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1 (Lundi 14 mai 2001.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 25.)
4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
5 M. le Président: Bonjour, veuillez vous asseoir.
6 Bonjour Mesdames, Messieurs, bonjour cabine technique, interprètes.
7 Bonjour conseils de l'accusation et de la défense.
8 Bonjour Maître Jovan Simic, c'est à vous. Nous allons continuer
9 aujourd'hui.
10 M. J. Simic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président.
11 La défense cite son témoin, Mirko Jesic, à la barre.
12 (Le témoin, M. Mirko Jesic, est introduit dans le prétoire.)
13 (Interrogatoire principal du témoin, M. Mirko Jesic, par Me J. Simic.)
14 M. le Président: Bonjour Monsieur Mirko Jesic, est-ce que vous m'entendez?
15 M. Jesic (interprétation): Je vous entends.
16 M. le Président: Vous allez lire la déclaration solennelle que M.
17 l'huissier va vous tendre.
18 M. Jesic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président: Veuillez vous asseoir.
21 Merci beaucoup d'être venu. Pour l'instant, vous allez répondre aux
22 questions que Me Jovan Simic va vous poser.
23 Maître Jovan Simic, vous avez la parole.
24 M. J. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
25 Bonjour. Pour les besoins du compte rendu d'audience, je vous prie de nous
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1 décliner votre identité.
2 M. Jesic (interprétation): Mirko Jesic.
3 Question: Donnez-nous votre date et lieu de naissance?
4 Réponse: Bosanski Novi, le 12 décembre 1945.
5 Question: Etes-vous marié et avez-vous des enfants?
6 Réponse: Je suis marié et j'ai trois enfants.
7 Question: Quand avez-vous été placé à la retraite?
8 Réponse: Je suis parti à la retraite le 31 décembre 1990.
9 Question: Monsieur Jesic, pouvez-vous nous dire où vous avez travaillé
10 jusqu'à votre départ en retraite?
11 Réponse: J'ai travaillé au ministère de l'Intérieur dans le secteur de la
12 sécurité d'Etat.
13 Question: Au début des conflits sur le territoire de la municipalité de
14 Prijedor, avez-vous été mobilisé? Et si oui, quand?
15 Réponse: Oui, j'ai été mobilisé le 26 mai 1992 sur ordre de Bera Vojin, le
16 responsable compétent du centre des services de sécurité de Banja Luka,
17 département de la sécurité d'Etat.
18 Question: Et physiquement parlant, où se trouvaient les locaux où vous
19 avez dû vous présenter au niveau de la sécurité d'Etat?
20 Réponse: Les locaux du service du département de la sécurité se trouvaient
21 dans le bâtiment du poste de sécurité publique de Prijedor.
22 Question: Avez-vous travaillé là-bas tout le temps ou avez-vous changé de
23 site dans votre déplacement de service?
24 Réponse: J'ai travaillé tout le temps là-bas. En fait, nous avons juste
25 entamé les tâches pour lesquelles j'avais été mobilisé. Puis par la suite,
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1 nous sommes passés pendant deux jours à Keraterm et, ensuite encore, nous
2 avons été affectés au centre d'instruction d'Omarska.
3 Question: Lorsque vous avez été mobilisé, qu'étiez-vous censé faire?
4 Quelles avaient été vos tâches? D'une manière générale, je vous demande de
5 nous nous dire comment cela se déroulait, pour que je ne vous pose pas de
6 questions successives.
7 Réponse: Arrivé à cet immeuble, M. Bera m'a informé tout comme les autres
8 employés qui disposaient de certaines attributions et nous a dit que la
9 situation au niveau de la sécurité sur le territoire de la municipalité de
10 Prijedor était devenue fort complexe. Aussi avait-on requis la présence
11 des effectifs de réserve aux fins de collecter et de documenter les
12 activités, et rassembler des informations qui pourraient palier à la
13 création d'une situation plus complexe et d'un soulèvement armé.
14 Les renseignements disponibles disaient en effet que sur le territoire de
15 cette municipalité de Prijedor des groupes de sabotage se formaient et
16 s'entraînaient dans l'objectif d'attaquer la municipalité de Prijedor.
17 A ce moment-là, la sécurité publique a incarcéré un certain nombre de
18 personnes que nous avons interrogées à titre informatif et nous avons
19 recueilli des renseignements disant que les personnes incarcérées
20 n'avaient pas toutes une responsabilité à pied d'égalité. Nous avons donc
21 procédé à une classification des connaissances acquises, et déterminé la
22 gravité des infractions de tout un chacun dans ces activités.
23 Par conséquent, nous avons décidé de mettre en place trois catégories de
24 personnes.
25 La première catégorie, dont faisaient partie les organisateurs, ceux qui
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1 finançaient et ceux qui armaient de façon illicite les citoyens des
2 groupes ethniques non serbes.
3 Dans le deuxième groupe, il y avait les personnes qui s'étaient procurées
4 illégalement des armes pour des besoins personnels, sans pour autant
5 disposer d'autorisation prévue à cet effet, ou alors encore des personnes
6 qui étaient en corrélation avec les organisateurs.
7 Et en troisième catégorie, d'après ce que nous avons fait sur le plan
8 opérationnel, c'étaient des catégories de personnes pour lesquelles il n'y
9 avait pas d'informations intéressantes.
10 Aussi avons-nous estimé que ces gens-là, après ces entretiens informatifs,
11 devaient être relâchés pour rentrer chez eux.
12 Question: Tirons quelque chose au clair, je vous prie: vous avez parlé de
13 la sécurité publique et de la sécurité d'Etat, ce que vous venez de nous
14 relater c'était en principe ce que vous aviez convenu de faire, mais qui a
15 convenu et où? Comment avait-on conçu cette enquête?
16 Réponse: L'enquête avait été conçue de façon à y faire prendre part les
17 services publics, les services de sécurité d'Etat et la sécurité
18 militaire. Etant donné la situation sur le terrain et un tel nombre de
19 personnes, nous avions estimé que nous pourrions accomplir notre tâche de
20 façon plus appropriée en créant des équipes comportant des inspecteurs de
21 la sécurité publique, de la sécurité d'Etat, et inspecteurs de la sécurité
22 militaire.
23 J'ai été désigné comme personne responsable du côté de la sécurité d'Etat,
24 Mijic Ranko avait été nommé pour ce qui est de la sécurité publique, et
25 Majstorovic Miroslav avait été le responsable de la sécurité militaire.
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1 Question: Comment ces trois services fonctionnaient-ils, comment cela
2 avait-il été conçu?
3 Réponse: Ces trois services de par la loi étaient tout à fait distincts
4 sur le plan organisationnel, mais dans des situations de crise, dans des
5 situations complexes, ils avaient l'obligation d'accomplir de façon
6 concertée certaines tâches qui relevaient de l'intérêt général.
7 Mon service à moi se trouvait être tout à fait dissocié du service de la
8 sécurité publique et pratiquement parlant, je répondais de ce que je
9 faisais à Bera qui m'a mobilisé, mais le colonel Majstorovic avait ses
10 supérieurs et Mijic Ranko avait lui aussi M. Drljaca au poste de sécurité
11 publique à Prijedor.
12 Question: Ces trois services qui, de façon évidente, étaient autonomes,
13 dans ces circonstances et cette situation-là, ont commencé à exercer leurs
14 activités de façon coordonnée. Est-ce que quelqu'un vous l'a dit? Est-ce
15 que quelqu'un vous l'a imposé?
16 Réponse: Oui. Nous avons commencé à coordonner nos activités, le
17 coordinateur des trois personnes que je viens de mentionner comme étant
18 responsables du fonctionnement de ces trois services était Dule Jankovic,
19 alors que le chef en était Simo Drljaca.
20 Question: Aviez-vous l'obligation d'informer le coordinateur et votre chef
21 à vous? Et je vous prie de nous dire, si oui, comment vous le faisiez?
22 Réponse: Oui, à la fin de chaque journée de travail, M. Mijic et moi nous
23 nous rendions à Prijedor. Toute l'équipe d'inspecteurs après les heures de
24 travail s'en allait mais notre obligation à nous était le matin du jour
25 suivant d'informer M. Drljaca de ce que nous avions fait la journée
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1 précédente, et de lui communiquer en bref ce que nous avions l'intention
2 de faire dans la journée qui commençait. Il s'agissait de réunions de
3 travail assez brèves qui visaient à établir une concertation.
4 Question: En raison de ces activités opérationnelles, vous nous avez parlé
5 de trois catégories de gens. D'après ce que vous avez pu apprendre, que
6 devait-il advenir des gens de la première et de la deuxième catégorie? Et,
7 pour ce qui est de la troisième catégorie vous nous avez déjà dit que
8 votre opinion avait été qu'ils devaient être relâchés.
9 Mais les gens qui appartenaient aux deux premières catégories,
10 qu'advenait-il de ces gens?
11 Réponse: Pour ce qui est des gens appartenant aux catégories 1 et 2, il
12 fallait continuer les procédures pénales et entreprendre des mesures
13 légales en fonction de la nature même du délit pénal commis.
14 Question: Laissez-moi vous poser une question: vous nous avez dit que le
15 troisième groupe était censé être relâché, et que vous n'aviez pas
16 d'informations opérationnelles pour ce qui était de leur incarcération.
17 Aviez-vous le droit de les relâcher?
18 Réponse: Au début, nous avons relâché quelques personnes parce que cela
19 avait été contenu par nous trois, c'est-à-dire les trois personnes qui
20 avaient dirigé les équipes d'inspecteurs.
21 Toutefois, quelques jours après, le chef Drljaca a téléphoné, et c'est moi
22 qui étais le plus près de l'appareil téléphonique, aussi ai-je répondu, et
23 il a dit qu'il avait appris qu'une personne avait été relâchée. Par la
24 suite, il a donné l'ordre que nulle personne à partir de ce jour-là et à
25 l'avenir ne devait être relâchée sans son approbation.
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1 Question: Et une décision écrite a-t-elle suivi à cet effet?
2 Réponse: En fait oui. Le collègue Mijic, étant donné que lui dépendait
3 directement de M. Drljaca, nous a montré un ordre émanant de Simo et
4 réglementant la question.
5 Question: Bien. Nous avons dit qu'il y avait trois services qui ont
6 travaillé comme ils ont travaillé, et ils informaient Simo Drljaca.
7 Quel avait été votre supérieur dans le centre d'instruction d'Omarska? Qui
8 était donc votre chef? Je ne parle pas de la ligne…
9 Réponse: Pour ce qui est du camp d'Omarska, nous étions les représentants
10 des trois services et nous étions responsables devant M. Simo Drljaca.
11 Question: Pouviez-vous décider au-delà des accords donnés par Simo Drljaca
12 pour ce qui est des enquêtes, pour ce qui est de l'incarcération de gens,
13 pour ce qui était de relâcher certaines personnes ou quoi que ce soit
14 d'autre?
15 Réponse: Non, nous pouvions juste proposer et la portée de ce que nous
16 pouvions faire était de formuler des propositions, des suggestions, et
17 c'est M. Drljaca qui prenait la décision finale.
18 Question: Je vais demander maintenant à M. l'huissier et je lui
19 demanderais de vous remettre une liste, et je voudrais savoir si c'est
20 l'une des choses que vous faisiez et si c'était la façon dont vous
21 informiez M. Drljaca?
22 (L'huissier s'exécute.)
23 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je crains ne pas être
24 sûre de quoi est en train de parler mon collègue. Est-ce qu'il y a…
25 M. J. Simic (interprétation): C'est une pièce à conviction, je l'ai
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1 trouvée hier et elle ne porte pas encore de marque pour son
2 identification.
3 M. le Président: Donc nous allons attendre.
4 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, peut-être existe-t-il
5 des mesures de protection concernant ce document concret?
6 Il nous faut une minute pour vérifier la chose et, si cela est le cas, je
7 crois que nous devrions passer à huis clos partiel. Je n'en suis pas
8 certaine mais je vais vous le faire savoir, je crois qu'il s'agit d'un
9 document qui bénéficie de certaines mesures de protection.
10 M. le Président: Pourquoi ces mesures de protection Madame Somers?
11 Ce document mentionne seulement des personnes.
12 Mme Somers (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.
13 Je crois qu'il serait bon de passer à huis clos partiel parce que M. Saxon
14 vient de m'informer du fait que ce document est en effet protégé, et c'est
15 la raison pour laquelle il nous faut passer à huis clos partiel.
16 M. le Président: Maître Jovan Simic?
17 M. J. Simic (interprétation): Je lui fais confiance, je fais confiance à
18 la collègue. Je n'ai pas cette information, mais si elle l'affirme, je
19 veux bien que nous passions brièvement à huis clos partiel.
20 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 45.)
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7 (Audience publique.)
8 Maître Jovan Simic, vous pouvez continuer.
9 M. J. Simic (interprétation): Je vous présente mes excuses.
10 M. Jesic (interprétation): Tous les jours, à la fin de notre travail, de
11 la journée de travail, c'est-à-dire le lendemain matin, nous nous rendions
12 chez M. Drljaca et l'informions de ce que nous avions fait la veille.
13 En même temps, nous faisions nos propositions, c'est-à-dire on proposait
14 l'arrestation d'un certain nombre de personnes pour les raisons que j'ai
15 évoquées tout à l'heure. Simo, en général, acceptait ces propositions. Il
16 notait les noms de ces personnes dans son agenda d'affaires et,
17 ultérieurement, cette liste était élaborée dans les postes de sécurité
18 publique de Prijedor.
19 Question: Je vais vous poser une question: qui était habilité à laisser
20 partir une personne arrêtée se trouvant dans le centre d'enquête
21 d'Omarska?
22 Réponse: En ce qui concerne cette équipe responsable des entretiens
23 informatifs, eh bien, personne n'avait le droit de le faire puisque M.
24 Drljaca nous a donné son ordre, nous disant que personne ne peut quitter
25 le camp sans qu'il en soit d'accord.
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1 Question: Je vais demander à l'huissier d'avoir la gentillesse de
2 distribuer la pièce à conviction D40/5A et B. Est-ce que vous pourriez
3 aussi donner une copie au témoin?
4 (L'huissier s'exécute.)
5 Monsieur Jesic, êtes-vous au courant de cette décision datant du 2 juin
6 1992, prise par la cellule de crise?
7 Réponse: C'est la première fois que je vois cette décision. Mais Simo, à
8 plusieurs reprises, nous a informés par téléphone de cette catégorie de
9 soldats. Il s'agit des soldats de nationalité croate et bosniaque et qui
10 faisaient partie de l'armée yougoslave et qui, plus tard, étaient membres
11 de l'armée de la Republika Srpska.
12 Question: Monsieur Jesic, donc à part ce service d'enquête qui consistait
13 en trois volets, il y avait aussi le service de sécurité du camp, n'est-ce
14 pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Y avait-il d'autres formations qui avaient un certain nombre de
17 fonctions, qui avaient des missions à accomplir?
18 Réponse: Au début du travail du centre d'enquête, il y avait un peloton
19 d'intervention de Banja Luka qui était présent dans le camp. Ce peloton
20 est resté peu de temps, car des problèmes sont survenus.
21 Monsieur Mejakic m'a dit que les membres de cette unité violaient leurs
22 compétences et se rendaient sans demander l'autorisation chez les
23 personnes de nationalité musulmane et croate, et leur volaient leurs
24 objets de valeur: l'argent, l'or, les montres, etc.
25 Moi, j'ai demandé au chef de cette unité de se rendre auprès de ces
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1 policiers et de les avertir qu'ils avaient dépassé leur pouvoir, mais il
2 m'a répondu que cela n'avait rien à voir avec moi, que je n'avais rien à
3 lui dire, car il avait son propre commandant à Banja Luka. Nous en avons
4 donc informé M. Simo Drljaca quand nous sommes arrivés à Prijedor et,
5 après cela, cette unité est rentrée. On l'a fait revenir à Banja Luka.
6 Question: Je vais demander à l'huissier de distribuer maintenant la pièce
7 à conviction du Bureau du Procureur 2/3.16.
8 M. J. Simic (interprétation): Pour ne pas perdre de temps, Monsieur le
9 Président, je dispose de photocopies de ce document, nous pouvons essayer
10 de les trouver plus tard.
11 M. le Président: D'accord. Voilà.
12 (L'huissier s'exécute.)
13 M. J. Simic (interprétation): Monsieur Jesic, avez-vous examiné ce
14 document?
15 M. Jesic (interprétation): Oui.
16 Question: Est-ce bien ce document?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Le document qui porte la cote, à droite en haut, 11/12/16, et la
19 date c'est le 13 juin 1992, et en bas, à droite, ce document est signé par
20 Simo Drljaca?
21 Réponse: Oui il est signé par Simo Drljaca.
22 Question: Merci. Monsieur Jesic, pourriez-vous me dire, en ce qui concerne
23 la composition de l'équipe des enquêteurs, deux choses?
24 Tout d'abord, en ce qui concerne votre service à vous, est-ce que toutes
25 les personnes qui faisaient partie de ce service étaient des membres
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1 actifs du service de sécurité publique?
2 Donc une chose, et la deuxième est-ce qu'ils étaient tous originaires de
3 Prijedor?
4 Réponse: J'ai bien compris votre question.
5 Tout d'abord, ils n'étaient pas tous des membres actifs, il y avait aussi
6 bien des membres actifs que des réservistes. Et deuxièmement, puisque nous
7 dépendions du point de vue fonctionnel, organisationnel de Banja Luka, eh
8 bien, nous avions parmi nous des collègues venant du centre de sécurité
9 publique de Banja Luka.
10 Question: Merci. Savez-vous qui accueillait et décidait où on allait
11 placer les personnes arrêtées dans le cadre d'Omarska?
12 Réponse: Eh bien, cela dépendait du commandant Zeljko Mejakic et des
13 gardiens qui relevaient de son contrôle.
14 Question: Vous avez collaboré avec le service de sécurité, vous en tant
15 que service d'enquêteurs pour l'appeler ainsi, donc vous collaboriez avec
16 les services de sécurité, n'est-ce pas?
17 Réponse: Dans un certain nombre de situations, oui.
18 Question: Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quelle façon a commencé
19 cette collaboration et que faisiez-vous les deux services? De quelle façon
20 avez-vous été en contact, avez-vous collaboré etc.?
21 Réponse: A cause d'un grand nombre de personnes arrêtées et amenées au
22 centre d'enquête, nous nous sommes mis d'accord avec le commandant Mejakic
23 que cette première phase, la phase qui consistait en entretiens
24 d'information, eh bien, que cette phase servirait de tri, et que nous
25 allions donc nous baser sur la place de résidence, les villages etc.
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1 Un jour, nous nous occupions donc des personnes de Puharska, et un
2 deuxième de Cerici, etc.
3 Ensuite quand nous avons élaboré des listes dans la deuxième phase, eh
4 bien, nous procédions de la façon suivante. On appelait les personnes pour
5 venir subir des entretiens d'information, et les groupes qui faisaient
6 partie du service de sécurité du centre d'enquête faisaient venir ce
7 groupe de gens et ce groupe était contrôlé par Zeljko Mejakic et le centre
8 de sécurité.
9 Question: Si je vous ai bien compris, je voudrais reformuler ma question.
10 Pendant combien de temps le service de sécurité amenait des personnes se
11 trouvant dans certaines régions, certains villages, certains quartiers,
12 pendant combien de temps les services de sécurité amenaient ces personnes
13 aux enquêteurs?
14 Réponse: Ceci a duré pendant un jour ou deux.
15 Question: Et après, c'est vous qui décidiez quelles seraient les personnes
16 que vous alliez interroger?
17 Réponse: Oui, car après nous disposions des informations et nous décidions
18 nous-mêmes qui nous allions entendre. Il nous est arrivé d'appeler
19 certaines personnes à plusieurs reprises puisque nous arrivions par
20 exemple à la conclusion que la personne en question n'avait pas dit la
21 vérité lors du premier entretien.
22 Question: Est-ce que votre service ou tous les services, tous les trois
23 services, possédaient des listes des personnes arrêtées? Comment saviez-
24 vous où ils se trouvaient, où se trouvaient ces personnes dans le centre?
25 Réponse: Eh bien, c'était une mission qui appartenait au service de
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1 sécurité. Il leur appartenait d'élaborer des listes des personnes se
2 trouvant dans le centre.
3 Question: Donc le service de sécurité plaçait les gens et vous en
4 informait?
5 Réponse: Oui c'est exact. Et donc il nous faisait parvenir des listes dans
6 le bureau où nous nous trouvions.
7 Question: Est-ce qu'il y avait un groupe de gardiens particuliers qui
8 devait aider les enquêteurs et amener des détenus pour qu'ils subissent
9 des interrogatoires?
10 Réponse: Je crois que oui parce que je voyais toujours la même personne.
11 C'est-à-dire que ces gardiens ne changeaient pas tous les jours, il y
12 avait un groupe de gardiens qui faisait pratiquement toujours ce travail.
13 Question: Saviez-vous qui avait créé ce groupe, qui l'avait formé?
14 Réponse: Je pense, je suppose que c'était le commandant Zeljko Mejakic.
15 Question: Et quels étaient les horaires de travail de ce groupe?
16 Réponse: Pendant une période, nous avons travaillé en respectant les
17 horaires classiques, mais après, puisque Drljaca avait insisté là-dessus,
18 eh bien, nous avons commencé… parfois nous avons travaillé plus longtemps,
19 parfois même jusqu'à 8 heures du soir.
20 Question: Oui mais ceci concerne les prisonniers. Mais je vous pose la
21 question au sujet de ce groupe de gardiens: est-ce qu'ils avaient les
22 mêmes horaires de travail que vous ou bien des horaires différents?
23 Réponse: Eh bien, ils partaient en même temps que nous.
24 Question: Donc ils avaient les mêmes horaires que les enquêteurs?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Nous avons parlé d'un certain nombre de listes, vous avez dit
2 qu'on décidait où on allait placer les personnes: dans la première, la
3 deuxième ou la troisième catégorie; et que vous vous basiez sur les
4 recommandations du service.
5 Je vais demander à l'huissier de distribuer un autre document. Il s'agit
6 de la pièce à conviction 41/5A et B, je vais lui demander aussi de fournir
7 une copie au témoin.
8 (L'huissier s'exécute.)
