Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 24 mars 2004

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   L'audience est reprise. Nous devrions tout d'abord annoncer que, pour des

  8   raisons techniques, il n'a pas été possible de donner effet hier après-

  9   midi, proposition d'expurgation. Je ne comprends pas très bien les aspects

 10   techniques, en l'occurrence. Tel que je vois les choses, il me semble que

 11   vous avez 30 minutes pour faire les expurgations nécessaires, et après cela

 12   la seule possibilité d'expurger le compte rendu, consiste à ce que les

 13   paragraphes, qui posent un problème, puissent être expurgés, avant d'être

 14   diffusés à l'extérieur. C'est bien cela ?

 15   Je donne maintenant la parole au conseil de M. Kvocka,

 16   c'est-à-dire, le conseil de M. Simic.

 17   M. K. SIMIC : [interprétation]  Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,

 18   Messieurs les Juges. Je vais utiliser l'heure et demie qui m'est impartie

 19   pour centrer sur les questions les plus importantes, qui, par ailleurs, ont

 20   été traitées en détail à la fin dans le mémoire de l'appelant, ainsi que

 21   dans la réponse qui a été faite à l'Accusation.

 22   Comme Monsieur le Président l'a noté, la Chambre de première instance avait

 23   condamné Kvocka pour des faits de persécution, meurtres et tortures, selon

 24   l'Article 5(3) du statut du Tribunal international contre les personnes qui

 25   figurent à l'annexe confidentielle jointe à l'acte d'accusation.


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  1   La Chambre de première instance a pris pour base la responsabilité de

  2   Kvocka, et sa responsabilité comme co-auteur d'une entreprise criminelle

  3   conjointe et, à cet égard, dont son jugement a souligné que M. Kvocka

  4   n'avait pas personnellement pris partie à un seul acte criminel, ou plutôt

  5   à un acte quelconque qui aurait pu conduire à un acte criminel pour lequel

  6   il était accusé, et pour lequel il a été reconnu coupable.

  7   Je voudrais également dire d'emblée que mon collègue a pris la parole hier,

  8   M. Fila et M. Simic, et ils ont traité certaines questions, ils ont évoqué

  9   certains problèmes, et M. Fila a dit que je parlerais sur d'autres

 10   questions aujourd'hui devant vous. Indépendamment de la question, ceci a

 11   été présenté. Certains motifs dans le mémoire de l'appelant se ramènent à

 12   deux motifs fondamentaux de l'appel, à savoir que la Chambre de première

 13   instance, en rendant son jugement, a commis erreur sur les faits. Ceci est

 14   le premier point. Deuxièmement, que la Chambre de première instance a fait

 15   également des erreurs de droit, en prononçant la culpabilité de mon client,

 16   en ce qui concerne les chefs d'accusation pertinents à cet aspect.

 17   Nous considérons, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, que

 18   ces erreurs correspondent aux critères qui sont prévus à l'Article 25 du

 19   statut du Tribunal international, ainsi qu'aux critères qui ont été établis

 20   dans une certaine mesure par la pratique du Tribunal pour les procès qui

 21   ont eu lieu jusqu'à présent et, bien entendu, nous parlons d'une façon plus

 22   développée sur cette question en temps utile.

 23   Je voudrais maintenant examiner les critères et les conditions qui sont

 24   posées à l'Article 25 du statut. Lorsque nous revenons des erreurs de

 25   droit, nous étayons la décision rendue dans l'affaire Furundzija et, à


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  1   cette occasion, j'aurai simplement rappelé brièvement que la Chambre de

  2   première instance -- ou plus exactement, excusez-moi -- la Chambre d'appel

  3   en espèce avait jugé que la Chambre d'appel, en tant qu'interprète suprême

  4   du droit devant ce Tribunal international comme en vertu de leurs fonctions

  5   officielles, a corrigé certaines erreurs de droit qui peuvent s'être

  6   produites en première instance dans les jugements de première instance.

  7   Bien entendu, ceci applique que des erreurs -- une gravité de ce genre ait

  8   conduit à un délit de justice, et à des constations erronées de

  9   culpabilité.

 10   Lorsque nous traitons d'erreur de faits, les erreurs de faits pour ce qui

 11   est de l'établissement des faits, il y a une question plus délicate et

 12   assez sensible et plus complexe aussi que la question dont nous avons

 13   évoquée qui a été évoquée hier par M. Fila, mais je ne pense pas que M.

 14   Fila ait achevé tout ce qu'il voulait dire à ce sujet -- sur cette question

 15   très complexe, comme il aurait pu le faire. "Jugement raisonnable" est le

 16   terme qui a été utilisé; je pense que le critère de jugement raisonnable

 17   est simplement le synonyme qui sert de directif pour dire à la Cour d'appel

 18   de quelle manière elle aurait apprécié les conclusions de la Chambre de

 19   première instance en ce qui concerne les faits.

 20   Je voudrais dire dans ce contexte que la Chambre d'appel, dans l'affaire

 21   Kupreskic, a également traité de cette question et à cette occasion avait

 22   conclu ce qui suit, et je cite la Chambre d'appel à cette occasion je cite

 23   : "La fonction de ce Tribunal international est de se prononcer sur la

 24   culpabilité ou l'innocence d'individus, conformément à des critères de

 25   procédure et de preuve qui sont suivis par tous les pays civilisés du


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  1   monde." 

  2   Le second principe qui a été évoqué consiste à montrer la complexité de la

  3   question et c'est également quelque chose que la Chambre de première

  4   instance a affirmé plus exactement que la Chambre a affirmé par le

  5   truchement d'une conclusion qui se dit ainsi : "Le Tribunal s'efforce de

  6   faire de son mieux, pour suivre le principe établi par le premier Procureur

  7   Nuremberg, à savoir que les événements doivent être étayés par preuve

  8   raisonnable des éléments de preuve raisonnable." Ce qui veut dire que

  9   Kvocka et l'équipe de sa défense considèrent que la notion de critère

 10   raisonnable est un synonyme de ce qui doit être considéré comme les

 11   exigences les plus hautes du droit moderne, et nous le savons pour les

 12   systèmes juridiques du monde entier, et c'est la raison pour laquelle mon

 13   collègue M. Fila, ne doit pas penser que les juges qui prononcent ce type

 14   de jugement ne sont pas raisonnables.

 15   Une autre conclusion de la Chambre d'appel, je pense, était dans le procès

 16   Tadic, l'affaire Tadic où la Chambre de première instance -- ou la Chambre

 17   d'appel a conclu, notamment, je cite : "Il est essentiel de dire que les

 18   Juges, qui agissent d'une façon raisonnable, peuvent aisément parvenir à

 19   des conclusions différentes sur la base des mêmes éléments de preuve qui

 20   leur ont été soumis."

 21   Par conséquent, nous considérons que ce n'est pas une question de savoir si

 22   la Chambre d'appel examine les objections d'une façon raisonnable ou les

 23   erreurs de fait pour apprécier les éléments de preuve et sont violées les

 24   caractéristiques raisonnables concernant une personne qu'ils puissent

 25   parvenir à une conclusion erronée. Nous devons garder l'esprit au fait que


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  1   les Juges sont des hommes et des femmes, et que des hommes et des femmes

  2   peuvent voir les choses de façon différente. Une personne peut voir les

  3   choses d'une certaine manière, d'une manière différente d'une autre, mais

  4   il existe une hiérarchie, et ceci fait autorité. L'autorité finale c'est la

  5   Chambre d'appel en seconde instance qui a le poids le plus gros. C'est la

  6   raison pour laquelle nous pensons que l'appel de M. Kvocka, à des questions

  7   qui ont été énoncées, réponde à ces critères et la Chambre d'appel peut les

  8   examiner pleinement et les apprécier.

  9   Nous sommes d'accord également avec l'Accusation lorsqu'elle dit dans sa

 10   réponse que chaque erreur de n'importe quel type qu'il s'agisse, soit une

 11   question de droit, peut avoir une décision. La Chambre d'appel doit

 12   apprécier, si la violation en question est bien une violation du droit,

 13   s'il existe effectivement et quelle influence peut avoir eu sur le jugement

 14   rendu en première instance et, ensuite, tirer ses propres conclusions et de

 15   savoir si vous acceptez les motifs, et les moyens d'appel ou les rejeter.

 16   En outre, nous considérons - et je vais souligner ce fait encore une fois -

 17   que Kvocka remplit toutes les conditions voulues pour interjeter son appel

 18   devant la Chambre d'appel, qu'il doit être en mesure d'accepter ces moyens,

 19   et de prendre une décision de son acquittement.

 20   Je voudrais maintenant évoquer brièvement la question du droit à un procès

 21   équitable. Kvocka ici ne sait pas référer à cela directement, mais il a

 22   indiqué qu'il y avait un problème. Il a fait remarquer, et on en a parlé

 23   également hier, M. Jovan Simic et Me Fila. C'est dans ce sens que je

 24   voudrais dire quelques mots aujourd'hui, maintenant, à des fins pratiques,

 25   en tant que contribution pour nous permettre de résoudre ce problème.


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  1   Pour comprendre ce dont nous parlons exactement, nous devons partir de ce

  2   que nous avons dans cette espèce particulière. Kvocka considère que l'acte

  3   d'accusation non seulement a pour fonction d'informer l'accusé des charges

  4   qui sont portées contre lui, mais que l'acte d'accusation a également une

  5   fonction plus vaste de responsabilité si je peux utiliser ce mot pour

  6   commencer par son acte d'accusation, l'Accusation elle-même se lance dans

  7   une tâche d'accusation si je peux présenter les choses ainsi, et dire à la

  8   Chambre ce qu'il va essayer de prouver. C'est le système des différentes

  9   variantes, d'une chaîne générale, et c'est comme cela que Kvocka le

 10   considère. Lorsqu'on considère les choses de cette manière, je dois

 11   également voir ce que nous avons comme éléments dans la présente affaire.

 12   Ceci sera à même aux tâches que l'Accusation doit elle-même prouver

 13   puisqu'elle les a énoncées, informer la Chambre de première instance que ce

 14   serait à prouver ce qu'elle avait exposé dans l'acte d'accusation et donner

 15   les éléments à la Défense.

