Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi 29 Janvier 1999

4 L'audience est ouverte à 9 heures.

5 M. Bos (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

6 affaire IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic,

7 Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.

8 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Avant de reprendre

9 l'interrogatoire principal mené par Me Susak, j'aimerais demander au

10 Procureur s'il a des nouvelles à nous donner aujourd'hui.

11 M. Terrier - Oui, Monsieur le Président. Bonjour Monsieur le

12 Président, bonjour Madame le Juge, bonjour Monsieur le Juge.

13 Pour répondre à la question posée hier par Me Susak, je suis en

14 mesure d'informer le Tribunal de ce que le 30 juin 1998, avec d'autres

15 documents communiqués en application du Règlement de Procédure, nous avons

16 communiqué effectivement sous ma signature et celle de M. Moskowitz une

17 notice qui nous a paru relever des éléments à décharge. Me Susak a demandé

18 en fin de compte hier quelle est l'identité de cette femme qui est évoquée

19 dans cette notice. Nous avons bien spécifié que cette femme était non

20 identifiée. Et, s'agissant du témoin qui évoque la présence de cette

21 femme, il s'agit d'un témoin qui a été approché par un enquêteur du

22 Tribunal, mais qui n'a procédé à aucune audition formelle. Nous avons en

23 fin de compte renoncé à interroger ce témoin et évidemment le faire venir

24 devant la Cour, si bien que nous n'avons aucun autre élément que ceux qui

25 ont été communiqués à Me Susak. Il nous semblait que Me Susak pouvait

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1 procéder à l'enquête habituelle dont il peut avoir la charge. Voilà sur le

2 premier point. Si le Tribunal souhaite me poser des questions, j'essaierai

3 d'y répondre, bien entendu.

4 M. le Président. - Tout d'abord, Maître Susak, vous avez des

5 commentaires ?

6 M. Susak (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, car

7 nous ne savons pas de quelle personne il s'agit. Est-il réellement

8 question de Mirsad Omserovic. ou cette personne porte-t-elle un autre nom

9 car, d'après ce que je vois, apparemment Mirsad Omserovic est un homme et

10 un Musulman de Bosnie ?

11 M. Terrier. - Oui, tout à fait.

12 M. le Président. - Mais si j'ai bien compris, le Procureur n'a

13 pas d'autres éléments.

14 M. Terrier. - Monsieur le Président, je peux remettre au

15 Tribunal la notice que nous avons communiquée à Me Susak. Il me semble

16 clair... Nous citons effectivement un certain Mirsad Omserovic qui a été

17 contacté par un enquêteur du Tribunal. Ce Mirsad Omserovic a fait une

18 déclaration informelle, non signée à l’enquêteur du Tribunal qui est

19 rapporté textuellement et in extenso dans cette notice, et ce témoin

20 potentiel, Mirsad Omserovic, évoque une femme non identifiée de

21 nationalité croate qui a apporté du pain et du sucre, mais nous ne savons

22 pas quelle est l'identité de cette femme. Nous n'avons aucune autre

23 information à donner à Me Susak sur cette...

24 M. le Président. - Avez-vous l'adresse de ce M. Mirsad parce

25 qu'on pourrait passer peut-être à Me Susak l'adresse de ce monsieur

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1 d'origine musulmane, si j'ai bien compris, et lui pourrait, par le biais

2 de ses enquêteurs, voir si ce monsieur peut lui donner le nom de la femme

3 en question ?

4 M. Terrier. - Je n'ai pas l'adresse dans les documents qui sont

5 en ma disposition, mais il s'agit d'un habitant d'Ahmici et d'un voisin de

6 l'un des accusés.

7 M. le Président. - Maître Susak, cela pourrait peut-être vous

8 aider à identifier la personne et à la contacter par l'intermédiaire de

9 vos enquêteurs.

10 M. Susak (interprétation). - Mais Monsieur le Président, je ne

11 sais pas pour quelle raison, mais j'ai l'impression que c'est un autre nom

12 que celui qui figure ici qui est le nom exact. Il ne s'agirait pas de

13 Mirsad Omserovic, mais d'une autre personne qui était officier de l'armée

14 de Bosnie-Herzégovine.

15 Pourquoi il n'est pas écrit dans le texte qu'il s'agit d'un

16 officier de l'armée de Bosnie-Herzégovine et pourquoi le nom est inexact

17 nous pose problème, parce que cela remet en question l'accusation contre

18 Drago Josipovic.

19 M. Terrier. - Monsieur le Président, là, je ne comprends plus de

20 quoi il s'agit.

21 M. le Président. - Vous avez des soupçons, des suggestions ?

22 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, la femme qui

23 a témoigné a parlé de cette personne. Dans sa déposition, elle a dit qu'il

24 était question de Mirsad Omserovic, qui est effectivement officier de

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il l'était à l'époque, il l'est encore

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1 aujourd'hui.

2 (Les juges se consultent sur le siège.)

3 M. le Président (interprétation). - Nous sommes satisfaits des

4 explications fournies par le Procureur et nous avons le sentiment qu'il

5 convient de ne pas perdre de temps. Je crois qu'il appartient à Me Susak

6 de continuer la réflexion sur cette question. Le Procureur, à notre

7 connaissance, a fourni à la défense toutes les informations à sa

8 disposition.

9 Nous pouvons donc passer au deuxième point dont nous avons

10 discuté avec le Procureur ce matin.

11 M. Terrier. - Oui, Monsieur le Président.

12 S'agissant des rapports d'experts qui nous ont été communiqués,

13 je voudrais tout d'abord évoquer le rapport établi par un expert

14 balistique dont le nom est Damir Catipovic. Je souhaite avoir correctement

15 prononcé son nom. Ce rapport d'expertise communiqué par Me Radovic et

16 Me Slokovic-Glumac décrit la nature et les caractéristiques d'une arme de

17 fabrication slovène et dénommée MGV.

18 S'il s'agit d'un expert au sens de l'article 94bis du Règlement,

19 j'informe le Tribunal que nous acceptons ce rapport et nous n'entendons

20 pas appeler cet expert en qualité de témoin pour procéder à un contre-

21 interrogatoire. Mais je précise que le nom de cet expert ne figure pas,

22 sauf erreur de ma part, sur la dernière liste des témoins appelés par

23 Me Radovic et Me Slokovic. En revanche, il figure à un autre titre sur

24 d'autres listes de témoins. Mais comme s'agit d'un expert au titre de

25 l'article 94bis, nous acceptons ce rapport que je viens d'évoquer.

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1 M. le Président. - On peut peut-être s'arrêter là et demander à

2 Me Radovic s'il s'agit bien d'un témoin expert.

3 M. Radovic (interprétation). - En fait, nous avons proposé cette

4 déposition au moment où nous ne savions pas encore qu'un expert pouvait

5 parler du fusil MGV, un expert de la police néerlandaise, car ce qu'a

6 écrit notre expert est en fait totalement conforme à ce que dit cet autre

7 expert de la police néerlandaise. Si le Procureur est d'accord pour que

8 les choses en restent là, c'est-à-dire qu'on se contente de lire le texte,

9 je crois que ce serait approprié, car pratiquement tout ce qui figure dans

10 ce rapport d'expert, à mon avis, ne peut faire l'objet de contestation.

11 M. Terrier. - Je partage le même point de vue.

12 M. le Président. - Merci. Mais si j'ai bien compris, vous disiez

13 que le nom de cet expert figure aussi sur la liste des témoins que la

14 défense entend appeler ici, à la barre ?

15 M. Terrier. - Effectivement, Monsieur le Président, ce même

16 expert, M. Catipovic a été sollicité par la défense de Vlatko Kupreskic en

17 même temps qu'un autre expert, M. Skavic, pour procéder à une expertise

18 qui est à la fois une expertise à caractère médical et une expertise à

19 caractère balistique. Mais là, il ne s'agit pas de la défense de

20 Me Radovic, ni de Me Glumac mais de Me Par et de Me Krajina.

21 Cette expertise-là, nous n'entendons pas l'accepter au titre de

22 l'article 94bis. Nous souhaitons avoir la possibilité de contre-interroger

23 ces deux experts.

24 Par ailleurs, nous avons eu communication d'un rapport établi

25 par M. Kesic qui est, semble-t-il, un expert géomètre. L'opinion de ces

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1 experts nous a donc été communiquée, nous n'entendons pas l'accepter

2 purement et simplement au titre de l'article 94bis du Règlement, nous

3 souhaitons contre-interroger ce témoin.

4 Et il en est de même pour ce qui concerne l'avis d'expert

5 communiqué par la défense de M. Vlatko Kupreskic, avis d'expert établi par

6 M. Wagenaar qui est un citoyen de nationalité hollandaise.

7 Et enfin, il existe un dernier problème : sur les listes

8 communiquées par la défense de M. Vlatko Kupreskic figure le nom de

9 Janceslav Ilic, qui est un Juge de la Cour suprême de Bosnie. Nous n'avons

10 aucune indication sur l'objet de ces témoignages ou de cette expertise et

11 les documents qui nous ont été communiqués, qui sont des décisions de

12 justice, ne nous apprennent rien sur l'objet de ces témoignages. Nous

13 avons demandé davantage d'informations à la défense de M. Vlatko

14 Kupreskic, mais nous ne les avons pas reçues à ce jour.

15 Si ce Juge de la Cour suprême de Bosnie souhaite communiquer au

16 Tribunal des indications sur l'état du droit, les principes juridiques

17 applicables en Bosnie, je pense que nous pourrions certainement les

18 accepter en tant qu'avis d'expert et au titre de l'article 94bis, mais

19 encore faudrait-il que nous ayons davantage d'indications sur l'objet de

20 ce témoignage.

21 M. le Président. – Merci, Maître Terrier. En effet, je crois que

22 Me Krajina avait déjà donné des indications au sujet de cet expert. Il

23 s'agit d'un Juge, le Président de la Cour suprême qui devrait faire des

24 commentaires sur un arrêt dont on a eu le texte en anglais et peut-être

25 l'état du droit en cette matière.

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1 Donc, ce ne serait pas un témoin expert, je crois…

2 M. Terrier. – Je ne sais pas…

3 M. le Président. – Maître Par ?

4 M. Par (interprétation). – Si vous me le permettez, j'aimerais

5 vous donner quelques explications brèves car je crois que nous avons déjà

6 assez parlé de ce sujet. Il s'agit de la déposition du Président de la

7 Cour suprême à qui nous avons demandé de venir devant ce Tribunal pour

8 commenter un certain nombre d'arrêts rendus par les tribunaux de Sarajevo

9 et qui portent sur les difficultés vécues par la population civile.

10 Comme nous l'avons déjà dit par le passé, nous n'avons pas

11 encore eu de conversation détaillée avec de témoin, la seule que nous

12 avons faite c'est que nous lui avons demandé s'il était d'accord pour

13 venir devant le Tribunal afin de commenter la façon dont ces arrêts ont

14 été rendus.

15 Lorsqu'il arrivera ici, ce que nous pensons lui demander c'est

16 de nous dire quels sont les éléments des actes évoqués dans ces arrêts,

17 comment on en est arrivé aux arrêts de remise en liberté, quel était

18 l'état de droit qui prévalait en Bosnie-Herzégovine et qui a permis de

19 rendre ces décisions de remise en liberté sur la base de la pratique

20 juridique en vigueur en Bosnie-Herzégovine.

21 Je considère que c'est là un interrogatoire auquel nous pouvons

22 tous participer sans aucune préparation particulière, compte tenu du fait

23 que les arrêts dont nous avons l'intention de parler ont déjà été remis au

24 Tribunal. Il s'agira donc simplement de discuter des positions de droit

25 émanant des tribunaux de Bosnie-Herzégovine et en rapport avec des actes

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1 criminels commis à l'encontre de citoyens, de civils. Nous pensons donc

2 que nous n'avons aucune responsabilité, nous n'avons aucune obligation de

3 remettre d'autres documents au Procureur à cet égard et je pense que le

4 Tribunal devrait accepter notre point de vue sur ce sujet.

5 M. Terrier - Monsieur le Président, l'accusation insiste pour

6 avoir davantage d’informations sur ce témoignage puisqu'il s'agit d'un

7 témoignage et non pas d'une expertise, si j'ai bien compris. Nous ne

8 disposons que d’une décision de justice, nous en avons pris connaissance,

9 nous ne comprenons pas en quoi cette décision de justice ou tout

10 commentaire qui serait fait sur cette décision de justice est en quoi que

11 ce soit pertinent en regard de l'affaire dont le Tribunal est saisi. Il

12 nous faut donc davantage d’informations et cela ne semble devoir poser

13 aucun problème à la défense de M. Vlatko Kupreskic.

14 M. le Président. - D'accord et, en effet, moi, j'aimerais bien

15 inviter la défense de M. Vlatko Kupreskic à considérer ce témoin comme

16 témoin expert et donc à essayer d'appliquer la règle de l'article 94bis,

17 c'est-à-dire fournir un texte écrit pour voir si le Procureur est prêt à

18 accepter ce texte, de manière à éviter que ce témoin vienne ici, à

19 La Haye. Je considère que, peut-être, il ne s'agit pas de points

20 essentiels, d'éléments d'une importance capitale pour notre procès. Donc,

21 pour éviter une perte de temps, on pourrait le considérer comme témoin

22 expert mais, si vous insistez à le considérer comme témoin, sur les faits,

23 dans ce cas, je crois qu'il faut accepter la demande du Procureur et

24 donner au Procureur d'autres éléments d'information sur la position de ce

25 Président de la Cour suprême. Cela dit, je crois qu'il faut maintenant

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1 passer à...

2 M. Par (interprétation). - Monsieur le Président, bien sûr, nous

3 satisferons à cette décision de la Chambre, mais nous avons encore une

4 question à poser eu égard à la discussion que nous avons au sujet des

5 documents relatifs au témoin et, plus précisément, quant au fait que le

6 Procureur à l'intention de contre-interroger les trois témoins dont nous

7 venons de parler.

8 La question que je pose à la Chambre est liée à l'application de

9 cet article 94bis du Règlement. Je considère que ce qui est stipulé dans

10 cet article, c'est que le Procureur a quatorze jours pour s'expliquer

11 davantage sur le fait qu'il souhaite contre-interroger un témoin expert.

12 Je ne souhaite pas faire un problème de ce point, mais ce qui m'intéresse,

13 c'est la position de la Chambre eu égard à ce délai accordé au Procureur

14 pour faire savoir s'il veut effectivement contre-interroger les témoins

15 experts, étant donné que cela fait plus de deux mois que nous avons remis

16 les documents que nous avons remis et c'est seulement aujourd'hui, pour la

17 première fois, que nous entendons les atermoiements du Procureur. Donc,

18 c'est la question que je souhaite poser à la Chambre sans, bien sûr,

19 vouloir compliquer nos débats d'aujourd'hui.

20 (Les Juges se consultent sur le siège).

21 M. le Président (interprétation). - Il est exact que le

22 Procureur n'a pas respecté le délai prévu à l'article 94bis, ce délai de

23 quatorze jours. Cependant, je pense que sur le fondement de l'article 5,

24 nous découvrons qu'aucun préjudice matériel n'a été causé à la défense de

25 Vlatko Kupreskic et, donc, même si j'ai dit que nous aimerions rappeler au

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1 Procureur la nécessité de respecter le délai en question, je crois que le

2 fait que ce délai n'ait pas été respecté dans ce cas précis ne cause pas

3 de problème majeur. Nous travaillons tous sous une pression importante du

4 point de vue des délais.

5 M. Terrier. - Je vous remercie, Monsieur le Président. Je me

6 permets cependant d'ajouter que selon ma lecture - mais peut-être ai-je

7 tort -, ce délai de quatorze jours est un délai minimum de réflexion qui

8 est accordé au Procureur. On ne peut pas l'obliger à répondre avant ce

9 délai de quatorze jours, mais c'est à mon sens un délai minimum. Il n'y a

10 pas de délai maximum sauf celui que le Tribunal voudra bien fixer bien

11 entendu, comme il l'a fait aujourd'hui en provoquant cette discussion sur

12 les expertises. C'est comme cela que je m'autorise à lire le Règlement de

13 Procédure. Cela ne peut pas être un délai maximum, c'est nécessairement un

14 délai minimum.

15 M. le Président (interprétation). - Pour ce qui me concerne, je

16 ne suis pas tout à fait d'accord. Je lis le texte : "Dans les quatorze

17 jours suivant la réception de la déclaration des témoins experts, la

18 partie adverse fait savoir à la Chambre de première instance, etc.". Je

19 crois que le délai est tout à fait strictement défini. Je ne suis donc pas

20 tout à fait d'accord avec vous, mais ce n'est pas un problème trop

21 important.

22 Notre Tribunal étant un Tribunal international, il ne devrait

23 pas s'enfermer dans des détails techniques juridiques sur des points qui

24 n'ont pas une importance majeure pour le

25 déroulement du procès. Nous avons tendance à être assez souples s'agissant

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1 de l'application des articles du Règlement de Procédure et de Preuve sur

2 des problèmes mineurs, ce qui est le cas en l'espèce.

3 Donc, comme je viens de le dire, nous connaissons désormais la

4 position du Procureur. Un seul témoin expert a été accepté sur le

5 fondement de l'article 94bis. Je veux parler de l'expert balistique

6 proposé par Me Slokovic Glumac et Me Radovic. Quant aux autres témoins

7 experts, il convient de les citer devant le Tribunal pour procéder à leur

8 interrogatoire et à leur contre-interrogatoire.

9 A présent, je donnerai la parole à Me Susak, à qui je

10 demanderais de bien vouloir poursuivre son interrogatoire de M. Stojak et

11 je prie M. Stojak de nous excuser pour ce léger retard.

12 M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Bonjour, Monsieur Stojak.

14 M. Stojak (interprétation). - Bonjour.

15 M. Susak (interprétation). - Nous en sommes restés à la

16 discussion que nous avions au sujet de la défense civile. Vous êtes

17 d'accord, n'est-ce pas ?

18 M. Stojak (interprétation). - Oui.

19 M. Susak (interprétation). - Hier, je vous ai demandé quelles

20 étaient les tâches assignées au centre d'information avant, pendant et

21 après la guerre. Vous m'avez répondu, mais ce qui a été inscrit au compte

22 rendu était un peu différent de ce que vous m'aviez répondu. Donc je vous

23 demande encore une fois : est-ce que les tâches confiées au centre

24 d'information étaient identiques avant, pendant et après la guerre ?

25 M. Stojak (interprétation). - Oui, ces tâches sont restées

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1 inchangées. Avant la guerre, ce centre remplissait les tâches suivantes :

2 le courrier qui était destiné aux organes civils du pouvoir et à ce qui

3 était à l'époque le secrétariat de la défense nationale passait donc par

4 ce centre. La majeure partie des télégrammes arriverait sous forme criptée

5 et des télégrammes réguliers arrivaient également, des télégrammes

6 ordinaires portant sur la livraison de cigarettes ou sur la livraison

7 d'hydrocarbures, télégrammes qui arrivaient de Zenica ou de Sarajevo et

8 qui avaient une importance pour la vie quotidienne de la municipalité de

9 Vitez.

10 Cette tâche était donc l'une des tâches de ce centre. L'autre

11 consistait à assurer l'information de la population civile, à savoir qu'en

12 cas d'accident, d'incendie par exemple, qui mettait en danger la vie de la

13 population civile, eh bien, les informations recueillies par les personnes

14 qui étaient sur le terrain nous parvenaient à nous et nous répartissions

15 ces informations dans les endroits concernés. Par exemple, s'il

16 s'agissaient d'un incendie, nous distribuions cette information aux

17 sapeurs-pompiers et ceux-ci mettaient en oeuvre les mesures nécessaires et

18 nous agissions de même s'agissant du centre de santé, de la police, etc.

19 M. Susak (interprétation). - Eu égard au conflit qui a commencé

20 le 16, la mobilisation avait un rapport également avec la défense civile.

21 Qu'a fait dans la pratique la défense civile sur le territoire de Vitez et

22 dans la région environnante ?

23 M. Stojak (interprétation). - Vous voulez dire à partir du

24 moment où le conflit a éclaté ?

25 M. Susak (interprétation). - Oui, à partir du 16.

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1 M. Stojak (interprétation). - Eh bien, la défense civile a

2 poursuivi ses activités, elle s'est occupée des handicapés, des malades,

3 elle a assuré la distribution de vivres à l'intention de ces personnes,

4 notamment.

5 Mais au fil de l'intensification de la guerre, le nombre de

6 morts a augmenté. Il s'agissait de décès de personnes et d'animaux. Donc

7 le risque d'épidémie a augmenté. Je crois savoir qu'une dizaine de

8 personnes travaillaient sur le terrain à ce moment-là. Il s'agissait de

9 personnes qui étaient chargées de ramasser les corps et les cadavres

10 d'animaux, dans la mesure où la situation le permettait.

11 M. Susak (interprétation). - Est-ce que l'ordre du commandant de

12 la défense civile a eu un effet sur ces activités ?

13 M. Stojak (interprétation). - Oui, au moment où la mobilisation

14 a été déclarée, c'est-à-dire le 16 dans l'après-midi, à partir de ce

15 moment-là, il n'a plus été possible d'agir en l'absence d'ordres. Par

16 conséquent, le commandant de la défense civile a dû émettre des ordres à

17 l'intention des personnes placées directement sous ses ordres et qui

18 effectuaient ces activités. Cet ordre a donc concerné avant tout les dix

19 personnes dont je viens de parler.

