Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 6 février 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 27.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Bonjour.

7 Mme Somers (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

8 J'ai un point d'intendance à régler, si vous le voulez bien. J'aimerais

9 m'assurer que deux pièces à conviction, les pièces de l'accusation 3/177

10 et 178 ont bien été admises hier. En effet, les arguments nécessaires ont

11 été fournis, le témoin en a parlé. Mais à la fin de l'audience d'hier,

12 parce que nous avons été activement impliqués dans une discussion sur un

13 autre sujet, je ne crois pas que ces pièces aient effectivement été

14 versées au dossier. Donc j'aimerais que nous en parlions immédiatement

15 pour que ce problème ne traîne pas en longueur.

16 Et puis la pratique, du point de vue du versement au dossier des pièces à

17 conviction, est un peu différente dans certaines autres Chambres de

18 première instance. La semaine dernière, nous avons utilisé des documents

19 Basrak et il est aussi possible que j'en ai demandé le versement au

20 dossier, mais que je n'ai pas obtenu la réponse au sujet de ces documents.

21 Si la pratique de notre Chambre de première instance est différente de

22 celle d'où provenaient les documents, peut-être faut-il que nous revenions

23 sur ce point. Mais comme je l'ai déjà indiqué, les arguments nécessaires

24 pour le versement au dossier de ces documents ont été fournis. Merci,

25 Monsieur le Président.

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1 M. le Président: Oui, Madame Somers. Permettez-moi aussi de régler des

2 intendances, notamment de vous dire bonjour, de vous saluer tous avant. Et

3 après, maintenir, ouvrir la question.

4 Je crois que nous devons avoir peut-être demain une conférence de mise en

5 état car je ne voudrais pas dépenser, comme c'est la règle ici dans cette

6 Chambre, le temps des témoins pour discuter de ces questions. Et, surtout,

7 parce que je crois que cette question a été réglée. L'admission de ces

8 documents a été réglée par une décision de la Chambre III. Je dois -je

9 parle en mon nom - revoir toute cette question. Je crois qu'une décision

10 de cette Chambre a répondu à une requête du Procureur qui demandait de

11 régler la situation de quatre documents.

12 Je vous avoue que, maintenant, je ne suis pas en condition, je n'ai en

13 mémoire la situation, donc je dois revoir la situation. Demain, peut-être,

14 on fera une conférence de mise en état, notamment pour vous informer si

15 les choses sont décidées, et faire le point de la situation ou discuter

16 s'il y a quelque chose à discuter sur cette question des documents, et

17 encore, pour informer les parties ou avoir l'avis des parties à propos du

18 calendrier.

19 J'ai demandé à notre juriste de la Chambre de contacter notamment la

20 défense Kos, car c'est le deuxième conseil de la défense à intervenir à

21 propos d'une proposition. Je voudrais quand même discuter de cette

22 question, demain, dans une conférence de mise en état avec tous les

23 conseils, c'est-à-dire l'accusation et la défense.

24 Voilà la question des documents. Madame Somers, nous allons la laisser

25 pour demain avec les questions que nous avions déjà réglées par rapport à

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1 Me Krstan Simic.

2 J'en profite pour rappeler aux parties et pour partager une préoccupation

3 que nous avons tous, comme vous savez. Cette Chambre va faire un effort,

4 va tout faire… J'ai toujours dit, ici, que la Chambre exerçait son

5 autorité de façon compréhensible et explicative. Peut-être le moment

6 arrivera où la Chambre utilisera son autorité. Point. C'est-à-dire que

7 l'on doit finir l'affaire. Vous vous rappelez tous que j'ai beaucoup de

8 fois recommandé au Procureur, quand il présentait ses moyens à charge,

9 j'ai dit que le chemin pour arriver à Omarska est très, très, long et

10 répétitif. J'ai dit cela beaucoup de fois.

11 Maintenant, c'est peut-être l'opportunité de dire que le chemin pour

12 sortir d'Omarska est souvent large, et peut-être, par des chemins qui ne

13 sont pas les plus directs; c'est-à-dire que je demande aux parties d'aller

14 le plus directement possible à la question. Je ne veux pas, comme je le

15 dis toujours, interférer dans la présentation soit des moyens à charge,

16 soit des moyens à décharge. Je dis toujours que nous avons beaucoup

17 d'espace pour discuter, et là, nous devons discuter, nous devons nous

18 mettre d'accord si possible et prendre des décisions. Après, on ne doit

19 pas discuter, on doit travailler, exécuter. Je dis toujours que la Chambre

20 utilise un principe d'intervention minimale, c'est-à-dire que la Chambre

21 doit intervenir quand on doit même corriger les choses. Souvent, une

22 intervention prend plus de temps que de laisser passer un peu les choses.

23 S'il y a une chose qui porte préjudice, oui, il faut intervenir, mais s'il

24 y a seulement une petite diversion qui ne porte pas préjudice à qui que ce

25 soit, ce genre d'intervention peut prendre beaucoup de temps, plus de

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1 temps que si on la laissait passer.

2 C'est cette position que la Chambre utilise, mais nous devons tout faire

3 pour vraiment terminer. Je recommande donc, si je peux dire dans la

4 position de bon "pater familias"; je crois que les personnes de culture

5 latine connaissent bien cette expression latine. Je recommanderai que,

6 d'un côté, il faut arriver à Omarska le plus vite possible. Maintenant, je

7 dirai: sortez le plus vite possible. Je crois que c'est le jeu.

8 Si nous allons au cœur, nous pouvons être plus clairs et plus efficaces. A

9 mon avis, je dois intervenir le moins possible mais la Chambre doit

10 intervenir quand cela est nécessaire. C'est pourquoi je voudrais avoir

11 cette conférence de mise en état, demain, pour que l'on puisse discuter de

12 ces questions. Là, il faut toujours rappeler et rappeler les règles.

13 Avant la présentation des moyens à charge, j'étais en train de rappeler

14 toutes les règles que nous avions établies à l'occasion de la présentation

15 des moyens à charge. Peut-être faut-il les distribuer par écrit, car il

16 toujours les garder à notre esprit. Je ne veux pas prendre plus de temps,

17 donc nous allons reprendre.

18 Maître Krstan Simic, vous allez nous guider maintenant, s'il vous plaît.

19 M. K. Simic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

20 La défense appelle le témoin, Cedo Vuleta.

21 (Le témoin, M. Cedo Vuleta, est introduit dans le prétoire.)

22 M. le Président: Bonjour, Monsieur. Vous m'entendez bien?

23 M. Vuleta (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous

24 entends bien.

25 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.

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1 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

2 M. Vuleta (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir.

5 M. Vuleta (interprétation): Merci.

6 M. le Président: Rapprochez vous des micros. Installez-vous le plus

7 confortablement possible. Pour l'instant, vous allez répondre aux

8 questions que Me Krstan Simic va vous poser, s'il vous plaît. Après, on

9 verra.

10 Maître Krstan Simic, s'il vous plaît, vous avez la parole.

11 (Interrogatoire principal du témoin, M. Cedo Vuleta, par Me K. Simic.)

12 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 Bonjour, Monsieur Vuleta.

14 M. Vuleta (interprétation):Bonjour.

15 Question: Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Krstan Simic. Nous nous

16 connaissons parce que nous avons déjà eu des conversations en rapport avec

17 ce procès. Avec M. Lukic nous allons vous poser quelques questions liées à

18 certains événements de votre existence et liées également aux

19 conversations que nous avons déjà eues entre nous.

20 Etes-vous prêt?

21 Réponse: Je suis prêt.

22 Question: Pour le compte rendu d'audience, Monsieur Vuleta, je vous

23 demande de décliner vos nom et prénom.

24 Réponse: Cedo Vuleta.

25 Question: Quelle est votre date de naissance?

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1 Réponse: Le 15 juillet 1958.

2 Question: Ou êtes-vous né?

3 Réponse: Dans le village de Maricka?

4 Question: Dans quelle municipalité?

5 Réponse: Dans la municipalité de Prijedor.

6 Question: Où résidez-vous?

7 Réponse: Dans la partie centrale de Maricka.

8 Question: Etes-vous marié?

9 Réponse: Non.

10 Question: Quelles études avez-vous fait?

11 Réponse: J'ai terminé des études professionnelles secondaires dans une

12 section destinée à m'enseigner l'électricité.

13 Question: Avez-vous fait votre service militaire? Et si oui, où?

14 Réponse: Oui, j'ai accompli mon service militaire en 1977 à Pula.

15 Question: De quelle date à quelle date, si vous vous rappelez?

16 Réponse: A partir du 11 mars 1977, mais je ne me rappelle pas les dates

17 exactes.

18 Question: Jusqu'à quelle année?

19 Réponse: Jusqu'en 1978.

20 Question: En 1992, étiez-vous conscrit de l'armée? Aviez-vous des

21 obligations militaires?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Où avez-vous été enregistré dans les registres de l'armée?

24 Réponse: J'étais enregistré dans les registres du district de Prijedor.

25 Question: Où travailliez-vous, Monsieur Vuleta?

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1 Réponse: Je travaillais dans la mine d'Omarska, et ce, depuis 1984.

2 Question: Quel était votre emploi exact?

3 Réponse: J'étais chargé d'assurer la maintenance du système électrique de

4 la mine, du réseau électrique de la mine.

5 Question: J'aimerais à présent que nous reparlions de 1992. Quelle était

6 votre affectation militaire durant l'année 1992, le savez-vous?

7 Réponse: Sur le plan militaire, j'étais affecté à une obligation de

8 travail dans la mine d'Omarska.

9 Question: Dans le courant de l'année 1992, avez-vous été mobilisé dans le

10 cadre de cette obligation de travail faisant partie de vos obligations

11 militaires?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Vous rappelez-vous à quel moment a commencé votre obligation de

14 travail sur le plan militaire dans la mine d'Omarska?

15 Réponse: Je ne me rappelle pas la date exacte, mais cela s'est passé à la

16 fin du mois de mai.

17 Question: Monsieur Vuleta, j'aimerais que vous décriviez les choses d'une

18 façon peut-être un peu plus illustrative à l'intention des Juges. Je vous

19 demande donc si cette mine fonctionnait en 1991.

20 Réponse: En 1991, oui, la mine fonctionnait.

21 Question: Et si elle a cessé de fonctionner, quand a-t-elle cessé de

22 fonctionner?

23 Réponse: La mine a cessé de fonctionner lorsque les opérations de guerre

24 ont commencé dans notre région.

25 Question: Quand vous dites "dans notre région", parlez-vous de toute la

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1 Yougoslavie ou d'un secteur plus limité?

2 Réponse: Je parle du secteur de la Bosnie-Herzégovine.

3 Question: Revenons, si vous le voulez bien, sur votre obligation de

4 travail. Quelles étaient les tâches qui étaient les vôtres dans le cadre

5 de votre affectation militaire, et donc, de l'obligation de travail qui

6 était la vôtre?

7 Réponse: J'avais pour obligation d'assurer la maintenance du réseau

8 électrique de la mine, je devais vérifier les turbines, les pompes

9 présentes dans la mine, vérifier également le bon fonctionnement des

10 systèmes d'induction d'eau, vérifier le bon état de la cuisine où se

11 faisait la nourriture, ce genre de chose.

12 Question: Alors que vous accomplissiez votre obligation de travail dans la

13 mine d'Omarska, aviez-vous un horaire de travail précis?

14 Réponse: Je travaillais 24 heures et ensuite j'avais 48 heures de repos.

15 Question: Donc si je vous ai bien compris, vous travailliez un jour sur

16 trois, c'est bien cela?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Dans le complexe de la mine y a-t-il eu une arrivée de détenus à

19 un certain moment?

20 Réponse: Oui, à la fin du mois de mai des prisonniers sont arrivés.

21 Question: Savez-vous jusqu'à quand ces prisonniers sont restés à cet

22 endroit?

23 Réponse: Ils y sont restés jusqu'au début du mois d'août, mais je ne me

24 rappelle pas la date exacte car je ne me suis pas particulièrement

25 intéressé à la question.

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1 Question: De quelle année parlons-nous en ce moment?

2 Réponse: De 1992.

3 Question: Etiez-vous le seul à remplir une obligation de travail dans

4 l'enceinte de la mine d'Omarska?

5 Réponse: Non.

6 Question: Vous rappelez-vous le nom des autres personnes qui avaient, tout

7 comme vous, une obligation de travail dans le cadre de leur affectation

8 militaire?

9 Réponse: Il y avait Branko Rosic, Vinko Vuckovac, Mico Starkic, Zdravko

10 Bgelobrk, Dragoja Maticic et pas mal d'autres hommes.

11 Question: Dans le cadre de leur obligation de travail prévue par ce

12 système, des femmes pouvaient-elles également travailler?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Quel était le poste occupé par ces femmes?

15 Réponse: Il s'agissait de femmes de ménage et de femmes qui travaillaient

16 dans la cuisine.

17 Question: Qu'est-ce que les femmes de ménage nettoyaient?

18 Réponse: Les femmes de ménage nettoyaient les pièces du bâtiment

19 administratif, elles faisaient le ménage dans la cuisine et dans d'autres

20 pièces.

21 Question: Et les cuisinières, où travaillaient-elles?

22 Réponse: Les cuisinières travaillaient à la cuisine au niveau du bâtiment

23 appelé Separacjia.

24 Question: Quelle est la distance qui séparait le bâtiment appelé

25 Separacjia du complexe principal? Je veux parler de ce complexe composé de

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1 hangars et de divers bâtiments.

2 Réponse: La distance à partir du bâtiment appelé Separacjia était de deux

3 kilomètres, ou peut-être même plus.

4 Question: Ces femmes qui travaillaient dans la cuisine, y avait-il

5 quelqu'un qui les supervisait, qui était hiérarchiquement leur supérieur?

6 Réponse: Ces femmes avaient leur chef dont le prénom était Dusko, mais je

7 ne me rappelle pas son nom de famille.

8 Question: Durant ce moment que vous avez déterminé entre la fin du mois de

9 mai et le début du mois d'août, qui était votre chef?

10 Réponse: L'ingénieur Mirko Babic était mon chef.

11 Question: Quelles étaient ses fonctions à l'intérieur de la mine?

12 Réponse: Il était le chef, le responsable de l'atelier chargé de

13 l'entretien des machines utilisées dans la mine.

14 Question: Etait-il également le chef des autres personnes qui, dans

15 l'enceinte de la mine d'Omarska, remplissaient une obligation de travail

16 dans cette période?

17 Réponse: Oui, il était notre chef à tous.

18 Question: Etait-il également le chef du responsable de la cuisine, de ce

19 Dusko dont vous venez de parler?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Etait-il le chef des femmes de ménage dont vous venez de parler?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Monsieur Vuleta, vous nous avez dit que vous aviez pour habitude

24 de travailler un jour, puis de ne pas travailler deux jours, ce qui

25 signifie que vous passiez 24 heures sans interruption là-bas. Est-ce

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1 exact?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Où dormiez-vous pendant cette équipe où vous travailliez?

4 Réponse: Je dormais dans l'atelier d'électricité, là où je travaillais.

5 Question: Et cet atelier, pour les interventions électriques, se trouvait

6 où?

7 Réponse: Cela se trouvait entre la halle destinée à l'entretien des

8 buldozers, puis à l'intérieur de l'atelier où l'on installait les dumpers.

9 Question: Mais à l'intérieur de quel bâtiment cela se trouvait-il?

10 Réponse: C'était un bâtiment au niveau du puits de la mine, c'était une

11 grande bâtisse destinée à l'entretien des machines.

12 Question: Est-ce que l'on appelait cela "le hangar"?

13 Réponse: Oui, le hangar.

14 Question: J'ai omis de vous poser une question et j'y reviens. Est-ce que,

15 parmi les gens qui avaient cette obligation de travail, il y avait des

16 personnes chargées du service de sécurité?

17 Réponse: Oui, il y avait un service chargé de la sécurité: les gardiens de

18 la mine.

19 Question: Et M. Mirko Babic, le directeur, était leur chef à eux aussi,

20 n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Je reviens aux conditions d'installation. Est-ce que, dans la

23 pièce où vous dormiez, vous aviez un lit?

24 Réponse: Non.

25 Question: Brièvement, pourriez-vous me décrire comment vous organisiez le

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1 temps de sommeil dont vous aviez besoin dans ces 24 heures?

2 Réponse: Je dormais sur un bureau de travail.

3 Question: Mais sur quoi vous couchiez-vous?

4 Réponse: J'apportais de chez moi une espèce d'éponge enroulée, un petit

5 matelas en mousse, donc.

6 Question: Et pendant le jour quand vous alliez au travail, où alliez-vous?

7 Réponse: J'allais vers les puits d'excavation, il y avait les stations de

8 pompage, ou j'allais dans les halles, et je devais contrôler tout cela.

9 Puis j'allais jusqu'à la cuisine où il y avait un groupe électrogène; très

10 souvent il y avait des pannes d'électricité et ce groupe électrogène

11 devait être toujours en état de marche, afin que le processus de

12 production de repas puisse fonctionner. Puis on allait vérifier la pompe

13 de l'installation en eau potable, afin que l'alimentation en eau potable

14 soit ininterrompue.

15 Question: Y a-t-il eu des pannes majeures pendant que vous étiez de

16 service, Monsieur Vuleta?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Comment réagissiez-vous? Qui vous aidait?

19 Réponse: J'ai eu une avarie importante au niveau du puits d'eau potable,

20 et la mine toute entière est restée sans eau potable à ce moment-là. J'ai

21 tout de suite entamé les activités de réparation, j'ai demandé

22 l'assistance de mes collègues qui étaient détenus, ils sont intervenus

23 avec moi. Le directeur les a amenés vers moi, et nous sommes intervenus

24 ensemble et avons effectivement remédié à la panne.

25 Question: A ce moment-là, deux détenus sont venus travailler avec vous?

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1 Réponse: Oui, je l'ai bien dit, leur nom était Zaim Perovic et

2 (inaudible).

3 Question: Donc un jour sur trois, vous avez séjourné à la mine pendant que

4 le camp y avait été installé. Est-ce que vous avez remarqué d'autres

5 personnes accomplissant certaines tâches à l'intérieur de celui-ci? Y

6 avait-il des enquêteurs?

7 Réponse: Oui, oui.

8 Question: Qui étaient ces enquêteurs?

9 Réponse: Les enquêteurs, c'étaient des gens de Banja Luka qui venaient

10 pour interroger les détenus.

11 Question: Est-ce qu'ils passaient la nuit à Omarska ou pas?

12 Réponse: Ils venaient tous les jours et repartaient chez eux par la suite.

13 Question: Y avait-il d'autres instances de sécurité?

14 Réponse: Oui, il y avait des effectifs de réserve de la police, puis il y

15 avait la police du département de police d'Omarska.

16 Question: A quoi faisiez-vous la différence entre les policiers d'Omarska

17 et les policiers de réserve?

18 Réponse: Eh bien, on pouvait les différencier de façon très facile: ceux

19 de réserve avaient de vieux uniformes en laine rêche.

20 Question: Est-ce que vous avez remarqué d'autres forces de sécurité vers

21 l'extérieur?

22 Réponse: Il y avait une unité spéciale de la police de Banja Luka.

23 Question: Avez-vous remarqué si cette unité spéciale disposait d'un

24 supérieur à elle?

25 Réponse: Oui, elle avait son supérieur à elle.

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1 Question: Avez-vous remarqué si les gens lui obéissaient?

2 Réponse: Pas beaucoup.

3 Question: Est-ce qu'il y avait là-bas, dans ces forces de police de

4 réserve, des collègues à vous qui avaient travaillé à Omarska dans la

5 mine?

