Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                          Affaire IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

  3   Mercredi 6 octobre 1999

  4  

  5   L'audience est ouverte 9 heures.

  6   Mlle Lauer. - Affaire IT-95-16-T, le Procureur contre

  7   Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic,

  8   Dragan Papic et Vladimir Santic.

  9   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Je vais demander au

 10   témoin de prononcer la déclaration solennelle ?

 11   Mme Sapina (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 12   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   M. le Président (interprétation). - Merci. Si j'ai bien compris,

 14   aucune mesure de protection n'a été demandée, n'est-ce pas,

 15   Madame Slokovic-Glumac ?

 16   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Bonjour Monsieur le

 17   Président, Madame et Messieurs les Juges.

 18   Madame, Je vous prie de bien vouloir vous présenter, de nous

 19   donner votre nom et votre prénom, votre année de naissance et le lieu où

 20   vous habitez.

 21   Mme Sapina (interprétation). - Je m'appelle Liljana Sapina, je

 22   suis née le 7 septembre 1959 à Vitez où j'habite avec mon époux et mes

 23   deux enfants. Je travaille comme employé administratif. Je suis née en

 24   1955.

 25   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Pourriez-vous me dire où


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  1   vous habitez pour l'instant ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - A Vitez.

  3   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Où avez-vous travaillé

  4   avant la guerre ?

  5   Mme Sapina (interprétation). - A l'usine Slobodan Princip Seljo

  6   à Vitez depuis 1974 jusqu'à aujourd'hui.

  7   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - A l'époque, vous avez

  8   vécu à Vitez ?

  9   Mme Sapina (interprétation). - Je n'ai pas vécu à Vitez depuis

 10   toujours car j'étais sans emploi pendant un moment, car l'usine a licencié

 11   un certain nombre de gens. Donc, en 1991, j'ai été licenciée et puisque

 12   mon mari avait un travail en Croatie, nous sommes partis vers la fin de

 13   1991 sur l'île de Brac.

 14   De temps en temps, je me rendais à Vitez puisque c'est là que

 15   vivait ma famille. Nous venions pendant les vacances des enfants, les

 16   vacances scolaires. Je suis venue en 1992, au mois de juillet ou au mois

 17   d'août. J'étais là au tout début du conflit, au milieu du mois de mars. Et

 18   comme le conflit a éclaté juste peu de temps après, je n'ai pas pu revenir

 19   en Croatie. Je suis rentrée en Croatie vers la fin du mois de mai.

 20   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Ne nous racontez pas

 21   tout d'un coup, s'il vous plaît. Essayez de donner des étapes à votre

 22   récit. Quand avez-vous quitté Vitez ?

 23   Mme Sapina (interprétation). - Vous voulez dire pendant le

 24   conflit ?

 25   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand avez-vous quitté


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  1   Vitez en 1991 ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Le 1er décembre ou le

  3   2 décembre 1991, je suis partie à Brac.

  4   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - De temps en temps vous

  5   rentriez à Vitez, vous reveniez à Vitez ?

  6   Mme Sapina (interprétation). - Oui parce que j'ai gardé mon

  7   appartement à Vitez et comme cela je pouvais rendre des visites à ma

  8   famille.

  9   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Etes-vous restée pendant

 10   une période plus longue à Vitez pendant cette période ?

 11   Mme Sapina (interprétation). - Oui, en 1992 pendant l'été, au

 12   mois de juillet et au mois d'août.

 13   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand êtes-vous rentrée

 14   à nouveau avant le conflit ?

 15   Mme Sapina (interprétation). - Je suis rentrée vers le milieu du

 16   mois de mars mais le conflit a éclaté, je n'ai pas pu revenir à temps en

 17   Croatie. Je ne suis revenue en Croatie que vers la fin du mois de mai

 18   1993.

 19   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous

 20   connaissez (expurgé)?

 21   Mme Sapina (interprétation). - Oui, je la connais. Nous étions

 22   amies, nous étions de très bonnes amies, même des meilleures amies. Elle

 23   était comme une soeur. Et nous sommes restées amies malgré tous les

 24   événements, malgré tout ce qui s'est passé pendant la guerre, nous avons

 25   continué à rester amies. Nous avons gardé le contact.


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  1   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Depuis quand la

  2   connaissez-vous et dans quelles circonstances ?

  3   Mme Sapina (interprétation). - Nous avons travaillé ensemble

  4   dans la même usine. J'ai commencé à travailler avant la guerre, elle a

  5   commencé à travailler dans cet endroit vers 1981. C'est depuis ce temps-là

  6   que notre amitié a commencé . Nous nous voyions au travail, nous nous

  7   rendions visite.

  8   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Connaissez-vous

  9   Zoran Kupreskic ?

 10   Mme Sapina (interprétation). - Oui, car il travaillait dans la

 11   même usine que nous. Je l'ai rencontré pour des raisons de travail puisque

12   nous collaborions, nous travaillions dans le même service. C'est comme

 13   cela que nous sommes devenus amis aussi. Je le connais bien, je le connais

 14   très bien.

 15   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous voyiez,

 16   avec Majda Sivro ensemble, Zoran Kupreskic ?

 17   Mme Sapina (interprétation). - Oui car au début je travaillais

 18   au même endroit et dans le même service que Majda Sivro. Après j'ai été

 19   mutée dans un service où je collaborais plutôt avec Zoran Kupreskic.

 20   Pendant les pauses, elle venait souvent me voir pour boire un café et

 21   Zoran venait aussi. C'est comme cela que cette amitié entre nous trois,

 22   Zoran, Majda et moi, est née. Parfois, quand nous nous voyions en dehors

 23   de l'usine, nous nous asseyions quelque part dans un café dans la ville

 24   pour boire un café ou un pot ensemble.

 25   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous dites que vous avez


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  1   été licenciée en 1991 ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Vers le milieu de 1991.

  3   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous

  4   rendiez de temps en temps encore à votre travail ?