20 M. Susak (interprétation). - J'aimerais demander à l'huissier de

21 remettre un document au témoin.

22 (L'huissier s'exécute).

23 M. Bos (interprétation). - Le document est marqué D10/2, D10/4

24 (se reprend l'interprète).

25 M. Susak (interprétation). - Il s'agit d'un rapport tout à fait

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1 bref et on voit qu'il s'agit du bureau de la défense de Travnik et il date

2 du 14 avril 1993. On voit sous le point N° 1 que pour pouvoir définir...

3 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, je vous

4 interromps, mais il nous faudrait une copie de ce document parce que les

5 Juges n'ont pas ce document.

6 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, je voulais

7 tout simplement poser une question au témoin. Je n'ai pas eu la

8 possibilité de traduire le document parce que je l'ai trouvé chez lui. Si

9 les Juges sont d'accord, bien évidemment, je vais vous soumettre les

10 copies et nous allons demander la traduction dans les plus brefs délais.

11 (Les juges se consultent sur le siège).

12 M. le Président (interprétation). - Conformément à notre

13 Règlement, malheureusement Maître Susak, nous ne pouvons pas considérer ce

14 document comme pièce à conviction et le verser au dossier.

15 M. Susak (interprétation). - Je voulais tout simplement me

16 référer à ce document pour interroger le témoin, mais pas demander le

17 versement au dossier. Mais je vais quand même interroger le témoin.

18 Savez-vous, Monsieur le Témoin, si le bureau de la défense de

19 Travnik avait délivré un ordre le 17 avril 1993 ?

20 M. Stojak (interprétation). - Mais vous parlez de ce document,

21 de cet ordre que je vous ai remis, entre autres ordres ? Celui-là

22 également, j'aurais pu ne pas le connaître parce qu'il n'a pas été adressé

23 à mon nom, il ne m'a pas été adressé.

24 M. Susak (interprétation). - Entendu, mais est-ce qu'il y avait

25 de tels types d'ordres après le 16 avril 1993 ?

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1 M. Stojak (interprétation). - Logiquement, de tels types

2 d'ordres devaient exister du point hiérarchique, donc vers le bas, parce

3 que Travnik était, du point de vue hiérarchique, supérieure par rapport au

4 bureau de la défense à Vitez.

5 M. Susak (interprétation). - Merci. Ceci, par conséquent,

6 concerne le bureau de la défense de la municipalité de Vitez ?

7 M. Stojak (interprétation). - Oui.

8 M. Terrier - Un certain nombre de questions et de réponses ont

9 été faites. Nous ne sommes pas en mesure de comprendre de quoi il s'agit,

10 puisque qu'on se réfère à un ordre que nous n'avons pas vu, qui n'a pas

11 été décrit, qui n'a pas été traduit et que le témoin, apparemment, n'avait

12 pas vu ou, en tout cas, il n'en n'était pas le destinataire. Il y a là

13 tout un passage au niveau des débats qui nous a, de ce fait, complètement

14 échappé.

15 M. le Président (interprétation). - Mais c'est tout à fait vrai,

16 nous ne savons absolument pas le contenu de cet ordre, Maître Susak.

17 M. Susak (interprétation). - Hier, nous avons parlé du rapport

18 et il s'agit du document 337 où l'on parle d'un certain nombre d'ordres

19 qui concernent la défense civile, et c'est raison pour laquelle je pose la

20 question au témoin, pour savoir si lui est au courant qu'il y avait un

21 certain nombre d'ordres qui concernaient la défense civile, et le témoin

22 m'a répondu qu'indépendamment du document dont j'ai parlé, que le témoin

23 savait qu'il y avait de tel type d'ordres.

24 M. le Président (interprétation). - D'accord. Vous pouvez

25 poursuivre.

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1 M. Susak (interprétation). - Monsieur Stojak, est-ce que vous

2 savez s'il y avait des échanges auxquels on a procédé pendant le conflit

3 et après le conflit ? Je veux parler des échanges des Musulmans contre les

4 Croates et l'inverse. Et puis, j'aimerais vous demander si vous connaissez

5 également s'il y avait un échange des Musulmans, qui ont été échangés et

6 qui étaient en provenance de Vitez pour les Croates qui étaient de

7 Zenica ?

8 M. Stojak (interprétation). - En ce qui concerne l'échange des

9 prisonniers ou des détenus, je ne sais pas comment vous les appelez, je

10 sais qu'on a procédé à de telles sortes d'échanges. Je sais que cela avait

11 été organisé à des niveaux beaucoup plus élevés, par conséquent moi je

12 n'étais pas au courant. Je sais qu'il y avait eu une commission également

13 chargée des échanges. Il y avait un certain nombre de personnes qui ont

14 été désignées pour participer à cette commission. Au nom de la cellule de

15 crise, il y avait M. Ivica Santic et M. Pero Skopljak qui ont été nommés

16 et désignés.

17 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'ils avaient été chargés

18 de cet échange avant le conflit, pendant le conflit et après le conflit ?

19 M. Stojak (interprétation). - Je pense que c'était uniquement

20 pendant le conflit, parce que c'était la situation qui l'avait imposé. Ce

21 n'était pas indispensable, bien évidemment, d'y procéder avant le conflit.

22 M. Susak (interprétation). - Nous allons revenir à vos activités

23 et nous allons parler du mois d'octobre 1992. Est-ce que vous pouvez me

24 dire si vous vous souvenez du conflit qui est survenu le 20 octobre 1992 ?

25 M. Stojak (interprétation). - Oui, c'était le premier conflit

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1 entre les Musulmans et les Croates. Oui, effectivement je m'en souviens.

2 Je pense qu'il avait commencé dans cette partie, dans une partie d'Ahmici

3 que nous appelons Topolje, à côté du cimetière catholique. Topolje, c'est

4 un peuplier. Par conséquent, les Musulmans ont dressé un barrage entre

5 Busovaca et Vitez. Ils ont arrêté un certain nombre de policiers,

6 militaires, ils les ont désarmés et c'est là où il y avait ce conflit.

7 Quand ces personnes sont retournées dans leur formation, dans leur unité

8 militaire, il y avait donc le barrage qui a été démantelé et le conflit

9 s'est déclenché.

10 M. Susak (interprétation). - Et vous, vous êtes trouvé où ce

11 jour-là ?

12 M. Stojak (interprétation). - Ce jour-là j'étais chez moi, avec

13 ma famille et je ne pouvais pas sortir parce que j'étais encerclé.

14 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous pouvez dire aux

15 Juges où se trouve votre maison ?

16 M. Stojak (interprétation). - Ma maison se trouve à Vitez, dans

17 la ville de Vitez, dans la vieille partie de Vitez qui s'appelle Mahala,

18 le centre ville, à une trentaine ou quarantaine de mètres par rapport à la

19 mosquée de la ville de Vitez.

20 M. Susak (interprétation). - Par conséquent, dans la partie

21 musulmane de la ville ?

22 M. Stojak (interprétation). - Oui.

23 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous décrire

24 également et nous dire ce que vous avez pu faire, si vous avez pu

25 également sortir de Vitez lors du premier conflit ?

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1 M. Stojak (interprétation). - Non, je ne pouvais même pas sortir

2 de chez moi. Je ne peux pas vous dire tout, il y avait des provocations au

3 niveau du téléphone. Mes voisins avaient considéré que moi je travaillais

4 dans ce centre. Par conséquent ils se posaient des questions, ils se

5 demandaient ce que je faisais, c'est la raison pour laquelle ils m'ont

6 menacé au téléphone, mais heureusement, rien ne s'est passé. De toute

7 façon, les passions se sont apaisées très vite et puis le conflit s'est

8 arrêté.

9 M. Susak (interprétation). - Comment êtes-vous sorti de votre

10 appartement, du Mahala ? Quand vous êtes-vous rendu au travail ?

11 M. Stojak (interprétation). - C'était le 22, le matin, je pense,

12 que j'ai pu me rendre au bureau. De toute façon, tout était déjà calme.

13 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous connaissez la côte

14 ou le mont Kuber ?

15 M. Stojak (interprétation). - Oui, bien sûr.

16 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous donner

17 l'importance de cette côte pour les deux parties ?

18 M. Stojak (interprétation). - La côte Kuber se trouve au niveau

19 d'un triangle entre Busovaca, Vitez et Zenica. Elle est extrêmement

20 importante car elle domine cette vallée. Il est facile de contrôler

21 l'ensemble de la ville de Vitez, cette voie de communication Vitez-

22 Busovaca. Il est également très facile de se rendre à Zenica.

23 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous saviez qu'il y

24 avait des conflits qui se sont produits en avril 1993 à Kuber ?

25 M. Stojak (interprétation). - Oui, c'étaient le ouï-dire d'un

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1 côté et d'un autre côté également il y avait un certain nombre de

2 personnes des autorités civiles qui en ont parlé, car il y avait quelques

3 affrontements qui ont commencé déjà le 15 avril. Ensuite, cela s'est

4 transformé en conflit qui a été beaucoup plus intense le 16 et le 17.

5 Selon les rapports de la défense civile, il y en avait quatre qui ont été

6 tués dans cette région.

7 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez

8 quelqu'un qui a été tué ?

9 M. Stojak (interprétation). - Oui, je connaissais M. Livancic.

10 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous pouvez dire son

11 prénom ?

12 M. Stojak (interprétation). - Je pense que son prénom était

13 Zoran.

14 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous en êtes sûr ?

15 M. Stojak (interprétation). - Je pense. Je connais son surnom

16 surtout, je sais comment on l'appelle.

17 M. Susak (interprétation). - Comment ? Et il est le fils de

18 qui ? Est-ce que vous connaissez le nom de son père ?

19 M. Stojak (interprétation). - Son père avait un café à Santici.

20 Je ne sais pas si c'est bien de prononcer le nom.

21 M. Susak (interprétation). - Est-ce que c'est Zeljo ou Zoran ?

22 M. Stojak (interprétation). - Zeljo.

23 M. Susak (interprétation). - Eh bien, pendant combien de temps

24 il y a eu des affrontements et quels jours, s'il vous plaît ?

25 M. Stojak (interprétation). - Mais je vous l'ai dit tout à

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1 l'heure.

2 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous connaissez le

3 village Cajdras ? Est-ce que vous vous souvenez également de ce qui

4 s'était passé avec la population civile ? Avec l'armée également de

5 Zenica ? Est-ce que vous savez quelque chose ?

6 M. Stojak (interprétation). - Vous pensez au village Cajdras ?

7 M. Susak (interprétation). - Oui.

8 M. Stojak (interprétation). - Eh bien, c'est un village qui est

9 en bas de Kuber, de l'autre côté, juste à l'entrée de Zenica et à

10 Vjetrenice. C'est une fois que le conflit s'est déclenché, quand les

11 forces du MOS ont expulsé les civils, les Croates, les femmes, les

12 enfants, c'est la route qu'ils ont empruntée entre Vrhovine et Kuber, ils

13 sont descendus vers Vitez. Une partie de ces expulsés a été emprisonnée,

14 d'autres se sont dispersés par là.

15 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'ils sont arrivés

16 jusqu'aux champs de mines et comment cela s'est-il passé ?

17 M. Stojak (interprétation). – C'étaient les gens qui tout

18 simplement s'enfuyaient. Ils s'enfuyaient parce qu'il y avait l'armée,

19 bien évidemment, qui était derrière. Donc ils ne pensaient pas du tout aux

20 champs de mines, mais c'est tout à fait subitement qu'ils sont tombés sur

21 les champs de mines. Ce n'est qu'ultérieurement qu'ils s'en sont rendu

22 compte. Je pense qu'il y avait une femme et un homme qui ont été tués.

23 M. Susak (interprétation). – Mais au moment où ils passaient à

24 travers le champ de mines ?

25 M. Stojak (interprétation). – Oui.

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1 M. Susak (interprétation). - Il y avait les deux personnes qui

2 ont été tuées ?

3 M. Stojak (interprétation). – Oui.

4 M. Susak (interprétation). - Comment les Musulmans et les

5 Croates étaient armés ? De quelle façon se sont-ils armés et y avait-il

6 également des armements qui ont été organisés conjointement ?

7 M. Stojak (interprétation). – Au début de la guerre, les armes

8 ont été achetées sur le marché noir par des moyens différents. Ensuite,

9 quand l'entrepôt à Slimena, en bas de Travnik, quand cet entrepôt est

10 passé dans les mains du peuple musulman et croate, à ce moment-là, la

11 Défense territoriale - c'était l'époque où il y avait des Musulmans et des

12 Croates qui faisaient partie intégrante de cette Défense territoriale -

13 ils ont répartis ces armes.

14 M. Susak (interprétation). - Comment ont-ils réparti ces armes ?

15 Comment ont-ils organisé cette répartition ?

16 M. Stojak (interprétation). – Ce n'était pas tout à fait 50/50,

17 moitié-moitié. Je pense que cela dépendait si on avait réussi à prendre

18 les armes, eh bien on prendrait les armes. Quand il y avait une foule qui

19 s'emparait d'un entrepôt, à ce moment-là, on ne pouvait plus contrôler.

20 M. Susak (interprétation). - Mais vous êtes en quelque sorte

21 l'expert militaire : que pensez-vous des intentions des Musulmans en ce

22 qui concerne Vitez et les villages avoisinants ? Je pense, bien

23 évidemment, à tout ce qui avait précédé le 16 avril 1993.

24 M. Stojak (interprétation). – Mais les intentions étaient

25 claires et cela a été prouvé ultérieurement. Ce qu'ils souhaitaient,

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1 c'était prendre Vitez, le centre même et c'était une partie stratégique de

2 territoire pour eux. C'était un territoire qui était indispensable pour

3 eux pour arrondir leur propre territoire.

4 Sur la carte vous pouvez voir qu'il y avait des villages

5 musulmans tout autour. Il leur manquait la Bosnie centrale. Par

6 conséquent, la ville de Vitez, Busovaca, Novi Travnik, etc.

7 M. Susak (interprétation). – Pensez-vous qu'ils étaient sûrs

8 qu'ils allaient pouvoir prendre cette partie de la Bosnie ?

9 Est-ce qu'il y en avait en âge de combattre majoritairement par

10 rapport aux Croates, compte tenu qu'il y avait beaucoup de réfugiés

11 également ?

12 M. Stojak (interprétation). – Eh bien, en ce qui concerne la

13 tension, les hostilités, je dois dire qu'elles n'étaient pas très

14 prononcées au début. Nous avons vécu pendant une longue période ensemble.

15 Par exemple, là où j'habitais, il était normal de rester en bon terme, de

16 se rendre visite et réciproquement.

17 Mais cette tension s'est accrue notamment après un certain

18 nombre d'incidents, de petits incidents, après la chute de Slimena, au

19 moment où nous avons commencé à nous armer. Et il était normal également

20 qu'à partir du fait où il y avait des réfugiés musulmans qui sont arrivés

21 en provenance de Jajce, sont restés dans ce territoire alors que les

22 Croates partaient plus loin vers l'Herzégovine, vers la Croatie, etc., les

23 Musulmans se sont sentis probablement plus nombreux et forts et il est

24 logique qu'ils pouvaient s'emparer de ce territoire.

25 M. Susak (interprétation). - Vous êtes d'avis qu'ils avaient

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1 pensé que c'est sans grande difficulté qu'ils allaient pouvoir prendre

2 cette partie de la ville. Pouvez-vous dire également ce qu'il s'est passé

3 à Bugojno ?

4 M. Stojak (interprétation). – Oui, c'était probablement une

5 certaine tactique. Je ne peux pas savoir si c'était intentionnel ou non.

6 De toute façon, la façon dont ils ont procédé, dont ils s'y sont pris en

7 une demi-journée, une journée ou deux, ils ont réussi véritablement à

8 prendre tout cela. Et ce qu'il s'est passé également à Bugojno, les

9 combats n'ont pas duré au-delà de trois jours, entre deux et trois jours.

10 M. Susak (interprétation). – Est-ce que le territoire musulman

11 de Travnik à Mostar et par conséquent, on pouvait se rendre de Travnik à

12 Mostar étant donné que ce territoire était sous le contrôle de l'armée de

13 Bosnie-Herzégovine ?

14 M. Stojak (interprétation). – Vous pensez à avant ou

15 maintenant ?

16 M. Susak (interprétation). - Avant et maintenant.

17 M. Stojak (interprétation). – Oui mais pas en passant par les

18 voies de communication.

19 M. Susak (interprétation). – Mais si on emprunte les chemins en

20 passant par les montagnes et les forêts ?

21 M. Stojak (interprétation). – Oui.

22 M. Susak (interprétation). – Mais vous avez dit que vous étiez

23 dans un oasis, en quelque sorte, à Vitez. Saviez-vous ce qu'est la route

24 de Salu ?

25 M. Stojak (interprétation). – Oui.

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1 M. Susak (interprétation). – Pouvez-vous nous en donner quelques

2 précisions ?

3 M. Stojak (interprétation). – C'est une route qui a été

4 construite conjointement par les Musulmans et les Croates. Mais j'ai le

5 sentiment que c'était plus des Croates que des Musulmans, et c'est une

6 route qui conduisait par Novi Travnik, Pavlovica et allait plus loin vers

7 Gornji Vakuf, Prozor et ensuite passait par Vranplanina ou Cursnica.

8 C'étaient les deux routes et rejoignaient Tomislavgrad et c'est une route

9 qui avait été utilisée pour approvisionner les gens en vivres pendant

10 l'agression serbe.

11 M. Susak (interprétation). - Est-ce que cette route a été coupée

12 et quand ?

13 M. Stojak (interprétation). - Oui, même lors du premier conflit,

14 cette route a été coupée. Lors du deuxième, également. Je pense que le

15 village croate Sebesic, tant qu'ils ne se sont pas retirés, ils gardaient

16 ce territoire, mais la communication a été coupée.

17 M. Susak (interprétation). - Nous allons parler maintenant, si

18 vous voulez bien, du 16 avril 1993. Dites aux Juges où vous vous êtes

19 trouvé le 15 avril 1993.

20 M. Stojak (interprétation). - Le 15 avril, je n'ai pas travaillé

21 au centre. J'étais en congé, j'ai passé la journée chez moi. Normalement

22 le 17, le samedi, j'avais une noce et j'aurais dû être témoin de mariage

23 d'un de mes amis. Il est venu chez moi et nous avons donc essayé de voir

24 comment on allait organiser les noces, quel serait le protocole. C'est une

25 coutume chez nous.

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1 Dans la nuit, ou plutôt vers dans la soirée, vers 20 heures du

2 soir, je suis allé au bureau, donc au centre d'information. Nous avons

3 travaillé. Sur les 24 heures, toutes les 12 heures, on se relayait par

4 équipe.

5 M. Susak (interprétation). - Comment avez-vous appris qu'il y

6 avait le conflit ?

7 M. Stojak (interprétation). - C'était le 16 très tôt le matin.

8 Il y avait des tirs qui ont commencé. On avait entendu les détonations et,

9 ultérieurement, il y avait des gens qui nous ont appelés. Ils avaient déjà

10 l'habitude de nous appeler pour nous demander ce qu'il se passait. C'est

11 comme cela que nous avons appris qu'il y avait des tirs et des coups de

12 feu qui ont été échangés, que quelqu'un avait attaqué quelqu'un, que tout

13 simplement, il y avait une guerre qui avait commencé.

14 M. Susak (interprétation). - C'était donc avant 6 heures ?

15 M. Stojak (interprétation). - 5 heures 30.

16 M. Susak (interprétation). - Vous, vous êtes au centre

17 d'information. Vous avez dit que dans la partie musulmane se trouvait

18 votre maison.

19 M. Stojak (interprétation). - Oui.

20 M. Susak (interprétation). - Où se trouvaient votre épouse et

21 vos enfants ?

22 M. Stojak (interprétation). - Mon épouse, les deux enfants et ma

23 mère se trouvaient à la maison.

24 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire à Mahala ?

25 M. Stojak (interprétation). - Oui, à Mahala. Ils ont été trois

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1 jours dans la maison.

2 M. Susak (interprétation). - Mais c'était sous le contrôle de

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

4 M. Stojak (interprétation). - Oui. Dans cette partie, il y avait

5 cinq maisons qui étaient occupées par les Croates, dont les propriétaires

6 étaient des Croates et, au moment où il y a eu la détonation ou les tirs,

7 il y avait neuf enfants et des femmes qui se sont retirés dans la maison,

8 dans notre maison. Maintenant, si je vous me permettez, je vais juste

9 rafraîchir ma mémoire : il y avait six hommes également.

10 M. Susak (interprétation). - Eh bien, vous, vous êtes au centre

11 d'information. Vous dites que vous n'étiez pas au courant que le conflit

12 allait se déclencher alors que vous avez vécu dans la partie musulmane de

13 la ville, et vous n'avez donc pas évacué ni votre épouse, ni vos enfants

14 ni votre maire.

15 M. Stojak (interprétation). - Mais moi, si je l'avais su, je

16 l'aurait fait !

17 M. Susak (interprétation). - Si vous l'aviez fait, qu'est-ce que

18 vous auriez fait ?