9 M. le Président: Je crois que ce document devrait être le document 41/5.
10 M. J. Simic (interprétation): 41.
11 M. le Président: Oui, 41.
12 M. J. Simic (interprétation): 41/5.
13 M. le Président: Maître Jovan Simic, ce document a quelque chose à voir
14 avec les autres ou non, ou vous ne le savez pas?
15 Peut-être va-t-on demander à Mme Somers?
16 M. J. Simic (interprétation): Normalement, non, Monsieur le Président.
17 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, merci de m'avoir
18 fourni l'occasion de m'exprimer.
19 Ce document est une pièce du Procureur. C'est la pièce 3/204 qui a été
20 admise le 19 février 2001.
21 M. le Président: (inaudible.) attribuer une autre cote?
22 M. J. Simic (interprétation): Non, je suis désolé, c'est moi qui ai fait
23 la faute. J'avais demandé la liste, c'est la greffière qui me l'a fournie.
24 Donc, j'accepte bien évidemment la cote qui a déjà été attribuée.
25 M. le Président: Nous allons voir tout cela à la fin, mais pour l'instant
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1 ce document est déjà admis et c'est la pièce du Procureur 3/204.
2 Donc continuez, s'il vous plaît Maître Jovan Simic.
3 M. J. Simic (interprétation): Merci Monsieur le Président.
4 Monsieur Jesic, avez-vous pu examiner ce document?
5 M. Jesic (interprétation): Oui.
6 Question: Pourriez-vous nous dire quel est ce document? Qui l'a élaboré et
7 pour quelle raison?
8 Réponse: Il s'agit du document qui parle de la liste des personnes
9 appartenant à la première catégorie. Ce document a été élaboré et tapé à
10 Omarska, à la demande de M. Drljaca. Puisque qu'il nous a informés par
11 téléphone que la première et la deuxième catégories allaient être
12 transférées à Manjaca.
13 Je suppose qu'il faudrait qu'il y ait un document similaire pour ceux qui
14 faisaient partie de la deuxième catégorie; deuxième document qui a été
15 élaboré plus tard au poste de sécurité publique et c'est sur la base de la
16 liste complète de ces personnes qu'il y a eu transfert à Manjaca.
17 Question: J'aimerais demander à l'huissier de remettre au témoin une autre
18 pièce à conviction dont je souhaitais le versement au dossier. C'est la
19 pièce D42/5 mais je crains qu'il s'agisse d'un document qui est déjà au
20 dossier. Je n'en suis pas sûr.
21 (L'huissier s'exécute.)
22 Monsieur Jesic, vous avez vu ce document. Est-ce que c'est bien la liste
23 des hommes transférés d'Omarska à Manjaca qui correspond à ce que vous
24 avez dit, c'est-à-dire la compilation des noms qui figuraient sur les
25 première et deuxième listes?
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1 Réponse: Non. Cela, c'est la liste… Si c'était celle-là, elle devrait être
2 plus longue car il y a plus de 1000 personnes qui ont été transférées à
3 Manjaca.
4 Question: Mais ce n'est pas la liste complète que vous avez sous les yeux.
5 C'est une partie du document.
6 Réponse: Eh bien, dans ce cas-là, je vais regarder.
7 D'après les noms, il est permis de conclure qu'il est question de la liste
8 des personnes transférées à Manjaca.
9 Question: Bien. En tout état de cause, vous venez de dire dans votre
10 déposition qu'à la demande de M. Drljaca une liste a été élaborée pour les
11 personnes de la première catégorie et une autre pour les personnes de la
12 deuxième catégorie et que ces deux listes représentaient les listes des
13 personnes qui devaient être transférées au poste de Prijedor d'une part et
14 à Manjaca d'autre part, n'est-ce pas? C'est bien cela?
15 Réponse: Oui, c'est cela.
16 Question: Savez-vous s'il y avait des personnes qui devaient être
17 transférées à Trnopolje?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Savez-vous dans quel cas des personnes devaient être envoyées à
20 Trnopolje?
21 Réponse: Nous avons établi la liste des femmes qui ensuite ont été
22 transférées à Trnopolje. Nous avons également établi une liste des
23 personnes âgées ou en mauvaise santé, dont l'état de santé n'était pas
24 très bon, et ces personnes ont été également par la suite transférées à
25 Trnopolje. Enfin, une liste de plus de 1000 noms a été établie et les
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1 personnes dont les noms figuraient sur cette liste ont aussi été
2 transférées à Trnopolje.
3 Question: Donc ces listes ont été établies par votre service?
4 A la demande… La liste des femmes qui ont été transférées à Trnopolje, où
5 a-t-elle été établie?
6 Réponse: C'est Simo qui a donné ordre par téléphone d'établir une telle
7 liste et, une fois que cet ordre a été reçu, la liste a été tapée à la
8 machine au centre d'enquête et les personnes en question ont été
9 transférées à Trnopolje.
10 Question: Monsieur Jesic, connaissez-vous M. Drago Prcac?
11 Réponse: Oui, je connais M. Drago Prcac pratiquement depuis 1978, date à
12 laquelle j'ai commencé à travailler dans le service. Nous travaillions
13 pratiquement dans le même bâtiment, jusqu'à ce que Drago Prcac prenne sa
14 retraite.
15 Il était technicien de la police scientifique et était un très bon
16 spécialiste dans son métier. C'était aussi quelqu'un qui travaillait de
17 façon très sérieuse et, en tant qu'homme, c'était un homme qui était
18 vraiment honnête et je n'ai jamais rien entendu dire de négatif au sujet
19 de Drago Prcac.
20 Question: D'après ce que vous savez, Drago Prcac a-t-il, de quelque façon
21 que ce soit, participé à l'établissement d'une quelconque liste établie au
22 centre d'enquête d'Omarska?
23 Réponse: Non. Non, d'ailleurs ce n'était pas sa mission. La seule chose
24 qu'il faisait, qu'il a faite, c'était d'établir la liste des noms de ces
25 femmes, qui étaient prêtes à partir par autobus à Trnopolje, mais nous lui
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1 avons donné cette liste pour qu'il l'a lise.
2 Question: Dernière question Monsieur Jesic: Monsieur Mejakic pouvait-il
3 vous donner des ordres?
4 Réponse: Non. Dans mon service, il ne pouvait donner aucun ordre, et moi
5 non plus je ne pouvais pas ordonner quoi que ce soit à lui ou à ceux qui
6 travaillaient pour lui.
7 La seule chose que nous pouvions faire, c'était faire des propositions,
8 des suggestions, nous faire des propositions et des suggestions mutuelles
9 mais s'agissant de donner des ordres c'était impossible.
10 M. J. Simic (interprétation): Merci Monsieur le Président, nous n'avons
11 plus de questions pour ce témoin.
12 M. le Président: Merci Maître Jovan Simic. Est-ce qu'il y a d'autres
13 conseils qui ont des questions à poser à ce témoin? Je vois que non.
14 Madame Somers, s'il vous plaît.
15 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Mirko Jesic, par Mme Somers.)
16 Mme Somers (interprétation): Monsieur Jesic, vous faisiez partie de la
17 cellule de crise de Prijedor, n'est-ce pas, à la municipalité?
18 Réponse: Non, non, je n'en ai jamais été membre. D'ailleurs, ce n'était
19 pas possible, je n'étais membre d'aucun parti.
20 Question: Vous n'avez jamais été membre du SDS, c'est ce que vous nous
21 dites dans votre témoignage?
22 Réponse: Je n'en ai jamais été membre.
23 Question: Quelques questions.
24 Vous venez de mentionner une liste de femmes enfermées à Omarska, est-ce
25 que cela signifie que vous étiez présent à Omarska le jour où cette liste
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1 a donné lieu à une action, c'est-à-dire le jour où les femmes détenues ont
2 été soit relâchées ou retenues à Omarska?
3 Réponse: J'étais présent le jour où elles ont été relâchées mais je
4 n'étais pas présent le jour de leur arrivée, et je n'ai d'aucune façon eu
5 une quelconque influence aboutissant à ce qu'elles soient amenées à cet
6 endroit.
7 Question: Mais vous étiez présent le jour où Drago Prcac a lu le nom de
8 détenues femmes qui devaient partir, ce qui impliquait que celles dont les
9 noms n'étaient pas appelés devaient rester.
10 Vous étiez présent à Omarska en août 1992 quand cela s'est passé? Je vous
11 demande une réponse par oui ou par non.
12 Réponse: Je n'étais pas présent à côté de l'autobus, mais j'étais présent
13 dans le bâtiment.
14 Question: En d'autres termes, c'est une réponse affirmative: oui, vous
15 étiez à Omarska quand tout cela s'est passé?
16 Réponse: Oui j'y étais.
17 Question: Quand vous avez dit que Simo Drljaca donnait des ordres par
18 téléphone à Omarska, où se trouvait le téléphone, le poste téléphonique
19 d'où on lui répondait, je vous prie?
20 Réponse: Le poste téléphonique en question, la ligne directe était dans le
21 bureau où je travaillais avec Mijic et pendant un certain temps aussi
22 Majstorovic, mais dans un autre bureau, il y avait aussi un poste radio et
23 un autre téléphone.
24 Question: Donc il y avait deux téléphones, Monsieur Jesic, qui avaient une
25 ligne permettant d'appeler l'extérieur à Omarska, n'est-ce pas? Le
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1 téléphone dont vous venez de parler est celui qui se trouvait dans la
2 pièce abritant l'émetteur radio?
3 Réponse: Je suis certain que le téléphone donnant accès à l'extérieur
4 était dans mon bureau, dans notre bureau, mais je ne peux pas affirmer que
5 celui qui se trouvait dans l'autre bureau donnait accès à l'extérieur.
6 C'était peut-être uniquement un téléphone intérieur. Dans l'autre bureau,
7 il y avait un autre émetteur radio et un téléphone, mais je n'ai jamais
8 appelé en utilisant ce téléphone parce que dans mon bureau j'avais une
9 ligne directe donnant accès à l'extérieur et en général quand Simo
10 appelait, il appelait notre bureau.
11 Question: Quel était le numéro de la pièce du camp d'Omarska où vous
12 prétendez avoir eu un bureau? Dans quel bâtiment et quel était le numéro
13 de la pièce, je vous prie?
14 Réponse: La pièce se trouvait dans le bâtiment administratif de la mine de
15 Ljubija, euh, de la mine de fer d'Omarska, et elle se trouvait au bout du
16 couloir. On entrait directement à partir du couloir, tout droit et à
17 gauche il y avait la salle de réunions. C'était aussi la dernière porte.
18 Question: A quel étage, Monsieur Jesic, étaient ces pièces?
19 Réponse: Au premier étage, c'est un bâtiment qui n'a qu'un seul étage.
20 Question: Pouvez-vous nous dire depuis l'ouverture du camp d'Omarska et
21 jusqu'à sa fermeture, combien de temps avez-vous passé par jour, par
22 semaine, par mois à Omarska?
23 Réponse: Par jour, j'y passais au moins 8 heures. Il arrivait que j'y
24 passe plus que 8 heures. Mais j'étais présent tous les jours depuis la
25 levée du jour jusqu'à la fin.
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1 Question: Etiez-vous tenu de rester dans votre bureau ou pouviez-vous
2 circuler dans le camp?
3 Réponse: Je n'avais pas le temps de me promener. Je passais le plus gros
4 de mon temps de travail dans mon bureau à lire des déclarations, des notes
5 et d'autres documents que nous avions à notre disposition. Mais de temps
6 en temps, il m'arrivait de me rendre dans le bureau des dactylographes où
7 les notes officielles étaient tapées à la machine ainsi que les
8 déclarations.
9 Question: Est-ce le bureau où se trouvait également l'émetteur récepteur
10 radio?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Est-ce le bureau dans lequel vous pouviez voir de temps en temps
13 Drago Prcac ou Miroslav Kvocka ou peut-être même Mlado Radic, assis à leur
14 table?
15 Réponse: Je sortais rarement, et quand je sortais, je ne me rappelle pas
16 avoir vu l'un quelconque de ces hommes dans ce bureau à ce moment-là, mais
17 ils étaient là de temps en temps.
18 Question: Quel était le numéro de téléphone?
19 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, intentionnellement je
20 n'ai pas fait objection à la question précédente, mais le témoin n'a
21 jamais dit cela. J'ai attendu quelques instants et je pense que si ma
22 collègue de l'accusation veut citer quelque chose ou introduire un élément
23 -comment puis-je dire-, il est préférable de ne pas mettre dans la bouche
24 du témoin quelque chose qu'il n'a pas dit.
25 M. le Président: Madame Somers?
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1 Mme Somers (interprétation): Je vais reformuler Monsieur le Président.
2 Monsieur Jesic, les Juges de cette Chambre ont entendu de très nombreux
3 témoignages stipulant la présence, dans ce bureau des transmissions, de
4 MM. Kvocka, Prcac, Radic également, et je crois que, dans ces témoignages,
5 il était mentionné que d'autres accusés étaient présents également dans ce
6 bureau.
7 Si vous étiez présent tous les jours au camp, avez-vous vu ces personnes
8 dans ce bureau quand vous y pénétriez?
9 Réponse: Je ne peux pas l'affirmer parce que vraiment j'allais rarement
10 dans ce bureau, car Mijic, Majstorovic étaient ceux qui la plupart du
11 temps transmettaient ces papiers pour qu'ils soient tapés à la machine. Je
12 n'exclue donc pas cette possibilité mais je ne peux pas l'affirmer avec
13 certitude.
14 Question: Comment alliez-vous tous les jours au camp d'Omarska? Quel moyen
15 de transport utilisiez-vous et quand vous arriviez dans le camp, quel
16 était le chemin que vous suiviez pour arriver jusqu'à votre bureau, depuis
17 l'entrée du camp?
18 Réponse: Nous arrivions en minibus, un minibus d'autoservice de Ljubija.
19 Et pendant un certain temps nous passions par la route principale
20 Prijedor/Banja Luka, et pénétrions dans Omarska par le portail principal.
21 Mais après l'attaque sur Prijedor, pour des raisons de sécurité, il nous a
22 fallu utiliser un chemin de contournement qui passait par Celes et
23 Tomasica, pour arriver jusqu'à la mine. En général, il y avait des jours
24 où nous arrivions à l'entrée principale et d'autres jours à l'entrée qui
25 se trouve près du restaurant.
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1 Question: Deviez-vous passer par un secteur qu'il est convenu d'appeler,
2 devant cette Chambre, la Pista?
3 Réponse: Oui. Quand nous arrivions à l'entrée principale.
4 Question: Pendant les trois mois pratiquement pendant lesquels, selon ce
5 que vous prétendez, vous avez été quotidiennement présent à Omarska, entre
6 le mois de mai et le mois d'août, avez-vous vu un certain nombre de
7 détenus sur la Pista qui restaient là pendant ce qui a été décrit comme
8 étant des conditions atmosphériques extrêmes, en tout cas très pénibles.?
9 Les aviez-vous vus tous les jours à cet endroit?
10 Réponse: Oui, oui. Pendant un certain temps, il y avait là un grand nombre
11 de détenus sur la Pista. Mais quand les conditions météos étaient
12 mauvaises, ils rentraient dans le restaurant qui se trouvait dans ce
13 bâtiment.
14 Question: Vous est-il jamais arrivé de prendre l'initiative d'alléger les
15 conditions de détention de ces personnes sur la Pista, s'il faisait très
16 chaud et que les conditions étaient difficiles et que les gens avaient
17 l'air de souffrir? Ou bien avez-vous demandé une intervention des niveaux
18 supérieurs de la hiérarchie à cette fin?
19 Réponse: Nous, à Omarska, nous ne pouvions rien faire dans ce sens, mais
20 nous avons informé Simo Drljaca de la situation.
21 Question: L'avez-vous fait en demandant une réponse immédiate destinée à
22 obtenir des résultats?
23 Réponse: Bien sûr. J'ai proposé que la situation change. Mais compte tenu
24 des circonstances, certaines décisions ne pouvaient pas être prises.
25 Question: De quel genre? Donnez-nous des exemples de circonstances
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1 objectives qui auraient pu vous empêcher d'aider quelqu'un à moins
2 souffrir?
3 Réponse: Eh bien, par exemple, nous ne pouvions pas terminer le tri
4 pendant si peu de temps et mener à bien un nombre suffisant de
5 conversations informatives qui nous auraient permis de relâcher un certain
6 nombre de personnes. C'est donc pourquoi nous travaillions parfois 24
7 heures sur 24 pour créer des circonstances plus favorables afin que,
8 d'après le règlement en vigueur, les personnes qui devaient rester au camp
9 y restent mais dans de meilleures conditions. C'est tout ce que nous
10 pouvions faire de notre côté.
11 Question: Mais très certainement, compte tenu du fait que vous étiez une
12 personne déjà à la retraite depuis quelque temps, une personne qui a été
13 rappelée pour occuper un poste très important, puisque vous avez dit
14 considérer votre position supérieure à celle des policiers de réserve
15 habituels, n'est-ce pas, c'était sans doute une manifestation de confiance
16 à votre égard, le grade qui vous a été accordé?
17 N'avez-vous donc pas utilisé votre grade pour essayer d'améliorer les
18 choses à Omarska ou à Keraterm, ou dans d'autres installations que vous
19 connaissiez?
20 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, ma collègue de
21 l'accusation tire des conclusions à l'avance: quelle influence il a eue?
22 Est-ce qu'il a été rattaché? Je crois que cela peut faire l'objet de
23 questions tout à fait simples: avez vous été rattaché à un poste
24 supérieur?
25 Mme Somers (interprétation): Pas de problème, Monsieur le Président.
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1 Monsieur Jesic, les Juges de cette Chambre ont examiné le document 2/4.11
2 à de nombreuses reprises. C'est un ordre de Simo Drljaca qui porte une
3 date en mai 1992, et qui établit la structure d'Omarska.
4 Sans abuser du temps des Juges de cette Chambre, j'aimerais vous rappeler
5 le paragraphe 3 de ce texte, qui est signé par Drljaca et qui stipule ce
6 qui suit, je cite: "Un groupe mixte de membres de la sécurité publique
7 nationale et d'enquêteurs de la sécurité sera responsable du travail
8 consistant à placer les détenus dans diverses catégories.
9 "L'ordre respectera le principe de la parité. Mirko Jesic, le lieutenant-
10 colonel (non traduit), sera responsable de ce travail." L'ordre est signé
11 de Simo Drljaca.
12 Est-ce que cela vous permet de penser que vous vous étiez vu accorder une
13 certaine autorité sur le camp? Ou est-ce que j'ai mal lu, cet ordre?
14 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, ce document a été
15 évoqué à plusieurs reprises ici et je pense qu'il serait honnête de le
16 remettre au témoin pour qu'il lise la totalité du document plutôt que de
17 devoir tirer une conclusion sur un extrait de ce document. Je pense qu'il
18 serait bon de lui remettre ce document. Si ma collègue de l'accusation n'a
19 pas ce document en sa possession, moi je l'ai.
20 M. le Président: Très bien, Maître Jovan Simic. Madame Somers, continuez.
21 Mme Somers (interprétation): Merci. Je demande au témoin de jeter un coup
22 d'oeil à ce document: dans les deux versions et les deux langues, il
23 s'agit du paragraphe 3.
24 Vous pourriez peut-être regarder ce document dans votre langue, Monsieur
25 Jesic, ce serait préférable. Vous voyez ce paragraphe, Monsieur Jesic?
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1 M. Jesic (interprétation): Oui.
2 Question: C'est à vous que fait référence M. Drljaca dans ce texte, n'est-
3 ce pas, Mirko Jesic?
4 (Correction de l'interprétation du texte par l'interprète:
5 Je cite: "Un groupe mixte composé d'enquêteurs de la sécurité nationale
6 publique et militaire sera responsable du travail consistant à placer les
7 détenus dans diverses catégories. Ils s'organiseront sur le principe de la
8 parité. Mirko Jesic, Ranko Mikjic et le lieutenant-colonel Majstorovic
9 seront responsables de leur travail.")
10 Mme Somers (interprétation): Il semble que des responsabilités importantes
11 vous aient été accordées dans le camp d'Omarska par cette position qui
12 vous est donnée. Etant donné votre position, ne pouviez-vous rien faire
13 pour alléger les souffrances des personnes que vous avez vues à Omarska?
14 Réponse: Selon ce document, je suis défini comme étant la personne
15 responsable du travail des services de sécurité de l'Etat, c'est-à-dire du
16 travail mené par les inspecteurs de la sécurité de l'état.
17 S'agissant des conditions de vie dans le camp, mon service n'avait d'après
18 la loi aucune responsabilité, aucune obligation dans ce domaine qui
19 ressortait de la responsabilité de la sécurité publique, des services de
20 sécurité publique, parce qu'ils étaient en fait responsables de tout ce
21 qui se passait à cet endroit.
22 Je me rends bien compte, en tant qu'homme, que les conditions en vigueur
23 dans le camp étaient très pénibles et portaient atteinte à la dignité
24 humaine. Mais dans ce domaine, ce que je pouvais faire consistait à
25 informer les responsables et les dirigeants de ce qui se passait.
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1 Mme Somers (interprétation): Et puis vous continuiez votre travail sans
2 vérifier ce qui se passait par la suite, n'est-ce pas? Vous ne vérifiez
3 pas quel était le résultat de vos plaintes pour voir si quelque chose
4 avait été fait en réponse?
5 Réponse: Non, moi je l'ai fait savoir, je l'ai souligné plusieurs fois ce
6 problème auprès de Simo Drljaca parce qu'il était le seul devant qui nous
7 étions responsables, c'était le seul avec qui nous avions des contacts.
8 Moi-même et Simic, nous n'avions pas le droit et ne pouvions pas entrer en
9 contact avec aucune autre institution pour obtenir une amélioration de ces
10 conditions. La seule chose que nous pouvions faire consister à informer
11 Simo Drljaca, après quoi, il avait la responsabilité de continuer le
12 règlement du problème. C'est ce qui était défini dans l'ordre émanant de
13 lui.
14 Question: Vous étiez responsable des enquêteurs, des inspecteurs -quel que
15 soit le nom qu'on leur donne- qui interrogeaient les détenus selon la
16 catégorie à laquelle ils appartenaient, n'est-ce pas? C'était bien cela
17 votre travail? C'est bien cela, oui ou non, je vous prie?
