Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mardi 4 Mai 1999

  4   L'audience est ouverte à 9 heures.

  5   Audience à huis clos

  6   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

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 12    Pages 8570 à 8604 – expurgées – audience à huis clos.

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 21   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.) (Audience publique)

 22   M. le Président (interprétation). – Je crois que notre témoin

 23   suivant n'est pas protégé : c'est Mme Ajanovic. Excusez-moi, je ne me

 24   souviens pas qui doit examiner ce témoin.

 25   Mme Glumac (interprétation). – C'est moi qui vais poser des


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  1   questions au témoin. Puis, Me Radovic.

  2   M. Pavkovic (interprétation). – Moi aussi, Monsieur le

  3   Président, je vais interroger le témoin.

  4   M. le Président (interprétation). – L'examen principal sera fait

  5   par Me Glumac et ensuite, si c'est nécessaire, par Me Radovic et

  6   Me Pavkovic.

  7   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président ?

  8   M. le Président (interprétation). - Oui.

  9   M. Pavkovic (interprétation). - Moi aussi, j'ai proposé

 10   d'interroger ce témoin en tant que témoin de la défense de Vlado Santic,

 11   donc moi-même je souhaiterais procéder à l'interrogatoire principal de ce

 12   témoin et non pas au contre-interrogatoire.

 13   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai la

 14   même proposition, c'est-à-dire d'interroger le témoin directement, à moins

 15   que Me Slokovic-Glumac pose toutes les questions que, moi, j'aurais

 16   souhaité poser aussi.

 17   M. le Président (interprétation). - Mais alors sous forme de

 18   contre-interrogatoire, c'est-à-dire que vous ne pouvait pas réexaminer le

 19   témoin après le contre-interrogatoire du Procureur.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Permettez-moi, Monsieur le

 21   Président, nous avons fait une proposition ensemble, proposant

 22   d'interroger, tous ensemble, ce témoin dans le cadre de l'interrogatoire

 23   principal. Je ne me souviens pas de la date exacte à laquelle nous avons

 24   soumis cette demande, mais cela a été une demande conjointe de moi-même et

 25   de Me Radovic.


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  1   Auparavant, nous avons déjà eu l'occasion d'interroger le témoin

  2   ensemble et je suppose qu'en ce qui concerne ce témoin-là nous pouvons

  3   disposer du même droit.

  4   M. le Président (interprétation). - Bien entendu, nous

  5   n'entendons pas du tout empiéter sur vos droits ou les limiter, mais vous

  6   comprenez bien que cela va nettement

  7   prolonger la procédure. Il se peut également que le (expurgée) ne

  8   puisse venir que vendredi.

  9   Donc nous avons donc beaucoup de contraintes de temps. J'espère

 10   que vous tiendrez compte de la nécessité de conduire cette procédure de la

 11   façon la plus rapide possible.

 12   Nous aurons une suspension d'audience à

 13   11 heures 15 pour 30 minutes.

 14    (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 15   M. le Président (interprétation). - Madame Ajanovic, bonjour.

 16   Mme Ajanovic (interprétation). - Je n'entends pas. Bonjour.

 17   M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous entendez

 18   maintenant ?

 19   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

 20   M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous faire la

 21   déclaration solennelle, s'il vous plaît ?

 22   Mme Ajanovic (interprétation). - Je déclare solennellement que

 23   je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous

 25   pouvez-vous asseoir, Madame.


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  1   (Le témoin s'exécute.)

  2   Maître Slokovic-Glumac va commencer l'interrogatoire pour cinq

  3   minutes seulement.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  5   Bonjour Madame Ajanovic. Veuillez nous dire quelle est votre

  6   date de naissance, où vous vivez et quel est votre métier.

  7   Mme Ajanovic (interprétation). - Je suis née à Zenica, en

  8   Bosnie-Herzégovine, le 15 septembre 1953. Je vis encore aujourd'hui à

  9   Zenica. J'ai travaillé dans plusieurs tribunaux pendant 16 ans et depuis

 10   1994, je travaille comme avocat.

 11   Mme Glumac (interprétation). - En ce moment, vous exercez votre

 12   métier d'avocat à Zenica ?

 13   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, à Zenica.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Où travailliez-vous en 1993 ?

 15   Mme Ajanovic (interprétation). - En 1993, je travaillais pour la

 16   Haute Cour de Zenica, en tant que juge. Il s'agit d'une cour qui a une

 17   compétence de première et de deuxième instances. Et à cette époque-là,

 18   cette cour était compétente pour douze municipalités, en première et

 19   deuxième instances. Est-ce que vous voulez que je vous donne plus de

 20   précisions ?

 21   Mme Glumac (interprétation). - Il existait un département civil

 22   et un département pénal dans cette cour, n'est-ce pas ?

 23   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et vous étiez employée dans quel

 25   département de cette cour, en 1993 ?


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  1   Mme Ajanovic (interprétation). - Jusqu'au mois de

  2   septembre 1993, je travaillais dans le département civil, en tant que

  3   juge, dans le cadre des affaires de deuxième instance. J'étais également

  4   chargée de l'enregistrement de sociétés.

  5   En tant que juge dans le département civil, de temps en temps,

  6   j'étais membre de la Chambre pénale. Donc, de temps en temps, je faisais

  7   partie de la Chambre constituée de cinq juges, pour les délits plus

  8   graves. Ce fut la situation jusqu'à l'automne 1993. A partir de

  9   septembre 1993, j'étais employée dans le département pénal, en tant que

 10   juge d'instruction.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Dans le système valable à

 12   l'époque, les qualifications du juge pénal et du juge d'instruction...

 13   Vous avez également parlé de votre poste dans le cadre de la cour -chez

 14   nous, en Croatie, c'est la cour économique, une autre cour, qui s'en

 15   occupe- mais est-ce que les compétences des juges, dans les deux domaines,

 16   étaient nécessairement les mêmes ?

 17   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, les compétences devaient

 18   être les mêmes, les qualifications devaient être les mêmes, quel que soit

 19   le travail de cette personne.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'en 1993, vous

 21   avez été chargée des enquêtes pénales. Mais était-ce seulement en tant que

 22   juge d'instruction, ou bien aussi en tant que juge de la Chambre de

 23   première instance ou de la Chambre d'appel ?

 24   Mme Ajanovic (interprétation). - En 1993, j'ai travaillé en tant

 25   que juge d'instruction, mais j'ai continué à faire partie de la Chambre


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  1   constituée de cinq juges. Mais je n'étais pas présidente de Chambre en

  2   1993.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez,

  4   s'il vous plaît, d'une enquête dont le numéro de référence est KI-

  5   2.9.9/93 ?

  6   Mme Ajanovic (interprétation). - Je me souviens de cette

  7   enquête. Cela dit, les numéros de référence, les numéros d'affaires, je

  8   dois avouer que je ne les considérais pas comme étant tellement

  9   importants. Donc je ne m'en souvenais pas nécessairement. Mais étant donné

 10   que nous sommes ici aujourd'hui, je les reconnais et je sais qu'il s'agit

 11   là de l'enquête menée sur les crimes commis dans le village d'Ahmici, dans

 12   la région, la municipalité de Vitez.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Peut-être pourrions-nous procéder

 14   à la pause maintenant pour ne pas interrompre la partie suivante de sa

 15   déposition.

 16   M. le Président (interprétation). - Très bien. Trente minutes.

 17   L'audience, suspendue à 10 heures 45, est reprise à

 18   11 heures 20.

 19   M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac ?

 20   Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 21   Est-ce-que vous pouvez dire aux Juges qui est responsable de

 22   l'enquête dans notre système ?

 23   Mme Ajanovic (interprétation). - Dans le système de Bosnie-

 24   Herzégovine, la personne responsable de l'enquête est le juge

 25   d'instruction. Il y a plusieurs types de cour : la cour municipale et


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  1   maintenant les cours cantonales, celles qu'on appelait avant les cours de

  2   deuxième instance ou les hautes cours. Dans ces cours-là, les juges

  3   d'instruction mènent l'enquête de manière indépendante.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Donc l'unique personne chargée de

  5   l'enquête est le juge d'instruction ?

  6   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Et les témoins sont également

  8   interrogés dans le cas de l'enquête, n'est-ce pas ?

  9   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelque autre personne

 11   que ce soit peut interroger un témoin de telle manière que cette

 12   déclaration a du poids pendant le procès ?

