Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Mercredi 14 février 2001.)

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

  4   (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

  5   M. le Président: Veuillez vous asseoir.

  6   (Les accusés s'assoient.)

  7   Bonjour cabine technique et interprètes.

  8   L'interprète: Bonjour, Monsieur le Président.

  9   M. le Président: Bonjour le Greffe, les conseils de la défense et de

 10   l'accusation. Nous allons continuer notre travail aujourd'hui en

 11   poursuivant le contre-interrogatoire de M. Kvocka. Donc Madame Somers

 12   c'est à vous, s'il vous plaît.

 13   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 14   (Le témoin, M. Miroslav Kvocka, est introduit dans le prétoire.)

 15   (Suite du contre-interrogatoire du témoin, M. Kvocka, par Mme Somers.)

 16   Mme Somers (interprétation): Monsieur Kvocka, je vous prie de nous dire

 17   quand est-ce que vous avez rencontré Simo Drljaca pour la première fois.

 18   M. Kvocka (interprétation): Lorsqu'il est venu au camp d'Omarska, c'est là

 19   que je l'ai pour la première fois vu pour de bon.

 20   Question: Avant que de le voir, vous avez entendu parler de lui, n'est-ce

 21   pas?

 22   Réponse: Oui. J'ai appris que lorsqu'il y a eu la prise du pouvoir, il

 23   était devenu chef du poste de sécurité publique, donc le chef de la police

 24   dans la région de Prijedor.

 25   Question: Qui a-t-il remplacé quand il a occupé ces fonctions?


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  1   Réponse: Hasan Talundzic.

  2   Question: Et à quel groupe ethnique appartenait-il?

  3   Réponse: Talundzic, si c'est à lui que vous pensez, était musulman et

  4   Drljaca serbe.

  5   Question: Comment avez-vous compris cette relation ou le rapport entre M.

  6   Drljaca et le camp d'Omarska?

  7   Réponse: J'ai appris qu'il était devenu chef du poste de sécurité

  8   publique. Et lors de ses déplacements à Omarska -et si mes souvenirs sont

  9   bons, je crois qu'il est venu deux fois-, il y avait le chauffeur du chef

 10   de poste, Vokic Radovan, qui est un policier de longue date et que je

 11   connaissais de longue date et c'est donc ces fois-là que j'ai pu

 12   m'entretenir avec Vokic et c'est ainsi que j'ai compris que c'était cet

 13   homme-là le chef de la police.

 14   Question: Au cours de ce procès, nous nous sommes entretenus à plusieurs

 15   reprises et nous avons vu également un document daté du 31 mai 1992, qui

 16   avait été signé par Simo Drljaca. Dans ce document, il est question de la

 17   mise en place du camp d'Omarska. Vous souvenez-vous de nos entretiens à ce

 18   sujet?

 19   Réponse: Oui et j'avais dit moi-même que ce document-là, je l'ai vu pour

 20   la première fois ici même.

 21   Question: Quoi que vous n'ayez peut-être pas vu ce document avant que

 22   d'être venu devant ce Tribunal, étiez-vous au courant de la teneur de ce

 23   document et notamment des dispositions qui y figurent et ce avant que

 24   d'aller travailler au camp d'Omarska?

 25   Je voudrais demander à M. l'huissier de bien vouloir présenter sur le


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  1   rétroprojecteur le document 2/4.1, je ne pense pas qu'il soit nécessaire

  2   de le distribuer à toutes les parties présentes, mais de le placer sur le

  3   rétroprojecteur pour que l'on sache de quoi l'on parle. Avant que de venir

  4   ici, vous n'avez peut-être pas vu ce document, mais je voulais savoir si

  5   vous aviez eu vent de la teneur des dispositions de ce document avant que

  6   d'être allé travailler au camp d'Omarska.

  7   Réponse: Non, je n'ai rien su de sa teneur. Et lorsque ce document a été

  8   présenté ici lors du procès, il m'est apparu clairement qu'un paragraphe

  9   qui nous avait été transmis par Zeljko Meakic est un paragraphe contenu

 10   dans ce document et il concerne les devoirs qui devaient être effectués

 11   par la police et c'est peut-être la seule corrélation que je pourrais

 12   établir.

 13   Question: Excusez-moi. De quel paragraphe parleriez-vous quand il s'agit

 14   de ce document, pourriez-vous nous le montrer et peut-être même nous en

 15   donner lecture?

 16   Réponse: Ecoutez, il faut que je relise le document tout entier.

 17   Question: Allez-y.

 18   Réponse: Je pense qu'il s'agit du paragraphe 6 parce que Zeljko disait

 19   qu'il relevait du devoir de nous, policiers d'Omarska, de sécuriser ce

 20   point de rassemblement comme on le dit ici dans le texte.

 21   Question: Avez-vous appris cela avant même que d'être parti travailler

 22   physiquement à Omarska, ou pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous

 23   avez eu vent des informations contenues dans ce paragraphe 6? Quand est-ce

 24   que Zeljko vous l'a dit?

 25   Réponse: Quelque deux jours après le début du fonctionnement de ce centre


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  1   d'instruction. Il s'était passé donc deux jours à peine et Zeljko nous a

  2   dit que nous avions des tâches à effectuer qui sont prévues par des

  3   ordres. Et j'en déduis moi-même que Zeljko a dû le voir, recevoir un tel

  4   document ou se faire communiquer sa teneur verbalement.

  5   Question: Et Zeljko vous a-t-il également dit qu'une partie des tâches

  6   consistait à empêcher des évasions éventuelles?

  7   Réponse: Oui, c'est une chose que tout policiers savait en effectuant les

  8   tâches régulières. Mais Zeljko a, si vous voulez, mis l'accent sur cette

  9   tâche concrète en soulignant le devoir d'empêcher toute évasion, cela

 10   sous-entendait également le fait d'empêcher autant que faire se pouvait

 11   toute attaque éventuelle perpétrée à l'encontre des détenus.

 12   Question: Je voudrais tirer quelque chose au clair: "Zeljko a souligné",

 13   est-ce que vous entendez que cela était en corrélation avec les activités

 14   du camp d'Omarska? Donc il a souligné le fait qu'il fallait empêcher toute

 15   évasion du camp d'Omarska, n'est-ce pas?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Et ces informations, les avez-vous transmises au gardien qui

 18   avait travaillé avec vous au camp d'Omarska ou alors lui-même a-t-il

 19   transmis cette information?

 20   Réponse: Zeljko nous l'a dit à nous tous ensemble. Je ne sais plus s'il

 21   nous avait tous rassemblé, mais je sais qu'il est allé de l'un à l'autre

 22   ou d'un groupe à l'autre, ou a dû le faire lors de l'arrivée des équipes

 23   au travail. Par exemple, une équipe se rassemblant dans la localité

 24   d'Omarska avant que d'aller effectuer leur mission, il a dû probablement

 25   attirer une fois de plus l'attention sur la nécessité de renforcer la


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  1   vigilance, renforcer l'attention concernant le devoir d'empêcher les

  2   évasions, parce que les policiers de réserve ne savaient pas trop quelles

  3   étaient leurs tâches, mais moi je n'ignorais pas, de par mon expérience

  4   antérieure, que l'une des tâches consistait, certes, à empêcher des

  5   évasions.

  6   Question: Est-ce que cela signifie que cela s'est fait deux jours après

  7   que vous soyez venu travailler à Omarska? Et est-ce que cela signifie que

  8   pendant deux jours, vous ne saviez pas ce qu'il fallait faire?

  9   Réponse: A peu près. Mais je dois opérer un petit retour en arrière. Je

 10   vous ai dit que déjà lorsque les gens de Banja Luka s'en allaient, leurs

 11   supérieurs avaient dit à tout gardien et à chacun d'entre nous qu'il y

 12   avait là des détenus et que notre devoir fondamental était d'empêcher

 13   toute évasion. Et pour ce qui était du reste, il avait dit que nos

 14   instructions nous seraient données par nos supérieurs. Et ils étaient

 15   pressés. Ils tenaient à s'en aller de là au plus vite, j'entends cette

 16   unité au sujet de laquelle nous avons par la suite appris qu'ils venaient

 17   de Banja Luka. Et par la même occasion, je souligne que c'était la

 18   première fois que j'avais vu ces uniformes-là, ces uniformes bleus de

 19   camouflage qui n'avaient pas été utilisés jusqu'à présent, jusque-là.

 20   Question: Pouvez-vous nous rappeler le nom du supérieur dont vous êtes en

 21   train de parler, de ce supérieur originaire de Banja Luka?

 22   Réponse: Je ne peux vraiment pas parce que c'est une personne que je n'ai

 23   pas vu pendant plus de cinq minutes.

 24   Question: Lorsque vous parlez de la nécessité d'empêcher toute évasion ou

 25   d'empêcher qui que ce soit d'accéder là-bas, avez-vous compris par là que


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  1   cela se traduisait également par le fait d'empêcher toute attaque lancée

  2   contre les détenus?

  3   Réponse: Si cela est une question que vous me posez à moi personnellement,

  4   oui je l'ai compris ainsi.

  5   Question: Oui, c'est à vous en personne que je la pose.

  6   Réponse: Oui, c'est ainsi que je l'ai compris.

  7   Question: Y avait-il une différence quelconque ou a-t-on fait une

  8   distinction pour savoir qui est-ce qui pourrait procéder à une attaque de

  9   l'extérieur ou à une attaque de l'intérieur, même quand il s'agit des

 10   détenus? Comment avez-vous compris cette instruction?

 11   Réponse: Moi, j'ai compris qu'il y avait possibilité de lancer une attaque

 12   depuis l'extérieur; depuis l'intérieur, il n'y avait nulle possibilité de

 13   lancer une attaque contre les détenus.

 14   Question: Et que se passait-il dans le cas où un gardien s'attaquerait à

 15   quelques détenus? Est-ce que ce serait une attaque mineure selon l'opinion

 16   d'un policier professionnel?

 17   Réponse: Eh bien, voyez-vous, le gardien, voire le policier, la situation

 18   sous-entendait qu'un gardien n'attaquerait pas un détenu. Il n'en avait

 19   pas le droit et il n'avait pas à le faire. Donc on n'avait nullement

 20   besoin d'attirer notre attention de façon particulière sur ce fait.

 21   Je ne comprends pas d'ailleurs où vous voulez en venir. Parce que si

 22   quelqu'un doit garder un détenu contre toute attaque, il faudrait peut-

 23   être placer encore une personne afin de faire en sorte que le gardien

 24   n'attaque pas le détenu. Donc on avait estimé qu'il n'était pas normal

 25   qu'un gardien s'attaque aux détenus et il n'avait donc pas été nécessaire


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  1   de placer quelqu'un en sus, mais le gardien était là pour protéger les

  2   détenus contre des attaques de personnes tierces.

  3   Question: Vous nous dites que cela était sous-entendu, que la situation

  4   donc était telle que l'on avait sous-entendu qu'un gardien ne pouvait pas

  5   assaillir un prisonnier. Aidez-nous à comprendre, nous n'étions pas là-

  6   bas? Comment sous-entendait-on la chose?

  7   Réponse: Eh bien, c'est ainsi que l'on faisait que l'on procédait dans la

  8   police: le policier est là pour protéger un citoyen d'attaque éventuelle

  9   de la part d'un autre citoyen.

 10   Maintenant la question se pose: qui est-ce qui est censé apporter une

 11   protection, si c'est le policier lui-même qui s'attaque aux autres. C'est

 12   la raison pour laquelle j'ai dit que cela était sous-entendu.

 13   De par mon expérience de policier, il m'incombait toujours de protéger un

 14   citoyen des attaques émanant d'autres citoyens, et pour moi, il était

 15   sous-entendu que mes collègues aussi avaient pour tâche de protéger des

 16   citoyens contre des attaques éventuelles de la part d'autres citoyens.

 17   Question: Et ces autres citoyens pouvaient également être des policiers

 18   qu'ils soient actifs ou réservistes ou gardiens encore? Ce sont aussi des

 19   citoyens d'après vous!

 20   Réponse: Nous sommes tous des citoyens, certains sont policiers et

 21   d'autres sont détenus. Mais les uns et les autres sont des citoyens. Je ne

 22   vous comprends pas!

 23   A ce moment-là, les policiers étaient des policiers, et en même temps, ils

 24   étaient citoyens. Mais s'ils étaient policiers de service, on ne peut pas

 25   parler d'eux en tant que citoyens ordinaires.


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  1   Question: Vous avez justement soulevé une question, celle de savoir qui

  2   est-ce qui est censé protéger les citoyens si des attaques émanent

  3   également de la part de la police. C'est ce que j'ai compris.

  4   Maintenant, dites-nous, comment protéger un citoyen dans le cas où, à un

  5   moment donné, il viendrait à être attaqué par un policier qu'il soit actif

  6   ou de réserve peu importe? Que feriez-vous en tant que policier

  7   expérimenté, avec de l'expérience, donc un professionnel?

  8   Réponse: Dans la réglementation, il n'y avait nulle part de dispositions

  9   qui réglementeraient de façon explicite la présence d'un service

 10   particulier censé protéger les citoyens contre des attaques éventuelles

 11   émanant de policiers. C'est un premier point. Parce que dans le temps ou

 12   le système où nous avions vécu, on avait estimé que les policiers ne

 13   sauraient nullement s'attaquer à des citoyens.

 14   Maintenant si une telle chose arrive, différentes variantes existent quant

 15   aux possibilités s'offrant à nous. J'ai dit hier que, si l'on s'en tenait

 16   à la lettre, aux dispositions en cas d'attaque d'un policier contre un

 17   citoyen, je serais appelé à intervenir. Maintenant, il s'agit d'établir

 18   des catégories parce que, si un policier donne une gifle à un citoyen, la

 19   question qui se pose, c'est quelles sont mes attributions pour ce qui est

 20   d'intervenir.

 21   J'ai l'obligation d'en référer à mon supérieur. Ca c'est une chose. Une

 22   autre chose, c'est s'il s'agit d'une enfreinte drastique pour ce qui est

 23   de la violation des droits de l'homme, tentative de meurtre, mauvais

 24   traitements -je suis en train de parler pour moi-, j'empêcherai une telle

 25   chose, si cela se passe sous mes yeux. Si cela se trouve à proximité


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  1   immédiate de ma personne, si cela se passe sous mes yeux, je puis

  2   intervenir, et je tiens à dire que j'interviendrai en tout état de cause.

  3   Bien entendu, par la suite, je serais peut-être dédaigné, méprisé par ce

  4   policier parce que ce policier estime probablement qu'il a raison de

  5   procéder ainsi, il estime peut-être qu'il a les attributions nécessaires

  6   pour le faire, et comme j'estime que ce n'est pas le cas, il y a forcément

  7   un conflit entre nous.

  8   Mais parlant de ma propre personne, je vous ai toujours dit que

  9   j'interviendrai forcément en cas de mauvais traitements ou en cas de

 10   tentative de meurtre ou encore quelque chose d'analogue.

 11   Question: Pendant que vous travailliez dans cette ex-Yougoslavie, pendant

 12   que vous travailliez à Prijedor par exemple en temps de paix, avez-vous

 13   travaillé dans la rue, avez-vous accompli des tâches d'îlotier, ce que

 14   nous appelons îlotier?

 15   Réponse: Oui, pendant trois ans.

 16   Question: Portiez-vous une arme?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Quelle était la finalité de ce port d'armes?

 19   Réponse: La finalité principale consistait à protéger la vie des gens à

 20   condition bien entendu, et là les limitations étaient très strictes au

 21   niveau des dispositions, d'y recourir si l'on ne peut pas empêcher une

 22   attaque ou entraver une attaque mettant en péril la vie d'un citoyen,

 23   le policier donc à défaut d'un autre moyen peut se servir de son arme.

 24   On a prescrit strictement la façon dont cela pouvait se faire, mais on a

 25   toujours explicitement précisé si "autrement faire ne se pouvait". Donc


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  1   c'était la dernière des mesures, le dernier des recours possibles.

  2   Question: Compte tenu de votre expérience d'îlotier, je vais vous

  3   présenter un scénario et vous me direz quelle serait la réaction

  4   appropriée.

  5   Vous êtes à Prijedor, nous sommes en temps de paix, et il fait beau, et

  6   vous voyez dans la rue un homme armé d'un pistolet, un pistolet au poing,

  7   qui s'approche d'une vieille femme qui porte des sacs de denrées

  8   alimentaires, il lui pointe son arme et lui demande son sac en la menaçant

  9   de son arme. Que feriez-vous vous-même?

 10   Réponse: Eh bien, vous venez de nous dire qu'il s'agit d'un scénario,

 11   scénario que je n'ai jamais eu à connaître dans l'exercice de ma

 12   profession. Je puis bien sûr réfléchir à la question, et dire qu'il

 13   faudrait d'abord être vraiment un très bon tireur. Il faudrait d'abord que

 14   j'ai l'impression que ce malfaiteur, appelons-le ainsi, utiliserait son

 15   arme. Il se pourrait qu'il ne s'agisse que d'une menace. Donc je devrais

 16   être à 100% persuadé qu'il s'agit d'une arme véritable. Il se pourrait

 17   qu'il s'agisse d'un pistolet en plastique, dont se sert un criminel entre

 18   guillemets pour faire peur à la personne qu'il est en train d'agresser.

 19   Donc c'est la chose que je devrais savoir ou supposer. Il faudrait aussi

 20   que je prenne en considération la proximité de l'un ou de l'autre, parce

 21   que si je suis mauvais tireur il pourrait m'arriver d'atteindre la femme

 22   au lieu du malfaiteur. Il faudrait que je vois aussi s'il y a des citoyens

 23   à proximité, car l'utilisation d'une arme à feu de la part d'un policier

 24   est strictement interdite quand il y a une masse de personnes,

 25   indépendamment de ce qui se passe, exception faite de tirs en l'air, pour


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  1   avertir ou intimider.

  2   Question: Même scénario: un homme avec un pistolet tire trois fois pour

  3   que cette vieille femme comprenne qu'il n'est pas en train de blaguer,

  4   vous comprenez donc qu'il s'agit d'une vraie arme et qu'il va faire

  5   quelque chose de mal, que feriez-vous?

  6   Réponse: Il se peut fort bien que j'utilise moi-même mon arme à feu, mais

  7   je dis "il se peut", car il m'est difficile de vous dire maintenant avec

  8   précision comment je me comporterais, il faudrait que ce scénario se passe

  9   pour de bon, parce que je n'ai pas eu à faire face à un tel scénario dans

 10   ma pratique avant la guerre.

 11   D'abord avec les situations compliquées que j'ai rencontrées, je tiens à

 12   dire que je les ai résolues de façon nettement plus simple. Dans toute ma

 13   carrière jusqu'en 1994, j'ai eu à effectuer deux interventions de police

 14   classiques alors que tout le reste s'est fait au travers d'entretiens.

 15   Ces deux situations ont été une attaque contre moi de la part d'un

 16   criminel avec une bouteille brisée quand j'étais jeune policier, et ce

 17   n'est qu'en 94 que pour la première fois de ma vie, j'ai mis des menottes

 18   aux poignets de quelqu'un, donc au bout de 20 ans d'expérience pour la

 19   première fois, j'ai mis des menottes aux poignets de quelqu'un, au bout de

 20   20 ans seulement.

 21   Question: Pour vérifier si j'ai bien compris, cet homme qui vous avait

 22   attaqué avec des débris de bouteilles brisées, avait-il lui-même une arme

 23   ou était-ce la seule arme qu'il avait dans la main?

 24   Réponse: Non, il n'avait pas d'armes à feu classiques, il avait cette

 25   bouteille que l'on prenait par le goulot et que l'on cassait contre le


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  1   bar. C'était une bagarre, une rixe de restaurant. Il y avait ces bouts de

  2   verre pointus qu'il avait dirigé contre moi. Mais une attaque n'est pas

  3   forcément une attaque à l'arme à feu. On peut aussi s'attaquer à quelqu'un

  4   avec une arme, un objet, une arme blanche, un objet coupant qui pourrait

  5   vous blesser, vous tuer ou vous porter des blessures physiques mettant

  6   votre vie en péril.

  7   Question: Si je vous ai bien compris, c'est en négociant, en vous

  8   entretenant avec les gens que vous êtes sorti tiré de situations

  9   difficiles, donc vous avez cette aptitude à négocier et c'est ainsi que

 10   vous vous êtes tiré en toute sécurité de ce type de situations?

 11   Réponse: Ce que je voulais dire, c'est que je n'ai pas eu d'intervention

 12   compliquée, exception faite de celle que j'ai citée. Mais dans la

 13   réglementation que j'ai citée tout à l'heure, on précise bien que si une

 14   situation de cette sorte ne pouvait pas être résolue de façon autre, et

 15   quand on dit "façon autre", cela signifie l'utilisation de la matraque de

 16   police et ainsi de suite, l'arme à feu vient en dernière instance.

 17   Question: Revenons un moment vers Simo Drljaca.

 18   M. le Président: Maître Krstan Simic?

 19   M. K. Simic (interprétation): Au compte rendu, on ne voit pas parler de

 20   matraque en caoutchouc de police, donc qui est un moyen d'intervention

 21   universelle pour ce qui est des policiers.

 22   M. le Président: Madame Somers, pouvez-vous éclaircir cela avec le témoin?

 23   Mme Somers (interprétation): Oui.

 24   M. le Président: Je crois que M. Krstan Simic fait référence à la page 11,

 25   lignes 12, 13 plus ou moins.


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  1   Mme Somers (interprétation): Fort bien.

  2   M. le Président: Non, c'est 16 et 17 je crois. Je crois que ce que le

  3   témoin, au moins la traduction que j'ai reçue, correspond au transcript.

  4   Mme Somers (interprétation): Il y a une petite question qui se pose ici.

  5   Pouvez-vous, je vous prie, nous décrire quand nous avons parlé de l'usage

  6   de la force? Qu'utiliseriez-vous en guise d'arme avant que d'utiliser

  7   votre arme à feu? Dans quel ordre procéderiez-vous?

  8   Réponse: Avant toute intervention, l'ordre à suivre serait le suivant: si

  9   la négociation est tombée à l'eau, vous avez la force physique, puis votre

 10   matraque en caoutchouc, puis des moyens de ligotage. Et si tout ceci ne

 11   donne pas de résultat, il y a l'arme à feu. Mais j'en parle seulement dans

 12   le cas où les conditions nécessaires sont réunies pour ce qui est de

 13   l'usage de l'arme à feu.

 14   Il faut savoir d'avance aussi ce que la personne en question a perpétré.

 15   S'il s'agit par exemple d'attraper un criminel pour lequel on sait ou l'on

 16   suppose à juste titre qu'il a commis des délits pénaux. Par exemple, si un

 17   mineur a cambriolé un kiosque et a pris une cartouche de cigarettes, si

 18   vous savez qu'il n'a fait que cela, même s'il s'enfuit, vous n'allez pas

 19   prendre votre arme à feu pour l'utiliser contre lui; il n'en est nullement

 20   besoin, vous commettriez beaucoup plus de dégâts pour le service auquel

 21   vous appartenez que vous n'en tireriez d'avantages.

 22   Question: Sommes-nous d'accord pour dire que quelle que soit votre

 23   analyse, l'analyse que vous venez de nous exposer en tant que policier de

 24   carrière, tout ceci doit s'opérer de manière très très rapide, sinon le

 25   risque des séquelles désastreuses pour la victime devient extrêmement


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  1   grand.

  2   Etes-vous d'accord avec moi?

  3   Réponse: Oui, je suis d'accord pour dire qu'une telle décision doit être

  4   prise très rapidement.

  5   Question: Au cours de la période que vous avez passée au camp d'Omarska,

  6   combien de fois étiez-vous en condition de prendre ce genre de décisions

  7   rapides?

  8   Réponse: Une seule fois.

  9   Question: Et c'était quand?

 10   Réponse: Il s'agissait de l'incident dont on a entendu parler ici,

 11   lorsqu'une personne a commencé à tirer.

 12   Question: Oui très bien, nous nous en souvenons j'en suis sûre.

 13   Etiez-vous obligé de faire le même genre d'analyse lorsque vous êtes entré

 14   dans une pièce et que vous avez entendu des cris et des gémissements? Vous

 15   avez déposé à ce sujet-là. Je pense que vous avez dit que vous étiez

 16   plutôt nerveux du fait de savoir que vous deviez entrer dans cette pièce,

 17   n'est-ce pas? Avez-vous analysé la situation, vos possibilités?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Donc vous l'avez fait. Quelles étaient vos conclusions

 20   concernant l'intervention qui vous était possible?

 21   Réponse: Comme je l'ai dit hier, je ne pouvais pas analyser les choses

 22   avant d'y entrer. Et lorsque je suis entré dans la pièce, il n'y avait pas

 23   de mauvais traitements qui étaient en cours à ce moment-là. L'acte avait

 24   pris fin. On parle ici de quelques secondes peut-être, mais l'acte avait

 25   pris fin. Donc je n'avais aucune raison d'avoir recours à la force ou à la


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  1   matraque, et surtout comme on disait hier, il s'agissait des inspecteurs,

  2   ce qui rendait les choses encore plus compliquées. Mais exception faite de

  3   cela, rien ne se passait devant mes yeux.

  4   Si j'ai trouvé les inspecteurs ou quelqu'un d'autre, je ne sais pas, le

  5   garde par exemple, en train de tabasser la personne, le plus logiquement

  6   je serais intervenu en prenant la personne par la main et la poussant dans

  7   le coin. C'est une intervention qui aurait été plus efficace que l'emploi

  8   des canons.

  9   Question: D'accord. Très bien. Est-ce que vous vous souvenez dans votre

 10   interview, entretien, avec M. Bennett, peut-être nous pourrions le

 11   replacer sur le rétroprojecteur, il s'agit de la pièce 3/201, en anglais

 12   il s'agit de la page 8, je ne sais pas quelle est la page en BCS.

 13   M. le Président: Il s'agit de la pièce 3/203?

 14   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, chez moi il est marqué

 15   201.

 16   M. le Président: Vous avez raison. Allez-y, Madame Somers.

 17   Mme Somers (interprétation): Veuillez éventuellement suivre l'article dans

 18   votre langue si vous l'avez devant les yeux, sinon veuillez vous fier à

 19   l'interprétation, mais il s'agit de l'article paru dans Slobodna Bosna.