18 Le micro ne peut pas voir votre hochement de tête.
19 Réponse: Oui, j'étais responsable d'un groupe d'inspecteurs de la sécurité
20 de l'Etat, de leur travail, de leur comportement par rapport aux personnes
21 appréhendées et incarcérées et, dans ce sens, j'ai à plusieurs reprises
22 prévenu mes collègues inspecteurs de l'obligation qu'ils avaient de se
23 comporter en accord avec les attributions qui leur étaient données par la
24 loi, par un comportement correspondant au code d'éthique des membres de la
25 sécurité de l'Etat.
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1 Question: Vous avez indiqué avoir vu un certain nombre de détenus sur la
2 Pista. Les Juges de cette Chambre ont également entendu de très nombreux
3 témoignages au sujet du fait que des cris, des plaintes pouvaient être
4 entendus et que les détenues étaient dans un état très affaibli.
5 Avez-vous observé cela également et avez-vous vu des détenus dans un état
6 de santé très affaibli? Avez-vous constaté que les conditions étaient
7 susceptibles de les affaiblir?
8 Réponse: Oui, il y a eu des cas de ce genre. Dans le bureau qui se
9 trouvait immédiatement à côté du nôtre, j'ai entendu une fois des
10 gémissements d'une personne qui était en train d'être interrogée. Je suis
11 sorti de mon bureau, j'ai ouvert la porte de cet autre bureau dans lequel
12 j'ai vu l'inspecteur Rade Knezevic qui faisait partie du poste de sécurité
13 publique de Prijedor j'insiste sur le fait que cela n'a rien à voir avec
14 le service de la sécurité de l'Etat- et la personne qui avait été amenée
15 dans le bureau était là, et il est permis de dire à son sujet que cette
16 personne avait été maltraitée et avait subi des sévices corporels puisque
17 lorsque j'ai pénétré dans le bureau cette personne gisait sur le sol.
18 Question: Le service de sécurité publique de Prijedor est subordonné à un
19 bureau de Banja Luka, n'est-ce pas? Etiez-vous hors de Banja Luka ou de
20 Prijedor?
21 Réponse: Je dépendais de la sécurité de l'Etat de Banja Luka et pas de la
22 sécurité publique. Il n'y avait aucun lien institutionnel entre ces deux
23 services qui étaient complètement différents sur le plan de leur
24 structure. La sécurité publique avait une action dans le camp d'Omarska, à
25 partir de Prijedor. Les hommes qui étaient là dépendaient du poste de
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1 sécurité publique de Prijedor.
2 Question: J'aimerais que tout soit clair pour les Juges de cette Chambre.
3 Quand un enquêteur interrogeait, sous votre compétence, et quand un
4 inspecteur ou un enquêteur interrogeait sous la compétence du poste de
5 sécurité publique de Prijedor: où se situait la ligne de démarcation entre
6 les deux? Pouvez-vous la décrire?
7 Réponse: La différence est que si l'enquêteur du service de sécurité de
8 l'Etat enfreint les attributions qui sont les siennes, je pouvais
9 intervenir, je pouvais rappeler à l'ordre mon subordonné en lui disant
10 qu'il ne s'était pas comporté en accord avec le règlement du service. Et
11 dans des cas de ce genre, il était possible de prendre des mesures
12 disciplinaires ou autres.
13 Mais lorsqu'il était question d'un enquêteur de la sécurité publique, je
14 n'avais pas ces attributions. La seule chose que je pouvais faire, c'était
15 rendre compte, faire savoir ce qui se passait. C'est ce que j'ai fait.
16 J'ai informé Ranko Mijic et son supérieur immédiat, Simo Drljaca, qui
17 était l'officier de plus haut rang.
18 Question: Les personnes dont vous avez constaté l'état de santé, qui
19 étaient peut-être affaiblis, n'avez-vous pas tout de même autorisé leur
20 interrogatoire en dépit des conditions horribles qui régnaient dans le
21 camp selon ce que vous avez dit? N'avez-vous pas autorisé leur
22 interrogatoire en dépit des conditions très défavorables dans lesquelles
23 ces personnes se trouvaient, selon que ce que vous avez dit?
24 Réponse: Vous parlez précisément de la personne que je viens de
25 mentionner, que j'ai vue dans le bureau, ou de façon générale?
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1 Question: De façon générale.
2 Question: Eh bien, il y avait des cas de personnes qui étaient dans un
3 état de santé tout à fait déplorable et, dans des cas de ce genre, nous ne
4 leur faisions pas subir un interrogatoire. Nous parlions à M. Mejakic de
5 façon à ce que ces personnes reçoivent des soins médicaux.
6 Question: Savez-vous si les soins médicaux ont été dispensés à ces
7 personnes? Et pouvez-vous nous donner un nombre, un chiffre approximatif
8 de requêtes de ce genre émanant de vous?
9 Réponse: Eh bien, vraiment aujourd'hui, je ne saurais vous donner un
10 exemple précis car je passais le plus gros de mon temps dans mon bureau.
11 Quand cela s'est passé et que j'ai été présent, j'ai réagi dans le sens
12 que je viens d'indiquer.
13 Question: S'agissant du cas précis de la personne dont vous avez entendu
14 les cris, la personne qui subissait des violences physiques de la part de
15 Knezevic, je crois, si j'ai bien entendu ce que vous avez dit, qu'avez-
16 vous fait pour veiller à ce que Knezevic soit puni ou, à défaut, que cette
17 personne reçoive des soins d'ailleurs, et que cette personne reçoive des
18 soins ou de l'aide?
19 Réponse: Ce que j'ai pu faire d'après mes attributions, je l'ai fait. J'ai
20 informé Ranko Mijic, le chef du groupe des inspecteurs de la sécurité
21 publique, de la situation et, plus tard, lorsque nous étions à Prijedor,
22 nous informions également de ce genre Simo Drljaca.
23 Question: Quand avez-vous cessé de travailler pour le service de sécurité
24 de l'Etat? Quand avez-vous quitté de façon définitive la police, après
25 votre "réactivation" pendant le conflit?
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1 Réponse: Je suis resté employé des services de sécurité de l'Etat jusqu'en
2 1996. Quant au camp, j'ai cessé d'y travailler quand il a été fermé,
3 c'est-à-dire quand les gens ont été transférés à Manjaca.
4 Question: Vous rappelez-vous avoir travaillé à Manjaca ou à Mali Logor qui
5 est un autre camp, situé sur le territoire de la municipalité de Banja
6 Luka? Avez-vous été présent dans ces deux endroits?
7 Réponse: Non.
8 Question: Connaissez-vous une personne ou des personnes répondant au nom
9 de Zmijanac et Rodic, dont il est possible qu'elles aient travaillé en
10 1995 dans diverses institutions dans lesquelles la police procédait à des
11 interrogatoires?
12 Réponse: Je ne connaissais pas personnellement ces personnes.
13 Question: Vous souvenez-vous d'une femme répondant au nom de (expurgé)
14 qui, en 1995, avait affirmé avoir eu des contacts avec vous, et je vais
15 être précis en disant février 1995?
16 M. le Président: Oui, Maître Jovan Simic?
17 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, nous avons encore la
18 même situation, alors une telle a affirmé sans document à l'appui. On cite
19 donc au hasard. Si l'on mentionne au témoin les dires de quelqu'un, au
20 moins qu'on se réfère pour savoir où cela a été dit?
21 M. le Président: Madame Somers?
22 Mme Somers (interprétation): Pour vérifier la crédibilité de ce témoin, je
23 suis en train de lire des déclarations émanant de certains documents, et
24 le témoin est tenu de répondre s'il est en mesure de le faire.
25 Je suis donc en train de tester sa crédibilité. Je suis en train de lire
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1 des déclarations à la disposition de l'accusation qui citent la femme que
2 je viens de citer. Merci.
3 Cette personne indique que, dans les bureaux de la sécurité d'Etat à
4 Prijedor, elle-même et deux autres individus ou plusieurs individus ont
5 été interrogés et maltraités par un homme répondant au nom de Rodic, un
6 certain Mirko Jesic âgé de 53 ou 54 ans, qui est décrit comme étant le
7 chef du service et de la part d'une autre personne répondant au nom de
8 Zmijanac. Ces personnes ont donc interrogé la femme en question et l'ont
9 maltraitée. Vous rappelez-vous de cet incident?
10 M. Jesic (interprétation): Oui, je me souviens de (expurgé), mais
11 j'affirme que ce qu'elle affirme ici n'est pas vrai. Je suis venu ici pour
12 dire la vérité.
13 Pour ce qui est de (expurgé), à aucun moment elle n'a été maltraitée par
14 moi-même. Elle a été amenée dans les locaux à la demande du chef du
15 secteur du département de la sécurité d'Etat de Banja Luka et, pour dire
16 vrai, je n'en étais pas le chef. Elle s'est donc arrogée le droit de
17 déterminer quelles sont les fonctions ou compétences de tout un chacun au
18 sein d'un organisme de l'Etat, où elle n'avait aucune compétence pour le
19 faire.
20 Question: Elle a été arrêtée en 1995 pour avoir collaboré avec l'ennemi,
21 quoi que cela puisse signifier et ce, en février 1992 et février 1995.
22 Vous souvenez-vous si c'est ce qui a constitué la base de son arrestation
23 et de son interrogatoire?
24 Réponse: Elle a été amenée dans des locaux de service et avec certains
25 autres gars, originaires de Banja Luka, nous avons effectué une procédure,
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1 et d'une certaine façon, la responsabilité ou la culpabilité a été
2 établie.
3 Question: Pouvez-vous me dire qui était, à vos yeux, à l'époque, l'ennemi?
4 Pouvez-vous nous décrire ce qu'on sous-entendait sous la notion d'ennemi?
5 Réponse: Je ne pouvais pas, pour ce qui me concerne, faire des
6 appréciations de ce type. Des appréciations de ce type pouvaient être
7 faites par un supérieur hiérarchique au sein de l'organisme pour le compte
8 duquel je travaillais.
9 Question: Je voudrais que M. l'Huissier ait l'amabilité de distribuer deux
10 documents dans le prétoire.
11 Il s'agit des pièces à conviction de l'accusation 3/299 et 3/300.
12 (L'huissier s'exécute.)
13 M. le Président: Nous allons faire une pause. Allons-nous analyser ces
14 documents maintenant ou après la pause?
15 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, si je puis juste
16 procéder à l'identification des documents et de certains autres documents
17 que nous devrions voir après la pause.
18 M. le Président: Pourriez-vous reconduire le témoin en dehors du prétoire?
19 (Le témoin, M. Mirko Jesic, est reconduit hors du prétoire.)
20 M. Riad (interprétation): Madame Somers, vous avez dit "identifier" ou
21 "justifier"?
22 Mme Somers (interprétation): Non, Monsieur le Juge, j'ai dit identifier.
23 M. Riad (interprétation): Je me félicite d'avoir eu cette rectification.
24 Mme Somers (interprétation): Oui j'ai dit justifier, mais c'est erroné.
25 M. Riad (interprétation): Donc si vous parlez trop vite, ce que vous avez
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1 dit n'est pas bien noté au compte rendu.
2 M. le Président: Nous allons travailler jusqu'à 12 heures 45, après nous
3 reprendrons à 14 heures et peut-être devrons-nous prolonger un peu plus
4 jusqu'à 15 heures 30. Pour les personnes qui doivent prendre des mesures,
5 il faut donc tenir compte de cela.
6 Nous allons donc faire la pause d'une demi-heure.
7 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.)
8 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
9 M. le Président: Veuillez vous asseoir.
10 (Le témoin est réintroduit dans le prétoire.)
11 M. le Président: Oui, Madame Somers, vous pouvez continuer s'il vous
12 plaît?
13 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président.
14 Monsieur Jesic, je m'étais arrêtée à deux documents et j'aurai peut-être
15 une question avant à vous poser. Je vous avais demandé donc de nous
16 décrire qui était l'ennemi, tel que vous le voyiez, et cette question se
17 fonde sur une grande quantité de témoignages devant cette Chambre disant
18 que, aux yeux des gens qui contrôlaient le territoire de Prijedor après le
19 30 avril 1992, l'ennemi, c'était le groupe qui avait résisté à cette prise
20 du pouvoir. Avez vous estimé que les gens qui s'étaient opposés à la prise
21 du pouvoir par les Serbes devaient être considérés comme étant des
22 ennemis?
23 M. Jesic (interprétation): Non. Je n'ai pas considéré que ce groupe était
24 ennemi. Le fait est que, dans cette attaque, il a été commis plusieurs
25 meurtres de civils et de membres de la police, ainsi que de plusieurs
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1 soldats. Donc la situation avait perturbé les relations entre les gens. Il
2 était donc difficile d'en parler partant des dispositions légales et des
3 qualifications habituelles.
4 Question: Mais s'il y avait eu des meurtres, cela pouvait nécessiter
5 l'intervention de la police. Cela ne nécessitait point les forces
6 conjointes de l'armée, de la sécurité d'Etat et de la sécurité publique.
7 Donc ces services étaient unis pour combattre la résistance à la prise du
8 pouvoir par les Serbes.
9 M. J. Simic (interprétation): Ma collègue tire des conclusions et est en
10 train de répondre à la place du témoin qu'elle interroge. Je pense qu'elle
11 devrait demander au témoin ce qu'il en pense au lieu de tirer des
12 conclusions.
13 M. le Président: Madame Somers?
14 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai fait que
15 résumer ce qui a été déjà avancé devant cette Chambre en guise de raison
16 et je voulais savoir si c'est aussi la position prise par le témoin.
17 M. J. Simic (interprétation): Ce n'est pas ce qui a été dit ici.
18 M. le Président: Peut-être faut-il reformuler la question ou reposer la
19 question pour qu'elle soit claire. Si ce que vous dites, Madame Somers,
20 est une synthèse de ce que le témoin a dit ou s'il s'agit d'une synthèse
21 de ce que d'autres témoins ont dit, peut-être, n'est-ce pas clair?
22 Mme Somers (interprétation): Oui. Monsieur Jesic, je m'excuse il y a eu
23 confusion. Je vais vous demander ce qui suit: s'il y a eu plusieurs
24 meurtres ou un nombre indéterminé de meurtres, une fois que les Serbes ont
25 pris le pouvoir dans la municipalité de Prijedor, en date du 30 avril
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1 1992, dans des circonstances habituelles, serait-il normal de faire appel
2 à une action conjointe de la police, des services de sécurité publique et
3 de la sécurité d'Etat?
4 M. Jesic (interprétation): L'évaluation avait été faite de la part des
5 gens qui avaient occupé des fonctions leur permettant d'exercer le
6 pouvoir. Nous avions obtenu des informations et traité des informations
7 nous disant qu'une attaque organisée était préparée à l'encontre des
8 institutions de l'assemblée municipale, contre le bâtiment de la police,
9 les PTT, le journal Kozarski Vjesnik, à savoir les institutions vitales
10 pour ce qui est de l'exercice du pouvoir.
11 Question: Et les autorités étaient les autorités serbes nouvellement mises
12 en place? C'est bien ce que vous nous dites?
13 Réponse: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Dans cette partie-là des
14 activités, je n'ai pas pu y prendre part. Moi, j'ai été mobilisé en tant
15 que policier. Maintenant, pour ce qui est des appréciations politiques, je
16 n'ai pas pu m'en mêler et je n'étais d'ailleurs pas compétent pour ce qui
17 était de le faire ou pas.
18 Question: Pour gagner du temps, je vais vous demander de vous pencher sur
19 la pièce à conviction 3/299 qui constitue une décision de la cour
20 constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, datant de 1991, et qui a été
21 signée par le Président de cette cour, Dr Kasim Trnka. Il s'agit du 1er
22 novembre 1991 et il s'agit de la suppression d'un certain nombre d'accords
23 qui avaient servi de fondement pour la mise en place de la région autonome
24 de la Krajina.
25 M. le Président: Maître Jovan Simic?
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1 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, il y a ici deux
2 documents extrêmement compliqués sur le plan professionnel et on demande
3 au témoin de se prononcer alors qu'il n'est pas qualifié pour le faire.
4 Je voudrais que la question lui soit posée de savoir s'il était au courant
5 de ces documents. Il n'a pas à les interpréter, car il n'est pas expert en
6 la matière. Merci.
7 M. le Président: Madame Somers?
8 Mme Somers (interprétation): Je n'ai pas demandé au témoin de nous
9 expliquer quoi que ce soit. Je suis en train d'identifier le document pour
10 le témoin. Nous n'avons pas besoin d'expert en droit constitutionnel pour
11 nous expliquer ce que la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a
12 proclamé en 1991.
13 Ma question à son égard est la suivante: saviez-vous que les gens, qui
14 étaient vos supérieurs, étaient au courant, et se sont-il conformés aux
15 dispositions de cette décision de la cour constitutionnelle de Bosnie-
16 Herzégovine dont faisait partie la municipalité de Prijedor? Etiez-vous au
17 courant de cette décision et vous y êtes-vous conformé?
18 Réponse: Je n'étais pas au courant de cette décision et je ne pouvais pas
19 m'y confirmer. Nul ne m'a informé de l'existence d'une telle décision, ni
20 par écrit ni par oral, et il en a vraiment été ainsi.
21 Question: Ces personnes qui ont résisté à cette association mono-ethnique
22 des municipalités, en d'autres termes des populations croates et
23 musulmanes, seriez-vous d'accord…
24 M. J. Simic (interprétation): Je me sens vraiment mal à l'aise mais, à
25 nouveau, on entend des conclusions et des questions descriptives. Ma
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1 collègue est en train de témoigner de ce qui se passait sur le territoire
2 de Bosnie-Herzégovine.
3 M. le Président: Madame Somers?
4 Mme Somers (interprétation): Je vais paraphraser cette question.
5 En novembre 1991 ou tout au long de l'année 1991, les municipalités de
6 Banja Luka, de Bosanska, de Ljubija, de Glamoc, faisaient-elles parties de
7 la Bosnie-Herzégovine à l'époque?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Et le gouvernement central de la Bosnie-Herzégovine se trouvait
10 à Sarajevo à l'époque, n'est-ce pas?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Et il y avait une cour constitutionnelle du gouvernement auprès
13 du gouvernement central ou plutôt -je me reprends- il y avait juste une
14 cour constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Merci. Et tous les citoyens de Bosnie Herzégovine quelle que
17 soit leur appartenance ethnique devaient se conformer aux lois promulguées
18 par le gouvernement et aux décisions de la cour constitutionnelle de
19 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas? Je vous demande un oui ou un non.
20 Réponse: Oui.
21 Question: Maintenant penchons-nous sur le document 3/300. Il s'agit là
22 d'une autre décision de la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine,
23 cette fois-ci, du 8 octobre 1992. Cette décision supprime dans la partie
24 introductive la déclaration relative à la proclamation d'une République du
25 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, la Constitution de cette République
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1 serbe de Bosnie-Herzégovine, avec des dates ainsi que les documents
2 généraux qui sont indiqués. Cela est signé par le président de la cour
3 constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, M. Ismet Dautbasic ainsi que M.
4 Nedo Milosavljevic qui est également l'un des membres de cette cour
5 constitutionnelle, donc c'était la seule cour constitutionnelle sur le
6 territoire de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Et les décisions de cette cour avaient force d'obligation pour
9 tous les citoyens de Bosnie Herzégovine quelle que soit leur appartenance
10 ethnique?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Saviez-vous peut-être que le Dr Nedjo Milicevic était Serbe et
13 membre de la cour constitutionnelle de Bosnie Herzégovine? Saviez-vous
14 qu'il était Serbe de par son appartenance ethnique?
15 Réponse: De par son nom et prénom, c'est ce que l'on pourrait
16 effectivement conclure, mais ce n'est pas une chose au sujet de laquelle
17 je m'étais absorbé dans des réflexions pour ce qui est de cette cour.
18 Question: D'après ce que j'ai compris, de vos dires, ces décisions étaient
19 applicables pour toutes personnes?
20 M. le Président: Donnez l'opportunité à la traduction de terminer pour que
21 le témoin puisse répondre.
22 Mme Somers (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président, et je
23 m'excuse auprès des interprètes. Est-ce que vous avez entendu et compris
24 la question que je vous ai posée? Je m'excuse de la confusion.
25 Réponse: Je n'ai pas très bien compris et je vous demande de réitérer
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1 votre question.
2 Mme Somers (interprétation): Certainement. Etant donné, comme vous l'avez
3 déjà dit, cette cour était constitutionnelle de toutes les personnes, de
4 tous les citoyens qui habitaient sur le territoire de la Bosnie-
5 Herzégovine, ces citoyens de la Bosnie-Herzégovine étaient tenus de se
6 conformer aux décisions de cette cour.
7 M. O'Sullivan (interprétation): Objection Monsieur le Président.
8 La pièce à conviction précédente, à savoir 3/299, nous avons déjà établi
9 que cet homme-ci n'était pas au courant de la décision en question. Il n'y
10 a donc aucun fondement pour poser des questions concernant le 3/300.
11 M. le Président: Le document 3/300 qui n'est pas déjà tombé dans l'autre
12 document. C'est pour cela que ces pièces sont spécifiques.
13 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, cette deuxième
14 décision indique quelles avaient été les activités…
15 M. le Président: Vous êtes bien consciente que le témoin ne connaît pas
16 cette décision?
17 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, c'est précisément du
18 fait de cette raison que je suis revenue en arrière et que je lui ai
19 demandé s'il était au courant du rôle et de l'existence de cette cour
20 constitutionnelle. Il a répondu que oui, et la dernière question a porté
21 sur la décision.
22 M. le Président: Mais pourquoi?
23 Mme Somers (interprétation): Car je voulais m'assurer que nous parlions de
24 la même cour et de l'influence des décisions de cette cour. Et il a peut-
25 être répondu de façon qui nous a semblé suffisante.
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1 M. le Président: Nous perdons du temps.
2 Mme Somers (interprétation): Je voulais être sûre, Monsieur le Président,
3 du fait que la Chambre et le témoin pouvaient donc se rendre compte du
4 fait qu'il y avait des décisions qui traitaient de la mise en place du
5 gouvernement au service duquel ce témoin se trouvait être. Et nous pensons
6 que les documents sont pertinents pour la Chambre quand il s'agit de
7 comprendre la structure des lois provenant de Sarajevo et le pouvoir au
8 niveau des municipalités.