 13   Mme Ajanovic (interprétation). - C'est uniquement le juge

 14   d'instruction qui interroge le témoin.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Concernant cette procédure de

 16   prise de déclaration ou d'interrogatoire du témoin, s'agit-il là d'une

 17   procédure strictement  formalisée, strictement formelle ?

 18   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, il s'agit d'une procédure

 19   strictement formelle qui est décrite dans le cadre de la loi, c'est-à-dire

 20   dans le cadre du Code pénal.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que les comptes rendus de

 22   l'interrogatoire, des entretiens, avec les témoins ont la force de preuve

 23   dans le cadre du procès, suite à la mise en accusation ?

 24   Mme Ajanovic (interprétation). - J'ai besoin d'un peu plus de

 25   temps pour expliquer cela.


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  1   Les témoins sont interrogés dans le cadre de l'enquête et ces

  2   interrogatoires et d'autres pièces à conviction servent au juge, qui prend

  3   sa décision de mettre la personne en accusation ou pas. Mis à part cela,

  4   les comptes rendus ont effectivement une certaine valeur de preuve dans le

  5   cadre du procès.

  6   Par la suite, pendant le procès, tous les témoins sont ré-

  7   interrogés, donc de nouveau. Si le témoin ne se souvient pas de la

  8   déclaration qu'il a donnée dans le cadre de l'enquête, le compte rendu lui

  9   est montré pour rafraîchir sa mémoire. Dans le cas où le témoin changerait

 10   sa déposition, donc il ne s'agit plus de la situation où le témoin ne se

 11   souvient pas, mais maintenant il dit autre chose : dans ce cas-là, la

 12   question est posée au témoin de savoir pour quelle raison sa déposition

 13   diffère de celle donnée auparavant. C'est à ce moment-là qu'on lui

 14   présente le compte rendu de la déclaration faite auparavant.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Pendant le procès, est-ce qu'on

 16   introduit dans le compte rendu uniquement les parties du témoignage du

 17   témoin qui comportent une différence, conformément à la loi ?

 18   Mme Ajanovic (interprétation). - Ce qui est introduit dans le

 19   compte rendu dans le cadre du procès, c'est la déposition du témoin donnée

 20   directement dans le cadre du procès. Donc ce ne sont pas uniquement les

 21   différences qui sont introduites dans le compte rendu, mais tout ce qui

 22   est dit.

 23   Cela dit, si la déposition du témoin, donnée dans le cadre du

 24   procès, est complètement identique à ce que le témoin avait déjà

 25   affirmé dans le cadre de l'enquête, dans ce cas-là, ses déclarations


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  1   préalables ne doivent pas être introduites dans le compte rendu.

  2   Mais je souhaite ajouter autre chose ; je n'ai pas terminé ma

  3   réponse à votre question précédente.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous, s'il vous plaît.

  5   Mme Ajanovic (interprétation). - Les comptes rendus des

  6   interrogatoires du témoin, effectués dans le cadre de l'enquête, peuvent

  7   être utilisés en tant que preuves dans le procès dans un certain nombre de

  8   cas. Tel est le cas si, entre-temps, le témoin est mort, s'il souffre

  9   d'une maladie mentale et s'il est inaccessible pour la cour, c'est-à-dire

 10   si la cour ne peut pas le localiser, ni le contacter donc.

 11   En ce qui concerne un certain nombre de personnes, qui ne sont

 12   pas obligées de témoigner, comme, par exemple, l'époux, l'épouse de

 13   l'accusé, la famille la plus proche, tous les membres de la famille ;

 14   ensuite, les enfants et les parents adoptifs, les prêtres qui connaissent

 15   les secrets de l'accusé. Si ces personnes-là sont contactées pour venir

 16   témoigner et s'ils refusent de témoigner dans le procès, dans ce cas-là,

 17   les comptes rendus de leurs interrogatoires ne peuvent pas être utilisés.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Ceci est moins

 19   important pour nous. Lorsque vous avez dit que, dans certains cas, le

 20   compte rendu qui a été établi par le Juge d'instruction peut être utilisé

 21   comme pièce à conviction et puis, lorsque vous avez dit qu'il s'agissait

 22   là de comptes rendus qui ont été faits par le Juge et qu'il s'agissait de

 23   la situation où entre-temps le témoin meurt ou le témoin tombe malade

 24   d'une maladie mentale, est-ce que -j'ai une autre une autre question à

 25   poser-, c'est-à-dire les personnes qui refusent de témoigner dans le


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  1   procès, est-ce que leurs déclarations préalables peuvent être utilisées en

  2   tant que pièces à conviction ?

  3   Mme Ajanovic (interprétation). - S'il s'agit des personnes que

  4   j'ai énumérées, les personnes qui ne sont pas obligées de témoigner contre

  5   l'accusé tels que les parents les plus proches, etc., dans ce cas-là,

  6   leurs comptes rendus ne peuvent pas être utilisés. Mais si un témoin

  7   refuse de témoigner devant la Cour et s'il avait donné déjà une

  8   déclaration préalable dans le cadre de l'enquête, la Cour doit prendre la

  9   situation en considération afin d'établir un rapport entre la déclaration

 10   préalable du témoin et d'autres pièces à conviction.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Je vous pose une question

 12   concrète : est-ce que la déclaration préalable du témoin qui refuse de

 13   témoigner dans le procès peut être utilisée ?

 14   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui, elle est utilisée.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'on avertit les témoins

 16   qu'ils sont censés, qu'ils sont obligés de dire la vérité et qu'un faux

 17   témoignage constitue un délit ?

 18   Mme Ajanovic (interprétation). - Avant la déposition de chaque

 19   témoin, il est averti effectivement du fait que le faux témoignage

 20   constitue un délit, qu'il ne doit rien passer sous silence non plus, que

 21   ceci est considéré également comme un délit, et qu'il est susceptible

 22   d'être traîné en justice et d'être sanctionné par l'emprisonnement. Aucun

 23   juge ne commence à interroger le témoin avant de l'avertir de cela.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Au moment où vous avez mené votre

 25   enquête sur cette affaire KI-2.2.9/93, est-ce que vous avez employé cette


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  1   même pratique ? Est-ce que vous avez averti chacun de ces témoins ?

  2   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, j'ai averti chacun de ces

  3   témoins. C'est une pratique qui est devenue tellement une routine pour moi

  4   que c'est inimaginable que je le fasse sans avertir le témoin.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Et qui a rendu publique la

  6   décision concernant l'enquête, la décision de mener l'enquête ? C'était

  7   vous ou bien un autre juge d'instruction ?

  8   Mme Ajanovic (interprétation). - Je me souviens, c'était mon

  9   collègue. Est-ce que je vais dire son nom ?

 10   Mme Glumac (interprétation). - Oui.

 11   Mme Ajanovic (interprétation). - C'était Hasagic Mensur. Et si

 12   je me souviens bien, il a interrogé deux ou trois témoins. C'est moi qui

 13   suis devenu responsable de l'affaire par la suite et j'ai continué à

 14   interroger les autres témoins qui ont été proposés dans le cadre de la

 15   demande d'enquête soumise à la Cour par le Procureur général.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Et la décision de mener l'enquête

 17   a été prise à l'encontre de qui ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

 18   Mme Ajanovic (interprétation). - Je ne me souviens pas de tous

 19   les noms étant donné que j'ai été chargée de cette affaire en 1993 et

 20   pendant une partie de l'année 1994. Et au moment où je partais de la Cour,

 21   je n'ai pas pris avec moi et chez moi quelque document que ce soit, étant

 22   donné qu'il ne s'agit pas là d'une pratique habituelle.

 23   Mais voici les noms dont je me souviens : Dario Kordic,

 24   Tihomir Blaskic, Ignaz Skotroman; Pero Skopljak, Cerkez -je ne me souviens

 25   pas de son prénom-, les Kupreskic, je ne me souviens pas s'il y avait deux


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  1   ou trois personnes ni les prénoms. En ce moment, je le sais, mais mes

  2   souvenirs ne se réfèrent pas à ces noms-là, à ces prénoms-là. Ensuite les

  3   Santic, Bralo, Krajevic, Papic. Voici les noms dont je me souviens en ce

  4   moment.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de

  6   la liste, du dossier juridique ? Est-ce que les dossiers de la police ou

  7   bien les dossiers de la sécurité, du service de sécurité nationale

  8   faisaient partie également du dossier juridique ?