  5   Mme Sapina (interprétation). - Oui, j'étais obligée de revenir

  6   au travail de temps en temps car il fallait que je donne mon accord pour

  7   continuer à ne pas travailler. Parce que de temps en temps, on pouvait

  8   échanger, c'est-à-dire quelqu'un d'autre était mis en attente d'un autre

  9   travail, et moi je pouvais éventuellement revenir au travail. Mais moi,

 10   j'avais accepté de rester sans travail et sans salaire pendant toute cette

 11   période.

 12   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Et Majda Sivro, est-ce

 13   qu'elle aussi était en congés sans solde ?

 14   Mme Sapina (interprétation). - Pour autant que je le sache,

 15   quand je suis partie à Brac, je pense qu'elle a continué à travailler.

 16   Peut-être qu'elle a pris un congé sans solde, peut-être une quinzaine de

 17   jours car dans le service où elle travaillait on n'avait pas tellement

 18   cette habitude. Il y avait toujours du travail là où elle travaillait.

 19   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Et Zoran Kupreskic ?

 20   Mme Sapina (interprétation). - Non car, lui, il s'occupait des

 21   machines. Dans ce service, là aussi, il y avait toujours du travail et on

 22   ne proposait pas aux gens de prendre des congés sans solde.

 23   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand vous êtes rentrée

 24   pour passer les vacances de printemps ? Au mois de mars 1993 ?

 25   Mme Sapina (interprétation). - Oui.


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  1   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez

  2   rencontré, ou est-ce que vous visitiez aussi Majda Sivro ou Zoran

  3   Kupreskic ?

  4   Mme Sapina (interprétation). - Oui, oui. Nous nous voyions car

  5   je me rendais parfois à l'usine, et nous nous voyions aussi à Vitez, peut-

  6   être plus souvent à Vitez. Nous ne nous voyions pas souvent, mais nous

  7   nous voyions.

  8   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous

  9   rappelez si on a parlé, à une occasion quelconque, de l'appartenance de

 10   Zoran Kupreskic au HVO ?

 11   Mme Sapina (interprétation). - Non, je ne me m'en souviens pas.

 12   Je sais qu'on disait qu'il était très occupé, qu'il avait beaucoup de

 13   travail, et qu'on parlait des gardes de village, car il avait des missions

 14   pour assurer la sécurité dans le village.

 15   Il parlait souvent du travail et de son association folklorique,

 16   car cette association fonctionnait toujours à Vitez. Je me souviens qu'il

 17   mentionnait cela, de temps en temps.

 18   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - L'avez-vous vu, pendant

 19   cette période-là, en uniforme ?

 20   Mme Sapina (interprétation). - Non.

 21   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce-qu’il vous a dit

 22   qu'il se rendait sur les lignes de front contre les Serbes ?

 23   Mme Sapina (interprétation). - Non, jamais. Jamais.

 24   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'en été

 25   1992, vous étiez à Vitez ?


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  1   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

  2   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous rappelez-vous si, à

  3   cette époque-là, il y a eu une cérémonie de prestation de serment sur le

  4   stade municipal de Vitez ?

  5   Mme Sapina (interprétation). - Non, je ne me souviens pas de

  6   cette cérémonie.

  7   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Zoran Kupreskic a dit

  8   dans sa déposition, devant ce Tribunal, qu'il vous a rencontrée après sa

  9   prestation de serment, en compagnie de Majda Sivro, dans la ville ?

 10   Mme Sapina (interprétation). - C'est peut-être possible, car

 11   nous nous rencontrions de temps en temps, mais je ne savais pas... Nous

 12   n'avons pas parlé de cette prestation de serment, donc je ne savais pas

 13   d'où il venait.

 14   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Où étiez-vous le

 15   16 avril 1993 ?

 16   Mme Sapina (interprétation). - J'étais dans mon appartement,

 17   avec mes enfants et ma soeur ; ses enfants et son mari étaient là

 18   également. C'est là que cela a commencé. C'était terrible, nous étions

 19   tous dans l'appartement et nous ne savions pas où nous abriter car il n'y

 20   avait pas de sous-sol dans cet immeuble. Nous sommes donc restés dans mon

 21   appartement qui se trouvait au premier étage. Nous nous sommes tous

 22   couchés par terre pour nous protéger, nous ne savions pas d'où venaient

 23   les tirs. On entendait des coups de feu de partout, on pilonnait, on

 24   entendait les sons d'obus, de balles.

 25   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous rappelez-vous si


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  1   l'armée s'est rendue dans votre appartement ce jour-là ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Oui. A plusieurs reprises, deux

  3   soldats venaient chez nous pour voir s'il y avait des hommes. Ils les

  4   cherchaient sans doute pour des raisons de mobilisation, car je me

  5   souviens que mon beau-frère avait demandé où il pouvait aller, et on lui a

  6   dit d'aller au quartier militaire de son village, à Rijeka, dans le

  7   village de Rijeka.

  8   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - C'était donc le

  9   16 avril ?

 10   Mme Sapina (interprétation). - Oui, le premier jour.

 11   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - A quelle heure ? Vous en

 12   souvenez-vous ?

 13   Mme Sapina (interprétation). - Il était peut-être 10 heures,

 14   11 heures du matin, car tout cela a débuté assez tôt, vers 5 heures du

 15   matin. Il était donc peut-être entre 10 heures et 11 heures, ou peut-être

 16   midi.

 17   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire

 18   où se trouvait Majda Sivro à cette époque ? Le savez-vous ?

 19   Mme Sapina (interprétation). - Je le sais car je l'ai appelée,

 20   mais je ne me souviens plus si je l'ai appelée ce même jour ou le

 21   lendemain. Je l'ai appelé pour voir si tout allait bien. Elle m'a répondu

 22   que tout allait bien, que son mari et ses enfants étaient avec elle, et

 23   qu'il n'y avait pas de problème, que tout allait bien. C'était assez bref.

 24   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand l'avez vous

 25   entendue à nouveau ?


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  1   Mme Sapina (interprétation). - C'est difficile de me rappeler

  2   précisément le jour, mais en tout cas, c'était le troisième ou le

  3   quatrième jour après le début du conflit. Elle m'a appelée, elle était

  4   effrayée. J'ai compris, d'après sa voix, qu'elle était effrayée. Elle m'a

  5   dit que son mari avait été emmené et qu'il était en détention quelque

  6   part.