 20   M. le Président: Maître Krstan Simic?

 21   M. K. Simic (interprétation): Je souhaite que l'on cite les sources en

 22   disant qu'il s'agit de l'entretien avec M. Kovcka paru dans Slobodna Bosna

 23   sans lire.

 24   M. le Président: Merci, mais maintenant ce n'est pas l'interview de M.

 25   Reid, c'est l'article du journal. Ce sont deux choses différentes.


Page 8133

  1   M. K. Simic (interprétation): Oui, mais simplement nous souhaitons que M.

  2   Kvocka puisse suivre ce qui est dit dans cette interview s'il a le texte

  3   sous les yeux, parce qu'il ne l'a pas en ce moment.

  4   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, nous avons peut-être

  5   un exemplaire supplémentaire. Sinon, nous pouvons placer cela sur le

  6   rétroprojecteur et le lire.

  7   (L'huissier s'exécute.)

  8   M. le Président: Oui, très bien. Vous pouvez continuer. Maître Simic, j'ai

  9   moi-même fait une confusion parce que lorsque vous avez mentionné le nom

 10   de Reid, c'est l'interview. Nous parlons maintenant du journal. J'ai moi-

 11   même fait la confusion. Allez-y, Madame Somers.

 12   Mme Somers (interprétation): Très bien.

 13   A la page 8, je vais vous dire où cela se trouve, tout d'abord il y a un

 14   passage concernant la maison rouge et la maison blanche. Est-ce que vous

 15   pouvez le trouver? Sinon, il s'agit de la partie qui se trouve sur le

 16   rétroprojecteur. Je me penche sur le paragraphe où l'on vous a posé des

 17   questions. Tout d'abord, on parlait de la maison blanche et de la maison

 18   rouge. Question: "Les gens étaient-ils tués dans ces maisons?" Votre

 19   réponse: "Pas devant mes yeux".

 20   Réponse: Je n'ai pas encore trouvé ce passage. Pouvez-vous me citer le

 21   début de la question dans la version originale parce que je ne trouve pas

 22   cela ici?

 23   Question: Je ne connais pas la manière dont ceci a été formulé mais

 24   écoutez l'interprétation, il s'agit d'une phrase extrêmement courte.

 25   Question: "Des gens ont-ils été tués dans ces maisons?" Votre réponse:


Page 8134

  1   "Pas devant mes yeux". C'est peut-être à la page 5. Est-ce que vous vous

  2   souvenez de cette réponse?

  3   Réponse: J'ai trouvé maintenant. C'est très possible. Mais par ailleurs,

  4   en ce qui concerne cet entretien, nous en avons parlé toute la journée

  5   hier, je n'ai jamais donné d'interview à M. Chris Bennet. J'ai donné un

  6   entretien à ITN, chaîne 4 de la télévision britannique, avec un certain

  7   Bob. Et la personne appartenant au groupe de crise international était

  8   présente. Je ne sais pas s'il m'a enregistré en secret. Il est tout à fait

  9   possible que j'aie donné ce genre de réponse mais je ne suis pas du tout

 10   sûr en ce qui concerne ce qui a été publié par Slobodna Bosna, je ne suis

 11   pas sûr si M. Chris Bennet a relaté mes propos avec 100 % de précision. Je

 12   ne le nie pas non plus mais je n'en suis pas sûr. Je ne conteste rien, je

 13   ne pose pas de problème mais je souhaite souligner cela, à savoir que la

 14   première fois que j'ai vu cette interview, c'est quand je suis arrivé à la

 15   prison. Monsieur Dusko Tadic l'avait lu dans la presse qu'il avait reçue à

 16   l'unité de détention et c'est lui qui me l'a donné. Et M. Chris Bennet n'a

 17   pas mené l'interview avec moi, ne rédigeait rien. C'est le présentateur,

 18   le journaliste de la télévision britannique qui m'a posé des questions.

 19   Question: L'article cependant est un article auquel s'est référé votre

 20   avocat dans le cadre de sa demande de libération provisoire, et dans cet

 21   article cette question est posée. Si vous aviez été présent pendant que

 22   certains meurtres se déroulaient, si vous étiez dans les locaux ou si ceci

 23   se passait pendant vos heures de travail, est-ce que vraiment vous

 24   déclarez que si vous aviez l'information, directement ou indirectement,

 25   qui vous suffisait pour vous douter qu'un meurtre avait eu lieu pendant


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  1   que vous étiez de garde, même si vous ne l'aviez pas vu, est-ce que

  2   vraiment vous déclarez que vous n'auriez rien pu faire à ce sujet? Bien

  3   sûr, vous ne pouviez pas faire revivre quelqu'un qui était mort, mais

  4   vraiment vous ne pouviez rien faire à l'égard de ces meurtres?

  5   Réponse: Moi, en tant que policier, j'étais tenu de transmettre toutes les

  6   informations à mon supérieur et ensuite la procédure est connue. Il faut

  7   savoir que mon supérieur direct n'a aucune compétence dans ce domaine non

  8   plus. S'agissant de la commission d'un crime, même lui ne peut pas se

  9   mêler de cela parce que lorsqu'il s'agit d'un meurtre, il s'agit d'un

 10   crime extrêmement grave, donc seul le service de la police judiciaire est

 11   compétent. Cela dit, les membres de la police peuvent et devraient

 12   transmettre toutes les informations utiles à ce sujet.

 13   M. le Président: Excusez-moi, nous avons déjà entendu cela. Je crois que

 14   la question, Madame Somers, est de savoir s'il a fait un rapport ou non.

 15   Nous savons déjà quelle est la position de M. Kvocka à ce propos, donc

 16   poursuivez s'il vous plaît et avancez un peu.

 17   Mme Somers (interprétation): Très bien. Monsieur le Président Rodrigues a

 18   tout à fait raison, bien sûr. Donc je souhaite savoir ce que vous avez

 19   fait, ce que vous pouviez faire aussi pendant que tous ces meurtres se

 20   déroulaient. Nous en avons entendu parler dans le cadre des différentes

 21   dépositions. Qu'avez-vous fait à ce sujet-là? Qui en avez-vous informé par

 22   le biais des rapports? Où se trouvent ces rapports?

 23   Réponse: Il n'a jamais été affirmé que moi j'avais reçu des informations,

 24   et les informations dont je disposais, je les ai transmises. Mais pendant

 25   que moi je travaillais, c'est-à-dire pendant quelques équipes, je pourrais


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  1   faire le compte, le calcul maintenant, mais pendant cette période, les

  2   informations dont je disposais, c'est que certaines personnes avaient subi

  3   de mauvais traitements, donc il s'agit des informations que j'ai reçues de

  4   la part de certains gardes et de la part de certains détenus. A chaque

  5   fois, j'ai transmis ce genre d'informations à Zeljko Mejakic et à chaque

  6   fois il me disait qu'il était déjà au courant, qu'il avait déjà entendu

  7   parler de cela mais qu'il n'était pas à même de s'approcher plus de ces

  8   sources d'information. Et quant à la question de savoir ce qu'il a

  9   entrepris comme mesures par la suite, ça, je ne le sais pas.

 10   Question: N'étiez-vous pas inquiet que si rien n'était fait à ce sujet

 11   alors que vous aviez transmis les informations, quelqu'un au poste encore

 12   plus supérieur, après avoir appris ce qui s'est passé, ne réagirait pas en

 13   disant: "Mais pourquoi Kvocka ne nous a pas informés de cela?" Est-ce que

 14   vous ne pensez pas que quelqu'un vous aurait reproché le manque de

 15   réaction face à ce qui se passait?

 16   Réponse: Vous savez, personne n'est obligé de réagir à mes informations,

 17   de m'informer en retour de l'action entreprise par l'inspecteur en matière

 18   criminologique. Et si personne ne m'a jamais reproché quoi que ce soit,

 19   cela veut dire que personne n'a jamais constaté que j'ai passé quelque

 20   chose sous silence, parce que si quelqu'un avait constaté que j'avais

 21   passé des choses sous silence, j'aurais subi des reproches.

 22   Ici, nous parlons bien sûr de manière hypothétique parce que ceci ne s'est

 23   pas produit, personne ne m'a jamais critiqué en disant: "Ah, Kvocka, nous

 24   avons constaté que tu étais au courant de quelque chose et tu as passé

 25   cela sous silence". Ceci ne s'est jamais produit.


Page 8137

  1   Question: Monsieur Kvocka, combien de fois avez-vous été interrogé en tant

  2   que témoin dans le cadre d'une enquête menée par des instances chargées de

  3   procéder aux enquêtes à l'égard de tous les meurtres et crimes qui ont eu

  4   lieu pendant la période que vous avez passée à Omarska? Dites-le nous.

  5   Réponse: En tant que témoin? Jamais!

  6   Question: Mais vous ne trouvez pas étrange que si vous faisiez un rapport

  7   à ce sujet parce que vous aviez trouvé un corps, un cadavre ou que

  8   quelqu'un avait été blessé, et si vous transmettiez les informations...

  9   Est-ce que vous nous dites à nous, en tant que personnes professionnelles,

 10   qu'aucun officier chargé d'enquête ne pouvait vous interroger?

 11   Réponse: Mais vous me posez la question comme si j'étais au courant des

 12   milliers de meurtres et de morts. Je n'avais pas d'informations concernant

 13   une seule personne morte. J'avais quelques observations mais il ne faut

 14   pas mélanger les deux.

 15   S'agissant des informations, je n'avais d'informations et des observations

 16   personnelles que sur le fait indiquant que certaines personnes avaient été

 17   blessées. Je n'avais pas d'informations concernant les meurtres, sauf que

 18   j'avais vu trois ou quatre personnes mortes. Moi, je ne souhaite pas le

 19   cacher. Bien sûr, j'ai vu trois, quatre, ou quatre ou cinq personnes

 20   mortes.

 21   Question: Vous me dites, je vais relire ce que vous avez dit :"Vous me

 22   posez la question comme si je savais que des milliers de personnes avaient

 23   été tuées". Justement, c'est ce que je vous demande et c'est la même

 24   question qui vous a été posée à la page 5 de l'interview accordée à M.

 25   Bennet lorsque la personne qui vous pose des questions vous pose la


Page 8138

  1   question de savoir: "Est-ce que vous pensez que ce qui a été écrit dans

  2   des livres et des articles différents, à savoir qu'environ 2 à 3 000

  3   personnes ont été tuées dans le camp est exact?" Et votre réponse est: "Je

  4   pense que non. Je pense qu'un tel chiffre est complètement exagéré et

  5   qu'il aurait été impossible de commettre quelque chose comme cela parce

  6   que moi, personnellement, j'ai vraiment passé beaucoup de temps là-bas et

  7   je ne pense pas que ce genre de chose aurait pu se passer pendant que

  8   j'étais absent".

  9   M. K. Simic (interprétation): Objection.

 10   M. le Président: Oui, Maître Krstan Simic?

 11   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, il y a quelques

 12   moments, M. Kvocka a nié le fait d'avoir accordé une interview à M. Chris

 13   Bennet.

 14   M. le Président: Le témoin peut dire: "Je n'ai pas dit ça". C'est la

 15   question qui va lui être posée.

 16   M. K. Simic (interprétation): Je ne souhaitais pas, Monsieur le Président,

 17   attirer votre attention sur ceci mais sur la formulation de Mme le

 18   Procureur parce qu'elle dit: "Vous avez dit à Chris Bennet", alors que M.

 19   Kvocka avait expliqué qu'il ne lui disait rien parce que la personne était

 20   présente, c'est tout.

 21   M. le Président: Je crois, Maître Simic, que M. Kvocka, s'il n'a pas dit

 22   cela, allait répondre tout de suite "Je n'ai pas dit ça. Ce que je sais,

 23   c'est ça". Mais demandez, posez la question, Madame Somers: "Est-ce que

 24   vous avez dit ça?" et vous lisez.

 25   Mme Somers (interprétation): Je vais relire la question?


Page 8139

  1   M. le Président: Malheureusement oui.

  2   Mme Somers (interprétation): Pas de problème. Donc l'interview dont nous

  3   parlons contient un passage dans lequel se trouve cette question.

  4   Est-ce que vous pensez que ce qui a été écrit dans des livres et des

  5   articles différents, à savoir qu'entre 2.000 et 3.000 personnes ont été

  6   tuées dans ces camps, est exact?

  7   Votre réponse: "Je pense que non, je pense qu'un tel chiffre est

  8   complètement exagéré, qu'il aurait été impossible de commettre quelque

  9   chose comme cela, parce que moi j'ai vraiment passé beaucoup de temps là-

 10   bas et je ne pense pas que ce genre de chose aurait pu se passer pendant

 11   que j'étais absent."

 12   Etes-vous en train de suggérer que les choses ne se passaient pas de nuit?

 13   Est-ce que vous suggérez que les choses ne se passaient pas pendant que

 14   vous n'étiez pas présent physiquement dans le cadre d'autres relèves?

 15   Que suggérez-vous?

 16   Réponse: Eh bien, ceci confirme tout ce que j'ai dit, mais cela dépend du

 17   contexte. Je vous parle des choses qui pouvaient se passer en ma présence,

 18   mais pas en ma présence dans le camp, mais à mon poste de travail, et je

 19   vous parle des choses qui pouvaient se passer si j'étais présent parmi les

 20   gens. Vous savez. Et justement, j'ai dit que peut-être toutes sortes de

 21   choses pouvaient se passer. Moi, je suis parti au bout de 20 jours, peut-

 22   être tout le monde a été tué à Omarska. D'après certains livres, ils ont

 23   tous été tués.

 24   Ici, il s'agit d'une question hypothétique posée par le journaliste, il

 25   dit: "Dans les articles, on parle des morts et dans les livres..." Je ne


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  1   sais pas peut-être qu'on parle du fait que tout le monde a été tué. Mais

  2   moi, je ne peux parler que de ce que j'ai vu, ce dont j'ai entendu parler,

  3   et ce que j'ai fait.

  4   Question: Si on continue la lecture, nous trouvons la question "avez-vous

  5   une idée sur le nombre possible des personnes qui ont été tuées?"

  6   Votre réponse: "Non, je n'y ai jamais pensé, je sais que personnellement

  7   je n'ai jamais été le témoin de l'un quelconque des meurtres."

  8   Est-ce que c'est ainsi que vous vous coupez de votre responsabilité, à

  9   votre avis Monsieur Kvocka, parce que vous n'étiez témoin d'aucun meurtre?

 10   Est-ce que c'est ça que vous dites devant la Chambre?

 11   Réponse: Non, je ne parlais pas des questions de la responsabilité avec ce

 12   journaliste, parce que le journaliste n'a aucune idée en ce qui concerne

 13   les responsabilités d'un policier. Il me posait des questions concernant

 14   mes opinions, et je lui ai dit que je n'avais aucune idée en ce qui

 15   concerne les meurtres parce que je n'en étais pas témoin.

 16   A l'époque, à Prijedor, je ne pouvais pas lui dire ce que je pensais

 17   réellement de ce qui se passait. A l'époque, c'était impossible. J'avais

 18   bien sûr mes propres idées à ce sujet-là. J'avais vu quatre à cinq

 19   cadavres, peut-être deux personnes qui ont été tuées au cours de cet

 20   incident, et je n'essaie pas de cacher cela, et puis également j'ai

 21   entendu parler des deux morts causées par des causes naturelles, mais je

 22   ne les ai pas vues, j'en ai entendu parler.

 23   Là, il s'agit de mes impressions et je peux en parler.

 24   Question: Je vois que, dans cet article, le journaliste, à votre avis,

 25   vous posait des questions concernant vos opinions, et apparemment le


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  1   journaliste est venu chez vous parce que vous avez été accusé de crimes de

  2   guerre, et apparemment il souhaitait parler avec vous des faits qui vous

  3   sont reprochés. Est-ce que c'est comme cela que vous comprenez les choses?

  4   Réponse: Chris Bennet est vraiment venu pour tâter le terrain, pour voir

  5   comment j'allais réagir en cas de mon arrestation. Comme j'ai compris

  6   cela, je l'ai accueilli gentiment et nous avons eu une discussion tout à

  7   fait correcte.

  8   A ce moment-là, j'ai compris que sa véritable mission était tout à fait

  9   autre qu'il souhaitait me préparer pour l'arrestation, et quand j'ai

 10   compris cela, je lui ai fait comprendre que je n'allais pas m'opposer à

 11   cela, que j'allais accepter et qu'il pouvait envoyer quelqu'un pour

 12   m'arrêter. Je lui ai dit que cela aurait été encore plus facile de

 13   m'envoyer une demande, que je pourrais aller à Vienne, à Belgrade, à La

 14   Haye, à Banja Luka afin de subir un procès. Mais à cause de ma situation

 15   de famille et à cause de mon entourage, je ne pouvais pas me rendre.

 16   C'était cela le but de cette interview, c'est ce qui l'intéressait

 17   vraiment et je l'ai ressenti.

 18   Question: Monsieur Kvocka, en ce qui concerne la responsabilité, page 2 de

 19   cette interview, on vous a posé la question suivante: "D'après l'Acte

 20   d'accusation de La Haye, vous êtes responsable de ce qui s'est passé à

 21   Omarska, que pensez-vous à ce sujet? Votre réponse...

 22   M. le Président: Je crois, Madame, après ce qu'on a entendu du témoin ce

 23   qu'il a dit, que cela n'est pas une interview, qu'il n'y a pas eu de

 24   question et de réponse entre le journaliste et le témoin, peut-être

 25   serait-il préférable d'admettre cela comme hypothèse de travail et dire


Page 8142

  1   que ce document contient cette information.

  2   Après vous pourriez poser votre question, sinon nous allons avoir des

  3   objections. Vous avez dit "le journaliste vous a demandé cela", "vous avez

  4   répondu cela", tout cela a été l'objet de contestation. Si vous insistez

  5   et répétez, vous risquez d'avoir répétition d'objection.

  6   Comprenez-vous ma question: partir donc de l'hypothèse qu'il s'agit d'un

  7   document qui contient l'information, supposément il y a une question et il

  8   y a une réponse. Après vous posez vos questions. Allez-y s'il vous plaît.

  9   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je peux recatégoriser

 10   cela. Mais dans le premier paragraphe, il est dit spécifiquement, c'est-à-

 11   dire à la page 1, que seulement trois jours avant son arrestation à

 12   Prijedor, Miroslav Kvocka, l'ancien garde du camp d'Omarska, a donné une

 13   interview à notre journaliste etc. Je ne souhaitais donc pas imposer des

 14   catégorisations qui n'y sont pas contenues, et puis d'ailleurs il s'agit

 15   d'un entretien qui a été enregistré sur cassette.

 16   Je souhaite simplement clarifier cela, mais il n'y a aucun problème, je

 17   peux dire dans la discussion, il a été dit etc..

 18   M. le Président: Oui?

 19   M. K. Simic (interprétation): Je ne souhaite pas compliquer les choses de

 20   manière supplémentaire, mais vraiment et Mme Somers et moi-même, nous

 21   savons que Christopher Bennet est l'adjoint du directeur du groupe de

 22   crise et non pas le journaliste de la Slobodna Bosna.

 23   M. le Président: Madame Somers, continuez, s'il vous plaît.

 24   Mme Somers (interprétation): Oui merci beaucoup. La question que je vous

 25   ai posée, si je m'en souviens bien, concerne la responsabilité, et c'était


Page 8143

  1   la question. J'ai commencé à vous lire votre réponse à la question.

  2   La question, je cite: "D'après l'Acte d'accusation de La Haye, vous êtes

  3   responsable pour ce qui s'est passé à Omarska, que pensez-vous à ce sujet-

  4   là?"

  5   Votre réponse: "Eh bien, je pense que je ne suis pas responsable parce que

  6   je n'ai jamais donné d'ordre à qui que ce soit de faire quoi que ce soit

  7   qui irait à l'encontre des conventions internationales, et si quelqu'un a

  8   essayé effectivement de faire quelque choses comme cela en ma présence, je

  9   l'aurais empêché. Ce genre d'action parfois me mettait dans une situation

 10   où ma vie était en danger, mais malgré cela j'empêchais ce genre de chose

 11   puisque je suis un policier professionnel et c'est la seule chose que je

 12   sais faire."

 13   Ensuite, on vous a posé la question vous demandant de donner des exemples

 14   de ce genre d'actions que vous avez entreprises afin d'empêcher ce genre

 15   de chose.

 16   Est-ce que vous êtes en train de nous dire, dans le cadre de ce que je

 17   viens de lire, que si vous aviez reçu l'ordre de faire quelque chose

 18   allant à l'encontre des conventions internationales vous, personnellement,

 19   vous vous sentiriez responsable?

 20   Réponse: Cela veut dire beaucoup de choses. Tout d'abord, Chris Bennet a

 21   dit: "Vous avez été accusé en tant que commandant" ou bien il a dit: "Vous

 22   êtes le commandant", c'est lui qui a dit cela.

 23   Deuxièmement, avant cela, peut-être que cela se trouve dans le texte

 24   d'ailleurs, il a dit: "Vous n'avez pas de problème, vous n'êtes pas

 25   responsable". Il essayait de me convaincre pour que je me rende de mon


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  1   propre gré et c'est de cela qu'il parlait dans le cadre de cet entretien.

  2   Il a dit: "Vous savez, j'ai pu lire l'Acte d'accusation et le reproduire

  3   sur la base d'Internet, etc." et peu importe, je lui ai dit que je ne me

  4   sentais pas coupable car je n'ai rien fait allant à l'encontre des

  5   Conventions de Genève parce que d'après le règlement qui régissait mes

  6   activités, je ne commettais pas d'infraction aux Conventions de Genève.

  7   Mais d'ailleurs, nous en avons parlé longuement hier et je ne souhaite pas

  8   le répéter. En tant que policier ordinaire, parfois le policier ordinaire

  9   peut donner des ordres, mais seulement aux citoyens, en disant par

 10   exemple: "Arrête-toi, sors du véhicule, approche-toi de moi, etc., etc."

 11   Tout ça, ce sont des ordres. Il y a des milliers d'ordres, mais un

 12   policier ne donne pas des ordres à un autre policier, ça c'est la règle de

 13   base.

 14   Question: Vous avez parlé par la suite d'exemples variés dans lesquels

 15   vous avez empêché la perpétration d'actes négatifs et vous avez dit que

 16   certaines personnes de l'extérieur avaient été empêchées d'entrer de façon

 17   inautorisée au centre: "et il y a eu des personnes dont j'ai empêché

 18   l'accès au centre". De qui avez-vous empêché l'accès au centre? Pouvez-

 19   vous nous le dire, je vous prie?

 20   Réponse: Pour ce qui est de l'accès au centre, il faudrait savoir où est

 21   la limite qui s'imposait. Qu'est-ce qui représentait un accès ou pas? J'ai

 22   empêché l'accès d'une personne et ce, en dépit du fait que la chose ait

 23   été discutable étant donné qu'il avait un uniforme militaire, un livret

 24   militaire et qu'il pouvait accéder. Mais je connaissais cette personne, il

 25   s'appelait Djordjin. C'était un petit criminel notoire des environs


Page 8145

  1   d'Omarska, il était venu en état d'ébriété avec un fusil et quand je l'ai

  2   aperçu de la fenêtre du bureau en train de gueuler, d'invectiver, j'ai

  3   compris qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une personne qui était arrivée

  4   là pour des raisons officielles.

  5   Je suis sorti à l'extérieur et j'ai entendu qu'il demandait à voir le

  6   Hodja qui lui injuriait la mère et qu'il allait le juger lui-même. Donc

  7   c'est une personne qui est entrée au camp, qui est arrivée à proximité du

  8   bâtiment administratif. Donc maintenant on peut discuter du fait s'il y a

  9   eu accès ou pas mais moi, en tout état de cause, je l'ai éloigné de là-

 10   bas.

 11   Quand je l'ai relaté à Zeljko, il m'a répondu que la police militaire

 12   l'avait déjà pris en charge et qu'elle avait entrepris des mesures. Et

 13   cette personne-là avait un fusil qui était déjà chargé; la balle dans le

 14   canon et je n'avais qu'un pistolet. Mais comme je le connaissais en sa

 15   qualité de petit criminel, il n'y a eu aucun problème me concernant pour

 16   ce qui était d'intervenir sur place.

 17   Question: Vous venez de nous dire qu'il avait reconnu votre autorité et

 18   vos attributions?

 19   Réponse: Il n'y a rien à reconnaître, je suis un policier, je suis le bon

 20   Dieu pour lui, lui c'est un petit criminel, je l'ai attrapé moi-même en

 21   train de cambrioler des kiosques à cigarettes avec trois paquets de

 22   cigarettes qu'il avait volés, je l'ai attrapé en pleine effraction d'une

 23   cafétéria où il avait volé un litre de cognac. Donc pour lui, moi, j'étais

 24   le bon Dieu à ce moment-là; c'était un tout petit criminel de village,

 25   c'est tout.


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  1   Question: Mais n'y avait-il pas d'autres gardiens de service qui auraient

  2   pu fort bien effectuer la chose? Pourquoi avez-vous dû le faire vous-même?

  3   Réponse: Je ne sais pas ce qui passait avec les autres, moi je vous parle

  4   de moi.

  5   Question: Nous parlons du camp d'Omarska. Là-bas, il y avait d'autres

  6   gardes qui étaient de permanence et d'équipe, n'est-ce pas?

  7   Réponse: Oui.

  8   Question: Pourquoi êtes-vous intervenu vous-même?

  9   Réponse: Parce que je me sentais capable et tenu de le faire, peut-être

 10   d'autres personnes avaient-elles voulu le faire, peut-être d'autres

 11   personnes lui apportaient-elles leur soutien? Les temps étaient durs, la

 12   situation était loin d'être idéale, ce n'était pas un Etat ordonné et

 13   aménagé comme il se doit.

 14   Vous savez, si des fois par exemple un responsable peut souhaiter des

 15   choses et vous, vous êtes appelé à empêcher cela, donc la situation était

 16   telle que nous ne pouvions pas discuter de cette façon. Vous êtes en train

 17   de voir les choses comme si tout était idéal, robotisé. Il y avait là-bas

 18   des gardiens pris de toutes parts, des gardiens avaient souhaité que du

 19   mal soit fait et pas empêcher que du mal soit fait, c'est dans des

 20   conditions pareilles que j'ai dû travailler et intervenir.