  9   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui, tout fait partie du

 10   dossier juridique. Tout d'abord, il y a la plainte déposée par le

 11   ministère de l'Intérieur, accompagnée des déclarations des personnes qui

 12   ont eu des entretiens d'information avec les officiels du ministère de

 13   l'intérieur. A cause de tout cela, le Procureur général a constaté qu'il

 14   existait un doute raisonnable, que ces personnes ont effectivement commis

 15   le crime ou le délit. Suite à cela, le Procureur a rédigé et signé un

 16   document que l'on appelle demande d'enquête et tous ces documents sont

 17   remis à la Cour. Tous ces documents font partie d'un même dossier.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Et tous ces documents se trouvent

 19   dans ce dossier que vous avez mentionné et qui porte le chiffre KI-

 20   2.2.9/93.

 21   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui. Tous ces dossiers-là

 22   faisaient partie du dossier KI-2.2.9/93.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Comment avez-vous cité les

 24   témoins à la barre ?

 25   Mme Ajanovic (interprétation). - Nous parlons donc maintenant de


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  1   la fin de l'automne et hiver 1993-1994. C'était la guerre en Bosnie. Bien

  2   sûr à Zenica aussi c'était la guerre. Les conditions de vie étaient très

  3   difficiles, nous n'avions pas suffisamment d'électricité, souvent nous

  4   n'avions pas d'eau, nous n'avions pas de carburant pour nos voitures. Nous

  5   avions beaucoup trop de réfugiés dans la ville et autour de la ville.

  6   Concernant ces réfugiés, il était difficile de savoir quelle

  7   était leur adresse exacte. J'ai adressé plusieurs lettres par courrier à

  8   des personnes dont les adresses figuraient dans la demande du Procureur

  9   général. En ce qui concerne certaines autres personnes, les adresses

 10   n'étaient pas indiquées. Dans de telles situations, j'ai pu bénéficier de

 11   l'aide d'un employé du ministère de l'Intérieur qui était chargé de se

 12   rendre dans les villages autour de Zenica afin de se renseigner sur

 13   l'endroit où vivaient les témoins.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Et cette personne réussissait à

 15   vous faire venir les témoins ?

 16   Mme Ajanovic (interprétation). - Parfois cette personne faisait

 17   venir les témoins mais dans la plupart des cas elle laissait un message

 18   pour les témoins leur disant qu'ils pouvaient se rendre à la Cour. Ces

 19   personnes se déplaçaient à pied, sans voiture. Pour ce qui est de certains

 20   témoins qui se rendaient chez nous, je leur demandais de bien vouloir me

 21   dire où se trouvaient les autres et de bien vouloir leur transmettre le

 22   message qu'il fallait qu'ils viennent. Le résultat en était

 23   qu'effectivement eux-mêmes parfois venaient tous seuls après avoir reçu

 24   ces messages.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Après l'arrivée d'un témoin à la


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  1   Cour, est-ce que vous preniez leurs coordonnées ?

  2   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, je prenais leurs

  3   coordonnées.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Et ces coordonnées figurent dans

  5   les formulaires qui étaient remplis au moment de l'interrogatoire du

  6   témoin ?

  7   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui. Les courriers étaient

  8   établis avec beaucoup de patience. D'abord on a expliqué pourquoi ils

  9   étaient convoqués, on leur lisait les éléments de l'accusation, je donnais

 10   la liste des noms, je lisais la brève explication du Procureur expliquant

 11   pourquoi cette instance avait été introduite. Ensuite, je demandais au

 12   témoin de me dire tout ce qu'il ou elle savait des événements qui étaient

 13   survenus dans son village entre le 15 avril, même auparavant, et ensuite.

 14   Ils racontaient leur récit, je les interrompais de temps à autre

 15   afin de dicter pour le procès-verbal leur déclaration. Ils étaient assis

 16   devant moi à environ deux mètres. C'était une pièce d'environ 12 mètres

 17   carrés de surface.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Ils vous entendaient donc dicter

 19   les comptes rendus ?

 20   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui. J'écrivais ce qu'ils me

 21   disaient au crayon. En fait ils me dictaient leur déclaration et de temps

 22   en temps je leur demandais de ralentir ou de s'arrêter pour que je puisse

 23   tout écrire. Ensuite, je dictais moi-même le compte rendu à la personne

 24   qui dactylographiait, qui était assise à ma gauche.

 25   Chaque témoin me regardait et m'écoutait. A la fin de la dictée,


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  1   quand le compte rendu était terminé, le témoin devait lire le procès-

  2   verbal et le signer.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que la signature du compte

  4   rendu ou du procès-verbal suivait immédiatement la dictée ou y avait-il un

  5   moment entre les deux ?

  6   Mme Ajanovic (interprétation). - Non, tout cela se passait de

  7   manière continue dans le même bureau. Le témoin ne quittait pas le bureau

  8   avant d'avoir lu le procès-verbal et l'avoir signé.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Et vous étiez présente au moment

 10   de la signature ?

 11   Mme Ajanovic (interprétation). - Je leur donnais le procès-

 12   verbal et je leur demandais de signer.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'ils signaient chaque

 14   page ou seulement la dernière page du procès-verbal ?

 15   Mme Ajanovic (interprétation). – Le procès-verbal était rédigé

 16   sur deux pages format A5. Donc c'était une page de papier qui était en

 17   fait doublée, pliée en deux. Si la déclaration était telle qu'il fallait

 18   continuer sur la troisième page,… Mais si cela tenait sur une seule page,

 19   la signature était sur cette page.

 20   Mme Glumac (interprétation). – Donc chaque feuille de papier

 21   était signée en fait ?

 22   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui.

 23   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous avez, vous aussi,

 24   signé le procès-verbal ? Et la personne qui l'avait dactylographié aussi ?

 25   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui. Nous signons tous :


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  1   c'était la procédure habituelle pour toutes les procédures non seulement

  2   pénales mais au civil également.

  3   Mme Glumac (interprétation). – La signature du témoin signifie

  4   donc que le témoin a fait la déclaration. Est-ce que cela signifie aussi

  5   que témoin est d'accord sur le contenu du procès-verbal ?

  6   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui.

  7   Mme Glumac (interprétation). – Pourriez-vous nous dire si vous

  8   vous souvenez du nombre de témoins que vous avez vus et interrogés dans

  9   cette affaire ?

 10   Mme Ajanovic (interprétation). – J'ai interrogé entre vingt et

 11   trente témoins. Vraiment, je ne peux pas me souvenir plus précisément. En

 12   fait, je regrette de n'avoir pas noté cela et emporté ces notes parce que

 13   cela fait cinq ans que je ne travaille plus au Tribunal et je ne suis pas

 14   retournée pour vérifier cela avant de venir ici.

 15   Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous avez terminé

 16   l'enquête dans cette affaire ?

 17   Mme Ajanovic (interprétation). – Non. En fait, je l'ai faite en

 18   partie, mais je sais que l'enquête a continué après. En fin janvier, j'ai

 19   établi que je ne pouvais pas retrouver davantage de témoins et j'ai pensé

 20   qu'il fallait en informer le Procureur général et, en même temps, les

 21   témoins qui ont fait leur déposition, qui ont donné des informations, qui

 22   nous ont mis sur la piste d'autres noms, des noms qui ne figuraient pas

 23   dans la commission d'enquête, qui m'avaient été donnés.

 24   Selon la procédure, le Juge d'instruction, dans tous les cas,

 25   doit informer le Procureur général de ce genre de situation et s'en


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  1   remettre à lui de décider s'il y a lieu de faire convoquer ces autres

  2   personnes et de faire enquête sur des crimes nouveaux. C'est pour cela que

  3   j'ai rendu cette affaire au Procureur pour qu'il puisse prendre une

  4   décision, qu'il puisse décider s'il y avait lieu d'élargir l'enquête,

  5   d'élargir l'instruction pour y inclure ces autres personnes.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Sur la base de quelle déposition

  7   est-ce que cela s'est produit ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

  8   Mme Ajanovic (interprétation). – (expurgée)

  9   (expurgée). Je crois qu'il y a eu d'autres déclarations, d'autres

 10   dépositions aussi. Mais, en fait, vraiment, je ne me souviens pas

 11   tellement dans les détails. Parce que c'est dans les dossiers. J'ai donc un

 12   dossier qui existe ; c'est son objet.

 13   Mme Glumac (interprétation). – Très bien. Une question

 14   générale, maintenant : est-ce qu'une enquête est obligatoire pour tout

 15   crime, pour toute infraction pour laquelle la loi prévoit une peine de

 16   prison de cinq ans ou davantage, d'après le Code de Procédure pénale.