19 M. Stojak (interprétation). - Mais c'est logique, je les aurais

20 emmenés quelque part où il y avait une majorité de Croates. Compte tenu du

21 fait que les parents de mon épouse habitent à côté de l'église - il y a

22 ses parents aussi qui y sont -, je lui aurais donc proposé d'aller chez

23 ses parents parce que si je savais qu'il y avait une guerre qui

24 commençait, je n'aurais bien entendu pas attendu les trois jours. Je ne

25 sais pas que les choses s'améliorent pour qu'elles sortent de chez eux.

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1 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous

2 avez fait et comment votre épouse, vos enfants et votre mère sont sortis

3 de leur appartement, de leur maison, enfin, du centre de Mahala ?

4 M. Stojak (interprétation). - J'ai essayé bien évidemment de les

5 joindre, j'ai utilisé tous mes moyens et ce que je pouvais faire, c'est

6 tout simplement aller à pied. Cette troisième nuit, ils sont sortis parce

7 que sinon je serais certainement parti le lendemain, le quatrième jour,

8 pour aller les chercher parce qu'il y avait l'explosion d'une citerne à

9 Mahala. Eux, ils ne savaient pas ce qu'il se passait. Ils sont sortis sur

10 la route et ils ont embarqué les chars de la Forpronu, prendre les gens et

11 les conduire en direction de Travnik et, comme mon épouse savait un peu

12 l'anglais, elle avait demandé à un soldat... Ou c'était peut-être un

13 officier... De toute façon, c'est ma femme qui me l'a raconté par la

14 suite, qu'elle avait dit qu'ils étaient des Croates, qu'ils avaient peur

15 pour leur propre vie et qu'elle avait tout simplement demandé qu'il les

16 transporte jusqu'à l'église, jusqu'à Stari Vitez. Eh bien, il avait refusé

17 en disant qu'il ne transportait pas les Croates.

18 Mais un autre soldat officier de la Forpronu est arrivé par la

19 suite, il a vu qu'il y avait quelque chose qui se passait, que ça n'était

20 pas correct. Il lui a posé la question de ce qu'il s'était passé. Ma femme

21 lui a répondu exactement de la même manière que la première fois. Par

22 conséquent, il lui a proposé de monter dans un char et mon épouse, mes

23 enfants également sont montés. Les hommes sont restés chez eux, et les

24 femmes les enfants ont été transportés jusqu'à l'église à Stari Vitez.

25 C'était après l'explosion du camion citerne.

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1 M. Susak (interprétation). - Est-ce que vous êtes tous retournés

2 pour habiter chez vous ?

3 M. Stojak (interprétation). - Non.

4 M. Susak (interprétation). - Et maintenant, vous habitez où, à

5 quelle distance ?

6 M. Stojak (interprétation). - A 500, 600 mètres à peu près.

7 M. Susak (interprétation). - Nous parlons du 16 avril. Etes-vous

8 au courant si le maire de la ville de Vitez, Ivica Santic, et le

9 commandant du quartier général avait délivré un ordre qui concernait la

10 ville de Vitez, l'assainissement du terrain ? On en a parlé. Est-ce que

11 vous avez appris qu'il y avait un tel ordre qui a été délivré par lui

12 même, par Ivica Santic ?

13 M. Stojak (interprétation). - Oui, j'étais au courant et je sais

14 que le commandant de la cellule de crise du quartier général qui était

15 aussi le maire avait délivré l'ordre tout d'abord de mettre en place ce

16 groupe d'assainissement du terrain et, dans le cadre de ses activités

17 régulières, en qualité de maire, il avait également demandé qu'on s'occupe

18 des femmes, des enfants, des personnes handicapées.

19 Compte tenu du fait qu'ils avaient pensé que la plupart des

20 civils auraient pu être menacés tout simplement parce qu'ils n'étaient pas

21 approvisionnés en vivres, en médicaments, que les soins ne pouvaient pas

22 être dispensés, etc.

23 Je pense qu'ils avaient également réparti en quartiers les gens,

24 ceci pour pouvoir rassembler plus facilement les personnes et faciliter

25 l'exécution de ces tâches parce que, bien évidemment, il n'était pas

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1 facile pour le représentant de la défense civile de courir d'un quartier à

2 l'autre parce que même sa vie a été menacée. C'est la raison pour

3 laquelle, je pense, ils avaient restructuré la défense civile.

4 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire qu'il y avait déjà

5 de toute façon cet ordre selon lequel il fallait approvisionner en vivres,

6 en médicaments, la population civile ?

7 M. Stojak (interprétation). - Oui.

8 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire que ceci ressort

9 de l'ordre de Ivica Santic ?

10 M. Stojak (interprétation). - Oui.

11 M. Susak (interprétation). - Que savez-vous maintenant au sujet

12 de l'aide humanitaire ? On en a parlé. Comment cette aide avait été

13 organisée avant le conflit ?

14 M. Stojak (interprétation). - L'aide humanitaire avait été

15 organisée au sein de deux sociétés humanitaires : il y avait Caritas qui

16 avait travaillé pour les Croates, Merhamet pour les Musulmans. Il y avait

17 la Croix-Rouge également, mais la Croix-Rouge avait organisé la

18 distribution en passant par ces deux organisations humanitaires. Mais bien

19 évidemment, je n'exclue pas la possibilité que Caritas avait également

20 distribué la nourriture aux Musulmans ou que Merhamet avait éventuellement

21 distribué de la nourriture aux Croates. Il arrivait souvent que, quand la

22 Croix-Rouge intervenait, les colis ont été mélangés. Vous savez que les

23 Musulmans ne mangent pas de porc et, dans ce cas là, ils envoyaient les

24 colis à Caritas et, en revanche, ils prenaient de l'huile.

25 M. Susak (interprétation). - C'était avant la guerre ?

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1 M. Stojak (interprétation). - Oui.

2 M. Susak (interprétation). - Et après, est-ce que vous voulez

3 nous dire combien de Croates, si vous le savez, ont-ils été tués à Vitez

4 entre le premier conflit et d'autres conflits qui ont suivi ?

5 M. Stojak (interprétation). - Vous voulez dire : "Combien ont

6 été tués et combien blessés ?"

7 M. Susak (interprétation). - Tués d'abord et ensuite blessés ?

8 M. Stojak (interprétation). - Je ne pense pas pouvoir vous

9 donner un chiffre exact.

10 M. Susak (interprétation). - Mais approximativement ?

11 M. Stojak (interprétation). - Je pense qu'il y avait 1 400 et

12 quelques tués et à peu près 1 000 blessés... 5 000, pardon, blessés

13 (l'interprète se corrige).

14 M. Susak (interprétation). - Connaissez-vous Drago Josipovic ?

15 M. Stojak (interprétation). - Oui.

16 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous nous le décrire et nous

17 dire où il est assis ?

18 M. Stojak (interprétation). - Je ne le vois pas très bien parce

19 qu'il est derrière le pilier. Je vois juste la moitié de M. Drago

20 Josipovic, il a des moustaches, mais je pense qu'il sourit un petit peu.

21 M. Susak (interprétation). - Je pense que nous pouvons constater

22 que le témoin a reconnu M. Drago Josipovic.

23 Comme vous le connaissiez auparavant, pouvez-vous nous dire

24 quelle était la personnalité de M. Drago Josipovic ?

25 M. Stojak (interprétation). - Je ne le connaissais pas très,

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1 très bien, mais Vitez est une toute petite ville. On se connaissait quand

2 même plus ou moins entre nous. En général, je dois dire que c'était

3 quelqu'un qui avait une personnalité très paisible, enfin, pacifique,

4 quelqu'un qui aimait la famille et qui, surtout, s'occupait de sa propre

5 famille.

6 Je pense que, comme nous autres également qui avons vécu

7 ensemble avec les Musulmans, il contactait les Musulmans, il vivait

8 ensemble avec les Musulmans. C'était une vie quotidienne que nous avons

9 partagée avec les Musulmans. Je pense qu'il était comme nous autres.

10 M. Susak (interprétation). - Compte tenu du fait que vous avez

11 habité le centre ville et que vous étiez également à la direction de la

12 municipalité de Vitez, est-ce que vous êtes au courant si Drago Josipovic

13 avait des activités politiques ?

14 M. Stojak (interprétation). - A ma connaissance, non.

15 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'il a été membre d'un

16 certain parti, par exemple, du HDZ ? Est-ce que vous savez s'il était

17 membre du HDZ ?

18 M. Stojak (interprétation). - Cela, je ne le sais pas.

19 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'il avait participé aux

20 travaux des organes du pouvoir ?

21 M. Stojak (interprétation). - Non.

22 M. Susak (interprétation). - Pouvait-il avoir un rôle

23 décisionnel, par exemple, au niveau de la municipalité ?

24 M. Stojak (interprétation). - Non, je ne crois pas du tout parce

25 qu'il s'agissait de décisions qui étaient prises à un niveau beaucoup plus

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1 élevé. Nous étions véritablement des simples communs. Par conséquent, cela

2 n'est pas nous qui avons eu le rôle décisionnel.

3 M. Susak (interprétation). - Quand vous parlez de rôle

4 décisionnel, vous parlez de décisions qui ont été prises à un niveau plus

5 élevé. A quel niveau ?

6 M. Stojak (interprétation). - Mais généralement, c'est le maire,

7 c'est son adjoint, c'est donc à ce niveau-là qu'on prenait les décisions.

8 M. Susak (interprétation). - Qui était le maire et qui était son

9 adjoint ?

10 M. Stojak (interprétation). - En ce qui concerne la structure

11 des autorités et la composition des autorités civiles, elle était conforme

12 aux élections qui avaient été organisées. Le maire était Ivica Santic et

13 son suppléant et président également du comité exécutif était M. Fuad

14 Kaknjo.

15 M. Susak (interprétation). - C'était donc avant que le pouvoir

16 se sépare ?

17 M. Stojak (interprétation). - Oui.

18 M. Susak (interprétation). - Vous voulez dire que c'était en

19 fonction des résultats des élections ?

20 M. Stojak (interprétation). - Oui. Il y avait cinq portefeuilles

21 au niveau de la municipalité. Par conséquent, les Croates étaient

22 majoritaires à Vitez et je pense qu'ils étaient de 2 % majoritaires par

23 rapport aux Musulmans. Ils avaient les trois portefeuilles et les

24 Musulmans avaient les deux portefeuilles dans la municipalité de Vitez.

25 M. Susak (interprétation). - Pendant le conflit, qui a détenu le

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1 pouvoir, qui était par exemple le maire et l'adjoint du maire ?

2 M. Stojak (interprétation). - Mais c'est avant le conflit que le

3 pouvoir s'est séparé. Il y avait le pouvoir croate, le pouvoir musulman,

4 les polices étaient séparées : militaire et civile, etc. Après le premier

5 conflit, les Musulmans ne voulaient pas avoir ce pouvoir conjoint. Je ne

6 sais pas comment je pourrais l'appeler. De toute façon, ils sont sortis

7 des organes du pouvoir et il y avait des contacts réciproques, mais ce

8 n'était pas aussi proche comme avant le premier conflit.

9 M. Susak (interprétation). - Et ensuite, il y a eu une

10 séparation totale entre les deux ?

11 M. Stojak (interprétation). - Oui.

12 M. Susak (interprétation). - Et après cela, qui était le maire

13 et qui était son adjoint dans la ville de Vitez toujours ?

14 M. Stojak (interprétation). - C'était Ivica Santic qui était le

15 maire.

16 M. Susak (interprétation). - Et son adjoint ?

17 M. Stojak (interprétation). - Pero Skopljak était son adjoint

18 généralement.

19 M. Susak (interprétation). - Oui, j'ai encore deux ou trois

20 questions. Ensuite, vous pourrez disposer.

21 Les patrouilles villageoises, quand ont-elles été formées,

22 comment fonctionnaient-elles ? Qui y participait ? S'agissait-il de

23 patrouilles organisées séparément par les deux communautés ?

24 M. Stojak (interprétation). - Tout comme ce qui se faisait à

25 Vitez en général, pendant la guerre, au début, c'étaient des patrouilles

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1 organisées en commun par les deux communautés. Même au début, je dois dire

2 que c'était organisé de façon plus ou moins individuelle par des groupes

3 de personnes qui s'organisaient pour garder leur rue ou leur pâté de

4 maison.

5 Au début, ces patrouilles étaient donc organisées conjointement

6 par les Croates et les Musulmans et ceci a duré jusqu'au début du conflit.

7 Ensuite, les patrouilles ont été organisées séparément...pour la sécurité

8 personnelle des individus. J'ai l'impression qu'ils ne se faisaient plus

9 confiance, qu'il n'y avait plus un climat de confiance.

10 M. Susak (interprétation). - Est-ce qu'ils ont été établis,

11 créés formellement ?

12 M. Stojak (interprétation). - Je ne comprends pas. Que

13 voulez-vous dire ?

14 M. Susak (interprétation). - Quelle était l'organisation de ces

15 patrouilles ? Est-ce qu'il y avait un commandant des patrouilles

16 villageoises ? Qui le désignait ? Que faisait-il ?

17 M. Stojak (interprétation). - Je vous ai dit qu'au début, c'est

18 quelque chose qui s'est fait spontanément. Les gens se sont organisés

19 eux-mêmes. Ils ont choisi un chef, une personne qui était responsable,

20 mais généralement les décisions étaient prises lors de réunions qui

21 avaient lieu dans la rue ou dans une salle quelconque et on prenait les

22 décisions en commun. Il s'agissait de décisions relatives à savoir qui

23 allait participer à telle patrouille, à quelle heure, qui serait de

24 service, qui serait de repos, etc., donc tout ce genre de questions.

25 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

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1 d'autres questions supplémentaires à poser au témoin.

2 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des questions de la

3 part d'autres conseils de la défense ?

4 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président,

5 Mme Slokovic-Glumac.

6 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic Glumac ?

7 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

8 Monsieur Stojak, j'ai quelques questions à vous poser. Vous

9 habitiez à Mahala dans la partie musulmane de Stari Vitez. Dans ces

10 conditions, savez-vous quelles sont les forces de l'armée de

11 Bosnie-Herzégovine qui se trouvaient là-bas ? Quelles unités militaires

12 étaient stationnées à Mahala ? Le savez-vous ? Le savez-vous ?

13 M. Stojak (interprétation). - Vous voulez dire pendant le

14 conflit ?

15 Mme Glumac (interprétation). - Avant et pendant le conflit.

16 M. Stojak (interprétation). - Au moment de la séparation, ils se

17 sont appropriés la Défense territoriale et ils ont transféré leur quartier

18 général, le commandement à Mahala. Je ne connais pas exactement quelle

19 était la désignation de cette unité, de cette formation, mais on peut dire

20 qu'elle avait à peu près la taille d'un bataillon en ce qui concerne ses

21 effectifs, elle comptait environ 500 hommes armés.

22 Il est certain en tout cas que la moitié d'entre eux venaient

23 d'ailleurs. C'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas uniquement de gens qui

24 habitaient sur place. Après tout, moi, je suis de cet endroit, je connais

25 tout le monde, mais on a vu arriver des réfugiés de Krajina, de Jajce, de

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1 l'est de la Bosnie, de Sandjak. Ces réfugiés ont donc été incorporés, on

2 leur a donné, fourni des logements. Je ne sais pas exactement comment cela

3 s'est passé. En tout cas, ils sont restés là et ils étaient armés.

4 Mme Glumac (interprétation). - Etait-il courant, avant la

5 guerre, de voir des soldats musulmans armés à Mahala ?

6 M. Stojak (interprétation). - Oui. C'était courant parce que

7 leur quartier général se situait dans l'immeuble des pompiers. Pour eux,

8 c'était leur territoire. On était en guerre et tout le monde se promenait

9 armé. Ils gravitaient dans cette zone; si je puis dire, c'est-à-dire

10 qu'ils habitaient là-bas, c'était là qu'étaient leurs unités, c'est là

11 qu'ils passaient en revue leurs unités, leurs armes.

12 Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous assisté à ce genre de

13 prise d'armes, ou de revue ?

14 M. Stojak (interprétation). – Oui.

15 Mme Glumac (interprétation). – Combien de gens participaient à

16 ce genre de manifestation avant la guerre ?

17 M. Stojak (interprétation). – Je ne pense pas que j'ai vu les

18 unités entières, je ne pense pas qu'ils avaient des unités entières. Il

19 s'agissait de formations beaucoup plus petites, par exemple on voyait un

20 peloton ou des équipes, c'est-à-dire des unités de combat d'un échelon

21 moindre car on était dans une zone relativement limitée et les manoeuvres

22 avaient lieu le plus souvent près de Lasva, le plus souvent où il y avait

23 une clairière.

24 Mme Glumac (interprétation). – Vous parlez de la formation de

25 leurs propres soldats ?

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1 M. Stojak (interprétation). – Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). – En plus de cette armée dont vous

3 nous dites ne pas connaître exactement le nom des unités, etc., y avait-il

4 également à Mahala une police militaire ?

5 Etes-vous au courant de cela ?

6 M. Stojak (interprétation). – Oui, il y avait en effet une

7 police militaire et une police civile au moment de la séparation des

8 autorités à Vitez. Ils ont transféré toutes leurs instances, leurs

9 autorités dans l'immeuble des pompiers. Ils appartenaient à la

10 325e brigade montagnarde, mais je ne sais pas exactement quelle en était

11 la taille, et je ne sais pas s'il y avait d'autres unités.

12 Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous remarqué des activités

13 où on creusait des tranchées à Mahala ou autour de Mahala ?

14 M. Stojak (interprétation). – Oui, avant la guerre ou après la

15 guerre, j'ai remarqué cela. Tout d'abord, nous avons remarqué qu'avant le

16 début du premier conflit, il y a eu des activités où les gens creusaient

17 des tranchées et, au début, on a pensé qu'il s'agissait d'un type

18 d'exercice.

19 Comme je vous ai dit, près de la Lasva, ils se réunissaient pour

20 s'entraîner mais dès que le conflit s'est déclaré, on a vu qu'ils

21 continuaient à creuser des tranchées dans cette zone. C'était une zone qui

22 faisait environ 500 mètres sur 500 mètres. C'est une estimation de ma

23 part. Et c'est là qu'étaient creusées ces tranchées.

24 Après la signature du cessez-le-feu, ils ont camouflé la zone,

25 il s'agissait soi-disant de couvrir ces tranchées mais ça n'a pas vraiment

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1 été le cas. C'était utilisé pour leurs opérations militaires.

2 Mme Glumac (interprétation). – Dans la partie de Vitez qui

3 s'appelle Mahala, combien y avait-il d'habitants environ avant la guerre,

4 si on ne prend pas en compte les réfugiés ?

5 M. Stojak (interprétation). – Environ 250 maisons, 300 maximum.

6 Mme Glumac (interprétation). – Combien d'habitants, combien de

7 maisons croates, combien d'habitants croates dans la zone de Mahala ? Le

8 savez-vous ?

9 M. Stojak (interprétation). – Mais il y avait deux parties. Il y

10 avait deux petits quartiers croates dans la partie qui se trouvait près de

11 la mosquée. Là, il y avait huit maisons croates. Et dans l'autre zone,

12 autour de l'immeuble des pompiers, il y avait, je crois, cinq maisons

13 croates qui vivaient avec leur famille, environ quatre personnes par

14 famille.

15 Mme Glumac (interprétation). – Qu'en est-il de l'intensité des

16 combats autour de Stari Vitez le 16 avril ? Combien de temps ont duré les

17 combats ? S'agissait-il de combats très intenses ? Est-ce que le HVO a

18 essayé d'entrer dans Stari Vitez ?

19 M. Stojak (interprétation). – Je ne sais pas s'ils ont essayé

20 d'entrer, mais tout ce que je sais, c'est que personne n'osait sortir dans

21 la rue de peur des tirs embusqués, de peur de recevoir une balle perdue.

22 Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui ont trouvé la mort sur ces routes,

23 dans les rues qui vont de Mahala dans d'autres directions. Il y a des gens

24 qui couraient, paniquaient. Beaucoup de gens ont été blessés, tués, enfin,

25 je n'étais pas là à ce moment-là parce que j'étais au centre et j'ai été

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1 blessé par un obus le troisième jour et j'ai été hospitalisé. Je ne peux

2 donc pas vous décrire exactement les événements, si les unités du HVO

3 voulaient y entrer ou non.

4 Mme Glumac (interprétation). - Qu'en est-il de l'intensité des

5 combats autour de Mahala ? Vous avez dit qu'il y avait des combats autour

6 de Vitez et ces combats avaient trait à Mahala, si on peut dire ?

7 M. Stojak (interprétation). - Oui, à Mahala. C'est de là que

8 venaient la plupart des tirs, de Mahala. Vers la ville, il n'y avait pas

9 beaucoup de tirs.

10 Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-il arrivé aux Croates de

11 Mahala entre le 15 et le 16 ou le matin du 16 ? Vous avez dit que votre

12 famille avait réussi à s'en aller grâce à l'aide de la Forpronu. Est-ce

13 qu'il y a des Croates qui ont trouvé la mort ?

14 M. Stojak (interprétation). - Oui. Ma grand-mère maternelle,

15 elle était née en 1908 et elle est morte il y a quelques années. Elle a

16 passé toute la guerre là-bas, elle n'a pas voulu sortir. Le troisième

17 jour, les femmes sont sorties et, après l'explosion du camion citerne, les

18 femmes sont sorties et les hommes ont été fait prisonniers et on nous a

19 raconté cela, y compris notre voisin. Il s'appelait Mehmedovic. Ils

20 étaient dans sa cave. C'est aussi un membre de la police militaire qui m'a

21 relaté ces événements plus tard.