6 Réponse: Il y avait Momcilo Gruban appelé "Skalja", Hrvacanin Marinko,

7 Petronic Predrag et d'autres personnes encore que je ne connaissais pas.

8 Question: S'agissait-il d'hommes qui avaient travaillé aux mines

9 d'Omarska, qui avaient été mobilisés dans la police de réserve?

10 Réponse: Oui, il y avait Gruban Momcilo, par exemple, qui travaillait à la

11 mine.

12 Question: Que faisait M. Gruban lorsqu'il était dans le civil dans cette

13 mine?

14 Réponse: Momcilo Gruban était tourneur ajusteur de profession.

15 Question: Le voyiez-vous dans la mine, là où se trouvait installé le camp?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Avez-vous remarqué ce à quoi il vaquait?

18 Réponse: Eh bien, il allait au bâtiment administratif chez les

19 enquêteurs. Il allait et venait, on pouvait le voir dans des pièces, dans

20 l'enceinte, à discuter avec des gens.

21 Question: Avez-vous remarqué lors de vos séjours là-bas, qui se trouvait

22 être le chef de ces policiers de réserve originaires d'Omarska?

23 Réponse: J'ai remarqué que leur chef était Mejakic Zeljko.

24 Question: Et M. Mejakic, il faisait quoi comme profession?

25 Réponse: Eh bien, de profession il était policier à temps plein, actif.

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1 Question: Avez-vous jamais eu l'occasion de voir M. Gruban?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Le voir donner des ordres à quelqu'un?

4 Réponse: Non.

5 Question: Monsieur Gruban pouvait-il vous donner un ordre pour que vous

6 fassiez quelque chose?

7 Réponse: Cette question est amusante. Il n'a rien à voir avec nous, il

8 n'avait rien à voir avec les ouvriers.

9 Question: Donc il ne pouvait pas donner des ordres aux ouvriers?

10 Réponse: Non. Seulement Mirko Babic, le directeur, pouvait le faire.

11 Question: Et vous-même ou l'un quelconque des ouvriers appartenant ou

12 faisant partie de ce système d'obligation de travail pouvait-il recevoir

13 des ordres de la part de M. Zeljko Mejakic?

14 Réponse: Non.

15 Question: Sauriez-vous nous dire à qui Mirko Babic faisait des rapports? A

16 qui était-il subordonné en d'autres termes?

17 Réponse: Je ne sais pas à qui il présentait des rapports, mais j'imagine

18 qu'il devait le faire au niveau de l'administration de la direction de la

19 mine.

20 Question: Connaissez-vous une personne appelée Miroslav Kvocka?

21 Réponse: Oui.

22 Question: D'où connaissez-vous cette personne?

23 Réponse: Eh bien, la première fois je l'ai rencontrée pendant que je

24 roulais en mobylette sans plaque d'immatriculation, et c'est là qu'il m'a

25 collé une amende pour la première fois. Ma première amende.

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1 Question: Est-ce que M. Kvocka était de patrouille dans le secteur de vos

2 villages?

3 Réponse: Oui, il était policier à Omarska et il couvrait le territoire où

4 je vivais, il est normal que nous l'ayons tous connu.

5 Question: Et à quelle fréquence venait-il faire des patrouilles dans votre

6 village?

7 Réponse: Assez souvent. Il venait, il allait et venait assez souvent en

8 patrouille.

9 Question: Et l'avez-vous vu dans la période dont nous parlons au camp

10 d'Omarska?

11 Réponse: Oui.

12 Question: A quelle fréquence?

13 Réponse: Je l'ai vu plusieurs fois pendant pas longtemps, peut-être trois

14 ou quatre fois.

15 Question: Et dans quelle situation le voyiez-vous?

16 Réponse: Il se trouvait au bâtiment administratif, il sortait de temps en

17 temps, allait et venait. Et je l'ai vu une fois apporter des colis avec sa

18 voiture, son propre véhicule, à l'intention des détenus.

19 Question: Et personnellement, avez-vous jamais vu M. Kvocka donner des

20 ordres à l'un quelconque des membres des effectifs de police?

21 Réponse: Non.

22 Question: Et lors de ces occasions où vous avez aperçu M. Kvocka, l'avez-

23 vous vu battre quelqu'un, tuer quelqu'un, maltraiter quelqu'un?

24 Réponse: Absolument pas.

25 Question: Avez-vous eu l'occasion de voir M. Kvocka inciter, s'il ne

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1 donnait pas d'ordre, mais inciter à faire quelque chose d'incorrect?

2 Réponse: Non.

3 Question: Pendant toute cette période où vous avez séjourné à Omarska,

4 avez-vous pu voir Kvocka toute cette période-là?

5 Réponse: Non, il est resté très peu de temps, puis tout à coup il a

6 disparu.

7 Question: Savez-vous pour quelles raisons il avait disparu?

8 Réponse: Eh bien, la raison ne m'a pas beaucoup intéressé mais j'ai appris

9 par mes collègues qu'il avait été chassé de là-bas, qu'il avait des beaux-

10 frères à la maison et que c'était la raison pour laquelle on n'avait plus

11 voulu de lui.

12 Question: Monsieur Vuleta, comment preniez-vous vos repas pendant que vous

13 faisiez ces équipes de 24 heures?

14 Réponse: Eh bien, nous prenions nos repas au réfectoire, dans la cuisine.

15 Question: Quand vous dites "dans la cuisine", vous parlez de la cuisine au

16 niveau de la mine ou au niveau de la station de tri et de concassage?

17 Réponse: Les repas étaient amenés jusqu'au puits d'excavation, mais quand

18 j'avais le temps je me dirigeais parfois aussi vers la cuisine.

19 Question: Pouvez-vous nous dire quel genre de nourriture vous receviez?

20 Réponse: Au début, la nourriture était bonne et au fur et à mesure que le

21 temps passait, la nourriture s'est fait de plus en plus mauvaise.

22 Question: Avez-vous pu remarquer ou avez-vous vu que l'on vous donnait à

23 manger les mêmes repas qu'aux détenus ou autre chose?

24 Réponse: Eh bien, la nourriture était la même, elle provenait des mêmes

25 marmites. Des fois, nous apportions de quoi manger, quelque chose de chez-

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1 soi, ou on allait peut-être acheter quelque chose au magasin parce qu'ils

2 préféraient autre chose.

3 Question: Combien de repas receviez-vous pendant votre permanence,

4 Monsieur Vuleta?

5 Réponse: Nous recevions trois repas.

6 Question: S'agissait-il de trois repas usuels, à savoir petit-déjeuner,

7 déjeuner, dîner?

8 Réponse: Oui.

9 Question: En votre qualité d'employé de la mine, vous connaissiez les

10 cuisinières. Est-ce que vous pouviez recevoir des quantités supérieures si

11 vous en vouliez?

12 Réponse: Oui, nous pouvions demander d'obtenir un peu plus et on nous

13 donnait ce qu'on demandait.

14 Question: Mais tout à l'heure vous avez dit, Monsieur Vuleta, que cette

15 nourriture était -au fur et à mesure- de plus en plus mauvaise. Par quoi

16 se traduisait cette baisse de qualité?

17 Réponse: La baisse de qualité s'est manifestée au travers de

18 l'accentuation des conflits. Nous avons fini par être encerclés, il n'y

19 avait plus d'approvisionnement, il n'y avait plus d'énergie électrique. Il

20 y a eu pénurie de levure, le pain était un petit peu acide et les gens

21 finissaient par apporter du pain de maïs parce que, même chez eux, il n'y

22 avait plus à la maison, chez eux les gens n'avaient plus de levure.

23 Question: Monsieur Vuleta, vous étiez chargé de l'entretien des

24 installations électriques et, si j'ai bien compris, vous étiez aussi

25 chargé de l'entretien de ces installations qui faisaient fonctionner le

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1 système d'approvisionnement ou d'alimentation en eau?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Comment était résolu la question d'alimentation en eau à

4 l'intérieur du puits d'excavation ou ce que vous appelez ce complexe

5 économique?

6 Réponse: Eh bien, l'approvisionnement en eau se faisait d'un même puits,

7 s'agissant tant du puits d'excavation que des installations de concassage

8 et de tri.

9 Question: S'agissait-il d'un puits d'eau potable?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Quand est-ce que ce puits a été construit?

12 Réponse: Le puits a été creusé et confectionné, je ne peux pas vous dire à

13 quelle date, mais en parallèle avec la mise en place de cette mine elle-

14 même.

15 Question: Est-ce que cela s'est fait avant que vous n'ayez commencé à

16 travailler dans cette mine d'Omarska?

17 Réponse: Oui, oui.

18 Question: Donc, si j'ai bien compris, cette installation électrique, vous

19 l'avez trouvée déjà existante quand vous avez commencé à y travailler?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Y avait-il un autre système d'alimentation en eau vers le

22 complexe de cette station de tri et de concassage ou le puits de la mine?

23 Réponse: Non.

24 Question: Et cette eau-là avait-elle été utilisée comme eau potable par le

25 personnel de la mine?

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1 Réponse: Oui, nous buvions tous la même eau.

2 Question: Avant ces événements-là, y avait-il des observations sur la

3 qualité de l'eau ou des contrôles d'eau?

4 Réponse: Oui, il y avait eu des observations: la qualité n'était pas

5 bonne. Même avant la guerre nous avons souffert de certaines maladies qui

6 ont été jugées comme provenant de la qualité de l'eau, et parfois même on

7 nous donnait de l'eau minérale.

8 Question: Et par la suite, est-ce-qu'à l'intérieur de la mine il a été

9 procédé à des analyses ou à une filtration des eaux?

10 Réponse: Après ces cas de maladies, des équipes d'experts sont venues et

11 ont mis des produits chimiques dans le puits. Je ne sais pas s'ils ont

12 chloré l'eau ou autre chose, je ne suis pas expert en la matière, je ne

13 saurais vous donner des explications plus précises.

14 Question: Monsieur Vuleta, pendant ces vingtaines de journées que vous

15 avez passées dans le camp d'Omarska, avez-vous eu l'opportunité de voir

16 des cadavres?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Quand?

19 Réponse: Au début même de l'existence de ce camp, j'ai vu des cadavres.

20 Question: Où?

21 Réponse: Derrière la cuisine. En fait, derrière le restaurant de la mine

22 il y avait des containers du côté nord.

23 Question: Et à une autre occasion quelconque, avez-vous pu voir des

24 cadavres?

25 Réponse: Une fois encore, j'ai vu des cadavres, un ou deux cadavres, à

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1 proximité de la maison blanche.

2 Question: Pouviez-vous vous repérer en faisant le tour de ces

3 installations? Pendant combien de temps pouviez-vous être absent de

4 l'enceinte du camp?

5 Réponse: Etant donné que le complexe de la mine est très grand -il peut

6 faire six ou sept kilomètres de long-, je m'absentais parfois pendant six

7 ou sept heures, parfois même plus.

8 Question: Et le reste du temps où vous faisiez partie de l'équipe, vous

9 vous trouviez au camp même?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Avez-vous eu l'occasion de voir vous-même quelqu'un battre les

12 détenus devant vous?

13 Réponse: Moi, je ne l'ai pas vu.

14 Question: Avez-vous eu l'occasion d'entendre parler d'un incident auquel a

15 pris part M. Kvocka? Etiez-vous là-bas?

16 Réponse: J'en ai entendu parler, mais je n'étais pas sur place, ce devait

17 être une de mes journées libres. C'était au tout début où l'on commençait

18 à amener des détenus. Ces détenus sortaient des autocars. L'un des soldats

19 ivres -d'après ce que mes collègues m'ont raconté, mes collègues qui

20 étaient là-bas- a commencé à tirer vers la colonne de gens. Monsieur

21 Kvocka a accouru de quelque part et s'est mis devant la colonne, il avait

22 déboutonné sa chemise et il s'était placé poitrine en avant et a dit: "Ne

23 tirez pas! Ce sont des hommes", et ainsi, il a sauvé la vie de pas mal de

24 détenus.

25 Question: Vous n'avez pas vu cela?

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1 Réponse: Non, je ne l'ai pas vu, mais cela m'a été rapporté par des gens

2 qui avaient travaillé à l'époque et qui se trouvaient présents.

3 Question: Monsieur Vuleta, avez-vous continué à travailler dans le camp

4 après la dissolution du camp?

5 Réponse: Oui, je travaillais là-bas, de nos jours encore.

6 Question: Aux mêmes tâches?

7 Réponse: Oui, au même poste.

8 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais remercier

9 M. Vuleta des réponses et je tiens à dire que les conseils de la défense

10 n'ont plus de question à lui poser.

11 M. le Président: Oui, je vous remercie aussi, Maître Krstan Simic.

12 Donc le Procureur, s'il vous plaît. Pardon, les autres conseils? Bien

13 merci. Je vois qu'il y a d'autres conseils qui veulent interroger le

14 témoin. Donc le Procureur pour le contre-interrogatoire, s'il vous plaît.

15 Maintenant, Monsieur Vuleta, vous allez répondre aux questions… Je vois

16 que ce sera M. Saxon qui vous posera des questions. Monsieur Saxon, vous

17 avez la parole.

18 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Cedo Vuleta, par M. Saxon.)

19 M. Saxon (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

20 Monsieur Vuleta, vous appartenez à quel groupe ethnique?

21 M. Vuleta (interprétation): Serbe.

22 Question: Je souhaite simplement que l'on clarifie un certain nombre de

23 points soulevés au cours de votre interrogatoire principal pour le compte

24 rendu.

25 Ce que je n'ai pas bien compris, c'est au moment où vous avez été mobilisé

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1 afin de travailler dans le camp d'Omarska en mai 1992, vous avez commencer

2 à y travailler afin de travailler dans le cadre de l'entretien des

3 installations électriques. Ce que je n'ai pas compris, c'est que vous

4 travailliez pendant 24 heures et ensuite vous pouviez vous reposer, ou

5 bien vous travailliez 48 heures d'affilée et ensuite vous pouviez

6 bénéficier du repos?

7 Réponse: Je travaillais 24 heures sans arrêt ensuite, j'étais libre

8 pendant 48 heures.

9 Question: Vous avez dit que vous avez travaillé, je crois, dans une partie

10 du hangar mais vous avez dit aussi que vous entriez dans le bâtiment

11 administratif. Est-ce exact?

12 Réponse: J'y allais au bâtiment administratif aussi, s'il fallait changer

13 une ampoule ou faire quelque chose comme cela.

14 Question: Est-ce que vous entriez par le rez-de-chaussée pour ainsi aller

15 aussi au premier étage?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Avez-vous jamais vu des détenus dans le bâtiment administratif?

18 Réponse: Dans le bâtiment administratif, il y a eu des détenus au rez-de-

19 chaussée.

20 Question: Quand vous alliez au premier étage, avez-vous jamais vu des

21 détenus dans une quelconque des pièces au premier étage?

22 Réponse: Au premier étage du bâtiment administratif je n'ai pas vu de

23 détenus.

24 Question: Dans le bâtiment du hangar, êtes-vous resté au rez-de-chaussée

25 sans arrêt?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Avez-vous jamais vu des détenus qui étaient emprisonnés dans le

3 bâtiment du hangar?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Avez-vous jamais vu la partie que l'on appelait la "pista" qui

6 se trouvait entre le bâtiment administratif et le hangar?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Avez-vous jamais vu des détenus là-bas sur la "pista"?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Etes-vous jamais entré dans le bâtiment que l'on appelait la

11 "maison blanche"?

12 Réponse: Non.

13 Question: Etes-vous jamais entré dans le bâtiment que l'on appelait la

14 maison rouge?

15 Réponse: La maison rouge, je ne sais pas, je ne connais pas cela, la

16 maison rouge.

17 Question: Monsieur Vuleta, la Chambre de première instance a entendu une

18 déposition selon laquelle, au cours de la période pendant laquelle le camp

19 d'Ormaska fonctionnait, il y a eu des excréments humains que l'on pouvait

20 trouver à beaucoup d'endroits dans le camp, que les détenus ne se lavaient

21 jamais et qu'ils souffraient de dysenterie.

22 Est-ce que vous pouvez nous dire à quoi ressemblaient les odeurs dans le

23 camp?

24 Réponse: Dans le hangar, il y a eu des toilettes, et pendant que les

25 employés travaillaient, il y en avait suffisamment; donc les détenus

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1 utilisaient les mêmes toilettes.

2 Question: Veuillez écouter ma question: ma question est de savoir à quoi

3 ressemblaient les odeurs dans le camp pendant que vous y étiez?

4 Réponse: Ce n'était pas une belle odeur, mais comment expliquer l'odeur!

5 Il n'y a pas eu de parfum pour rendre l'odeur belle.

6 Question: Vous avez dit que la mine a cessé de fonctionner lorsque la

7 guerre a éclaté, là je parle de la mine d'Omarska qui a cessé de

8 fonctionner lorsque la guerre a commencé en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que

9 c'était en avril 1992?

10 Réponse: Je ne connais pas la date exacte, je ne m'en souviens pas.

11 D'ailleurs, en ce qui concerne le camp, je sais que pendant la période de

12 la guerre en Croatie la mine fonctionnait. Après, dès que Prijedor a été

13 attaqué, la mine a cessé de fonctionner.

14 Question: Très bien. Je souhaite simplement comprendre quelque chose: vous

15 avez parlé de l'alimentation en eau et, à un moment, vous avez dit que

16 vous deviez aller au puits afin de vérifier si les pompes fonctionnaient;

17 et à d'autres moments, au cours de votre déposition, vous avez parlé des

18 puits qui servaient à l'alimentation en eau potable pour la mine

19 d'Omarska.

20 Est-ce-qu'il y avait un seul système des eaux dans la mine d'Omarska, ou

21 bien, est-ce qu'il y en avait plusieurs?

22 Réponse: Un seul système permettant d'alimenter en eau potable est resté

23 entier, existait à l'époque et existe encore aujourd'hui.

24 Question: Il y avait donc un système d'alimentation en eau potable, c'est

25 ce que vous dites?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce qu'il y a eu un autre système en alimentation d'eau qui

3 servait simplement à alimenter en eaux utilisées dans l'industrie?

4 Réponse: Oui, nous avions également l'eau industrielle qui était utilisée

5 afin de laver les machines industrielles.

6 Question: Très bien. Est-ce que vous serez d'accord avec moi dans ce cas-

7 là pour dire que la qualité de l'eau, qui était dans le système des eaux

8 potables dans la mine d'Omarska, était bien supérieure par rapport à la

9 qualité de l'eau utilisée dans le processus industriel, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et l'explication est que l'eau potable était utilisée par les

12 hommes, l'eau industrielle était utilisée afin d'effectuer des travaux, de

13 laver des camions et des machines afin de faire fonctionner la pompe

14 auprès du puits et faire ce genre de travaux, n'est-ce pas?

15 Réponse: C'est exact.

16 Question: Donc normalement vous et d'autres employés de la mine d'Omarska,

17 vous auriez refusé de boire cette eau industrielle, n'est-ce pas?

18 Réponse: C'est exact, personne ne l'aurait bue.

19 Question: Si j'ai bien compris, vous avez déclaré que, pendant que vous

20 travailliez dans le camp d'Omarska en 1992, vous travailliez 24 heures

21 d'affilée et ensuite, vous étiez libre pendant 48 heures. Est-ce exact?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pendant ces 48 heures pendant lesquelles vous n'étiez pas dans

24 le camp d'Omarska, vous ne pouvez pas dire avec exactitude d'où les

25 détenus s'approvisionnaient en eau, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Non, effectivement.

2 Question: Et la raison en est que durant la période pendant laquelle vous

3 n'étiez pas présent dans le camp d'Ormaska... je vais reformuler ma

4 question.

5 Pendant les périodes pendant lesquelles vous n'étiez pas présent dans le

6 camp d'Omarska, les détenus recevaient peut-être l'eau provenant du

7 système qui était destiné aux travaux industriels?