 17   Répondez par l'affirmative ou la négative, simplement.

 18   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui.

 19   Mme Glumac (interprétation). – Je vous remercie. Je voudrais

 20   maintenant avoir une partie de mon examen principal à huis clos, car il

 21   s'agit d'un témoin protégé. Donc huis clos partiel, je demande un huis

 22   clos partiel.

 23   M. le Président (interprétation). - Oui.

 24                                         (audience à huis clos

 25   partiel)


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 12   Pages 8622 à 8629 - expurgées – audience à huis clos partiel.

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 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19                                        (audience publique)

 20   M. Pavkovic (interprétation). – Donc, à partir du mois de

 21   septembre 1993, vous êtes juge d'instruction ?

 22   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui.

 23   M. Pavkovic (interprétation). – Pouvons-nous conclure, d'après

 24   ce que vous dites de votre expérience au cours de ces différentes missions

 25   et de votre expérience du pénal, que vous êtes une personne compétente


Page 8631

  1   pour discuter des affaires pénales ?

  2   Mme Ajanovic (interprétation). – J'ai passé l'examen de juge en

  3   1979. A cette époque, j'ai été qualifiée pour devenir à la fois juge et

  4   avocat dans toutes sortes d'affaires. Bien sûr, l'expérience aide chacun

  5   d'entre nous. Et mes collègues qui ont plus d'expérience sur un type

  6   d'affaire connaissent plus de choses que moi-même. Mais il y a aussi des

  7   collègues qui commencent à travailler et, au début de leur carrière, ils

  8   sont plus compétents que ceux qui travaillent depuis longtemps : il s'agit

  9   d'une affaire personnelle.

 10   J'estime que, pour le travail de juge d'instruction, j'ai été

 11   parfaitement qualifiée. Concernant le travail de juge président de la

 12   Chambre pénale, je n'ai pas souhaité exercer cette fonction. Tout d'abord,

 13   parce que je suis une personne très émotive je ne voulais pas prendre

 14   cette fonction. Donc je suis devenue avocate.

 15   M. Pavkovic (interprétation). – J'ai compris la délicatesse de

 16   cette question.

 17   Mme Ajanovic (interprétation). – Je peux y ajouter que, quand on

 18   interroge un témoin devant un Tribunal, pour juge comme moi, c'est une

 19   affaire de routine. J'ai interrogé 3 000 ou 4 000 témoins auparavant, dans

 20   d'autres affaires. Et c'est quelque chose de très simple. Donc il n'y

 21   avait pas de raisons pour que je ne sache pas le faire.

 22   M. Pavkovic (interprétation). - Merci. Dans l'affaire KI-2.9/93,

 23   vous avez entendu entre 20 et 30 témoins ?

 24   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui, plutôt 20 que 30, mais je

 25   ne connais pas le nombre exact.


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  1   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

  2   voudrais passer à huis clos partiel, car je voudrais prononcer le nom du

  3   témoin protégé.

  4   M. le Président (interprétation). - Il en est ainsi décidé.

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  7   partiel)

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 12   Pages 8633 à 8634 – expurgées – audience à huis clos partiel.

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  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10                                         (audience publique)

 11   M. Radovic (interprétation). - Quand on a écrit ce compte rendu

 12   le 17 décembre 1993, quel était le Code de Procédure pénale en vigueur

 13   dans la République de Bosnie-Herzégovine ?

 14   Mme Ajanovic (interprétation). - Au début de la guerre, en

 15   Bosnie-Herzégovine, un grand nombre de lois de l'ex-République fédérative

 16   socialiste de Yougoslavie avaient été gardées par la République de Bosnie-

 17   Herzégovine. C'est la présidence de Bosnie-Herzégovine qui en a décidé

 18   ainsi par une décision qui avait été publiée dans la Gazette officielle

 19   2/92. Plus tard, ces lois, dans la Gazette officielle 13/94 avaient été

 20   confirmées en tant que lois. C'étaient devenues des lois qui étaient en

 21   vigueur. Parmi ces lois, que l'on a gardées de l'Etat précédent, était le

 22   Code de Procédure civile. Certaines parties de ce code ont été changées,

 23   c'est surtout tout ce qui se référait aux termes : socialiste, fédérative,

 24   etc.. Ces choses-là avaient donc été changées.

 25   M. Radovic (interprétation). - Oui, ce sont des détails mais la


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  1   loi est la même. La raison pour laquelle je vous pose cette question est

  2   de savoir si les droits de quiconque et surtout des accusés avaient été

  3   diminués par rapport au Code de Procédure pénale ? Cela a-t-il été changé

  4   à cause de l'état de guerre ?

  5   Mme Ajanovic (interprétation). - Non, le Code de Procédure

  6   pénale est resté le même sauf que l'on a changé les droits d'appel.

  7   M. Radovic (interprétation). - Tout le reste est donc resté

  8   pareil ?

  9   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui. La seule chose que l'on a

 10   enlevée c'est le droit de faire appel. Tout le reste est resté pareil.

 11   M. Radovic (interprétation). - Au moment où on a fait ce procès-

 12   verbal, on dit qu'une procédure pénale est en cours, en accord avec

 13   l'article défini par l'article 141 de la loi de Bosnie-Herzégovine. De

 14   quel crime s'agit-il ?

 15   Mme Ajanovic (interprétation). - Du génocide.

 16   M. Radovic (interprétation). - Quelle est la peine prévue ?

 17   Mme Ajanovic (interprétation). - Au moins 5 ans ou bien la mort.

 18   M. Radovic (interprétation). - A cette époque, il existait

 19   encore la peine de mort en Bosnie-Herzégovine ?

 20   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

 21   M. Radovic (interprétation). - En ce qui concerne l'enquête, à

 22   la fin de l'enquête au moment où le Procureur général met la personne en

 23   accusation, qu'est-ce qui arrive au dossier qui a fait partie de

 24   l'enquête ? Est-ce que ce dossier d'instruction fait partie du dossier

 25   pénal ou bien est-ce que cela reste un dossier d'information dont le


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  1   Procureur général peut se servir ? Avez-vous compris la question ?

  2   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, j'attends la traduction.

  3   Oui, le dossier d'instruction fait partie du nouveau dossier et il porte

  4   le signe "KI" alors que le nouveau dossier porte le signe "KA". Donc, le

  5   dossier d'instruction fait partie de ce nouveau dossier.

  6   M. Radovic (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec moi

  7   pour dire que ce dossier d'instruction finit par faire partie du dossier

  8   pénal ?

  9   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

 10   M. Radovic (interprétation). - En ce qui concerne le dossier

 11   d'instruction, au moment où l'enquête est menée, est-ce que l'on y

 12   introduit chaque document que le juge d'instruction trouve dans le cadre

 13   de son enquête ?

 14   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui.

 15   M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'il y a une manière de

 16   sécuriser les documents pour qu'ils soient tous dans le dossier ou bien

 17   est-ce qu'il y a une autre sorte de système qui montrerait si oui ou non

 18   une partie du dossier manque ? Je ne sais pas si vous avez bien compris ma

 19   question. Je vous pose la question concernant la manière dont les

 20   documents sont numérotés dans ce dossier. Dites-nous quelque chose là-

 21   dessus ?

 22   Mme Ajanovic (interprétation). - La numérotation des documents

 23   est telle que le dernier document porte le numéro 1 et ensuite ils sont

 24   entassés l'un sur l'autre et collés par de la colle. Si jamais quelqu'un

 25   décollait les documents, on l'aurait remarqué, mais en principe ceci ne


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  1   doit pas se faire.

  2   M. Radovic (interprétation). - Oui, bien sûr. Il y a ce qui ne

  3   doit pas être fait et il y a ce qui est parfois fait peut-être. Mais

  4   dites-nous si chaque page du dossier comporte un numéro, est numérotée ?

  5   Mme Ajanovic (interprétation). - Dans la couverture du dossier,

  6   à gauche, à l'intérieur, il y a la liste de tous les documents et les

  7   nombres des documents sont indiqués. Normalement chaque page devrait être

  8   indiquée. Je dois avouer cela dit que parfois ce n'est pas le cas.

  9   M. Radovic (interprétation). - Mais de toute façon il y a cette

 10   liste ?