 16   Alors, l'acte d'accusation de Kvocka indique que Kvocka était le commandant

 17   du camp -- je répète, commandant du camp. Ensuite, Kvocka était commandant

 18   adjoint du camp. Il était le supérieur par rapport à tous les autres dans

 19   le camp, notamment, pour ceux qui venaient comme visiteurs ou des

 20   enquêteurs, alors qu'il s'occupait uniquement de la question d'hébergement,

 21   de la nourriture dans le camp, et le problème de manque de médicaments. Il

 22   est responsable des manques de protection du point de vue santé. Il est

 23   responsable pour les questions de manque d'eau.

 24   En un mot, Kvocka est la personne qui est absolument responsable pour tout

 25   ce qui se passe dans le camp, de sorte que la tâche qui était prévue dans


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  1   l'acte d'accusation était ce que l'accusation devrait prouver, elle a

  2   informé Kvocka, elle a informé la Chambre de première instance de ce que

  3   serait ses tâches.

  4   En suivant cette ligne de raisonnement dans son plaidoirie à l'Accusation

  5   indique que Kvocka -- je répète, ceci sur la base des faits, ou plutôt des

  6   faits précédemment mentionnés, que Kvocka était responsable à la fois en

  7   tant que membre d'une entreprise criminelle commune et, sur la base de la

  8   responsabilité de Kvocka, en tant que co-auteur dans une entreprise

  9   criminelle conjointe sur la base de ce qui est dit dans le jugement Tadic,

 10   en se fondant sur les éléments qui existent dans l'acte d'accusation, à

 11   savoir que Kvocka est le commandant, était l'homme le plus important du

 12   camp, celui dont la volonté s'imposait, et celui qui avait connaissance de

 13   tout.

 14   Tout ceci est évidemment présenté par l'Accusation. Si l'Accusation avait

 15   pu prouver toutes ces charges, mais rien de tout cela en fait n'a été

 16   prouvé. Il aurait fallu prouver qu'il était membre d'une entreprise

 17   criminelle commune.

 18   Il faut revenir à ce qui reste de l'acte d'accusation de la Chambre de

 19   première instance. Il n'y a absolument rien, il ne reste rien. L'acte

 20   d'accusation devant la Chambre de première instance n'a pas réussi à

 21   prouver quoi que ce soit de ce qu'elle prétendait dans son acte

 22   d'accusation. Kvocka n'était pas le commandant du camp, Kvocka n'était pas

 23   le commandant adjoint du camp, Kvocka n'était pas responsable pour les

 24   conditions d'hygiène ou de santé, ni des questions de vivre ou

 25   d'interrogatoires et d'investigations. Kvocka n'était pas responsable pour


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  1   quoi que ce soit que l'Accusation a soutenu dans son acte d'accusation

  2   qu'elle n'a d'ailleurs jamais modifié.

  3   La question se pose maintenant de savoir qu'est-ce qu'était Kvocka dans le

  4   camp d'Omarska ? Le Juge a demandé à M. Prcac ce

  5   qu'était Kvocka dans le camp. Pour répondre aux questions qui étaient

  6   posées, la première réponse était de conclure que la Chambre de première

  7   instance sur la base du mémoire de l'appelant, je cite : "Kvocka était un

  8   subalterne qui faisait partie du service de garde, de commandement. Je dois

  9   répéter, l'adjoint au point de vue fonction du commandement du service de

 10   garde." Cela était la réponse qui a été faite devant -- qui a été faite par

 11   la Chambre de première instance. Notre réponse à nous est tout à fait

 12   différente, et je la développerais par la suite, mais c'est juste aux fins

 13   de comparaison, Kvocka était un policier, c'était un policier de carrière,

 14   il a été employé au poste de Police dans le service de Police d'Omarska.

 15   C'est là qu'il avait ses fonctions, et il a travaillé comme policier du

 16   service dans un système de sécurité extraordinaire qui était celui du camp.

 17   Je retournerais dans ces questions par la suite, et je voulais simplement

 18   informer les Juges de la Chambre d'appel, de ce que Kvocka faisait

 19   effectivement dans le camp d'Omarska à la suite des conclusions qui ont été

 20   revenues par la Chambre de première instance.

 21   Pour que nous puissions développer cette question, et voir qu'elle était la

 22   situation, à savoir pourquoi Kvocka était là ? Comment il était venu alors

 23   qu'il était policier professionnel, pour venir à Omarska, il faudrait que

 24   je revienne à la question de la structure de ce malheureux camp d'Omarska.

 25   Comme mon collègue la dite hier, et je suis pleinement d'accord avec lui,


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  1   il y a la question de conscience, la question de conscience et d'humanité.

  2   Il n'y a rien à contester là. Le camp d'Omarska avait été crée et constitué

  3   à la suite d'une décision et d'une ordonnance de la cellule de Crise et de

  4   Simo Zaric Drljaca, malheureusement pour lui, malheureusement pour Kvocka

  5   et pour les toutes les autres personnes qui ont été détenues là, ainsi que

  6   les autres personnes qui ont travaillé là, s'était établi dans un

  7   territoire qui du point de vue territoriale était du ressort de poste de

  8   Police et de département du secteur d'Omarska, qui est la forme la plus

  9   simpliste d'organisation d'un poste de Police. Tout ceci n'était pas

 10   articulé parce que ce territoire ne pouvait pas être couvert dans son

 11   ensemble. Du point de vue fonctionnel, il n'avait absolument aucune

 12   compétence ou aucune autorité ou aucun pouvoir. C'était juste une

 13   possibilité, par exemple, de contrôler la circulation, il n'était pas

 14   autorisé à procéder à des interrogatoires ou des enquêtes de quel type que

 15   ce soit, et ni même de recevoir des rapports de caractère pénal si, par

 16   exemple, il y avait eu une bagarre dans un café. Telles étaient, en fait,

 17   les fonctions de ces policiers. C'était le niveau le plus bas possible, et

 18   c'est là que Kvocka avait son propre poste, et il était chef d'une

 19   patrouille d'un secteur, ou comme vous voulez l'appeler.

 20   Alors, qu'est-ce que ceci veut dire ? Ceci veut dire que Kvocka avait une

 21   région qui couvrait plusieurs villages, et qu'avec son collègue, il

 22   effectuait des patrouilles selon un emploi du temps. Il allait dans les

 23   cafés, dans les bars, rencontrer des gens, il était en quelque sorte un

 24   lien entre les autorités et la population locale, telles étaient les

 25   fonctions de Kvocka, et c'est cela qu'il a fait. Nous nous avons remis des


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  1   documents qui établissent ce fait. Le 17 juin par exemple, peut-être que

  2   c'était le 21, maintenant je ne me rappelle pas exactement, il a été posté

  3   au moment où la police serbe a été créée, et il a reçu le même poste du

  4   travail. Il a accompli les mêmes tâches, et le 28 et le 29, il était la

  5   personne de service. Cela aurait très bien pu être Mladjo Radic, et cela

  6   aurait pu être quelqu'un d'autre lorsqu'il a été informé au téléphone du

  7   fait qu'il fallait qu'il se rende à la mine d'Omarska, l'ordre est venu de

  8   son commandement au poste de Police, de celui qui était son supérieur

  9   immédiat dans le cadre de ces activités de police. Kvocka s'y est rendu, et

 10   il a vu que des personnes avaient été détenues là, il a dit qu'il y avait

 11   un système qui avait été mis en place pour assurer la sécurité. Son

 12   commandant l'a informé de la situation et il lui a

 13   dit : "Qui êtes-vous ?" Il a répondu : "Je suis l'officier de service." Il

 14   s'est présenté. "Qui est votre commandant ?" Il a répondu que le commandant

 15   était endormi, et il lui a ordonné de réveiller son commandant, de lui dire

 16   qu'il avait reçu cette tâche d'assurer la sécurité pour un centre d'Enquête

 17   constitué à Omarska, et que ceci ne durait que pour quelques jours.

 18   Maintenant, avant que Meakic arrive d'après le règlement du service, ils

 19   avaient alerté la force de police et les faire venir de façon à assurer la

 20   sécurité, voilà ce que faisait Kvocka. Il retourne au poste de Police et,

 21   par un système qui était prévu par eux, qui existe dans tous les systèmes

 22   de police du monde, il se met en rapport avec les personnes voulues et

 23   personnes compétentes, et un groupe d'une vingtaine d'hommes est formé et

 24   se rend à Omarska. En tant qu'officier de service, Kvocka les emmène et,

 25   ensuite, son supérieur prend à sa charge ses individus et les déploie pour


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  1   assurer la garde. Tout le monde a son poste et prend ses fonctions et

  2   certains des détenus, qui étaient déjà là - d'après les investigations,

  3   ceci a été prouvé - avaient pris leur place deux ou trois jours plutôt,

  4   malheureusement ce camp a été établi deux ou trois jours avant cela.

  5   Quelqu'un aurait pu conclure que Kvocka avait eu d'autres fonctions. Il

  6   organise les gens qui l'avaient appelé, il les fait venir et repartir il

  7   organise les tours de garde.

  8   Il aurait semblé à un observateur ordinaire que Kvocka était une sorte

  9   d'officier supérieur, mais non ce n'est pas le cas. Kvocka était simplement

 10   le fonctionnaire de service ce soir-là au poste de Police et se trouve

 11   qu'il était en train de remplir ses fonctions, s'occupait de ses fonctions

 12   comme pour veiller aux règlements de service du système de sécurité

 13   publique du poste de Police, et c'est ainsi que le camp a été créé.

 14   M. Meakic ne savait pas qu'il allait être établi, M. Meakic ce jour-là, a

 15   lui même ordonné personnellement à Kvocka de continuer à assurer son tour

 16   de garde, bien que le poste de Police ou le secteur de Police pour assurer

 17   la sécurité. Ce n'est pas parce qu'il savait quelle était sa position, il

 18   savait en ce qui concerne le potentiel du poste de Police, qu'il était

 19   capable de faire tout cela lui-même. Il a essayé de faire de son mieux

 20   pendant toute la journée et il n'a pas réussi, mais ce camp a été néanmoins

 21   établi.