 21   Question: Vous étiez plus apte, peut-être plus puissant que les autres

 22   gardiens qui s'y trouvaient, n'est-ce pas?

 23   Réponse: Eh bien, rassemblez-les tous et nous ferons un test pour savoir

 24   qui avait bénéficié de telle ou telle puissance ou aptitude. Moi, j'ai

 25   fait ce dont j'étais capable, il y en avait peut-être plus qui étaient


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  1   plus capables et plus aptes, mais ils n'ont rien fait. Donc rassemblons-

  2   les tous et testons les capacités et aptitudes de chacun, donc qu'un

  3   professionnel soit mis en place pour mesurer les capacités et aptitudes de

  4   chacun.

  5   M. le Président: Madame Somers, passez à la question suivante.

  6   Mme Somers (interprétation): Oui, je le ferai. Le témoin a déjà répondu.

  7   Je me propose maintenant de vous poser une question concernant ce que vous

  8   faisiez le jour pendant que vous étiez d'équipe. Pouvez-vous nous décrire

  9   une journée moyenne, ordinaire à Omarska, combien de temps vous passiez

 10   aux différents emplacements, dans votre bureau? Est-ce que vous pouvez

 11   nous dépeindre une journée ordinaire du matin au soir?

 12   Réponse: Il s'agissait de plusieurs jours, je dirai peut-être une dizaine

 13   de jours, je n'ai pas fait de calcul mathématique. Disons que je passais

 14   la moitié d'un horaire de travail, peut-être un peu plus, peut-être un peu

 15   moins, à l'intérieur du bureau où j'avais à effectuer une permanence et

 16   tout le monde sait ici où se trouvait ce bureau et ce qu'il y avait à

 17   l'intérieur.

 18   De temps en temps, je sortais de ce bureau parce que je me sentais un

 19   petit peu comme étant de trop là-bas et comme il faisait chaud à

 20   l'extérieur, il était plus agréable d'en sortir. Voilà.

 21   Zeljko me confiait des tâches concrètes à effectuer. Je me souviens qu'à

 22   deux reprises, il avait apporté des cigarettes, il me disait: "Tiens, s'il

 23   te plaît Kvocka..." Et quand je dis "s'il te plaît", c'est façon de parler

 24   car c'était un ordre. Il me disait de distribuer cela aux gardiens et je

 25   piquais, simplement parlant, quelques cigarettes pour les passer à Mme


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  1   Nusreta Sivac qui me demandait des cigarettes quotidiennement et à

  2   quelques autres personnes. Et les autres gardiens ont, eux, appris que je

  3   mettais de côté quelques cigarettes qui leur étaient destinées à eux.

  4   Question: Donc ce n'étaient pas les gardiens mais…

  5   Réponse: Oui, il s'agissait des gardiens qui avaient appris la chose et

  6   ces cigarettes étaient censées leur revenir. Et une fois, j'étais à

  7   l'extérieur de l'immeuble, en face ou sous ce bureau de permanence quand

  8   on regarde par la fenêtre, et je me trouvais aussi peut-être vers

  9   l'entrée, il y avait des gardiens qui souhaitaient prendre contact,

 10   demander quelque chose au niveau du service ou au niveau du travail là-

 11   bas.

 12   J'ai aussi suivi des instructions de Zeljko pour aller par exemple au

 13   service de permanence à Omarska, je suis allé trois fois au village vers

 14   mon secteur pour y effectuer des missions. Il y avait eu une rixe devant

 15   le restaurant à Gradina, il y avait un incident dans le village de

 16   Jelicka, c'est aussi le secteur que je couvrais. Je me suis donc déplacé

 17   là-bas pour voir de quoi il s'agissait, mais je n'arrive plus à me

 18   souvenir de tous les détails. C'est une moyenne, une recoupe que je vous

 19   fais.

 20   Question: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, pendant que vous

 21   étiez d'équipe, pendant que vous étiez chargé de travailler au camp

 22   d'Ormaska, il vous arrivait d'aller ailleurs, à d'autres sites qui

 23   relevaient avant la guerre des attributions de ce département de police

 24   d'Omarska? C'est ce que vous êtes en train de nous dire?

 25   Réponse: Oui, pour les secteurs que je couvrais dans mon département de


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  1   police, il y avait les polices de Maricka, de Krivaja et autres, de

  2   Gradina. C'était non seulement avant la guerre mais même à l'époque des

  3   secteurs dont j'avais la charge.

  4   Question: A la page 4 du document 3/201, on vous a demandé: "Que faisiez-

  5   vous si vous vouliez calmer les choses?" Et vous avez répondu: "Il

  6   n'arrivait rien, les gens m'écoutaient pendant que j'étais là-bas; et je

  7   dois vous dire que j'étais présent là-bas tous les jours entre 12 et 15

  8   heures."

  9   Ne serait-il pas plus réaliste de dire que vous passiez une ou deux heures

 10   au bureau et une dizaine d'heures à l'extérieur de ce bureau sur le site

 11   d'Omarska? N'est-ce pas là la réalité?

 12   Réponse: Je ne peux pas conclure une pareille chose du texte dont vous

 13   avez donné lecture.

 14   M. le Président: Maître Krstan Simic?

 15   M. K. Simic (interprétation): A la lecture du texte que j'ai sous les

 16   yeux, il n'est pas dit "tous les jours", mais il disait: "Dans la journée,

 17   quand j'étais de service", et cela ne signifie pas tous les jours.

 18   Mme Somers (interprétation): La traduction anglaise que j'ai sous les

 19   yeux, je crois que vous avez la même sous les yeux, dit bien "tous les

 20   jours". Et s'il s'agit de la journée, c'est une journée de travail plutôt

 21   longue, n'est-ce pas!

 22   Est-ce que vous n'étiez pas relevé avec Zeljko Mejakic par équipe de 12

 23   heures: pendant que lui était là vous n'étiez pas là, et pendant que vous

 24   étiez là il n'était pas là? N'était-ce pas ce que vous aviez convenu?

 25   Réponse: Non, c'est ce qu'il voulait arriver à faire pendant qu'il n'était


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  1   pas là-bas, à savoir que l'un d'entre nous soit présent dans l'équipe,

  2   donc une personne qui de par ses connaissances policières serait à même

  3   d'empêcher des situations difficiles.

  4   Vous l'avez entendu dire de la part des témoins: Zeljko dormait là-bas

  5   mais il lui arrivait de s'absenter quelques heures, une demi-journée, et

  6   pendant cette période-là il s'efforçait de faire en sorte que je sois là-

  7   bas, donc de faire en sorte qu'une telle équipe soit sur place parce qu'il

  8   croyait que je lui transmettrais tout ce qui se passait et que je ne lui

  9   dissimulerais rien. C'était du moins mon impression, il était convaincu

 10   que j'allais intervenir si des bêtises survenaient et que je m'en rendais

 11   compte. C'est pour cette raison que cela s'est fait ainsi.

 12   Il y avait eu une journée notamment où je passais 15 heures là-bas, mais

 13   je ne passais pas tous les jours 15 heures là-bas. La structure du texte

 14   laisse entendre une chose pareille. La vérité, c'est ce que je viens de

 15   vous dire.

 16   Le premier ou le deuxième jour, j'y ai passé 20 heures parce que Zeljko

 17   est allé à Prijedor pour recevoir des instructions, des ordres et pour je

 18   ne sais trop quoi encore.

 19   M. Riad (interprétation): Excusez-moi, le premier mois, vous y avez passé

 20   20 jours, et dans le transcript on dit 20 jours. Vous n'avez pas passé 20

 21   jours là-bas?

 22   M. Kvocka (interprétation): Oui, oui, c'est cela.

 23   M. Riad (interprétation): Je prierai qu'on apporte une rectification.

 24   M. le Président: Il faut parler plus lentement. Tout ce que l'on dit est

 25   valable pour les autres personnes, il faut le dire aussi.


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  1   On voit ici dans le transcript, (interprétation): "Il y avait des jours où

  2   j'ai passé 15 jours.". Non, ce n'est pas possible de passer 15 jours en un

  3   jour. Nous savons qu'il s'agit d'heures, et c'est logique. Nous avons su

  4   immédiatement qu'il s'agissait d'heures et non pas de journées. Si nous

  5   interrompons tout le temps, nous n'en finirons pas. (Sans interprétation):

  6   Parler plus lentement pour que les choses soient bien transcrites et pour

  7   éviter cette situation, sauf si elle est intentionnelle et là je ne peux

  8   pas l'accepter.

  9   On va donc éclaircir toute cette question.

 10   Maître Krstan Simic, avez-vous encore des observations? Je vous vois

 11   debout?

 12   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, vos suggestions sont

 13   tout à fait justifiées, je ne vais pas les commenter. Je suis d'accord

 14   pour que M. Kvocka doive ralentir un peu.

 15   Je me penche maintenant sur le rectificatif apporté par M. Riad. On avait

 16   dit ici qu'il avait travaillé pendant 20 jours pendant 15 heures, alors

 17   que le témoin a dit que les deux premières journées il y avait passé une

 18   vingtaine d'heures. C'était la seule petite précision que je souhaitais

 19   encore apporter.

 20   M. le Président: D'accord.

 21   Pour éclaircir cela, Madame Somers, allez un peu plus lentement de votre

 22   côté également.

 23   Mme Somers (interprétation): Je m'excuse d'avoir parlé un peu vite

 24   Monsieur le Président.

 25   La question avait porté sur le nombre d'heures que vous passiez là-bas


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  1   journalièrement. Et à quelque moment, avant, dans mon interrogatoire, je

  2   vous avais demandé si vous passiez une ou deux heures dans le bureau, et

  3   le reste des 12 heures en circulant à l'intérieur de l'enceinte d'Omarska,

  4   et vous avez alors répondu...

  5   M. Kvocka (interprétation): Eh bien, j'ai répondu que je passais à peu

  6   près la moitié du temps de l'équipe que je devais effectuer au bureau et

  7   l'autre moitié dans l'enceinte. Et quand j'étais d'équipe de jour,

  8   d'habitude, en principe, je restais de 8 à 10 heures ou de 8 heures à

  9   midi. Mais il arrivait rarement que je fasse la journée entière, de 8

 10   heures du matin à 8 heures du soir; cela est peut-être arrivé deux ou

 11   trois fois.

 12   Donc sur le temps en question, je passais 5 à 6 heures au bureau et 5 à 6

 13   heures à l'extérieur de ce bureau.

 14   Question: Vous et M. Mejakic n'avez-vous pas eu de concertation concernant

 15   la présence d'un des deux pendant 12 heures, et puis l'autre les 12 heures

 16   suivantes? N'est-ce pas ce que vous nous dites?

 17   Réponse: Non. Moi, je ne pouvais pas convenir d'une chose avec Mejakic,

 18   Mejakic ne pouvait me donner que des ordres.

 19   C'est une façon de parler que de dire "nous avons convenu de faire ceci ou

 20   cela", il pourrait me dire "Kvocka, on a convenu que nous fassions de la

 21   sorte", et c'était une façon de parler. Il m'avait ordonné en fait, ça

 22   c'est une chose à dire. En plus, j'avais eu l'impression que son désir,

 23   son souhait avait été de faire en sorte que lorsqu'il devait s'absenter

 24   pendant quelles heures j'y sois. Mais l'ordre était souvent perturbé.

 25   Donc il y avait un ordre établi en principe, mais il y avait des


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  1   perturbations. Il m'arrivait par exemple de prolonger mon équipe jusqu'à

  2   10 heures du soir, et puis il venait me dire: "Tu es libre maintenant et

  3   demain tu viendras par exemple à midi". Voyez-vous!

  4   Maintenant quand on parle tellement de ces équipes, on pourrait entendre

  5   que j'y ai passé 10 ans. Moi j'y ai passé 10 à 15 équipes ou 20, peu

  6   importe.

  7   Question: Je vous prie de vous pencher sur l'interview entre vous et M.

  8   Reid, il s'agit de la pièce 3/203, en version anglaise, je parle de la

  9   page 52 et en BCS, je parle de la page 57.

 10   (L'huissier s'exécute.)

 11   Donc version anglaise 57 et version BCS page 57.

 12   Vers le bas de la page 52, vous êtes en train de parler avec l'enquêteur

 13   M. Reid de ces équipes. Vous parlez des horaires et l'enquêteur Reid vous

 14   dit: "Bien, mais cela a fait 12 heures d'affilée. Est-ce que vous étiez

 15   dans l'équipe opposée à celle de M. Mejakic?", et vous avez répondu: "Oui,

 16   on pourrait dire que concernant ses ordres, pour ce qui est de ses ordres,

 17   il était là-bas quand je n'y étais pas, et lui y était quand moi je n'y

 18   étais pas".

 19   Nous pourrions maintenant passer à la page 59, et en BCS c’est la page 64.

 20   Page 59 de la version anglaise, un peu en dessous de la moitié de la page,

 21   et je voudrais que l'on passe cela sur le rétroprojecteur.

 22   (l’huissier s’exécute.)

 23   L'enquêteur Reid vous parle de vous et de Mejakic, de vos inquiétudes, et

 24   vous dites que vous n'aviez aucune inquiétude, que ça n'était pas votre

 25   travail. Il vous demande ensuite quelque chose au sujet des équipes et


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  1   vous disiez que vous veniez pour une équipe de 12 heures.

  2   Est-ce que je peux avoir une idée concernant la structure de la police?

  3   Alors donc il y avait soit vous soit M. Mejakic ou quelqu'un de subordonné

  4   à Mejakic ou un autre quelconque des gardiens qui appartenait à la police,

  5   par exemple un chef d'équipe. C'est la deuxième fois que l'on mentionne

  6   les chefs d'équipe.

  7   Maintenant qu'est-ce qui est vrai: ce que vous dites aujourd'hui ou ce que

  8   vous avez dit à M. Reid? Quelles sont les équipes que vous avez effectuées

  9   et pendant combien d'heures dans une journée? Et en sus, qu'avez-vous dit

 10   à la personne avec laquelle vous vous êtes entretenu chez vous à votre

 11   domicile?

 12   Réponse: Mais pour autant que je puisse le voir, c'est la même chose, je

 13   vous ai répondu la même chose.

 14   Je vous ai dit que Zeljko s'efforçait, lorsqu’il n'était pas là-bas

 15   pendant quelques heures, nous travaillions ensemble, nous n'avions pas une

 16   équipe strictement délimité: 12 heures, 24 heures ou 48 heures, je ne sais

 17   quel système. J'étais là-bas dans mon équipe. Si par exemple aujourd’hui

 18   j'ai dans un planning 12 heures à effectuer, il faut que je me repose

 19   pendant 24 heures par la suite.

 20   Mais qu'arrivait-il? Zeljko et moi-même nous nous trouvions là-bas pendant

 21   12 heures, puis il lui arrivait de dire: "Je vais continuer quelques

 22   heures encore" parce qu'il avait des choses à effectuer, ou il me disait:

 23   "Je m'en vais maintenant et à toi de continuer quelques heures encore, et

 24   tu rattraperas ton temps libre demain". Voyez-vous!

 25   Donc nous avons parlé ici d'un ordonnancement de principe et à mon avis ce


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  1   que j'ai dit à Reid, à Chris Bennett et à vous-mêmes, tout revient au

  2   même. C'est seulement la façon dont vous avez compris les choses, et je

  3   crois que vous êtes trois à avoir compris de façon différente.

  4   Question: Excusez-moi. On vous a demandé en page 59, je vais répéter, je

  5   vais reprendre la question de M. Reid: "qu'il s'agisse de vous ou de

  6   Mejakic là-bas, y avait-il quelqu'un de subordonné à vous ou entre vous et

  7   les autres policiers, gardiens, quelqu'un qui était chef d'équipe? Et

  8   vous, vous avez répondu: "Je connais le terme, le terme ne m’est pas

  9   inconnu, je crois que Mejakic avait désigner trois personnes pour être

 10   chefs d'équipe. Et on vous a demandé: "Est-ce que vous savez qui étaient

 11   ces trois personnes?", et vous avez répondu: "Oui".

 12   Réponse: Non, ce n'est pas ce qui est dit. Il avait désigné trois

 13   personnes pour se trouver à la tête de certaines équipes mais pas chefs

 14   d'équipe, c'est ce qui figure du moins dans la traduction que j'ai sous

 15   les yeux.

 16   Question: Et on vous a demandé: "Est-ce que vous savez qui étaient ces

 17   trois personnes?", et vous avez dit: "Oui", il a demandé: "Qui?", vous

 18   avez répondu: "Milojica Kos, Momcilo Gruban et Mlado Radic", puis il vous

 19   a demandé: "Est-ce qu'elles avaient des surnoms, ces trois personnes?", et

 20   vous avez répondu: "Milojica Kos, on l’appelait "Krle", Momcilo Gruban, on

 21   l’appelait "Ckalja", et Mlado Radic, on l’appelait "Krkan"".

 22   Avez-vous pris part au choix de ces trois personnes?

 23   Réponse: Non, je n'ai pas pris part aux choix de ces trois personnes. Mais

 24   Zeljko, au bout de deux ou trois jours de travail, m'avait dit qu'il y

 25   avait eu des changements d'intervenus, à savoir que l'on avait acheminé un


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  1   nombre important de détenus et qu'il s’agissait d’organiser le travail de

  2   façon quelque peu différente, parce que jusque là nous avions travaillé 12

  3   heures/12 heures ou 8 heures/8 heures.

  4   Les trois premiers jours, c'était terrible pour les équipes, il n'y avait

  5   pas d'équipe du tout. Il a dit alors qu'il fallait mettre en place au

  6   moins trois équipes pour sécuriser un tel nombre de personnes, c'était une

  7   chose qu'il fallait absolument faire. Il a donc dit qu'il devait désigner

  8   une équipe, un service de permanence et qu'au niveau de ce service de

  9   permanence il avait besoin de personnes sachant manier l’émetteur

 10   récepteur, le téléphone, des gens de confiance qui allaient lui rapporter

 11   tout ce qui se passait, donc qui ne dissimuleraient rien pour ce qui le

 12   concernait.

 13   Il avait dit: "Mlado Radic était un policier expérimenté et âgé, pour lui

 14   c'était bon; Momcilo Gruban pour lui, c’est un policier ancien qui est

 15   déjà dans la réserve et qui est très estimé parmi ses collègues, pour lui

 16   aussi c'est bon"; et il m’avait dit: "Je ne sais pas pour Milojica, je ne

 17   sais pas c’est un nouveau mais j'ai l'impression que c'est quelqu'un de

 18   bien, il me donne l'impression d'être quelqu'un de posé et de fiable".

 19   C'est ce que Zeljko m'avait dit, alors je lui ai dit: "Pourquoi ne le

 20   prends-tu pas? Tu peux le prendre si tu as cette impression-là". Il avait

 21   mentionné encore plusieurs autres noms.

 22   Bob Reid ici a enchaîné avec ses questions. Mais il avait été question de

 23   Rajko Marmat, Mico Hrvacanin, Stole Vuleta, c’étaient des gens qui

 24   faisaient partie de ce service de permanence. Moi, j'avais été de

 25   permanence depuis le début, donc la question ne s'était pas posée me


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  1   concernant. Mais le besoin était apparu d'avoir un nombre supérieur, un

  2   nombre plus grand de personnes dans ce service de sécurité.

  3   M. le Président: Madame Somers, il faut faire une pause, c’est nécessaire

  4   maintenant. J'attendais de finir ce point, mais je vois que ce n'est pas

  5   encore possible. Donc une demi-heure.

  6   (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 28.)

  7   M. le Président: Veuillez vous asseoir s'il vous plaît. Madame Somers,

  8   continuez s'il vous plaît.

  9   Mme Somers (interprétation): Finalement, s'agissant des équipes, pouvez-

 10   vous nous donner les horaires de travail des différentes équipes pour

 11   commencer?

 12   M. Kvocka (interprétation): En général, le travail durait 12 heures et il

 13   était suivi d'une période de repos de 24 heures.

 14   Question: A quelle heure commençait la période de travail de 12 heures?

 15   Réponse: Le matin, à 7 ou 8 heures.

 16   Question: Page 52 de votre interrogatoire en anglais, page 58 en BCS, donc

 17   au bas de la page 52, nous trouvons dans votre entretien avec M. Reid la

 18   phrase suivante.

 19   Monsieur Reid: "Quelle était la durée du travail de ces équipes?" Votre

 20   réponse: "12 heures". Question de Reid: "Est-ce qu'il y avait un roulement

 21   des équipes avec disons un démarrage du travail à 7 heures du matin ou

 22   jusqu'à 7 heures de l'après-midi le même jour, et puis ensuite une autre

 23   équipe de 7 heures du soir à 7 heures du matin?"

 24   Votre réponse: "Oui, la première équipe commençait à 7 heures du matin et

 25   travaillait jusqu'à 7 heures de l'après-midi, puis une autre équipe


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  1   commençait à 7 heures du soir et travaillait jusqu'à 7 heures du matin,

  2   mais je ne sais pas si cette équipe commençait à 6 heures ou à 7 heures".

  3   Ensuite, nouvelle question de Reid: "Merci, très bien, mais cela fait 12

  4   heures de travail d'affilée. Est-ce que vous travailliez dans une autre

  5   équipe que M. Mejakic?"

  6   Voilà ce dont nous avons déjà discuté. Quelle était la fréquence à

  7   laquelle les hommes travaillaient dans l'équipe de nuit qui commençait le

  8   soir, et est-ce qu'une personne pouvait travailler deux jours d'affilée?

  9   Pouvez-vous nous dire cela?

 10   Réponse: Vous voulez dire des équipes pleines?

 11   Question: Oui. A quelle fréquence vous arrivait-il éventuellement de faire

 12   deux équipes d'affilée, c'est-à-dire par exemple une équipe de nuit, douze

 13   heures de travail, suivie d'une équipe de jour immédiatement? Ou bien quel

 14   était le roulement habituel des équipes?

 15   Réponse: En principe, il était impossible de travailler deux nuits

 16   d'affilée. Donc si l'on faisait une équipe de jour, le lendemain on

 17   pouvait travailler en équipe de nuit, et puis le lendemain en équipe de

 18   jour.

 19   Question: Mais vous, en général, n'est-ce pas, nous ne faisiez pas le

 20   travail de nuit, vous n'étiez pas d'équipe de nuit?

 21   Réponse: Cela m'arrivait. J'ai fait quatre ou cinq équipes de nuit quand

 22   j'étais au centre d'instruction, à peu près.

 23   Question: Mais de façon générale, vos travailliez plutôt le jour, n'est-ce

 24   pas?

 25   Réponse: Peut-être ai-je travaillé deux fois plus souvent en équipe de


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  1   jour qu'en équipe de nuit, mais je ne connais pas le pourcentage exact, je

  2   ne peux pas le dire avec une précision totale.

  3   Question: Vous avez déjà parlé du choix du chef d'équipe. Pourquoi Mejakic

  4   vous a-t-il demandé votre avis au sujet de ces chefs d'équipe?

  5   Réponse: D'abord, il ne s'agissait pas de choisir les chefs d'équipe, il

  6   s'agissait de choisir ceux qui allaient travailler en qualité d'agents de

  7   permanence. Personne ne les a jamais qualifiés de chefs d'équipe et Zeljko

  8   d'ailleurs n'avait pas la possibilité de nommer à leurs postes des chefs

  9   d'équipe. C'est quelque chose de tout à fait différent si quelqu'un se

 10   qualifie de chef d'équipe comme ça dans la conversation, en utilisant des

 11   termes très différents.

 12   Moi, quelquefois on parlait de moi en disant "le directeur" si j'avais,

 13   par exemple, remplacé quelqu'un à son poste dans le camp. Alors les gens

 14   en général applaudissaient et disaient: "Oui, oui, Monsieur le directeur,

 15   c'est très bien". Donc dans l'esprit de certains, j'étais même directeur.

 16   Mais Zeljko ne pouvait pas nommer à leurs postes des chefs d'équipe, et

 17   personne ne pouvait le faire non plus.

 18   J'ai dit dans mon interrogatoire avec M. Reid que ce terme était souvent

 19   utilisé et pas seulement en rapport avec ces trois hommes dont j'ai parlé

 20   mais avec d'autres également. Et pour revenir exactement à votre question,

 21   eh bien, ce qui a pu justifier qu'on parle de moi de cette façon c'est que

 22   j'étais plus âgé, plus expérimenté que Zeljko Mejakic y compris. J'avais

 23   fait davantage de gardes que les autres hommes. J'ai été de garde dans

 24   trois équipes qui ont travaillé au bâtiment administratif, dans le coin,

 25   entre l'entrée et le bâtiment administratif. Cela faisait des équipes de 8


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  1   heures, donc je ne sais pas s'il y avait des équipes plus courtes que

  2   cela.

  3   Question: De combien êtes-vous plus âgé que M. Mejakic?

  4   Réponse: Je crois que j'avais déjà dix ans de service lorsqu'il est entré

  5   dans les rangs de la police. Mais nous sommes devenus chef de secteur à

  6   peu près en même temps. Il l'est devenu d'ailleurs un peu avant moi, une

  7   année avant moi peut-être, à moins que ce ne soit une année après moi.

  8   C'est difficile de se rappeler avec exactitude. En tout cas, nous sommes

  9   devenus tous les deux chef de secteur à peu près au même moment.

 10   Question: En tant que chef de secteur, est-ce qu'ensuite sa carrière a

 11   avancé plus vite que la vôtre, à votre avis?

 12   Réponse: Moi, je n'ai pas avancé du tout à partir du poste de chef de

 13   secteur. Et lui, on peut dire qu'il a peut-être un peu avancé parce qu'à

 14   partir du mois de mars/avril, il est devenu commandant d'un département.

 15   Je ne sais pas d'ailleurs si c'est une promotion, mais sans doute oui.

 16   Oui, d'ailleurs il n'y a rien à dire, c'est effectivement une promotion.

 17   Question: Lorsque vous dites mars ou avril, vous pensez à l'année 1992,

 18   Monsieur Kvocka, c'est bien cela?

 19   Réponse: Oui, oui, oui.

 20   Question: Revenons à l'expression "chef d'équipe" dont vous avez dit, en

 21   parlant à M. Reid, que c'était un expression appropriée. Pouvez-vous nous

 22   dire quand vous avez rencontré pour la première fois Milojica Kos?

