Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 11061

1 (Jeudi 26 avril 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 25.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 M. le Président: Bonjour, veuillez vous asseoir.

6 (Les accusés s'assoient.)

7 Bonjour Mesdames et Messieurs, bonjour cabine technique ,bonjour

8 interprètes.

9 Interprète: Bonjour, Monsieur le Président.

10 M. le Président: Bonjour personnel du Greffe, bonjour conseils de

11 l'accusation et de la défense.

12 Je crois que nous sommes en condition pour continuer nos travaux avec le

13 témoignage du Pr Aleksic.

14 Est-cela, Maître Stojanovic?

15 M. Stojanovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

16 Il y a un petit dilemme qui est demeuré néanmoins chez moi: je voulais

17 savoir si la pièce à conviction dont nous avons fait état, fallait-il

18 établir son sort tout de suite ou est-ce que c'est à la fin du témoignage

19 du Pr Aleksic?

20 Il faudrait décider du sort de cette pièce à conviction immédiatement ou

21 plus tard.

22 M. le Président: Quelle est la pièce à conviction, Maître Stojanovic?

23 Je me rappelle maintenant.

24 M. Stojanovic (interprétation): Il s'agit de la pièce D28/4.

25 M. le Président: Traiter de l'ensemble à la fin de tout le témoignage,

Page 11062

1 c'est donc mieux.

2 M. Stojanovic (interprétation): Merci.

3 A ce moment là, je demanderai à l'huissier de nous aider et de faire

4 entrer M. le Pr Aleksic de nouveau dans le prétoire.

5 (Le témoin, Pr Zivojin Aleksic, est introduit dans le prétoire.)

6 M. le Président: Bonjour, Professeur Aleksic.

7 M. Aleksic (interprétation): Bonjour.

8 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir mais avant, je vous rappelle que

9 vous continuez sous serment et donc que nous allons continuer nos travaux.

10 Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

11 M. Aleksic (interprétation): Toute ma vie, j'ai prêté serment partout.

12 M. le Président: Maître Stojanovic, vous avez la parole, s'il vous plaît.

13 (Interrogatoire principal du témoin, Pr Zivojin Aleksic, par Me

14 Stojanovic.)

15 M. Stojanovic (interprétation): Bonjour, Professeur Aleksic.

16 M. Aleksic (interprétation): Bonjour.

17 Question: Nous allons poursuivre l'interrogatoire et nous allons passer à

18 un autre sujet.

19 Hier, vous nous avez parlé de vos coordonnées, de votre CV, des références

20 également, en fait le tout était lié au rapport d'hier car nous avons mis

21 l'accent sur les références concernant la graphoscopie, la science de la

22 graphoscopie et vous avez dit que votre champ d'expertise principal était

23 la criminologie et le droit, plus particulièrement les éléments de preuve,

24 est-ce que c'est exact?

25 Réponse: Oui.

Page 11063

1 Question: Si je ne m'abuse, vous avez également dit avoir complété votre

2 maîtrise et votre spécialisation à Lausanne?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vous avez également fait votre doctorat à Belgrade?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelle était votre

7 thèse de doctorat, votre mémoire?

8 Réponse: C'était l'application des méthodes scientifiques chez les

9 éléments de preuve provenant de personnes, c'est-à-dire de témoins,

10 d'experts et également d'accusés.

11 Question: Vous avez fait allusion en fait d'avoir été présent au cours de

12 votre travail sur la scène internationale. Est-ce que vous avez complété

13 quelques cours à cet effet?

14 Réponse: Oui, certainement. Dans ma profession, il est nécessaire de se

15 tenir à jour et il y a toujours quelque chose à étudier. J'ai terminé

16 trois degrés, en fait le troisième degré d'université du droit comparé à

17 Strasbourg à Exeter et à…

18 Interprètes: Nous n'avons pas entendu la ville italienne.

19 M. Stojanovic (interprétation): Il me semble que l'on n'a pas entendu le

20 mot, la ville en italien.

21 M. Aleksic (interprétation): C'était Pescara. C'était une université du

22 droit comparé qui avait été tenue par Sola Karnizals.

23 Question: Est-ce que vous avez eu à participer ou avez-vous travaillé

24 également au sein des Nations Unis?

25 Réponse: Oui.

Page 11064

1 J'ai travaillé sur le problème des drogues, des narcotiques et de la

2 protection des narcotiques à l'époque où dans mon pays cela ne faisait que

3 débuter où j'avertissais nos organismes. Malheureusement, c'était l'époque

4 du communisme et ils estimaient que les Américains m'avaient payé pour

5 parler ainsi et que c'était un problème dans les pays capitalistes et que

6 dans un régime socialiste cela ne peut jamais arriver. Malheureusement,

7 cela est arrivé et c'est un grave problème.

8 Question: Etes-vous à ce jour aujourd'hui membre de la société des

9 scientifiques de Serbie?

10 Réponse: Oui, j'ai été élu il y a 5 ans et j'en suis très fier. C'est une

11 sorte d'académie des arts et des sciences.

12 Question: Concernant votre appartenance aux organisme internationaux,

13 pourriez-vous nous en parler?

14 Réponse: Eh bien, j'ai participé avec le Pr Joe Harzard de Colombie. J'ai

15 été le co-directeur de l'organisme international des professeurs de droit

16 qui oeuvraient au sein d'une organisation internationale, c'est-à-dire on

17 essayait d'établir la paix dans le monde à travers le droit et j'y ai

18 participé pendant 8 ans.

19 Question: Si je ne m'abuse, hier vous nous avez dit avoir publié 29

20 ouvrages, est-ce exact?

21 Réponse: Oui. S'agissant de dix livres, ce sont des ouvrages qui

22 m'appartiennent à moi alors que les autres, j'ai été co-auteur. J'ai

23 travaillé avec un collègue ou j'ai travaillé avec des personnes, des

24 assistants.

25 Question: Combien de temps participez-vous à tout ceci? Depuis quand

Page 11065

1 travaillez-vous dans ce domaine?

2 Réponse: Eh bien, cela fait 45 ans que j'œuvre dans ce domaine mais c'est

3 un sujet pénible pour moi de mentionner ce nombre d'années.

4 Question: Je voudrais demander à l'huissier de nous présenter un document

5 qui porte le titre: "La valeur probante des éléments de preuve dans les

6 affaires pénales." pour lequel l'auteur est le Pr Zivojin Aleksic. Je

7 demanderai à la Greffière de nous accorder un numéro d'identification, une

8 cote.

9 Mme Thomson (interprétation): Oui, c'est D29/4.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 M. Stojanovic (interprétation): Professeur Aleksic, s'agit-il bien de

12 l'expertise que vous avez faite vous-même?

13 M. Aleksic (interprétation): Oui certes, mais j’aimerais attirer

14 l’attention de l'éminente Chambre dans la traduction française au lieu du

15 nom de famille M. Aleksic, on a mis M. Stojanovic, ma belle-mère a essayé

16 de faire en sorte que le nom change, mais cela n'a pas encore été fait et

17 je demanderai que cette erreur soit corrigée immédiatement.

18 Question: Est-ce que vous restez derrière ce que vous faites? Est-ce que

19 vous êtes, est-ce que c'est bien votre ouvrage?

20 Réponse: Oui, seulement je voudrais dire qu’à la page 9 de cet ouvrage il

21 y a deux paragraphes ou deux phrases ajoutées à la main, je vais en parler

22 un peu plus tard, ceci est traduit, mais simplement je voulais par cette

23 inscription indiquer qu'il arrive de temps en temps qu’à la hâte on

24 inscrive quelque chose comme ça car je voulais simplement pouvoir en

25 parler aujourd'hui.

Page 11066

1 Question: Puisque nous en sommes déjà à parler de la traduction du texte

2 qui a été traduit de la langue BCS dans une autre langue, ce sont les

3 traducteurs, les interprètes qui sont très, très bons bien sûr, vous citez

4 Plout, dans le texte en anglais alors que dans le texte en anglais on

5 parle de Plaout Plautus, il s’agit de la page n°5, le premier paragraphe

6 de la traduction, l'avant-dernière phrase qui se trouve à la même page.

7 Réponse: Oui, merci d'avoir attiré mon attention là-dessus.

8 Question: Non un instant, ma question est la suivante: est-ce que c’est un

9 malentendu, Plautus est un auteur de l’antiquité, est-ce que c’est bien,

10 vous faites appelle à lui?

11 Réponse: Non, Plout est un expert, c'est un scientifique de la fin du XIXe

12 siècle et il s’appelle Plout. Tous les gens, tous les historiens qui

13 œuvrent dans ce domaine ne peuvent pas ne pas le mentionner.

14 Question: Est-ce que nous voyons bien Plout ou Plautus dans le transcript?

15 Réponse: Ah oui, je vois, maintenant nous le voyons.

16 Question: Pouvez-vous nous parlez de façon générale des buts et des

17 résultats de votre expertise?

18 Réponse: Oui certainement, si votre partie de l'exposé est terminée.

19 Question: Oui, pour l’instant?

20 Réponse: Merci beaucoup de m'avoir épargné d'autres titres. Vous savez ces

21 titres se multiplient à chaque fois que dans une instance pareille. Chaque

22 fois qu’on énumère tous mes titres, j'ai l'impression qu'on veut m'offrir

23 une médaille. Voyez-vous, Monsieur le Président, lorsque l'homme se dirige

24 vers le tribunal, l’homme désire la justice ou établir la justice.

25 Tous les livres des pays civilisés, tous les codes pénaux des livres

Page 11067

1 civilisés font état du fait que le but du droit pénal, plus

2 particulièrement, est qu’aucune personne, toute personne qui est innocente

3 ne doit pas être trouvée coupable alors qu'il est important de sanctionner

4 la personne qui a commis un acte pénal.

5 C'est à partir donc de cette prémisse que j'ai compris plus tard dans le

6 développement de cette thèse, j'ai compris à quel point cette phrase

7 semble facile, à quel point cette phrase semble belle mais, Monsieur le

8 Président, et éminents collègues vous savez à quel point c'est difficile

9 et à quel point c'est un travail complexe d'arriver à ce but. Je le sais

10 car cela fait plus de 45 ans que j’œuvre dans le domaine pénal et du moins

11 mes éminents professeurs m'ont enseigné la science. Je dois vous avouer

12 que je n'ai jamais pu aller au-delà de mes professeurs car mes élèves à

13 moi sont peut-être allés un peu plus loin que moi et j'en suis très fier,

14 mais j'ai toujours essayé que le droit pénal devienne un espoir pour

15 l'innocent et que par contre cela devienne un poignard pour les accusés.

16 J'ai toujours œuvré dans ce domaine de façon très sincère et avec votre

17 permission, Monsieur le Président, je souhaiterais à cette honorable

18 Chambre de me permettre de parler de quelque chose qui me tracasse

19 énormément depuis hier.

20 Il y a quelques jours lorsque je suis arrivé on m'a montré un document, un

21 document émanant du Bureau du Procureur. Dans ce document j'ai pu voir une

22 objection et l'objection a été faite concernant ce dont nous allons parler

23 aujourd'hui. C’est mon erreur, je n’avais pas assez porté attention là-

24 dessus et c'est la raison pour laquelle je vous serez gré s'il serait

25 possible que la Chambre essaie de m'élucider ce point car je ne voudrais

Page 11068

1 pas essayer ou je ne désire pas quitter ce Tribunal malheureux. Voilà de

2 quoi il s'agit, dans la correspondance du Bureau du Procureur, Monsieur le

3 Président, veuillez accepter, s’il vous plaît qu’il s’agit peut-être d’un

4 malentendu, j’espère qu’il s’agit d’un malentendu mais j'ai cru comprendre

5 que ce que j'ai écrit.

6 M. le Président: Oui, Madame Somers.

7 Mme Somers (interprétation): Je suis vraiment désolée d’interrompre le

8 professeur, par contre, je souhaiterais qu’il n’est pas ici en tant

9 qu’avocat ou en tant qu’autre chose mais il est là en tant que témoin donc

10 s’il y a certaines objections c’est à nous et au conseil de la défense

11 d’en parler et je crois qu'il est en train d'outrepasser le rôle qu’il

12 joue ici. Donc ce n'est pas moi qui procédera au contre-interrogatoire,

13 mais j’ai cru que c’était mon devoir quand même de vous attirer

14 l'attention là-dessus.

15 M. le Président: Maître Stojanovic.

16 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je désire néanmoins

17 de permettre à l’expert de poursuivre son exposé. Si j'ai bien compris son

18 argumentation se rapporte sur l'objection justement de cette expertise de

19 la part de la partie adverse. Je crois qu’il serait important en fait de

20 rappeler à notre témoin expert que nous ne disposons que de 45 minutes.

21 M. le Président: Maître Stojanovic, vous comprendrez bien et Professeur

22 vous comprenez bien aussi, nous avons ici des règles qui ne sont pas quand

23 même les règles de notre système national de chacun de nous. Selon notre

24 règle vous êtes ici comme témoin, comme témoin expert et les témoins dans

25 le prétoire viennent pour répondre aux questions des parties.

Page 11069

1 Vous êtes présenté par la défense mais le Procureur et les Juges ont aussi

2 l'opportunité de vous poser des questions. Donc ici, vous êtes ici pour

3 répondre aux questions que les parties ont à vous poser et l'autre

4 question, s'il y a quelques problèmes peut être une question que vous

5 pouvez éclaircir avec les personnes qui ont été dans la situation qui a

6 créé des doutes. Professeur, nous allons continuer notre travail et Maître

7 Stojanovic, je crois qu’il y a ici une affirmation dans le rapport du Pr

8 Aleksic, qui a déjà mentionné: "Tout ceci se complique encore davantage

9 dans les situations de stress, notamment lorsqu'il s'agit des témoins qui

10 ont été détenus dans les camps", c'est la phrase que le professeur a

11 ajoutée.

12 Je crois que la vraie raison de la présence du professeur, s'il vient nous

13 parler de la valeur probante du témoignage et des questions du témoignage,

14 c'est pour la spécificité de ce que nous faisons ici et non dans la

15 généralité du système national.

16 Je vous demande donc de diriger s'il vous plaît les questions dans cet

17 objectif, rappelez-vous que nous avons une limite de temps et rappelez-

18 vous que le Professeur est ici dans l'intérêt de la justice, oui mais dans

19 la partie qui intéresse davantage la défense. Allez-y.

20 M. Aleksic (interprétation): Certainement, puis-je m'adresser à la Chambre

21 directement avec une phrase parce que j'ai été interrompu?

22 Vous savez, on m'a dit, et je l'ai lu à cet endroit, que c'est insulter la

23 Chambre que de venir témoigner devant la Chambre...

24 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre. Vous n'êtes pas un

25 témoin de la Chambre, vous êtes un témoin qui a été présenté par la

Page 11070

1 défense.

2 Quoique nous pensons que, du point de vue de la substance, on doit si je

3 peux dire anéantir cette différence, cette dichotomie entre témoin de

4 l'accusation et témoin de la défense, parce qu'à la fin ce que nous avons

5 ce sont des témoins de la justice.

6 Vous êtes ici comme témoin présenté par la défense, vous êtes donc ici

7 pour répondre -je vous le répète, Professeur- aux questions qu'en premier

8 lieu la défense, après le Procureur, et ensuite les Juges vont vous poser.

9 Comme vous le savez, pour ce faire, la justice est quelque chose qui

10 découle du respect des règles qui ont été établies pour qu'elle puisse y

11 arriver. C'est pour cela qu'il y a des codes de procédure.

12 Nous avons ici une procédure, c'est celle-là que nous allons respecter. Je

13 ne vais donc pas vous donner l'opportunité de vous exprimer de ce point de

14 vue parce que ce n'est pas notre règle, j'aimerais bien le faire mais,

15 comme Président de cette Chambre, je suis ici essentiellement pour

16 respecter et faire respecter les règles.

17 Maître Stojanovic va donc vous poser les questions, après le Procureur

18 vous en posera aussi. Allez-y, Maître Stojanovic, s'il vous plaît.

19 M. Stojanovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

20 Si je puis aider un expert, c'est bien lui puisque la Chambre a permis à

21 cet expert de venir ici indépendamment de la partie adverse.

22 Il me semble que j'ai omis, lors de la traduction, de faire une légère

23 intervention: à la page 6 du texte en langue anglaise, il s'agit du

24 paragraphe du milieu, pour le mot, pour la syntagme "psychose de rente",

25 qu'est-ce que vous voulez dire par là car, en langue anglaise, on voit le

Page 11071

1 texte "mot inconnu"?

2 M. Aleksic (interprétation): Oui, c'est de recevoir de l'argent pour ce

3 qui est arrivé, en fait cela arrive souvent chez les accusés de considérer

4 un événement malheureux et de le transformer en événement heureux. On

5 parle donc de rente, mais de rente de façon directe, non pas de façon

6 monétaire.

7 Question: De quelle façon est-ce que vous pouvez différencier les témoins?

8 Réponse: Oui, je serai très bref car la Chambre a connaissance de cela.

9 Alors la façon la plus simple est de diviser les témoins entre ceux qui

10 désirent dire la vérité et ceux qui mentent. A l'intérieur des témoins qui

11 désirent bien faire, il y a chez certaines personnes dont le sens ne

12 permet pas un témoignage de qualité.

13 Ceux que j'ai insérés de façon manuscrite -et nous allons peut-être en

14 parler un peu plus tard Chambre- il s'agit du danger qui existe. Lorsqu'il

15 y a témoignage collectif en fait -nous en parlerons un peu plus tard si la

16 Chambre est intéressée par cela-, je prends en considération l'avis de la

17 Chambre avec tout le respect que je leur dois car je sais qu'ils ont de

18 grandes difficultés devant eux, et je ne vais certainement pas commencer à

19 entrer dans les détails. Je sais qu'il est très difficile de juger

20 quelqu'un pour un meurtre sans avoir le cadavre.

21 Concernant les témoins qui témoignent sur ouï-dire, il y a énormément de

22 problèmes là-dessus également, et je fais une différence car en

23 littérature on fait la différence également dans les manuels éminents: il

24 y a le témoin qui témoigne de bonne foi et il y a l'autre témoin qui ment

25 ou des témoins qui d'après toutes leurs expériences essaient d'exagérer

Page 11072

1 leur malheur ou ce qu'il leur est arrivé. Il y a également des témoins qui

2 ont entendu dire quelque chose, ils ont entendu parler et en fait ils ont

3 entendu les résultats d'un acte pénal, c'est-à-dire des cris, des

4 gémissements, etc.

5 Il y a d'autres témoins qui ont simplement entendu parler d'autres

6 personnes, qui témoignent sur du ouï-dire et ils ne peuvent que témoigner

7 sur ce qu'ils ont entendu, mais malheureusement le psychique ou l'état

8 psychique humain et le développement de la pathopsychologie lorsqu'il

9 s'agit de droit pénal, nous nous servons de cela très souvent car cela va

10 au-delà de la connaissance des juristes.

11 Car d'après ce que Seelig a dit, justement il y a des témoins qui sont

12 observateurs, ces observateurs sont les témoins peut-être les meilleurs

13 pour la Chambre, alors qu'il y a d'autres témoins qui portent et donnent

14 leur propre jugement et leur évaluation de l'événement. C'est là où se

15 trouve la difficulté pour la Chambre d'essayer de décortiquer le tout et

16 d'essayer de retrouver où est la vérité.

17 Moi je considère que le témoignage d'un témoin qui a entendu dire quelque

18 chose d'un autre, d'une autre personne a le degré, le moindre degré, de

19 valeur de son témoignage. Des experts en Europe et aux Etats-Unis disent

20 que de tels témoignages sont plutôt des indications ou plutôt des

21 témoignages ou des moyens de preuve. Ensuite, on peut se demander bien sûr

22 si l'accumulation des indications peut constituer un élément. Mais moi je

23 pense que non.

24 Question: Pourriez-vous nous parler plus avant sur les personnes qui ont

25 souffert et qui ont été lésées d'une façon ou d'une autre par les crimes

Page 11073

1 et qui viennent témoigner?

2 Réponse: Eh bien, les personnes qui ont été lésées ou les victimes d'après

3 la pratique judiciaire, dans la psychologie humaine, il existe la tendance

4 à exagérer le grief qu'on a subi. Si ce désir est augmenté par le fait

5 qu'on a perdu un être précieux par exemple, ou bien s'il apparaît un degré

6 important du désir de vengeance, eh bien, dans ce cas-là, il est

7 indispensable tout de même d'entendre ce témoin avec la présence d'un

8 psychologue qui va être en mesure de faire la différence entre les faits

9 et la partie objective et non objective.

10 Question: Moi, je peux vous énumérer quelques exemples de notre pratique,

11 de la pratique du Tribunal et vous pourriez peut-être me dire si vous

12 considérez que ceci tombe dans cette catégorie-là. Par exemple, dans une

13 affaire semblable, l'affaire Sikirica et consorts qui est jugée devant ce

14 Tribunal, dans l'exposé préalable du Procureur dans le transcript de cette

15 affaire, à la page 471, se basant sur le témoignage d'un témoin, il est

16 écrit qu'à Keraterm, dans une pièce qui fait un peu 20 m², eh bien, on y a

17 placé 557 personnes, c'est-à-dire 28,5 hommes par mètre carré.

18 M. le Président: Monsieur Waidyaratne?

19 M. Waidyaratne (interprétation): J'ai une objection contre cette question.

20 Est-ce que nous considérons que cette question n'a rien à voir avec le

21 rapport présenté par cet expert?

22 M. le Président: Maître Stojanovic, vous pouvez poser la question dans les

23 paramètres du rapport et d'une façon plus générale, sinon vous pouvez

24 tomber dans une situation délicate pour vous quand même, même pour le

25 professeur, pour la déontologie et la éthique. Vous voyez où vous allez

Page 11074

1 tomber Maître Stojanovic. Vous obligez le professeur à se prononcer sur

2 une affaire qui n'a pas à être jugée ici. Posez donc la question d'une

3 façon générale sinon vous pouvez créer une situation délicate. Allez-y.

4 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que vous

5 avez tout à fait raison en effet. Je pense qu'il s'agit d'une erreur de

6 procédure si j'ose dire. Moi, j'ai juste voulu évoquer les dires de

7 certains témoins mais je crois, en effet, qu'il n'était pas besoin de

8 mentionner l'affaire, de préciser de quelle affaire il s'agissait.

9 En ce qui concerne donc certaines dépositions de témoins, comment est-ce

10 que vous diriez qu'il s'agit d'une aggravation?

11 M. Waidyaratne (interprétation): J'ai toujours cette même objection et

12 ceci au titre de l'Article 94/C. Le témoin doit être examiné uniquement au

13 sujet de son rapport d'expertise et Me Stojanovic place le témoin dans un

14 autre contexte.

15 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je vais retirer

16 cette question et je vais utiliser une question relevant de notre propre

17 affaire.

18 Vous avez fait une analyse concernant la perception des témoins concernant

19 les dimensions de l'espace: par exemple, est-ce que dans une pièce qui

20 fait 200 m², on peut y placer 1000 personnes ou plus? Est-ce qu'on peut y

21 mettre plus que cinq personnes? Est-ce que ceci aussi résulte de l'état,

22 de cet état du témoin?

