défense.

21 Pas de proposition ? Pas de commentaires donc ?

22 Puis, j'aurai tout de même une dernière question à poser à

23 Me Krajina. Je suppose que la liste déposée par Me Krajina inclut les

24 trois témoins qui vont être enjoints à comparaître par le Tribunal. Il y

25 en avait quatre initialement. Maintenant vous n'allez citer que trois

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1 témoins par notre intermédiaire, n'est-ce pas ?

2 M. Krajina (interprétation). - En effet.

3 M. le Président (interprétation). - Et leur nom figure sur cette

4 liste ?

5 M. Krajina (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation). - Puis nous pourrions faire un

7 effort. Vous vous rappelez ? Nous avons l'intention d'entendre un

8 anthropologue en tant que témoin expert et je me demandais si nous ne

9 pourrions pas nous contenter d'accepter le versement au dossier de

10 l'ouvrage dont cet anthropologue est l'auteur. Pourriez-vous peut-être

11 envisager cette possibilité, si vous n'avez pas d'objection du côté de la

12 défense ? Ah, vous en avez.

13 (Signe affirmatif de Me Slokosic Glumac.)

14 Dans ce cas...

15 M. May (interprétation). - Mais quelles sont vos objections, car

16 il faut vraiment que nous accélérions les débats ?

17 M. Radovic (interprétation). - S'agissant de cette femme qui est

18 archéologue, nous pensons qu'elle doit comparaître devant le Tribunal car

19 il y a un certain nombre de questions que nous voudrions lui poser qui

20 sont à la base de sa théorie, et sa théorie est la suivante : des voisins

21 qui étaient en très bons termes jusqu'à un certain moment peuvent changer

22 d'attitude du jour au lendemain. Mais si l'on applique sa thèse à Ahmici,

23 on aimerait lui demander de dire ce qui lui permet de penser que les

24 crimes d'Ahmici ont été commis par des voisins, car si elle ne peut le

25 dire avec certitude, alors sa thèse selon laquelle les voisins d'Ahmici se

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1 sont retournés les uns contre les autres tombe à l'eau. Si l'on se

2 contente de la lecture de son ouvrage, on reste à la surface de sa thèse.

3 Si son livre doit être utilisé, nous insistons pour qu'elle soit présente

4 au Tribunal en chair et en os.

5 M. Terrier. - S'agissant de cette anthropologue, je crois qu'il

6 ne convient pas de lui demander son point de vue sur ce qui s'est passé à

7 Ahmici. Elle ignore totalement et est hors d'état de donner une quelconque

8 explication. En revanche, s'agissant du village où elle a passé un certain

9 temps et qu'elle a étudié, elle peut donner une explication. Il

10 appartiendra ensuite à votre Tribunal de dire si l'explication qu'elle

11 donne de ce qui s'est passé dans cet autre village de la région de

12 Kiseljak peut, ou non, contribuer et à expliquer ce qui s'est passé à

13 Ahmici. C'est votre Tribunal qui le dira mais, en aucun cas, il ne

14 conviendrait de poser des questions à ce témoin sur ce qui s'est passé à

15 Ahmici.

16 Pour cette raison, il me semble effectivement tout à fait

17 possible de se contenter de verser au dossier à la fois le livre qui a été

18 publié par l'université de Princeton et les films vidéo produits et

19 diffusés par la BBC.

20 Par ailleurs, pour répondre à votre préoccupation - qui est,

21 bien entendu, entièrement celle de l'accusation - sur la durée de ces

22 débats et s'agissant des témoins de moralité, je voudrais souligner que,

23 pour l'accusation, il n'y pas de doute sur la personnalité des accusés.

24 Autrement dit, nous n'entendons pas prouver devant ce Tribunal que les

25 accusés avant le conflit étaient des personnalités détestables, qu'ils

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1 avaient de très mauvaises relations avec leurs voisins musulmans. C'est

2 sans doute le contraire qui est le vrai et nous ne le contestons pas. S'il

3 s'agit de démontrer que chacun des accusés était un excellent père de

4 famille et un excellent voisin, je pense qu'effectivement l'article 94ter

5 pourrait s'appliquer complètement, nous ne contestons pas cet aspect de la

6 défense.

7 M. le Président (interprétation). - Merci. En effet, je suis

8 d'accord avec le procureur parce que le livre, je l'ai lu, il n'y a pas,

9 autant que je le sache, un mot sur Ahmici, sur le conflit, les crimes qui

10 ont été commis à Ahmici, etc. Donc il s'agirait de demander au témoin de

11 témoigner sur les rapports entre groupes ethniques, leur mentalité, etc.

12 C'est un tableau général. Donc...

13 Mais en tout cas, s'il y a des objections de la part de la

14 défense, bien sûr il faut convoquer ici le témoin.

15 S'agissant des témoins de moralité, en effet, comme le Procureur

16 vient de nous dire qu'il n'a pas d'objection à ce qu'on utilise des

17 affidavits, donc des déclarations sous serment, j'invite la défense à

18 produire ces déclarations et si nécessaire un témoin par conseil ou par

19 accusé sur la moralité des accusés.

20 Mais je vois que Me Radovic voudrait prendre la parole. Non ?

21 Me Part ?

22 M. Part (interprétation). - Si vous me le permettez, Monsieur le

23 Président, je crois qu'il y a une question qui n'a pas été résolue, celle

24 du témoignage expert. Si j'ai bien compris la proposition des Juges, elle

25 consistait à demander que soient entendus les commentaires éventuels du

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1 prétoire au sujet de la non-comparution en chair et en os, mais nous avons

2 un certain nombre de témoins experts que nous avons prévus d'entendre,

3 nous avons remis leurs noms au Procureur et nous aimerions donc entendre

4 le point de vue du Procureur sur ce point précis : est-il nécessaire ou

5 pas que nous fassions comparaître des témoins experts ?

6 M. le Président (interprétation). - Merci. Comme je l'ai dit,

7 nous avons l'intention d'appliquer l'article 94 bis du Règlement et

8 j'aimerais savoir si le Procureur est actuellement prêt à répondre à la

9 question posée, à savoir est-ce que le Procureur est prêt à nous dire s'il

10 a des objections par rapport au témoignage des experts qui ont déjà été

11 déposés ? Bien sûr, si le Procureur a besoin d'un peu de temps, nous

12 pouvons reprendre ce point vendredi. Avez-vous besoin d'un peu de temps de

13 réflexion ?

14 M. Terrier - Oui, Monsieur le Président. Monsieur le Président,

15 puis-je ajouter quelque chose ? Pour l'organisation de nos débats, nous

16 souhaiterions, autant que possible, être avisés des changements d'ordre

17 d'apparition des témoins. Je pense que cela nous est nécessaire pour nous

18 préparer efficacement au contre-interrogatoire. Je vous remercie.

19 M. le Président - Je suis tout à fait d'accord, je crois que

20 c'est ce qu'on a fait aussi lors des témoins de l'accusation aussi. Il

21 faudrait prévenir l'accusation peut-être un jour avant si on change

22 l'ordre des témoins. J'invite la défense à s'en tenir à ce principe qui

23 est tout à fait raisonnable et dans l'intérêt de la justice.

24 Donc Me Terrier va nous dire, je crois vendredi matin, si

25 l'accusation a des objections pour les témoins expert.

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1 (Signe affirmatif de M. Terrier).

2 Maintenant, on peut passer à notre prochain témoin qui est

3 Mme Zeljka Rajic.

4 (Le témoin est introduit dans le prétoire).

5 M. le Président (interprétation). - Bonjour Madame, je vous

6 prierais, si vous le voulez bien, de lire la déclaration solennelle.

7 Mme Rajic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

8 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous

10 pouvez vous asseoir.

11 (Le témoin s'exécute).

12 Maître Slokovic-Glumac.

13 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Madame Rajic. Pouvez-

14 vous nous dire où vous êtes née, à quelle date et quelle est votre

15 profession ?

16 Mme Rajic (interprétation). - Je m'appelle Zeljka Rajic, je suis

17 née à Zenica, j'ai vécu à Zenica jusqu'en 1975, date de mon mariage à

18 Lasva. Et j'ai vécu à Lasva jusqu'en 1993. Aujourd'hui, je vis à Busovaca.

19 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous donner votre

20 date de naissance ?

21 Mme Rajic (interprétation). - Oui, je suis née en 1958.

22 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que vous avez vécu

23 à Zenica jusqu'à votre mariage ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

25 Mme Glumac (interprétation). - Après votre mariage, où êtes-vous

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1 allée ?

2 Mme Rajic (interprétation). - A Lasva.

3 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez épousé Zvonko Rajic,

4 n'est-ce pas ?

5 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

6 Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous où se trouve le

7 village Lasva ?

8 Mme Rajic (interprétation). - Le village de Lasva se trouve, eh

9 bien, à 18 kilomètres de Zenica.

10 Mme Glumac (interprétation). - Cela vous sera sans doute plus

11 facile de répondre en vous aidant de cette carte. Je prierais l'huissier

12 de bien vouloir distribuer cette carte aux Juges et au témoin.

13 (L'huissier s'exécute).

14 Mme Ameerali (interprétation). - Ce document est enregistré sous

15 la cote D 61/2.

16 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous indiquer concrètement

17 l'endroit où se trouve le village Lasva ?

18 Mme Rajic (interprétation). - Oui, ici, à peu près.

19 Mme Glumac (interprétation). - Peut-on placer ce document sur le

20 rétroprojecteur ?

21 (L'huissier s'exécute).

22 Pouvez-vous nous montrer l'emplacement de Lasva sur le

23 rétroprojecteur ? A côté de vous, Madame Rajic.

24 Mme Rajic (interprétation). - Ah, oui.

25 (Le témoin s'exécute).

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1 Voilà, le village se trouve ici.

2 Mme Glumac (interprétation). - (Hors micro).

3 (Problème de canal).

4 M. le Président - De temps à autre on entend le français,

5 d'autres fois on entend l'anglais.

6 (Problème de canal).

7 M. le Président (interprétation). - Nous entendons le français

8 sur le canal 5 et l'anglais sur le canal 4, n'est-ce pas ?

9 Mme Glumac (interprétation). - On va voir. Essayons de nouveau.

10 Donc, vous nous avez dit que le village de Lasva se trouvait entre Vitez,

11 Busovaca et Zenica ?

12 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

13 Mme Glumac (interprétation). - Vous allez parler d'un autre

14 endroit, d'un autre village au cours de votre déposition ?

15 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). – Ce village, c'est Dusina ?

17 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous nous dire où se

19 trouve Dusina sur cette carte, à peu près ?

20 Mme Rajic (interprétation). – Entre Lasva et Dusina, il y a

21 3 kilomètres.

22 Mme Glumac (interprétation). – Le village n'est pas indiqué ?

23 Mme Rajic (interprétation). – Non, mais comment puis-je

24 expliquer ?

25 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que Dusina est dans le

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1 sens de Zenica ou de Busovaca ?

2 Mme Rajic (interprétation). – Dans le sens de Busovaca. A

3 3 kilomètres à peu près. Evidemment, sur la carte c'est un peu difficile

4 de se retrouver, mais…

5 Mme Glumac (interprétation). – Vous voyez bien où est Busovaca,

6 n'est-ce pas ?

7 Mme Rajic (interprétation). – Oui, je vois où est Busovaca mais

8 ces points noirs, je ne sais pas ce qu'ils signifient… Enfin 3 kilomètres,

9 cela devrait être…

10 M. May (interprétation). – Madame Glumac, pouvez-vous aider le

11 témoin à retrouver l'emplacement en question ?

12 (Le Conseil s'exécute).

13 Mme Glumac (interprétation). – Vous voyez ces indications

14 écrites à présent, Madame et Messieurs les Juges ?

15 Entre Zenica et Busovaca, on trouve le village de Lasva qui se

16 trouve à peu près au milieu.

17 Mme Rajic (interprétation). – Oui, au milieu.

18 Mme Glumac (interprétation). – Quelle était la population de

19 Lasva avant le début du conflit, donc en 1992 ?

20 Mme Rajic (interprétation). – Vous parlez de la population

21 croate ?

22 Mme Glumac (interprétation). – Combien y avait-il de Croates,

23 combien de Musulmans ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Il y avait 500 maisons musulmanes,

25 et 42 maisons croates, en comptant Dusina et Lasva.

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1 Mme Glumac (interprétation). – Combien avez-vous dit que les

2 Croates avaient de maisons ?

3 Mme Rajic (interprétation). – 46.

4 Mme Glumac (interprétation). – Et il y avait combien de Croates

5 qui habitaient dans ce village ?

6 Mme Rajic (interprétation). - A peu près 70.

7 Mme Glumac (interprétation). – Nous parlons de Lasva ?

8 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

9 Mme Glumac (interprétation). – Avec qui viviez-vous à l'époque ?

10 Mme Rajic (interprétation). – Avec mon mari et mes trois

11 enfants.

12 Mme Glumac (interprétation). – Quel âge avait vos enfants ?

13 Mme Rajic (interprétation). - Ma fille, la plus âgée, avait

14 16 ans, la plus jeune de mes filles avait 15 ans, et j'avais aussi un fils

15 de 9 ans.

16 Mme Glumac (interprétation). – Et quel âge avait votre mari,

17 Zvonko Rajic ?

18 Mme Rajic (interprétation). – 38 ans.

19 Mme Glumac (interprétation). – Quelle était la profession de

20 votre mari ?

21 Mme Rajic (interprétation). - Il possédait un autobus et

22 travaillait dans le transport de passagers, c'est comme ça que nous

23 disons, son autobus, son camion.

24 Mme Glumac (interprétation). – Il était chauffeur de poids

25 lourds ?

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1 Mme Rajic (interprétation). – Oui, chauffeur de poids lourds.

2 Mme Glumac (interprétation). – Etait-il membre du HVO ?

3 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

4 Mme Glumac (interprétation). – Etait-il commandant du HVO à

5 Lasva ?

6 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

7 Mme Glumac (interprétation). – Combien de soldats commandait-

8 il ?

9 Mme Rajic (interprétation). – Une trentaine.

10 Mme Glumac (interprétation). – Ces hommes venaient tous de Lasva

11 et de Dusina, n'est-ce pas ?

12 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

13 Mme Glumac (interprétation). – Dites-nous quand ont commencé les

14 premiers problèmes dans les rapports entre les Musulmans et les Croates à

15 Lasva.

16 Mme Rajic (interprétation). – Je ne dirai pas que ce sont des

17 problèmes qui ont commencé, mais je dirai que nous avons perdu confiance

18 en eux parce qu'ils attaquaient le village de Bozici qui se trouve à

19 3 kilomètres de Lasva, en hauteur. Et ces Serbes…

20 Mme Glumac (interprétation). – Mais qui contrôlait ce village ?

21 Mme Rajic (interprétation). – C'était un village serbe.

22 Mme Glumac (interprétation). – Et ce village s'appelait… ?

23 Mme Rajic (interprétation). – Bozici.

24 Oui; ils avaient là une dizaine de maisons et en 1992, au mois

25 d'octobre, ils ont remis leurs armes de leur plein gré parce qu'ils

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1 étaient d'accord pour déménager. Mais après cela, au mois de

2 novembre 1992, l'armée de Bosnie-Herzégovine a encerclé le village de

3 Bozici.

4 Mon mari travaillait à son camion. Il faisait une réparation,

5 moi j'étais avec lui pour l'aider. Et le téléphone a sonné, un jeune

6 homme, un des nôtres qui était là-haut chez un ami, a dit qu'ils avaient

7 encerclé le village de Bozici. Mon mari a tout de suite arrêté de

8 travailler. Effectivement, il a jeté un coup d'œil parce que de notre

9 maison, on voyait leur village. Un groupe d'une cinquantaine de soldats de

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine a encerclé la forêt et a pénétré dans leur

11 village. Mon mari, qui était encore en vêtement de travail, a pris sa

12 voiture et est allé dans ce village parce qu'il savait qu'il n'y avait

13 aucun besoin que l'armée de Bosnie-Herzégovine aille là-haut.

14 Mais jusqu'à son arrivée, l'armée a séparé les hommes du reste

15 de la population, les jeunes gens, les hommes mariés, il les ont mis dans

16 une étable et ils ont commencé à les frapper en utilisant des barres de

17 métal, des barres de bois, toutes sortes d'objets contondants et ils ont

18 tué une femme enceinte et son mari.

19 Et mon Zvonko, quand il est arrivé là-haut, a vu un habitant de

20 Lasva, un Musulman sur place et il lui a demandé : "Pourquoi vous faites

21 cela. Je veux que vous me montriez l'ordre selon lequel vous agissez, de

22 quel droit vous frappez des civils et je vais donner le nom". C'était

23 Batan Pasalic qui a dit à mon mari : "Zvonko, ne te mêle pas de cela parce

24 qu'il t'arrivera la même chose." Mon mari, évidemment, ne s'est pas laissé

25 intimider, il a dit : "Relâchez ces hommes." Ils ne les ont pas relâchés

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1 et, à ce moment-là, ils ont forcé des femmes à boire de l'essence. Il y a

2 donc eu pas mal de choses mais, en tout cas, après son arrivée, il n'y a

3 plus eu de coups de feu. Il a donc sauvé ces personnes.

4 Il y a une personne qui est décédée plus tard sous l'effet des

5 coups et, deux ou trois jours plus tard, ces personnes ont quitté leur

6 village.

7 Mme Glumac (interprétation). - Combien avez-vous dit qu'il y

8 avait de Serbes dans ce village de Bozici ?

9 Mme Rajic (interprétation). - Une dizaine de maisons à peu près.

10 Cela fait une vingtaine de personnes parce que les jeunes étaient déjà

11 partis ailleurs, il ne restait sur place que les vieux.

12 Mme Glumac (interprétation). - Votre mari est donc parti aider

13 les Serbes, n'est-ce pas ?

14 Mme Rajic (interprétation). - Oui, oui.

15 Mme Glumac (interprétation). - La raison principale qui l'a

16 poussé à partir consistait à avertir les soldats de l'armée de Bosnie-

17 Herzégovine que la population du village était désarmée, n'est-ce pas ?

18 Mme Rajic (interprétation). - Oui, oui, parce que toutes ces

19 personnes, et Batan en particulier, savaient qu'ils n'avaient pas d'armes

20 puisque Jovica, ce Serbe, avait apporté les armes dans l'école et avait

21 dit que les armes pouvaient être distribuées aux Croates et aux Musulmans.

22 Donc ces gens n'avaient pas d'armes, absolument aucune arme. Cela s'est

23 passé au mois d'octobre et, au mois de novembre, ils les ont attaqués et

24 passés à tabac, et mon mari a protégé cette population. C'est ce que je

25 dirais parce qu'ils n'avaient aucune arme, aucune munitions.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Au mois de novembre, la

2 population a quitté le village, n'est-ce pas ?

3 Mme Rajic (interprétation). - Oui, à ce moment-là, il y a eu

4 l'enterrement de ces deux ou trois personnes décédées. Moi, j'y étais

5 aussi et, le lendemain, ils ont tous quitté le village.