9 Mme Wald (interprétation): Madame Somers, je comprends la finalité de vos
10 efforts. Vous êtes juriste, je suis juriste, et il y a beaucoup de
11 juristes encore dans le prétoire et il s'agit de textes légaux,
12 législatifs complexes.
13 Le premier document étant adopté en 1991 et le deuxième en 1992, cela a
14 suivi les nombreux événements qui sont survenus, dont nous parlons dans
15 cette affaire.
16 Donc vous parlez d'une argumentation en disant qu'il y avait un cadre
17 constitutionnel qui était le même, mais je ne suis pas sûre que l'homme
18 ici présent peut être en position de s'en rendre compte.
19 Mme Somers (interprétation): Madame et Messieurs les Juges, je crois que
20 ses réponses sont satisfaisantes et je ne me propose pas d'aller au-delà.
21 Si la Chambre le permet maintenant, il y a, pour ce qui est de son statut
22 et de ses responsabilités, quelque chose indiquant qu'il pouvait avoir
23 certaines connaissances à ce sujet: il devait appliquer des lois et nous
24 sommes en train de parler de lois.
25 M. le Président: Madame Somers, vous pouvez continuer.
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1 Mme Somers (interprétation): Je demanderais maintenant à M. l'huissier de
2 procéder à la distribution 3/292.
3 (L'huissier s'exécute.)
4 Monsieur Jesic…
5 M. le Président: Je n'ai pas fait attention à votre temps, excusez-moi.
6 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président.
7 Monsieur Jesic, vous avez dit que votre supérieur directe était Vojin
8 Bera, n'est-ce pas?
9 M. Jesic (interprétation): Oui.
10 Question: Et ce document-ci ainsi que d'autres documents, qui existent et
11 qui sont joints ici, constituent des rapports rédigés par une commission
12 dont était membre Vojin Bera, et je voudrais attirer l'attention de la
13 Chambre sur la page où figure une signature.
14 Il s'agit d'un document de plusieurs segments, il y a ERN01108901, il y a
15 une signature et, en page 11, on voit la signature de Vojin Bera qui est
16 la Présidente de la commission qui avait élaboré un rapport sur les
17 centres d'accueil au niveau de la municipalité, et ces municipalités sont
18 Prijedor, Bosanski Most et une autre inaudible.
19 Avez-vous participé à la prestation de ces informations à l'intention de
20 M. Bera? Il y a le nom de M. Mijic, et je voudrais savoir quel était le
21 rôle que vous aviez joué dans l'élaboration de ce document?
22 Réponse: Tous les documents reliés au centre d'instruction ont été
23 communiqués au centre de sécurité publique de Prijedor, étant donné que ce
24 centre de sécurité publique était le titulaire des activités.
25 Je n'ai personnellement pas participé à la préparation et rédaction de ces
Page 11749
1 documents et j'imagine que cela peut être aperçu dans l'énoncé des
2 documents étant donné que c'est Ranko Mijic qui s'est chargé de
3 communiquer à la commission une partie de ces informations.
4 Question: Vous n'avez pas été consulté? Ou est-ce que Bera, en tant que
5 représentant du service de sécurité d'Etat, était censé constituer là-bas
6 un représentant?
7 Réponse: Il avait résidé à Prijedor à l'époque et il avait contacté M.
8 Simo Drljaca ainsi que d'autres personnes qui étaient censées décider en
9 la matière. Et je pense que…
10 Question: Et savez-vous qu'un document de cette nature a été rédigé?
11 Réponse: Non, c'est la première fois que je vois ce document ici. Je
12 n'étais vraiment pas au courant.
13 Question: Indiquons à la Chambre aussi que la dernière partie, étant donné
14 qu'il y a plusieurs segments de document au sujet desquels je vais peut-
15 être vous demander des commentaires, Monsieur Jesic, cette partie est
16 signée par Simo Drljaca et il décrit les activités des différents
17 intervenants de la municipalité de Prijedor.
18 Je voudrais vous poser des questions au sujet de la section rédigée par M.
19 Bera, votre chef. En version anglaise, il s'agit de la page 5, et il
20 s'agit aussi du paragraphe qui s'énonce comme suit: "Autres personnes
21 autorisées du centre de sécurité publique de Prijedor, en sus de leurs
22 tâches régulières, ont procédé à des enquêtes et à une sélection des
23 personnes emprisonnées parmi les employés des services de sécurité
24 nationale militaire et membres du centre de sécurité publique de Banja
25 Luka".
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1 Et M. Bera a l'air de dire ici -et je demande votre aide pour que nous
2 comprenions mieux- que les enquêteurs de Prijedor, les policiers de
3 Prijedor avaient travaillé en guise d'unité conjointe avec vos gens.
4 M. le Président: Maître Jovan Simic?
5 M. J. Simic (interprétation): Deux choses.
6 D'abord, d'après ce que je vois, le témoin n'a pas retrouvé cette page.
7 Deuxièmement, le témoin a déjà dit qu'il ne savait rien de ce document.
8 Et troisièmement, mon éminente collègue est encore en train de témoigner
9 et de dire qu'il y avait une responsabilité conjointe.
10 Je ne vois pas, au vu de ce document, que cela est inscrit. Nous ne
11 pouvons pas tirer de conclusion. Le témoin a déjà dit qu'il n'avait aucune
12 connaissance de ce document. Je ne vois pas à quoi servent ces autres
13 questions.
14 M. le Président: Madame Somers?
15 Mme Somers (interprétation): Au moins un document a été montré au témoin
16 par M. Simic, et le fait que le témoin n'est pas vu ce document ne veut
17 pas dire qu'il soit au courant de ce document.
18 M. le Président: Il y a un problème: c'est la question de l'interprétation
19 que vous faites. Vous avez le document mais le témoin n'a pas encore eu
20 l'opportunité de trouver la partie que vous lisez.
21 Mme Somers (interprétation): (Inaudible.)
22 M. le Président: Ce que je pense donc Madame Somers: ce témoin a déjà dit
23 qu'il n'a pas vu ce document. Si vous lui donnez l'information, vous devez
24 lui poser une question concrète, et pas faire une interprétation et après
25 dire "vous êtes d'accord?". Pourquoi ne posez-vous pas une question
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1 claire, concrète et concise? Je répète: claire, concrète et concise.
2 Je vois Me J. Simic debout.
3 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais juste
4 dire une chose. Moi j'ai montré des documents que le témoin a vus pour la
5 première fois et qu'il a identifiés comme étant les documents qu'il a
6 signés lui-même. Mais je ne lui ai pas montré des documents qu'il ne
7 connaît pas pour qu'il fasse son commentaire à son sujet. C'est un
8 document volumineux et c'est très difficile de le sortir de son contexte
9 aujourd'hui.
10 M. le Président: Je n'arrive pas comprendre aussi pourquoi le témoin n'a
11 rien à voir avec ce document. Vous essayez de verser au dossier, je ne
12 sais combien de pages, pourquoi?
13 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, le témoin à travers
14 son témoignage a indiqué qu'il a été impliqué dans les procès qui ont eu
15 lieu à Omarska. Ce camp d'Omarska fait partie de ce rapport et son patron
16 Vojin Bera est l'une des personnes qui est l'auteur de ce rapport.
17 M. le Président: Posez votre question de façon concrète, sinon nous
18 n'allons pas sortir d'ici. Maître Jovan Simic?
19 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, encore un
21 commentaire. Dans ce document, figure le rapport des autres municipalités.
22 Et il s'agit d'un document qui commente la situation du point de vue de la
23 sécurité au niveau de la sécurité de toute la région. Il ne s'agit pas
24 seulement d'un rapport qui ne concerne qu'Omarska, il concerne aussi
25 Sanski Most etc.
Page 11752
1 M. le Président: Madame Somers, votre temps est déjà écoulé.
2 Mme Somers (interprétation): Je voudrais poser justes quelques questions
3 au sujet de ce document avec la permission de la Chambre.
4 Monsieur le témoin, seriez-vous d'accord que, dans le passage des
5 documents concernant le camp qui ont été signés par votre patron, il est
6 donc écrit que les autres employés du poste de sécurité de Prijedor, en
7 complément de leur mission régulière, doivent faire des enquêtes et la
8 sélection des personnes capturées avec les employés des services
9 militaires et les membres du poste de service de sécurité publique de
10 Banja Luka.
11 Etes-vous d'accord que M. Bera a mis cela dans son rapport?
12 M. Jesic (interprétation): Oui c'est exact.
13 Question: Il y a un aspect de ce rapport dont je voudrais parler avec
14 vous, et je voudrais vous demander quelle était votre connaissance
15 directe. Il s'agit de la page 3 dans la langue anglaise parlant des
16 statistiques démographiques. Vous avez travaillé là-bas, vous seriez peut-
17 être en mesure de nous aider à comprendre.
18 A la fin du rapport, il s'agit de la dernière page, la page 4, le rapport
19 de Simo Drljaca, donc d'après le document, le document disponible, donc à
20 Omarska, 27 mai jusqu'au 16 août.
21 M. le Président: Madame Somers, vous vous rendez compte que le témoin
22 cherche encore à se situer dans le document ou non?
23 Mme Somers (interprétation): Je vais le lire, puisque nous n'avons pas
24 suffisamment de temps.
25 M. le Président: Ecoutez-moi, sinon le témoin ne vous écoute pas parce
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1 qu'il cherche le document: vous perdez votre temps, comme vous le voyez.
2 Mme Somers (interprétation): Monsieur Jesic, est-ce que vous pourriez
3 commenter ceci plutôt que de lire le document, si vous voulez bien, s'il
4 vous plaît?
5 D'après la documentation disponible à Omarska entre le 27 mai et le 16
6 août 1992, en totalité 3340 personnes ont été amenées au centre d'enquête
7 d'Omarska. Parmi ces personnes, il y avait 3197 Musulmans. 125 Croates et
8 ensuite on y voit les autres catégories en fonction de leur âge. On y voit
9 aussi les chiffres de 3297 hommes et 37 femmes.
10 Etes vous d'accord du point de vue général avec le nombre de Musulmans,
11 c'est-à-dire 3334? Est-ce que vous considérez que c'est à peu près le
12 chiffre que vous connaissez?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et en ce qui concerne le nombre de Croates, on y voit le chiffre
15 125. Etes-vous à peu près d'accord avec cela?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Le nombre de Serbes, 11 Serbes, êtes-vous d'accord?
18 Réponse: Oui.
19 Question: 37 femmes, on parle de 37 femmes, est-ce à peu près le chiffre
20 que vous connaissez?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Avant, on vous a posé une question au sujet de la liste qu'on
23 vous a montrée. Je pense qu'il s'agit de la pièce à conviction du
24 Procureur 3/204. On y voyait le nom de personnes appartenant à la
25 catégorie n°1.
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1 Ce que je voudrais savoir, c'est si vous savez quel était le sort réservé
2 aux personnes figurant sur cette liste et si vous savez si ces personnes
3 ont survécu à leur séjour à Omarska?
4 Réponse: Je ne peux pas parler de façon générale de toutes les personnes
5 portées disparues, mais je connais un cas précis et je vais en parler ici.
6 Dans la première moitié du mois de juillet, quand je suis arrivé dans le
7 centre d'enquête d'Omarska, juste avant mon arrivée, j'ai entendu dire que
8 cette nuit-là des incidents graves se sont produits.
9 Je me suis donc rendu chez le commandant, Zeljko Mejakic. Je lui ai
10 demandé quelle a été la nature de ces incidents qui se sont produits au
11 cours de la nuit. Il m'a répondu que plusieurs Musulmans ont été tués. En
12 réalité, il parlait des personnes détenues au camp d'Omarska.
13 Moi, je lui ai dit que, bien que je n'aie pas le pouvoir de lui donner des
14 ordres, quelqu'un devrait répondre de ces choses-là. Ensuite il m'a dit
15 que ceci était fait à la demande d'un enquêteur. Moi j'ai insisté pour
16 qu'il me donne le nom de cet enquêteur, parce que je m'étais dit que
17 c'était peut-être un de mes collègues qui était mis en question. Il ne m'a
18 pas donné son nom mais il m'a dit que c'était l'inspecteur qui était assis
19 dans le couloir au cours des deux ou trois premiers jours, puisque nous
20 n'avions pas suffisamment de bureaux à notre disposition. Après cela, je
21 suis arrivé à la conclusion qu'il s'agissait de Rade Knezevic. Donc, je
22 lui ai demandé ce que Rade avait fait et il m'a répondu qu'il avait donné
23 la liste des personnes qui, d'après lui, d'après ce qu'il demandait, il
24 fallait prendre leur argent et ensuite les tuer, et il a donné cette liste
25 à un gardien. Après cela, j'ai parlé avec le gardien qui a apporté cette
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1 liste au commandant et ce gardien a bien confirmé que c'était Rade
2 Knezevic qui lui avait fourni cette liste de personnes.
3 Au début, tout d'abord, il a demandé ce qu'il devait faire avec cette
4 liste, pourquoi il lui avait donné la liste, et celui-ci lui a répondu de
5 prendre leur argent et de les liquider puisque c'étaient des extrémistes.
6 Moi, j'ai immédiatement informé de cela Ranko Mijic et, à mon retour à
7 Prijedor, le lendemain matin, nous avons eu une réunion avec M. Simo
8 Drljaca. Lors de cette réunion, j'ai informé Simo de cet incident qui
9 s'était produit à Omarska et j'ai dit de façon décisive que je ne voulais
10 pas être responsable de telles actions, de l'action donc de cet enquêteur
11 ou des autres enquêteurs qui agiraient de la même façon, puisque je
12 pensais que c'était une façon d'agir qui était illégale et inhumaine. Simo
13 m'avait répondu qu'il allait vérifier cela et c'est comme cela que s'est
14 terminée notre conversation.
15 Il s'agissait d'à peu près 18 personnes qui figuraient sur cette liste-là.
16 Mme Somers (interprétation): Savez-vous ce qui s'est passé avec les femmes
17 qu'on a laissées à Omarska, pour lesquelles vous avez dit qu'elles étaient
18 présentes le jour où on a élaboré la liste et où on a indiqué quelles
19 étaient les femmes qui pouvaient partir? Que s'est-il donc passé avec les
20 femmes qui étaient restées?
21 Réponse: Je ne le sais vraiment pas, et je ne saurai vous répondre.
22 Question: Ma dernière question, à la page 4, je vais vous lire un passage
23 du rapport.
24 Seriez-vous d'accord avec cette déclaration de M. Bera où il dit: "Au
25 cours de leur séjour dans le centre d'enquête, deux Musulmans, deux
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1 personnes toutes les deux Musulmanes sont mortes de causes naturelles et,
2 dans la période entre le 27 mai 1992 jusqu'au 16 août 1992, en totalité 49
3 personnes ont quitté le centre se dirigeant dans une direction inconnue."
4 Etes-vous d'accord avec cette déclaration que seulement deux personnes,
5 deux Musulmans, sont mortes de causes naturelles et que 49 personnes sont
6 portées disparues? On ne sait pas où elles sont?
7 Est-ce que telles sont vos conclusions?
8 Réponse: Moi, je sais qu'une seule personne est décédée de mort naturelle
9 et je sais qu'on a laissé sa famille l'enterrer de façon décente, mais je
10 ne serais pas d'accord avec cette constatation de M. Vojin Bera.
11 Question: Vous voulez parler de cette partie où l'on dit que deux
12 personnes sont mortes de cause naturelle ou bien la partie où l'on dit que
13 49 personnes sont portées disparues, avec quelle partie vous n'êtes pas
14 d'accord?
15 Réponse: Avec la partie de sa constatation où il parle de 49 personnes.
16 Question: Pourriez-vous nous dire pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec
17 lui?
18 Réponse: Je ne pourrais pas en parler avec des arguments, mais moi je vous
19 ai parlé d'une affaire que j'ai connu personnellement, que j'ai vécu, que
20 j'ai enquêté personnellement, car j'ai voulu m'assurer qu'aucun de mes
21 enquêteurs n'a participé à de telles activités. Tel était mon but et j'ai
22 fini par établir que mes enquêteurs, dans le centre d'enquêtes d'Omarska,
23 se sont comportés comme il faut, et qu'ils n'ont pas transgressé leurs
24 attributions.
25 Mme Somers (interprétation): Je vous remercie, ce sont les questions de
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1 l'accusation.
2 M. le Président: Monsieur Jovan Simic?
3 M. J. Simic (interprétation): Oui, mais j'ai quelques questions, Monsieur
4 le Président, mais je vais vous demander un instant s'il vous plaît, je
5 cherche un document.
6 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Mirko Jesic, par Me
7 Jovan Simic.)
8 M. J. Simic (interprétation): Monsieur Jesic, êtes-vous au courant du fait
9 que dans l'ancienne Yougoslavie existait une cour constitutionnelle
10 fédérale avec son siège à Belgrade?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Est-ce que vous savez qu'en vertu de la constitution en vigueur
13 à l'époque, tous les organes fédéraux étaient supérieurs aux organes au
14 niveau des républiques?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Au moment du conflit, sur la municipalité, sur le territoire de
17 la municipalité de Prijedor, est-ce que la Republika Srpska était déjà
18 proclamée, nous parlons de 1992?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Nous parlons du mois de mai 1992.
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que les noms de cette entité était la République du
23 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, était-ce bien le nom?
24 Réponse: Des autres, je pense que le nom était la République du peuple
25 Serbe et des autres citoyens.
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1 Question: A l'époque, vous habitiez sur le territoire de cette République
2 là, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: En tant que citoyen de cette République, étiez-vous obligé de
5 respecter ces lois?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Saviez-vous si la Republika Srpska, à l'époque, avait sa cour
8 constitutionnelle également?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Ma dernière question, connaissez-vous personnellement Nedo
11 Milosavljevic?
12 Réponse: Non.
13 Question: Merci Monsieur le Président nous n'avons plus de questions.
14 M. le Président: Merci M. Jovan Simic, Monsieur le Juge Riad, s'il vous
15 plaît?
16 (Questions au témoin, M. Mirko Jesic, par M. le Juge Riad.)
17 M. Riad (interprétation): Monsieur Jesic, bonjour.
18 M'entendez-vous?
19 Réponse: Oui.
20 Question: J'ai juste quelques questions à vous poser. Je vous demanderai
21 quelques explications. En ce qui concerne les interrogatoires que vous
22 faisiez subir aux détenus, vous avez dit que parfois vous interrogiez des
23 détenus, certains détenus à plusieurs reprises pour déterminer s'ils
24 disaient la vérité ou non. Pourriez-vous nous dire tout d'abord quels
25 étaient les moyens dont vous disposiez pour établir la vérité? Est-ce que
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1 vous faisiez appel à la force, à la contrainte?
2 Réponse: Non. Pour établir la vérité nous procédions de façon suivante. Si
3 par exemple une personne ne voulait pas avouer qu'elle avait acheté de
4 façon illégale un fusil automatique aucune des entretiens avec d'autres
5 personnes nous apprenions que cet homme, cette personne avait en effet
6 acheté ces fusils automatiques, eh bien, nous le rappelions et nous lui
7 disions au cours de ce deuxième entretien que nous avions des preuves
8 comme quoi il a bien acheté. Ensuite, on se rend sur le terrain, on
9 retrouve les fusils en question et à la fin la personne finit par avouer.
10 Question: Oui, c'est la procédure concernant les fusils. Mais vous avez
11 dit qu'il y avait par exemple des catégories de personnes qui avaient
12 planifié ou financé des activités. Etait-il facile d'établir la vérité de
13 cette façon-là ou bien fallait-il avoir recours à d'autres moyens?
14 Réponse: En ce qui concerne le financement eh bien évidemment, c'était
15 plus difficile. C'était bien plus difficile d'apporter des preuves de
16 telles actions. Mais parfois, d'ailleurs, nous n'arrivions pas à prouver
17 quoi que ce soit. Nous avons eu pas mal de preuves, par exemple comme quoi
18 Mirza Mujadzic avait recueilli des fonds en devises à l'étranger, pour
19 supporter les actions du SDA. Au cours des différents entretiens, nous
20 avons appris que Mirza Mujadzic était la seule personne qui avait la clef
21 de la caisse des moyens en devises et que personne d'autre ne pouvait
22 s'approcher de cette caisse, avoir accès à cette caisse. Donc nous avons
23 recueilli des témoignages des personnes qui ont eu des contacts avec lui,
24 mais cela ne constituait pas une preuve complète pour prouver de telles
25 actions.
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1 Question: Mais je voudrais vous demander de me dire quelle était la
2 politique globale, principes que vous respectiez au cours de vos enquêtes,
3 pas seulement vous-même, mais toutes les personnes appartenant à votre
4 service?
5 Est-ce que parfois vous avez essayé d'obtenir des aveux en utilisant la
6 force? Si pas vous directement, peut-être d'autres personnes qui ont
7 travaillé dans votre service, puisque vous pouviez voir le travail des
8 autres enquêteurs?
9 Réponse: Oui, sans doute s'il y a eu de tels cas. Mais moi j'ai insisté
10 pour que mes enquêteurs ne fassent pas appel à de tels moyens de
11 contrainte.
12 Question: Oui, je me souviens que vous avez dit que dans la pièce qui
13 était a côté de la vôtre, vous avez vu cet homme, cette personne allongée
14 par terre. Mais par exemple, qu'est-ce qu'il serait arrivé si quelqu'un
15 affirmait que Mirza n'avait pas dit la vérité. Qu'auraient fait les
16 inspecteurs avec cette personne-là?
17 Réponse: Eh bien, dans ce cas-là ils auraient libéré cette personne, on ne
18 l'aurait pas mise dans cette catégorie-là.
19 Question: Oui, mais par exemple, il aurait pu cacher la vérité. Il aurait
20 pu cacher la vraie nature de son action. Et par exemple si vous l'aviez
21 découvert plus tard, si vous aviez découvert plus tard qu'il avait menti
22 comment auriez-vous traité ces menteurs?
23 Réponse: Eh bien, j'aurais agi en respectant les lois. Moi
24 personnellement, je n'aurais pas fait appel à la force dans ce cas précis.
25 Question: Mais en termes généraux, est-ce que les enquêteurs avaient le
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1 droit de donner les ordres aux gardiens par exemple, que faire avec les
2 détenus, avant ou après un interrogatoire?