23 M. Aleksic (interprétation): Je ne peux vous répondre puisque je ne

24 connais pas cette affaire. Mais cette expérience que j'ai faite avec le Pr

25 Vudinelic, dont j'ai fait état dans mon opinion d'expert, eh bien, nous

Page 11075

1 avons rassemblé 63 personnes, des personnalités d'ailleurs, des juges, de

2 hommes de la justice, des membres de la police, du Bureau du Procureur,

3 etc. Donc des gens instruits.

4 Nous avons donc mesuré les dimensions d'un espace -je ne veux pas entrer

5 dans les détails mais je peux vous dire la conclusion- sur 63 personnes,

6 uniquement deux experts, deux personnes travaillant dans la justice ont

7 réussi à évaluer la hauteur, la largeur et la longueur de cet espace.

8 En ce qui concerne la largeur, personne ou presque personne ne l'a

9 devinée. En ce qui concerne la hauteur, eh bien, vous avez les

10 pourcentages qui sont exposés; en ce qui concerne la longueur, c'est là

11 qu'il y a eu le plus d'erreurs. Lorsque le véhicule s'est éloigné de 200

12 mètres de l'endroit de cette expérience, eh bien, ces personnes, tous

13 travailleurs dans la justice, ont tous dit que la voiture s'était éloignée

14 d'un kilomètre. Evidemment, cette évaluation va être influencée par des

15 paramètres différents, par exemple, l'expérience de la vie, etc.

16 Question: Et pouvez-vous nous aider avec votre expérience, avec vos

17 connaissances concernant l'identification des personnes par le biais des

18 témoins?

19 Réponse: Tout d'abord, dans la science de criminologie, ces

20 identiifcations doivent être faites en groupe, c'est-à-dire une suite de

21 personnes.

22 M. Waidyaratne (interprétation): Je suis désolé d'interrompre le témoin,

23 mais il n'a pas été question de cela dans le rapport d'expert non plus.

24 Mme Wald (interprétation): Excusez-moi, mais je me sens obligée de vous

25 dire qu'il s'agit d'un témoin d'ordre général. Nous avons décidé qu'il

Page 11076

1 allait parler des problèmes de valeur probante des moyens de preuve. Nous

2 avons lu son rapport mais nous allons parler aussi en termes généraux.

3 Il est donc tout à fait acceptable qu'on lui pose des questions d'un

4 certain nombre d'exemples spécifiques, en ce qui concerne par exemple

5 l'identification des témoins, ceci peut être important concernant son

6 témoignage en ordre général. Vous devez être un peu plus flexible.

7 M. Aleksic (interprétation): Ecoutez, pour moi, il est vraiment très

8 difficile de choisir parmi mes textes; c'est comme si l'on vous posait la

9 question de savoir lequel de vos enfants vous aimez le mieux.

10 En tout cas, je suis honoré d'être en mesure de répondre à vos questions

11 et je suis vraiment flatté d'avoir reçu la possibilité d'être ici et de

12 partager mon expérience et mes connaissances avec ce Tribunal.

13 M. Stojanovic (interprétation): Donc, si j'ai bien compris, je peux

14 reposer ma question; la question est toujours valable, la question

15 concernant l'identification des témoins. Si j'ai bien compris la Juge

16 Wald.

17 M. Aleksic (interprétation): Eh bien, avec la permission de la Chambre, je

18 peux répondre. Je peux répondre sans aucun problème. C'est une règle

19 connue: la première règle, c'est qu'on fait cette identification dans le

20 cadre d'un groupe. Ensuite, deuxième règle: on le fait à travers un miroir

21 pour que le témoin ne soit pas intimidé par l'accusé. Troisième règle: la

22 personne qui doit être reconnue, de par son aspect physique, ses

23 vêtements, sa coiffure, etc. ne doit pas être trop différente des autres

24 personnes auxquelles il faut la comparer.

25 Donc l'identification la moins valable -et je suis désolé si jamais vous

Page 11077

1 compreniez cela comme une attaque-, eh bien, c'est l'identification dans

2 le prétoire où l'accusé est assis au banc de l'accusé. Si vous posez la

3 question au témoin, à savoir s'il reconnaît l'homme en question et bien

4 cette identification est dirigée, influencée pour ainsi dire dans la

5 science de criminologie, eh bien vraiment la valeur probante est donnée

6 aux identifications en groupe.

7 Question: Vous avez parlé aussi dans votre opinion d’expert des

8 témoignages en groupe. Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage

9 concernant surtout ce qui nous intéresse dans le cadre de cette affaire

10 que vous connaissez?

11 Réponse: Eh bien, voyez-vous un témoignage collectif, on peut l'expliquer

12 comme cela, par exemple vous avez les gens qui ont survécu aux camps, aux

13 horreurs des camps, heureusement pour eux. A partir du moment où on juge

14 les acteurs de crime, les personnes qui sont accusées de ce crime -c'était

15 le cas pour Nuremberg et dans d’autres affaires aussi-, eh bien,

16 consciemment ou inconsciemment les témoins commencent à se parler entre

17 eux et ils commencent à se parler déjà dans le camp et cela continue

18 jusqu'au moment où ils apparaissent, comparaissent devant le Tribunal.

19 Le Tribunal essaie de l’empêcher mais c’est difficile de le faire et c’est

20 là qu’apparaît ce phénomène de témoignage collectif, ceci entrave le

21 travail du Tribunal et des Juges puisque les témoignages vont être

22 contaminés et beaucoup, une énumération, une compilation d’indications

23 vont se transformer en moyens de preuves.

24 C’est quelque chose que chaque Tribunal essaie d'éviter et je pense que

25 vous ici dans ce Tribunal vous travaillez dans des conditions très très

Page 11078

1 difficiles en ce qui concerne les témoins.

2 Moi, il y a un mois à peu près, j’étais présent dans la partie musulmane

3 de Sarajevo où j’ai été nommé membre honorifique de quelque chose et donc

4 j’ai parlé de cela justement et les Musulmans ne se sont pas opposés à

5 cette opinion que j’ai exposée, car vous savez moi j'ai une devise: un

6 voleur, c’est un voleur quel que soit son pays d’origine.

7 Question: Je voudrais poser une dernière question au témoin: d'après tout

8 votre travail scientifique, donc 40 années d’expérience professionnelle,

9 pourriez-vous nous dire, vous fondant sur toute cette expérience, quelle

10 est votre position et quels sont aussi les postulats de la pratique et de

11 la théorie juridique au sujet de la question suivante: est-ce que le

12 témoignage d’un témoin ou de deux témoins peut suffire pour constituer

13 l’élément de preuve sur la base duquel on va établir l'existence ou la

14 preuve pour les crimes les plus lourds?

15 Réponse: Je vais vous dire "testis unus, testis nullus", c'est-à-dire, en

16 latin bien sûr un témoin ne vaut rien, un seul témoin ne vaut rien.

17 Nous aussi nous avions un proverbe chez nous datant de l'inquisition:

18 "deux hommes sans âme, le troisième sans esprit, sans la tête.

19 C'est très difficile de dire de combien de témoins on a besoin exactement.

20 Par exemple, quand on trouve un toxicomane en possession de stupéfiant, eh

21 bien, on va évaluer sa peine en fonction de la quantité de stupéfiant.

22 Avec le témoin, on ne peut pas procéder de cette façon-là donc il faut

23 évaluer dans quelle mesure un témoignage s’appuie sur les faits, sur les

24 faits matériels, ce n'est pas vraiment le nombre qui est important.

25 C’est difficile de dire si un seul témoin suffit ou non. Ce témoin peut

Page 11079

1 par exemple être un enfant, un témoin oculaire et qu'il est très difficile

2 d'influencer de lui dire ce que l’on veut obtenir par ce témoignage.

3 Question: Quand vous dites qu'il est important sur les traces matérielles,

4 que voulez-vous dire par là?

5 Réponse: Eh bien, un témoin, chaque fois qu'il dit quelque chose, à chaque

6 fois qu'il témoigne -et les Juges de cette Chambre le savent mieux que

7 moi-, eh bien il est important de discerner dans son témoignage par

8 exemple l’arme du crime, les traces, des traces matérielles.

9 Vous savez un témoin! Par exemple il y avait l'affaire Clinton, les

10 accusations de Monica Lewinski n'auraient eu aucun poids si elle n'avait

11 pas gardé sa robe avec les traces et c'est l’analyse ADN qui a corroboré

12 ses dires et dans ce cas-là évidemment un témoin était suffisant car elle

13 avait cet élément de preuve.

14 Je ne peux donc pas vous donner une réponse définitive.

15 M. Stojanovic (interprétation): Je vous remercie, je pense que j’ai

16 respecté le temps qui m’a été alloué par la Chambre, j’ai terminé

17 l'interrogatoire principal de ce témoin.

18 M. le Président: Merci Maître Stojanovic.

19 Donc Monsieur Waidyaratne, vous avez la parole pour le contre-

20 interrogatoire, s’il vous plaît.

21 (Contre-interrogatoire du témoin, Pr Zivojin Aleksic, par M.

22 Waidyaratne.)

23 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

24 Bonjour Professeur Aleksic.

25 M. Aleksic (interprétation): Bonjour.

Page 11080

1 Je demandais à quelqu’un de brancher mon micro mais je viens de me rendre

2 compte du fait qu’il est branché.

3 M. Waidyaratne (interprétation): Professeur Aleksic, dans votre rapport,

4 vous avez inclus dans votre rapport des extraits, des études faites par

5 d'autres académiciens concernant la valeur probante des témoignages et

6 d'éléments de preuve, leur évaluation?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Ces études, ce travail a été effectué par différentes personnes

9 qui expriment différentes opinions, est-ce que j'ai raison?

10 Réponse: Oui, en ce qui concerne les détails oui.

11 Question: Par exemple vous avez donné l'exemple d'une étude menée par un

12 de vos collègues et vous-même. Mais cette étude avait été menée pendant le

13 temps de paix, de circonstances normales, habituelles?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Professeur, nous avons vu votre curriculum vitae, avez-vous

16 jamais été juge dans un tribunal? Est-ce que vous n'avez jamais siégé en

17 tant que juge?

18 Réponse: Ecoutez, cela aurait vraiment été trop, j'ai eu du mal à faire ce

19 que j'ai fait déjà.

20 Question: Est-ce que vous avez jamais été d'un juré, membre d'un juré?

21 Réponse: Non, non, non. Jamais mais j'ai fait des préparations pour des

22 procès, par exemple les terroristes qui en 1970 ont tué notre ambassadeur

23 en Suède, j'ai donc préparé le travail et j'ai aidé le travail du tribunal

24 et du Procureur dans cette affaire de l'attaque sur la mission militaire à

25 Berlin et dans beaucoup d'autres affaires.

Page 11081

1 Mais mon rôle s'arrêtait là où le procureur commençait à travailler.

2 J'étais donc juste un assistant du procureur dans ses affaires, mais

3 maintenant malheureusement nous sommes du côté opposé.

4 Question: Professeur, vous avez parlé de votre carrière, vous avez parlé

5 de votre travail, vous avez dit aussi que vous avez eu affaire aux Nations

6 Unies et à l'organisation des Nations Unies, c'est correct, n'est-ce pas?

7 Est-ce que vous connaissez le Statut du Tribunal par hasard?

8 Réponse: Eh bien, c'est la troisième fois que je viens à La Haye mais

9 jusqu'à maintenant je suis venu au Tribunal en tant qu'un témoin parlant

10 du code pénal, et c'est la première fois que je parle aux Juges d'une

11 Chambre de ce Tribunal des choses que je connais, d'après ce que je pense,

12 beaucoup mieux, c'est-à-dire la criminologie. La criminologie qui traite

13 de ces questions peut-être plus en profondeur que le Tribunal.

14 Question: Mais je n'ai toujours pas compris: voulez-vous me dire que vous

15 n'avez pas lu le Statut du Tribunal?

16 Réponse: Oui. J'ai lu la partie du Statut qui me concerne, je sais quelle

17 est votre position concernant les témoins experts. Moi, eh bien, on m'a

18 fait la leçon tout à l'heure, j'ai un tempérament de méditerranéen, et

19 quand on m'a dit que j'étais en train de faire une leçon au Tribunal, eh

20 bien, je me suis vu dans l'obligation de réagir parce que vous m'avez dit

21 aussi que mon rapport était une insulte au Tribunal. Je n'aurais jamais

22 osé cela parce que, toute ma vie, je me suis efforcé d'aider les

23 tribunaux.

24 Question: Professeur, savez-vous qu'il y a 7, Article 15, Article 20

25 section 1 dans le Règlement de Procédure et de Preuve: connaissez-vous ces

Page 11082

1 Articles de Statut?

2 Réponse: Non quand je suis arrivé ici, j'ai entendu l'objection du

3 Procureur et je vais lire avec beaucoup de plaisir ces Articles, mais à

4 froid, parce que je suis peut-être vieux mais je m'excite rapidement

5 encore.

6 Question: Je vais parler d'une autre question: connaissez-vous le

7 Règlement de Procédure et de Preuve du Tribunal? Savez-vous qu'il existe

8 un tel document et l'avez-vous lu?

9 Réponse: Je vous ai déjà dit tout à l'heure, je vous ai déjà répondu! Mais

10 est-ce que vous pourriez être plus précis dans vos questions, s'il vous

11 plaît? A quoi pensez-vous?

12 Question: Professeur, connaissez-vous l'Article 89 C) qui dit que: "La

13 Chambre, qui est faite de Juges professionnels, peut recevoir tout élément

14 de preuve pertinent qu'elle estime avoir valeur probante", connaissez-vous

15 l'existence de cet Article dans le Règlement de Procédure et de Preuve de

16 ce Tribunal?

17 Réponse: Après de nombreuses années, je me retrouve dans la situation où

18 je dois répondre aux questions et je me retrouve dans la situation d'un

19 étudiant qui n'est pas au courant d'un article, et alors le prof lui dit:

20 "Mais essayez au moins de vous rappeler de l'alinéa 4!" Eh bien, non, je

21 ne me rappelle pas.

22 Question: Moi, ce que je citais, c'est l'Article 89 D) du Règlement de

23 Procédure et de Preuve du Tribunal, 89 C) et D).

24 Professeur, si vous acceptez le fait qu'il existe un tel Règlement de

25 Procédure et de Preuve, qu'il existe aussi un Statut du Tribunal qui

Page 11083

1 reconnaît que ce sont les Juges professionnels expérimentés qui

2 travaillent dans le Tribunal, ils peuvent recevoir tout élément de preuve

3 pertinent sans ignorer les circonstances dans lesquelles les faits se sont

4 produits?

5 Réponse: Oui, mais je ne comprends toujours pas le but de votre question.

6 Question: Est-ce que vous acceptez, est-ce que vous êtes d'accord que les

7 Juges qui travaillent dans cette Chambre et dans ce Tribunal sont les

8 Juges expérimentés et professionnels?

9 Réponse: Mais bien sûr.

10 Question: Etes-vous d'accord que le Statut et le Règlement donnent le

11 pouvoir aux Juges d'évaluer les éléments de preuve et de recevoir tout

12 élément de preuve pertinent qu'ils estiment avoir valeur probante?

13 Réponse: Eh bien, je pense que tous les tribunaux au monde agissent comme

14 cela de façon quotidienne, et bien sûr celui-ci ne fait pas exception

15 surtout compte tenu de son estime.

16 Question: Vous avez parlé des témoins, vous n'avez pas précisé de quelle

17 façon on peut tester la crédibilité d'un témoin, vous n'avez pas parlé de

18 cela dans votre opinion d'expert, ai-je raison?

19 Réponse: Merci de votre question. Là, c'est très important ce que vous

20 dites, vous m'aidez vraiment.

21 Par exemple, Mendelson, je ne l'ai pas écrit dans mon opinion d'expert,

22 dans son oeuvre célèbre sur la victimologie...

23 Les interprètes m'avertissent de ralentir.

24 Le Pr Mendelson dans son oeuvre victimologie dit donc les meilleurs tests,

25 critères pour vérifier si le témoin ment ou dit la vérité, qu'il le fasse

Page 11084

1 exprès ou non, eh bien c'est de voir si dans son témoignage il donne aussi

2 les détails qui pourraient être à sa charge, tout une série d'autres

3 professeurs en victimologie connus dans le monde ont appliqué d'autres

4 tests.

5 Moi; j'aimerais, si vous devez vous rappeler de moi pour quoi que ce soit,

6 surtout en ce qui concerne le Procureur, je voudrais vous recommander de

7 faire appel beaucoup plus aux psychologues, aux psychopathologues

8 judiciaires pour tester la crédibilité. Je vais vous dire pourquoi je ne

9 l'ai pas mis dans mon rapport d'expert, mais je vous remercie de

10 l'occasion que vous me donnez d'en parler: chez les hommes surtout les

11 jeunes, il existe un phénomène qu'on appelle (l'interprète n'a pas entendu

12 le terme) qui consiste non pas à se rappeler d'un certain nombre

13 d'éléments mais de les visualiser, et ceci peut être confus et peut porter

14 à confusion.

15 Cette personne peut se rappeler de 40 détails, d'une image, mais ne peut

16 pas décrire ce qu'elle n'a pas vu. Et donc ceci peut être très important

17 pour le tribunal et c'est pour cela que les psychologues peuvent conduire

18 ces tests identiques pour jeter une lumière sur tous ces détails et

19 essayer de mettre tout cela en perspective.

20 Par exemple, la personne se rappelle de la porte d’entrée mais ne se

21 rappelle pas où se trouve, elle se rappelle de la porte d’entrée, elle se

22 rappelle du miroir mais elle ne se rappelle pas du lit alors que le témoin

23 est capable de décrire en grand détail le miroir, parce qu'en réalité, le

24 témoin n'est jamais entré dans la pièce.

25 Je suis désolé pour cette digression mais je suis professeur vous savez,

Page 11085

1 il m’est difficile de lutter contre cela.

2 Question: Professeur Aleksic, vous avez parlé d'une organisation à

3 Sarajevo dont vous êtes devenu membre honorifique, vous avez mentionné les

4 Musulmans.

5 Réponse: Oui.

6 Question: Quelle est cette association?

7 Réponse: Tout cet événement est positif pour moi, c’est un bel événement

8 avec l’arrivée de la démocratie dans notre pays après le 5 octobre.

9 Question: Je suis désolé de vous interrompre, je voulais juste savoir le

10 nom.

11 Réponse: La faculté de Sciences de criminologie, donc j'ai assisté à une

12 réunion dans cette faculté, j'ai été accueilli de façon extraordinaire et

13 ils ont dit: "Voici l’homme dont nous avons étudié les livres, il est là,

14 il est présent!" Il y avait des Musulmans, des Serbes et toutes ces

15 différences entre les Musulmans et les Serbes ont disparu, tout cela a

16 disparu et c'est la science, c’est la culture qui a vaincu la différence

17 entre les hommes.

18 Question: Professeur Aleksic, je voudrais attirer votre attention sur

19 l’opinion d’expert que vous avez soumise à la Chambre, je parle de la

20 dernière page, vous avez dit très clairement et ouvertement, donc la page

21 8 si j'ose dire à la fin, je cite: "Toutes ces délibérations n’ont pas

22 l’intention de montrer des éléments spécifiques d'un témoignage dans une

23 procédure pénale mais de nous rappeler ce que l’on sait de la littérature

24 et de la pratique quotidienne des tribunaux.".

25 Donc, vous nous avez rien dit de nouveau, vous nous avez juste rappelé ce

Page 11086

1 qui existe déjà, n’est-ce pas?

2 Réponse: Oui, d’ailleurs je ne vais pas répondre en apportant des éléments

3 nouveaux par rapport à ce que j'ai dit. Vous savez, quelquefois toute la

4 vie d'un être humain se consacre à une action qui en fait n'est qu'une

5 goutte dans la mer, mais cette personne, lorsqu’elle a accompli cela, est

6 heureuse d’avoir ajouté cette goutte à l'océan en faisant la découverte

7 qu'elle a faite par exemple. Je n'ai pas fait de découvertes

8 extraordinaires, mais j’ai tout de même accompli un petit quelque chose

9 dont je suis heureux.

10 M. Waidyaratne: Professeur Aleksic, conviendrez-vous avec moi...

11 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je vais sans doute

12 rencontrer les représentants de la section des traducteurs mais j’aimerais

13 beaucoup les rencontrer parce que vraiment il y a pas mal d'erreurs dans

14 la traduction et l'interprétation, lorsqu'on dit qu'il y a marqué

15 l'époque, qui a marqué l’histoire, je lit ici au compte-rendu d'audience

16 un mot tout à fait différent, peut-être que le professeur dans son

17 témoignage devrait ralentir un peu, mais vraiment il y pas mal d'erreurs

18 au compte-rendu, des erreurs qui véritablement changent le sens de ce que

19 dit le témoin.

20 Il en ressort que son rapport n'est absolument pas applicable alors qu’il

21 a dit que son rapport n'était peut-être pas une grande découverte, n’avait

22 peut-être pas marqué son époque, voyez-vous, il y a une différence.

23 M. le Président: Nous allons remarquer cela et faire attention. S'il y a

24 vraiment des choses décisives, vous pouvez les noter et après dans vos

25 questions supplémentaires les reprendre.

Page 11087

1 Continuez s'il vous plaît, Monsieur Waidyaratne..

2 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

3 Professeur Aleksic, vous me permettrez sans doute de résumer: vous n'avez

4 jamais jugé quelqu'un pendant votre longue et éminente carrière? Vous

5 n’avez jamais été Juge?

6 Réponse: Ce n’est pas ma profession, ce n’est pas ma carrière.

7 Question: Vous n'avez pas non plus été juriste dans un procès?

8 Réponse: Non.

9 Question: Avez-vous interrogé des victimes et des témoins?

10 Réponse: Absolument, bien sûr.

11 Question: En vue d’un procès?

12 Réponse: Pour la préparation d'un procès du côté de l'accusation, c’est

13 beaucoup plus difficile à mon avis de le faire que pendant le procès.

14 Préparer une affaire, soumettre des éléments de preuve au Procureur qui va

15 ensuite les présenter au Tribunal, lorsque ce travail est bien fait, ce

16 travail de préparation, le procès dure très peu de temps.

17 C’est ce qui est arrivé d’ailleurs dans ces affaires de terrorisme dont

18 j'ai parlé tout à l'heure. Elles se sont déroulées très brièvement, très

19 efficacement, sans besoin d’inviter qui que ce soit de particulier. De

20 sorte que l’on m’a proposé 100.000 marks, on a proposé pour avoir ma tête

21 du côté des Oustachis 100.000 marks. Je ne leur ai pas fait le plaisir de

22 mériter cette somme.

23 Question: Vous avez parlé des Oustachis, pourriez-vous vous expliquer sur

24 ce point?

25 Réponse: L’organisation des Oustachis nous fait remonter très loin. C’est

Page 11088

1 en fait une organisation qui représente le nationalisme croate oustachi.

2 Durant la Deuxième Guerre mondiale, c’est un nationalisme qui a coûté la

3 vie à de nombreux Serbes là-bas. Avec l’accession à l’indépendance de la

4 Croatie, le mouvement oustachi est entré dans le passé et tout cela est

5 plus ou moins oublié de nos jours.