 22   Pendant la production de nos éléments de preuve pour prouver nos moyens,

 23   nous avons soutenu que ceci n'était pas vrai, nous avons présenté une

 24   décision datée du 31 mai 1992 qui a été signée par M. Drljaca, et dans

 25   laquelle la structure organisationnelle du camp était prévue point par


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  1   point, ceci était exposé pour dire qui était censé faire quoi, quelle était

  2   la tâche de tout un chacun et tout simplement qui rendait compte à qui.

  3   La Chambre de première instance a admis que la structure du camp a été

  4   établie conformément à la décision émanant de Simo Drljaca. Dans cette

  5   décision il a été dit de façon explicite que les tâches liées à la sécurité

  6   et au sein du camp, doivent être accomplies par les membres de ce

  7   département de la Police d'Omarska. Ce sont ces postes de sécurité

  8   extraordinaires. Cela figure dans les textes des écritures que j'ai versés

  9   à la Chambre et vous aurez l'occasion de vous pencher sur ces textes. Il y

 10   est dit de quelle façon et comment sont assurés ces services de sécurité

 11   extraordinaire. On dit qui doit faire quoi, on dit qui est le chef et le

 12   responsable de cette équipe. Dans nos écritures vous trouverez que ceux qui

 13   ont ordonné l'ordre de création de ces forces de sécurité extraordinaire,

 14   en étaient responsables. Il s'agit notamment de Simo Drljaca. A l'Article

 15   32, il est question d'un coordinateur qui serait0 chargé de coordonner

 16   précisément tous les segments afférents à la structure organisationnelle du

 17   camp.

 18   La Chambre de première instance a accepté le fait que la défense avait

 19   prouvé que la structure du camp d'Omarska avait été de nature, conforme à

 20   la nature qui a été présentée. Il a été conclu une fois de plus que ce

 21   département de la police a été chargé de la sécurité interne conformément

 22   aux ordres de Simo Drljaca. Je dirais qu'il y a eu quatre types de

 23   sécurité. Il y a tout d'abord la sécurité du centre, à savoir du centre

 24   minier, il y avait là des gens qui étaient là pour assurer la sécurité.

 25   Il y avait une sécurité militaire, une enceinte extérieure qui avait été


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  1   assurée par les membres de la Défense territoriale. Selon certains faits

  2   cette enceinte autour d'Omarska était plus large, nous n'en avons pas

  3   traité mais il en était traité dans l'affaire Stakic, et il a été précisé à

  4   cette occasion-là que l'on avait même posé des mines. Mais cela n'avait

  5   rien à voir avec l'ordre donné ici. Il y a eu un peloton d'interventions de

  6   la police spéciale, et ce peloton d'intervention a passé effectivement là

  7   quelques 15 jours en début janvier, et il y a eu de gros problèmes avec ces

  8   gens là. Vous avez dans les écritures des éléments de preuve disant que

  9   Simo Drljaca avait contacté ses supérieurs à Banja Luka pour que ce peloton

 10   d'intervention soit retiré, parce que ce peloton d'intervention n'était

 11   même pas contrôlé par ses propres supérieurs hiérarchiques.

 12   Les forces de sécurité ne pouvaient pas influer sur les conditions

 13   d'hébergement, ne pouvaient pas influer sur le travail des enquêteurs, ne

 14   pourraient pas enquêter sur l'alimentation, sur quoique ce soit du reste.

 15   Kvocka dans ses effectifs de sécurité lui était chargé d'une tâche qui est

 16   celle de l'armé de permanence. Toutefois je reviens à la constatation que

 17   j'ai déjà faite, compte tenu du fait que Kvocka était policier d'active et

 18   que lui était homme de permanence, il était de permanence il pouvait

 19   accéder au bureau, bureau pour lequel le citoyen ordinaire ne savait pas

 20   que c'était le bureau de Kvocka qu'on essaie de le présenter. C'était un

 21   bureau une pièce de 18 mètres carrés, et il en est question dans les

 22   écritures et dans la journée dans cette pièce il y avait deux, parfois

 23   trois dactylos. Les enquêteurs venaient pour dicter les procès verbaux, et

 24   il y avait là l'homme de permanence que ce soit Kvocka, ou quelqu'un

 25   d'autre. C'était là l'homme qui était chargé d'installer de l'ordre, mais


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  1   ce n'était pas le bureau à Kvocka c'était des circonstances d'exception.

  2   Je veux bien admettre que dans des circonstances de cette nature, qu'il

  3   soit tout à fait compréhensible que quelqu'un qui ne connaît pas la

  4   structure policière voyant Kvocka entrer dans le bâtiment administratif,

  5   entrer dans un bureau communiquer là avec les gens, et il ne nie pas le

  6   fait qu'il ait communiqué avec les uns ou les autres, il se peut que ces

  7   observateurs peu informés auraient pu tirer des conclusions de cette

  8   nature, mais Kvocka lui avait été permanent, des hommes de permanence et il

  9   n'est pas gardien, il n'est pas gardien pendant 12 heures à monter la garde

 10   avec un fusil sur l'épaule. Nous estimons avoir répondu ce que Kvocka a

 11   constitué du point de vue de la défense dans ce camp d'Omarska.

 12   Pour mieux voir la situation dans le contexte des événements qui se sont

 13   déroulés là-bas, je crois que mes collègues avec allégeance de mes

 14   collègues je suis originaire de cette région là. En 1992 lorsque cette

 15   malheureuse guerre a commencé en

 16   Bosnie-Herzégovine, quelques 230 000 hommes ou 230 000 personnes ont fui la

 17   région. On a mis le feu à 500 ou 600 000 maisons, c'est une guerre qui a

 18   laissé des traces, des conséquences des séquelles incommensurables, 2 000

 19   000 de personnes ont quitté leur logis, ont été déplacées, et à l'époque

 20   Kvocka et les autres qui se sont trouvés là-bas ont eu une connaissance.

 21   Ils se sont trouvés dans un centre d'accueil, dans un centre d'enquête dans

 22   ce centre minier, et je précise que le 26, 27, il y a eu des conflits

 23   armés, conflits où il y a eu plusieurs centaines de morts, des gens ont été

 24   arrêtés, il y a eu beaucoup d'incidents, on n'a pas parlé d'incident de --

 25   à ce moment-là, à un point de contrôle avant les événements de Kozarac le


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  1   bureau du Procureur est au courant de la chose, un policier du poste de

  2   Police d'Omarska un Musulman, a tiré en direction de ce point de contrôle

  3   et il a tué trois soldats de l'armée serbe. Le Juge Schomburg, dans son

  4   résumé, qu'il s'agissait là d'incident mineur par rapport à ce qui s'est

  5   passé ultérieurement, en effet du point de vue défendu par M. Schomburg,

  6   c'était en effet vrai, mais dans une région où les tensions inter ethniques

  7   étaient très grandes, du point de vue d'une région où l'homme de la rue,

  8   l'homme de tous les jours a été exposé à une pression médiatique

  9   inimaginable, la situation était différente.

 10   Il y a quelques jours vous avez été informés par les médias de la montée

 11   des violences au Kosovo, savez-vous quelle en a été la raison. Trois

 12   garçons du groupe ethnique albanais se sont noyés, et quelqu'un a affirmé

 13   que c'était les Serbes qui l'avaient fait, trois garçons se sont noyés une

 14   fausse nouvelle à lancer une masse dans une campagne de violence qui n'a

 15   fait autre chose que choquer le monde entier. Je ne veux pas justifier

 16   Omarska ici. Ce que je veux dire, c'est qu'à l'époque, les gens ne

 17   pouvaient dans une grande mesure, ne pouvaient pas comprendre les

 18   intentions, et les objectifs.

 19   Kvocka lui ne pouvait pas comprendre quelles étaient les intentions de ce

 20   camp, il ne pouvait pas concevoir ce camp comme étant un instrument de

 21   persécution. On lui a dit que cela allait durer quelques jours, et cela a

 22   perduré. Le témoin B lui dit qu'au début la nourriture était excellente,

 23   qu'il y avait suffisamment de viande. Oui, les gardiens l'affirment aussi.

 24   On leur a dit par la suite après les interrogatoires, les gens allaient

 25   être relâchés, et c'était effectivement ce qui s'est passé tout au début.


Page 239

  1   Les gens ont été interrogés, relâchés, ils rentraient chez eux. Un jour, on

  2   a même relâché plusieurs autocars de gens qui avaient été interrogés. Mais

  3   les choses ont évolué par la suite, et il est arrivé ce triste ordre de M.

  4   Simo Drljaca de ne plus relâcher personne. Cet ordre n'est pas parvenu à

  5   l'homme de permanence, ni à Meakic. Il est parvenu à Josic, et à ces gens

  6   qui avaient été chargés des enquêtes.

  7   Au camp d'Omarska, il s'agissait d'un lieu de détention où étaient censés

  8   purger leur peine les membres des forces de sécurité. On a vu que les gens

  9   chargés de la sécurité se relayaient parce qu'on estimait ici, par exemple,

 10   on les voit se relayer à toutes les demi-heures. Là bas, ils étaient

 11   relayés au bout de 12 seulement. Ils croyaient que c'étaient des

 12   circonstances exceptionnelles qui le dictaient. C'était un degré de

 13   conscience, c'était là la conscience professionnelle qu'ils avaient et ils

 14   le faisaient. Ils mangeaient la même nourriture.

 15   Messieurs les Juges, et Mesdames les Juge, Kvocka Miroslav pendant son

 16   séjour, ces 17 jours à Omarska a mangé exactement la même chose que ce

 17   qu'ont mangé les détenus. Maintenant, il s'avère que Kvocka aurait eu

 18   l'intention de participer à une entreprise criminelle commune, alors qu'il

 19   a mangé la même chose que les détenus. Mes collègues disent, mes collègues

 20   de l'Accusation disent, ce n'est pas pareil, il aurait pu amener de quoi

 21   manger de chez lui. Je suis d'accord, il aurait pu amener de quoi manger de

 22   chez lui, mais je parle là d'élément de conscience de sa part. Kvocka et

 23   Nusret Sivac qu'on a mentionné hier, se trouvaient à Omarska, allaient

 24   recueillir, se faire donner le même repas. Kvocka a travaillé pendant 12

 25   heures. Au bout de 12 heures, il mange. Une fois, il s'est relayé, il a été


Page 240

  1   relayé au bout de 24 heures. Les vivres et la qualité de la nourriture

  2   étaient catastrophiques. Je ne le conteste pas, je ne veux pas justifier la

  3   chose.