 23   Réponse: Milojica, je l'ai rencontré pour la première fois il y a

 24   longtemps, avant la guerre. Et puis ensuite, il m'est arrivé de ne plus le

 25   voir pendant une période et de le revoir. Dans les dernières années avant


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  1   la guerre, il était garçon de café dans un café situé non loin du poste de

  2   police, nous allions souvent y prendre un café.

  3   Question: Avant que M. Kos ne prenne ses fonctions au camp d'Omarska, à

  4   quelle fréquence le rencontriez-vous?

  5   Réponse: Eh bien, c'est ce que je viens de dire, de temps en temps. Je ne

  6   pourrais pas préciser davantage. Il m'arrivait de le voir une fois par

  7   jour pendant trois jours, et puis ensuite de ne pas le voir du tout

  8   pendant un mois.

  9   Question: Est-ce que vous le fréquentiez sur le plan personnel?

 10   Réponse: Non. Non, nous ne nous sommes jamais rencontrés entre amis, je ne

 11   l'ai rencontré que dans ce café où il travaillait comme serveur.

 12   Question: Est-ce que vous fréquentiez ce café restaurant près du poste de

 13   police pour des raisons personnelles, sur un plan personnel si je puis

 14   dire, ou bien est-ce que vos collègues y allaient avec vous sur un plan

 15   plus professionnel?

 16   Réponse: Eh bien, pas mal de mes collègues fréquentaient cet endroit parce

 17   que c'était tout près du poste de police. On traverse simplement une

 18   espèce de prairie, une cinquantaine de mètres, et on arrive dans ce café.

 19   La patronne était une femme assez accorte, donc c'est peut-être ce qui

 20   explique que les collègues du poste de police appréciaient de boire un

 21   café en bonne compagnie.

 22   Question: S'il vous l'a fait savoir, qu'est-ce qui a fait que M. Mejakic

 23   considère M. Kos comme quelqu'un de "fiable", je crois que c'est le mot

 24   que vous avez utilisé?

 25   Réponse: Eh bien, quand il a dit qu'il avait des difficultés à trouver les


Page 8162

  1   effectifs nécessaires pour les permanences, il m'a dit: "Je ne connais pas

  2   très bien ce jeune homme mais j'ai l'impression qu'il est très calme,

  3   tranquille, posé, peut-être pourrai-je lui confier une permanence parce

  4   que je suis sûr qu'il me transmettra bien les informations qu'il doit me

  5   transmettre, et qu'il me fera savoir avec franchise quels hommes ne sont

  6   éventuellement pas venus au travail".

  7   Parce que cela faisait partie des tâches d’un agent de permanence, il

  8   fallait qu'il fasse savoir au supérieur qui n'était pas venu au travail.

  9   Et Zeljko pensait aussi que si M. Kos recevait des renseignements au sujet

 10   d'un incident. Il n'allait pas couvrir cet incident mais aller transmettre

 11   les informations à son supérieur, comme il se doit, et prendre les mesures

 12   qui s'imposent en cas d'absence de Zeljko. Donc il appellerait dans ces

 13   circonstances le service de Prijedor qui pourrait reprendre le flambeau.

 14   Voilà dans quel sens il a considéré qu'il s'agissait de quelqu'un de

 15   fiable, à savoir quelqu'un qui ne se tairait pas ou qui ne couvrirait pas

 16   certaines choses et qui ne retarderait pas la prise de décisions.

 17   Question: Monsieur Mejakic vous a-t-il dit s'il connaissait bien M. Kos?

 18   Et n'oublions pas ce que vous venez de nous dire au sujet de Kos.

 19   Réponse: Moi, j’ai l'impression qu'il le connaissait presque aussi bien

 20   que moi, compte tenu de toutes ces années que nous avions passées à

 21   Omarska et où il nous arrivait de nous rencontrer ou de prendre un café.

 22   Moi, je connaissais Kos assez peu, assez superficiellement depuis

 23   l'enfance, c'est peut-être la seule différence entre lui et moi.

 24   Donc il a hésité malgré le fait qu'il le connaissait presque aussi bien

 25   que moi parce que Kos était un nouveau venu, c'est l'impression que j'ai


Page 8163

  1   eue mais peut-être que je me trompe.

  2   Question: Passons à la page 71 de votre interrogatoire par M. Reid, pages

  3   67 et 77 en version BCS, et 71 en version anglaise donc. En haut de la

  4   page, quatrième paragraphe.

  5   Je cite: "Reid: Pouvez-vous nous dire dans quelle pièce les femmes

  6   passaient la nuit?", votre réponse: "Dans ces deux-pièces, et je suis en

  7   train de montrer les pièces B11 et B10." Reid: "Merci. Vous avez dit hier

  8   que les chefs d'équipe, MM. Kos, Gruban et Radic, utilisaient également

  9   cet emplacement au premier étage. Pouvez-vous nous indiquer quelle pièce

 10   eux ils utilisaient?", et votre réponse: "Ils utilisaient la pièce B5 qui

 11   est la même que...", et Reid interrompt: "C’est la même pièce que vous

 12   utilisiez avec M. Mejakic?", votre réponse: "Oui c'est la même".

 13   (Fin de citation.)

 14   Etiez-vous souvent ou rarement dans la même pièce que MM. Kos, Gruban et

 15   Radic, ou l'un ou l'autre d'entre eux lorsque vous étiez de garde?

 16   Réponse: J'étais souvent avec l'un ou l'autre d'entre eux. Cela, c'est la

 17   première réponse que je vous ferai.

 18   La deuxième, c'est que M. Reid dit ici que j'étais chef d'équipe mais je

 19   n’étais pas chef d’équipe, et j'ai déjà essayé de vous l'expliquer il y a

 20   quelques instants. J'ai dit que c’était une expression utilisée par

 21   certaines personnes, dont eux d'ailleurs. Mais un chef, un boss, un

 22   directeur, voilà les termes qui étaient utilisés familièrement par les uns

 23   ou les autres, il arrivait souvent aux détenus de dire "merci directeur",

 24   mais c'était une façon de parler, c'était une utilisation pratique de

 25   certains termes. Je n'ai jamais dit à Bob Reid que ces hommes étaient


Page 8164

  1   officiellement des chefs d'équipe. Je pense que je me suis expliqué

  2   clairement à ce sujet il y a quelques instants.

  3   Question: Votre rapport avec M. Kos, vous nous l'avez décrit comme

  4   superficiel. Estimez-vous que cette relation superficielle avait

  5   suffisamment d'importance ou justifiait une confiance suffisante entre

  6   vous pour que vous demandiez à M. Kos de veiller sur vos beaux-frères dans

  7   la pièce vitrée après votre départ du camp d'Omarska?

  8   Réponse: J'aurais toujours pu demander cela à M. Kos et à beaucoup

  9   d'autres d'ailleurs, mais à pas à tous. Je parle de façon générale des

 10   policiers, de Radic, de Gruban. Je l’ai demandé. Il leur arrivait

 11   d'ailleurs de le faire par eux-mêmes, sans qu'on leur demande. Puisque

 12   nous étions collègues, c’était justifié par notre relation en tant que

 13   collègues. Mais Gruban était là, je m’en souviens lorsque je les ai

 14   ramenés, et donc c'est à lui que j'ai parlé. Quant aux autres, ils

 15   s'étaient tacitement entendus qu'ils le feraient.

 16   Question: Pages 88 et 89 en anglais de votre interrogatoire par M. Reid,

 17   pages 88 et 89, cela fait pages 94 et 95 dans la version BCS, deuxième

 18   moitié de la page anglaise, donc page 88, on y discute l'existence de

 19   cette pièce vitrée, et Reid vous demande: "Comment savez-vous que vos

 20   beaux-frères ont été installés dans la pièce vitrée après votre départ du

 21   camp?", et vous répondez: "J'y étais lorsqu’on les y a installés", Reid

 22   vous demande: "Qui a organisé leur installation dans la pièce vitrée?",

 23   vous répondez: "L'un des gardiens, mais c’est moi qui les ai amenés dans

 24   le bâtiment", Reid vous demande: "Avez-vous demandé à ce qu'ils soient

 25   installés dans la salle vitrée?", et vous répondez: "Je ne sais pas ce que


Page 8165

  1   j'ai dit exactement, mais j'ai dit à Momcilo Gruban, surnommé "Ckalja", de

  2   veiller sur eux, ainsi qu'à Milojica Kos. J'aurais pu dire à Gruban de

  3   demander à Kos de veiller sur eux. En tout cas, je savais déjà que

  4   j’allais quitter le centre, donc j’ai simplement demandé qu’il veille sur

  5   eux. Et nous savons ce que ces termes signifient".

  6   M. le Président: Qu'y a-t-il Maître Nikolic? Pas d'objection, donc on

  7   continue.

  8   Question: Question de Reid: "Pourquoi dans la pièce vitrée?", votre

  9   réponse: "J'avais l'impression que c'était l'endroit le plus sûr, et la

 10   pièce dans laquelle disons les conditions étaient les meilleures".

 11   (Fin de citation.)

 12   Alors Kos et Gruban ont-ils veillé sur vos beaux-frères à votre entière

 13   satisfaction, c’est-à-dire ne leur a-t-il été fait aucun mal? Qu’est-ce

 14   que vous pensez de la façon dont ils ont veillé sur eux?

 15   Réponse: Moi, je suis pratiquement certain qu'ils ont fait tout ce qu’ils

 16   pouvaient, mais vous avez entendu le témoignage de mon beau-frère qui a

 17   parlé des problèmes que lui a posé Zeljko Savic qui a tiré profit de la

 18   moindre occasion pour les provoquer et les malmener. D’ailleurs je ne sais

 19   pas tout ce qu'il a bien pu lui faire. Apparemment, mon beau-frère n'a pas

 20   très envie d’en parler, même à moi. Donc Kos, "Ckalja", peut-être Radic

 21   ont fait tout ce qu'ils pouvaient. Ils ont essayé de leur donner de la

 22   nourriture, de leur transmettre en tout cas ce que je leur envoyais.

 23   C’étaient des hommes qui étaient de bons policiers, courageux, et s'ils

 24   assistaient à de mauvais traitements, ils étaient tout à fait capables de

 25   s'y opposer.


Page 8166

   1   Mais cette décision leur appartenait à eux, personnellement. En tout cas,

  2   ils avaient la possibilité de s'opposer à quelqu'un. Le fait que ce

  3   quelqu'un soit un collègue, ça c’est une autre question. Mais j'ai

  4   l'impression et je crois qu'ils ont fait tout ce qui était en leur

  5   pouvoir.

  6   Question: [expurgé]

  7   [expurgée]

  8   [expurgée]?

  9   Réponse: [expurgé],

 10   [expurgée]

 11   [expurgée]

 12   M. K. Simic (interprétation): [expurgée]

 13   [expurgée]

 14   [expurgée]

 15   M. le Président: Oui.

 16   (Monsieur Kvocka fait un signe de la tête.)

 17   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, pouvons-nous avoir un

 18   huis clos partiel quelques instants.

 19   (Audience à huis clos partiel.)

 20   [expurgée]

 21   [expurgée]

 22   [expurgée]

 23   [expurgée]

 24   [expurgée]

 25   [expurgée]


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 13   Page 8167 expurgée – audience à huis clos partiel

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  1   [expurgée]

  2   [expurgée]

  3   (Audience publique.)

  4   Vous pouvez continuer, nous y sommes.

  5   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  6   Document pièce à conviction 3/201, nous en avons déjà parlé aujourd'hui,

  7   c'est une interview que vous avez accordée à un journaliste, et je vous

  8   demande de lire ce qui figure en bas de la page 4 et qui se poursuit en

  9   haut de la page 5, c'est une version anglaise.

 10   Je vous prie de m'excuser, je ne connais pas les pages dans la version en

 11   BCS. En tout cas, il est question des trois frères de votre épouse, de vos

 12   beaux-frères.

 13   Au bas de la page 4 de la version anglaise, vous parlez de vos beaux-

 14   frères avec le journaliste qui vous interviewe, et il est question de leur

 15   séjour ou de leur non séjour à Omarska. Je cite:

 16   La question du journaliste est la suivante, "Est-ce que vous avez, vous,

 17   essayé de faire libérer les membres de votre famille ou de la famille de

 18   votre femme quand ils étaient à Omarska?" Votre réponse est: "Je ne sais

 19   pas comment vous expliquer cela. Je n'ai pas essayé de les faire libérer

 20   parce qu'ils avaient aussi été amenés au centre d'instruction, et j'ai

 21   pensé que s'ils étaient coupables de quelque chose en rapport avec

 22   l'organisation de l'attaque sur les autorités serbes de Prijedor ils

 23   devaient subir la procédure. Mais pour assurer leur sécurité en mon

 24   absence, je les ai fait installer avec mes parents près du camp, près du

 25   centre d'instruction.


Page 8169

   1   Question: Qui avez-vous fait installer dans leur maison? Qui avez-vous

  2   installé dans leur maison?

  3   Réponse: Les trois frères de ma femme.

  4   Question: Donc ils ont été interrogés?

  5   Réponse: Ils ont été amenés avec les autres, mais je les ai fait sortir.

  6   Question: Que leur est-il arrivé plus tard?

  7   Réponse: Ils ont été avec mes parents pendant un mois à peu près, lorsque

  8   j'ai quitté le centre d'instruction, je les ai ramenés au centre et j'ai

  9   demandé à quelques-uns de mes amis de veiller sur eux pour que rien de

 10   stupide de ne leur arrive." (Fin de citation).

 11   Alors ces quelques amis, dont vous parlez dans ce passage, sont MM. Kos,

 12   Gruban et les autres noms que vous avez prononcés, ce sont bien là les

 13   amis dont vous parliez?

 14   Réponse: Peut-être pour certains d'entre eux mais je n'ai pas donné les

 15   noms de tous mes amis. Tous les policiers me respectaient en tant que

 16   professionnel, en tant que policier.

 17   Et bien entendu, il y en avait qui étaient plus proches de moi que les

 18   autres, il y en avait qui avaient plus confiance en mes capacités de

 19   policier que d'autres, et il y en avait aussi qui m'ignoraient et qui

 20   insultaient ma mère dans mon dos, et ce n'est pas à ce genre d'hommes que

 21   j'aurais demandé une aide quelconque.

 22   Question: En fait, vous n'avez pas utilisé le terme collègues ou relations

 23   de travail, vous avez utilisé le terme "amis", "friends" en anglais.

 24   Réponse: Eh bien, c'est normal si l'on parle de l'homme qui porte le

 25   surnom que je ne vais pas répéter ici, c'était mon ami, il était mon ami


Page 8170

  1   avant de devenir policier.

  2   Question: Je parle de Kos, c'est un ami à vous à en juger par ce que je

  3   viens de lire?

  4   Réponse: Dans un service de police où travaillent six hommes dans un

  5   village éloigné de tout, tous les policiers sont automatiquement des amis.

  6   C'est ce qui donne un sens à tout. Je n'ai jamais eu la moindre querelle

  7   et il n'y a jamais eu de querelles entre nous, les policiers. Jamais le

  8   moindre incident. Nous étions des hommes qui comptions les uns sur les

  9   autres et nous devions veiller les uns sur les autres en cas

 10   d'intervention. C'est ce que je voulais dire par "amis".

 11   M. Riad (interprétation): Excusez-moi, mais pouvez-vous préciser ce qui

 12   vient d'être lu? Il y a une phrase: "J'ai demandé à quelques-uns de mes

 13   amis de veiller sur eux pour que rien de stupide ne leur arrive." Le mot

 14   "stupide" n'est pas très clair pour moi, que voulez-vous dire par là?

 15   M. Kvocka (interprétation): Eh bien, toute la situation qui régnait dans

 16   le centre d'instruction et dans la région environnante permettait de

 17   supposer que n'importe qui pouvait subir quelque chose d'idiot, comme par

 18   exemple recevoir des coups ou se faire tuer.

 19   Et particulièrement dans leur cas, puisque j'avais déjà subi un certain

 20   mépris de la part des gardiens ainsi que de la part de certains habitants

 21   de la région, eh bien, ils pouvaient leur arriver des idioties ou des

 22   stupidités de ce genre. Il pouvait donc se faire qu'on les frappe, qu'on

 23   les maltraite, qu'on les insulte, qu'on les humilie ou même qu'on les tue.

 24   D'ailleurs nous avons entendu un témoignage ici même selon lequel on les a

 25   menacés, en tout cas l'un d'entre eux.


Page 8171

  1   M. Riad (interprétation): Merci.

  2   Mme Somers (interprétation): Si l'on examine la page 53 de la version

  3   anglaise de votre interview avec l'enquêteur Reid, il s'agira de la page

  4   58 de la version en BCS, il y a une discussion entre vous et M Reid,

  5   concernant ce qui allait se passer si Zeljko Mejakic n'était pas sur

  6   place. Je souhaite vous poser une question concernant la manière dont les

  7   choses fonctionnaient lorsqu'il était absent. Je cite:

  8   Reid vous demande, en haut de la page, il vous dit: "Donc, si M. Mejakic

  9   par exemple travaillait de 6 heures ou 7 heures du matin à 6 heures ou 7

 10   heures du soir, et ensuite vous vous veniez à 6 ou 7 heures du soir, et

 11   ensuite travaillait jusqu'au lendemain matin", et votre réponse était:

 12   "Oui, mais ça ne veut pas dire que c'était toujours le cas".

 13   Question de M. Reid: "Non, mais en général c'est comme ça que les choses

 14   fonctionnaient d'habitude?" et vous avez dit: "Oui".

 15   "J'ai déjà parlé avec vous de cela, mais ce n'est pas tout à fait clair.

 16   Quand M. Mejakic n'était pas dans le camp, qui contrôlait la police, la

 17   sécurité?"

 18   Réponse: "Il est difficile pour moi de l'expliquer mais d'une certaine

 19   manière, l'impression générale était que c'était moi. Je dirais qu'une

 20   partie des policiers, les policiers de réserve nouvellement recrutés,

 21   pensaient que c'était le cas. Voilà."

 22   Question de M. Reid: "Mais d'après vous, lorsque vous étiez là sans M.

 23   Mejakic, c'est-à-dire en train de travailler de 6 ou 7 heures du soir

 24   jusqu'à 6 heures ou 7 heures du matin, qui d'après vous était en charge du

 25   centre d'instruction en ce qui concerne la police et la sécurité?"


Page 8172

  1   Votre réponse: "Il a été considéré que c'était moi et Zeljko m'a donné

  2   l'ordre de veiller sur les choses que j'avais déjà mentionnées".

  3   Ensuite Reid vous demande: "Et avez-vous considéré que c'était votre rôle,

  4   lorsque vous étiez la personne en charge, c'est-à-dire lorsqu'il était

  5   absent, est-ce que vous considériez que vous deviez gérer le centre

  6   d'instruction de la même manière que lui, avec autant d'autorité que lui?"

  7   Votre réponse: "Je ne suis pas sûr de la manière dont je dois répondre à

  8   cette question, ce n'est pas tout à fait clair. D'une certaine manière,

  9   l'impression qui était créée était que moi j'étais en charge. Je n'avais

 10   pas une position égale aux autres gardes et j'avais l'ordre donné par

 11   Zeljko et sa demande de l'aider, d'aider les gens qui ne savaient pas

 12   comment effectuer leur travail".

 13   Question: "Est-ce que vous serez d'accord avec moi pour dire que

 14   quelqu'un, de toute façon, devait être en charge lorsque le commandant n'y

 15   était pas?"

 16   Votre réponse: "Oui, en général".

 17   Question: "Et cette personne, c'était peut-être vous?"

 18   Réponse: "Pas moi personnellement, je n'ai jamais dans ma vie été le

 19   commandant".

 20   Question: "Mais dans ce cas-là, le problème c'est que si ce que vous dites

 21   est vrai, parfois personne n'était responsable de la gestion du centre

 22   d'instruction".

 23   Votre réponse: "C'est possible".

 24   Question: "Très bien, mais vous avez déjà dit que les gardes ou les

 25   policiers pensaient que vous étiez la personne en charge lorsque Mejakic


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  1   n'y était pas".

  2   Votre réponse: "Oui".

  3   Question: "Est-ce que vous pensiez que les détenus vous considéraient de

  4   la même manière?"

  5   Votre réponse: "Oui, peut-être. Ils pouvaient avoir une telle impression".

  6   (Fin de citation.)

  7   Vous avez entendu depuis plusieurs mois des dépositions de plusieurs

  8   personnes, des personnes différentes qui disaient justement cela. Est-ce

  9   que vous vous souvenez -et je vais parler très concrètement là-, est-ce

 10   que vous vous souvenez de la déposition du Témoin J? Il s'agit d'une

 11   personne que vous connaissiez depuis longtemps.

 12   Pour le compte rendu, je me penche sur le compte rendu d'audience du

 13   Témoin J, session publique 4742:

 14   "Question: Miroslav Kvocka, quel était son rôle dans le camp? Réponse:

 15   "Miroslav Kvocka était l'adjoint de Zeljko Mejakic, c'est-à-dire l'adjoint

 16   du commandant du camp d'Omarska".

 17   Puis un peu plus loin, question: "Que voulez-vous dire... Pardon, je vais

 18   revenir en arrière. Comment l'avez-vous appris?" Réponse: "Eh bien, ce

 19   n'était pas un secret, les gens le disaient, les gardes le disaient. On

 20   pouvait le conclure sur la base de son comportement." Question: "Que

 21   voulez-vous dire par "les gardes en parlaient"? Que disaient-ils?"

 22   Réponse: "Eh bien, ils disaient: "Je dois demander à l'adjoint, je veux

 23   voir l'adjoint, je dois voir l'adjoint, je dois voir Kvocka'" ce genre de

 24   choses.

 25   Et puis un peu plus loin le Procureur demande au Témoin J: "Avez-vous


Page 8174

  1   jamais vu ou entendu M. Kvocka donner des instructions aux gardes?"

  2   Réponse: "Oui". Question: "Et quelle était la nature de ces instructions?"

  3   Réponse: "Il agissait en tant que supérieur, il disait aux gardes où

  4   aller, il disait "Va dans ce secteur-là ou ailleurs." Question: "Est-ce

  5   qu'ils obéissaient à ses instructions et ordres?" Réponse: "Je n'ai jamais

  6   vu qui que ce soit désobéir ou refuser d'agir de la manière demandée par

  7   M. Kvocka".

  8   M. le Président: Je ne veux pas interférer avec votre travail, je vais

  9   interrompre. Avez-vous besoin de répéter, de relire tout ce qui est déjà

 10   dans le transcript pour poser une question? Vous voyez quand même que pour

 11   le transcript, il y a "question" et "réponse", on ne sait pas si ces

 12   questions et ces réponses ont été faites maintenant ou avant. Je crois

 13   qu'il serait mieux, mais c'est votre travail... Nous avons décidé que vous

 14   aviez le temps et que vous faites du temps ce que vous voulez, mais vous

 15   répétez énormément de choses. Il faudrait mentionner peut-être le

 16   transcript, la page, et poser la question. Sinon nous risquons d'avoir le

 17   même transcript trois, quatre ou cinq fois toutes les fois qu'on en a

 18   besoin.

 19   Faites comme vous voulez, allez-y, continuez, mais au moins il serait

 20   bien, si vous citez le compte rendu, de dire bien clairement que c'est une

 21   citation et indiquer où elle commence et ou elle se termine. D'accord?

 22   Allez-y.

 23   Maître Simic?

 24   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, avec votre

 25   permission, je souhaite dire que vraiment je ne comprends pas où mène la


Page 8175

  1   citation de la déposition du témoin pour demander à l'accusé de faire des

  2   commentaires sur ces dépositions-là.

  3   M. le Président: On va voir mais il faut prendre en considération que la

  4   capacité de mémorisation est limitée. Si vous dites tout cela et qu'après,

  5   vous posez une question, vous risquez d'y revenir. Peut-être est-il mieux

  6   de donner une partie d'information et de poser la question, puis de donner

  7   une autre partie d'information et de vous poser la question, c'est-à-dire

  8   par petits morceaux, de façon que les personnes puissent assimiler. Allez-

  9   y.

 10   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président, j'apprécie tout

 11   à fait vos commentaires. Le but effectivement, c'est parce que ceci s'est

 12   passé en septembre 2000, donc il y a longtemps, et je souhaitais faire un

 13   lien entre ces commentaires et ce qu'on vient de lire de l'entretien qui a

 14   eu lieu avec l'accusé, puisque plusieurs mois se sont passés depuis, et la

 15   Chambre entendu les dépositions de plusieurs témoins. J'avais simplement

 16   envie d'être sure que le témoin pourrait se rappeler des propos relatés

 17   par le témoin en question. Donc je pense qu'entre-temps, il suffira de

 18   donner les numéros des pages à la disposition des Juges et des conseils de

 19   la défense.

 20   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Simic?

 21   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, mon éminente collègue

 22   vient de confirmer justement ce que j'ai reconnu en tant que modèle de son

 23   comportement. Son but n'était pas de préparer une question mais de faire

 24   une analyse de ce qui a été fait par ce témoin dans le cadre de sa

 25   déposition, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici seulement du


Page 8176

  1   contre-interrogatoire de l'accusé qui doit parler des faits qui lui sont

  2   connus.

  3   M. le Président: Oui, on peut en conclure cela, et nous savons que Mme

  4   Somers va faire d'une façon différente. Il n'était pas nécessaire de le

  5   dire. Elle le sait déjà. Allez-y, Madame Somers.

  6   Mme Somers (interprétation): Si l'on réexamine la page... Attendez, s'il

  7   vous plaît, on était en haut...

  8   M. le Président: Oui, Maître Simic?

  9   M. K. Simic (interprétation): Vraiment je dois, avec tout le respect que

 10   je vous dois, intervenir. Est-ce que Mme Somers, après avoir cité les

 11   propos de M. Kvocka et les propos du Témoin J, va poser une question pour

 12   que M. Kvocka apporte des explications, car là est le but, qu'il clarifie

 13   cette chose.