22 Il est venu chercher un jeune homme, Dragan Pavlovic. Ils l'ont

23 vraiment maltraité, ils lui ont mis un pistolet dans la bouche. Enfin, ils

24 l'ont vraiment maltraité, parce qu'ils me cherchaient, en fait. C'était

25 aussi simple que cela, ils me cherchaient et donc tout ce qu'ils ont fait,

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1 c'était pour cela. En fait, ces hommes ont été échangés plus tard, je

2 crois, 15 ou 20 jours plus tard, mais de l'autre côté du cimetière, là où

3 Andjelko Miskovic habitait, donc ma grand-mère a vu cela. C'est là que se

4 situe sa maison. Elle a donc vu, elle a assisté à l'événement, elle a vu

5 qu'il avait été tué. Et ensuite, on a tranché la gorge à cet homme et ils

6 l'ont laissé là.

7 Quand les choses se sont un petit peu calmées, ma grand-mère a

8 eu le courage de sortir et pendant la nuit elle a tiré son corps jusque

9 dans un immeuble qu'on appelle le magasin. Elle a creusé une tombe pour

10 lui pendant la nuit et elle l'a enterré là. Plus tard, il a été exhumé et

11 changé avec Cecevica.

12 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous entendu parler de ce

13 qui est arrivé à une femme et à son enfant qui était handicapé, qui était

14 en chaise roulante, des gens de Mahala ?

15 M. Stojak (interprétation). - Oui, il s'agissait de Dragica

16 Prkacin. Jusqu'à aujourd'hui, personne ne sait ce qui lui est arrivé. Il y

17 a également son fils Vlado. Personne ne sait ce qui leur est arrivé. Ils

18 habitaient là, en haut, près de "Princip". On n'a jamais rien pu prouver,

19 mais on croit bien que ce qui s'est passé, c'est que les maisons ont été

20 incendiées et qu'ils ont brûlé là-dedans. Leur fils Dragan les a cherchés,

21 mais il ne les a jamais trouvés.

22 Une autre personne, qui s'appelle Vidovic, a été tuée à Mahala.

23 Enfin, il n'est plus à Mahala. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé.

24 Mme Glumac (interprétation). - Merci, je n'ai plus de questions.

25 M. le Président (interprétation). - Merci.

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1 M. May (interprétation). - Il y a sur le transcript une

2 référence à quelque chose que j'aurais dit, mais en fait je n'ai rien dit,

3 donc peut-être faudrait-il régler cette affaire.

4 M. le Président (interprétation). - Nous pouvons peut-être,

5 maintenant, commencer le contre-interrogatoire du Procureur.

6 M. Blaxill (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,

7 bonjour Mesdames et Messieurs les conseils de la défense.

8 Monsieur Stojak bonjour, je m'appelle Michaël Blaskill, je suis

9 un des membres du Bureau du Procureur qui travaille sur cette affaire. Je

10 n'ai que quelques questions à vous poser, je vais essayer de faire en

11 sorte que vous puissiez sortir assez rapidement de ce prétoire.

12 Vous nous avez dit, Monsieur, que vous travailliez au bureau de

13 l'information qui, si je suis bien informé, faisait partie du bureau de la

14 défense des autorités municipales du HVO à Vitez. Est-ce bien correct ?

15 M. Stojak (interprétation). - Ce n'est pas la Défense

16 territoriale. Cela fait partie du département de la défense. Il y a

17 plusieurs services et il y a un de ces services qui était le centre

18 d'information.

19 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce qu'il s'agissait d'une

20 occupation militaire que vous aviez là, ou étiez-vous un employé civil ?

21 M. Stojak (interprétation). - J'étais un employé civil.

22 M. Blaxill (interprétation). - Merci.

23 Est-ce que ce bureau a été le successeur, a succédé à ce qu'on a

24 appelé l'UNO dans l'ex-Yougoslavie ?

25 M. Stojak (interprétation). - Est-ce que vous voulez parler du

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1 bureau de la défense de la municipalité de Vitez ?

2 M. Blaxill (interprétation). - Oui.

3 M. Stojak (interprétation). - Oui, mais ce n'était pas vraiment

4 le nom de cette organisation, c'était le secrétariat de la défense

5 nationale.

6 M. Blaxill (interprétation). - Et dans le cadre de ce bureau

7 bien entendu, vous aviez des contacts avec l'ancienne JNA. Est-ce bien

8 correct ?

9 M. Stojak (interprétation). - Pour le conflit, dans l'ancien

10 système, dans le système précédent.

11 M. Blaxill (interprétation). - Quand votre bureau a commencé à

12 travailler pour le bureau de la défense, pour le HVO, peut-on dire qu'en

13 fait vous avez repris le système administratif, l'organisation du système

14 précédent ?

15 M. Stojak (interprétation). - On ne peut pas vraiment dire qu'on

16 a repris cela. Pendant le pilonnage, pendant les opérations qui ont eu

17 lieu pendant la guerre, un bon nombre de fichiers ont été déplacés, ont

18 été perdus, si bien qu'il y a beaucoup de choses qui ont été changées.

19 Mais en fait, sur le principe, c'était quand même une structure similaire,

20 plus ou moins.

21 M. Blaxill (interprétation). - Je crois savoir que le HVO a été

22 fondé vers juin 1992. Est-ce bien exact ?

23 M. Stojak (interprétation). - Est-ce que vous nous parlez des

24 unités militaires du HVO ?

25 M. Blaxill (interprétation). - Je parle aussi bien de

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1 l'administration civile du HVO que des structures militaires du HVO.

2 M. Stojak (interprétation). - Je ne peux vraiment pas répondre à

3 cette question, à savoir si cela a été créé en juin 1992, parce que nous,

4 nous étions à un niveau bien inférieur et là, ce sont des gens à des

5 échelons bien supérieurs qui ont pris de telles décisions. Mais je crois

6 que la création formelle a coïncidé avec le premier conflit entre

7 Musulmans et Croates, parce que jusqu'à ce moment-là, tout était partagé.

8 M. Blaxill (interprétation). - Peut-on dire avec raison que la

9 première fois que vous avez été au courant de l'existence du HVO, c'était

10 vers la mi-1992 ?

11 M. Stojak (interprétation). - Le HVO, je ne sais pas vraiment...

12 Eh bien, une sorte d'unité militaire a été mise en place pour assurer la

13 sécurité du peuple croate dans la partie du territoire où nous résidions.

14 Donc, à l'époque, pour notre propre protection, il y avait la police

15 civile et ensuite est venue la police militaire.

16 Au début, comme je vous l'ai dit, c'était partagé. Il y avait la

17 police militaire du HVO et la police militaire de l'armée de Bosnie-

18 Herzégovine. Mais il est vraiment très difficile de savoir si c'est le HVO

19 qui a été mis en place ou un autre type d'unité militaire.

20 M. Blaxill (interprétation). - Mais, enfin Monsieur Stojak, vous

21 travailliez dans un centre d'information. S'agissait-il du seul centre

22 d'information utilisé par les autorités du HVO de Vitez, je parle d'abord

23 des autorités civiles ?

24 M. Stojak (interprétation). - Non, non, non. Il ne s'agissait

25 pas des autorités du HVO, mais des autorités civiles de la municipalité de

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1 Vitez, parce que le bureau de la défense relevait des autorités civiles.

2 Cela n'avait rien affaire avec l'armée.

3 D'autre part, pour revenir à la question que vous m'avez posée

4 il y a quelques minutes, je ne comprends pas tellement ce que vous

5 demandez parce que mon supérieur, jusqu'au conflit, était un Musulman,

6 Nedim.

7 M. Blaxill (interprétation). - Vous nous avez dit que le bureau

8 de la défense n'avait rien à faire avec l'administration civile, que ce

9 soient les Musulmans ou le HVO. Donc est-ce que cela signifie que vous

10 travailliez directement avec eux à Vitez ?

11 M. Stojak (interprétation). - Non, pas du tout. C'est exactement

12 le contraire. Le bureau de la défense faisait partie des autorités

13 civiles, cela n'avait rien à voir avec l'armée.

14 M. Blaxill (interprétation). - Donc, en tant qu'organisme civil,

15 est-ce que votre bureau a eu affaire à des documents qui avaient quoi que

16 ce soit à voir avec l'armée, avec la mise en place des unités,

17 l'approvisionnement, les opérations, etc. ?

18 M. Stojak (interprétation). - D'après les règles ayant présidé à

19 la mise en place de l'ancienne JNA, c'est le bureau de la défense qui, à

20 la demande des composantes militaires, est chargé de certaines activités,

21 telles que la mobilisation du personnel, la logistique, etc.

22 M. Blaxill (interprétation). - Oui, mais, en ce qui concerne le

23 bureau où vous travailliez, l'information justement, pouvez-vous me dire

24 si, dans le cadre de vos activités, vous avez vu passer des informations

25 de type militaire du HVO ou vers le HVO dans cette zone ?

Page 6001

1 M. Stojak (interprétation). - Non.

2 M. Blaxill (interprétation). - J'ai deux ou trois questions à

3 vous poser sur la question de la mobilisation.

4 Au vu de vos connaissances dans le domaine de la défense, peut-

5 on dire, à juste titre, que dans l'ex-Yougoslavie avant le conflit, tous

6 les hommes en âge de se battre devaient faire leur service militaire dans

7 la JNA, est-ce bien exact ?

8 M. Stojak (interprétation). - Est-ce que vous nous parlez de

9 l'ancienne Yougoslavie ?

10 M. Blaxill (interprétation). - Oui.

11 M. Stojak (interprétation). - Oui, dans l'ancienne Yougoslavie

12 c'était le cas.

13 M. Blaxill (interprétation). - Et après l'éclatement de l'ex-

14 Yougoslavie, est-il vrai que les gens devaient faire également un service

15 militaire ? Est-ce correct ?

16 M. Stojak (interprétation). - Non.

17 M. Blaxill (interprétation). - Je vais maintenant parler de la

18 communauté croate d'Herceg-Bosna. Est-ce que ces termes vous disent

19 quelque chose ?

20 M. Stojak (interprétation). - Oui, oui, je connaissais ces

21 termes.

22 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que vous avez déjà entendu

23 parler de la liste de Narodni, le Journal officiel de la communauté

24 d'Herceg-Bosna ?

25 M. Stojak (interprétation). - Oui, j'ai déjà entendu ce terme de

Page 6002

1 Gazette officielle, en effet. Mais en ce qui concerne cette liste

2 officielle de la communauté d'Herceg-Bosna, je n'en ai jamais entendu

3 parler.

4 M. Blaxill (interprétation). - Peut-être y a-t-il un malentendu

5 dû au fait que nous ne parlons pas la même langue. Je fais référence au

6 Journal officiel.

7 M. Stojak (interprétation). - Oui, le Journal officiel, je sais

8 de quoi il est question puisque j'ai eu l'occasion d'en avoir d'exemplaire

9 dans les mains auparavant. Mais s'agissant du Journal officiel de la

10 communauté croate d'Herceg-Bosna, de celui-là je n'en ai pas eu

11 d'exemplaire entre les mains, donc je ne suis pas au courant, je ne sais

12 pas.

13 M. Blaxill (interprétation). - Il y a un document que j'aimerais

14 soumettre à ce témoin, Monsieur le Président, document qui a été

15 communiqué ce matin et des copies sont disponibles à présent. Ce document

16 comporte un certain nombre d'articles publiés par la communauté croate

17 d'Herceg-Bosna et je ne me référerai qu'aux articles 3 et 4 dans mes

18 questions.

19 M. le Président (interprétation). - Monsieur Blaxill, pensez-

20 vous que ce serait le bon moment pour la pause ?

21 M. Blaxill (interprétation). - Oui, ce serait très bien. Nous

22 pourrons distribuer le document dans ce cas.

23 M. le Président (interprétation). - Très bien.

24 Qu'en est-il des documents ?

25 M. Bos (interprétation). - Le document est enregistré sous la

Page 6003

1 cote 349.

2 (L'huissier s'exécute.)

3 M. le Président (interprétation). - Très bien. Nous allons donc

4 suspendre l'audience trente minutes.

5 (L'audience suspendue à 10 heures 35 est reprise à

6 11 heures 05.)

7 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Stojak, vous voyez le

8 document que vous avez entre les mains, c'est une partie d'un décret

9 relatif aux forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna paru en

10 1992, en novembre 1992 et je m'apprête à vous interroger au sujet de

11 l'article 3 de ce document qui, si je ne m'abuse, se trouve en première

12 page.

13 Si vous avez eu assez de temps pour lire ce passage,

14 Monsieur Stojak, je vous demanderai si vous conviendriez avec moi que ce

15 document, apparemment, impose une obligation fondamentale à tous les

16 citoyens de la communauté croate d'Herceg-Bosna qui consiste à servir dans

17 les rangs de l'armée et à réaliser un certain nombre de tâches destinées à

18 assurer la protection et la défense de l'Etat. Vous voyez ce passage ?

19 M. Stojak (interprétation). - Eh bien, si je m'en tiens à ce qui

20 est écrit dans ces articles, ce que vous venez de dire est sans doute

21 exact, mais dans la réalité les choses étaient différentes, car ce que je

22 lis ici à l'évidence est une copie de la loi en vigueur par le passé. Je

23 vois par exemple à l'article 4 qu'il existe une obligation de

24 participation aux services de surveillance et d'information, donc je

25 devrais avoir été informé de l'existence de ce paragraphe. Or, dans mon

Page 6004

1 service, rien de cela n'était connu, donc rien n'était appliqué en vertu

2 de ce qui figure ici.

3 Je peux vous donner des exemples. Dans l'armée par exemple, il

4 était tout à fait normal, si un citoyen voulait partir faire un voyage à

5 l'étranger, qu'il se fasse connaître à la police et au bureau de la

6 défense de façon à ce qu'en cas de mobilisation, il soit possible de le

7 mobiliser. En fait, pendant cette période de guerre, personne ne se

8 faisait connaître auprès de ces instances. Il n'y avait pas un grand sens

9 des responsabilités.

10 M. Blaxill (interprétation). - Eu égard à l'article 4, je vais

11 vous poser une brève question : est-il permis de dire qu'en principe, les

12 autres services pour la communauté devaient être rendus au cas où les

13 forces armées n'auraient pas exécuté leur tâche fondamentale ? C'est ce

14 que je crois comprendre dans la lecture de cet article. Est-ce exact,

15 Monsieur ?

16 M. Stojak (interprétation). - Vous pouvez répéter ? L'article 4

17 s'agissant de personnes qui n'ont pas été mobilisées, vous dites qu'elles

18 avaient une obligation de travail ?

19 M. Blaxill (interprétation). - C'est apparemment ce que stipule

20 cet article. Etes-vous d'accord avec cela ?

21 M. Stojak (interprétation). - Je ne peux pas contredire ce qui

22 est écrit dans cet article. Ce qui est écrit est écrit. Ce n'est pas moi

23 qui ai écrit cela. Mais dans la réalité, les choses n'allaient pas de

24 cette façon, ne se déroulaient pas de cette façon.

25 M. Blaxill (interprétation). - Merci.

Page 6005

1 Monsieur, je vous demanderai maintenant si, dans l'exercice de

2 vos fonctions ou en tant que simple citoyen de la municipalité de Vitez,

3 si vous avez entendu parler des intentions et des objectifs poursuivis par

4 la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

5 M. Stojak (interprétation). - Non.

6 M. Blaxill (interprétation). - En tant que citoyen croate, vous

7 n'avez donc jamais eu connaissance d'une déclaration selon laquelle cette

8 communauté avait été créée dans l'intention d'assurer l'indépendance ou

9 l'autonomie politique, économique et territoriale ?

10 M. Stojak (interprétation). - Non.

11 M. Blaxill (interprétation). - Donc ce point sur lequel

12 apparemment vous êtes en accord ou désaccord, je ne sais pas exactement,

13 Monsieur, semble avoir eu une grande importance pour la population croate

14 de la région et cette information, apparemment, vous ne l'avez pas reçue ?

15 M. Stojak (interprétation). - Non.

16 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez ceux

17 qui apportaient le nom de "plan Vance-Owen", en tant que citoyen croate de

18 cette région ? Est-ce que vous avez eu connaissance de l'existence de ce

19 plan ?

20 M. Stojak (interprétation). - A la lecture de la presse, oui de

21 façon générale et au vu d'un certain nombre de médias.

22 M. Blaxill (interprétation). - Eh bien, d'après ces articles et

23 ces rapports dans les médias, est-ce que vous avez eu connaissance du fait

24 que Vitez, selon ce plan, de fait devait appartenir à une province connue

25 comme province n° 10 ?

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1 M. Stojak (interprétation). - Non, car cela ne m'intéressait pas

2 particulièrement.

3 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que, dans ces conditions,

4 vous étiez également non informé des indications fournies par la

5 communauté croate d'Herceg-Bosna quand elle souhaitait que la province 10

6 soit entièrement contrôlée par les Croates ?

7 Cette information vous est-elle parvenue ?

8 M. Stojak (interprétation). - Non. C'est une information

9 politique qui se situe à un niveau bien supérieur. Il n'y avait aucune

10 raison que j'en ai eu connaissance.

11 M. Stojak (interprétation). - Monsieur, n'avez-vous pas eu le

12 sentiment qu'une question potentiellement aussi importante pour la

13 population avait un intérêt, compte tenu des fonctions qui étaient les

14 vôtres et qui consistaient à recueillir des informations ?

15 M. Stojak (interprétation). - Nous ne nous occupions pas de ce

16 type d'informations. Nous nous occupions d'informations de nature civile.

17 Et je répéterai que le numéro 988 était le numéro de téléphone de

18 permanence, le numéro de téléphone donc utilisé par la population de

19 Vitez, je parle bien de la municipalité de Vitez uniquement. Donc, sur le

20 territoire de cette municipalité, les gens pouvaient composer ce numéro

21 pour nous faire savoir qu'il y avait un danger pour leur famille ou leur

22 entourage. De sorte que ces informations d'une signification plus

23 importantes, plus grandes, ne m'intéressaient pas, en fait,

24 particulièrement.

25 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez fait connaître à cette

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1 Chambre de première instance les opérations destinées à saisir des armes

2 dans l'entrepôt de Slimena.

3 Monsieur Stojak, est-ce que vous vous rappelez qui a fourni les

4 effectifs les plus nombreux pour participer à cette opération ? Est-ce que

5 les effectifs les plus importants provenaient du HVO ou de la Défense

6 territoriale ?

7 M. Stojak (interprétation). - Je ne peux pas parler du HVO local

8 ou de la Défense territoriale. Il y avait des gens qui représentaient les

9 deux. En fait, nous étions en général dans un rapport proportionnel.

10 M. Blaxill (interprétation). - Vous pouvez peut-être savoir,

11 Monsieur, que, sur les armes qui ont été saisies, s'agissant des armes qui

12 ont été saisies, leur nombre n'était pas dans un rapport de 50-50. Pouvez-

13 vous nous expliquer un peu plus en détail sur cette expression "n'étaient

14 pas dans un rapport de 50-50" ?

15 M. Stojak (interprétation). - Mais je ne peux pas vous dire s'il

16 s'agissait de la Défense territoriale ou de telle ou telle unité, ou de je

17 ne sais pas quel autre groupe, je ne peux pas dire que ces gens ont

18 ramassé les armes, les ont déployées, les ont réparties sur une ligne

19 précise en donnant, par exemple, aux Croates tant d'armes et aux Musulmans

20 tant d'armes, parce que ce n'est pas cela qu'il s'est passé là-bas. Les

21 femmes, les enfants, et qu'est-ce que j'en sais moi, toutes sortes de gens

22 sont allés sur place, sans aucun contrôle, c'était impossible. C'était le

23 désordre le plus total.

24 M. Blaxill (interprétation). - Donc, Monsieur, ce que vous êtes

25 en train de dire à cette Chambre, si je vous ai bien compris, c'est qu'il

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1 n'y avait aucune répartition programmée et disciplinée de ces armes. Les

2 gens ont fait un petit peu ce qu'ils ont pu, n'est-ce pas ?

3 M. Stojak (interprétation). - C'est exact.

4 M. Blaxill (interprétation). - Merci, Monsieur. Vous avez déjà

5 déclaré que vous n'avez pas vu les ordres émanant des commandants

6 militaires. Je crois que je ne me trompe pas en disant cela, n'est-ce pas

7 Monsieur ?

8 M. Stojak (interprétation). - Je ne les ai pas vus et je ne

9 pouvais pas les voir puisque j'appartenais à une structure civile, à une

10 composante civile.

11 M. Blaxill (interprétation). - Je vais devoir vous poser la

12 question suivante, Monsieur Stojak, parce que même si vous apparteniez à

13 une composante civile, vous apparteniez à ce que vous avez appelé le

14 département de défense et c'est bien un organisme de défense, n'est-ce

15 pas ?

16 M. Stojak (interprétation). - La défense civile c'est une chose,

17 mais le centre d'information, c'est autre chose, le tout constituant le

18 département de la défense civile. Donc le bâtiment est le même, mais il y

19 a division à l'intérieur du bâtiment.

20 M. Blaxill (interprétation). - Je vois. Donc est-ce que les

21 autres composantes du bureau de la défense dépendaient directement de

22 l'armée, est-ce exact ?

