Affaire n° : IT-98-30/1-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen, Président
M. le Juge Fausto Pocar
Mme le Juge Florence Mumba
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
7 mai 2004

LE PROCUREUR

c/

Miroslav KVOCKA, Mladjo RADIC, Zoran ZIGIC et Dragoljub PRCAC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS D’ADMISSION EN APPEL DU RAPPORT SUR LA DÉTENTION DE ZORAN ZIGIC

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils des Appelants :

M. Krstan Simic pour Miroslav Kvocka
M. Toma Fila pour Mladjo Radic
M. Slobodan Stojanovic pour Zoran Zigic
M. Jovan Simic pour Dragoljub Prcac

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

attendu qu’au terme du procès en appel, le 27 mars 2004, Zoran Zigic (« l’Appelant ») a tenté de présenter un nouveau document lorsqu’il s’est adressé directement à la Chambre d’appel, mais que sa demande a alors été rejetée par celle-ci (la « Décision du 26 mars 2004 »)1,

VU la notification du mémorandum intérieur concernant le comportement de l’accusé Zoran Zigic (Notice of Internal Memorandum about Behaviour of the Accused Zoran Zigic) (la « Requête de la Défense ») déposée le 29 mars 2004 à titre confidentiel, dans laquelle Zoran Zigic demande à la Chambre d’appel de prendre acte du rapport sur son comportement établi par le commandant du quartier pénitentiaire des Nations Unies (le « Rapport »),

VU la réponse de l’Accusation à la Requête de la Défense (Prosecution’s Response to Zoran Zigic’s Notice of Internal Memorandum about the Behaviour of Zoran Zigic) (la « Réponse de l’Accusation ») déposée le 8 avril 2004, dans laquelle l’Accusation avance :

  1. qu’elle s’oppose à ce que la question de l’admission de ce document soit réexaminée, Zoran Zigic n’ayant présenté aucun nouvel argument justifiant que la Chambre d’appel reconsidère sa décision,

  2. qu’en cas de réexamen de la question, elle s’oppose à l’admission du rapport sur le comportement de Zoran Zigic puisque ce document n’apporte pas la preuve d’une erreur commise par la Chambre de première instance,

  3. que si la Chambre d’appel décidait d’annuler l’une au moins des déclarations de culpabilité prononcées contre Zoran Zigic et de réviser la peine pour les déclarations qu’elle aurait confirmées, on pourrait s’attendre à ce qu’elle admette ce document dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire,

  4. qu’en dernier lieu, si la Chambre d’appel devait toutefois admettre ce document, elle ne devrait lui accorder que peu de poids, voire aucun,

VU la réplique de Zoran Zigic à la Réponse de l’Accusation (Zoran Zigic’s Reply to Prosecution’s Response to Zoran Zigic’s Notice of Internal Memorandum about the behaviour of Zoran Zigic) déposée le 13 avril 2004, dans laquelle l’Appelant soutient que le rapport sur son comportement « est susceptible d’avoir une certaine importance dans le cas d’une éventuelle révision de la peine »,

ATTENDU que la Chambre d’appel est d’avis que le Rapport n’est admissible que s’il peut être considéré comme un moyen de preuve supplémentaire au sens de l’article 115 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») et qu’elle examinera donc la Requête de la Défense comme une demande fondée sur cette disposition,

ATTENDU que les moyens de preuve qui n’étaient pas disponibles au procès et n’auraient pas pu être découverts en exerçant toute la diligence voulue sont admissibles en application de l’article 115 du Règlement s’ils se rapportent à une question cruciale, s’ils sont dignes de foi et s’ils auraient pu influer sur le jugement, en d’autres termes, s’ils auraient pu, dans le cas d’une requête d’un accusé, démontrer que la déclaration de culpabilité était infondée2,

ATTENDU que les moyens de preuve qui étaient disponibles au procès ou qui auraient pu être découverts en exerçant toute la diligence voulue ne sont pas admissibles à moins que la partie requérante démontre que leur exclusion causerait une erreur judiciaire, dans la mesure où s’ils avaient été disponibles au procès, ils auraient influé sur le jugement3,

ATTENDU que le Rapport concerne le comportement de l’Appelant avant et après la publication du Jugement et le prononcé de la sentence,

ATTENDU que les éléments du Rapport concernant le comportement de l’Appelant avant sa condamnation étaient disponibles lors du procès, que l’Appelant ne fait pas valoir qu’ils ont été portés à la connaissance de la Chambre de première instance pendant le procès, et que ces éléments ne sont donc pas admissibles à moins que l’Appelant démontre que leur exclusion causerait une erreur judiciaire,

ATTENDU que dans le Jugement, la Chambre de première instance n’a pas abordé la question du comportement de l’Appelant en détention avant sa condamnation et que l’Appelant ne fait pas valoir dans le cadre de l’appel que la Chambre de première instance a commis une erreur en ne retenant pas cet élément comme une circonstance atténuante lorsqu’elle a fixé la peine,

ATTENDU, en conséquence, que rien dans les éléments en question ne permet de conclure que leur exclusion causerait une erreur judiciaire,

ATTENDU que les éléments du Rapport concernant le comportement de l’Appelant après sa condamnation n’étaient pas disponibles au procès et qu’il y a donc lieu de déterminer s’ils se rapportent à une question cruciale, s’ils sont fiables et s’ils auraient pu influer sur le jugement,

ATTENDU que la Chambre d’appel a déjà conclu que « [l]e comportement de l’appelant après sa condamnation est sans incidence sur la question de savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire » et que c’est seulement lorsque l’appelant parvient à démontrer que la Chambre de première instance a commis pareille erreur en fixant la peine que la Chambre d’appel a le pouvoir discrétionnaire d’admettre des moyens de preuve supplémentaires4,

ATTENDU que le comportement de l’Appelant après sa condamnation ne présentait aucun intérêt pour la Chambre de première instance, d’autant que celle-ci n’était pas à même d’en juger à l’époque, et que ce comportement ne permet donc pas de démontrer que la Chambre de première instance a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire5,

ATTENDU qu’il n’a pas été démontré que le comportement de l’Appelant après sa condamnation aurait pu influer sur le jugement,

PAR CES MOTIFS,

REJETTE la Requête de la Défense.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre d’appel
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Mohamed Shahabuddeen

Le 7 mai 2004
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Compte rendu du procès en appel, p. 553 à 555.
2. Voir Le Procureur c/ Krstic, « Décision relative aux demandes aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires en appel », affaire nº IT-98-33-A, 5 août 2003, p. 4.
3. Ibidem.
4. Voir Le Procureur c/ Jelisic, affaire nº IT-95-10-A, Décision relative à la requête aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires, 15 novembre 2000, p. 4 et Le Procureur c/ Mucic, Delic et Landzo, affaire nº IT-96-21-Abis, Arrêt relatif à la sentence, 8 avril 2003, par. 11.
5. Voir Le Procureur c/ Jelisic, affaire nº IT-95-10-A, Décision relative à la requête aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires, 15 novembre 2000, p. 4.