 14   M. le Président: Madame Somers? Est-ce que vous n'avez pas de question ou

 15   vous en avez à la suite?

 16   Mme Somers (interprétation): Oui.

 17   M. le Président: Donc posez la question. Monsieur Kvocka attend votre

 18   question depuis longtemps et, comme vous le voyez, il devient impatient

 19   d'avoir l'opportunité de vous donner la réponse.

 20   Posez la question, s'il vous plaît, allez-y.

 21   Mme Somers (interprétation): Je m'excuse auprès du témoin, de l'avoir fait

 22   attendre aussi longtemps. Monsieur Kvocka, vous venez d'entendre ce que le

 23   Témoin J a dit au sujet de vous.

 24   Ce que nous venons de lire, est-ce que c'est conforme à ce que vous avez

 25   dit au sujet de vous-même? Est-ce que vous aviez l'impression que la


Page 8177

  1   plupart des personnes que vous rencontriez avaient l'impression, elles,

  2   que vous vous étiez en charge? Donc ma question est seulement de savoir si

  3   vous pensiez qu'ils avaient l'impression que vous étiez en charge lorsque

  4   M. Mejakic n'était pas là?

  5   M. K. Simic (interprétation): Objection encore une fois.

  6   M. le Président: Maître Krstan Simic, je dois vous dire que vous êtes un

  7   peu paternaliste, vous protégez excessivement votre témoin. Comme vous le

  8   savez, votre témoin est l'accusé et il a un statut spécial.

  9   Il n'a pas besoin de votre protection, laissez M. Kvocka témoigner, sinon

 10   Maître Simic, les interruptions que vous faites souvent n'ont pas

 11   d'utilité et je dois commencer à procéder d'une autre façon. Vous savez!

 12   Je ne veux pas vous menacer. Je ne suis pas la personne pour le faire.

 13   Mais il y a des réponses, je ne veux pas vous citer l'Article dans notre

 14   règlement qui permet au Président de la Chambre de conduire les débats de

 15   façon à ce que les choses se passent simplement et que le témoin réponde.

 16   Donc Maître Simic, contenez-vous s'il vous plaît. Allez-y.

 17   Mme Somers (interprétation): Pour être juste à votre égard Monsieur

 18   Kvocka, je vais répéter ma question.

 19   M. Kvocka (interprétation): Ce n'est pas nécessaire.

 20   Question: Très bien. Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela? Quelle

 21   était l'impression, votre impression?

 22   Réponse: Eh bien, vous avez sauté une vingtaine de pages de mon

 23   interrogatoire mené par M. Reid, où j'expliquais les impressions,

 24   j'expliquais ce que je faisais, quels étaient mes ordres et mes

 25   instructions données par Zeljko Mejakic. Si Zeljko Mejakic venait le matin


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  1   en me disant: "Aujourd'hui tu verras chaque policier pendant trois heures

  2   et tu expliqueras sa tâche en tant que policier, ceci et cela".

  3   Dans ce cas-là, je le faisais. S'il disait: "Aujourd'hui tu vas distribuer

  4   les cigarettes aux policiers", c'est moi que qui le faisait. S'il me

  5   disait autre chose -je ne me souviens pas en ce moment- mais pour la

  6   plupart il s'agissait de tentative d'attirer l'attention des nouveaux

  7   policiers sur certaines choses. Ou bien si une nouvelle équipe arrivait,

  8   il me disait parfois: "Tu peux t'en aller!".

  9   Comme je l'ai déjà expliqué, ce n'est pas qu'on prenait la relève l'un de

 10   l'autre, parfois je venais le matin et lui il restait jusqu'au soir. Il me

 11   disait parfois: "Va voir les policiers pour leur expliquer qu'ils ne

 12   doivent pas contacter les détenus. Aujourd'hui j'ai vu Simo Drljaca et il

 13   a dit que les policiers ne doivent ni contacter ni parler avec les

 14   détenus, à cause des informations." Et moi, je faisais tout cela.

 15   En dehors de cela, j'effectuais certaines de mes activités personnelles,

 16   j'ai presque honte d'en parler. Moi, je suis content intérieurement mais

 17   je ne souhaite pas répéter que j'aidais les gens parce que tout le monde

 18   le sait, d'ailleurs les témoins de l'accusation en parlaient aussi. Mais

 19   s'agissant des impressions, c'est cela. Voici ce que je peux dire sur les

 20   impressions. Il s'agit des impressions d'autres personnes et ce sont elles

 21   qui peuvent parler de leurs propres impressions.

 22   Et Madame J parlait de ses impressions. Elle n'a jamais dit que moi j'ai

 23   donné l'ordre, elle a dit qu'elle avait l'impression que je donnais des

 24   ordres. Moi, quand je parlais avec un policier, elle n'a pas dit "lui, il

 25   a donné l'ordre". Cela c'est son impression. Elle a le droit d'apporter


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  1   ses propres conclusions à son propre gré. Je peux ajouter beaucoup de

  2   choses à ce sujet mais je veux vous laisser le temps de parler, je ne veux

  3   pas employer tout le temps dont nous disposons, en train de parler moi-

  4   même.

  5   Question: Mais je souhaite vous aider, je souhaite vous aider à vous

  6   comprendre. Est-ce que vous dites que la distribution des cigarettes à la

  7   demande ou suite à l'ordre donné par Mejakic donnait l'impression à un tel

  8   nombre de personnes que, vous, vous étiez en charge? Parce que les détenus

  9   ont dit à plusieurs reprises qu'ils ont eu l'impression et les gardes

 10   avaient cette impression-là également.

 11   Donc est-ce que c'est cette partie-là de votre comportement, le fait que

 12   vous donniez des cigarettes, qui les a fait avoir cette impression-là?

 13   Réponse: A mon avis, c'était l'ensemble de mon comportement qui a créé ce

 14   genre d'impression chez les gens. Une personne ici a dit que moi j'étais

 15   Dieu en personne pour ces personnes-là, alors que je pense qu'il l'a

 16   inventé. Il a inventé d'ailleurs que j'écrivais des petites notes parce

 17   que je ne l'ai jamais fait.

 18   Mais je n'exclus pas la possibilité lorsque quelqu'un dit lorsqu'un garde,

 19   qui portait un uniforme de police pour la première fois, me voyait, il

 20   savait que j'étais le policier de son village, et ensuite il demandait si

 21   un détenu pouvait aller quelque part. Moi, je lui répondais et peut-être

 22   il avait l'impression. Mais je me souviens que... si vous donnez par

 23   exemple un bout de pain à quelqu'un, à ce moment-là, cette personne peut

 24   avoir l'impression que vous avez énormément de responsabilités, que vous

 25   êtes Dieu lui-même, parce que vous êtes capable de lui donner du pain.


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  1   C'est tout ça qui était la base des impressions, et parfois il y avait des

  2   impressions négatives ou positives, mais je ne peux pas savoir très

  3   exactement quels étaient les éléments qui créaient ces impressions-là.

  4   Mais moi, j'ai l'impression que j'ai fait l'erreur d'avoir été trop mis en

  5   avant. Cela dit, moi je n'ai jamais personnellement pensé que c'était une

  6   erreur, j'assume tout ce que j'ai fait.

  7   Mais d'après vous, on a l'impression que c'était un comportement erroné

  8   parce que moi, je ne me cachais pas derrière un arbre pour faire mon petit

  9   travail sans que personne ne me voie. Moi, je faisais venir un véhicule,

 10   rempli de colis, et au milieu de l'enceinte je distribuais cela aux

 11   détenus, et si quelqu'un regardait cela de loin, il disait: "Eh bien,

 12   voilà Kvocka, il est l'homme le plus puissant dans ce pays parce qu'il ose

 13   le faire." Parce que les autres personnes cachent un petit bout de

 14   sandwich pour le donner à quelqu'un sans que personne ne le voie.

 15   Question: Avez-vous jamais dû être dur physiquement avec vos gardes?

 16   M. le Président: Maître Krstan Simic?

 17   M. K. Simic (interprétation): L'objection concerne le compte rendu

 18   d'audience, la phrase: "Alors que les autres cachaient leur sandwich

 19   qu'ils apportaient aux autres, moi je le faisais publiquement parce que je

 20   pensais que c'était une chose honorable à faire".

 21   M. le Président: Madame Somers, je crois que quelque chose a été dit par

 22   le... Maintenant je commence... Est-ce que les traducteurs traduisent ce

 23   que le témoin dit ou non? C'est ma question maintenant.

 24   Maître Simic, j'ai déjà eu cette question: quelle est la phrase que vous

 25   avez entendue et que les interprètes n'ont pas traduit? Je crois que c'est


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  1   cela parce que vous dites que le témoin a dit quelque chose qui n'est pas

  2   passé par le compte rendu, c'est cela?

  3   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, à la question de Mme

  4   Somers, en parlant de ses impressions, M. Kvocka a dit à peu près: "Moi,

  5   publiquement j'ai fait venir un véhicule rempli de colis et je les ai

  6   distribués publiquement, alors que d'autres personnes le faisaient en

  7   cachette. Ils cachaient un sandwich sous le bras et c'est ainsi qu'ils

  8   donnaient cela aux détenus. Dans un tel cas de figure, les gens pensaient

  9   peut-être que j'étais différent par rapport aux autres".

 10   M. le Président: Monsieur Kvocka, vous avez dit ça?

 11   M. Kvocka (interprétation): Oui. Parfois les gens disaient: voilà, ça

 12   c’est l’homme le plus puissant du monde que l'on n'ait jamais rencontré.

 13   Je connais certaines personnes qui le disaient, entre eux, sur la Pista.

 14   M. le Président: Il y avait d'autres personnes qui faisaient la même chose

 15   que ce que vous faisiez publiquement, et elles le faisaient d'une façon

 16   cachée?

 17   M. Kvocka (interprétation): Oui. Beaucoup de gardes, comme une dame a dit

 18   l'autre jour. Chacun connaissait quelqu'un. Chaque Serbe avait un Musulman

 19   qui lui était proche ou vice versa. Donc chacun aidait quelqu'un, mais il

 20   se cachait à cause de l'ambiance qui y régnait. De toute façon, on connaît

 21   à quoi ressemblait cette ambiance.

 22   M. le Président: Je vous demande de parler plus lentement, s’il vous

 23   plaît, sinon les interprètes ne peuvent pas tout traduire.

 24   Et là vous comprenez, et les conseils comprennent bien, que nous arrivons

 25   vraiment à la question de savoir si M. Kvocka a dit ou bien si c'est le


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  1   conseil qui veut qu'il dise ça.

  2   Donc là, nous devons peut-être repenser tout cela. Donc je ne vais pas

  3   admettre plus. Monsieur Kvocka, vous allez parler plus lentement. Nous

  4   vous avons déjà fait signe plusieurs fois et vous oubliez. C'est à vous-

  5   même peut-être de penser aussi à notre travail.

  6   Donc je ne vais pas admettre d'autres interventions de Me Simic, et cette

  7   façon de dire "il a dit ça et ce n’est pas dans le compte rendu".

  8   C'est donc à vous. Vous parlez lentement et les interprètes ont

  9   l'opportunité de traduire tout ce que vous dites. Sinon, ce n'est pas un

 10   travail à mon avis équitable.

 11   Vous comprenez bien que ce n'est pas à votre conseil de témoigner à votre

 12   place. Je ne pose pas de problèmes, je sais que vous êtes courageux, et

 13   vous êtes en train de dire ce que vous dites. Je le sais, je le sais. Mais

 14   pour ne pas avoir de doutes, c'est bien d'éviter cette situation.

 15   D'accord? Continuez.

 16   M. Riad (interprétation): Excusez-moi, Madame Somers, mais je souhaite

 17   simplement comprendre quelque chose qui a été dit.

 18   Vous dites que, lui, il venait avec une voiture.

 19   Monsieur le témoin, vous veniez avec une voiture remplie de sandwiches

 20   alors que d’autres se cachaient parce qu’ils avaient peur des autres. Mais

 21   vous, vous n'aviez pas peur?

 22   M. Kvocka (interprétation): C’est-à-dire que je ne me cachais pas. Si

 23   j'avais peur, mais je ne me cachais pas parce que je considérais que je

 24   faisais quelque chose de correct, de juste, alors que d'autres apportaient

 25   le sandwich, un petit sandwich caché sous le bras.


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  1   Mais moi, comme je l’ai dit, je ne souhaite pas me vanter. Je suis

  2   embarrassé d'en parler.

  3   Mais le fait reste que j'ai fait venir un véhicule rempli de ce genre de

  4   choses, donc ça c'est quand même quelque chose de différent. Mais

  5   pratiquement chacun apportait parfois des choses à quelqu'un, mais en

  6   cachette, un petit sandwich ou un petit sac, et c’est ça la différence

  7   dont je parle.

  8   M. Riad (interprétation): Et vous pensiez que vous ne subiriez pas de

  9   conséquences à cause de cela?

 10   M. Kvocka (interprétation): Je ne réfléchissais pas à ce qui allait se

 11   passer par la suite. Dans ma vie et dans ma carrière de policiers, je me

 12   suis toujours efforcé d'agir ainsi. Quelque part, j'étais conscient du

 13   danger, du danger imaginaire ou bien du danger imminent, que l'on pouvait

 14   entrevoir compte tenu des conditions dans lesquelles les tensions

 15   nationalistes étaient élevées. Mais lorsque dans mon esprit j'ai confronté

 16   cela d'un côté, donc ce qui pouvait m’arriver, et ce que je souhaitais,

 17   j'ai opté pour ce que je souhaitais faire, et ce que je faisais, parce que

 18   je ne violais aucune loi, je violais peut-être l’avis, l’imagination de

 19   quelqu'un, mais ceci ne me suffisait pas pour renoncer à agir de cette

 20   manière-là.

 21   M. Riad (interprétation): Merci.

 22   M. le Président: Très bien, Monsieur Kvocka, je crois que vous avez fait

 23   un bon effort pour parler plus lentement, je vous remercie beaucoup. Il

 24   faut tenir compte de cela, je vous ferai un signe quand je me rendrais

 25   compte que vous allez plus vite.


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  1   Allez-y maintenant, Madame Somers.

  2   Mme Somers (interprétation): Nous nous sommes éloignés de ma question,

  3   mais en tant que partie de cette question je tiens à dire que vous aviez

  4   indiqué que vous n'aviez jamais fait l’objet d'une mesure disciplinaire

  5   pour cette généreuse transmission de paquets, il n'y a pas eu d'enquête à

  6   ce sujet, n’est-ce pas?

  7   Réponse: Officiellement, non. Officiellement, cela ne pouvait pas se faire

  8   d'après la façon dont que je comprends les choses parce que je

  9   n'enfreignais aucune réglementation en vigueur. Il n'était pas interdit de

 10   fréquenter des Musulmans. Il n'était pas interdit d'aider des Musulmans de

 11   par la loi en vigueur.

 12   Mais si dans la tête de quelqu'un cela représentait une chose interdite,

 13   il n'était pas en mesure d’entreprendre une procédure disciplinaire

 14   officielle car cela ne mènerait à rien. A quoi se référerait-on, à quelle

 15   loi se référerait-on pour me reprocher de faire ceci ou cela. Donc dans la

 16   tête de certains peut-être j'avais été rejeté, méprisé, mis à l'écart,

 17   pour des raisons variées, non seulement pour les paquets, les colis. Les

 18   colis, ici, dans l'histoire, sont une choses secondaires.

 19   Question: Revenons un peu en arrière, je vous prie.

 20   Je vous ai demandé si l'on vous percevait, si vos gardiens vous

 21   percevaient, comme étant une personne physiquement agressive? Vous

 22   souvenez-vous de l'un quelconque des incidents éventuels où vous avez dû

 23   vous comporter de façon agressive par rapport à eux?

 24   Réponse: Non. Je ne pense pas qu'il y ait eu d’incidents m’incitant à

 25   devenir agressif à l'égard d'un gardien. Nul besoin était de le faire. Il


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  1   s'agissait de gardiens qui venaient des villages environnants et qui ne

  2   connaissaient pas ma réputation de policier.

  3   Tout simplement, et là on parle de façon hypothétique, si quelqu'un avait

  4   eu l'intention de passer quelqu'un à tabac, et s'il voyait que je le

  5   voyais essayer de faire, il renonçait à coup sûr, parce que connaissant ma

  6   réputation de policier il renonçait à coup sûr.

  7   Et ils en étaient convaincus puisque pendant 20 ans j'ai travaillé en tant

  8   que policier dans les villages d’où venaient ces gardiens. Ils savaient

  9   donc comment j'intervenais dans les villages lorsqu’il y avait des rixes

 10   devant les magasins où ils se rassemblaient pour prendre les boissons. Ils

 11   savaient comment cela se passait. Ils savaient comment j’empêchais de tels

 12   incidents. Ils savaient que, dans un restaurant, si quelqu'un venait

 13   maltraiter un hôte ou bien une serveuse, comment j’intervenais. Ils

 14   savaient fort bien qu’en ma qualité de policier je ne vous pouvais pas

 15   voir quelque chose de mal se faire et laisser faire.

 16   Je ne me souviens d'aucune situation où j'aurais tourné le dos à des

 17   circonstances pareilles, que ce soit avant la mise en place de ce centre

 18   d'instruction, pendant et/ou après, notamment après quand j'ai travaillé à

 19   Prijedor. Et je vous dirai que j'ai fait certaines choses avec appétit, et

 20   c'est là que j'ai pour la première fois posé des menottes sur les poignets

 21   de Serbes, figurez-vous, et de Serbes extrémistes.

 22   Question: Partant de ce que vous venez de nous dire, vous preniez pas mal

 23   appui sur le fait de susciter du respect. Vous aviez de bonnes relations

 24   avec les gens, estimez-vous que vos relations avec les autres personnes

 25   étaient bonnes?


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  1   Réponse: Il est difficile de vous répondre par oui ou par non. Il y avait

  2   certaines gens dont moi j'ai eu l'impression qu'ils était d'accord avec

  3   mes opinions, mes façons de voir, aux termes desquelles il ne fallait pas

  4   maltraiter des gens ou il ne fallait pas les contacter parce qu'il y avait

  5   eu des instructions émanant de Zeljko, et il y avait eu aussi des

  6   informations aux termes desquelles ces contacts étaient mis à profit à

  7   mauvais escient.

  8   Certaines personnes étaient donc d'accord et d'autres personnes, par

  9   contre, selon mes impressions, n'étaient pas d'accord, mais ces gens-là

 10   peut-être n'osaient pas le faire parce qu'ils savaient probablement que

 11   j'interviendrais ou pour une autre raison que j'ignore.

 12   Question: Certains des témoins qui ont témoigné ici en votre faveur, au

 13   moins un pour lequel je suis tout à fait certaine, avaient parlé de votre

 14   indignation concernant des actes violents à l'égard de certains détenus.

 15   Ils avaient parlé de la façon dont vous étiez intervenu et de l'exemple

 16   que vous donniez de la bonne façon de procéder. Je crois qu'il s'agissait

 17   de M. Brane Bolta qui a parlé en termes favorables de votre intervention,

 18   si vous vous en souvenez.

 19   Je voudrais savoir si vous interveniez auprès des gardiens et des gens au

 20   camp d'Omarska pour leur montrer comment il fallait procéder étant donné

 21   que vous saviez qu'ils n'avaient pas de formation suffisante, et

 22   probablement par fierté de votre profession policière éventuellement?

 23   Réponse: Pour ce qui est de tous les abus que j'ai constatés, je suis

 24   intervenu et pour ce qui est du reste, j'ai plutôt fait un commentaire

 25   étant donné qu'il s'agissait d'un groupe de personnes plutôt spécial qui


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  1   avait été chargé de ces fouilles. Il s'agit d'une police spéciale, et

  2   quand on dit police spéciale dans notre système, et je puis voir que dans

  3   d'autres systèmes aussi, dans les films notamment, là où à la police

  4   spéciale intervient, les autres se retirent. Il n'y a pas d'autre police à

  5   intervenir.

  6   Donc dans des conditions analogues, moi je me suis permis le commentaire

  7   de dire que cela n'était pas une bonne chose, mais j'ai subi des

  8   conséquences pour ce qui est de ce commentaire. Un des membres de cette

  9   police spéciale m'avait pris par le cou et m'a cogné contre mur, et il m'a

 10   dit: "Mais qu'est-ce que t'as, toi, à tout le temps murmurer quelque

 11   chose? Les temps de Tito et de la police de Tito sont révolus". Mais je

 12   suis homme de ce genre et je n'ai pas pu passer cela sous silence.

 13   Donc voir quelque chose arriver, une fouille avoir lieu, fouille qui

 14   n'aurait pas dû avoir lieu étant donné que ces gens étaient amenés en

 15   marica de Prjedor, où ils avaient déjà été fouillés, car Bolta nous

 16   l'avait dit, ils étaient déjà en détention provisoire, cette fouille avait

 17   déjà été faite. Donc c'est par leur propre volonté ou par leur propre bon

 18   vouloir que ces gens se sont mis à fouiller les gens de façon brutale. Ce

 19   sont les raisons pour lesquelles j'ai fait cette observation. Je crois

 20   qu'il y avait un certain Lukic ou peut-être Strazivuk qui était là-bas et

 21   l'un des deux était plutôt posé. Il était présent de l'autre côté de cette

 22   fourgonnette appelée Marica où je m'étais trouvé, et il m'avait dit: "Mais

 23   laisse ces sauvages" ou "Que veux-tu que je fasse avec ces sauvages?".

 24   Question: Mais du fait de votre sentiment de professionnalisme et du fait

 25   de votre formation, vous avez donc eu la présence d'esprit d'intervenir et


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  1   d'indiquer quelle est la bonne façon de faire. Etait-ce sur cela que se

  2   basaient votre présence d'esprit et votre confiance en vous?

  3   Réponse: Oui, on pourrait le dire. Je suis un policier qui est conscient

  4   de ses connaissances et en travaillant pendant 25 ans, je n'ai jamais eu

  5   de problèmes en raison de cette façon de procéder, donc il est évident que

  6   j'ai une certaine confiance en moi-même.

  7   Cette confiance en soi devait maintenant être utilisée contre une nouvelle

  8   police spéciale qui n'est plus celle des temps de Tito. C'était là qu'il

  9   fallait maintenant peser le pour et le contre de l'intervention.

 10   Question: Mais vous l'avez fait parce que vous saviez que c'était une

 11   bonne chose, que c'était la bonne chose à faire?

 12   Réponse: Bien, j'étais convaincu que ce que je pouvais faire, c'était de

 13   faire un petit commentaire que cela ne se faisait pas. Ce n'était pas si

 14   brutal que cela. Nusret Sivac n'a pas été éraflé, il n'a pas été maltraité

 15   de façon drastique mais c'était humiliant par rapport à ce qui se faisait

 16   dans des conditions normales. Nous pourrions nous exprimer ainsi, si vous

 17   le voulez.

 18   Question: Cette préoccupation qui était la vôtre pour ce qui est de cette

 19   façon d'agir, en avez-vous parlé à Zeljko Mejakic? Avez-vous essayé de

 20   vous entretenir avec lui aux fins d'empêcher ce type de comportement à

 21   l'avenir?

 22   Réponse: Il y a eu des entretiens de ce type. Beaucoup de gens le

 23   disaient, une partie des gardiens voulaient s'en aller. Je ne peux pas

 24   maintenant entrer dans l'âme de tout un chacun, mais une partie des

 25   gardiens voulaient jeter leur fusil et s'en aller parce qu'ils ne


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  1   pouvaient pas travailler convenablement en raison de cette police

  2   spéciale.

  3   Et cela était chose courante au début, pendant la semaine ou les deux

  4   semaines où cette police spéciale est intervenue. Zeljko lui-même disait:

  5   "Mais je ne sais que faire!" Et nous avons vu dans les documents que nous

  6   avons vus ici ce qui s'est passé, que Simo Drljaca a dû intervenir,

  7   collecter des informations à partir du quartier général, en provenance du

  8   camp, envoyer un responsable de Banja Luka pour se présenter au quartier

  9   général et demander des informations au sujet de ces personnes qui

 10   n'étaient plus sous contrôle, qui n'étaient même plus sous le contrôle de

 11   leur propre commandant, de leur propre chef.

 12   Question: Et Drljaca, vous a-t-il apporté son soutien pour ce que vous

 13   avez fait?

 14   Réponse: Mais quel Drljaca? Drljaca ne pouvait pas me voir de ses yeux, il

 15   n'avait pas à m'apporter de soutien. J'ai vu ici un document qu'il avait

 16   rédigé à Banja Luka. Et pour ce qui est des relations entre moi-même et

 17   Drljaca, c'est une histoire tout à fait autre.

 18   Question: En fait, je ne vous avais pas posé cette question sur un plan

 19   personnel mais professionnel. Votre attitude avait été soutenue, vous

 20   n'avez pas été averti, vous n'avez pas eu de conséquences officielles à

 21   subir. Et maintenant que je viens de vous apporter ces explications, je

 22   voudrais que vous me disiez si Drljaca avait apporté son soutien à cette

 23   position-là. Avait-il remis de l'ordre là-bas?

 24   Réponse: Je ne sais pas quelles sont les informations qu'il a obtenues.

 25   Moi, je n'ai pas fait l'objet d'un avertissement quelconque mais ce que je


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  1   sais, c'est que cette police spéciale a fini par quitter les lieux. Et si

  2   cela peut constituer une réponse, eh bien cette police spéciale est

  3   partie. Nous avons vu ici, dans ces documents, qu'il y a eu une espèce de

  4   correspondance entre Drljaca et le coordinateur du quartier général ou de

  5   la cellule, comme l'a dit la dame qui a témoigné l'autre jour.

  6   Question: Et lorsque ces gens sont partis, à votre avis, pouvait-on voir

  7   qu'un contrôle accru a été mis en place parmi les policiers, donc il n'y a

  8   plus eu d'actes de sauvagerie qui vous avaient si ébranlé et qui

  9   survenaient pendant que la police spéciale s'y trouvait encore?

 10   Réponse: Non, la réponse vient par elle-même. Après leur départ, il n'y a

 11   plus eu de comportements sauvages. Je ne peux pas vous répondre par oui ou

 12   par non. Je ne peux que vous parler de ce que j'ai vu, et je n'ai pas vu

 13   de comportements sauvages, ni de la part des autres ni, comme je l'ai dit

 14   auparavant, dans la nuit où l'un des membres de la famille de ma femme

 15   s'est vu confisquer sa montre, son argent, ses bijoux.