6 Je peux vous dire que je m’exprime souvent en Croatie et en Slovenie, dans

7 des conférences ou des cours, parce que la science c'est la science et la

8 politique n'a rien à voir avec la science. Je ne vais pas abuser de votre

9 temps mais j’ajouterai que je n’ai jamais été membre du parti communiste à

10 l'époque où il était très rentable de l’être. A l'université de droit, sur

11 150 professeurs, seul le Pr Perovic et moi-même n’étions pas membres du

12 parti communiste.

13 Question: Professeur Aleksic, le mot Oustachi est-il un mot marqué par

14 l'appartenance ethnique comme le mot Chetnik?

15 Réponse: Voyez-vous, si quelqu’un est un Oustachi ou si quelqu'un est un

16 Chetnik, il le porte sur lui et en lui, et il l'exprime par des gestes de

17 la main, par la cocarde sur le couvre-chef, il n’en a pas honte. Pendant

18 la Deuxième Guerre mondiale et dans l’après Deuxième Guerre mondiale, les

19 Croates se sont retrouvés, les Croates oustachis se sont retrouvés à

20 l'étranger ensemble avec les Musulmans.

21 Maintenant, il appartient aux Juges de déterminer si ces personnes ont

22 raison ou pas d’être fières de ce qu’elles sont, mais ils ont eu un

23 ambassadeur en Europe centrale, ils ont perturbé l’opinion publique

24 européenne.

25 M. le Président: Rapport du témoin expert.

Page 11089

1 M. Waidyaratne (interprétation): Je vais passer à autre sujet, Monsieur le

2 Président.

3 Professeur Aleksic, conviendrez-vous que les Juges expérimentés qui

4 travaillent ici au Tribunal sont plus que capables d’apprécier la valeur

5 des éléments de preuve qui leur sont soumis, donc qu’ils sont plus que

6 capables d’accorder à ces éléments de preuves le poids qui leur revient?

7 Réponse: Mais bien sûr, absolument, seulement vous pouvez demander aux

8 Juges en privé combien d’ouvrages ils parcourent, combien d’ouvrages ils

9 lisent pour être capables de réaliser le travail qui est le leur!

10 M. Waidyaratne (interprétation): Je vous demande un instant Monsieur le

11 Président. Merci, Monsieur le Président. Je n’ai plus de questions pour ce

12 témoin.

13 M. Le Président: Maître Stojanovic, avez-vous des questions

14 supplémentaires?

15 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Pr Zivojin Aleksic,

16 par Me Stojanovic.)

17 M. Stojanovic (interprétation): Non Monsieur le Président, pas de vraies

18 questions c’est simplement ce problème d'erreurs d'interprétation qui

19 m’amèneront à poser quelques questions supplémentaires.

20 Monsieur le Professeur, avez-vous dit dans votre témoignage que votre

21 travail n'était pas applicable ou qu'il n'avait pas marqué votre époque?

22 M. Aleksic (interprétation): Je vais être clair sur ce sujet. Je pense que

23 je l'ai été tout à l'heure d’ailleurs. Je dirais, ce que j’ai dit, c’est

24 simplement que tout ce que j'ai découvert dans ma vie, n’a pas forcément

25 marqué son époque. Ce serait merveilleux si toutes les découvertes

Page 11090

1 humaines marquaient d’un sceau impérissable l’époque dans laquelle elles

2 se situent, mais l'histoire est faite de petits pas. Et ce n'est pas

3 nouveau. Il suffit parfois de se rappeler l'élément important au bon

4 moment pour faire un travail important.

5 J'ajouterai simplement que je suis contre la distinction entre la théorie

6 et la pratique. Pour moi, la théorie constitue une synthèse de la pratique

7 donc il me paraît impossible de distinguer radicalement la théorie de la

8 pratique car la théorie vient de la pratique et la théorie ne tombe pas de

9 mars, elle est la synthèse de tout ce qui a été fait dans la pratique

10 jusqu’à ce moment-là.

11 M. Stojanovic (interprétation): Merci Monsieur le Président.

12 M. le Président: Monsieur le Juge Riad, s’il vous plaît.

13 (Questions au témoin, Pr Zivojin Aleksic, par M. le Juge Riad.)

14 M. Riad (interprétation): Professeur Aleksic, bonjour.

15 M. Aleksic (interprétation): Bonjour.

16 Question: J'aimerais pouvoir profiter de votre avis d'expert, de votre

17 expérience, de l'éminence de vos travaux en m'appuyant sur votre rapport.

18 Vous avez parlé de la valeur d’un témoignage individuel et vous avez dit

19 "testis unus, testis nullus", autrement dit un seul témoin ne valait pas

20 grand chose, que tout dépendait des éléments matériels, des faits, et que

21 ces faits peuvent corroborer ou pas le témoignage d'un individu.

22 Je vous demande si ce que vous avez dit au sujet du témoignage unique

23 pouvait s’appliquer également au témoignage collectif: est-ce que le

24 témoignage collectif lui non plus n’a aucune valeur s’il n’est pas appuyé

25 par, ce que vous avez appelé, des faits concrets?

Page 11091

1 Réponse: Je vous remercie de votre question et je dois vous dire une

2 chose. Le témoignage collectif n’a de valeur ni dans la science ni dans la

3 pratique s’il ne porte pas sur un élément éventuellement ou

4 potentiellement utile pour le Tribunal et donc comparable au moins à un

5 certain nombre de faits, parce que le témoignage collectif tourne autour

6 d'une narration et chacun des éléments individuels qui constituent le

7 collectif en fonction de son expérience personnelle, en fonction de son

8 expérience professionnelle, va enrichir la narration ou le témoignage

9 collectif en question.

10 Voilà ce que je pense de cela.

11 Question: Micro, s'il vous plaît!

12 Que voulez-vous dire par la nécessité de comparer avec les faits, parce

13 que nous partons d'une prémisse que nous n'avons pas les traces concrètes

14 à notre disposition?

15 Réponse: Eh bien, c’est une question très difficile. Nous n'avons pas ici

16 évoqué un autre danger lié au témoignage qui vient du fait qu’un témoin

17 peut consciemment ou inconsciemment émettre un avis et donc exprimer son

18 jugement sur les événements qui ont eu lieu.

19 Certains pensent que l’homme primitif est le meilleur témoin, eh bien à ce

20 sujet également j’ai écrit quelques lignes dans mon rapport. Si l'homme

21 primitif est témoin d'un conflit dans une arène politique, il peut

22 s'avérer très utile, mais si cet homme primitif est témoin d'un vol de

23 moutons alors que lui-même est un pâtre, un berger, dans ce cas, le

24 Tribunal entendra son jugement, son avis sur l'événement en question,

25 puisqu'il a une expérience de la chose.

Page 11092

1 Et ceci m'amène à revenir sur le concept de fait et sur la question qui

2 m'a été posée tout à l'heure par le Procureur. Non, je n'ai pas jugé dans

3 des procès en bonne et due forme, mais j'ai préparé le travail des Juges.

4 Ce travail implique de rechercher des faits à tout prix, parce que,

5 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il n'y a pas de crime

6 parfait, il y a seulement des vérités imparfaites.

7 Question: Merci beaucoup.

8 M. Aleksic (interprétation): Merci.

9 L'interprète: Le témoin a parlé non pas de vérités imparfaites mais

10 d'investigations, d'enquêtes imparfaites.

11 M. le Président: Oui, Maître Stojanovic?

12 M. Stojanovic (interprétation): Je dois demander une correction au compte

13 rendu d'audience. Je crois que le témoin a parlé de "recherches,

14 d'investigations, d'enquêtes imparfaites" et non de "vérités imparfaites".

15 Mme Wald (interprétation): Professeur, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt

16 votre rapport, notamment parce que j'ai moi-même commencé ma carrière pour

17 travailler avec un juge très célèbre qui consacrait une grande partie de

18 son temps à rechercher des faits pour préparer des procès; je veux parler

19 du juge Jérome Frank. Je ne sais pas si vous avez entendu son nom. C'était

20 un juge américain.

21 Mais vous avez insisté dans votre rapport sur la vulnérabilité des

22 témoignages. Je crois que de nombreux ouvrages ont été écrits sur ce sujet

23 et que nous connaissons le problème. Mon expérience, lorsque je

24 travaillais pour ce juge très célèbre, m'a amenée à recréer une scène et à

25 quitter les lieux à ce moment-là.

Page 11093

1 Ce juge dont je parle était également professeur, il demandait à tout le

2 monde d'écrire ce qu'ils avaient vu sur la scène des événements et de

3 raconter ce à quoi ils avaient assisté pour disposer de plusieurs versions

4 selon les personnes, notamment sur les vêtements, par exemple, de telle ou

5 telle personne vue par les témoins.

6 Mais ai-je droit de lire votre rapport comme disant que, compte tenu de la

7 vulnérabilité de ces témoignages, que nous prenons comme un élément

8 prioritaire et un point de départ, notamment pour les témoins oculaires…

9 Que pensez-vous du témoignage par ouï-dire? Est-ce que c'est une

10 évaluation acceptable des faits?

11 J'ai estimé assez surprenant, compte tenu du système d'où je viens,

12 d'entendre que l'ouï-dire est moins utilisé dans le système appliqué ici,

13 dans le système de droit civil. J'ai entendu ce que vous avez dit au sujet

14 de l'ouï-dire et des précautions que vous nous avez demandé de prendre.

15 Je voudrais votre avis, en quelques mots encore, sur la comparaison entre

16 les témoins oculaires et les témoignages par ouï-dire.

17 M. Aleksic (interprétation): Merci beaucoup pour votre question.

18 Si je puis me permettre, avant de répondre, je rappellerai que j'ai dit

19 hier, en rapport avec le commentaire au sujet des signatures et la façon

20 dont le stress peut affecter une signature, que j'avais une certaine

21 connaissance sur la façon dont une impression subjective peut affecter un

22 témoignage.

23 Un témoin oculaire est, à première vue, quelqu'un qui a vu quelque chose

24 et qui l'a bien vu. En outre, il est important également de déterminer

25 s'il s'intéressait à ce qu'il regardait.

Page 11094

1 Je suis souvent venu ici, devant ce Tribunal, et j'ai constaté que des

2 personnes qui ont vu quelque chose qui peut être considéré comme un crime

3 hésitent souvent à comparaître comme témoins oculaires, parce que ce

4 qu'ils s'attendent à devoir faire, c'est une déclaration au moins trois ou

5 quatre fois, au fil du temps, sur le même événement; mais au fil du temps,

6 leur mémoire devient moins bonne. Or ceux qui procèdent aux contre-

7 interrogatoires, du côté du Procureur en général, n'attendent qu'une

8 chose, c'est de pouvoir trouver une différence ou une contradiction entre

9 les différentes déclarations de ce témoin.

10 Lorsqu'on est en présence d'un témoin, le travail est beaucoup plus

11 facile; il est beaucoup plus facile de tester le témoin. Mais le problème

12 qui se pose en droit contemporain, dans ce cas, vient du fait que les

13 témoins de cette sorte introduisent dans leur témoignage beaucoup

14 d'éléments liés à leur vie personnelle.

15 Si, par exemple, le témoin a perdu son enfant dans un accident

16 d'automobile, il aura une grande facilité à témoigner parce qu'il ressent

17 en lui un désir de vengeance. En fait, ce genre de personne va se

18 présenter d'elle-même pour jouer le rôle de témoin. C'est seulement dans

19 le prétoire que ce type de témoin va admettre que ce dont il parle n'est

20 que de l'ouï-dire, le cas échéant.

21 C'est la raison pour laquelle -et d'ailleurs c'est quelque chose que je

22 préconise en permanence- je prône l'intervention plus courante d'un

23 psychologue et même, si la nécessité s'en impose, d'un psychiatre -si l'on

24 est en présence d'une personne qui a des hallucinations, par exemple- pour

25 évaluer le profil psychologique du témoin et vérifier que le témoin est

Page 11095

1 bien capable de donner aux Juges ce dont ils ont besoin au moment où le

2 témoin est interrogé.

3 Question: Je ne vais pas entrer dans les détails car nous manquons de

4 temps, Monsieur le Témoin. Mais si j'ai bien compris, ce que vous nous

5 dites c'est que, si l'on est en présence de témoins, notamment de témoins

6 très importants, de témoins clés, il faudrait que ces témoins soient

7 suivis par des psychologues ou des psychiatres, qui permettraient

8 d'évaluer mieux la qualité de leurs témoignages en évitant tout parti pris

9 ou toute partialité excessive. Mais un tel processus serait très

10 compliqué.

11 Réponse: La justice est toujours compliquée. Mais tester un témoignage ne

12 consiste pas uniquement à tester l'intelligence; cela, c'est très facile.

13 Il faut tester un certain nombre d'éléments psychologiques grâce à des

14 tests précis, comme le test TNT, par exemple, de façon à voir quelle est

15 la capacité du témoin à reproduire exactement les événements. En tout état

16 de cause, le chemin de la justice, même s'il est long, est un chemin

17 positif s'il nous mène vers cet objectif qui est le nôtre à tous, à savoir

18 la justice.

19 Question: Encore une question qui sera brève.

20 Je suis sûre que vous vous rendez bien compte que nous vivons dans un

21 monde imparfait. Vous avez d'ailleurs dit que le procès consistant à juger

22 est un procès imparfait par nécessité. Malgré cela, il faut bien avancer;

23 certains procès doivent se tenir même en l'absence de l'intégralité des

24 éléments de preuve matériels. Je n'ai aucune illusion quant au fait qu'un

25 juge, lorsqu'il revêt sa robe, deviendrait d'une minute à l'autre une

Page 11096

1 meilleure personne ou une personne plus efficace. Il ne faut pas confondre

2 l'ordre des critères: le pape est infaillible parce qu'il est pape, mais

3 une personne ne devient pas pape parce qu'elle est infaillible.

4 J'ai entendu ce que vous nous avez donc proposé au sujet des témoignages

5 et des témoins; j'ai lu ce que vous avez écrit dans votre rapport et,

6 compte tenu du fait que nous sommes pourrait-on dire des gens qui jouons

7 aux fléchettes à l'aveuglette, nous devons tout de même essayer d'axer nos

8 actions à venir, de cadrer, de centrer nos actions à venir le plus

9 précisément possible en fonction des récits que nous entendons.

10 Nous appliquons donc une certaine précaution dans l'évaluation de certains

11 témoignages, bien entendu, mais c'est une autre question. Je ne me

12 m'appesantirai pas sur ce point.

13 J'en arrive au point qui m'intéresse. Vous nous avez donné un exemple, je

14 crois, de Mendelsson, ou en tout cas, vous avez parlé du travail de

15 quelqu'un que je ne connais pas et qui a parlé du problème que pose les

16 interventions auto-incriminatoires de certains témoins dans leur

17 déposition.

18 Réponse: Ceux qui s'appuient sur leur expérience personnelle et qui

19 s'incriminent.

20 Question: Oui, c'est ce que je voulais dire en utilisant le terme auto-

21 incriminatoire. Je me demandais si, en prenant tous les éléments de

22 l'équation et en essayant de tester le témoin, qu'il s'agisse d'un témoin

23 de l'accusation ou de la défense, et pas seulement dans un Tribunal comme

24 celui-ci mais dans tous les tribunaux, donc lorsqu'il s'agit simplement de

25 vérifier si le témoin dit la vérité, bien sûr, le témoin parle de son

Page 11097

1 expérience et il va dire s'il se souvient ou pas. Mais ici, en

2 particulier, nous avons remarqué que très souvent les témoins disent: "Je

3 ne me rappelle pas, je ne me rappelle pas, je ne me rappelle pas". Ou en

4 tout cas qu'ils sont incapables de donner des détails en nombre suffisant.

5 Je me demandais s'il y avait quelque chose dans la littérature ou dans les

6 travaux scientifiques qui permette d'évaluer les témoins qui s'expriment

7 de cette façon, qui s'appuient sur une absence de mémoire.

8 Réponse: Merci de votre question.

9 Dans la littérature, on peut trouver toutes sortes de choses au sujet des

10 éléments juridiques qui permettent d'encourager ou d'inciter une personne

11 à parler plus librement; une personne, par exemple membre d'une

12 organisation, sera amenée à parler librement en recevant des assurances de

13 non-poursuite ou de non-sanction grâce au statut de témoin protégé.

14 En Yougoslavie, à la suite de mes propositions, nous avons introduit et

15 nous avons adopté une nouvelle loi pénale dans la loi de procédure pénale

16 qui permet de protéger certains témoins. Quant à l'observation que vous

17 faites au sujet de la perfection de la justice et tout ce que vous venez

18 de dire, je dirai pour ma part qu'il n'existe pas un seul procès, hormis

19 les cours martiales, qui travaillent pendant des guerres. Il n'y a donc

20 aucun procès où il n'existe pas plusieurs niveaux, plusieurs niveaux

21 d'évaluation.

22 Vous avez vous-même parlé de religion. Donc je me permettrai de vous citer

23 un exemple qui ne répond pas strictement à votre question mais qui me

24 vient à l'esprit: il y a longtemps, j'ai lu un livre qui indiquait que les

25 moines, les juges, les juristes consacrent toute leur existence à Dieu et

Page 11098

1 à la justice, sans jamais savoir à quoi ressemblent Dieu et la justice,

2 sans en avoir la moindre idée.

3 Inspiré donc par ce que je venais de lire, j'ai écrit un article dans

4 lequel ce que je voulais indiquer, c'est que l'être humain qui travaille

5 pour la foi, pour la religion, pour Dieu et les êtres humains qui

6 travaillent, comme vous pour la justice, portent dans leur cœur l'image de

7 Dieu et de la justice, et que cela leur suffit, que tout va bien comme

8 cela.

9 Je ne voudrais pas abuser de votre temps mais je tiens à vous dire dans

10 quel respect je vous tiens, car vous, les Juges de ce Tribunal, faites un

11 travail, un travail particulièrement difficile dans des conditions

12 extrêmement difficiles elles aussi.

13 Mme Wald (interprétation): Merci.

14 (Questions au témoin, Pr Zivojin Aleksic, par M. le Président.)

15 M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald.

16 Professeur Aleksic, j'ai aussi des questions. Nous sommes prêts à faire

17 une pause, mais peut-être pourrions-nous essayer de terminer avant la

18 pause.

19 Professeur Aleksic, je vois que votre rapport se base essentiellement sur

20 des œuvres, des recherches faites dans les années 50 et 60. Pourquoi

21 n'êtes-vous pas allé un peu plus loin, c'est-à-dire jusqu'au jour

22 d'aujourd'hui?

23 M. Aleksic (interprétation): Eh bien, l'expérience dont j'ai parlé avec le

24 Pr Dinaric date de 1968. Je pensais qu'il ne serait pas modeste de ma part

25 de citer un travail que j'ai accompli en 1982 et qui ressemblait pas mal à

Page 11099

1 celui dont Mme la Juge Wald vient de parler.

2 Autrement dit, on a dans un amphithéâtre un homme curieusement habillé qui

3 fait du bruit et qui me laisse une lettre; il s'en va. Je fais un petit

4 sourire et, la semaine suivante, à la même heure, je distribue à tous les

5 étudiants de ce cours une feuille de papier en leur demandant de

6 décrire...

7 Question: Excusez-moi, nous avons plusieurs expériences de laboratoire

8 d'investigation de ce type. Mais, par exemple, pourquoi n'êtes-vous pas

9 allé en 1979 voir Elizabeth Loftus qui a entraîné toute une série

10 d'investigations dans le domaine de la psychologie du témoignage?

11 Je ne vous parle pas de Deovod ni de Vladivostok qui ont fait beaucoup

12 d'expériences du type que vous avez faites, mais qui ont couvert presque

13 toutes les situations qui peuvent arriver dans un prétoire.

14 Réponse: Je vais vous répondre très franchement, comme je le fais depuis

15 le début de mon témoignage ici. Personnellement, je pense que, depuis la

16 fin du XIXe siècle et jusqu'à 1960, on est arrivés au zénith dans ces

17 domaines. Je ne veux pas insulter les auteurs français ou espagnols mais

18 vraiment le zénith a été atteint dans ce domaine. Depuis 1960, la

19 psychologie pénale a été développée notamment aux Etats-Unis et elle a

20 accompli ce qu'elle a accompli, en élaborant tout une batterie de tests

21 qui permettent d'examiner le caractère, la personnalité, les

22 potentialités, etc. Et j'ai pensé que devant ce prétoire, il ne

23 présenterait aucun intérêt pour moi de mettre l'accent sur toutes ces

24 questions et sur la valeur de toutes ces méthodes. Car vous savez,

25 l'utilisation de facteurs statistiques par les psychologues travaillant

Page 11100

1 pour les tribunaux est un processus très ardu. Vous avez sans doute déjà

2 vécu cette expérience de quelqu'un qui vous lit toute une série de

3 chiffres et d'éléments techniques qui sont particulièrement ennuyeux, donc

4 j'ai pensé en rester à un langage plus courant.

5 Sinon, à Edimbourg, des juristes du pénal, qui se sont posés la question

6 de savoir ce qu'il y avait de nouveau dans la criminologie, ont constaté

7 qu'il n'y avait rien de nouveau, mais que simplement le travail était

8 rendu plus facile.

9 Question: Par exemple, si vous, notamment le thème de votre mémoire de

10 doctorat a été "Application des méthodes scientifiques par la preuve", si

11 je puis dire d'une façon générale: pourquoi n'avez-vous pas mentionné dans

12 votre rapport des noms comme Jeremy Benson ou Vigbor. Surtout le premier

13 qui a été considéré…

14 Réponse: Vigbor, je l'ai.

15 Question: Introduit un caractère dans le domaine de la preuve. C'est aussi

16 une option à vous?

17 Réponse: Vigbor? Non, non. Vigbor est un très grand scientifique. Mais il

18 est important de se rendre compte qu'un jeune homme lorsqu'il écrit une

19 thèse court vers la nouveauté.

20 Moi, à ce moment-là, j'ai eu le sentiment que, dans mon écrit, dans mes

21 écritures, il fallait que je règle des comptes avec le détecteur de

22 mensonge et le sérum de vérité. Et je l'ai fait. J'ai vécu des moments

23 difficiles parce que pendant un an la commission n'a pas voulu parler de

24 cela, parce qu'elle m'a accusé une nouvelle fois de pencher vers le

25 capitalisme, car tout cela n'était pas compatible avec le communisme. Or,

Page 11101

1 les écritures, ce texte que j'ai écrit a été traduit en quatre langues.

2 Question: Nous allons faire la pause.

3 Je vous demande une chose, Professeur. Etes-vous d'accord qu'entre le

4 moment où un témoin perçoit un fait, voit un fait et le moment d'arriver

5 ici, dans ce prétoire, pour témoigner dans ce processus, qu'on peut voir

6 au moins trois étapes: la perception, la mémorisation et le rappel?

7 Etes-vous d'accord avec cette possibilité de voir les choses?

8 Réponse: Absolument. D'ailleurs, dans ce que j'appellerai mon "digest",

9 c'est-à-dire mon sommaire, j'ai écrit qu'il était particulièrement

10 important d'interdire au témoin de philosopher au sujet de ce qu'il a dit,

11 mais de l'entendre le plus rapidement possible sur ce qu'il a vu.

12 Question: Vous avez aussi mentionné dans votre rapport d'une certaine

13 façon la dichotomie ou la balance nécessaire entre la suggestivité,

14 l'objectivité, la confabulation et les faits, etc.