  4   Mais je parle de l'intention conjointe de persécuter quelqu'un, or il a

  5   mangé la même chose que les autres, et les hommes et les témoins qu'on a

  6   entendu ici ont effectivement affirmé que cette nourriture était en dessous

  7   de tout critère de qualité.

  8   Mais je parle du camp d'Omarska, de son organisation, de sa structure, et

  9   des activités déployées à son niveau.

 10   Je vais maintenant revenir aux questions qui ont quelque chose à voir avec

 11   notre appel. S'agissant des faits, et des erreurs de faits, je tiens à

 12   souligner ce qui suit, pour ce qui est d'un motif, nous avons contesté la

 13   conclusion tirée par la Chambre de première instance disant que M. Kvocka

 14   dans son interview au niveau du bureau du Procureur aurait déclaré que

 15   Zeljko Meakic avait nommé des chefs d'équipe. Nous estimons que cette

 16   déclaration a servi de fondement qui par la suite a permis de construire de

 17   façon erronée, de mettre en place une conclusion qui aurait fait de Kvocka

 18   l'adjoint du chef de la sécurité. Dans notre appel, et dans la réplique

 19   nous avons longuement traité de ces questions. Je me dois de dire qu'aucune

 20   méthode d'interprétation des déclarations faites par M. Kvocka ne serait,

 21   ne fait aboutir aux conclusions qui ont été celles de la Chambre de

 22   première instance, je cite Kvocka, et je le sais par cœur déjà, Kvocka a

 23   dit : "Zeljko Meakic se trouve à avoir nommé dans les équipes certaines

 24   personnes," Il dit : "Au devant de l'équipe."

 25   La Chambre de première instance a interprété cette phrase en entendant


Page 241

  1   "Chef d'équipe." Je dois dire que chef d'équipe existe dans une structure

  2   policière normale. C'est un poste de travail qui existe dans une hiérarchie

  3   policière dans la région d'où je suis originaire. Tout comme il existe des

  4   postes d'emplois ou des emplois qui parlent de chef de patrouille, ou

  5   secteur de patrouille.

  6   Dans sa déclaration, M. Kvocka s'est trouvé être chef d'équipe parce qu'en

  7   1994, il a été nommé chef d'équipe. Autrement dit, M. Kvocka en sa qualité

  8   de policier expérimenté, en sa qualité d'homme qui a fait une école

  9   secondaire de police, sait très bien ce qui est un chef d'équipe et quelles

 10   sont ses tâches. C'est la raison pour laquelle il a parlé du chef d'équipe,

 11   mais ce dont on a parlé Kvocka a dit, disait ce qui suit : "Les personnes

 12   nommées-là, étaient des hommes de permanence." Parlons de ce qui se

 13   faisait, il disait qu'il n'était pas au courant de ce qui se faisait au

 14   juste, il comparait les listings pour savoir qui était venu au travail, et

 15   qui n'était pas venu au travail. C'est ce qui se faisait au niveau de

 16   permanence, mais il n'y a d'interprétation logique ou autre qui permettrait

 17   de conclure que M. Kvocka aurait parlé de chefs d'équipe au pluriel.

 18   Les autres éléments de preuve n'ont fait que confirmer cela par la suite.

 19   Ce qui importe ce n'est pas cela, c'est plutôt l'inverse. Cet élément de

 20   preuve a permis de tirer des conclusions dans la présentation d'autres

 21   éléments de preuve à cet effet. C'est la raison pour laquelle nous estimons

 22   que cette conclusion-là correspond aux normes dont j'ai parlé tout à

 23   l'heure.

 24    Un autre motif que je voulais traiter concerne le travail effectué par la

 25   Chambre de première instance. La question qui s'est posée en effet, c'était


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  1   de savoir si la déclaration de Kvocka auprès du bureau du Procureur puisse

  2   être versée au dossier en tant qu'élément de preuve. Kvocka s'y est opposé,

  3   il a donné des arguments détaillés pour ce qui est des raisons pour

  4   lesquelles il avait fait. Ce que je tiens à souligner ici, c'est une chose

  5   que j'estime être très importantes.

  6   Bons nombres de décisions qui ont été prises par les Chambres de première

  7   instance et les Chambres d'appel ont donné la primauté à l'interrogatoire

  8   direct des témoins en prétoire, et c'est logique, c'est une bonne chose.

  9   Nous avons estimé que M. Kvocka qui est venu témoigner dans le prétoire,

 10   c'était mis de la sorte à la disposition du bureau du Procureur, à la

 11   disposition de la Défense et à la disposition des Juges pour être interrogé

 12   sur toutes les questions les intéressant. Bien entendu, le fondement de cet

 13   interrogatoire-là, de cette audition, notamment, pour ce qui est du bureau

 14   du Procureur avait été le procès-verbal, la déclaration de l'accusé Kvocka.

 15   Il a été interrogé et à un moment donné, à un moment, un élément tragique,

 16   comique est survenu, il a dit à Mme Somers : "N'essayez pas de mettre dans

 17   ma bouche, le fait que j'ai dit que j'étais chef d'équipe, je n'ai pas pu

 18   le dire, je ne l'ai pas dit, et je ne pourrais pas dire une chose

 19   pareille." C'est la raison pour laquelle nous estimons que la décision

 20   disant que ces écritures pouvaient être versées au dossier, devraient faire

 21   une distinction.

 22   Dans notre cas, nous avons deux normes différentes. M. Prcac, et M. Radic,

 23   je pense en fait que les déclarations auprès du bureau du Procureur, ils

 24   n'ont pas témoigné pour leur part devant la Chambre de première instance,

 25   devant le Tribunal. J'ai estimé que dans une situation de cette nature --


Page 243

  1   Ah, je m'excuse, je me reprends. Il y a -- c'était peut-être Kos, peut-être

  2   Prcac et Kos n'ont pas témoigné, mais ils ont fait des déclarations

  3   préalables.

  4   Alors que dans une telle situation, Kvocka a estimé que la Chambre de

  5   première instance avait pu accepter en tant qu'éléments de preuve les

  6   déclarations préalables faites au bureau du Procureur à la différence de la

  7   situation où l'accusé lui a témoigné. Il s'était mis à la disposition de la

  8   Chambre, il a dit, allez-y, Messieurs les Juges, posez-moi des questions

  9   pour que nous tirions tout cela au clair. Dans une situation de cette

 10   nature, nous estimons que la Chambre de première instance n'aurait pas dû

 11   accepter le versement au dossier la déclaration préalable, d'autant plus

 12   que cela vient enfreindre un principe, le principe de l'interrogatoire

 13   direct ou de l'établissement direct de la vérité.

 14   Quelle est la norme qui nous permet d'aboutir à une conclusion qui nous

 15   permettrait de dire, qu'il convient de faire confiance à ce qui a été dit

 16   au  bureau du Procureur à condition que cela ait été dit et traduit de

 17   façon exacte sans qu'il y ait eu serment ou déposition de serment. Quel

 18   poids doit être supérieur, celui ou il s'agit d'une déclaration au bureau

 19   du Procureur ou celui qui y est fait devant le Tribunal, la Chambre de

 20   première instance ? Quelle est la valeur probante de l'une ou l'autre de

 21   ces déclarations ?

 22   Pour ces raisons-là, nous estimons que ce système a été erroné, enfin qu'il

 23   y ait eu erreur de la part de la Chambre de première instance.

 24   Un autre fait se reflète dans ce que je vais dire tout de suite. La Chambre

 25   de première instance a conclu je cite : "Un grand nombre de témoins a


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  1   conclu que Kvocka avait exercé une autorité et qu'il avait eu un poste de

  2   commandement au camp." La Chambre fait état de ces éléments de preuve et je

  3   cite : "Les éléments de preuve notamment ceux qui sont présentés avec

  4   présentation de détails, et d'autres éléments de preuve complémentaires,

  5   abondant dans le sens des allégations disant que Kvocka avait une position

  6   de supérieur hiérarchique."

  7   M. Fila ici hier a dit que Chambre de première instance a tiré une

  8   conclusion au terme de laquelle Kvocka, Radic et Prcac n'avaient  aucune

  9   fonction de supériorité hiérarchique qui impliquerait des éléments de

 10   responsabilité de supérieur hiérarchique, ou de commandant.

 11   Dans un premier groupe de témoins, la Chambre de première instance a cité à

 12   comparaître un témoin Mirsad Alisic le témoin A, Susic Azedin, AG et AI.

 13   Messieurs les Juges, Mesdames les Juges je ne vais pas traiter ici de tous

 14   ces témoins individuellement, mais j'en ai parlé dans mes écritures en

 15   appel. Je tiens à préciser ici certains éléments qui véritablement

 16   invalident les consultations de la Chambre de première instance du point de

 17   vue des faits.

 18   La Chambre de première instance en effet a constaté que Kvocka a quitté

 19   Omarska le 23 juin 1992, c'est la dernière journée de travail de M. Kvocka

 20   à Omarska. Une journée de travail où M. Kvocka a notamment recherché des

 21   explications au sujet de ce qui avait frappé de plein fouet, je vais en

 22   parler plus tard.

 23   La Chambre de première instance a conclu que Sifeta Susic a été arrêté, et

 24   qu'il est arrivé à Omarska, au camp d'Omarska le 24 juin. Messieurs les

 25   Juges, Mesdames les Juges le témoin a témoigné au sujet d'événements et de


Page 245

  1   positions de Kvocka, d'actes et d'agissements de Kvocka après que la date

  2   constatée par la Chambre de première instance comme étant la date du départ

  3   de Kvocka. Cette norme-là est tout à fait erronée.