  7   Nous pouvions sortir dans la ville, car les tirs s'étaient

  8   calmés, et donc je suis allée la visiter chez elle, dans son appartement,

  9   car son immeuble n'était pas trop loin de mon immeuble ; il était peut-

 10   être à 200 mètres. Je suis donc allée la voir pour voir ses enfants, et je

 11   l'ai invitée à venir chez moi pour qu'elle se sente mieux, pour qu'elle se

 12   sente plus en sécurité, même si ce n'était pas très sûr chez moi non plus.

 13   Mais elle n'a pas accepté, car elle avait peur que quelqu'un

 14   entre dans son appartement, elle avait peur de perdre son appartement.

 15   Elle m'a demandé si je pouvais venir coucher chez elle, puisque ma soeur

 16   était dans mon appartement. J'ai accepté, même si j'avais peur de laisser

 17   mes enfants tout seuls, sans moi, mais j'ai accepté pour l'aider.

 18   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Combien de nuits avez-

 19   vous passées dans son appartement ? Vous en souvenez-vous ?

 20   Mme Sapina (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre avec

 21   exactitude, mais je pense qu'il s'agissait d'une dizaine de nuits, peut-

 22   être plus. Il y a peut-être une ou deux nuits où je n'étais pas dans son

 23   appartement, mais c'était vraiment parce que je ne pouvais pas le faire.

 24   Je lui ai dit de m'appeler à quelque moment que ce soit, si elle

 25   avait besoin d'aide, et qu'elle n'avait pas à avoir peur. Mais lorsque je


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  1   lui disais cela, je le faisais uniquement pour la calmer, pour essayer de

  2   la tranquilliser, même si la situation était dangereuse pour tout le

  3   monde.

  4   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Savez-vous où se

  5   trouvait son époux à cette époque ?

  6   Mme Sapina (interprétation). - Oui, je le sais. Elle m'a demandé

  7   d'aller avec elle pour rendre visite à son mari, car elle avait peur. Son

  8   mari était hébergé dans l'université des travailleurs, des ouvriers. Les

  9   visites étaient permises, et on pouvait aussi leur apporter de la

 10   nourriture. Elle avait tout de même peur d'y aller. Elle n'y est pas allée

 11   à chaque fois avec moi, mais en tout cas, nous y sommes allées. Même si

 12   c'était dangereux pour elle et pour moi, parce que cela se trouvait vers

 13   la Mahala musulmane, il y avait un tireur embusqué à cet endroit, qui

 14   était actif. Nous devions courir pendant tout ce temps-là.

 15   Après, ils ont été transférés ailleurs. Ils ont été détenus dans

 16   un autre endroit, à l'endroit du club d'échecs de Vitez. Là, les visites

 17   n'étaient pas permises. Elle me disait qu'elle avait peur. Moi aussi, je

 18   dois dire que j'avais peur, car l'immeuble où elle vivait, il y avait des

 19   gardes près de cet immeuble et donc, nous partions là-bas ensemble, nous

 20   leur donnions de la nourriture à travers les fenêtres. J'avais peur pour

 21   moi, pour mes enfants, il y avait la guerre, donc c'était dangereux pour

 22   tout le monde, mais je le faisais malgré tous les dangers, pour elle, pour

 23   notre amitié.

 24   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pensiez

 25   que vous couriez un danger aussi par rapport au côté croate ?


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  1   Mme Sapina (interprétation). - Oui, bien sûr. Je ne pouvais pas

  2   vérifier les qualités humaines des gens. De toute façon, ces visites

  3   étaient interdites. Quand les visites étaient permises, je n'avais pas

  4   peur. Là, ce n'était pas le cas.

  5   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). – Est-ce que (expurgé), à

  6   l'époque, puisque vous avez passé beaucoup de nuits chez elle, est-ce

  7   qu’elle vous a parlé des soldats qui seraient venus dans son appartement ?

  8   Mme Sapina (interprétation). - Oui, elle m'a dit qu'un soir,

  9   c'était un soir où je n'étais pas venue, peut-être que je n'ai même pas

 10   passé la nuit chez elle cette nuit-là, elle m'a raconté que des soldats

 11   étaient venus, qu'elle avait très peur et que ces soldats lui ont demandé

 12   pourquoi elle était toujours là, pourquoi elle ne partait pas, pourquoi

 13   elle restait à Vitez, pourquoi elle restait dans son appartement. Elle

 14   avait peur. Je lui ai réitéré mon invitation à venir dans mon appartement

 15   car je considérais que je ne pouvais pas l'aider d'une autre façon.

 16   Donc, je ne pouvais pas l'aider, même si j'étais chez elle, je

 17   ne pouvais pas empêcher quelqu'un de venir chez elle. La seule sécurité

 18   que je pouvais lui proposer, c'était de l'inviter chez moi. Mais elle

 19   voulait garder son appartement, elle voulait rester à cet endroit, car

 20   elle ne savait pas ce qui allait arriver, elle ne savait pas où aller, que

 21   faire avec ses enfants.

 22   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous souvenez-vous de

 23   l'époque où cela s'est produit ?

 24   Mme Sapina (interprétation). - Si vous me demandez l'époque,

 25   donc c'était toujours cette période, la période où je dormais chez elle.


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  1   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Je pensais à cette

  2   visite, la visite précise, la visite des soldats ?

  3   Mme Sapina (interprétation). - Je dormais chez elle depuis un

  4   moment déjà. Cela s'est produit un soir, une nuit où je n'ai pas dormi

  5   chez elle. C'était une fois, quand elle a de nouveau refusé de venir à mon

  6   appartement. Mais après, personne n'est arrivé. Le lendemain ou dans la

  7   journée, donc, je disais que j’allais la voir malgré mes enfants qui

  8   restaient dans mon appartement.

  9   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand avez-vous

 10   rencontré Zoran Kupreskic ? Pourriez-vous nous dire quand vous l'avez-

 11   rencontré après que le conflit a éclaté ?