15 Est-ce que vous pouvez nous donner une idée: quelle est la place que

16 l'individu comme personne joue à chaque stade de ces trois moments? C'est-

17 à-dire: dans la perception, quelle est l'influence d'être individu dans la

18 mémorisation? Quelle est l'influence d'être une personne, un individu?

19 Dans le rappel ici, dans cette situation, quelle est l'importance d'être

20 un individu?

21 Parce que vous avez parlé beaucoup du témoignage collectif, je veux parler

22 du témoignage individuel comme personne, comme individu, comme indivisé si

23 je puis dire.

24 Réponse: Je ne sais pas si je vais immédiatement comprendre ce qui vous

25 intéresse, ce qui est au cœur de votre intérêt. Mais il y a une chose qui

Page 11102

1 est sûre: c'est qu'un témoin blessé par l'acte criminel auquel il a

2 assisté, va s'isoler, réfléchir, pondérer sa pensée et se préparer peu à

3 peu à ce qu'il va dire. Malheureusement, il fait un choix.

4 Question: Et cela va arriver dans le processus de mémorisation?

5 Je voudrais savoir si la personne après avoir vu un fait va réfléchir, va

6 s'isoler, ces mémorisations avant la perception?

7 Quand il regarde, quelle est l'influence dans la perception qui peut, pour

8 ainsi dire, toucher la couleur de ce qu'il voit? Quelle est l'influence

9 d'avoir, d'être une personne, avec une formation, avec une expérience,

10 avec certaines façons de sentir ou -si je peux dire- de voir quelque chose

11 dans la réalité?

12 Je voudrais, si vous pouvez, que vous alliez maintenant à la perception.

13 Réponse: J'ai déjà dit que par rapport à ce qu'il a vu, il va se mettre de

14 côté, s'isoler, réfléchir sur ce sujet, et d'habitude en parler en premier

15 aux membres de sa famille ou à ses proches.

16 Il parle donc de cet événement, et pendant qu'il parle de cet événement,

17 il reçoit des suggestions qui viennent de l'auditoire, donc disons pour

18 commencer des membres sa famille; et ensuite, il élargit un peu son champ

19 de public et en arrive à faire des choix dans ce qu'il va dire au cours de

20 sa déposition.

21 C'est pourquoi je vous ai dit, tout à l'heure, que d'après les

22 criminologues, il est préférable, grandement préférable de trouver un

23 témoin et de l'entendre le plus rapidement possible après les faits.

24 Maintenant, il y a un certain nombre d'ouvrages qui émanent de plusieurs

25 auteurs selon lesquels certains témoins ont un état psychique tel que

Page 11103

1 lorsqu'ils arrivent au Tribunal pour témoigner, ils vont se mettre sur

2 leur 31 parce que, pour eux, c'est un événement et ils agissent en fait

3 comme des acteurs seuls sur scène au théâtre. Et un peu plus tard, perdus

4 à cause des innombrables questions qui pleuvent sur eux de tous les côtés,

5 ils adoptent une attitude de victime et disent: "Oh! Plus jamais de ma vie

6 je ne viendrai témoigner!".

7 Question: D'accord. Est-il possible une seule et une même chose: être vu

8 de façon différente par différentes personnes?

9 Réponse: Mais, bien sûr. Il n'y a pas longtemps, une situation s'est

10 produite devant la faculté où je travaille: une femme est sortie en

11 courant d'un immeuble. Elle avait les cheveux dans tous les sens et elle

12 criait en disant que quelqu'un voulait la tuer, et effectivement, derrière

13 elle, on voyait courir un homme qui portait un couteau.

14 Mon collègue, qui s'occupe de droit civil, est rentré chez lui, et vous

15 imaginez ce qu'il a pu raconter à sa famille, il a dit qu'il avait vu

16 quelqu'un qui voulait assassiner, tuer, etc. Moi, tout à fait normalement,

17 j'ai couru vers la femme pour essayer de l'aider mais il s'est passé un

18 évènement nouveau. Elle a trébuché sur une racine d'arbre pendant qu'elle

19 courait dans ce parc et elle est tombée.

20 En tombant, elle s'est blessée au genou et le sang a commencé à couler.

21 Celui qui la pourchassait était son mari. Il a vu qu'elle était tombée, il

22 l'a appelée par son surnom, et il a dit: "Regarde ce que tu as fait". Et à

23 ce moment-là, il a jeté son couteau, ils se sont embrassés, et tout avait

24 changé.

25 Ce jour-là, l'histoire racontée par mon collègue n'avait rien à voir

Page 11104

1 lorsqu'il est rentré chez lui, de celle que j'ai pu raconter moi-même.

2 Question: Imaginez maintenant ce que ces personnes ont observé chez elles.

3 Vous allez demander à ces personnes ce qu'elles ont vu, qu'est-ce que vous

4 entendez? Vous entendez différentes histoires ou toujours la même

5 histoire, de chaque ou différentes personnes?

6 Réponse: Je pense que le film "Rashomon" est un film idée pour illustrer

7 ce que vous venez de dire. Il y en a plusieurs. Parce que, voyez-vous,

8 chacun en général voit la vérité comme il veut la voir. Cependant, ce que

9 les gens vont avoir vu n'est pas prévisible. Moi, je peux quitter ce

10 Tribunal avec la conviction...

11 Question: D'accord. Je vous pose la question au contraire, parce que comme

12 je vous l'ai dit, vous êtes ici pour répondre à nos questions et je vous

13 remercie encore. Mais imaginez maintenant que vous avez dix personnes qui

14 vous racontent l'histoire de la même façon, avec les mêmes mots, avec la

15 même structure, avec la même séquence chronologique; qu'est-ce que vous

16 pensez?

17 Réponse: Eh bien, la science de la criminologie propose une méthode qui

18 est la méthode de la transparence. Ce qui signifie qu'on met sur la vitre

19 de la fenêtre par exemple une déclaration, puis la deuxième, puis la

20 troisième, puis la quatrième et on cherche à déterminer ce qu'il y a de

21 commun entre toutes ces déclarations; après quoi, on fait un tri.

22 Question: Si vous constatez, avec votre méthode, que les déclarations sont

23 exactement les mêmes, quelle est votre conclusion du point de vue de votre

24 expertise de psychologie ou de criminologie?

25 Réponse: J'aurais tendance à conclure…, oui, je conclurai que l'on est en

Page 11105

1 présence de ce dont j'ai parlé tout à l'heure, à savoir d'un témoignage

2 collectif. Et qu'il s'agisse de moi ou d'un psychologue qui a peut-être un

3 accès plus facile à la personne, en tout cas nous essaierions de vérifier

4 à quel point le témoin a discuté et parlé avec les autres membres du

5 collectif, combien aussi les avocats ont eu de conversations avec le

6 témoin, tout ce qui s'est passé avant l'arrivée devant le Tribunal, et

7 est-ce que les déclarations devant le Tribunal seront les mêmes que ce

8 qu'elles étaient au départ.

9 Question: Oui. Pour cette situation, différentes histoires, c'est la

10 règle. Et une exacte, identique histoire, c'est vraiment une anormalité.

11 Réponse: Je pense que lorsque je constate une identité entre plusieurs

12 récits, j'aurais tendance à penser qu'il s'agit d'entente, d'accord plutôt

13 que de récit de ce que la personne a vu.

14 Question: Très bien. Donc cela, votre réponse à ma question est que la

15 normalité c'est d'avoir différents récits. Est-ce que je dois conclure

16 cela, Professeur?

17 Réponse: Absolument. Bien sûr, c'est humain.

18 Question: C'est-à-dire, Professeur, que quand vous dites dans votre

19 rapport, à propos du témoin, tout en souhaitant ne présenter que des

20 faits, un témoin bien intentionné -qui est le type idéal de témoin-

21 enrichit ses faits, etc., etc., c'est-à-dire avoir un témoin dans le

22 prétoire qui nous dit exclusivement des faits est tout à fait impossible.

23 Etes-vous d'accord?

24 Réponse: Oui, oui, il faudrait créer un concours pour un tel témoin.

25 Question: Etes-vous d'accord aussi avec moi pour dire que le travail du

Page 11106

1 prétoire, de la défense, de l'accusation et des Juges, est d'essayer de

2 reconstruire tout cette procédure, de la perception, la mémorisation et

3 après, avec une bonne communication, faire sortir cette histoire pour voir

4 à la fin quelle est la contribution du témoin? Etes-vous d'accord?

5 Réponse: C'est l'une des voies qui permet de vérifier, de tester la

6 déclaration d'un témoin. Il y en a une autre qui peut être très difficile

7 et même sembler impossible qui consiste à rechercher ne serait-ce que

8 quelques tout petits détails qui pourront vous ramener à un élément

9 matériel, une lettre, une petite note, une inscription sur les murs de la

10 prison ou quelque chose comme ça. Autrement dit, on ne peut pas appliquer

11 une seule méthode.

12 Question: Seulement pour terminer, parce qu'on doit vraiment terminer car

13 vous vous rendez compte que, dans l'affaire, la question est intéressante

14 et importante. De votre point de vue, quelle est l'influence de la

15 situation d'un type émotionnel dans la perception des faits?

16 Réponse: Absolument. Si vous voyez un bâtiment de très grande taille et de

17 plusieurs étages, et que depuis l'un de ces étages, une institutrice voit

18 un agresseur en train de violer une jeune fille et qu'à un étage inférieur

19 on a quelqu'un qui habite à cet étage et qui s'est cassé la jambe, donc il

20 voit quelque chose, il va décrire très différemment parce que lui qui est

21 en dessous va décrire les choses comme étant une guerre, en disant: "La

22 personne est arrivée à gauche et a attaqué la victime. Et à droite, est

23 arrivé celui qui portait le couteau". Alors que l'institutrice,

24 scandalisée, va décrire la scène d'une façon encore beaucoup plus

25 horrible. Elle est descendue par les escaliers et elle a assisté

Page 11107

1 directement à la scène.

2 Question: D'accord. J'attendais la fin de la traduction. Donc, Professeur,

3 je crois que nous pourrions rester ici toute la journée pour discuter de

4 ces questions, mais au moins je crois qu'on peut dire à la fin que chaque

5 témoin perçoit la réalité selon la couleur de ses yeux, je dirai même de

6 ses "glasses" ("lunettes"), l'introduit et le travaille d'une certaine

7 façon et vient avec une perspective de vérité qui doit être testée ici.

8 C'est pour cela quand même que nous avons un interrogatoire principal, un

9 contre-interrogatoire, des questions supplémentaires et des Juges et après

10 cela quelque chose peut peut-être arriver.

11 Etes-vous d'accord? Partagez-vous cette vision?

12 Réponse: Eh bien ,je pose simplement la question de savoir s'il est

13 suffisant de faire tout cela en l'absence d'un psychologue.

14 Question: Oui, d'accord.

15 Il reste la question de toute façon, vous êtes venu ici pour répondre à

16 nos questions et vous avez répondu à nos questions. Nous vous remercions

17 beaucoup d'être venu ici et je souligne que vous avez dit, qu'à cette

18 rencontre de Sarajevo, que la science et la culture avaient vaincu les

19 différences entre les hommes. J'espère que vous pourriez continuer à être

20 le porte-parole de la culture et de la science pour cet objectif. Nous

21 vous remercions beaucoup d'être venu ici, Professeur.

22 Réponse: Je vais ajouter simplement une chose. La situation en Yougoslavie

23 s'est considérablement. Nous sommes sur le chemin de la légalité, je

24 crois, qu'à l'avenir nous serons connus sur la base d'éléments différents

25 de ceux qui nous ont fait connaître récemment. Je puis vous dire que parmi

Page 11108

1 les étudiants Croates et Slovènes, il se trouve aujourd'hui huit docteurs

2 en droit dont j'ai été le professeur. Malheureusement, ils ont entre 55 et

3 58 ans aujourd'hui. Et je leur ai dit: "Mes enfants, il faut qu'on prenne

4 une photographie ensemble, parce que l'un d'entre nous risque de mourir

5 bientôt."

6 M. le Président: Très bien. Professeur, je vous remercie beaucoup. Je vais

7 demander à l'huissier de vous accompagner.

8 (Le témoin, Pr Zivojin Aleksic, est reconduit hors du prétoire.)

9 Nous allons faire une pause d'une demi-heure, ensuite nous allons traiter

10 des documents. D'accord.

11 Une demi-heure de pause.

12 (L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 47.)

13 M. le Président: Veuillez vous asseoir.

14 Maître Stojanovic?

15 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, la défense désire

16 que l'on verse au dossier la pièce à conviction D28/4 et la pièce D29/4.

17 Merci.

18 M. le Président: Madame Somers ou Monsieur Waidyaratne?

19 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas

20 d'objection. Merci.

21 M. le Président: Très bien. Donc les pièces mentionnées sont versées au

22 dossier. Nous sommes prêts pour entendre l'autre témoin, Maître

23 Stojanovic.

24 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, c'est exact.

25 Notre prochain témoin, le témoin expert: il s'agit de M. Bora Cejovic. Je

Page 11109

1 demanderai à l'huissier de bien vouloir le faire entrer dans le prétoire.

2 (Le témoin, Pr Bora Cejovic, est introduit dans le prétoire.)

3 M. le Président: Bonjour, Témoin. Vous m'entendez?

4 M. Cejovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous entends.

5 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que l'huissier

6 va vous tendre, s'il vous plaît.

7 M. Cejovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir.

10 Merci beaucoup d'être venu. Peut-être êtes-vous familiarisé avec la

11 procédure des tribunaux et maintenant notre procédure ici, c'est que Me

12 Stojanovic va vous poser des questions, que le Procureur va vous poser

13 aussi des questions, les Juges éventuellement. Vous êtes ici pour répondre

14 à nos questions.

15 Vous allez commencer par répondre aux questions de Me Stojanovic. Maître

16 Stojanovic, vous avez la parole.

17 (Interrogatoire principal du témoin, Pr Bora Cejovic, par Me Stojanovic.)

18 M. Stojanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

19 Monsieur le Témoin, il est important pour le compte rendu d'audience que

20 vous nous donniez votre nom et votre prénom, s'il vous plaît.

21 M. Cejovic (interprétation): Je m'appelle Bora Cejovic.

22 Question: Pourriez-vous nous donner votre date de naissance et votre lieu

23 de naissance?

24 Réponse: Je suis né en 1941, le 3 octobre, dans un endroit qui s'appelle

25 Berane.

Page 11110

1 Question: Où habitez-vous maintenant, aujourd'hui?

2 Réponse: J'habite à Kragujevac depuis 25 ans.

3 Question: Il s'agit de la République de la Serbie?

4 Réponse: Oui, c'est exact.

5 Question: Quelle est votre situation familiale?

6 Réponse: Je suis marié, j'ai un fils de 30 ans et une fille âgée de 26

7 ans.

8 Question: Je suppose que vous avez terminé vos études en droit?

9 Réponse: Oui, à Belgrade, en 1964.

10 Question: Est-ce que vous avez fait des études de troisième cycle?

11 Réponse: Oui, à la faculté de droit à Belgrade, en 1970.

12 Question: Vous avez également obtenu un doctorat en science?

13 Réponse: Oui, à la faculté de droit à Belgrade, en 1972.

14 Question: Des références que vous avez mentionnées, pourriez-vous nous

15 dire, s'il vous plaît, de quel champ est-ce que vous êtes spécialiste?

16 Réponse: Je suis professeur en droit pénal.

17 Question: Est-ce que vous avez également obtenu des degrés? Avez-vous

18 étudié à l'étranger?

19 Réponse: Oui, à Strasbourg, en 1961; j'ai terminé des études de premier

20 cycle à la faculté de droit comparé. En 1970.

21 Question: Je suppose que vous avez participé à un grand nombre

22 d'assemblées internationales, au niveau scientifique?

23 Réponse: Oui, c'est exact.

24 Question: Où travaillez-vous aujourd'hui?

25 Réponse: Je travaille, comme je l'ai déjà dit, à la faculté de droit à

Page 11111

1 Kragujevac, où je suis professeur régulier et où j'enseigne le droit

2 pénal. Je suis également le chef du département pour le droit pénal.

3 Question: Depuis quand êtes-vous professeur en droit pénal?

4 Réponse: Je pourrais pas vous donner la date exacte. Je suis devenu

5 maître-assistant pour le droit pénal en 1974, et ce, le 15 octobre. Après

6 quatre ans et demi, telle que la loi de l'université le prévoit, le

7 statut, je suis devenu professeur contractuel et, plusieurs années plus

8 tard, je suis devenu professeur régulier, donc en 1982.

9 Question: Combien d'étudiants voyez-vous par année environ? J'entends à la

10 faculté de droit à Gragujevac. Combien d'étudiants passent par cette

11 faculté?

12 Réponse: Nous acceptons 500 étudiants par année. En ce moment, je crois

13 qu'il devrait y avoir entre 2500 et 3000 étudiants à tous les niveaux, et

14 ce, même pour les études de troisième cycle.

15 Question: Est-ce que vous occupez d'autres postes ou avez-vous d'autres

16 fonctions à cette université?

17 Réponse: Oui, j'ai été chargé de cours pendant quatre ans mais, à

18 plusieurs reprises, j'ai également été doyen de la faculté; j'ai eu sept

19 mandats en tant que doyen de cette faculté et chaque mandat dure deux ans.

20 J'ai d'abord été assistant doyen et, par la suite, je suis devenu doyen.

21 Question: Est-ce que vous avez publié des ouvrages au cours de votre

22 travail scientifique?

23 Réponse: Oui, un manuel en droit pénal: la partie générale et une partie

24 plus spécifique également qui, en 1999, a bénéficié de 600 éditions.

25 Question: Vous est-il arrivé de publier également des livres qui traitent

Page 11112

1 de la pratique pénale des tribunaux pénaux?

2 Réponse: Oui, j'ai également écrit un livre sur le droit pénal appliqué

3 dans les tribunaux: de quelle façon nous appliquons le tout aux tribunaux.

4 Et également, j'ai écrit une partie générale et une partie particulière,

5 et ils ont été publiés. Il y a eu deux publications et deux éditions. J'ai

6 également, je dois l'ajouter, fait mon mémoire de doctorat, c'est-à-dire

7 qu'il s'agissait de la transplantation des membres du corps humain. Ce

8 livre a été publié en 1974 et fait partie de mon mémoire de doctorat.

9 C'est également publié en tant que livre.

10 Question: Pourriez-vous nous parler de vos publications, c'est-à-dire des

11 livres qui ont trait à la pratique pénale. Quel est le volume du tout?

12 Réponse: J'ai à peu près 670 pages et en ce qui concerne le droit pénal

13 impliqué dans les tribunaux, cela comprend 150 pages. Il s'agit de la

14 partie générale.

15 Question: Les ouvrages qui ont trait au droit appliqué dans les tribunaux,

16 est-ce que ces ouvrages ont trait à la pratique dans les tribunaux à

17 l'époque de la Yougoslavie?

18 Réponse: Oui.

19 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Professeur, avec la permission

20 de la Chambre et avec l'aide de l'huissier, un ouvrage intitulé

21 "L'établissement de la peine dans l'ex-Yougoslavie" ou dans la

22 Yougoslavie, dans le droit pénal de la Yougoslavie et, derrière cet

23 ouvrage, nous pouvons voir en tant qu'auteur votre nom.

24 Je demanderai au Greffier, s'il vous plaît, de nous attribuer une cote.

25 Mme Thomson (interprétation): C'est D30/4.

Page 11113

1 M. Stojanovic (interprétation): Merci. Professeur, est-ce qu'il s'agit

2 bien de votre expertise?

3 M. Cejovic (interprétation): Oui, c'est bien cela. Mais malheureusement,

4 je dois faire deux petits commentaires. Il y a deux erreurs: premièrement,

5 à la page 3, le deuxième paragraphe de la page 3.

6 Question: Parlez-vous du texte en langue anglaise?

7 Réponse: Oui, c'est exact. Au deuxième paragraphe, nous pouvons lire

8 "partie générale". Il faudrait dire "maximum" en fait. On voit le mot

9 "maximum" alors nous devrions lire le mot "minimum".

10 Et il y a une autre erreur à la page 4 également dans le texte en langue

11 anglaise: au deuxième paragraphe, l'avant-dernière phrase dit: "Les actes

12 pénaux qui ne sont pas inclus" alors qu'il faudrait lire "qui sont

13 inclus". En fait, ces actes pénaux sont inclus.

14 Question: Merci. Est-ce que cela veut dire que vous êtes satisfait du

15 reste, c'est-à-dire que vous maintenez que c'est bien votre expertise qui

16 a été traduite en langue anglaise?

17 Réponse: Oui, c'est exact.

18 Question: De quoi traite votre rapport d'expertise ou votre champ

19 d'expertise? Je vous demanderai de nous donner une information peut-être

20 un peu succincte, si vous le pouvez.

21 Réponse: Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, avant

22 d'aborder ma thèse ou avant de commenter ce que j'ai écrit ici devant moi,

23 je vous demanderais, si vous le permettez, d'ajouter quelques mots.

24 J'aimerais faire une petite introduction si vous me le permettez. Cela va

25 peut-être sembler un peu comme si je n'étais pas très…, comme si je me

Page 11114

1 vantais mais, dans ma vie, j'ai eu plusieurs occasions de parler devant

2 des assemblées composées de personnes éminentes, de personnes très

3 importantes mais jamais, je n'ai jamais eu l'occasion de parler devant une

4 instance aussi respectable que ne l'est ce Tribunal.

5 Je suis particulièrement honoré de pouvoir être ici et à vous, Monsieur le

6 Président, Madame et Monsieur les Juges, je vous remercie de m'avoir

7 permis d'être ici aujourd'hui et de pouvoir vous dire quelques mots sur

8 l'établissement de la grille générale des peines d'emprisonnement telles

9 qu'appliquées dans les tribunaux en ex-Yougoslavie. Je voudrais vous

10 parler du droit pénal de Yougoslavie.

11 Selon le droit pénal de l'ex-Yougoslavie, tant qu'aujourd'hui, la grille

12 générale d'attribution des peines d'emprisonnement est la même. Dans notre

13 droit pénal, ainsi que dans d'autres pays au monde, il existe une façon

14 générale d'établir les peines, donc une façon administrative, une façon

15 très juridique et une façon faite par les tribunaux. J'ai essayé ici de

16 vous donner des lignes directrices pour essayer d'expliquer de quelle

17 façon l'établissement de la grille générale des peines d'emprisonnement

18 est attribuée selon le Code pénal de la Yougoslavie.

19 Un peu plus tard, j'ai parlé de quelques positions de la jurisprudence et

20 j'ai cru, d'après moi, que c'était très important.

21 L'établissement de la grille générale des peines d'emprisonnement se

22 trouve à l'article 41, alinéa 1 du Code pénal de la République de la

23 Yougoslavie. Pour être authentique, je vais essayer de lire ces

24 dispositions.

25 Elle dit: "Le tribunal accordera à l'accusé, à l'auteur d'un acte

Page 11115

1 criminel, établira la peine selon les limites qui sont prescrites par la

2 loi, en tenant compte du but de la peine et en tenant compte également de

3 toutes les circonstances qui font en sorte que la peine soit diminuée ou

4 augmentée, c'est-à-dire qu'il s'agit des circonstances soit allégeantes ou

5 soit aggravantes, et plus particulièrement le degré de la responsabilité

6 pénale, les raisons pour lesquelles ou les motifs pour lesquels l'acte

7 criminel a été commis, la force également ou la nature de l'offense, les

8 circonstances sous lesquelles l'acte a été commis; il faut prendre

9 également en considération la vie de l'accusé, sa vie précédente, quelles

10 sont les circonstances dans sa vie, quel est son comportement après la

11 commission de l'acte criminel, ainsi que d'autres circonstances qui ont

12 trait à la personnalité de l'auteur du crime.