  4   Il est vrai que M. Kvocka n'a pas contesté que le 27 ou le 28 juin à

  5   l'occasion d'une visite à Omarska, parce qu'il avait des membres de sa

  6   famille détenus là-bas, est venu apporter des médicaments à Mme Susic qui

  7   était une collègue à lui au travail, mes collègues ont dit qu'il n'ont pas

  8   contre-interrogé Mme Susic, nous n'avons pas à contre-interroger une

  9   personne, parce que nous avons estimé qu'il était inutile de le faire, il

 10   s'agit d'une personne qui à aucun moment ne s'est trouvée ensemble avec

 11   Kvocka au camp, pour pouvoir tirer quelle conclusion que ce soit au sujet

 12   de la position, ou des fonctions de Kvocka. Mais mes collègues du bureau du

 13   Procureur passent outre ce fait-là, et oublient que nous avons interrogé,

 14   contre-interrogé Mme Susic, lorsqu'elle a menti devant la Chambre

 15   s'agissant des fonctions de M. Kvocka avant la guerre à Omarska. Elle a

 16   affirmé qu'il était commandant, puis adjoint du commandant de la police, et

 17   il y a eu une scène désagréable à la fin de son témoignage au sujet de ces

 18   événements.

 19    Nous avons conclu que cette dame avait souffert, elle a peut-être souffert

 20   plus que d'autres, elle a eu une motivation, une raison de le faire, elle a

 21   été révoltée à l'égard des gens avec qui elle a travaillé. Elle a travaillé

 22   au poste de Police jusqu'au moment où elle a été chassée de ce poste de

 23   travail en 1992, rien que parce qu'elle était Musulmane. Mais elle a été

 24   chassée de là par Simo Drljaca, et son amertume à l'égard de ses collègues

 25   était tout à fait particulière, mais M. Kvocka s'était efforcé de trouver


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  1   un remède de lui trouver un médicament de l'aider en sa qualité d'homme il

  2   est venu apporter son aide d'homme à homme et on n'en a pas parlé. Dans un

  3   autre groupe de témoins, il est question de Kerim Mesanovic un homme qui

  4   est venu à Omarska en date du 24 lui aussi.

  5   M. Mesanovic Kerim vient témoigner et dire qu'il avait vu Kvocka donner des

  6   ordres à l'intention des gardiens et la Chambre elle même constate que la

  7   dernière journée de travail de Kvocka était le 22 juin, M. Mesanovic n'a

  8   pas même été en mesure de reconnaître M. Kvocka et c'est là tout le système

  9   qui est remis en question, il y a incohérence des conclusions, des

 10   conclusions erronées de la Chambre de première instance, à l'égard de

 11   Kvocka. Le témoin "J" elle affirme qu'elle a été arrêtée le 9, et qu'elle

 12   est arrivée à Omarska le 9. La Chambre accepte la chose comme étant un fait

 13   en raison de l'impossibilité d'apprécier le statut et la position de

 14   Kvocka. Mais la Chambre conclut et prend comme fait réel une chose à savoir

 15   que Kvocka était on ne sait trop quoi, et on écoute les dires de Nusret

 16   Sivac, un autre témoin qui a été amené le 10 juin pour la première fois à

 17   Omarska. Lui est venu témoigner pour dire que la Témoin "J" a été arrêtée

 18   deux ou trois jours après lui. C'est lui qui est allé lui dire qu'elle

 19   allait être arrêtée, voilà ce sont deux faits qui s'annihilent

 20   mutuellement.

 21   Ils ont été arrêtés le même jour, Nusret Sivac, Kerim Mesanovic, et Sifeta

 22   Susic ils ont été arrêtés le même jour, et Sifeta Susic présente les

 23   événements de façon tout à fait opposés au deux autres témoins. Nusret

 24   Sivac lui dit que mi-juillet il a vu Kvocka donner des ordres à Omarska. La

 25   Chambre de première instance n'y voit rien d'illogique pour se demander de


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  1   quel fait on est en train de parler.

  2   Je veux bien admettre qu'il ait pu y avoir des permutations dans les

  3   souvenances -- souvenirs des uns et des autres, mais on ne peut pas

  4   affirmer voir un témoin témoigner de façon impertinente et affirmer que

  5   Kvocka donnait des ordres, alors qu'il n'a jamais vu Kvocka dans ce

  6   contexte-là. Ce sont là les conclusions erronées de la Chambre de première

  7   instance. Je tiens à préciser en particulier ce qu'il y a de plus important

  8   dans ces erreurs de fait, aucun des témoins sus mentionnés n'a parlé de

  9   Kvocka pour dire que c'était lui l'adjoint du commandant du service de

 10   garde. Le témoin Mirsad, je l'ai cité pour inciter le bureau du Procureur à

 11   adopter une approche plus restrictive, parce que ce type de témoin

 12   constitue un grand danger à l'égard de la justice.

 13   Ce témoin a dit Kvocka en date du 31 mai a affirmé qu'il était commandant

 14   du camp, la Chambre de première instance rejette cette constatation au

 15   terme de laquelle Kvocka aurait été commandant du camp, mais tire de cette

 16   constatation rejetée un élément disant qu'il était adjoint du commandant

 17   des services de garde, mais aucun point de contact entre les deux, et c'est

 18   un élément, une erreur plus grave encore. Pour ce qui est du témoin

 19   Oklopcic Azedin. La Chambre de première instance conclut et dit ce qui suit

 20   : le témoin Oklopcic pour affirmer que Kvocka et Meakic avaient fait des

 21   permanences de 24 heures, alors que les autres avaient fait des permanences

 22   de 12 heures, c'est de là que Oklopcic titre une conclusion au terme de

 23   laquelle Kvocka avait un statut et une position et une fonction tout à fait

 24   autre. C'est sa conclusion à lui.

 25   La Chambre de première instance rejette la première des prémices parce


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  1   qu'elle a constaté que tous avaient des équipes d'une durée de 12 heures.

  2   Elle tire une autre conclusion au terme de laquelle Kvocka était ce qu'il

  3   était. Mais aucun témoin n'a dit, n'a mentionné le fait au terme duquel

  4   Kvocka aurait été adjoint du chef du service de garde, pas un seul.

  5   Pour ce qui est des appréciations formulées, et nous parlons -- et nous

  6   avons mentionné Nusret Sivac, c'est une histoire à part, son témoignage à

  7   Nusret Sivac s'est un événement du 10 juin, un événement réel, Kvocka y a

  8   pris part, mais de façon positive. Il est vrai que Nusret Sivac en date du

  9   10 juin, lui était aussi policier. Il a été amené à Omarska. Il est vrai

 10   que les membres de peloton d'intervention à ce moment-là l'avaient malmené,

 11   cela s'est un fait. Il est un fait également que Kvocka à ce moment-là

 12   était homme de permanence à Omarska, il est arrivé, il a vu la scène. En sa

 13   qualité de policier, en sa qualité de policier, en sa qualité d'homme qui

 14   connaissait Nusret Sivac, qui connaissait sa famille même, et je dirais

 15   même plus, que la sœur de celui-ci vivait avec l'oncle de Kvocka. Il est

 16   allé le voir, et il lui a dit : "Comment se fait-il que tu sois là ?" 

 17   Kvocka s'étonne de le voir là.

 18   A ce moment-là, en tant que responsable de permanence, en tant que personne

 19   souhaitant porter son aide à quelqu'un, il va se renseigner, il revient en

 20   disant que Ranko Mijic l'un des chefs de ce groupe d'enquêteurs a dit qu'il

 21   avait été arrêté par erreur, qu'en fait, on voulait arrêter quelqu'un

 22   d'autre, et qu'il fallait lui le ramener chez lui. Mais chaque fois que

 23   Kvocka en avait la possibilité, il intervenait, il allait voir les membres

 24   de son groupe d'intervention au sujet desquels Simo Drljaca écrit que

 25   personne n'est en mesure de dire à ces hommes que le travail ne doit pas se


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  1   faire de cette façon, Simon Drljaca leur chef. Il est allé, lui Kvocka les

  2   voir pour intervenir.

  3   C'est de cela que les Juges de la Chambre de première instance tirent la

  4   conclusion qu'il était chef du camp parce qu'il a essayé de faire cesser ce

  5   genre de chose. Kvocka dans sa déclaration a dit à un moment très

  6   explicitement : "Si j'avais voulu me cacher dans mon coin, personne, je ne

  7   serais pas devant vous aujourd'hui. Je serais resté inconnu, alors qu'en

  8   fait, je me suis fait connaître, j'ai apporté mon aide à des gens, j'ai

  9   très publiquement apporté des paquets aux détenus." C'est en partie pour

 10   cette raison que plus tard, il sera chassé d'Omarska, renvoyé en raison de

 11   son état de conscience.

 12   Alors voilà, en 10 minutes, vous ne connaissez pas la structure du camp,

 13   vous ne connaissez pas la hiérarchie du camp, vous ne connaissez rien du

 14   camp, et en 10 minutes, vous tirez la conclusion que Kvocka était le

 15   commandant du camp. Mais sur quelle base vous fondez-vous dans cet espace

 16   de 10 minutes pour prononcer une telle conclusion ? Un fait qu'ici ou

 17   [imperceptible] pourrait démonter qu'il aurait commis un crime de guerre.

 18   En fait, c'est un homme qui a été marié, qui avait deux sœurs mariées à des

 19   Musulmans, il fait partie de cette communauté multiethnique qui habitait

 20   dans la région. Sa fille avait épousé un Croate, et il a vu son petit fils

 21   lorsqu'il a été remis en liberté pour la première fois.

 22   C'est sur la base d'une appréciation faite en 10 minutes, des propos tenus

 23   par le témoin Nusret Siva qui a vu que Kvocka marchait dans le camp au mois

 24   de juillet et donner des ordres, que cette conclusion a été tirée.