6 Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous quelle était la

7 personnalité de votre mari ?

8 Mme Rajic (interprétation). - Mon mari était un homme bon,

9 pacifique, qui aidait tout le monde dès qu'il y avait un problème. Un

10 homme comme cela ne peut plus voir le jour aujourd'hui.

11 Mme Glumac (interprétation). - Par la suite, il ne s'est plus

12 rien passé à Lasva jusqu'au 25 janvier 1993, n'est-ce pas ?

13 Mme Rajic (interprétation). - Oui, oui. Mais jusque-là, tout se

14 déroulait normalement. Des voisines, des femmes musulmanes arrivaient et

15 parlaient à mon mari, disaient qu'elles avaient faim, qu'elles voulaient

16 de la farine et elles lui demandaient d'aller chercher la farine. Mon mari

17 s'habillait à ce moment-là, prenait sa voiture et allait chercher de

18 l'huile et de la farine, une dizaine de tonnes, ce qui a permis à chacun

19 de survivre.

20 Mme Glumac (interprétation). - Mais vous, vous étiez

21 relativement aisés, n'est-ce pas ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Oui, oui, on peut dire que c'est

23 nous qui étions les plus riches. Lui, il s'est battu dans la vie. Donc

24 nous avions tout ce qu'il nous fallait. Il aidait tout le monde mais

25 après, il y a eu le 25.

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1 Le 25, nous avions entendu dire que les Musulmans allaient nous

2 attaquer. Moi, j'ai paniqué et quelques-uns de nos voisins ont paniqué

3 aussi. Ce que je voulais, c'était aller à Dusina pour ensuite poursuivre

4 jusqu'à Busovaca. J'ai prié mon mari de me laisser partir parce que cinq

5 femmes, six enfants et un homme avaient prévu de partir. Mon mari m'a

6 dit : "Non, tu ne pars pas, il n'arrivera rien, tout cela ce sont des

7 histoires."

8 J'ai discuté avec lui pendant une heure ou deux, les autres

9 aussi ont essayé de le convaincre en lui disant : "Mais laisse-la partir,

10 laisse-la partir avec ma femme", lui a dit quelqu'un, "S'il arrive quelque

11 chose, tant mieux. S'il n'arrive rien, elle reviendra. Ce n'est pas loin"

12 si bien que pendant deux heures à peu près, avec ma fille de 15 ans... Eh

13 bien, nous sommes partis vers 2 heures.

14 Mme Glumac (interprétation). - Le 25 ?

15 Mme Rajic (interprétation). - Oui, le 25 vers 2 heures, nous

16 sommes partis en direction de Dusina, nous marchions en groupe. Le premier

17 groupe...

18 Mme Glumac (interprétation). - Qui vous accompagnait ?

19 Mme Rajic (interprétation). - Il y avait ma fille, il y avait

20 aussi ma belle-soeur et sa fille. Nous, nous sommes parties ensemble mais,

21 avant, il y avait un homme et une femme qui étaient partis déjà, des vieux

22 et, dans un autre groupe, deux femmes et quatre enfants sont partis aussi,

23 deux par deux. Voilà. Et nous sommes partis de Lasva.

24 Mme Glumac (interprétation). - Avant tout, des femmes et des

25 enfants, n'est-ce pas ?

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1 Mme Rajic (interprétation). - Oui, que des femmes et des enfants

2 sauf un homme.

3 Mme Glumac (interprétation). - Et les autres hommes sont restés

4 à Dusina ? A Lasva, excusez-moi.

5 Mme Rajic (interprétation). - Oui, ils sont tous restés à Lasva

6 et, nous, trois femmes et quatre enfants, nous sommes partis de Lasva,

7 mais aucun autre Croate n'a voulu partir, ils ne voulaient pas en fait.

8 Mme Glumac (interprétation). - Où êtes-vous allée ?

9 Mme Rajic (interprétation). - Je suis partie à Dusina et je suis

10 arrivée à Dusina. Il était à peu près 3 heures et demie, il faisait

11 mauvais temps, il pleuvait, il y avait de la neige, du vent, le ciel était

12 nuageux, si bien que nous ne pouvions pas...

13 Mme Glumac (interprétation). - Il y avait de la neige ?

14 Mme Rajic (interprétation). - Oui, il y avait de la neige. Donc

15 nous n'avons pas pu partir pour Busovaca et, à ce moment-là, nous avons

16 décidé de rester là, de passer la nuit là et que nous partirions le matin.

17 Mme Glumac (interprétation). - Où avez-vous passé la nuit, chez

18 qui ?

19 Mme Rajic (interprétation). - Chez Ivica Kegelj, dans sa maison.

20 Nous étions en tout une trentaine. Les gens de Dusina aussi voulaient se

21 rendre à Busovaca.

22 Mme Glumac (interprétation). - Avaient-ils aussi reçu des

23 informations sur une offensive imminente des Musulmans ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et cette trentaine de personnes

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1 qui restaient dans cette maison, qui était-ce ? Des civils ? Des

2 militaires ?

3 Mme Rajic (interprétation). - Il n'y avait que deux ou trois

4 soldats parce qu'il n'y avait pratiquement pas de jeunes. Nous étions tous

5 des civils pratiquement, à peu près 25 civils dans la maison et il y avait

6 à peu près 5 jeunes hommes, âgés de 18 à 20 ans, qui appartenaient à

7 l'armée.

8 C'est donc là que nous avons passé la nuit. Et à 5 heures du

9 matin nous nous sommes levés, nous avons pris un café à table, autour

10 d'une table, et tout d'un coup un lance-roquettes a touché la maison.

11 M. May (interprétation). - Puis-je vous interrompre ? Qu'est-ce

12 qu'un RPJ ?

13 Mme Glumac (interprétation). - C'est un lance-roquettes léger.

14 Mme Rajic (interprétation). - Est-ce que l'on m'a posé cette

15 question à moi ?

16 Mme Glumac (interprétation). - Oui, est-ce que vous pouvez

17 expliquer aux Juges de quoi il s'agit ?

18 Mme Rajic (interprétation). - Oui, il s'agit d'un obus, un

19 zolja, c'est comme cela qu'on l'appelle.

20 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous donner plus

21 d'explications ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Oui. En fait, cela a fait un trou

23 dans le mur. C'était vraiment atroce.

24 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il s'agit d'un lance-

25 roquettes léger et que l'on peut tenir ?

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1 Mme Rajic (interprétation). - Oui, enfin je ne m'y connais pas

2 bien en armes, mais c'est cela, c'est quelque chose qu'on peut tenir sur

3 l'épaule.

4 Mme Glumac (interprétation). - Donc le matin, quelque chose, un

5 projectile a touché la maison ?

6 Mme Rajic (interprétation). - Oui. A ce moment-là, je suis allée

7 réveiller mon enfant, parce que je ne voulais pas que mon enfant ait peur.

8 Je lui ai dit : "Lève-toi parce qu'apparemment il y a des tirs." Nous

9 sommes allés dans la cave et en descendant à la cave, nous avons entendu

10 des cris de "Allah Hakbar !". Immédiatement je suis remontée et j'ai dit à

11 mon mari que nous étions entourés.

12 Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce que c'est "Allah

13 Hakbar !" ?

14 Mme Rajic (interprétation). - Je ne sais pas, c'est un de leurs

15 mots. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, je sais seulement

16 que c'est ce qu'ils était en train de hurler.

17 Mme Glumac (interprétation). - Donc vous êtes allée à la cave et

18 vous avez appelé votre mari. Est-ce bien exact ?

19 Mme Rajic (interprétation). - Oui. En allant à la porte, j'ai vu

20 qu'il y avait des gens qui avaient été tués, un jeune homme avait été tué.

21 Mme Glumac (interprétation). - Quel est le nom de ce jeune homme

22 que vous avez vu devant la maison ?

23 Mme Rajic (interprétation). - Il s'appelait Drazen Kegelj.

24 J'ai appelé mon mari, mon mari était en train de dormir et je

25 lui ai dit : "Zvonko, Dusina est en flammes, nous sommes cernés." Il a

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1 dit : "Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?" et je lui ai dit : "Ils sont en

2 train de crier Allah Hakbar " et il a dit : "Bon, j'arrive."

3 Donc je suis rentrée et au moment où j'ai fermé la porte, un de

4 ces obus a touché la maison. On pleurait, on hurlait dans la maison. Et à

5 peu près 5 minutes plus tard, nous avons vu des gens en blanc avec des

6 bérets verts, ils avaient des turbans sur la tête et ils avaient des

7 sortes de vêtements.

8 Mme Glumac (interprétation). - Quelles sortes de vêtements ?

9 Mme Rajic (interprétation). - Il neigeait, donc ils avaient des

10 vêtements blancs.

11 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que c'étaient des

12 uniformes blancs ?

13 Mme Rajic (interprétation). - Oui, comme des uniformes blancs.

14 Nous les avons vus en train de tirer, en train de hurler. Nous avons

15 ouvert la porte pour aller à la cave et nous étions tous en pleurs. L'un

16 d'entre nous, Stipo Kegelj, est sorti et leur a dit : "Ne nous tuez pas,

17 nous nous rendons." Ils nous ont empoignés par les épaules, ils nous ont

18 alignés contre le mur de la maison, à l'extérieur de la maison et ensuite

19 tout ce que nous avions de rosaires, tout ce que nous avions de ce type,

20 ils l'ont arraché. De même, si quelqu'un portait une croix, ils

21 l'arrachaient et ils l'a piétinaient.

22 Mme Glumac (interprétation). - Des rosaires aussi. Et où étaient

23 ces rosaires ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Oui, certains d'entre nous avaient

25 des rosaires. Il y avait des gens qui les portaient autour du cou et il y

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1 avait des vieilles femmes qui étaient en train de prier en tenant ces

2 rosaires dans leurs mains. Et à ce moment-là, il y a un des hommes qui a

3 dit : "On devrait vous tuer."

4 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi Madame Rajic, combien

5 y avait-il de personnes ?

6 Mme Rajic (interprétation). - Vous voulez dire des Musulmans ?

7 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

8 Mme Rajic (interprétation). - Il y en avait beaucoup, près de 2

9 groupes. D'abord, il y en avait à peu près une cinquantaine, un groupe qui

10 parlait notre langue et puis il y avait un autre groupe, ils avaient des

11 barbes, ils étaient un peu à l'écart et eux, ils ne bougeaient pas.

12 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que tous portaient des

13 uniformes ?

14 Mme Rajic (interprétation). - Oui, tous avaient des uniformes.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu parmi eux

16 des Musulmans du village ou de la région ?

17 Mme Rajic (interprétation). - Un seul.

18 Mme Glumac (interprétation). - Attendez, s'il vous plaît,

19 n'anticipons pas. Vous nous dites donc qu'il y avait un groupe de soldats

20 musulmans qui était près de vous, il y avait un autre groupe qui était un

21 peu à l'écart. Est-ce qu'ils avaient des insignes sur leurs uniformes ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Oui, c'était l'armée de Bosnie-

23 Herzégovine. Ils avaient sur leurs uniformes cette insigne qui disait

24 "Armiya BIH", armée de BIH.

25 Mme Glumac (interprétation). - Bon, alors, qu'est-ce que qui

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1 s'est passé ensuite, on vous a fouillés et on vous a alignés contre le

2 mur ?

3 Mme Rajic (interprétation). - Il y a quelqu'un du village qui

4 est venu, enfin quelqu'un de la région, et il nous a emmenés vers leur

5 village avec ces militaires. Je ne les connaissais pas. On est passé deux

6 fois dans le village. On a traversé deux fois le village. Marko Rajic a

7 été blessé, on ne l'a absolument pas aidé, on ne lui a apporté aucun soin.

8 Il y a même un soldat qui lui a donné un coup de pied là même où il avait

9 été blessé. Il a demandé qu'on le soigne, mais personne n'a rien fait.

10 Ensuite, au carrefour Edin Hakanovic a choisi 20 personnes

11 jeunes comme bouclier humain et il a laissé les personnes plus âgées aux

12 carrefours. Il y avait ma fille et d'autres personnes.

13 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, s'il vous plaît. Un

14 bouclier humain pour qui ?

15 Mme Rajic (interprétation). - C'était parce qu'il y avait

16 certains des nôtres qui étaient sur une colline. Mon mari s'y trouvait

17 également.

18 Mme Glumac (interprétation). - Donc ils étaient derrière vous ?

19 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

20 Mme Glumac (interprétation). - Ils vous ont mis devant eux ?

21 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Et donc sur la colline, en face

23 de vous, il y avait les vôtres ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Oui, en effet. Il y avait là mon

25 mari et à peu près 15 membres du HVO.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Votre fille et vous-même

2 faisiez partie de ce bouclier humain ?

3 Mme Rajic (interprétation). - Oui. Cette personne, Edin, la

4 personne du coin, il avait un haut-parleur et il a appelé mon mari avec ce

5 haut-parleur. Il a dit : "Descendez négocier". Et là, j'ai vu mon mari qui

6 descendait la colline. Mais de toute façon, il n'aurait pu discuter de

7 rien du tout parce que Edin leur a dit d'aller à Lasva pour négocier et

8 mon mari a refusé. Il leur a demandé d'aller à Zenica plutôt. Pendant ce

9 temps, il y avait des tirs partout à Lasva. Donc, les civils qui étaient

10 là-bas ont été emprisonnés, on les a emmenés à l'école de Lasva.

11 Mme Glumac (interprétation). - Vous êtes en train de nous parler

12 de Lasva ?

13 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). - Et donc, vous en avez entendu

15 parler plus tard de ces tirs qui ont eu lieu à Lasva ?

16 Mme Rajic (interprétation). - Non, non, je n'en ai pas entendu

17 parler plus tard, c'est que j'étais là, j'étais là dans cette clairière et

18 je voyais parfaitement mon village et je voyais qu'ils étaient en train de

19 tirer sur les gens.

20 Mme Glumac (interprétation). - On vous a emmenés à ce carrefour

21 à peu près à mi-chemin de Lasva, est-ce bien exact ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Oui. Mais le terrain était plat ?

23 Mme Glumac (interprétation). - Donc vous avez vu votre mari

24 descendre de la colline ?

25 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

Page 5788

1 Mme Glumac (interprétation). - Donc, il a demandé que des

2 négociations soient organisées ?

3 Mme Rajic (interprétation). - Oui. La dernière fois qu'il est

4 descendu, il avait une sorte de drapeau blanc, enfin une sorte de chiffon

5 blanc qu'il agitait. Il est descendu de la colline et ils se sont mis

6 d'accord à ce moment-là. Ils ont dit que l'armée de Bosnie-Herzégovine

7 n'enverrait que 20 personnes, qu'ils laisseraient leurs munitions sur

8 place et que les gens de Zvonko devaient faire la même chose.

9 Mme Glumac (interprétation). - Donc ils allaient à Zenica pour

10 négocier ?

11 Mme Rajic (interprétation). - Oui, oui je les ai vus partir et

12 puis ensuite ils nous ont ramenés au village.

13 (La séance, suspendue à 10 heures 15 est reprise à

14 10 heures 35.)

15 M. le Président (interprétation). – Maître Slokovic Glumac ?

16 Mme Glumac (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

17 Bien. Vous vous êtes arrêtée au moment où vous nous expliquiez

18 comment on vous avait ramenée au village.

19 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

20 Mme Glumac (interprétation). – Au village de Dusina, c'est bien

21 cela ?

22 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

23 Mme Glumac (interprétation). – Et où vous emmenaient-ils ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Ils nous ont emmenés au village

25 musulman. Ils ont fait environ deux parties.

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1 Mme Glumac (interprétation). – Vous voulez dire la partie

2 musulmane du village ?

3 Mme Rajic (interprétation). – Oui, la partie musulmane du

4 village. Ils n'ont pas cessé de nous traiter de façon incorrecte et ils

5 ont dit qu'ils allaient tous nous tuer. Ils nous ont ramenés dans les

6 maisons croates, la maison de Stipo Kegelj.

7 Nous y étions tous.

8 Mme Glumac (interprétation). – Qui donc, les gens qui avaient

9 été pris comme bouclier humain ?

10 Mme Rajic (interprétation). - Oui et les personnes âgées, les

11 femmes et les enfants.

12 Mme Glumac (interprétation). – C'était tous des Croates, est-ce

13 bien exact ?

14 Mme Rajic (interprétation). – Oui. Tous étaient des Croates.

15 Mme Glumac (interprétation). – Il y avait des personnes âgées,

16 des personnes beaucoup plus jeunes ?

17 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). – Des enfants ?

19 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

20 Mme Glumac (interprétation). – Combien y avait-il de personnes

21 dans la maison de Stipo Kegelj ?

22 Mme Rajic (interprétation). - A peu près jusqu'à 10 personnes

23 âgées, je crois.

24 Mme Glumac (interprétation). – Et pour ce qui est des personnes

25 plus jeunes ?

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1 Mme Rajic (interprétation). – Eh bien, trois.

2 Mme Glumac (interprétation). – C'est-à-dire qu'en tout il y

3 avait 13 personnes ?

4 Mme Rajic (interprétation). - Oui un total de 13 personnes. Les

5 personnes âgées et les trois qui étaient avec nous, parce que dans cette

6 maison, nous étions dans une pièce et ils étaient dans l'autre pièce.

7 Mme Glumac (interprétation). – Qui étaient ces autres

8 personnes ?

9 Mme Rajic (interprétation). – C'était des Croates également mais

10 ils nous avaient séparés. Il y avait d'un côté les hommes et les personnes

11 âgées et de l'autre côté les femmes et les enfants. Il y avait une porte

12 et on pouvait voir ce qu'il se passait.

13 A ce moment-là un groupe de Musulmans nous a dit toutes sortes

14 de choses. Il tentait de nous intimider. Ils nous ont maltraités. Ils nous

15 ont dit qu'ils étaient venus pour nettoyer la région, qu'ils voulaient

16 tuer les Croates. Nous avons baissé la tête, on n'osait pas regarder.

17 Ensuite parfois, il en venait un qui était gentil. Parce que ce

18 qu'il se passait, c'est qu'ils se relevaient toutes les 15 minutes pour

19 nous garder. Alors certains d'entre eux disait : "N'ayez pas peur", et

20 d'autre arrivaient et demandaient : "Alors, quoi, on ne les a pas encore

21 tués ?"

22 Les hommes plus âgés, on les a fait sortir deux fois en groupes

23 de cinq ou six personnes. Ils ont été battus, ils sont revenus et ils

24 avaient des bleus, ils saignaient.

25 Nous étions terrifiés, nous pleurions, nous leur

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1 demandions : "Mais pourquoi faites-vous cela ? Qu'est-ce qu'on vous a

2 fait ?" Cela, c'est ce qu'a dit quelqu'un dont je ne connais pas le nom.

3 Donc ils nous ont dit qu'ils étaient venus pour nettoyer ce territoire

4 pour qu'il n'y ait plus aucun Croate.

5 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que c'est ce qu'ils vous

6 ont dit ?