13 Ici, il est important de parler de deux choses. Comme vous l'avez déjà

14 entendu, lorsqu'il s'agit d'établir la grille générale des peines

15 d'emprisonnement, c'est toujours en fonction du degré de l'acte criminel.

16 Deuxièmement, j'ai essayé d'insister là-dessus lorsque j'ai parlé des

17 circonstances: cette peine n'a pas de caractère limitatif, c'est-à-dire

18 que nous n'avons fait que mentionner les circonstances les plus

19 importantes, soit qu'il s'agisse de circonstances atténuantes ou

20 aggravantes, car le Tribunal a certainement pris en considération le tout

21 avant d'attribuer la peine.

22 Lorsqu'il s'agit du but même de la peine, il faut toujours tenir compte,

23 toujours prendre en considération d'abord et avant tout le but de

24 l'attribution des sanctions pénales qui sont prévues à l'article 5 alinéa

25 2 du Code pénal de la République fédérale de Yougoslavie où l'on dit que:

Page 11116

1 "Les dispositions générales pour la prescription et l'attribution des

2 peines est d'essayer d'éliminer les actes qui sont dangereux pour la

3 société, lesquels permettent de mettre en danger ou de violer les valeurs

4 sociales qui sont protégées par la loi".

5 Et il y a également la disposition de l'article 33 qui parle du but de la

6 peine. C'est en fait l'empêchement, c'est d'empêcher l'auteur du crime de

7 commettre des crimes et d'essayer donc de prévenir la personne, d'essayer

8 de rééduquer la personne ou d'essayer de l'encourager à ne pas commettre

9 des offenses criminelles, donc d'endurcir le moral et d'influencer le

10 développement des responsabilités sociales des citoyens en général.

11 Permettez-moi à présent de vous lire une disposition générale qui provient

12 en fait d'une pratique des tribunaux. Il s'agit d'une attitude générale,

13 d'une attitude légale générale, lorsque l'un des tribunaux de l'ex-

14 Yougoslavie a dit la chose suivante:

15 "Pour déterminer une sentence adéquate, les tribunaux devraient évaluer de

16 façon impartiale toutes les circonstances entourant la commission de

17 l'acte. A cause de cela, les tribunaux ne devraient pas avoir la

18 permission d'agir de façon arbitraire et de mettre les cartes de façon

19 arbitraire, les circonstances atténuantes qui n'ont pas été prises en

20 considération."

21 En d'autres mots, tous les tribunaux doivent prendre en considération

22 toutes les circonstances entourant le délit pénal, qui pourraient être

23 très importantes soit pour établir une peine dans des circonstances

24 atténuantes ou des circonstances aggravantes. Voilà mon introduction.

25 Question: Merci beaucoup, Professeur. Nous avons entendu vos remarques et

Page 11117

1 vos commentaires.

2 Vous nous avez également dit que vous avez publié un grand nombre

3 d'ouvrages concernant la pratique dans les tribunaux pénaux. Pourriez-vous

4 nous dire quelque chose sur la pratique dans le domaine des droits des

5 crimes de guerre?

6 Réponse: Non, malheureusement, je ne peux pas vous en parler beaucoup, car

7 il n'y a pas beaucoup de jurisprudences sur les questions des droits des

8 crimes de guerre, à l'exception bien sûr des circonstances ou de ce qui

9 s'est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale.

10 Mais permettez-moi de dire quelque chose que j'ai déjà mentionné. Je vous

11 parlais d'une règle générale, je vous ai parlé de principes généraux.

12 Lorsqu'on parle de l'attribution des peines pour tous les actes pénaux, il

13 n'y a pas vraiment de dispositions spécifiques lorsqu'on essaie d'établir

14 les peines pour des offenses criminelles spécifiques. Ce que j'ai dit

15 devrait être appliqué pour les délits pénaux de façon générale.

16 Pour revenir à votre question, il n'y a pas beaucoup de jurisprudence sur

17 les crimes de guerre. IL est donc très difficile de s'appuyer sur des

18 jugements précédents car, pour la plupart des cas, ces crimes de guerre

19 seront motivés politiquement. Donc très souvent, il y a des conclusions

20 assez générales et, lorsqu'on parle du jugement final, pour la plupart des

21 affaires, en fait pour la plupart, les peines qui avaient été attribuées

22 étaient la peine de mort.

23 Donc tout ce travail est fait de façon assez déplorable. Nous pouvons voir

24 qu'il y a eu un grand nombre de demandes pour réviser de tels cas qui ont

25 été jugés de cette façon et cela nous a mis, nous a placés dans une

Page 11118

1 position assez bizarre: lorsque des personnes avaient été considérées

2 comme des criminels de guerre, elles sont perçues aujourd'hui comme étant

3 des héros nationaux.

4 Donc, malheureusement, je n'ai pas été en mesure d'avoir l'information

5 spécifique concernant ces cas qui auraient pu nous donner plus de

6 jurisprudence sur laquelle nous pouvons nous baser. Mais il y a des cas,

7 par exemple, où des gens ont été exécutés et, par la suite, ils ont été

8 réhabilités.

9 Réponse: Oui, il y a eu plusieurs demandes de ce genre-là, concernant les

10 auteurs de ces crimes-là dernièrement.

11 Question: Pourriez-vous nous parler des peines qui sont attribuées ou qui

12 sont prévues pour les offenses pénales, lorsqu'il s'agit de violences

13 physiques ou d'attaques physiques qui résultent par la mort d'une

14 personne, ou qui donnent des blessures corporelles graves à la personne?

15 Quelle est la pratique dans les tribunaux de l'ex-Yougoslavie dans ce

16 domaine?

17 Réponse: Je sais que cela peut vous sembler un peu étrange, si vous

18 voulez, mais il y a un bon nombre de peines qui ont été attribuées pour ce

19 genre de délit. Mais il y a une grande différence entre les peines prévues

20 et les peines qui sont en fait accordées en tant que périodes minimales de

21 punition. Il y a une tendance d'essayer de donner des sentences ou des

22 peines beaucoup plus petites que celles qui ont été prévues par la loi.

23 Nous croyons que notre législation criminelle est assez sévère lorsqu'on

24 parle de l'attribution des peines. Nous pourrions peut-être considérer

25 notre système comme étant l'un des plus sévères. Ce qui vraiment arrive

Page 11119

1 dans la pratique c'est que la situation ou la réalité n'est pas du tout la

2 même.

3 J'ai déjà fait allusion ici à une recherche ou à une analyse qui se

4 concentrait sur les offenses pénales lorsqu'il s'agissait des meurtres

5 dans les périodes entre 1960 et 1964, et la peine générale accordée était

6 10 ans et demi d'emprisonnement.

7 J'ai un grand nombre d'exemples ici devant moi et je vais vous les lire si

8 vous le désirez. Ces cas parlent de délit pénal tel que le meurtre -mais

9 nous ne parlons pas de délits qui ont eu pour résultat des blessures

10 graves accordées à la personne-, on a attribué de 10 à 15 ans

11 d'emprisonnement à l'auteur de ces crimes. En 1989, par exemple, le plus

12 grand nombre de peines de ce genre allait de 10 à 15 ans pour ce genre de

13 délit pénal. Donc cela était avant 1990, mais nous avons maintenant la

14 même situation en 1991 et plus tard donc la pratique diffère énormément de

15 ce qui était prévu par la loi.

16 Question: Est-ce que cela veut dire que les cas de meurtre, par exemple de

17 meurtres multiples ou des offenses pénales semblables, est-ce que cela

18 vaut également pour?

19 Réponse: Oui. L'analyse parle également des actes, des crimes ou des

20 meurtres les plus sérieux mais ce genre de statistiques ou d'analyses

21 n'est pas la plus adéquate car nous parlons de cas de meurtre plus sérieux

22 ou moins sérieux. Cette information nous a été donnée par l'institut des

23 statistiques.

24 Question: Est-ce que vous savez ce que veulent dire la peine et les

25 mesures d'éducation et de rééducation?

Page 11120

1 Réponse: Oui, pour les mineurs, dans notre pays, nous n'avons pas un code

2 pénal séparé mais nous avons le chapitre 6 néanmoins qui existe qui, dans

3 le code pénal de Yougoslavie, s'applique seulement aux mineurs, et il

4 contient une disposition introductoire disant que les mineurs qui sont

5 auteurs d'acte, de délit criminel ou pénal, une telle disposition devrait

6 être appliquée alors que les dispositions générales du code pénale doivent

7 être appliquées seulement s'ils ne sont pas en contradiction avec ces

8 derniers. Les peines accordées aux mineurs incluent également les mesures

9 de rééducation.

10 Question: Une personne qui par exemple a reçu une telle peine, est-ce que

11 cette personne est considérée par exemple avoir été trouvée coupable?

12 Réponse: Les mineurs à qui on avait donné des mesures de rééducation ne

13 sont pas considérés comme des personnes avoir été trouvées coupables. Car

14 il y a une loi précise pour les mineurs et une disposition particulière

15 qui stipule quelle est la raison ou le but d'une peine criminelle

16 attribuée ou accordée au mineur.

17 Le but est différent de celui où des peines que l'on attribue aux adultes,

18 et la justification étant qu'il ne faut pas essayer bien sûr d'empêcher le

19 développement et le développement du mineur qui par la suite deviendra un

20 adulte.

21 Question: D'après notre système judiciaire ou notre pratique judiciaire

22 -je parle de la Yougoslavie avant la guerre et de la Yougoslavie

23 d'aujourd'hui-, je voulais vous demander de quelle façon est-ce que l'on

24 considère un auteur d'un crime, de quelle façon est-ce que l'on traite ce

25 dernier qui a été sous l'influence d'alcool, qui a été intoxiqué ou qui a

Page 11121

1 même absorbé des drogues?

2 Plus particulièrement, j'entends les conditions dans lesquelles il n'était

3 pas possible par exemple de traiter la personne, de lui attribuer un

4 traitement telle qu'une circonstance extraordinaire, comme un désastre

5 naturel ou une guerre qui survient?

6 Réponse: Nous avons ici une disposition du code pénal de la Yougoslavie

7 datée de 1947, et cette dernière représente, en fait, une disposition

8 générale de ce code.

9 Je souhaiterais le lire pour pouvoir citer, pour parler de circonstances

10 allégeantes: par exemple la concurrence d'un malheureux événement pour

11 l'auteur du crime peut quand même être considérée pour l'auteur du crime

12 comme étant une circonstance allégeante. Si par exemple la personne, ce

13 qu'a fait la personne, n'a pas pris de la drogue mais de l'alcool, cela

14 peut être considéré comme une circonstance atténuante si la personne par

15 exemple ne s'est pas intoxiquée dans le but de commettre une offense

16 criminelle.

17 En parlant de cela, je trouve une disposition dans le code criminel

18 portugais. Je l'aime bien, elle me plaît bien et, si j'ai bien compris,

19 cela envisage la possibilité d'intoxication; une intoxication étant un

20 facteur atténuant, plus particulièrement dans les circonstances telle que

21 la guerre lorsque toute sorte de choses étranges peuvent arriver, de

22 choses inhabituelles. Si une personne par exemple peut commettre un crime

23 sous l'influence de l'alcool en temps de guerre, cela veut donc dire dans

24 la pratique judiciaire, cela peut être considéré comme une circonstance

25 atténuante. Mais cela bien sûr ne s'applique pas dans les cas par exemple

Page 11122

1 où une personne a fait une offense au code de la route.

2 Question: Pour revenir à cette disposition également, pour revenir à la

3 pratique générale des tribunaux, pourriez-vous nous dire si cela peut être

4 considéré comme un facteur atténuant lorsque l'auteur d'un délit se trouve

5 dans un état particulier, dans un état mental particulier lorsqu'il a été

6 blessé et a souffert d'une grande douleur?

7 Réponse: Oui, probablement cela pourrait être considéré comme une

8 circonstance de coïncidence lorsque, dans la commission d'un acte

9 criminel, quelqu'un commet un acte criminel; cela pourrait être pris en

10 considération.

11 J'ai même ici devant moi une disposition du code pénal provenant d'Italie,

12 il s'agit de l'article 68 qui dit au paragraphe 8: "Si l'acte criminel

13 était fait dans des circonstances difficiles, on peut lui attribuer des

14 circonstances atténuantes."

15 Monsieur le Président, je suis désolé de me servir du droit international

16 ou du droit d'autres pays, car je dois vous parler de la Yougoslavie, mais

17 permettez-moi de vous parler comme quelqu'un qui n'est pas un auteur de ce

18 code pénal, il est malheureux que quelques dispositions qui existent dans

19 la jurisprudence d'autres pays n'aient pas été prises en considération

20 lorsque la Yougoslavie a essayé d'écrire l'Article 41. Et c'est ce que

21 j'ai dit.

22 J'ai déjà mentionné qu'il était identique à la jurisprudence précédente,

23 il y a de très bonnes solutions dans ce code et nous nous avons décidé

24 d'appliquer une disposition générale concernant l'attribution de la peine

25 croyant que les tribunaux pourraient avoir plus de liberté et pourraient

Page 11123

1 individualiser les crimes ou les délits commis.

2 J'ai dit, à cause d'un cumul des conditions difficiles pour l'auteur,

3 quand on parle donc de ces cumuls de conditions difficiles, il s'agit

4 peut-être de circonstances, de malheureuses circonstances, d'un cumul de

5 telles circonstances.

6 Question: Pourriez-vous nous dire de quelle façon dans la Yougoslavie

7 d'aujourd'hui ou d'avant, compte tenu de la jurisprudence et de la

8 théorie, de quelle façon punirait-on -si on le ferait d'ailleurs du tout-

9 une personne qui par exemple traiterait une autre personne de "Balija

10 turque", "Oustacha chetnik", de tels termes?

11 Réponse: Eh bien, ceci pourrait constituer un délit d'offense, mais à

12 condition que l'on établisse qu'il existe bien l'intention de blasphémer,

13 d'insulter l'autre personne, puisque dans notre code on ne considère pas

14 forcément que ceci constituerait un crime d'insulte.

15 Mais même si tel était le cas, même si l'on établissait de tels éléments,

16 eh bien, ceci entraînerait une peine d'argent ou bien conditionnelle.

17 Question: Est-ce que dans la jurisprudence, il existe des cas où l'on a

18 condamné quelqu'un uniquement à cause des mots prononcés.

19 Réponse: Non, je n'ai pas trouvé de tels jugements, si cela se terminait

20 par un délit verbal, si ce n'est pas allé au-delà de ce délit, de ce type

21 de délit.

22 Question: Oui, oui, tel était le cas. Je voudrais vous demander de nous

23 parler plus particulièrement de la détermination de la peine pour une

24 personne qui a déjà été condamnée d'après les lois en vigueur dans l'ex-

25 Yougoslavie?

Page 11124

1 Donc de quelle façon fixe-t-on la peine à un individu qui a déjà été

2 condamné, jugé de façon définitive pour un acte commis après les actes

3 pour lesquels on le juge en ce moment précis?

4 Pour être plus clair, par exemple, si un individu a été condamné en

5 deuxième instance pour un acte commis en 1993, et que maintenant on le

6 juge pour un acte commis en 1992, de quelle façon procéderait-on dans les

7 tribunaux et la jurisprudence donc de l'ex-Yougoslavie?

8 Réponse: Mais, est-ce que cette personne, est-ce que cet acte en 1993…

9 est-ce que cet acte commis en 1992 a été découvert pendant que la personne

10 était en train de purger sa peine qu'elle a reçue en 1993?

11 Question: Oui, au cours…, donc pendant que la personne a purgé sa peine,

12 eh bien, on a découvert qu'il a commis un autre acte.

13 Réponse: Eh bien, il s'agit du cumul des peines; il s'agit de l'article 49

14 de l'acte pénal de la Yougoslavie, et le Tribunal procéderait de la façon

15 suivante.

16 Tout d'abord, il faudrait donc fixer la peine pour l'acte criminel commis

17 en 1992 et ensuite il y aurait un cumul de peines par rapport à l'acte

18 criminel commis en 1993 et donc en appliquant le principe de cumul de

19 peines, il y aurait une peine unique mais une partie, la partie de la

20 peine déjà purgée sera comprise, cette partie sera comprise dans la peine

21 définitive.

22 Donc tout d'abord, on va établir une peine pour le premier crime, ensuite

23 on tiendra compte de la peine purgée et ensuite on composera une nouvelle

24 peine d'après le principe du cumul des peines.

25 Question: Si je vous ai bien compris, cela veut dire que les tribunaux en

Page 11125

1 Yougoslavie, au cours de ce nouveau procès, tiendraient compte

2 obligatoirement de la peine déjà déterminée par un arrêt.

3 Réponse: Oui, je l'ai déjà dit.

4 M. Stojanovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Professeur.

5 Je remercie la Chambre de m'avoir accordé le temps nécessaire pour

6 interroger ce témoin. Je n'ai plus d'autres questions.

7 M. le Président: Très bien. Merci. Maître Stojanovic?

8 M. Stojanovic (interprétation): Il me semble, Monsieur le Président, que

9 la question a été consignée au compte rendu d'audience mais pas la réponse

10 à ma dernière question, donc ma dernière question y figure mais pas la

11 réponse à cette question.

12 M. le Président: J'ai entendu, et j'ai eu la traduction française qui dit:

13 "Je l'ai déjà dit". C'est la réponse que j'ai entendue. Je ne sais pas.

14 Vous pouvez peut-être vous assurer avec le professeur?

15 Mais je vois que dans la version anglaise, il n'y a pas de réponse. Donc

16 posez la question sommairement.

17 M. Stojanovic (interprétation): Je vais donc répéter ma question.

18 Est-ce que cela veut dire que les tribunaux yougoslaves, au cours de ce

19 nouveau procès, se verraient obligés de tenir compte de la peine déjà

20 prononcée, de la peine prononcée en appel?

21 M. Cejovic (interprétation): Voilà. Le tribunal prononce tout d'abord la

22 peine pour le crime commis en 1992, ensuite le tribunal tient compte de la

23 peine prononcée pour le crime commis en 1993.

24 Question: Je pense que vous avez déjà répondu à cela.

25 Réponse: Et ensuite, on prononce une peine globale et on déduit la partie

Page 11126

1 purgée pour le crime commis en 1993. Donc, on tient compte de la peine qui

2 a déjà a été prononcée au préalable.

3 M. Cejovic (interprétation): Monsieur le Président, permettez-moi de

4 sortir un instant du prétoire, je vous en prie. Est-ce que je peux quitter

5 le prétoire pour me diriger vers les toilettes, s'il vous plaît?

6 M. Stojanovic (interprétation): Je suis désolé, Monsieur le Président.

7 C'était ma dernière question. Peut-être que l'huissier pourrait aider le

8 témoin à sortir?

9 M. le Président: Vous en avez vraiment besoin, Professeur?

10 M. Cejovic (interprétation): Oui.

11 M. le Président: Donc peut-être allons-nous faire une pause déjeuner.

12 M. Cejovic (interprétation): Non, si vous allez faire une pause, ce n'est

13 pas la peine. Nous pouvons continuer.

14 M. Stojanovic (interprétation): C'était ma dernière question. La question

15 portait donc sur le cumul des peines, mais je pense que vous avez répondu.

16 M. Cejovic (interprétation): Oui, j'ai répondu.

17 M. le Président: Professeur, la question est qu'en principe, nous allons

18 travailler jusqu'à 13 heures. Si vous avez besoin de vous rendre aux

19 toilettes, nous allons faire une pause. Pouvez-vous rester jusqu'à 13

20 heure?

21 M. Cejovic (interprétation): Tout va bien, tout va bien. Je peux rester,

22 mais j'aurais préféré… J'ai besoin de cinq minutes, pas plus. J'ai juste

23 besoin d'aller aux toilettes.

24 M. le Président: Nous allons donc faire la pause déjeuner.

25 Monsieur l'huissier, vous pouvez accompagner le témoin et, après, nous

Page 11127

1 allons faire une pause.

2 M. Cejovic (interprétation): Monsieur le Président, je suis désolé, je ne

3 voudrais vraiment pas déranger votre horaire de travail habituel. J'ai

4 besoin d'une pause très brève. C'est tout.

5 (Le témoin, Pr Bora Cejovic, est reconduit hors du prétoire.)

6 M. le Président: Nous allons faire une pause de cinq à dix minutes.

7 M. Stojanovic (interprétation): Je vous dois une explication: le

8 professeur est malade des reins, il souffre des reins.

9 (L'audience, suspendue à 12 heures 31, est reprise à 13 heures 27.)

10 M. le Président: Veuillez vous asseoir.

11 Monsieur l'huissier, pouvez-vous faire entrer le témoin, s'il vous plaît.

12 (Le témoin, Pr Bora Cejovic, est réintroduit dans le prétoire.)

13 Professeur Cejovic, j'espère que tout va bien. Si vous avez besoin d'une

14 pause, vous nous le dites à quelque instant, nous n'avons aucun problème.

15 Professeur, maintenant vous allez répondre aux questions du Procureur.

16 Je crois que c'est M. Saxon qui va vous poser des questions.

17 (Contre-interrogatoire du témoin, Pr Bora Cejovic, par M. Saxon.)

18 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

19 Professeur, vous avez dit que la jurisprudence de l'ex-Yougoslavie en ce

20 qui concerne les crimes de guerre à part les crimes apparus lors de la

21 Deuxième Guerre mondiale, eh bien que l'on ne peut pas se fier à ces

22 jugements parce que ces jugements étaient, comme vous l'avez dit, motivés

23 politiquement, est-ce que vous pourriez me dire quels étaient les critères

24 que vous avez utilisés pour évaluer ces deux affaires après la Deuxième

25 Guerre mondiale pour dire qu'il s'agissait des affaires motivées

Page 11128

1 politiquement?

2 M. Cejovic (interprétation): Tout d'abord, Monsieur le Président, je

3 voudrais m'excuser à cause de la pause que je vous ai infligée, mais j'ai

4 été opéré récemment.

5 Voici ma réponse: voyez-vous, d'après toutes les informations qui étaient

6 accessibles concernant ces jugements rendus à l'époque et quand on les

7 regarde à partir de la perspective d'aujourd'hui, on se rend compte qu'il

8 s'agissait des affaires où la décision concernant la peine était prise à

9 l'avance et donc le tribunal n'avait pas beaucoup de travail.

10 Il s'agissait des affaires montées pour ainsi dire, la peine était donc

11 déterminée à l'avance et voilà. Le procès n'était pas vraiment valable,

12 n'avait pas vraiment de raison d'être, et du point de vue du code pénal ce

13 n'était pas acceptable.

14 Question: Quels étaient les crimes qu'on prêtait aux accusés dans ces deux

15 affaires après la Deuxième Guerre mondiale?

16 Réponse: Eh bien, les crimes de guerre commis à l'encontre de la

17 population civile.

18 Question: Vous souvenez-vous des peines ou des sentences prononcées à

19 l'encontre des auteurs?