 16   Je parle de Dedo Crnalic. Je crois que le commandant, le chef de cette

 17   police spéciale avait été Lukic. Peut-être me trompé-je de nom de famille

 18   mais je crois que c'est Lukic.

 19   Question: Pouvez-vous donner une date concernant le départ de cette police

 20   spéciale d'Omarska?

 21   Réponse: Eh bien, deux semaines après le début, ils étaient venus je pense

 22   le 29 ou le 30 au soir. Je ne saurais vraiment vous dire avec exactitude.

 23   Question: Du mois de mai?

 24   Réponse: Oui, du mois de mai. En d'autres termes, ils sont repartis vers

 25   le 14 ou le 15 juin. Ils faisaient de l'effet, ils avaient des véhicules


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  1   de combat avec eux et ce genre de choses.

  2   Question: Et vos propres gardiens étaient-ils troublés par leur présence

  3   là-bas?

  4   Réponse: Dans les observations que j'ai entendues, d'après ces

  5   observations je sais que certains gardiens voulaient jeter leurs armes et

  6   s'en aller. Maintenant, avec le recul, je crois que certaines personnes

  7   avaient fui, avaient évité d'aller au travail pour ces raisons-là

  8   justement, parce qu'il leur arrivait de venir faire leur équipe et, une

  9   fois interpellés par Zeljko ou par celui qui était de permanence, qui lui

 10   avait par exemple mis un signe "plus" pour qu'il dise qu'il était

 11   effectivement venu au travail, et là la tâche de celui qui était de

 12   permanence, eh bien une fois qu'ils s'étaient présentés et avaient obtenu

 13   ce signe "plus", ils s'en allaient, ils repartaient.

 14   Donc les gens se débrouillaient de façon très variée, certaines gens

 15   j'entends, et là je fais une fois de plus la distinction.

 16   Question: Je vais essayer de retrouver le passage et de vous poser la

 17   question appropriée. Vous souvenez-vous que, parlant de choses

 18   préoccupantes survenant dans le camp, vous vous étiez entretenu avec Kos

 19   ou peut-être Gruban, et concernant vos préoccupations relatives aux

 20   circonstances dans le camp vous en êtes-vous entretenu avec eux?

 21   Réponse: Rien d'officiel, rien en qualité de communication de service

 22   entre moi et eux. En notre qualité d'individus, souvent ou au cours de ces

 23   équipes nous nous retrouvions ensemble. Faisant partie de la même équipe,

 24   je puis admettre que certains sujets aient pu venir sur le tapis

 25   concernant les conditions qui n'étaient pas des meilleures, ou ceci ou


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  1   cela.

  2   Mais pour essayer de comprendre ce que vous vouliez me demander, je tiens

  3   à dire aussi que je n'étais pas inquiété pour moi-même. Et je dois dire

  4   aussi qu'un témoin, qui n'est pas venu ici mais qui a fait une déclaration

  5   écrite, avait dit que j'avais beaucoup maigris. C'est un témoin que l'on

  6   n'a pas fait venir au prétoire -je ne sais pas pourquoi-, mais il avait

  7   apporté certains éclaircissements, pas mal d'autres éclaircissements sur

  8   d'autres sujets afin que nous n'ayons pas nous-mêmes à en traiter.

  9   Question: Penchons-nous brièvement sur cette page 60 de votre entretien

 10   avec M. Reid, en anglais ce serait la page 60, alors qu'en BCS il

 11   s'agirait de la page 65. Je voudrais savoir si vous avez trouvé la page?

 12   Oui.

 13   Alors, au bas de cette page, Reid vous demande, vous pose une question

 14   concernant les conditions de l'installation des détenus au centre ou au

 15   camp, et vous avez dit: "Je ne m'en souviens pas."

 16   Ensuite Reid vous demande: "Vous êtes-vous jamais entretenu de ce manque

 17   de toilettes, qui étaient bouchées, qui n'étaient pas...?"

 18   Vous avez répondu: "Oui, c'est possible mais nous ne pouvions rien

 19   changer." Ensuite vient une question: "Mais pourquoi en est-il ainsi?

 20   Pourquoi n'avez-vous rien pu changer?"

 21   Vous avez dit que vous n'avez rien pu changer, mais M. Mejakic lui aussi

 22   avait exprimé sa préoccupation, vous avez exprimé votre préoccupation, MM.

 23   Kos et Gruban aussi s'étaient dit également préoccupés. Si je puis dire

 24   les cinq policiers les plus expérimentés avaient exprimé leurs

 25   préoccupations, et toutefois rien n'a été fait. Maintenant nous passons au


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  1   sommet de la page 61, où vous dites: "Je ne vois pas ce que nous pouvions

  2   faire. Je pouvais apporter de quoi manger de chez moi, et c'est tout. Je

  3   n'avais pas d'autres obligations. Mais humainement parlant, nous ne

  4   pouvions rien faire, nous ne pouvions pas construire un nouveau bâtiment."

  5   Puis-je vous demander à ce sujet: vous aviez des équipements d'entretien,

  6   des pelles, des marteaux enfin des outils de base qui devaient pouvoir se

  7   trouver dans l'enceinte d'un complexe industriel, au moins on pourrait

  8   dire que c'est une mine qui devait disposer de tout cela?

  9   Réponse: Je suis policier, je viens d'un département de poste de police.

 10   Nous n'avions pas de marteaux ou d'outils. Mais là-bas, dans la mine, il

 11   pouvait y avoir aussi bien des hélicoptères, je n'en sais rien. Il y avait

 12   un directeur, ce que l'on entendait par directeur, qui disposait de ce

 13   matériel, dont vous avez parlé, et je pense effectivement qu'il devait y

 14   avoir du matériel de ce genre. Mais moi, je n'ai rien vu de concret.

 15   J'imagine que dans une telle entreprise, une entreprise de cette envergure

 16   il devait y avoir forcément des marteaux.

 17   Question: Vous-même ou quiconque des personnes, dont j'ai mentionné les

 18   noms, avez-vous essayé de trouver du matériel ou des outils pour par

 19   exemple fabriquer des toilettes de campagne qui auraient pu être utilisées

 20   comme toilettes d'appoint? Est-ce que quelqu'un a essayé de le faire au

 21   moins?

 22   Réponse: Je n'ai nulle part remarqué du matériel de ce type, donc pas de

 23   matériel à portée de mains pour entreprendre des actions de ce type. Il y

 24   avait là-bas des engins très lourds. Il n'y avait pas de planches par

 25   exemple, de pelles, de lambris, il y avait beaucoup d'engins mécaniques


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  1   qui avaient des pelles d'excavation qui prenaient par exemple 20 m3 d'un

  2   coup, mais vous n'aviez pas de petits outils, de matériels qui pouvaient

  3   se trouver à portée de mains. Je n'ai rien remarqué de ce genre.

  4   Je tiens aussi à dire qu'il ne nous appartenait pas de nous mêler de ce

  5   type de tâches, étant donné qu'il y avait un directeur du camp, un gérant.

  6   Question: Nous avons vu les ordres émis le 31 mai 1992 et la dernière

  7   disposition prévue par ce document parle de la mise en oeuvre de tous les

  8   paragraphes relatifs et c'est M. Jankovic qui avait été chargé de

  9   l'application de toutes les mesures dans la chaîne de commandement de la

 10   police.

 11   La question que je voudrais poser est la suivante: est-ce que personne n'a

 12   donc essayé de trouver du matériel qui pourrait se trouver logiquement au

 13   sein du complexe industriel et creuser par exemple un trou qui pourrait

 14   servir de toilettes? Est-ce que personne ne l'a fait?

 15   Réponse: Je n'ai rien remarqué de particulier. Nous sommes en train de

 16   parler à titre hypothétique: est-ce que quelqu'un s'est entretenu avec

 17   quelqu'un, est-ce que Jankovic en a parlé avec le directeur Babic ou avec

 18   quelqu'un d'autre appartenant à une autre équipe?

 19   Eventuellement, je ne peux pas vous en parler. Moi, je n'ai pas remarqué

 20   que l'on faisait quoi que ce soit. Je sais qu'il y avait un certain nombre

 21   de toilettes; de là à savoir si c'était suffisant, je ne saurais vous le

 22   dire. Probablement non, compte tenu du nombre de personnes qui s'y

 23   trouvaient.

 24   Question: Vous avez vu que les gens ne pouvaient pas se laver, je crois

 25   même que vous avez dit à un moment que vous passiez à côté de certains


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  1   robinets, et je voudrais savoir si quelqu'un a eu l'idée de ménager un peu

  2   plus de temps pour ce qui était de l'eau que l'on faisait couler pour que

  3   les gens puissent se débarbouiller le visage ou se laver les cheveux?

  4   Etait-ce si difficile à faire?

  5   Réponse: Non, ce n'était pas difficile. A ce robinet, j'ai vu qu'il y

  6   avait tout le temps des gens; il s'agissait d'un robinet avec une espèce

  7   de bac en béton en dessous, et l'eau coulait tout le temps. Lorsque je

  8   passais, et que j'allais et venais, lorsque je regardais par la fenêtre de

  9   cette pièce de permanence, je n'ai jamais vu cet endroit sans y voir

 10   quelqu'un en train de se laver torse nu ou autre chose.

 11   Je n'affirme pas que cela était suffisant, ou que cela était assez bien,

 12   il est fort probable que cela n'ait pas été suffisamment bien. Il aurait

 13   été normal de permettre à des gens de se laver dans des salles de bain.

 14   M. le Président: Nous allons peut-être interrompre pour la pause déjeuner

 15   mais avant de le faire, pour que les choses soient claires, j'aimerais

 16   revenir à cette question des objections, Maître Simic.

 17   J'avais dit que les objections devaient être faites quand il y avait une

 18   raison d'une certaine façon irréversible qui pourrait tout à fait

 19   "enviabiliser" une éventuelle récupération. J'ai suggéré qu'il y avait

 20   toujours l'opportunité des questions supplémentaires pour éclaircir

 21   certains aspects.

 22   Le contenu de votre objection à propos du fait qu'il y avait d'autres

 23   personnes qui cachaient leur sandwich, c'était tout à fait pertinent pour

 24   ce que j'ai dit. C'était possible dans vos questions supplémentaires de

 25   demander après à M. Kvocka "vous avez dit que vous ameniez les sandwiches


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  1   dans la voiture, et que tout le monde pouvait voir: est-ce qu'il y avait

  2   d'autre personnes qui amenaient des sandwiches? Oui. Comment amenaient-ils

  3   ces sandwiches?"

  4   Voilà, c'était tout à fait possible. Les règles que nous avons ici, comme

  5   vous le savez, c'est: une partie présente ces témoins selon un schéma,

  6   interroge son témoin; l'autre partie contre interroge, et la première

  7   partie pose les questions supplémentaires.

  8   Maintenant, nous sommes à la défense: la défense interroge, le Procureur

  9   contre interroge, et la défense pose les questions supplémentaires.

 10   Si chaque fois que vous avez besoin de faire une remarque, de corriger

 11   quelque chose, attirer la Chambre pour une idée, cela mélange

 12   complètement, et il n'est pas possible de travailler.

 13   Donc ordre et discipline, et les règles sont là. C'est-à-dire j'aimerais

 14   bien clarifier cela, notamment pour donner cette situation comme exemple

 15   de ce que j'avais dit. Vous avez beaucoup d'interventions à faire comme

 16   dans les questions supplémentaires, utilisez ce temps, mais laissez

 17   l'autre partie faire son travail. Vous savez toujours que vous êtes à

 18   faire votre travail et vous êtes interrompu, donc quelque chose est

 19   perturbée.

 20   Si vous aimez beaucoup être interrompu, vous pouvez dire au début,

 21   interrompez-moi la plupart des choses que j'aime beaucoup et l'autre

 22   partie va trouver beaucoup de raisons pour le faire, mais si vous n'aimez

 23   pas, respectez aussi l'autre partie quand elle est en train de faire son

 24   travail.

 25   Je répète encore, j'ai dit cela seulement pour que les choses soient


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  1   claires, parce que je ne voudrais pas quand même transformer le temps

  2   d'audience en temps de session de formation. Je sais, Maître Simic, que

  3   vous êtes un avocat très bon, mais vous pouvez améliorer beaucoup.

  4   Donc avec cela on va déjeuner en 50 minutes.

  5   Mme Wald (interprétation): Puis-je ajouter quelque chose, Monsieur le

  6   Président? Je voudrais tout de même intervenir au sujet de ce qu'a dit Me

  7   Simic, j'ai cru comprendre qu'en fait son objection était due au fait que

  8   M. Kvocka avait répondu à la question, donc il avait répondu à une

  9   question, il avait dit quelque chose, mais qu'en version anglaise après

 10   interprétation au compte rendu d'audience en anglais, la totalité de sa

 11   réponse n'avait pas été consignée.

 12   Je pense qu'il y a une différence par rapport à ce qui vient d'être dit,

 13   donc il ne s'agissait pas d'une réponse incomplète mais d'une

 14   interprétation incomplète d'une réponse qui avait effectivement été

 15   prononcée.

 16   Je sais que les interprètes ont un travail très difficile à faire, je

 17   compatis avec eux, mais s'il arrive que l'interprétation ne soit pas

 18   complète par rapport à ce qu'a dit le témoin, je pense qu'il faut peut-

 19   être que l'avocat de la défense attende le moment des questions

 20   supplémentaires pour intervenir; c'est un fondement différent pour une

 21   objection.

 22   M. le Président: Ce n'est peut-être pas le moment de continuer de discuter

 23   cela, je suis d'accord avec ce que Mme le Juge Wald vient de dire. Ce sont

 24   des choses différentes, mais on doit faire confiance aussi dans les

 25   interprètes car sinon on va passer pour Me Simic au-delà du rôle d'être


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  1   avocat aussi d'être interprète. Je dis que je crois qu'il n'arrive aucun

  2   préjudice pour la défense, si la défense même peut dire "je crois avoir

  3   entendu quelque chose de pareil comme cela et maintenant on peut éclaircir

  4   et maintenant on peut" parce que là, vous voyez, sinon on doit faire une

  5   réunion avec les interprètes pour leur demander "avez-vous entendu cela,

  6   pourquoi vous n'avez pas traduit ce que le témoin a dit"?

  7   Ma question est: si nous faisons confiance aux interprètes -je leur fais

  8   confiance-, mais j'accepte quand même qu'il y a quelque chose qui peut se

  9   passer d'une certaine façon. Mais là, c'est à mon avis le travail aussi de

 10   l'avocat ici, c'est se rendre compte que quelque chose s'est passée et du

 11   point de vue du bon déroulement des travaux, c'est peut-être une question

 12   de méthodologie du point de vue du bon déroulement des travaux, c'est

 13   peut-être préférable de reprendre pour les questions supplémentaires que

 14   d'interrompre pour dire "le témoin a dit cela et ce n'est pas passé dans

 15   le compte rendu".

 16   Mais je vous dis que ma préoccupation c'est toujours de maintenir ce que

 17   j'ai dit toujours aux parties, il y a 2 choses à mon avis qui doivent être

 18   respectées et qui sont toujours mais toujours innégociables pour moi comme

 19   condition de faire justice, c'est: traitement équitable des parties et le

 20   respect absolu pour le contre-interrogatoire, le principe du

 21   contradictoire.

 22   Donc s'il y a "équitabilité" des parties et on donne toujours à l'autre

 23   partie l'opportunité de répondre, je crois qu'aucune personne de bonne foi

 24   peut dire qu'on n'a pas fait la justice. Vous voyez je pense. Donc c'est

 25   un peu cela que je dis.


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  1   Je ne dis pas à Me Simic "vous ne pouvez pas poser cette question", on

  2   discute de l'opportunité et la meilleure façon de le faire du point de vue

  3   de l'efficacité des travaux.

  4   Je suis d'accord avec ce que Mme le Juge Wald a dit, ce n'est pas une

  5   question de forme et c'est pourquoi je crois que vous avez l'opportunité

  6   c'est seulement prendre une note, Me Lukic est ici pour faire une équipe,

  7   donc mettre une note et en questions supplémentaires on reprend la

  8   question. Comme je vous ai dit c'est seulement pour maintenir un certain

  9   ordre et discipline dans les travaux sinon on fait un mélange d'où il est

 10   très difficile de sortir.

 11   Donc je maintiens encore maintenant les 50 minutes pour la pause et je

 12   crois qu'on va au moins conforter nos estomacs et nous allons récupérer

 13   beaucoup. Donc 50 minutes.

 14   (L'audience, suspendue à 13 heures 03, est reprise à 13 heures 59.)

 15   M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

 16   Maintenant, réconfortés avec une bonne discussion et un bon déjeuner, nous

 17   sommes en condition de continuer.

 18   Madame Somers, s'il vous plaît?

 19   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 20   Monsieur Kvocka, en corroboration de la déposition d'un témoin qui a été

 21   cité par la défense, vous avez soumis une déclaration sous serment de la

 22   personne appelait Rade Knezevic. Est-ce que vous le connaissiez

 23   personnellement?

 24   Réponse: Oui, très bien.

 25   Question: L'un des commentaires contenus dans la déclaration sous serment


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  1   de M. Knezevic, je peux lire cela à moins que les Juges préfèrent que je

  2   place cela sur le rétroprojecteur...

  3   L'un des commentaires fait par M. Knezevic concerne le recours à la force

  4   dans le cadre de l'application de la loi en ex-Yougoslavie.

  5   Je me demande si vous pouvez m'aider en m'expliquant ce qu'il souhaitait

  6   dire, je cite: "Pendant que je travaillais à Omarska, le fait d'élever le

  7   ton, de crier ou même de gémir pouvait être entendu par certains policiers

  8   au cours des interrogatoires. Ceci s'expliquait par le fait qu'il y avait

  9   un grand nombre de nouveaux enquêteurs et des réservistes qui avaient peu

 10   d'expérience et qui se mettaient facilement en colère. Je n'ai jamais été

 11   au sein d'une pièce d'interrogatoire et je n'ai jamais vu ce genre de

 12   pratique, c'est-à-dire le recours à la force, mais je dois mentionner

 13   néanmoins que sur le territoire de l'ex-Yougoslavie souvent les policiers

 14   avaient recours à la force au cours de leurs interrogatoires afin

 15   d'extraire des confessions et ce genre de choses".

 16   Est-ce que vous pouvez nous dire tout d'abord quel était le poste de Rade

 17   Knezevic au camp d'Omarska pendant que vous vous y trouviez?

 18   Réponse: Il était enquêteur. Avant, il était enquêteur au sein de la

 19   police et par la suite aussi. Je ne sais pas si c'était son poste mais

 20   c'était son emploi, sa mission de travail.

 21   Question: Est-ce que ceci veut dire qu'il était la personne qui menait les

 22   interrogatoires?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Etes-vous d'accord avec son commentaire, le commentaire contenu

 25   dans la déclaration sous serment que je viens de lire, sur le fait que le


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  1   recours à la force dans la pratique de la police en ex-Yougoslavie était

  2   acceptable, partagez-vous cette opinion?

  3   Réponse: Eh bien, le recours à la force, d'après le règlement, n'est pas

  4   acceptable mais, dans la pratique, cela existait. Je suppose qu'il parlait

  5   de la pratique. Je pense que je pourrais être en grande partie de d'accord

  6   avec lui. Lors de certaines enquêtes, parfois les gens avaient recours à

  7   la force.

  8   Moi, normalement, je n'assistais pas aux enquêtes, aux interrogatoires. Je

  9   ne l'ai jamais fait.

 10   Mais dans la pratique, parfois effectivement, des policiers, et là je

 11   parle des policiers en général, policiers, inspecteurs, parfois ils

 12   avaient recours à la force. Et puis là, ceci s'applique également aux

 13   policiers qui veillaient au maintien de l'ordre public. Parfois, lors de

 14   leurs interventions, ils dépassaient la limite de ce qui est acceptable.

 15   Ils ne s'arrêtaient pas en deçà de la limite de l'emploi de la force.

 16   Parfois, l'ordre est rétabli mais au cours de l'intervention parfois la

 17   personne qui commettait l'infraction recevait quelques coups également, et

 18   je pense que c'est cela la pratique dont cette personne, M. Knezevic, a

 19   parlé.

 20   Question: Avez-vous travaillé avec lui avant de le voir au sein du camp

 21   d'Omarska?

 22   Réponse: Nous avons travaillé dans la même institution, c'est-à-dire le

 23   poste de sécurité publique de Prijedor. Moi, je travaillais au poste

 24   général de police et, lui, il travaillait au sein de la section de la

 25   police judiciaire. Mais il a pris sa retraite quelques années avant la


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  1   guerre, je ne sais pas exactement quand.

  2   M. le Président: Excusez-moi d'interrompre.

  3   Monsieur Kvocka, par rapport à cette pratique dont nous parlons, est-ce

  4   qu'il y avait quelques différences entre les personnes qui avaient fait

  5   cette formation ou leur formation dans l'école pour policiers et d'autres

  6   policiers qui n'avaient pas fait cette formation? Est-ce qu'il y avait

  7   quelques différences, de votre point de vue?

  8   M. Kvocka (interprétation): A mon avis, oui. Les personnes, et à l'époque

  9   elles étaient peu nombreuses, les policiers qualifiés, ceux-là ils

 10   savaient à quel moment les raisons permettant d'avoir recours à la force

 11   cessaient d'exister. Je suppose qu'ils avaient moins de mal que les autres

 12   à appliquer ces règles-là.

 13   M. le Président: Merci. Excusez-moi, Madame Somers.

 14   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 15   Monsieur Knezevic, avant d'avoir pris sa retraite, était-il un policier

 16   actif?

 17   M. Kvocka (interprétation): C'était un inspecteur actif dans le secteur

 18   des crimes graves. Il y a travaillé pendant une certaine période je pense,

 19   mais je sais qu'il y a travaillé. Il était un inspecteur très connu. Je

 20   pense que dans sa carrière ou au cours des dernières années de sa

 21   carrière, il n'a jamais eu de crime dont il était chargé qui n'a jamais

 22   été élucidé, donc il était plutôt très connu et respecté dans son service.

 23   Question: Et est-ce que vous saviez qu'il employait certaines tactiques

 24   afin de faire avouer certaines choses aux personnes, et est-ce que dans le

 25   cadre de sa pratique, il employait également la force ou la force


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  1   exagérée?

  2   Réponse: Non, on n'a jamais entendu parler de ce genre de comportement de

  3   sa part.

  4   Question: Vous souvenez-vous d'un quelconque moment au sein de votre

  5   carrière, dans un quelconque département dans lequel vous avez travaillé,

  6   où la force excessive ou la force tout simplement a été employée à

  7   l'encontre d'un individu non armé ou à l'encontre d'un suspect qui a

  8   entraîné une action disciplinaire?

  9   Réponse: Mais contre lui?

 10   Question: Contre un quelconque policier à l'endroit où vous avez

 11   travaillé. Est-ce que vous êtes au courant d'une quelconque mesure

 12   disciplinaire qui aurait été prise contre un officier, un enquêteur, un

 13   policier au sein des institutions dans lesquelles vous avez travaillé.

 14   Réponse: Vous savez, souvent il y a eu des actions disciplinaires, mais si

 15   vous voulez que je vous donne les détails concernant les personnes qui ont

 16   fait l'objet de ces mesures disciplinaires et les autres détails, il me

 17   serait difficile de vous le dire. Mais effectivement, un certain nombre de

 18   personnes qui travaillaient avec nous ont fait l'objet de mesures

 19   disciplinaires.

 20   Question: Mais pour autant que vous vous en souveniez, vous ne vous

 21   souvenez pas d'actions disciplinaires qui ont été intentées contre

 22   quelqu'un parce que la personne a employé la force, a eu recours à la

 23   force excessive à l'encontre d'un suspect en détention provisoire, en

 24   garde à vue?

 25   Réponse: Je ne me souviens pas concrètement quelles sont les personnes qui


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  1   ont fait l'objet de ce genre d'actions disciplinaires. Vous savez, c'est

  2   très difficile. Si le policier dépasse ses compétences, cela devient même

  3   un délit, donc c'est le Procureur général qui est compétent, qui a la

  4   compétence pour le poursuivre.

  5   En ce qui concerne la procédure disciplinaire, elle ne s'applique donc

  6   plus nécessairement... j'ai oublié maintenant le terme exact, mais de

  7   toute façon, le fait de dépasser ces autorisations en matière de recours à

  8   la force, vous savez, d'habitude ceci se produit dans le cadre des

  9   interventions des policiers, ce sont surtout les policiers qui sont

 10   concernés par cela.

 11   Par exemple, il y a eu une bagarre dans un café et puis tout se calme

 12   suite à l'intervention du policier et par la suite, lorsque tout est

 13   calme, le policier par exemple donne des coups. A ce moment-là, il a

 14   dépassé ses autorisations, ses compétences.

 15   Question: Etiez-vous jamais dans un quelconque des autres camps de la

 16   région: Manjaca, Keraterm, Trnopolje pendant que ces camps-là

 17   fonctionnaient?

 18   Réponse: Pas à Trnopolje, surtout pas à Manjaca. Je suis passé plusieurs

 19   fois à côté de Trnopolje en prenant la route. Pardon, Keraterm. Je suis

 20   passé plusieurs fois à côté de Keraterm en prenant la route. Je ne suis

 21   jamais allé à Manjaca. C'est plutôt loin, le chemin ne m'y a jamais mené.

 22   Et je ne suis allé à Trnopolje qu'une seule fois, lorsque j'y suis allé

 23   pour faire sortir mes beaux-frères qui s'y trouvaient.

 24   Question: Le poste de police à Prijedor, les postes de police de Prijedor

 25   se trouvent à quelle distance par rapport à Keraterm?


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  1   Réponse: 3 à 4 kilomètres.

  2   Question: Je ne me souviens pas ce qui est sur votre chemin en premier,

  3   mais la route menant à Keraterm, est-ce que c'était toujours la même

  4   route?

