Affaire n° : IT-98-30/1-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen, Président
M. le Juge Fausto Pocar
Mme le Juge Florence Mumba
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 mars 2004

LE PROCUREUR

c/

Miroslav KVOCKA, Mlado RADIC, Zoran ZIGIC et Dragoljub PRCAC

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DÉCISION

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Le Substitut du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils des Appelants :

M. Kstan Simic pour Miroslav Kvocka
M. Toma Fila pour Mlado Radic
M. Slobodan Stojanovic pour Zoran Zigic
M. Jovan Simic pour Dragoljub Prcac

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la demande adressée à la Chambre d’appel aux fins d’obtenir une assistance juridique pour la procédure en appel (Request to Appeals Chamber for Legal Assistance in Appeals Procedure), déposée à titre confidentiel et ex parte le 26  février 2004 par l’appelant Zigic lui-même (la « Demande » et l’« Appelant »), par laquelle l’Appelant soutient notamment que l’Accusation dissimule des éléments de preuve et ne respecte pas ses obligations en vertu de l’article 68 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), et exprime également « sa vive préoccupation face à la décision relative à l’admission de moyens de preuve supplémentaires en application de l’article 115 du Règlement rendue le 16 février 20041 »,

ATTENDU que la deuxième partie de la Demande équivaut en fait à une demande de réexamen de la « Décision relative à la requête des appelants aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires en application de l’article 115 du Règlement  » rendue par la Chambre d’appel le 16 février 2004 (la « Décision du 16 février  2004 »),

VU l’« Ordonnance » rendue par la Chambre d’appel le 10 mars 2004, par laquelle la Chambre a enjoint au Greffier de déposer la Demande à titre confidentiel et inter partes et ordonné à l’Accusation de déposer une réponse à ladite Demande le 17 mars 2004 au plus tard et à l’Appelant de déposer une éventuelle réplique le 19 mars 2004 au plus tard,

VU le supplément à la demande en date du 25 février 2004 adressée à la Chambre d’appel aux fins d’obtenir une assistance juridique pour la procédure en appel ( Supplement to the “Request to Appeals Chamber for Legal Assistance in Appeals Procedure” from 25 February 2004), déposé à titre confidentiel par l’Appelant le 12 mars 2004 (le « Supplément »), dans lequel celui-ci affirme que l’Accusation lui a dissimulé jusqu’au 12 mars 2004 une déclaration qu’elle a recueillie le 28  février 2001, et prie la Chambre d’appel d’examiner cette déclaration en application de l’article 115 du Règlement,

VU la réponse de l’Accusation à la Demande et au Supplément (Prosecution’s Reply to Request to Appeals Chamber for Legal Assistance in Appeals Procedure and Supplement to the Request to Appeals Chamber for Legal Assistance in Appeals Procedure ), déposée à titre confidentiel et ex parte (à l’égard des autres appelants en l’espèce) par l’Accusation le 16 mars 2004 (la « Réponse de l’Accusation »), par laquelle celle-ci affirme que rien ne justifie les accusations portées par l’Appelant contre l’Accusation2; qu’elle a fait le point sur les pièces qu’elle a communiquées en application de l’article 68 du Règlement dans cinq rapports successifs déposés dans le cadre de la procédure en appel3; qu’elle a communiqué à l’Appelant tous les éléments visés par l’article 68 du Règlement issus de l’affaire Le Procureur c/ Predrag Banovic (affaire n° IT-02-65/1) ainsi que les détails de l’accord sur le plaidoyer déposé dans ladite affaire4; que les actes d’accusation dans Le Procureur c/ Dusan Meakic et consorts (affaire n° IT0365PT) et dans Le Procureur c/ Dusko Sikirica et consorts (affaire n° IT-95-8-T) sont publics et que s’il existait des éléments concernés par l’article 68 dans les annexes confidentielles jointes à ces actes d’accusation 5, ceux-ci auraient été communiqués à l’Appelant; qu’en ce qui concerne l’allégation de l’Appelant selon laquelle les accusés dans Le Procureur c/ Dusko Sikirica et consorts (affaire n° IT-95 -8-T) auraient conclu des accords secrets sur le plaidoyer, lesdits accords ont en fait tous été déposés à titre non confidentiel en 20016; et enfin qu’elle ne considérait pas que la déclaration mentionnée dans le Supplément contenait des éléments rentrant dans le cadre de l’article 68 du Règlement, mais des informations concordant avec les conclusions de la Chambre de première instance relativement à un cas de sévices7,