20 Réponse: Je l'ai déjà dit, c'étaient des peines de mort pour la plupart.

21 Question: Professeur Cejovic, nulle part dans votre opinion d'expert et je

22 l'ai lu plusieurs fois déjà, à aucun moment vous n'utilisez les termes

23 "guerre" ou bien "conflit armé" ou bien "crime de guerre". C'est exact,

24 n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui.

Page 11129

1 Question: Et il serait exact, n'est-ce pas, de dire que votre opinion

2 d'expert se concentre sur les peines établies pour des crimes perpétrés

3 pendant les temps de paix, n'est-ce pas?

4 Réponse: J'ai dit que nous avons des dispositions particulières en ce qui

5 concerne l'établissement des peines, que nous n'avons donc pas de

6 dispositions particulières concernant les crimes de guerre parce que le

7 principe d'établissement des peines s'applique à tous les crimes.

8 Parce qu'en réalité nous n'avons pas encore eu des affaires pour des

9 crimes de guerre. Pour cette guerre-ci. Donc il n'y a pas vraiment de

10 jugement de fait, il n'y a pas de jurisprudence sur laquelle j'aurais pu

11 m'appuyer.

12 Question: Votre opinion d'expert se fonde sur la législation, sur la

13 jurisprudence concernant les crimes perpétrés pendant le temps de paix,

14 n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui, tous les crimes.

16 Question: Etes-vous d'accord avec moi pour dire que l'établissement d'une

17 peine pour des crimes qui constituent des violations sérieuses de la loi

18 pénale internationale peut comporter des intérêts et des valeurs

19 différentes que les peines prononcées pour des crimes nationaux perpétrés

20 pendant la période de paix?

21 Réponse: Excusez-moi, je n'ai pas très bien compris votre question.

22 Pourriez-vous la répéter?

23 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que

24 l'établissement d'une peine à l'encontre d'une personne condamnée pour des

25 violations graves de la loi internationale, donc les crimes que l'on juge

Page 11130

1 ici à La Haye, pourrait impliquer des différentes valeurs sociales, des

2 intérêts et donc des différentes peines que les peines prononcées pour des

3 crimes commis pendant le temps de paix?

4 Réponse: En ce qui concerne le Code pénal yougoslave, eh bien, la règle

5 utilisée serait la même que pour les autres crimes. Evidemment, le fait

6 qu'un crime a été perpétré pendant la guerre constitue bien une

7 circonstance particulière, mais elle est incluse dans la qualification

8 d'un crime de guerre. Donc il s'agit évidemment de crimes qui sont plus

9 graves, mais la grille de peines à appliquer serait la même.

10 Vous ne pouvez pas prononcer une peine supérieure à la peine maximale

11 prévue dans le Code pénal, quelle que soit la spécificité ou la gravité

12 d'un crime.

13 Question: Pour être sûr que je vous ai bien compris, vous voulez dire que

14 ces crimes sont plus graves, c'est-à-dire les crimes de guerre, les

15 violations de la loi pénale internationale ou humanitaire, mais qu'en ce

16 qui concerne la détermination de la peine, il ne devrait pas y avoir de

17 grosses différences entre les peines prononcées pour les crimes de guerre

18 et les peines prononcées pour des crimes commis par des juridictions

19 nationales pendant la période de paix?

20 Réponse: Oui, parce que, vous savez, quand il s'agit de crimes graves,

21 même s'ils sont perpétrés en temps de paix, ces peines peuvent être très

22 élevées. Puisque moi, je vous ai dit qu'il existe différentes

23 circonstances à prendre en compte quand on détermine la peine.

24 Un élément très important, c'est le degré de la nuisance, le degré de

25 l'insulte ou de la blessure. Quand il s'agit de crime de guerre, eh bien,

Page 11131

1 il s'agit d'un crime très grave où ce degré de nuisance est très élevé,

2 tout comme pour le crime de meurtre ou de meurtres multiples. Là, en ce

3 qui concerne la détermination de la peine, il ne devrait pas y avoir de

4 grosses différences.

5 Question: Pourriez-vous me citer un seul jugement ou une seule phrase

6 d'une affaire jugée dans l'ex-Yougoslavie où l'on traite de crimes qui

7 seraient comparables, même de façon grossière, aux crimes commis à large

8 échelle et que traite ce Tribunal? Est-ce que vous pourriez au moins m'en

9 citer un, me donner au moins un exemple d'une telle affaire?

10 Réponse: Non, je ne peux pas, car dans la Yougoslavie d'aujourd'hui, n'ont

11 pas encore été pratiquement jugés les crimes de guerre. En revanche, je

12 peux vous citer, par exemple, des jugements prononcés pour des crimes de

13 meurtre ou des crimes similaires où des peines prononcées allaient de 10 à

14 15 ans.

15 Mais, comme vous le savez, dans notre Code pénal, il y a un problème parce

16 que, dans le Code pénal, la sentence de peine de mort a été abolie alors

17 que, dans le Code au niveau de la République, cette sentence existe

18 toujours. Il peut donc y avoir des crimes sans qu'il y ait la guerre.

19 Question: Professeur, à travers votre rapport, vous parlez de

20 l'établissement de peines dans l'ex-Yougoslavie. A la page 7 de votre

21 rapport, vous dites que, pour déterminer une peine dans l'ex-Yougoslavie,

22 il faut toujours penser à la pénalisation, sanction -je pense que vous

23 avez parlé de cela- et vous citez l'article 5, paragraphe 2 du Code pénal

24 de la République fédérale de Yougoslavie. Vous dites que: "Le but général

25 pour une sanction, pour purger une peine est la suppression des actions

Page 11132

1 socialement dangereuses qui mettent en danger ou qui nuisent aux valeurs

2 sociales du pays. Et ceci doit être fait par la législation pénale."

3 Professeur, pourriez-vous m'expliquer ce que veut dire cette disposition?

4 Est-ce que cela veut dire qu'une punition dans l'ex-Yougoslavie doit punir

5 les auteurs du crime ou bien est-ce que le but d'une peine dans l'ex-

6 Yougoslavie est la suppression et le contrôle des actions perpétrées par

7 les personnes qui ont été condamnées pour un crime par une peine de

8 prison? Ou bien est-ce que les deux buts sont compris dans cette

9 disposition?

10 Réponse: Eh bien, c'est la même chose: ceux qui ont déjà commis un crime,

11 il faut les empêcher de commettre d'autres crimes, les prévenir. Mais de

12 l'autre côté, il s'agit aussi d'une prévention de crimes futurs, de crimes

13 qui n'ont pas encore été commis.

14 Il s'agit donc aussi bien d'une prévention d'un point de vue d'un individu

15 ou bien d'une prévention d'un point de vue général. Mais quand on analyse

16 l'article 5 du Code pénal, eh bien, ceci revient au même, en définitive.

17 Question: Professeur, la Chambre d'appel de ce Tribunal a déterminé que

18 les critères pour déterminer une peine…

19 M. le Président: Maître Stojanovic?

20 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que j'ai

21 fait l'objet d'une même objection quand je me suis référé à la pratique et

22 à différentes affaires jugées par ce Tribunal.

23 M. le Président: Il y a une différence: dans votre cas, vous alliez placer

24 le témoin dans une situation de se prononcer sur une affaire qui est en

25 cours, alors que, maintenant, nous parlons d'une décision, d'une

Page 11133

1 disposition de la Chambre d'appel, en définitive.

2 Donc je crois qu'il y a une différence.

3 Monsieur Saxon, continuez, s'il vous plaît.

4 M. Saxon (interprétation): Oui, pour le bénéfice de tous ceux qui sont

5 ici, je cite le jugement de la Chambre d'appel dans l'affaire Celebici, il

6 s'agit de l'affaire IT-96-21-A, datée du 20 février de cette année,

7 paragraphe 769. Je vais commencer: "Les critères qui représentent la

8 sentence devraient reconnaître la gravité de l'offense et doivent refléter

9 la totalité du comportement de l'accusé.".

10 Professeur, si j'ai bien pu voir dans la législation, vous avez décrit

11 dans votre article d'expert, dans l'article 5 et dans l'article 33

12 également, qu'il n'y a aucune mention du fait qu'il fallait reconnaître la

13 gravité du délit en tant qu'être l'une des raisons de punition dans l'ex-

14 Yougoslavie. Est-ce qu'il serait exact de dire à ce moment-là que, dans

15 les tribunaux de l'ex-Yougoslavie, la reconnaissance de la gravité des

16 offenses ou des délits commis, que ce fait-là n'est pas considéré comme

17 étant l'un des buts principaux ou des motifs principaux lorsqu'il faut

18 attribuer la peine?

19 Réponse: Non, c'est tout à fait le contraire, Monsieur, car selon

20 l'article 44 du Statut, alinéa 2, telle que vous l'avez stipulé, le

21 tribunal doit d'abord être gouverné par la gravité du délit et par la

22 suite par les circonstances de l'accusé.

23 Je vais répéter -je l'ai déjà dit tout à l'heure-, l'une des choses

24 principales lorsqu'il faut établir l'ex-Yougoslavie, Yougoslavie

25 aujourd'hui, c'est exactement la même chose: on ne parle pas de gravité de

Page 11134

1 l'offense, mais nous parlons de la force du bien protégé, de la force à

2 laquelle le bien protégé a été blessé.

3 C'est donc le danger qui existe de mettre en péril la valeur, et c'est

4 exactement la même chose que nous pouvons lire dans l'article 24 du

5 statut, alinéa 2 et dans l'article 41 paragraphe 1. C'est vraiment la

6 gravité de l'infraction et la situation personnelle du condamné telle que

7 nous pouvons le voir. Il faut voir les circonstances subjectives et

8 objectives, c'est-à-dire la gravité de l'infraction est tout à fait

9 importante lorsqu'il faut déterminer la peine dans l'ex-Yougoslavie telle

10 que je l'ai mentionné un peu plus tôt, et aujourd'hui cette disposition

11 n'a jamais été changée.

12 Question: L'article du code pénal de l'ex-Yougoslavie, que vous venez de

13 citer, est l'article 41 paragraphe 1. Nous ne voyons pas cette mention

14 dans votre rapport d'expert, n'est-ce pas?

15 Réponse: Non. J'en fais allusion à la page 2 sous le n°1, il s'agit donc

16 de dispositions générales lors de la détermination de la peine. Je vais

17 vous rappeler quelles sont les circonstances atténuantes et les

18 circonstances aggravantes mais également la gravité de l'infraction, les

19 motifs pour lesquels l'acte criminel a été commis et ceux dont on parle

20 tout à l'heure vous et moi donc la force ou le degré selon lequel le bien

21 protégé a été violé.

22 Question: Vous traduisez cette phrase sous la catégorie des circonstances

23 aggravantes. Vous parlez de la gravité de l'offense, n'est-ce pas, ou de

24 la gravité de l'infraction?

25 Réponse: Non, ce sont quand même deux choses différentes. D'un côté vous

Page 11135

1 avez l'attaque, l'intensité du bien protégé comme étant la démarcation ou

2 comme étant le délit qui a été commis et ici vous le voyez comme une

3 circonstance lors de l'établissement de la peine lié à cela et je vais

4 peut-être anticiper votre prochaine question en répondant la chose

5 suivante.

6 Il y a un jugement qui a été rendu par la cour fédéral en 1987 dans lequel

7 on dit que la cour fédérale estime que selon une application de la loi

8 convenable, un des éléments de l'acte pénal pour lequel l'accusé a été

9 trouvé coupable, ne peut pas être pris en considération comme étant une

10 circonstance aggravante lorsque vient l'établissement de la peine pour un

11 autre acte criminel pour lequel l'accusé a été également trouvé coupable.

12 Parce que de cette façon-là, l'accusé serait trouvé coupable deux fois

13 pour la même chose et donc cela serait très grave pour l'accusé.

14 Deuxièmement et c'est le principe...

15 Question: Professeur Cejovic, ce n'était pas ma prochaine question.

16 Alors est-ce que vous me permettriez de vous poser la question pour que

17 nous pourrions poursuivre?

18 Réponse: Oui. Je crois que je vous ai répondu à la question précédente. Il

19 s'agit donc des circonstances qui font en sorte lorsqu'on détermine la

20 peine je croyais que l'on était sur la même longueur, mais je voulais

21 simplement anticiper votre question, excusez-moi.

22 Question: Très bien. Professeur Cejovic, la Chambre d'appel de ce

23 Tribunal dans l'affaire Aleksovski dans le jugement en appel, dans

24 l'affaire Aleksovski a également reconnu l'importance du principe de

25 rétribution, c'est-à-dire l'expression de l'outrage de la part de la part

Page 11136

1 de la société vis-à-vis de ces crimes et c'est un facteur qui doit être

2 considéré lorsqu'on impose une peine pénale, une peine criminelle pour les

3 infractions dont ce Tribunal juge. Dans la législation par contre que vous

4 décrivez dans votre rapport à vous, il n'y a absolument aucune mention de

5 la reconnaissance de la rétribution comme étant l'un des buts de la peine

6 attribuée en ex-Yougoslavie. Est-ce que ce serait exact de dire que dans

7 les tribunaux de l'ex-Yougoslavie, l'intérêt de cette rétribution n'est

8 pas considéré comme étant l'un des éléments principaux de la peine et l'un

9 des buts principaux de la peine attribuée?

10 Réponse: Vous avez ouvert une porte, une question vieille et très bien

11 connue. Si la sanction, si la peine selon le droit contemporain est un

12 but, oui certainement qu'un but existe dans l'ex-Yougoslavie et dans la

13 Yougoslavie d'aujourd'hui. Car il est très difficile de faire négation

14 lorsque vient la peine surtout si on parle de peine de mort ou

15 d'emprisonnement à vie. Même si nous voudrions le permettre dans une telle

16 jurisprudence, nous voyons quand même la reconnaissance de cet élément.

17 Question: Mais vous n'en faites pas état dans le rapport, dans votre

18 rapport à vous?

19 En parlant de l'ex-Yougoslavie, oui ou non?

20 Réponse: Non, d'une certaine façon nous pouvons tirer une conclusion

21 lorsque j'ai établi ces dispositions concernant les peines et les autres

22 sanctions. Qu'est-ce que vous allez faire pour… De quelle façon est-ce que

23 vous allez faire en sorte que l'accusé... ou comment pouvez-vous empêcher

24 l'accusé de commettre d'autres crimes pour qu'il n'y ait pas de sanction?

25 Donc de cette façon-là, je ne suis pas d'accord avec le fait… Je crois que

Page 11137

1 toute peine a ses effets et donc c'est une question qui existe, donc cet

2 élément de rétribution.

3 Question: Professeur, vous parlez des peines en ex-Yougoslavie. Lorsqu'une

4 personne a été trouvée coupable pour plus d'un crime, ma question est la

5 suivante: est-ce que les peines pour des crimes différents pourraient être

6 servies de façon concurrente en ex-Yougoslavie si la gravité de

7 l'infraction est différente? Donc est-ce que la peine est servie de façon

8 concurrente?

9 Réponse: Eh bien, voyez-vous, on ne peut pas donner deux peines pour deux

10 actes criminels. Elles sont prononcées mais elles deviennent une peine;

11 les deux deviennent une peine. En fait, à l'une des questions de Me

12 Stojanovic j'y ai répondu. C'est-à-dire que si une personne -en fait, je

13 vais essayer de simplifier-, si une personne était trouvée coupable pour

14 un acte criminel, cette personne purge sa peine et par la suite, il

15 s'avère que cette personne avait commis un autre acte criminel pour

16 lequel, à ce moment-là, lorsque la peine est prononcée on n'avait aucune

17 connaissance de cet acte criminel précédent.

18 C'est à ce moment-là qu'il faut d'abord prononcer une peine pour le

19 premier acte criminel commis et ensuite, conformément ou à cause du

20 premier acte, nous allons essayer de déterminer la peine pour le deuxième

21 acte par un système d'aspiration. Donc les deux peines peuvent être

22 comparées mais elles ne peuvent pas être, on ne peut pas attribuer une

23 peine qui est plus longue que la première.

24 Donc pour répondre à votre question, l'accusé purgerait sa peine pour

25 l'acte pour lequel il a été trouvé coupable, donc le premier acte criminel

Page 11138

1 sera ajouté, mais la partie dont l'accusé a déjà purgé sa peine, si

2 l'accusé a déjà purgé 12 ans et qu'on lui attribue un autre 5 ans, il ne

3 lui resterait que 7 ans. En fait, c'est donc toujours une peine, c'est

4 toujours une période qui prédomine et non pas deux.

5 Question: Mais si je vous pose la question suivante: par exemple quelqu'un

6 a commis, ou une personne a été trouvée coupable d'avoir passé sur un

7 terrain sur lequel il n'avait le droit d'aller, et pour l'autre un meurtre

8 violent ou… En fait, je vais reposer ma question.

9 Selon le droit yougoslave, est-ce qu'à ce moment-là les deux peines

10 seraient servies de façon près en confusion des peines?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Si l'accusé a été trouvé coupable, en se basant sur la

13 responsabilité individuelle en tant qu'auteur, il a été trouvé également

14 par exemple pour une autre offense ou un autre délit comme avoir été en

15 tant que supérieur hiérarchique, est-ce que la Yougoslavie, l'ex-

16 Yougoslavie va prendre en considération le tout pour déterminer la peine?

17 Réponse: Pour chaque acte pénal, la responsabilité individuelle est

18 établie. Mais nous arrivons à votre question, celle à laquelle je

19 répondais un peu plus tôt. La même circonstance ne peut pas être prise en

20 considération comme élément aggravant, c'est-à-dire que selon une

21 disposition générale, la personne serait trouvée coupable pour un acte

22 criminel, ensuite pour un autre acte criminel et, par la suite, il

23 faudrait savoir si l'autre acte, le deuxième acte a été commis sous un

24 ordre. Par la suite, il faudrait établir les deux et voir quelle est la

25 peine principale, quel est le cumul de la peine, et à ce moment-là il

Page 11139

1 faudrait, néanmoins il y a quand même eu détermination, on ne peut pas lui

2 imposer une peine plus grande à cause des deux actes.

3 Question: Très bien. Mais par exemple, si une personne était trouvée

4 coupable pour un délit en ex-Yougoslavie en tant qu'auteur individuel et

5 en tant que supérieur hiérarchique, par exemple, qui n'a pas empêché ou

6 qui n'a pas puni les actes de ses subordonnés, est-ce que la sentence qui

7 est imposée par le tribunal reflète ces deux théories de punition ou

8 d'attribution de la sanction?

9 Réponse: Oui. Il faudrait prendre en considération les deux actes

10 criminels: le premier comme étant une peine personnelle et l'autre comme

11 étant autre chose; et ensuite faire une confusion, c'est-à-dire les

12 fusionner.

13 Question: Vous avez parlé des circonstances atténuantes et des

14 circonstances aggravantes. Vous avez également dit que, selon la loi de

15 l'ex-Yougoslavie ou selon le droit de l'ex-Yougoslavie, les éléments

16 malheureux pour l'auteur peuvent représenter pour l'auteur d'un crime des

17 facteurs atténuants dans la détermination d'une peine.

18 Vous avez également parlé du Code pénal portugais, vous avez dit que

19 l'intoxication représente quand même un facteur atténuant lors de

20 l'attribution de la peine, et plus particulièrement pour les crimes qui

21 ont été commis au cours de la guerre, mais vous avez également dit que par

22 exemple l'intoxication n'est pas ou ne représente pas un facteur atténuant

23 dans les cas d'infractions au code de la route.

24 Dans votre compréhension du droit portugais, est-ce que l'intoxication

25 représente un facteur atténuant? Est-ce qu'on pourrait l'appliquer par

Page 11140

1 exemple dans des cas où quelqu'un aurait commis des délits sur des

2 personnes détenues dans un camp de concentration?

3 Réponse: Monsieur, je suis vraiment désolé mais je crois qu'il y a un

4 léger malentendu. Lorsque je disais de quelle façon est-ce que le Code

5 pénal portugais envisage le tout, je me suis rappelé des circonstances

6 malheureuses pour l'auteur. Je dois vous dire que nous sommes très

7 malheureux chez nous. Mon grand-père avait passé plusieurs guerres,

8 survécu à plusieurs guerres. Moi-même également. Mon fils également a vu

9 plusieurs guerres. Je n'ai pas dit que nous avons participé à ces guerres

10 mais nous avons quand même été survivants de ces guerres. Et donc j'ai

11 pris cet Article 60 du Code pénal portugais, car je l'aimais, il m'a plu.

12 Cela fait partie des prévisions générales datées de 1947.

13 Je vais vous en donner lecture. Selon l'article 60, en parlant de

14 circonstances atténuantes, au point 9: "Si un délit pénal a été commis à

15 cause de circonstances accidentelles", dans le cas par exemple d'un délit

16 de crime pénal, c'est toujours le cas.

17 Je suis donc parti du principe que ces circonstances malheureuses

18 existent. Par exemple, si quelqu'un est sous l'effet de l'alcool, cet état

19 de guerre qui a continué aussi longtemps, si cette personne ne désire pas

20 commettre un délit pénal, je ne pensais pas aux circonstances de guerre

21 mais je pensais plutôt au fait que ces dispositions au Code portugais

22 reflètent la disposition qui dit que "lorsque quelqu'un est sous l'effet

23 de l'alcool mais ne désire pas commettre un crime"; si la personne désire

24 commettre un crime, c'est autre chose.

25 Je crois que ce sont de malheureux concours. Comme vous voyez, dans notre

Page 11141

1 pays, on dit: "Un homme boit toujours parce qu'il a une raison de boire

2 et, lorsqu'il n'a pas de raison, il boit parce qu'il n'a aucune raison de

3 boire". Donc cela peut représenter de malheureux concours qui peuvent

4 engendrer, mener vers la commission des crimes de guerre. Je dois dire

5 qu'une situation de guerre est une telle situation. C'est mon opinion

6 personnelle qui n'est peut-être pas juste, mais c'est ce que je pense.

7 Question: Vous ne dites pas que l'Etat du Portugal ou que le Code pénal du

8 Portugal dispose que "les violences commises à l'intérieur d'un camp de

9 concentration par les personnes qui viennent dans ce camp sous l'influence

10 de l'alcool et maltraitent les prisonniers…" Vous ne dites pas cela?

11 Réponse: Non, bien sûr.

12 Question: Et dans le cas de violences physiques dans l'ex-Yougoslavie,

13 est-ce que l'intoxication de l'accusé peut constituer une circonstance

14 atténuante?

15 Réponse: Eh bien, cela ne doit pas forcément être considéré comme une

16 circonstance atténuante; mais oui, ceci est très rarement considéré comme

17 une circonstance aggravante.

18 Si vous êtes intéressé par cela, je peux vous dire qu'à peu près 13% des

19 meurtres commis dans l'ex-Yougoslavie étaient commis dans un état

20 d'ébriété. Donc si je vous dis que la moyenne des peines prononcées était

21 de dix ans et demi, il faudrait évidemment mener une enquête portant

22 uniquement sur les facteurs de l'état d'ébriété, sur le prononcé de la

23 peine. Mais si, par exemple, la moyenne des peines prononcées est de dix

24 ans et demi, vous pouvez en arriver à la conclusion que ce facteur était

25 plus souvent considéré comme un facteur atténuant qu'aggravant.

Page 11142

1 Question: Dans votre rapport, vous parlez d'état d'ébriété ou bien

2 d'intoxication comme d'une circonstance atténuante, n'est-ce pas?

