Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 16 février 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 25.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 (Le témoin, M. Miroslav Kvocka, est introduit dans le prétoire.)

6 M. le Président: Veuillez vous asseoir.

7 Bonjour. Bonjour Mesdames et Messieurs. Bonjour cabine technique, bonjour

8 interprètes. Bonjour conseils de l'accusation et de la défense. Je ne sais

9 pas quelle est l'horloge qui nous commande, je vois sur le compte rendu

10 qu'il est 9 heures 28, je regarde celle de la salle d'audience et il est 9

11 heures 25. De toute façon, c'est seulement une remarque pour que l'on

12 puisse travailler avec la même horloge, je ne sais pas quelle est

13 l'horloge maintenant. Pas de problème. Donc nous allons reprendre nos

14 travaux, en continuant avec les questions supplémentaires de la défense.

15 Monsieur Kvocka, vous allez continuer sous serment, je vous le rappelle, à

16 répondre aux questions de votre conseil. Maître Simic, s'il vous plaît?

17 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Miroslav Kvocka, par

18 Me K. Simic.)

19 M. K. Simic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Madame et

20 Monsieur les Juges, je vous remercie.

21 Monsieur Kvocka, hier nous nous sommes arrêtés au moment où je vous ai

22 demandé si M. Bob Reid vous avait questionné au sujet de M. Prcac, et vous

23 avez dit oui. Conformément aux suggestions du Président de la Chambre, je

24 me propose de vous demander de vous référer à la page 35 de la version en

25 BCS, 31 de la version anglaise. Je vais vous demander si, pendant que vous

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1 étiez à Omarska, M. Dragoljub Prcac a effectivement travaillé avec vous

2 là-bas.

3 M. Kvocka (interprétation): Oui, cette question a été posée et j'ai

4 répondu que non. Effectivement, il n'a pas travaillé.

5 Question: Monsieur Bob Reid, dans son interrogatoire, est revenu à la

6 personne appelée Dragoljub Prcac, en page 136 de la version BCS et dans la

7 version anglaise c'est aux pages 128 et 129. Il vous avait demandé si vous

8 connaissiez une personne appelée Prcac.

9 Réponse: J'ai répondu par l'affirmative.

10 Question: Vous la connaissiez donc?

11 Réponse: Oui, c'est un employé de longue date au service de sécurité

12 publique. Il avait travaillé là-bas alors que cela s'appelait encore SUP,

13 secrétariat à l'Intérieur. Par la suite, il a pris sa retraite.

14 Question: Monsieur Reid vous a aussi demandé si vous saviez s'il avait

15 travaillé au centre d'instruction après vous, vous vous en souvenez?

16 Réponse: Oui, je m'en souviens, et je me souviens que j'avais répondu que

17 je ne le savais pas, à savoir que nous ne nous étions jamais rencontrés

18 là-bas mais que, par la suite, j'avais appris qu'il y avait travaillé. Au

19 cours de cet été ou de l'automne de cette année, j'ai appris par quelqu'un

20 qu'il y avait travaillé.

21 Question: Et M. Reid vous avait également demandé si vous saviez quel

22 avait été le rôle que ce dernier avait joué au camp, vous vous en

23 souvenez?

24 Réponse: Oui, je m'en souviens et je me souviens aussi que j'ai répondu

25 que je ne savais pas. Il avait été mobilisé en qualité de policier de

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1 réserve, c'est du moins le statut qu'il avait à l'époque.

2 Question: Vous avez dit aussi que M. Prcac avait travaillé dans la police

3 avant ces changements, donc avant 1990. Est-ce que vous le connaissiez en

4 sa qualité de policier, quelle était la façon dont il était perçu?

5 Réponse: Oui, je l'ai connu, nous nous étions rencontrés au cours de notre

6 travail. Quand j'ai commencé à travailler dans la police moi-même, il

7 était technicien en criminologie. Il m'arrivait, en ma qualité de

8 policier, en cas de délit pénal où il fallait que quelqu'un effectue le

9 constat sur les lieux, il arrivait que je sois chargé de sécuriser les

10 lieux jusqu'à l'arrivée de l'équipe qui était chargée du constat, et je

11 devais leur assurer les conditions requises pour effectuer le constat.

12 Il faisait donc partie des équipes. D'habitude, il y avait un inspecteur

13 en criminologie, puis un juge d'instruction, des fois oui, des fois non en

14 fonction du délit, et un technicien en criminologie qui était chargé, dont

15 la mission était de prendre des photos des lieux, de relever les traces

16 s'il y en avait et de faire un schéma de l'état des lieux.

17 Question: Je vous remercie. Monsieur Kvocka, au cours de votre

18 interrogatoire d'hier, je vous ai présenté une lettre émanant de l'évêque

19 de Banja Luka à l'intention de Simo Drljaca, et on avait parlé d'un

20 prêtre, Stipe Cosic. Vous vous souvenez de ce nom?

21 Réponse: Oui, je me souviens de la lettre que nous avons vue hier.

22 Question: Monsieur Kvocka, avez-vous appris qu'à Omarska il y avait un

23 prêtre appelé Stipo Cosic?

24 Réponse: Si je considère cette lettre, on voit qu'il avait été arrêté le

25 15 juin 1992. Cela ne veut pas dire qu'il est arrivé ce même jour à

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1 Omarska. Comme vous le savez, du 16 au 19, moi-même j'étais en permission,

2 en congé, et à mon retour, le seul changement que j'ai constaté, c'est que

3 j'avais vu Jadranka Gavranovic que je connaissais, et c'est elle qui

4 m'avait raconté qu'elle avait été arrêtée, Igor Kondic, son concubin, et

5 une troisième personne qui avait été accusée de contrebande d'armes. Il

6 m'a été facile de noter sa présence parce qu'elle était parmi les femmes,

7 alors que les deux autres, Igor et l'autre, je ne les ai pas vus à ce

8 moment-là, Lujo, je ne les ai vus que lorsque je suis allé voir mes beaux-

9 frères le 26 et le 27.

10 Question: Et d'où venait Jadranka, de quelle localité?

11 Réponse: D'Omarska.

12 Question: Monsieur Kvocka, ma collègue vous a montré hier un document

13 portant la cote 3/189. Je voudrais que vous nous revenions à ce document,

14 je voudrais que M. l'huissier lui soumette la pièce à conviction 3/189.

15 (L'huissier s'exécute.)

16 Je demande à Monsieur l'huissier de placer sur le rétroprojecteur la

17 première page dudit document. Monsieur Kvocka, je vous prie de prêter

18 attention à la date de rédaction de ce document et de nous dire quand ce

19 document a été élaboré.

20 Réponse: Le 29 juin 1992, et il s'agit de la liste des employés avec

21 relevé des résultats du travail pour le mois de juin.

22 Question: Monsieur Kvocka, combien le mois de juin a-t-il de jours?

23 Réponse: 30.

24 Question: Pouvez-vous m'expliquer comment on peut élaborer un rapport

25 alors qu'il y a encore deux jours de travail qui ne se sont pas écoulés et

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1 ce, pour un rapport concernant le mois en question?

2 Réponse: C'est précisément ce dont je parlais hier. Parce que deux ou

3 trois jours, cela ne signifie pas grand-chose pour ce qui est de la liste

4 relative aux salaires. Cette liste des salaires n'est pas établie en

5 fonction du calendrier de travail. On constate seulement si l'employé a

6 passé le mois entier au poste de travail, mais on ne tient pas compte du

7 fait s'il a travaillé effectivement tous les jours ou pas.

8 Par exemple, si quelqu'un a été mis à la retraite à compter de la moitié

9 du mois, c'est enregistré, ou s'il a passé plus de 10 jours en congé

10 maladie, et que sais-je encore, je ne sais pas quelles sont les autres

11 limitations, ces personnes touchent leur salaire en deux parties, mais si

12 quelqu'un a été autorisé par le commandant à prendre des journées libres,

13 cela n'est pas reflété.

14 Question: Je vous remercie. Nous avons déjà entendu cela hier.

15 Monsieur Kvocka, nous avons longuement parlé de votre statut après que

16 vous ayez ramené vos beaux-frères le 23 juin dans l'après-midi et que vous

17 ayez été éloigné d'Omarska.

18 Réponse: Oui.

19 Question: Au compte rendu, on dit le 24, et moi j'ai dit le 23 juin.

20 Quel était votre statut ces jours-là? Est-ce que quiconque vous a dit ce

21 qu'il vous arrivait, ce qu'il allait advenir de vous?

22 Réponse: Ma première rencontre avec Jankovic s'est passée comme suit. Il

23 m'a dit: "Rentre chez toi et attends". Pour moi, cela était assez vague

24 parce que s'il m'avait dit tout de suite quelque chose de plus concret,

25 j'aurais peut-être pu espérer ceci où cela. Mais la façon dont lui s'était

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1 exprimé m'avait laissé entendre qu'il s'agissait d'une suspension ou de

2 quelque chose de pire encore. Je ne pouvais pas me calmer, j’allais, je

3 venais. J'y allais et puis je n'arrivais pas à voir Jankvovic. La

4 secrétaire me disait: "Ecoute, appelle plus tard". Et je ne savais pas

5 quels avaient été les rapports qui avaient été présentés, quels avaient

6 été les préparatifs d'effectués pour le cas où je ferais mon apparition.

7 Et puis tout à coup, dans une certaine hâte, on m'avait dit: "Tu iras à

8 Tukovi le 1er juillet". Je dois vous dire que toutefois, ici, grâce au

9 Bureau du Procureur qui a fourni des documents saisis, j'ai appris ce qui

10 c'était passé exactement.

11 Question: Est-ce que vous pouvez nous expliquer, partant des documents

12 communiqués par le Bureau du Procureur et qui ont été saisis lors des

13 fouilles… Je crains aussi que cela ait privé la défense de la possibilité

14 de procéder à une défense qualitativement meilleure, mais on en parlera

15 par la suite.

16 Réponse: Eh bien, il s'agit du fait que factuellement j'avais été

17 suspendu. Et le pas suivant, la mesure suivante aurait consisté en mon

18 éjection du poste de travail, et j'aurais probablement était acheminé vers

19 les champs de bataille.

20 Toutefois, le chef du centre de sécurité de Banja Luka, qui est le

21 supérieur de ce poste de police de Prijedor et du poste de sécurité

22 publique de Prijedor, avait envoyé par dépêche un ordre circulaire à

23 l'intention de tous les postes, Prijedor y compris, où il avait été donné

24 instruction aux termes duquel tous les employés qui n'ont pas tiré les

25 choses au clair concernant le fait d'être des Serbes loyaux aux autorités,

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1 là où il pourrait y avoir circulation ou trafic d'informations importantes

2 ou confidentielles, ne devaient pas être là-bas. Et il semblerait que

3 quelqu'un aurait déjà eu ce type de difficulté.

4 Question: Monsieur Kvocka, je vais vous interrompre. Pour que la Chambre

5 puisse saisir au juste de quoi il est question ici, je vais demander à

6 Monsieur l'huissier de présenter à M. Kvocka et de placer sur le

7 rétroprojecteur le document D39/1. C'est précisément le document dont nous

8 parle M. Kvocka.

9 (L'huissier s'exécute.)

10 Monsieur Kvocka, je vous prie de vous pencher une fois de plus sur ce

11 document. Je crois que vous avez déjà eu l'occasion de le voir. Est-ce que

12 vous avez sous les yeux une décision du quartier général de crise de la

13 région autonome de la Krajina, adoptée le 29 juin 92 sous le n° 03-531/92?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Attendez, est-ce bien une décision du quartier général de crise

16 datant de 1992 que vous avez sous les yeux?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Je vous prie de nous lire attentivement le point 1 de cette

19 décision, et puis par la suite le point 2 également.

20 Réponse: "Le quartier général de crise décide qu'à tout poste de

21 commandement, ainsi qu'à tout poste où un afflux d'informations est

22 possible..."

23 Question: Mais lisez!

24 Réponse: "A tout poste d'importance pour le fonctionnement de d'unité

25 économique, on ne peut placer que des cadres de nationalité serbe."

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1 Question: Je vous prie maintenant de nous donner lecture du passage où on

2 dit "en outre".

3 Réponse: "En outre, il ne peut être placé à ces postes-là ni des personnes

4 de nationalité serbe qui n'ont pas plébiscité les autorités ou qui n’ont

5 pas tiré idéologiquement au clair le fait que le seul représentant

6 légitime du peuple serbe est bien le Parti démocratique serbe."

7 Question: Merci. Je vous prierai maintenant de donner lecture de l'ordre

8 émis par M. Zupjlanin quant aux employés qui doivent être écartés des

9 postes de travail où il y a afflux d'informations et les postes de travail

10 auxquels ils sont jugés ne pas être convenables."

11 M. le Président: Le témoin lit des documents. Quelle est la question?

12 Revenons un peu à la question d’hier. Peut-être que vous avez le document

13 et vous posez la questions sur le document.

14 M. K. Simic (interprétation): Je m'excuse, je ne reçois pas de traduction.

15 Je n'ai pas de traduction.

16 M. le Président: Maître Simic, vous m'entendez?

17 M. K. Simic (interprétation): Non, non.

18 M. le Président: Y a-t-il un problème avec les micros de la cabine

19 technique du BCS? Non, non, je vois les micros allumés. Peut-être est-ce

20 un problème de canal, non?

21 M. K. Simic (interprétation): Tout est branché mais je ne reçois rien...

22 Maintenant, cela va, oui, j'entends maintenant. J’entends, c'est bien.

23 M. le Président: De toute façon, je crois qu'on doit comprendre avec cette

24 question que quelque chose a été mal inscrit et a été corrigé, donc la

25 prochaine fois, il faudra en tenir compte.

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1 Ce que je disais, Maître Simic, c'est que le témoin lit les documents,

2 vous ne posez pas de questions. Quelles sont les questions que vous posez

3 sur ces documents? Donc il est préférable de présenter le document et de

4 poser la question!

5 M. K. Simic (interprétation): Merci.

6 Monsieur Kvocka, vous avez pris connaissance de ce document. Est-ce que M.

7 Zupljanin a donné l'ordre strict en disant que de telles personnes ne

8 peuvent pas être licenciées mais conservées dans le système de la police?

9 Réponse: C'est précisément ce dont il est question dans son ordre ici

10 présent.

11 Question: Et cet ordre coïncide-t-il avec votre début de travail?

12 Réponse: Oui, c'est là un ordre émis au 1er juillet.

13 Question: Monsieur Kvocka, était-il pratique courante de voir le chef du

14 centre de sécurité publique de Banja Luka convoquer tous les autres chefs

15 de poste de sécurité publique pour discuter?

16 Réponse: Oui, il y avait souvent des réunions collégiales.

17 Question: Je vous remercie. Le document ne nous est plus nécessaire.

18 Vous venez de nous dire que le 1er juillet 1992, vous avez été envoyé

19 travailler à Tukovi et que vous l'avez effectivement fait. Je voudrais

20 vous poser une question, pour ne pas poser trois questions: dites-nous

21 quelle est la structure de commandement de ce poste de police de réserve

22 de Tukovi.

23 Réponse: Un commandant, Drazic Mile, un adjoint, Antonic Slavko, et un

24 assistant, Basrak Lazo ou Lazar, certains l'appelaient Lazar, d'autres

25 Lazo.

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1 Question: Monsieur Kvocka, mon honorable collègue vous a présenté un ordre

2 datant de 1991 pour ce qui était de sécuriser les lieux de tir, et cet

3 ordre avait été signé par Hasan Tulundzic. Ma question serait la suivante:

4 lorsqu'on va effectuer des tirs, est-ce que cela est réglementé par le

5 règlement de service de la police?

6 Réponse: Non.

7 Question: Comment cela est-il réglementé?

8 Réponse: Il y a un règlement universel pour ce qui est de procéder à des

9 tirs, qu'il s'agisse de l'armée, de la Défense territoriale, de la police,

10 de la protection civile dans la formation des étudiants et des élèves en

11 études secondaires avant le service militaire, et même dans des

12 compétitions sportives où l'on utilise ce type d'armes ou d'autres types

13 d'armes. Ce sont donc des règlements universels en vigueur.

14 Question: Merci. Ce type d'exercice est-il effectué conformément aux

15 ordres émis par un supérieur?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Dans cet ordre, est-il tenu de s'en tenir aux règles générales

18 en vigueur pour tous ceux qui procèdent à ce type d'exercice de tir?

19 Réponse: Oui, ceux qui donnent des ordres pour ce qui est de procéder à

20 des exercices de tir doivent se tenir aux règles en vigueur.

21 Question: Monsieur Kvocka, nous avons pas mal de fois eu l'occasion de

22 nous pencher sur l'ordre de M. Drljaca daté du 31 mai 1992 et sur l'agenda

23 journalier de M. Kadiric. Ce que je voudrais, c'est que l'on vous soumette

24 maintenant les documents D17/1 et 3/186.

25 (L'huissier s'exécute.)

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1 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, puis-je un moment?

2 M. le Président: Oui.

3 Mme Somers (interprétation): Merci. Puis-je informer la Chambre que ce

4 document D17/1 est une pièce à conviction en fait de l'accusation, qui est

5 celle qui porte la cote 2/411. Il s'agit d'un document qui a été souvent

6 mentionné à l'occasion de l'interrogatoire des témoins qui ont parlé de M.

7 Kvocka et sous la même référence.

8 M. le Président: Oui, merci de votre attention Madame Somers. Mais je

9 crois que nous avons ce problème: c'est qu'il y a des pièces qui sont les

10 mêmes mais avec deux cotes. C'est pourquoi, par rapport aux documents que

11 Me Simic nous a envoyés, nous sommes en train de séparer les documents qui

12 sont déjà versés par le Procureur pour éviter exactement d'avoir le même

13 document avec deux cotes.

14 De toute façon, continuez, nous avons cette observation.

15 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

16 Monsieur Kvocka, je vous prie de regarder, mais vous avez déjà dû voir,

17 cet agenda journalier pour la date du 18 mai 1991. Pour ne pas perdre de

18 temps, je vous prie de jeter un coup d'oeil sur cet ordre de M. Drljaca du

19 31 mai 1992.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Ces deux ordres contiennent-ils des instructions concernant la

22 sécurisation?