  5   Réponse: En allant de Banja Luka, l'usine qui s'appelait Keraterm se

  6   trouve à l'entrée même de la ville de Prijedor, à droite. Ensuite, il faut

  7   poursuivre en prenant le même chemin et tourner vers la ville de Prijedor,

  8   le centre-ville, parce que la route poursuit plus tard vers d'autres

  9   villes. Ensuite, donc vers Bosanski Novi. Et ensuite, en tournant vers le

 10   centre-ville, vous irez jusqu'au poste de police qui se trouve au coeur

 11   même de la ville.

 12   Question: Et Tukovi ou bien le poste de police en temps de guerre se

 13   trouvait à quelle distance du poste de police principal de Prijedor?

 14   Réponse: Environ 3 kilomètres, peut-être même 4. Il m'est difficile de le

 15   dire avec exactitude.

 16   Question: Hier, nous avons parlé de certaines choses et je souhaite que

 17   vous nous apportiez des éclaircissements. Vous avez parlé hier d'un

 18   changement structurel au sein du poste de police d'Omarska, qui s'est

 19   opéré en mai 1992 ou avant le mois de mai 1992, et Omarska à ce moment-là

 20   est devenu un poste de police.

 21   Réponse: En mai 1992, je ne l'ai jamais dit, non. Il n'y a pas de

 22   changement, je ne l'ai jamais dit vraiment.

 23   M. le Président: Monsieur Simic? Oui, nous avons discuté cela hier, mais

 24   M. Kvocka ne laisse rien passer.

 25   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je sais qu'il ne


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  1   laisse rien passer, mais avec tout le respect que je vous dois je...

  2   M. le Président: Je crois qu'on s'est superposés (que nos voix se sont

  3   superposées) donc il y a des choses qui sont perdues dans le compte rendu,

  4   mais pas de problème. Allez-y Maître Simic.

  5   M. K. Simic (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois, je

  6   dois dire que le but de mon objection n'était pas la même chose que ce que

  7   M. Kvocka a dit. Monsieur Kvocka est quelqu'un d'intelligent, mais moi en

  8   tant que son avocat, je dois le protéger. Si j'acceptais le concept

  9   qu'essaie de faire passer mon éminente collègue, pendant trois jours je

 10   devrais faire la même chose dans le cadre des questions supplémentaires en

 11   disant "voilà, je vais vous faire la citation page 15, ligne 24 etc.

 12   etc.". Donc pour raccourcir la procédure, je souhaitais agir pour dire que

 13   ce genre de constatation et de question directrice ne devrait pas être

 14   permise. Je m'excuse encore une fois et je vous remercie.

 15   M. le Président: Madame Somers, cela tient à voir avec ce qu'on voit dans

 16   le compte rendu encore et qui est en train de disparaître.

 17   (En anglais interprétation) Lorsqu'il y a eu un changement dans le poste

 18   de police d'Omarska. Nous avons déjà discuté de cela.

 19   Mme Somers (interprétation): Oui, j'en ai parlé.

 20   M. le Président: Oui mais posez votre question. Ce n'est pas une

 21   affirmation. Je crois que nous avons discuté cela hier, donc ce n'est pas

 22   une acquisition. Vous ne pouvez pas affirmer que ce qui était maintenant

 23   le département d'Omarska est redevenue une "police station". Cela est en

 24   cause! Donc ne l’affirmez pas, posez la question. La question, Madame

 25   Somers. Nous, nous sommes encore dans les allégations finales. Là, vous


Page 8207

  1   pourrez l'affirmer. Mais ici, non, vous êtes à contre-interroger un

  2   témoin. Allez-y!

  3   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  4   Je me fondais dans ma question sur ce qui a été lu dans l'interview entre

  5   M. Reid et M. Kvocka. Je comprends, pas de problème.

  6   M. le Président: Sinon, posez des questions claires, concrètes et

  7   concises, et vous éviterez toutes les objections. Allez-y!

  8   Mme Somers (interprétation): Monsieur Kvocka, le terme "poste de police"

  9   en temps de guerre, notamment s'agissant d'Omarska, est-ce qu'il s'agit là

 10   d'un terme dont vous êtes au courant?

 11   M. Kvocka (interprétation): Théoriquement.

 12   Question: Je souhaite demander à l'huissier de distribuer la pièce à

 13   conviction 3/208.

 14   (Le document est remis au témoin et aux parties.)

 15   Monsieur Kvocka, vous avez devant vous une liste en date du 21 juin 1992,

 16   qui émane d'une unité d'organisation qui a été appelée le poste de police

 17   d'Omarska en temps de guerre. Est-ce que vous reconnaissez certains noms

 18   qui figurent sur cette liste? Si c'est le cas, pouvez-vous nous lire les

 19   noms que vous reconnaissez pour que nous puissions identifier le

 20   département et savoir s'il s'agit du même département?

 21   Réponse: Oui, à première vue, je connais plusieurs personnes mais en fait

 22   pas nécessairement. Il faut que je m'en souvienne, des membres de l'armée,

 23   de l’assistance, ici je ne connais presque personne, les employés au sein

 24   du RGR, au sein de la mine de fer. Je pense que je connais Cedo Vuleta,

 25   Dranko Guzman. Cedo Vuleta, je le connais parce qu’il y était l’autre


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  1   jour. Milorad, je le connais, il était chauffeur.

  2   M. le Président: On peut vous suivre plus rapidement. C'est plus facile

  3   parce que nous sommes habitués à ces noms. Allez-y, s’il vous plaît.

  4   M. Kvocka (interprétation): Voici en ce qui concerne la liste où il est

  5   écrit "les membres de l'armée qui fournissent l'assistance", je pense que

  6   je ne connais que le n°10, Uros Vuceta, si c'est le même puisque parfois

  7   plusieurs personnes portent les mêmes nom et prénom.

  8   Ensuite, section 2 "les employés permanents dans les équipes travaillant

  9   au sein du RGR", c'est-à-dire la mine de fer, donc j'ai dit le n°10 Branko

 10   Kicema, n°11 Milorad Stakic, Cedo Vuleta le n°18, Branko Rosic n°21,

 11   Dragomir Mamuza n°26, je le connais lui aussi, et puis certaines autres

 12   personnes peut-être mais il m'est difficile de m'en souvenir.

 13   Question: Est-ce que vous vous souvenez d'autres personnes qui sont

 14   mentionnées dans la partie des personnes chargées de l'intendance, telles

 15   que les cuisiniers, les bouchers et les chauffeurs qui transportaient la

 16   nourriture?

 17   Réponse: Eh bien, Zoran Delic, je le connais. Novak Ratkovic, je le

 18   connais, on l'appelait Novo. Le n°5 Krstan Zavisic, je le connais. Le n°7

 19   Pero Rendic, je le connais. Je connais le n°8 aussi, Ranko Radanovic. Le

 20   n°9 Milan Andic. Le n°10 Vinka Andic, ajouté à la main, je le connais

 21   aussi.

 22   Question: Donc en ce qui concerne les autres numéros, Seva ou Dervida,

 23   vous ne vous en souvenez pas maintenant, mais est-ce que vous avez

 24   l'impression que peut-être vous connaissiez la personne sans reconnaître

 25   le nom?


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  1   Réponse: C'est possible.

  2   Question: Dites-nous, s’il vous plaît, en ce qui concerne les personnes

  3   dont le nom figure sur cette liste, est-ce qu’elles dépendaient du même

  4   poste de police d'Omarska que celui au sein duquel vous avez travaillé, y

  5   compris lorsque vos fonctions ont été transférées au camp d'Omarska

  6   pendant une certaine période donc? Est-ce qu'il s'agissait de votre poste

  7   de police?

  8   Réponse: Non.

  9   Question: Et quelle était la différence, parce qu'ici il est dit "le poste

 10   de police en temps de guerre d'Omarska ", et ensuite nous y trouvons la

 11   description du personnel. Comment comprenez-vous les termes: le poste de

 12   police en temps de guerre? Nous le trouvons en haut du document en date du

 13   21 juin.

 14   Réponse: Eh bien, les termes "poste de police en temps de guerre" ou

 15   "poste de police de réserve" s'employaient souvent, mais ici nous pouvons

 16   voir une liste des noms dont aucune personne n'appartenait au poste de

 17   police, au département de la police d'Omarska. Là, il s'agit d'une sorte

 18   de préparation pour une sorte de police de guerre, du regroupement des

 19   personnes qui devaient assurer la sécurité au sein du centre de

 20   regroupement.

 21   Question: Est-ce que vous avez l'impression qu'en fait il s'agissait ici

 22   du personnel qui devait fournir l'assistance à votre poste de police, le

 23   poste de police d'Omarska, dans le cadre de leur travail au centre de

 24   regroupement?

 25   Réponse: C'est possible mais en fait, quand j'y repense, ce n'est pas


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  1   possible parce qu'aucune de ces personnes ne travaillait dans le poste de

  2   police d'Omarska, et c'est écrit d'ailleurs, il y a les groupes, les

  3   membres de l'armée, les employés du RGR, les employés dans la

  4   restauration, etc. Donc aucune de ces personnes ne travaillait au sein du

  5   poste de police d'Omarska.

  6   Question: Oui, physiquement non, c'est compréhensible, mais ils ont

  7   travaillé dans le cadre du poste de police d'Omarska et du camp d'Omarska.

  8   Est-ce que c'est comme cela que vous comprenez cette liste avec les noms

  9   et la description de leur fonction? Par exemple, Milan Andic, Pero Rendic?

 10   Réponse: De toute façon, ils ne devaient pas assister le département de la

 11   police d'Omarska, ils ne leur fournissaient pas d'aide. Mais en ce qui

 12   concerne certaines de ces personnes, elles travaillaient dans des secteurs

 13   différents du camp, donc leur lien avec le département de la police est

 14   inexistant.

 15   Il existe un lien entre elles et le camp parce que Zoran Delic était le

 16   cuisinier du camp, et puis d'autres comme Branko Kicema et Milorad Stakic

 17   étaient des chauffeurs dans la mine de fer.

 18   Je n'exclue pas la possibilité selon laquelle ils étaient liés au camp, au

 19   travail dans le camp, mais j'exclue la possibilité de leur lien avec le

 20   poste de police d'Omarska, le département de police d'Omarska. On voit ici

 21   Ranko Radanovic, il était le  commandant de l'état-major de la région

 22   d'Omarska. Il s'agit donc ici d'une haute fonction, il était le commandant

 23   de la région. Ensuite, Andic était l'adjoint du commandant chargé de la

 24   logistique, etc. Et quelqu'un demande que l'on émette des laissez-passer

 25   pour ces personnes-là, mais ces personnes-là n'avaient rien à voir avec le


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  1   département de la police. Mais en ce qui concerne le travail au centre

  2   d'instruction ou dans le camp, c'est possible parce que je connais

  3   certaines de ces personnes.

  4   Question: Très bien. Donc vous nous avez aidé à établir un lien entre leur

  5   travail et le camp, mais lorsque vous parlez des laissez-passer, comment

  6   les expliquer-vous? Est-ce que c'est votre poste de police qui devait les

  7   émettre?

  8   Réponse: Mais ici, il n'est pas écrit qu'ils avaient des laissez-passer.

  9   Question: Mais, Monsieur Kvocka, si vous regardez le haut de ce document,

 10   il y est écrit qu'il s'agit là de la liste des personnes, pardon, de la

 11   liste des employés qui sont responsables de la sécurité dans le centre de

 12   regroupement d'Omarska qui ont besoin de laissez-passer spéciaux. Vous

 13   voyez cela?

 14   Réponse: Oui, c'est justement ce que j'allais dire. On peut voir que

 15   quelqu'un demande des laissez-passer pour ces personnes, mais je ne vois

 16   pas à qui ils s'adressent. Tout simplement la personne adressait la liste.

 17   Question: Le poste de police est-il l'instance d'où normalement sont émis

 18   les laissez-passer, selon votre expérience?

 19   Réponse: Non.

 20   Question: Quelle serait cette instance?

 21   Réponse: Eventuellement le poste de sécurité publique de Prijedor, donc

 22   l'organe qui est supérieur au poste de police à Prijedor. Le poste de

 23   police de Prijedor ne pouvait pas émettre de tels laissez-passer pour

 24   autant que je le sache. La cellule de crise aurait peut-être pu le faire

 25   aussi, mais vraiment votre question dépasse mes compétences. Cela dit, en


Page 8212

  1   période de guerre, il est même plus probable que c'est la cellule de crise

  2   qui émet ce genre de laissez-passer.

  3   M. le Président: Monsieur Kvocka, en regardant ce document, le dernier

  4   paragraphe, est-ce que vous pouvez me dire, j'ai la version anglaise, je

  5   n'ai pas la version française, ce qu'est:

  6   (en anglais) "les agents de police organisés en trois équipes et pour

  7   lesquels des registres sont tenus à jour."

  8   Qui étaient, qui sont ces employés de police?

  9   M. Kvocka (interprétation): Si j'ai bien compris, je pense qu'il est

 10   question là de ceux qui travaillent dans la sécurité, ainsi que d'autres

 11   personnes parce qu'il est écrit également "toutes les autres personnes qui

 12   pénètrent dans le centre de regroupement ne peuvent être exclusivement que

 13   des employés de la police organisés en trois équipes, etc.". Donc ce sont

 14   des gens qui travaillent à la police, qui n'ont pas besoin de laissez-

 15   passer, qui ont des papiers d'identité officiels.

 16   M. le Président: Très bien merci. Excusez-moi.

 17   Mme Somers (interprétation): Est-ce que vous comptiez au nombre des

 18   personnes qui étaient définies par le paragraphe que M. le Président vient

 19   de lire?

 20   M. Kvocka (interprétation): En effet, je n'avais pas de laissez-passer,

 21   j'avais un document d'identité officiel indiquant que j'étais policier.

 22   Question: La signature apposée sur ce document, je la lis ici en

 23   traduction mais sur le document en Serbo-croate, je vois qu'il s'agit de

 24   la signature de Zeljko Mejakic.

 25   Réponse: Oui.


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  1   Question: Donc lui, lorsqu'il utilise l'expression "poste de police en

  2   temps de guerre d'Omarska", est-ce que avec vous il a discuté de

  3   l'utilisation de cette expression?

  4   Réponse: Non, d'ailleurs à mon époque cela n'existait pas. La liste a été

  5   dressée le 12 juin, c'est lui qui l'a faite, mais elle a été signée le 29

  6   juin et nous n'aurions donc pas pu en parler parce que je n'étais plus

  7   présent.

  8   D'ailleurs, il n'avait aucune raison de discuter de ce genre de chose avec

  9   moi. Je ne comprends pas dans quel contexte vous situez votre question.

 10   Question: Nous étions en train de parler...

 11   Réponse: Excusez-moi je voudrais finir. A mon avis, quelqu'un lui a donné

 12   l'ordre de dresser la liste des personnes qui avaient besoin d'un laissez-

 13   passer pour pénétrer à l'intérieur et lui, à ce moment-là, a dressé cette

 14   liste. C'est ce que je réponds en toute logique au sujet de cette liste.

 15   Il a donc remis la liste à la personne qui la lui avait demandée et

 16   lorsque les laissez-passer ont été émis, il est écrit ici que ces laissez-

 17   passer ont été regroupés le 29 juin 1992.

 18   Question: Merci pour votre explication très utile, mais j'essayais de

 19   comprendre le sens exact de cette expression "poste de police en temps de

 20   guerre". Peut-être que vous n'en connaissez pas l'origine, mais nous avons

 21   déjà parlé d'un certain nombre de camps et je prierai M. l'huissier de

 22   distribuer la pièce 3/204.

 23   Réponse: Moi, l'expression "poste de police en temps de guerre", je la

 24   connais, mais c'était une expression théorique. On utilisait les deux

 25   expressions de façon courante: poste de police en temps de guerre ou poste


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  1   de police de réserve.

  2   Question: Donc "poste de police en temps de guerre" correspond, a le même

  3   sens que "poste de police de réserve" à cette époque de guerre, n'est-ce

  4   pas?

  5   Réponse: Oui, il est possible que ceux qui utilisaient ces expressions

  6   pensaient à la même chose. Certains parlaient de poste de police en temps

  7   de guerre et d'autres de poste de police de réserve, mais selon le

  8   règlement, pour autant que je le sache, il ne peut y avoir situation de

  9   guerre qu'après déclaration de guerre. Je n'en suis pas sûr mais c'est ce

 10   que je pense.

 11   Question: Merci. Regardons donc ce document, pièce 3/204, datée du 28

 12   juillet 1992. On lit dans ce document: "Omarska, SC en anglais, avec entre

 13   parenthèses la mention supplémentaire "centre de regroupement", et ce

 14   document est une liste des personnes appartenant à la première catégorie.

 15   Avez-vous, au cours du temps que vous avez passé à Omarska, je sais bien

 16   que ce document date du mois de juillet, mais je vous demande pendant le

 17   temps que vous avez passé à Omarska, si vous avez vu un document du même

 18   genre, document dans lequel les gens étaient classés en différentes

 19   catégories.

 20   Réponse: Non. J'ai vu ce document... D'ailleurs, je ne sais pas si c'est

 21   exactement le même document, mais j'ai vu une liste des personnes

 22   destinées à être envoyées à Manjaca en application de certains critères.

 23   Il y a quelque temps déjà, parmi les documents que vous nous avez

 24   communiqués.

 25   Question: Regardons cette liste, Monsieur Kvocka, et commençons par le


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  1   numéro 6 où l'on trouve le nom de Edna Dautovic.

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Cette personne était dans le camp d'Omarska. Vous rappelez-vous

  4   cette personne?

  5   Réponse: Je ne me rappelle pas particulièrement cette femme, mais après

  6   avoir entendu tous les témoins qui sont venus ici, je suis absolument

  7   certain qu'elle était là-bas. Moi, je ne la connais pas en personne, en

  8   tout cas je ne la connais pas sous ce nom.

  9   Question: Vous rappelez-vous peut-être avoir entendu un témoin déclarer

 10   ici que le corps d'Edna Dautovic a été découvert dans une grotte au cours

 11   de l'été de l'an 2000?

 12   Réponse: Oui, oui. C'est un de vos enquêteurs qui a dit cela dans son

 13   témoignage, je ne me rappelle pas son nom.

 14   (Signe affirmatif de Mme Somers.)

 15   Question: Passons maintenant à un autre nom un peu plus bas dans cette

 16   liste, le n°43. Nous lisons en face du n°43 le nom de [expurgée],

 17   [expurgée]. Cette personne était également à Omarska. Savez-vous quel

 18   était son état physique pendant son séjour à Omarska? Connaissez-vous la

 19   date de son départ? Savez-vous si c'est quelqu'un qui, selon les

 20   allégations prononcées, a souffert de difficultés à Omarska?

 21   Réponse: J'ai entendu à l'époque que parmi les détenus se trouvait

 22   quelqu'un répondant au nom de [expurgée]. On en parlait assez

 23   souvent, sans doute en rapport avec des éléments particuliers

 24   caractérisant son père. Donc j'ai entendu son nom et j'ai cru qu'il était

 25   là-bas, mais je ne l'ai jamais vue.


Page 8216

  1   Question: Le n°46, [expurgée]. Vous rappelez-vous

  2   un témoin vous déclarant ici que son corps a été découvert dans une grotte

  3   à l'été 2000?

  4   Réponse: Oui, oui. Je me souviens avoir entendu ce témoin dire cela.

  5   Question: Passons maintenant un peu plus bas au n°95, Emir Beganovic.

  6   Réponse: Oui?

  7   Question: Vous rappelez-vous un témoignage selon lequel la personne

  8   répondant à ce nom a été gravement passée à tabac pendant son séjour à

  9   Omarska?

 10   Réponse: Je m'en souviens.

 11   Question: Passons maintenant au n°98.

 12   Au fait, la personne dont le nom de famille est Beganovic, c'est bien

 13   cette personne qui était dans votre appartement?

 14   Réponse: Oui, je l'y ai vu deux ou trois fois. Selon les dires de mon

 15   épouse et de la mère de mon épouse, mon épouse et cette personne ont été

 16   inséparables pendant un mois dans mon appartement ou dans la maison de

 17   famille de mes beaux-parents, en raison des événements de Prijedor.

 18   Question: Hajra Hadzic, vous rappelez-vous un témoin déclarant que c'était

 19   la seule personne qui s'était trouvée dans la maison blanche et qu'elle

 20   avait disparu, et qu'on n'avait plus rien entendu à son sujet, ni revu

 21   cette femme par la suite?

 22   Réponse: Je me rappelle cette partie d'un témoignage selon lequel cette

 23   femme était dans la maison blanche. Je ne l'ai jamais vue là-bas. Je n'ai

 24   d'ailleurs jamais vu personne dans la maison blanche, je n'ai jamais

 25   pénétré à cet endroit. Je ne me rappelle pas la teneur exacte du


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  1   témoignage au sujet de la disparition de cette personne.

  2   Question: Votre témoin Mme Markovski ou Markovska, qui était ici la

  3   semaine dernière, vous vous souvenez avoir entendu ce témoin parler de

  4   l'existence de cette première catégorie, n'est-ce pas?

  5   Réponse: Oui, oui.

  6   Question: Aviez-vous le moindre rôle à jouer s'agissant de déterminer qui

  7   aurait son nom dans la liste des personnes appartenant à la première

  8   catégorie?

  9   Réponse: Je vais essayer de répondre à votre question, bien que je ne vois

 10   pas comment je pourrais y répondre.

 11   Je crois qu'il n'existe aucune information qui établisse un lien entre moi

 12   et des listes de ce genre, je n'ai jamais vu une liste quelconque au cours

 13   de mon séjour à Omarska. Pas une seule liste. Aucune liste, absolument

 14   aucune.

 15   De temps en temps, je voyais un papier comportant deux ou trois noms qui

 16   étaient emmenés à Prijedor, pour être ensuite transférés là-bas. Cela

 17   faisait partie du travail du personnel, des trois membres du personnel et

 18   des inspecteurs.

 19   Quant à savoir qui déterminait les catégories et sur quel critère ces

 20   catégories étaient établies, je ne sais rien. Je sais que des rumeurs

 21   circulaient au sujet de l'existence de ces catégories parmi les personnes.

 22   Question: Monsieur le Président, je voudrais simplement informer la

 23   Chambre d'une erreur au compte rendu d'audience page 90, ligne 25.

 24   Nous lisons: "Est-ce que vous avez eu le moindre rôle dans la

 25   détermination des personnes dont les noms se trouveraient sur la liste des


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  1   prisonniers appartenant à la première catégorie?".

  2   On voit dans le compte rendu en anglais le terme "témoin", c'est une

  3   erreur. C'est peut-être une erreur de ma part d'ailleurs, mais c'est une

  4   erreur. Il s'agit de personne simplement.

  5   Monsieur le témoin savez-vous si Mme Hajra Hadzic se trouvait dans la

  6   maison blanche, bien que vous ayez indiqué...

  7   Mme Wald (interprétation): Madame Somers, j'aimerais vous poser une

  8   question.

  9   M. K. Simic (interprétation): Objection, Monsieur le Président.

 10   Objection encore une fois car Mme Markoska a dit de la façon la plus

 11   claire qu'aucun membre du personnel n'a jamais, ne s'est jamais ingéré

 12   dans son travail. Monsieur Kvocka, pour sa part, a dit qu'il ne

 13   connaissait pas Hajra Hadzic et qu'il n'était jamais entré dans la maison

 14   blanche. Alors j'élève vraiment une objection.

 15   M. le Président: Votre logique n'est pas une logique complète.

 16   Monsieur Kvocka peut ne jamais être entré dans la maison blanche, mais il

 17   peut savoir des choses qui se passent là parce que quelqu'un les lui a

 18   racontées ou quelque chose comme cela.

 19   Vous ne pouvez pas dire qu'on ne peut pas demander à M. Kvocka s'il savait

 20   ce qui se passait seulement parce qu'il a dit "jamais je ne suis entré".

 21   Donc je ne vois pas les raisons de votre objection, Maître Simic. C'est

 22   tout à fait raisonnable de demander: "Est-ce que vous savez ce qui se

 23   passait dans la maison blanche?" même s'il a dit: "Jamais je n'y suis

 24   entré", ou non?

 25   M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, si je peux vous


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  1   répondre, je suis entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire,

  2   mais à l'instant une question a été posée qui vraiment est déplacée.

  3   La question consistait à demander au témoin: "Savez-vous qui a déterminé

  4   que Mme Hajra Hadzic devait aller à la maison blanche?"

  5   Monsieur Kvocka avait déjà répondu qu'il ne connaissait pas cette femme,

  6   qu'il ne l'avait jamais vue. Donc nous parlons là d'une question en

  7   particulier, et pas de la façon générale dont les questions sont posées.

  8   Sur le plan général, je suis entièrement d'accord avec vous, Monsieur le

  9   Président.

 10   M. le Président: D'accord.

 11   Madame la Juge Wald?

 12   Mme Wald (interprétation): J'aurais voulu un éclaircissement.

 13   Je crois comprendre, Madame Somers, que vous ne demandez pas le versement

 14   au dossier de cette liste à l'instant même. Mais s'agissant de découvrir

 15   l'authenticité des faits, vous avez passé en revue cette liste et posé des

 16   questions à M. Kvocka à ce sujet, mais je ne vois pas de signature, je ne

 17   vois aucun élément permettant d'authentifier cette liste.

 18   Pouvez-vous nous donner quelques détails?

 19   Mme Somers (interprétation): Oui, Madame la Juge. Cette liste fait partie

 20   de ce que l'on a appelé les documents de Prijedor, qui ont été saisis dans

 21   diverses institutions de la municipalité de Prijedor en application d'un

 22   mandat de perquisition à la fin 1997, si je ne m'abuse. Il y a eu

 23   plusieurs perquisitions.

 24   Mme Wald (interprétation): Non, je n'ai pas besoin de la date mais je

 25   voulais simplement un renseignement de ce genre, car il n'y a aucun signe


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  1   distinctif.

  2   Mme Somers (interprétation): Ce n'est pas rare, Madame la Juge, que des

  3   documents soient découverts qui ont la forme de listes, mais dont nous

  4   n'indiquons pas la source parmi les institutions de Prijedor.

  5   Mme Wald (interprétation): Vous ne savez pas de quelle institution ce

  6   document émane?