 11   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, il y a toujours une liste

 12   et ceci est d'ailleurs conforme au règlement de fonctionnement des Cours

 13   qui sont très claires à ce sujet.

 14   M. Radovic (interprétation). - Et en ce qui concerne ce dossier

 15   KI-2.2.9/93, est-ce que vous savez ce qui est arrivé à ce dossier, à la

 16   fin ? Il est vrai que ceci s'est produit après votre départ de la Cour ?

 17   Mme Ajanovic (interprétation). - Je suppose que cela a été remis

 18   ici.

 19   M. Radovic (interprétation). - Vous supposez que le dossier se

 20   trouve maintenant dans ce Tribunal international pénal ?

 21   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, c'est ce que je suppose.

 22   Je n'ai jamais posé la question concrète mais d'après certaines

 23   conversations officieuses lorsque j'allais dans la Cour, j'ai appris que

 24   le dossier était en cours de traduction en anglais et j'ai conclu que l'on

 25   se préparait à l'envoyer à La Haye.


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  1   M. Radovic (interprétation). - Vous parlez du dossier complet ?

  2   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, je suppose que le dossier

  3   complet se trouve ici. Mais je souhaiterais voir, si possible, toutes les

  4   déclarations que j'ai prises pour pouvoir confirmer que c'était moi qui

  5   les ai prises et signées. Peut-être que cela n'est pas important pour

  6   vous, mais je crois que cela peut être important pour les Juges.

  7   M. Radovic (interprétation). - Dans le procès-verbal d'une

  8   personne que nous avons mentionnée tout à l'heure mais que nous n'allons

  9   pas mentionnée maintenant, étant donné que ceci est une audience publique,

 10   dans ce procès-verbal, donc, pris le 17 décembre 1994, est-ce que le

 11   Procureur de ce Tribunal... Concernant ce procès-verbal, est-ce qu'un

 12   procureur de ce Tribunal a eu un entretien à ce sujet ? Mais, s'il vous

 13   plaît, ne mentionnez pas le nom de la personne.

 14   Mme Ajanovic (interprétation). - En automne... (inaudible)... un

 15   homme est venu du Tribunal pénal international de La Haye. Il a souhaité

 16   que je lui explique de quelle manière j'ai mené l'enquête ainsi que toute

 17   la procédure. Il a souhaité entendre des détails à ce sujet. J'ai raconté,

 18   pendant 15 ou 20 minutes, comment j'ai fait. Je lui ai demandé si c'était

 19   cela qu'il voulait savoir, il a répondu que c'était exactement cela qui

 20   l'intéressait. Ensuite, nous sommes restés à discuter pendant deux ou

 21   trois heures. Cela dit, cette personne ne m'a pas montré le procès-verbal

 22   qui vous intéresse, vous, mais le procès-verbal dont votre collègue a

 23   parlé.

 24   M. Radovic (interprétation). - Et la signature ?

 25   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, bien sûr, il s'agissait de


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  1   la signature de ce même procès-verbal.

  2   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que cette personne a

  3   souhaité savoir quelque chose concernant la manière dont ces procès-

  4   verbaux ont été signés ?

  5   Mme Ajanovic (interprétation). - Moi-même, je le disais... C'est

  6   vrai qu'il s'y intéressait. Cela dit, il n'y a pas de compte-rendu de

  7   procès-verbal officiel à ce sujet. Il prenait certaines notes.

  8   M. Radovic (interprétation). - Ce n'est pas la question que je

  9   vous pose. Je souhaite savoir ce qui l'intéressait, lui.

 10   Mme Ajanovic (interprétation). - Il voulait savoir comment j'ai

 11   accompli cette tâche. C'était à peu près le même genre de questions que

 12   vous posez vous-même : comment je travaillais, comment j'interrogeais les

 13   témoins.

 14   M. Radovic (interprétation). - Je suis content de savoir que

 15   nous avons les mêmes intérêts.

 16   Mme Ajanovic (interprétation). - Comment je me comportais avec

 17   les témoins... Voilà.

 18   M. Radovic (interprétation). - Dans la procédure, dans la phase

 19   de procès, s'il y a une grande différence entre la déclaration préalable

 20   et la déposition faite dans le cadre du procès, quelle est l'influence que

 21   cela a sur la crédibilité du témoin ?

 22   M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, s'agit-il

 23   d'une question pertinente ? Je ne pense pas que ceci soit pertinent pour

 24   nous. Nous ne sommes pas intéressés, en ce moment, par des procédures

 25   pénales en Bosnie-Herzégovine. Pour autant que je sache, il n'y a jamais


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  1   eu de procès concernant cette affaire. Donc quelle est la pertinence de

  2   votre question par rapport à ce qui se passe ici ?

  3   M. Radovic (interprétation). - Voici quelle est la pertinence.

  4   Tout d'abord, nous savons maintenant où se trouve le dossier d'instruction

  5   complet. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu de droit de regard dans

  6   ce dossier, c'est le procureur qui l'a. Ce qui fait que nous ne savons pas

  7   ce qui se trouve dans ce dossier, et cela dépend entièrement de la bonne

  8   volonté du Procureur qui décide si, oui ou non, quelque chose constitue

  9   les pièces à conviction, les éléments de preuve à décharge, ou pas.

 10   Effectivement, il nous a remis certaines pièces à conviction, certains

 11   éléments de preuve à décharge. Nous en sommes reconnaissants.

 12   M. le Président (interprétation). - Oui, mais nous parlons

 13   d'autre chose, maintenant. Je vous ai demandé quelle était la pertinence

 14   de votre question, lorsque vous avez mentionné la Procédure pénale en

 15   Bosnie-Herzégovine. Et ça, ce n'est pas une question pertinente. Et si,

 16   comme le témoin le dit, si prétendument le dossier se trouve ici, il

 17   s'agit d'une autre affaire. Vous pourrez l'aborder à un autre moment.

 18   Donc, maître Radovic, veuillez poser une autre question, s'il vous plaît.

 19   Passez à autre chose.

 20   M. Radovic (interprétation). - Maintenant j'ai perdu le fil.

 21   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi.

 22   M. Radovic (interprétation). - Le but de la question était tout

 23   simplement de recevoir la réponse que ceci influence la crédibilité du

 24   témoin, que l'on croit moins un témoin dont les déclarations diffèrent.

 25   C'est tout ce j'ai souhaité faire mais si vous ne voulez pas que l'on en


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  1   parle, je ne vais pas poser cette question. Merci beaucoup.

  2   M. le Président (interprétation). - Monsieur le Procureur ?

  3   M. Terrier. - Monsieur le Président, sur l'observation de

  4   Me Radovic...

  5   M. le Président. - Je crois que Me Radovic vient de terminer.

  6   M. Terrier. - Avez-vous terminé votre interrogatoire principal,

  7   Monsieur ?

  8   M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous avez terminé

  9   votre interrogatoire principal ?

 10   M. Radovic (interprétation). - Oui.

 11   M. Terrier. - Bonjour Madame le témoin, mon nom est

 12   Franck Terrier, je suis l'un des avocats de l'accusation. Je pense que

 13   vous savez que je vais vous poser un certain nombre de questions et je

 14   vais essayer d'être rapide.

 15   Vous nous avez dit tout à l'heure, madame, qu'après avoir été

 16   longtemps affectée à des fonctions civiles, vous avez, en septembre 1993,

 17   pris en charge des questions pénales. Vous êtes devenue juge

 18   d'instruction. Est-ce que c'est un acte de volonté de votre part ? Avez-

 19   vous souhaité devenir juge d'instruction ou est-ce que ceci vous a été

 20   demandé ?

 21   Mme Ajanovic (interprétation). - C'est le président de la Cour

 22   qui décide quel sera l'emploi exact annuel dans la Cour. Dans cette

 23   situation de guerre, non pas au début de l'année, mais disons vers le mois

 24   de septembre 1993, il a procédé à un redéploiement de personnel dans cette

 25   Cour et il m'a mutée à ce poste. Cela ne s'est pas produit sur mon


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  1   initiative. J'ai su qu'il a été obligé de le faire étant donné que

  2   l'ampleur du travail dans le département pénal grandissait sans cesse. Ils

  3   avaient besoin de plus de personnes et il considérait que j'étais

  4   quelqu'un de très compétent. C'est pour cela qu'il m'a confié cette tâche.