23 M. Stojak (interprétation). - Seulement en cas de mobilisation

24 ou plus précisément à la demande de la composante militaire. Ils n'avaient

25 pas le droit de se mêler des affaires militaires, c'est la loi qui le

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1 stipulait.

2 M. Blaxill (interprétation). - Bien. Eh bien Monsieur, je vais

3 passer aux événements d'avril 1993, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

4 Vous avez déclaré que votre département ne voyait pas passer les

5 ordres militaires, mais ce que je vous demande c'est si vous avez été

6 informé d'instructions émanant du commandement du HVO et relatifs à la

7 nécessité de mettre les unités du HVO en état d'alerte avancé ?

8 M. Stojak (interprétation). - Non.

9 M. Blaxill (interprétation). - Avez-vous vu un signe quelconque

10 d'accroissement de l'aptitude au combat des unités du HVO dans la région

11 de Vitez dans les premiers jours d'avril 1993 ?

12 M. Stojak (interprétation). - Non.

13 M. Blaxill (interprétation). - Je crois vous avoir entendu dire

14 qu'en fait le 15 avril vous étiez en congé et que vous vous trouviez chez

15 vous à la maison, à Mahala, est-ce exact ?

16 M. Stojak (interprétation). - Pendant la journée.

17 M. Blaxill (interprétation). - Donc ce que je vous dis, Monsieur

18 Stojak, c'est qu'à l'évidence vous ne craigniez pas une attaque musulmane

19 de la vallée de la Lasva le 15 avril 1993 ou autour de cette date ?

20 M. Stojak (interprétation). - Il est normal que je n'ai pas eu

21 peur car je ne savais pas que quelqu'un allait nous attaquer. Comment

22 aurais-je pu avoir peur ?

23 M. Blaxill (interprétation). - Précisément Monsieur, merci. Vous

24 avez dit, par la suite, que vous croyez que les Musulmans voulaient

25 attaquer ou capturer la totalité du territoire situé entre Travnik et

Page 6010

1 Mostar. Cet avis, que vous avez exprimé, date-t-il d'une date ultérieure à

2 ces événements ?

3 M. Stojak (interprétation). - Je n'ai pas parlé de territoires

4 situés entre Travnik et Mostar, j'ai parlé de la vallée de la Lasva, de

5 Busovaca, de Vitez et de Novi Travnik. Et cette conclusion, je l'ai tirée

6 durant cette guerre. C'est mon avis personnel.

7 M. Blaxill (interprétation). - Bien Monsieur. Mais nous pouvons

8 comprendre avec la plus grande certitude que vous n'aviez pas cette

9 crainte le 15 avril 1993 ?

10 M. Stojak (interprétation). - Je répète que si j'avais eu peur,

11 autrement dit, si j'avais su que quelqu'un allait m'attaquer, tout à fait

12 normalement je me serais préparé ou je ne sais pas ce que j'aurais fait,

13 mais enfin je ne me serais pas comporté comme je l'ai fait, je me serais

14 préparé, alors que je me préparais à une noce.

15 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Stojak, vous avez parlé

16 des forces militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine présentes à

17 Stari Vitez. J'aimerais vous demander de confirmer un point. Vous avez dit

18 qu'en général les effectifs de ces forces étaient celles d'un peloton ou

19 d'un escadron, n'est-ce pas ?

20 M. Stojak (interprétation). - Non, ce n'est pas ce que j'ai dit,

21 j'ai dit que je ne pouvais pas déterminer l'importance des effectifs

22 exacts parce que je ne connaissais pas leur structure, je ne savais pas

23 combien d'hommes ils mettaient dans une brigade. Mais j'ai dit qu'il y

24 avait environ 500 hommes portant les armes.

25 M. Blaxill (interprétation). - Je vous ai sans doute mal compris

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1 lorsque j'ai pris note à un certain moment des mots "peloton" ou

2 "escadron". J'ai du mal vous comprendre, Monsieur.

3 M. Stojak (interprétation). - Ce que j'ai dit c'est que

4 lorsqu'ils avaient des inspections de leur troupes, parce que tout le

5 monde ne pouvait pas tenir en même temps au même endroit, donc tout à fait

6 logiquement ils faisaient sortir les hommes de temps en temps pour

7 inspecter les hommes en nombre restreint. Je ne sais pas exactement quel

8 était leur nombre, mais je pense qu'il se situait aux alentours d'une

9 vingtaine ou d'une cinquantaine.

10 M. Blaxill (interprétation). - Merci Monsieur Stojak, je vous

11 remercie, je comprends mieux. Vous avez dit vous être réveillé tôt le

12 matin du 16 avril en entendant des coups de feu, est-ce exact ?

13 M. Stojak (interprétation). - Je n'ai pas pu être réveillé par

14 les coups de feu puisque j'étais de garde au centre d'information, donc je

15 ne dormais pas puisque j'étais de garde la nuit.

16 M. Blaxill (interprétation). - (sans interprétation)

17 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas eu

18 d'interprétation. Les interprètes peuvent-ils interpréter en anglais ce

19 que le témoin a dit ?

20 M. Blaxill (interprétation). - Peut-être devrais-je reposer la

21 question : le 16 avril 1993, quelle est la première chose que vous avez

22 remarquée et qui vous a indiqué qu'il y avait une opération ou une attaque

23 militaire en cours ?

24 M. Stojak (interprétation). - La première question que vous

25 m'avez posée... Dans votre première question, vous m'avez dit que je

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1 m'étais réveillé. J'ai dit que je ne pouvais pas me réveiller parce que

2 j'étais de garde la nuit, je travaillais, j'étais donc à mon poste.

3 Mais à 5 heures 30 du matin, des coups de feu ont été entendus

4 de tous les côtés et c'est cela qui m'a permis de conclure que quelque

5 chose se passait et, plus tard, grâce à des conversations téléphoniques

6 avec des personnes qui étaient sur le terrain et qui nous appelaient pour

7 nous demander des informations, pour nous demander ce qui se passait, nous

8 avons compris que des combats et un état de guerre régnait désormais.

9 M. Blaxill (interprétation). - Merci, merci.

10 Vous venez de dire que vous étiez de garde la nuit. Étiez-vous

11 de garde dans votre bureau, le bureau de la défense ?

12 M. Stojak (interprétation). - Oui, c'était mon travail régulier.

13 J'ai déjà dit que notre rythme de travail était de douze heures de

14 travail, douze heures de repos, puis de nouveau douze heures de travail

15 suivies de vingt-quatre de repos. C'est de cette façon qu'étaient

16 organisées les équipes dans notre centre d'information.

17 M. Blaxill (interprétation). - Je suis donc en droit de présumer

18 - j'espère que ce n'est pas une lapalissade - que ni vous ni vos collègues

19 dans ce bureau n'aviez la moindre inquiétude quant à l'imminence d'une

20 attaque au cours de cette équipe de nuit, dans la nuit du 15 au 16 ?

21 M. Stojak (interprétation). - Je ne sais pas ce que pensaient

22 mes collègues dans le bureau, parce que le bureau était séparé du centre

23 d'information puisque le bureau de la défense était à ce moment-là dans le

24 bâtiment de la municipalité. Donc je ne sais pas ce que pensaient mes

25 collègue, mais s'agissant des personnes qui étaient de garde avec moi au

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1 centre d'information, je peux dire que nous n'avions aucune crainte, nous

2 n'avions pas nécessité d'avoir peur puisque nous ne savions rien. Ce qu'il

3 n'était plus possible de dire une heure ou deux heures plus tard, c'est-à-

4 dire aux alentours de 7 heures du matin le 16, à savoir au moment où nous

5 avons appris ce qu'il était en train de se passer. Je n'avais pas

6 tellement peur pour moi. J'avais surtout peur pour ma famille.

7 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Stojak, savez-vous

8 quelles actions étaient entreprises à Vitez par les forces du HVO ce

9 matin-là ? Je parle du 16 avril.

10 M. Stojak (interprétation). - Je pense que... Je sais que par la

11 suite, les membres de ce bureau... Vous parlez des forces militaires

12 actives ou du bureau de la défense ?

13 M. Blaxill (interprétation). - Je parle des militaires,

14 Monsieur.

15 M. Stojak (interprétation). - Je ne peux pas le savoir avec

16 certitude, mais je pense que logiquement, ils ont subi les premières

17 attaques. Je parle des unités qui étaient de garde ce matin-là. Ce sont

18 elles qui ont encaissé les coups et, ensuite, il y a eu mobilisation.

19 M. Blaxill (interprétation). - Mais dans la zone environnante de

20 Vitez et dans l'ensemble de la municipalité, aviez-vous appris plus tard

21 que le HVO avait rassemblé les habitants musulmans, les avait regroupés

22 dans une opération de grande envergure ?

23 M. Blaxill (interprétation). - Il est impossible que les

24 autorités musulmanes étaient encerclées, car c'est nous qui avons été

25 encerclés pendant toute la guerre.

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1 M. Blaxill (interprétation). - N'avez-vous jamais entendu

2 parler, Monsieur, de l'internement de civils musulmans dans la salle de

3 cinéma de Vitez ? Je parle d'internement, de mise en détention par le HVO.

4 M. Stojak (interprétation). - Vous considérez sans doute que

5 cela était une mise en détention alors que moi, je cite les

6 réglementations de la défense civile, un article notamment de règlement

7 selon lequel les femmes, les enfants et les personnes faibles doivent être

8 regroupés en un endroit pour bénéficier des distributions de vivres.

9 Maintenant, est-ce qu'il y a eu des détentions dans la salle de

10 cinéma, je ne sais pas parce que nous, nous étions au travail dans notre

11 bureau et tout cela se passait dans le centre. Le cinéma est dans le

12 centre.

13 M. Blaxill (interprétation). - Je vous demande si en tant que

14 citoyen de la région de Vitez, vous avez entendu parler de cela ?

15 M. Stojak (interprétation). - J'ai entendu dire que certaines

16 personnes ont été arrêtées à cet endroit, qui ensuite ont été échangées

17 contre des Croates ou qu'est-ce que j'en sais dans diverses endroits. Mais

18 cela s'est passé à des niveaux supérieurs du pouvoir. Que ces niveaux

19 supérieurs soient civils ou militaires, je n'en sais rien.

20 M. Blaxill (interprétation). - Avez-vous entendu parler

21 d'internements de Musulmans civils qui se sont faits un peu de la même

22 façon dans l'école de Bravica ?

23 M. Stojak (interprétation). - Non, pour l'école de Bravica, je

24 n'étais pas au courant.

25 M. Blaxill (interprétation). - Avez-vous entendu parler de

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1 perquisitions à grande échelle réalisées dans des appartements appartenant

2 à des Musulmans dans la ville de Vitez le matin du 16 avril par les

3 soldats du HVO ?

4 M. Stojak (interprétation). - Non, je n'ai pas su cela.

5 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez mentionné des victimes

6 que vous attribuez au HVO. Est-ce que ce nombre de victimes que vous avez

7 cité est relatif à l'ensemble du conflit, à l'ensemble de la guerre ?

8 M. Stojak (interprétation). - Vous parlez de ces 1.300 morts

9 dont j'ai parlé, quand j'ai parlé des morts et des blessés ?

10 M. Blaxill (interprétation). - Oui, exactement.

11 M. Stojak (interprétation). - La question qui m'a été posée

12 concernait la période allant du début du conflit jusque qu'à la fin de la

13 guerre. Donc le chiffre est relatif à peu près à cette période. Donc ce

14 sont des morts dus aux actions de guerre, car il y a eu également des

15 morts au moment de la guerre contre les Serbes.

16 M. Blaxill (interprétation). - Connaissez-vous en fait le nombre

17 des victimes du HVO qui ont trouvé la mort à Stari Vitez ce jour

18 précisément, le jour du le 16 avril ?

19 M. Stojak (interprétation). - Oui, je l'ai déjà dit tout à

20 l'heure. Il y a une femme, Dragica Prkacin, enfin je ne sais pas si elle

21 est morte, mais elle est portée sur la liste des disparus, son fils aussi,

22 et puis M. Miskovic, je sais qu'il est mort lui, c'est ce que m'a dit sa

23 grand-mère, quant à M. Vidovic, je ne sais pas s'il est mort, mais en tout

24 cas il a été vu pour la dernière fois à Mahala et nous n'avons plus de

25 nouvelles de lui depuis. Pour le reste, je ne sais pas, mais cela s'est

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1 passé aux premiers jours du conflit.

2 M. Blaxill (interprétation). - Et le nombre de victimes

3 militaires du HVO à Vitez ce jour-là, est-ce que vous le connaissez, je

4 parle donc bien des soldats du HVO ? Si vous ne savez pas dites que vous

5 ne savez pas.

6 M. Stojak (interprétation). - Je ne sais pas. Non, non, non, je

7 ne sais pas.

8 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

9 Monsieur les Juges, je me demandais s'il serait possible de remettre au

10 témoin la pièce de l'accusation 337. J'en ai encore pour une dizaine de

11 minutes, Monsieur le Président, cela peut vous intéresser de le savoir.

12 Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président, Madame et

13 Monsieur les Juges, mais il semble que j'ai perdu la notation sur laquelle

14 figuraient deux noms que j'ai déjà fait connaître au Tribunal, je vous

15 prie de m'en excuser.

16 Mais, Monsieur Stojak, sur cette liste, je vous demanderai de

17 regarder rapidement les noms d'endroits et les dates. Vous y verrez deux

18 soldats du HVO qui ont été tués à Vitez le 16 avril 1993.

19 Je vous prie de m'excuser pour la nécessité de consacrer

20 quelques instants à la recherche de ces noms.

21 M. Stojak (interprétation). - Vous parlez de Stari Vitez ?

22 M. Blaxill (interprétation). - Je crois qu'il s'agit de Vitez,

23 de toute la ville, pas seulement du quartier de Stari Vitez mais de la

24 ville de Vitez.

25 M. le Président (interprétation). - Il s'agit des noms du

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1 16 avril ?

2 M. Blaxill (interprétation). - Oui, votre Honneur.

3 M. le Président (interprétation). - A Stari Vitez, c'est le

4 numéro 379 et 380.

5 M. Blaxill (interprétation). - Grâce à l'aide du Président, je

6 peux maintenant vous demander de regarder les numéros 319 et 380.

7 M. Stojak (interprétation). - Vous me parlez du numéro 379 Vlado

8 Prkacin, et du numéro 380 Dragica Prkacin ?

9 M. Blaxill (interprétation). - Merci, je suis désolé de ce petit

10 retard. Merci, Monsieur Stojak, ce n'est plus nécessaire que vous

11 regardiez ce document maintenant. Je voudrais vous poser la question

12 suivante. Je voudrais savoir si vous avez entendu parler de quelque chose

13 qui se serait passé le 16 avril 93 ou après le 16 avril 93 dans le village

14 d'Ahmici ?

15 M. Stojak (interprétation). - Eh bien en ce qui concerne le

16 16 avril, nous avons pu entendre des tirs assez intensifs et violents très

17 tôt le matin. Ensuite, quand l'équipe chargée de l'assainissement du

18 terrain a été constituée, j'ai appris qu'il y avait beaucoup de victimes à

19 Ahmici.

20 M. Blaxill (interprétation). - Dans le centre d'information où

21 vous travailliez, avez-vous reçu des informations au sujet du nombre des

22 victimes civiles pour organiser l'assistance à ces victimes civiles ?

23 M. Stojak (interprétation). - Vous pensez probablement à

24 l'ambulance ?

25 M. Blaxill (interprétation). - Non. Vous nous avez dit que par

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1 l'intermédiaire de votre bureau, vous pouviez mobiliser toute assistance

2 aux personnes vulnérables, aux personnes fragiles, suite à une catastrophe

3 quelconque. Je me demandais si votre bureau avait participé, d'une façon

4 ou d'une autre, à des opérations suivant ce qui s'était passé à Ahmici.

5 M. Stojak (interprétation). - Je vais dire ce que j'avais déjà

6 précisé tout à l'heure. Il ne s'agissait pas de notre centre mais plutôt

7 d'un segment de la défense civile. Nous avons tout simplement eu la tâche

8 de transmettre les informations. Par conséquent, il y avait des équipes

9 d'assainissement qui ont été acheminées sur le terrain et il y avait des

10 citoyens qui nous avertissaient, qui disaient qu'il y avait dans tel ou

11 tel quartier un certain nombre de blessés, etc..

12 Par conséquent, on tirait de tous les côtés et nous on

13 transmettait l'information, et les équipes se rendaient sur place.

14 M. Blaxill (interprétation). - Afin que nous soyons un peu plus

15 précis, je vais préciser ma question. Avez-vous transmis des informations

16 à ces organisations, à ces structures dont vous nous avez parlé, pour

17 réagir à ce qui s'était passé à Ahmici ?

18 M. Stojak (interprétation). - Très concrètement, en ce qui

19 concerne Ahmici, nous avons entendu dire qu'il y avait beaucoup de

20 personnes qui ont été tuées, des blessés également, qu'il a aussi été

21 indispensable d'acheminer les équipes médicales et également cette équipe

22 pour l'assainissement du terrain ; c'est une information que nous avons

23 transmise aux urgences, donc également à la défense civile.

24 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Et, pour notre information

25 donc, Monsieur Stojak, vous n'étiez pas à Ahmici et vous n'avez pas vu ce

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1 qu'il s'y est passé le 16 avril 1993, n'est-ce pas ?

2 M. Stojak (interprétation). - Non, je n'y étais pas.

3 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur le Président, je

4 souhaiterais avoir un moment pour m'entretenir avec mes collègues.

5 (Le Bureau du Procureur se consulte sur le siège.)

6 Monsieur le Président, c'est la fin de mon contre-

7 interrogatoire, je souhaiterais que soient versés au dossier les documents

8 que j'ai soumis, je crois qu'ils portent la cote 339.

9 Mme Ameerali (interprétation). - 349.

10 M. le Président (interprétation). - 349.

11 M. Blaxill (interprétation). - 349, je m'excuse.

12 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections au

13 versement au dossier de cette pièce 349 ?

14 Maître Susak ?

15 M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Juste

16 quelques questions. Est-ce que vous avez l'ordonnance devant vous ?

17 M. Stojak (interprétation). - Non, on l'a prise.

18 M. Susak (interprétation). - Je vais demander à l'huissier de

19 soumettre au témoin ce document.

20 Est-ce que vous pouvez voir, s'il vous plaît, la page 9. C'est

21 juste le titre de l'ordonnance. Avez-vous vu ?

22 M. Stojak (interprétation). – Oui.

23 M. Susak (interprétation). – Pouvez-vous nous donner lecture,

24 s'il vous plaît ?

25 M. Stojak (interprétation). – Il s'agit d'une ordonnance…

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1 M. le Président (interprétation). – Pourriez-vous ralentir et

2 surtout nous dire quelle était la page que vous voulez consulter, d'un

3 côté, et de l'autre côté, également nous donner la version que nous

4 pouvons suivre, le texte anglais.

5 M. Susak (interprétation). - Il y a le titre et, ensuite, vous

6 me donnez lecture, si vous voulez, de ce texte.

7 M. Stojak (interprétation). – Oui, je vois bien.

8 M. Susak (interprétation). - Pouvez-vous lire, s'il vous plaît,

9 la première phrase.

10 M. Stojak (interprétation). - La première phrase est - je la

11 cite - : "Ordonnance sur les forces armées de la communauté croate

12 d'Herceg-Bosna, Journal Officiel, référence N° 1/92."

13 C'est une ordonnance qui a été amendée et modifiée lors de la

14 séance de la présidence de la communauté croate d'Herceg-Bosna le

15 17 octobre 1992. Eh bien, on publie le texte qui a été expurgé, le texte

16 définitif.

17 M. Susak (interprétation). - Voulez-vous voir la dernière page

18 de ce décret ?

19 Vous avez pu constater que le décret a été donc arrêté le

20 17 octobre 1992. Avez-vous bien vu cela ?

21 (Le témoin ne répond pas.)

22 C'est la page 27 du même décret.

23 M. Stojak (interprétation). – Oui.

24 M. Susak (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire "le

25 texte définitif" ? Etant donné qu'il s'agit d'un décret, il y a le texte

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1 définitif. Le décret a été arrêté le 17 octobre 1992, est-ce que c'est

2 vrai ?

3 M. Stojak (interprétation). – Comment voulez-vous que je vous

4 réponde ?

5 M. Susak (interprétation). – Mais c'est ce qui est écrit.

6 M. Stojak (interprétation). – Mais si c'est écrit, à ce moment-

7 là, cela doit être comme cela, mais je ne le sais pas.

8 M. Susak (interprétation). – Vous voulez dire qu'à partir du

9 moment où le décret est modifié, amendé, à ce moment-là, c'est qu'il y

10 avait une ordonnance, un décret qui a été arrêté auparavant ?

11 M. Stojak (interprétation). – Oui, c'est sous-entendu.

12 M. Susak (interprétation). – Mais c'est dans le préambule que

13 l'on parle.

14 M. Stojak (interprétation). – D'accord, je vois bien.

15 M. Susak (interprétation). – Ce décret a-t-il été arrêté au

16 moment où il y avait la guerre contre les Serbes, à votre connaissance et

17 d'après ce que vous pensez ?