 12   Mme Sapina (interprétation). - Je l’ai rencontré à l'extérieur

 13   de Vitez, à Kamenjaca. Je vivais chez un ami. Il était dans la voiture

 14   avec son épouse. Il s'est arrêté. Il m'a demandé comment cela allait, si

 15   je voyais Majda, il m'a demandé aussi de l'aider le plus possible. Je lui

 16   ai dit qu'elle était bien, qu'elle allait bien et que j'habitais dans son

 17   appartement. Alors, il a dit : "Aide-la le plus que tu peux et si je peux,

 18   je l'aiderai aussi".

 19   J'étais vraiment contente qu'il l'ait dit, j'avais peur, mais

 20   j’en avais un peu marre. C'est pas que j'en avais marre, mais j'avais ma

 21   famille, mes propres soucis et je me disais que c'était bien que quelqu'un

 22   d'autre puisse l'aider aussi, puisse s'occuper un peu d'elle. Et quand je

 23   suis allée chez elle, je lui ai raconté cela. Elle m'a dit quelle aimerait

 24   bien aussi discuter avec Zoran. Et donc elle m'a proposé, puisqu'ils m'ont

 25   dit qu'ils étaient dans la maison des Garic chez Jerolim et chez leurs


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  1   parents... Ils m'avaient dit qu'ils étaient assez nombreux là-bas, qu'il y

  2   avait Mirjan, l'épouse de Mirjan et puis les enfants de Mirjan, Ljubo et

  3   la mère de Ljubo. Donc, elle a dit que peut-être ils pourraient venir

  4   habiter chez elle, car elle savait qu'elle me dérangeait et que mes

  5   enfants avaient besoin de moi aussi.

  6   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Pourriez-vous situer

  7   cela dans le temps ?

  8   Mme Sapina (interprétation). - Le moment où j'ai rencontré

  9   Zoran ?

 10   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Oui.

 11   Mme Sapina (interprétation). - C'était le dixième ou le onzième

 12   jour après le début du conflit.

 13   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Après cette rencontre,

 14   vous avez dit à Majda Sivro que Zoran avait dit qu'il était prêt à

 15   l'aider ?

 16   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

 17   (expurgé), je suis allé chez le frère

 18   de ma marraine, chez Garic. Je lui ai demandé de m'accompagner, car vous

 19   savez, ce n'était pas très sûr de circuler, pour se rendre jusqu'à la

 20   maison de Jadranka, car il y avait des tireurs embusqués. Nous avons donc

 21   pris des chemins plus longs. Nous n'avons pas pris le chemin direct pour

 22   nous rendre à la maison de Jadranka, car nous pouvions aussi être tués si

 23   nous circulions dans la ville.

 24   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Pourriez-vous ralentir

 25   s'il vous plaît ? Donc après, vous êtes allée jusqu'à la maison de


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  1   Jerolim ?

  2   Mme Sapina (interprétation). – Oui, c'était au moment où Majda

  3   m'a dit qu'elle voulait les inviter chez elle.

  4   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Avez-vous parlé à Zoran

  5   à l'époque ? Etait-il là ?

  6   Mme Sapina (interprétation). – Oui, l'épouse de Zoran était là,

  7   l'épouse de Mirjan était là. J'ai déjà dit que la mère de Ljubo était là

  8   et ses enfants, peut-être qu'ils étaient... J'ai raconté ce que Majda m'a

  9   dit. Je leur ai fait part de sa proposition.

 10   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand vous dites "eux",

 11   vous pensez à Zoran et son épouse, ou à quelqu'un d'autre ?

 12   Mme Sapina (interprétation). - Je pense à Zoran et Mira. Je ne

 13   me souviens pas exactement. Ils sont venus à la fin, ils n'étaient pas

 14   dans l'appartement au début. Mais je ne me rappelle pas si j'ai parlé avec

 15   eux. Donc, quand j'ai dit "eux", j'ai dit qu'eux devaient voir Majda et

 16   donc se mettre d'accord avec elle.

 17   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Après, qu'avez-vous

 18   fait ? Donc après, qu'avez-vous fait ? Etes-vous allée à nouveau chez

 19   Majda ? Avez-vous dit ce qui s'est passé chez elle ?

 20   Mme Sapina (interprétation). - Je suis allé chez Majda, je lui

 21   ai dit que Zoran était là, que j'avais vu Zoran et qu'il viendrait

 22   discuter avec elle. Les jours suivants, je suis allée chez elle et j'ai vu

 23   qu'il y avait un morceau de papier où c'était écrit : "Zoran Kupreskic".

 24   Elle m'a dit que Zoran était venu chez elle, qu'il lui avait laissé son

 25   laissez-passer, sa pièce d'identité, et qu'il a écrit aussi sur la porte


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  1   "Zoran Kupreskic" pour que l’on voie que c'était un Croate qui était là,

  2   qui vivait là, et pour qu'on ne la dérange plus. Elle avait donc aussi ce

  3   document qu'elle pouvait montrer en cas de besoin.

  4   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand Zoran est-il allé

  5   à nouveau chez Majda ?

  6   Mme Sapina (interprétation). - Peut-être le lendemain, déjà il

  7   est venu avec son épouse. Moi, j'étais là quand ils sont arrivés, lui, son

  8   épouse et leurs enfants.

  9   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - A quelle heure cela

 10   s'est-il produit ?

 11   Mme Sapina (interprétation). - Dans l'après-midi, je crois que

 12   c'était dans l’après-midi. Je ne m'en souviens pas avec précision.

 13   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez

 14   entendu dire que Zoran, son épouse et ses enfants allaient rester chez

 15   Majda Sivro ?

 16   Mme Sapina (interprétation). - Non, pas à cette occasion, car je

 17   ne suis pas restée tout le temps. Je suis partie et je pense qu'ils ont

 18   passé cette nuit-là dans l'appartement de Majda. Ils ont passé encore

 19   d'autres nuits dans cet appartement, peut-être pas toutes les nuits parce

 20   que moi aussi j'y allais de temps en temps -car quand elle n'avait pas

 21   besoin, je n'y allais pas, mais quand elle avait besoin de moi j’allais

 22   chez elle à nouveau.