7 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

8 La dernière fois, les 5 hommes que l'on a fait sortir, on les a

9 emmenés vers la maison d'Ivica Kegelj. Ils ont attaché les mains d'Ivica

10 avec un fil et les mains de Franjo Kristo. Puis les 5 hommes ont marché

11 derrière eux. Et on les a tués chacun leur tour. Ils ont été tués par un

12 homme non identifié.

13 Mme Glumac (interprétation). – Vous avez assisté à la mort de

14 ces hommes ?

15 Mme Rajic (interprétation). – Oui, oui. Ce n'est pas très loin,

16 c'est à quelques minutes seulement de l'autre maison. C'est pratiquement

17 la porte d'à côté.

18 Mais Ivica Kristo et Franjo Rajic, ils ont mis ces gens dans le

19 garage et ils les ont couverts avec de la paille pour qu'on ne puisse pas

20 les voir.

21 Mme Glumac (interprétation). – J'ai l'impression que vous vous

22 emmêlez un petit peu avec les noms des gens concernés.

23 Mme Rajic (interprétation). – Non, pas du tout. Ivica Kegelj et

24 Franjo Kristo…

25 Mme Glumac (interprétation). – Attendez un moment s'il vous

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1 plaît. Ensuite, ils ont dû enlever les corps de ces personnes car ils

2 avaient été tués ?

3 Mme Rajic (interprétation). – Oui, mais ils sont allés tous

4 ensemble. Ils leur avaient attaché les mains derrière le dos et ensuite

5 ils ont tué ces 5 hommes et les 2 autres, cela fait 7. Ensuite, ils ont

6 essayé de couvrir leurs corps afin que personne ne puisse les voir.

7 Mme Glumac (interprétation). – Ils ont fait cela suite à des

8 ordres qui leur avaient été donnés ?

9 Mme Rajic (interprétation). – Bien entendu, les soldats qui sont

10 venus chercher ces hommes leur ont ordonné de les suivre et de sortir.

11 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que ce sont certains

12 soldats musulmans qui ont ordonné de faire cela ?

13 Mme Rajic (interprétation). – Oui, les soldats de l'armée de.

14 Bosnie-Herzégovine.

15 Mme Glumac (interprétation). – Ils leur ont ordonné d'emmener

16 ces corps au garage, est-ce que bien exact ?

17 Mme Rajic (interprétation). - Oui c'est cela.

18 Mme Glumac (interprétation). – Et de les laisser là ?

19 Mme Rajic (interprétation). – Oui, ils leur ont ordonné de les

20 laisser là et de les couvrir avec de la paille et du foin pour qu'on ne

21 puisse pas voir le sang.

22 Mme Glumac (interprétation). – Connaissez-vous le nom de ces

23 5 hommes qui ont été tués ?

24 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

25 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous nous dire leurs

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1 noms ?

2 Mme Rajic (interprétation). – Vinko Kegelj, Niko Kegelj, Stipo

3 Kegelj, cela fait 3. Je n'arrive pas vraiment à vous les dire dans l'ordre

4 exact. Si vous aviez une liste, je pourrais…

5 Mme Glumac (interprétation). – Vous avez dit Vinko Kegelj, Niko

6 Kegelj ?

7 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

8 Mme Glumac (interprétation). – Et Stipo Kegelj ?

9 Mme Rajic (interprétation). – Oui.

10 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que Jozo Kegelj se

11 trouvait dans ce groupe ?

12 Mme Rajic (interprétation). – Non.

13 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Nous reviendrons à ce point

14 plus tard. Bien. Ensuite, Ivica Kegelj et Franjo Kristo sont retournés à

15 la maison, est-ce que bien exact ?

16 Mme Rajic (interprétation). - Oui, ils avaient les mains

17 attachées. Et ces Musulmans de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont dit que,

18 eux aussi, allaient être tués.

19 M. le Président (interprétation). - Je m'excuse de vous

20 interrompre, mais nous ne comprenons pas vraiment pourquoi vous demandez

21 tous ces détails sur ce comportement de la part des Musulmans envers les

22 Croates : quel est le rapport avec notre affaire ?

23 Mme Glumac (interprétation). - Vous verrez de par les arguments

24 de la défense que nous estimons que pratiquement toute l'histoire, toute

25 l'horreur de cette guerre a commencé à Dusina. L'impact de ce qui s'est

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1 produit à Dusina sur les environs a été considérable. Jusqu'à ce moment-

2 là, les gens vivaient en paix, dans une paix relative et il n'y avait pas

3 de problème majeur entre les Croates et les Musulmans. Mais cet événement

4 a beaucoup tendu les relations et a entraîné de nombreuses difficultés et

5 a fait augmenter le sentiment d'insécurité dans cet zone. C'est la

6 première raison.

7 La deuxième raison pour laquelle nous insistons sur cet

8 événement, c'est que, ce qui s'est passé là, cela a beaucoup impressionné

9 les gens. Cela a également influencé leur comportement le 16. Je ne parle

10 pas ici des accusés, je parle d'autres personnes, des personnes qui

11 étaient présentes dans le village d'Ahmici le jour où le conflit a éclaté.

12 Et cet événement a également eu un effet sur la prise de conscience, sur

13 la conscience des accusés. Nous souhaitons ainsi expliquer pourquoi ils

14 avaient des armes lorsque qu'ils ont reçu des informations sur l'offensive

15 des Musulmans.

16 En deuxième lieu, je souhaiterai également dire que l'acte

17 d'accusation stipule que, dans la région de la vallée de la Lasva, à

18 partir du premier conflit, le 20 octobre 1992, jusqu'au premier jour de la

19 guerre le 16 avril 1993, il est reconnu que le HVO... On dit tout le temps

20 que le HVO a attaqué des civils musulmans non armés.

21 D'autre part, dans le contexte de l'acte d'accusation, il est

22 dit que ces attaques se sont intensifiées au cours du mois de

23 janvier 1993. Nous réfutons ces chefs d'accusation et nous affirmons qu'il

24 n'y a pas eu d'attaques perpétrées contre les Musulmans. Nous prouvons

25 que, dans la région de la vallée de la Lasva, il n'y a eu que des attaques

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1 perpétrées par l'armée de Bosnie-Herzégovine contre des civils croates.

2 Etant donné que le Procureur a affirmé le contraire, sans pour autant

3 indiquer des événements particuliers et précis, nous, nous vous

4 fournissons des exemples d'événements bien particuliers, bien spécifiques

5 et nous allons également vous parler de personnes bien précises, bien

6 déterminées.

7 Dans cette partie, l'attaque contre Lasva, Dusina et Busovaca,

8 c'était une offensive de l'armée de Bosnie-Herzégovine contre des civils

9 croates. Nous affirmons donc que les affirmations de l'accusation ne sont

10 pas exactes. Je parle des affirmations du Procureur dans l'acte

11 d'accusation. Nous estimons que c'est ce témoin, ainsi que les deux

12 témoins qui vont suivre et qui vont également nous parler des mêmes

13 événements, sont absolument essentiels pour la défense. Le deuxième témoin

14 va nous parler des villages qui se situent autour de Kacuni ainsi que de

15 Busovaca et le troisième témoin d'événements qui se sont déroulés à

16 Jelinak, Loncari et Putis, alors que le Procureur avait dit qu'il

17 s'agissait d'offensives de l'armée de Bosnie-Herzégovine, ce qui n'est pas

18 exact.

19 Nous voulons expliquer, présenter ce qui s'est exactement passé

20 dans ces endroits. Et, bien entendu, ce sera à la Cour de décider quels

21 éléments de preuve seront acceptés.

22 (Les juges se consultent sur le siège).

23 M. le Président (interprétation). - Nous avons quelques doutes

24 quant à la pertinence des témoignages que vous allez... que vous

25 souhaiteriez que nous écoutions quant au chef d'accusation numéro 1. Nous

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1 sommes prêts à admettre ces éléments de preuve. Cependant, je voudrais

2 vous demander, au nom de la Chambre, d'être aussi bref que possible, de ne

3 pas poser trop de questions sur des détails, des petits détails. Je pense

4 qu'il est suffisant d'avoir une vision générale de ce qui s'est passé dans

5 cette région. Merci.

6 Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce qui se passe après, une

7 fois que vous êtes retournés chez vous ?

8 Mme Rajic (interprétation). - Au moment où ils sont rentrés chez

9 eux, les gens étaient paniqués, ils avaient très peur. Personne ne savait

10 ce qui s'était passé. Ultérieurement, il y a eu un homme qui est venu dans

11 cette pièce où j'étais, avec les femmes dans la plupart des cas mais il y

12 avait quelques hommes également. Il avait un agenda ou je ne sais pas où

13 il prenait les notes. Il avait un béret vert. Il avait également cette

14 bande verte de l'armée de Bosnie-Herzégovine, 7e brigade musulmane. Il

15 était assis sur une machine à coudre et puis il a parlé avec nous avec

16 sang-froid. Il a appelé Augustin Rados.

17 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous comment il s'appelle

18 cet homme dont vous dites qu'il est venu et qu'il est venu en uniforme ?

19 Mme Rajic (interprétation). - Il s'appelle Serif Patkovic.

20 Mme Glumac (interprétation). - Il avait donc appelé Augustin

21 Rados ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Oui, il lui avait demandé de

23 sortir. Il est sorti et l'a emmené dans cette maison, il l'a tué et puis

24 il est rentré vers nous et il a dit : "Voyez-vous, Zvonko Rajic avait

25 hébergé quelque part sa famille, son épouse en Croatie et moi, je suis

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1 venu les tuer." Il nous a dit qu'il était en Croatie, qu'il s'est soigné

2 en Croatie et qu'en 1992 il est venu à Zenica, en provenance de Croatie

3 et, soi-disant, "Merci, M. Tudjman de m'avoir permis de tuer son peuple".

4 Et c'est ce qu'il nous a dit en restant assis sur la machine à coudre.

5 Il y avait une dame, Mme Zdravka Rados qui a dit : "Mais ce

6 n'est pas vrai que Zvonko avait envoyé son épouse avec ses enfants, son

7 épouse et son enfant sont ici, parmi nous". Il lui a demandé où. Elle lui

8 a montré où j'étais assise. Moi, je me suis tournée. Il y avait un mètre,

9 un mètre et demi entre moi et lui. Il m'a dit qu'il connaissait très, très

10 bien mon mari et m'a donc demandé si je voulais qu'il me donne la

11 description de mon mari.

12 Moi je le regardais, j'avais très peur et je me suis posé la

13 question, pourquoi il m'en parlait. Lui, il m'a dit : "Il avait un

14 vêtement multicolore avec un gilet, avec un casque scorpion."

15 Effectivement, je me souviens qu'il portait cela et qu'ils se sont

16 croisés, parce que lui était parti à Zenica pour les négociations. Il m'a

17 dit : "C'est moi-même qui l'a tué et j'ai tiré plusieurs rafales dans sa

18 tête." Moi, je ne le croyais pas sur parole parce c'est avec sang-froid

19 qu'il me parlait. J'ai baissé la tête, j'ai commencé à pleurer. Et puis,

20 il m'a dit : "Va, monte au premier étage." Il s'agissait de la maison dont

21 le propriétaire était Stipo Kegelj. Je suis partie, mon enfant commençait

22 à pleurer.

23 Mme Glumac (interprétation). - Mais avant qu'on vous emmène au

24 premier étage, est-ce que d'autres personnes ont été emmenées de la

25 maison ?

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1 Mme Rajic (interprétation). - Oui, il y avait Vojo Stanisic qui

2 avait été emmené auparavant, son épouse également qui a été tuée par eux.

3 Il avait donc une liste, il avait un agenda et il avait probablement une

4 liste des noms et il les sortait et il les tuait.

5 Mme Glumac (interprétation). - Pero Ljubicic ?

6 Mme Rajic (interprétation). - Oui, Pero Ljubicic c'est de lui

7 que j'ai parlé mais je ne pouvais pas me souvenir du nom. Mais au fond, il

8 les a tous tués comme ça.

9 Mme Glumac (interprétation). - Il a fait sortir combien de

10 personnes, ce Serif Patkovic ?

11 Mme Rajic (interprétation). - Les trois personnes de la pièce où

12 j'étais et il y en avait également d'autres, il y en avait 5, qui étaient

13 dans l'autre pièce. Il y avait Ivica et Franjo qui devaient couvrir ces

14 personnes-là.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu les

16 cadavres, vous avez vu les corps des personnes qui ont été tuées ?

17 Mme Rajic (interprétation). - Non, nous avons tout simplement vu

18 qu'il les faisait sortir, qu'il les avait tués et ils les ont cachés,

19 probablement. Personne ne le savait, mais nous avons entendu les tirs,

20 nous avons su ce qui se passait. Ce sont des gens qui ne sont jamais

21 revenus.

22 Mme Glumac (interprétation). - Au moment où vous êtes montée au

23 premier étage, qu'est-ce qui s'est passé ?

24 Mme Rajic (interprétation). - Au moment où je montais

25 l'escalier, il y avait une personne avec une barbe, en uniforme blanc. Il

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1 avait un fusil, il ne parlait pas du tout et puis il y avait l'autre qui

2 m'escortait, qui m'avait dit qu'il n'allait pas me tuer. "Et puis de toute

3 façon, elle a de l'argent. On va lui prendre de l'argent, mais de toute

4 façon ça sera la meilleure des choses". Ils m'ont pris 10.000 dollars.

5 60.000 Deutsche Marks (somme inaudible). Il m'a frappée et dit : "Si

6 jamais tu dis à qui que ce soit qu'on t'a pris de l'argent, je vais te

7 tuer mais, de toute façon, ton tour viendra." On m'a permis par la suite

8 de retourner en bas, mais l'enfant était évidemment content de me voir.

9 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez ce

10 qui s'est passé avec Mladen Kegelj ?

11 Mme Rajic (interprétation). - Oui, ils lui ont enlevé tous les

12 vêtements, ils l'ont promené à travers le village musulman. Il était nu et

13 on lui coupait les oreilles et il lui ont coupé plein d'autres choses et,

14 puis, je dois dire qu'ils l'ont tué à la fin.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu qu'on

16 avait incendié les maisons dans le village ?

17 Mme Rajic (interprétation). - Oui, quand nous sommes partis,

18 nous avons vu qu'on incendiait les maisons. Il y avait donc cet

19 avertissement qui est venu de Zenica et, au moment où ils ont dit qu'il

20 n'y avait personne qui devait être tué, à ce moment-là, ils étaient

21 enragés, ils voulaient absolument nous incendier tous. On a entendu

22 également qu'ils versaient de l'essence et ils nous ont dit : "Nous sommes

23 arrivés ici et nous allons tuer tous les Croates dans ce territoire."

24 Mme Glumac (interprétation). - Il y avait par conséquent cet

25 ordre sur lequel il fallait cesser les massacres ?

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1 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). - Et vous, vous avez été emmenée où

3 après ?

4 Mme Rajic (interprétation). - Après cela, c'était six heures de

5 l'après-midi à peu près. Nous avons été emmenés à l'école à Lasva. Deux ou

6 trois fois, on a été obligé de se coucher par terre parce qu'ils avaient

7 soi-disant peur, ils nous ont maltraités bien évidemment en cours de

8 route, dans un virage. Nous avons passé une heure, peut-être même deux

9 heures pour nous rendre dans cette école.

10 Mme Glumac (interprétation). - Comment êtes-vous allée ? A

11 pied ?

12 Mme Rajic (interprétation). - Oui, à pied et pieds nus.

13 Mme Glumac (interprétation). - De Lasva à Dusina, comment vous

14 vous êtes rendue ?

15 Mme Rajic (interprétation). - A pied également.

16 Mme Glumac (interprétation). - A pied ?

17 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). - A Lasva, vous étiez dans cette

19 école ?

20 Mme Rajic (interprétation). - Oui et puis, tous les civils, tous

21 ceux qui se trouvaient à Lasva à l'époque, tous ont été emprisonnés, les

22 femmes, les hommes, les vieillards, les enfants. Tous ont été détenus et,

23 pendant que j'avais marché, il y avait un monsieur Sisic - je me souviens

24 bien de son nom -, il m'avait demandé où se trouvait mon mari, Tatin, son

25 surnom. Moi, je ne croyais pas qu'ils l'avaient tué parce que je me suis

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1 dit qu'ils voulaient me faire peur et, au moment où j'étais debout contre

2 un mur, il y avait un jeune homme qui me regardait sans cesser de me

3 regarder moi, parce que j'avais peur et, lui, il s'est approché de moi. Il

4 avait un fusil, il m'a dit : "Ne me regarde plus parce que ce n'est pas

5 moi qui ai tué ton mari" et c'est là où j'ai compris parfaitement que

6 Patkovic avait effectivement tué mon mari.

7 Mme Glumac (interprétation). - Quand est-ce qu'on vous a permis

8 de partir ?

9 Mme Rajic (interprétation). - C'était 2 heures dans la nuit. On

10 avait été escortés. Plutôt, il y avait des gens de leur partie qui nous

11 gardaient et, le lendemain matin à 8 heures, je suis allée à la maison et

12 je n'ai pratiquement rien trouvé parce qu'il n'y avait pas d'argent. Tout

13 ce que j'avais gardé comme argent, je l'avais mis dans une cheminée. Tout

14 ceci a été pillé. C'était tous les biens. Tout a été détruit et pillé.

15 En ce qui concerne mon mari, Batan Pasalic qui était à Bozici

16 avait conduit mon mari dans un véhicule. C'est là où je l'ai rencontré

17 quand je suis allé entre Lasva et Dusina. Il était avec mon mari parce que

18 moi, je me suis dit bien évidemment qu'il n'allait pas le tuer, c'est

19 certainement pas cela que je pensais.

20 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que votre maison

21 a été pillée ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

23 Mme Glumac (interprétation). - Le matin, vous êtes partie de

24 Lasva ?

25 Mme Rajic (interprétation). - Oui, je suis partie de la Lasva à

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1 Zenica, j'y avais les parents et il y avait les deux enfants qui étaient

2 chez mes parents. Ensuite, je suis allée à Cajdras pour la question de

3 sécurité parce que je sais que des gens me surveillaient un petit peu.

4 J'avais remarqué un certain nombre de voitures qui me surveillaient. Pour

5 des raisons de sécurité, j'ai passé neuf jours à Cajdras. Au moment où il

6 y avait l'enterrement de ces personnes qui ont été tuées, je suis sortie

7 de Cajdras.

8 Mme Glumac (interprétation). - Quand avez-vous eu l'information

9 que le corps de votre mari a été échangé ?

10 Mme Rajic (interprétation). - Vous parlez du message ?

11 Mme Glumac (interprétation). - Mais de quel... Est-ce que le

12 corps a été rendu aux Croates ?

13 Mme Rajic (interprétation). - Vous parlez de l'hôpital de

14 Zenica ?

15 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

16 Mme Rajic (interprétation). - Oui, j'ai appris au bout de cinq

17 ou six jours qu'il y avait les membres de la Forpronu qui avaient pris les

18 corps et les avaient ramenés à Zenica et, ensuite, l'enterrement a été

19 organisé.