8 M. K. Simic (interprétation): Objection!

9 M. le Président: Oui, Maître Simic?

10 M. K. Simic (interprétation): Il est clair que mon éminent collègue pose

11 des questions directrices. Il s'agit de questions qui, vraiment, ne

12 trouvent pas leur base dans la déposition du témoin.

13 M. le Président: Reformulez, Maître Saxon, la question. Peut-être pour

14 éviter l'induction! Je crois que c'est une chose que nous tous faisons et

15 que Me K. Simic a fait beaucoup de fois.

16 Mais allez-y, reformulez, s'il vous plaît!

17 M. Saxon (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

18 Est-il possible que pendant les 48 heures pendant lesquelles vous n'étiez

19 pas présent dans le camp d'Omarska, un détenu ou plus a reçu peut-être de

20 l'eau émanant du système destiné à l'utilisation dans la mine d'Omarska?

21 M. Vuleta (interprétation): Je ne vois pas pourquoi les détenus

22 prendraient l'eau industrielle puisqu'il y avait de l'eau potable dans le

23 puits, de l'eau potable! Une fois il y avait une panne d'eau mais plus

24 tard, dans la journée, ceci a été réparé.

25 Question: Au moment de la panne du puits d'eau potable, donc de la panne

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1 de ce système, l'unique eau qui était disponible dans le camp était l'eau

2 industrielle. Est-ce exact?

3 Réponse: L'eau a été acheminée en citerne et donc les gens buvaient de

4 l'eau potable. D'après moi, d'après ce que je sais, ils ne buvaient pas

5 d'eau industrielle, c'est impossible de boire cette eau-là.

6 Question: Les détenus étaient enfermés dans des pièces différentes de la

7 mine d'Omarska. En ce qui concerne au moins un certain nombre d'entre eux,

8 pour boire de l'eau potable, il aurait fallu leur en acheminer, n'est-ce

9 pas?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Donc je vous repose la question: est-il possible de considérer

12 que pendant la période pendant laquelle vous n'étiez pas présent dans le

13 camp d'Omarska, que quelqu'un...

14 M. O'Sullivan (interprétation): Objection! Mon collègue éminent a constaté

15 que le témoin n'était pas présent. Maintenant, il souhaite que le témoin

16 suppose ce qui se passait en son absence alors qu'il n'en sait clairement

17 rien.

18 M. le Président: Maître Saxon, réponse à cette objection? Quel est votre

19 propos, si le témoin a dit qu'il n'était pas là? Vous demandez une

20 opinion, nous sommes au niveau des faits.

21 M. Saxon (interprétation): Je demande qu'il exprime son opinion

22 effectivement. D'autres témoins l'ont fait dans ce prétoire.

23 D'après ce que l'accusation a compris, c'est Me K. Simic qui représente M.

24 Kvocka, donc nous sommes un peu perplexes du fait de l'intervention de M.

25 O'Sullivan. Mais je vais poursuivre.

Page 7455

1 Mme Wald (interprétation): Je souhaiterais ajouter quelque chose car, si

2 j'ai bien compris, le Procureur a argumenté, s'est basé sur l'argument du

3 but commun. Donc ce qui est dit se réfère à tous les coaccusés: ce qui est

4 dit en ce qui concerne l'approvisionnement en eau et en nourriture

5 concerne tous les coaccusés à mon avis.

6 M. Saxon (interprétation): Merci, je prends note de votre remarque.

7 Vous avez dit que l'on faisait venir l'eau en citerne.

8 M. Vuleta (interprétation): Oui.

9 Question: Avez-vous vu des gardes dans le camp d'Omarska qui buvaient

10 cette eau-là?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Avez-vous vu qui que ce soit d'autres en train de boire cette

13 eau?

14 Réponse: Tout le monde buvait cette eau.

15 Question: Avez-vous vu tous les prisonniers dans le camp d'Omarska boire

16 cette eau qui était transportée en citerne, en tank?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Veuillez m'aider avec cela: il y avait plusieurs milliers de

19 détenus dans le camp d'Omarska, est-ce exact?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et vous dites devant ce Tribunal que vous avez vu chacun des

22 détenus, individuellement, boire cette eau-là?

23 Réponse: Je les ai vu boire mais je ne comptais pas tout le monde. Il y

24 avait la citerne qui s'y trouvait et ceux qui avaient soif, ils buvaient

25 cette eau.

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1 Question: Vous êtes en train de parler des détenus qui se trouvaient à

2 l'extérieur, donc qui avaient accès à cette citerne, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Monsieur Vuleta, vous avez déclaré qu'il y a eu des forces de

5 police spéciale de Banja Luka représentées par un officier dans le camp

6 supérieur d'Omarska. Vous avez dit que les membres de cette unité spéciale

7 n'obéissaient pas tellement aux ordres donnés par leurs supérieurs. Vous

8 avez également parlé de la présence des policiers de réserve qui

9 assuraient la sécurité dans le camp.

10 Voici ma question: ces policiers de réserve, est-ce qu'ils obéissaient aux

11 ordres donnés par leurs supérieurs?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Vous avez mentionné le fait que Zeljko Mejakic était, je crois

14 que vous avez employé le mot "chef" ou "patron" de la police qui assurait

15 la sécurité dans le camp.

16 Comment êtes-vous arrivé à cette impression-là? Qu'a fait Zeljko Mejakic,

17 qu'est-ce qu'il a dit qui vous a poussé à conclure que c'était lui le

18 commandant des policiers qui travaillaient dans le camp?

19 Réponse: Eh bien, Zeljko Mejakic leur donnait des ordres, il leur disait

20 ce qu'ils devaient faire. Voilà.

21 Question: Et vous avez déclaré également que vous étiez placé sous les

22 ordres d'un dénommé Mirko Babic, est-ce exact?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Donc Mirko Babic vous donnait des ordres à vous?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Donc est-ce qu'il serait exact de dire, en ce qui concerne la

2 chaîne de commandement, que celle-ci était respectée dans le camp

3 d'Omarska pendant que vous y travailliez, c'est-à-dire au cours de l'été

4 1992?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Vous avez mentionné le fait que vous mangiez vos repas dans le

7 camp d'Omarska et vous avez dit également que l'on vous faisait venir la

8 nourriture lorsque vous travailliez auprès du puits, et puis vous avez dit

9 que lorsque vous aviez suffisamment de temps, vous alliez dans la cuisine.

10 Lorsque vous dites "la cuisine", est-ce que vous parlez de la cuisine dans

11 la Separacija ou de la cuisine dans le bâtiment administratif?

12 Réponse: J'allais dans la cuisine qui se trouvait dans la Separacija.

13 Parce qu'ici vous confondez deux notions: il y a un restaurant qui se

14 trouve auprès du puits d'excavation, et puis il y en a un autre qui se

15 trouve à la Separacija et qui fait partie de la cuisine.

16 Question: Les prisonniers qui étaient détenus dans la mine d'Omarska, ils

17 mangeaient dans le restaurant qui se trouvait plus près du puits

18 d'excavation, n'est-ce pas?

19 Réponse: Ils mangeaient dans le restaurant et nous l'indiquions en tant

20 que restaurant qui se trouve au puits.

21 Question: Vous avez déclaré que la nourriture que vous mangiez était

22 exactement la même que celle que les détenus mangeaient. Pourtant, vous

23 n'avez jamais mangé avec les détenus, n'est-ce pas?

24 Réponse: Non.

25 Question: Donc en fait, vous ne savez pas avec exactitude ce que les

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1 détenus mangeaient, n'est-ce pas?

2 Réponse: Mais la nourriture était préparée dans les mêmes chaudrons, donc

3 elle était certainement la même. Il n'y a pas eu de chaudron à part. On

4 préparait la nourriture pour tout le monde, et pour les employés et pour

5 les soldats aussi dans les mêmes installations, dans les mêmes chaudrons.

6 Question: Vous n'avez jamais vu de vos propres yeux la nourriture qui

7 était distribuée aux détenus, n'est-ce pas?

8 Réponse: Si, j'ai vu lorsqu'on versait dans leur plat, dans leur assiette

9 des haricots ou bien autre chose. De toute façon, le plat qui était

10 préparé pour ce jour-là, parfois des pommes de terre par exemple, et puis

11 c'est ce qu'ils mangeaient.

12 Question: Je vais passer à autre chose.

13 Monsieur Vuleta, en 1992 connaissiez-vous un certain Milojica Kos?

14 Réponse: Non.

15 Question: Avez-vous fait connaissance de Milojica Kos pendant que vous

16 étiez dans le camp d'Omarska?

17 Réponse: Non.

18 Question: Au cours de l'année 1992, connaissiez-vous un certain Mlado

19 Radic?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Comment connaissiez-vous un certain Mlado Radic?

22 Réponse: Je connaissais Mlado Radic depuis avant la guerre, puisqu'il

23 était policier actif dans le poste de police d'Omarska.

24 Question: Avez-vous jamais vu Mlado Radic dans le camp d'Omarska?

25 Réponse: Oui.

Page 7459

1 Question: Vous voyiez M. Radic dans le camp d'Omarska avec quelle

2 fréquence?

3 Réponse: Eh bien, je le voyais lorsque j'étais de garde. Lorsque j'étais

4 libre, je ne pouvais pas le voir mais, vous savez, je ne prenais pas les

5 notes à chaque fois que je le voyais, donc je ne peux pas vous dire le

6 nombre de fois où je l'ai vu. Mais il y était, il est resté jusqu'à la fin

7 du fonctionnement du camp.

8 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle le camp a

9 été dissolu?

10 Réponse: Je ne sais pas quelle est la date exacte mais c'était au début du

11 mois d'août. Vous savez, je ne suivais pas cela de près, ceci ne

12 m'intéressait pas tant que cela.

13 Question: Pour que les choses soient claires, à chaque fois que vous étiez

14 en train de travailler dans la mine d'Omarska, eh bien, à chaque fois que

15 vous étiez présent dans le camp, vous y voyiez également Mlado Radic?

16 Réponse: Pas nécessairement. Cela dépendait des équipes, des heures de

17 travail, si ceci coïncidait. Mais lorsqu'il y était, je le voyais.

18 Question: Avez-vous jamais vu Mlado Radic dans le camp d'Omarska de nuit?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Où l'avez-vous vu de nuit, Mlado Radic?

21 Réponse: Je le voyais devant le bâtiment administratif, c'est là que se

22 trouvait le groupe électrogène que je branchais en cas de panne

23 d'électricité, et c'est là que je recevais les carburants utilisés pour le

24 groupe électrogène.

25 Question: Que faisait M. Radic lorsque vous le voyiez dans le camp?

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1 Réponse: Eh bien, M. Radic, je le voyais surtout dans le bâtiment

2 administratif, il était à l'intérieur, il sortait à l'extérieur, il se

3 déplaçait à droite et à gauche.

4 Question: Vous dites qu'il se déplaçait à droite et à gauche mais où

5 allait-il?

6 Réponse: Eh bien, autour du bâtiment administratif, devant cette pista par

7 exemple.

8 Question: Etait-il armé?

9 Réponse: Il était armé, il avait un revolver.

10 Question: Comment était-il vêtu M. Radic lors de ces occasions?

11 Réponse: Eh bien, il était vêtu d'uniforme de police classique, uniforme

12 bleu.

13 Question: Mlado Radic, comment traitait-il les gardes dans le camp

14 d'Omarska?

15 Réponse: Je ne sais pas, je pense qu'il était plutôt correct. Vous savez,

16 je ne regardais pas cela pour pouvoir vous dire comment Mlado se

17 comportait mais je n'ai vu aucun incident. Je n'avais pas l'impression

18 qu'il était impertinent vis-à-vis de qui que ce soit.

19 Question: Avez-vous jamais parlé avec M. Radic dans le camp d'Omarska en

20 1992?

21 Réponse: J'ai simplement parlé avec Mlado dans le cadre du travail

22 lorsqu'il m'a dit qu'il fallait brancher le groupe électrogène. C'est ce

23 que j'ai fait. Mais je n'ai pas eu d'autres entretiens, ou des entretiens

24 plus approfondis que ça avec lui.

25 Question: Donc M. Radic vous demandait de brancher le groupe électrogène?

Page 7461

1 Réponse: Oui, permettant d'assurer les lumières.

2 Question: Est-ce que d'autres gardes qui travaillaient dans le camp vous

3 demandaient de faire cela, ou bien est-ce que c'était seulement M. Radic

4 et certaines autres personnes?

5 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, une fois seulement c'était

6 Radic. Il n'y a pas eu d'électricité, il m'a dit qu'il fallait faire

7 fonctionner le groupe électrogène et c'est ce que j'ai fait.

8 Question: Merci. En 1992, connaissiez-vous un certain Zoran Zigic?

9 Réponse: Non.

10 Question: En 1992, connaissiez-vous un certain Dragoljub Prcac?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Comment connaissiez-vous M. Prcac?

13 Réponse: Eh bien, je connaissais M. Prcac par le biais de mes amis. Cela

14 dit, je ne le rencontrais jamais personnellement. Certaines personnes me

15 disaient: "Voilà, c'est Dragoljub Prcac". C'était un homme âgé, je ne

16 l'avais pas vu auparavant, avant le camp, et je le voyais sur place là-

17 bas.

18 Question: Et vous voyiez M. Prcac dans le camp d'Omarska avec quelle

19 fréquence?

20 Réponse: Eh bien, souvent. Souvent. Vous me le demandez, mais je ne le

21 voyais pas souvent. Je l'ai vu parfois dans le…, il était dans son bureau

22 dans le bâtiment administratif, donc je l'ai vu quelquefois.

23 Question: Est-ce que vous vous souvenez si vous l'avez vu en journée ou de

24 nuit?

25 Réponse: Je me souviens que je l'ai vu seulement quelquefois et c'était en

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1 journée.

2 Question: Est-ce que vous vous souvenez approximativement à quel moment

3 vous avez vu Dragoljub Prcac dans le camp d'Omarska pour la première fois?

4 Réponse: Je ne sais pas, je ne me souviens pas de cela.

5 Question: Dragoljub Prcac, comment traitait-il les gardes dans le camp

6 d'Omarska?

7 Réponse: Dragoljub Prcac était un homme très correct. A mon avis, c'est un

8 homme vraiment très correct et noble, je n'ai jamais remarqué une

9 quelconque agressivité ou quoi que ce soit de mauvais chez cet homme.

10 Question: Les gardes dans le camp d'Omarska, comment réagissaient-ils face

11 à Prcac?

12 Réponse: Je ne sais pas, aucune idée.

13 Question: Très bien. Avez vous jamais parlé avec M. Prcac dans le camp

14 d'Omarska en 1992?

15 Réponse: Non.

16 Question: Monsieur Vuleta, avez-vous jamais vu des prisonniers présentant

17 des signes visibles de blessures dans le camp d'Omarska?

18 Réponse: Non.

19 Question: Avez-vous jamais vu des prisonniers se faire battre ou

20 maltraiter d'une quelconque autre façon dans l'enceinte du camp?

21 Réponse: Je n'ai vu cela que lorsqu'ils allaient manger. Il y avait des

22 gardiens qui distribuaient des gifles; certains aussi leur faisaient des

23 crocs-en-jambe ou bien leur donnaient des coups de pied, ce genre de

24 chose.

25 Question: Avez-vous jamais vu quelqu'un intervenir pour faire cesser ce

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1 type de sévices?

2 Réponse: Oui, je l'ai vu. J'ai vu M. Gruban qui ne permettait pas que l'on

3 touche à ses hommes, qu'on les dérange, qu'on les maltraite.

4 Question: Je vous demanderais votre aide à présent sur la question

5 suivante: de quelle façon M. Gruban était-il intervenu pour faire cesser

6 ces mauvais traitements à l'encontre des prisonniers?

7 Réponse: Eh bien, tout simplement il se mettait à crier: "Ne touchez pas à

8 ces personnes! Laissez-les aller manger tranquillement!".

9 M. le Président: Monsieur Saxon, excusez-moi de vous interrompre. Si

10 possible, au lieu d'utiliser les mots "mauvais traitements" ou

11 "maltraités", il faudrait peut-être utiliser seulement le mot

12 "comportement".

13 Je crois que c'est mieux car nous sommes ici pour conclure cela. Avec

14 cette interruption, je crois que l'on va faire une pause d'une demi-heure

15 et je vous laisse penser à cela.

16 C'est vrai que, comme vous savez, nous sommes ici pour conclure s'il y a

17 eu des mauvais traitements ou non. Si vous interrogez le témoin en lui

18 demandant: "Est-ce que vous avez vu maltraiter?", c'est une autre façon de

19 poser des questions inductrices. Faites attention à cela, s'il vous plaît!

20 Maintenant, je vais demander à M. l'huissier d'accompagner le témoin avant

21 que l'on sorte pour la pause.

22 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 M. le Président: Nous allons donc faire une pause d'une demi-heure.

25 (L'audience, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 30.)

Page 7464

1 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

2 (Les accusés s'assoient.)

3 Monsieur Saxon, selon mes calculs, vous avez encore un quart-d'heure mais

4 vous pouvez terminer avant. Donc nous allons continuer, s'il vous plaît.

5 Vous avez la parole.

6 M. Saxon (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président, c'est ce

7 que je ferai. Je ferai de mon mieux, tout mon possible, pour terminer le

8 plus rapidement possible.

9 Monsieur Vuleta, avant la pause, vous avez parlé d'un incident dont vous

10 avez été témoin. Vous avez dit avoir vu des gardiens donner des gifles et

11 des coups de pied à certains détenus d'Omarska. Vous avez dit que M.

12 Gruban est intervenu en disant: "Ne faites pas cela! Laissez ces hommes

13 tranquilles, laissez-les manger tranquilles.".

14 M. K. Simic (interprétation): Objection!

15 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic?

16 M. K. Simic (interprétation): Monsieur Vuleta a dit qu'il avait vu ceci

17 une seule fois. Or, le Procureur vient d'utiliser l'expression "quelques

18 fois" au pluriel.

19 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, je suis en train de

20 regarder le compte rendu d'audience en anglais: c'est peut-être dû à un

21 problème d'interprétation car ma question était tout à fait claire. J'ai

22 parlé d'un incident et de rien d'autre.

23 M. K. Simic (interprétation): J'ai entendu dans ma langue "quelques fois"

24 au pluriel. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président, c'était une

25 erreur d'interprétation.

Page 7465

1 M. le Président: Bien. Merci de toute façon. Allez-y, Monsieur Saxon.

2 M. Saxon (interprétation): Monsieur Vuleta, lorsque M. Gruban a dit cela

3 aux gardiens à ce moment-là, quelle a été la réponse des gardiens -s'ils

4 ont répondu quelque chose?

5 M. Vuleta (interprétation): Les gardiens ne lui ont pas obéi.

6 Question: Avez-vous vu Mlado Radic présent à ce moment-là?

7 Réponse: Non, non.

8 Question: Monsieur Vuleta, j'aimerais à présent que nous passions à un

9 autre sujet. Durant l'été 1992, alors que vous travailliez au camp

10 d'Omarska, vous avez également été chargé de garder à jour certains

11 registres relatifs aux détenus, n'est-ce pas?

12 Réponse: Non, non, je n'ai jamais gardé quelque registre que ce soit

13 relatif aux détenus.

14 Question: Eh bien, j'aimerais que nous discutions tous les deux d'un

15 document.

16 Monsieur le Président, le Procureur a distribué un document enregistré

17 sous la cote 3/179. J'aimerais donc qu'une copie de ce document soit

18 remise à chacun des Juges et qu'une autre soit placée sur le

19 rétroprojecteur.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président?

22 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic.