18 M. Stojak (interprétation). – Si nous voyons la date du Journal

19 Officiel du 17 octobre 1992, alors, à ce moment-là, oui.

20 M. Susak (interprétation). – Pouvez-vous voir maintenant

21 l'article 140 ? L'avez-vous trouvé ?

22 M. Stojak (interprétation). – Oui.

23 M. Susak (interprétation). - Je vais donner lecture : "Les

24 centres d'information doivent être mis en place…"

25 M. Stojak (interprétation). – ...pour la République de

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1 Bosnie-Herzégovine.

2 M. Susak (interprétation). – "...pour la communauté croate

3 d'Herceg-Bosna et, le cas échéant, au niveau des municipalités".

4 D'après vous, ce décret concerne-t-il les Musulmans et les

5 Croates à la fois ? Ou bien concerne-t-il tout simplement quand il y avait

6 ce conflit entre les Croates et les Musulmans vis-à-vis des Serbes ? Je

7 parle de l'article 140.

8 M. Stojak (interprétation). – C'est marqué : "...pour la

9 République de Bosnie-Herzégovine-communauté croate d'Herceg-Bosna et, le

10 cas échéant, au niveau de la municipalité."

11 M. Susak (interprétation). - Par conséquent, nous sommes

12 d'accord que c'est au début de 1992 que ce décret a été arrêté ?

13 M. Stojak (interprétation). – D'accord.

14 M. Susak (interprétation). – Au milieu de 1992 ?

15 M. Stojak (interprétation). – D'accord.

16 M. Susak (interprétation). – Est-ce que ce décret a été arrêté,

17 d'après vous, avant le conflit avec les Musulmans ou après ?

18 M. Stojak (interprétation). – Mais d'après la date, si nous

19 acceptons cette date, le décret a été arrêté avant, avant le 17.

20 M. Susak (interprétation). – Avez-vous eu accès à un certain

21 nombre d'ordres militaires ?

22 M. Stojak (interprétation). – Non. Au centre d'information, nous

23 n'y avions pas accès.

24 M. Susak (interprétation). – Je vous en prie, précisez.

25 M. Stojak (interprétation). – Nous n'avons pas eu accès aux

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1 structures militaires.

2 M. Susak (interprétation). - Le Procureur ne vous a pas montré

3 les documents, un certain nombre d'ordres dont ils disposent, car nous

4 savons..., nous les avons vus. Ces ordres sont strictement confidentiels

5 et, d'ailleurs, c'est marqué sur ces ordres. Nous avons eu l'occasion de

6 les voir et, dans ces ordres qui ont été délivrés, il est marqué qui sont

7 les destinataires, donc qui en ont été informés et, en bas - j'insiste -,

8 donc il s'agit des ordres strictement confidentiels.

9 Normalement, les ordres sont remis aux mains du chef de la

10 cellule de crise ou bien le représentant du bureau de la défense ?

11 M. Stojak (interprétation). – Oui. Au commandant du bureau de la

12 défense.

13 M. Susak (interprétation). - Est-ce que ces ordres vous en avez

14 eu connaissance ? En avez-vous eu des copies ? Saviez-vous quelle était la

15 teneur de ces ordres ?

16 M. Stojak (interprétation). – Non.

17 M. Susak (interprétation). – Mais je vous demande si vous en

18 avez eu connaissance, car vous avez dit que vous ne les aviez pas vus.

19 M. Stojak (interprétation). – Non. Bien évidemment que les

20 copies n'ont pas été soumises à notre centre.

21 M. Susak (interprétation). – Mais on avait quand même destiné un

22 certain nombre d'ordres aux représentants du bureau de la défense. Mais

23 c'était le chef du bureau de la défense qui en avait pris connaissance

24 mais, en général, c'est nous qui les avons transmis sous enveloppe. Nous

25 avons enregistré, c'était un organe... Nous, le centre d'information,

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1 avions cette tâche justement de transmettre sous enveloppe. Cet ordre, on

2 n'en avait rien à faire.

3 M. Susak (interprétation). - Vous ne connaissiez pas la teneur ?

4 M. Stojak (interprétation). - Bien évidemment, on n'avait même

5 pas le droit parce qu'à partir du moment où c'était marqué "strictement

6 confidentiel", on n'avait pas le droit de chercher parce que si ces

7 messieurs-là avaient considéré que nous, on devait savoir quelque chose

8 là-dessus, à ce moment-là, ils nous auraient informés pour voir la teneur

9 de l'ordre.

10 M. Susak (interprétation). - Eh bien, vous nous avez dit

11 également qu'au niveau du centre d'information, vous avez reçu un certain

12 nombre d'informations sur les événements qui se sont passés. Quel était le

13 numéro de téléphone ? C'était 985 ?

14 M. Stojak (interprétation). - Oui, le numéro de téléphone, le

15 numéro de permanence était 985.

16 M. Susak (interprétation). - C'est au numéro de téléphone 985

17 que vous avez eu tous les avertissements, les informations concernant les

18 événements différents qui se produisaient ?

19 M. Stojak (interprétation). - Par conséquent, nous avons été

20 obligés également de transmettre cet avertissement ou cette information à

21 des gens qui étaient concernés. Par exemple, s'il y avait un incendie, à

22 ce moment-là, on devait bien informer les pompiers.

23 M. Susak (interprétation). - Vous avez parlé du numéro 988 à un

24 moment donné. Était-ce une erreur ? Parce qu'en effet, il s'agissait de

25 985.

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1 M. Stojak (interprétation). - J'ai fait peut-être un lapsus

2 mais, de toute façon, il s'agissait du numéro 985. C'était notre numéro au

3 centre d'information et, d'ailleurs, aujourd'hui même, c'est le même

4 numéro de téléphone auquel vous vous adressez pour avoir des informations

5 M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, nous

6 n'avons plus de questions.

7 M. le Président (interprétation). - Merci.

8 Je pense qu'il n'y a pas d'objection pour que M. Stojak, le

9 témoin, dispose maintenant parce qu'il n'y a pas d'autres questions.

10 M. Stojak (interprétation). - Merci.

11 (Le témoin est reconduit hors du prétoire).

12 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic Glumac, est-

13 ce que le témoin suivant est un témoin pour lequel vous demandez la

14 protection ? C'est M. Mario Rajic.

15 Mme Glumac (interprétation). - Ce ne sera pas un témoin protégé.

16 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur Rajic,

18 pouvez-vous faire la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

19 M. Rajic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

20 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous

22 pouvez vous asseoir.

23 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac, je

24 vous en prie.

25 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Monsieur Rajic.

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1 M. Rajic (interprétation). - Bonjour.

2 Mme Glumac (interprétation). - Voulez-vous bien dire où vous

3 êtes né, quand, quelle est votre profession ?

4 M. Rajic (interprétation). - Je suis né le 10 novembre 1952 à

5 Zenica. Je suis diplômé de la Faculté de l'organisation du travail (de

6 gestion). Par conséquent, j'étais chargé d'organiser le travail et j'ai

7 travaillé à Vitezit avant la guerre et j'étais à l'époque contrôleur au

8 niveau de cette usine et je préparais en même temps... Je contrôlais les

9 activités du travail.

10 Mme Glumac (interprétation). - Vous étiez également officier de

11 la JNA, je pense. Vous êtes sorti de l'école des officiers de réserve.

12 M. Rajic (interprétation). - Oui, en 1977, j'avais un grade, je

13 suis sorti de l'ex-JNA avec le grade de sous-lieutenant de réserve et,

14 après, j'ai fait partie de la Défense territoriale de la municipalité de

15 Vitez.

16 Mme Glumac (interprétation). - Avant le début de la guerre,

17 en 1992, quelle était votre fonction au sein de la Défense territoriale de

18 la municipalité de Vitez ?

19 M. Rajic (interprétation). - Vous voulez parler de ma dernière

20 fonction ?

21 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

22 M. Rajic (interprétation). - J'étais directeur de l'état-major

23 de cette municipalité. J'étais chef de l'état-major de cette municipalité.

24 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne la structure,

25 au sein de la structure de l'état-major, quel était le poste que vous avez

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1 occupé ?

2 M. Rajic (interprétation). - C'était la deuxième place. Il y

3 avait le commandant de l'état-major de la Défense territoriale et,

4 ensuite, il y avait le poste que j'avais occupé. J'étais donc suppléant,

5 adjoint.

6 Mme Glumac (interprétation). - Le commandant de l'état-major,

7 c'était Hakija Cengic à cette époque-là ?

8 M. Rajic (interprétation). - Oui, à cette époque-là, c'était

9 Hakija Cengic qui était au poste du commandant de l'état-major.

10 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez été convoqué

11 compte tenu du fait qu'il y avait ce conflit avec les Serbes ?

12 M. Rajic (interprétation). - Moi, effectivement, j'avais attendu

13 cet appel, cette convocation, mais je ne l'ai jamais reçu.

14 Mme Glumac (interprétation). - A quel moment êtes-vous allé à la

15 Défense territoriale ?

16 M. Rajic (interprétation). - Compte tenu du fait de ce qu'il se

17 passait dans mon environnement au printemps 1992, je pense que c'était le

18 mois de mars, quand les attaques sont devenues beaucoup plus fréquentes au

19 niveau de la région de Turbe et de Travnik et donc avec les Serbes,

20 moi-même, j'ai tout simplement pris l'initiative et je suis allé à l'état-

21 major de la Défense territoriale à Vitez.

22 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous eu un certain nombre de

23 postes que vous avez occupés ? Quelles sont vos fonctions à ce moment-là ?

24 M. Rajic (interprétation). - Au moment où je suis arrivé à la

25 Défense territoriale justement à ma propre initiative, comme je l'ai dit,

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1 mes collègues, mes amis également qui avaient déjà eu un certain nombre de

2 fonctions et qui se sont mis à la disposition du commandant, M. Cengic,

3 nous avons demandé de faire quelque chose de manière précise et concrète.

4 A ce moment-là, dans les locaux de la Défense territoriale,

5 outre les personnes que je connaissais, avec lesquels également j'ai fait

6 partie de cette section de l'état-major, il y avait un certain nombre

7 d'autres personnes que je ne connaissais pas mais qui, de toute façon,

8 s'appuyaient sur les structures du commandement. Il y avait un certain

9 nombre d'officiers également qui étaient membres de l'état-major de la

10 Défense territoriale.

11 Mme Glumac (interprétation). - Vous dites qu'il y avait de

12 nouvelles personnes. Est-ce que c'étaient les Musulmans ou les Croates ?

13 M. Rajic (interprétation). - Ensemble, avec moi, il y avait un

14 certain nombre d'autres personnes, des Croates, qui se sont rendus. Par

15 exemple, Srecko Pavlovic n'a pas été convoqué et a été chargé de missions,

16 chargé de la protection chimique au sein de la Défense territoriale,

17 ensemble avec moi. Il n'a pas été convoqué, mais il est venu tout

18 simplement.

19 Il y avait également un certain nombre d'autres représentants de

20 la Défense territoriale, mais qui étaient des professionnels. Il y avait

21 M. Zeljko Sajevic, il y avait M. Stipo Zigonjic, et puis il y avait

22 également quelqu'un qui était chargé de la logistique, c'était Zeljkjo

23 Vrebac. Toutes les autres personnes, il y en avait une vingtaine à peu

24 près qui étaient à la Défense territoriale, c'étaient des Musulmans.

25 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous essayé de créer une

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1 formation mixte des Musulmans et des Croates ?

2 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'était mon intention. C'était

3 la raison pour laquelle je suis arrivé à la Défense territoriale, parce

4 que je pensais justement qu'il fallait organiser une défense conjointe de

5 ce territoire qui était le nôtre. Et j'avais proposé à M. Cengic, qui

6 était le commandant de l'état-major de la Défense territoriale, que

7 j'essaie de mettre en place une formation mixte, conjointe, qui, selon la

8 structure, pourrait satisfaire également la composition de la population

9 de la municipalité de Vitez. Nous avons pensé que cela aurait pu être un

10 détachement de diversion.

11 M. le Président (interprétation). - Je pense qu'au niveau du

12 transcript, il y a un problème. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,

13 reposer votre question, Maître Slokovic-Glumac ?

14 Mme Glumac (interprétation). - Je vous ai demandé si vous avez

15 essayé de mettre en place une formation qui, éventuellement, aurait été

16 mixte entre les Musulmans et les Croates ?

17 Il y a un problème au niveau du transcript.

18 M. le Président (interprétation). - Je pense que le mieux, c'est

19 de faire une pause d'un quart d'heure et de revenir. Il est 12 heures. On

20 fait une pause d'un quart d'heure.

21 (L'audience, suspendue à 12 heures, est reprise à 12 heures 15.)

22 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac ?

23 Mme Glumac (interprétation). - Donc vous nous avez dit, je vois

24 que cela a été repris dans le transcript d'audience, que vous avez proposé

25 la création d'une unité commune croato-musulmane. Est-ce bien exact ? Et

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1 cette unité aurait eu la taille d'un détachement de division ?

2 M. Rajic (interprétation). - Oui, en fait cela aurait été une

3 unité de taille plus petite qui aurait été entraînée dans des objectifs

4 bien spécifiques. Cela aurait peut-être été une compagnie qui aurait vu

5 ses effectifs augmentés. Enfin bref, j'ai demandé la création de cette

6 unité et j'ai reçu l'accord de M. Cengic pour la création de cette unité.

7 J'ai donc obtenu la liste de cette unité, j'ai choisi les

8 conscrits, j'ai organisé l'appel officiel de ces personnes, autant que

9 c'était possible à ce moment-là, et j'ai donc créé une unité chargée de la

10 reconnaissance et de lutte anti-sabotage, dont la structure correspondait

11 à la structure même de la population de la municipalité de Vitez. Après

12 avoir passé en revue cette unité, j'ai obtenu tout l'équipement

13 nécessaire, j'ai remplacé l'équipement qui n'était pas adapté. Et

14 l'inspection a eu lieu en face de l'entrepôt où étaient entreposés les

15 armes et les équipements.

16 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous demandé à ce que ces

17 gens soient armés ?

18 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai suggéré au

19 commandant de la Défense territoriale, parce qu'à ce moment-là cette unité

20 devait être une unité très mobile, très active, et donc j'avais eu des

21 informations de la part du chef d'état-major Cengic comme quoi ils avaient

22 reçu des armes. J'ai donc proposé que l'on arme immédiatement cette unité

23 et qu'on la forme également immédiatement afin qu'elle soit immédiatement

24 opérationnelle.

25 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous reçu des armes pour

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1 cette unité ?

2 M. Rajic (interprétation). - Non. Après des discussions avec

3 M. Cengic et d'autres, je ne sais pas exactement de qui il s'agissait, je

4 me suis vu signifier que ces armes étaient nécessaires pour les unités qui

5 avaient été mises en place dans les villages. Donc, ceci s'était fait en

6 dehors de la Défense territoriale, des formations de la Défense

7 territoriale.

8 Mme Glumac (interprétation). - Donc il s'agit d'unités armées

9 qui avaient été mises en place dans les villages par les Musulmans, est-ce

10 bien exact ?

11 M. Rajic (interprétation). - Oui.

12 Mme Glumac (interprétation). - Vous a-t-on demandé de signer une

13 déclaration quelconque pour pouvoir continuer à la Défense territoriale

14 bien que vous fussiez chef d'état-major ?

15 M. Rajic (interprétation). - Après la formation de l'unité

16 chargée de la reconnaissance de la lutte anti-sabotage, je n'ai pas voulu

17 perdre de temps et j'ai voulu formé une unité de la Défense territoriale

18 sur le même principe. Donc on m'a dit d'attendre un petit peu et puis, peu

19 après, on m'a communiqué une liste de toutes les personnes qui étaient

20 employées là, y compris moi-même, et on nous a demandé de signer une

21 déclaration de loyauté envers la Défense territoriale.

22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez mis des

23 conditions à votre signature ?

24 M. Rajic (interprétation). - Oui, et d'ailleurs pas seulement

25 moi-même, d'autres officiers de nationalité croate. Ils ont demandé à ce

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1 qu'une phrase soit ajoutée à cette déclaration. Cette phrase disait en

2 substance que nous acceptions de signer cette déclaration si la structure

3 du commandement et de l'armée reflétait la composition de la municipalité

4 de Vitez, dans sa population.

5 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'on vous a permis

6 d'ajouter cette phrase ?

7 M. Rajic (interprétation). - Monsieur Cengic a dit qu'a priori

8 il n'y avait aucun problème, mais d'autres officiers musulmans ont

9 objecté.

10 Et ensuite, on ne nous a pas donné la possibilité de signer

11 cette déclaration.

12 Mme Glumac (interprétation). – Vous avez également dit que vous

13 avez essayé de mettre en place une unité qui aurait eu à peu près les

14 effectifs d'un bataillon qui aurait été constitué de trois compagnies, et

15 qui aurait été constitué selon les principes ethniques, le principal

16 national ?

17 M. Rajic (interprétation). – Oui. Je voulais poursuivre mon

18 travail, je voulais former une unité de la Défense territoriale, une sorte

19 de bataillon renforcé mais, après que nous ayons refusé de signer ce

20 document, mon plan n'a jamais pu voir le jour.

21 Mme Glumac (interprétation). – Comment avez-vous été éloigné du

22 quartier général de la Défense territoriale ? Qui l'a fait ?

23 M. Rajic (interprétation). - J'ai attendu la permission de

24 commencer à former cette unité de la Défense territoriale dont j'ai parlé

25 et, à un moment, il y avait un bureau qui était de l'autre côté du

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1 couloir, qui était séparé, et un officier est venu de l'état-major de la

2 Défense territoriale, M. Mirsad Varupa, et il m'a dit que je devais

3 rentrer chez moi et que l'état-major m'appellerait à la maison quand les

4 conditions seraient propices mais que pour l'instant, il fallait que je

5 rentre chez moi.

6 Mme Glumac (interprétation). – Quand cela s’est-il produit ?

7 M. Rajic (interprétation). - En 1992. Oui, au printemps 1992.

8 Mme Glumac (interprétation). – Ensuite, Vitez a fait l'objet de

9 pilonnages. Est-ce que vous avez reçu des appels, un appel de la Défense

10 territoriale ?

11 M. Rajic (interprétation). – Après, moi, j'étais chez moi,

12 j'attendais un appel de leur part, mais je n'ai pas été appelé. Je voyais

13 bien qu'il se passait beaucoup de choses. Autour de nous, il y avait des

14 attaques de l'armée de la Republika Srpska. Moi, j'étais le N° 2 de la

15 défense à Vitez et personne ne m'appelait et je ne savais pas quoi faire.

16 Il y a eu des pilonnages le 26 avril et ce jour -je m'en

17 souviens tout particulièrement pour des raisons personnelles-, il y a eu

18 ce jour-là un pilonnage intensif contre Vitez parce que l'armée de la

19 Republika Srpska ou de la JNA a bombardé Vitez. Depuis, il y a eu des

20 bombardements aériens.

21 Donc je suis allé au quartier général de la Défense territoriale

22 qui avait été transféré dans une maison, dans une autre maison. Donc je

23 m'y suis rendu et je me suis placé à la disposition de la Défense

24 territoriale. Mais quand j'y suis arrivé, personne ne s'est occupé de moi,

25 personne ne m'a rien demandé. Je n'ai rien dit, je suis resté là quelque

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1 temps et, puis, je suis rentré chez moi. C'est la dernière fois que j'ai

2 eu l'occasion d'être en contact avec la Défense territoriale.

3 Mme Glumac (interprétation). – Au vu de ces événements, il

4 paraît évident que l'intention de la Défense territoriale était d'isoler

5 les Croates, n'est-ce pas ?

6 M. Rajic (interprétation). – Oui.

7 Mme Glumac (interprétation). – Et de les faire quitter la

8 Défense territoriale ?

9 M. Rajic (interprétation). – Oui, c'est le sentiment que j'ai

10 eu.

11 Mme Glumac (interprétation). – A l'époque, vous n'étiez pas non

12 plus dans le HVO parce que vous n'étiez pas tellement d'accord avec, parce

13 que vous apparteniez à la Défense territoriale. Donc on ne voulait pas

14 vraiment de vous au HVO ?

15 M. Rajic (interprétation). – Oui, je n'étais pas de leur côté.

16 Je n'étais pas d'un côté ni de l'autre non plus. On m'avait rejeté d'un

17 côté et, de l'autre côté, bien entendu, je n'étais pas non plus le

18 bienvenu parce que j'avais été membre de la Défense territoriale. Donc

19 j'ai passé beaucoup de temps chez moi.

20 Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous essayé de mener des

21 activités de votre propre chef, des activités dans le domaine de la

22 Défense territoriale ? Qu'avez-vous fait ?

23 M. Rajic (interprétation). - Voyant tout ce qui se passait

24 autour de moi avec mes voisins, je me suis efforcé de faire quelque chose

25 et, avec mes voisins, je suis devenu membre de ce qu'on appelait les

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1 patrouilles villageoises.

2 Mme Glumac (interprétation). – Mais vous habitiez à Vitez,

3 n'est-ce pas, à la périphérie de Vitez ?

4 M. Rajic (interprétation). – Oui, j'habitais à la périphérie de

5 Vitez, un hameau qui fait partie de Kruscica.

6 Mme Glumac (interprétation). – Et c'est là que vous avez

7 organisé la patrouille villageoise ?