20 Mme Glumac (interprétation). - Je vais vous demander de bien

21 vouloir regarder une cassette vidéo, on va la visionner. Au début, il y a

22 la déclaration également de votre mari à l'occasion d'un certain nombre de

23 malentendus qui sont survenus et en ce qui concerne la répartition, le

24 partage de la municipalité de la Lasva.

25 Mme Rajic (interprétation). - D'accord, merci.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Ensuite, il y a des corps des

2 personnes qui ont été tuées et, si vous ne pouvez pas véritablement voir

3 tout ceci...

4 Mme Rajic (interprétation). - Mais nous allons voir.

5 Mme Ameerali (interprétation). - La pièce à conviction est sous

6 la cote D 62/2.

7 (L'huissier distribue des documents.)

8 Le nom est D 62 A/2.

9 M. le Président (interprétation). - (Interventions hors micro)

10 Mme Glumac (interprétation). - (Interventions hors micro)

11 (Mme Glumac communique des documents au Greffier qui va faire

12 des photocopies.)

13 Mme Glumac (interprétation). - On peut voir, donc, cette

14 cassette vidéo.

15 (Diffusion de la cassette vidéo)

16 "Eh bien, je ne sais pas, il y avait un certain nombre de

17 personnes, je ne sais pas pourquoi ils sont arrivés ici, je ne comprends

18 pas.

19 Je peux vous dire qu'il y avait des barrages qui ont été montées

20 il y a deux jours à Lasva. En ce qui nous concerne, nous, on est du HVO

21 Busovaca et, cela c'est le territoire de la municipalité de Zenica.

22 D'après un certain nombre d'informations que nous avons obtenues

23 de Genève et selon les négociations, la province de Travnik allait jusqu'à

24 la rivière de Bosna

25 Nous avons appris également qu'ils avaient forcé l'entrée à

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1 la Lasva et ils parlent déjà du fait que la municipalité de Zenica sera

2 dans leurs propres mains et c'est comme cela que ce sera.

3 En ce qui me concerne, nous autres, nous les Croates, nous

4 sommes absolument d'accord avec toutes les cartes possibles qui vont être

5 dressées au niveau de Genève, c'était la province de Zenica ou la province

6 qu'on appellera différemment, cela nous est égal. Nous n'allons

7 certainement pas changer les cartes, ce que nous souhaitons, c'est la paix

8 et c'est tout. Nous allons attendre comme si on était sur un terrain de

9 sport et on va attendre les résultats."

10 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Je pense qu'il y avait un

11 problème, parce qu'on ne comprend pratiquement pas la personne qui parle.

12 La bande vidéo est très vieille ?

13 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, Madame Rajic, vous

15 vous rappelez de l'occasion à laquelle cela s'est produit ?

16 Mme Rajic (interprétation). - Je ne sais pas véritablement, je

17 n'étais pas présente. Je ne sais pas quand la vidéo a été filmée, mais

18 cela devait être à la fin de 1992.

19 Mme Glumac (interprétation). - Et c'était au mois de novembre ?

20 Mme Rajic (interprétation). - Oui, le mois de novembre.

21 Mme Glumac (interprétation). - Compte tenu du fait de ce que

22 votre mari avait dit, qu'en ce qui le concerne cela lui était égal à qui

23 allait appartenir la municipalité de Lasva, que lui était tout simplement

24 pour la paix... ?

25 Mme Rajic (interprétation). - Oui, c'était quelqu'un de très

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1 pacifique et puis il aimait tout le monde.

2 Mme Glumac (interprétation). – Pouvons-nous visionner maintenant

3 la deuxième partie de cette cassette ?

4 (Diffusion de la cassette.)

5 "Chers observateurs, ce sont les personnes qui ont été

6 massacrées dans la vallée de Lasva, Zvonko Rajic, Franjo Rajic, Stipo

7 Kegelj, Niko Kegelj, Vinko Kegelj, Dragan Kegelj, Pero Ljubicic, Vojo

8 Stanisic, Vladen Kegelj et Augustin Rados.

9 Au cours de l'offensive qui a été entreprise par les agresseurs

10 musulmans…."

11 Les interprètes n'ont pas de transcript et ne feront pas de

12 traduction (intervention de l'interprète).

13 M. le Président (interprétation). – Maître Slokovic-Glumac, nous

14 pouvons arrêter maintenant ?

15 Mme Glumac (interprétation). – D'accord. Est-ce que vous avez

16 déjà vu cette bande vidéo ?

17 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous avez reconnu

19 votre mari ?

20 Mme Rajic (interprétation). – Oui. On lui avait arraché le

21 coeur. Il avait un trou dans la poitrine.

22 Mme Glumac (interprétation). - Je vais vous demander de voir la

23 liste, s'il vous plaît, que je vais vous soumettre, à parcourir et juste

24 me dire s'il s'agit de ces personnes qui ont été tuées ce jour-là. Je vais

25 demander à l'huissier de m'aider.

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1 Mme Ameerali (interprétation). - Le document est marqué D 63/2.

2 Mme Glumac (interprétation). - Il y a une liste de ceux qui ont

3 été tués, de ceux qui sont détenus, disparus et des blessés. Connaissez-

4 vous les noms de ces personnes ?

5 Mme Rajic (interprétation). - Je connais Jozo Kegelj, il est

6 encore en vie, ensuite j'ai vu Stipo et je pense Niko. Attendez un petit

7 peu.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

9 tout simplement si ce sont les personnes qui ont été tuées ce jour-là ?

10 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

11 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

12 également si ces données, en ce qui concerne l'âge sur Stipo Kegelj, Vojo

13 Stanisic et Pero Ljubicic correspondent ?

14 Mme Rajic (interprétation). - Oui, c'est tout à fait vrai. C'est

15 exact.

16 Mme Glumac (interprétation). - Il s'agit par conséquent de

17 personnes âgées ?

18 Mme Rajic (interprétation). - Oui.

19 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

20 si, après cet événement de Lasva et de Dusina le 26, il y avait des

21 Croates qui sont restés vivre dans ces deux villages ?

22 Mme Rajic (interprétation). - Non, aucun Croate n'habite à Lasva

23 actuellement.

24 Mme Glumac (interprétation). - Et à Dusina ?

25 Mme Rajic (interprétation). - Non.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelqu'un de croate

2 est retourné ?

3 Mme Rajic (interprétation). - Non. A Dusina, les maison ont été

4 incendiées et à Lasva, où j'habitais, les maisons sont habitées

5 actuellement par les Musulmans.

6 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie, Madame Rajic,

7 moi j'ai terminé mon interrogatoire.

8 Je vais vous demander, s'il vous plaît, de verser au dossier des

9 pièces à conviction de la défense D 62/2 et D 63/2.

10 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il une objection du

11 côté du Procureur ?

12 M. Terrier (interprétation). - Pas d'objection.

13 M. le Président (interprétation). - Nous avons admis le

14 versement de ces pièces à conviction.

15 Je vais demander à Me Radovic si éventuellement il souhaiterait

16 également contre-interroger le témoin.

17 M. Radovic (interprétation). - Non.

18 M. le Président (interprétation). - Et d'autres conseils de la

19 défense ?

20 M. Pavkovic (interprétation). - Non, personne d'autres conseils

21 ne souhaite contre-interroger le témoin.

22 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

23 Maintenant, M. Blaxill, le Procureur, pour le contre-

24 interrogatoire. Le Procureur ne va pas contre-interroger le témoin.

25 Mme Ameerali (interprétation). - Excusez-moi, mais il y a un

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1 document D 62 A/2. Est-ce que nous allons le verser également au dossier ?

2 Mme Glumac (interprétation). - Oui, nous proposons également que

3 le D 62 A/2 soit versé au dossier.

4 M. le Président (interprétation). - Oui, nous l'acceptons comme

5 pièce à conviction.

6 Par conséquent, il n'y a pas de contre-interrogatoire, pas de

7 question supplémentaire non plus ? Compte tenu du fait qu'il n'y a plus de

8 question pour le témoin, je pense que le témoin peut disposer. Je vous

9 remercie, Madame le Témoin, de bien vouloir venir témoigner devant cette

10 Chambre. Maintenant, vous pouvez disposer.

11 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

12

13 M. le Président (interprétation). - Qui est notre témoin

14 suivant ?

15 M. Susak (interprétation). - Ce sera Mme Jadranka Tolic.

16 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Et c'est

17 vous, Maître Susak, qui aller l'interroger ?

18 M. Susak (interprétation). - Oui, en effet.

19 M. le Président (interprétation). - Pouvons-nous avoir une idée

20 générale de l'ordre des témoins qui suivront Mme Tolic, je vous prie ?

21 M. Susak (interprétation). - Ce seront les témoins dont les noms

22 figurent sur la liste au Procureur. Je crois que le suivant sera Dragan

23 Stojak.

24 M. le Président (interprétation). - Très bien, merci. Suivi par

25 Mario Rajic et Ljuban Grubesic, n'est-ce pas ?

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1 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, deux

2 témoins ne sont pas arrivés de Bosnie. En fait, ils ne sont arrivés

3 qu'hier soir. Il s'agit de Mario Rajic et de M. Stojak. Donc, malgré le

4 fait que leurs noms figurent sur la liste remise au Tribunal, ils ne

5 pourront pas être entendus aujourd'hui. Mais, après Jadranka Tolic, nous

6 entendrons Gruban Ljubicic, puis Dragan Stojak suivi de Mario Rajic.

7 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

8 (Le témoin est introduit dans le prétoire).

9 M. le Président (interprétation). - Bonjour Madame Tolic.

10 Mme Tolic (interprétation). - Bonjour.

11 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous prononcer la

12 déclaration solennelle ?

13 Mme Tolic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

14 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation). - Merci, vous pouvez vous

16 asseoir.

17 Maître Susak, c'est vous qui allez procéder à l'interrogatoire

18 de ce témoin.

19 M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

20 Madame Tolic, bonjour.

21 Mme Tolic (interprétation). - Bonjour.

22 M. Susak (interprétation). - C'est moi qui vous poserai des

23 questions et vous voudrez bien y répondre.

24 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

25 M. Susak (interprétation). - J'attire simplement votre attention

Page 5810

1 sur la nécessité de ménager quelques pauses pour faciliter le travail des

2 interprètes.

3 Pouvez-vous nous dire à quelle date vous êtes née et d'où vous

4 venez ?

5 Mme Tolic (interprétation). - Je suis née le 12 janvier 1961 à

6 Zenica.

7 M. Susak (interprétation). - Et quelle est votre profession ?

8 Mme Tolic (interprétation). - Je suis infirmière généraliste, je

9 travaillais à l'hôpital de Zenica.

10 M. Susak (interprétation). - Je vous prierai de parler un petit

11 peu plus lentement, s'il vous plaît. Vous disiez que vous travaillez à

12 Zenica, où ça ?

13 Mme Tolic (interprétation). - A l'hôpital, au laboratoire

14 central.

15 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de combien de

16 membres se composait votre famille ?

17 Mme Tolic (interprétation). - J'ai mon mari Zoran et deux fils,

18 Adrijan et Toni.

19 M. Susak (interprétation). - Nés à quelles dates ?

20 Mme Tolic (interprétation). - L'aîné est de 1981 et le cadet

21 de 1986.

22 M. Susak (interprétation). - Puisque nous parlons de cela,

23 j'aimerais vous interroger au sujet de votre frère également. Vous aviez

24 un frère également ? Quel était son nom ?

25 Mme Tolic (interprétation). - Il s'appelait Tomislav Trogrlic.

Page 5811

1 Il a été tué en tant que civil alors qu'il s'efforçait de quitter Zenica.

2 M. Susak (interprétation). - A quelle date ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Je ne sais pas exactement à quelle

4 date, mais je crois que c'était fin juin, début juillet 1993.

5 M. Susak (interprétation). - Et quelle était sa date de

6 naissance ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Il était né le 21 juin 1972.

8 M. Susak (interprétation). - Vous avez dit qu'il s'était fait

9 tuer alors qu'il s'efforçait de quitter Zenica ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

11 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel moment

12 vous avez appris cet événement ? L'avez-vous appris tout de suite ou avez-

13 vous considéré qu'il était disparu pendant quelque temps ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Nous ne l'avons pas appris

15 immédiatement après sa mort.

16 M. Susak (interprétation). - Racontez-nous un peu ce qu'il s'est

17 passé.

18 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, en 1993, à la fin du mois

19 d'avril, je me suis enfuie pour Busovaca. J'ai été transférée là-bas.

20 Comme le téléphone fonctionnait, j'ai reçu un appel de ma mère qui se

21 trouvait à Zenica et qui m'a dit que mon frère allait essayer de me

22 rejoindre là où je me trouvais, puisque à Zenica l'impatience avait

23 commencé à sévir entre les groupes et certaines personnes étaient

24 persécutées, les Croates je veux dire.

25 Donc mon frère a essayé de sortir de Zenica et il a voulu passer

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1 par Vjetrenice, Poculica, et il s'est fait tuer. Mais ma mère m'avait

2 téléphoné pour me dire qu'il devait venir. Or il n'est jamais arrivé. Donc

3 nous avons échangé des lettres. Je recevais aussi le courrier par

4 l'intermédiaire de représentants des Nations Unies qui venaient à Busovaca

5 pour accompagner l'aide humanitaire. Ils apportaient aussi des lettres. En

6 recevant cette lettre, je me suis rendue compte qu'il n'était pas là-bas,

7 mais qu'il n'était pas encore arrivé chez moi non plus. Donc j'ai fait

8 connaître sa disparition dans l'idée que la Croix Rouge internationale

9 allait le retrouver quelque part mais cela n'a pas réussi.

10 Pendant deux ans, en fait deux ans et demi, nous n'avons

11 absolument pas su s'il était mort ou vivant. Et nous ne l'avons découvert

12 qu'en 1996. J'avais une parente qui jusqu'en 1994, c'est-à-dire

13 pratiquement toute la durée de la guerre, avait vécu à Cajdras, et des

14 policiers qui travaillaient dans le quartier de Zenica sont venus un jour

15 prendre le café chez elle. Ils lui ont demandé d'où elle venait et quand

16 elle a répondu que son nom de famille était Trogrlic, il lui ont dit qu'à

17 leur connaissance un Trogrlic avait été tué à tel et tel moment, ou plus

18 précisément à la fin juin ou au début juillet 1993 à Vjetrenice.

19 Et en 1994, au moment du cessez-le-feu, ma parente est venue à

20 Busovaca et m'a raconté cela. Donc, c'est à ce moment-là que j'ai commencé

21 à rechercher mon frère. Je suis allée à Zenica voir les représentants de

22 la Croix Rouge internationale et dans le bâtiment de la Croix Rouge à

23 Zenica, j'ai demandé de l'aide à mes concitoyens pour le retrouver.

24 Quand nous avons appris quel était l'endroit exact, il y a eu

25 des exhumations et les restes de son corps ont été trouvés. A ce moment-

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1 là, ils ont été transférés à Split et l'enterrement a eu lieu à Mostar.

2 M. Susak (interprétation). - Nous allons maintenant aborder un

3 autre sujet. Vous disiez que vous viviez et travailliez à Zenica ?

4 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

5 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était

6 la structure du point de vue des lignes..., de la division en appartenance

7 ethnique à Zenica.

8 Mme Tolic (interprétation). - Selon le recensement 1990, il y

9 avait 11 % environ de la population qui se composait de Serbes, 17 % de

10 Croates et le reste... Il y avait 2 ou 3 % d'autres appartenances

11 ethniques, le reste étant composé de Musulmans.

12 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelles

13 étaient les relations entre les Musulmans et les Croates avant et après le

14 conflit ?

15 Mme Tolic (interprétation). - Lorsque l'agression des Serbes

16 contre l'armée de Bosnie-Herzégovine a commencé, la Défense territoriale

17 s'est organisée. Il y a eu mobilisation de toutes les personnes qui

18 avaient un travail et qui ont donc été affectées à leur lieu de travail.

19 Les autres ont été emmenées à la caserne qui, par le passé, était celle de

20 la JNA, c'est-à-dire de l'armée populaire yougoslave.

21 Dans cette caserne, tous les habitants se trouvaient ensemble,

22 c'est-à-dire les Croates, les Serbes et les Musulmans, au sein de la

23 Défense territoriale. A ce moment-là, on racontait qu'il y aurait une

24 défense contre l'agresseur.

25 M. Susak (interprétation). - Quand vous utilisez ces sigles, les

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1 lettres TO, vous voulez parler de la Défense territoriale ?

2 Mme Tolic (interprétation). - Oui, je parle de la Défense

3 territoriale de la Bosnie-Herzégovine et plus précisément de la ville de

4 Zenica.

5 M. Susak (interprétation). - Qui organisait cette Défense

6 territoriale ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, ce sont les Croates et

8 les Musulmans qui l'ont organisée.

9 M. Susak (interprétation). - Très bien. Mais il y a eu à un

10 certain moment création de mauvais rapports entre les Musulmans et les

11 Croates, n'est-ce pas ?

12 Mme Tolic (interprétation). - Oui, au départ, les relations se

13 sont dégradées mais légèrement. La défense était organisée contre les

14 Serbes et eux étaient au-dessus de Visoko dans le village de Krnici, il me

15 semble ou, en tout cas, dans un village de la montagne. Les forces de la

16 Défense territoriale montaient donc les flancs de la montagne pour prendre

17 position, et on a commencé à raconter à ce moment-là que c'était surtout

18 les Croates qui étaient en première ligne.

19 Les gens ont commencé à quitter la Défense territoriale et,

20 ensuite, les relations entre les deux groupes se sont encore dégradées à

21 Zenica au moment de l'attaque qui s'est produite en janvier 1993.

22 D'ailleurs, il y a quelque chose qu'il faudrait que je dise

23 avant de parler de cela.

24 Les relations se sont dégradées aussi au moment de l'arrivée des

25 Moudjahidine dans la ville de Zenica et encore davantage au moment des

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1 crimes de Dusina et de l'attaque de Busovaca en janvier 1993.

2 M. Susak (interprétation). - Vous venez d'évoquer les

3 Moudjahidine ? Qui étaient-ce, ces Moudjahidine ?

4 Mme Tolic (interprétation). - Les Moudjahidine étaient des

5 hommes de nationalité étrangère qui sont arrivés en Bosnie-Herzégovine et

6 qui se comportaient d'une manière différente des habitants musulmans de la

7 région. Ils ont apporté avec eux des modifications, ils ont introduit

8 leurs lois. Jusqu'à ce moment-là, il y avait une certaine tolérance. Je

9 pourrais même dire que nous nous entendions bien les uns avec les autres

10 mais, lorsque que les Moudjahidine sont arrivés, ils ont commencé à

11 vouloir convaincre les Musulmans locaux de se comporter autrement. En

12 fait, les Moudjahidine détestaient tout ce qui n'était pas musulman.

13 M. Susak (interprétation). - Comment reconnaissiez-vous les

14 Moudjahidine en ville ? Vous les voyiez en ville ?

15 Mme Tolic (interprétation). - Oui, je les voyais, ils portaient

16 tous une barbe. Chez nous, les habitants de Zenica, les Musulmans de

17 Zenica qui les ont rejoints ont aussi commencé à faire pousser leur barbe

18 et à s'attacher quelque chose sur la tête, à se mettre quelque chose sur

19 la tête. C'est comme ça que nous les reconnaissions.