23 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, nous venons de

24 recevoir ce document il y a à peine quelques minutes en anglais, mais je

25 vois qu'il s'agit d'un texte tiré d'une publication dont le titre est

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1 "Ljiljan"; c'est donc un article de presse qui a été publié par le parti

2 SDA. Je ne vois pas très bien comment on peut demander au témoin de

3 commenter un texte tiré d'un journal qui, en outre, est en anglais.

4 M. le Président: Monsieur Saxon?

5 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, ce document résume

6 effectivement un article qui a paru à Sarajevo dans un journal connu sous

7 le titre de "Ljiljan".

8 Dans cet article, le nom du témoin, que nous entendons en ce moment, est

9 mentionné. C'est la raison pour laquelle j'aimerais que cet article, ou

10 plutôt le paragraphe relatif au témoin soit soumis au témoin.

11 Il est vrai que ce document est en langue anglaise. Ceci est dû au fait

12 qu'il nous a été remis par FBIS, un service d'information et de diffusion

13 à l'étranger. C'est un nouveau service qui fournit toutes ces informations

14 en anglais.

15 Nous avons des interprètes, ici, manifestement. Donc j'aimerais tout de

16 même que les passages pertinents soient lus au témoin et j'aimerais lui

17 demander de les commenter.

18 M. le Président: Maître Krstan Simic?

19 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, mon collègue du

20 Bureau du Procureur admet qu'il s'agit d'un article de presse, et moi,

21 j'ajoute qu'il s'agit d'un journal du parti SDA. Le Procureur, en outre,

22 ajoute qu'il n'a aucune preuve de l'authenticité de ce document.

23 Par ailleurs, nous n'en possédons pas la version en serbo-croate ou plutôt

24 en bosniaque, ce qui ne permet pas au témoin de prendre connaissance de

25 l'intégralité du texte. Il est impossible d'en discuter de façon

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1 partielle. Ce texte, nous ne savons même pas si, effectivement, il a paru

2 dans une publication de presse. Nous ne savons pas de quoi il s'agit.

3 M. le Président: Bon! Je crois que vous avez dit quand même, Maître Krstan

4 Simic, qu'il s'agissait d'un journal du SDA. Maintenant, vous dites que

5 vous ne savez pas de quoi il s'agit. Je crois que le Procureur va demander

6 au témoin s'il a connu ou non cet article.

7 Après, on posera la question et on verra.

8 Donc, Monsieur le Procureur, posez d'abord la question de savoir si le

9 témoin connaît ceci. Après, posez votre question, vous avez l'opportunité

10 de contre-interroger. Le témoin va suivre la traduction, donc il n'y a pas

11 de problème. Allez-y!

12 Interprète: Les interprètes, Monsieur le Président, aimeraient avoir une

13 version du texte également.

14 M. le Président: Si possible, Monsieur le Procureur, vous allez donner les

15 instructions au Greffier pour mettre le document sur le rétroprojecteur

16 pour que les interprètes puissent le voir sur le moniteur et accomplir au

17 mieux cette tâche. Allez-y!

18 M. Saxon (interprétation): Merci. Monsieur l'huissier, je vous demanderai

19 de bien vouloir placer la page 3 de ce document sur le rétroprojecteur.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 Monsieur Vuleta, avez-vous déjà vu ce document?

22 M. Vuleta (interprétation): Non.

23 Question: Je vous demanderai, Monsieur Vuleta, de vous concentrer sur la

24 partie centrale du premier grand paragraphe de cette page que l'on voit

25 sur le rétroprojecteur. Voyez-vous la mention de votre nom, Cedo Vuleta,

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1 dans ce texte?

2 Réponse: Oui.

3 Question: J'ai l'intention de commencer la lecture à la phrase qui précède

4 la mention de votre nom en la poursuivant jusqu'à la fin de la phrase

5 suivante.

6 Voici ce que nous lisons dans cet article, en commençant par la phrase qui

7 précède la mention de votre nom, je cite: "Il sera très difficile de

8 savoir exactement combien de personnes ont été exactement assassinées dans

9 ces installations parce que personne n'en est revenu. Néanmoins, les

10 détenus prétendent qu'un certain Cedo Vuleta, électricien, qui s'occupait

11 du maintien de certains registres, pourrait apporter une aide importante

12 dans la détermination du nombre de personnes exécutées dans toute la mine,

13 de même que Vlado Kobat, le chauffeur, qui transportait les morts et les

14 corps à moitié sans vie jusqu'au puits abandonné de la mine, ou même

15 jusqu'à la mine voisine de Tomasica".

16 Réponse: Je n'ai jamais conservé aucun enregistrement, aucun registre.

17 Question: Très bien. Le titre de cet article écrit par un homme répondant

18 au nom de Zlatko Hodzic est…(pas d'interprétation.)

19 Des détenus d'un camp ont été brûlés dans un four de la mine, et la date

20 de l'article est celle du 7 février 1996.

21 M. K. Simic (interprétation): Objection! Dans…

22 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic? Le témoin a répondu déjà, donc

23 poursuivez, s'il vous plaît.

24 M. K. Simic (interprétation): Objection, dans le secteur de Prijedor, de

25 Banja Luka, de Ljubija, il n'y avait aucun four et c'est la seule

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1 observation qui mentionne ce fait. Il ne s'agit pas d'un article sérieux,

2 d'un texte sérieux. Il n'avait pas de four dans la région de Prijedor et

3 des environs.

4 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

5 Je vais maintenant avancer. On peut retirer le document du

6 rétroprojecteur.

7 Monsieur Vuleta, cette Chambre de première instance a entendu des témoins

8 selon lesquels des corps de prisonniers, de prisonniers décédés à Omarska,

9 ont été retirés du camp. Par ailleurs, les Juges ont également entendu des

10 témoins dire qu'un certain nombre de corps de personnes décédées à Omarska

11 ont été découverts dans une fosse commune située dans le village de

12 Kevljani.

13 Alors, vous saviez, n'est-ce pas, que Kevljani était un site où on a

14 enterré des prisonniers décédés à Omarska?

15 M. K. Simic (interprétation): Objection! Monsieur le Président, il s'agit

16 d'une question qui induit la réponse du témoin et ceci de la façon la plus

17 claire avec cette expression "vous saviez".

18 M. le Président: Maître Simic, je ne suis pas un spécialiste des langues,

19 mais je crois savoir que, dans la langue anglaise, quand les personnes

20 demandent quelque chose, une question, et qu'après ils disent: "Did you?",

21 c'est une question.

22 Donc je ne peux pas corriger le Procureur. Allez-y! Continuez, s'il vous

23 plaît. Le témoin va répondre, Maître Krstan Simic. Ne craignez rien, le

24 témoin répond.

25 (Note de l'interprète: Le titre complet de l'article était "les Serbes

Page 7470

1 renouvellent Auschwitz: des cadavres de détenus du camp ont été brûlés

2 dans des fours de la mine". Fin du titre.)

3 M. Saxon (interprétation): Monsieur Vuleta, vous saviez que Kevljani était

4 un des sites où des prisonniers ont été enterrés et que ces prisonniers

5 provenaient du camp d'Omarska, n'est-ce pas?

6 M. Vuleta (interprétation): Je ne savais pas où les morts étaient emmenés.

7 Question: En fait, à plusieurs reprises, vous avez aidé au transport de

8 corps de prisonniers jusqu'à Kevljani, n'est-ce pas?

9 Réponse: Non.

10 Question: Qu'est-il advenu des corps sans vie que vous avez vus gisant

11 dans le camp d'Omarska? Vous avez dit avoir vu à plusieurs reprises des

12 cadavres dans le camp d'Omarska, qu'est-il advenu de ces cadavres?

13 Réponse: Je ne sais pas. Ils ont été transportés quelque part

14 mais ce n'est pas moi qui étais au volant. Comment est-ce que je pourrais

15 le savoir, ce n'était pas mon travail. Moi, je n'ai rien à voir avec cela,

16 je n'en sais rien.

17 Question: Qui a emmené ces cadavres hors du camp?

18 Réponse: Il y avait des gens qui conduisaient, qui étaient au volant. Moi,

19 je n'avais pas compétence de conduire un véhicule.

20 Question: Qui transportait les cadavres hors du camp? Qui conduisait les

21 véhicules dans lesquels ces corps étaient transportés hors du camp?

22 Réponse: Il y avait les chauffeurs, Mico Starkic, Pero Mrda, Vlado Kobat

23 aussi, qui conduisaient les véhicules. Mais qui était exactement au

24 volant, je ne sais pas, je ne les ai pas vus.

25 Question: Quel genre de véhicule était utilisé pour emmener les cadavres

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1 en dehors du camp d'Omarska?

2 Réponse: La mine avait un petit véhicule qu'il est convenu d'appeler un

3 petit Tam de couleur jaune. Ces véhicules sont le plus souvent de couleur

4 jaune. C'étaient des véhicules qui étaient mis à la disposition de la mine

5 pour accomplir toutes les tâches nécessaires dans la mine.

6 Question: Combien de fois avez-vous vu des cadavres transportés dans cette

7 camionnette Tam de couleur jaune?

8 Réponse: Moi, je n'ai jamais vu cela.

9 Question: Comment savez-vous que les corps étaient emportés dans une

10 camionnette Tam, selon ce que vous venez de dire dans votre déposition?

11 Réponse: Eh bien, puisque c'est ce véhicule qui existait, il n'y avait pas

12 d'autre véhicule, personne n'aurait pu transporter ces cadavres sur le

13 dos.

14 Question: Vous avez donné les noms de certains chauffeurs Mico Starkic et

15 d'autres noms que je ne vois pas écrit dans le compte rendu en anglais.

16 Qui a dit à ces chauffeurs d'emporter les cadavres hors du camp?

17 M. K. Simic (interprétation): Objection!

18 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic?

19 M. K. Simic (interprétation): Le témoin vient de dire qu'il n'a pas vu ces

20 corps quand ils ont été transportés hors du camp. Il a dit qu'il

21 s'agissait d'un véhicule jaune car c'était le seul véhicule disponible à

22 l'intérieur de la mine, donc il ne peut pas répondre à la question qui

23 consiste à lui demander: qui avait dit aux chauffeurs de faire cette

24 tâche?

25 M. le Président: Maître Krstan Simic, ce n'est pas la bonne logique quand

Page 7472

1 même. D'accord? Objection rejetée.

2 Poursuivez, s'il vous plaît.

3 M. Saxon (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

4 Monsieur Vuleta, voudriez-vous boire un peu d'eau?

5 M. Vuleta (interprétation): Pourquoi pas? Je peux aussi boire une Rakija,

6 de l'eau-de-vie. Et pourquoi pas de l'eau?

7 Question: Si j'en avais, je vous en donnerai.

8 M. le Président: Mais pas maintenant.

9 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 Monsieur Vuleta, qui a dit à ces chauffeurs de transporter les cadavres

11 hors du camp d'Omarska?

12 M. Vuleta (interprétation): Ça, je ne le sais pas.

13 Question: Je demande un instant aux Juges de cette Chambre.

14 Monsieur Vuleta, lorsque des camions ou des véhicules entraient ou

15 sortaient du camp d'Omarska durant l'été 1992, leur fallait-il une

16 quelconque autorisation pour pénétrer dans le camp ou pour sortir du camp?

17 Réponse: Je n'ai pas la moindre idée de cela car cela ne m'intéressait

18 pas. J'étais électricien, je n'étais pas gardien, je n'étais pas

19 chauffeur. Je n'étais pas responsable administratif non plus.

20 Question: Monsieur le Président, à ce stade, je n'ai pas d'autre question

21 à poser au témoin. Je vous remercie.

22 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur Saxon.

23 Nous allons faire une petite distinction maintenant. Je vais donner la

24 parole à Me Simic pour des questions supplémentaires, après je donnerai la

25 parole aux autres conseils pour des questions de contre-interrogatoire, si

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1 je peux dire ainsi.

2 Donc Maître Krstan Simic, maintenant.

3 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Cedo Vuleta, par Me

4 K. Simic.)

5 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je n'aurai que

6 quelques petites questions à poser au témoin sur un point particulier.

7 Monsieur Vuleta, quand vous avez parlé de l'eau utilisée dans la mine et

8 de l'eau potable, je vous demande quel était le système qui

9 approvisionnait la mine en eau potable?

10 M. Vuleta (interprétation): L'eau potable provenait du puits d'eau

11 potable.

12 Question: Mais où sortait cette eau?

13 Réponse: Eh bien, elle sortait dans les salles de bains, à la cuisine, à

14 la cantine.

15 Question: Y en avait-il dans le hangar? Y avait-il des robinets dans le

16 hangar?

17 Réponse: Oui, il y en avait aussi dans le hangar. Il y avait aussi cette

18 même eau, dans les toilettes.

19 Question: Y en avait-il à l'air libre? Sur la pista par exemple, y avait-

20 il des robinets d'eau potable sur la pista?

21 Réponse: Je crois qu'il y en avait aussi à cet endroit-là, oui.

22 Question: Et comment était distribuée l'eau utilisée de façon

23 industrielle?

24 Réponse: Cette eau-là arrivait à un endroit particulier que l'on appelait

25 le "lieu de lavage". Il y avait là des pompes de très grande taille où on

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1 lavait les véhicules et les machines.

2 Question: Mais y avait-il des tuyaux qui permettaient à l'eau d'arriver?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Dans le reste de la mine, il n'y avait pas d'eau? C'était le

5 seul endroit où l'on trouvait cette eau?

6 Réponse: Oui, en effet. Cette eau ne se trouvait qu'à cet endroit

7 particulier qu'on appelait le "lieu de lavage", où se trouvaient également

8 ces tuyaux et ces robinets utilisés pour laver les véhicules et les

9 machines.

10 Question: Mais y en avait-il aussi, y avait-il aussi de l'eau potable, de

11 l'eau qu'on pouvait boire?

12 Réponse: Non, l'eau, dont je suis en train de parler, je crois que le

13 bétail n'aurait pu la boire et des êtres humains encore moins.

14 Question: Je reviens maintenant sur un autre point. Quand vous aviez deux

15 jours de repos, pensez-vous que, pendant deux jours de repos, il aurait

16 été possible de modifier le système d'induction d'eau de la mine?

17 Réponse: Comment est-ce qu'on aurait pu le modifier?

18 M. Saxon (interprétation): J'ai une objection, Monsieur le Président, qui

19 repose simplement sur le fait que la façon dont la phrase, que j'ai

20 prononcée, a été répétée au témoin, n'est pas fidèle à la façon dont je

21 l'ai dite moi-même. Je crois me rappeler avoir demandé au témoin:

22 lorsqu'il n'était pas au camp d'Omarska, si les prisonniers pouvaient

23 recevoir de l'eau potable?

24 M. le Président: Maître Krstan Simic, pouvez-vous reformuler?

25 M. K. Simic (interprétation): Oui. Je m'appuie sur la phrase prononcée par

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1 le représentant du Bureau du Procureur et je demande au témoin si, grâce

2 au système d'induction d'eau existant dans la mine, pendant les périodes

3 de repos du témoin, il y avait d'autres possibilités de distribuer de

4 l'eau?

5 M. Vuleta (interprétation): Non.

6 Question: Finalement, je vous pose la question suivante: Zeljko Mejakic,

7 le directeur ou un autre représentant de ces installations, avait-il un

8 moyen quelconque d'influer sur la façon dont on s'approvisionnait en eau

9 et sur la qualité de l'eau?

10 Réponse: Non.

11 Question: Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas d'autres questions.

12 M. le Président: Merci beaucoup.

13 Maintenant, donc les accusés Kos, Zigic, Radic, sans mentionner Prcac:

14 donc pas de question? Je vois. D'accord.

15 Monsieur le Juge Riad, avez-vous des questions?

16 (Questions au témoin, M. Cedo Vuleta, par M. le Juge Riad.)

17 M. Riad (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

18 Bonjour, Monsieur Vuleta. M'entendez-vous?

19 M. Vuleta (interprétation): Bonjour, je vous entends.

20 Question: Merci. J'aimerais m'assurer que j'ai tout à fait bien compris

21 tout ce que vous avez dit. Dans les réponses que vous avez faites au

22 Procureur, vous avez dit entre autres n'avoir vu personne à Omarska

23 frapper les détenus. Votre travail vous donnait-il la possibilité de

24 circuler dans le camp et d'aller dans toutes les parties du camp?

25 Réponse: Il y avait des endroits où je n'avais pas le droit de me rendre,

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1 je devais suivre un trajet prédéterminé; c'était le seul sur lequel

2 j'avais le droit de circuler.

3 Question: Apparemment, vous circuliez aux alentours de la cantine car, en

4 réponse aux questions du contre-interrogatoire, vous avez dit avoir vu des

5 gardes donner des gifles et des coups de pied à des détenus lorsqu'ils

6 allaient manger. Donc, finalement, vous avez vu des détenus se faire

7 frapper?

8 Réponse: Oui, des gifles, des coups de pied. Ca, oui, j'en ai vu.

9 Question: Vous n'appelez pas cela se faire frapper? Car, avant, vous aviez

10 dit n'avoir vu aucun garde frapper les détenus? Donc vous en avez vu

11 frapper des détenus?

12 Réponse: Moi, je n'appelle pas cela des "coups" ou un "passage à tabac",

13 les gens n'avaient pas de marques, pas d'ecchymoses.

14 Question: Donc, c'étaient des coups standards. Vous avez dit aussi qu'à ce

15 moment-là, M. Gruban a dit aux gardiens de ne pas frapper les détenus et

16 de les laisser tranquille mais les gardiens ne lui ont pas obéi, n'est-ce

17 pas?

18 Réponse: En effet.

19 Question: Très bien. Vous avez dit aussi que lorsque les détenus

20 descendaient de l'autobus, M. Kvocka avait déboutonné sa chemise et leur

21 avait dit de ne pas tirer sur ces personnes. Il a dit: "Ce sont des gens,

22 des êtres humains.". Lui a-t-on obéi? Vous dites qu'il a été obéi, n'est-

23 ce pas?

24 Réponse: Je n'étais pas sur les lieux lorsque cela s'est passé, mais j'ai

25 entendu des collègues à moi me décrire cet incident et me dire que M.

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1 Kvocka s'était avancé devant la colonne de personnes.

2 Question: Et vous dites qu'on lui a obéi. C'est ce que vous avez dit?

3 Réponse: Je ne sais pas. Les coups de feu ont cessé, c'est ce que mes

4 collègues m'ont dit mais je n'étais pas là.

5 Question: Les coups de feu ont cessé. En avez-vous appris davantage sur

6 cet incident? Vous avez dit que Kvocka avait déboutonné sa chemise, il

7 avait ouvert sa chemise largement. Pourquoi avez-vous dit cela? Est-ce que

8 cela signifie qu'il voulait dire: "Tirez sur moi plutôt que sur ces

9 hommes!"?

10 Réponse: Ce sont des tiers qui m'ont raconté cela, je n'ai pas vu

11 l'incident.

12 Question: Aurait-il risqué sa vie pour défendre les détenus? Est-ce que

13 c'est cela l'image qui vous a été décrite?

14 Réponse: Apparemment, c'est un peu cela. Le but étant d'éviter une

15 catastrophe encore plus importante.

16 Question: Et on lui a obéi, ils ont cessé de tirer?

17 Réponse: Les coups de feu ont cessé. Maintenant, est-ce qu'ils lui ont

18 obéi à lui ou pas, je ne sais pas!

19 Question: Très bien. Les coups de feu ont cessé. C'était la seule question

20 que j'avais à vous poser. Je vous remercie.

21 M. le Président: Merci, Monsieur le Juge Riad.

22 Madame la Juge Wald, s'il vous plaît.

23 (Questions au témoin, M. Cedo Vuleta, par Mme la Juge Wald.)