 23   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - A l'époque où vous étiez

 24   chez Majda Sivro, aux occasions où vous étiez chez elle et quand l'épouse

 25   de Zoran était là, est-ce qu'on parlait des événements d'Ahmici : qui


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  1   était où, ce qui se passait ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Oui, on parlait de la façon dont

  3   nous avons vécu ces événements, qui se trouvait où, etc. Je sais que

  4   l'épouse de Zoran était là et Zoran y était aussi de temps en temps. Mais

  5   de temps en temps il sortait aussi pour se promener avec son enfant. Il

  6   nous laissait toutes les trois ensemble. Je sais que l'épouse de Zoran

  7   disait qu'ils se sont retirés dans la partie du village qui était sous le

  8   contrôle croate, Zume, au tout début du conflit, que les tirs et les coups

  9   de feu étaient terribles, que tout le monde avait peur.

 10   Je me souviens qu'elle a dit que l'épouse de Mirjan est partie à

 11   Rovna deux ou trois jours plus tard et que Mirjan était resté là-bas.

 12   Encore quelques jours plus tard, deux ou trois jours plus tard, ils sont

 13   partis à nouveau ensemble à Kamenjaca, que Zoran était tout près, qu'il

 14   les a donc aidés à sortir avec leur famille. En tout cas c'est ce que j'ai

 15   entendu dire pour l'essentiel. Tout le monde était non loin de ces

 16   habitations, de ces maisons.

 17   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Est-ce que son épouse

 18   lui a raconté plus en détail où elle est allée, dans la maison de qui ? Ou

 19   l’a-t-elle dit en passant uniquement ?

 20   Mme Sapina (interprétation). - Peut-être qu'elle me l’a raconté,

 21   mais je ne me rappelle vraiment pas les détails.

 22   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Avez-vous parlé d'Ahmici

 23   avec Zoran, des événements survenus à Ahmici ?

 24   Mme Sapina (interprétation). - En fait non, parce que la

 25   situation était terrible pour nous tous. Nous savions tous ce qui s'était


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  1   passé, mais nous l'avons appris après les événements. Moi non plus, je

  2   n'aimais pas en parler parce que ce jour-là nous ne cessions de pleurer

  3   dans la maison en parlant ou en pensant à ces événements qui s'étaient

  4   produits si près de nous, ces événements dépourvus d'humanité et si durs

  5   pour les femmes et les enfants.

  6   Penser que quelque chose d'anormal s'était passé était très

  7   difficile, donc je n'en ai pas parlé avec Zoran, j'en ai parlé un petit

  8   peu avec Majda, mais peu. Je sais que lui aussi nous a dit qu'il avait

  9   appris cela après les faits, qu'il trouvait cela horrible et qu'il n'avait

 10   pas envie d'en parler.

 11   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous rappelez-vous si

 12   Majda a parlé d'un coup de téléphone qu'elle aurait reçu de Zoran au début

 13   du conflit ?

 14   Mme Sapina (interprétation). - Je sais qu'un jour je suis allée

 15   la voir, elle m'a dit que Zoran l'avait appelée. Moi aussi, je l'avais

 16   appelée pour vérifier que tout allait bien. Et elle m'a dit qu'il lui

 17   avait demandé s'il y avait quelqu'un qui pouvait l'aider dans son

 18   voisinage au cas où il y aurait des problèmes. Il lui a dit qu'il fallait

 19   qu'elle prenne soin d'elle, c'est ce qu'elle m'a raconté.

 20   Entre autres, il a aussi posé des questions à mon sujet parce

 21   qu'il savait que j'étais dans ce même secteur, et qu'en fait je n'avais

 22   pas eu de chance de me trouver là. Eux étaient là, d'accord, mais moi, le

 23   fait que je me sois trouvée là c'était vraiment un manque de chance. C'est

 24   donc ce qu'elle m'a raconté.

 25   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous a-t-elle dit à quel


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  1   moment elle a reçu ce coup de téléphone ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Non, vraiment je n'arrive pas à

  3   me rappeler à quel moment exactement elle m'a parlé de ce coup de

  4   téléphone, à quel moment a eu lieu ce coup de téléphone. Mais elle m'a dit

  5   qu'il l'avait appelée quand je me suis trouvée chez elle et que j'ai

  6   appris que son mari avait été arrêté. Cela devait donc se situer aux

  7   alentours du troisième jour après le début du conflit.

  8   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Dites-moi, vous avez

  9   déclaré que Zoran Kupreskic et sa femme avaient passé quelques nuits, deux

 10   ou trois nuits, n'est-ce pas, dans cet appartement ?

 11   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

 12   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Et vous avez déclaré

 13   que, lorsque lui ne pouvait pas être là, vous y faisiez un saut de temps

 14   en temps ?

 15   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

 16   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Mais après cela, qui

 17   s'est trouvé avec Majda Sivro dans cet appartement ?

 18   Mme Sapina (interprétation). - Eh bien, Majda m'a appelée encore

 19   une fois un certain jour, et m'a dit que Mira, la femme de Zoran, ne

 20   pouvait pas rester plus longtemps avec elle. Elle aurait voulu que ma

 21   soeur aille habiter avec elle, et comme ma soeur était avec moi, que cela

 22   ne la gênait pas -je veux dire, pour elle, c'était la même chose, elle

 23   souhaitait apporter son aide-, elle est donc allée chez elle et elle a

 24   habité avec elle jusqu'à son départ pour Zenica.

 25   Ensuite, c'est moi qui m'arrêtais très souvent chez elle parce


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  1   que ma soeur était avec elle, avec mes enfants. Elle aussi était sur le

  2   point de partir. Elle m'a appelé un jour, elle m'a dit qu'elle allait

  3   partir et qu'il y aurait un échange avec son mari, qu'ils allaient tous à

  4   Zenica et qu'ils seraient échangés contre des Croates qui souhaitaient

  5   revenir, qu'il y avait eu un accord signé à ce sujet. Donc, elle m'a

  6   appelée pour me dire au revoir.

  7   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Pourriez-vous parler un

  8   peu plus lentement ?

  9   Mme Sapina (interprétation). - Je vous prie de m'excuser.

 10   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Elle vous a appelée pour

 11   vous dire qu'elle partait, n'est-ce pas, Majda Sivro ? Au moment où elle

 12   partait pour Zenica ?