20 Les Moudjahidine patrouillaient avec leurs unités dans les rues

21 de la ville, ils effrayaient les habitants de la ville, ils chantaient

22 diverses chansons et certains habitants de chez eux les ont rejoints et la

23 peur a commencé à régner.

24 M. Susak (interprétation). - Madame, un peu plus lentement, je

25 vous prie.

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1 Mme Tolic (interprétation). - A ce moment-là, la peur a commencé

2 à régner parce qu'ils patrouillaient comme cela à grands pas dans les rues

3 de la ville, il chantaient "de Sarajevo à la porte Vranducka, il n'y aura

4 que des Musulmans, il n'y aura plus ni Serbes, ni Croates" et ils

5 lançaient des mots d'ordre : "Cette terre de Bosnie sera turque", etc.

6 Pour les habitants qui n'étaient pas musulmans, cela a

7 représenté le signe que nous n'avions plus de vie possible dans la région,

8 que nous n'aurions plus de conditions de vie acceptables, que nous

9 n'aurions plus de liberté, que nous ne pourrions plus travailler comme

10 nous l'avions fait jusqu'à ce moment-là.

11 M. Susak (interprétation). - Je vous demanderai de ralentir un

12 petit peu.

13 Vous disiez que vous travailliez à l'hôpital ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

15 M. Susak (interprétation). - Dans quelle période ?

16 Mme Tolic (interprétation). - J'ai travaillé à l'hôpital de 1991

17 à 1992.

18 M. Susak (interprétation). - Quels étaient les rapports entre

19 les Croates et les Musulmans à l'intérieur de l'hôpital ? Je parle donc du

20 personnel médical.

21 Mme Tolic (interprétation). - En 1991, déjà des discussions

22 commençaient sur des sujets politiques, sur la représentation politique

23 des peuples serbes, croates et musulmans. Tous les jours, il y a eu des

24 insultes, des disputes et, comme Zenica était une ville majoritairement

25 musulmane, à l'hôpital, parmi le personnel, il y avait aussi une majorité

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1 musulmane. Nous avons commencé à nous sentir menacés par eux et c'est

2 exactement ce qu'ils voulaient parce qu'en 1992, à Zenica, il y avait déjà

3 de très nombreux réfugiés venant d'autres régions musulmanes de la Bosnie

4 qui arriveraient dans la ville et on a commencé à nous dire à ce moment-là

5 qu'il n'y avait pas de place pour nous à l'hôpital, que nous devrions

6 partir, quitter notre travail de façon à offrir un emploi aux réfugiés

7 musulmans.

8 M. Susak (interprétation). - Je me permets d'essayer de vous

9 aider. Quelles sont les causes qui vous ont poussée à quitter l'hôpital de

10 Zenica ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Je vais vous le dire. Ce qui m'a

12 motivée, c'est que l'une de mes chefs, la deuxième supérieure hiérarchique

13 par rapport à moi m'appelait souvent dans son bureau, elle discutait avec

14 moi et me demandait très souvent comment je pouvais être croate puisque

15 j'étais née en Bosnie. C'était la question la plus fréquente. Elle ne m'a

16 pas posé cette question une fois, mais il lui est arrivé très souvent de

17 m'inviter à de tels interrogatoires et de me demander de répondre à ces

18 questions.

19 J'ai vécu d'autres événements assez désagréables. Au

20 laboratoire, nous avons des blouses blanches et, lorsque ces blouses

21 étaient sales, on les envoyait au nettoyage et il est arrivé que ces

22 blouses revenaient du nettoyage avec des croix dessinées sur la poche ou

23 sur la manche, ce qui montrait bien que les membres du personnels qui

24 n'étaient pas musulmans se voyaient affectés un signe distinctif. J'ai vu

25 là une injure très importante.

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1 Ensuite, le bruit a commencé à courir que c'était nous qui

2 avions dessiné ces signes sur nos blouses alors qu'en fait, à l'hôpital,

3 nous n'osions même plus respirer librement et travailler librement. Alors,

4 il n'était pas question pour nous de faire ce genre de choses.

5 M. Susak (interprétation). - Savez-vous comment les Croates

6 étaient soignés à l'hôpital et comment les Musulmans étaient soignés ? Je

7 parle toujours de la période antérieure au conflit ou plus précisément à

8 l'attaque du 8 avril 1993.

9 Mme Tolic (interprétation). - Oui, je peux dire qu'ils ne se

10 comportaient pas bien vis-à-vis des blessés non musulmans qui arrivaient

11 des villages avoisinants de Zenica par exemple, parce qu'il y eu des

12 combats à Zepce, à Osoha, etc., dans pas mal d'endroits. Je crois pouvoir

13 dire, peut-être pas dans cette période, mais en tout cas plus tard,

14 c'était très net, qu'ils ont négligé ces blessés.

15 M. Susak (interprétation). - Lorsque vous dites "après", vous

16 voulez dire après le 18 ?

17 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

18 M. Susak (interprétation). - Eh bien, revenons maintenant au

19 début. Vous avez dit qu'un certain nombre de choses se sont dégradées

20 après l'attaque à Busovaca, en janvier. Que s'est-il passé à Zenica, la

21 veille de l'attaque à Busovaca ? Quelle était l'ambiance à Zenica ?

22 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, l'ambiance était tendue,

23 mais nous ne savions pas exactement ce qui se passait au sein de la

24 population locale. La nuit tombait déjà à 16 heures ou 17 heures dans

25 cette période, et la nuit nous n'avions pas d'électricité donc il faisait

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1 sombre. Ce moment où la nuit tombait était quelque chose de terrible pour

2 nous, nous le vivions très mal à Zenica. En effet il y avait des groupes

3 de tireurs isolés qui se mettaient à tirer à partir des bâtiments les plus

4 élevés de la ville et cela nous faisait terriblement peur ; nous ne

5 parlions même plus à haute voix, nous nous contentions de chuchoter, de

6 murmurer. Nous étions plongés dans la terreur et nous ne savions

7 absolument pas ce qui se passait.

8 M. Susak (interprétation). - Mais est-ce que les Musulmans de

9 Busovaca ont commencé à affluer à Zenica à ce moment-là ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Oui, eh bien, en effet, un jour il

11 m'est arrivée de me trouver dans la rue pendant la journée, moi j'habite à

12 l'entrée de Zenica où il y a quatre bâtiments de grande taille. Je ne sais

13 plus si j'étais allée faire les courses ou si j'étais allée me promener,

14 mais j'ai vu passer une sorte de camion, une camionnette, il y en avait

15 deux en fait, et des femmes et des enfants sortaient de ces espèces de

16 camions ou camionnettes. A Zenica c'était une scène assez habituelle parce

17 que des réfugiés arrivaient tous les jours de toutes sortes d'endroits, à

18 Zenica.

19 Mais le spectacle était très attristant, ces gens arrivaient en

20 larmes. Alors j'ai demandé à ces femmes d'où elles venaient parce que tous

21 les jours des réfugiés arrivaient, avant ils venait à la porte de mon

22 immeuble pour demander de la nourriture et un peu d'aide, des vêtements.

23 Donc quand j'ai vu ces nouveaux réfugiés, je leur ai demandé d'où ils

24 venaient et la réponse a été "Busovaca", pour moi cela a été une surprise.

25 Je me suis dit : "Mais qu'est-ce qui se passe là-bas, comment se

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1 fait-il que des réfugiés de Busovaca arrivent à Zenica ?" Moi je ne

2 comprenais rien et je suis rentrée chez moi plongée dans la confusion,

3 parce que de Potkozarje et d'ailleurs des réfugiés étaient déjà arrivés

4 avant. Mais ce jour-là ce qui m'a étonnée, c'est qu'ils arrivent de

5 Busovaca parce que jusqu'à ce moment-là il ne s'était rien passé à

6 Busovaca. En tout cas nous n'avions rien entendu dire.

7 M. Susak (interprétation). - Et quand ces réfugiés musulmans

8 sont arrivés à Zenica, qu'est-ce que vous avez vécu vous ? Est-ce qu'ils

9 entraient dans vos appartement, est-ce qu'ils agissaient d'une manière ou

10 d'une autre, d'une manière particulière ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, je ne pourrais pas dire,

12 je ne peux rien dire de cette période, parce que si quelqu'un venait à la

13 porte demander du pain je ne demandais pas à cette personne d'où elle

14 venait, mais je peux parler de ce qui s'est passé dans la période

15 ultérieure.

16 M. Susak (interprétation). - Nous y viendrons plus tard à la

17 période qui a suivi le 18 avril 1993. Mais vous avez dit que vous

18 travailliez à l'hôpital, alors quand vous l'avez quitté pouvez-vous nous

19 dire où vous avez travaillé ?

20 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, j'ai déjà dit pour quelle

21 raison j'avais quitté l'hôpital de Zenica. Et j'ajouterai d'ailleurs une

22 raison que je n'ai pas encore évoqué et qui est très importante.

23 En ce qui me concerne, j'ai fini les études moyennes de médecine

24 et donc je pouvais travailler à des postes assez importants en

25 laboratoire. Des analyses de sang sont arrivées. Nous étions 35 à 40 à

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1 travailler dans ce domaine, et j'ai été choisie comme laborantine de

2 qualification supérieure pour travailler sur ordinateur. Mais, étant donné

3 les opérations de guerre qui ont commencé, on m'a remise à un poste de

4 débutante, c'est-à-dire que j'ai recommencé à faire des analyses d'urine

5 et que je ne travaillais plus sur informatique.

6 Je vous ai dit que j'avais quitté l'hôpital. Je suis restée un

7 moment à la maison et à ce moment-là on a entendu parler de la création

8 d'une sorte de dispensaire à la Croix Rouge où les Croates s'annonçaient

9 en grand nombre. Je me suis donc fait connaître à la Croix Rouge, j'ai

10 proposée mes services et on m'a accepté comme infirmière. Donc j'ai

11 commencé à travailler dans cet espèce de dispensaire.

12 M. Susak (interprétation). - Où se trouvait ce dispensaire à

13 Zenica ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Au début à l'école élémentaire.

15 M. Susak (interprétation). - Et ensuite ?

16 Mme Tolic (interprétation). - Ensuite nous avons dû nous

17 transférer dans un autre bâtiment et nous avons travaillé à Cajdras, dans

18 la maison d'un Croate qui travaillait à l'étranger.

19 M. Susak (interprétation). - Nous venons donc de parler de votre

20 travail à Zenica et dans d'autres endroits. Je voudrais maintenant passer

21 à d'autres questions. Ce sera en fait la suite logique des questions que

22 je vous ai posées jusqu'à présent.

23 A quel moment les Croates et les Musulmans se sont-ils divisés,

24 à quel moment se sont produits les incidents, les comportements

25 déplaisants qui ont causé cette division ? Pouvez-vous nous parler de la

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1 Défense territoriale et de la répartition du pouvoir de façon générale ?

2 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien j'ai déjà dit que les

3 Croates et les Musulmans, ainsi qu'un nombre assez réduit de Serbes,

4 étaient présents au sein de la Défense territoriale qui n'avaient pas

5 quitté la ville à ce moment-là. La division s'est produite au moment où

6 des responsables politiques musulmans, je ne sais plus comment ils

7 s'appellent, ont commencé à créer l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il y

8 avait la ligue patriotique, la ligue des bérets verts, la 7ème brigade

9 musulmane, les Moudjahidine qui ont fondé les MOS, les forces armées

10 musulmanes. Ils se sont donc constitués pour se défendre.

11 M. Susak (interprétation). - Oui, ils se sont constitués pour

12 s'organiser ?

13 Mme Tolic (interprétation). - Oui, pour s'organiser en unités.

14 Il y avait donc des unités musulmanes qui se sont créées et les gens, les

15 Musulmans, les Croates, se sentaient en danger parce qu'ils étaient très

16 nombreux et nous avions déjà perçu un certain nombre de signes nous

17 montrant que nous n'étions pas les bienvenus ; donc nous ne nous sentions

18 pas en sécurité.

19 Sous l'effet de la peur, les Croates ont créé les cellules de

20 crise. Les cellules de crise se sont donc constituées dans les quartiers

21 de la ville où la population était en majorité croate.

22 M. Susak (interprétation). - Très bien. Vous avez parlé des MOS.

23 Que signifie MOS, les forces de libération musulmanes ? Qui a fait partie

24 de cette instance militaire musulmane ?

25 Mme Tolic (interprétation). - C'était avant tout les Musulmans

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1 qui faisaient partie de cette force armée musulmane, mais des habitants de

2 la région les ont rejoints aussi, pas tous évidemment, la majorité sont

3 entrés dans l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais il y en a qui ont rejoint

4 aussi les Moudjahidine.

5 M. Susak (interprétation). - Est-ce que les MOS travaillaient

6 avec l'armée de Bosnie-Herzégovine ou séparément ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, je vais vous dire, toutes

8 ces unités qui se sont organisées, je l'ai appelées en employant le même

9 terme, je les appelais les forces musulmanes. Et les forces musulmanes,

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine, les bérets verts, la ligue patriotique et

11 les MOS, tout cela c'était la même chose, c'était des éléments armés

12 musulmans.

13 M. Susak (interprétation). - Mais savez-vous s'il y avait une

14 police à Zenica, une police militaire et une police civile ?

15 Mme Tolic (interprétation). - Oui, il existait deux polices, il

16 y avait la police de la ville, je veux dire la police civile de la ville

17 de Zenica et puis il y avait la police militaire. Au moment où la cellule

18 de crise du peuple croate s'est créée, ils ont choisi des gens qui avaient

19 sans doute fait partie de la police civile par le passé et ces gens-là

20 sont entrés dans les cellules de crise du peuple croate et ont ensuite

21 composé la police du peuple croate.

22 M. Susak (interprétation). - Vous pouvez continuer.

23 Mme Tolic (interprétation). - Je ne crois pas que j'ai quoi que

24 ce soit à ajouter sur ce point.

25 M. Susak (interprétation). - Vous étiez à Zenica, n'est-ce pas ?

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1 Les incidents provoqués par les Musulmans à l'encontre des Croates ont-ils

2 parfois étaient plus graves que cela ? Y a-t-il eu des viols par exemple ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, j'ai entendu parler d'un

4 certain nombre de cas.

5 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous en citer deux ou

6 trois ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Je peux vous dire que Ana

8 Spasojevic, une femme âgée qui avait plus de 60 ans se trouvait chez elle

9 à la maison, dans un village, sur les hauteurs. Elle était avec son fils

10 qui était retardé mental. Ils étaient tous les deux à la maison, non, en

11 fait, le mari était là aussi, mais le mari était à l'hôpital, il est mort

12 peu de temps après. Et cette femme et son fils ont été attaqués par des

13 hommes qui portaient un masque et la vieille femme a été violée, elle

14 s'appelait Aniza Spasojevic. Elle a ensuite été attachée à son lit et des

15 voisins l'ont découverte. Ce sont des hommes qui avaient des masques noirs

16 sur la tête qui ont agi de la sorte.

17 M. Susak (interprétation). - Et le deuxième cas ?

18 Mme Tolic (interprétation). - Pour le deuxième cas, j'ai entendu

19 dire qu'il avait eu lieu à Drivusa, dans le hameau de Drivusa. Une femme

20 jeune qui avait deux enfants a été violée devant ses enfants, et devant sa

21 belle-mère et son beau-père, je ne connais pas son nom.

22 Mais dans les deux cas, ce sont des cas dont j'ai entendu parler

23 simplement.

24 M. Susak (interprétation). - Nous allons maintenant passer à une

25 autre question. Vous avez parlé des incidents qui s'étaient produits. Pour

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1 quelle raison les Croates ont-ils quitté Zenica ? Pouvez-vous nous le

2 dire ?

3 Mme Tolic (interprétation). - La raison pour laquelle les

4 Croates ont quitté Zenica, c'est que les conditions de vie étaient

5 devenues intolérables. Mais la raison principale de leur départ, c'est

6 l'offensive contre Dusina, les crimes, les atrocités qui ont eu lieu à

7 Dusina et qui ont horrifié tout le monde, les Croates de Zenica et tous

8 les autres. Et puis, il y a eu l'offensive contre Busovaca.

9 Et à partir de ce moment-là les Croates, qui habitaient à

10 Zenica, ressentait un grand sentiment d'insécurité, ils avaient peur pour

11 leur propre vie et celle de leurs enfants.

12 M. Susak (interprétation). - Que savez-vous de Dusina ?

13 Mme Tolic (interprétation). - Je sais que Dusina se trouve avant

14 Zenica. Quand on va de Sarajevo à Zenica, c'est avant Zenica. Et il y a eu

15 des actes, des crimes, qui ont été commis là-bas et je crois qu'il y a 10

16 ou 12 personnes qui ont été tués.

17 M. Susak (interprétation). - Pourquoi pensez-vous que ce crime a

18 été commis à Dusina ?

19 Mme Tolic (interprétation). - Il est difficile de dire pourquoi

20 les gens commettent des crimes.

21 M. Susak (interprétation). - L'une des causes de la peur des

22 citoyens, c'est ce qui s'est passé à Dusina. La peur a-t-elle été

23 exacerbée par l'assassinat de Zivko Totic ?

24 Mme Tolic (interprétation). - Oui, mais ça c'était autre chose,

25 cela s'est passé à Zenica même et cela on a pu le voir par nous-mêmes, on

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1 a pu voir ce qu'ils ont fait.

2 M. Susak (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre,

3 est-ce que vous l'avez vu vous-même ?

4 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

5 M. Susak (interprétation). - Qu'est-ce que vous avez vu ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Je ne l'ai pas vu exactement quand

7 cela s'est passé, mais je suis passée sur cette route peu après, parce que

8 je me rendais à Cajdras et cela s'est passé très près de mon domicile,

9 donc je suis passée tout à côté, je me rendais au travail, je ne savais

10 pas ce qui s'était passé et j'ai vu la voiture où certains des nôtres

11 avaient été tués.

12 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez

13 certaines des victimes ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Oui. Dans ce crime, je parle et je

15 veux parler de crime, eh bien mon cousin Ivica Vidovic a été une des

16 victimes et il y avait également Anto Zrnic et Tihomir Ljubicic, également

17 Marko Ljubicic, mais je ne l'avais jamais vu auparavant.

18 M. Susak (interprétation). - Avez-vous vu les policiers en

19 passant ?

20 Mme Tolic (interprétation). - Oui, ils étaient déjà sur place.

21 Je crois qu'il s'agissait de la police civile de la ville de Zenica. On

22 avait mis des barrages sur la route, si bien qu'il n'était pas possible de

23 passer.

24 M. Susak (interprétation). - Nous allons maintenant passer à un

25 autre point, dans la même logique.

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1 A votre avis, qui a enlevé Zivko Totic ?

2 Mme Tolic (interprétation). - Oui, je le sais parce que j'en ai

3 entendu parler par mes voisins, car j'avais une maison là-bas.