24 Mme Wald (interprétation): Monsieur Vuleta, vous nous avez dit avoir été

25 dans l'enceinte du camp depuis la fin du mois de mai et jusqu'au début du

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1 mois d'août, date de sa fermeture, n'est-ce pas?

2 M. Vuleta (interprétation): Oui.

3 Question: D'après ce que vous avez dit dans votre déposition, il vous est

4 arrivé parfois de voir des groupes de détenus lorsque, par exemple, vous

5 circuliez dans le cadre de votre travail; ou bien lors de cet incident

6 dont vous avez parlé lorsque vous avez vu les détenus aller manger.

7 La question que j'aimerais vous poser est la suivante: pendant toute cette

8 période, les détenus que vous avez vus avaient-ils l'air d'être des hommes

9 en bonne santé, d'être des hommes bien nourris? Je veux dire: avaient-ils

10 la même apparence physique que ceux qui travaillaient à la mine ou la même

11 apparence que les gardiens? Avaient-ils l'air d'être en bonne santé

12 pendant toute la période où vous étiez présent dans le camp?

13 Réponse: Dans cette période, il y avait des gens qui avaient l'air en très

14 bonne santé, mais il y en avait aussi qui avaient l'air vieux et en moins

15 bon état; il y avait des jeunes, il y avait des gens qui étaient maigres,

16 des gens qui étaient plus corpulents, tout le monde n'était pas maigre.

17 Question: Mais votre impression pendant toute cette période a-t-elle

18 consisté à penser que les détenus que vous voyiez avaient, de façon

19 générale, une apparence physique normale, celle de personnes que vous

20 pourriez rencontrer dans la rue? Ou bien, vous donnaient-ils l'impression

21 d'être plus maigres, en moins bonne santé, plus sales, plus malades, plus

22 fatigués?

23 Réponse: Bien sûr, ils n'avaient pas l'air tout à fait propres car ils

24 n'avaient pas les moyens d'hygiène les plus parfaits, ils ne recevaient

25 pas non plus la nourriture qu'ils auraient pu souhaiter peut-être. Ils

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1 avaient l'apparence de détenus bien sûr, il ne s'agissait pas d'hommes

2 paradant dans les rues.

3 Question: Très bien. Vous avez parlé des femmes de ménage employées dans

4 la mine. Vous avez dit qu'à votre connaissance ces femmes faisaient le

5 ménage dans la cuisine, ainsi que dans certaines pièces où se trouvaient

6 les détenus… Non, non, excusez-moi. Vous avez dit qu'elles faisaient le

7 ménage à la cuisine et dans certaines pièces du bâtiment administratif.

8 Alors, à votre connaissance, je répète, à votre connaissance, ces femmes

9 de ménages qui étaient employées par la mine, à votre connaissance, leur

10 arrivaient-ils de se rendre dans les autres bâtiments, ceux où étaient

11 détenus les prisonniers pour nettoyer ces pièces? Je veux parler donc des

12 hangars, des salles de bains ou des endroits où les prisonniers dormaient.

13 A votre connaissance, ces femmes faisaient-elles également le ménage dans

14 ces parties des installations où les détenus étaient gardés?

15 Réponse: J'ai vu les femmes de ménage surtout à la cuisine, dans le

16 bâtiment administratif, à la cantine où on distribuait la nourriture. Je

17 ne les ai pas vues dans les toilettes ou dans les salles où étaient gardés

18 les détenus.

19 Question: Très bien. Un peu plus tôt, vous avez dit savoir qu'il existait

20 un groupe de responsables de la sécurité qui venait de Banja Luka. Je

21 crois que vous avez dit qu'il s'agissait de soldats mais, en tout cas,

22 qu'ils venaient de Banja Luka et qu'ils exerçaient des fonctions de garde

23 dans le camp.

24 La question que je vous pose est la suivante: ce que vous avez dit à ce

25 sujet s'est-il appliqué pendant toute la période de votre présence dans le

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1 camp, ou bien, cette phrase ne s'appliquait-elle qu'à une petite période

2 après votre arrivée dans le camp, le fait que vous ayez eu connaissance de

3 la présence de ces hommes de Banja Luka? Je ne parle pas des enquêteurs

4 mais des responsables de la sécurité de Banja Luka dans le camp. Sont-ils

5 restés dans le camp pendant toute la durée de votre présence dans le camp

6 ou seulement une partie du temps?

7 Réponse: Ils n'ont été là qu'une partie du temps, je ne sais pas

8 exactement à quelle date, mais à un moment ils sont partis.

9 Question: La date exacte n'a pas d'importance. Mais est-ce que leur

10 présence s'est située au début de votre présence, à vous, dans le camp, ou

11 à la fin de l'existence du camp?

12 Réponse: Au début, au début.

13 Question: J'en arrive maintenant à ma dernière question. Vous avez

14 beaucoup parlé du système d'induction et cette eau utilisée de façon

15 industrielle qui était destinée à laver les camions et les machines. Je

16 crois que vous en avez parlé, c'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce

17 pas?

18 Réponse: Il y avait deux sortes d'eau: l'eau que l'on pompait de la

19 surface, et l'eau utilisée à des fins industrielles venait de la rivière

20 Gomjenica.

21 Question: Oui, je comprends cela, mais voici ma question: vous avez

22 mentionné que cette eau industrielle, donc eau non-potable, qu'on la

23 faisait sortir en employant les pompes et qu'on l'employait aussi pour

24 laver les camions. Voici ma question: cette source de l'eau non potable,

25 donc de l'eau qui était employée afin de laver les camions, etc., est-ce

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1 que les gardes avaient accès à cette eau-là? Autrement dit, est-ce que

2 cette source se trouvait à un endroit où les gardes pouvaient

3 potentiellement se rendre afin de la prendre? Je ne demande pas s'ils le

4 faisaient, je vous demande simplement s'ils y avaient accès, s'ils

5 pouvaient le faire.

6 Réponse: Eh bien, les gardes avaient accès à cet endroit, mais cette eau

7 ne pouvait pas fonctionner sans les pompes parce qu'il s'agit de pressions

8 extrêmement importantes; un homme tout seul n'aurait pas pu l'avoir.

9 Question: Cela veut-il dire que la personne doit être qualifiée ou qu'elle

10 ait suffisamment de connaissance pour pouvoir accéder à cette eau, pour

11 quelque raison que ce soit? Est-ce que vous auriez dû être au courant de

12 cela?

13 Réponse: Je ne devais pas être au courant de cela, mais il y a des

14 personnes qui étaient en charge de cela et, bien sûr, il y avait des

15 endroits où il fallait appuyer pour brancher le mécanisme.

16 Question: Très bien.

17 Ma dernière question: vous avez dit plusieurs fois que personne n'aurait

18 pu boire cette eau industrielle, tout simplement parce qu'elle n'était

19 vraiment pas potable. Mais pourquoi est-ce que vous le dites? Est-ce à

20 cause du goût? Je sais que ce n'était pas sain pour eux, mais vous avez

21 dit et vous avez insisté plusieurs fois pour dire que personne n'aurait

22 jamais pu boire cette eau ou toucher à cette eau. Mais pourquoi est-ce que

23 vous l'avez dit? Est-ce que c'est parce que le goût était tellement

24 mauvais que, physiquement, on aurait pas pu le faire?

25 Réponse: Vous savez, c'est de l'eau sale, on ne peut pas boire cette eau-

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1 là, même le bétail n'aurait pas bu cette eau-là.

2 Question: Merci beaucoup.

3 (Questions au témoin, M. Cedo Vuleta, par M. le Président.)

4 M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald.

5 Monsieur Vuleta, j'ai aussi quelques questions. Vous avez dit qu'à un

6 moment donné, vous avez demandé l'aide des détenus pour vous aider à

7 réparer une panne. J'ai bien compris?

8 M. Vuleta (interprétation): Oui.

9 Question: Le directeur les a amenés vers vous. Qui était ce directeur?

10 Réponse: Mirko Babic.

11 Question: Il était directeur de quoi?

12 Réponse: Il était directeur de l'atelier d'entretien des machines

13 utilisées dans la mine.

14 Question: Très bien. Vous avez dit aussi qu'il y avait des endroits où

15 vous n'aviez pas d'accès. J'ai bien compris?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Quels étaient ces endroits?

18 Réponse: Moi, je ne pouvais pas entrer dans des pièces où se trouvaient

19 des détenus. Pendant la nuit je ne pouvais pas être à l'extérieur, je

20 devais dormir dans mon atelier.

21 Question: S'il y avait une panne d'électricité dans les endroits où se

22 plaçaient les détenus, qu'est-ce qu'il arrivait? Comment vous procédiez?

23 Réponse: Eh bien, s'il y avait une panne, mon supérieur m'en informait et

24 je me rendais à ces endroits-là afin de réparer la panne.

25 Question: Mais est-ce que, avant, votre supérieur vidait dans les endroits

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1 les détenus ou vous pouviez voir les détenus?

2 Réponse: Dans les pièces elles-mêmes il n'y avait même pas de risque de

3 panne. Si jamais il y avait des ampoules qui ne fonctionnaient pas, cela

4 ne voulait rien dire dans une pièce.

5 Question: Est-ce qu'il est arrivé d'y aller pour faire une réparation ou

6 non?

7 Réponse: Dans les pièces dans lesquelles se trouvaient les détenus, moi,

8 je ne suis jamais intervenu d'une quelconque manière. Il n'y avait que des

9 ampoules, des lumières, donc il n'y a pas eu d'autres appareils qui

10 auraient été plus importants pour le fonctionnement du système de la mine.

11 Question: Donc est-ce qu'on peut conclure que vous étiez là seulement pour

12 accompagner, pour traiter les machines, les instruments plus lourds, si je

13 peux dire, pas les lumières, mais les machines, les instruments, les

14 équipements?

15 Réponse: Oui, je m'acquittais des tâches beaucoup plus compliquées

16 concernant les groupes électrogènes, par exemple, ou les installations de

17 cuisine, les réfrigérateurs, les fours, les puits d'eau potable de la

18 pompe servant à irriguer la terre, etc.

19 Question: Une autre question pour terminer, une question à caractère plus

20 général: vous avez répondu de nombreuses fois à plusieurs questions que ce

21 n'était pas votre tâche, cela ne vous intéressait pas, cela ne

22 correspondait pas à vos obligations, quelque chose comme cela.

23 Quelle a été votre attitude ou votre réaction, ou, si je peux dire, quels

24 ont été vos sentiments, quand pendant ces 20 jours, selon vos dires, si

25 j'ai bien compris, vous étiez un employé à la mine?

Page 7484

1 Après que le camp ait fermé, vous avez continué à travailler dans la mine,

2 ce temps où toutes ces personnes ont été là, quels ont été vos sentiments,

3 vos réactions?

4 Je ne demande pas votre opinion, il faut le dire, je demande votre

5 description de votre attitude, de vos sentiments, de vos réactions comme

6 personne humaine.

7 Réponse: Je me sentais extrêmement mal. Comment expliquer? C'était très

8 difficile pour moi de regarder tout cela, mais je n'étais pas en position

9 d'aider. J'ai aidé là où je pouvais, je donnais un peu de pain si je

10 pouvais le faire vis-à-vis de quelqu'un.

11 Donc je me sentais extrêmement mal.

12 Question: Est-ce que je peux donc conclure que quand vous dites "ça ne me

13 touchait pas, ça ne faisait pas partie de mon obligation", vous dites que

14 vous ne vouliez pas voir, c'est cela?

15 Réponse: Je ne souhaitais pas vraiment voir certaines choses, parce qu'il

16 est difficile de regarder les gens qu'on ne peut pas aider. Il y avait des

17 personnes que je connaissais, qui avaient travaillé avec moi. C'était

18 vraiment très difficile, je me sentais vraiment très mal.

19 Question: Très bien. Monsieur Vuleta, nous vous remercions beaucoup d'être

20 venu ici témoigner. Je vais vous dire que je ne peux pas vous offrir un

21 cognac, le Tribunal n'est pas ici pour le faire, mais de toute façon vous

22 pourrez en sortant l'avoir quelque part.

23 Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici, nous vous souhaitons un bon

24 retour à votre endroit de résidence. Je vais demander à M. l'huissier de

25 vous accompagner. Merci.

Page 7485

1 M. Vuleta (interprétation): Merci.

2 (L'huissier s'exécute.)

3 (Le témoin, M. Cedo Vuleta, est reconduit hors du prétoire.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président: Oui, Monsieur Saxon?

6 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, je souhaite mentionner

7 deux points techniques: tout d'abord, le Procureur souhaite proposer le

8 versement au dossier du document ayant la cote 3/179, et Mme Somers m'a

9 demandé d'informer la Chambre de première instance du fait que

10 l'accusation a demandé que le service technique audiovisuel lui rende une

11 copie, un exemplaire de la cassette en BCS de la déposition de ce matin,

12 puisque le Procureur a soulevé plusieurs questions liées à la traduction,

13 à l'interprétation. Donc sur la base de cette cassette, nous pouvons

14 réviser cela. Donc je souhaitais simplement mentionner cela en ce moment.

15 M. le Président: Oui, Monsieur Saxon, peut-on discuter de cette question

16 demain à la conférence de mise en état pour accélérer un peu les témoins?

17 M. Saxon (interprétation): Absolument.

18 M. le Président: C'est inscrit dans l'agenda.

19 Donc Maître Krstan Simic, maintenant?

20 M. K. Simic (interprétation): La défense fait appel au témoin Branko

21 Rosic.

22 (Le témoin, M. Branko Rosic, est introduit dans le prétoire.)

23 M. le Président: Bonjour Monsieur Rosic, m'entendez-vous bien?

24 M. B. Rosic (interprétation): Je vous entends bien. Bonjour.

25 M. le Président: Donc vous allez lire la déclaration solennelle que M.

Page 7486

1 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

2 M. B. Rosic (interprétation): Merci. Je déclare solennellement que je

3 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît. Je suis un peu

5 jaloux de votre capacité de lire avec cette distance, je dois vous le

6 dire. Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

7 Merci beaucoup d'être venu. Vous allez maintenant répondre aux questions

8 que Me Krstan Simic va vous poser pour l'instant, et après on verra.

9 Maître Krstan Simic, vous avez la parole, s'il vous plaît.

10 (Interrogatoire principal du témoin, M. Branko Rosic, par Me K. Simic.)

11 M. K. Simic (interprétation): Bonjour Monsieur Rosic.

12 M. B. Rosic (interprétation): Bonjour.

13 Question: Avec mon collègue, M. Branko Lukic, je vais vous poser quelques

14 questions au nom de l'accusé M. Kvocka, que nous représentons, concernant

15 les événements auxquels vous avez assisté vous-même.

16 Réponse: Merci.

17 Question: Pour le compte rendu, veuillez décliner votre identité, s'il

18 vous plaît?

19 Réponse: Je suis Branko Rosic.

20 Question: Quand êtes-vous né?

21 Réponse: Le 31 janvier 1936.

22 Question: Où êtes-vous né?

23 Réponse: Dans le village de Busnovi.

24 Question: La municipalité de Prijedor?

25 Réponse: La municipalité de Prijedor.

Page 7487

1 Question: Est-ce que vous y vivez encore aujourd'hui?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Quel est votre métier, Monsieur Rosic?

4 Réponse: Je suis agriculteur.

5 Question: Et avant dans la vie, que faisiez-vous?

6 Réponse: Eh bien, avant je travaillais dans une société, j'étais chargé de

7 la pompe.

8 Question: Quel était le nom de votre entreprise?

9 Réponse: Notre entreprise s'appelait la mine de fer Ljubija.

10 Question: Au cours de l'année 1992, étiez-vous mobilisé?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce qu'au cours de l'année 1992 vous avez reçu une

13 affectation militaire?

14 Réponse: Oui, j'ai reçu une affectation dans le cadre de mon entreprise, à

15 savoir la mine de fer Ljubija.

16 Question: Est-ce qu'il existe un endroit plus précis puisque la mine de

17 fer Ljubija recouvrait une grande région?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Lequel?

20 Réponse: Tomasica.

21 Question: Non mais je demande: où travailliez-vous, à quel endroit?

22 Réponse: Je travaillais sur les pompes qui se trouvaient auprès des puits

23 d'excavation.

24 Question: Puits d'excavation d'Omarska?

25 Réponse: Oui, puits d'excavation d'Omarska.

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1 Question: En mai, juin, juillet, août 1992, étiez-vous actif dans le cadre

2 de cette affectation au puits d'excavation d'Omarska?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Quels étaient vos horaires? Combien d'heures travailliez-vous?

5 Combien d'heures aviez-vous pour le repos?

6 Réponse: Nous travaillions 24 heures d'affilée, ensuite nous étions de

7 repos pendant 48 heures d'affilée.

8 Question: Au cours de cette période, mai, juin, juillet, août 1992, qui

9 était votre chef?

10 Réponse: C'est Mirko Babic qui était notre chef.

11 Question: Au cours de cette période, est-ce que dans le cadre de cette

12 mission, il y avait d'autres personnes avec vous?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Puisque nous avons déjà parlé en détail de ce point, je souhaite

15 poser une autre question: Monsieur Cedo Vuleta, est-ce qu'il y a travaillé

16 lui aussi?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Puisque nous avons clarifié tout ce qui a trait à la manière

19 dont les choses fonctionnaient avec M. Vuleta, je souhaite que l'on se

20 penche maintenant sur un événement concret.

21 Monsieur Rosic, avez-vous travaillé dans la mine de fer Omarska ou plutôt

22 près du puits d'excavation au mois de mai 1992?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Je m'excuse, est-ce que vous y travailliez le 30 mai 1992?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Oui, je vois que ceci a été corrigé.

2 Est-ce que quelqu'un est venu vous rendre visite à ce moment-là?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Qui?

5 Réponse: Mon fils.

6 Question: Comment s'appelait votre fils?

7 Réponse: Mon fils s'appelait Milenko.

8 Question: Pourquoi votre fils Milenko est venu vous chercher ce jour-là?

9 Réponse: Il est venu nous voir pour voir où on en était et ce qu'on

10 faisait.

11 Question: Est-ce qu'un événement s'est produit ce jour-là le 30 mai?

12 Réponse: La situation qui régnait chez nous, le 30 mai, ressemblait pour

13 ainsi dire à la situation de guerre.

14 Question: Est-ce qu'une attaque contre la ville de Prijedor a été lancée

15 le 30 mai?

16 Réponse: Oui, effectivement Prijedor a été attaqué.

17 Question: Ce jour du 30 mai, lorsque vous y avez travaillé, est-ce que des

18 cars sont venus, transportant des détenus?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Ce jour-là, est-ce qu'il y a eu plusieurs cars transportant des

21 détenus?

22 Réponse: Oui, il y en a eu plusieurs, plusieurs autocars.

23 Question: Ce jour-là, Monsieur Rosic, est-ce qu'un incident s'est produit

24 lorsqu'un de ces cars est arrivé?

25 Réponse: Oui.

Page 7490

1 Question: Pourriez-vous nous dire vers quelle heure cet incident a eu

2 lieu?

3 Réponse: Cet incident a eu lieu dans l'après-midi.

4 Question: Vers quelle heure, sauriez-vous nous le dire?

5 Réponse: Eh bien, environ 4 heures, 5 heures. Je ne suis pas sûr. Cela ne

6 m'intéressait pas tant que ça.

7 Question: Où vous teniez-vous à l'époque?

8 Réponse: Je me tenais à l'angle du bâtiment à droite, devant le bâtiment

9 du hangar.

10 Question: Est-ce que votre fils, Milenko, était là avec vous?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Que faisiez-vous?

13 Réponse: On était en train de se parler. Mon fils est venu voir comment

14 les choses se passaient, comment j'allais, comment ça allait du point de

15 vue du travail. Voilà.

16 Question: Pourriez-vous nous donner une description brève de ce qui s'est

17 passé ensuite?