  5   M. Terrier. - Est-ce qu'en septembre 1993 vous avez été, à

  6   Zenica, le seul juge d'instruction ou est-ce qu'il y en avait d'autres ?

  7   Mme Ajanovic (interprétation). - Je n'étais pas le seul juge. Il

  8   va falloir que je compte. Il y avait encore 4 à 5 juges, pour la plupart

  9   des hommes. Il y avait une collègue plus âgée. Elle était chef du

 10   département pénal, elle était juge dans la Procédure pénale.

 11   M. Terrier. - A quel moment, si vous en avez le souvenir,

 12   Madame, avez-vous été chargée d'enquêter sur les crimes commis en

 13   avril 1993 à Ahmici ?

 14   Mme Ajanovic (interprétation). - J'ai été chargée de cette

 15   affaire au cours du mois de septembre. Il existe un registre dans la Cour,

 16   je ne me souviens pas de la date mais cette date existe dans ce registre.

 17   Au cours du mois d'octobre, si je me souviens bien, je n'ai pas contacté

 18   qui que ce soit, je n'ai pas convoqué les témoins mais je me préparais

 19   pour ce travail. Il a fallu attendre un certain temps pour envoyer les

 20   convocations et pour que les témoins les reçoivent étant donné que la

 21   poste fonctionnait avec de grandes difficultés aussi. Mais j'accomplissais

 22   également d'autres tâches dans le cadre de l'instruction, non pas

 23   seulement dans cette affaire-là mais des travaux réguliers. D'ailleurs,

 24   j'étais chargée de certaines autres questions et affaires qui

 25   intéressaient ce Tribunal à La Haye. Entre temps, les sentences ont été


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  1   rendues déjà, si je peux le dire, je ne sais pas si c'est pertinent ou

  2   pas. Je peux dire de quelles affaires il s'agissait mais je suppose que

  3   vous pouvez, vous, douter de qui je parle.

  4   M. Terrier. - Encore une question sur vos fonctions à l'époque.

  5   Est-ce que vous aviez à conduire d'autres enquêtes que celles se

  6   rapportant aux crimes d'Ahmici ? D'autres enquêtes pénales, en même

  7   temps ?

  8   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui. J'ai dû le faire. Il y

  9   avait beaucoup de travail à la Cour. Des délits, des crimes ont eu lieu

 10   dans notre région, des meurtres, des blessures graves, des vols. Moi,

 11   j'étais chargée de toutes ces procédures pénales régulières.

 12   M. Terrier. - Pour nous donner une idée de ce qu'était votre

 13   charge de travail à l'époque, est-ce que vous pouvez nous dire combien,

 14   approximativement, d'enquêtes vous deviez conduire en même temps ?

 15   Mme Ajanovic (interprétation). - Vu que c'était la guerre, la

 16   norme n'était pas importante. On demandait de la qualité, du travail, un

 17   travail honnête dans la Cour et ce n'est pas une obligation dans le sens

 18   de normes qui nous importait. Il est vrai que ces normes-là étaient

 19   importantes pour nous avant la guerre, durant cette période-là. On

 20   travaillait lentement, on faisait tout lentement.

 21   Je dois répéter : dans les conditions de guerre, dans lesquelles

 22   j'avais peur pour ma propre vie, j'allais au travail. Au moment où c'était

 23   l'alerte, signalée par des sirènes qui proclamaient le danger général, en

 24   ville -ce qui voulait dire que moi j'étais censée être dans un abri-

 25   cependant j'allais au travail étant donné que rien ne se passait. Mais


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  1   j'allais au travail sachant qu'il existe une telle possibilité.

  2   Et pendant ce temps, face à tous ces témoins, je devais

  3   représenter une sorte de sécurité, je devais être extrêmement concentrée,

  4   très forte, extrêmement solide pour qu'ils puissent croire qu'il existe

  5   encore quelqu'un et quelque chose chez nous, dans cette région, qui peut

  6   aboutir, permettre d'aboutir à la justice. Je signais des décisions

  7   concernant les emprisonnements, la détention. Tout fonctionnait

  8   normalement.

  9   M. Terrier. – Je comprends. Est-ce qu'on doit penser qu'à ce

 10   moment-là, en septembre et jusqu'à la fin de l'année 1993, vous avez été

 11   un enquêteur solitaire ? C'est-à-dire est-ce que vous étiez seule dans

 12   votre travail ou bien aviez-vous la possibilité de vous appuyer sur des

 13   policiers, sur d'autres juges, voire sur le Procureur ou ses

 14   collaborateurs ? Est-ce que vous étiez solitaire au aviez-vous la

 15   possibilité de vous appuyer sur d'autres personnes, comme des policiers ou

 16   des collègues juges ?

 17   Mme Ajanovic (interprétation). – Je n'ai eu aucun contact avec

 18   les policiers : ceci ne serait pas habituel. Concernant ce travail-là, vu

 19   qu'il y a un esprit collégial dans la Cour, nous étions ensemble chaque

 20   jour au travail. Et ceux qui ont plus d'expérience sont toujours à la

 21   disposition des nouveaux venus. Ce qui fait que, sur ma droite et sur ma

 22   gauche par rapport à mon bureau, j'avais des collègues qui avaient plus

 23   d'expérience dans ce travail et qui étaient avec moi pendant très

 24   longtemps, chaque jour, pendant leurs heures de travail, en consultation

 25   dans les discussions. On ne savait même pas qui d'entre nous allait


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  1   dresser le constat, qui allait interroger un accusé le lendemain. Nous ne

  2   savions pas auparavant quel devait être le juge qui allait être

  3   responsable de cela. C'était le juge qui était libre à ce moment-là qui le

  4   faisait.

  5   M. Terrier. – Je vous remercie. Vous nous avez expliqué, Madame,

  6   tout à l'heure, que c'est à la demande du Procureur que vous avez été

  7   chargée d'enquêter sur le crime commis à Ahmici. Le Procureur, sur la base

  8   des informations qu'il détenait, avait qualifié ce crime de génocide. Ce

  9   crime de génocide était prévu par la loi applicable en Bosnie-Herzégovine,

 10   à cette époque. C'est bien exact ?

 11   Mme Ajanovic (interprétation). – Oui, article 141. J'ai le livre

 12   dans mon sac ; je peux vous montrer tout de suite cette loi et cet

 13   article.

 14   M. Terrier. – Nous vous croyons sur parole, Madame le Témoin.

 15   Mme Ajanovic (interprétation). – Voici le livre.

 16   M. Terrier. – Pouvez-vous nous dire quelle est la définition

 17   du crime de génocide dans la loi applicable en Bosnie-Herzégovine, à

 18   l'époque où il a été commis, selon le Procureur ?

 19   Mme Ajanovic (interprétation). – Le génocide peut être perpétré

 20   dans deux cas de figure principaux. Tout d'abord, la personne qui donne

 21   l'ordre aux autres de commettre les meurtres, d'infliger des blessures

 22   graves ou d'influencer le désarroi psychologique de certaines personnes

 23   afin de détruire un groupe, soit religieux soit national soit ethnique,

 24   vivant dans une certaine région, par le biais de l'ordre donné de

 25   perpétrer les meurtres, des tortures, etc. Donc cette personne-là qui a


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  1   donné l'ordre est auteur du génocide. Et, en même temps, celui qui commet

  2   tous ces actes est lui aussi auteur du génocide. Mais je dois dire que le

  3   Procureur général a appelé cette demande, a donné le nom de génocide dans

  4   le sens du délit le plus grave, du crime contre l'humanité le plus grave.

  5   Cela dit, s'il avait décidé de procéder au procès en Bosnie,

  6   peut-être n'aurait-il pas gardé par la suite la même qualification, étant

  7   donné qu'après, il a le droit de revoir le dossier et de décider quel est

  8   réellement le délit, quel est réellement le crime dont il est possible de

  9   parler et pour lequel il est possible de mettre la personne en accusation.

 10   Alors que, durant la procédure d'enquête, même si l'enquête est

 11   orientée dans ce sens-là, ceci ne diminue pas la valeur des déclarations

 12   recueillies par les témoins, c'est-à-dire que, même si la qualification

 13   par la suite devient différente, ces déclarations peuvent rester valables.

 14   M. Terrier. - Je comprends.

 15   Vous nous avez dit, tout à l'heure, que le crime de génocide

 16   -dans la loi applicable en Bosnie-Herzégovine à l'époque, était puni de la

 17   peine maximale, de la peine de mort. Est-ce qu'à votre connaissance -et à

 18   cet instant, je ne parle plus des événements d'Ahmici, je ne parle plus

 19   d'Ahmici-, sont intervenus en Bosnie-Herzégovine, après la guerre, des

 20   procès pour crime de génocide ? Et je ne parle pas bien entendu d'Ahmici

 21   ni d'aucun des accusés. A votre connaissance ?