 13   Mme Sapina (interprétation). - Oui, elle m'a appelée pour me

 14   dire qu'elle partait, pour me dire au revoir.

 15   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand vous êtes allée

 16   dans son appartement, y avez-vous trouvé d'autres personnes ?

 17   Mme Sapina (interprétation). - Il y avait pas mal de monde. Il y

 18   avait ma soeur, ses enfants, Zoran qui étaient venus lui dire au revoir ;

 19   une voisine, d'ailleurs une ou deux voisines. Je suis allée chez elle avec

 20   mon mari pour l'aider un petit peu, lui porter quelques bagages. Elle a

 21   emporté tout ce qu'elle pouvait emporter, pour elle, pour ses enfants et

 22   pour son mari. Est-ce que je peux ajouter quelque chose ?

 23   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Je vous en prie.

 24   Mme Sapina (interprétation). - Je ne sais pas ce que cela vaut

 25   mais je tiens à dire que nous étions vraiment de très bonnes amies.


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  1   J'avais un peu d'argent sur moi. Je savais qu'elle allait à Zenica, je

  2   savais qu'elle n'avait rien de sûr qui l'attendait à Zenica, donc je lui

  3   ai donné un peu d'argent, 100 deutche Marks. Elle a protesté, elle n'a pas

  4   voulu accepter et m'a dit : "Toi aussi, tu en auras besoin". Et moi, je

  5   lui ai dit : "Ecoute, moi je reste chez moi dans mon appartement. Toi, tu

  6   vas dans l'inconnu donc, je t'en prie, prends cet argent". Et elle l'a

  7   pris et nous nous sommes dit au revoir. Nous étions amies comme toujours.

  8   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Cent deutche Marks, à ce

  9   moment-là, c'était beaucoup d'argent ?

 10   Mme Sapina (interprétation). - Oui, puisque juste avant le

 11   conflit, le salaire moyen à l'usine Princip -enfin je ne vais peut-être

 12   pas citer un chiffre absolument exact- tournait autour de 20 deutche

 13   Marks. Il était très peu élevé.

 14   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - A quel moment à peu près

 15   Majda Sivro est-elle partie pour Zenica ?

 16   Mme Sapina (interprétation). - Elle est partie à la mi-mai,

 17   dirais-je, enfin je ne me rappelle pas avec précision, mais je crois que

 18   c'est sans doute cela parce que je suis partie en Croatie à la fin du mois

 19   de mai, donc peu de temps après et cela me sert de point de repère.

 20   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Il y a une erreur au

 21   transcript anglais, pourriez-vous répéter votre réponse ? A non ! Cela va,

 22   tout va bien. Je vous prie de m'excuser.

 23   Donc Majda Sivro est partie à Zenica avec son mari, et l'échange

 24   les a concernés tous les deux, n'est-ce pas ?

 25   Mme Sapina (interprétation). - C'est cela.


Page 11829

  1   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Avez-vous eu des

  2   contacts avec elle à partir du moment où elle s'est installée à Zenica ?

  3   Mme Sapina (interprétation). - Elle m'a appelée le jour même ou

  4   le lendemain, je ne me rappelle pas exactement. Elle m'a appelée pour dire

  5   qu'elle avait trouvé un logement. Elle habitait chez le frère de son mari.

  6   Elle m'a rappelée par la suite pour nous demander comment nous allions et

  7   me dire de faire attention. Ces mots-là, je les ai interprétés à ma

  8   manière parce que j'ai cru comprendre qu'une fois arrivée à Zenica elle a

  9   été mieux informée de la situation, et elle m'a dit de faire attention

 10   pour éviter que nous ne soyons tués. Elle était au courant des

 11   pilonnages.

 12   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Mais qu'est-ce qui a été

 13   pilonné ?

 14   Mme Sapina (interprétation). - Vitez et Zenica.

 15   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'ensuite

 16   vous avez quitté Vitez peu de temps après le départ de Majda Sivro ?

 17   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

 18   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Mais Vitez était

 19   encerclé à ce moment-là. Comment avez-vous fait ?

 20   Mme Sapina (interprétation). - J'ai déjà dit que mon mari avait

 21   un travail en Croatie. J'étais à Vitez avec les enfants, le conflit a

 22   commencé, et durant la guerre, il a réussi, grâce à la Forpronu ou je ne

 23   sais pas exactement grâce à qui, à revenir pour essayer de nous chercher

 24   et de nous faire partir avec lui. C'est ce qu'il a réussi à faire puisqu'à

 25   la fin du mois de mai nous sommes partis en Croatie à bord d'un


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  1   hélicoptère.

  2   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand êtes-vous revenue

  3   à Vitez plus tard ?

  4   Mme Sapina (interprétation). - Je suis revenue à Vitez au mois

  5   de septembre 1994. Et je n'ai plus quitté Vitez.

  6   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous êtes arrivée à

  7   Vitez à ce moment-là pour y vivre de façon permanente ?

  8   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

  9   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Avez-vous eu des

 10   contacts avec (expurgé) ensuite ?

 11   Mme Sapina (interprétation). - Oui, même pendant la guerre, elle

 12   avait mon numéro, elle m'appelait chez des voisins. Ce n'était pas mon

 13   numéro, c'était le numéro de voisins. Mais elle m'a appelée chez les

 14   voisins y compris pendant la guerre, et encore plus bien sûr quand je suis

 15   revenue à Vitez. Nous avons donc maintenu des contacts téléphoniques.

 16   Elle est venue me voir chez moi. Je suis allée à Zenica pour lui

 17   rendre visite, je n'ai pas habité dans le même appartement qu'elle. Mais

 18   ma fille, à ce moment-là, a eu un enfant à Zenica en 1996. Quand j'ai eu

 19   de meilleures conditions matérielles, parce qu'à Zenica personne n'était

 20   tout à fait sûr, j'ai insisté pour qu'elle vienne me voir si elle avait

 21   besoin de quelque chose.