23 Réponse: Oui, ces deux ordres comportent des instructions de ce type, nous

24 avons parlé hier de cette instruction n°418.

25 Question: Juste un moment. Y a-t-il une autre instruction dans cet ordre?

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1 Réponse: Oui, 417 avant cela. Je me suis plutôt concentré sur

2 l'instruction qui me concernait.

3 Question: Et l'ordre de M. Drljaca comporte-t-il aussi ce type

4 d'instruction? Où se trouve-t-il?

5 Réponse: Point 6, les services de sécurité assureront la sécurisation des

6 points de rassemblement.

7 Question: Merci.

8 Réponse: C'est la même instruction.

9 Question: Si nous revenons maintenant à l'instruction de M. Kadiric datée

10 du 18 mai 1992, et si l'on voit Omarska au point 5, vous nous avez dit que

11 M. Kadiric avait laissé les pleins pouvoirs à l'intention du commandant

12 pour ce qui était de la répartition de 5 hommes?

13 Réponse: Oui, c'est ce que j’expliquais hier.

14 Question: Je m'excuse, pour le compte rendu d'audience, je vais devoir

15 reprendre ma question.

16 Dans cet agenda journalier de M. Kadiric, daté du 18 mai, et disant qu’au

17 département de police d'Omarska, on prévoit 5, et vous nous avez expliqué

18 hier qu'il s'agissait de 5 policiers, qui, en fonction des plans,

19 pouvaient être répartis par le chef du département. Est-ce exact?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Si nous...

22 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre, Maître Krstan Simic.

23 Quand vous dite "dans cet ordre", quand vous avez utilisé ce document,

24 pouvez-vous nous dire quelle est la cote du document que vous utilisez?

25 M. K. Simic (interprétation): Oui, bien entendu. Il s'agit du document

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1 3/186.

2 M. le Président: Quand vous faites mention d'un document, mentionnez

3 toujours la cote. C'est la façon qui nous permet de travailler après,

4 sinon on va chercher quel est le document que vous aviez à l'esprit. C’est

5 très facile, vous l'avez dans la main, j’ai ici le document.

6 Travaillez, allez-y.

7 M. K. Simic (interprétation): Merci de votre assistance, Monsieur le

8 Président.

9 Monsieur le témoin, je vous prie de vous pencher sur le point 6 de l'ordre

10 dans le document D17/1.

11 M. Kvocka (interprétation): J'en ai pris connaissance.

12 Question: Cette instruction comporte-t-elle aussi un plan de sécurisation?

13 Réponse: Oui, elle le prévoit. Elle prévoit un plan de travail, un plan de

14 sécurisation complet adopté par le supérieur.

15 M. le Président: Monsieur l'huissier a ce document pour le mettre sur le

16 rétroprojecteur?

17 M. K. Simic (interprétation): Je ne reçois plus de traduction.

18 M. le Président: Il y a encore le même problème, quelqu'un doit répéter ce

19 qu'on a fait avant pour régler la situation.

20 Monsieur l'huissier, pouvez-vous voir s'il y a un problème quelconque?

21 (Intervention technique de l’huissier.)

22 Maintenant, entendez-vous?

23 M. K. Simic (interprétation): Maintenant, oui.

24 M. le Président: C'est le document D17/1 qu'il faut mettre sur le

25 rétroprojecteur. C'est cela, Maître Simic?

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1 M. K. Simic (interprétation): Oui. Je vous prie de déplacer maintenant le

2 document vers le point 6, Monsieur l'huissier.

3 (L’huissier s’exécute.)

4 Est-ce que, dans cette instruction-ci, on retrouve des attributions ou des

5 pleins pouvoirs à l'intention du commandant du département, pour ce qui

6 est de désigner les gens comme on l'avait vu tout à l'heure pour les 5

7 personnes?

8 M. Kvocka (interprétation): Oui. Une instruction est donnée et elle est

9 élaborée. Donc on dit dans l'instruction ce qu'il faut faire et comment il

10 faut le faire.

11 Question: Monsieur Kvocka, quand vous dites: "Quand on donne instruction

12 de fermer", mais de faire quoi? Est-ce qu'il s'agit des postes de garde

13 déjà définis?

14 Réponse: Oui, cela sous-entend l'ensemble! Donc il faut que tout soit fait

15 conformément aux instructions.

16 Question: Pour en finir avec ces documents, Monsieur Kvocka, vous nous

17 avez dit que vous étiez un policier expérimenté. Vous avez sous les yeux

18 deux documents.

19 Monsieur l'huissier, vous pouvez enlever les documents, je vous prie.

20 (Intervention de l’huissier.)

21 Je vous prierai de nous dire la différence qu'il y a entre ces deux

22 documents, la différence entre le D17/1 et le 3/186, et ce, du point de

23 vue du service dans lequel vous travailliez.

24 Réponse: Eh bien, voilà!

25 Pour ce qui est du segment de sécurisation, il n'y a aucune différence.

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1 Dans le document du 18 mai, le commandant du poste donne des instructions

2 parce que font partie de ce segment les employés seuls de ce poste-là.

3 Compte tenu maintenant de ce deuxième ordre, étant donné que l'on y

4 intègre maintenant d'autres services issus du poste de sécurité publique,

5 cet ordre ne pouvait pas être donné par le commandant du poste étant donné

6 que, dans l'ordre daté du 31 mai, il est donné aussi des instructions à

7 d'autres, à l'intention par exemple du service de criminologie, à

8 l'intention de l'administration des mines.

9 Il n'y a que le chef du poste de sécurité publique, Simo Drjlaca, à

10 l'époque, qui pouvait le faire étant donné qu'il adresse des ordres tant

11 au service de criminologie qu'à la police. Et comme je vois qu'il a aussi

12 donner des ordres à l'intention de l'administration de la mine, et

13 d'autres éléments, je ne me souviens plus exactement à qui...

14 Question: Mais l'armée peut-être?

15 Réponse: Oui, à certaines unités de l'armée. Il l'a fait parce que lui

16 était membre de ce quartier général de crise, et au sommet même de l'ordre

17 en question, en haut de page, on avait dit qu'il apportait ou qu'il

18 donnait cet ordre en fonction des conclusions adoptées par le quartier

19 général de crise. Donc en sa qualité de membre du quartier général de

20 crise, il avait des attributions qui allaient au-delà de ce qui était

21 englobé par le système de sécurité publique.

22 Question: Monsieur Kvocka, hier, au cours du contre-interrogatoire, vous

23 avez dit que c'est en 1994 que vous avez, pour la première fois dans votre

24 carrière, menotté quelqu'un. Quelle était la raison de cet acte de votre

25 part?

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1 Réponse: Eh bien, à la fin du printemps si je me souviens bien, il y a eu

2 toute une série de meurtres qui ont été commis à Prijedor et ces meurtres

3 avaient pour victime des Musulmans.

4 Ici, dans les documents de Madame..., je ne me rappelle pas son nom, un

5 expert...

6 Question: Sophie Grave?

7 Réponse: Oui, dans le document de Sophie Grave, j’ai lu quelque chose qui

8 portait sur cet incident. Elle en fait état.

9 Au début du mois de juin ou au milieu du mois de juin, je ne me rappelle

10 plus exactement, une équipe arrive en provenance du ministère de

11 l’Intérieur à Bijeljina, parce qu’à l'époque le ministère avait une base à

12 Bijeljina. Selon moi, ce qui c'est passé, c'est que cette équipe du

13 ministère de l'Intérieur a démis de ses fonctions le poste de police de

14 Prijedor. Ils ont en fait contourné le poste de police de Prijedor pour

15 reprendre dans leurs mains l'enquête sur ces meurtres.

16 Zivko Bojic, qui était membre de la section chargée des enquêtes

17 criminelles au sein du ministère de l’Intérieur, est apparu ce jour-là, et

18 il a demandé à mes supérieurs d’envoyer un certain nombre de leur hommes,

19 notamment moi, à la recherche des suspects pour les placer en détention,

20 pour les arrêter. Je crois que ce supérieur, qui a commencé à collaborer

21 avec eux, était à l’époque Bogdan Delic. Je ne sais pas si c'est le seul

22 service de la police de Prijedor qui a été mis à l’écart par ces

23 représentants du ministère de l’Intérieur ou s’il y en a eu d'autres.

24 Mais, en tout cas, Prvoslav et Ratko quelque chose ont mené à bien les

25 tâches qui leur étaient confiées. Je ne me souviens pas qui étaient les

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1 autres policiers qui ont travaillé dans cette affaire. Nous avons donc

2 arrêté une vingtaine de personnes d’appartenance ethnique serbe,

3 originaires de la municipalité de Prijedor, en une semaine; c’étaient les

4 suspects en question. Ils ont été interrogés, certains ont été relâchés et

5 renvoyés chez eux. C’était de cette façon qu'agissait le département

6 chargé des enquêtes criminelles. Certains de ces suspects ont été emmenés

7 à Banja Luka dans la prison utilisée en cas d'instruction judiciaire.

8 Nous avons donc remporté un grand succès dans cette tâche selon

9 l’évaluation faite par Zivko Bojic et Bogdan Delic, car nous avons réussi

10 à les arrêter tous. Je me rappelle au moins 10 d'entre eux à l'époque.

11 Question: Monsieur Kvocka, est-ce que toutes les victimes de ces

12 assassinats étaient membres de la communauté musulmane?

13 Réponse: A pratiquement 100%, j'en suis certain, ils étaient tous

14 Musulmans. C'était une affaire très importante, elle a fait couler

15 beaucoup d'encre, et je n'ai jamais entendu dire qu'il y ait eu une

16 victime serbe parmi ces victimes.

17 Question: Avez-vous jamais entendu dire quelle était la raison pour

18 laquelle M. Bojic, représentant du ministère de l'Intérieur, vous a choisi

19 pour mener cette enquête au sujet d'assassinats dont les victimes étaient

20 musulmanes?

21 Réponse: Eh bien, à mon avis, je crois qu'il a entendu parler d'un

22 policier qui faisait bien son travail, qui était un policier très

23 consciencieux, et il a pensé qu'il pouvait s'appuyer sur cet officier de

24 police pour ce genre de travail, parce que certains des suspects étaient

25 également membres des réservistes de la police. Donc j’étais censé en fait

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1 interpeller des gens qui parfois étaient des anciens collègues à moi, ou

2 en tout cas des réfugiés qui étaient arrivés à Prijedor en provenance

3 d'autres endroits et qui avaient dû par exemple tuer le propriétaire de la

4 maison dans laquelle ils s'étaient installés avant de s'y installer.

5 Donc la situation était très difficile et très compliquée. Sur un plan

6 professionnel, c'était un travail très difficile parce que ces hommes

7 portaient tous des armes, et aussi en raison de l'atmosphère générale et

8 du climat qui régnaient à l'époque dans la région, parce que les gens

9 commençaient à parler du fait que nous avions commencé à arrêter aussi des

10 Serbes. La situation était très compliquée.

11 Question: Est-ce que c’était une mission dangereuse?

12 Réponse: J'ai déjà répondu, ces hommes étaient tous armés et au cours de

13 l'enquête qui a suivi il a été confirmé que la plupart d'entre eux avaient

14 effectivement commis les actes pour lesquels ils étaient soupçonnés. Donc

15 ils étaient armés et ils étaient les auteurs de crimes. Il n'est pas

16 nécessaire d'en dire plus pour démontrer leur dangerosité.

17 Question: Vous avez dit être devenu le chef d'équipe au poste de police de

18 Prijedor en 1994, est-ce exact?

19 Réponse: Oui, il y a un document qui le prouve. C'est exact.

20 Question: Savez-vous quel est le ministre qui vous a placé à se poste?

21 Réponse: Je crois que le ministre s'appelait à l'époque Zivko Rakic. Dans

22 ces années-là, tous les deux ans, le ministre changeait, mais je crois que

23 c’est Zivko Rakic qui m'a affecté à mon poste.

24 Question: De toute façon, ce n’est pas absolument capital.

25 J'ai une autre question à vous poser. De quelle façon êtes-vous arrivé à

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1 une situation qui permettait de faire de vous un chef d'équipe à ce

2 moment-là, alors que jusqu'à cette année-là vous n'accomplissiez que les

3 tâches les plus basses dans la hiérarchie du système policier, et vous

4 n'étiez que chef de patrouille ou chef de secteur?

5 Réponse: Il faut savoir qu'en 1993...

6 Mme Somers (interprétation): Objection!

7 En effet, le conseil vient de témoigner à la place du témoin. Je

8 demanderai donc que le Président lui demande au moins de reformuler sa

9 question pour lui demander de demander au témoin quelle était la nature

10 des tâches qu'il accomplissait.

11 M. le Président: Oui, Maître Simic, nous revenons toujours à la même

12 question. Posez des questions, n'utilisez pas des opinions ou des

13 évaluations. Est-ce que vous avez une réponse? Est-ce que vous utilisez...

14 J'ai ici devant les yeux les réponses suivantes, je vais les lire en

15 anglais car je n'ai pas la traduction française, je n'ai pas le compte

16 rendu en français: (en anglais) "Vous n'étiez que simple chef de

17 patrouille ou de secteur...", (en français) c'est une opinion, c’est une

18 évaluation que vous exprimez. Je continue la lecture (en anglais): "... et

19 vous aviez participé jusque-là aux tâches les plus ordinaires, les plus

20 simples",

21 (En français) Donc là encore, c'est une évaluation, une opinion de votre

22 part s'agissant du système policier général. Ce qu'il faut que vous

23 demandiez au témoin, c’est quelles étaient les tâches que vous

24 accomplissiez avant, et quelles sont les tâches que vous accomplissez à

25 présent. Si vous agissez autrement, vous témoignez en lieu et place du

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1 témoin.

2 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, avec tout le respect

3 que je dois à la Chambre, il faut que je fasse un commentaire. Je n'ai pas

4 tiré la moindre conclusion. J'ai simplement repris ce que M. Kvocka a dit

5 hier et qui figure dans un document que ma collègue de l'accusation m'a

6 communiqué. Il est écrit dans ce document qu'il s'agissait de tâches très

7 simples. Je voulais éviter un certain nombre de questions. Il s'agit du

8 document 3/206 qui est un document du ministère de l’Intérieur.

9 M. le Président: Mais de toute façon, c'est presque la même chose que

10 d'utiliser dans un autre document les mots et l'expression "criminel de

11 guerre". Il faut les traduire ici, c'est la même chose.

12 Donc si le document dit "tâches simples" ou quelque chose comme cela, ici

13 il faut le traduire, sinon nous risquons d'introduire des évaluations.

14 Un moment, s'il vous plaît, car je dois consulter mes collègues à propos

15 d'une question. Un moment, s'il vous plaît.

16 (Les Juges se concertent sur le siège.)

17 Maître Simic, continuez, s'il vous plaît.

18 M. K. Simic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, merci.

19 Je vais accepter votre proposition en tout état de cause et faire en sorte

20 que nous accélérions un petit peu.

21 Monsieur Kvocka, qu'est-ce qui a été fait qui a abouti à votre nomination

22 au poste de chef d'équipe?

23 M. Kvocka (interprétation): Eh bien, je vais répondre un peu plus

24 longuement, si vous me le permettez.

25 En 1993, sur le territoire de la municipalité de Prijedor, pas mal de

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1 choses ont commencé à changer. Il y a eu des mutations politiques. Simo

2 Drljaca, notamment, a été remplacé à son poste. Un nouveau chef de la

3 police est arrivé, c’était Bogdan Delic, mais je ne me rappelle pas la

4 date exacte de son arrivée. Après l'arrivée de Bogdan Delic, on a commencé

5 à sentir des courants divers se manifester au sein de la police. Il y a eu

6 une certaine augmentation du professionnalisme, et des demandes ont été

7 faites dans ce sens, qui n'étaient pas nécessaires s’agissant de moi parce

8 que moi j'étais déjà un professionnel expérimenté.

9 Mais, un jour, Zivko Bojic, qui revenait du ministère, a examiné mon

10 travail et exprimé son avis à ce sujet, Bogdan Delic, qui était le chef du

11 poste à l'époque, a vérifié la qualité de mon travail également.

12 Au cours du nouveau système mis en place dans la structure du travail du

13 service, une décision a été faite qui me nommait au poste de chef d'équipe

14 au poste de police de Prijedor n°1. C'était un nouveau poste de police,

15 parce que nous avions aussi un poste de police n°2 à l'époque qui a été

16 créé. Le poste 2 a été crée dans le quartier de Urije et le poste 1 au

17 centre de la ville.

18 Question: Merci. Monsieur Kvocka, vous-même et d'autres témoins ont

19 beaucoup parlé de la durée de la présence de M. Mejakic au centre

20 d'instruction. Pouvez-vous nous dire combien de temps M. Mejakic était

21 présent au centre d'instruction?

22 Réponse: Vous voulez dire chaque jour ou de façon générale?

23 Question: Chaque jour.

24 Réponse: Il était présent chaque jour, et très souvent il passait la nuit

25 au centre également. Lorsqu'il était absent, il s'absentait quelques

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1 heures. Quelquefois il me disait qu'il allait à Prijedor, quelquefois il

2 ne me disait rien. J'en ai déjà parlé hier. Je vous ai dit qu'à ce moment-

3 là, il m'annonçait qu'en son absence, c'est moi qui serais de permanence.

4 Mais il était là tous les jours et pratiquement toutes les nuits. Un

5 certain nombre de témoins d'ailleurs ont témoigné ici en disant qu'il

6 dormait au centre d'instruction. Moi, je ne l'ai pas vu de mes yeux, je

7 n'y étais pas.

8 Question: Monsieur Kvocka, vous avez dit hier, et Mme Somers y a également

9 fait référence, vous avez parlé d'un incident qui a eu des conséquences

10 graves. Je ne vous demande pas de rentrer une nouvelle fois dans les

11 détails, mais je vous demande quand a eu lieu cet incident.

12 Réponse: Le jour de l'attaque sur Prijedor.

13 Question: Merci.

14 Réponse: Le 30 mai.

15 Question: Merci.

16 Réponse: Tard dans l'après-midi, assez tard.

17 Mme Wald (interprétation): Pouvez-vous nous dire, Maître Krstan Simic, de

18 quel incident vous parlez lorsque vous parlez d'un incident grave, qui a

19 eu des répercussions graves?