 25   Je pense que nous avons bien cité les témoignages de tous les témoins, mais


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  1   revenons-y plus en détail. Le témoin A, nous en avons déjà discuté

  2   longuement hier, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, ce

  3   témoin a passé simplement deux jours à Omarska, deux jours où Kvocka a été

  4   présent également. Il a été arrêté entre le 16 et le 18, Kvocka était

  5   absent selon les conclusions de la Chambre de première instance en cette

  6   période. Il est venu travailler le 20 pendant deux jours, et le troisième

  7   jour, il a passé le temps à aller à gauche à droite, à vaquer à ses

  8   occupations. Un témoin totalement peu fiable pour la partie principale de

  9   l'acte d'accusation contre Radic qui cependant a semblé suffisamment fiable

 10   pour que la conclusion soit tirée sur la base de sa déposition, que chaque

 11   fois qu'il y avait un problème, Kvocka allait contacter les hommes de la

 12   sécurité. Les Juges de la Chambre ensuite en mettant entre parenthèses les

 13   réalités des personnes ont fait connaître leurs conclusions que l'on trouve

 14   dans le compte rendu d'audience, mais il s'agissait uniquement d'hommes qui

 15   étaient de permanence dans cet instant.

 16   Nous ne contestons pas le fait que le fait que Kvocka ait été de permanence

 17   à certain moment, nous ne contestons pas le fait que son statut d'homme

 18   sans responsabilités particulières pouvait apparaître comme différent. Nous

 19   ne contestons même pas une déclaration faite aux Juges de la Chambre selon

 20   laquelle Kvocka avait apporté son soutien au commandant de son poste de

 21   Police. Oui, il a apporté son soutien, mais il n'a pas soutenu des crimes

 22   de guerre, il n'a pas soutenu -- il n'a fait que soutenir et appuyer des

 23   activités de policier tout à fait régulières.

 24   Au début du mois de juin, les policiers ont reçu leur affectation. Ils

 25   estimaient que ces affectations étaient légitimes puisqu' elles étaient


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  1   conformes aux règlements et aux procédures policières prévalant dans cette

  2   période. Au mois de mai, à la fin du mois de mai 1992, 99 % de ces

  3   policiers qui étaient des gens tout à fait normaux ont vu ce qui s'est

  4   passé, ont eu du mal à y croire. Les gens n'ont pas réussi à croire, ne

  5   pouvaient pas croire à ce moment-là qu'une guerre allait éclater. Les gens

  6   ne pouvaient pas croire qu'un conflit de quelque nature que ce soit allait

  7   éclater. Il y avait de la propagande, il y avait de la crainte, mais dans

  8   ces conditions les gens poursuivaient leur travail normalement.

  9   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, je ne vais pas

 10   m'appesantir sur les faits. Je considère que vous pourrez comparer toutes

 11   les déclarations faites par les témoins et tout ce que vous avez entendu,

 12   et vous pouvez conclure que la Chambre de première instance a commis une

 13   erreur.

 14   S'agissant des points de droit, j'admets les décisions rendues dans le

 15   procès Ojdanic qui a défini un certain nombre de critères.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Il vous reste 20 minutes.

 17   M. K. SIMIC : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Cela sera

 18   suffisent.

 19   J'admets la position adoptée au sujet de l'entreprise criminelle conjointe

 20   qui a été admise par la pratique, démontrée par la pratique de ce Tribunal

 21   comme étant une forme de responsabilité, et j'admets que certains critères

 22   doivent être appliqués pour prouver son existence et que ces critères sont

 23   en partie justifiés, critères définis en fonctions des conclusions du

 24   procès Tadic. Mais, nous ne pensons pas qu'il existe une différence entre

 25   les deux catégories que j'avais évoquées maintenant. La deuxième catégorie


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  1   du jugement dépend de la nature de l'affaire. Nous souhaitons contester la

  2   chose suivante, Kvocka ou plutôt l'état d'esprit de Kvocka n'a pas été

  3   démontré par les Juges de la Chambre de première instance, il n'a pas été

  4   démontré qu'il avait une connaissance suffisante de la situation, une

  5   intention précise d'entreprendre cette participation à une entreprise

  6   criminelle commune. Kvocka a passé uniquement 17 jours à Omarska. Pendant

  7   ces 17 jours, il y a eu une interruption de 4 jours à deux reprises, entre

  8   le 29 et le 2, il a quatre jours de repos, et il a travaillé 10 jours, et

  9   ensuite, il a de nouveau eu quatre jours de repos, où il n'était pas à

 10   Omarska.

 11   Soit, c'est la preuve qu'il n'avait pas la possibilité d'être conscient de

 12   tout ce qui se passait dans le camp, et qu'il ne pouvait pas partager la

 13   moindre intention à ce sujet. J'aimerais appeler l'attention des Juges de

 14   la Chambre d'appel sur le fait que Kvocka a été chassé du camp d'Omarska,

 15   renvoyé, il a été renvoyé en raison des rapports qu'il avait avec ses

 16   frères et les membres de sa famille, et en raison du fait qu'il a démontré

 17   son désaccord en public.

 18    La Chambre de première instance déclare, que l'aide qu'il a apportée à ces

 19   personnes était limitée. Ceci est absolument exacte parce qu'à l'époque,

 20   enfin la région traversait une crise économique à l'époque et qu'il n'y

 21   avait pas de farine, pas d'huile, pas de vivres de première nécessité,

 22   beaucoup d'aliments manquaient et Prijedor était encerclé. Mais il a

 23   apporté ce qu'il a pu trouver, il a apporté des paquets que certains

 24   membres des familles envoyaient à leurs proches par son intermédiaire. De

 25   nombreuses personnes l'ont dit dans leur déposition, contrairement à


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  1   d'autres il a fait cela ouvertement, parce qu'il pensait que personne

  2   n'avait le droit d'empêcher quiconque d'apporter des paquets aux détenus,

  3   et ceci a été sa première faute. Sa deuxième faute apparemment était venue

  4   du fait qu'il était marié à une Musulmane et que ses sœurs --

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Simic vous êtes arrivé

  6   au terme du temps qui vous était imparti, mais nous vous proposons quelques

  7   minutes supplémentaires, cependant, il faut que vous laissiez du temps aux

  8   Juges pour poser des questions ?

  9   M. K. SIMIC : [interprétation] Je ferais de mon mieux Monsieur le

 10   Président.

 11   Pour cette raison Monsieur le Président, je vais parler de l'intention de

 12   Kvocka, s'agissant de cette entreprise criminelle commune, et par rapport à

 13   l'accusation de persécution, je vais parler de cela assez rapidement. Les

 14   éléments que j'évoque à présent indiquent que l'absence d'intention

 15   discriminatoire, et l'absence de volonté d'apporter son soutien à une

 16   entreprise criminelle commune de la part de Kvocka qui est marié à une

 17   femme Musulmane, ses deux sœurs sont mariées également à des Musulmans.

 18   Kvocka manifeste ouvertement sa sympathie à l'égard des Musulmans, il l'a

 19   dit aux Musulmans et à l'époque c'est cela qui a été sa plus grande faute.

 20   Parce que les Juges de la Chambre de première instance ont entendu un

 21   témoin, un policier je répète que c'était un policier qui dans sa

 22   déposition a dit ce qui suit je cite : "Lorsque Kvocka est arrivé, à

 23   commencer à travailler au poste de Police de Tukovi, qui est le poste de

 24   Police de la police territoriale, cet homme fait référence au commandant de

 25   son poste de Police et dit que celui l'aurait averti par les mots suivants,


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  1   fait attention un ennemi arrive.

  2   Ensuite nous avons entendu un autre témoin qui a déposé devant ce Tribunal,

  3   Zdravko Samardzija qui était membre des services de sécurité et à qui M.

  4   Drljaca demande d'intercepter les conversations téléphoniques de Kvocka,

  5   parce qu'il pense que Kvocka était un ennemi des idées qu'applique à

  6   l'époque Simo Drljaca.

  7   Nous avons ce témoin qui témoigne. Je pense un autre témoin qui témoigne

  8   également, il s'appelle je crois Kondic, et il confirme que Kvocka était

  9   menacé publiquement. Nous avons également le témoignage de cette femme qui

 10   est une bosnienne, qui déclare que pendant toute la guerre, et vous aurez

 11   sans doute un peu de mal à comprendre la chose dans ces détails, Mesdames

 12   Messieurs les Juges, mais il dit que un jeune homme un bosnien à passer

 13   toute la guerre dans la maison de Miroslav Kvocka en dormant dans la même

 14   pièce que son fils Sinisa. Elle dit cela dans son témoignage devant le

 15   Tribunal, cette femme qui est venue témoigner.

 16   Cette femme a parlé et dit qu'après la guerre malheureusement elle a dû

 17   quitter le pays, et qu'elle habite actuellement en Suède, elle est venue

 18   depuis le Tribunal depuis la Suède en parcourant tout ce chemin pour

 19   témoigner que Kvocka n'avait aucune intention discriminatoire. Mais seuls

 20   les Juges peuvent décider que Kvocka a effectivement apporté son aide

 21   chaque fois qu'il a pu sans rien demander en retour. Les choses se

 22   passaient en 1992, Kvocka est resté debout devant le canon d'un fusil, des

 23   autobus étaient arrivés et Kvocka s'est tenu devant ces personnes, alors

 24   que des hommes à bord de ces autobus avaient commencé à tirer pour empêcher

 25   que les coups de feu ne continuent. Il y a des témoins qui ont parlé de


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  1   cela, Branko Rosic, Milen Rosic et un autre témoin Misic cette personne qui

  2   a été blessée dans la fusillade a également fourni une déclaration écrite,

  3   alors pouvez-vous imaginer quelque chose de si ironique, de si contraire à

  4   tous les principes légaux, pouvez-vous imaginer quelqu'un qui agirait de

  5   cette façon, or le Procureur accuse M. Kvocka d'être le co-auteur d'un

  6   meurtre lorsqu'il s'est tenu devant cette personne, devant un homme enragé

  7   en particulier pour sauver la vie de toutes les autres personnes présentes

  8   en faisant écran par son corps.