18 Réponse: Eh bien, ils ont fait venir les gens qui avaient été transportés

19 en car, les gens sortaient du car, et puis on faisait une sorte de passage

20 en revue, je ne sais pas exactement. Ensuite, lorsqu'ils sont sortis du

21 car, un soldat est venu de quelque part portant un fusil -cela dit, je ne

22 m'y connais pas tellement en armes-, et il a tiré, il a commencé à tirer

23 sur eux.

24 Question: Sur qui?

25 Réponse: Sur ceux qui étaient sortis du car. C'est donc ainsi que beaucoup

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1 de cris et de bruits s'est créé.

2 Question: Est-ce que les gens criaient?

3 Réponse: Oui, les gens criaient, absolument. Et c'est à ce moment-là que

4 Kvocka a couru et qu'il a crié: "Arrête de tirer! Tu vas tuer les gens".

5 Là, je parle de Miroslav Kvocka.

6 Question: Monsieur Rosic, arrêtez-vous, s'il vous plaît. D'où est-il

7 accouru Kvocka? Est-ce que vous pouviez le voir?

8 Réponse: Eh bien, il était à côté, entre ces bâtiments. Vous savez, il y

9 avait une confusion qui se créait, donc je n'ai pas bien pu voir tout

10 cela.

11 Question: Monsieur Rosic, pouvez-vous nous dire où ces coups de feu ont

12 éclaté? Vous avez dit que vous, vous étiez à l'angle du bâtiment du

13 hangar?

14 Réponse: Oui, à l'angle.

15 Question: Et les coups de feu?

16 Réponse: Les coups de feu, ça se passait entre les deux bâtiments: le

17 bâtiment du hangar et le bâtiment administratif.

18 Question: Et lorsque les gens sortaient du car, où est-ce qu'on les

19 amenait?

20 Réponse: On les amenait nulle part tout de suite. Ils étaient devant le

21 bâtiment pendant le passage en revue.

22 Question: Veuillez faire une pause après ma question pour permettre aux

23 interprètes d'interpréter. Je ne parle pas des gens sur lesquels on avait

24 tiré mais avant, ceux qui sortaient des cars, où est-ce qu'on les amenait?

25 Réponse: Ils allaient dans le bâtiment.

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1 Question: Quel bâtiment?

2 Réponse: Eh bien, c'était le bâtiment… Je ne sais pas comment expliquer.

3 Il y avait une sorte d'atelier hangar, bâtiment administratif.

4 Question: C'est le bâtiment où se trouvait le restaurant?

5 Réponse: Oui, le restaurant y était aussi.

6 Question: Monsieur Rosic, je ne vous demande pas où l'on avait placé les

7 gens, mais je souhaite savoir: où allaient-ils tout de suite après avoir

8 quitté le car? Par exemple, nous savons très bien où ils ont été installés

9 par la suite.

10 Réponse: Eh bien, ils se trouvaient entre les deux bâtiments lorsqu'ils

11 sortaient du car, c'est là qu'il y avait un passage en revue d'une

12 certaine manière qui a été organisé.

13 Question: Et lorsque Kvocka est arrivé, où est-ce qu'il s'est placé par

14 rapport à l'homme qui tirait? Est-ce qu'il était devant lui ou derrière?

15 Où exactement?

16 Réponse: Eh bien, il s'est pas placé devant lui pour l'empêcher de tirer

17 sur les gens, pour qu'il ne les tue pas.

18 Question: Est-ce qu'il a fait un geste?

19 Réponse: Oui, il a écarté les mains et il l'a empêché de tirer.

20 Question: Monsieur Rosic, est-ce que M. Kvocka a placé son corps devant

21 cet homme qui tirait, pour les protéger?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Est-ce qu'il a dit quelque chose?

24 Réponse: Il a dit: "Ne tire pas! Il y a des gens ici".

25 M. le Président: Si vous pensez "est-ce que M. Kvocka a placé son corps

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1 pour empêcher de tirer?" est-ce une question inductrice ou non à votre

2 avis? Ne devriez-vous pas dire: comment s'est-il placé?

3 C'est seulement pour qu'on puisse entendre.

4 M. K. Simic (interprétation): J'accepte votre commentaire.

5 M. le Président: Allez-y. Poursuivez, s'il vous plaît.

6 M. K. Simic (interprétation): Comment s'est placé M. Kvocka par rapport à

7 l'homme qui tirait?

8 M. B. Rosic (interprétation): Il s'est placé devant le fusil et il a

9 abattu son fusil. Je l'ai vu, j'étais à proximité de là. Et d'autres

10 personnes sont venues et lui ont ôté l'arme et ils l'ont mis à l'écart.

11 Question: Qui est-ce qu'ils ont mis à l'écart?

12 Réponse: L'homme qui avait tiré.

13 Question: Est-ce qu'il y a eu des blessés lors de cette occasion?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Est-ce qu'il y a eu plusieurs blessés?

16 Réponse: Je ne sais pas exactement mais il y en a eu certainement. Je n'ai

17 pas compté mais il y avait certainement cinq, six personnes blessées.

18 Peut-être qu'il y avait même des personnes tuées.

19 Question: Est-ce qu'il y a eu du sang par terre?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Après que cette personne portant un uniforme militaire a été

22 mise à l'écart, est-ce qu'on a procédé à aider ces personnes?

23 Réponse: Oui, on a procédé à les aider. Une ambulance est venue, un

24 véhicule de la Croix-Rouge aussi; deux véhicules, un véhicule plus gros et

25 un véhicule de moindre taille. Ils les ont transportés à l'hôpital et ceux

Page 7494

1 qui ont survécu, ils ont reçu des soins médicaux. C'est ainsi que ça s'est

2 passé.

3 Question: Est-ce que, lors de cette occasion, toutes les personnes qui

4 avaient été touchées par balle dans le cadre de cet incident grave ont été

5 transportées?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Y a-t-il eu des médecins ou des infirmières qui sont venus? En

8 avez-vous vu?

9 Réponse: Il y avait des gens qui avaient des blouses blanches mais je ne

10 sais pas exactement qui étaient ces gens.

11 Question: Avez-vous vu à ce moment-là quel a été le comportement de M.

12 Kvocka après les coups de feu?

13 Réponse: Après les coups de feu, M. Kvocka -je parle du moment où on a

14 appelé les ambulances pour aider les gens blessés-, eh bien, M. Kvocka,

15 après tout cela, a pris place dans sa voiture et il est parti.

16 Question: Savez-vous où il est allé?

17 Réponse: Je ne sais pas.

18 Question: L'endroit où a eu lieu cette fusillade était-ce l'endroit où…

19 Cet endroit a-t-il été rincé à l'eau?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Qui a rincé cet endroit à l'eau?

22 Réponse: Eh bien, les femmes qui, de toute façon, nettoyaient aussi

23 certaines pièces d'habitude.

24 Question: Est-ce que l'un ou l'autre des gardiens a été blessé lors de

25 cette fusillade, si vous le savez?

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1 Réponse: Ça, je ne le sais pas.

2 Question: Monsieur Rosic, cet incident a-t-il constitué un événement

3 terrible pour vous, dans votre vie?

4 Réponse: Terrible.

5 Question: Durant toute la durée de cet incident, M. Kvocka a-t-il

6 manifesté beaucoup de courage?

7 Réponse: Oui.

8 M. Saxon (interprétation): Objection!

9 M. le Président: Oui, Monsieur Saxon.

10 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, Me Simic est en train de

11 témoigner à la place du témoin.

12 M. le Président: Maître Krstan Simic, pouvez-vous reformuler la question?

13 Vous avez des raisons, vous voyez des raisons pour la reformuler ou vous

14 avez des raisons pour la maintenir?

15 M. K. Simic (interprétation): Je ne vois absolument aucune raison. Je ne

16 poserai pas cette question car j'estime que les Juges de cette Chambre

17 pourront apprécier l'importance de cet événement. Il y a d'ailleurs des

18 témoins qui n'ont pas été entendus à ce sujet. Je n'ai pas d'autres

19 questions.

20 M. le Président: Monsieur Saxon, d'autres problèmes? Maître Simic a dit

21 qu'il va enlever la question. Il laisse à la Chambre l'opportunité de

22 conclure, il fait bien.

23 M. Saxon (interprétation): Compte tenu de la volonté de M. Simic de

24 retirer sa question, je n'ai pas d'autres objections. Merci.

25 M. le Président: Très bien. Donc, Maître Krstan Simic, vous pouvez

Page 7496

1 continuer vos questions.

2 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, la défense n'a plus

3 de questions à poser à ce témoin car, comme vous l'avez dit, M. Vuleta a

4 effectivement mis à la disposition des Juges de cette Chambre tous les

5 détails relatifs à l'organisation du camp. Nous ne souhaitions parler à ce

6 témoin que de ce détail-là.

7 M. le Président: Très bien et nous vous remercions beaucoup. C'est bien

8 fait, Maître Simic, je dois le dire.

9 Donc est-ce que quelque conseil…, je vois des signes négatifs. Très bien.

10 Donc, Monsieur le Procureur?

11 Monsieur Rosic, vous allez maintenant répondre aux questions que M. le

12 Procureur, M. Saxon, va vous poser, s'il vous plaît.

13 Monsieur Saxon?

14 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Branko Rosic, par M. Saxon.)

15 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

16 Monsieur Rosic, les souvenirs, que vous avez des événements survenus lors

17 de cette fusillade dans le camp d'Ormaska, sont-ils tout à fait clairs?

18 M. B. Rosic (interprétation): Oui.

19 Question: Si vous le savez, je vous demande qui était le chef des gardiens

20 au moment de cette fusillade?

21 M. K. Simic (interprétation): Objection!

22 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic?

23 M. K. Simic (interprétation): A quel moment avons-nous parlé des chefs

24 d'équipe de gardiens avec le témoin? A quel moment lui avons-nous demandé

25 qui était le chef des gardiens? A quel moment avons-nous mentionné

Page 7497

1 l'existence de chef de gardiens?

2 M. le Président: C'étaient des questions supplémentaires. Le témoin a dit

3 qu'il était là, Maître Simic.

4 Poursuivez, Monsieur Saxon, s'il vous plaît.

5 M. Saxon (interprétation): Monsieur Rosic, je répète ma dernière question

6 qui était la suivante: si vous le savez, qui était le chef de l'équipe des

7 gardiens qui travaillait au moment de cet incident, l'incident de la

8 fusillade?

9 M. B. Rosic (interprétation): Je ne sais pas.

10 Question: Combien de cars à peu près étaient garés à cet endroit, tout

11 près du bâtiment administratif, lorsque la fusillade a commencé?

12 Réponse: Je ne sais pas quel était leur nombre exact. Je n'ai pas compté

13 cela.

14 Question: Pourriez-vous nous donner une idée approximative?

15 Réponse: Il en y avait, ça c'est sûr, mais combien, je ne sais pas

16 exactement. Peut-être une dizaine, mais je ne sais pas exactement, je n'ai

17 pas compté; entre 10 et 20 peut-être.

18 Question: Vous avez dit que vous vous teniez au coin du bâtiment

19 administratif et que vous parliez avec votre fils, Milenko?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Vous rappelez-vous s'il y avait des gardiens présents sur la

22 pista ou autour des autobus ou tout près des prisonniers qui descendaient

23 des autobus, enfin, à un endroit quelconque?

24 Réponse: Il y en avait mais je ne sais pas qui étaient ces gardiens.

25 Question: Pouvez-vous nous dire à peu près combien il y avait de gardiens

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1 à cet endroit?

2 Réponse: Je ne sais pas exactement, mais il est certain qu'il y en avait

3 cinq ou six. Je ne sais pas exactement. Peut-être étaient-ils plus

4 nombreux, je n'ai pas vérifié pour savoir combien ils étaient.

5 Question: Ces gardiens étaient-ils armés?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Vous rappelez-vous quelles armes ils portaient?

8 Réponse: Je ne me rappelle pas quelles étaient ces armes.

9 Question: Mais il s'agissait d'armes à feu, n'est-ce pas, de fusils

10 destinés à tirer?

11 Réponse: Des armes à feu, oui.

12 Question: Vous rappelez-vous à peu près à quel endroit se tenaient ces

13 cinq ou six gardiens armés d'armes à feu juste avant le début de la

14 fusillade?

15 Réponse: Ils se tenaient quelque part, là, autour des autobus et devant

16 ces bâtiments -parce qu'il y avait deux bâtiments-, quelque part par là.

17 Question: Oui. Donc les gardiens, les autobus et les prisonniers se

18 trouvaient dans cette zone asphaltée qui sépare le grand bâtiment dans

19 lequel se trouve le hangar, et le bâtiment dans lequel se trouve la

20 cantine, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Conviendrez-vous avec moi que, pour traverser à pied cette zone

23 asphaltée, qui sépare le bâtiment de la cantine du bâtiment où se trouve

24 le hangar, on ne doit couvrir qu'une distance assez courte: à peine 50 ou

25 60 pas?

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1 Réponse: Oui, c'est bien cette distance.

2 Question: Lorsque cet homme qui portait un fusil a tiré, où se trouvait-

3 il?

4 Réponse: Il se trouvait devant les gens qui subissaient la fouille, à ce

5 moment-là, pour vérifier ce qu'ils portaient sur eux, enfin, je ne sais

6 pas exactement pourquoi. En tout cas, celui qui est arrivé se tenait

7 devant eux.

8 Question: Vous avez dit que les gardiens portaient des armes à feu. Vous

9 avez dit également que, après le début de la fusillade, Miroslav Kvocka a

10 fait son apparition. Miroslav Kvocka était-il armé ce jour-là?

11 Réponse: Il portait un revolver.

12 Question: Vous avez dit que, avant le début de la fusillade, les

13 prisonniers étaient descendus des autocars et qu'ils étaient en train de

14 subir une inspection? Lorsque vous avez utilisé le mot "inspection",

15 parliez-vous d'une fouille?

16 Réponse: Ce que cela signifie, c'est qu'ils ont été fouillés.

17 Question: Avez-vous vu certains de ces prisonniers en train de se faire

18 fouiller avant le début de la fusillade?

19 Réponse: Je n'étais pas assez près pour avoir la possibilité de voir de

20 quelle façon se faisait cette fouille, j'étais un peu plus loin.

21 Question: Mais vous étiez à une distance inférieure à 50 pas de là, n'est-

22 ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Depuis l'endroit où vous vous trouviez, pouviez-vous voir si les

25 prisonniers, debout devant les autobus, étaient traités correctement?

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1 Réponse: Eh bien, je pense que oui, je n'ai rien remarqué de particulier

2 lorsqu'ils sont descendus des autocars. Je les ai vus à ce moment-là, j'ai

3 vu que l'on se comportait de façon convenable à ce moment-là.

4 Question: Lorsque la fusillade a commencé, vous avez déclaré qu'un certain

5 nombre de prisonniers ont été blessés et qu'un, ou plus d'un, a peut-être

6 été tué. C'est bien cela?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Connaissiez-vous Miroslav Kvocka avant cet incident?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Comment avez-vous fait la connaissance de Miroslav Kvocka?

11 Réponse: Eh bien, je le connaissais parce qu'il était dans notre région un

12 simple policier, c'est grâce à cela que j'ai fait sa connaissance au poste

13 de police.

14 Question: Monsieur Kvocka est un homme intelligent, n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Il était, à l'époque, officier de police de profession, n'est-ce

17 pas?

18 Réponse: C'était sa profession, il était policier de profession à

19 l'époque, pour autant que je le sache.

20 Question: Monsieur Rosic, lorsque la fusillade a commencé, qu'a fait

21 Miroslav Kvocka de son revolver?

22 Réponse: Ca, je ne le sais pas.

23 Question: Monsieur Kvocka aurait pu utiliser son revolver pour tirer sur

24 l'homme qui portait un fusil, n'est-ce pas?

25 Réponse: Il aurait pu, mais il n'a pas ouvert le feu, je ne l'ai pas vu

Page 7501

1 ouvrir le feu.

2 Question: Monsieur Kvocka aurait pu frapper de son arme l'homme qui

3 portait un fusil, n'est-ce pas?

4 Réponse: Il aurait pu le faire mais il ne l'a pas fait, je ne l'ai pas vu

5 le faire. Il a simplement crié: "Ne tire pas! Tu vas tuer des gens!".

6 Question: Quand M. Kvocka a prononcé ces mots, il n'a pas indiqué de

7 quelles personnes il parlait, n'est-ce pas?

8 Réponse: Ca, je ne sais pas, je n'ai pas compris de quoi il est question

9 exactement.

10 Question: Je vais passer à autre chose: conviendrez-vous avec moi,

11 Monsieur Rosic, qu'il aurait été plus facile et plus sûr pour M. Kvocka de

12 désarmer...

13 M. K. Simic (interprétation): Objection! Mon collègue de l'accusation

14 demande une opinion au témoin au sujet de ce qui aurait pu arriver de

15 façon tout à fait hypothétique. Un policier aurait pu, selon lui, faire

16 ceci ou cela, il se tenait devant le fusil pour empêcher que des gens

17 soient tués.

18 M. le Président: Maître Krstan Simic a raison. Quelle est votre réponse?

19 M. Saxon (interprétation): Ma réponse, Monsieur le Président, consiste

20 d'abord à dire que je n'avais pas terminé ma question.

21 M. le Président: Vous pourriez peut-être aller plus vite à votre question,

22 non? Sinon, nous en sommes à interroger le témoin: pouvait-il faire ceci,

23 pouvait-il faire cela? Allez-y donc, posez la question, Monsieur Saxon.

24 Là, nous comprendrons peut-être mieux.

25 M. Saxon (interprétation): Monsieur Rosic, M. Kvocka aurait-il pu utiliser

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1 son revolver pour désarmer l'homme qui portait un fusil?

2 M. B. Rosic (interprétation): Il aurait pu, c'est logique, mais ce n'est

3 pas de cette façon que les choses se sont passées, je crois, pour autant

4 que j'ai pu le voir.

5 Question: Ni les gardiens présents ni M. Kvocka n'ont empoigné leurs armes

6 pour tirer sur l'homme qui, lui-même, tirait. C'est bien cela?

7 Réponse: C'est cela.

8 Question: Si vous le savez, je vous demande pourquoi Miroslav Kvocka ou

9 les gardiens n'ont pas tiré sur cet homme qui avait utilisé son fusil pour

10 tirer et blesser des détenus?

11 M. K. Simic (interprétation): Objection!

12 M. le Président: Maître Krstan Simic, vous allez dire que… Dites!

13 M. K. Simic (interprétation): Spéculation, Monsieur le Président,

14 spéculation! On demande au témoin de spéculer.

15 M. le Président: A un moment donné, j'ai invoqué la bonne logique ou non.

16 Le témoin peut répondre. La question est de savoir: "est-ce que vous savez

17 pourquoi M. Kvocka et les gardes n'ont pas utilisé leurs armes pour

18 désarmer?"

19 Le témoin peut dire: "parce que l'homme -je ne voudrais pas induire-,

20 parce que le soldat qui a tiré n'avait plus de collègue". Il y avait des

21 supérieurs de l'unité de force. Le témoin était là, il sait répondre.

22 C'est pourquoi, Maître Krstan Simic, je crois qu'il y a toujours une bonne

23 logique et une mauvaise logique. Là, peut-être, à première vue, vous aviez

24 raison de soulever l'objection. Mais si nous allons un peu plus

25 profondément, peut-être, il n'y a pas de raison pour l'objection.

Page 7503

1 Donc je vais autoriser le Procureur à poser la question mais, de toute

2 façon, j'ai dû vous expliquer pourquoi je pense que le Procureur doit

3 poser la question. Il y aura d'autres situations où je dirai seulement

4 "rejeté", je vous préviens.