3 Réponse: Non, les enquêteurs n'avaient pas ces pouvoirs. Ils n'avaient pas
4 de tels pouvoirs, ils n'avaient pas le droit de le faire. Ce que faisaient
5 les enquêteurs du service de sécurité publique, je ne pourrais vous le
6 dire puisque je ne suis pas compétent de cela.
7 Question: Très bien. Donc vous n'aviez pas la compétence dans ce domaine,
8 mais vous disposiez des informations, vous saviez ce qu'il se passait?
9 Réponse: Eh bien dans ce cas-là, j'en informais leur patron, par exemple
10 Ranko Mijic.
11 Question: Et c'est tout ce que vous pouviez faire n'est-ce pas?
12 Réponse: Oui, c'est ce que la loi m'autorisait à faire. Si j'avais fait
13 quoi que ce que soit d'autre, j'aurais dépassé mes pouvoirs à moi.
14 Question: Et après l'interrogatoire, même avant de disposer de cette
15 première et deuxième catégorie de prisonniers, il y avait des prisonniers
16 qui étaient transférés à Manjaca et d'autres à Trnopolje.
17 Quel était le critère que vous avez utilisé? Est-ce que c'étaient l'âge,
18 l'état de santé, le sexe qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes? Ou bien
19 est-ce que le critère que vous avez appliqué était le critère de
20 culpabilité?
21 Réponse: Eh bien, le premier critère était le critère de culpabilité.
22 Pour les personnes pour lesquelles nous savions qu'elles n'avaient pas
23 respecté la loi, eh bien, elles rentraient dans la première ou dans la
24 deuxième catégorie, on les envoyait à Manjaca.
25 Pour les autres, pour les personnes au sujet desquelles nous n'avions pas
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1 de telles amples informations, eh bien, elles étaient transférées à
2 Trnopolje.
3 Question: Mais vous savez aussi qu'à Trnopolje on envoyait les personnes
4 âgées, les personnes malades. Par exemple, un homme âgé qui était donc
5 coupable, eh bien, on l'enverrait tout de même à Manjaca? Ou par exemple
6 une personne malade mais qu'on a trouvée coupable, où l'enverrait-on?
7 Réponse: Eh bien, si cette personne était malade, il faudrait l'envoyer à
8 Trnopolje pour l'aider là-bas, pour lui fournir des soins médicaux. En
9 tout cas, nous n'avons pas eu de tels cas, de cas de personnes malades ou
10 âgées.
11 Question: Mais vous dites qu'on les a envoyées à Trnopolje, vous avez dit
12 qu'on les a envoyées à Trnopolje, cela veut donc bien dire que vous avez
13 bien eu des cas de personnes malades et de personnes âgées qui étaient
14 coupables. Quel était le sort qui leur était réservé?
15 Réponse: Eh bien, s'ils étaient malades et coupables, eh bien on les
16 envoyait à Trnopolje.
17 Question: Et vous avez aussi dit que, s'il fallait trier les gens, si on
18 trouvait des personnes innocentes, non coupables, qu'on les libérait?
19 Est-ce que vous savez quel était le pourcentage des personnes libérées?
20 Réponse: Eh bien, au début, on a libéré à peu près une dizaine de
21 personnes et ensuite nous avons reçu l'ordre téléphonique de Simo Drljaca
22 nous ordonnant de ne plus laisser partir personne sans qu'il donne son
23 accord à ce sujet.
24 Question: Donc personne d'autre n'a été relâché après cela?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Vous avez aussi mentionné…
2 Réponse: Oui, il y a eu des personnes qui ont été relâchées mais avec son
3 accord à lui.
4 Question: Combien? Beaucoup de personnes?
5 Réponse: Eh bien, c'était la catégorie des personnes qui avaient servi
6 dans l'armée yougoslave et qu'on avait amenées au cours de l'action du
7 nettoyage du terrain. Donc c'était plutôt une erreur, il n'y avait pas une
8 vraie raison pour leur séjour là-bas. Et puis il y avait quelques
9 personnes âgées qu'on a laissées partir.
10 Question: Ma dernière question: vous avez mentionné le fait d'avoir
11 informé Drljaca, après avoir été informé par Knezevic, au sujet de cette
12 liste de noms des personnes qu'il fallait liquider, et vous avez dit que
13 vous avez refusé d'accepter de tels agissements de la part de qui que ce
14 soit.
15 Est-ce qu'il a eu d'autres cas de conduite inacceptable comme celle-ci?
16 Réponse: Je pense que non, je ne peux pas vous répondre à 100% mais je
17 pense que ceci ne s'est pas reproduit comme cela exactement.
18 Question: Vous voulez dire, pas de façon aussi évidente concernant autant
19 de personnes, mais d'une autre façon?
20 Réponse: Mais je ne suis pas vraiment au courant de cela et je ne peux pas
21 vous dire la vérité. Je ne peux vous parler que de choses que j'ai vues,
22 sur lesquelles j'ai enquêté, au sujet desquelles j'ai fait des enquêtes et
23 que j'ai donc pu prouver.
24 M. Riad (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Jesic.
25 (Questions au témoin, M. Mirko Jesic, par Mme la Juge Wald.)
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1 Mme Wald (interprétation): Monsieur Jesic, vous nous avez dit qu'au début,
2 quand on a défini votre mission, vous avez dit qu'il était de votre
3 mission de recueillir des informations et des documents puisqu'il pourrait
4 y avoir une lutte armée, qu'on était en train de former les groupes de
5 rebelles etc.
6 D'après les informations que vous aviez, est-ce que, avant cette attaque,
7 qui aurait été menée sur la ville de Prijedor et qui s'est produite vers
8 la fin du mois de mai, n'est-ce pas, est-il possible qu'Omarska et
9 Keraterm avaient été crées avant cette attaque qui aurait été menée par
10 les Musulmans contre la ville de Prijedor, donc avant? Est-ce qu'Omarska
11 et Keraterm avaient été crées avant?
12 Réponse: Oui quelques jours avant.
13 Question: Très bien. C'est ce que je voulais savoir.
14 Ma deuxième question: quand vous avez évoqué les catégories 1 et 2, vous
15 avez dit que si on constatait que certaines personnes avaient organisé,
16 financé et aidé cette rébellion avec l'argent par exemple, eh bien qu'il y
17 avait une procédure pénale contre ces personnes.
18 Vous avez dit que ces personnes, eh bien, on les a transférées à Manjaca,
19 est-ce que vous savez s'il y a eu des procès organisés par un tribunal
20 quelconque contre ces personnes, ou bien est-ce qu'on les a tout
21 simplement envoyées à Manjaca?
22 Ces personnes appartenant aux catégories 2 et 3 pour lesquelles vous avez
23 dit qu'on les a traitées au niveau pénal pour des crimes qu'elles auraient
24 soi-disant commis, vous avez donc dit qu'on les a transférées à Manjaca,
25 mais est-ce que vous pouvez nous dire s'il y a eu des procès qui ont été
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1 organisés contre ces personnes?
2 Réponse: Pour un certain nombre d'entre eux, oui. Avant qu'ils ne partent
3 à Manjaca, il y a eu une procédure menée par le tribunal militaire, une
4 procédure pénale.
5 Question: Est-ce que, sur la base des informations dont vous disposez,
6 vous avez au sujet du nombre de personnes contre lesquelles on a entamé
7 une procédure pénale avant de les envoyer à Manjaca?
8 Réponse: Eh bien, en vertu de l'article, il y a eu une plainte au pénal.
9 Question: Très bien. Et savez-vous quel était le nombre de ces personnes?
10 Réponse: A peu près 20 personnes.
11 Question: Très bien. A peu près 20 personnes.
12 Est-ce que je vous ai bien compris? Vous avez dit qu'après que Drljaca a
13 dit qu'il ne fallait laisser partir personne sans qu'il en donne sa
14 permission préalable, qu'on a laissé partir quelques personnes avant la
15 fin du camp, avant qu'on envoie les personnes, les détenus à Trnopolje et
16 Manjaca. Est-ce qu'on a donc relâché un certain nombre de personnes
17 pendant qu'elles étaient encore à Omarska?
18 Réponse: Oui, des personnes appartenant à cette catégorie des personnes
19 âgées.
20 Question: Très bien. Est-ce que je vous ai bien compris, est-ce que j'ai
21 bien compris que les enquêteurs n'ont pas élaboré de liste avant que les
22 détenus n'arrivent à Omarska? Autrement dit, ce ne sont pas les enquêteurs
23 qui ont élaboré les listes des personnes qu'il fallait arrêter à Manjaca
24 et à Omarska? Est-ce que c'est vrai?
25 Ou bien est-ce que vous avez commencé à faire le tri uniquement après
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1 avoir arrêté les gens et après les avoir emmenés à Omarska? Est-ce que
2 vous aviez une influence quelconque sur la décision portant sur les
3 personnes qu'il fallait emmener à Omarska, ou bien est-ce que vous les
4 avez classées à partir du moment où elles étaient déjà à Omarska?
5 Réponse: Nous insistions pour que toute personne appréhendée soit
6 accompagnée d'un documentaire expliquant pourquoi cette personne était
7 appréhendée. Mais notre proposition n'a pas été respectée et, finalement,
8 de très nombreuses personnes arrivaient sans aucun élément documenté, et
9 nous avons donc dû effectuer ce triage. C'est ainsi que nous avons fait ce
10 qu'il fallait pour que les gens soient placés dans les catégories 1 ou 2.
11 Question: Vous avez parlé de M. Prcac, vous avez dit l'avoir vu au moins
12 une fois dans le camp. Saviez-vous quel était le travail de M. Prcac dans
13 le camp? Aviez-vous la moindre idée des fonctions qu'il remplissait dans
14 le camp?
15 Réponse: Je ne connaissais pas ses fonctions parce que j'avais surtout des
16 contacts avec Zeljko Mejakic quand c'était nécessaire. Mais Drago, je l'ai
17 vu à plusieurs reprises dans le camp.
18 Question: Mais avez-vous jamais eu une conversation avec lui au sujet de
19 ce qu'il faisait là?
20 Réponse: Non.
21 Question: Bien. Vous nous avez dit avoir insisté pour que vos enquêteurs,
22 ceux qui dépendaient de la sécurité de l'Etat, donc vous avez insisté pour
23 que ces personnes respectent ce que vous avez appelé un code de conduite
24 ou un code d'éthique qui régissait le comportement des membres du système
25 de sécurité de l'Etat.
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1 Je crois avoir compris -en tout cas je vous demande si je suis en droit de
2 comprendre- que ce code d'éthique stipulait que ces hommes n'étaient pas
3 autorisés à frapper ou à violenter les prisonniers au cours des
4 interrogatoires, c'est bien cela?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Et vous nous avez dit que, à votre connaissance, aucune des
7 personnes dirigées par vous n'a violenté les prisonniers. C'est cela que
8 vous dites dans votre déposition?
9 Réponse: Pour les membres du service d'actif, je l'affirme; pour les
10 réservistes, j'admets la possibilité que certains d'entre eux aient
11 enfreint cette interdiction. Mais je pense que leur comportement a été
12 convenable de bout en bout.
13 Question: Nous avons entendu un autre témoin nous dire que les enquêteurs
14 travaillaient en équipe de trois, trois membres, à raison d'un membre de
15 chacun des services dans chaque équipe: à savoir un membre de la sécurité
16 de l'Etat, un membre de la sécurité publique et un membre de la sécurité
17 militaire dans chaque équipe, et que ces hommes interrogeaient un détenu
18 par groupe de trois: l'un d'entre eux posant les questions, l'autre
19 écrivant les réponses et on ne sait pas très bien ce que faisait le
20 troisième.
21 Avez-vous l'impression que c'est ainsi que les choses se passaient? Est-ce
22 que c'est ce que vous dites dans votre déposition? Ou bien, est-ce que les
23 enquêteurs travaillaient parfois ensemble et pas séparément?
24 Réponse: Pour les inspecteurs de la sécurité militaire, la plupart du
25 temps ils travaillaient séparément, car c'étaient des enquêteurs qui
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1 appartenaient à l'armée. A plusieurs reprises, ils ont également travaillé
2 ensemble en équipe.
3 Question: Lorsque les hommes de votre service, les hommes de la sécurité
4 de l'Etat interrogeaient un détenu, est-ce qu'ils le faisaient avec des
5 membres du service de sécurité publique ou militaire, ou est-ce qu'ils
6 interrogeaient parfois seuls ces détenus?
7 Réponse: Non, mes inspecteurs ne travaillaient pas seuls. Ils ne menaient
8 pas d'interrogatoire isolément. Ils travaillaient en équipe avec les
9 responsables de la sécurité publique et parfois les responsables de la
10 sécurité militaire.
11 Question: Donc, le code de conduite, le code d'éthique dont vous avez
12 parlé contenait des instructions destinées précisément à vos hommes, aux
13 membres de la sécurité de l'Etat, ou est-ce que ce code concernait
14 également les équipes d'enquêteurs? C'est-à-dire aussi les hommes venant
15 des deux autres branches de la sécurité au cas où ils violenteraient ou
16 frapperaient des prisonniers? Est-ce qu'ils recevaient des instructions
17 quant à ce qu'il convenait qu'ils fassent ou ne fassent pas au sein de
18 l'équipe lorsqu'on commençait à frapper ou violenter un prisonnier?
19 Réponse: Nous avions des instructions orales.
20 Question: De quel genre?
21 Réponse: Nous devions en informer nos supérieurs.
22 Question: Mais informer vos supérieurs, vous nous avez dit que vous l'avez
23 fait. Qu'en était-il au moment où les coups se produisaient en désaccord
24 avec l'enquêteur? Est-ce que vos hommes avaient instruction d'essayer
25 d'intervenir ou d'arrêter les coups si le prisonnier les subissait à tel
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1 ou tel moment?
2 Réponse: Je n'ai pas personnellement donné des instructions de ce genre.
3 Je leur ai dit simplement dit qu'ils devaient se comporter convenablement
4 et respecter strictement la loi.
5 Question: Mais votre code d'éthique, celui auquel vous avez fait
6 référence, le code d'éthique du service de sécurité de l'Etat comportait-
7 il des instructions ou des dispositions selon lesquelles les personnes
8 respectant ce code devaient exiger des gens qui travaillaient avec elles
9 de ne pas frapper ou violenter les prisonniers?
10 Réponse: Oui, la plupart m'informaient des cas de ce genre.
11 Question: Mais vous ne nous avez pas dit s'ils essayaient d'intervenir et
12 d'arrêter les choses?
13 Réponse: Non.
14 Mme Wald (interprétation): Merci.
15 (Questions au témoin, M. Mirko Jesic, par M. le Président.)
16 M. le Président: Qui décidait qui étaient les détenus qui devaient être
17 interrogés dans le camp?
18 M. Jesic (interprétation): Au début, comme je l'ai dit, nous nous
19 entendions avec le chef d'équipe de gardiens pour que les interrogatoires
20 se déroulent en fonction des lieux de résidence et de l'arrivée de ces
21 personnes au centre d'enquête.
22 Question: Excusez-moi de vous interrompre. Vous avez mentionné un chef de
23 d'équipe de gardiens. Cela me fait penser à une autre question: comment
24 étaient organisés les gardiens dans le camp?
25 Réponse: Ils dépendaient du poste de sécurité publique de Prijedor sur le
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1 plan de leur organisation.
2 Le deuxième cercle de la sécurité, pour autant qu'on m'ait bien informé,
3 dépendait de l'armée. Donc, la sécurité qui s'effectuait à l'intérieur du
4 bâtiment était du ressort du poste de sécurité publique de Prijedor.
5 Ces hommes avaient leur chef et, pour le reste, s'agissant de leurs
6 tâches, je ne saurais les décrire de façon tout à fait certaine parce que
7 vraiment je ne les connaissais pas. Ce n'était pas ma responsabilité.
8 Question: Vous dites qu'au début vous parliez avec le chef d'équipe de
9 gardiens. Que faisait ce chef d'équipe de gardiens?
10 Réponse: Il avait pour tâche de s'occuper de la sécurité à l'intérieur et
11 à l'extérieur du bâtiment dans lequel étaient installées les personnes
12 arrêtées. Il avait aussi pour tâche de garantir les besoins sanitaires de
13 ces personnes et il avait pour tâche, dans une certaine mesure, avec
14 d'autres organes, de veiller à la bonne alimentation des détenus, et il
15 devait veiller à la sécurité dans le sens qu'il fallait qu'il évite...
16 Question: Quelle était la relation qui existait entre ce chef d'équipe de
17 gardiens et les gardiens eux-mêmes, s'il en existait quelques-unes?
18 Réponse: Là, concrètement je ne peux pas répondre parce que je n'avais pas
19 de relation avec eux dans ce sens-là.
20 Question: Mais quand vous dites qu'au début vous vous entreteniez avec le
21 chef d'équipe des gardiens, pouvez-vous nous dire un, deux ou trois noms
22 de chef d'équipe de gardiens avec qui vous avez parlé?
23 Réponse: Je parlais avec Zeljko Mejakic en tant que chef de garde. C'est
24 ce qu'on m'a dit, que c'était lui qui remplissait cette mission. Et les
25 autres je les connaissais, je connaissais Kvocka, Prcac et Grahovac, un
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1 policier, mais je ne leur ai jamais demandé concrètement quelles étaient
2 leur fonctions, quelle était exactement la mission qu'ils remplissaient.
3 Question: Mais quand vous mentionnez Kvocka et Prcac, quelle était la
4 position de ces deux personnes, Kvocka et Prcac, par rapport à Zeljko
5 Mejakic? Quelles étaient leurs relations?
6 Réponse: Zeljko, pour autant que je le sache, était le chef et ces deux-
7 là, sans doute, devaient avoir une fonction inférieure. Etaient-ils
8 adjoints, je n'ai jamais vu un papier sur lequel il était écrit qui
9 étaient ses adjoints mais j'ai vu qu'ils étaient là, présents, et qu'il
10 était donc aussi dans le bâtiment et aux alentours du bâtiment.
11 Question: Est-ce qu'il y avait… Comment les choses se passaient en
12 l'absence de Zeljko Mejakic. Imaginez que Zeljko Mejakic n'était pas là,
13 ni Simo Drljaca, n'était pas là non plus.
14 Est-ce que quelqu'un prenait la responsabilité de la sécurité de
15 l'ensemble du centre?
16 Réponse: Sans doute que oui. Dans la première équipe, je voyais le plus
17 souvent Zeljko, et quelques rares fois, j'ai vu Drago, aussi bien dans la
18 première que dans la deuxième.
19 Question: Quand vous parlez de la première équipe, comment se passaient
20 les choses. Y avait-il une deuxième, troisième, quatrième équipes, combien
21 d'équipes existaient? Quand vous dites première?
22 Réponse: Je dis première, parce que nous travaillions de 8 heures du matin
23 à 4 heures de l'après-midi, en général. Mais comme je l'ai déjà dit, il y
24 avait des jours où nous restions jusqu'à 8 heures du soir. C'était une
25 période assez courte pendant laquelle nous avons travaillé de façon très
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1 intensive et c'est dans cette période que j'ai vu ces gens-là.
2 Question: D'accord. Je crois que j'avais d'autres questions à vous poser
3 mais nous devions terminer à 14 heures 45. Peut-être allons-nous faire la
4 pause car nous devons vraiment faire une pause et ensuite nous allons nous
5 retrouver après la pause déjeuner.
6 Donc je vais demander à M. l'huissier de vous raccompagner, et nous allons
7 faire la pause déjeuner.
8 (Le témoin, M. Mirko Jesic, est reconduit hors du prétoire.)
9 M. le Président: Donc, nous allons nous rencontrer à 14 heures.
10 (L'audience est levée à 12 heures 50, reprise à 14 heures 02.)
11 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)
12 M. le Président: Veuillez vous asseoir s'il vous plaît.
13 (Le témoin, M. Mirko Jesic, est réintroduit dans le prétoire.)
14 M. le Président: Monsieur Jesic, vous sentez-vous reposé?
15 M. Jesic (interprétation): Oui.
16 M. le Président: Nous allons reprendre la partie finale de votre
17 témoignage. Nous parlions des détenus et comment les choses se passaient.
18 Peut-être vais-je vous demander: pouvez-vous décrire dans ses grandes
19 lignes la procédure d'appeler un détenu pour être interrogé? Comment les
20 choses se passaient-elles?
21 M. Jesic (interprétation): Dans la première phase, comme je l'ai déjà dit,
22 on appelait les gens d'après les villages d'où ils étaient originaires.
23 Les gardiens se rendaient sur la Pista, ils disaient: "Que tous les gens
24 de Puharska, Prijedor etc., sortent!". Donc le premier jour, on a fait
25 Puharska, le deuxième Cerici, ensuite une autre agglomération jusqu'à ce
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1 que nous ayons fini avec la région.
2 Question: C'étaient les enquêteurs qui demandaient aux gardes d'amener des
3 prisonniers, c'était çà?
4 Réponse: Après cet appel, les gardiens amenaient les personnes pour qu'ils
5 subissent des interrogatoires, les enquêteurs prenaient les informations
6 les concernant et continuaient à les interroger. Ceci s'est déroulé
7 jusqu'à ce que la première phase s'achève. Entre-temps, des listes ont été
8 élaborées de la première, deuxième et troisième catégories de gens.
9 Question: Après avoir interrogé un détenu, l'enquêteur donnait quelque
10 instruction que ce soit au garde pour ramener les détenus? C'est-à-dire
11 par exemple est-ce qu'un enquêteur pouvait dire à un garde: "Ce détenu va
12 à la maison blanche, va au hangar, va quelque part dans le bâtiment"?
13 Réponse: Non. Non, ceci n'était pas le devoir de l'enquêteur et, pour
14 autant que je le sache, rien de tel n'a été fait.
15 A la fin, l'enquêteur a demandé au gardien d'amener la personne à la place
16 d'où elle était arrivée. Et pour autant que je le sache, il n'y a pas eu
17 de cas où il était dit avec précision d'amener quelqu'un dans la maison
18 blanche dans la pièce n°1, 2, 3 parce que c'étaient les personnes qui
19 travaillaient dans les services de sécurité qui connaissaient
20 l'emplacement de toutes ces pièces.