 22   Mme Ajanovic (interprétation). - Je ne suis pas entièrement

 23   informée de tout ce qui se passe dans les tribunaux. Mais je crois qu'il

 24   n'y a pas actuellement de procès en cours pour ce genre d'infraction.

 25   M. Terrier. - Quand le Procureur vous transmet une demande


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  1   d'enquête, est-ce que, nécessairement, il doit viser des personnes, il

  2   doit nommer les gens concernés par cette enquête ? Ou est-ce que c'est son

  3   choix ?

  4   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui. Oui, c'est effectivement

  5   le Procureur qui décide.

  6   M. Terrier. - Est-ce que vous-même, en tant que juge

  7   d'instruction, quand vous recevez une demande d'enquête du Procureur, vous

  8   êtes obligée de déférer, c'est-à-dire de faire l'enquête ? Ou bien vous

  9   pouvez refuser, estimant que les informations détenues et communiquées par

 10   le Procureur sont, par exemple, insuffisantes ? Est-ce que vous avez le

 11   choix en tant que juge d'instruction ?

 12   Mme Ajanovic (interprétation). - Un juge d'instruction a un

 13   conseil composé de trois juges du même Tribunal, s'occupant d'affaires

 14   criminelles. Si le juge d'instruction n'est pas d'accord sur la demande

 15   qui lui est transmise par le Procureur, il s'adresse au conseil qui

 16   décide.

 17   M. Terrier. - Par conséquent, Madame, quand vous ou peut-être

 18   votre prédécesseur, avez reçu la demande d'enquête du Procureur de Zenica,

 19   vous avez considéré que cette demande d'enquête était recevable, qu'elle

 20   était valable et correctement fondée sur les pièces communiquées par ce

 21   Procureur ?

 22   Mme Ajanovic (interprétation). - Le Procureur ne donne pas de

 23   fondements, d'éléments de preuve, il ne donne pas d'éléments de preuve. Il

 24   fournit certains documents à partir desquels il ressort qu'il y a des

 25   motifs raisonnables de penser que le suspect a perpétré le crime. Et le


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  1   Procureur propose, dans sa demande d'enquête au juge d'instruction, les

  2   éléments de preuve à recueillir.

  3   Par conséquent, ce n'est que devant le juge d'instruction que

  4   l'on présente des éléments de preuve. Jusque-là, ce n'est qu'une phase

  5   préparatoire.

  6   M. Terrier. - Je pense que nous avons un petit problème de

  7   terminologie. Corrigez-moi si je commets une erreur d'interprétation de ce

  8   que vous avez dit, mais il me semble que vous avez procédé en tant que

  9   juge d'instruction à un examen de la demande d'enquête du Procureur, que

 10   cette demande d'enquête était fondée sur un certain nombre de documents ;

 11   je ne parle pas d'éléments de preuve à ce stade de la procédure. Et vous

 12   avez considéré comme juge d'instruction que ces documents établissaient

 13   une suspicion suffisante contre les personnes qui étaient visées d'avoir

 14   commis le crime de génocide. A partir de là, vous avez entamé votre

 15   enquête afin de vérifier ou de contredire les suspicions du Procureur ?

 16   Est-ce que c'est bien exact ? Est-ce que mon interprétation est juste ?

 17   Mme Ajanovic (interprétation). - Oui, vous avez raison, mais ce

 18   n'est pas moi qui ai commencé cette enquête. Elle a été commencée par mon

 19   collègue, le juge Mensur Hasagic. C'est lui qui a décidé qu'une enquête

 20   devait être menée, c'est lui qui a jugé que les éléments qui étaient

 21   communiqués par le Procureur donnaient des motifs raisonnables d'enquête.

 22   Il y a une liste, dans cette décision, de toutes les personnes mentionnées

 23   par le Procureur dans sa demande.

 24   M. Terrier. - Et ce collègue auquel vous vous vous référez,

 25   pourquoi n'a-t-il pas poursuivi son enquête ? Pourquoi avez-vous dû le


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  1   remplacer ?

  2   Mme Ajanovic (interprétation). - C'est une question interne,

  3   c'est une affaire interne du Tribunal. Le Président du tribunal avait

  4   décidé que mon collègue ne pouvait pas s'occuper seul de toutes les

  5   affaires qui lui avaient été confiées. Parfois, certains demandent

  6   personnellement à être dégagés. Il avait déjà fait des enquêtes depuis

  7   longtemps et il voulait arrêter de faire des enquêtes ; il voulait faire

  8   davantage de travail au Tribunal même, davantage de procès.

  9   M. Terrier. - Vous nous avez dit tout à l'heure, Madame, que,

 10   dans le cadre de cette enquête, vous avez entendu 20 à 30 témoins. Est-ce

 11   que vous avez procédé à d'autres actes d'enquête ? Par exemple, est-ce que

 12   vous vous êtes rendue à Ahmici ? Est-ce que vous avez effectué des

 13   enquêtes de police technique dans les maisons, des choses comme cela ?

 14   Est-ce que c'était simplement possible, d'ailleurs, compte tenu des

 15   circonstances de la guerre ?

 16   Mme Ajanovic (interprétation). - C'était absolument impossible,

 17   pour moi, de me rendre à Ahmici, avant la signature des accords de

 18   Washington, aux alentours du 1er avril 1994. Il n'y avait absolument aucun

 19   moyen, pour moi, de me rendre à Ahmici, parce que c'était un endroit qui

 20   était pilonné, il y avait des tirs échangés par les deux parties. C'était

 21   impossible, pour moi, de m'y rendre.

 22   Qu'est-ce que vous m'avez demandé d'autre ? J'ai oublié,

 23   excusez-moi.

 24   M. Terrier. - Vous avez parfaitement répondu à ma question,

 25   Madame.


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  1   Mme Ajanovic (interprétation). - Vous avez demandé s'il y avait

  2   eu des enquêtes techniques...

  3   M. Terrier. - Vous avez parfaitement répondu. Je passe à une

  4   autre question.

  5   Est-ce que ces 20 ou 30 témoins que vous avez entendus étaient

  6   tous d'anciens habitants d'Ahmici, victimes du crime commis en

  7   avril 1993 ?

  8   Mme Ajanovic (interprétation). - Ils étaient tous victimes de

  9   crimes, mais ils n'étaient pas tous d'Ahmici. Un certain nombre d'entre

 10   eux venait d'autres villages. Je ne savais pas... C'est très près de ma

 11   propre ville, mais je ne connaissais pas très bien la position relative de

 12   ces différents villages. Je n'avais jamais eu l'occasion de m'y rendre.

 13   Mais je me souviens qu'ils ont parlé de (inaudible) et de Nadioci. Il y

 14   avait une dame qui a parlé d'un viol et qui était de la ville de Vitez. Il

 15   y avait aussi des gens qui n'étaient pas d'Ahmici, mais qui étaient de la

 16   région de la municipalité de Vitez.

 17   M. Terrier. - Sans parler d'un témoin en particulier, quels

 18   souvenirs avez-vous de l'ensemble des témoins que vous avez entendus sur

 19   le crime d'Ahmici, dans le cadre de cette enquête ? Est-ce que ces témoins

 20   vous ont paru très gravement perturbés ? Est-ce que ces témoins vous ont

 21   paru être dans une situation dite difficile ? Est-ce qu'ils vous ont paru

 22   précis, ou au contraire imprécis ? Quels souvenirs avez-vous gardé d'eux ?

 23   Mme Ajanovic (interprétation). - Les témoins, lorsqu'ils sont

 24   venus comparaître devant moi, j'ai eu l'impression qu'ils essayaient

 25   d'être aussi dignes que possible. Ils étaient tous profondément affectés.


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  1   Ils avaient tous perdu un mari, un père, un frère, un fils, à Ahmici.

  2   C'étaient surtout des hommes qui avaient été tués. C'était très difficile,

  3   très émouvant, d'interroger ces témoins.