4 J'ai entendu dire qu'ils avaient vu une camionnette et des gens

5 qui avaient la barbe. C'étaient des membres des forces armées musulmanes,

6 c'est-à-dire des Moudjahidine. Ils l'ont arrêté et ensuite ils ont tué

7 ceux qui escortaient Zivko Totic.

8 M. Susak (interprétation). - Combien de personnes ont été tuées

9 à cette occasion ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Quatre membres de l'escorte ont

11 été tués, ainsi qu'un passant.

12 M. Susak (interprétation). - Lors de l'enlèvement de Zivko

13 Totic, vous nous dites qu'il a été enlevé par les Moudjahidine ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

15 M. Susak (interprétation). - Qui a négocié pour la libération de

16 Zivko Totic ? Est-ce les MOS ou bien l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

17 Mme Tolic (interprétation). - Qui a négocié, je ne sais pas

18 exactement, mais je sais que, lorsque l'échange a eu lieu, les

19 négociations ont été menées par des membres de l'armée de Bosnie-

20 Herzégovine ainsi que des représentants de l'ONU.

21 M. Susak (interprétation). - Qui a été échangé avec Zivko

22 Totic ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Lorsqu'il est arrivé à Vitez et

24 Busovaca, on s'est rencontrés à Busovaca et il m'a dit qu'il avait fait

25 l'objet d'un échange et que des Moudjahidine, qui avaient été fait

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1 prisonniers, faisaient partie de l'échange.

2 M. Susak (interprétation). - Donc l'armée de Bosnie-Herzégovine

3 a mené à bien les négociations, a échangé Zivko Totic contre des

4 Moudjahidine. Qu'en pensez-vous ?

5 Mme Tolic (interprétation). - Je vous l'ai déjà dit auparavant,

6 qu'il s'agissait de forces musulmanes et que tout était coordonné, ce que

7 faisaient les Moudjahidine et l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce n'étaient

8 pas des structures distinctes, les Moudjahidine faisaient partie de

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 M. Susak (interprétation). - Je vous demande ceci parce que

11 parfois les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine se justifient

12 en disant qu'il n'existait pas de coordination avec les MOS.

13 Mme Tolic (interprétation). - Ce n'est pas exact. Il y avait en

14 fait une coordination très étroite, si bien que les MOS, les Moudjahidine,

15 exécutaient des exactions que l'armée de Bosnie-Herzégovine voulaient

16 cacher et à ce moment-là ils pouvaient dire : "Eh bien, nous, nous n'avons

17 absolument rien à voir avec tout ceci, on n'y peut rien", mais ce n'était

18 pas vrai.

19 M. Susak (interprétation). - Bien. Nous arrivons maintenant au

20 18 avril 1993, c'est-à-dire le jour où les Croates de Zenica ont été

21 attaqués. Nous allons en parler maintenant. Où vous trouviez vous le

22 17 avril ? Avez-vous remarqué quelque chose dans la ville de Zenica ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Excusez-moi, mais je voudrais

24 commencer avec le 15.

25 M. Susak (interprétation). - Bien, un ou deux jours auparavant.

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1 Monsieur le Président, encore quelques minutes. Savez-vous,

2 Madame le Témoin, pourquoi les Moudjahidine ont capturé Zivko Totic.

3 Mme Tolic (interprétation). - Ensuite, vous me faites revenir

4 au 15.

5 M. Susak (interprétation). - Oui.

6 Mme Tolic (interprétation). - Du 18 au 15. Je vais revenir à mes

7 conclusions après le 18. Je crois qu'ils l'ont enlevé pour une raison bien

8 simple : pour que le HVO à ce moment-là soit privé de ses chefs. Ils ont

9 enlevé un des hommes clé des Croates, nous n'avions plus de chef après

10 l'enlèvement de Zivko. Nous ne savions que faire puisque c'était l'homme

11 qui connaissait le plus de choses parmi nous.

12 M. Susak (interprétation). - Est-ce que c'était déjà un signe du

13 fait que les Musulmans préparaient l'attaque contre les Croates ?

14 Mme Tolic (interprétation). - On n'a pas pensé cela à ce moment-

15 là, on ne le savait. Le 15 et jusqu'au 18, on attendait, on pensait que

16 Zivko allait revenir, tout le monde en parlait et on n'avait aucune idée

17 de l'imminence de l'attaque.

18 M. Susak (interprétation). - Dites-nous maintenant ce que vous

19 voulez nous dire au sujet du 15 et du 16 avril ?

20 Mme Tolic (interprétation). - Oui, je vais commencer avec le 15.

21 Zivko Totic a été enlevé, les membres de son escorte ont été tués, c'était

22 vraiment affreux. Et pour nous, les Croates, nous étions complètement

23 découragés, on ne savait que penser. Cela semblait être la preuve que nous

24 ne pourrions plus continuer à vivre là, qu'on ne pourrait plus continuer à

25 travailler, à vivre normalement.

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1 La ville de Zenica était complètement bouleversée par cela, ils

2 ont arrêté Zivko, ils ont tué cinq hommes et également un passant. Cela a

3 eu un terrible impact sur l'ensemble des habitants de Zenica et pas

4 seulement les Croates. On peut dire que la ville se trouvait dans un état

5 de chaos. La police était partout. Tout était bloqué dans la ville.

6 Jusqu'à cette date, les patrouilles de police étaient

7 relativement rares, elles n'étaient pas aussi fréquentes. Je sais que

8 quand je suis partie au travail le 15 au matin à Cajdras, où nous avions

9 une sorte de dispensaire, eh bien je n'ai pas pu y aller parce que la

10 police nous empêchait de passer.

11 Ensuite, je suis allée au quartier général du HVO, ils ont

12 appelé l'hôpital de Cajdras et ils ont dit qu'ils enverraient une

13 ambulance pour venir me chercher, parce que seules les ambulances

14 pouvaient circuler à ce moment-là dans la ville. C'est donc une ambulance

15 qui est venue me récupérer pour m'emmener à Cajdras et, ensuite, on m'a

16 emmenée au quartier général croate parce qu'ils souhaitaient qu'il y ait

17 une personne avec des connaissances médicales. Il y avait là-bas le frère

18 de Zivko Totic. Il ne se sentait pas bien. C'est pour cela qu'ils

19 m'avaient emmenée dans ce quartier général croate.

20 Le matin du 15, j'ai donc pris ma trousse de premiers secours,

21 j'ai pris également du matériel médical, des perfusions, des choses dont

22 je pensais avoir besoin et on m'a ramenée au quartier général. Il

23 s'agissait de l'immeuble d'une entreprise qui s'appelait Vatro et qui

24 était devenu le quartier général du HVO.

25 M. Susak (interprétation). - Nous allons maintenant revenir au

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1 18 avril, c'est-à-dire à l'offensive.

2 Mme Tolic (interprétation). - Bien. Du 15 au 18, je suis restée

3 au quartier général, j'habitais à côté.

4 M. le Président (interprétation). - Je m'excuse de vous

5 interrompre, mais pourrions nous peut-être faire une pause de quinze

6 minutes avant de passer à la journée du 18 avril ?

7 M. Susak (interprétation). - En effet, Monsieur le Président,

8 c'est le bon moment de faire une pause.

9 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous faisons quinze

10 minutes de pause.

11 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à

12 12 heures 30.)

13 M. le Président (interprétation). - Maître Susak ?

14 M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

15 Je vais poursuivre cet interrogatoire. Nous avons déjà commencé

16 à parler du 18 avril 1993.

17 Savez-vous s'il y a eu des attaques ce jour-là à Zenica ?

18 Mme Tolic (interprétation). - Oui, eh bien c'est comme cela que

19 ça s'est passé, comme je vous le dis, voilà comment les choses se sont

20 passées.

21 Je vous le dis, le 15 je suis retournée au quartier général.

22 J'étais à Podbrezje ou plutôt à Trokuce où se trouvait le quartier général

23 et j'y suis restée jusqu'au 18. C'était le chaos total. Moi-même et tous

24 ceux qui travaillaient au quartier général, nous savions qu'on avait

25 demandé la libération inconditionnelle de Zivko Totic, mais ils n'étaient

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1 pas parvenus à l'obtenir, c'était vraiment le chaos.

2 J'étais là-bas pour soigner les gens du quartier général, par

3 exemple le jeune frère de Zivko Totic, Zeljko Totic. Il était vraiment

4 très malade, il avait besoin de médicaments, il avait besoin de

5 tranquillisants, et le matin du 18, j'ai passé la nuit là-bas. J'y suis

6 resté du 15 au 18. J'habitais tout à côté, donc j'allais parfois me

7 changer chez moi.

8 Donc du 15 au 18, je suis restée au quartier général. Le 18 au

9 soir j'étais également au quartier général, j'étais réveillée à minuit, ou

10 à peu près à minuit ou une heure. Je suis allée dans une pièce où il y

11 avait des matelas par terre et j'y suis allée pour me reposer un peu. Je

12 me suis endormie.

13 Le matin, j'ai entendu un tir, ça ne venait pas d'un fusil

14 c'était plutôt une grenade ou quelque chose comme ça. Il était 5 heures 20

15 du matin. Je me suis levée en sursaut. J'ai mis mes chaussures et à ce

16 moment-là j'ai réalisé qu'il y avait un soldat-là et nous sommes sortis

17 devant l'immeuble.

18 Devant l'immeuble, devant le bâtiment, nous étions tous

19 paniqués, terrifiés. Nous avons entendu des tirs, des tirs de fusil. Nous

20 étions morts de peur. Et puis finalement nous avons réalisé que cela avait

21 commencé, qu'il s'agissait d'une attaque dirigée contre le quartier

22 général à environ 6 heures moins 10.

23 Ils ont amené un homme vers moi et ils m'ont demandé de le

24 soigner, mais je n'ai rien pu faire parce qu'il était mort, il s'appelait

25 Vlado Lovrenovic, c'était mon voisin, c'était un civil, ce n'était pas un

Page 5833

1 membre du HVO.

2 M. Susak (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.

3 Vous disiez que vous étiez à Trokuce qui était le quartier général. Dans

4 ces conditions, pouvez-vous, s'il vous plaît, me dire ce qu'il s'est passé

5 après Trokuce, c'est-à-dire où êtes-vous allée après ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Oui. Eh bien l'offensive a

7 commencé à 5 heures 20. On est resté quelque temps à cause des tirs et

8 ensuite nous sommes partis vers 8 heures 30. Nous sommes allés vers un

9 village qui s'appelle Podbrezje, c'est là où j'habitais, c'est là où était

10 mon domicile. Et ensuite nous nous sommes éloignés un peu, nous sommes

11 montés en haut du village, derrière le village, parce qu'on m'a dit que

12 des gens avaient été blessés.

13 Le quartier général, le personnel du quartier général, ils sont

14 tous partis, en avant, mais moi j'ai dû rester en arrière pour attendre

15 les blessés, voir si je pouvais les soigner. Quelques hommes sont restés

16 pour m'aider à soigner 7 personnes en l'occurrence. Il s'agissait de Dujic

17 Marko, il avait été touché à la poitrine, je lui ai fait une piqûre, j'ai

18 pansé ses blessures.

19 Ensuite nous avons essayé de rattraper les autres qui avaient

20 pris un peu d'avance et nous sommes allés de Trokuce à Podbrezje, et

21 ensuite de Podbrezje à Zmajevac, il s'agit d'une colline. Nous y sommes

22 parvenus environ vers 11 heures 11 heures 30. De là d'autres ont pris la

23 relève, ont pris cette homme blessé. Ils l'ont emmené dans un véhicule,

24 une camionnette. Et nous nous avons dû aller à pied, aussi bien les

25 militaires que les civils.

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1 M. Susak (interprétation). - Vous dites les militaires et les

2 civils. Où êtes-vous allée à partir de Zmajevac ?

3 Mme Tolic (interprétation). - A partir de Zmajevac, nous sommes

4 allés à Grm et de Grm à Cajdras.

5 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous me dire où se situe

6 Cajdras ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Cajdras, eh bien il y a une route

8 qui traverse Cajdras et c'est la route de Zenica à Vitez.

9 M. Susak (interprétation). - Quand vous êtes arrivée à Cajdras,

10 combien de temps y êtes-vous restée ? Est-ce que nous sommes toujours en

11 train de parler du 18 ?

12 Mme Tolic (interprétation). - Oui. Il s'agit toujours du 18.

13 Nous sommes arrivés à Cajdras à 12 heures 30 ou 1 heure de l'après-midi et

14 nous y sommes restés jusqu'à 11 heures du soir. Il y avait là un grand

15 nombre de civils, il y avait également des militaires. Donc il y avait

16 beaucoup de monde. C'était la panique totale, les enfants étaient en

17 pleurs. Les femmes s'évanouissaient. Donc mes collègues et moi-même avions

18 beaucoup à faire.

19 M. Susak (interprétation). - Étiez-vous toujours dans ce service

20 médical, dans cette unité médicale ?

21 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

22 M. Susak (interprétation). - Et vous dites que vous êtes restés

23 jusqu'à 11 heures du soir. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?

24 Mme Tolic (interprétation). - A ce moment-là, les forces de

25 l'ONU sont arrivées et la police ou les autorités, enfin bref il y a eu

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1 une négociation dans un bâtiment, dans une maison située en face de

2 l'église. Ils ont demandé aux militaires de rendre leurs armes sans

3 conditions.

4 Ensuite on leur a dit de monter dans des bus et puis qu'on les

5 emmènerait vers le pénitencier. Les mères pleuraient parce qu'elles

6 voyaient partir leur fils ou leur mari, c'était vraiment le chaos.

7 M. Susak (interprétation). - Est-ce que tous ces gens ont été

8 emmenés au pénitencier ou ailleurs ?

9 Mme Tolic (interprétation). - Les gens qui étaient à Cajdras ont

10 été emmenés au pénitencier de Zenica et les civils qui ont été arrêtés par

11 le MOS, en ville et dans d'autres hameaux croates, ont été emmenés dans

12 d'autres bâtiments des MOS où se trouvaient les Moudjahidine. C'était

13 l'école de musique de Zenica.

14 M. Susak (interprétation). - Est-ce que c'est là qu'on a mis les

15 femmes et les enfants ?

16 Mme Tolic (interprétation). - Non.

17 M. Susak (interprétation). - Où alors ?

18 Mme Tolic (interprétation). - Les Moudjahidine ont arrêté les

19 civils.

20 M. Susak (interprétation). - Les civils ?

21 Mme Tolic (interprétation). - Les civils.

22 M. Susak (interprétation). - Des hommes ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Je ne sais pas s'il y avait des

24 femmes parmi eux, mais je sais qu'ils ont emmené les hommes et qu'ils les

25 ont passés à tabac, que cela a été extrêmement violent. Ils ont utilisé

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1 des bâtons, des gros bâtons, des fusils, des barres de métal.

2 M. Susak (interprétation). - Et en ce qui concerne les

3 pénitenciers, est-ce que les gens y ont été mieux traités qu'à l'école de

4 musique ?

5 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, en fait, j'ai appris plus

6 tard que les gens avaient été traités de façon beaucoup plus cruelle dans

7 l'école de musique, lorsqu'on m'a libérée du pénitencier.

8 M. Susak (interprétation). - Quand avez-vous été libérée du

9 pénitencier ? Est-ce que vous savez quand vous avez été libérée ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Oui, j'ai été libérée le mardi

11 20 avril 1993 vers 13 heures 30.

12 M. Susak (interprétation). - Monsieur Le Président, est-ce que

13 l'huissier peut montrer le document suivant au témoin ?

14 (L'huissier s'exécute.)

15 Il y a également une copie pour les interprètes.

16 Mme Ameerali (interprétation). - Le document reçoit la

17 cote D8/4.

18 M. Susak (interprétation). - Madame Tolic, devant vous, vous

19 avez une décision de mise en détention. Voyez-vous la date à laquelle vous

20 avez été emprisonnée ?

21 Mme Tolic (interprétation). - Oui, j'ai été emprisonnée le

22 18 avril 1993.

23 Mme Ameerali (interprétation). - Nous ne disposons pas de copies

24 du document pour les interprètes ou pour l'accusation.

25 M. Susak (interprétation). - Pourtant j'ai donné des copies !

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1 Mais elles n'ont pas été bien rangées. Donc, les voilà !

2 Nous avons deux décisions, une décision de mise en détention et

3 une décision de remise en liberté. Nous avons même fourni des traductions

4 en anglais de chacun de ces documents. Avez-vous reçu une copie de ces

5 documents ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

7 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'on vous a donné ce

8 document au moment où vous avez été emprisonnée ?

9 Mme Tolic (interprétation). - Non, j'ai reçu ce document, ainsi

10 que l'autre, sur ma remise en liberté, au moment où j'ai été libérée.

11 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'on vous a informée sur la

12 façon dont vous pourriez obtenir une assistance juridique et les moyens de

13 faire appel de cette décision d'emprisonnement ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Non.

15 M. Susak (interprétation). - Donc vous n'avez reçu aucune

16 information de ce type ?

17 Mme Tolic (interprétation). - Non.

18 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'on vous a dit pourquoi on

19 vous emprisonnait ?

20 Mme Tolic (interprétation). - Non.

21 M. Susak (interprétation). - Savaient-ils que vous travailliez

22 dans l'unité médicale ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Oui, oui, ils le savaient.

24 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous me dire maintenant

25 pourquoi ils le savaient ?

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1 Mme Tolic (interprétation). - Ils le savaient parce qu'ils m'ont

2 emprisonnée alors que je portais mon uniforme d'infirmière, mon uniforme

3 blanc.

4 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous portiez toujours

5 cet uniforme blanc ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

7 M. Susak (interprétation). - Et quand vous avez été emprisonnée,

8 est-ce que vous avez fait savoir que vous apparteniez à l'unité médicale ?

9 Mme Tolic (interprétation). - Oui, oui, je me suis présentée

10 quand j'ai été emprisonnée.

11 J'ai demandé à parler au gardien de la prison, au directeur de

12 la prison. On m'a emmenée le voir, il s'agissait d'un homme plutôt âgé, je

13 ne connais pas son nom, et je lui ai demandé pourquoi je me trouvais là.

14 Et il m'a dit : "Eh bien, je l'ignore". Alors je lui ai dit : "Emmenez-moi

15 voir quelqu'un qui sait de quoi il retourne", et il a répondu très

16 brusquement. En fait, il s'est simplement tourné v ers les gardes et il a

17 dit : "Emmenez-là", et on m'a emmenée en cellule.

18 M. Susak (interprétation). - Combien de jours avez-vous passés

19 en cellule ?

20 Mme Tolic (interprétation). - Deux jours, du 18 au 20.

21 M. Susak (interprétation). - Lorsque vous avez été libérée, est-

22 ce que tous les autres ont été libérés ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Non.

24 M. Susak (interprétation). - Pourquoi, est-ce que vous savez

25 pourquoi vous avez été libérée avant les autres ?

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1 Mme Tolic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne sais pas, il

2 y a beaucoup de gens qui sont restés en prison. Après moi, ils ont libéré

3 d'autres personnes. Il y a eu une sorte d'échanges informels, une sorte de

4 concessions qui ont été faites.