8 M. Rajic (interprétation). – Non, je ne l'ai pas organisée

9 moi-même. Avec mes voisins, je suis devenu membre de cette patrouille, et

10 ce que nous avons fait, c'est que nous avons surveillé nos maisons, ce que

11 faisaient d'autres également.

12 Mme Glumac (interprétation). – Et de quelles armes disposiez-

13 vous ?

14 M. Rajic (interprétation). – Il y avait un poste de garde qui se

15 situait environ à 100 mètres de nos maisons et, de là, nous surveillions

16 une maison qui allait de notre hameau vers la forêt. Donc nous étions à

17 peu près une dizaine chargés de faire cela. Nous nous relevions

18 régulièrement, nous avions des fusils M 48 avec un barillet de sept balles

19 et nous avions également un fusil semi-automatique et rien d'autre.

20 Mme Glumac (interprétation). – Et vous avez fait cela jusqu'à la

21 fin novembre 1992, c'est bien exact ?

22 M. Rajic (interprétation). – Oui, cela s'est même peut-être

23 arrêté un peu avant. Cela a duré jusqu'à la mi-novembre.

24 A l'invitation du Colonel Blaskic du quartier général, le 1er

25 novembre, je me suis rendu au quartier général de la zone opérationnelle.

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1 Je crois que c'est comme cela que cela s'appelait pour la Bosnie centrale.

2 Mme Glumac (interprétation). – Où vous a-t-on nommé ?

3 M. Rajic (interprétation). - J'étais dans cette zone

4 opérationnelle à partir du 1er décembre 1992 et j'ai été nommé responsable

5 des opérations.

6 Mme Glumac (interprétation). – En quoi consistait votre

7 mission ?

8 M. Rajic (interprétation). - A ce moment-là, on était en train

9 de mettre en place le quartier général. Donc on recevait du personnel qui

10 venait de l'ensemble des municipalités qui faisaient partie de cette zone

11 opérationnelle. Les gens donc arrivaient et il fallait leur attribuer des

12 postes, tout inventer. On apprenait les structures de commandement. Il

13 fallait également que nous découvrions quelles étaient nos tâches, nos

14 missions. Et tous les gens qui participaient là, beaucoup avaient très peu

15 d'expérience.

16 Mme Glumac (interprétation). – C'est le moment où a été

17 constitué le commandement de la zone opérationnelle, en décembre 1992 ?

18 M. Rajic (interprétation). - C'est vrai.

19 Mme Glumac (interprétation). – En quoi consistait votre mission

20 au quartier général ?

21 M. Rajic (interprétation). – Eh bien, nous nous relayons par

22 équipe au quartier général de la zone opérationnelle. Nous suivions

23 également les ordres du chef d'état-major ainsi que du commandant, le

24 Général Blaskic.

25 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que l'une de vos tâches

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1 était de permettre aux unités de traverser ou d'entrer dans la région de

2 la zone opérationnelle, aussi bien des unités croates que musulmanes.

3 M. Rajic (interprétation). – Oui, à ce moment-là. Et les unités

4 se rendaient sur les lignes de défense contre l'armée de la

5 Republika Srpska, donc cela entrait dans la responsabilité de Blaskic et

6 Krucic et, dans le cadre de cela, j'ai coordonné le passage de ces unités

7 vers les lignes de défense.

8 Mme Glumac (interprétation). - Mais pour quelles raisons y

9 avait-il nécessité de coordonner ce passage ? Qui arrêtait ces unités ?

10 M. Rajic (interprétation). - Les ordres émanant des commandants

11 d'unités étaient tout à fait clairs et stipulaient qu'il fallait assurer

12 le passage des unités vers les lignes de défense, contre l'armée de la

13 Republika Srpska mais, en raison de la situation qui était assez confuse

14 du point de vue de la chaîne de commandement, certains commandants, en

15 tout cas certains commandants locaux qui tenaient des barrages, arrêtaient

16 les uns et les autres.

17 Mme Glumac (interprétation). - Des commandants ?

18 M. Rajic (interprétation). - Oui, des commandants locaux, si

19 bien que mon rôle a consisté avec le coordinateur issu du quartier général

20 de l'armée de Bosnie-Herzégovine à assurer le passage des unités vers les

21 lignes de défense.

22 Mme Glumac (interprétation). - Donc il y avait des barrages

23 routiers musulmans et des barrages routiers croates, n'est-ce pas ? Et ces

24 barrages étaient tenus par des hommes et il y avait des problèmes des deux

25 côtés, n'est-ce pas ?

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1 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est exact.

2 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez arrêté votre travail

3 dans la zone opérationnelle en mars 1993, n'est-ce pas ?

4 M. Rajic (interprétation). - Oui, au moment où je suis arrivé

5 dans la zone opérationnelle, il y avait M. Lujbo qui était responsable de

6 l'organisation des opérations dans la zone. J'ai eu une conversation avec

7 lui et il m'a dit que je devais occuper les fonctions dont j'étais chargé

8 à ce moment-là temporairement mais qu'ensuite, des hommes plus jeunes

9 allaient arriver et que l'on me libérerait pour que je reprenne les

10 fonctions qui étaient les miennes avant mon arrivée dans la zone

11 opérationnelle.

12 Mme Glumac (interprétation). - Donc vous avez été démobilisé au

13 mois de mars ?

14 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est cela. A la mi-mars, j'ai

15 été démobilisé.

16 Mme Glumac (interprétation). - Le 16 avril, le conflit entre les

17 Musulmans et les Croates éclate. Où vous trouviez-vous à ce moment-là ?

18 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, le 15 avril, j'étais à mon

19 poste de travail normalement, où je travaillais, et un peu avant la fin de

20 la journée de travail, je suis allé me faire payer, j'ai donc perçu mon

21 salaire mensuel et, à ce moment-là, un ami et moi-même sommes allés dans

22 un café-bar où nous avons fêté l'anniversaire de Milko Mirkovic, un ami à

23 nous et, vers 19 heures, je suis rentré chez moi normalement.

24 Le 16 au matin, j'étais au lit quand ce qui est arrivé est

25 arrivé.

Page 6039

1 Mme Glumac (interprétation). - Si l'on tient compte de

2 l'expérience militaire qui était la vôtre et de votre grade ainsi que du

3 fait que vous étiez chef d'état-major de la Défense territoriale, pouvez-

4 vous nous dire quand ils sont venus vous chercher, quand vous avez été

5 mobilisé et qui est venu vous chercher ?

6 M. Rajic (interprétation). - Le premier contact établi avec moi

7 a eu lieu le 20 avril. C'est un membre de la police militaire,

8 Zlatko Nakic, qui est venu me chercher en me disant : "Habille-toi, prends

9 ton équipement et va à la brigade."

10 Mme Glumac (interprétation). - Au commandement de la brigade de

11 Vitez, la brigade Vitezka, n'est-ce pas ?

12 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est cela.

13 Mme Glumac (interprétation). - Quelles fonctions vous êtes-vous

14 vu assigner au commandement de la brigade à ce moment-là ?

15 M. Rajic (interprétation). - Quand je suis arrivé au

16 commandement de la brigade, j'ai été affecté au poste de conseiller des

17 affaires opérationnelles.

18 Mme Glumac (interprétation). - Et le 20 avril, quelle est la

19 situation que vous avez trouvée ? La brigade Vitezka était en train de se

20 constituer, quelle était le mode d'organisation que vous avez trouvée ?

21 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, quand je suis arrivé à

22 cette brigade, la situation que j'y ai trouvée était pour moi tout à fait

23 inconnue. C'était le chaos le plus total, les relations au sein de cette

24 brigade étaient tout à fait désordonnées. Personne ne s'entendait avec

25 personne. La brigade était en cours de constitution, elle n'avait pas

Page 6040

1 encore de bâtiment, personne ne savait encore qui devait occuper quelle

2 salle, qui devait faire quoi.

3 Moi, j'ai l'impression qu'à ce moment-là, ils fonctionnaient

4 tous sans aucune organisation, sans aucune structure. Si quelqu'un lançait

5 une idée dans une direction, tout le monde suivait cette idée dans cette

6 direction et, si quelqu'un lançait une idée dans une autre direction, tout

7 le monde suivait dans l'autre direction, il n'y avait pas de coordination.

8 Mme Glumac (interprétation). - Mais c'est en mars qu'a commencé

9 la véritable constitution de la brigade Vitezka, n'est-ce pas, après le

10 démantèlement de la brigade Stjepan Tomasevic ?

11 M. Rajic (interprétation). - Oui, en fait il s'agissait de

12 quelque chose qui était supérieur à la constitution d'une brigade. On

13 supprimait une brigade pour en faire deux. Et cet travail a commencé dans

14 la pratique au mois de mars.

15 Mme Glumac (interprétation). - Selon les connaissances

16 militaires qui sont les vôtres, combien faut-il d'hommes pour constituer

17 une brigade et quels sont les services requis d'une brigade ?

18 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, une brigade a un quartier

19 général, et ce quartier général fonctionne bien entendu grâce à certains

20 effectifs. Il faut aussi satisfaire les besoins en restauration de la

21 brigade. Normalement, il y a trois bataillons. Il y a aussi une unité de

22 soutien, une unité de soutien d'artillerie notamment. Donc cela fait

23 environ 1.500 hommes ou peut-être même jusqu'à 1.600 hommes.

24 Mme Glumac (interprétation). - Et l'unité qui s'appelait la

25 brigade Vitezka, quels étaient ces effectifs ?

Page 6041

1 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, jusqu'au mois de mars, au

2 moment où elle s'est séparée la brigade Tomasevic, elle comptait environ

3 300 hommes.

4 Mme Glumac (interprétation). - Et tous ces autres services dont

5 vous venez de signifier la nécessité pour assurer le fonctionnement de la

6 brigade, qu'en était-il ?

7 M. Rajic (interprétation). - Ces autres services n'ont pas

8 fonctionné, y compris jusqu'à la fin de la guerre. Certains d'entre eux

9 n'ont même pas été mis sur pied.

10 Mme Glumac (interprétation). - Les questions que je vais

11 maintenant vous poser ont déjà été abordées partiellement au cours du

12 présent procès. Vous avez des connaissances sur ces sujets compte tenu de

13 votre grade et de votre expérience.

14 Alors dites-nous quelle est la méthode légale permettant

15 d'effectuer une mobilisation ?

16 M. Rajic (interprétation). - Selon ce que l'on m'a appris, cela

17 ce qui doit se faire, les choses doivent se passer de la façon suivante.

18 Le bureau de la défense, ou plutôt ce qu'on appelait avant le secrétariat

19 chargé de la défense populaire, est chargé sur le territoire de la

20 municipalité de Vitez de recueillir toutes les données relatives aux

21 hommes en âge de combattre, et ce en vu de constituer une unité militaire.

22 Donc, avant la création de cette unité, on évalue le nombre des

23 effectifs nécessaires. Ces besoins en hommes et en équipements sont

24 communiqués au bureau de la défense qui, selon la structure qui lui a été

25 communiquée, selon le niveau d'équipement nécessaire pour cette unité,

Page 6042

1 selon ce qu'on appelait à l'époque des spécialités, donne les instructions

2 nécessaires pour la création de la brigade. Et lorsqu'une brigade doit se

3 créer, c'est le commandant suprême qui détermine quels seront les

4 effectifs de cette brigade, donc c'est lui qui choisit les hommes qui vont

5 faire partie de cette unité militaire.

6 Tout cela, bien sûr, se fait en temps de paix. C'est le bureau

7 de la défense qui, à ce moment-là, sur la base des informations reçues, va

8 établir des listes et des plans.

9 Mme Glumac (interprétation). - Sur la base de ces listes que

10 vous venez d'évoquer, l'ordre de mobilisation est envoyé aux hommes en âge

11 de combattre ?

12 M. Rajic (interprétation). - Oui, il y a aussi le livret

13 militaire qui existe. Chaque homme en âge de combattre a un livret

14 militaire sur lequel figure le nom de sa spécialité, donc de l'unité

15 militaire dont il dépend, et puis un numéro de code qui désigne cette

16 unité et l'endroit où il doit se faire connaître en cas de mobilisation.

17 C'est dans ces conditions que les hommes attendent de recevoir

18 éventuellement un ordre de mobilisation.

19 Mme Glumac (interprétation). - Donc il faut qu'il y ait un lieu

20 particulier où les hommes se rendent au moment où ils ont reçu leur ordre

21 de mobilisation ?

22 M. Rajic (interprétation). - Ce qui se passe c'est la chose

23 suivante. A l'instant même où la mobilisation est décrétée, mobilisation

24 qui peut être partielle, complète, temporaire, secrète ou publique, en

25 tout cas au moment où les hommes reçoivent leur ordre de mobilisation, et

Page 6043

1 ce sont les hommes en âge de combattre qui reçoivent ces ordres, ils leur

2 sont signifiés en mains propres, donc ils les reçoivent de messagers.

3 A ce moment-là, l'homme qui a reçu son ordre de mobilisation a

4 pour tâche de se rendre à endroit précis dans un délai de 24 ou 48 heures

5 qui lui est stipulé. Lorsque l'homme en question arrive à l'endroit où il

6 doit se rendre sur instruction reçue par l'ordre de mobilisation, il y

7 trouve tout l'équipement nécessaire qui lui est remis à ce moment-là.

8 Mme Glumac (interprétation). - Et c'est donc à cet endroit que

9 l'homme est équipé ?

10 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, son commandant l'attend à

11 cet endroit et sur la base de la constitution théorique de l'unité

12 militaire qu'il commande, le commandant affecte l'homme à telle ou telle

13 unité et lui donne son équipement, son paquetage, ses rations

14 alimentaires, etc.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que le HVO disposait d'un

16 lieu où les mobilisés étaient rassemblés ?

17 M. Rajic (interprétation). - Non, pour autant que je le sache

18 non.

19 Mme Glumac (interprétation). - Et la Défense territoriale, qu'en

20 était-il ?

21 M. Rajic (interprétation). - Nous, nous avions un lieu de ce

22 genre à Gacice et dans un hameau situé à l'extérieur de Gacice. Chaque

23 homme connaissait l'endroit exact où il devait se rendre en cas de

24 mobilisation.

25 Mme Glumac (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de

Page 6044

1 bien vouloir remettre au témoin la pièce à conviction de

2 l'accusation P335.

3 (L'huissier s'exécute.)

4 Je vous ai déjà montré ce document, Monsieur, donc vous en

5 connaissez le contenu. Un certain nombre de détails sont fournis dans ce

6 texte au sujet de la façon dont la mobilisation s'est effectuée.

7 Selon vous, s'agissant de la période qui va du 16 au

8 28 avril 1993, est-ce vous pensez que les actions menées par le bureau de

9 la défense ont constitué une véritable mobilisation ?

10 M. Rajic (interprétation). - Non, pour moi, ce n'est pas du tout

11 une véritable mobilisation. Je ne vois pas comment, selon ce qui est écrit

12 ici, quiconque aurait trouver sa place.

13 Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce que dans ce texte, on

14 comprend que les hommes ont été regroupés à un endroit particulier, qu'ils

15 ont reçu des uniformes, des équipements et qu'on les a envoyés sur des

16 lignes de front ?

17 M. Rajic (interprétation). - Absolument pas. Ce que je vois dans

18 ce texte, c'est que ces hommes apparemment ont été arrêtés - je dis bien

19 "arrêtés" - chez eux à maison, dans divers quartiers de la ville parce

20 qu'en lisant cette liste, je vois tout de suite qui habitait où et je

21 pense que dans cette période qui commence le 16, ces hommes ont sans doute

22 été ramassés chez eux à la maison. On les a fait sortir de leur lit, de

23 leur lieu de travail, on les a ramassés dans les cafés et on les a emmenés

24 quelque part, mais ce n'est pas une mobilisation. Ce sont des gens qui

25 sont arrivés en pantoufles, en baskets, en pantalon de jogging, sans

Page 6045

1 fusil, sans casque, sans aucune préparation, sans avoir à la main leur

2 livret militaire, sans avoir le nom de l'unité spéciale à laquelle ils

3 appartenaient. Rien n'est écrit ici quant au lieu où on les a emmenés et

4 où ils ont été emmenés, sur quel front.

5 Pour moi, ce texte est égal à zéro sur le plan militaire.

6 Mme Glumac (interprétation). - Mais dans ce texte est-il

7 stipulé... Un instant, je vous prie, que je retrouve ce passage... Il se

8 trouve en page 2, quatrième paragraphe. N'y est-il pas stipulé qu'une

9 grande aide, s'agissant de la constitution de ces unités, a été apportée

10 par la police civile ? Est-ce que la police civile participe au travail

11 lié à la mobilisation d'une façon ou d'une autre réponse ?

12 M. Rajic (interprétation). - Je viens de vous dire à l'instant

13 comment doit se déroulait une mobilisation. La police civile, en tant

14 qu'organe du pouvoir civil, n'a aucun rôle dans la réalisation de la

15 mobilisation. C'est seulement une fois que le délai accordé aux hommes en

16 âge de combattre pour se présenter à l'endroit qu'il leur est stipulé dans

17 l'ordre de mobilisation... Donc c'est une fois que ce délai est écoulé que

18 la police militaire peut, éventuellement, jouer un certain rôle vis-à-vis

19 de ces personnes, si elles ne sont pas arrivées à temps.

20 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que cela signifie que la

21 police civile a été engagée dans une action qui, en fait, revenait à une

22 arrestation de personnes ?

23 M. Rajic (interprétation). - Oui.

24 Mme Glumac (interprétation). - Ce document que vous avez entre

25 les mains - et je vous engage à vous référer à la page où se trouve le

Page 6046

1 paragraphe qui commence par les mots "Rasporegeni co Darko", je ne sais

2 pas exactement quel est le numéro de la page -...

3 M. Rajic (interprétation). - Oui.

4 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez trouvé ce passage.

5 Alors, ces mots que je viens de vous lire, "Rasporegeni co Darko",

6 "réparti chez Darko", qu'est-ce que cela veut dire ?

7 M. Rajic (interprétation). - Moi, je ne sais pas quelle est

8 l'unité qui dépendrait de la brigade Viteska et qui permettrait d'utiliser

9 les termes "réparti chez Darko" ou au cinéma ou en tel ou tel lieu. Quel

10 lieu ? Cela n'existe pas. Il y a une dizaine de pelotons, de compagnies,

11 etc. Moi, cette unité, dans le cadre des obligations de travail, je ne la

12 connais pas, je ne connais pas d'unité qui s'appelle "chez Darko".

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que cela signifie qu'à la

14 lecture de ce papier, on peut constater qu'il y avait, d'une part,

15 improvisation complète ?

16 M. Rajic (interprétation). - Oui.

17 Mme Glumac (interprétation). - Et que, d'autre part, ce document

18 est rédigé de la façon la moins systématique qui soit ?

19 M. Rajic (interprétation). - Absolument, c'est un fait.

20 Mme Glumac (interprétation). - En analysant les noms qui

21 figurent dans ce texte, nous avons constaté qu'une trentaine de noms et

22 plus figurent au moins deux fois dans le texte.

23 M. Rajic (interprétation). - Oui.

24 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer ce que

25 cela signifie ?

Page 6047

1 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, cela confirme précisément

2 que cette liste a été établie d'une façon extrêmement improvisée.

3 Mme Glumac (interprétation). - Autrement dit, certains hommes

4 ont été arrêtés deux fois et envoyés quelque part deux fois ?

5 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est tout à fait cela, les

6 mêmes hommes deux fois.

7 Mme Glumac (interprétation). - Je vais essayer d'accélérer un

8 peu le rythme de mes questions.

9 Ces hommes qui ont été transférés sur les lignes de cette façon,

10 étaient-ils aptes à participer à des opérations de combat au moment où ils

11 sont arrivés sur les lignes de front de la manière que vous venez de

12 commenter ? Vous avez vu, n'est-ce pas, les noms des personnes qui se sont

13 donc trouvées sur les lignes puisque vous avez leur nom sur les listes ?

14 M. Rajic (interprétation). - Ces hommes n'avaient eu aucune

15 préparation, aucun entraînement. Ils n'avaient pas d'équipement, ils

16 n'avaient pas d'armes. On les a emmenés sur le front comme ils étaient à

17 ce moment-là, ils n'avaient aucune aptitude pour participer à des

18 opérations de combat. Sur le front, la seule chose qu'ils ont essayé de

19 faire c'était sauver leur peau, c'est-à-dire qu'ils ont enfoncé la tête

20 dans le sable.

21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'un soldat entraîné doit

22 subir un certain nombre d'entraînements, tactiques notamment ?

23 M. Rajic (interprétation). - Absolument, c'est absolument

24 impensable qu'un homme soit envoyé pour participer à un entraînement de

25 tirs s'il n'est pas absolument au courant de la façon dont fonctionne

Page 6048

1 l'arme qu'il va utiliser. Je ne parle pas d'opérations militaires, je

2 parle d'entraînements, entraînements aux tirs. Pour participer à des

3 manoeuvres de tirs, il faut qu'il soit déjà prêt. Autrement dit, il doit

4 connaître un certain nombre de choses et avoir fait ses classes dans le

5 maniement des armes.

6 Ce qui signifie que tous les hommes devaient faire leurs

7 classes, d'abord les classes générales et ensuite un entraînement

8 théorique plus particulier au sein de l'unité dont ils dépendaient. Et

9 tout cela devait se faire avant que l'homme se retrouve sur le front.

10 Disons que peut-être certains de ces hommes ont subi cet entraînement,

11 mais une très grande majorité d'entre eux n'avaient aucune connaissance

12 théorique.