 22   Elle m'a aidé d'ailleurs au moment de l'accouchement de ma fille

 23   et pendant le mois qui a suivi, parce que ma fille a dû passer pas mal de

 24   temps à l'hôpital. Elle a donc aidé ma fille sur le plan matériel

 25   alimentaire, etc. Et puis elle m'informait de la situation. Elle aussi,


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  1   avant cela, venait à Vitez parce qu'elle avait besoin de venir chercher

  2   certains objets qu'elle avait laissés et qui étaient restés chez ma

  3   soeur : des vêtements, des appareils qu'elle avait laissés et qu'elle

  4   voulait emporter avec elle.

  5   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Savez-vous si

  6   (expurgé) et Zoran Kupreskic se sont revus depuis la guerre ?

  7   Mme Sapina (interprétation). - Je ne sais pas exactement. La

  8   seule chose que je sais, c'est que Zoran un jour m'a demandé de me

  9   renseigner auprès de (expurgé) pour savoir si elle serait prête à faire une

 10   déclaration en sa faveur, à lui, parce qu'un avocat lui avait dit que le

 11   témoignage d'un Musulman était plus important à ses yeux que celui de

 12   cent Croates.

 13   Donc, il m'a demandé à ce moment-là d'organiser un rendez-vous

 14   avec (expurgé), ce que j'ai fait. J'ai fait ce qu'il fallait, mais est-ce

 15   qu'ils se sont vus ? Je ne sais pas.

 16   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Mais se sont-ils

 17   rencontrés en d'autres occasions ? Cela, vous ne le savez pas ?

 18   Mme Sapina (interprétation). - Je ne sais pas vraiment.

 19   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Ce jour-là où Zoran vous

 20   a demandé de parler à (expurgé), savez-vous s'ils se sont vus ?

 21   Mme Sapina (interprétation). - Oui, parce que j'ai appelé (expurgé)

 22   et elle est venue chez moi deux ou trois jours plus tard dans mon

 23   appartement. Nous étions tous ensemble. C'est à ce moment-là qu'il a parlé

 24   avec elle.

 25   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Qu'est-ce que Zoran a


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  1   demandé à (expurgé)ce jour-là ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Zoran a d'abord demandé à (expurgé)

  3   si elle savait qu'un acte d'accusation avait été dressé à son encontre.

  4   Elle a répondu que oui, elle le savait. Il lui a demandé alors si elle

  5   pourrait faire une déclaration pour dire qu'il l'avait aidée pendant la

  6   guerre parce que cela serait très utile pour lui. Elle a répondu

  7   immédiatement qu'elle ferait cette déclaration mais qu'elle avait peur

  8   d'être un témoin au procès, qu'elle était d'accord pour faire une

  9   déclaration et dire ce qui s'était passé mais qu'elle craignait d'aller à

 10   La Haye. Elle savait où cela se passerait pour témoigner.

 11   Elle a dit à ce moment-là qu'elle avait peur pour sa famille.

 12   Elle a raconté un événement au cours duquel elle avait parlé de Zoran à

 13   des Musulmans qui l'entouraient à Zenica, qu'elle avait dit que c'était un

 14   homme très bon, un homme qu'elle appréciait, et que la réaction de ces

 15   personnes a consisté à lui dire qu'elle ferait mieux de faire attention et

 16   que la réaction a été négative. Elle a répondu qu'il y avait des gens bons

 17   et mauvais de tous les côtés. Mais la réaction a continué à être négative,

 18   elle a donc dit qu'elle avait peur pour sa famille.

 19   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Elle avait peur de venir

 20   témoigner en raison des éventuelles conséquences ?

 21   Mme Sapina (interprétation). - Oui.

 22   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Quand cela s'est-il

 23   passé, d'après vous ?

 24   Mme Sapina (interprétation). - C'était au cours de l'été 1997.

 25   La date exacte, je ne me la rappelle pas, mais c'était au cours de


Page 11833

  1   l'été 1997.

  2   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous rappelez-vous quels

  3   ont été les autres sujets de la conversation ce jour-là, en dehors de

  4   cette déclaration ou de ce témoignage qui lui était demandé en faveur de

  5   Zoran ?

  6   Mme Sapina (interprétation). - Je me rappelle que Zoran a dit à

  7  (expurgé) deux ou trois fois qu'il ne lui demandait que de dire la vérité,

  8   rien d'autre. Il lui a dit cela deux ou trois fois. Il lui a dit qu'elle

  9   n'avait pas besoin d'avoir peur, parce que ce qu'elle devrait dire dans sa

 10  déclaration ne serait que la vérité.(expurgé), à ce moment-là, m'a interrogée

 11   au sujet de mon frère notamment qui avait disparu à Mahala, à Vitez

 12   pendant la guerre. Et elle m'a demandé si Marija, sa sœur, avait retrouvé

 13   mon frère à Vidovici. J'ai répondu que non et qu'à partir du dernier

 14   endroit où on l'avait vu, il n'y avait eu aucune nouvelle supplémentaire.

 15   J'ai interrogé (expurgé) au sujet de son frère aussi. Elle m'a dit :

 16   "Je n'ai jamais eu de nouvelles à son sujet, je ne l'ai pas retrouvé". Et

 17   Zoran a demandé si elle savait s'il avait été détenu, et notamment dans

 18   l'école de Dubravica. Et puis il a ajouté qu'il essaierait de trouver des

 19   renseignements et que s'il en obtenait, il ferait tout pour que les choses

 20   s'améliorent, qu'il l'informerait si on le retrouvait quelque part. Cela,

 21   je me rappelle.

 22   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). – A-t-il été question du

 23   fait que (expurgé), pourrait éventuellement trouver des gens à Vitez, des

 24   Bosniens, des Musulmans qui étaient à Zenica à l'époque et qui pourraient

 25   aussi témoigner en faveur de Zoran ?


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  1   Mme Sapina (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement.

  2   Je crois qu'il a été question de cela, effectivement. Mais de quelle

  3   personne exactement il a été question, cela, je ne me rappelle pas. Mais

  4   je sais qu'ils ont parlé de cela effectivement, puisqu'elle m'a dit

  5   qu'elle avait parlé avec pas mal de gens, qu'elle avait trouvé pas mal de

  6   gens qui pensaient comme elle, qui pensaient que Zoran n'aurait pas pu

  7   faire des choses pareilles. C'était des gens qui le connaissaient parce

  8   qu'ils avaient tous travaillé dans notre usine par le passé. Ils étaient

  9   partis à Zenica en même temps qu'elle. Ils étaient assez nombreux à le

 10   connaître, là-bas.