20 M. K. Simic (interprétation): Oui, c'est un incident dont plusieurs

21 témoins ont parlé, cet échange de coups de feu ou plutôt cette fusillade

22 qui a causé la mort de trois personnes et qui en a blessé quatre.

23 Mme Wald (interprétation): Très bien.

24 M. K. Simic (interprétation): Merci ,Madame la Juge Wald, de votre

25 intervention.

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1 Monsieur Kvocka, ce sera ma dernière question: vous avez été présent au

2 centre d'instruction, vous avez reçu les documents qui vous ont été

3 soumis, vous avez entendu un certain nombre de témoignages et, à la fin de

4 votre déposition ici dans ce prétoire, s'agissant de la défense, cette

5 dernière, donc moi, aimerait vous demander qui commandait ou dirigeait ou

6 était l'adjoint du commandant ou l'adjoint du directeur de ce camp ou de

7 ce centre d'instruction créé à Omarska.

8 Réponse: Eh bien, je vais vous dire la chose suivante: selon les documents

9 qui ont été saisis après ma mise en accusation, les choses sont devenues

10 sur ce sujet beaucoup plus claires à mes yeux car on voit mieux qui

11 donnait quels ordres à qui, d'une part et, d'autre part, vous avez ce

12 rapport qui a été élaboré par une commission de très grande qualité et qui

13 était dirigée par Bera Vojin, le chef de la sécurité publique de Banja

14 Luka; et était membre de cette commission également Ranko Mijic,

15 coordinateur qui connaissait bien toute la situation et toutes les

16 circonstances caractérisant le fonctionnement du centre d'instruction.

17 Eh bien, selon ce rapport, un homme répondant ou correspondant au poste

18 que vous venez de décrire n'existait pas. Ils ont même démontré, cette

19 même commission a établi qu'à Sanski Most c'est la cellule de crise qui

20 nommait le commandant de la prison à son poste.

21 M. le Président: Oui, Madame Somers.

22 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, objection car le

23 témoin ne témoigne pas en s'appuyant sur ses connaissances personnelles

24 mais sur des informations acquises grâce à la lecture d'un certain nombre

25 de documents. Or la question était "Qui commandait le camp?" et je pense

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1 que sa réponse, s'appuyant sur ses propres informations, sur ses

2 connaissances à lui, aurait dû être "Je ne sais pas."

3 M. le Président: Oui Maître Simic?

4 M. K. Simic (interprétation): Je dois répliquer.

5 M. le Président: Oui.

6 M. K. Simic (interprétation): Ma collègue de l'accusation a consacré au

7 moins 60% de son interrogatoire à demandr à M. Kvocka ce qu'il pensait de

8 ceci, de cela et encore d'autres choses, toutes sortes de choses contenues

9 dans l'interrogatoire avec M. Reid. Or depuis nous avons entendu que M.

10 Kvocka, un policier expérimenté, a lu un certain nombre de documents.

11 Pourquoi n'en parlerait-il pas puisqu'il était là-bas, il était présent et

12 il a entendu un certain nombre de choses?

13 Je ne fais rien d'autre, rien de plus que ce qu'a fait ma collègue, Mme

14 Somers. En effet, très souvent elle a demandé au témoin "Que pensez-vous?

15 Qu'avez-vous pensé? Qu'avez-vous estimé?"

16 M. le Président: Voulez-vous répliquer, Madame Somers?

17 Mme Somers (interprétation): Oui, je veux bien répliquer. Merci beaucoup.

18 L'Acte d'accusation part de la position du Procureur selon laquelle le

19 commandant adjoint du camp, ou celui qui remplissait cette fonction, au

20 moins de facto sinon de jure, était l'homme qui est assis. Donc lorsqu'on

21 interrogeait les témoins, on leur demandait quel était leur point de vue

22 au sujet des actes commis par l'individu assis, ici, sur cette chaise.

23 Ici, l'avis demandé au témoin est un avis au sujet d'un document: on lui a

24 demandé s'il a vu ceci, s'il peut nous en parler, s'il peut y faire

25 référence, s'il comprend ce que le conseil de la défense lui dit et un

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1 certain nombre de choses. Donc on l'interroge, dans une situation à

2 laquelle il a participé personnellement, sur des éléments au sujet

3 desquels il n'a aucune connaissance personnelle. Je crois que c'est très

4 différent.

5 M. le Président: D'accord.

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 Madame Somers, la Chambre entend autoriser à continuer que le témoin

8 s'exprime, parce que le témoin a dit: "A l'époque, je ne savais pas qu'il

9 y avait ce document. Maintenant que j'ai ce document, je dois dire cela".

10 Donc la Chambre estime qu'il est important d'avoir cette information. Nous

11 rejetons donc votre objection et nous demandons à Me Simic de continuer.

12 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 Simplement pour faciliter le suivi du compte rendu d'audience, j'annonce

14 que nous parlons en ce moment du document qui porte la cote D38/1. Je

15 réponds à votre suggestion de tout à l'heure.

16 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Kvocka.

17 M. Kvocka (interprétation): Il faudrait d'abord que je me rappelle où je

18 m'en suis arrêté. Eh bien, à la lecture de ces documents, on constate et

19 j'ai dit que des gens très hautement qualifiés sur le plan professionnel.

20 M. le Président: Seulement pour avoir une information. A l'époque, vous ne

21 connaissiez pas ces documents? Ou, oui, vous le connaissiez?

22 M. Kvocka (interprétation): Ce rapport, non Monsieur le Président, c'est

23 ici que je l'ai reçu au cours de la communication des pièces.

24 M. le Président (interprétation): D'accord, très bien.

25 M. Kvocka (interprétation): A la lecture de ce document, on voit que des

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1 professionnels très hautement qualifiés ont participé à cette commission

2 et qu'ils ont confirmé que c'était la cellule de crise de Sanski Most qui

3 nommait le commandant de la prison et son adjoint, me semble-t-il.

4 Cependant, s'agissant de la municipalité de Prijedor, la personne qui

5 avait ce poste n'était pas définie, c'est-à-dire celle qui était nommée

6 par la cellule de crise ou par une autre instance n'était pas définie.

7 Ce qu'ils ont établi, c'est qu'il existait un système au vu des ordres et

8 de la structure globale que l'on pouvait constater, qu'un système de

9 compte rendu, un système de filière hiérarchique existait également, que

10 la personne qui donnait divers ordres était placée à son poste et que

11 cette personne définissait les responsabilités des différents secteurs.

12 Il a également été établi que les représentants de ces secteurs avaient

13 pour devoir de rendre compte à cet homme quotidiennement.

14 A la lecture des documents, on peut voir aussi que cet homme, le chef du

15 poste de police de la sécurité publique de Prijedor, a demandé qu'il lui

16 soit rendu compte deux fois par jour, et il en a informé la cellule de

17 crise. Nous avons vu un ordre qui interdit les remises en liberté. Il a

18 également émis un ordre ultérieur à cette fin, en stipulant que le premier

19 ordre devrait être respecté et appliqué de la façon la plus stricte.

20 Pour ce qui me concerne la chaîne de commandement, je ne peux réellement

21 pas vous en dire plus. Je ne sais rien de plus à ce sujet, je ne peux

22 tirer aucune conclusion à la lecture des documents. Tout, pour moi, se

23 termine sur le chef du poste de sécurité publique.

24 M. le Président: Tout ce que vous avez à dire, après avoir les documents.

25 Maintenant, oubliez les documents, revenez à votre position de présence

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1 dans le camp. Je vous demande quel est le résultat de votre perception?

2 Qu'est-ce que vous perceviez sur la structure de commandement du camp? Qui

3 était le commandant du camp, etc.?

4 Comprenez-vous ma question? Maintenant vous oubliez les documents et vous

5 vous placez dans le temps, dans les endroits, et vous nous dites quel est

6 le résultat de vos perceptions. Qu'est-ce vous avez vu et observé? Qu'est-

7 ce que vous avez pu conclure par rapport à la structure du camp?

8 M. Kvocka (interprétation): Je vais essayer, Monsieur le Président.

9 Je vais commencer par la police, c'est ce que je connais de plus près.

10 Le seul supérieur au-dessus de nous, les policiers, était Zeljko Mejakic.

11 C'était donc le premier, pas le seul mais le premier supérieur qui s'y

12 trouvait. D'après la manière dont je voyais les choses, c'est lui qui

13 pouvait décider des affectations à donner aux policiers, des tâches à

14 donner aux policiers, des tâches concrètes.

15 Ensuite, en ce qui concerne un autre élément, j'ai remarqué M. Babic qui a

16 été mentionné ici, je pense qu'il y avait deux, peut-être trois équipes,

17 et leurs employés le mentionnaient en tant que directeur de la mine. Ces

18 personnes-là étaient supérieures aux employés de la mine, tous les

19 employés de la mine, y compris les balleyeuses, les personnes qui

20 travaillaient au sein des activité de maintien aussi. Donc c'était un

21 autre secteur ou entretien.

22 Ensuite, j'ai également remarqué les trois employés, les trois inspecteurs

23 c'est-à-dire les trois personnes qui auparavant avaient des postes de chef

24 et qui, eux, étaient supérieurs aux enquêteurs qui leur donnaient des

25 tâches à eux. Cela dit, ils pouvaient parfois donner des tâches aux

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1 policiers, surtout en ce qui concerne les policiers qui devaient leur

2 fournir de l'assistance, ce qui a été mentionné ici. Donc ces policiers-là

3 faisaient quelque part partie de leur service. Donc eux, ils donnaient des

4 tâches concrètes à ces policiers-là, mais ce sont les inspecteurs qui le

5 faisaient.

6 Il y avait donc trois supérieurs de ces services-là, il y avait trois

7 chaînes: la sécurité d'Etat, la sécurité militaire et la sécurité

8 publique, c'étaient donc les trois secteurs.

9 En ce qui concerne d'autres dirigeants, je n'en ai pas remarqué.

10 M. le Président: Une autre question peut-être de vos observations, si vous

11 pouvez me répondre: comment Zeljko Mejakic pouvait s'organiser pour être

12 en même temps le responsable du département de police d'Omarska et le

13 responsable du centre d'Omarska? Comprenez-vous ma question?

14 Car vous dites que Zeljko Mejakic passait la plupart du temps et dormait

15 au centre d'Omarska. Qu'arrivait-il avec le département de police

16 d'Omarska?

17 M. Kvocka (interprétation): Eh bien, je dois dire qu'au début du travail

18 du centre d'instruction, presque l'ensemble du travail du département

19 était transféré au centre d'instruction, et au sein du département il y

20 avait un ou deux policiers de permanence. Il y avait des communications.

21 Et s'il y avait un problème ailleurs sur le terrain, Zeljko pouvait donner

22 des ordres depuis le centre.

23 En répondant aux questions de Mme Somers hier, j'ai dit que je suis parti

24 intervenir deux fois dans l'un ou l'autre village. Là-bas, donc, au sein

25 du département, il n'y avait plus beaucoup de personnes et donc on n'avait

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1 plus besoin du supérieur là-bas. Il y avait une ou deux personnes de

2 permanence, et les patrouilles étaient organisées seulement suite à

3 l'avertissement selon lequel il fallait envoyer quelqu'un quelque part

4 pour patrouiller. Donc on peut dire que les activités du département

5 avaient cessé pratiquement.

6 M. le Président: Oui, vous pouvez continuer Maître Krstan Simic, s'il vous

7 plaît.

8 M. K. Simic (interprétation): Merci.

9 En répondant à la question du Président de la Chambre, M. Rodrigues, vous

10 avez mentionné quelque chose, et je souhaite vous demander: est-ce qu'il y

11 avait un élément militaire d'une unité militaire au sein du camp?

12 M. Kvocka (interprétation): Oui, hier lorsque nous avons lu la liste

13 concernant les personnes mentionnées par Zeljko, et quelqu'un a énuméré

14 les numéros de leur carte d'identité, pour que des laissez-passer leur

15 soient émis, il s'agissait là d'une unité de la Défense territoriale qui

16 s'est ajoutée aux policiers qui aidaient, afin d'assurer la sécurité. Je

17 pense que l'ai expliqué hier.

18 Question: Je vais vous poser une autre question. Est-ce qu'ils avaient un

19 supérieur à eux?

20 Réponse: Ils avaient un supérieur effectivement, mais je ne pourrais pas

21 vous dire qui c'était. Je ne sais pas si Zeljko s'était mis d'accord avec

22 leur supérieur auparavant, mais lorsqu'ils sont venus sur place on leur a

23 donné des affectations en ce qui concerne leur poste de garde, et ensuite

24 ils allaient directement à leur poste de garde.

25 Question: Hier nous avons entendu que vous avez dit que des membres des

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1 unités spéciales s'y trouvaient également?

2 Réponse: Oui, c'est exact. Il y a eu deux groupes qui y sont restés

3 environ 7 jours, chacun jusqu'aux 15 juin.

4 Question: Est-ce qu'ils avaient leur supérieur? Est-ce que vous avez pu

5 remarquer cela?

6 Réponse: Oui. Hier, j'ai fait une erreur lorsque j'ai dit Lukic pour le

7 premier groupe c'était Maric pour le premier groupe, et ensuite Strazivuk.

8 Question: Monsieur Kvocka, est-ce qu'à aucun moment vous avez pu voir que

9 M. Mejakic, le commandant du département, a donné un quelconque ordre à

10 ses autres supérieurs, que vous venez d'énumérer aujourd'hui, c'est-à-dire

11 les inspecteurs enquêteurs, les membres des forces spéciales, etc.?

12 Réponse: Non, déjà depuis l'ancien système et l'organisation dans l'ancien

13 système, il s'agit des lignes de travail différentes, et même s'il s'agit

14 de deux chaînes de commandement différentes, l'inspecteur a un poste de

15 supériorité, donc il n'est pas possible de leur donner des ordres. Surtout

16 pas! Il n'était même pas imaginable de donner des ordres aux membres des

17 unités spéciales. C'était complètement hors de question et surtout il ne

18 serait pas possible de donner des ordres à leurs supérieurs, de même qu'au

19 directeur de la mine, là il s'agissait des tâches qui leur étaient

20 particulières.

21 Ceci n'est pas possible théoriquement et cela ne s'est pas passé en

22 pratique non plus, pour autant que j'ai pu voir les choses.

23 Question: Est-ce que vous savez si M. Mejakic envoyait des rapports sur le

24 travail de la sécurité? Envoyait-il des rapports de ce genre?

25 Réponse: Je ne peux que supposer, je ne l'ai pas vu en train de faire

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1 cela, donc je ne sais pas.

2 Question: Ma dernière question: vous avez mentionné une personne qui

3 donnait des ordres et qui demandait que des rapports lui soient envoyés

4 pas plus tard qu'à midi? Qui était cette personne?

5 Réponse: C'était le chef du poste de sécurité publique, M. Simo Drljaca.

6 Question: Merci, je n'ai plus de questions à poser.

7 M. le Président: Très bien Maître Krstan Simic.

8 Maître Nikolic, avez-vous des questions supplémentaires? Non.

9 Maîtres Fila, Masic? Non pas de questions.

10 Maître Stojanovic, vous n'avez pas de question? Non, comme vous n'avez pas

11 été mentionné.

12 Comme vous savez, nous avons quand même autorisé des questions

13 supplémentaires au-delà vraiment du contre-interrogatoire, comme le

14 contre-interrogatoire a été au-delà de l'interrogatoire principal. Donc,

15 je vais demander à Mme Somers et par conséquent, il peut arriver que dans

16 les questions il y a des choses qui ont apparu de nouveau.

17 Je dois donc demander à Madame Somers: avez-vous une question par rapport

18 à quelque sujet? Notamment j'ai regardé, la Chambre a remarqué que, par

19 exemple, cette question de mise de menotte a été beaucoup développée et

20 donc je ne sais pas si vous avez des questions.

21 En suivant ce que j'ai dit hier, qu'on doit maintenir l'égalité des

22 parties et toujours la possibilité de contredire, donc c'est ça la

23 préoccupation. Madame Somers, avez-vous des questions supplémentaires?

24 Mme Somers (interprétation): En ce qui concerne les menottes, je n'ai pas

25 de question, mais j'ai peut-être une question à poser concernant la

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1 coutume de la lecture des ordres et la manière dont on pouvait être au

2 courant en matière de la chaîne de commandement. Et je m'appuierai

3 éventuellement sur certains documents émanant de Prijedor.

4 M. le Président: Maître Krstan Simic, avez-vous quelque objection à cette

5 question?

6 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je crains ne pas

7 comprendre ce que souhaite faire Mme Somers.

8 M. le Président: Donc répétez, Madame Somers.

9 Mme Somers (interprétation): Oui merci. Je souhaite, si la Chambre me le

10 permet, poser une question concernant la régularité et la manière dont les

11 personnes se tenaient au courant des ordres qui étaient transmis de haut

12 en bas, en émanant de la cellule de crise et d'autres institutions qui se

13 trouvaient en haut de la chaîne de commandement.

14 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit d'une

15 question qui n'a pas été abordée ici et M. Kvocka a très bien expliqué en

16 ce qui concerne tous ces documents, il les a vus au moment de leur

17 divulgation donc il a déjà répondu en disant que lui, en tant que policier

18 de premier échelon ne recevait pas ce genre de document.

19 M. le Président: On va autoriser la question et si vous avez une question

20 à la suite, vous aurez l'opportunité. Posez la question, Madame Somers.

21 Mme Somers (interprétation): Monsieur Kvocka, en prenant vos fonctions en

22 temps de guerre, en assumant vos responsabilités en temps de guerre au

23 poste de police d'Omarska, et ensuite vous avez été transféré au centre

24 d'instruction d'Omarska, au sein des organes de la police au camp

25 d'Omarska, est-ce que vous, soit sur votre propre initiative ou au cours

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1 des réunions avec Zeljko Mejakic, avez essayé d'apprendre ce que les

2 instances politiques au sein de l'ARK ou à Prijedor transmettaient? Etiez-

3 vous au courant des ordres émanant d'en-haut?

4 M. Kvocka (interprétation): Non, il n'y avait aucune information

5 concernant les ordres donnés. Sauf un certain nombre d'informations,

6 d'ordres que nous recevions de la part de Zeljko Mejakic sous forme

7 d'ordres donnés par lui-même. Par exemple, en revenant de Prijedor, il

8 disait: "Simo m'a dit qu'il y a une fuite d'informations" et il ne me l'a

9 pas dit à moi, il a dit cela à nous les policiers en permanence ou les

10 policiers qui montaient la garde en permanence.