21 Question: Vous avez déjà dit que, en principe, ces événements ou ces cas
22 d'amener un détenu par exemple qui était dans le hangar après avoir été
23 interrogé le détenu était conduit à la maison blanche, vous dites que
24 cela n'est pas arrivé en principe, mais nous avons quand même des
25 informations que cela est arrivé: des détenus ont été emmenés aux
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1 enquêteurs du hangar. Après avoir été interrogés, les détenus ont été
2 amenés à la maison blanche.
3 Selon votre connaissance de l'organisation du camp et votre expérience,
4 comment cela pouvait arriver? Qui pouvait ordonner que le détenu ne
5 revienne pas dans le hangar mais aille à la maison blanche? Qui pouvait
6 décider de cela?
7 Réponse: Moi, je peux vous dire que ce n'étaient pas mes enquêteurs qui
8 décidaient de cela. J'en suis certain, je peux vous garantir cela. Mais
9 est-ce que quelqu'un s'était donné le droit, s'était octroyé le droit de
10 le faire de façon individuelle, je ne saurais vous le confirmer.
11 Question: Très bien. Pouvons-nous nous mettre d'accord pour dire que les
12 enquêteurs informaient les gardes quels étaient les détenus qu'ils
13 voudraient interroger, les gardes allaient chercher et après amenaient
14 cette personne chez l'enquêteur? Peut-on dire que les choses se passaient
15 comme cela?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Comment avez-vous passé tout le temps, de l'ouverture jusqu'à la
18 fermeture du camp? Vous avez passé tout ce temps comme enquêteur au centre
19 d'Omarska. Comment était organisée la sécurité dans le camp? Et notamment,
20 je vous prierai de me dire quelle était la position de Ranko Mijic qui
21 travaillait avec vous comme enquêteur du côté de la sécurité civile?
22 Quelle était sa position, à Ranko Mijic, dans l'organisation de la
23 sécurité publique, de la sécurité du camp?
24 Réponse: Ranko Mijic était le chef du service de criminologie du poste de
25 sécurité publique de Prijedor. Dans le camp d'Omarska, il était
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1 responsable d'un groupe d'inspecteurs du service de sécurité publique de
2 Prijedor. Donc lui, il était responsable du service de sécurité publique
3 et moi, j'étais responsable du service de sécurité de l'Etat. Dans la
4 plupart des cas, c'est lui qui a eu des contacts avec les personnes qui
5 assuraient la sécurité du camp car ses services relevaient du poste de
6 sécurité publique de Prijedor.
7 Question: Donc il avait des relations avec les personnes de la sécurité du
8 camp. Qui étaient ces personnes?
9 Réponse: Pour cette génération de gens qui étaient un peu plus âgés, je
10 les connais, par exemple Miroslav Kvocka, Ljuban Grahovac, Zeljko Mejakic,
11 Drago Prcac, et pour les autres ils étaient plus jeunes. Je ne les
12 connaissais pas jusqu'à ce moment-là.
13 Question: Donc est-ce que Ranko Mijic… quelle était la relation -si je
14 peux dire- hiérarchique entre Ranko Mijic et les personnes que vous avez
15 citées: Miroslav Kvocka, Ljuban Grahovac, Zeljko Mejakic et Drago Prcac?
16 Réponse: Dans le cadre du service de sécurité publique, eh bien du point
17 de vue hiérarchique Mijic était au-dessus de Zeljko Mejakic qui était le
18 commandant. Mijic répondait directement à Simo Drljaca pour ce qui se
19 passait dans le camp d'Omarska.
20 Question: Donc selon votre vision, si vous partez de Simo Drljaca, et que
21 vous descendez, qui sont les personnes qui sont dans la ligne
22 hiérarchique?
23 Réponse: Simo Drljaca, Ranko Mijic, Zeljko Mejakic.
24 Question: Est-ce que ces personnes que vous avez mentionnées, donc Kvocka,
25 Grahovac, Mejakic, Prcac, est-ce qu'ils ont une position dans cette ligne
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1 de hiérarchie?
2 Réponse: Je suppose que Zeljko Mejakic avait des suppléants, comme c'est
3 prévu d'ailleurs dans le règlement. Mais du point de vue hiérarchique,
4 après, viennent les policiers ou plutôt les gardiens qui s'occupaient de
5 la sécurité du camp.
6 Question: Quand vous parlez de Mejakic, Grahovac, Prcac et Kvocka, ils
7 sont tous dans la même position hiérarchique ou est-ce qu'il y a quelques
8 différences entre eux?
9 Réponse: Je crois que non, d'après la hiérarchie qui prévalait dans les
10 services de sécurité publique, non.
11 Question: Donc quand Zeljko Mejakic aurait eu ses suppléants, est-ce que
12 vous avez une idée qui a été suppléant de Zeljko Mejakic?
13 Réponse: Je ne sais vraiment pas toute la vérité. C'est possible, mais moi
14 je ne le sais pas.
15 Question: Et quand vous mentionnez les noms, je vais les répéter les noms
16 de Kvocka, Grahovac, Mejakic et Prcac quelles étaient les fonctions dans
17 le camp de ces personnes?
18 Réponse: Je connais Kvocka depuis le premier jour et nous nous sommes
19 rencontrés à plusieurs reprises sur la Pista ou devant le bâtiment. Après
20 j'ai entendu dire qu'il avait été remplacé parce qu'il avait fait sortir
21 ses beaux-frères du camp, il les a emmenés jusqu'à la maison de ses
22 parents.
23 Question: Très bien. Monsieur Jesic, avant la pause, vous aviez parlé de
24 la procédure d'appel, pour décider qui étaient les détenus à appeler pour
25 être interrogés, vous avez dit que vous aviez parlé avec le chef d'équipe
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1 des gardiens. Nous allons accélérer un peu pour faire la pause. J'aimerais
2 bien revenir à cette question.
3 "Chef d'équipe des gardiens" a été l'expression que vous avez utilisée.
4 Qu'est-ce que c'est qu'un "chef d'équipe de gardiens" dont vous parliez?
5 Réponse: Eh bien, le chef du tour de garde devait être responsable du
6 travail de son équipe, c'est-à-dire il est chef, commandant du groupe qui
7 lui est subordonné.
8 Question: Pardon, il y a ici souvent des problèmes de traduction. Je veux
9 m'assurer: avant le déjeuner j'avais entendu parler de "chef d'équipe de
10 gardiens". Maintenant, j'ai entendu parler de "chef de tour de garde".
11 Je crois que les interprètes peuvent éventuellement changer.
12 Pour vous, est-ce qu'il y a une différence entre "chef d'équipe de
13 gardiens" -donc j'espère maintenant que l'interprète me comprend- et "chef
14 de tour de garde"? "Chef d'équipe de gardiens" et "chef de tour de garde"
15 pour vous c'est une même et seule chose, ou s'agit-il de deux choses
16 différentes?
17 Réponse: Les commandants et les chefs, je pense que le statut de ces deux
18 fonctions est le même.
19 Interprètes: Monsieur le Président, peut-être pourriez-vous demander au
20 témoin si le mot "smjena" qu'il utilise est un groupe d'hommes ou pas?
21 Est-ce pareil qu'"ekipa"? "Smjena", "Ekipa"?
22 M. le Président: Monsieur le témoin, nous avons ici toujours ce problème
23 d'interprétation. Le terme que vous utilisez "Smjena" signifie pour vous
24 "équipe"?
25 M. Jesic (interprétation): Eh bien, je ne connais pas le détail
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1 hiérarchique, je ne sais vraiment pas quels étaient leurs pouvoirs puisque
2 moi je travaillais dans un autre service et je ne considérais pas cela
3 comme quelque chose d'important. Je ne peux pas vous donner une réponse
4 extrêmement précise, une réponse qui correspondrait à la vérité.
5 Question: Mais vous maintenez qu'il y avait un chef d'équipe de gardiens?
6 Vous avez parlé avec le chef d'équipe de gardiens pour savoir qui étaient
7 les prisonniers qui allaient être interrogés?
8 M. Jesic (interprétation): Moi, j'ai parlé avec eux pour leur donner les
9 personnes qu'ils devaient nous ramener pour que nous vérifiions un certain
10 nombre d'informations.
11 Question: Très bien. Vous avez parlé avec eux. Qui sont "eux"?
12 Réponse: Eh bien, moi, en général, j'ai parlé avec Zeljko, et c'est Zeljko
13 qui en a informé les personnes qui en avaient la charge directe.
14 Moi je n'avais pas beaucoup de temps. Ranko Mijic faisait une grande
15 partie du travail puisque, du point de vue organisationnel, il avait un
16 lien avec les services de sécurité. Il connaissait donc plus de gens,
17 puisque c'étaient des gens qui appartenaient à la même unité
18 organisationnelle que lui.
19 Pour cette raison-là, moi je n'évaluais pas comme nécessaire de
20 rencontrer, de me familiariser avec toutes les personnes et avec leurs
21 fonctions.
22 Question: D'accord. Très bien. Un moment s'il vous plaît.
23 (Les Juges se concertent sur le siège.)
24 M. le Président: Comme vous savez, la Chambre est consciente qu'elle a
25 ouvert un thème qui n'a pas été abordé par les parties, toute cette
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1 question que j'ai prise comme objet d'interrogatoire. Je crois donc qu'il
2 faut, comme je l'ai dit et comme je maintiens, traiter les parties de
3 façon égale, et donner l'opportunité de contredire.
4 Je vais donner aux parties trois minutes pour poser une, deux ou trois
5 questions -cela dépend de votre organisation-. Trois minutes pour chacune
6 des parties et je crois que je dois commencer par la défense, donc par Me
7 Jovan Simic. Je dis cela parce qu'il y a d'autres conseils engagés.
8 Mais pour l'instant, je parle à Me J. Simic.
9 (Questions supplémentaires au témoin, M. Mirko Jesic, par Me Jovan
10 Simic.)
11 M. J. Simic (interprétation): Merci Monsieur le Président.
12 Monsieur Jesic, pourriez-vous nous donner le nom et le prénom de la
13 personne qui était le commandant de la sécurité?
14 M. Jesic (interprétation): Zeljko Mejakic.
15 Question: Est-ce que vous avez parlé avec qui que ce soit d'autre que
16 Zeljko Mejakic au sujet de tout ce thème au sujet duquel vous avez été
17 interrogé par la Chambre?
18 Réponse: Officiellement non, mais c'est vrai que j'ai eu des contacts avec
19 d'autres personnes, mais pas de contacts officiels donc.
20 Question: Nous n'avons plus de questions Monsieur le Président.
21 M. le Président: D'autres conseils? Y a-t-il des choses supplémentaires?
22 Je vois Me Lukic.
23 (Questions supplémentaires au témoin, M. Mirko Jesic, par Me Lukic.)
24 M. Lukic (interprétation): Oui Monsieur le Président, j'avais une seule
25 question à poser au témoin.
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1 Monsieur Jesic, savez -vous quelle était la structure organisationnelle,
2 l'organisation d'un département de police? Savez-vous si, dans le cadre
3 d'un département, il existe la fonction du suppléant?
4 M. Jesic (interprétation): Je ne connais pas la structure d'un département
5 de police.
6 M. Lukic (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions Monsieur le
7 Président.
8 M. le Président: Les autres conseils n'ont plus de questions à poser? Non.
9 Madame Somers?
10 (Questions supplémentaires au témoin, M. Mirko Jesic, par Mme Somers.)
11 Mme Somers (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Monsieur Jesic, avant la pause déjeuner, le Président vous a posé une
13 question. Je vais vous la relire, ceci nous aidera à comprendre.
14 Monsieur le Président a dit, voici donc la question du Président:
15 "Quelle était la situation concernant Zeljko Mejakic? Essayons d'imaginer
16 que ni Zeljko Mejakic ni Simo Drljaca n'étaient présents, est-ce qu'il y
17 avait quelqu'un d'autre qui prenait leurs responsabilités en ce qui
18 concerne la sécurité, la sécurité du centre? Quand ils n'étaient pas là,
19 est-ce que quelqu'un d'autre prenait leurs responsabilités?"
20 Vous avez répondu la chose suivante: "Quand ils n'étaient pas là,
21 quelqu'un le faisait probablement. Tout d'abord, dans la première équipe,
22 c'était souvent Zeljko qui travaillait dans la première équipe. J'ai vu
23 Drago plusieurs fois dans la première et dans la deuxième équipe."
24 A quel Drago pensez-vous, s'il vous plaît?
25 M. Jesic (interprétation): Je pensais à Drago Prcac, et ceci quand nous
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1 avons envoyé un groupe de personnes de sexe féminin de notre camp vers
2 Trnopolje. Nous avons donc élaboré cette liste, nous l'avons élaborée dans
3 le camp, et Drago était sorti pour lire les noms figurant sur la liste
4 pour introduire ces personnes dans un bus, et pour les envoyer à
5 Trnopolje.
6 Question: Et Monsieur Jesic, est-ce que c'est lui qui l'a fait parce que
7 Zeljko n'était pas présent?
8 Réponse: Eh bien, moi je peux vous dire que Drago s'était trouvé là, et
9 comme c'est un employé du camp qui fait partie du service de sécurité, je
10 pense que c'est la raison pour laquelle je lui ai donné la liste.
11 Question: Vous avez dit la personne qui avait le pouvoir, vous voulez
12 parler de qui? Qui lui a donné ce pouvoir?
13 Réponse: Eh bien, j'ai dit que c'était une personne qui avait les pouvoirs
14 d'un policier, d'un enquêteur, qui relevait du service des enquêtes
15 criminelles.
16 Question: Après que Drago Prcac ait terminé de lire le nom, dont vous avez
17 parlé, est-ce que vous déviez remonter l'échelle hiérarchique à Omarska
18 pour confirmer ce qui a été fait par M. Prcac de quelque façon que ce
19 soit?
20 Réponse: Eh bien, dans les cas semblables, nous informions de cela Simo
21 Drljaca, d'ailleurs ceci a été fait à la demande de Simo Drljaca, c'est
22 lui qui a demandé que la liste soit élaborée etc., et évidemment j'ai
23 informé Simo Drljaca du fait que le travail qu'il avait demandé était
24 exécuté.
25 M. le Président: Madame Somers?
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1 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président, je voulais juste
2 poser la deuxième partie de la question, la question concernant la
3 responsabilité de M. Drljaca: est-ce que Simo Drljaca, d'après ce que vous
4 savez, a pris ce jour-là une action quelconque concernant les mesures
5 prises par Drago Prcac?
6 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je ne vois pas
7 pourquoi on pose la question de cette façon-là. Le témoin vient de dire
8 qu'on a fait cette action sur l'ordre donné par Simo Drljaca et là, ma
9 collègue vient de lui poser la question si Simo Drljaca avait quelque
10 chose contre cette action qui avait été entreprise. Je pense que soit ma
11 consœur de l'accusation n'a pas compris, soit elle fait exprès de tourner
12 la question de cette façon étrange.
13 Mme Somers (interprétation): Est-ce que je peux répondre Monsieur le
14 Président, s'il vous plaît?
15 M. le Président: Oui très rapidement, Madame Somers.
16 Nous allons apprendre une chose, je ne vais pas vous répéter l'opportunité
17 exceptionnelle d'utiliser trois minutes, parce que vous abusez.
18 Vous devez profiter du temps: trois minutes. Vous pouvez poser une, deux
19 ou trois questions, mais ce sont trois minutes.
20 Madame Somers, pour terminer?
21 Mme Somers (interprétation): Avec la permission de la Chambre, je
22 souhaiterais clarifier ce point.
23 M. le Président: Clarifiez le point mais en terminant, en n'ouvrant pas
24 d'autres questions.
25 Mme Somers (interprétation): Oui bien sûr, bien sûr.
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1 Vous avez répondu de la façon suivante: vous avez dit que vous avez
2 informé Simo Drljaca, est-ce que vous maintenez, n'est-ce pas, que vous
3 avez informé Simo Drljaca du fait que ceci avait été fait? C'est ce que
4 vous dites?
5 M. Jesic (interprétation): Oui.
6 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président.
7 M. J. Simic (interprétation): J'avais une objection, mais maintenant c'est
8 trop tard. Je vous remercie tout de même.
9 M. le Président: Je me tourne vers mes collègues pour savoir s'ils ont une
10 question supplémentaire?
11 Monsieur le Juge Riad, non? Madame la Juge Wald, non?
12 Nous avons terminé toutes nos questions.
13 Monsieur Jesic, nous vous remercions beaucoup d'être venu ici et nous vous
14 souhaitons un bon retour dans votre lieu de résidence. Merci.
15 Je vais demander à M. l'huissier de vous raccompagner.
16 M. Jesic (interprétation): Je vous remercie aussi Monsieur le Président,
17 Madame et Monsieur les Juges.
18 (Le témoin, M. Mirko Jesic, est reconduit hors du prétoire.)
19 (Questions relatives à la procédure.)
20 M. le Président: Maître Jovan Simic, nous avons encore un peu de temps?
21 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je suis sûr que nous
22 allons pouvoir examiner un autre témoin. Si j'ai bien compris, nous allons
23 travailler jusqu'à 3 heures et demie, mais j'ai voulu proposer le
24 versement au dossier d'un certain nombre de documents. Mais je ne sais pas
25 quoi faire avec ces documents protégés. Peut-être faudrait-il prendre la
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1 décision après que le Président Jorda ait pris la sienne? Donc je propose
2 que l'on verse le document 41, 42/5A et B.
3 M. le Président: Pardon…
4 M. J. Simic (interprétation): Je m'excuse Monsieur le Président.
5 39/5, c'est le document qui est protégé, mais il existe aussi un autre
6 document, c'est 40/5 que nous proposons comme pièce à conviction. Donc 40,
7 41 et 42.
8 M. le Président: Madame Somers?
9 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, nous avons discuté de
10 cela à huis clos partiel, donc je ne vais pas rentrer dans le détail.
11 Est-ce que la Chambre pourrait réserver sa décision concernant ce point,
12 le Procureur ne s'oppose pas du tout à ce que l'on attende.
13 M. le Président: Maintenant nous allons traiter des documents qui ne sont
14 pas sous scellés et pour en discuter, nous passerons à huis clos partiel.
15 Maintenant, ce sont seulement les documents dont nous pouvons discuter en
16 public, c'est-à-dire les documents 40, 41 et 42 de la défense, et aussi je
17 crois que vous aviez des documents dont vous vouliez demander le versement
18 au dossier.
19 Mme Somers (interprétation): C'est exact Monsieur le Président.
20 J'ai compris que D40/5 et le document du Procureur 2/4.16, ces documents
21 font partie des trois dossiers des pièces à conviction documentaires qui
22 avaient été admises par cette Chambre, c'est-à-dire par la Chambre
23 précédente en 1999. Je pense donc qu'on a déjà pris note de ces documents.
24 Ensuite vient le document 42/5 qui fait aussi partie du classeur du
25 Procureur des moyens de preuve documentaires qui avait été admis en 1995,
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1 et on peut donc tout simplement se remémorer cela.
2 Ensuite je ne vois pas exactement quelle partie…
3 M. le Président: On m'a fait parvenir une note où il est dit que tous ces
4 documents indiqués par la défense ont été déjà versés au dossier par le
5 Procureur.
6 En admettant que le document 40/5 corresponde au document du Procureur
7 2/4.16, le document 41/5 de la défense corresponde au document du
8 Procureur 3/204 et le document 42/5 de la défense corresponde au document
9 du Procureur 2/3.5. Est-ce cela Madame Thomson?
10 Mme Thomson (interprétation): Oui Monsieur le Président, c'est bien cela.
11 M. le Président: Donc il n'est pas nécessaire de demander le versement au
12 dossier de ces documents de la défense, une fois qu'ils existent déjà et
13 ont déjà été versés par le Procureur.
14 Maintenant Madame Somers, vos documents, les documents que vous avez
15 utilisés?
16 Mme Somers (interprétation): Merci Monsieur le Président.
17 Nous avions donc les pièces à conviction du Procureur 3/299 et 3/300,
18 ensuite 3/292, ce sont les trois documents pour lesquels nous demandons le
19 versement au dossier. Nous demandons le versement des trois documents qui
20 s'avèrent être pertinents, et en ce qui concerne les deux documents qui
21 émanent du Tribunal, de la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine,
22 ils vont tomber sous le coup de l'Article 94, c'est-à-dire admission des
23 faits bien connus de la jurisprudence des autres pays, et je dois rappeler
24 à la Chambre du fait qu'elle était favorable à l'acceptation d'un certain
25 nombre de faits déjà jugés ou connus, bien connus.
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1 Nous considérons donc que ces deux documents font partie de cette
2 catégorie-là, puisqu'il s'agit des décisions de la cour constitutionnelle
3 de Bosnie Herzégovine qui existe bel et bien.
4 Ensuite, la pertinence de ces documents est d'autant plus évidente parce
5 que ces documents se relatent à Prijedor.
6 M. le Président: Maintenant le document proposé par le Procureur sous la
7 cote 3/292, selon l'indication, l'information de la Greffière d'audience
8 est déjà admis sous la cote D38/1. Il n'est donc pas nécessaire de le
9 verser au dossier.
10 Je crois que les parties ont une faim énorme de documents et de papiers
11 -excusez le commentaire-! Quels papiers doivent être versés au dossier? Il
12 faut voir s'ils existent déjà dans le dossier. Nous voyons que chacune des
13 parties veut s'assurer que son document entre dans le dossier sans avoir
14 le soin de vérifier, si oui ou non, il a déjà été versé.
15 Ce qui reste à discuter, Maître Jovan Simic, à présent sont les documents
16 3/299 et 3/300. Quelle est votre position Maître Jovan Simic s'il vous
17 plaît?
18 M. J. Simic (interprétation): L'équipe de la défense a reçu la photocopie
19 sur laquelle manquent un certain nombre de chiffres, donc nous ne pouvons
20 pas vérifier tout cela. C'est pour cela que des choses pareilles arrivent.
21 En ce qui concerne ces deux documents, nous soulevons une objection
22 puisque la pertinence de ce document n'a pas été prouvée.
23 On a fait une tentative d'utiliser et, je dis une tentative d'utiliser,
24 ces deux documents concernant la crédibilité du témoin mais le témoin
25 n'avait aucune information, ne savait rien à ce sujet, il n'a pas pu faire
Page 11787
1 ce commentaire.
2 M. le Président: Un moment s'il vous plaît.
3 (Les Juges se concertent sur le siège.)