3 Réponse: Non, non. Maître Stojanovic m'a posé cette question précise à

4 l'époque, mais moi je ne séparais pas l'état d'ébriété ou d'intoxication

5 comme une circonstance atténuante particulière dans le contexte des autres

6 circonstances, lors de la détermination de la peine. Je ne ferai pas une

7 catégorie à part concernant cela, mais je le placerai parmi les autres

8 circonstances concernant l'accusé.

9 Question: Professeur, devant les tribunaux de l'ex-Yougoslavie, est-ce que

10 le fait que la victime d'un crime était le prisonnier d'un camp de

11 concentration, est-ce que ceci ferait partie d'un de ces malheureux

12 concours de circonstances dont vous avez parlé dans votre témoignage

13 principal? Ou bien est-ce qu'il s'agissait d'une circonstance aggravante

14 au moment de la détermination de la peine?

15 Réponse: Eh bien, lorsqu'on évoque le concept de camp de concentration

16 dans l'ex-Yougoslavie, on pense sans doute à Goli Otok, une île. Souvent y

17 étaient enfermées les personnes qui étaient victimes des procès

18 politiques; souvent, elles terminaient leur vie dans cette prison. Donc je

19 ne vois pas à quel autre camp de concentration vous pensez. A quoi

20 pensiez-vous?

21 Question: Professeur , moi, je pense au camp où ont été détenus les gens

22 appartenant à toutes les ethnicités de l'ex-Yougoslavie, au cours de

23 l'année 1992. Voulez-vous que je répète ma question?

24 Réponse: Oui, oui.

25 Question: Voici ma question: si la victime d'un crime était le prisonnier

Page 11143

1 d'un tel camp, est-ce que ceci serait considéré comme une circonstance

2 aggravante au moment de l'établissement de la peine à l'encontre de

3 l'auteur?

4 Réponse: Oui, bien sûr. En tout cas.

5 Question: Et devant les tribunaux de l'ex-Yougoslavie, quelles étaient les

6 circonstances aggravantes considérées, prises en compte par les tribunaux

7 au moment du prononcé des peines à l'encontre de personnes qui ont commis

8 un viol?

9 Réponse: Vous m'avez demandé quelles étaient les circonstances aggravantes

10 pour les crimes de viol?

11 Question: Oui.

12 Réponse: Il peut y en avoir beaucoup, beaucoup. Je ne sais pas à quoi vous

13 pensez exactement, mais sans doute l'âge de la victime, sa situation

14 psychique, mentale, sociale, si cette victime est privée de liberté ou

15 non, en bonne santé, détenue, etc.

16 Donc il faudrait me donner un cas particulier concret pour que je puisse

17 vous dire si une circonstance serait considérée comme une circonstance

18 aggravante ou non. Car il y a beaucoup de circonstances aggravantes dans

19 les affaires portant sur les viols, sur les crimes de viol.

20 Question: Alors, je vais vous en donner deux et vous pourriez peut-être me

21 répondre si, d'après vous, il s'agit d'une circonstance aggravante pour

22 les crimes de viol. Qu'en est-il de viols commis à cause du motif et qui a

23 un rapport avec l'appartenance ethnique de la victime? Est-ce que ceci

24 constituerait une circonstance aggravante du crime?

25 Réponse: Oui.

Page 11144

1 Question: Les crimes commis contre les personnes qui sont placées en

2 détention, est-ce que ceci constituerait une situation aggravante?

3 Réponse: Bien sûr.

4 Question: Et les viols commis à l'encontre des personnes qui se trouvent

5 dans un état physique faible et qui ne sont pas capables de se défendre,

6 est-ce que ceci constituerait un facteur aggravant?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Les viols de victimes multiples commis par les mêmes auteurs?

9 Réponse: Oui, ceci aussi.

10 Question: Et les viols qui comprennent d'autres formes de mauvais

11 traitements physiques comme les passages à tabac avant et après le viol?

12 Réponse: Oui, ceci aussi est une circonstance aggravante.

13 Question: Et les viols qui comprennent les menaces ou les pressions

14 exercées contre les membres de la famille de la victime, est-ce que ceci

15 constitue aussi un facteur aggravant?

16 Réponse: Eh bien, ceci fait partie déjà de la qualification de ce crime et

17 puisque, d'après le code pénal yougoslave, le viol comprend déjà cette

18 utilisation de la force contre la victime, on ne pourrait donc pas prendre

19 ceci en compte lors de la détermination de la peine.

20 Question: Et qu'en est-il des viols des civils pendant la guerre, est-ce

21 que ceci serait aussi une circonstance aggravante?

22 Réponse: Oui, bien sûr en tout cas, mais dans le cas où il s'agit du crime

23 de viol et pas d'un autre crime et puisqu'encore une fois s'il s'agit d'un

24 autre crime, d'un crime plus grave, eh bien, ceci fait déjà partie d'un

25 élément constitutif de la qualification de ce type de crime. On ne

Page 11145

1 pourrait pas inclure ceci dans la considération en ce qui concerne

2 l'établissement de la peine pour cette action.

3 M. Saxon (interprétation): Est-ce que j'ai la permission de la Chambre de

4 consulter mes collègues?

5 Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres questions pour l'instant.

6 M. le Président: Maître Stojanovic, avez-vous des questions

7 supplémentaires?

8 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Pr Bora Cejovic, par

9 Me Stojanovic.)

10 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, j'ai deux

11 questions à poser au témoin.

12 Monsieur Cejovic, je vais vous poser une question qui découle de la

13 question posée par mon collègue, M. Saxon, quand il vous a posé la

14 question si une telle circonstance constituerait une circonstance

15 aggravante alors qu'il n'a pas précisé de quel crime est accusé par

16 exemple l'accusé en question. Je vais vous poser cette question-là alors.

17 Quelqu'un, une personne accusée de crime de guerre, est-ce que l'on peut

18 considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime était

19 détenue dans un camp de concentration?

20 M. Cejovic (interprétation): Moi, j'ai déjà répondu à cette question-là.

21 Si une circonstance qualifie un crime par exemple fait d'un crime un crime

22 grave comme un crime de guerre, qui comprend déjà cette qualification de

23 coercition ou de l'utilisation de la force, eh bien, vous ne pouvez pas

24 prendre cela comme une circonstance aggravante.

25 Par exemple dans le Code pénal allemand à l'article 46, il est stipulé, il

Page 11146

1 s'agit de l'alinéa 3: "Les circonstances qui qualifient, qui représentent

2 les éléments constitutifs d'un crime ne doivent pas être prises en

3 compte." Donc ni la Chambre ni la défense ni l'accusation ne peut disposer

4 de cette circonstance comme elles veulent. Ils n'ont pas le droit d'en

5 disposer de la qualifier comme ils veulent; c'est déjà stipulé dans le

6 code.

7 Question: Je vais vous poser la question autrement. Si quelqu'un est déjà

8 accusé de crime de guerre, est-ce que les circonstances qui sont propres à

9 la guerre aux conditions de la guerre, est-ce que l'on peut évaluer qu'il

10 s'agit de circonstances aggravantes?

11 Réponse: Non, puisque l'on parle d'un crime de guerre qui est constitué de

12 ces éléments, de ces circonstances. Monsieur le Procureur m'a posé une

13 question précise concernant un crime précis, et dans ce cas-là il

14 s'agissait en effet de circonstances aggravantes; mais si on considère ces

15 viols comme un viol qualifié comme crime de guerre, dans ce cas-là, ce que

16 l'on appelait les circonstances aggravantes, eh bien, ces circonstances

17 sont déjà parties constituantes des éléments constitutifs de ce crime.

18 Je vais vous lire aussi la disposition 68 de l'article du Code pénal

19 italien.

20 M. le Président: Monsieur Saxon?

21 M. Saxon (interprétation): Voici mon objection, le Statut de ce Tribunal

22 dans son Article 24, paragraphe 1, recommande à la Chambre d'avoir recours

23 à la grille générale des peines d'emprisonnement appliquée par les

24 tribunaux de l'ex-Yougoslavie, donc je ne vois pas à quoi cela sert et

25 quelle est la pertinence de citer la législation des autres pays.

Page 11147

1 M. le Président: Monsieur Saxon, le professeur essaye de baser son opinion

2 et vous êtes allé jusqu'au Portugal peut-être.

3 Continuez, s'il vous plaît, Professeur.

4 M. Cejovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je voulais

5 juste vous dire: voyez-vous, cet article 68 du Code pénal italien, il est

6 stipulé quand les circonstances, l'ensemble, le cumul des circonstances

7 atténuantes et aggravantes -la Chambre ne va prendre en compte que les

8 circonstances atténuantes ou aggravantes qui entraînent la peine la plus

9 grave ou bien la moins grave-, si vous avez déjà pris en compte les

10 circonstances aggravantes, eh bien, vous ne pouvez pas le faire, les

11 prendre en compte à nouveau puisqu'on les a déjà prises en compte tout

12 simplement.

13 Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir compris mes intentions.

14 M. Stojanovic (interprétation): Merci, Professeur. J'ai une autre question

15 qui a trait à la réponse que vous avez donnée au Procureur: est-ce que les

16 lois de l'ex-Yougoslavie font une distinction entre les buts des sanctions

17 et, de l'autre côté, les circonstances qui ont mené au crime, qu'il

18 s'agisse de circonstances aggravantes ou atténuantes?

19 Réponse: Eh bien, du point de vue formel, oui. Puisque de toute façon,

20 cette prise en compte des facteurs aggravants ou atténuants va servir à

21 l'établissement de la peine.

22 Question: Oui, mais est-ce que cette question a été décrite de différentes

23 façons dans les dispositions de la loi?

24 M. Cejovic (interprétation): Oui, je pense que c'est bien le cas et je

25 l'ai déjà dit.

Page 11148

1 M. le Président: Nous passons aux questions de M. le Juge Riad.

2 (Questions au témoin, Pr Bora Cejovic, de M. le Juge Riad.)

3 M. Riad (interprétation): Bonjour, Professeur. Est-ce que vous m'entendez?

4 M. Cejovic (interprétation): Oui.

5 Question: J'aimerais que l'on parle de votre grande expérience dans le

6 domaine et j'aurai peut-être deux ou trois points que j'aimerais

7 clarifier. J'aimerais essayer de mieux comprendre ce que vous avez dit.

8 Le premier point a trait à ce dont on vient de discuter, qui découle en

9 fait du contre-interrogatoire, mais cela a été également mentionné en

10 interrogatoire principal. Il s'agit du fait de la consommation d'alcool,

11 du fait qu'un accusé est intoxiqué et à quel point cela peut représenter

12 une circonstance atténuante.

13 Vous avez dit, lors de l'interrogatoire principal, de façon catégorique,

14 qu'il s'agit d'une circonstance atténuante seulement si la personne ne

15 s'est pas intoxiquée dans le but de commettre un crime. Par la suite, lors

16 du contre-interrogatoire, vous avez dit que, de façon générale, cela peut

17 représenter un facteur atténuant mais, de toute façon, cela ne peut jamais

18 représenter un facteur aggravant. Et vous avez parlé de l'article 60.9.

19 Mais il y a une certaine hypothèse dont j'aimerais que l'on discute, c'est

20 sachant, par exemple, qu'un accusé se sert intentionnellement d'alcool et

21 qu'il sait très bien que cela mène vers un certain abus, il y a ce fait-

22 là, par exemple, si l'on applique ceci dans la communauté, cela peut bien

23 sûr être appliqué seulement dans un foyer, par exemple, si le mari sachant

24 très bien qu'à chaque fois qu'il prend de l'alcool, il va battre sa femme

25 mais ne s'empêche pas de le faire, ou le fait quand même: que dites-vous

Page 11149

1 donc de la personne qui sait très bien qu'en prenant de l'alcool, cela va

2 l'amener vers un abus? Est-ce que vous considérez cela quand même comme un

3 facteur atténuant ou bien n'est-ce pas un facteur aggravant?

4 Réponse: Non, non, Monsieur le Juge, je ne le pense pas. Il est certain

5 que je ne partage pas cette opinion. Chaque circonstance qui est prise en

6 compte, lorsqu'il faut déterminer la sentence, peut être une circonstance

7 atténuante ou aggravante; cela dépend du contexte, bien sûr.

8 Je crois que je n'ai pas dit -et si je l'ai dit, je vous demande pardon-,

9 je crois que je n'ai pas dit de façon catégorique et je ne crois pas que

10 le fait d'être intoxiqué ou en état d'ébriété représente une circonstance

11 atténuante en tout temps. Je dis que cela peut le représenter si justement

12 cela ressort des circonstances.

13 Si, par exemple, la personne ne s'est pas préparée à commettre un acte

14 criminel mais se trouve dans un tel état, à ce moment-là, cela ne peut pas

15 représenter des circonstances atténuantes. Mais dans d'autres cas, oui,

16 cela peut le représenter.

17 Question: Donc vous excluez le fait que, sachant que l'intoxication peut

18 mener l'individu à devenir plus agressif ou à commettre des abus, ce fait

19 d'avoir cette connaissance, est-ce que cela ne représente l'intention

20 coupable? N'est-ce pas un mobile?

21 Réponse: La différence est subtile. Par exemple, si quelqu'un se met

22 intentionnellement dans un état d'ébriété pour commettre un acte criminel,

23 cela n'exclut pas du tout sa responsabilité.

24 Question: Non, mais pas dans le but de commettre, sachant très bien

25 qu'inévitablement à chaque fois que la personne prend de l'alcool, elle se

Page 11150

1 met dans un tel état dû aux circonstances, dû au tempérament, dû à la

2 personnalité de la personne, à ce moment-là, qu'est-ce que vous dites de

3 cela, de cette hypothèse?

4 Réponse: La question est difficile. Je pars de moi même: par exemple, je

5 sais qu'à chaque fois que je me trouve derrière le volant, je ne devrais

6 pas boire même un seul verre d'alcool; mais il m'arrive toujours de

7 prendre un verre d'alcool.

8 Est-ce que cela représente une circonstance aggravante ou est-ce

9 simplement une circonstance? Je ne pourrai pas juger dans les deux cas.

10 C'est très difficile d'exprimer une opinion.

11 Question: Mon autre question parle du but général de l'attribution de la

12 peine. Lors de l'interrogatoire principal, vous en avez fait état. Par la

13 suite, vous en avez refait mention dans le contre-interrogatoire et vous

14 avez dit qu'un des buts de l'établissement de la peine est d'essayer

15 d'endurcir le moral. C'est ce que vous avez dit exactement. Par la suite,

16 vous n'avez pas développé cette théorie.

17 Qu'est-ce que vous voulez dire par l'endurcissement du moral ou

18 l'établissement de la morale?

19 Réponse: Vous savez, c'est le lien qui s'établit entre le lien pénal et la

20 morale. Les actes les plus répréhensibles sont tout à fait amoraux; donc

21 il n'y a pas de morale là-dedans. Mais chaque société a sa propre morale,

22 chaque groupe de personnes a sa morale.

23 La personne qui établit le droit pénal a donc inclus dans ses dispositions

24 ce mot, en fait que le but de la peine est d'intensifier ou de corriger la

25 morale et de donner un exemple aux citoyens. Donc de donner un exemple sur

Page 11151

1 les auteurs du crime ainsi que les criminels potentiels. La peine doit

2 donc faire en sorte d'agir en tant que facteur qui empêcherait les gens de

3 commettre des actes répréhensibles, le tout bien sûr dans un cadre moral.

4 C'est très difficile quand même de vous répondre. Si vous me demandez ce

5 que la morale représente pour moi, je ferai appel aux 10 commandements de

6 Dieu et c'est à ce moment-là que je pourrai vous parler de la morale telle

7 que je la comprends moi-même.

8 Question: Vous avez en fait parlé de deux choses. Vous avez en fait parlé

9 de deux choses. Vous dites que ce n'est pas démoralisant et vous avez

10 parlé d'éthique également.

11 Parlons des deux: le facteur démoralisant s'applique sur quelqu'un qui

12 commet un crime envers une autre personne d'un groupe ethnique, par

13 exemple envers un membre d'une minorité. Cela est démoralisant bien sûr

14 pour cette minorité.

15 Vous pouvez le voir dans n'importe quel pays, mais vous croyez que la

16 peine devrait envisager des facteurs réparateurs de cette démoralisation,

17 outre les considérations ethniques bien sûr qui en fait sont suggérées par

18 la justice en général? Mais est-ce que vous avez une communauté par

19 exemple qui est sujet à abus, vous ne croyez pas peut-être?

20 Je vous pose la question: est-ce que vous croyez que la peine devrait être

21 proportionnelle et devrait envisager le fait qu'il s'agit d'un

22 groupuscule?

23 Réponse: Oui, certainement. Je crois que oui.

24 Question: Mais est-ce que cela représenterait une circonstance aggravante

25 pour vous?

Page 11152

1 Réponse: Si la peine agit comme un facteur démoralisateur, vous me posez

2 la question?

3 Question: Non, si la commission du crime, l'agression ou le crime: est-ce

4 qu'à ce moment-là vous croyez par exemple si le facteur est démoralisant

5 que la peine devrait être proportionnellement sévère?

6 Réponse: Ici, je parle premièrement d'un but de la peine envers les

7 auteurs d'un crime ou d'un acte pénal et envers les personnes qui

8 pourraient éventuellement le devenir un jour, mais je ne pense pas aux

9 victimes.

10 Il est vrai que la victime plus tard peut également devenir l'auteur d'un

11 acte criminel, il faudrait avoir un caractère éthique ou moral sur les uns

12 ou les autres, car vous ne savez pas quelle partie va s'avérer être

13 l'auteur enfin la partie auteur du crime.

14 Je suis tout à fait d'accord avec vous que la peine doit agir de façon

15 morale envers les deux, les victimes et les auteurs du crime, justement

16 pour ne pas revenir à ce que le Procureur a demandé "est-ce que la peine a

17 toujours un facteur de vengeance?" s'il pourrait y avoir ce facteur de

18 vengeance qui est inclus dans toute peine, si bien sûr la peine n'est pas

19 une peine morale.

20 Question: Vous avez parlé de l'effet que cela a sur la victime. Vous

21 considérez que la peine doit prendre en compte également la victime?

22 Réponse: Cela fait déjà partie des circonstances de l'acte pénal, c'est

23 déjà prévu. Il faut prendre en considération bien sûr ce dernier

24 également.

25 M. Riad (interprétation): Merci beaucoup.

Page 11153

1 M. le Président: Merci beaucoup, Monsieur le Juge Riad.

2 Madame la Juge Wald?

3 (Questions au témoin, Pr Bora Cejovic, par Mme la Juge Wald.)

4 Mme Wald (interprétation): Professeur, dans votre étude concernant les

5 peines qui sont données pour des crimes très sévères, tel que le meurtre

6 ou des passages à tabac sévères, est-ce qu'il y a des crimes qui

7 impliquent la police ou les gardiens de prisons dans lesquelles on a battu

8 des gens et on a tué des gens alors que les prisonniers ou les détenus

9 étaient sous leur surveillance?

10 M. Cejovic (interprétation): Je n'ai pas de données concrètes là-dessus.

11 Question: Donc vous n'avez aucune impression propre ou vous ne vous

12 souvenez pas si par exemple le fait que c'est la police ou un gardien

13 d'une prison par exemple et que ces derniers sont des auteurs d'un crime à

14 l'encontre d'une personne qui est en détention ou sous leur surveillance.

15 Vous ne croyez pas que cela représenterait une circonstance aggravante et

16 quel serait le niveau de gravité de la peine qu'il faut attribuer à ces

17 auteurs-là?

18 Réponse: Oui bien sûr que cela représenterait un acte pénal plus sérieux.

19 Dans notre jurisprudence, il existe un acte criminel qui enlève la liberté

20 à quelqu'un et il y a une prévision de mort pour ce genre de peine, mais

21 cela représente une forme plus sérieuse d'un tel délit.

22 Question: Ma question suivante a trait au droit de l'ex-Yougoslavie: est-

23 ce qu'il y a des dispositions qui parlent de la participation d'un dessein

24 commun criminel où un groupe de gens opère un dessein ou développe un

25 dessein commun pénal, où les gens participent à plusieurs niveaux

Page 11154

1 différents dans ce dessein commun pénal? Je veux dire et c'est un crime

2 reconnu en Yougoslavie?

3 Réponse: Oui, il s'agit d'un acte criminel. C'est une association de

4 malfaiteurs. Si plusieurs personnes se mettent ensemble, oui cela déjà

5 représente un acte criminel.

6 Question: Lorsque vous parlez d'un niveau plus élevé d'un acte criminel,

7 est-ce que vous voulez dire que c'est plus sérieux que si la personne le

8 fait toute seule? Ou est-ce que je n'ai pas très bien compris, est-ce que

9 c'est plus séreux que si une personne commet cet acte seule?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Maintenant lorsque le moment vient où une personne doit être

12 trouvée coupable d'avoir participé à un regroupement de personnes, une

13 association de malfaiteurs, quel genre de facteur est-ce que les tribunaux

14 pourraient considérer lors de l'attribution de la sentence?

15 Par exemple je vais vous donner des exemples et vous pouvez élaborer là-

16 dessus, est-ce que vous considéreriez le niveau de la participation de

17 cette personne, si la personne est un participant ou un joueur mineur ou

18 un joueur majeur de cette association de malfaiteurs, est-ce qu'à ce

19 moment-là si l'on considère que cette personne est responsable pour des

20 choses qui ont été faites par association ou parce qu'elle avait

21 connaissance du dessein criminel de l'association en question mais n'a pas

22 participé à la commission des crimes, de quelle façon est-ce que le

23 Tribunal attribuerait une peine à quelqu'un qui avait connaissance d'un

24 dessein commun criminel mais n'a pas participé dans l'établissement de

25 ceci?

Page 11155

1 Réponse: Oui, il est certain qu'indépendamment du rôle de la participation

2 dans l'association, il est certain que c'est bien proportionnel à la

3 peine. L'organisateur de cette association de malfaiteurs et qui est le

4 porte-parole ou qui a le mot le plus important à dire, bien sûr sera

5 sanctionné de façon plus sérieuse, mais il y a deux actes pénaux de cette

6 sorte.

7 L'une est l'association pour commettre des actes ennemis, et l'autre est

8 l'association pour commettre des infractions à la paix.

9 Mais de toute façon, le chef d'un tel organisme ou d'une telle association

10 aurait certainement…, ce rôle serait plus important, donc on lui

11 attribuerait une sentence plus lourde.

12 Question: Et par exemple, si des participations de cette association de

13 malfaiteurs, si une personne a seulement tenu des livres pour une

14 association de malfaiteurs, par exemple n'a pas participé, ou la personne

15 participait à la livraison de la nourriture, par exemple à l'acheminement

16 de la nourriture pour toutes ces personnes, savait qu'il y avait une

17 association criminelle, un dessein criminel commun, est-ce qu'à ce moment-

18 là cette personne serait quand même trouvée coupable pour les activités de

19 l'association de malfaiteurs? Donc est-ce que vous croyez qu'à ce moment-

20 là, ou est-ce que selon l'ex-Yougoslavie la personne participait?

21 Réponse: Oui. Si cette personne contribue à la commission de l'acte

22 criminel, cette personne devient membre d'une telle association.