11 Il a ajouté: "Je ne souhaite pas voir qui que ce soit en train de parler

12 avec les détenus." C'est ce que Zeljko disait parfois. Et afin de

13 souligner, de laisser une meilleure information, il le soulignait en

14 ajoutant "Simo me dit cela, Simo me dit qu'il y a une fuite

15 d'informations", ou bien il y a d'autres exemples de ce genre qui ne me

16 viennent pas à l'esprit momentanément, là. Donc c'était son ordre donné

17 aux policiers, mais moi en tant que policier, je n'ai aucune obligation de

18 me tenir au courant des ordres.

19 Je connais très bien et strictement quel est mon travail, le travail de

20 permanence, le travail de la sécurité, le travail de permanence au sein de

21 la sécurité, et d'autres activités qui doivent être effectuées par un

22 policier.

23 Question: Vous avez dit, je vais poser une question allant dans le même

24 sens, vous avez dit à l'enquêteur Reid, et je pense que vous avez pu le

25 voir dans ce prétoire, vous avez dit que le poste de police d'Omarska a

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1 recommencé à fonctionner d'une manière qui permettait l'existence d'un

2 adjoint, d'un assistant, n'est-ce pas?

3 Réponse: Non ce n'est pas vrai, c'est la troisième fois que vous essayez

4 de me faire dire cela, je parlais avec M. Reid d'une théorie qui existait

5 avant la guerre et qui était prévue dans l'ancien système en cas

6 d'agression. Et ça c'était la théorie, mais je lui ai dit que ceci ne

7 s'est jamais réalisé car tout a été changé et ces théories-là sont tombées

8 à l'eau.

9 M. le Président: Nous le savons déjà, merci. Madame Somers, vous avez

10 terminé?

11 Mme Somers (interprétation): En ce qui concerne la cellule de crise, vous

12 avez dit à M. Simic que Drljaca donnait cet ordre en tant que la personne

13 qui représentait la cellule de crise.

14 Puis-je vous demander le point 17 du dernier paragraphe dit: "La mise en

15 oeuvre de cet ordre sera surveillée par le chef de la police Dusan

16 Jankovic, en collaboration avec le centre de la sécurité publique de Banja

17 Luka et le personnel autorisé".

18 Est-ce que vous voyez un endroit où l'on constate le lien entre Jankovic

19 et la cellule de crise, et est-ce qu'on mentionne la cellule de crise dans

20 ce document? Je ne le vois pas du tout.

21 Réponse: La cellule de crise est mentionnée au début de ce document où

22 Simo Drljaca dit: "Sur la base de la décision de la cellule de crise, je

23 donne l'ordre suivant" et c'est cela le lien entre Simo Drljaca et la

24 cellule de crise.

25 En ce qui concerne les membres de la cellule de crise, la cellule était

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1 constituée des dirigeants des institutions différentes et c'est le lien

2 qu'on peut établir entre les deux, et en ce qui concerne le dernier

3 paragraphe, au sein de ce paragraphe, il désigne quelqu'un qui peut être

4 responsable de la mise en oeuvre de cela.

5 Question: Monsieur Kvocka, n'est-ce pas vrai de dire qu'un policier

6 supérieur tel que M. Drljaca ne pouvait pas donner des ordres qui

7 n'auraient pas été conformes à l'instance politique connue comme la

8 cellule de crise, et donc l'ordre donné au sein de la police par un

9 officier de police du niveau de M. Drljaca, devait être conforme aux

10 décisions de la cellule de crise? Vous trouvez que c'est étrange?

11 Réponse: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Lui,

12 justement, il donne l'ordre sur la base de la décision prise par la

13 cellule de crise. Donc on peut supposer que la cellule de crise prenait

14 des décisions générales, par exemple "il faut arrêter certaines personnes,

15 il faut prendre soin des réfugiés", etc. etc.

16 Et ensuite sur la base d'une telle décision, M. Drljaca donne des ordres,

17 donc il a reçu l'autorisation de la cellule de crise en ce qui concerne ce

18 secteur-là, le secteur lié aux activités de la police. C'est mon

19 impression, toute la police et non pas seulement la police en uniforme.

20 Question: Merci de me permettre de poser encore une question, donc vous

21 n'avez aucune idée: quelle est la décision mentionnée par Simo Drljaca?

22 Est-ce exact, vous n'avez absolument aucune idée?

23 Réponse: Je pense que dans ce document le numéro de l'ordre est mentionné,

24 je ne peux pas confirmer cela mais c'est vous qui avez l'ordre, c'est vous

25 qui l'avez sorti. Il y est écrit sur la base de l'ordre donné par la

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1 cellule de crise peut-être même le numéro est mentionné, je ne me souviens

2 pas?

3 M. le Président: Vous saviez quel était l'ordre?

4 M. Kvocka (interprétation): Non.

5 M. le Président: Nous tournons en rond. Maître Simic, avez-vous des

6 questions sur ces questions?

7 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Non.

8 M. le Président: De toute façon, nous avons fait respecter le traitement

9 égal et contradictoire que je vous avais promis. Je crois que c'est le

10 moment de faire une pause même avant les questions des Juges.

11 Monsieur Kvocka doit se reposer, c'est fatigant aussi pour lui. Nous

12 allons faire une pause d'une demi-heure par rapport à l'horloge de chacun,

13 car nous voyons qu'il y a plusieurs horloges dans ce Tribunal et toutes

14 les horloges sont différentes. C'est donc une demi heure à partir de votre

15 horloge, d'accord?

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 23.)

17 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

18 Donc j'ai été informé que les horloges, les montres sont maintenant

19 synchronisées. Finalement nous avons la même heure de travail.

20 Maintenant, je vais donner la parole à M. le Juge Riad, s'il vous plaît.

21 (Questions au témoin M. Miroslav Kvocka de M. le Juge Riad.)

22 M. Riad: Merci, Monsieur le Président.

23 (En anglais) Bonjour Monsieur Kvocka. Vous m'entendez?

24 M. Kvocka (interprétation): Bonjour Monsieur le Juge, je vous entends.

25 Question: Merci. Je souhaite simplement entendre quelques clarifications

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1 de votre part et bien sûr vous êtes la personne qui est la plus à même

2 d'apporter ces clarifications-là.

3 Si j'ai bien compris vos propos au cours de votre déposition, il existait

4 une règle selon laquelle aucun garde ne devait blesser les détenus et en

5 tant que policier de garde, vous considériez que vous étiez obligé

6 d'informer les supérieurs de toute violation de ce genre.

7 Combien de rapports de ce genre avez-vous faits?

8 Réponse: Eh bien, je ne me souviens pas du nombre de rapports. Il

9 s'agissait en fait des informations, mais à chaque fois qu'il y avait un

10 problème, à chaque fois que j'essayais de parler à Zeljko du fait qu'un

11 détenu avait subi un mauvais traitement, Zeljko me disait qu'il était déjà

12 au courant de cela. Il était difficile, très difficile de recueillir les

13 informations deux ou trois jours après l'incident.

14 Lui-même, vous savez, je crois que les policiers avaient une sorte de

15 solidarité entre eux et donc ils cachaient ces informations-là, ce qui

16 fait qu'on recevait les informations avec un certain retard. Mais de toute

17 façon, chaque garde a l'obligation, s'il remarque qu'un autre garde fait

18 ce qui ne doit pas être fait, il a l'obligation d'informer les supérieurs.

19 Donc il ne s'agit pas seulement de l'obligation de l'officier de garde, de

20 permanence.

21 Question: Très bien. Dans ce cas, parlons de vous en tant que garde aussi.

22 Si une violation était commise par un supérieur par rapport à vous, j'ai

23 cru comprendre que vous considériez que c'était très difficile, mais est-

24 ce que dans le système il y avait une règle que vous pouviez appliquer

25 afin d'informer les supérieurs à un niveau plus élevé de la violation

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1 commise par un supérieur?

2 Réponse: Moi, en tant que garde ou policier de permanence, tout ce que je

3 pouvais faire, c'était en informer Zeljko Mejakic, même si c'était une

4 personne qui était dans une position de supériorité par rapport à moi et à

5 Zeljko Mejakic, je devais en informer Zeljko Mejakic et, comme je l'ai

6 dit, à chaque fois il me disait que c'était une information dont il

7 disposait déjà mais qu'il était très difficile de découvrir le fond du

8 problème.

9 Question: Avez-vous informé Zeljko Mejakic de chaque violation que vous

10 avez vue? Par exemple, vous avez vu que l'on frappait les détenus pendant

11 qu'ils allaient aux toilettes, est-ce que vous en avez informé Zeljko

12 Mejakic?

13 Réponse: Je ne l'ai jamais vu devant mes yeux parce que sinon je serais

14 intervenu même si le risque aurait été très élevé puisque nous étions des

15 collègues, il ne s'agit donc pas de citoyens. Si une telle chose se

16 produisait devant mes yeux, moi je serais intervenu, et je transmettais

17 des informations à ce sujet que je recevais par la suite.

18 En ce qui concerne les deux, trois informations dont je disposais, par

19 exemple en ce qui concerne ce Dordin et autre chose, il s'agissait des

20 choses dont il était déjà au courant. Donc ce que je souhaite dire, c'est

21 que ce genre de choses, les mauvais traitements, ne se passaient pas

22 devant mes yeux.

23 Question: Très bien. Certains témoins, et je souhaite savoir quelle est

24 votre opinion à ce sujet, peut-être, et j'ai même leurs noms, ont déclaré

25 qu'il était nécessairement possible d'entendre les gémissements et les

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1 cris émanant des pièces où les interrogatoires avaient eu lieu parce que

2 ceci se trouvait au même étage que l'étage où vous, vous vous trouviez.

3 Qui informiez-vous de cela?

4 Réponse: L'unique cas où j'ai été au courant de cela, c'est la situation

5 lors de laquelle j'ai eu une intervention même un peu plus brutale vis-à-

6 vis des inspecteurs.

7 Par la suite, ils se sont même plaint en disant que je n'avais pas le

8 droit de faire cela et j'ai dépassé quelque peu mes compétences. Mais

9 c'était l'unique fois où j'ai entendu ce genre de choses. D'ailleurs, je

10 n'ai pas passé beaucoup de temps dans le cadre de mes équipes là-bas, donc

11 peut-être n'avais-je pas l'occasion d'entendre cela.

12 C'était l'unique fois où je suis sorti de la pièce de la personne de

13 permanence, ensuite j'ai entendu cela et ensuite je me suis comporté de

14 manière un peu plus rude, un peu plus brutale avec eux. D'ailleurs, ça les

15 a fait réagir et ça a joué un certain rôle dans l'attitude plutôt négative

16 à mon égard.

17 Question: Oui. Vous nous avez dit que vous avez eu cette discussion avec

18 eux et en ce qui concerne le rapport officiel, est-ce que vous l'avez

19 fait?

20 Réponse: Oui, j'ai transmis l'information à Zeljko Mejakic.

21 Question: Et vous vous êtes arrêté là, vous n'avez pas pressé plus?

22 Réponse: Non.

23 Question: Votre responsabilité s'est arrêtée là?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et pendant que Mejakic n'était pas sur place, est-ce qu'il y

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1 avait un autre supérieur? Est-ce que vous aviez un autre supérieur?

2 Réponse: Non.

3 Question: Donc vous n'aviez pas d'autres supérieurs, est-ce que cela veut

4 dire que vous étiez compétent pour l'ensemble du camp?

5 Réponse: Je ne comprends pas. J'étais de permanence dans mon équipe.

6 Question: Mais pour l'ensemble du camp? Pouviez-vous déplacer partout?

7 Réponse: Non, j'avais l'obligation de me trouver dans la pièce du policier

8 de permanence.

9 Question: Oui puisque certains témoins, et je souhaite entendre votre

10 commentaire à ce sujet, vous ont vu en train de vous promener à côté des

11 cadavres qui se trouvaient près de la maison blanche. Ils ont dit que vous

12 vous promeniez partout et qu'ils vous ont vu en train de passer à côté des

13 cadavres qui étaient à proximité de la maison blanche. Et vous avez dit

14 vous-même que vous avez vu certains cadavres. Est-ce que vous avez informé

15 quelqu'un de cela?

16 Réponse: Oui, c'était au début, lorsque nous sommes venus au travail et

17 lorsque nous avons trouvé des cadavres. Il faut savoir que la première

18 obligation du policier est d'informer ses supérieurs de cela, du fait que

19 les cadavres ont été trouvés. Ensuite, par le biais du service de

20 permanence, si le supérieur n'y est pas, il faut informer les autres. Mais

21 à l'époque Zeljko y était. Par la suite, si jamais le supérieur n'est pas

22 là, il faut informer le service de permanence de Prijedor qui doit en

23 condition normale organiser l'envoi d'une équipe qui va faire le constat

24 de la situation.

25 Ceci n'a pas été fait de telle manière, mais les cadavres ont été envoyés

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1 directement à la morgue. Cela dit, je ne sais pas si quelque chose a été

2 effectué avant notre arrivée.

3 Question: Et lorsque vous découvriez l'existence de ce genre de violation,

4 par exemple si vous étiez à ce moment-là le policier de permanence, est-ce

5 que vous avez pris certaines mesures? Est-ce que vous avez, par exemple,

6 je n'irai pas jusqu'à dire donné des ordres, pris des mesures afin

7 d'empêcher ce genre de chose? Est-ce que vous avez informé ou averti les

8 gardes en leur disant qu'ils ne devaient pas maltraiter les détenus?

9 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, c'était très difficile d'avoir accès à

10 l'information, de recueillir les informations parce qu'on recevait

11 l'information toujours un peu plus tard, quelques jours plus tard. On

12 apprenait donc seulement un ou deux jours plus tard qu'un passage à tabac

13 avait eu lieu. Donc à ce moment-là, il n'était plus possible d'intervenir.

14 Un incident s'était déjà déroulé à l’heure qu'on m'avait transmise.

15 Et en tant que policier, en tant que personne de permanence, chaque fois

16 que j'apprenais qu'un tel incident avait lieu, j'en informais Zeljko

17 Mejakic, et Zeljko Mejakic me disait presque à chaque fois qu'il était

18 déjà au courant mais qu'il ne pouvait pas en savoir plus sur le fond, sur

19 la source de l'affaire. Il ne savait pas ceux qui se trouvaient à

20 l'origine de cet incident. Je ne sais pas s'il a informé qui que ce soit

21 d'autres de cela.

22 Pour qu'il puisse faire quelque chose de concret, je pense qu'il aurait du

23 intenter une action disciplinaire et faire cela auprès d'une commission

24 chargée de cela, commission disciplinaire. Compte tenu du fait que je sais

25 que deux ou trois gardes ont été relevés de leurs fonctions, je conclus

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1 qu'il a dû faire quelque chose comme cela, parce que ces personnes ont été

2 licenciées à la fin.

3 Question: Si je me souviens bien, un témoin a dit que l'ambiance dans le

4 camp était meilleure lorsque vous vous étiez de permanence. Avez-vous fait

5 quelque chose afin d'atténuer les souffrances des détenus?

6 Réponse: C'est probablement l'impression et l'appréciation des détenus

7 concernant l'ambiance. Je m'efforçais précisément, pour la simple raison

8 de ma connaissance du travail policier et du fait des ordres de Zeljko

9 Mejakic, qui consistait à transmettre à ces policiers de réserve la

10 nécessité de se comporter de façon appropriée. Il était difficile de leur

11 tenir des leçons. Mais Zeljko avait dit qu'ils devaient se comporter de

12 façon posée, qu'il n'y avait pas à contacter les détenus de leur part, et

13 c'étaient de brèves instructions de la part de Zeljko qui, de temps à

14 autres, m'avait demandé notamment de les transmettre à l'intention desdits

15 policiers.

16 Mais comme j'avais eu deux ou trois interventions au vu et au su de tout

17 un chacun, c'est ce qui a probablement incité les gens à estimer qu'il y

18 avait moins de mauvais traitements en ma présence. Connaissant ma

19 réputation, il s'agissait notamment des gens qui me connaissaient depuis

20 l'exercice de mes fonctions dans cette région, qui savaient que je ne

21 laissais passer aucune chose et qui savaient que je serais intervenu. Donc

22 c'est peut-être la réflexion que ces gens-là ont dû avoir eux-mêmes.

23 Question: Toutefois, à leur avis, il est un fait que les gardes se

24 comportaient mieux à leur égard lorsque vous étiez de permanence?

25 Réponse: Oui, cela est possible.

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1 Question: Nous avons entendu beaucoup de témoignages concernant l'aide que

2 vous avez apportée à vos beaux-frères. Avez-vous apporté de l'aide à

3 d'autres personnes encore? Et jusqu'à quelle mesure ou dans quelle mesure

4 avez-vous essayé d'atténuer leurs souffrances?

5 Réponse: Les possibilités étaient plutôt restreintes. Ce que je pouvais

6 faire, c'était leur donner quelques cigarettes si j'en avais. Si je

7 pouvais leur donner des vivres, et là je l’ai fait effectivement sans

8 épargner. Une autre situation que j'ai traversée avec notamment mes beaux-

9 frères, à chaque fois que j'essayais de prendre du recul à l'égard des

10 détenus, parce qu'il y avait aussi un danger, à savoir le danger que je

11 sois aperçu comme prêtant un peu plus d'attention à certains détenus. Il

12 se pouvait que des gardiens, par vengeance ou par représailles, leur

13 fassent du mal. Il se pouvait qu'il y ait le raisonnement du style:

14 "Kvocka te protège, il n'est plus là, c'en est fini de toi. Gare à toi!".

15 Donc la situation était à assez ambiguë, il fallait établir un équilibre.

16 Je voulais aider, mais il fallait trouver la façon appropriée de le faire

17 pour ne pas être à l'origine de contre effet de ce genre.

18 Question: Pouvez-vous nous affirmer vraiment que vous n'avez jamais vu de

19 passage à tabac que vous avez laissé faire, donc que vous n'avez jamais vu

20 quelqu'un tabasser des gens et que vous soyez resté à côté? Parce que

21 certains témoins ont dit qu'ils ont été battus et que vous étiez debout à

22 côté du mur. Est-ce que vous étiez impuissant à faire quoi que ce soit en

23 votre qualité de policier de permanence pour empêcher ce type de

24 comportement?