5 Si vous me permettez de continuer dans ce sens, il y avait trois

6 autres personnes dans ma cellule, trois femmes, trois jeunes femmes. J'ai

7 appris de l'une d'elle, parce que quand je me suis réveillée dans cette

8 cellule je n'avais absolument rien pour faire ma toilette, alors cette

9 femme s'appelait Fatima et elle m'a permis d'utiliser son dentifrice, elle

10 m'a donné du savon, elle m'a dit alors qu'on était lundi matin : "La

11 Croix Rouge va venir demain et on vous donnera ce dont vous avez besoin".

12 Heureusement, j'ai été libérée avant, si bien que je n'étais pas là au

13 moment où la Croix Rouge est venue dans la prison.

14 M. Susak (interprétation). - Quand est-ce que vous êtes partie

15 de Zenica ?

16 Mme Tolic (interprétation). - C'est au moment où j'ai été

17 libérée de ce centre de détention, j'ai contacté une de mes collègues de

18 l'hôpital de Zenica, qui avait abandonné l'hôpital et qui est allée

19 travailler à Busovaca, car elle est née à Busovaca.

20 Je l'ai appelée au téléphone, je lui ai demandé de m'aider, je

21 lui avais dit que j'étais en détention et que j'avais très peur. J'ai

22 appris également, par un certain nombre de mes voisins et de citoyens,

23 qu'une fois que vous êtes relâché par l'armée de Bosnie-Herzégovine de ce

24 centre de détention, souvent, les membres du MOS, les forces musulmanes

25 des Moudjahidine prenaient, arrêtaient cette personne et l'emmenaient dans

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1 l'école de musique qui était tristement célèbre, comme tout le monde le

2 sait. C'est la raison pour laquelle je lui ai demandé de m'aider parce que

3 je savais qu'elle travaillait à Busovaca, elle connaissait les gens à

4 Busovaca et c'est là où on m'avait dit que les membres de la Forpronu

5 viennent donc me chercher.

6 M. Susak (interprétation). - Avez-vous d'autres possibilités

7 éventuellement pour sortir de Zenica ?

8 Mme Tolic (interprétation). - Il y a un certain nombre de

9 personnes qui m'avaient proposé de me laisser leur appartement et qu'ils

10 allaient me passer en direction de Zepce et j'ai parlé au téléphone avec

11 ces gens-là et avec des membres de la police de Busovaca. On m'avait dit

12 de rester là où j'étais, d'avoir de la patience une journée ou deux, qu'on

13 allait envoyer les représentants de la Forpronu et qu'ils vont me

14 transporter. C'est effectivement ce qui s'est passé.

15 J'avais refusé également cette offre qu'on m'emmène à Zepce

16 parce qu'il y avait un certain nombre de mes concitoyens qui essayaient de

17 sortir de Zenica. Il y avait des choses désagréables qui leur sont

18 arrivés. Ils les ont emmenés en direction de Zepce, de Vares, je ne sais

19 pas où également mais, de toute façon, il y en avait qui ne pouvaient pas

20 sortir, qui étaient obligés de retourner et, au moment où ils étaient de

21 retour, à ce moment-là, leur appartement ou leur maison était déjà pris.

22 M. Susak (interprétation). - Je vous en prie, continuez.

23 Mme Tolic (interprétation). - Il y avait par conséquent cette

24 espèce d'échange pour l'argent mais, souvent, on envoyait les gens à des

25 endroits qui étaient assez dangereux et je me souviens d'un certain nombre

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1 de cas : il y avait la famille Strbac, donc toute la famille qui a été...

2 Soi-disant, on leur a proposé de les sortir de Zenica et ceci en direction

3 de Vitez, on les avait acheminés vers le champ de mines et tous ont trouvé

4 la mort. Il y avait le mari, la femme et les deux enfants.

5 M. Susak (interprétation). - Quand vous êtes sortie de ce centre

6 de détention, vous êtes restée dans votre appartement un petit peu ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

8 M. Susak (interprétation). - Avez-vous vécu sans trop de

9 problèmes dans cet appartement ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Mais ce n'était pas très calme

11 parce que je vous ai dit qu'il y avait un certain nombre d'arrestations.

12 Je l'ai entendu de mes voisins, de mes concitoyens. Je sais qu'il y avait

13 un certain nombre d'arrestations auxquelles on avait procédé, qu'on avait

14 emmené les gens dans cette école de musique et également dans

15 l'établissement pénitencier, enfin, dans cet établissement de détention.

16 Il y avait un certain nombre de provocations également. On

17 m'avait appelé au téléphone pratiquement les journées entières, on m'avait

18 menacée, on m'avait injuriée, on m'avait donné des noms également

19 injurieux. Les enfants, je ne les laissais donc plus sortir, car les

20 autres enfants les maltraitaient, leur donnaient des coups de pied. C'est

21 la raison pour laquelle je ne les laissais donc plus sortir dans la rue.

22 Ensuite, il y avait également des menaces au téléphone,

23 c'étaient les menaces permanentes et, puis, je m'attendais également à

24 voir quelqu'un à la porte, qui nous prenne...

25 M. Susak (interprétation). - Comment savaient-ils où habitaient

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1 les Croates à Zenica ?

2 Mme Tolic (interprétation). - Ce n'était pas difficile de le

3 savoir, tout simplement parce que dans leurs immeubles, ils avaient

4 également les membres de leurs formations, de leurs unités, enfin, tous

5 ceux qui n'étaient pas des Musulmans. Il y avait par conséquent les gens,

6 pas tous et, là, je le signale, je ne peux pas dire que tous les

7 Musulmans, tous les citoyens étaient les mêmes, mais il y avait des

8 personnes qui, au cours de la nuit, mettaient les croix sur les portes des

9 appartements qui étaient habités par les Croates.

10 M. Susak (interprétation). - Cette croix signifiait quoi ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Cela signifiait tout simplement

12 que les Musulmans n'habitaient pas cet appartement.

13 M. Susak (interprétation). - Mais qui ?

14 Mme Tolic (interprétation). - C'étaient les Serbes, les Croates,

15 quelques juifs également, mais il n'y en avait pas beaucoup.

16 M. Susak (interprétation). - Maintenant, nous voyons à peu près

17 où vous vous êtes déplacée.

18 Si vous le voulez bien, nous allons poursuivre avec d'autres

19 questions. Je vais revenir au 18 avril. Il y a eu cette attaque. Qui a

20 attaqué qui ? Dites-nous ce que vous savez.

21 Mme Tolic (interprétation). - Ce sont les forces musulmanes qui

22 ont attaqué le quartier général du HVO et les villages avoisinants où il y

23 avait en majorité des Croates.

24 M. Susak (interprétation). - Qui ?

25 Mme Tolic (interprétation). - C'est en provenance de Gacice,

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1 donc entre Trokuce et Podbrezje.

2 M. Susak (interprétation). - Est-ce à l'est ou à l'ouest par

3 rapport à Zenica ? Ou bien éventuellement, c'est de quel côté que les tirs

4 sont parvenus ?

5 Mme Tolic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire si

6 c'était à l'est ou à l'ouest. Je sais que moi, j'étais à Trokuce et je

7 sais que l'attaque est venue en provenance de Gacice. C'est une

8 agglomération qui était habitée en majorité par les Musulmans et je sais

9 qu'ils ont attaqué le quartier général de Podbrezje, de Kozarci,

10 Stranjani, Grm et tout ceci jusqu'à Cajdras.

11 M. Susak (interprétation). - Et Zmajevac et Janjac, à cette

12 époque-là, ils ont également été attaqués ?

13 Mme Tolic (interprétation). - Oui, Zmajevac et Janjac également,

14 parce que cela rejoint.

15 M. Susak (interprétation). - En majorité, c'était la population

16 croate qui habitait dans ces villages ?

17 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

18 M. Susak (interprétation). - Et avant l'attaque, avant le

19 18 avril, est-ce que vous savez ce qui s'est passé avec HOS le 17 avril ou

20 bien environ dans ces dates ?

21 Mme Tolic (interprétation). - Au moment où j'ai été relâchée le

22 20 avril de ce centre de détention, il y avait un certain nombre de mes

23 amis et de connaissances qui sont venus me rendre visite pour me demander

24 comment cela s'est passé là-bas, si on m'a maltraitée physiquement ou non

25 et c'est par ces amis qui sont venus me voir que j'ai appris qu'un jour

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1 auparavant, la région Crkvice a été désarmée - il y avait également un

2 bâtiment où HOS avait son siège - : Radakovo, Perin Han, Lukovo Polje et,

3 à Radakovo, ils avaient leur quartier général. Ce n'est pas véritablement

4 un quartier général, c'était un commandement, un siège de commandement.

5 M. Susak (interprétation). - Un siège de commandement ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Oui, effectivement. Ils ont été

7 désarmés et c'est à droite, sur la rive droite de la rivière Bosna.

8 Ensuite, j'ai appris également qu'ils avaient désarmés. Je parle

9 du 16 et du 17 avril. Je ne peux pas vous dire ce qu'il s'est passé

10 exactement le 16 ou le 17, mais je sais qu'ils avaient des armées à

11 Raspotocje. C'est sur la rive gauche de la rivière de Bosna.

12 Eh bien, j'ai appris également... C'était encore la partie

13 gauche que... Raspotocje ne se trouve pas trop loin par rapport à

14 Gornja Zenica, donc la partie haute de Zenica et au-dessus il y a Kuber,

15 j'ai appris également. C'était le 16, le 17, c'était le 15 également où

16 les gens ont été désarmés dans cette partie de la ville.

17 M. Susak (interprétation). - Par conséquent, nous parlons du

18 fait qu'à Raspotocje il y avait la population qui a été désarmée. C'était

19 de l'autre côté de la rivière. Est-ce que les Croates de l'autre côté

20 également ont été désarmés ?

21 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

22 M. Susak (interprétation). - Compte tenu du fait également des

23 villes dont vous avez cité les noms ?

24 Mme Tolic (interprétation). - Je répète que je l'ai appris après

25 le 20 avril, une fois que j'étais relâchée de ce centre de détention. En

Page 5845

1 d'autres termes il y avait donc ce désarmement auquel on avait procédé et

2 pas uniquement dans ces villages, mais ils ont désarmé également les

3 forces du HOS qui avaient le siège à côté du centre de la ville même.

4 M. Susak (interprétation). - Si je vous ai bien compris, ils se

5 trouvaient au centre et à Radakovo ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Non, c'était à Crkvice, les forces

7 du HOS.

8 M. Susak (interprétation). - Est-ce que le HOS a été également

9 désarmé à Crkvice ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

11 M. Susak (interprétation). - Le même jour ?

12 Mme Tolic (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire. Je

13 sais que c'étaient le 16 et le 17 avril.

14 M. Susak (interprétation). - Vous avez parlé de Kuber. Kuber se

15 trouve à quelle distance par rapport à Zenica ?

16 Mme Tolic (interprétation). - Kuber c'est une surélévation,

17 c'est une colline au-dessus de Zenica, ce n'est pas une montagne

18 véritablement. Je ne peux pas vous dire à quelle distance à Zenica, je ne

19 m'y suis jamais rendue.

20 M. Susak (interprétation). - A peu près ?

21 Mme Tolic (interprétation). - Je sais qu'en ce qui concerne les

22 quartiers qui ont été habités en majorité par les Croates, donc la partie

23 haute de Zenica, dix kilomètres approximativement, au maximum. Et plus

24 loin par rapport à cette partie haute, Bilivode, Travnik etc., il y avait

25 donc cette colline Kuber.

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1 M. Susak (interprétation). - Avez-vous entendu parler de

2 Kuber... Qui avait contrôlé Kuber, les Musulmans ou les Croates ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Je sais qu'une partie de nos

4 forces se trouvait à Kuber avant, mais j'ai appris également qu'il y avait

5 eu une attaque le 15 qui a eu lieu à Kuber et qu'à partir du 15 avril,

6 c'étaient les Musulmans.

7 M. Susak (interprétation). - Quand vous dites le 15, est-ce que

8 vous voulez dire également le mois et l'année ?

9 Mme Tolic (interprétation). - Je m'en excuse, c'était le

10 15 avril, par conséquent c'était déjà au moment où ils avaient enlevé

11 Vizko Totic.

12 M. Susak (interprétation). - Est-ce que cette colline Kuber est

13 un point important d'un point de vue stratégique ?

14 Mme Tolic (interprétation). - C'est ce que j'ai appris par mes

15 blessés, par mes patients, qu'il s'agissait d'une côte qui était

16 importante du point de vue stratégique, car on voyait Zenica sur le plat à

17 partir de cette colline.

18 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire que l'attaque a

19 commencé le 15 avril 1993. Combien de temps cela a-t-il duré ? Est-ce que

20 vous l'avez appris par les blessés ou par quelqu'un d'autre

21 éventuellement ?

22 Mme Tolic (interprétation). - Je ne comprends pas la question.

23 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous savez combien de

24 temps cette attaque ou ce conflit a duré à Kuber ? Est-ce que cette

25 attaque ou ce conflit a duré le 15, le 16, le 17 ?

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1 Mme Tolic (interprétation). - Tout ce que je peux vous dire,

2 c'est ce que j'ai appris J'ai entendu dire que le 15 avril il y avait un

3 certain nombre de conflits armés mais restreints et le 15, les forces

4 musulmanes ont pris Kuber. Le 16 et le 17, je ne peux pas savoir s'il y

5 avait des conflits, mais je sais que le 18 les forces musulmanes sont

6 parties en provenance de Kuber vers les villages avoisinants et je sais

7 tout ceci parce qu'ils avaient incendié les maisons là-haut. Il y avait

8 des blessés également. Dans une maison, on avait trouvé également les

9 quatre cadavres. Un sur les quatre cadavres était le père de Stipo Kristo.

10 M. Susak (interprétation). - Avez-vous entendu parler également

11 d'autres personnes qui ont été tuées et qui étaient des Croates ?

12 Mme Tolic (interprétation). - Il y en avait. Moi, j'ai entendu

13 parler de cela, mais je ne connais pas les noms.

14 M. Susak (interprétation). - Entendu. Nous allons poursuivre.

15 Maintenant à partir du moment où Zivko Totic a été enlevé, on a parlé du

16 15 à Kuber, nous avons parlé du 18 à Zenica. Les autorités musulmanes se

17 comportaient de quelle manière vis-à-vis des Croates ? Je parle de Zenica.

18 Mme Tolic (interprétation). - Vous pensez à quelle période ?

19 M. Susak (interprétation). - Je vais vous répéter. Nous avons

20 parlé du 15 avril, également du 18 avril. Est-ce que vous pouvez me dire

21 comment les Musulmans se comportaient après le 18 ou leurs autorités vis-

22 à-vis des Musulmans ? En avez-vous entendu parler ? Le saviez-vous ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Oui, je l'ai appris. La situation

24 était très, très dure. Moi, je suis sortie le 20 et pendant cette période

25 j'ai été à Zenica, j'y ai passé peut-être une semaine également, il y

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1 avait des arrestations auxquelles on avait procédé, il y avait des

2 fouilles également. Les Moudjahidine se rendaient un petit peu dans les

3 villages habités par les Croates, ils ont maltraité les civils, les

4 personnes âgées. Ils rentraient dans les maisons, ils enlevaient les

5 icônes, les croix, enfin tout ce qui était sain. Ils sont rentrés

6 également dans le cimetière, ils ont détruit les pierres tombales. 86 à

7 peu près ou 76 pierres tombales ont été détruites. Ils avaient commis un

8 certain nombre d'actes barbares.

9 Je peux dire également qu'à Crkvice j'ai entendu dire qu'ils

10 sont rentrés dans l'église, qu'ils ont maltraité le curé, les bonnes

11 soeurs, qu'ils les ont attachés. Ils ont vraiment maltraité le curé.

12 M. Susak (interprétation). - Est-ce que les forces musulmanes

13 faisaient attention à l'égard des civils ? Est-ce qu'une décision a été

14 prise dans ce sens-là ?

15 Mme Tolic (interprétation). - Non, pas à cette date-là, mais

16 j'ai appris ultérieurement, plus tard, mais je n'étais pas à Zenica.

17 M. Susak (interprétation). - Mais je vous demande ce dont vous

18 avez entendu parler, pas ce que vous avez vu.

19 Mme Tolic (interprétation). - Oui, à ce moment-là je n'étais pas

20 à Zenica effectivement, par conséquent c'était une période qui avait suivi

21 celle dont on a parlé. C'était le mois de juin et le mois de juillet 1993.

22 Ils avaient envoyé dans le village de Podbrezje les forces des

23 Nations Unies pour protéger la population, mais avant que les forces des

24 Nations Unies arrivent, enfin le bataillon turc, il y avait la police

25 civile de la ville de Zenica qui devait protéger la population croate qui

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1 est restée dans le village.

2 Cependant, ceci ne suffisait pas compte tenu du fait que les

3 forces musulmanes de défense MOS se sont emparées du siège du HVO, c'était

4 devenu leur propre siège. Et tous les jours, la nuit, le jour, ils ont

5 organisé des patrouilles dans le village, ils ont arrêtés, ils ont passé à

6 tabac les citoyens, les hommes notamment qui se trouvaient dans le

7 village.

8 M. Susak (interprétation). - Comment vous avez quitté

9 l'hôpital ? Est-ce que vous avez-vous visité des soldats du HVO après

10 avoir quitté l'hôpital ?

11 Mme Tolic (interprétation). - J'ai quitté l'hôpital, j'ai

12 travaillé dans une cellule de crise. Comme je l'ai précisé, c'est là où

13 nous avons essayé de mettre en place des structures à l'intention du

14 peuple croate et il y avait des réfugiés de Jajce qui sont arrivés et qui

15 luttaient ensemble avec les Musulmans contre l'agresseur. Ils sont tous

16 arrivés à l'hôpital de Zenica.

17 Et à cette époque-là, la famine commençait à régner en quelque

18 sorte et nous autres qui étions dans ce service sanitaire, nous nous

19 sommes rendus de temps à autre en visite des blessés qui provenaient

20 d'autres villages. On leur portait des sandwichs ou d'autres aliments.

21 C'était le deuxième semestre de 1992 et début 1993. C'est là où j'ai donc

22 rendu visite à ces blessés et je veux dire que nous nous sommes trouvés

23 dans des situations fort désagréables. Il y avait des blessés Moudjahidine

24 qui nous ont vus et ils ont vu qui nous allions visiter. Ils nous ont

25 montré le signe de la croix, ils savaient donc qui étaient les blessés,

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1 qui nous étions etc. et c'est là qu'ils nous ont montré ce qu'ils

2 pensaient sur nous.

3 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire qu'ils ont montré

4 le signe de la croix ?

5 Mme Tolic (interprétation). - C'est comme cela qu'ils nous

6 montraient parce qu'ils ne parlaient pas beaucoup. De toute façon ils nous

7 montraient d'abord le signe de la croix et ensuite un signe sur le coup.

8 M. Susak (interprétation). - Qu'est-ce que cela voulait dire ?

9 Mme Tolic (interprétation). - Cela voulait dire qu'ils allaient

10 nous couper la gorge.