13 Mme Glumac (interprétation). - Mais dites-nous, une opération

14 militaire, coordonnée au plus haut niveau et impliquant la participation

15 de plusieurs unités, dans une opération de ce genre, est-ce que les

16 acteurs de l'opération en question peuvent être les hommes dont nous

17 sommes en train de parler ?

18 M. Rajic (interprétation). - Absolument pas

19 Mme Glumac (interprétation). - Et les patrouilles villageoises

20 ont-elles été entraînées à quelque moment que ce soit relevant de votre

21 mandat, je veux dire de la période pendant laquelle vous vous êtes trouvé

22 au quartier général de Blaskic ? Vous êtes arrivé au commandement de la

23 brigade Vitezka plus tard, mais est-ce que vous avez été informé d'un

24 entraînement quelconque des patrouilles villageoises ?

25 M. Rajic (interprétation). - Non, non, d'ailleurs personne

Page 6049

1 n'était en mesure d'entraîner ces hommes, sur le plan qualitatif.

2 Mme Glumac (interprétation). - Et plus tard, lorsque la guerre

3 avait déjà commencé, qui a exécuté ces opérations d'attaques pour

4 lesquelles vous avez dit qu'il fallait qu'il participe des soldats formés,

5 entraînés ?

6 M. Rajic (interprétation). - En fait, ces opérations d'attaque,

7 n'étaient pas des opérations offensives, c'était une défense active. Et

8 ces actions de défense ont été , en général, menées à bien par les membres

9 des unités spéciales.

10 Mme Glumac (interprétation). - Les membres de la brigade Vitezka

11 se trouvaient sur le front, n'est-ce pas ?

12 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est exact, les membres de la

13 brigade Vitezka, pratiquement jusqu'à la fin de la guerre, n'ont jamais

14 exécuté la moindre action offensive. Ils n'ont fait que participer à la

15 défense des lignes.

16 Mme Glumac (interprétation). - A quel moment se situe la

17 première action offensive des membres de la brigade Vitezka ? Quand ont-

18 ils été pour la première fois capables de mener une action offensive sans

19 l'aide des unités spéciales ?

20 M. Rajic (interprétation). - Eh bien la première et seule action

21 menée par les membres de la brigade Vitezka, a eu lieu peu avant la fin de

22 la guerre. Il s'agit de la libération de Buhine Kuce, du hameau qui

23 s'appelle Buhine Kuce. C'est une action à laquelle ont participé les

24 membres de la brigade Vitezka sans l'aide des soldats des unités

25 spéciales.

Page 6050

1 Mme Glumac (interprétation). - Cela s'est passé en 1994 ?

2 M. Rajic (interprétation). - Oui, en 1994, peu avant la fin de

3 la guerre.

4 Mme Glumac (interprétation). - Les unités spéciales, dont vous

5 avez dit qu'elles étaient les seules capables de mener à bien des actions

6 offensives, quel était le nom de ces unités spéciales ?

7 M. Rajic (interprétation). - Il y avait les Vitezovi, les

8 Trkoci, les Munje, les Skakalci ou les Sauterelles, les Lakojoricna,

9 c'est-à-dire l'infanterie légère, c'étaient les unités de la police

10 militaire, et peut-être encore d'autres unités dont je ne me rappelle pas

11 le nom à l'instant.

12 Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce qui distinguait la

13 brigade Vitezka ou plutôt les membres de la brigade Vitezka des membres

14 des unités spéciales, qu'est-ce qui distinguaient ces hommes ?

15 M. Rajic (interprétation). - Les hommes qui faisaient partie des

16 unités spéciales, étaient des hommes en âge de combattre qui avaient déjà

17 une certaine expérience des combats et qui avaient subi un entraînement

18 théorique, ceux qui avaient déjà combattu à Vlacic, à Turbe, à Jajce, donc

19 des hommes qui revenaient des champs de bataille. Eux étaient versés dans

20 les unités spéciales. Quant à la brigade Vitezka, elle a été créée plus

21 tard, à partir des patrouilles villageoises

22 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous dire s'il y avait une

23 différence entre les armes des membres des unités spéciales et les armes

24 des membres de la brigade Vitezka ?

25 M. Rajic (interprétation). - Oui, absolument. Les hommes des

Page 6051

1 unités spéciales étaient bien armés, bien équipés et ils avaient des armes

2 de bonne qualité, ce qui n'était pas le cas des hommes de la brigade

3 Vitezka.

4 Mme Glumac (interprétation). - Et les unités spéciales étaient

5 placées sous quel commandement ? Est-ce qu’elles étaient commandées par le

6 commandement de la brigade ?

7 M. Rajic (interprétation). - Non, non, absolument pas, mais je

8 ne sais pas en fait qui étaient les commandants des unités spéciales.

9 Mme Glumac (interprétation). - La majorité d'entre eux ne

10 dépendaient pas de l'organisation régulière de l'armée, n'est-ce pas ?

11 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est exactement cela.

12 Mme Glumac (interprétation). - J'aimerais que l'on remette au

13 témoin la pièce à conviction de l'accusation P 343.

14 (L'huissier s'exécute.)

15 Je vous demanderais de bien vouloir lire le deuxième paragraphe

16 de cet ordre daté du 16 janvier 1993 et dont l'auteur était le

17 colonel Blaskic à l'époque.

18 Ce deuxième paragraphe mentionne-t-il d'une façon ou d'une autre

19 une mobilisation ou un ordre de mobilisation ?

20 M. Rajic (interprétation). - En fait, je ne sais pas d'où vient

21 ce paragraphe dans un ordre du colonel Blaskic, car ce qui est mentionné

22 ici n'a rien à voir avec les responsabilités d'un commandant de zone

23 opérationnelle. Inclure dans les formations du HVO tous les membres du

24 peuple croate sans armes, c'est quelque chose que peut faire le bureau de

25 la défense de la municipalité de Vitez, sur la base d'un ordre provenant

Page 6052

1 de Travnik, qui lui-même est mis en oeuvre sur la base d'un ordre venant

2 de Mostar. Mais le commandant de la brigade Vitezka n'a pas pour

3 compétence d'inclure dans des formations du HVO des membres du peuple

4 croate sans armes s'il n'a pas reçu un ordre du bureau de défense de

5 Vitez. Il y a une erreur hiérarchique ici, c'est comme cela qu'on

6 l'appellerait.

7 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic ?

8 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, puisque

9 nous sommes en train de parler de ce document, c'est un document qui me

10 pose des problèmes depuis longtemps. Le témoin en fait vient de le lire

11 exactement de la façon dont je l'ai lu moi-même, il a lu les termes

12 "peuple sans armes", alors que certains de nos collègues lisent le texte

13 comme signifiant "les membres du peuple croate armés". Le terme "désarmé"

14 en BCS étant "Naorujani", le terme en BCS signifiant "armé" étant

15 "Naorujani" et dans la version anglaise c'est le terme "Naorujani" qui a

16 été traduit, c'est-à-dire le terme "en armes". La différence se situe donc

17 au niveau d'une seule lettre dans un mot "Naorujani" "Neorujani" et peut-

18 être conviendrait-il de mener une enquête un peu plus approfondie pour

19 déterminer quel est le terme exact employé dans l'original. Mais c'est un

20 problème que j'ai depuis pas mal de temps au sujet de ce document.

21 M. le Président (interprétation). - Merci. Le Procureur possède-

22 t-il l'original de ce document ou une meilleure copie éventuellement ?

23 M. Terrier. - Nous le rechercherons, Monsieur le Président.

24 Je voudrais simplement souligner que s'il y a, selon Me Radovic,

25 une erreur de traduction, je la trouve quelque peu curieuse, car cela

Page 6053

1 signifierait que l'ordre du général Blaskic, l'ordre original, est

2 d'intégrer dans les unités du HVO des personnels non armés. Cela ne prend

3 à ce moment-là aucun sens. Je pense que la traduction anglaise dont nous

4 disposons est la seule traduction qui me paraisse comporter un sens, mais

5 bien entendu je ne suis pas le lecteur courant de textes en serbo-croate.

6 Nous vérifierons, Monsieur le Président, que cette traduction est

7 effectivement une traduction correcte par rapport au texte original.

8 M. le Président. - Ce qui compte, c'est surtout d'avoir un autre

9 texte peut-être où le mot est plus clair, où l'on peut le lire d'une

10 manière plus sûre. Ce qu'on demande à l'accusation n'est pas de vérifier

11 la traduction, mais de produire un texte plus lisible.

12 M. Terrier. - Nous nous efforcerons, Monsieur le Président, de

13 rechercher un texte original plus lisible et de confirmer de cette

14 manière-là la traduction.

15 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic.

16 M. Radovic (interprétation). - Oui, personne ne remet ici en

17 cause la qualité de la traduction. Nous sommes en train de remettre en

18 cause plutôt ce qui est stipulé ici en croate ou en serbe, enfin je veux

19 dire en croate, parce qu'il y a un mot ici, c'est un mot ou un autre. Donc

20 s'il y a une lettre qui change, cela a une signification complètement

21 différente et j'ai demandé à certains de mes collègues, il y en a qui

22 lisent "armés" et d'autres "non armés". Mais bien entendu, je pense que

23 cela a un sens de mobiliser des gens qui n'ont pas d'armes, parce qu'on

24 pourrait leur donner des armes avec les armes dont dispose la brigade.

25 Tout le monde n'avait pas forcément apporté des armes quand ils étaient

Page 6054

1 mobilisés. Donc les deux termes pourraient avoir une signification.

2 M. le Président (interprétation). - Merci. C'est pourquoi j'ai

3 demandé à l'accusation de nous fournir une copie de meilleure qualité de

4 l'original.

5 Maître Slokovic-Glumac, vous pouvez continuer.

6 Mme Glumac (interprétation). - Donc d'après les règlements qui

7 étaient en vigueur à l'époque, un tel ordre de mobilisation n'aurait pas

8 pu être délivré par le commandant de la zone opérationnelle, mais

9 uniquement par le bureau de la défense. Est-ce bien exact ?

10 M. Rajic (interprétation). - Oui.

11 Mme Glumac (interprétation). - C'est donc une déclaration, un

12 ordre qui n'a aucune valeur, parce qu'il ne pourrait pas être exécuté.

13 Est-ce bien exact ?

14 M. Rajic (interprétation). - Oui.

15 Mme Glumac (interprétation). - Une dernière question au sujet de

16 ce document. A l'époque, étiez-vous ou faisiez-vous partie du

17 commandement ? Savez-vous si des opérations de mobilisation ont eu lieu à

18 ce moment-là ?

19 M. Rajic (interprétation). - Pendant toute la période, c'est-à-

20 dire jusqu'à cette date-là, tout notre travail était dirigé vers l'armée

21 de la Republika Srpska. Pour lutter contre l'armée de la Republika Srpska,

22 le colonel Blaskic mettait une assistance toute particulière sur les

23 lignes de confrontation avec l'armée de la Republika Srpska. Il n'avait

24 pas affaire avec l'armée de Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, nous

25 surveillions la situation sur le terrain.

Page 6055

1 Et un jour, lors d'un briefing le matin, nous avons dit que nous

2 n'étions pas tellement contents de la façon dont étaient déployées les

3 unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il a donné à moi-même et à Irbica

4 Slubavac, qui était également un chef de service, la mission de trouver où

5 se situaient les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur une carte. Et

6 là, nous avons atteint des conclusions un peu contradictoires sur ce

7 déploiement, puisque ces unités étaient déployées de telle façon qu'elles

8 ne semblaient pas uniquement tournées contre l'armée de la

9 Republika Srpska.

10 Cela nous a paru très étrange qu'il y ait, par exemple, un

11 centre de formation à Kruscica et ceci pour des soldats qui provenaient

12 pour la majorité en provenance de Krajina.

13 Et d'autre part, il y avait également un centre militaire à

14 Kruscica.

15 Mme Glumac (interprétation). - Vous parlez de l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine ?

17 M. Rajic (interprétation). - Oui. Donc pour nous, ce déploiement

18 des soldats était un petit peu bizarre et nous avons donc attiré son

19 attention là-dessus. Et à partir de ce moment-là, il répétait toujours que

20 l'armée de Bosnie-Herzégovine était notre alliée et que nous n'avions un

21 but que commun qui était de nous défendre contre l'armée de la

22 Republika Srpska. Tous ces ordres donc avaient pour objectif de calmer la

23 situation avec l'armée de Bosnie-Herzégovine.

24 Mme Glumac (interprétation). - Je ne vous l'ai pas demandé

25 directement, mais vous l'avez bien dit, mais je voulais vous demander si,

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1 pendant que vous vous trouviez au quartier général de la zone

2 opérationnelle, il y avait eu des opérations quelconques de mobilisation

3 de la population croate ?

4 M. Rajic (interprétation). - A ma connaissance, il n'y a pas eu

5 d'actes, d'opérations de mobilisation de ce type.

6 Mme Glumac (interprétation). - Peut-on soumettre au témoin la

7 pièce à conviction de la défense, de l'accusation (se reprend

8 l'interprète) 341 et 342, très rapidement s'il vous plaît ?

9 (L'huissier s'exécute.)

10 Il s'agit d'un document, c'est un décret sur la structure sur

11 les Domobrani. Savez-vous si cet ordre sur la constitution des Domobrani

12 dans la région de la municipalité de Vitez a été exécuté, s'il y a eu des

13 unités de ce type avant le début de la guerre ?

14 M. Rajic (interprétation). - Non. Les premières unités des

15 Domobrani, des réservistes locaux l'ont été après la guerre. Il s'agissait

16 du 92e régiment, mais avant il n'y a eu aucun régiment de ce type, aucune

17 unité de ce type.

18 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous plaît,

19 regarder le document dont le numéro d'ordre est 399/93, qui stipule qu'une

20 garde de réservistes locaux temporaire avait été constituée dans la

21 municipalité et que l'on recommandait la constitution d'une compagnie à

22 Vitez ? C'est un document qui date du 12 mars 1993.

23 M. Rajic (interprétation). - Je n'ai pas ce document sous les

24 yeux.

25 Mais à cette période, il n'y a eu aucune unité de Domobrani qui

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1 ait été formée.

2 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que la mobilisation aurait

3 été réalisée conformément au document P 335 que nous venons d'examiner ?

4 Donc si la mobilisation avait été exécutée de cette façon, est-

5 ce que les unités de Domobrani auraient été constituées ?

6 M. Rajic (interprétation). – Cela aurait été logique si elles

7 avaient été constituées, elles auraient été déployées vers le front. Et on

8 n'aurait pas rassemblé les gens de la façon dont cela a été fait.

9 Elles auraient été placées sur la ligne de défense.

10 Ce qui aurait été logique, c'est que soit constitué un

11 commandement de ces unités de Domobrani qui aurait ensuite désigné le

12 personnel du commandement, et qui aurait ensuite organisé l'appel des

13 soldats qui auraient formé cette unité.

14 Il s'agit juste d'un ordre pour le commandant d'une de ces

15 compagnies mais ici, au point 2, on stipule qu'il recommande que cette

16 compagnie soit formée, mais ça ne me dit rien du tout. A mon avis, cela

17 n'a pas été exécuté et cela n'a donc aucune valeur.

18 Mme Glumac (interprétation). – Une question supplémentaire . Si

19 on se réfère aux règles relatives au service militaire, si on se réfère

20 aux règles qui sont habituellement suivies par les soldats, les

21 commandants des unités, pouvez-vous me dire donc s'il était habituel,

22 courant, d'envoyer sur un lieu où allait se produire une attaque très

23 grave ou une attaque à haut risque, d'y envoyer les même gens, ou les

24 membres d'une même famille ?

25 M. Rajic (interprétation). - Mon commandant, ainsi que tous les

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1 responsables d'unités, à des échelons plus bas, avaient tous des

2 instructions selon lesquelles, si c'était possible, il ne fallait pas

3 envoyer deux frères, un frère, un père sur le même point de la ligne de

4 front, sauf s'ils en avaient fait la demande expresse.

5 Mme Glumac (interprétation). – Donc, on ne les envoyait même pas

6 sur la ligne de front ou dans une zone où il y aurait eu une offensive ?

7 M. Rajic (interprétation). – Non.

8 Mme Glumac (interprétation). – Autre chose. Vous connaissez

9 Mirjan et Zoran Kupreskic, n'est-ce pas ?

10 M. Rajic (interprétation). – Oui.

11 Mme Glumac (interprétation). – Quelle sorte de gens, de

12 personnes sont-ils ?

13 M. Rajic (interprétation). - Je connais Zoran depuis plus

14 longtemps, Mirjan depuis un peu moins longtemps que Zoran. Pour moi ce

15 sont de très bons amis, des collègues sympathiques, des bons collègues au

16 travail, des bons pères. Ce sont des types "bien", comme on dit. Et je

17 serais fier que l'on puisse dire de moi-même ou de mes enfants, ou de mon

18 enfant, que je suis ou qu'il est un type bien.

19 Mme Glumac (interprétation). – Merci, Monsieur Rajic, j'en ai

20 fini de mon interrogatoire, merci.

21 M. le Président (interprétation). – Merci.

22 Y a-t-il des questions supplémentaires de la part de

23 Maître Radovic ?

24 M. Radovic (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

25 Quelques questions seulement.

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1 Vous nous avez dit que Zoran et Mirjan Kupreskic sont des gens

2 "bien". A partir de quoi pouvez-vous nous dire cela ?

3 M. Rajic (interprétation). - J'ai déjà dit que je connais Zoran

4 depuis plus longtemps que Mirjan, nous avons travaillé ensemble. Et nous

5 avons toujours eu des relations très justes. Et puis je le connaissais

6 personnellement parce que Zoran appartenait à un groupe folklorique, une

7 association culturelle. C'était un homme qui travaillait avec les enfants

8 et nous, cela nous faisait plaisir de voir nos enfants participer à une

9 association très saine qui permettait que les enfants ne traînent pas dans

10 les rues.

11 M. Radovic (interprétation). – Donc, vous nous parlez de Zoran ?

12 M. Rajic (interprétation). – Oui, je vous parle de Zoran.

13 M. Radovic (interprétation). – Pourriez-vous également parler de

14 Mirjan, car vous parlez des deux séparément mais j'aimerais que vous

15 parliez des deux.

16 M. Rajic (interprétation). – Oui. Mais je vais parler dans cet

17 ordre, d'abord de l'un et ensuite de l'autre.

18 M. Radovic (interprétation). – Bon alors Mirjan ?

19 M. Rajic (interprétation). – Souvent, on passait du temps

20 ensemble, on jouait de l'accordéon, on chantait. C'était un homme calme

21 qui aime bien que les gens soient à l'aise, que les gens soient contents.

22 Et puis, c'est un homme qui travaillait dur.

23 M. Radovic (interprétation). - Donc, je voudrais savoir si son

24 attitude était différente quand il s'adressait à des gens d'un groupe

25 ethnique ou religieux différent. Je ne sais même plus quel terme employer

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1 quand on parle de cela. Mais se conduisait-il différemment quand il

2 s'adressait à des Musulmans ?

3 M. Rajic (interprétation). - Là, vous me parlez de quelque chose

4 à laquelle moi-même et à laquelle eux-mêmes ne pensaient même pas à ce

5 moment-là.

6 Lorsqu'on assistait à des danses folkloriques, on regardait les

7 gens danser, et je savais très bien que Mirjan, Zoran et les autres, tout

8 le monde dansait, c'est tout. Et puis moi, tout comme les autres, on ne

9 faisait absolument aucune différence entre les gens qui dansaient, leur

10 origine serbe, croate ou autre.

11 M. Radovic (interprétation). - Et après les élections, lorsque

12 les partis nationaux ont gagné la majorité, est-ce que des tentatives ont

13 été faites pour dissoudre cette association culturelle, pour créer des

14 associations distinctes ?

15 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas.

16 M. Radovic (interprétation). - Je voudrais savoir. A votre

17 connaissance, les frères Kupreskic, quelle sorte de personnes sont-ils ?

18 S'agit-il de personnes qui seraient capables de tuer d'autres personnes,

19 de tuer des enfants, de faire des choses de ce genre ?

20 M. Rajic (interprétation). - Je suis intimement persuadé qu'ils

21 sont incapables de faire cela.

22 M. Radovic (interprétation). – Merci.

23 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Radovic.

24 Puisqu'il apparaît clairement que nous ne pourrons pas finir

25 l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui, je voudrais demander à

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1 Maître Pavkovic si d'autres conseils de la défense désirent poser des

2 questions supplémentaires au témoin ?

3 M. Pavkovic (interprétation). – Non, Monsieur le Président, les

4 autres représentants de la défense n'ont pas l'intention de poser des

5 questions supplémentaires au témoin.

6 M. le Président (interprétation). – Monsieur le Procureur, de

7 combien de temps aurez-vous besoin pour votre contre-interrogatoire ? Non,

8 nous ne pouvons pas de toute façon, il ne nous reste que sept minutes.

9 M. Terrier. – Sept minutes ne suffiront pas.

10 M. le Président (interprétation). – Nous allons donc reprendre

11 les débats le 8 février, le lundi 8 février, à 9 heures précises et nous

12 poursuivrons l'interrogatoire de M. Rajic comme témoin.

13 Nous allons donc maintenant lever l'audience.

14 L'audience est levée à 13 heures 25.

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