25 Réponse: A titre officiel, j'étais tout à fait impuissant.

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1 Mais pour ce qui est de mes motivations personnelles, je serais intervenu.

2 Mais le fait et qu'il n'y a pas eu devant mes yeux de tels agissements,

3 exception faite de ce qu'a dit [expurgée]en parlant de personnes que l'on

4 avait collées contre le mur pour les fouiller de façon humiliante. Mais

5 lui n'avait pas été fouillé de cette façon-là, donc je ne vais pas répéter

6 les autres occasions. Mais des cas où quelqu'un aurait été tabassé sans

7 que j'intervienne, il n'y en a pas eu, c'est certain.

8 Je vous ai mentionné hier la situation où j'ai vu par la fenêtre que l'on

9 avait obligé des gens à chanter. Il y avait là un groupe important de

10 membres de la police militaire. Il était plutôt risqué de s'aventurer à

11 faire quoi que ce soit. Mais il est certain, et je vous affirme une fois

12 de plus, que devant mes yeux, sous mes yeux, il n'a pas pu y avoir

13 d'événement de ce type sans mon intervention, et ce, indépendamment du

14 fait que cela ait été assez risqué, parce qu'il s'agissait d'intervenir à

15 l'égard d'un collègue de travail et non pas à l'égard d'un citoyen

16 ordinaire.

17 Question: Parlant d'intervenir, certains autres gardes avaient-ils aussi

18 la possibilité d'intervenir?

19 Réponse: En principe, un collègue devrait prévenir un autre collègue pour

20 l'empêcher de faire des choses de ce genre, mais compte tenu de la

21 composition des situations, des tensions, il arrivait qu'un collègue

22 venait prêter main forte à un autre collègue pour passer quelqu'un à

23 tabac. C'est la raison pour laquelle je vous disais tout à l'heure qu'il

24 était difficile de se procurer ce type d'informations.

25 Question: Si l'on en juge d'après les dires de certains témoins qui ont

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1 dit qu'ils avaient vu 2 personnes aller vers la maison blanche, vous leur

2 auriez dit: "Ramenez-les après vers moi". Quelle que soit la raison de ce

3 faire, vous auriez pu dire à ces gardiens de faire ceci ou cela si l'on ne

4 perd pas de vue l'incident, étant donné que vous étiez le policier de

5 permanence, si je vous ai bien compris?

6 Réponse: Je crois savoir à quel incident concret vous vous référez. Je

7 n'arrive pas à m'en souvenir exactement. Je permets la possibilité qu'il

8 se soit agi de l'arrivée de membres de la police militaire qui avaient

9 demandé à interroger des personnes. Il se pouvait donc que l'une de ces

10 personnes ait demandé où les ramener après interrogatoire et que j'ai

11 répondu en passant "au même endroit où ils se trouvaient auparavant". Il

12 ne m'ont pas posé la question en ma qualité de responsable ou de

13 supérieur, mais en ma qualité de gardien à ce poste précis. Donc ils

14 voulaient savoir où est-ce que tel homme ou telle personne devait être

15 ramené après l'interrogatoire. Cela a eu lieu au tout début, lorsqu'un

16 nombre considérable de membres de la police militaire et d'enquêteurs de

17 la police militaire, parce qu'il y en avait aussi des enquêteurs de la

18 police militaire, demandaient à voir des gens pour interrogatoire, et ce,

19 en sus des interrogatoires qui se sont opérés à l'intérieur de ce centre

20 d'instruction.

21 Et je dis que cela peut être cet événement-là. J'aimerais pouvoir m'en

22 rappeler avec plus de précision. Mais la méthode était analogue à celle où

23 un homme avait demandé s'il pouvait se rendre dans une pièce déterminée et

24 ce, parce que j'avais voulu l'aider en ce sens. Je crois que cette

25 personne-là avait témoigné effectivement dans ces termes.

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1 Question: Vous avez dit que vous étiez un gardien ordinaire, quand Mejakic

2 n'était pas là-bas et que vous étiez de permanence, n'aviez-vous pas les

3 mêmes compétences ou attributions que Mejakic, étant donné que vous le

4 représentiez?

5 Réponse: Non, non, non. Zeljko était commandant du département et il n'y

6 avait plus d'autres supérieurs. Il ne pouvait être représenté par qui que

7 ce soit. Le policier de permanence a un poste à occuper, des tâches à

8 effectuer.

9 Question: Mais vous le remplaciez pendant qu'il n'était pas là-bas et

10 c'est la raison pour laquelle vous aviez les mêmes responsabilités, ou

11 est-ce que cela est différent dans votre système policier?

12 Dans une institution, est-ce que le remplaçant ne remplace pas son chef

13 dans toutes ses attributions, dans l'exercice de toutes ses attributions?

14 Réponse: Quelque part, oui, cela existe mais dans un département de

15 police, il n'y a pas d'adjoint et celui qui est de permanence ne peut pas

16 remplacer le commandant. Il n'a pas les attributions de le faire.

17 Donc si Zeljko Mejakic n'est pas là, le policier de permanence peut

18 transmettre une information au service de permanence ou au chef d'équipe

19 au poste de police à Prijedor. Et celui-ci peut prendre des décisions et

20 ordonner quelque chose ou alors demander des instructions à son propre

21 supérieur. Mais Zeljko, lui, n'avait pas d'adjoint. Cet adjoint n'existait

22 tout simplement pas au niveau du département de police et il n'y en avait

23 pas du tout à l'époque.

24 Question: Nous n'allons pas maintenant nous servir de termes particuliers,

25 mais vous étiez, vous le remplaciez, il se confiait à vous, il vous

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1 demandait de le remplacer?

2 Réponse: Non, non, je ne l'ai jamais demandé.

3 M. le Président: Monsieur Krstan Simic?

4 Excusez-moi, Monsieur le Juge de vous interrompre, mais vous ne voyez pas

5 de ce côté. Je crois que Me Simic est debout. Je peux le voir. Donc Maître

6 Simic, s'il vous plaît?

7 M. K. Simic (interprétation): Je m'excuse, il y a une erreur au compte

8 rendu d'audience et je vous prierai de clarifier la situation concernant

9 le statut de commandant adjoint ou adjoint du commandant. Parce qu'au

10 compte rendu d'audience, on dit qu'il était prévu d'avoir un remplaçant du

11 commandant du département alors que M. Kvocka avait dit que cela

12 n'existait précisément pas.

13 M. le Président: Oui, Maître Simic, après tout ce dont nous avons discuté

14 avant à propos de cette question, j'ai moi-même parlé avec les personnes

15 chargées du compte rendu et les comptes rendus sont toujours revus, c'est-

16 à-dire, c'est pour cela même que vous recevez une version provisoire avec

17 un délai de correction et les sténotypistes vont voir l'original pour

18 savoir si, oui ou non, cette chose a été dite, si elle a été dite.

19 Donc de toute façon votre intervention, d'une certaine façon, a corrigé le

20 transcript, mais les sténotypistes vont faire la comparaison entre ce qui

21 est ici et ce qui a été dit dans l'original. Parce que c'est vrai que le

22 compte rendu fait foi, mais comme je l'avais déjà dit, si demain, à mon

23 avis -c'est mon avis personnel- vous venez nous dire: "C'est dans le

24 compte rendu, ça a été dit donc", je dirai: "Donnez-moi l'original, venez

25 les interprètes et voyons si, oui ou non, cette chose a été dite". C'est à

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1 mon avis ce que l'on doit faire du point de vue de la vérité.

2 Avec cette intervention, donc la correction a été faite et je vous

3 remercie beaucoup. De toute façon, Monsieur le Juge Riad, vous pouvez

4 continuer s'il vous plaît. Merci.

5 M. Riad (interprétation): Fort bien. Nous n'allons pas maintenant discuter

6 de ce que veut dire le terme d'adjoint ou de suppléant. Nous parlons de

7 l'autorité réelle pendant que Mejakic n'était pas là-bas. Vous nous avez

8 dit que c'était votre supérieur et que vous n'aviez pas à certains moments

9 de supérieur. Vous serez d'accord avec moi qu'en son absence, vous étiez

10 quelque peu en quelque sorte chargé de la situation.

11 M. Kvocka (interprétation): Je ne sais vraiment pas comment je pourrais

12 commenter les impressions des autres. Quand Zeljko n'était pas là-bas,

13 tous les autres étaient du même rang, tant les gardiens que le policier de

14 permanence.

15 Maintenant, de là à savoir comment tel gardien effectue sa tâche, oui ou

16 non en conformité avec les règlements en l'absence de Mejakic, mais quand

17 Mejakic n'était pas là, et c'était quand même assez rare, tous les témoins

18 de quelque partie qu'ils soient nous l'ont confirmé, tous les autres

19 gardiens se trouvaient à ce moment-là sur un pied d'égalité. Ils ne

20 pouvaient pas se donner des ordres mutuellement, ni le policier de

21 permanence à l'égard des gardiens ni les gardiens à l'égard du policier de

22 permanence, quel que soit le poste de garde.

23 Maintenant, il s'agit de voir si tel policier de permanence effectue mieux

24 ses tâches plutôt que d'autres. Il en va de même pour ce qui est des

25 gardes: certains effectuaient mieux leur mission que d'autres car il a été

Page 8387

1 question ici et il y a eu pas mal de témoignages et de déclarations qui

2 n'ont pas été présentés par le Bureau du Procureur aux termes de quoi

3 certaines autres personnes auraient dit que lorsqu'untel était au poste de

4 garde, cela allait mieux, que les conditions étaient meilleures.

5 Il est logique donc que certains aient dit lorsque j'étais de garde, si je

6 respectais mes propres principes et mes connaissances professionnelles de

7 policier, il se peut donc que cela ait été perçu comme une amélioration.

8 Question: Par conséquent, les gardiens étaient tous sur un pied d'égalité

9 sous Mejakic et lorsque vous étiez policier de permanence, ils devaient

10 s'en tenir au règlement, sans recevoir d'ordres particuliers à ce sujet.

11 Et comme vous l'avez dit, ils n'étaient pas autorisé à faire subir de

12 mauvais traitements aux prisonniers. Ils le savaient. Et vous n'auriez pas

13 autorisé la chose. Est-ce que vous acceptez que cette conclusion soit

14 faite lorsque ces gens ont dit que l'ambiance était meilleure... Parce

15 qu'en fin de compte, les gardes étaient les mêmes.

16 Réponse: Au tout début du fonctionnement du centre d'instruction, il est

17 survenu un incident où j'ai fait preuve de mes qualités de policiers, et

18 cela a probablement fait de l'effet sur les autres gardiens, à savoir

19 qu'il valait mieux ne pas entreprendre quoi que ce soit de mal devant moi

20 parce qu'ils savaient que j'interviendrai et que je rapporterai à Zeljko

21 tout ce dont je me serais rendu compte. Ils devaient savoir aussi que je

22 ne dissimulerai rien, et ce pour des raisons tout à fait autres encore,

23 quand ils ont constaté mes rapports à l'égard des Musulmans. Et ils

24 savaient que je ne dissimulerai rien et que je rapporterai l'ensemble à

25 Zeljko pour ce que j'aurais pu observer.

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1 Question: Pendant que vous étiez de permanence, vous nous avez dit qu'il

2 vous fallait assurer la sécurité du camp à l’égard des personnes qui

3 venaient, donc il ne s'agissait pas seulement d'empêcher certains de

4 s'évader mais aussi d'empêcher certains d'accéder au camp. Est-ce qu'il

5 était facile d’accéder au camp?

6 Réponse: C'était là la tâche des gardiens à tous postes, à savoir que

7 d'empêcher l’accès de tiers vers l'enceinte.

8 Comme le service de permanence s'effectue dans un bureau, il est exclu que

9 le policier de permanence puisse le faire lui-même.

10 Mais si un gardien se comportait comme il se devait à son poste de

11 travail, il empêchait les accès. S'il ne le faisait pas, eh bien, il

12 pouvait y avoir accès de tiers. Si un gardien est consciencieux et

13 n'arrive pas à empêcher l’accès, il est tenu de demander de l'aide.

14 Question: Mais vous pouviez stopper quelqu'un?

15 Réponse: Oui, Dordin, comme je l’ai mentionné. Dordin est passé à côté

16 d'un gardien. Le gardien n'a pas fait son travail et moi je l’ai remarqué.

17 Le connaissant... Et je dois dire encore qu'il était difficile de

18 distinguer s'il était venu à titre officiel ou non. Il s'agissait aussi

19 d'un concours de circonstances, à savoir que je le savais être criminel.

20 Et il s'est avéré qu'il était ivre, qu'il se comportait de façon

21 inappropriée. Je me suis donc dit qu'il ne pouvait pas être là à titre

22 officiel, pour des raisons de service, et en ma qualité de policier je

23 suis intervenu, indépendamment du fait que selon les règles j’aurais dû

24 appeler la police militaire, et en attendant que la police militaire

25 arrive celui-ci aurait pu commettre quelque chose.

Page 8389

1 Donc dans l'objectif de protéger les personnes, parfois on doit passer

2 outre une procédure régulière.

3 Question: Aviez-vous l'autorité nécessaire pour ce faire?

4 En votre qualité de policier de permanence, vous aviez le droit de le

5 faire?

6 Réponse: En ma qualité de policier, indépendamment du poste que j’occupais

7 au moment donné, que je sois de permanence ou de garde à un coin, un

8 policier a toujours le droit de le faire.

9 Mais étant donné qu'il s'agissait d'un membre de l'armée, la procédure

10 normale aurait consisté en l'information adressée à la police militaire,

11 mais en attendant que la police militaire arrive celui-ci aurait pu tuer

12 une dizaine de personnes.

13 Question: Pendant cette période, avez-vous jamais été informé de l’accès

14 de M. Dzigi au camp?

15 Réponse: Non.

16 Question: Du moins j'aimerais entendre vos commentaires concernant

17 certains témoignages. L'un de ces témoignages nous a parlé du tuyau

18 d'arrosage et les témoins nous ont raconté qu'on les lavait au tuyau

19 d'arrosage, et que vous étiez debout contre le mur et que vous donniez des

20 instructions du style: comment il fallait laver ou qu'il fallait renforcer

21 le jet d'eau. Vous en souvenez-vous?

22 Réponse: Je me souviens des témoignages à ce sujet, mais je crois que lors

23 du contre-interrogatoire déjà les choses ont été clarifiées. Il s'agissait

24 de Kvocka Milojica et il s'agissait d'une période de temps bien après mon

25 départ d'Omarska.

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1 Pendant que moi j'ai séjourné là-bas, il n'y a pas eu de bain de ce genre.

2 J'ai vu que les gens se lavaient torse nu au robinet qui se trouvait à

3 côté du bâtiment administratif.

4 Question: Un autre témoin, je ne vais pas prononcer son nom, je ne veux

5 pas prononcer son nom parce qu'il s'agit peut-être d'un témoin qui a

6 témoigné à huis clos partiel, a témoigné que vous aviez dit au gardien de

7 le tuer et de le jeter dans un trou de mine, et que le gardien a changé

8 d'avis par la suite.

9 Est-ce que vous vous souvenez de cet incident et quel commentaire

10 pourriez-vous nous faire?

11 Réponse: Une telle chose n'est certainement pas arrivée, je l'affirme et,

12 si je dois, je peux refaire une déclaration solennelle à ce sujet. Une

13 telle chose n'est pas arrivée pendant mon séjour.

14 Je sais qui est-ce qui a dit cela et je crois qu'au contre-interrogatoire

15 on a apporté une clarification, à savoir qu'il s'agissait d'un événement

16 vers Pedrovdan, vers la fête de Saint-Pierre, et moi ce jour-là je me

17 trouvais à Tukovi et je travaillais. Je me souviens qu'il y avait aussi

18 des feux allumés à Tukovi. Je sais aussi que la circulation routière avait

19 été arrêtée.

20 La personne qui avait maltraité cet homme-là, était une personne qui

21 n'était pas un gardien. C'était un homme venu d'ailleurs et les motifs

22 étaient personnels. Il s'agissait d'une vengeance personnelle.

23 Question: Je vous remercie, Monsieur Kvocka.

24 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur le Juge Riad.

25 Madame la Juge Wald, s'il vous plaît?

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1 (Questions au témoin, M. Miroslav Kvocka, par Mme la Juge Wald.)

2 Mme Wald (interprétation): Monsieur Kvocka, pendant que vous étiez dans le

3 camp, avez-vous entendu des histoires, des rumeurs, des informations

4 traitant de personnes extérieures qui entraient dans le camp et

5 violentaient les prisonniers, des personnes qui n'étaient pas habilitées,

6 qui ne faisaient pas partie de la sécurité militaire ou qui ne

7 travaillaient pas dans le camp, et qui arrivaient la nuit pour malmener

8 les prisonniers? Est-ce que vous avez entendu parler de cela?

9 M. Kvocka (interprétation): Dans les conversations que les gardiens

10 avaient entre eux, il était parfois question de cela, car une certaine

11 confusion a régné au niveau de l'entrée dans le camp. Il était suffisant

12 de porter un uniforme et d'avoir un livret militaire pour pénétrer dans le

13 camp en racontant qu'on avait quelque chose à y faire.

14 Question: Est-ce que cette situation s'est améliorée durant le temps que

15 vous avez passé dans le camp? Ou bien cette situation est-elle restée

16 identique pendant tout le mois de juin jusqu'à votre départ?

17 Réponse: Eh bien, je vais vous dire que je n'ai pas eu l'impression que

18 cela s'est produit très fréquemment. J'ai entendu parler de cela deux ou

19 trois fois, à savoir donc que cela se serait passé deux ou trois fois, que

20 la police militaire serait venue pour enquêter sur quelqu'un.

21 Question: Des bulletins d'informations ont-ils été distribués aux gardiens

22 ou bien des réunions de gardiens ont-elles été organisées pour les avertir

23 qu'il fallait qu'ils cessent, qu'ils fassent cesser ces exactions de la

24 part des personnes venant de l'extérieur et qui violentaient les

25 prisonniers? Est-ce que s'agissant des périmètres qui gardaient le

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1 périmètre du camp, M. Mejakic a organisé ce genre de chose pour mettre un

2 terme à votre connaissance à ce genre d'action?