5 Monsieur le Procureur, poursuivez, s'il vous plaît.

6 M. Saxon (interprétation): Monsieur Rosic, si vous le savez, je vous

7 demande pourquoi Miroslav Kvocka ou les gardiens présents et armés n'ont

8 pas tiré sur l'homme qui, lui-même, venait de commencer à tirer?

9 M. B. Rosic (interprétation): Ca, je ne le sais pas.

10 Question: Quand la fusillade a commencé, un certain nombre de prisonniers

11 ont immédiatement été blessés sinon tués, n'est-ce pas?

12 Réponse: En effet.

13 Question: Si M. Kvocka s'était placé sur la ligne de tir, il aurait été

14 blessé également?

15 Réponse: Il aurait fallu que cela se passe ainsi, mais je ne sais pas, ce

16 n'est pas moi qui pouvait décider de cela.

17 Question: Donc Monsieur Rosic, M. Kvocka ne s'est jamais placé sur la

18 ligne de tir, n'est-ce pas?

19 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, objection!

20 M. B. Rosic (interprétation): Il s'est mis sur la ligne de tir puisqu'il

21 s'est placé devant le canon du fusil en criant: "Arrêtez de tirer! Il y a

22 des gens ici!". C'est Kvocka qui s'est interposé, ça, je l'ai vu.

23 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic?

24 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, il y a longtemps que

25 le temps est écoulé.

Page 7504

1 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, puis-je répondre à cette

2 dernière phrase?

3 M. le Président: Oui, si vous pouvez le faire rapidement sinon nous

4 perdons du temps.

5 M. Saxon (interprétation): Je crois savoir que l'interrogatoire principal

6 a duré à peu près une demi-heure et je crois avoir utilisé 22 minutes en

7 contre-interrogatoire, donc, très honnêtement, je ne comprends pas très

8 bien le commentaire de Me Simic.

9 M. le Président: On ne peut pas rire ici, parce que nous sommes en train

10 de faire un travail sérieux mais je crois quand même que Me Simic a essayé

11 de vous déstabiliser, mais vous n'allez pas le faire, donc poursuivez,

12 s'il vous plaît.

13 Je ne sais pas quelle est la traduction qui est passée. Oui! C'est bien

14 traduit. Donc vous pouvez continuer, s'il vous plaît.

15 M. Saxon (interprétation): Monsieur Rosic, vous rappelez-vous combien de

16 temps s'est écoulé entre les coups de feu tirés sur les prisonniers et le

17 moment où les blessés ont été emportés?

18 M. B. Rosic (interprétation): Je ne sais pas exactement combien de temps a

19 pu s'écouler, mais en tout cas ils ont été emportés rapidement.

20 Question: Vous avez dit, je crois, en tout cas, vous avoir entendu dire

21 que des femmes ont lavé le sang sur l'asphalte de la pista. Savez-vous qui

22 a demandé à ces femmes de rincer ce sang?

23 Réponse: Ça, je ne sais pas.

24 Question: Monsieur Rosic, avez-vous travaillé dans le camp d'Omarska au

25 cours des mois de mai, juin, juillet et août 1992?

Page 7505

1 Réponse: Oui.

2 Question: En dehors de cet incident, de cette fusillade du 30 mai, à

3 combien de reprises avez-vous vu M. Kvocka à Omarska?

4 Réponse: Je l'ai revu quelquefois mais pas souvent. Quelquefois.

5 Question: En 1992, connaissiez-vous un homme répondant au nom de Dragoljub

6 Prcac?

7 Réponse: Je le connaissais de vue, comme ça.

8 Question: Durant l'été 1992, avez-vous jamais vu Dragoljub Prcac dans le

9 camp d'Omarska?

10 Réponse: Je ne le connaissais pas assez bien, donc je n'aurais pas pu le

11 voir parce que je le connaissais assez mal. Moi, je n'étais pas très

12 proche de lui, nous n'avions pas de contact personnel, je ne le

13 connaissais pas très bien.

14 Question: J'aimerais vérifier que j'ai bien compris votre réponse et je

15 vous demande un peu de patience. Etes-vous en train de dire que vous

16 n'avez jamais vu Dragoljub Prcac dans le camp d'Omarska, ou que vous

17 l'avez vu dans le camp mais que vous n'avez jamais eu de contact personnel

18 avec Dragoljub Prcac dans le camp d'Omarska?

19 Réponse: Nous n'avons pas eu de contact, mais je l'ai vu. Il était là-bas,

20 je l'ai vu. Pendant une période, j'ai vu cet homme.

21 Question: A quel moment à peu près avez-vous vu pour la première fois

22 Dragoljub Prcac dans le camp d'Omarska?

23 Réponse: Ça, je ne me rappelle pas exactement quand.

24 Question: Savez-vous quels étaient les devoirs ou les responsabilités de

25 Dragoljub Prcac dans le camp d'Omarska?

Page 7506

1 Réponse: Ça non plus, je le ne savais pas.

2 Question: Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres questions pour le

3 moment.

4 M. le Président: Très bien, merci beaucoup, Monsieur Saxon.

5 Maître Krstan Simic, des questions supplémentaires?

6 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Branko Rosic, par

7 Me K. Simic.)

8 M. K. Simic (interprétation): Une question seulement. Monsieur Rosic,

9 combien de temps a duré cette fusillade, ce tumulte? Est-ce que cela a

10 duré une heure? Combien de temps?

11 M. B. Rosic (interprétation): Cela a duré peu de temps. Je n'ai pas

12 vérifié exactement pour pouvoir vous dire avec précision combien de temps

13 cela a duré, mais cela a duré quelques minutes. Moi, j'étais assez loin

14 tout de même de tout cela.

15 M. K. Simic (interprétation): Merci.

16 M. le Président: Oui. Merci beaucoup, Maître Krstan Simic.

17 Monsieur le Juge Riad, avez-vous des questions?

18 M. Riad: Non merci, Monsieur le Président.

19 M. le Président: Madame la Juge Wald? Non?

20 Donc nous n'avons pas de questions, Monsieur Rosic.

21 M. B. Rosic (interprétation): Merci.

22 M. le Président: Vous venez de finir votre témoignage. Nous vous

23 remercions beaucoup d'être venu. Nous vous souhaitons un bon retour dans

24 votre lieu de résidence. Je vais demander à M. l'huissier de vous

25 reconduire. Merci.

Page 7507

1 M. B. Rosic (interprétation): Merci. Merci beaucoup.

2 (Le témoin, M. Branko Rosic, est reconduit hors du prétoire.)

3 M. le Président: Donc, Maître Krstan Simic, est-ce que vous demandez une

4 pause pour déjeuner? Cela vous convient?

5 M. K. Simic (interprétation): (Hors micro.) Cela me convient très bien,

6 Monsieur le Président.

7 M. le Président: Donc nous allons faire une pause de 50 minutes.

8 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 13 heures 55.)

9 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

10 (Les accusés s'assoient.)

11 Donc, Maître Krstan Simic?

12 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, la défense convie le

13 témoin Milenko Rosic.

14 (Le témoin, M. Milenko Rosic, est introduit dans le prétoire.)

15 M. le Président: Bonjour, Monsieur Milenko Rosic. M'entendez-vous bien?

16 M. M. Rosic (interprétation): Bonjour, je vous entends bien.

17 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.

18 l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

19 M. M. Rosic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

22 M. M. Rosic (interprétation): Merci.

23 M. le Président: Rapprochez-vous des micros pour que l'on puisse vous

24 entendre. Pour l'instant, vous allez répondre aux questions que Me Krstan

25 Simic va vous poser. Après, on verra.

Page 7508

1 Maître Krstan Simic, vous avez la parole.

2 (Interrogatoire principal du témoin, M. Milenko Rosic, par Me K. Simic.)

3 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

4 Une fois de plus, Monsieur Rosic, bonjour.

5 M. M. Rosic (interprétation): Bonjour.

6 Question: Au nom de la défense de M. Kvocka, je me propose de vous poser

7 plusieurs questions concernant les événements dont vous avez été témoin

8 oculaire.

9 Réponse: Allez-y!

10 Question: Avant de le faire, je vous prie de nous donner votre nom et

11 prénom pour les besoins du compte rendu d'audience.

12 Réponse: Milenko Rosic.

13 Question: Quand êtes-vous né?

14 Réponse: Le 28 mars 1962.

15 Question: Où êtes-vous né?

16 Réponse: Dans le village Busnovi, municipalité de Prijedor.

17 Question: Comment s'appelle votre père?

18 Réponse: Branko.

19 Question: Où résidez-vous aujourd'hui?

20 Réponse: A Banja Luka, rue Mirka Kovacevica, n°10.

21 Question: Quelle est votre profession?

22 Réponse: Je suis dans l'hôtellerie, j'ai fait des études supérieures

23 d'hôtellerie, et je possède deux bâtiments d'hôtellerie moi-même.

24 Question: Etes-vous marié?

25 Réponse: Oui.

Page 7509

1 Question: Vous avez des enfants?

2 Réponse: Deux.

3 Question: Quand avez-vous fait votre service militaire et où?

4 Réponse: Du 8 avril 1981 à Ljubljana.

5 Question: Et jusqu'à quand vous êtes resté?

6 Réponse: Le 8 juin 1982.

7 Question: Monsieur Rosic, depuis quand vivez-vous à Banja Luka?

8 Réponse: Je vie à Banja Luka depuis 1982.

9 Question: Je m'excuse, il y a une erreur au compte rendu d'audience

10 concernant la date de sortie du témoin du service militaire. On dit 1992,

11 ici. Jusqu'à quand êtes-vous resté au service?

12 Réponse: Le 8 juin 1982.

13 Question: Maintenant, c'est bien. Avez-vous visité au mois de mai vos

14 parents?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Est-ce que le 30 mai vous êtes allé en visite chez vos parents?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Vous souvenez-vous de la raison de cette visite?

19 Réponse: Oui. La raison, je peux vous la dire tout de suite: il s'agissait

20 de l'attaque contre Prijedor qui est survenue dans la matinée. J'ai

21 entendu à la radio et la télévision une information à ce sujet.

22 Question: En quelle année était-ce?

23 Réponse: En 1992.

24 Question: Où êtes-vous allé alors?

25 Réponse: Je suis alors d'abord allé à la maison de mes parents, au village

Page 7510

1 de Busnovi.

2 Question: Qui avez-vous trouvé là-bas?

3 Réponse: Ma mère seulement.

4 Question: Et que vous a-t-elle dit? Où était votre père?

5 Réponse: Mon père était au travail, il avait une obligation de travail à

6 la mine de fer où il travaillait de toute façon.

7 Question: Et de chez vous, vous êtes allé au poste de travail de votre

8 père?

9 Réponse: Je suis d'abord allé voir mes deux sœurs car elles vivent là-bas

10 aussi et puis, dans la même journée, dans l'après-midi ou en début de

11 soirée, je suis aussi allé voir mon père.

12 Question: Où avez-vous trouvé votre père?

13 Réponse: J'ai trouvé mon père au sein du complexe des mines d'Omarska.

14 Cela se trouve donc à côté de la route en allant vers le lieu de travail

15 de mon père.

16 Question: Est-ce qu'à l'entrée du complexe il y avait des forces de

17 sécurité quelconques?

18 Réponse: Il y avait, je pense, un portier et un policier de réserve à mon

19 avis. Et il y avait le portier, l'employé des mines.

20 Question: Et ce 30 mai 1992, vous avez pu accéder?

21 Réponse: J'ai demandé à ce qu'on appelle mon père, tout le monde le

22 connaissait, il y travaillait depuis longtemps. Quelqu'un s'était dirigé

23 vers le hangar parce que l'on m'avait dit qu'il se trouvait là-bas. Je

24 n'ai pas eu de difficulté majeure.

25 Question: Et vous avez retrouvé votre père à cette occasion?

Page 7511

1 Réponse: Oui, il se trouvait au hangar et il est sorti devant. Nous étions

2 donc campés devant le hangar, à l'intérieur de l'enceinte, tous les deux.

3 Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'endroit où vous avez discuté

4 avec votre père? Est-ce que vous pouvez nous situer l'endroit?

5 Réponse: Eh bien, au coin même du hangar où il y avait des dumpers garés,

6 et à quelques mètres de ce coin du hangar -je ne sais comment vous

7 expliquer autrement. Donc là, l'angle du hangar où se trouve la pista. En

8 face, il y avait le bâtiment administratif.

9 Question: Monsieur Rosic, y avait-il quelque chose d'inhabituel? Y avait-

10 il des autocars ou quoi que ce soit d'inhabituel?

11 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, il y avait un ou deux autocars

12 -des personnes sortaient de ces autocars-, entre le hangar et ce bâtiment

13 pour emprunter une sorte de passage.

14 Question: Avez-vous prêté attention aux gens qui sortaient?

15 Réponse: Non, pas trop, car ce qui m'intéressait c'était comment allait

16 mon père.

17 Question: Et cette fois-là, est-ce qu'on a fouillé les gens qui sortaient

18 des autocars? Avez-vous vu cela?

19 Réponse: Il y avait eu une fouille en cours, à la sortie même des

20 autocars, mais, comme je ne savais pas du tout ce qui se passait à ce

21 moment-là, je n'ai pas prêté attention.

22 Question: Et dans l'entretien, votre père vous a-t-il mentionné d'où

23 venaient ces autocars?

24 Réponse: Il m'avait dit que cela était la conséquence d'événements à

25 Prijedor et qu'il s'agissait-là d'une sorte de prisonniers, qu'il

Page 7512

1 s'agissait-là d'un centre quelconque. Mais lui-même, au début, il

2 MAR16 JONCTION OK

3 ne savait pas trop ce qui se passait.

4 Question: A-t-il mentionné le fait qu'il y avait eu d'autres autocars au

5 cours de la journée?

6 Réponse: Oui, il avait mentionné qu'il était arrivé une dizaine d'autocars

7 peut-être, et au moment où moi j'y étais il y en avait un ou deux -je

8 n'arrive pas à m'en souvenir exactement.

9 Question: Vous a-t-il dit que, dans ces autocars, il y avait aussi des

10 prisonniers?

11 Réponse: Il m'avait dit que c'étaient des prisonniers. Mais tous ces gens-

12 là étaient en civil, ce qui fait qu'il s'agissait probablement de

13 prisonniers.

14 Question: Au moment où vous vous êtes entretenu avec votre père à

15 proximité du hangar... Ou plutôt, je vais reformuler la question. Excusez-

16 moi. A quelle distance vous trouviez-vous vous-même de l'endroit où cet

17 autocar était arrêté?

18 Réponse: Quelque 25 à 30 mètres, disons une vingtaine de mètres.

19 Question: Et autour de ces prisonniers, y avait-il d'autres personnes en

20 uniforme?

21 Réponse: Il y avait là-bas des uniformes de police et des uniformes

22 militaires pour ce qui est de ce qui se passait là-bas, mais je n'ai pas

23 prêté une attention très grande.

24 Question: Est-ce que vous pouvez vous souvenir du nombre de personnes qui

25 se trouvaient là-bas en uniforme?

Page 7513

1 Réponse: Eh bien, au maximum, d'après ce que j'ai pu apercevoir: une

2 dizaine de personnes.

3 Question: Est-il arrivé quelque chose à ce moment-là? Quelque chose

4 d'inhabituel, j'entends.

5 Réponse: Oui, des coups de feu ont été tirés.

6 Question: Est-ce que vous avez vu qui a tiré?

7 Réponse: Oui, une personne, qui était vêtue d'un uniforme militaire, avait

8 tiré en direction de ces civils.

9 Question: Cet événement se passe devant vous, est-ce que vous avez pu

10 remarquer -compte tenu de votre position- les personnes qui se trouvaient

11 là-bas?

12 Réponse: Oui, je pouvais remarquer mais pas dans le détail.

13 Question: Mais d'où cet homme est-il venu?

14 Réponse: Il est venu en provenance de l'emplacement où se trouvait la

15 rampe d'accès. C'était de là qu'il était venu, mais je n'ai pas vu le

16 moment où il s'approchait, où il venait. Je n'ai pas prêté attention.

17 Question: A-t-on pu entendre des voix avant les coups de feu, ou c'est

18 tout de suite des coups de feu que vous avez entendus?

19 Réponse: Eh bien, à un moment donné, on a entendu des cris, et tout de

20 suite après des coups de feu ont été tirés, et la panique et le chaos se

21 sont installés momentanément.

22 Question: Qu'entendez-vous par là?

23 Réponse: Des cris, des gémissements, des chutes de gens sur le sol, une

24 situation vraiment déplaisante; une situation dans laquelle je me suis

25 trouvé moi-même pour la première fois de ma vie.

Page 7514

1 Question: Est-ce que quelqu'un a réagi à ces coups de feu qui avaient été

2 tirés?

3 Réponse: La première réaction avait été celle d'un policier qui a fait une

4 espèce de saut et qui s'est mis, placé devant la personne qui avait tiré

5 ces coups de feu.

6 Question: Mais à quoi savez-vous que cette personne était un policier?

7 Réponse: Eh bien, de par l'uniforme de policier qu'il portait.

8 Question: Cette personne était-elle armée?

9 Réponse: Je pense qu'elle avait un pistolet.

10 Question: Tout à l'heure, vous nous avez dit qu'une personne avait bondi

11 pour se placer devant la personne qui avait tiré des coups de feu, est-ce

12 que vous pourriez nous détailler un peu, nous décrire un peu cela en

13 quelques phrases?

14 Réponse: Eh bien, dans ce chaos qui était en train de se passer, on voyait

15 une personne accourir en provenance de ce bâtiment administratif, elle

16 s'était placée devant cette personne qui tirait et s'était placée devant

17 en écartant les bras et puis avait dit: "Mais ce sont des gens. Tu ne peux

18 pas tuer. Ce sont des hommes, des êtres humains". Alors, la personne était

19 quand même consternée. Il avait saisi le canon du fusil pour le baisser

20 vers le bas et les autres policiers et autres personnes en uniforme

21 militaire avaient entouré la personne qui avait tiré. Il y a eu un gros

22 débat, une discussion et ils ont emmené cette personne-là à côté du

23 bâtiment. Donc par la suite, je n'ai plus pu voir.

24 Question: Lorsque ce policier a tiré vers le bas le canon du fusil de

25 l'homme qui avait tiré, est-ce que l'on a désarmé la personne qui avait

Page 7515

1 tiré? Est-ce qu'on lui avait retiré son fusil?

2 Réponse: Ce n'est que lorsque les autres policiers se sont rassemblés

3 autour qu'on lui a pris son fusil.

4 Question: Aviez-vous jamais vu la personne qui avait tiré auparavant?

5 Réponse: Non.

6 Question: Et vous connaissiez la personne qui s'était interposée, comme

7 vous l'avez dit?

8 Réponse: Non. Mais mon père m'avait dit que cette personne-là s'appelait

9 Kvocka, le policier en question.

10 Question: Et votre père vous a-t-il dit comment il se faisait qu'il le

11 connaissait?

12 Réponse: Il le connaissait parce que c'était un policier local qui était

13 de patrouille dans le village où vivait mon père. Donc il se trouvait

14 travailler là où mon père vivait et travaillait lui-même.

15 Question: Je crois qu'il y a une erreur de compte rendu. Je vais répéter

16 ma question: que votre père vous a-t-il dit?

17 Réponse: Mon père m'a dit qu'il s'agissait d'un policier appelé "Kvocka".

18 Question: Je vous remercie. C'était juste aux fins de corriger le compte

19 rendu d'audience.

20 Avez-vous pu voir combien de personnes ont été blessées au moment où ce

21 chaos est survenu?