  7   Mme Somers (interprétation): Je peux retrouver ce qu'on appelle le

  8   formulaire d'identification et vous le fournir pour identifier ce

  9   document. Cela ne fait pas partie du corps du document, c'est un document

 10   distinct, mais j'aurais grand plaisir à vous le fournir.

 11   Mme Wald (interprétation): Merci.

 12   Mme Somers (interprétation): Je voulais faire savoir à Monsieur le

 13   Président que la question n'était pas "Savez-vous pourquoi Hajra Hadzic a

 14   été dans la maison blanche?" mais "Existait-il un registre indiquant

 15   qu'elle y avait été?" et je demande à poursuivre.

 16   M. le Président: Vous demanderez un éclaircissement, après. Posez la

 17   question en premier lieu.

 18   Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 19   Monsieur le témoin, savez-vous pourquoi cette femme répondant au nom de

 20   Hajra Hadzic s'est trouvée dans la maison blanche?

 21   M. Kvocka (interprétation): Je voulais répondre à cela tout à l'heure mais

 22   la discussion a commencé. J'ai déjà dit que je ne sais absolument pas si

 23   cette femme a été à la maison blanche ou pas. Je n'ai jamais vu une femme

 24   ou d'autres personnes dans la maison blanche. Je sais qu'il y a eu des

 25   prisonniers qui se sont trouvés dans la maison blanche, mais je ne sais


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  1   même pas si une femme s'y est trouvée à quelque moment que ce soit, et moi

  2   en tout cas je ne l'ai pas vue. Elle s'y est peut-être trouvée, peut-être

  3   ne s'y est-elle pas trouvée.

  4   Donc si vous vous savez quelle s'y est trouvée, moi j'ai du mal à répondre

  5   à la question de savoir pourquoi.

  6   Maintenant, on peut continuer théoriquement, philosophiquement, en disant:

  7   si elle s'y est trouvée c'est que quelqu'un l'y a envoyée.

  8   Ensuite on peut demander pourquoi quelqu'un l'y a-t-il envoyée, et nous

  9   pouvons répondre: peut-être quelqu'un pensait-il qu'elle était coupable de

 10   quelque chose. Et nous pouvons poursuivre ce jeu théorique pendant

 11   longtemps mais je ne voudrais pas abuser de votre temps.

 12   M. le Président: Madame Somers, excusez-moi de vous interrompre.

 13   Je voudrais vous demander une chose, Monsieur Kvocka. Vous avez dit que

 14   jamais vous n'avez vu ces listes. J'étais en train de penser que la

 15   question qui s'imposait, c'était de savoir si vous avez entendu parler de

 16   ces listes.

 17   Je n'ai pas même eu l'opportunité de reprendre vos mots exacts parce que

 18   la discussion a commencé comme vous l'avez dit-, mais j'ai noté quelque

 19   chose que vous avez dit, (en anglais): "Je sais que certaines personnes

 20   étaient classées en diverses catégories".

 21   M. Kvocka (interprétation): Oui, j'en ai entendu parler...

 22   M. le Président: Allez-y.

 23   M. Kvocka (interprétation): J'ai entendu des bruits qui circulaient parmi

 24   les gardiens, mais je crois que je les ai entendus un jour ou deux avant

 25   mon départ. On a commencé à ce moment-là à parler de certaines catégories


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  1   s'agissant des personnes qui avaient subi un interrogatoire. On a commencé

  2   à entendre dire qu'il existait des catégories. Etaient-ce A, B, C, ou 1,

  3   2, 3, je crois que les deux termes ont été utilisés, et rien d'autre, rien

  4   de particulier. La question de savoir pourquoi les gens étaient classés

  5   dans une catégorie ou une autre n'a pas été évoquée. Momcilo Gruban,

  6   surnommé Ckalja, m'a appelé un jour à Prijedor par téléphone. Il était un

  7   peu inquiet au sujet d'un de mes beaux-frères. Il n'a pas voulu me dire

  8   exactement de quoi il s'agissait mais moi j'ai pensé que peut-être son nom

  9   avait été mis dans la catégorie des personnes destinées à être transférées

 10   à Manjaca.

 11   Avec tout ce que j'ai entendu après mon séjour dans le camp, voilà ce que

 12   j'ai pensé et l'analyse que je fais de ces catégories.

 13   M. le Président: Est-ce que vous vous souvenez plus ou moins, peut-être

 14   qu'il est difficile de donner une réponse exacte, de la première fois que

 15   vous avez entendu parler de ces listes? Encore mal définies, mais il y

 16   avait quelque chose déjà avez-vous dit. La première fois que vous avez

 17   entendu cela?

 18   M. Kvocka (interprétation): Eh bien, voyez-vous, alors que le centre

 19   d’instruction fonctionnait depuis 4 ou 5 jours, il y a eu un certain

 20   nombre de personnes qui en sont sorties et à ce moment-là un inspecteur,

 21   Ranko Mijic peut-être, je ne suis pas sûr que c'était lui, mais en tout

 22   cas un inspecteur a dit: "les gens appartenant à cette catégorie peuvent

 23   rentrer chez eux". Voilà, c'est la première fois que j'ai entendu le terme

 24   catégorie.

 25   Après, il y a eu un moment pendant lequel on n'a plus jamais entendu


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  1   utiliser le mot "catégorie", plus personne n'a mentionné le mot de

  2   "catégorie", plus personne n'a rien dit au sujet de «catégorie», et enfin,

  3   juste avant mon départ, quelqu'un en a peut-être parlé une fois ou deux,

  4   mais j'en ai surtout entendu parler après mon départ.

  5   L'existence de catégories, le fait que certaines personnes devaient être

  6   transférées à Manjaca, d'autres à Trnopolje et d'autres encore renvoyées

  7   chez elles.

  8   M. le Président: Donc cette première fois aurait été plus ou moins, si

  9   j'ai bien compris, 4 jours après l'ouverture du camp? Plus ou moins.

 10   M. Kvocka (interprétation): Oui, ou peut-être 6 ou 7 jours après, je ne

 11   peux pas vous le dire avec une précision totale, mais c'était un jour où

 12   deux autobus ont été envoyés à Puharska. Je le sais à cause des gens qui

 13   étaient dans ces autobus, ils étaient de ce quartier, et on les a renvoyés

 14   donc en autobus dans ce quartier périphérique de la ville qui s'appelle

 15   Gonja Puharska.

 16   M. le Président: A votre avis, existe-t-il une relation entre le produit

 17   du travail des enquêteurs et la production, si je peux dire ainsi, de ces

 18   listes?

 19   M. Kvocka (interprétation): Oui. Je pense que toutes ces personnes avait

 20   été interrogées, avaient subi un interrogatoire. Dans les conversations

 21   qu'on pouvait surprendre, il était question de la possibilité de laisser

 22   partir ces personnes groupe par groupe après leur interrogatoire.

 23   Mais, et je ne me rappelle pas la date exacte, un moment est arrivée où

 24   cela tout cela a pris fin. Mais il arrivait que des inspecteurs emmènent

 25   telle ou telle personne après l'interrogatoire jusque chez elle dans leur


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  1   voiture à eux. Et puis, une date est arrivée, je ne sais plus si c'est le

  2   15 ou le 20 juillet, où tout cela a cessé.

  3   M. le Président: Maître Simic veut une objection?

  4   M. K. Simic (interprétation): Oui Monsieur le Président. Au sujet du

  5   compte rendu d'audience en anglais, un petit problème. Il y a quelques

  6   mots qui ont sauté.

  7   Monsieur Kvocka a parlé du moment où il a entendu parler de ces groupes.

  8   Il en a entendu parler juste avant son départ d'Omarska et cela ne figure

  9   pas dans le compte rendu.

 10   Est-ce que Mme Somers pourrait reposer la question?

 11   M. le Président: J'ai entendu cela. Moi-même, je l’ai entendu!

 12   (L'interprète: Il s'agit du compte rendu d'audience en anglais, Monsieur

 13   le Président.)

 14   Nous avons beaucoup de problèmes. C'est pour cela que jamais on ne

 15   pourrait dire: "cela a été dit dans la salle d'audience". Jamais!

 16   Par exemple, la session antérieure a fini, pour moi, plus ou moins, je

 17   crois à une heure et 2 minutes. Le compte rendu dit qu'elle a fini à une

 18   heure et 9 minutes, donc ce n'est pas vrai. Nous le savons!

 19   Moi-même, quand je parle ici la langue que je parle et que je vois la

 20   traduction, mon anglais est suffisant pour voir que ce n'est pas cela que

 21   j'ai bien dit. Mais enfin, j'espère quand même qu’en version française je

 22   suis au moins correct.

 23   Donc c'est la question! Nous nous travaillons dans ces conditions de

 24   traduction.

 25   Comme vous le savez, il y a un adage latin, pour les personnes qui se


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  1   rappellent encore du latin, qui dit que "Traductor traditor".

  2   (Interprétation): "Le traducteur est un traître". Ce n'est pas vrai, je

  3   sais que ce ne sont pas des traîtres. (Sans interprétation): Mais c'est ce

  4   que nous disons, c'est-à-dire que quand nous traduisons il y a toujours

  5   quelque chose qui tombe, qui ne passe pas. Donc nous travaillons dans ces

  6   conditions. Nous devons prendre soin de toutes ces petites choses, c'est

  7   difficile.

  8   Encore une autre chose, je voudrais vous dire que vous connaissez tous

  9   toute la question du témoignage par ouï-dire. Quel est le problème? C'est

 10   toujours qu'on passe de l'information d'une personne à une autre, en

 11   chaîne. L'information se perd, se transforme, se modifie. Mais nous devons

 12   quand même savoir que nous travaillons dans des conditions humaines.

 13   Humaines.

 14   Moi, je ne suis pas Dieu, je vous le garantie, je ne suis pas Dieu, et

 15   nous ne sommes pas des anges. Donc nous travaillons dans des conditions

 16   humaines.

 17   Moi-même, je l'ai entendu. De toute façon, je peux demander à M. Kvocka.

 18   Monsieur Kvocka, qu'avez-vous dit? Je crois que vous en avez entendu

 19   parler surtout à la fin de votre séjour au camp.

 20   De quoi avez-vous entendu parler pour la première fois à ce moment-là?

 21   M. Kvocka (interprétation): Tout à fait à la fin de mon séjour dans le

 22   camp, des rumeurs ont circulé au sujet du fait que les gens étaient placés

 23   dans diverses catégories.

 24   Quant à tous les détails à ce sujet, je les ai entendus après mon départ,

 25   notamment de M. Gruban qui m'a raconté qu'il y avait 3 catégories A, B, C,


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  1   etc.

  2   M. le Président: On fait maintenant la relation.

  3   Est-ce que le compte rendu anglais a passé cela maintenant? Bien.

  4   Vous pouvez continuer, Madame Somers, 5 minutes seulement.

  5   Mme Somers (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je suis

  6   consciente de l'heure. Je ne poserai que deux questions au témoin.

  7   Quand Momcilo Gruban vous a appelé au téléphone pour vous parler de votre

  8   beau-frère, qu'avez-vous fait?

  9   M. Kvocka (interprétation): Eh bien, rien de particulier. Simplement

 10   j'étais un peu inquiet. Il m'a dit qu'il avait entendu des bruits selon

 11   lesquels mon beau-frère serait peut-être transféré à Manjaca. C'était

 12   tout.

 13   Mais après cela, moi, j'étais un peu inquiet mais comment vous expliquer?

 14   Je n'étais pas content, je n'étais pas rassuré mais j'étais impuissant, il

 15   n'y avait pas grand-chose que je pouvais faire. Cependant, un peu plus

 16   tard, il m'a rappelé pour me dire que ce n'était pas le cas, d'après ce

 17   qu'il avait appris, et que mon beau-frère était à Trnopolje. C'est lui qui

 18   m'a informé que mes beaux-frères étaient à Trnopolje. A ce moment-là, j'ai

 19   pris certaines dispositions pour essayer de les retirer de Trnopolje.

 20   Question: De quel beau-frère vous a-t-il parlé au téléphone, son nom je

 21   vous prie?

 22   Réponse: Nedzad. C'était celui au sujet duquel il existait des rumeurs

 23   selon lesquelles il aurait participé à des gardes avant les événements,

 24   donc moi dans ma tête, je me suis dit qu'il avait sans doute raconté cela

 25   aux inspecteurs au cours de la conversation, etc.


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  1   Question: Si ces catégories ont commencé à circuler à peu près vers la fin

  2   de l'existence du camp d'Omarska, savez-vous ce qu'il est advenu des

  3   prisonniers qui n'ont été envoyés ni à Manjaca ni à Trnopolje ni à la

  4   maison? Qu'est-il advenu de ces prisonniers?

  5   Réponse: Cela vraiment, je ne le sais pas. Y en a-t-il eu qui n'ont été

  6   envoyés nulle part? A la fin de l'existence d'Omarska, ça vraiment je ne

  7   le sais pas.

  8   Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, c'est peut-être le

  9   moment de suspendre. J'ai d'autres questions à poser mais elles abordent

 10   un autre sujet.

 11   M. le Président: Madame Somers, avez-vous maintenant une estimation du

 12   temps dont vous avez encore besoin pour terminer le contre-interrogatoire

 13   de M. Kvocka?

 14   Mme Somers (interprétation): Oui, le sujet a déjà été évoqué dans la

 15   journée, donc j'ai essayé d'apprécier le temps qui m'est encore

 16   nécessaire. J'espère en finir à la fin de l'audience du matin compte tenu

 17   des préoccupations exprimées au sujet du temps. Donc j'essaierai de finir

 18   au moment de la pause déjeuner.

 19   M. le Président: Très bien. N'oubliez pas, Madame Somers, peut-être n'est-

 20   ce pas le moment de le faire, mais n'oubliez pas que vous avez des

 21   documents dont vous allez demander le versement au dossier par rapport, je

 22   crois, au témoin, au dernier témoin avant M. Kvocka. Mais nous pourrons

 23   traiter de cela à la fin du contre-interrogatoire de M. Kvocka, tous les

 24   documents. D'accord? Vous comprenez?

 25   Mme Somers (interprétation): Oui. Oui, oui, très bien, Monsieur le


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  1   Président. Merci.

  2   M. le Président: Donc demain on se verra à 9 heures 20 ici dans le même

  3   prétoire.

  4   Maître Fila, pardon?

  5   M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser

  6   de vous demander la parole à une heure aussi tardive, mais c'est un moment

  7   tout à fait opportun pour poursuivre sur les propos de Mme le juge Wald.

  8   Tout à fait au début, lorsque les premiers documents ont été présentés,

  9   j'ai déjà demandé quelle était leur origine. En effet, on nous remet des

 10   copies de ces documents qui ne sont pas intégralement traduits, regardez

 11   celui-ci que j'ai entre les mains. En langue serbe, on voit ici une tâche

 12   noire et puis quelque chose est inscrit ici. Dans votre version, tout cela

 13   ne figure pas.

 14   Moi, j'entends, je suis la traduction française comme vous et il y a de

 15   grandes différences entre les deux traductions. En français, on entend

 16   parler sans arrêt de poste de police, département de police, alors qu'en

 17   anglais on ne parle que de poste de police, etc. Mais je voulais prier les

 18   Juges, et je vous prie encore une fois de m'excuser de prendre la parole

 19   aussi tard, j'aimerais que les Juges demandent à Mme Somers de bien

 20   vouloir, avec les documents qu'elle nous communique, nous dire chaque fois

 21   où ces documents ont été découverts, trouvés, et qu'elle nous permette au

 22   moins de voir l'original ici dans le prétoire, parce que moi j'ai envoyé

 23   une lettre à Mme Somers et ma requête a été rejetée.

 24   Nous en parlerons lors d'une conférence de mise en état, mais je ne veux

 25   pas abuser de votre temps, mais je vous montre ici un morceau de papier


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  1   sur lequel ne figure aucune signature, que quelqu'un a écrit quelque part,

  2   peut-être hier. Mais j'ai le plus grand respect pour ma collègue de

  3   l'accusation, je sais que ce document n'a pas été écrit hier et qu'il a

  4   bien été découvert là où Mme Somers dit qu'il a été découvert. Mais nous

  5   ne pouvons pas nous comporter en personnes informées si nous n'avons pas

  6   les détails. Nous sommes des professionnels, nous avons besoin des détails

  7   que je demande.

  8   Merci beaucoup Monsieur le Président. Je vous prie encore une fois de

  9   m'excuser.

 10   M. le Président: Oui, Maître Fila. Maintenant, moi-même j'ai essayé de

 11   voir ce qui était écrit dans l'original et maintenant je vois qu'il est

 12   écrit Omarska "Category 1". Pour cela, il n'était pas nécessaire de

 13   (inaudible).

 14   Madame Somers, pouvez-vous répondre à ces préoccupations?

 15   M. Fila (interprétation): Dieu seul sait qu'est-ce que qui est écrit là-

 16   bas.

 17   M. le Président: Nous parlons de la pièce à conviction 3/204, Maître Fila.

 18   M. Fila (interprétation): Nous parlons de cela, (en serbe) nous parlons du

 19   document qui vient d'être présenté. Sur l'original il y a une tâche noire

 20   et une inscription sur le côté.

 21   M. le Président: Oui et ce que je vois ici, c'est Omarska "catégorie 1".

 22   M. Fila (interprétation): Ce n'est pas écrit en Serbe comme cela.

 23   M. le Président: Peut-être ai-je un document différent du vôtre.

 24   M. Fila (interprétation): Peut-être. Je ne saurais le dire.

 25   M. le Président: Voilà, Madame Somers, les préoccupations. Etes-vous prête


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  1   à donner quelques réponses ou pensez-vous nous répondre à un autre moment?

  2   Mme Somers (interprétation): Je peux indiquer en quelques mots, s'agissant

  3   de la demande que m'a faite Me Fila que j'en ai parlé avec Me Jovanovic et

  4   peut-être Me Fila dispose-t-il de renseignements légèrement erronés.

  5   Si les Juges souhaitent que nous soumettions une requête, nous pouvons le

  6   faire. Nous sommes en train d'essayer de voir si les informations à notre

  7   disposition sont suffisantes pour satisfaire à cette demande.

  8   S'agissant d'indications manuscrites ajoutées sur un document, je vous dis

  9   cela parce que ce document apparemment comporte bien la mention "Omarska

 10   category 1" en anglais. Nous pouvons voir cette indication dans le texte

 11   en anglais. Si c'est une erreur, il faut voir bien sûr.

 12   Puis, pour répondre à Mme le Juge Wald, sur le document distinct dans

 13   lequel le lieu de saisie est indiqué, je peux vérifier d'où vient le

 14   document si cela peut vous aider, Madame le Juge Wald.

 15   M. le Président: La question je crois, Madame Somers, c'est de donner

 16   cette information à la défense afin qu'elle puisse avoir une idée sur

 17   l'authenticité des documents. Autant que je sache, vous présentez le

 18   document maintenant pour la première fois à la défense, donc il faut que

 19   celle-ci ait ces informations. Sinon, comme l'a dit Me Fila, on peut

 20   penser que ce document a été fait hier quelque part. Vous voyez? Je crois

 21   qu'il y a là une question d'authenticité.

 22   Mme Somers (interprétation): Ce que je peux faire afin d'éviter de déposer

 23   moi-même, si la Chambre l'acceptait comme explication ad hoc de notre

 24   pratique, c'est demander s'il n'y a pas d'objection à ce que le document

 25   soit versé au dossier. Je peux dire que le document a été trouvé à tel ou


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  1   tel endroit à Prijedor. La situation est quelque peu défavorable parce que

  2   je ne souhaite pas déposer moi-même, je ne peux pas le faire. Mais sinon,

  3   si l'authenticité est remise en cause, dans ce cas-là...

  4   De toute façon, on me rappelle que la défense a également versé au dossier

  5   certain document de Prijedor, à savoir D40/1. Donc les mêmes commentaires

  6   s'appliquent aux deux parties. De toute façon, je peux indiquer à la

  7   Chambre et aux conseils de la défense l'endroit où ceci a été trouvé, avec

  8   la permission bien sûr de la Chambre d'agir de la sorte.

  9   Mme Wald (interprétation): Voici ce qui me satisferait en ce qui concerne

 10   un document de ce genre. Il y a beaucoup de documents qui sont des

 11   certificats de décès, ce n'est pas si important que cela de trouver leur

 12   source. Mais ici, il s'agit d'un document plutôt important et je pense que

 13   pour soutenir sa crédibilité, il nous faudrait savoir où il a été trouvé,

 14   quand il a été trouvé approximativement, puis une signature ou bien une

 15   déclaration sous serment qui l'accompagnerait en expliquant: voici le

 16   document qui fait partie du groupe de documents qui ont été trouvés à

 17   Prijedor ou au poste de police de Prijedor suite au mandat de perquisition

 18   en date du 1er mars 99, signé par..., etc., etc. Là, je vous dis cela en

 19   tant qu'exemple.

 20   Mme Somers (interprétation): Oui. Madame le Juge Wald, Monsieur le Juge,

 21   Monsieur le Président, en ce qui concerne ces documents, d'habitude je les

 22   présente d'abord, je souhaite les verser au dossier d'abord et à la fin

 23   nous pouvons avoir une déclaration sous serment se référant à tous ces

 24   documents-là.

 25   Mme Wald (interprétation): Oui, tout à fait. Je trouve que ceci serait


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  1   tout à fait acceptable, mais il faudrait que quelqu'un confirme.

  2   Mme Somers (interprétation): Oui, je ne sais pas si c'est acceptable...

  3   M. le Président: C'est une question qui intéresse aussi la défense parce

  4   que la question est la suivante. Nous sommes dans un système d'une

  5   certaine façon où les document se passent entre les parties, et la

  6   Chambre, les Juges n'ont rien à voir dans le jeu. Mais, à mon avis, il

  7   n'est pas vrai que nous sommes vraiment dans ce système. Souvent, chacun

  8   de nous se place du point de vue du système légal dont il est familier ou

  9   originaire. Donc je crois que c'est une question que vous devez régler

 10   avec la défense. Moi-même, d'accord, je suis bien content, mais je ne sais

 11   pas si la défense est contente de cette procédure.

 12   C'est pour cela que j'ai suggéré dès le début que les documents... Je sais

 13   que pour les parties souvent il n'est pas convenable que l'autre partie

 14   connaisse d'avance la stratégie ou quelque chose comme cela, c'est un jeu.

 15   C'est pour cela que j'ai dit: présentez vos documents, discutez de la

 16   question de l'authenticité et après on verra.

 17   Là, je ne veux pas ouvrir le débat, mais je me permets de discuter un peu

 18   d'une ligne d'orientation qu'on était en train de prendre un autre jour,

 19   qui sera l'objet de notre discussion dans la conférence de mise en état, à

 20   propos de savoir si l'admissibilité vient avant l'authenticité ou non.

 21   C'était un peu le sens de l'intervention de Me O'Sullivan à l'époque, je

 22   crois, si je ne me trompe. Moi-même je crois qu'il faut, c'est mon avis,

 23   traiter en premier lieu de l'authenticité. Après, on verra. S'il est

 24   pertinent, s'il est important, on l'admettra et, après l'avoir admis, on

 25   l'utilisera. Pourquoi admettre un document si nous avons des doutes sur


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  1   son authenticité? Voilà.

  2   Reportez-vous à l'Article 65ter qui traite de listes de pièces à

  3   conviction soit du côté de l'accusation (alinéa E), soit du côté de la

  4   défense (alinéa G) je crois. Il parle toujours avec l'avis de (inaudible)

  5   de la partie adverse.

  6   C'est dire que le Procureur doit présenter une liste de pièces à

  7   conviction avec l'avis de la défense sur l'authenticité. Maintenant, la

  8   défense doit apporter une liste de pièces à conviction avec l'avis

  9   d'authenticité du Procureur.

 10   On verra après si on admet ou non, mais l'authenticité est la première

 11   question que l'on doit poser. Donc pourquoi, Madame Somers, parler

 12   maintenant de ce document si on discute encore de son authenticité? En

 13   premier lieu, il faut résoudre la question de l'authenticité, et après

 14   utiliser le document si possible. Ou, si cela n'a pas été possible avant,

 15   on doit présenter le document ici, dans la salle d'audience, en disant: ce

 16   document vient de cette source, de cette façon il est ici. Et après, on

 17   voit si on croit dans ce que vous dites.

 18   Puis c'est la question que vous dites, "Mais de cette façon je suis à

 19   témoigner". Mais nous savons tout de même que le document

 20   parle par lui-même. La question est de savoir si le document est

 21   authentique ou non, parce qu'après le document parle par lui-même.

 22   Donc vous savez au moins que nous aurons cette discussion peut-être la

 23   semaine prochaine, mais il faut dès maintenant -dès maintenant- penser que

 24   lorsque vous présentez un document à l'audience, vous devez d'une certaine

 25   façon l'authentifier et dire quelle est sa source, d'où il vient, etc.


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  1   On ne peut pas maintenant continuer. Maître Fila, seulement pour terminer

  2   parce que sinon...

  3   M. Fila (interprétation): Une phrase! Si sur ce document il est écrit

  4   quelque chose en anglais, vous allez me croire quand je dis que les gens

  5   ne parlent même pas bien le BCS là-bas, sans parler de la langue anglaise,

  6   donc cela veut dire que quelqu'un du Bureau du Procureur a ajouté quelque

  7   chose en anglais. Donc le document n'est plus authentique.

  8   M. le Président: C'est une interprétation tout à fait possible. C'était

  9   mon interprétation: ce n'est pas la personne qui a écrit, qui a tapé ce

 10   document qui a eu la préoccupation de dire: "Oh, il faut faire attention,

 11   ça c'est Omarska category 1". Non! Quelqu'un a travaillé avec ce document

 12   et une personne, en anglais, a écrit "Omarska category 1".

 13   Madame Somers, il y a au moins une petite confusion. Donc utiliser le

 14   document, oui, mais après qu'on accepte et qu'on partage tous la véracité

 15   du document, c'est-à-dire son authenticité. Ce que le document dit, c'est

 16   une autre chose après.

 17   Si je continue, les interprètes vont vraiment me traiter de traître! Pour

 18   terminer aujourd'hui, vous restez avec cette préoccupation.

 19   Demain, à 9 heures 20, nous serons là.

 20   (L'audience est levée à 15 heures 18.)

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