3 Réponse: S'agissant du périmètre extérieur, si c'est au deuxième cercle

4 que vous faites référence ici, je crois que Zeljko n'avait aucun contact

5 avec les hommes qui faisaient partie de ce deuxième périmètre.

6 Quant aux gardiens qui étaient directement postés aux abords des

7 bâtiments, Zeljko leur affectait leurs tâches au quotidien en deux ou

8 trois phrases. Il leur disait que personne n'avait l'autorisation de

9 s'approcher des prisonniers et il le disait à plusieurs reprises, de sorte

10 que les officiers de service, qui devaient aller à tel et tel endroit ou

11 qui devaient quitter un endroit du camp pour aller dans un autre endroit

12 du camp, pouvaient transmettre ces instructions aux gardiens.

13 Question: A votre connaissance, lorsqu'il demandait que cela soit fait,

14 donc lorsqu'il transmettait ces instructions, faisait-il précisément

15 référence au fait qu'il avait entendu des rumeurs selon lesquelles des

16 étrangers non habilités avaient pénétré dans le camp pour violenter les

17 prisonniers, et qu'il souhaitait que les gardiens fassent attention à

18 éviter que cela se reproduise? A-t-il dit quelque chose de ce genre ou

19 vous a-t-il demandé quelque chose, de dire quelque chose de ce genre aux

20 gardiens, du genre: "Nous avons entendu que ceci s'est produit et nous

21 souhaitons y mettre un terme"?

22 Réponse: Il disait qu'il semblait que des gens de l'extérieur avaient

23 pénétré sans autorisation dans le camp et que je devais dire aux gardiens

24 d'essayer d'empêcher cela, de demander de l'aide s'ils étaient incapables

25 d'empêcher cela à eux seuls. Voilà, il disait des choses de ce genre, mais

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1 il n'expliquait pas comment il avait appris cela. Il disait simplement à

2 un gardien : "Fais attention, ne laisse personne approcher des détenus".

3 Question: Nous avons entendu un témoin présent dans le prétoire qui a dit

4 que quelquefois les gardiens du camp appelaient des gens eux-mêmes et que

5 ces gens étaient emmenés ailleurs, et que quand on les ramenait, ils

6 présentaient des traces de passage à tabac. Je ne parle pas des

7 interrogatoires, nous ne parlons pas de cela pour l'instant, mais

8 simplement de ce qui se passait la nuit ou à d'autres moments.

9 La question que je vous pose est la suivante: si un gardien du camp venait

10 dans le hangar ou ailleurs dans un autre endroit où les prisonniers

11 étaient gardés en détention, s'il appelait le nom d'un prisonnier, est-ce

12 qu'un autre gardien gardant le hangar ou cet autre endroit devait laisser

13 le premier gardien emmener le prisonnier?

14 Je veux dire: est-ce que le gardien qui était responsable du hangar avait

15 la moindre autorité pour interroger le gardien qui arrivait et disait: "Je

16 souhaite emmener telle et telle personne"? Comment est-ce que cela

17 fonctionnait? Est-ce que tous les gardiens avaient le même statut ou bien

18 est-ce qu'un gardien pouvait, si quelqu'un lui disait: "Je suis venu pour

19 emmener tel et tel prisonnier", est-ce qu'il pouvait dire: "Avec quel

20 pouvoir le fais-tu?" ou bien "Où est-ce que tu l'emmènes?", ce genre de

21 choses?

22 Réponse: Oui en principe les gardiens de service ne devaient autoriser

23 personne à s'approcher de l'endroit où étaient gardés les prisonniers,

24 sauf lorsqu'on venait chercher quelqu'un pour un interrogatoire.

25 Question: Je comprends.

Page 8394

1 Réponse: Mais il y avait un groupe de gardiens qui pouvait se déplacer

2 partout dans le camp. Alors la question consiste à savoir si chacun des

3 gardiens faisaient bien ce qu'ils devaient faire.

4 Question: Savez-vous si, oui ou non, les gardiens qui se voyaient affecter

5 une tâche précise étaient les gardiens qui emmenaient les prisonniers dans

6 telle ou telle pièce? Est-ce qu'ils devaient en tout cas s'enquérir du

7 pouvoir qui étaient le leur, du pouvoir qu'avait un autre gardien qui

8 venait emmener un prisonnier? Est-ce que cela faisait l'objet de

9 quelconques conversations?

10 Réponse: Zeljko a traité de cela en quelques phrases plusieurs fois

11 lorsque nous venions au travail et lorsqu'il nous mettait en ligne pour

12 nous distribuer nos tâches. Il lui arrivait d'être fâché, il avait sans

13 doute entendu parler de quelque chose et il prononçait des phrases à cet

14 effet: "Ne laissez personne intervenir dans votre travail de gardien", ce

15 genre de choses. Il répétait de telles instructions à plusieurs reprises:

16 "Evitez tout contact avec les détenus. Ne permettez à personne de

17 s'approcher des détenus que vous gardez".

18 Il y avait donc des instructions qui étaient données, qui étaient de ce

19 type-là lorsqu'il y avait relève entre deux équipes, quand on nous

20 alignait et qu'il distribuait ses instructions ou ses ordres.

21 Question: Très bien. Maintenant, vous nous avez dit qu'à votre avis, il

22 n'y avait pas de chef d'équipe dans le camp, que tout le monde obéissait

23 aux ordres de Mejakic et était sur un pied d'égalité, qu'il n'y avait pas

24 de dirigeant des équipes.

25 Par ailleurs, vous avez dit, si je me souviens bien, que des dizaines de

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1 témoins, et j'ajouterai que des dizaines de témoins détenus dans le camp

2 nous ont donné leur point de vue à ce sujet, un point de vue très clair au

3 sujet des détenus, à savoir qu'il y avait 3 chefs d'équipe. Je pense qu'il

4 s'agissait de Kos, Krkan, Gruban et Radic. Quatre en fait chefs d'équipe.

5 Pouvez-vous nous dire, en vous appuyant sur votre expérience dans le camp,

6 pouvez-vous nous expliquer pourquoi un nombre de détenus aussi importants

7 ont estimé que c'étaient bien les mêmes 4 hommes qui commandaient les

8 équipes de gardiens et qui donc avaient un pouvoir supérieur à celui des

9 simples officiers de police? Pourquoi est-ce que tous les prisonniers

10 auraient choisi pour définir les chefs d'équipe les mêmes hommes? Les

11 mêmes 4 hommes?

12 Réponse: Je dirai d'abord qu'il y a eu pas mal de témoins qui, dans leur

13 déclaration précédente, ont cité d'autres noms comme étant les noms des

14 chefs d'équipe. Marmat Rajko, Mico Hrvacanin, par exemple. C'est

15 l'accusation ici qui s'est concentrée sur ces 4 noms seulement, mais il y

16 en a d'autres qui ont été mentionnés et qui n'ont pas été cités par le

17 Procureur.

18 Et puis, je dirai que les détenus pouvaient acquérir, avoir une impression

19 qui était fondée sur le type de travail effectué par tel ou tel homme, et

20 pas exactement par ses fonctions officielles. Et le fait que vous, vous

21 soyez par exemple dans un bureau et pas sur les lieux, peut donner

22 l'impression aux prisonniers que vous avez un poste plus important.

23 Question: Très bien. Maintenant, vous avez dit je crois qu'à l'époque où

24 le poste de police d'Omarska a pris ses responsabilités, je veux parler

25 d'une certaine responsabilité s'agissant du gardiennage du camp, vous

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1 n'étiez pas les seuls à assurer ces fonctions. Il n'y avait pas que vous

2 et les quelques officiers de police qui êtes arrivés à cet endroit, mais

3 également 65 officiers de réserve ou même un nombre plus important; 65 est

4 peut-être un chiffre erroné. En tout cas un grand nombre de réservistes.

5 Vous avez dit également au moins une fois sinon à plusieurs reprises, que

6 la plupart d'entre eux, sinon tous ces hommes étaient des nouveaux venus

7 qui n'avaient pas d'expérience. Vous avez dit, je crois, que certains

8 d'entre eux avaient un passé criminel.

9 Alors ma question est la suivante: ces officiers de réserve qui étaient,

10 étaient-ils complètement égaux aux officiers d'active une fois qu'ils

11 arrivaient dans le camp? En d'autres termes, si un officier d'active, un

12 nouveau venu, était de garde dans le hangar, est-ce qu'il était totalement

13 à égalité sur le plan du pouvoir qui était le sien avec un officier de

14 police très expérimenté qui pouvait assurer des postes de garde quelque

15 part ailleurs dans le camp?

16 Je veux dire est-ce que les mots qu'il prononçait, les actes qu'il

17 accomplissait avaient le même poids que ceux d'un officier d'active

18 expérimenté? Est-ce qu'il n'y avait pas un superviseur? Est-ce qu'il n'y

19 avait personne qui lui disait de faire ceci ou cela en dehors de Mejakic?

20 Car si je comprends bien, enfin c'est comme cela que j'ai compris les

21 choses, alors j'aimerais que vous nous donniez une idée de la raison pour

22 laquelle une telle pratique policière avait cours, qu'il n'y ait personne

23 qui commande une équipe de gardiens, qu'il n'y ait aucun officier

24 intermédiaire qui ait au moins un certain nombre d'hommes sous ses ordres

25 lorsque ceux-ci arrivent pour prendre leurs fonctions pour la première

Page 8397

1 fois?

2 Réponse: Eh bien, vous venez de me poser de nombreuses questions à la

3 fois!

4 Question: Excusez-moi.

5 Réponse: Il y avait des officiers de réserve qui étaient des nouveaux

6 venus et si on parle du nombre, on peut dire 50 à 60, en tout cas cela

7 inclut toujours les 20 hommes que nous avons mentionnés aujourd'hui et qui

8 apportaient leur aide aux gardiens.

9 Mais si nous parlons des policiers de réserve de façon générale, ceux qui

10 étaient policiers avant et qui ont été admis dans la dernière période, ils

11 étaient complètement égaux à nous sur le plan des devoirs et des droits

12 qui étaient les leurs, donc égaux aux policiers d'active. Ils n'avaient

13 pas de carte d'idendité mais les nouveaux venus n'avaient pas de carte

14 d'idendité mais les policiers qui avaient été policiers par le passé et

15 étaient devenus réservistes ensuite avaient la même que nous les policiers

16 d'active. Donc on pouvait remarquer la différence dans la méthode de

17 travail et dans un certain nombre d'autres éléments relatifs à ces deux

18 catégories d'hommes.

19 Maintenant, si nous parlons des chefs d'équipe, je pense qu'une partie de

20 votre question portait sur cela, le fait qu'un officier aurait dû être un

21 intermédiaire, à un échelon intermédiaire entre le policier et le

22 commandant, en tout cas entre le policier et son supérieur au poste de

23 police, un chef d'équipe à Prijedor, mais il n'y avait pas de chef

24 d'équipe dans le camp. Il y en avait un au niveau du poste de police dans

25 la hiérarchie.

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1 Question: Je crois vous avoir entendu décrire les fonctions que vous

2 exerciez dans le camp, qui étaient à peu près identiques à celles d'un

3 officier de permanence dans un poste de police ou un département de police

4 classique. C'est bien cela, je crois vous avoir entendu établir une

5 analogie de ce genre.

6 Alors si j'ai bien compris votre témoignage, vous avez parlé d'un certain

7 nombre d'occasions où Mejakic n'était pas présent dans le camp, et vous

8 avez dit qu’à ces moments-là c'est vous qui remplissiez les fonctions

9 d'officiers de service. C'est bien cela?

10 (Signe affirmatif de la part du témoin.)

11 Très bien. Dans un poste de police ou un département de police en temps de

12 paix, est-ce que les fonctions d'officier de service sont exercées par

13 roulement ou est-ce qu'une seule personne exerçait ces fonctions tout le

14 temps?

15 Réponse: Il y a rotation.

16 Question: Donc il était différent à votre avis d'être un simple officier

17 de service ou d'être un officier autorisé à exercer la permanence lorsque

18 Mejakic n'était pas présent, n'est-ce pas? Ce n'était pas la même chose

19 que dans un poste de police normale.

20 Réponse: Non.

21 Question: Non, pourquoi?

22 Réponse: Non, je crois que nous ne nous comprenons pas tout à fait bien.

23 Je n'étais pas le seul officier de service ou de permanence. Dans une

24 équipe, il y avait plusieurs officiers de service ou de permanence.

25 Question: Dans le camp?

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1 Réponse: Oui et, de façon générale, dans un département ou un poste de

2 police également.

3 Question: Eh bien, parlons du camp pour le moment. Vous avez dit que dans

4 le camp vous étiez officier de permanence mais qu'il y avait également

5 d'autres officiers de permanence.

6 Alors est-ce qu'il y avait rotation constante de ces officiers de

7 permanence ou est-ce que ces officiers de permanence étaient toujours les

8 mêmes? Et puis est-ce que les fonctions des autres officiers de permanence

9 étaient les mêmes que les vôtres ou pas?

10 Parce que vous nous avez dit à plusieurs reprises que lorsque Mejakic

11 s'absentait, il souhaitait que ce soit vous qui soyez l'officier de

12 service à sa place. Je ne dis pas le commandant. Je dis simplement qu'il

13 souhaitait que vous le remplaciez dans ses fonctions de permanence.

14 Alors je vous demande: lorsque Mejakic n'était pas présent, les autres

15 officiers de permanence ou de service, ils étaient là pour quoi? Quel

16 était le but de leur présence dans le camp?

17 Je ne comprends pas très bien, parce que je ne me rappelle pas avoir

18 entendu une référence à ces hommes avant aujourd'hui. Comment est-ce que

19 leurs fonctions d'officiers de service étaient-elles exercées par d'autres

20 lorsque Mejakic n'était pas là?

21 Réponse: Tous les officiers de service sont égaux. Il y avait 3 équipes

22 d'officiers de service ou de permanence, et en principe il s'agissait

23 toujours des mêmes hommes, même si de temps en temps il pouvait y avoir un

24 remplacement.

25 Donc par exemple quand une équipe était de permanence, moi-même, Radic et

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1 l'un ou l'autre des hommes dont j'ai déjà cité le nom, il pouvait arriver

2 qu'il y ait un remplacement au sein d'une équipe, lorsque vous rentrez

3 dans un groupe, dans une équipe, en général on renouvelle cette équipe

4 parce qu’il faut tenir compte des permissions qui doivent être accordées.

5 Et dans une équipe de permanence, il y avait plusieurs officiers de

6 permanence, il n'y avait pas un seul officier de permanence dans une

7 équipe.

8 Question: Mais je reviens au fait que vous avez, je crois, évoqué aussi

9 bien avant dans vos déclarations à M. Reid que plus tard, et je crois

10 d’ailleurs vous avoir entendu dire personnellement: "Quand M. Mejakic

11 n'était pas là, il voulait que ce soit moi qui sois de service".

12 Mais si M. Radic était de service en même temps, disons que c'est son

13 équipe qui doit prendre la relève et que vous êtes là en même temps.

14 Vous venez de nous dire que M. Radic et vous-même étiez tous deux

15 officiers de service et que vous étiez complètement égaux. Alors est-ce

16 qu’une personne qui devait rendre compte à un officier de service devait

17 dans ce cas-là rendre compte à vous deux en même temps?

18 Réponse: Oui, j'ai dit que je parlais des principes. Mais il est probable

19 que si Zeljko pensait que Radic était là, je n'étais pas indispensable.

20 Mais si d'autres étaient de service qui étaient des policiers d'active ou

21 qui n'avaient pas la même expérience que moi par exemple, ou qu'il

22 s'agisse d’hommes dont il pensait qu'ils n'allaient pas lui rendre compte

23 de façon tout à fait complète, eh bien, il lui arrivait de dire que parmi

24 les policiers présents il souhaitait que tel ou tel soit présent quand il

25 n'était pas là.

Page 8401

1 Mais je parle en termes généraux. Ce n'était pas toujours le cas quand il

2 était absent, que moi je sois présent. Ce n'était pas le cas à 100%. Il

3 essayait d'obtenir que ce soit le cas, mais il ne pouvait pas y parvenir à

4 chaque fois. Il souhaitait sans doute être sûr qu’à son retour il serait

5 bien informé et rien d'autre ne comptait pour lui.

6 Question: Très bien. Vous nous avez dit qu'à votre retour, quand vous avez

7 dû ramener vos beaux-frères dans le camp, vous aviez des amis, comme par

8 exemple l'accusé Kos, et vous en avez mentionné d'autres également, et que

9 vous pouviez en fait après votre départ leur demander de veiller sur vos

10 beaux-frères de façon à ce que, je cite: "Rien d'idiot ou de stupide ne

11 puisse leur arriver".

12 Quand on vous a demandé d'ajouter des détails au sujet de la signification

13 de ce "rien de stupide ou d'idiot", quand on vous a demandé de quelle

14 source pourraient venir ces actes idiots ou stupides, vous avez dit que ce

15 n'était pas nécessairement d'une personne, mais que vous pensiez que des

16 passages à tabac pouvaient provenir de plusieurs personnes, d'étrangers

17 venant dans le camp en particulier qui pouvaient aussi tuer des gens, ou

18 même des gardiens dans le camp.

19 Mais où? Quels étaient les hommes qui vous inquiétez s'agissant du sort de

20 vos beaux-frères?

21 Réponse: D'abord parce qu'un certain nombre de gardiens, avec lesquels je

22 ne m'entendais pas très bien au travail, existaient et qu'il y avait peut-

23 être d'autres hommes derrière eux. Et également, j'ai dit cela parce que

24 j'avais entendu dire que certains gardiens étaient enclins à la violence.

25 Voilà la source de mon inquiétude.

Page 8402

1 Question: Très bien. J'ai encore une question précise sur ce sujet, et

2 puis trois questions plus générales et j'en aurais terminé.

3 Vous nous avez parlé de 2 incidents différents.

4 L'un au cours duquel vous avez vu, tout à fait au début, des prisonniers

5 descendre de l'autobus et devoir passer dans une haie de policiers. Vous

6 nous avez dit hier qu'au cours de ces haies, les hommes se faisaient

7 souvent frapper et devaient chanter des chants serbes.