  9   Dans l'acte d'accusation les mots co-auteurs sont néanmoins utilisés, et

 10   Kvocka était condamné à ce titre. Quand on examine les conclusions des

 11   juges on se rend compte que ceci n'avait aucun fondement pour condamner

 12   Kvocka en tant que participant à une entreprise criminelle commune.

 13   Vous constaterez Mesdames, Messieurs les Juges, parce que je manque de

 14   temps à présent que vous constaterez ce qui s'est passé au niveau de

 15   l'analyse des meurtres. L'Accusation elle même admet que Kvocka ne peut pas

 16   être considéré comme auteur de persécutions sexuelles, ou l'auteur de trois

 17   meurtres et cependant, les charges retenues dans l'acte d'accusation

 18   demeurent. Nous avons également le jugement des juges en première instance,

 19   qui déclarent que Kvocka peut-être considéré comme responsable uniquement

 20   de ce qui s'est passé pendant qu'il était présent dans le camp.

 21   Pas un seul meurtre puisque à présent je vais aborder le problème des

 22   meurtres, il n'y a pas eu lieu à Omarska lorsque Kvocka y était présent. Le

 23   meurtre de Becir Medunjanin s'est produit pendant la permission de quatre

 24   jours de Kvocka. Le seul meurtre qui s'est produit à Omarska pendant que

 25   Kvocka était dans les parages, a eu lieu le 12 juin, mais ceci au cours


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  1   d'une nuit pendant laquelle il était de permanence, comment est-ce que

  2   Kvocka peut-être considéré comme auteur ou co-auteur dans ces conditions ?

  3   Nous estimons que le principe régissant l'entreprise criminelle conjointe,

  4   devait s'appliquer à chaque meurtre individuellement et pas à l'ensemble

  5   des meurtres considérés comme un tout.

  6   Dans notre mémoire vous trouverez des détails complémentaires à ce sujet,

  7   mais je dois revenir sur le jugement des juges en première instance, dans

  8   l'affaire Blagoje Simic, il y avait une cellule de Crise évoquée dans cette

  9   affaire et les questions en jeu, étaient très semblables à celles qui nous

 10   intéressent dans notre affaire. La Chambre de première instance a conclu

 11   qu'il existait une entreprise criminelle commune, mais croyez-vous que les

 12   normes que les critères ont été établis. Le critère c'était l'existence

 13   d'une cellule de Crise, Blagoje Simic et consort. Voilà l'affaire dont je

 14   parle.

 15   Simo Zaric Zaric un homme de haut rang qui commandait les services de

 16   sécurité qui selon les Juges de la Chambre de première instance ont mené

 17   des enquêtes et des interrogatoires, Miroslav Tadic qui a participé à des

 18   opérations d'échanges, des hommes qui ont été responsables de déplacement

 19   au sein de la population n'ont pas été condamnés. Comme ayant appartenu à

 20   une entreprise criminelle conjointe.

 21   Je vais essayer de développer un peu, nous sommes peut-être dans la

 22   présente affaire à un niveau différent. Vous avez nos écritures entre vos

 23   mains, même si les Juges en première instance, même si vous considérez que

 24   les jugements en première instance sont justifiés quant au fait, et que

 25   Kvocka était effectivement l'équivalent d'un commandant adjoint des


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  1   services de gardien, je pense que ceci ne suffit pas, comparer le rôle

  2   qu'il joue à Omarska au rôle qui était joué par les gardiens dans les camps

  3   de la Seconde guerre mondiale. Kvocka lui appartenait au niveau des

  4   responsables de sécurité les plus bas qui soient, il s'agissait de la

  5   sécurité interne d'un camp, de gens qui n'avaient aucune possibilité de

  6   changer quoique ce soit aux conditions de vie des prisonniers, ou au

  7   système qui était en fonction, c'était uniquement des observateurs, et la

  8   grosse chance de Kvocka c'est qu'il a été expulsé de ce camp de façon très

  9   humiliante peut-être, mais qu'il en a été expulsé car cela lui a évité

 10   d'assister à des scènes que personne ne devrait jamais voir de ses yeux.

 11   Merci. 

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Simic, je prends bonne

 13   note des arguments développés par vous, j'aimerais maintenant me tourner

 14   vers mes collègues les Juges pour leur demander s'ils ont des questions.

 15   Monsieur le vice-président Pocar a des questions.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, merci beaucoup, j'apprécie

 17   également vos arguments, Maître Simic, mais j'aimerais vous poser une

 18   question pour essayer de comprendre plus complètement la position qui est

 19   la vôtre sur un point en particulier.

 20   Vous avez dit que les Juges de la Chambre de première instance ont commis

 21   une erreur au sujet de l'interprétation qu'ils ont fait de la déclaration

 22   de M. Kvocka au moment où il a témoigné devant la Chambre. Vous avez dit

 23   que, admettre sa déclaration préalable était en fait une violation du

 24   principe prévalant qui est le principe de l'importance de l'oralité d'un

 25   témoignage.


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  1   Alors, j'aimerais vous poser une question pour être tout à fait sûr d'avoir

  2   bien compris votre position. Soutenez-vous la position que lorsqu'une

  3   déclaration préalable est remise à l'Accusation et que l'accusé par la

  4   suite témoigne oralement devant la Chambre, la déclaration préalable écrite

  5   doit être totalement laissée de côté, ou  estimez-vous qu'il y a

  6   contradiction dans les propos écrits dans la déclaration préalable, et dans

  7   les propos prononcés oralement dans son témoignage par l'accusé ? En

  8   d'autre terme, estimez-vous que lorsqu'un accusé témoigne oralement devant

  9   une Chambre tout ce qui figure dans sa déclaration préalable écrite remise

 10   à l'Accusation doit être vérifiée point par point au cours de

 11   l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire afin de pouvoir

 12   servir d'éléments de preuve dans le procès, et que toute contradiction

 13   entre ce qui est écrit et ce que l'accusé dit, l'accusé témoigne, dit

 14   oralement peut servir de base en tant qu'élément de preuve ?

 15   J'aimerais bien comprendre votre position sur ce point.

 16   M. K. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Juge, d'abord je considère que

 17   si l'accusé est entendu en tant que témoin, sa déclaration préalable ne

 18   doit pas être versée au dossier, ne doit pas être considérée comme élément

 19   de preuve, car cela crée la possibilité pour ceux qui posent les questions

 20   au témoin de l'interroger sur tous les points et sur les moindres points de

 21   sa déclaration préalable. Mais au cas où les Juges de la Chambre admettent

 22   le versement au dossier d'une telle déclaration préalable, alors

 23   l'utilisation par les Juges de cette pièce est la question suivante qui se

 24   pose.

 25   A mon avis, les Juges de la Chambre de première instance pouvaient admettre


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  1   les parties de la déclaration qui n'ont pas fait l'objet d'un contre-

  2   interrogatoire. Je m'explique, je vais vous donner un exemple. Dans la

  3   déclaration de Kvocka, il y a une phrase qui a fait l'objet de pas mal de

  4   débat, nous avons discuté pendant une quarantaine de minutes de cette

  5   phrase particulière qui a également fait l'objet de questions posées par

  6   l'Accusation à Kvocka. Nous avons tenu compte dans ces quarante minutes de

  7   débat de la conclusion tirée par les Juges en première instance au sujet de

  8   cette phrase. Ce qu'il convient à mon avis d'admettre, ce n'est pas la

  9   phrase qui est écrite dans la déclaration préalable, mais ce que l'accusé

 10   témoignage, dit au sujet du même fait dans sa déposition orale.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci beaucoup. J'aimerais maintenant

 12   vous demander dans le même ordre d'idées si vous admettez la possibilité ou

 13   si vous n'admettez pas la possibilité d'utiliser la déclaration préalable

 14   écrite d'un accusé témoin pour établir sa crédibilité ? Quelle est votre

 15   position à ce sujet ? Si une contradiction apparaît entre la déclaration

 16   préalable écrite et le témoignage oral, admettez-vous la possibilité

 17   d'utiliser la déclaration préalable écrite pour démontrer la crédibilité ou

 18   non du témoin ? J'aimerais avoir votre position sur ce point ?

 19   M. K. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je pense que le contre-

 20   interrogatoire fournit la même possibilité. Dans la pratique des

 21   interrogatoires, de pratique courante de soumettre cette déclaration

 22   préalable au témoin. Je pense que la crédibilité du témoin peut être

 23   établie au cours du contre-interrogatoire qui se mène devant les Juges de

 24   la Chambre de première instance. Autrement dit, je pense qu'il est compris

 25   dans cette situation, la déclaration préalable ne doit pas être versée au


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  1   dossier. C'est le cas d'ailleurs pour les déclarations préalables des

  2   autres témoins.

  3   Je ne sais pas quelle différence peut exister entre un témoin accusé et un

  4   témoin oculaire des faits s'agissant de ce point.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Simic. A

  6   présent, votre position est à mesure tout à fait claire.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur le juge Guney.

  8   M. LE JUGE GUNEY : Maître Simic, je tiens également à vous remercier pour

  9   votre présentation. Je voudrais avoir des précisions sur une question qui

 10   est la suivante : "Vos collègues qui vous ont précédé dans leurs

 11   présentations pour M. Meakic, ils ont utilisé le titre et chef de sécurité

 12   du camp." Vous avez dit qu'il s'agissait du commandant du service du garde.

 13   Est-ce que le commandant du service de garde d'un camp ainsi que le chef de

 14   sécurité sont deux choses différentes ou vous parlez de la même chose ?

 15   Dans cet ordre d'idée, dans le champ de commandement, votre client était

 16   attaché à qui ? Était sous le contrôle de qui ?

 17   M. Meakic ou que vous avez dit le commandant du service du garde. Merci.

 18   M. K. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je me rends bien compte

 19   que la terminologie utilisée crée souvent des ambiguïtés. M. Meakic était

 20   effectivement le chef du poste de Police d'Omarska qui était un département

 21   d'un commissariat. Ce département d'Omarska avait reçu pour mission

 22   d'assurer la sécurité du camp. Cela veut dire des gens qui d'une certaine

 23   façon étaient sous la responsabilité, sous les ordres de Zeljko Meakic sont

 24   affectés à des tâches extraordinaires, et dans le cadre de ces tâches

 25   extraordinaires, Kvocka lui aussi avait certaines choses à faire.