4 La Chambre admet les documents du Procureur 3/299 et 3/300 et, lors de ses
5 délibérations, la Chambre décidera du poids et de la valeur probante qu'il
6 va leur accorder.
7 Mme Somers (interprétation): Je voudrais attirer l'attention de la Chambre
8 sur un point. Il est vrai que le Procureur n'a pas vu que c'était une
9 pièce de la défense mais il y avait une traduction qui n'était pas
10 définitive et la traduction qui se trouve attachée au document du
11 Procureur est une traduction définitive. Est-ce que la Chambre souhaite
12 que nous versions également au dossier cette traduction révisée,
13 définitive, qui est une traduction officielle?
14 M. le Président: Maître Jovan Simic, je crois que la réponse va être oui
15 ou non?
16 M. J. Simic (interprétation): Que puis-je répondre d'autre?
17 Maintenant, nous n'avons même plus ces documents. Nous n'avons rien contre
18 cela.
19 M. le Président: Donc la traduction révisée sera versée, Madame Thompson,
20 sous cote?
21 Mme Thompson (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
22 Président. Je dois vérifier à nouveau les cotes que nous avons.
23 M. le Président: Pardon, non. Il s'agit de la pièce 3/292 pour verser une
24 traduction révisée. Donc, il n'est pas nécessaire de mettre une nouvelle
25 cote.
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1 Mme Thompson (interprétation): Au moment du versement, c'était la pièce
2 D38/1, donc maintenant ceci devrait être la pièce D38/1 bis. Comme cela
3 nous pouvons savoir qu'il s'agit d'une traduction définitive révisée.
4 C'est la procédure que nous avons utilisée jusqu'à maintenant.
5 M. le Président: D'accord. Je savais que c'était comme cela mais dit par
6 vous, c'est mieux.
7 De toute façon, je vois le compte rendu et il ne s'agit pas de la pièce
8 D381 mais de la pièce D38/1. Et dans ce cas, il s'agira d'ajouter un bis
9 pour la traduction révisée. D'accord.
10 Sommes-nous en condition de continuer maintenant? Je crois que oui et
11 j'admets la réponse. Maître Jovan Simic?
12 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, la défense appelle
13 son prochain témoin, Milos Jankovic.
14 (Le témoin, M. Milos Jankovic, est introduit dans le prétoire.)
15 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de
16 m'excuser, le témoin porte quelque chose, je ne sais ce que c'est.
17 Peut-être pourriez-vous le lui demander pour ne pas avoir de problème
18 pendant l'interrogatoire?
19 M. le Président: Qu'est-ce que vous portez avec vous, Monsieur Milos
20 Jankovic?
21 M. Jankovic (interprétation): J'ai une déclaration écrite que j'ai faite à
22 l'avocat au sujet du thème que je dois aborder. J'ai ceci pour les témoins
23 et j'ai aussi un papier relatif au cryptage au cas où vous m'interrogeriez
24 sur ce point.
25 M. le Président: Ce sont des documents que vous aviez demandés au témoin
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1 d'emmener avec lui? Comment?
2 M. J. Simic (interprétation): Non.
3 M. Jankovic (interprétation): Il ne me l'a pas demandé, je l'ai décidé
4 moi-même.
5 M. le Président: Maintenant nous allons voir. Vous pouvez garder les
6 documents et nous allons voir si nous avons besoin ou non de les utiliser,
7 et pourquoi vous allez les utiliser. Maintenant, vous pouvez garder les
8 documents.
9 Avant tout, vous allez lire la déclaration solennelle que M. l'huissier va
10 vous tendre.
11 M. Jankovic (interprétation): D'accord.
12 M. le Président: C'est vous qui devez lire, vous pouvez lire la
13 déclaration.
14 M. Jankovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
16 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît. Vous pouvez
17 peut-être vous rapprocher un peu du micro? Très bien.
18 Merci beaucoup d'être venu, Monsieur Jankovic. Vous allez pour l'instant
19 répondre aux questions que Me Jovan Simic va vous poser. Cela signifie
20 qu'avant tout vous allez répondre aux questions que Me Jovan Simic va vous
21 poser. Ce sera d'une certaine façon à lui de dire, si oui ou non, vous
22 allez utiliser ces documents.
23 Maître Jovan Simic, vous avez la parole.
24 (Interrogatoire principal du témoin, M. Milos Jankovic, par Me Jovan
25 Simic.)
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1 M. J. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, nous n'allons
2 pas nous servir de ces documents. Pour les besoins du compte rendu
3 d'audience, Monsieur le témoin, je vous demande de décliner vos nom et
4 prénom?
5 M. Jankovic (interprétation): Je m'appelle Milos Jankovic.
6 Question: Où et quand êtes-vous né?
7 Réponse: Je suis né le 30 octobre 1948 dans le village de Pelagicevo dans
8 la municipalité de Gradacac en Bosnie-Herzégovine.
9 Question: Etes-vous marié et avez-vous des enfants?
10 Réponse: Oui, je suis marié et j'ai deux enfants.
11 Question: Dans la période qui va de mars à avril 1992, où travailliez-vous
12 et à quel poste travailliez-vous?
13 Réponse: J'avais un emploi à Prijedor dans, ce que l'on appelait à
14 l'époque, le poste de sécurité publique de Prijedor et les tâches que
15 j'accomplissais étaient celles de chef des transmissions et de responsable
16 du cryptage.
17 Question: Je prierai l'huissier de bien vouloir distribuer la pièce à
18 conviction D43/5 A et B, en remettant un exemplaire de ce document au
19 témoin.
20 (L'huissier s'exécute.)
21 Question: Monsieur Jankovic, ce document date du 29 avril 1992, et je vous
22 demande si vous connaissez ce document ainsi qu'un autre document dont
23 nous avons déjà parlé? Pouvez-vous nous dire, je vous prie, comment vous
24 êtes arrivé en possession de ce document?
25 Réponse: Je ne peux rien dire de ce document. La teneur de ce document est
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1 absolument identique à celle de l'autre document, mais là en haut, en en-
2 tête, on ne voit pas "République de Bosnie-Herzégovine, ministère de la
3 Défense", mais "ministère des Affaires intérieures".
4 Et puis, il y a un autre élément très important, à savoir que, sur l'autre
5 document, figure la mention "très urgent", et au niveau de la signature,
6 je vois celle du commandant, le colonel Haram Efendic, alors que sur mon
7 document il est écrit "ministre de l'intérieur, Delimustafic", je crois.
8 Et puis en bas, à gauche, on voit ici les quatre lettres "DJNS", alors que
9 sur l'autre on trouve les lettres "DM/M".
10 Autrement dit, le contenu de ces documents est identique mais celui-ci
11 provient d'une autre institution et est adressé à un autre destinataire.
12 Question: Donc vous affirmez dans votre déposition que le corps du texte
13 que l'on trouve dans ces deux documents est identique dans les deux?
14 Réponse: Pour autant que je puisse m'en souvenir, de mémoire, il me semble
15 qu'il est absolument identique, mais si je comparais les deux textes, il
16 se pourrait que je trouve un ou deux mots différents. Cela dit, la teneur
17 est absolument la même.
18 M. Saxon (interprétation): Objection.
19 M. le Président: Allez-y Maître saxon.
20 M. Saxon (interprétation): Je me vois contraint d'exprimer la confusion
21 qui est la mienne, car il y a un document sur le rétroprojecteur en ce
22 moment, et le témoin vient de dire qu'il ne peut rien dire de ce document,
23 qu'il a sous les yeux et qui est sur le rétroprojecteur, et dans le même
24 temps le témoin parle d'un autre document dont il fait référence en
25 parlant de son document et qui est signé par quelqu'un d'autre.
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1 Tout ceci crée la confusion dans la tête du Procureur pour qui il est très
2 difficile de suivre ce qui est dit au sujet du contenu d'un document et
3 d'un autre document. Les choses sont très peu claires.
4 M. le Président: Non je ne crois pas. Le Procureur a toujours un esprit
5 éclairé. De toute façon, nous allons éclaircir cette question.
6 Maître Jovan Simic, que se passe-t-il? Sommes-nous ici en train de
7 comparer des documents. Quels sont les documents qui sont en train de
8 jouer à ce jeu?
9 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je ne dispose
10 malheureusement que d'un seul exemplaire de ce deuxième document qui est
11 signé, comme a dit le témoin, par M. Delimustafic.
12 Je vais remettre ce document et sa traduction en anglais au témoin, pour
13 qu'il fasse la comparaison et nous dise si le document que j'ai entre les
14 mains actuellement est celui qu'il a reçu.
15 Les deux documents, dont nous parlons, sont identiques, en tout cas
16 pratiquement identiques, et ils ont été adressés à deux niveaux
17 différents: l'un, à la Défense territoriale, l'autre au ministère de
18 l'Intérieur.
19 Mais l'un de ces deux documents seulement est arrivé entre les mains du
20 témoin.
21 Ce que je vous montre maintenant, c'est le deuxième document et je vous
22 demande de m'autoriser à vérifier si ce deuxième document est bien celui
23 dont parlait le témoin tout à l'heure. Et je remettrai aux Juges des
24 copies de ce document très rapidement, mais je demande simplement pour le
25 moment qu'il soit placé sur le rétroprojecteur pour que le témoin puisse
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1 le voir.
2 M. le Président: Monsieur Saxon, est-ce que les choses sont plus claires
3 ou vous avez encore besoin de quelques éclaircissements?
4 De mon côté, je vais attendre pour voir si oui ou non c'est éclairci.
5 M. Saxon (interprétation): J'attendrai, je verrai avec vous, Monsieur le
6 Président. Merci.
7 M. le Président: D'accord, nous allons voir.
8 Maître Jovan Simic?
9 M. J. Simic (interprétation): Monsieur Jankovic, le document que vous
10 venez de recevoir, est-il celui dont vous parliez tout à l'heure qui porte
11 la signature de Alija Delimustafic?
12 M. Jankovic (interprétation): Je vous demande un instant pour prendre
13 connaissance du document. Une minute, s'il vous plaît.
14 M. le Président: Peut-être Maître Jovan Simic, pourriez-vous
15 éventuellement guider l'huissier? L'huissier pourra le mettre sur le
16 rétroprojecteur. Maintenant vous dites "le document est-il signé par…"
17 Peut-être faut-il mettre la signature pour qu'on puisse voir? Vous
18 comprenez l'idée?
19 M. J. Simic (interprétation): Je comprends, Monsieur le Président, je vous
20 demande simplement une seconde, ce sera fait.
21 Milos Jankovic (interprétation): Ce document pour autant que je puisse me
22 souvenir du contenu de l'autre est identique à l'autre du point de vue de
23 son contenu. Simplement les numéros de référence, je ne suis pas sûr, mais
24 effectivement la signature est celle du ministre Delimustafic et puis les
25 initiales, comme je l'ai dit tout à l'heure, DZ/M correspondent également
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1 à ce que j'ai dit tout à l'heure.
2 M. le Président: Maintenant nous avons le document D43/5. Je crois que
3 nous avons un autre document, peut-être au lieu de dire, ce document, ce
4 document, ce document, il faudrait l'appeler par son numéro.
5 M. J. Simic (interprétation): Oui Monsieur le Président, excusez-moi,
6 c'est ma faute, mais je suis déjà un peu fatigué. Ce document, c'est le
7 D44/5A et B.
8 Monsieur Jankovic, pouvez-vous nous dire le contenu de ce document, celui
9 qui est devant vous actuellement? Pouvez-vous nous le résumer brièvement?
10 M. Jankovic (interprétation): Brièvement, dans ce document, sur décision
11 de la présidence de Bosnie-Herzégovine du ministère de l'Intérieur de
12 l'époque, M. Aleksic, un ordre express a été envoyé à tous les services de
13 sécurité de Bosnie-Herzégovine ainsi qu'à tous les centres de sécurité
14 publiques et à tous les SUP dépendants de Sarajevo, secrétariats de
15 l'intérieur de Sarajevo, et il est envoyé à tous les chefs de ces services
16 personnellement, tous les chefs de ces organismes.
17 Donc sur la base de cette décision de la présidence, il est ordonné ce qui
18 suit, à savoir que:
19 "Toutes les routes du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine
20 utilisées par des unités de l'ex-JNA, pour effectuer leur retrait et pour
21 s'équiper, doivent être bloqués totalement en coordination directe avec le
22 ministère de l'Intérieur.
23 C'est le point 1. Le point 2: des zones plus importantes, là il y a une
24 faute de frappe, on voit la lettre B, à la place de V dans Vojnic, c'est V
25 qu'il faut lire et pas B, donc c'est une erreur de frappe. En tout cas il
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1 est dit que les installations militaires d'où il est possible de retirer
2 l'équipement doivent être bloquées grâce à différents obstacles
3 artificiels et naturels qui doivent être gardés par les unités de la
4 Défense territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine et par le MUP
5 et le ministère de l'Intérieur.
6 Au point 3, il est annoncé que les convois de l'ex-JNA et les unités de
7 l'ex-JNA qui ne sont pas escortés par le MUP ne doivent pas être autorisés
8 à sortir des casernes ou à communiquer entre eux sur le territoire de la
9 République de Bosnie Herzégovine, ils ne doivent pas être autorisés à
10 s'engager dans des actions de combat sur la totalité du territoire de
11 Bosnie-Herzégovine, ils ne doivent pas être autorisés à coordonner leurs
12 actions avec celles de l'état-major de la Défense territoriale dans ces
13 régions, districts etc.
14 Dans les zones où les opérations de combat pourraient impliquer des
15 mesures importantes pour protéger la population et les biens matériels des
16 citoyens, ces mesures doivent être prises au niveau de la République de
17 Bosnie-Herzégovine."
18 C'est signé par le ministre de l'époque, Alija Delimustafic, et on trouve
19 les lettres DZ/M qui sont les initiales de la personne qui a traité ce
20 message.
21 Question: Monsieur Jankovic, pourriez-vous ralentir? Dites-nous le nom et
22 le prénom que l'on voit au niveau du document, lentement et de façon
23 articulée car cela ne figure pas au compte rendu d'audience? Pouvez-vous
24 nous donner le nom et le prénom de la personne qui a signé ce document?
25 Réponse: Il est stipulé que c'est le ministre de l'Intérieur Alija
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1 Delimustafic qui a signé ce document.
2 Question: Pouvez-vous nous dire brièvement comment vous êtes entré en
3 possession de ce document?
4 Réponse: Je n'étais pas l'homme de permanence au centre des transmissions
5 qui a reçu ce document, j'étais le supérieur immédiat de cet opérateur qui
6 était de service et qui a reçu ce message. Je ne me souviens pas
7 exactement à quelle heure: aux environs de 2 ou 3 heures de l'après-midi
8 le 27 avril 1992.
9 Question: Est-ce qu'à ce moment-là une réunion s'est tenue? Si oui,
10 laquelle? A Prijedor ou à quel endroit?
11 Réponse: Oui. Cette réunion a été convoquée très peu de temps avant
12 l'heure prévue pour son début, c'est-à-dire quelques heures avant. Elle a
13 été convoquée sans aucun document, c'est simplement de façon orale que
14 tous les employés autorisés exclusivement, donc les policiers habilités,
15 ceux qui travaillaient au poste de sécurité publique, ceux qui
16 appartenaient au service d'enquêtes criminelles ainsi que ceux qui
17 travaillaient aux transmissions, secteur auquel j'appartenais qui ont été
18 convoqués à cette réunion.
19 Comme elle avait été convoquée très tard, la salle n'était pas pleine mais
20 il y avait tout de même pas mal de monde et cinq personnes présidaient. Je
21 me rappelle très bien qui.
22 Le premier, c'était le président de la municipalité, Muhamed Cehajic, le
23 président de la municipalité, le deuxième c'était Mirza Mujadzic,
24 président du SDA, ensuite il y avait le chef du poste de sécurité
25 publique, Hasan Talunzic, à côté de lui, Fikret Kadiric, chef du poste de
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1 police chargé de la circulation routière, et enfin le dernier était Simo
2 Miskovic, président du SDA de Prijedor.
3 Question: Quel était le sujet traité à cette réunion?
4 Réponse: Le sujet traité a été le fait qu'en raison de certaines tensions,
5 qui ont fait leur apparition dans la société et qui ont une influence sur
6 notre service, il fallait que notre service reste uni afin que nous ayons
7 de meilleurs rapports avec le MUP de Sarajevo. Et on promettait puisqu'en
8 pendant quelques temps les salaires n'avaient pas été versés, on
9 promettait de verser rapidement un salaire dans quelques jours et le
10 deuxième salaire, donc aussi assez rapidement, et comme il y avait déjà
11 une espèce de division entre le centre de sécurité publique auquel nous
12 appartenions et le MUP de Sarajevo, on nous a proposé, en tout cas on nous
13 a dit qu'il importait que nous respections les ordres provenant du MUP.
14 Ceci a été dit à tous les employés habilités qui étaient présents à la
15 réunion.
16 Question: Monsieur Jankovic, parlant du document D44/5, est-ce que
17 l'intégralité de ce que contient ce document a été lue lors de cette
18 réunion? Je vous demande une réponse brève par oui ou par non.
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et cette réunion a-t-elle été interrompue, ou bien avez-vous
21 continué la réunion à la fin de la lecture de ce document?
22 Réponse: A l'issue de la lecture de ce document, une discussion très
23 animée a commencé à laquelle tout le monde participait dans le désordre et
24 plusieurs personnes sont sorties. Chacun est parti de son côté.
25 Question: Merci. Vous aviez dit que vous étiez responsable du service de
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1 cryptage?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Savez-vous s'il existait des lignes téléphoniques directes entre
4 le centre d'enquête d'Omarska et le centre de sécurité publique d'Omarska?
5 Réponse: Il y avait une seule ligne extérieure et ce, pas tout à fait au
6 début mais à partir de quelques jours après la création du centre. Il y
7 avait des postes téléphoniques mais qui ne fonctionnaient pas parce que le
8 central téléphonique ne fonctionnait pas. Il n'y avait qu'une seule
9 liaison entre le centre d'enquête et Prijedor.
10 Question: Je suppose que vous avez des informations au sujet de la façon
11 dont fonctionnaient les communications radio à Omarska, pourriez-vous nous
12 dire brièvement comment fonctionnaient ces transmissions radio pendant
13 l'existence du centre d'Omarska?
14 Réponse: Oui c'était mon devoir de suivre le fonctionnement et de
15 connaître le fonctionnement de ce système. Et au centre d'enquête, depuis
16 les premiers jours, ils avaient un émetteur radio qui fonctionnait tout à
17 fait bien, mais comme ils ne connaissaient pas très bien son
18 fonctionnement, je ne sais pas ce qu'ils ont fait, en tout cas les
19 premiers jours les communications posaient problème et puis quelques jours
20 plus tard -je ne pourrais pas vous dire exactement combien de jours, mais
21 quelques jours plus tard- les communications se sont améliorées et par la
22 suite il n'y a plus eu de problème.
23 Question: Vous connaissez M. Prcac?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Que pouvez-vous nous dire à son sujet, en tant que collègue de
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1 travail et en tant que personne que vous connaissez? Quel genre d'homme
2 était-il?
3 Réponse: Je le connais depuis 1980 et je l'ai connu jusqu'en 1994/1995. Je
4 ne me souviens plus exactement quand, mais c'était la date de son départ
5 en retraite. Nous avons donc travaillé ensemble quatre ou cinq ans, et je
6 sais que, dans sa branche, il était l'un des meilleurs. Il était un homme
7 très calme, très tranquille qui n'avait de conflit avec personne et je ne
8 l'ai jamais vu boire trop ou avoir un quelconque problème avec ses
9 supérieurs qui ne pouvaient jamais rien dire de mal à son sujet sur le
10 plan du travail. C'était un bon travailleur et il est parti normalement à
11 la retraite.
12 Depuis son départ en retraite jusqu'à l'ouverture du centre de
13 regroupement, je l'ai rencontré quelquefois, pas souvent, mais je le
14 rencontrais quand il arrivait du village. Je le voyais transporter des
15 légumes quand il rentrait chez lui à la maison. Je le rencontrais à la
16 gare et en général il était habillé en paysan. Lors de ces rencontres,
17 nous ne nous parlions pas beaucoup. Mais depuis l'ouverture du centre de
18 regroupement, je peux dire que je ne suis jamais allé dans ce centre.
19 Question: Merci beaucoup Monsieur le Témoin.
20 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions pour ce témoin.
21 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Jovan Simic.
22 Monsieur Saxon?
23 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Milos Jankovic, par M. Saxon.)
24 M. Saxon (interprétation): Merci Monsieur le Président.
25 Monsieur Milos Jankovic, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet
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1 du document que vous avez lu avec beaucoup de soins, il y a quelques
2 minutes.
3 Vous avez parlé d'une réunion qui -si je ne m'abuse- s'est tenue au poste
4 de sécurité publique de Prijedor, réunion au cours de laquelle ce document
5 a été discuté. Mais j'ai bien écouté votre témoignage et vous avez dit
6 dans votre déposition que ce document avait été reçu le 27 avril.
7 Est-ce que c'est bien la bonne interprétation? Avez-vous bien parlé du 27
8 avril, ou d'une autre date en 1992?
9 M. Jankovic (interprétation): J'ai dit le 27 avril, sinon je ne me
10 rappellerais pas la date. Mais je le sais, car on a parlé de ce document.
11 Je me rappelle donc très bien que c'était le 27 avril et c'est ce que j'ai
12 dit.
13 Question: Donc, en raison de l'importance de ce document, la date du 27
14 avril est gravée dans votre esprit. C'est bien ce que vous nous dites?
15 Réponse: Oui, le document qui m'est resté en mémoire stipulait la date du
16 27 avril. Quant à l'autre, c'est peut-être différent, je ne me rappelle
17 pas exactement aujourd'hui. En tout cas, pour celui dont je parle, il est
18 sûr que c'est le 27 avril. Je m'en souviens très bien.
19 Question: Et la réunion qui s'est déroulée, au cours de laquelle ce
20 document a été discuté avant que le chaos ne s'instaure un peu plus tard,
21 cette réunion a eu lieu le 27 avril, c'est bien cela?