22 Réponse: Il y avait beaucoup de personnes qui étaient allongées sur le

23 sol, la pista était couverte de sang et l'ambulance n'est arrivée qu'au

24 bout de 10 à 15 minutes. Ce qui fait que dans tout ce remue-ménage je ne

25 voulais pas trop m'approcher, et je ne peux pas savoir combien de gens

Page 7516

1 avaient été blessés et combien de gens s'étaient jetés à terre pour éviter

2 les balles. Ca, je ne saurais vous le dire.

3 Question: Mais vous avez quand même pu juger qu'il y avait plusieurs

4 personnes?

5 Réponse: Oui, oui.

6 Question: Et quand ce véhicule, cette ambulance est arrivée, est-ce que

7 vous pouvez nous dire quel type de véhicule c'était?

8 Réponse: Un véhicule était un véhicule civil, une ambulance civile, et je

9 connaissais la personne qui est sortie de ce véhicule. L'autre véhicule

10 était un véhicule militaire, un grand véhicule militaire qui avait une

11 croix rouge dessus et le véhicule, lui-même, était peint en vert olive.

12 Question: Jusqu'à l'arrivée de ces ambulances, est-ce que ces gens blessés

13 ont bénéficié d'une assistance quelconque? Est-ce qu'on a pris des

14 mesures?

15 Réponse: Eh bien, le policier qui s'était interposé courait dans la

16 panique vers le bâtiment, avait appelé l'ambulance, jetait des cris à

17 gauche et à droite pour que l'on aide ces gens. Les civils, les policiers

18 et les militaires qui se trouvaient là se sont jetés à la tâche consistant

19 à aider les gens, et moi, j'étais hébété à regarder de côté.

20 Question: Ces personnes qui ont été victimes à l'occasion de ces tirs,

21 ont-elles été toutes emmenées ou quelques personnes sont-elles restées?

22 Réponse: Non, toutes ces personnes ont été emmenées.

23 Question: Je me propose de revenir au détail où vous avez dit qu'il avait

24 bondi pour s'interposer entre ces gens-là et l'homme qui tirait. Le

25 policier qui a fait cela avait-il protégé en quelque sorte de son corps

Page 7517

1 les gens qui pouvaient recevoir des balles?

2 Réponse: Eh bien, je ne sais s'il les a protégés, mais il risquait lui-

3 même de recevoir des coups de feu.

4 Question: Une fois qu'on a évacué ces corps, est-ce que vous êtes resté

5 encore?

6 Réponse: Je suis resté encore 5 à 10 minutes.

7 Question: Est-ce qu'on a lavé l'emplacement, les lieux de l'incident?

8 Réponse: Des personnes en uniforme et des femmes étaient venues avec un

9 tuyau d'arrosage et ont lavé.

10 Question: Avez-vous eu l'occasion de voir cette personne, celle qui s'est

11 interposée devant le canon du fusil? Quel avait été son air?

12 Réponse: Eh bien, cette personne avait l'air effrayée, je dirai même

13 paniquée car la situation était grave, mais c'était la personne qui avait

14 montré le plus de présence d'esprit à ce moment-là. C'est la personne qui

15 a organisé l'arrivée des ambulances, le transport des personnes blessées

16 et tout le reste.

17 Question: Les autres policiers présents et ces militaires, de quoi

18 avaient-ils l'air? Confus?

19 Réponse: Ils étaient complètement perdus, comme moi, plus ou moins.

20 Question: Avez-vous pu voir ce qui est arrivé par la suite avec ce

21 policier?

22 Réponse: Après le départ des ambulances, il est passé derrière le bâtiment

23 administratif, il s'est mis au volant d'une voiture et il est parti je ne

24 sais où.

25 Question: Et combien de temps après êtes-vous parti vous-même?

Page 7518

1 Réponse: Cinq à dix minutes plus tard, comme je vous l'ai dit tout à

2 l'heure.

3 Question: Et comment cet événement a-t-il été perçu par votre père?

4 Réponse: Eh bien, cet événement était un choc pour nous tous, ce n'était

5 que le début de ce type d'événement. C'était la première fois de notre vie

6 que nous avions vu ce type de chose et mon père avait insisté pour que je

7 rentre à la maison immédiatement.

8 Question: Par la suite, à l'occasion de l'évolution des événements, êtes-

9 vous retourné à Omarska pour voir votre père?

10 Réponse: Je suis rarement rentré chez moi pour effectuer des visites.

11 Question: Etes-vous entré une fois de plus, par la suite, dans l'enceinte

12 du camp?

13 Réponse: Non, non, pas pendant que ce camp était en place.

14 Question: Ce policier, vous ne le connaissiez pas personnellement?

15 Réponse: Non.

16 Question: Vous n'avez pas fait sa connaissance par la suite?

17 Réponse: Je l'ai vu à la télévision lors de la retransmission du procès.

18 Question: Merci, Monsieur Rosic.

19 Monsieur le Président, je n'aurais plus de question à l'intention de ce

20 témoin.

21 M. M. Rosic (interprétation): Je vous en prie.

22 M. le Président: Merci, Maître Simic. Y a-t-il d'autres conseils? Je vois

23 que non. Merci.

24 Monsieur Saxon, s'il vous plaît. Maintenant, Monsieur Rosic, vous allez

25 répondre aux questions que le Procureur va vous poser, s'il vous plaît.

Page 7519

1 Vous avez la parole, s'il vous plaît, Monsieur Saxon.

2 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Milenko Rosic, par M. Saxon.)

3 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

4 Monsieur Rosic, vous avez mentionné le fait qu'avant ces coups de feu il y

5 avait une dizaine d'individus debout dans cette enceinte, certains en

6 uniforme de police et d'autres en uniforme militaire.

7 M. M. Rosic (interprétation): Oui, une dizaine. De là à savoir exactement

8 s'ils étaient huit, dix ou douze, ça, je ne saurais vraiment vous le dire

9 avec précision.

10 Question: Ces personnes portaient aussi des armes, n'est-ce pas?

11 Réponse: Certaines personnes oui, certaines non.

12 Question: Vous avez dit que les personnes qui descendaient des autocars

13 étaient fouillées en descendant. Avez-vous pu voir quel type de traitement

14 recevaient ces personnes qui descendaient des autocars?

15 Réponse: Ce que j'ai pu voir m'avait semblé tout à fait correct.

16 Question: Pour que le compte rendu d'audience soit clair, quand vous dites

17 "conduite" ou "comportement correct", à qui songez-vous?

18 Réponse: Je songe aux personnes qui étaient là à fouiller les civils.

19 Question: Vous avez dit que lorsque les coups de feu ont éclaté, et que

20 cette situation chaotique s'était installée et qu'un policier avait réagi

21 en premier, d'où était venu ce policier?

22 Réponse: D'abord, c'est un policier qui avait réagi et après leur débat,

23 leur discussion, et une fois qu'il avait attrapé le canon du fusil de

24 l'autre individu, les autres policiers se sont rapprochés.

25 Question: Le policier qui a réagi le premier était-il présent sur cet

Page 7520

1 espace ouvert avant que les coups de feu n'aient éclaté?

2 Réponse: Il a accouru en provenance du bâtiment administratif, donc il se

3 trouvait peut-être à dix ou vingt mètres de là, je ne peux pas m'orienter

4 exactement. Moi, je l'avais remarqué en arrivant.

5 Question: Vous avez dit -et il s'agit de la page 82 du compte rendu-,

6 qu'un individu s'était précipité vers la personne qui tirait et qu'il

7 s'étaient mis devant lui, qu'ils s'était interposé?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Si vous êtes face à une personne qui est en train de tirer des

10 coups de feu, cette personne ne risque-t-elle pas de tirer sur vous?

11 Réponse: Oui, elle risquait de tirer sur vous mais la personne qui tirait

12 avait cessé de tirer.

13 Question: Essayez de nous aider: cette personne était venue devant cet

14 espace ouvert devant la personne avec une arme?

15 Réponse: La personne avec une arme avait tiré vers la masse de civils.

16 Question: Cette personne qui avait ouvert le feu a-t-elle dit quelque

17 chose?

18 Réponse: Cette personne avait crié des choses qui n'étaient pas reliées,

19 qui n'étaient pas sensées, il y avait beaucoup de jurons que je n'ai pas

20 tout à fait bien entendus.

21 Question: Combien de temps cela a duré?

22 Réponse: Il y avait beaucoup de cris, de jurons, je ne peux pas me

23 souvenir de ce que les autres ont dit.

24 Question: Allons un peu plus lentement, s'il vous plaît. Combien de temps

25 ces coups de feu ont-ils duré?

Page 7521

1 Réponse: Cela a duré quelques secondes.

2 Question: Et au cours de ces quelques secondes, combien de personnes ont

3 été tuées ou blessées?

4 Réponse: Je ne sais pas combien. Je sais qu'il y avait plusieurs personnes

5 allongées à même le sol et qui gémissaient ou qui criaient.

6 Question: Et vous-même, étiez-vous vêtu à ce moment-là de vêtements

7 civils?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Et on n'a pas tiré sur vous, n'est-ce pas?

10 Réponse: Non, parce que moi je me trouvais à gauche, à côté du hangar avec

11 mon père. Et mon père, tout le monde le connaissait là-bas.

12 Question: Est-ce que vous êtes en train de dire à la Chambre de première

13 instance que la personne qui était arrivée et qui avait ouvert le feu

14 connaissait votre père?

15 Réponse: Je ne vais pas dire que cette personne le connaissait mais moi,

16 je ne me trouvais pas dans cette masse de civils, je me trouvais à 20 ou

17 30 mètres de ces civils en question.

18 Question: Vous ne connaissiez pas la personne qui avait ouvert le feu,

19 n'est-ce pas?

20 Réponse: Non.

21 Question: Vous avez dit que quand ces coups de feu ont cessé, des gens

22 étaient allongés, blessés, à même le sol, et qu'ils gémissaient, et vous

23 avez dit que ce même policier, qui avait fait cesser les coups de feu,

24 courait à gauche et à droite et demandait que l'on prête assistance à ces

25 gens. Vous avez dit, je cite: "Il a organisé tout cela, il a organisé le

Page 7522

1 transport de ces gens".

2 Je suppose que vous avez voulu parler du transport des gens du camp

3 d'Omarska. Aurait-il été plus approprié de dire que ce policier avait pris

4 la direction quant à cette situation nouvellement installée?

5 Réponse: Non.

6 M. le Président: Maître Krstan Simic, le témoin a déjà répondu. Donc vous

7 avez la réponse, Monsieur le Procureur. Vous pouvez continuer.

8 M. Saxon (interprétation): Pouvez-vous nous clarifier la chose, je vous

9 prie, car dans votre interrogatoire principal, vous avez dit, en décrivant

10 ce policier héroïque, vous avez dit qu'il avait tout organisé, le

11 transport de ces gens, et il criait aux gens qui se trouvaient debout sur

12 place.

13 N'est-ce pas là un comportement typique pour une personne qui avait pris

14 le contrôle de la situation?

15 M. le Président: Monsieur le Procureur, qu'est-ce qu'il a observé qui lui

16 a fait conclure qu'il était à organiser les choses? Et notamment

17 organiser, je crois que vous avez dit "le départ pour l'hôpital". Je crois

18 que c'est la question, sinon vous induisez la conclusion, Monsieur Saxon?

19 M. Saxon (interprétation): Je vais reformuler ma question, Monsieur le

20 Président.

21 Monsieur le Témoin, vous avez dit que ce policier héroïque avait organisé

22 toutes les choses, qu'est-ce qu'il a fait de concret?

23 M. K. Simic (interprétation): Objection!

24 M. le Président: Maître Krstan Simic?

25 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, mon collègue m'avait

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1 rectifié lorsque j'ai interprété les dires du témoin. Le témoin a dit avec

2 précision que, dans cette situation chaotique, le policier qui est

3 intervenu était la personne qui avait le plus gardé son sang-froid, et

4 qu'il a aidé les autres à s'organiser. C'est lui qui avait conservé ses

5 sens.

6 M. Saxon (interprétation): Puis-je répondre, Monsieur le Président?

7 M. le Président: Oui.

8 M. Saxon (interprétation): J'ai cité la traduction anglaise, d'après

9 laquelle le témoin aurait déclaré "qu'il a organisé toutes les choses, il

10 a organisé le transport ou l'évacuation de cette place-là". Par

11 conséquent, je ne suis pas en train de donner ici une interprétation

12 erronée.

13 Ce qui m'intéresse, c'est de savoir une chose simple: qu'a-t-il fait de

14 concret?

15 M. le Président: Souvent, nous avons ce problème de petites nuances de

16 traduction. Peut-être faut-il revenir un pas en arrière et demander au

17 témoin s'il confirme ou non: est-ce que vous avez dit cela? Et si le

18 témoin dit oui, vous pouvez continuer. Allez-y.

19 M. Saxon (interprétation): Monsieur Rosic, n'avez-vous pas dit, dans le

20 cadre de votre interrogatoire principal, que ce policier avait tout

21 organisé, y compris le transport? N'est-ce pas votre déposition d'il y a

22 quelques minutes?

23 M. M. Rosic (interprétation): Je répète ce que j'ai dit, s'il vous plaît.

24 La personne qui a gardé le plus de sang-froid criait, appelait les

25 ambulances, aidait ces gens-là. Il a commencé à courir à droite et à

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1 gauche. Et c'est à vous d'interpréter ce que je dis comme vous le

2 souhaitez.

3 Question: Monsieur le Président, j'ai l'impression qu'il ne s'agit pas là

4 d'un problème de nuance de l'interprétation, donc je maintiens ma

5 question, mais je vais poursuivre.

6 Quelle est votre appartenance ethnique, Monsieur Rosic?

7 Réponse: Serbe.

8 Question: Et avant votre déposition aujourd'hui, avez-vous discuté de cela

9 avec le conseil de la défense?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Avez-vous discuté de cela avec votre père?

12 Réponse: Non.

13 Question: Je n'ai plus de questions à poser, Monsieur le Président.

14 M. le Président: Merci beaucoup Monsieur Saxon.

15 Maître Krstan Simic, des questions supplémentaires?

16 (Interrogatoire principal supplémentaire au témoin, M. Milenko Rosic, par

17 Me K. Simic.)

18 M. K. Simic (interprétation): Juste une question, Monsieur le Président.

19 Merci.

20 Monsieur Rosic, j'ai oublié de vous demander, vous avez dit que, en ce qui

21 concerne l'équipe qui est venue avec les ambulances, vous connaissiez une

22 personne. Pourriez-vous nous dire comment elle s'appelait?

23 M. M. Rosic (interprétation): Ljuban Andic.

24 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus

25 de questions à poser.

Page 7525

1 M. le Président: Merci Maître Krstan Simic.

2 Des questions, Monsieur le Juge Riad? Madame la Juge Wald? Pas de

3 problème.

4 (Questions au témoin, M. Milenko Rosic, par M. le Président.)

5 Donc, moi-même, j'ai une question, Monsieur Rosic. Je reviens à cet

6 incident: vous avez dit que ce policier criait avec les personnes. Ai-je

7 bien entendu?

8 M. M. Rosic (interprétation): Je ne comprends pas votre question.

9 Question: Avez-vous dit ou non que ce policier criait avec les personnes

10 ou dans la direction des personnes?

11 Réponse: Il criait, il courait vers le bâtiment administratif en demandant

12 que l'on appelle les ambulances.

13 Question: A qui demandait-il d'appeler les ambulances?

14 Réponse: Je ne sais pas, puisque je ne connais pas ces personnes-là. Je ne

15 sais pas si c'étaient les employés de la mine ou bien les gens qui

16 travaillaient dans la sécurité.

17 Question: Ces personnes avaient des vêtements civils ou des uniformes?

18 Réponse: Eh bien, il y en avait qui portait des vêtements civils, puis des

19 uniformes de police ou des uniformes militaires, il y en avait qui

20 travaillait dans le cadre de l'obligation de travail, il y en avait qui

21 portait des uniformes militaires et qui portait des uniformes de police.

22 Question: Une autre question, Monsieur Rosic: vous avez dit que cette

23 fusillade a duré quelques secondes. Est-ce que vous pouvez me dire…? Je

24 sais que tout ce qui touche les distances et quantités, c'est toujours

25 difficile de parler de mémoire, mais je pose quand même cette question:

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1 pouvez-vous nous dire plus ou moins combien de temps s'est passé entre la

2 fin des fusillades et l'arrivée de ce policier?

3 Réponse: Pareil, quelques secondes. Je ne peux pas vous le dire avec

4 exactitude mais tout ceci s'est passé extrêmement rapidement.

5 Question: Vous êtes resté, si j'ai bien compris, après la fusillade au

6 moins cinq, dix minutes, c'est ça que j'ai entendu?

7 Réponse: Non, j'y suis resté encore quinze, vingt minutes.

8 Question: Après la fusillade?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Etiez-vous encore là quand des femmes ont nettoyé le sang qui

11 était sur le sol?

12 Réponse: C'était après le départ des ambulances, lorsqu'ils ont transporté

13 tous ceux qui avaient été blessés.

14 Question: Etiez-vous présent quand elles ont fait ça?

15 Réponse: Oui, moi je m'apprêtais à rentrer chez moi à ce moment-là.

16 Question: D'accord. Si j'ai bien compris, c'était la première et seule

17 fois que vous avez été, plus ou moins, à cette époque au camp d'Omarska,

18 c'est cela?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Une autre question: vous avez parlé d'un coin, donc il y avait

21 les autocars avec les civils qui arrivaient. Vous étiez du côté opposé aux

22 autocars?

23 Réponse: Je me trouvais en face des autocars, à une distance d'environ 25

24 à 30 mètres.

25 Question: Donc si je comprends bien, vous étiez devant mais un peu sur la

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1 gauche, sur l'entrée du bâtiment administratif?

2 Réponse: Moi, j'étais devant le hangar où étaient situés les dumpers: donc

3 il y avait le bâtiment administratif et ensuite la piste, ensuite le

4 hangar, et moi j'étais au coin du hangar.

5 M. le Président: Très bien. Donc Monsieur Rosic, nous n'avons pas d'autres

6 questions à vous poser. Nous vous remercions beaucoup d'être venu ici et

7 nous vous souhaitons un bon retour dans votre lieu de résidence et un bon

8 travail. Je vais demander à M. l'huissier de vous raccompagner.

9 M. M. Rosic (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

10 (Le témoin, M. Milenko Rosic, est reconduit hors du prétoire.)

11 M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic?

12 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, en ce qui concerne la

13 déposition de MM. Rosic Branko et Milenko, compte tenu de vos suggestions,

14 je souhaite simplement annoncer que, demain, nous allons demander le

15 versement au dossier des documents médicaux concernant M. Nisic -c'est-à-

16 dire une personne qui a été blessée dans le cadre de cet incident grave et

17 sanglant-, et également des documents médicaux concernant M. Emin Zjakic;

18 il s'agit d'une personne qui sortait de l'autocar pendant que cet incident

19 grave se déroulait.

20 Nous souhaitons rappeler l'attention des Juges du fait que nous avons

21 corroboré les déclarations de MM. Rosic Milenko et Branko, par le biais

22 des affidavits de Miroslav Nisic, en vertu de l'Article 94 ter. Monsieur

23 Miroslav Misic est une personne qui a été gravement blessée dans le cadre

24 de cet incident.

25 Et puis, je dois avouer que nous avons apparemment mal calculé le temps

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1 dont nous avions besoin et nous n'avons plus de témoin pour aujourd'hui.

2 M. le Président: Très bien. Je crois que vous aviez bien calculé quand

3 même. Nous avons bien travaillé. Je vous remercie beaucoup et donc je

4 crois qu'aujourd'hui on va rester et demain, à 9 heures 20, on sera là et

5 ensuite à 16 heures pour la conférence de mise en état.

6 Donc, à demain.

7 (L'audience est levée à 14 heures 40.)

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