23 Mme Wald (interprétation): Merci.

24 M. le Président: Merci beaucoup, Madame la Juge Wald.

25 (Questions au témoin, Pr Bora Cejovic, par M. le Président.)

Page 11156

1 Professeur Cejovic, j'ai un peu le privilège de parler en dernière place

2 et donc j'ai peu de questions. Mais, néanmoins, j'ai une question aussi.

3 Vous avez parlé du cumul des peines dans le système de Yougoslavie, mais

4 je crois qu'il y a -comment dire- un réquisit: c'est que tout cela arrive

5 dans la même juridiction.

6 Je pourrais vous poser cette question: comment le système yougoslave voit

7 la situation où il y a différentes juridictions engagées, si je peux dire

8 comme cela, donc différents pays et une juridiction internationale?

9 M. Cejovic (interprétation): Monsieur le Président, eh bien, c'est une

10 question qui relève surtout du droit international plutôt que du pénal.

11 Les tribunaux yougoslaves respectent toujours les décisions prises par les

12 tribunaux étrangers, mais appliquent leur Code pénal ou leur jurisprudence

13 et législation. Donc une telle décision définitive, finale, devrait être

14 respectée.

15 Question: Donc si par exemple, je vous dis dans l'exemple que Me

16 Stojanovic vous a posé que l'infraction de 1992 fait objet d'une

17 juridiction internationale et l'infraction commise en 1993 fait l'objet de

18 la juridiction nationale, comment voyez-vous la relation et comment voyez-

19 vous la situation?

20 Réponse: Eh bien, si un tribunal yougoslave devait juger quelqu'un pour un

21 crime commis plutôt à l'étranger, il prendrait en compte cette sentence

22 comme étant une sentence finale, donc le tribunal yougoslave respecterait

23 la décision prise par un tribunal dans un Etat étranger, et donc on y

24 ajouterait, le tribunal y ajouterait la peine pour le crime qu'il a déjà

25 prononcée. C'est-à-dire que l'on appliquerait le système de cumul de

Page 11157

1 peines et il y aura une seule sentence, une sentence unique.

2 M. le Président: D'accord. Très bien, Professeur Cejovic. Je crois que

3 nous n'avons pas d'autres questions à vous poser. Nous vous remercions

4 beaucoup d'être venu, de nous avoir éclairés, d'avoir répondu à nos

5 questions, et nous vous souhaitons un bon travail, une bonne réflexion et

6 de bonnes leçons.

7 M. Cejovic (interprétation): Je sais que chez nous, c'est l'accusé qui a

8 toujours le dernier mot. Aujourd'hui, je me suis un peu ressenti dans une

9 situation d'élève à qui l'on pose des questions. J'ai l'habitude de poser

10 des questions d'habitude, et vous pouvez comprendre que je n'étais pas

11 tout à fait à l'aise. J'espère, si vous n'êtes pas satisfaits de mes

12 réponses, que vous allez me donner l'occasion de me corriger un peu, de

13 m'améliorer.

14 M. le Président: Même on peut mieux comprendre la position de l'autre.

15 Voilà donc un trait d'actualité.

16 M. Cejovic (interprétation): Oui. Oui, c'est merveilleux.

17 M. le Président: Merci beaucoup.

18 M. Cejovic (interprétation): Merci bien.

19 M. le Président: Monsieur l'huissier va raccompagner le Pr Cejovic.

20 (Le témoin, Pr Bora Cejovic, est reconduit hors du prétoire.)

21 (Questions relatives à la procédure.)

22 Maître Stojanovic, je crois que vous n'avez pas d'autre témoin.

23 M. Stojanovic (interprétation): Non, Monsieur le Président.

24 Nous souhaitons proposer le versement au dossier de notre pièce 30/4 s'il

25 n'y a pas d'opposition de la part de l'accusation, et évidemment, cela

Page 11158

1 dépend aussi de votre décision, de la décision de la Chambre.

2 M. le Président: Monsieur Saxon, avez-vous des objections?

3 M. Saxon (interprétation): Le Procureur n'a pas d'objection. Je vous

4 remercie, Monsieur le Président.

5 M. le Président: Donc, très bien. La pièce à conviction 30/4 est versée au

6 dossier.

7 Maître Stojanovic, nous avons donc fini la présentation de vos moyens à

8 décharge?

9 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que je ne

10 peux pas être aussi précis à ce moment-là. Pour l'instant, nous n'avons

11 pas d'autre témoin. Cependant, je pense qu'il serait dommage de ne pas

12 enrichir notre dossier avec le rapport d'experts Nero Pil et Paul Hoff.

13 Les représentants du Greffe m'ont informé du fait qu'ils ne sont pas en

14 mesure de venir au cours de cette semaine-ci.

15 Moi, je propose qu'ils… Je pense que mon collègue Jovan Simic me donne la

16 possibilité, m'accorde une heure de son temps pour que ces personnes

17 soient entendues devant les Juges de cette Chambre. Je voudrais vous

18 rappeler le fait que la défense ne va pas procéder à l'examen principal de

19 ce témoin.

20 En revanche, le Bureau du Procureur voudrait bénéficier de son droit au

21 contre-interrogatoire et vous avez pris la décision que ce contre-

22 interrogatoire devrait se limiter à vingt minutes à peu près. Nous nous

23 réservions en revanche le droit de poser éventuellement des questions

24 supplémentaires à ce témoin.

25 Donc voici quel est notre souhait: nous voudrions ici mentionner trois

Page 11159

1 autres témoins: les témoins qui ont été énumérés dans notre liste, Burzic

2 Enes, Burzic Jasmin et Mersinovic Sabahudin. Nous n'étions pas en mesure

3 de rentrer en contact avec ces témoins; ceci n'a pas pu être fait malgré

4 votre aide. Nous maintenons le point de vue que la défense souhaite

5 entendre ces témoins, mais la seule chose que nous étions en mesure de

6 faire, c'était d'obtenir des renseignements de la part des autorités de

7 Prijedor et de Republika Srpska, c'est-à-dire de l'endroit où elles ont

8 résidé avant, et nous avons reçu les documents de la part de ces autorités

9 indiquant que leur lieu de résidence est inconnu.

10 Ensuite, un dernier élément important pour la présentation de nos moyens

11 de preuve: il s'agit des pièces à conviction, des moyens de preuve qui

12 n'ont pas été versés au dossier. Donc nous allons demander à la Chambre de

13 nous aider à ce sujet.

14 Au moment de ma déclaration liminaire, j'ai mentionné un certain nombre de

15 documents que j'ai souhaité verser au dossier. Il nous a été dit que ce

16 versement peut être fait plus tard. Nous exprimons maintenant ce souhait.

17 Toujours est-il que nous n'avons plus de témoin à ce moment-ci.

18 M. le Président: Très bien. Donc comme vous l'avez mentionné, la Chambre

19 avait déjà décidé, par rapport aux témoins experts Neropil et Paul Hoff

20 qu'on prévoyait que vous les contactiez, que vous entriez en contact avec

21 eux pour savoir s'ils peuvent venir ici, à la fin de la présentation des

22 moyens à décharge de la défense; et je dis de toute la défense.

23 Maintenant, je crois que vous vous souvenez qu'il s'agissait là d'une

24 suggestion de Mme Somers. Je ne vais pas entendre maintenant Mme Somers;

25 elle s'est déjà prononcée à propos de cette question.

Page 11160

1 A présent, il me semble opportun de m'adresser à Me Jovan Simic pour deux

2 questions.

3 La première: à la suite de cette décision de la Chambre et de la mention

4 que Me Stojanovic a faite, quelle est votre disponibilité pour lui

5 accorder une heure? Et deuxième question: de façon générale, voir où

6 sommes-nous par rapport à la défense de M. Prcac, notamment en tenant

7 compte du calendrier que nous avions déjà établi.

8 M. J. Simic (interprétation): En ce qui concerne la première question, la

9 défense de M. Prcac n'a pas d'objection pour accorder cette heure. Mais à

10 cause de l'ordre de comparution des témoins et à cause de l'accord que

11 nous avons déjà avec l'Unité de l'aide aux victimes et aux témoins, à

12 cause de tout cela, nous souhaitons que ceci soit fait à la fin de la

13 présentation de nos moyens de preuve. Nous avons déjà élaboré un plan, un

14 plan de comparution des témoins et nous craignons que cette heure, cette

15 petite heure pourrait présenter un problème.

16 En ce qui concerne votre deuxième question, Monsieur le Président, nous

17 avons un problème qui ne relève pas de notre compétence. Nous avons fourni

18 au Greffe de ce Tribunal un certain nombre de documents, il y a à peu près

19 deux mois, deux mois et demi. En ce qui concerne les derniers documents,

20 nous les avons fournis il y a vingt jours. Donc demain, d'après ce que le

21 Greffe nous a dit, demain peut-être vers 3 heures de l'après-midi, nous

22 allons recevoir les traductions de ces déclarations des témoins, les

23 déclarations que je suis obligé de communiquer puisque nous devons

24 communiquer tous nos documents au Greffe avant quatre heures de l'après-

25 midi; nous avons peur d'être en retard. Nous avons une partie des

Page 11161

1 traductions, de nos traductions mais, comme vous le savez, nous avons un

2 problème de temps et nous n'avons pas réussi à tout traduire à Belgrade,

3 en Yougoslavie.

4 Je voudrais donc demander l'indulgence de la Chambre: dans le cas où le

5 Greffe ne communique pas demain la traduction de tous ces documents, eh

6 bien, qu'elle veuille bien nous accorder la possibilité de les communiquer

7 lundi. Moi, je suis lié par le travail du Greffe; moi, j'ai les

8 photocopies des documents que nous avons communiqués au Greffe. Mes mains

9 sont liées.

10 En ce qui concerne les moyens de preuve de la défense, nous avons appelé

11 seize témoins; seize témoins vont donc comparaître devant le Tribunal.

12 Mais je dois ajouter que nous allons commencer la présentation de nos

13 moyens de preuve le 8 mai, car le 7 mai sera réservé au contre-

14 interrogatoire de l'accusé Radic. Et nous espérons, comme nous l'avons

15 promis à la Chambre, que la présentation de nos moyens de preuve sera

16 complétée et diligentée, et que nous allons terminer cette présentation

17 dans les limites prévues, peut-être même plus tôt.

18 M. le Président: Donc, quand vous parlez de limites prévues, vous parlez

19 bien du 18 mai?

20 M. J. Simic (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président.

21 M. le Président: Donc, d'autres choses? Vous avez fini?

22 M. J. Simic (interprétation): Voilà, je vous demande juste de prendre une

23 position concernant la traduction de ces documents. J'espère que ceci sera

24 terminé demain mais, dans le cas où…

25 M. le Président: Je vais donner la parole à Mme Somers pour qu'elle se

Page 11162

1 prononce à propos de cette question des documents. Après, je vais demander

2 à la Greffière d'audience quelle est la situation.

3 Madame Somers, à propos de cette question des documents et d'autres choses

4 que vous auriez à communiquer?

5 Mme Somers (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

6 Concernant le commentaire de Me Jovan Simic à propos des documents, nous

7 avons également connu des problèmes semblables en ce qui a trait à la

8 traduction. Par contre, s'il serait possible, s'il nous serait possible

9 d'avoir néanmoins un peu de document ou quelques documents même s'ils ont

10 la traduction qu'ils ont maintenant. Nous attendrions d'avoir la

11 traduction peut-être officielle, mais si les documents qu'ils disposent à

12 l'instant pouvaient nous être peut-être transmis, cela serait entre nous.

13 Mais je me demanderais s'ils seraient en mesure de nous remettre au moins

14 quelques documents pour que nous puissions au moins avancer un peu dans

15 notre travail.

16 S'agissant de l'ordre des témoins, Me Jovan Simic a parlé de 16 témoins.

17 Le code 73 ter en fait la liste qui apparaissait, était de 15 témoins.

18 L'un d'eux était un témoin confidentiel de l'affaire Zigic, et ce témoin

19 couvrait également l'un des témoins de Me Jovan Simic.

20 Il y avait l'accusé, lui-même, qui de toute évidence ne participerait pas,

21 sera enlevé de la liste et cela nous laisse 13 témoins. Simplement pour

22 nous assurer que nous avons bien compris, nous aimerions savoir qui sont

23 les noms qui figurent sur les listes. Je voudrais peut-être informer la

24 Chambre qu'il y a peut-être quelques confusions là-dessus.

25 J'aimerais également demander à ce que l'on me donne l'ordre des témoins

Page 11163

1 car nous n'avons pas reçu, nous avons reçu une liste conformément à

2 l'Article 65 ter, mais nous n'avons pas reçu l'ordre. Si la Chambre

3 pouvait demander à mon éminent collègue de nous le confirmer, cela serait

4 bien car nous n'avons pas de liste conformément à la règle des 7 jours qui

5 est en vigueur dans cette Chambre.

6 Il y a également une question que j'aimerais soulever concernant la

7 défense de Zigic qui a été soulevée par la Chambre. Plus particulièrement

8 Mme la Juge Wald a demandé si, dans le cours des perquisitions qui ont été

9 menées, il y avait quelques informations que ce soit concernant le casier

10 judiciaire de Zigic, et j'ai en fait un document qui émane de la personne

11 en question qui est impliquée dans les saisies et perquisitions.

12 Il s'agirait de la pièce à conviction 3/267. Il y a peut-être une lettre D

13 qui est précédée ou qui précède ce chiffre. Je demanderai à l'huissier de

14 bien vouloir distribuer les exemplaires de ce document. Nous avons

15 également des copies pour le conseil de la défense.

16 (L'huissier s'exécute.)

17 La dernière question simplement pour tout présenter à la Chambre

18 concernant l'affaire Radic, car le contre-interrogatoire de M. Radic sera

19 le premier tel que l'a confirmé Me Jovan Simic, mais les pièces à

20 conviction, les cotes attribuées aux deux témoins experts, Nenad

21 Kecmanovic, témoin à charge et Robert Donia témoin à décharge, je viens

22 d'être informé par le Greffe qu'on leur attribuera les numéros suivants et

23 je demanderai à la Chambre de bien vouloir les verser au dossier pour que

24 ces derniers fassent partie du compte rendu, qu'ils fassent partie du

25 dossier.

Page 11164

1 Nous avons fait une correspondance par écrit et la Greffière d'audience

2 m'a dit que la pièce à conviction pour le rapport du Pr Kecmanovic pour ce

3 rapport est D34/3.

4 Pour le Pr Donia, le Dr Donia, pour son rapport à lui il s'agirait de la

5 pièce 3/266, c'est un témoin de l'accusion. J'ai parlé à Me Fila avant son

6 départ et il a confirmé à Me Jovan Simic que ces documents devaient être

7 versés au dossier.

8 Merci, Monsieur le Président. Je crois qu'en fait j'ai couvert toutes les

9 questions qui ont été soulevées. J'en ai ajouté une additionnelle.

10 M. le Président: Merci beaucoup Madame Somers.

11 Nous avons ici plusieurs questions à traiter. J'aurais préféré, car nous

12 avons d'autres questions à traiter maintenant et d'autres engagements, que

13 la question des documents puisse être traitée par écrit en relation avec

14 la communication avec le Greffe.

15 Maître Stojanovic a dit qu'il y a des documents qui sont restés, des

16 déclarations préliminaires. Oui, c'est vrai je sais.

17 Madame Somers mentionne maintenant au moins quelques documents aussi. Je

18 crois que ce serait mieux que chaque partie en relation avec le Greffe

19 fasse le point de la situation et par écrit puisse communiquer à la

20 Chambre et la Chambre décidera rapidement. Ce serait mieux que d'être ici

21 dans prétoire maintenant à traiter de ces questions qui peuvent être

22 traitées d'une façon plus facile en relation avec le Greffe.

23 Le Greffe dit quels sont les documents, vous savez les documents, vous

24 dites par écrit une feuille A4 seulement qui est adressée à la Chambre et

25 on décide de cette question. Maintenant ce qui est important, c'est donner

Page 11165

1 la parole à Me Jovan Simic par rapport à cette question du document

2 notamment à ce que Mme Somers vient de dire.

3 Si vous pouvez rendre disponible déjà quelques-uns. La question de la

4 liste des témoins parce que moi-même, les documents qui constituent le

5 mémoire préalable à l'ouverture du procès. Je compte 15 témoins, non 14.

6 Je dis 14. Vous parlez de 16.

7 Dites-nous, où sommes-nous par rapport à cette question de document pour

8 Mme Somers et la liste des témoins, s'il vous plaît?

9 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, si mes souvenirs sont

10 bons, vous nous avez donné la permission puisque nous sommes rentrés dans

11 cette affaire plus tard. Vous nous avez donné la permission de changer, de

12 modifier notre liste et d'appeler des témoins que nous considérons

13 pertinents. C'est dans ce sens-là que nous avons agi et nous avons modifié

14 la liste des témoins. Nous n'avons pas la traduction de cette liste des

15 témoins et c'est pour cela que c'est la raison de notre retard, mais je

16 dois ajouter que 4 ou 5 témoins ont déjà témoigné devant la Chambre dans

17 le cadre de la défense des autres équipes, des autres accusés.

18 Pour cette raison-là nous nous sommes vus obligés d'appeler d'autres

19 témoins. Entre-temps, nous avons pris connaissance des faits, d'autres

20 faits que nous ne connaissions pas auparavant et qui nous semblaient

21 pertinents. C’est pour cela que nous appelé d’autres témoins. Cependant ce

22 changement n'aura pas d'influence sur la durée de la présentation de nos

23 moyens de preuves et cette liste, nous l'avons; le Procureur en sera

24 informé en temps dû.

25 Et en ce qui concerne la liste écrite de tous les moyens de preuve, eh

Page 11166

1 bien, nous avons communiqué tous ces documents au Procureur il y a deux

2 mois et il manque encore un ou deux documents qui attendent la traduction.

3 En ce qui concerne l’affidavit, nous allons leur communiquer ces documents

4 en temps voulu puisque nous avons de très bons rapports de travail avec le

5 bureau du Procureur. Je voudrais le faire avant de partir à Belgrade, car

6 je dois voir à nouveau nos témoins et c'est la raison pour laquelle je ne

7 peux pas communiquer ces documents demain puisque je dois y aller, je dois

8 voir les témoins et je dois organiser les choses comme il faut. Donc nous

9 avons seize témoins pour la présentation des moyens de preuve de la

10 défense.

11 M. le Président: Madame Somers?

12 Mme Somers (interprétation): Maître Simic effectivement, au tout début,

13 nous a communiqué une liste de déclarations. Je veux simplement réviser

14 pour savoir si nous avons les documents; nous les avons. Selon l'article

15 66B, 66.7, nous agissons conformément à ces deux articles, mais je voulais

16 savoir si effectivement, il y avait des documents qui nous ont été

17 communiqués.

18 Il faudrait d'abord que je voie ceux que j'ai en ma possession avant de

19 faire quelque commentaire que ce soit. Mais Me Simic, je crois, nous a dit

20 que nous n'avons pas eu la liste révisée et finale des témoins; et cela

21 nous serait très important, il nous serait important d'avoir cette liste

22 plus particulièrement puisqu’il ne sera pas là. Donc je souhaiterais que

23 l'on nous les remette avant la fin de la journée d'aujourd'hui. Je

24 l'apprécierais énormément.

25 Maintenant, s'il y a des noms de substitution du point de vue de la

Page 11167

1 défense, si le nombre de témoins du point de vue de la défense n’est pas

2 important pour cela, est très important, car nous pouvons alors calculer

3 notre temps lorsqu'il s'agira du contre-interrogatoire. C’est la raison

4 pour laquelle nous avons besoin de tous ces détails le plus tôt possible.

5 En fait, nous n'avons pas le nombre exact.

6 M. le Président: Madame Somers, vous aviez une certaine priorité, c'est-à-

7 dire pour la première semaine: est-ce que l’on peut dire cela? Vous avez

8 besoin de l'indication des témoins pour la défense, mais surtout pour la

9 première semaine, pour que vous puissiez préparer: c'est ce que l'on peut

10 comprendre?

11 Mme Somers (interprétation): C'est tout à fait exact, Monsieur le

12 Président. Et plus particulièrement, je souhaiterais avoir la confirmation

13 de l'ordre réel des témoins et savoir s'il y a des témoins changés, s’il y

14 a des substituts sur la liste, si l'on a changé le statut des témoins. Si

15 l'on n'a pas mis leur nom, j'aimerais également l’avoir.

16 M. le Président: Monsieur Simic, êtes vous en condition de répondre à ce

17 souhait?

18 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, dès que nous aurons

19 terminé avec notre travail d'aujourd'hui, je vais communiquer cette liste.

20 Je l’ai, cette liste, elle est prête. Mais je voudrais juste dire une

21 chose: puisque nous connaissions la situation, puisque nous étions, nous

22 nous sommes déjà trouvés dans une situation semblable à cause de

23 l'accusation, donc nous avons prévu de nouveaux témoins pour la deuxième

24 moitié de la présentation de nos moyens de preuve pour permettre à

25 l’accusation de se préparer.

Page 11168

1 M. le Président: Très bien. Je voudrais maintenant m'adresser à Mme

2 Thomson pour deux aspects.

3 Avez-vous des indications par rapport à cette question de traduction qui a

4 été mentionnée par Me Jovan Simic. Première question.

5 Deuxième question: êtes-vous disponible pour coopérer avec les parties

6 pour faire le bilan et le point de situation par rapport aux pièces à

7 conviction qui sont un peu perdues dans l'affaire?

8 Mme Thomson (interprétation): Monsieur le Président, j'essaie de voir

9 quelle est la situation concernant les traductions et je pense que, cet

10 après-midi, après notre séance de travail, je serais en mesure de donner

11 de plus amples informations.

12 En ce qui concerne la deuxième question, bien sûr, je suis prête à

13 discuter des moyens de preuve. Nous avons parlé des cotes, nous avons tout

14 organisé; je ne pense pas que ceci va durer très longtemps. Je vais

15 préparer un mémorandum pour que tout soit bien clair et le soumettre à la

16 Chambre.

17 M. le Président: Est-ce que je peux conclure, donc le Président de cette

18 séance peut-il conclure qu'en laissant les questions dans vos mains, on

19 peut être optimistes et tranquilles? C'est cela?

20 Mme Thomson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

21 M. le Président: Donc, après tout cet optimisme et cette tranquillité,

22 nous pouvons lever la séance aujourd'hui. Nous allons nous rencontrer la

23 prochaine fois le 7 mai pour le contre-interrogatoire de M. Radic.

24 Je vous souhaite donc un bon travail et un bon week-end.

25 Mais pardon. Pardon. Je crois qu'il faut vraiment aller mais il y a cette

Page 11169

1 question: Maître Stojanovic, excusez-moi, cette pièce à conviction, cette

2 déclaration que le Procureur a présentée, la pièce 3/2-67D, la déclaration

3 d’authentification, est-ce que vous avez quelque objection?

4 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, moi, je pensais que

5 nous allions résoudre cela à l'aide du Greffe, mais nous n'avons eu que

6 peu de temps.

7 M. le Président: Très bien. Si vous n'avez pas d'objection à verser déjà.

8 Mais, de toute façon, vous avez bien raison: cela peut rester dans ses

9 mains avec tranquillité.

10 Donc à une prochaine fois. Je lève la séance.

11 (L'audience est levée à 15 h 02.)

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25