22 Réponse: La réunion a commencé avant l'arrivée du document au centre des
23 transmissions de Prijedor. Mais durant la réunion, peut-être une heure
24 après le début de la réunion, le policier de service qui était à l'entrée
25 est arrivé à l'entrée de la salle et m'a appelé par mon prénom car mon
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1 opérateur qui travaillait là haut me demandait de venir d'urgence: il
2 avait un problème avec la transmission de ce message à trois
3 municipalités.
4 Question: Donc cette réunion a eu lieu elle aussi le 27 avril?
5 Réponse: Oui, à peu près une heure avant l'arrivée de ce télégramme, cette
6 réunion a commencé et elle n'était pas terminée au moment où le télégramme
7 est arrivé.
8 Question: Vous vous rappelez avoir fait une déclaration devant le conseil
9 de M. Prcac un peu plus tôt, cette année, le 4 avril?
10 Réponse: Le 4 avril. Je ne me rappelle pas la date mais, oui, j'ai écrit
11 une déclaration. C'est celle que j'ai ici avec moi.
12 Question: Très bien. Peut-être puis-je demander l'aide de M. l'huissier en
13 lui demandant de placer cette déclaration sur le rétroprojecteur, en tout
14 cas sa version anglaise de façon que nous puissions tous la voir?
15 J'en ai un exemplaire ici, je peux remettre un exemplaire au Greffe mais
16 je demanderais qu'on affecte une cote à cette déclaration.
17 M. le Président: Oui, Madame Thompson, quelle sera la cote?
18 Mme Thompson (interprétation): La cote suivante est 3/301.
19 M. Saxon (interprétation): Je demanderai que la version anglaise soit
20 versée sur le rétroprojecteur.
21 J'aimerais utiliser l'exemplaire que je vous ai remis, si cela ne vous
22 ennuie pas, Monsieur Jankovic, car c'est cet exemplaire que nous avons
23 reçu du conseil de la défense. Je vous demanderai de regarder la première
24 page de cette déclaration. Voyez-vous une signature sur ce document?
25 Réponse: Oui, c'est la mienne.
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1 Question: Pourriez-vous maintenant tourner la page? Je vous demande si
2 vous confirmez qu'il s'agit là d'une copie de la déclaration que vous avez
3 faite devant le conseil de la défense de M. Prcac?
4 Réponse: Oui, cela correspond à la photocopie que j'ai moi-même.
5 Question: Monsieur l'huissier, je vous demanderai maintenant de vous
6 référer à la dernière page et à la suivante.
7 Voilà, ici, nous avons une bonne vue du passage qui m'intéresse.
8 Monsieur Jankovic, pourriez-vous jeter un coup d'œil à la première page de
9 votre déclaration, je vous prie? On y trouve un paragraphe qui commence
10 par les mots suivants, je cite: "En avril 1992, je travaillais au centre
11 de sécurité publique de Prijedor en tant que chef des communications et du
12 département de la sécurité des transmissions."
13 C'est bien cela? Ce texte est à la première page, vous devez l'avoir sous
14 les yeux?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Vous voyez ce passage? Et ensuite la phrase suivante se lit
17 comme suit, je cite: "Je travaillais dans cette fonction le 29 avril
18 1992." Vous voyez cette phrase?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Un peu plus bas dans le texte, vous parlez d'une réunion qui
21 s'est déroulée dans les locaux du centre de sécurité publique, en disant
22 que cette réunion n'avait pas été prévue à l'avance, et vous ajoutez, je
23 cite: " Nous avons été convoqués oralement, ce jour-là il n'y avait pas
24 d'ordre du jour." Vous voyez ce passage?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Toujours un peu plus bas, vous commencez à parler de la
2 réception d'une dépêche. Vous voyez ce passage qui se trouve dans le grand
3 paragraphe qui remplit la majeure partie de la page. Ce passage se lit
4 comme suit, je cite: "J'ai recueilli cette dépêche du chef du centre de
5 sécurité publique de Prijedor et je suis retourné à la réunion. " Vous
6 voyez ce passage?
7 Réponse: Je ne le trouve pas.
8 Question: Prenez votre temps, cela ne pose pas de problème.
9 Réponse: Dites-moi où se trouve ce passage?
10 Question: Au milieu de la page.
11 Je cite: "L'opérateur des transmissions m'a appelé parce que l'homme,
12 l'agent de service aux transmissions du CSB de Banja Luka avait refusé
13 d'établir la connexion…" et ensuite il est question de la dépêche que vous
14 avez reçue du chef du poste de Prijedor, lui-même. Vous voyez ce passage?
15 Réponse: Maintenant, oui.
16 Question: Très bien.
17 Réponse: Je le vois.
18 Question: Y trouvez-vous une mention de la date du 27 avril dans cette
19 déclaration que vous avez faite au conseil de M. Prcac?
20 Réponse: Non.
21 Question: Très bien.
22 Réponse: Ce n'est pas mentionné ici, je ne trouve aucune mention de cela.
23 Je vois que ce n'est pas mentionné.
24 Question: Et vous avez dit…
25 Réponse: La date mentionnée est celle du 29 mais elle est fausse.
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1 Question: Vous parlez dans ce texte d'une réunion qui s'est déroulée le 29
2 et vous dites avoir reçu la dépêche le 29 avril 1992, dans votre
3 déclaration.
4 Ce que je souhaite savoir, c'est quelle est la version exacte? Celle que
5 vous avez communiquée aux Juges de cette Chambre aujourd'hui ou celle que
6 l'on trouve par écrit dans votre déclaration, signée par vous, il y a un
7 mois?
8 Réponse: J'ai demandé à l'avocat car j'ai dicté cette dépêche à un vieux
9 dactylographe qui a fait plusieurs erreurs, et j'ai demandé au conseil de
10 vous dire qu'il fallait m'autoriser à corriger ces erreurs. Il n'y a pas
11 que cette erreur-là. Il y en a une autre que j'ai remarquée moi-même par
12 la suite, mais j'avais déjà remis la copie de cette déclaration à l'avocat
13 et il y a une autre faute à la ligne 28, dans le premier mot.
14 On lit SJB, à Banja Luka, alors que cela devrait être Sanski Most. C'était
15 un homme âgé qui tapait le texte et tout cela a été fait très rapidement.
16 J'ai remarqué certaines erreurs, mais comme vous le voyez, ces erreurs
17 sont passées inaperçues.
18 Ce n'était pas la date du 29 avril mais deux jours plus tard que le
19 renversement du pouvoir a eu lieu. Donc cette date du 29 est très
20 certainement fausse. La date exacte est celle que j'ai donnée par oral, et
21 puis à la place de Bosanski Novi, on devrait trouver un autre mot. Il y a
22 plusieurs erreurs de frappe, par exemple le dactylographe n'a pas inscrit
23 les références qui conviennent quand on veut transmettre une dépêche. Il
24 tapait trop vite ce que je disais.
25 Question: Monsieur Jankovic, avez-vous relu cette déclaration avant de la
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1 signer?
2 Réponse: Oui, mais…
3 Question: Et avez-vous compris qu'il était important que cette déclaration
4 soit exacte lorsque vous l'avez signée?
5 Réponse: Oui, je m'en rendais compte mais j'ai davantage fait attention au
6 contenu sur le fond qu'à la forme. Vous voyez il y a des fautes qui sont
7 restées, car il est écrit Banja Luka alors que Banja Luka c'est faux. Ce
8 qui devrait être écrit, c'est Bosanski Novi. Il y a peut-être d'ailleurs
9 d'autres erreurs que je n'ai pas remarquées.
10 Question: Eh bien, ne parlons plus de ce document, nous n'avons pas
11 beaucoup de temps aujourd'hui, mais parlons, si vous le voulez bien, du
12 document dont vous avez donné lecture il y a quelques instants, à savoir
13 l'ordre daté du 29 avril 1992 et signé par Alija Delimustafic.
14 J'ai quelques questions à vous poser simplement au sujet de cet ordre,
15 peut-être pourrait-on remettre un exemplaire de cet ordre sur le
16 rétroprojecteur dans sa version anglaise?
17 (L'huissier s'exécute.)
18 Monsieur l'Huissier, je vous demanderai de placer sur le rétroprojecteur
19 la version anglaise et de remettre au témoin une version en BCS.
20 Vous voyez la date qui figure sur cet ordre, Monsieur Jankovic?
21 Réponse: Oui, mais ce n'est pas cette date car cela c'est le document
22 militaire de la Défense territoriale, moi je souhaiterais voir le document
23 du MUP, de la police.
24 Question: Mais c'est de ce document que j'aimerais parler avec vous car
25 c'est celui dont vous avez donné lecture il y a quelques instants. C'est
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1 de ce document dont je souhaite parler avec vous.
2 Pouvez-vous le reposer sur la table? Voyez-vous la date qui figure sur ce
3 document?
4 M. Jankovic (interprétation): Ce sont deux…
5 M. le Président: Maître Jovan Simic?
6 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, l'ordre dont le
7 témoin a donné lecture avait, au niveau de la signature, le nom d'Alija
8 Delimustafic, donc c'est le texte dont le témoin n'a cessé de parler.
9 Alors s'il faut déjà revenir sur ce document, il faudrait que le Procureur
10 donne au témoin le document qu'il a lu.
11 M. Saxon (interprétation): Absolument. Je vous prie de m'excuser si j'ai
12 fait erreur, je croyais que c'était ce texte qui avait été placé sur le
13 rétroprojecteur. Je vous remercie de m'avoir permis de corriger.
14 Peut-on placer sur le rétroprojecteur l'exemplaire dont le témoin a donné
15 lecture il y a quelques instants? C'est bien cela, merci.
16 Voyez-vous, Monsieur Jankovic, la date qui figure sur cet ordre?
17 M. le Président: C'est le document marqué D44/5, je crois.
18 M. Saxon (interprétation): Oui, je crois que c'est bien celui-là.
19 M. le Président: J'affirme donc, pour votre orientation, qu'il s'agit du
20 document marqué D44/5.
21 M. Saxon (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.
22 Voyez-vous la date qui figure en haut de ce document? On lit la date du 29
23 avril 1992.
24 M. Jankovic (interprétation): Je la vois.
25 Question: Au cours de la nuit du 29 avril 1992 et de la matinée du 30, il
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1 y a eu renversement du pouvoir à Prijedor par les autorités serbes, n'est-
2 ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Je voudrais que nous nous concentrions quelques instants sur cet
5 ordre ou sur cette dépêche. Le 29 avril, ou même, si comme vous l'avez
6 dit, il s'agissait du 27 avril 1992, la république de Bosnie-Herzégovine
7 existait toujours en tant qu'Etat reconnu, n'est-ce pas?
8 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, le Procureur est en
9 train de témoigner et de manipuler le témoin. La Bosnie-Herzégovine
10 n'était pas un Etat reconnu à l'époque, mais faisait partie de la
11 Fédération, c'est-à-dire que la Bosnie-Herzégovine était une République de
12 la Fédération socialiste de Yougoslavie.
13 M. le Président: C'est une façon de poser des questions, Maître Jovan
14 Simic, c'est de faire une affirmation et après de demander si le témoin
15 est d'accord ou non. Ce n'est pas quand même ma façon préférée, mais je
16 crois que le Procureur et la défense ont le droit de le faire. Le témoin
17 répond "oui, je suis d'accord ou non".
18 Comme je l'ai dit, ce n'est pas ma façon préférée, mais je respecte quand
19 même la différence. Oui, Maître Jovan Simic?
20 M. J. Simic (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président, mais
21 s'agissant du sujet dont il est question, nous ne parlons pas ici d'un
22 document technique ou d'un témoin qui n'a pas connaissance des dates.
23 Le témoin connaît les dates. Deux ou trois jours, ce n'est peut-être pas
24 très important mais cela peut avoir son importance, donc je préférerais,
25 pour ma part, que les questions soient posées de façon différente.
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1 M. le Président: Nous allons avoir la réponse du témoin et après, si vous
2 avez besoin d'une question supplémentaire, vous pourrez la poser, Monsieur
3 Jovan Simic. Posez la question, Monsieur Saxon, s'il vous plaît.
4 M. Saxon (interprétation): Ma question était la suivante: le 29 avril ou
5 le 27 avril 1992 si c'est la date qui correspond, savez-vous si la Bosnie-
6 Herzégovine était un Etat reconnu, si vous le savez?
7 M. Jankovic (interprétation): Je ne me suis jamais concentré sur toutes
8 les informations émanant de l'extérieur du service dans lequel je
9 travaillais parce que je suis organisé de telle manière que la politique
10 et tout le reste, je n'ai jamais voulu m'y impliquer. De sorte que je n'ai
11 jamais retenu la moindre date, je ne sais même pas quand la Bosnie-
12 Herzégovine a commencé, quand elle a cessé, quand elle a été en paix ou
13 pas.
14 Je n'ai jamais voulu savoir cela. Ce qui m'intéressait, c'était de
15 respecter et de suivre le règlement du service dans lequel je travaillais
16 et les ordres reçus de mes supérieurs, à condition que mes supérieurs ne
17 me donnent pas d'ordres illégaux. Et je crois que je savais ce qu'il
18 convenait que je fasse et ce qu'il convenait que je ne fasse pas.
19 Question: Mais alors, pourquoi cet ordre a créé une telle émotion?
20 Réponse: Je ne savais pas du tout qu'elle allait le faire ou qu'elle
21 allait le faire, je ne le sais pas encore aujourd'hui. Certains disent que
22 c'est bien, certains disent que cela ne l'est pas, moi je pense que j'ai
23 donné un ordre, c'était ma tâche, mon obligation car il était écrit "très
24 urgent", et je l'ai fait de la façon la plus rapide qui existe en recevant
25 et en transmettant, et je l'ai emporté personnellement car il n'y avait
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1 pas d'estafette de disponible sinon ce sont les opérateurs et les
2 estafettes qui font cela.
3 Alors, comme tout le monde était à la réunion, je l'ai fait
4 personnellement, j'ai donné à l'opérateur le cahier dans lequel il fallait
5 qu'il mette le message par écrit, je lui ai dit où il fallait qu'il signe
6 pour dire qu'il l'avait reçu, ensuite c'est moi qui l'ai transmis. J'ai
7 respecté le règlement du service. Pourquoi ce jour-là cela s'est passé
8 comme cela? Je ne sais pas.
9 Question: Monsieur Jankovic, excusez-moi de vous interrompre, mais, à
10 votre connaissance, une copie de cet ordre a-t-elle été publiée dans le
11 journal local en juillet 1992, dans le Kozarski Vjesnik?
12 Réponse: Oui. Je ne sais pas combien de jours après, mais c'était
13 seulement quelques jours après la prise du pouvoir, Simo Drljaca m'a
14 appelé pour que je vienne le voir dans son bureau, et quand j'y suis
15 arrivé, j'y ai trouvé un certain nombre de personnes que je ne connaissais
16 pas, et Simo m'a demandé si cette dépêche était disponible. Il m'a dit que
17 ces hommes étaient des journalistes et il m'a demandé si la dépêche était
18 disponible pour que j'aille la chercher et que la rapporte. J'ai dit que,
19 selon le règlement du service, la dépêche n'était plus disponible, mais
20 compte tenu du fait que le matériel crypté, qui était utilisé, était
21 détruit tous les 10 jours, incendié, peut-être n'était-elle pas encore
22 brûlée et peut-être pouvait-on la retrouver?
23 J'ai donc demandé à mes subordonnés de vérifier, ils l'ont retrouvée, la
24 bande, ils l'ont recopiée. Je l'ai reçue, je l'ai donnée à Simo qui l'a
25 donnée à cet homme, je ne sais même pas à qui et cet homme est parti.
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1 Et deux ou trois jours plus tard, j'ai vu un fac-similé dans les colonnes
2 du Kozarski Vjesnik.
3 Question: Vous nous avez dit que, peu après la réception de cet ordre, le
4 pouvoir a été renversé à Prijedor par les autorités serbes. Pouvez-vous
5 décrire de quelle façon s'est effectué le renversement du pouvoir à
6 Prijedor? Qui l'a organisé, qui l'a dirigé, quelles unités de police ont
7 participé à la prise du pouvoir?
8 Réponse: Ce soir-là, parce que c'était le soir, la nuit commençait à
9 tomber, c'était au début de l'été, j'étais dans mon appartement, et chaque
10 fois que des réunions urgentes étaient convoquées, celui qui me convoquait
11 à la réunion en tant que chef le disait à l'homme de service qui
12 m'appelait. Il savait toujours où me trouver.
13 On m'a appelé, on m'a dit qu'il fallait aller à Cirkin Polje, j'y suis
14 arrivé et j'ai vu que de très nombreuses personnes étaient en train de se
15 rassembler et notamment des gens que je connaissais, des employés de chez
16 nous, du poste de sécurité publique. Mais la majorité des présents étaient
17 des gens que je ne connaissais pas. Et pendant la nuit, parce que là
18 c'était le soir, la nuit commençait à tomber, donc pendant la nuit en tant
19 que responsable des transmissions, je n'avais rien de spécial à faire à
20 cet endroit et il suffisait que je me présente et qu'on sache que j'étais
21 là. C'est la première fois que j'ai vu Simo Drljaca, ce soir-là je ne
22 l'avais jamais vu avant mais il est arrivé, il s'est présenté et il a dit
23 que par ordre du SDS, il me semble, je n'en suis pas sûr, c'était lui
24 désormais qui était le chef du centre de sécurité publique.
25 J'ai accepté les choses en l'état. En tant que chef des transmissions, je
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1 n'avais pas grand-chose à faire mais j'étais présent. J'étais donc assis
2 dans cette salle, il y avait plusieurs pièces dans ce bâtiment, mais
3 j'étais assis dans cette pièce, c'était un bureau et eux, ils se
4 rassemblaient, ils organisaient. Il me semble que c'étaient des petits
5 groupes. Est-ce qu'ils avaient des armes ou pas? J'ai l'impression qu'il y
6 avait des armes. Mais est-ce que eux avaient des armes ou pas? Je ne sais
7 pas parce qu'ils venaient tous de l'autre côté du bâtiment.
8 En tous cas le matin, à 4 heures du matin, il faisait encore nuit,
9 personne n'a dormi cette nuit-là, et le matin ils sont allés prendre le
10 pouvoir, pour autant que je le sache, ils ont pris et envahi le poste de
11 sécurité publique etc.
12 M. le Président: Vous savez il y a quand même une décision de constat
13 judiciaire sur le conflit, avez-vous besoin de toute cette information
14 Monsieur Saxon?
15 M. Saxon (interprétation): Non, Monsieur le Président, et je me rends bien
16 compte que le temps commence à manquer. Je vais simplement encore poser
17 une question si cela convient aux Juges.
18 A votre connaissance Simo Drljaca, a-t-il été nommé par le gouvernement de
19 Sarajevo à son poste de chef de sécurité publique de Prijedor?
20 M. Jankovic (interprétation): Je ne sais rien et je n'avais d'ailleurs pas
21 le droit de poser la question. Il est arrivé, il a dit qu'il était le chef
22 et moi je l'ai respecté en tant que chef, et tous les autres ont fait la
23 même chose que moi.
24 M. Saxon (interprétation): Merci Monsieur le Président.
25 M. le Président: Très bien Maître Jovan Simic?
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1 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Milos Jankovic, par
2 Me Jovan Simic.)
3 M. J. Simic (interprétation): Monsieur le Président, une question très
4 brève: êtes-vous certain que le jour où la dépêche est arrivée et le jour
5 où la réunion a été organisée était bien un seul et même jour? Etes-vous
6 sûr que les deux événements se sont produits le même jour?
7 M. Jesic (interprétation): En moi-même, je suis fermement et profondément
8 convaincu que c'était un jeudi quand le pouvoir a été renversé et que le
9 message est arrivé un mardi parce que je venais d'arriver de l'extérieur,
10 j'étais sur le terrain et c'est le 29 qui est écrit ici, je ne vois pas
11 comment cela peut être.
12 Question: Ma question, Monsieur Jankovic, ne concernait pas la date mais
13 si le fait que le message et la réunion, l'arrivée du message et la
14 réunion on eu lieu le même jour?
15 Réponse: Oui, je l'ai déjà dit. Le message est arrivé une heure après le
16 début de la réunion.
17 M. le Président: Donc Monsieur Jankovic, nous n'avons pas d'autres
18 questions à vous poser. Merci d'être venu et nous vous souhaitons un bon
19 retour à votre endroit de résidence. Merci beaucoup.
20 M. Jankovic (interprétation): Merci.
21 M. le Président: Oui peut-être…
22 (Le témoin, M. Milos Jankovic, est reconduit hors du prétoire.)
23 (Questions relatives à la procédure.)
24 M. le Président: Je vois M. Saxon debout, mais je crois que Me Jovan Simic
25 veut aussi demander le versement au dossier des documents.
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1 C'est la même chose Monsieur Saxon?
2 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, oui cela à quelque chose
3 à voir, c'est juste pour clarifier ce point. Je voudrais dire à la Chambre
4 en partie que le document qui a été versé au dossier par Me Jovan Simic,
5 D44/5 et dont a discuté le dernier témoin avait déjà été versé au dossier
6 en tant que document D/3.2 et faisait partie des pièces à conviction
7 documentaires versées au dossier par le Procureur en 1999 et admis en tant
8 que pièce à conviction en mars 1999.
9 M. J. Simic (interprétation): Mon collègue, M. Saxon, a tout à fait
10 raison, c'est tout à fait exact.
11 M. le Président: Vous demandez le versement au dossier de la pièce 43/5 ou
12 non?
13 M. J. Simic (interprétation): Non Monsieur le Président.
14 M. le Président: Maintenant c'est moi. Je me sens perdu. Nous avions ici
15 la pièce 43/5 et la pièce 44/5. Oui ou non? Deux documents?
16 M. J. Simic (interprétation): Oui.
17 M. le Président: Donc vous acceptez qu'il y ait une correspondance entre
18 le document qui a déjà été versé au dossier et la pièce, votre pièce D44,
19 mais vous ne demandez pas le versement au dossier de la pièce 43/5?
20 M. J. Simic (interprétation): C'est exact Monsieur le Président.
21 M. le Président: On constate seulement que la pièce de la défense 44/5
22 correspond déjà à une pièce du Procureur D/3.2, déjà admise. Donc voilà.
23 J'aimerais bien passer à un huis clos partiel pour discuter de la question
24 de l'autre document. Nous allons passer à huis clos partiel.
25 (Audience à huis clos partiel à 15 heures 39.)
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