11 M. Susak (interprétation). - Est-ce que les Moudjahidine

12 venaient armés ou pas à l'hôpital ?

13 Mme Tolic (interprétation). - A ma connaissance, au moment où

14 nous sommes arrivés pour rendre visite aux blessés, personne n'avait le

15 droit de porter les armes. Leurs collègues ou ceux qui venaient visiter

16 nos blessés devaient donc remettre les armes chez le gardien parce qu'ils

17 devaient passer à côté. Mais ceci ne valait pas pour les Moudjahidine et

18 les Moudjahidine étaient armés à l'hôpital, ils rentraient armés à

19 l'hôpital.

20 M. Susak (interprétation). - Qui était le gardien autour de

21 l'hôpital ?

22 Mme Tolic (interprétation). - Il y avait toujours des

23 représentants du MOS. Il y avait le personnel d'autrefois qui était au

24 standard, mais les représentants du MOS également étaient autour du

25 bâtiment de l'hôpital et à l'intérieur également.

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1 M. Susak (interprétation). - Mais comment ils étaient, comment

2 ils se présentaient ceux qui circulaient autour de l'hôpital et qui, à

3 l'intérieur, étaient là ?

4 Mme Tolic (interprétation). - Ils avaient des barbes. Il y en

5 avait également qui avaient quelque chose d'attaché autour de la tête.

6 M. Susak (interprétation). - Et l'uniforme ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Ils avaient des uniformes, ils

8 portaient des uniformes militaires.

9 M. Susak (interprétation). - Est-ce que les membres de l'armée

10 de Bosnie-Herzégovine le voyaient ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Oui, tout le monde le savait.

12 M. Susak (interprétation). - Maintenant, nous allons passer à un

13 autre groupe de questions. Est-ce que vous savez quand et comment les

14 Croates ont quitté Zenica ? Ont-ils quitté Zenica avant le 15, avant le

15 18 avril 1993 ou bien les Croates ont-ils quitté Zenica après, est-ce

16 qu'il y avait des départs après ?

17 Mme Tolic (interprétation). - Oui, il y avait des Croates qui

18 sont partis avant. Je vais essayer de m'expliquer. Au début, quand les

19 Serbes ont commis cette agression contre la Bosnie-Herzégovine, beaucoup

20 avaient peur de la guerre car beaucoup se rendaient parfaitement compte

21 que la guerre allait s'étendre. Par conséquent, il y avait des Musulmans

22 et des Croates qui pouvaient sortir de Zenica, ils sont partis. Il y en

23 avait qui avaient de l'argent, il y en avait d'autres qui avaient des

24 parents, d'autres encore qui avaient des amis et des connaissances grâce

25 auxquels ils ont pu sortir. Mais de toute façon, ce n'était pas

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1 véritablement des départs massifs après le 15 avril et après le 18 avril.

2 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire après l'enlèvement

3 de Zivko Totic et après l'attaque des Croates à Zenica ?

4 Mme Tolic (interprétation). - Oui. A partir de ces jours-ci et

5 après également le crime qui a été commis à Dusina. C'est le sentiment

6 d'insécurité assez important qui a commencé à gagner les gens et c'est

7 pourquoi les gens ont commencé à quitter la ville de Zenica. Mais à partir

8 du 15 avril, plus personne ne pouvait sortir de la ville. La ville a été

9 bloquée, il n'y avait plus de possibilité de sortir de la ville après le

10 18. Je l'ai déjà précisé tout à l'heure.

11 Après le 18 avril, on avait offert... Les Musulmans nous ont

12 proposé de nous transférer à Zepce, Vares. Ce n'était pas à mon intention,

13 aux autres.

14 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire de transférer les

15 gens vers les régions qui étaient sous le contrôle du HVO ?

16 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

17 M. Susak (interprétation). - Est-ce que l'on pouvait sortir de

18 Zenica en direction de Vitez ?

19 Mme Tolic (interprétation). - Difficilement. Je pense que non.

20 M. Susak (interprétation). - Pourriez-vous nous dire combien il

21 y avait de Croates lors des recensements à Zenica ?

22 Mme Tolic (interprétation). - En 1990 il y avait un recensement

23 et il y avait 17 % de Croates, 11 % de Serbes, entre 2 et 3 % d'autres et

24 le reste, c'étaient des Musulmans.

25 M. Susak (interprétation). - Vous me l'avez déjà dit tout à

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1 l'heure, mais est-ce que vous pouvez nous dire, en chiffre s'il vous

2 plaît, combien de Croates sont partis de Zenica ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Au moment du recensement en 1990,

4 il y avait entre 25 et 28.000 Croates.

5 M. Susak (interprétation). - Et actuellement il y en a combien ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Je ne connais pas le chiffre

7 exact, mais d'après certaines informations il n'y en a pas plus que 5.000,

8 peut-être 6.000, entre 5.000 et 6.000.

9 La plupart avait quitté Zenica après le cessez-le-feu après

10 1994, car entre le 18 avril 1993 jusqu'en 1994, quand le cessez-le-feu a

11 été signé, Zenica a été un grand camp de concentration. Personne ne

12 pouvait sortir de Zenica ou très difficilement, ou bien ils empruntaient

13 des routes où ils trouvaient la mort. Par conséquent, la grande majorité

14 est partie de Zenica en décembre 94, après la signature de l'accord de

15 Dayton.

16 M. Susak (interprétation). - Pourquoi les Croates sont-ils

17 partis après l'accord de Dayton ? Est-ce que vous-même vous pouvez nous

18 donner quelques arguments ? Est-ce que vous en connaissez ?

19 Mme Tolic (interprétation). - Je peux vous dire ce que je pense.

20 En 1993, d'abord c'était une année qui était très, très dure, horrible.

21 C'était une année de famine, de persécutions des Croates, à Zenica et...

22 Je me dois de vous dire également qu'après la signature de

23 l'accord de Dayton ce n'était pas uniquement les Croates qui ont quitté

24 Zenica, mais même les Musulmans, car, à ce moment-là il y avait un grand

25 nombre de réfugiés qui se sont rendus à Zenica.

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1 M. Susak (interprétation). - Y avait-il d'autres raisons à cause

2 desquels les Croates sont partis de Zenica ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Tout d'abord c'est un peuple

4 minoritaire et puis les Musulmans nous ont montré, par leurs attaques, par

5 leurs comportements, que ce n'est plus une ville libre pour nous, ni que

6 nous y appartenons. Je pense que ce sont les raisons principales.

7 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'au cours de cette

8 période-là, et notamment après le 18, peut-être même avant, il y avait des

9 massacres, des assassinats des Croates à Zenica ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Avant l'attaque à Busovaca et au

11 moment où il y avait ce crime de Dusina, le 18 avril, je ne peux pas dire

12 qu'il y avait véritablement d'assassinats. Mais, en revanche, en ce qui

13 concerne les assassinats qui ont eu lieu lors du conflit du 18 avril je

14 peux vous donner quelques noms.

15 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous citer

16 un certain nombre de cas ?

17 Mme Tolic (interprétation). - Comme je l'ai dit, Vlado

18 Lovrenovic est mort le premier, il m'a été amené aux premières heures du

19 matin, et puis il y a deux oncles de ma mère qui sont morts aussi dans le

20 village de Kozarci, deux hommes âgés, Anton Vidovic et Ivan Vidovic,

21 c'étaient leurs noms, l'un avait 90 ans et l'autre 92 ans. L'un des deux

22 était aveugle et l'autre très malade. Et dans le village de Kozarci

23 toujours, un enfant de 3 ans a été tué et la mère a été gravement blessée.

24 M. Susak (interprétation). - C'était l'enfant de qui ?

25 Mme Tolic (interprétation). - L'enfant de Zeljko et de Ivanka

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1 Zrnic.

2 M. Susak (interprétation). - Des Croates, n'est-ce pas ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

4 M. Susak (interprétation). - Et ensuite ?

5 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, sur les rives de la

6 Dalja, ils ont tué Stipo Trogrlic. Dans le même village, ils ont également

7 tué un des enfants d'Ana Pranjic, c'était d'ailleurs un jumeau.

8 M. Susak (interprétation). - Mais parlez vous de Gornja Zenica ?

9 Mme Tolic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'ils avaient

10 trouvé quatre corps à Gornja Zenica, l'un d'entre eux étant le corps du

11 père de Stipo Kristo.

12 M. Susak (interprétation). - Mais tous ces agissements étaient-

13 ils sensés intimider les Croates ?

14 Mme Tolic (interprétation). - Je ne comprends pas bien la

15 question.

16 M. Susak (interprétation). - Etaient-ils sensés, ces événements,

17 créer la terreur parmi les Croates ?

18 Mme Tolic (interprétation). - Oui, ces meurtres ont eu cet effet

19 au cours de l'attaque du 18.

20 M. Susak (interprétation). - Je répète ma question. Est-ce que

21 ces événements ont eu une incidence sur l'état d'esprit des Croates et sur

22 leur volonté de quitter la ville ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Bien entendu ! L'attaque a eu

24 lieu. Nos voisins et des membres de notre famille ont été tués.

25 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'ils avaient peur pour

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1 leur vie ?

2 Mme Tolic (interprétation). - Evidemment !

3 M. Susak (interprétation). - Vous parlez des personnes tuées,

4 mais y a-t-il eu également des disparus ?

5 Mme Tolic (interprétation). - Oui, j'ai entendu dire qu'il y en

6 avait eu : Zdeno Dujic, le mari d'une connaissance à moi qui travaillait

7 dans la police civile de Zenica. Ils sont arrivés chez lui, à la maison,

8 et ils lui ont dit qu'il fallait qu'il aille au travail. Ils l'ont emmené

9 et plus personne ne l'a jamais retrouvé. On ne sait pas s'il est en vie ou

10 s'il est mort. Et puis il y a également la disparition d'un jeune homme

11 qui avait 17/18 ans, c'est un jeune homme de mon village, de Podbrezje, il

12 s'appelait Vjekoslav Pandza. Et aujourd'hui, on n'a aucune nouvelle de

13 lui. Je connais un autre cas encore, un cas qui est en rapport avec

14 l'hôpital de Zenica.

15 Le Dr Sladojevic travaillait à l'hôpital de Zenica où il

16 dirigeait le département d'ophtalmologie et, un matin, au début de la

17 journée de travail, il y a eu une réunion du personnel et il a posé des

18 questions au sujet du fait qu'il y avait des gens qu'il voyait en fin

19 d'après-midi et qu'il ne voyait pas le matin à la reprise du travail. Il a

20 donc fait cette remarque et, tout de suite après, il a été emmené, ils

21 sont venus le chercher et on n'a plus aucune nouvelle de lui, personne n'a

22 plus aucune nouvelle. Il s'agit du Dr Sladojevic?

23 M. Susak (interprétation). - Quelles étaient ces fonctions à

24 l'hôpital ?

25 Mme Tolic (interprétation). - Il était spécialiste ophtalmologue

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1 et chef de service.

2 M. Susak (interprétation). - Vous avez parlé d'Anto Dujic. Qui

3 est cet homme ? A-t-il disparu également ?

4 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

5 M. Susak (interprétation). - Où travaillait-il ?

6 Mme Tolic (interprétation). - Il travaillait dans la police

7 civile.

8 M. Susak (interprétation). - La police civile, mais comment a-t-

9 il disparu lui ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Moi, j'en ai entendu parler de la

11 bouche de sa femme et, d'après ce qu'elle m'a dit, ils sont venus le

12 chercher chez lui à la maison. Ils l'ont emmené et plus personne n'a eu

13 aucune nouvelle à son sujet et, au jour d'aujourd'hui, personne n'a

14 entendu parler de lui.

15 M. Susak (interprétation). - Je crois avoir sauté une question :

16 combien reste-t-il de Croates aujourd'hui à Zenica selon vous ?

17 M. May (interprétation). - Le témoin a répondu à cette

18 question : cinq à six mille.

19 M. Susak (interprétation). - Très bien, je vous prie de

20 m'excuser, j'avais oublié exactement ce qui s'était passé.

21 La question que je veux vous poser maintenant, c'est : où est-ce

22 que s'étaient installés les Moudjahidine ?

23 Mme Tolic (interprétation). - Ils étaient quelque part dans le

24 centre ville, dans une école, l'école de musique. Puis, il y en avait

25 aussi qui étaient installés plus loin du village.

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1 M. Susak (interprétation). - Vous venez de parler de l'école de

2 musique. Y avait-il d'autres endroits où ils étaient cantonnés ?

3 Mme Tolic (interprétation). - Oui, des villages avoisinants,

4 notamment Arnauti.

5 M. Susak (interprétation). - Combien y avait-il de Moudjahidine

6 à Zenica ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Je ne le sais pas.

8 M. Susak (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une

9 estimation ?

10 Mme Tolic (interprétation). - Non.

11 M. Susak (interprétation). - Les voyiez-vous fréquemment en

12 ville ?

13 Mme Tolic (interprétation). - Oui, nous les voyions partout.

14 M. Susak (interprétation). - Et dans les villages ?

15 Mme Tolic (interprétation). - Je peux répondre pour mon

16 village : à Podbrezje, la population était croate, mais il y avait un

17 autre village dont la population était musulmane où ils se sont installés

18 dans les maisons vides.

19 M. Susak (interprétation). - Comment vivaient les Croates avant

20 le 18 et après le 18, car nous en sommes arrivés à la nécessité de parler

21 de l'aide humanitaire s'il y en a eu à Zenica ?

22 Mme Tolic (interprétation). - A Zenica, il y avait un certain

23 nombre d'organisations humanitaires. Les Musulmans en dirigeaient deux, si

24 je ne m'abusais : Medhamed et Gasa. Les Serbes avaient également la leur :

25 Dobrotvor et, puis, dépendant de l'église catholique, il y avait Caritas.

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1 Il y avait la Croix Rouge internationale. Voilà les organisations

2 internationales que je connais et qui étaient sur place.

3 Je sais également que Caritas a distribué de l'aide humanitaire

4 à tous les habitants de Zenica quelle que soit l'identité de ceux qui

5 s'adressaient à Caritas. Pour les autres, je ne sais pas.

6 M. Susak (interprétation). - Les Croates recevaient-ils de

7 l'aide humanitaire de Medhamed ?

8 Mme Tolic (interprétation). - Non.

9 M. Susak (interprétation). - Et de Gasa, comme vous avez appelé

10 cette autre organisation d'aide humanitaire musulmane ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Je ne suis pas au courant.

12 M. Susak (interprétation). - Avant le 18, donc avant l'attaque,

13 dans les villages dont la population était majoritairement croate, vous

14 avez dit que Zenica a été bloquée à un certain moment. Quand est-ce que ce

15 blocage de la ville a eu lieu ?

16 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, cela a commencé le

17 15 avril et, après le 18 avril, ce siège a été encore aggravé de sorte

18 qu'il était particulièrement difficile de sortir de la ville ou de

19 pénétrer dans la ville.

20 M. Susak (interprétation). - Mais quels étaient les moyens

21 disponibles pour un civil ordinaire s'il voulait quitter Zenica ?

22 Mme Tolic (interprétation). - C'était difficile de sortir. Un

23 civil ordinaire ne pouvait absolument pas quitter la ville, à moins

24 d'avoir des amis parmi les Musulmans qui auraient accepté de les amener

25 jusqu'à un barrage ou on les aurait laissés passer, mais c'était un moyen

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1 qui était très peu sûr.

2 M. Susak (interprétation). - J'ai encore une question à vous

3 poser : vous avez parlé, il y a quelque temps, de la Défense territoriale.

4 Où était stationnée la Défense territoriale et, par la suite, l'armée de

5 Bosnie-Herzégovine dans la ville de Zenica ?

6 Mme Tolic (interprétation). - La Défense territoriale était

7 stationnée, cantonnée dans ce qui avait été la caserne de l'armée

8 populaire yougoslave, de la JNA, à Bilmiste.

9 M. Susak (interprétation). - Y a-t-il eu mobilisation officielle

10 à Zenica de la part des autorités de la ville ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Oui, certains hommes ont été

12 mobilisés sur leur lieu de travail, notamment les cheminots qui ont reçu

13 leur ordre de mobilisation une fois qu'ils sont arrivés sur leur lieu de

14 travail. Les gens quittaient leur domicile pour aller au travail et, une

15 fois qu'ils arrivaient au travail, ils étaient emmenés à la caserne à

16 Bilmiste.

17 M. Susak (interprétation). - Combien de temps restaient-ils à la

18 caserne ?

19 Mme Tolic (interprétation). - Eh bien, cela dépendait des

20 opérations militaires qu'ils avaient à accomplir. Il arrivait souvent

21 qu'ils restent une semaine dans la caserne, puis qu'ils rentrent à la

22 maison et qu'ils y retournent encore une semaine, etc.

23 M. Susak (interprétation). - Mais si quelqu'un refusait

24 d'obtempérer à l'ordre de mobilisation, y avait-il des sanctions ?

25 Mme Tolic (interprétation). - Je crois qu'à l'époque, personne

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1 ne se serait refusé à répondre à l'ordre de mobilisation. Pour autant que

2 je le sache, la majorité des gens sont entrés dans la Défense

3 territoriale.

4 M. Susak (interprétation). - Mais qui est entré dans les rangs

5 de la Défense territoriale ? Vous avez déjà parlé des personnes qui

6 avaient un emploi, n'est-ce pas ?

7 Mme Tolic (interprétation). - Pratiquement tous les habitants de

8 Zenica. Les hommes sont entrés dans les rangs de la Défense territoriale.

9 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire les hommes en âge

10 de porter des armes ?

11 Mme Tolic (interprétation). - Oui.

12 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai plus

13 de questions.

14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

15 Avant de suspendre l'audience, je voudrais savoir s'il y aura

16 interrogatoire de la part d'autres conseils de la défense ?

17 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président,

18 Me Radovic et Me Slokovic Glumac vont encore interroger ce témoin.

19 M. le Président (interprétation). - Nous suspendons l'audience

20 jusque qu'à demain. Oui, Me Susak ?

21 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, je propose

22 que deux documents soient versés au dossier en tant qu'éléments de

23 preuve : je parle de la décision de mise en détention et de la décision de

24 remise en liberté de ce témoin.

25 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons reçu qu'une

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1 seule décision, celle qui a trait à la remise en liberté. La première ne

2 nous a jamais été remise. Je parle de la pièce D 8/4.

3 M. Susak (interprétation). - Oui, mais j'en ai d'autres. Donc je

4 vous fais remettre, si vous le voulez bien, immédiatement un exemplaire du

5 premier document.

6 M. le Président (interprétation). - Oui, mais dans ce cas, il

7 faut que nous accordions le temps suffisant au Procureur pour examiner ces

8 documents et éventuellement prononcer ses objections. Donc, Maître Susak,

9 nous n'allons pas admettre ces documents aujourd'hui, nous examinerons le

10 problème du versement au dossier de ces documents demain. Pour les deux.

11 Et comme je l'ai déjà dit, nous siégerons demain de 13 heures 30

12 à 18 heures.

13 L'audience est suspendue à 13 heures 30.

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