  4   Les femmes commençaient leur récit de manière relativement

  5   calme. Mais au fur et à mesure de leur déposition, de leur récit, quand

  6   elles se rapprochaient du moment où leur mari ou leur frère avait été tué,

  7   elles s'effondraient, elles commençaient à pleurer. Certaines essayaient

  8   de retenir leurs larmes, de ne pleurer qu'aussi peu que possible, mais on

  9   voyait bien, sur leur visage, qu'elles étaient profondément émues, et

 10   qu'elles n'arrivaient pas à cacher leurs sentiments. Donc, à ce moment-là,

 11   je m'arrêtais pendant un instant, je leur disais de s'arrêter, de se

 12   reposer un peu. Je leur donnais un verre d'eau, je leur offrais une

 13   cigarette, un peu de café. Donc, les interrogatoires allaient assez

 14   lentement. J'attendais qu'elles se calment avant de poursuivre. C'est

 15   ainsi que cela se passait.

 16   Dans la plupart des cas, dans leur déposition, elles disaient

 17   que le soir ou la veille du 15 avril, le village était calme, tranquille,

 18   qu'elles n'avaient rien remarqué qui éveilla les soupçons. Et le matin, à

 19   l'aube, les tirs ont commencé dans le village, les coups de feu ont

 20   commencé. On a commencé à frapper aux portes. Les gens faisaient irruption

 21   dans la maison et tuaient les hommes de la famille.

 22   Elles ont toutes dit que les meurtriers étaient des soldats,

 23   sous une forme ou une autre. Pour l'instant, je ne me souviens pas

 24   exactement de quel type de soldats il s'agissait. Elles disaient que les

 25   visages étaient barbouillés de peintures de couleur, si bien que la


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  1   plupart d'entre elles ne pouvaient pas reconnaître les visages. Un groupe

  2   a dit reconnaître ces hommes et a nommé les personnes dont il s'agissait.

  3   Les noms en question, je les ai notés sur le dossier.

  4   Pour moi, peu importait que les noms désignent telle ou telle

  5   personne, parce que moi je ne les connaissais pas, je n'en connaissais

  6   aucun. Je n'ai fait qu'écrire ou transmettre les noms mentionnés par les

  7   témoins.

  8   M. Terrier. - Par conséquent, Madame, les témoins que vous avez

  9   rencontrés dans le cadre de cette enquête vous ont parus, dans l'ensemble,

 10   parfaitement crédibles et rechercher, auprès de vous, en quelque sorte la

 11   justice, que justice soit rendue après le crime d'Ahmici ; c'est

 12   l'impression que vous avez eue ?

 13   Mme Ajanovic (interprétation). - Eh bien, bien sûr, c'est cela,

 14   c'est ce qui en ressortait. A une occasion, le Procureur -qui était

 15   présent lors de l'interrogatoire d'un témoin- après le récit de cette

 16   femme, après les questions que j'ai posées, a voulu qu'elle répète encore

 17   une fois qui elle avait reconnu. Il a insisté en disant : "Comment se

 18   fait-il que vous n'ayez pas reconnu qui que ce soit ? Qui avez-vous

 19   reconnu ?", elle a dit : "Ecoutez, j'aimerais avoir pu reconnaître

 20   quelqu'un, j'aurais voulu pouvoir reconnaître, quelqu'un savoir qui

 21   c'étaient ces gens-là". D'autres ont dit avoir vu quelqu'un.

 22   Moi, à l'époque où j'interrogeais les témoins, ils étaient assez

 23   démoralisés. Ils avaient été interrogés par la police, ensuite ils étaient

 24   venus devant le Tribunal. La plupart d'entre eux disaient pour commencer :

 25   "Mais pourquoi je dois répéter tout cela, j'ai déjà tout raconté". Quand


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  1   je leur ai expliqué que c'était un tribunal, que c'était ici que le

  2   témoignage deviendrait élément de preuve, à ce moment-là elles ou ils, les

  3   témoins, comprenaient. A ce moment-là, ils racontaient de nouveau leur

  4   histoire, leur récit, parce qu'ils désiraient justement que les personnes

  5   en question soient punies.

  6   M. Terrier. - Monsieur le Président, j'ai encore 15 à

  7   20 minutes. On peut suspendre maintenant.

  8   M. le Président. - Oui, parce qu'ensuite il y a l'interrogatoire

  9   de la part des avocats. On reprendra demain à 9 heures.

 10   Je crois savoir que (expurgé) serait prêt à venir ici

 11   témoigner jeudi. Jeudi, donc cela signifie qu'il faudra organiser pour

 12   demain l'audience.

 13   Demain, on continue avec le témoin actuel. On a fini avec les

 14   témoins convoqués par la Cour.

 15   C'est bien cela, jeudi ?

 16   M. Terrier. - Oui.

 17   M. le Président - Donc on pourrait passer au premier témoin, le

 18   témoin expert convoqué par la défense de Vlatko Kupreskic ; si j'ai bien

 19   compris c'est le Président de la Cour suprême.

 20   Maître Pavkovic, oui ?

 21   M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le président, Madame et

 22   Messieurs les Juges, c'est la première fois que j'entends que

 23   (expurgé) pourrait être ici jeudi. Je me limiterai à un examen

 24   portant sur une série de questions très limitée. Mais il me faut quand

 25   même le temps de me préparer. Il faudrait que je le vois au moins la


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  1   veille de son témoignage. Et d'après le calendrier que vous avez indiqué,

  2   ce serait impossible. Je dois me préparer, je ne peux pas venir ici jeudi

  3   et poser des questions à quelqu'un que je n'ai jamais vu de ma de vie, si

  4   disposé que je sois à le faire.

  5   M. le Président (interprétation). - La demande est très simple.

  6   Ou bien nous l'entendons jeudi ou vendredi, ou bien il ne vient pas, donc

  7   il faut choisir.

  8   De toute manière, je pense que vous n'avez pas besoin de

  9   tellement de temps. Pour autant que je me souvienne, ce n'est pas une

 10   question très complexe, très énorme sur laquelle son témoignage peut être

 11   pertinent.

 12   Donc on pourrait l'avoir vendredi matin. Mais, bien entendu, il

 13   faut terminer son témoignage pour vendredi midi, il ne pourra pas revenir.

 14   Donc vous pourrez y réfléchir et quand nous reviendrons demain matin à

 15   9 heures, vous nous ferez savoir ce qu'il en fait. Je sais qu'il est

 16   disponible jeudi matin, c'est pour cela que je suggérais de nous

 17   organiser, d'organiser notre procédure de manière à commencer jeudi matin.

 18   Il sera là jeudi.

 19   Et dans l'après-midi, nous sommes "tous libres", car nous

 20   travaillons sur d'autres affaires.

 21   S'il est là mercredi ou jeudi après-midi, vous pourrez le voir.

 22   Est-ce que cela vous convient ?

 23   M. Pavkovic (interprétation). - Je ne sais pas s'il est

 24   nécessaire qu'il soit examiné cette semaine, peut-être que son témoignage

 25   pourrait être remis jusqu'à ce qu'on est entendu les témoins de la défense


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  1   de Vlado Santic. Non ? Je m'en remettrai à votre décision, Monsieur le

  2   Président, mais donnez moi, je vous en prie, des délais raisonnables pour

  3   me préparer.

  4   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Très bien.

  5   Maître Krajina ?

  6   M. Krajina (interprétation). - Monsieur le président, je

  7   voudrais informer la Cour de ce que les témoins cités à la défense de

  8   Vlatko Kupreskic, convoqués conformément à la liste présentée à la Cour,

  9   sont tous ici à La Haye, sauf pour celui qui est tombé malade. Nous sommes

 10   tout disposés à commencer l'interrogatoire de deux ou trois d'entre eux,

 11   nous pouvons par le Président de la Cour suprême, M. Ilic, ensuite nous

 12   pouvons continuer.

 13   M. le Président (interprétation). - Oui, j'espère vivement,

 14   comme je le disais, que nous puissions commencer par M. Ilic, demain après

 15   le témoin que nous entendons maintenant. J'espère que son témoignage sera

 16   bref, car, comme je vous l'ai dit, nous n'allons pas entrer dans les

 17   détails techniques sur la notion de persécution en droit yougoslave, parce

 18   que c'est à cette Cour de définir ce qui relève ou non de la persécution.

 19   Donc nous n'avons pas besoin d'un contexte très fouillé et des questions

 20   techniques juridiques en Yougoslavie.

 21   Nous voulons simplement avoir ce qui se rapporte directement à

 22   notre affaire.

 23   Nous voudrons voir demain le deuxième témoin. Donc nous

 24   reprenons demain matin à 9 heures.

 25   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)


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  1  

  2   L'audience est levée à 13 heures 05.

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