 11   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Après cela, avez-vous

 12   eu, dans votre appartement, d'autres rencontres avec (expurgé), en

 13   rapport avec ce témoignage ?

 14   Mme Sapina (interprétation). - A partir de cette date, elle

 15   n'est plus revenue dans mon appartement. Nous nous sommes parlé un certain

 16   nombre de fois au téléphone. Vous voulez que je raconte ?

 17   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Oui, dites.

 18   Mme Sapina (interprétation). - Quand Mirjana, "Mira", la femme

 19   de Zoran Kupreskic, a dit qu'elle devrait faire cette déclaration devant

 20   les avocats parce que les avocats étaient à Vitez, elle m'a demandé

 21   d'établir un contact avec (expurgé), pour voir quand elle pouvait venir à

 22  Vitez, dans quelles conditions, etc.. J'ai appelé (expurgé), je me suis rendue

 23   compte qu'elle était réticente, qu'elle avait peur de faire cette

 24   déposition. C'est la conclusion que j'ai tirée.

 25   D'abord, elle m'a dit qu'elle n'avait pas le temps. Je lui ai


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  1   donc proposé de venir chez elle avec les avocats mais cela non plus, cela

  2   ne lui paraissait pas satisfaisant. Elle a éludé tout cela. J'ai donc

  3   appelé Mira pour lui dire que (expurgée)

  4   Mira m'a alors demandé d'intervenir auprès de (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)  

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée). Mira m'a demandé de la rappeler, je me suis rendu

 11   compte qu'elle était très, très réticente. Chaque fois que je l'appelais,

 12   elle manifestait davantage de réticence. (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée). Et un soir, j'ai réussi à l'avoir

 15   au bout du fil.

 16   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). – Un instant, je vous

 17   prie. Dites-moi, qui vous a appelé en rapport avec cette déclaration,

 18   parce que dans le compte rendu anglais, il y a une erreur ?

 19   Mme Sapina (interprétation). – Mirjana, la femme de Zoran. Je

 20   l'appelle "Mira", mais c'est un diminutif, son prénom exact est Mirjana.

 21   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Au compte rendu anglais,

 22   nous lisons le prénom Mirjan. Or, le prénom qui doit s'inscrire n'est pas

 23   Mirjan, mais Mirjana, le prénom d'une femme, Mirjan étant un prénom

 24   masculin.

 25   Vous avez donc eu de nouveaux contacts avec (expurgée), mais


Page 11836

  1   que vous a-t-elle dit à la fin ?

  2   Mme Sapina (interprétation). - Finalement, quand j'ai réussi à

  3   l'avoir au bout du fil, elle m'a dit que vraiment, elle ne pouvait rien

  4   faire, qu'elle ne pouvait même pas soumettre cette déclaration écrite,

  5   qu'elle recevait des coups de fil anonymes, des menaces, qu'elle était

  6   harcelée au téléphone, qu'elle ne pouvait même plus parler au téléphone

  7   avec moi. Et j'en ai conclu que certains des siens, des Musulmans,

  8   voulaient lui interdire de faire une telle déclaration. C'est la

  9   conclusion que j'en ai tiré, parce que qui d'autre aurait pu la menacer ?

 10   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - A quel moment cela

 11   s'est-il passé ? Pouvez-vous tenter de le déterminer ?

 12   Mme Sapina (interprétation). - Cela s'est passé très peu de

 13   temps avant la déclaration que j'ai faite moi-même, c'est-à-dire au mois

 14   de mars… j'ai un blocage... 1998. J'ai donc fait ma déposition en

 15   mars 1998 et donc cela a dû se passer en février, parce que j'ai décidé de

 16   faire ma déposition en voyant qu'elle ne pouvait pas faire la sienne.

 17   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Vous a-t-elle parlé

 18   davantage de ces pressions, de ces menaces venant de la partie musulmane ?

 19   Mme Sapina (interprétation). - Ce jour-là, elle ne m'en a pas

 20   dit davantage, mais le lendemain ou quelques jours plus tard, je ne m'en

 21   rappelle vraiment pas exactement, elle m'a rappelée et m'a dit qu'elle

 22   n'appelait pas de chez elle, mais qu'elle appelait d'un autre téléphone.

 23   Elle tenait à me dire qu'elle regrettait beaucoup, mais que vraiment elle

 24   n'osait pas faire cette déposition parce qu'elle avait vécu quelque chose

 25   de très désagréable. Elle m'a dit qu'on lui avait proposé de faire quelque


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  1   chose, et que cela elle ne le ferait pour rien au monde.

  2   A ce moment-là, j'ai compris que ce qui était en cause, c'est ce

  3   que j'ai dit, ce que j'ai pensé il y a quelques instants, à savoir qu'on

  4   lui avait demandé une déclaration contre Zoran, et non pas en faveur de

  5   Zoran. C'est ce que j'ai cru comprendre et à partir de ce jour-là, je n'ai

  6   plus jamais appelé. Je ne voulais pas troubler sa tranquillité ou la

  7   mettre dans une situation désagréable. Donc, c'est moi qui ai fait une

  8   déclaration, et elle et moi n'avons plus jamais parlé de cela ensemble.

  9   Mme Slokovic-Glumac (interprétation). - Après cela, c'est-à-dire

 10   durant le reste de l'année 1998 et en 1999, à l'occasion des contacts que

 11   vous avez eus avec elle, avez-vous appris qu'elle avait été menacée par

 12   d'autres personnes en relation avec sa venue à La Haye, son éventuelle

 13   déposition, etc. ?

 14   Mme Sapina (interprétation). - Je vous ai dit tout ce que je

 15   sais, je n'ai pas eu d'autres informations par la suite.

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   Audience huis clos

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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 12   Pages 11838 à 11855 – expurgées – audience à huis clos partiel.

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 12   Pages 11856 à 11868 – expurgées – audience à huis clos.

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 25   L'audience est levée à 11 heures 30.