8 Et puis dans votre interrogatoire par M. Reid, quand M. Reid vous demande:

9 "Est-ce que vous avez vu ces haies ou ces cordons de policiers, et les

10 prisonniers passer dans ces cordons de policiers?", page 42 en anglais, je

11 suis désolée, je n’ai pas la page en version BCS, mais je crois me

12 rappeler que vous avez dit qu'ils se faisaient frapper lorsqu'ils

13 passaient dans ces cordons.

14 Vous avez dit, je cite: "Je pense qu'au début il y a eu des situations de

15 ce genre". Avez-vous bien dit cela?" oui, au début il y a eu des

16 situations de ce genre?

17 Alors la question que je vous pose est la suivante. Vous nous avez dit que

18 vous ne pensiez pas qu'il serait sage d'être intervenu à ce moment-là,

19 vous ne pouviez pas utiliser d'arme à feu, vous étiez inquiet qu'en tirant

20 quelqu'un puisse être blessé au passage. Vous nous avez parlé aussi d'un

21 incident au début de votre présence dans le camp, je crois, où un

22 contingent de soldats de Banja Luka est venu pour assurer la sécurité, en

23 tout cas un groupe armé de l'extérieur qui a fouillé les prisonniers très

24 violemment et vous êtes intervenu.

25 Puisque dans les deux cas il était question de personnes extérieures aux

Page 8403

1 gardiens du camp. Dans le premier incident, vous nous avez dit que

2 c'étaient des gens qui escortaient les prisonniers et vous nous avez dit

3 que vous pensiez qu'ils avaient compétence sur les prisonniers jusqu'au

4 moment où ils installaient ces prisonniers à l'endroit où ils allaient

5 être détenus.Et dans le deuxième cas, vous êtes intervenu pour essayer la

6 fouille brutale parce que vous pensiez autrement.

7 Alors pouvez-vous nous dire ce que vous pensiez d'autre?

8 Réponse: Eh bien, ma première intervention, j'ai fait un commentaire à ce

9 sujet, en disant qu'au voisinage de ces hommes il y avait des officiers

10 supérieurs, alors je souhaitais qu'ils entendent le commentaire que je

11 faisais au sujet de la fouille qui, à mon avis, était une fouille

12 irrégulière. C'était le premier incident, quelque chose est né en moi, je

13 n'ai pas pu l'éviter. Mais ce n'était pas terrible, je suis d'accord.

14 Et la deuxième fois, j'ai vu cet incident au moment où ils ont fait

15 descendre les hommes de l'autobus. Je l'ai vu par les fenêtres de

16 l'autobus. Cela a duré une dizaine de minutes, ils ont forcé les détenus à

17 chanter ces chants et de temps en temps ils leur ont distribué des gifles

18 avant de les enfermer dans ce garage, enfin c'est le premier bâtiment

19 quand on a pénétré dans le camp, quand on a passé l'entrée principale et

20 qu'on regarde dans la direction du hangar.

21 Donc à partir de l'entrée du hangar, il faut passer dans le corridor si on

22 veut intervenir, et d'ailleurs il faut avancer un peu jusqu'au milieu du

23 hangar, à ce moment-là se mettre à tirer pour empêcher ces chants. Enfin,

24 moi je ne vois pas ce que je pourrais dire de plus à ce sujet vraiment.

25 Question: Très bien. Vous nous avez dit à plusieurs reprises que si vous

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1 aviez réellement vu des exactions commises contre un prisonnier, vous

2 seriez intervenu et que vous l'avez fait parfois. Vous nous avez dit aussi

3 qu'il vous est arrivé de voir des signes de blessures sur le corps d'un

4 prisonnier, mais que vous n'aviez pas assisté à l'agression, que vous

5 aviez dit cela à M. Mejakic à plusieurs reprises, mais qu'à votre

6 connaissance vous n'avez jamais entendu parler ou vous n'avez jamais eu

7 une information certaine au sujet du fait qu'une enquête aurait été

8 diligentée à ce sujet.

9 Si votre témoignage correspond bien à ce que je viens de dire, si j'ai

10 donc bien compris ce que vous avez dit, je vous demande comment, dans une

11 situation de ce genre, vous auriez pu mettre un terme à ces attaques si

12 vous les découvriez uniquement après les faits, et que vous en ayez rendu

13 compte à votre supérieur qui apparemment n'a rien fait à ce sujet.

14 Je veux dire, à votre avis, pensiez-vous que votre intervention aurait pu

15 changer la situation dans ces conditions, et si oui comment?

16 Réponse: Il aurait fallu que Zeljko transmette cela à un niveau supérieur,

17 qu'il demande le remplacement du gardien concerné par la personne qui

18 était responsable de son affectation à cet endroit, ou bien encore je ne

19 sais pas quoi d'autre moi-même, mais moi, tous les quatre ou cinq jours,

20 j'entendais dire que quelqu'un avait été passé à tabac et j'ai vu que rien

21 ne se passait. En raison de tout ce que j'ai déjà dit, je pensais qu'il

22 serait peut-être utile au moins que je fasse irruption dans le bureau et

23 que ma présence physique peut-être provoque un arrêt de tout cela.

24 Question: Mes deux dernières questions à présent. Au cours du mois que

25 vous avez passé dans le camp d'Omarska, et à en juger par toute la

Page 8405

1 situation, par tout ce que vous avez pu voir en tout cas dans le camp,

2 avez-vous su ou en tout cas avez-vous pensé que ces prisonniers étaient

3 détenus ou bien maintenus en détention en violation des normes

4 humanitaires internationales telles les Conventions de Genève ou d'autres

5 textes similaires? Je ne parle pas d'une quelconque responsabilité vous

6 incombant, mais je vous demande si, de façon générale, vous avez eu le

7 sentiment que les personnes détenues étaient détenues en violation des

8 lois humanitaires.

9 Réponse: Si je pars de la réglementation elle-même, il doit d'abord être

10 dit que cette réglementation est certainement conforme aux Conventions,

11 mais nous ne pouvions pas savoir si le juge d'instruction s'était prononcé

12 sur une détention ou pas.

13 Maintenant, pour ce qui est des conditions de séjour, il est fort probable

14 que ces normes aient été enfreintes. On pouvait notamment s'apercevoir que

15 les conditions n'étaient pas de nature à justifier ce type de

16 comportement.

17 Question: Fort bien. Dernière question de ma part et je vous remercie de

18 votre patience, ma dernière question est la suivante: si l'incident qui a

19 fait en sorte que vous avez quitté le camp... Imaginons que cela ne soit

20 pas arrivé et que tout se soit passé de la façon dont les choses se

21 passaient avant l'événement relatif à vos beaux-frères et à quelques

22 représailles à votre égard, pensez-vous que vous seriez resté au camp

23 jusqu'à son démantèlement? Pensez-vous que vous resteriez au camp jusqu'à

24 son démantèlement ou pensez-vous que vous auriez été assigné à un autre

25 poste?

Page 8406

1 Réponse: A mon avis, je pense que si je ne m'étais pas comporté comme je

2 m'étais comporté, je serais probablement resté jusqu'à la fin et je serais

3 probablement resté par la suite à Omarska. Mais en raison de ma façon de

4 faire, en raison de mes comportements, je crois que parmi les gardiens

5 j'étais la bête noire et même parmi les supérieurs, la bête noire, de même

6 que parmi la population j'étais également une espèce de brebis galeuse.

7 C'est une opinion générale.

8 Question: De votre point de vue, vous ne pensiez pas que vous auriez dû

9 vous en aller pour des raisons personnelles?

10 Réponse: Vous savez, il y a aussi une espèce d'équilibre à établir. Dans

11 ma tête, j'avais une espèce de conflit: d'une part, je voulais m'en aller

12 et abandonner tout cela, mais voyant ce qu'il adviendrait si je m'en

13 allais, et je voyais que mes perspectives étaient égales à zéro d'autre

14 part, alors donc cela n'améliorerait en rien la situation au centre

15 d'instruction. Parce qu'avec mon départ, personne n'aurait rien gagné. Et

16 d'autre part, j'avais l'autre élément du conflit, à savoir la volonté de

17 rester et ce, pour toutes les raisons dont nous avons déjà parlé.

18 Donc il y avait cette espèce de conflit permanent dans ma tête: j'avais le

19 souhait de fuir tout cela et le désir de rester parce que je m'imaginais

20 que je pouvais aider certaines personnes, notamment certains amis et

21 certains membres de ma famille. Donc une espèce de confusion dans la tête:

22 vous savez que vous aimeriez partir et vous savez que vous ne pouvez pas

23 aller au-delà ou très loin au-delà de Banja Luka à l'époque, parce que si

24 j'abandonnais, si je quittais la police, ce serait le front, le champ de

25 bataille et peut-être la perte de ma vie. Mais si je m'en allais,

Page 8407

1 j'abandonnais donc tous les miens. Qu'allais-je faire de ma femme?

2 Qu'allais-je faire des siens qui étaient restés détenus et des enfants?

3 Donc ces deux antagonismes se confrontaient en mon fort intérieur.

4 Question: Merci.

5 Réponse: Merci aussi.

6 M. le Président: Merci beaucoup, Madame le Juge Wald.

7 Monsieur Kvocka, vous vous sentez encore de l'énergie pour continuer?

8 M. Kvocka (interprétation): Oui.

9 (Questions au témoin, M. Miroslav Kvocka, par M. le Président.)

10 M. le Président: Très bien. A la suite de cette question que Mme le Juge

11 Wald vous a posée, je vous pose une autre question: votre départ a-t-il

12 constitué ou non, pour vous, un certain soulagement?

13 M. Kvocka (interprétation): En principe, oui. Mais il est demeuré

14 l'inquiétude que je ressentais pour les gens qui sont restés là-bas et que

15 j'ai dû ramener là-bas.

16 Question: D'accord, très bien. Je vois que la plupart des questions ont

17 été déjà posées, j'ai moi-même posé beaucoup de questions pendant votre

18 témoignage, mais j'ai des petites questions spécifiques seulement.

19 Par rapport à cet incident de Dordin, vous vous rappelez, vous avez dit à

20 un moment donné que vous avez vu cette personne de la fenêtre de votre

21 bureau. Est-ce que vous vous rappelez à quel moment vous l'avez vu pour la

22 première fois, exactement la première fois? Où était-il? Où était cette

23 personne? Ce sera ma question.

24 Réponse: Il s'approchait du bâtiment administratif en arrivant de la route

25 qui permettait d'accéder au camp. Si l'on regardait par la fenêtre du

Page 8408

1 bureau du policier de permanence, on voyait une partie de cette route-là

2 et lui était arrivé pratiquement jusqu'à la bordure du début du bâtiment.

3 A vol d'oiseau, c'était donc à quelque 20 mètres de là. C'est là que je

4 l'ai aperçu en raison des gueulantes qu'il poussait. Ce sont peut-être ces

5 gueulantes qui m'ont incité à regarder par la fenêtre.

6 Question: Très bien. Nous avons parlé ici beaucoup de "chief" et vous avez

7 contesté vigoureusement la notion de "chief leader" pour admettre, je

8 crois, la notion de "chief duty officer". Est-ce que j'ai bien compris?

9 Réponse: Oui, c'était l'appellation officielle et tous ceux qui s'y

10 connaissaient s'exprimaient ainsi.

11 Question: Monsieur Kvocka, pouvez-vous nous donner une idée de la

12 différence à votre avis -vous l'avez peut-être déjà expliqué, je m'excuse

13 de peut-être vous amener à répéter, mais peut-être est-il important pour

14 nous que vous clarifiiez cette position-, quelle est la différence pour

15 vous entre "chief leaders" et "chief duty officers"?

16 Je crois qu'on doit attendre un peu parce que je mets des mots anglais

17 dans le français, donc les interprètes sont un peu confus maintenant mais

18 je sais qu'ils vont arriver à me traduire.

19 Voyez-vous une différence et quelle est la différence s'il y en a une?

20 Réponse: Un policier de permanence, comme je l'ai déjà dit, et une espèce

21 de lien, de liaison entre le commandant et les gardiens. Et cet officier

22 de permanence doit passer les informations vers le commandant du

23 département, c'est sa tâche principale, en sus bien sûr de la permanence

24 qu'il a effectué à côté des moyens de transmission, de communication, et

25 ainsi de suite.

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1 Un chef d'équipe sous-entend une charge de travail bien plus grande. Ce

2 n'est pas un supérieur proprement dit. Il est chargé de faire mettre en

3 oeuvre un agenda de travail pour la journée , tel que prescrit par le chef

4 du département, le commandant du département.

5 Donc dans la systématisation, on estime que c'est un poste de travail bien

6 plus complexe parce que l'officier de permanence doit consulter le chef

7 d'équipe. Au niveau du professionnalisme, il se situe une différence.

8 Donc le chef d'équipe a des attributions supérieures pour ce qui est par

9 exemple de donner des ordres aux policiers. Il peut par exemple appeler

10 avec son Motorola un policier de tel secteur et lui dire: "Dans telle rue,

11 il se passe telle chose, allez là-bas intervenir et faites-le". Donc ce

12 sont ses attributions au cours de l'équipe dont il a la charge.

13 Ce chef d'équipe par exemple constitue un team, une équipe pour aller

14 faire un constat lors d'un accident de la circulation. Il appelle

15 l'inspecteur qui est de permanence dans ce domaine, rassembler donc tous

16 ces gens-là et les diriger sur les lieux. Il a par exemple la possibilité

17 d'envoyer une patrouille pour intervenir quelque part. Donc il a des

18 attributions supérieures, je dirai même au niveau de la structure de

19 commandement.

20 Mais on ne considère pas celui-là comme un gradé, comme un commandant.

21 Donc il y a une nuance, moyenne ou grande. A mon avis, il existe une

22 différence, une distinction énorme entre un chef d'équipe et un officier

23 de police de permanence.

24 Question: A propos du policier de permanence, vous aviez inclus dans la

25 même catégorie, si je puis dire vous, M. Mlado Radic, M. Kos, M. Marmat et

Page 8410

1 d’autres, mais comme vous le savez, les témoins que nous avons entendus

2 ici et que vous avez entendus aussi...

3 Réponse: Oui.

4 Question: Nous ont donné l'idée que M. Radic était là dans un certain

5 endroit avec son fusil, à observer, à regarder. L'idée par rapport à M.

6 Kvocka, c'est qu'il se déplaçait de temps en temps mais qu'il passait la

7 plupart du temps dans le bâtiment.

8 Est-ce que cette idée que les témoins nous ont donné de votre point de vue

9 a quelques justifications réelles? En d'autres termes, quel est votre

10 résultat des observations? Y avait-il vraiment cette différence dont les

11 témoins nous ont parlée ou non?

12 Réponse: En partie, cette impression est justifiée.

13 Mais je tiens à vous dire que c'est une même pièce que nous occupions,

14 nous, qui étions de permanence. Il n'y avait pas de pièces distinctes ou à

15 part. C'était la même pièce.

16 Ce fait-là, le fait de séjourner dans une pièce, ce n'est pas le rôle d'un

17 garde. Alors quand on sort de son propre gré de ce bureau et qu'on discute

18 avec un gardien, je peux être d'accord avec vous pour dire que cela dégage

19 une impression de différence, de distinction entre les tâches.

20 Maintenant il y a aussi le fait que certaines personnes ont été plus

21 remarquées et moins remarquées.

22 On a dit aussi dans un témoignage que Rade Ritan était aussi un chef

23 quelconque, et les autres que nous avons mentionnés, entre autres Neso

24 Janic, je ne sais pas si cela a été versé comme un témoignage, Neso Janic

25 a lui aussi dégager l'impression d'être un chef.

Page 8411

1 Donc pour bon nombre de personnes, de par certains événements, des témoins

2 ont affirmé qu'il s'agissait de certains chefs, qu'ils désignaient ceux-là

3 comme chef d'équipe ou chef de garde.

4 Je serais d'accord avec vous pour dire que l'impression pouvait se dégager

5 quand il s'agissait de personnes venues de côté, qui ne s’y connaissaient

6 en rien pour ce qui concerne la police, les tâches que la police doit

7 effectuer normalement, et ainsi de suite.

8 Question: Monsieur Kvocka, je vais vous poser une question très simple du

9 point de vue de l'observation.

10 Et je vais m’excuser auprès mes collègues pour les inclure dans cet

11 exemple.

12 Regardez le bench. Vous voyez dans le Statut du Tribunal que les Juges

13 sont égaux. Mais qu'est-ce que vous regardez ici, maintenant?

14 Réponse: Je suis en train de vous regardez, vous, parce que vous parlez,

15 vous prenez la parole, vous êtes assis au milieu et cela dégage aussi une

16 certaine impression.

17 Question: Quelle est l'impression?

18 Réponse: Eh bien, cette impression, c'est que vous êtes en train de

19 diriger un processus.

20 Question: D'une certaine façon, je crois qu'on peut conclure que je suis

21 plus égaux que les autres qui sont égaux, parce que le Statut dit: "les

22 Juges sont égaux".

23 Voyez, votre avocat, Me Simic peut vous le confirmer après. Mais je vous

24 dis que le Statut dit que les Juges sont égaux, mais il se dégage

25 l'impression que je suis un peu plus.

Page 8412

1 Est-ce qu’on peut dire qu’il peut exister une situation, ou qu’il y a une

2 situation dans le règlement et une autre dans la réalité? Est-ce qu'il est

3 possible d'admettre cela?

4 Réponse: Il est possible d'imaginer toute sorte de situations. On peut

5 imaginer une situation dans laquelle les règlements autoriseraient

6 quelqu'un à faire une tâche, à accomplir un travail et qu'il ne

7 l'accomplisse pas. Donc on peut imaginer cela aussi. On peut imaginer,

8 entre autre, que quelqu'un effectue sa tâche, son travail de façon

9 extraordinaire, très bonne, et qu'il y prend une part des plus actives, et

10 d'autres personnes qui, de par la réglementation, pourraient se situer à

11 un niveau au-dessus du sien qui n'en fassent pas autant.