VU la réplique de Zoran Zigic’s à la Réponse de l’Accusation (Zoran Zigic’s Reply to Prosecution’s Reply to Request to Appeals Chamber for Legal Assistance in Appeals Procedure and Supplement to the Request to Appeals Chamber for Legal Assistance in Appeals Procedure), déposée à titre confidentiel par l’Appelant le 19 mars 2004 (la « Réplique de Zigic »), par laquelle l’Appelant ne répond qu’à un seul paragraphe de la Réponse de l’Accusation en arguant notamment que, « à en croire les rumeurs », un accusé devant le Tribunal international, Duca Kneževic, a été « inculpé à titre confidentiel » des meurtres de certaines personnes dont l’Appelant a été reconnu coupable en première instance,

ATTENDU que, s’agissant de l’obligation incombant à l’Accusation en vertu de l’article 68 du Règlement, la Chambre d’appel a précisé dans une autre affaire qu’« SaCux termes de l’article 68 du Règlement, c’est au Procureur qu’il revient de déterminer initialement si un élément de preuve est disculpatoire ou non » et que « SsC’il n’a pas été démontré que le jugement du Procureur en la matière est abusif, la Chambre d’appel n’interviendra pas dans l’exercice de cette liberté dont il jouit8 »,

ATTENDU que l’Accusation a répondu de manière détaillée aux différentes allégations concernant le non-respect de l’article 68 du Règlement formulées par l’Appelant et que celui-ci n’a pas démenti les explications données par l’Accusation dans sa Réponse,

ATTENDU que les allégations formulées par l’Appelant dans sa Demande, son Supplément et sa Réplique sont infondées, en ce qu’il n’a pas établi que le jugement porté par l’Accusation dans le cadre de l’article 68 du Règlement était abusif,

ATTENDU que, comme l’Accusation l’a rappelé, « [la Chambre d’appel] a précédemment indiqué qu’une chambre peut reconsidérer une décision lorsqu’elle est persuadée que sa décision antérieure n’était pas fondée et avait entraîné un préjudice, et non pas uniquement dans le cas où les circonstances auraient changé. La décision d’une chambre de réexaminer ou non relève, en soi, du pouvoir souverain d’appréciation qui lui est reconnu9 »,

ATTENDU qu’à l’appui de sa demande de réexamen, l’Appelant a cité tout particulièrement les éléments de preuve nos 8, 9 et 13 figurant dans sa deuxième requête déposée en application de l’article 115 du Règlement10 et l’élément de preuve n° 6 figurant dans sa première requête déposée en application du même article11,

ATTENDU que, dans la Décision du 16 février 2004, même si la Chambre d’appel a considéré que ces éléments de preuve auraient pu être produits au procès si toute la diligence voulue avait été exercée, elle a conclu « qu’il n’a[vait] pas été démontré qu’ils auraient influé sur le jugement12  »,

ATTENDU que, dès lors, la Chambre d’appel a dûment examiné la teneur des éléments de preuve dont l’Appelant fait état dans sa demande de réexamen de la Décision du 16 février 2004,

ATTENDU, en outre, qu’il n’est pas nécessaire de réexaminer la Décision du 16 février 2004, l’Appelant n’ayant pas convaincu la Chambre que sa décision antérieure était erronée et source d’injustice,

PAR CES MOTIFS,

REJETTE à la fois la Demande et le Supplément.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 22 mars 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
___________
Mohamed Shahabuddeen

[Sceau du Tribunal]


1 - Demande, par. 15.
2 - Réponse de l’Accusation, par. 15.
3 - Ibid., par. 17.
4 - Ibid., par. 19.
5 - Ibid., par. 20.
6 - Ibid., par. 21.
7 - Ibid., par. 22.
8 - Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, affaire n° IT-95-14-A, Arrêt relatif aux requêtes de l’Appelant aux fins de production de documents, de suspension ou de prorogation du délai de dépôt du mémoire et autres, Chambre d’appel, 26 septembre 2000, par. 39.
9 - Le Procureur c/ Zdravko Mucic et consorts, affaire n° IT-96-32-Abis, Arrêt relatif à la sentence, Chambre d’appel, 8 avril 2003, par. 49.
10 - Confidential Zoran Zigic’s Second Motion to Present Additional Evidence, 11 avril 2003.
11 - Confidential Motion to Present Additional Evidence – Defence for the Accused Zoran Zigic, 22 août 2002, et son supplément du 13 juin 2003.
12 - Décision du 16 février 2004, p. 6.