12 Il se peut alors que des conclusions tout à fait autres soient tirées.

13 Question: Je pose une autre question, Monsieur Kvocka.

14 Est-ce que vous avez des indices, des indications qui vous permettent de

15 conclure par exemple que vous n'étiez pas un adjoint de Mejakic. Vous

16 n'avez quand même pas du point de vue théorique, comme vous l'avez dit, la

17 possibilité d'être un assistant.

18 Mais est-ce que vous avez des indications que les détenus vous

19 percevaient, vous représentaient comme ayant une autorité supérieure aux

20 autres gardes, même si vous étiez un garde comme les autres? Aviez-vous

21 des indications vous permettant de conclure qu'ils vous percevaient d'une

22 façon différente?

23 Réponse: Eh bien, oui, je pense que cela aurait pu être le cas partant de

24 la façon dont je travaillais, partant du respect des règlements, partant

25 de leur souhait de se trouver le plus près possible de moi-même parce

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1 qu'ils se sentaient plus en sécurité. Donc eux pouvaient tirer certaines

2 conclusions, cela est vrai, vraiment possible.

3 Moi je n'avais pas l'ambition de me cacher quelque part, donc j'étais

4 présent et tout ce que j'avais fait, ce que j'ai fait a été fait en

5 public, et a été vu par d'autres.

6 Question: Oui. Une autre question, Monsieur Kvocka.

7 Est-ce qu'il n’est arrivé aucune fois, alors que vous étiez avec un ou

8 deux collègues, qu'un détenu arrive pour poser un problème et qu'il vous

9 ait choisi, vous, pour vous poser le problème? Est-ce que cela est arrivé,

10 si vous vous en rappelez?

11 Réponse: Certaines connaissances, qui étaient détenues, s'adressaient en

12 effet à moi plutôt que de s'adresser à un collègue, notamment lorsqu'il

13 s'agissait d'un collègue qui était policier de réserve, ou alors au cas où

14 ils auraient traversé une expérience négative dans les journées

15 précédentes, donc ils préféraient s'adresser à moi.

16 Question: Oui, Monsieur Kvocka, vous avez parlé d'un incident où vous

17 aviez distribué des cigarettes qui appartenaient aux détenus. Vous vous

18 rappelez de cela?

19 Réponse: Non. Je me souviens mais elles appartenaient aux gardiens. Zeljko

20 m'avait donné des cigarettes pour que je les distribue aux gardiens et

21 moi, une partie de ces cigarettes, je l'avais dissimulée, et je les ai

22 distribuées à des détenus. C'est ce qui s'est passé.

23 Question: Bien. Est-ce que les gardes, vos collègues, qui avaient des

24 cigarettes en distribuaient aussi aux prisonniers?

25 Réponse: Je pense que certains l'ont fait s'ils en avaient. C'était un

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1 gros problème, l'approvisionnement en cigarettes à l'époque, mais certains

2 n'ont certainement pas voulu le faire.

3 Question: Une autre question, et j'ai peur que cela ne prenne plus de

4 temps. Vous avez mentionné au moins 3 sortes de sécurité dans le camp, si

5 j'ai bien compris, 3 sortes de sécurité. Est-ce que ces 3 sortes de

6 sécurité ont quelque chose à voir par exemple avec les limites, si l'on

7 peut dire territoriales, des juridictions? Vous rappelez-vous de cet

8 incident où le prisonnier arrive, il est escorté, vous ne pouvez pas

9 intervenir, etc? Pouvez-vous établir une relation entre les différentes

10 sortes de sécurité que vous avez mentionnées et les différents cercles si

11 l'on peut dire, limites territoriales de sécurité?

12 On parle toujours "en dehors du camp", "dans le camp". Où sont ces limites

13 et qui de ces 3 sortes de sécurité prend soin? Je crois que c'est

14 compliqué mais que vous arrivez à comprendre ma question.

15 Réponse: J'essaierai de répondre si tant est que j'ai bien compris.

16 Si nous parlons des services de sécurité militaire, de sécurité d'Etat et

17 de sécurité publique, ces services de sécurité intervenaient, chacun dans

18 son domaine, mais faisaient la somme des résultats et c'est une chose que

19 je comprends de par le fait de l'existence de 3 coordinateurs qui

20 échangeaient entre eux les informations. Leur domaine d'intervention

21 était, consistait en des interrogatoires et en la présentation de

22 rapports. Dans la logique même, ils devaient donc rédiger des actes ou

23 notifications de mise en accusation pour demander une mise en accusation

24 de la part des tribunaux.

25 Maintenant, étant donné qu'au début il n'y avait pas de liste de détenus à

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1 l'intérieur du camp, nous parlons du domaine territorial, les

2 interrogatoires se faisaient dans l'ordre et ils demandaient aux gardiens,

3 aux policiers ou peu importe qui étaient mis à leur disposition, de faire

4 venir certaines personnes d'une pièce déterminée et ce, suivant un certain

5 ordre.

6 Au travers de l'enquête, ils aboutissaient à des informations et ils

7 finissaient par demander untel ou untel, et les gardiens avaient du mal à

8 retrouver la personne concernée parce qu'ils n'avaient pas d'information

9 sur l'emplacement de cette personne. C'était là donc la substance de leur

10 travail.

11 Après l'interrogatoire, les enquêteurs disaient où le gardien devait

12 ramener telle ou telle personne pour qu'elle n'aille pas se mêler à des

13 personnes qui n'avaient pas été interrogées ou avec des personnes qui

14 avaient effectivement été interrogées, mais ils ont estimé que ces

15 personnes devaient être séparées. C'est ce type d'exigence que ces

16 enquêteurs formulaient.

17 Question: D'accord, très bien Monsieur Kvocka. Vous savez, il y a eu des

18 moments où nous avons donné l'opportunité à des témoins de dire quelque

19 chose qui n'a pas été demandé. Je vous donne cette opportunité, y a-t-il

20 quelque chose qui n'a pas été demandé que vous voudriez dire maintenant,

21 comme témoin? Cette question est difficile, Monsieur Kvocka.

22 Réponse: Oui, Monsieur le Président. Après tout ce que nous avons entendu,

23 après tout ce que nous avons vécu ici, il est difficile de dire quelque

24 chose de vraiment intelligent. Je pense que je n'ai passé sous silence

25 rien d'important. Il se peut qu'il y ait des petits détails passés sous

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1 silence parce que nos pensées sont allées dans d'autres directions, mais

2 en tout état de cause, je tiens à vous remercier d'avoir écouté aussi

3 attentivement pendant toutes ces journées.

4 Excusez-moi, si j'ai été un petit peu impulsif par moment et je serais

5 très heureux d'avoir pu contribuer à la détermination de la vérité si tant

6 est que je l'ai fait.

7 M. le Président: Très bien. Nous vous remercions d'avoir donné cette

8 contribution, Monsieur Kvocka, pour éclaircir et faire la justice.

9 Je vois que Me Simic veut dire quelque chose. Maître Krstan Simic?

10 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, compte tenu de la

11 pratique à ce jour, je voudrais que vous me permettiez de soulever deux

12 questions au sujet d'un document qui a été montré à deux reprises dans ce

13 prétoire. Bien sûr, ce n'est pas à vous que je voudrais poser ces

14 questions mais au témoin.

15 M. le Président: Oui, mais cela tient-il à voir avec les questions des

16 Juges?

17 M. K. Simic (interprétation): Oui, et nous avons eu cette pratique

18 auparavant où vous nous aviez donné l'opportunité de le faire.

19 M. le Président: Pour que je puisse autoriser, je veux savoir quelle est

20 la question que vous voudriez soulever.

21 M. K. Simic (interprétation): Je voudrais poser des questions liées à

22 l'organisation d'une Chambre de Tribunal, qu'il s'agisse de notre système

23 juridique à nous ou de ce système juridique ici dans ce Tribunal.

24 M. le Président: Cela tient-il à voir avec le statut que j'ai cité à

25 propos de l'égalité des Juges, Maître Krstan Simic?

Page 8417

1 M. K. Simic (interprétation): Oui, ce n'est pas contesté. Je n'ai pas de

2 question à poser à ce sujet. C'est une question relative à l'organisation

3 d'une Chambre et la question a été posée à l'attention, à l'égard du

4 témoin Hrlic Zuhra.

5 (Les Juges se concertent sur le siège.)

6 M. le Président: Maître Krstan Simic, pour être pratique, je vais faire

7 appel à votre capacité de synthèse et je vais donner aussi la parole au

8 Procureur. Donc vous avez deux minutes seulement.

9 D'accord? Allez-y, posez la question.

10 (Questions supplémentaires au témoin, M. Miroslav Kvocka, de Me Krstan

11 Simic.)

12 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

13 Monsieur Kvocka, combien de membres compte une Chambre?

14 Réponse: Trois.

15 Question: Y a-t-il un Président dans cette Chambre?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce que c'est déterminé par la réglementation?

18 Réponse: Je crois que oui.

19 Question: Est-ce que le Président a des attributions lorsqu'il dirige le

20 procès?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Est-ce que cela est analogue à nos tribunaux nationaux?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Je vous remercie, je n'ai plus de questions.

25 M. le Président: Madame Somers?

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1 (Questions supplémentaires au témoin, M. Miroslav Kvocka, de Mme Somers.)

2 Mme Somers (interprétation): Monsieur Kvocka, ayant fait connaître votre

3 avis sur la structure, avez-vous l'impression que le Président exerce une

4 responsabilité supérieure à celle qu'exercent éventuellement les deux

5 autres Juges? Ceci n'a rien à voir avec leur statut en tant que Juges,

6 mais simplement je vous interroge sur leurs responsabilités par rapport au

7 Président de la Chambre.

8 M. Kvocka (interprétation): Il m'est un peu difficile de vous parler de

9 mes impressions ou de mes perceptions. Moi, quand je vois quelqu'un poser

10 un nombre plus important de questions et des questions de plus grande

11 qualité, il a peut-être des responsabilités plus grandes. Mais c'est tout

12 de même difficile pour moi. Je dirais d'ailleurs qu'il y a quelqu'un qui a

13 des responsabilités beaucoup plus importantes et que je ne vois pas du

14 tout dans la composition de la Chambre alors que ce quelqu'un peut prendre

15 des décisions encore plus importantes.

16 Question: Merci beaucoup Monsieur le Président. Pas d'autres questions.

17 (Questions relatives à la procédure.)

18 Mme Wald (interprétation): Madame Somers, je ne peux pas éviter de dire

19 que j'ai le sentiment que votre réticence à poursuivre plus loin ce genre

20 de question est une preuve de grande sagesse!

21 Mme Somers (interprétation): Merci, j'apprécie Madame la Juge Wald.

22 M. le Président: Je n'ai pas demandé à Me Simic quel est l'article de

23 notre Règlement qui dit que les Juges sont égaux, mais je vais quand même

24 le dire. Il s'agit de l'Article 17 de notre Règlement qui dit:(en anglais)

25 "Tous les Juges sont égaux dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires,

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1 indépendamment de la date de leur élection, de leur âge au moment de leur

2 nomination ou de leur durée de service".

3 Maître O’Sullivan?

4 M. O'Sullivan (interprétation): Oui, je n'ai pas de question à adresser au

5 témoin ni à la Chambre s'agissant de la façon dont la Chambre fonctionne,

6 mais compte tenu que la défense Kos va commencer lundi et que nous avons

7 une requête qui porte sur un document déposé le 12 février, requête

8 relative à l'admission de certains documents versés au dossier, je crois,

9 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, que vous avez ce

10 document sous les yeux, donc nous serions très reconnaissants si vous

11 pouviez nous donner votre décision avant le début de la défense Kos,

12 lundi. Cela nous aiderait dans notre travail.

13 Mme Wald (interprétation): Est-ce que nous avons une réponse de la part de

14 l'accusation? Nous savons que vous avez déposé votre requête, mais

15 l'accusation a-t-elle répondu?

16 Mme Somers (interprétation): Nous n'avons pas d'objection. Nous avons

17 présenté certains documents la semaine dernière. Nous en avons parlé avec

18 la défense. Nous n'avons pas d’objection.

19 Mme Wald (interprétation): Mais, aujourd’hui, en tout cas vous nous dites

20 que vous n'avez pas d'objection. Très bien.

21 M. le Président: Nous étions en train d'éclaircir cette question parce que

22 la défense nous a dit qu'elle avait parlé avec l'accusation, qui n'avait

23 pas soulevé d'objection. Maintenant nous avons donc cette confirmation.

24 C'est vrai que nous avons fait confiance en la parole de la défense, nous

25 avons mis en cause, mais nous attendions une opportunité.

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1 Maître O’Sullivan ou Maître Nikolic, tout va bien du point de vue de

2 commencer la présentation des moyens à décharge lundi prochain? Sinon, on

3 prend quelques minutes pour ne pas revenir cet après-midi.

4 Maître Nikolic, s'il vous plaît?

5 M. Nikolic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

6 Tout ce que je peux faire, c'est vous transmettre ce que Mme Nikolic, qui

7 est sur le terrain, nous a dit.

8 Tous les témoins prévus ont reçu leur passeport. A 14 heures 30, ils

9 partent aujourd’hui de Banja Luka en direction de Vienne, puis ils

10 voyageront de Vienne à Amsterdam, et ce soir ils devraient normalement

11 arriver ici.

12 Donc pour lundi 9 heures 20, ces témoins seront prêts à commencer leur

13 déposition devant vous, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

14 Juges.

15 M. le Président: Très bien, Maître Nikolic. Laissez-moi un moment, s'il

16 vous plaît... Donc Maître Nikolic, tout va bien de votre côté pour

17 commencer lundi. Est-ce vrai?

18 M. Nikolic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

19 M. le Président: Merci beaucoup.

20 Madame Somers, je crois que vous allez parler des documents, c'est cela?

21 Mme Somers (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

22 M. le Président: Maître Krstan Simic et Madame Somers, vous pouvez peut-

23 être retenir vos documents. Sinon, on doit beaucoup prolonger.

24 Nous pourrions, dans la Conférence de mise en état que nous devons tenir

25 la semaine prochaine, traiter de tout cela. Je crois qu'il n'y a aucun

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1 problème.

2 La question est seulement d'ordre pratique: ou nous faisons la pause et

3 nous revenons cet après-midi, ou nous considérons cette question du

4 versement des documents au dossier. Nous avons déjà notre témoin avec

5 maintenant M. Kvocka.

6 Je pense qu'on pourrait traiter cela dans la Conférence de mise en état

7 que nous allons tenir la semaine prochaine. De cette façon, nous pourrions

8 faire la pause et ne pas revenir cet après-midi.

9 Etes-vous d'accord, Madame Somers, avec cette proposition?

10 Mme Somers (interprétation): Si j'ai bien compris, Monsieur le Président,

11 la Conférence de mise en état sera une prolongation, une continuation de

12 l'audience actuelle avec le témoignage de M. Kvocka.

13 Si c'est bien le cas, si je ne suis pas limitée dans les demandes que je

14 ferai s'agissant de demander le versement au dossier de certains

15 documents, tout va bien. Si ce passage de la Conférence de mise en état

16 est une continuation!

17 M. le Président: Madame Somers, en ce qui concerne cette pratique, souvent

18 nous libérons le témoin pour que le témoin parte. Nous traitons de cette

19 question seulement si la présence du témoin est nécessaire.

20 Là, nous sommes bien heureux parce que nous avons, ici, toujours la

21 possibilité d'avoir M. Kvocka tous les jours dans le prétoire, donc il n'y

22 a aucun problème.

23 Etes-vous d'accord, Maître Simic, avec la proposition?

24 M. K. Simic (interprétation): Absolument, Monsieur le Président.

25 M. le Président: Parfait, au moins une fois, nous sommes d'accord!.

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1 Maître Fila?

2 M. Fila (interprétation): Bien sûr! Monsieur le Président, un mot, je vous

3 prie. J'aimerais que cette Conférence de mise en état se déroule dans les

4 trois premiers jours de la semaine parce que j'aurais besoin d'aller à

5 Prijedor le plus rapidement possible. Après les éléments de preuve Kos,

6 viendront les miens, et M. Kos en aura fini mercredi.

7 M. le Président: J’avais pensé le faire jeudi ou vendredi, mais on peut

8 faire la Conférence de mise en état lundi ou mardi.

9 M. Fila (interprétation): Oui, ça va.

10 M. le Président: Donc vous pourrez partir.

11 Madame Somers, vous avez fini?

12 Mme Somers (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

13 M. le Président: Merci.

14 De toute façon, la Chambre doit communiquer à la défense Kos qu’en

15 principe nous allons faire la présentation des moyens à décharge lundi,

16 mardi et mercredi. Si nous pensons à jeudi, nous avons une limitation de

17 la Chambre.

18 Madame la Juge Wald veut en parler. Donc vous avez la parole.

19 Mme Wald (interprétation): Je fais partie de la Chambre d'appel qui

20 entendra des arguments liés à l'affaire Jelisic jeudi. Donc si nous devons

21 poursuivre jeudi, je ne pourrais pas être ici avant vendredi matin.

22 M. le Président: Dans ce cas, la Chambre a toute possibilité aux termes de

23 l'Article 15 bis de siéger à deux. Je devais dire cela à la défense pour

24 savoir. C'est seulement une information.

25 De toute façon, comme je vous l'ai dit, l'Article 15 bis permet que les

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1 deux Juges puissent siéger, mais si nécessaire seulement.

2 Monsieur le Juge Riad avait demandé à dire un mot?

3 M. Riad: Monsieur le Président, effectivement l’occasion est passée, mais

4 je vais vous dire quand même mon mot.

5 A propos de l'égalité dont on parlait en disant que certains peuvent être

6 plus égaux, je voudrais simplement signaler et évoquer l'histoire qu'il y

7 a des gens qui sont moins égaux parfois, et qu'on appelait en France "les

8 éminences grises". Si vous revenez à l'histoire, il y avait l'éminence

9 grise qui pouvait être plus forte que le roi. Cela peut exister aussi que

10 quelqu'un de simple soit caché derrière et que ce soit lui qui dirige

11 tout.

12 C'était un commentaire tout à fait théorique.

13 M. le Président: Voilà une bonne réflexion pour la fin de semaine.

14 Dans ma langue, je dirais: "Uma eminência parda". C'est de la poésie!

15 Nous allons partir en week-end et nous nous retrouvons à 9 heures 20,

16 lundi prochain, nous serons là.

17 (L’audience est levée à 13 heures 12.)

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