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  1   Pour que les choses soient tout à fait claires à vos yeux parce que je suis

  2   moi-même de cette région, selon les réglementations de la police, le chef

  3   d'un département d'un poste de Police n'a pas le statut d'un officier

  4   supérieur. Il est à un niveau hiérarchique très faible. Mais effectivement

  5   les hommes du département de police qui est une sous section d'un

  6   commissariat de police lui sont subordonnés. Le département de police à son

  7   chef, et le chef du poste de Police lui, est le supérieur de Meakic, de

  8   Kvocka et de tous les autres policiers. Puis, on a le chef adjoint de la

  9   police qui est le supérieur de tous ces hommes. Le chef adjoint de la

 10   police selon les ordres donnés devait contrôler toute la structure du camp

 11   d'Omarska et au sommet de la pyramide, on trouvait le chef des services de

 12   la sécurité de la République.

 13   Alors ce qui s'est passé, c'est la chose suivante, M. Meakic était chef du

 14   département du poste de Police, de facto il était le chef des gardes, le

 15   chef de la sécurité parce que le terme qui s'applique, et le terme de

 16   "Chef." C'était le supérieur de Kvocka, ainsi que le supérieur de Radic, et

 17   de Prcac ainsi que de tous les hommes qui faisaient partie des services de

 18   sécurité.

 19   Les Juges de la Chambre de première instance ont parlé de chef des services

 20   de sécurité, mais il y a deux fonctions distinctes. Il faut bien

 21   comprendre. D'un côté, le chef des services de sécurité, d'un côté le chef

 22   du département du poste de Police, et de l'autre, le chef des services de

 23   sécurité, le terme chef des services de sécurité a également été utilisé

 24   dans l'affaire Sikirica lorsqu'on a étudié la signature et l'ordre du chef

 25   des services de sécurité.


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  1   M. LE JUGE GUNEY : Monsieur le Maître, pour en finir avec la question.

  2   Votre client dans la chaîne de commandement, était attaché au chef du

  3   service de sécurité ou au chef du département comme vous avez dit ? Est-ce

  4   que vous pouvez préciser lequel ?

  5   M. K. SIMIC : [interprétation] De l'un et de l'autre, parce que lui c'était

  6   un policier dans les structures extraordinaires dont j'ai parlé. Zeljko

  7   Meakic est son chef aussi bien au département qu'au niveau des forces de

  8   sécurité. Les deux, c'est un seul et même homme Zeljko Meakic.

  9   M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur le Maître.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame le Juge Mumba.

 11   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Monsieur Simic, reprenons par rapport à la réponse que vous avez faite à la

 13   question du Juge Pocar, le vice-président, sur la question de la

 14   déclaration faite par l'Accusation, recueillie par l'Accusation au moment

 15   de leur enquête auprès de votre client, l'appelant. Aussi l'acceptation du

 16   statut de son témoignage devant la Chambre. Je voudrais simplement être

 17   bien clair sur un point. Est-ce qu'il s'agissait d'une déclaration qui a

 18   été enregistrée par le bureau du Procureur ou enregistrée avant cela ? Est-

 19   ce qu'il avait été averti du fait que tout ce qu'il pourrait dire, va être

 20   utilisé contre lui comme élément de preuve ?

 21   M. K. SIMIC : [interprétation] Madame le Juge, nous n'avons absolument

 22   aucune objection,  sur aucun élément de cette déclaration. Elle est

 23   juridiquement parfaite. Nous voulions simplement évoquer un point de droit.

 24   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je donne la parole au Juge


Page 263

  1   Weinberg de Roca.

  2   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie. J'ai

  3   juste une brève question à poser. Vous avez dit dans vos conclusions,

  4   Maître Simic, que M. Kvocka n'était pas responsable d'un meurtre le 12 juin

  5   parce qu'il était de service, et le compte rendu d'audience dit cela. Est-

  6   ce que c'est bien cela qu'il faut comprendre ?

  7   M. K. SIMIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge. Je n'ai

  8   pas suivi le compte rendu d'audience. Kvocka était à Omarska, il n'avait

  9   pas de jours de congé, mais ceci ne s'est pas passé au moment de son tour

 10   de garde, quoi qu'à ce jour-là, il travaillait le matin jusqu'à 6 heures.

 11   Le meurtre a eu lieu à 6 heures et cela s'est passé au moment où il n'était

 12   plus de service pendant quelques heures si je peux utiliser cette

 13   expression. C'est le seul meurtre qui coïncide avec ces 17 jours auxquels

 14   le procès de la Chambre se limite.

 15   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 16   M. K. SIMIC : [interprétation] Je vous remercie aussi.

 17   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une toute petite question,

 18   Maître Simic. Qu'en serait-il si l'accusé adopterait sa déclaration

 19   antérieure. Est-ce qu'elle est devenue d'une façon générale admissible

 20   devant le tribunal ?

 21   M. K. SIMIC : [interprétation]  Monsieur le Président, j'ai fourni ma

 22   position sur la situation qui s'était produite en ce qui concerne M.

 23   Kvocka. Encore une fois, je voudrais vous dire que je considère que c'est

 24   une question de primauté de savoir si c'est une déclaration directe faite à

 25   la Chambre de première instance ou si c'est une déclaration tout court


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  1   indépendamment de la situation de savoir lorsque vous avez une déposition

  2   directe, elle a la primauté, le témoignage direct à la primauté. La

  3   déclaration ne devrait pas être utilisée même si elle est à l'avantage de

  4   l'accusé lui-même.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'était

  6   quelle serait la position si au cours de la déposition directe dans le

  7   prétoire, l'accusé adopte directement ce qui a été dit dans la déclaration

  8   écrite fournie précédemment ?

  9   M. K. SIMIC : [interprétation] Monsieur le Président, il accepte de par son

 10   témoignage, et il répète. C'est une situation à mon avis dans laquelle il

 11   n'est pas nécessaire de l'introduire, de la verser parce que le témoignage

 12   répète sa déclaration, sa déposition, il démontre ce qu'il a dit

 13   précédemment à l'Accusation.

 14   Mais je fais une négation. Nous continuons de dire que ceci est simplement

 15   une question de la pratique judiciaire du Tribunal. Mais dans la

 16   déclaration, nous continuons de soutenir que Kvocka n'avait jamais dit

 17   cela. Je pense que nous nous comprenons.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Maître Simic,

 19   au nom des membres de la Chambre d'appel. Je voudrais également dire mes

 20   remerciements aux interprètes qui ont travaillé au-delà des délais

 21   habituels.

 22   Je lève la séance pour 30 minutes.

 23   --- L'audience est suspendue à 11 heures 05.

 24   --- L'audience est reprise à 11 heures 36.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous allons maintenant entendre


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  1   le plaidoyer pour le dernier appelant. Est-ce que vous êtes prêt Maître

  2   Stojanovic ?

  3   M. STOJANOVIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup Monsieur le

  4   Président, je vais m'efforcer de présenter d'avance des excuses pour les

  5   explications peut-être pas suffisamment développées que je formulerais par

  6   la suite. J'avais l'intention en fait de mettre définitivement au point mon

  7   texte aujourd'hui, toutefois dû à certain changement de calendrier, je n'ai

  8   pas eu le temps de le faire. Il faut toujours aux juristes des excuses à

  9   trouver.

 10   Je crois que précédemment je vais m'y référer à quelque chose qui avait été

 11   dite par le juriste allemand, Savigny, qui avait dit que "Le droit est la

 12   mathématique des concepts." Des opérations mathématiques complexes doivent

 13   être traitées par écrit et c'est très difficile de le faire oralement.

 14   Cette question juridique, dont nous traitons maintenant est très complexe,

 15   et je vais me servir d'un texte écrit dont je vais donner lecture

 16   maintenant.

 17   Je dois présenter d'avance mes excuses à mon client Zoran Zigic, pour les

 18   mots par lesquels je vais commencer mon exposé à savoir je pense que le

 19   jugement de la Chambre de première instance porterait préjudice non

 20   seulement à M. Zigic, mais ce qui m'affecte personnellement c'est

 21   l'institution même de la défense qui en subit les conséquences, et qui

 22   subit en préjudice la Défense en tant qu'institution qui est indispensable

 23   dans toute procédure, dans tout procès dont le rôle dans une procédure doit

 24   être sur un pied d'égalité avec l'Accusation.

 25   Première lecture du jugement de la Chambre de première instance, j'ai été


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  1   absolument stupéfait à aucun endroit dans ce jugement, je n'ai pu

  2   reconnaître ce que j'avais dit ou quoique ce soit de ce que moi-même ou

  3   d'autres collègues ou d'autres équipes de la Défense avaient dit en faveur

  4   de l'accusé, et moins encore qui est en effet la moindre utilisation.

  5   Après cela j'ai essayé de me mettre dans la position de quelqu'un qui ne

  6   savait rien du tout de l'affaire, et du procès et j'ai relu une nouvelle

  7   fois soigneusement le jugement, et de ce point de vue je suis parvenu à la

  8   conclusion ferme qu'en ce qui concerne la plus grande partie des charges

  9   contre l'accusé Zigic, il n'y avait eu en fait aucune défense, et que dans

 10   les moyens de défense qui avaient été évoqués la Défense avait

 11   exclusivement contribué à conduire vers une condamnation plus encore même

 12   que l'Accusation l'avait fait.

 13   Pour finir je suis arrivé à faire une appréciation selon laquelle la

 14   défense de M. Zigic avait été abominablement mauvaise, et qu'il aurait bien

 15   fallu pour M. Zigic de ne pas avoir eu de défense du tout, de conseil de

 16   Défense du tout.

 17   Un jugement est un document à caractère public, un document qui dans cette

 18   institution a le plus d'importance. Avec un jugement comme celui-ci que la

 19   Chambre de première instance a donné au public non seulement une image, non

 20   seulement terriblement minimisée mais également très déformée de ce

 21   qu'avait été la défense de Zigic.

 22   Une juridiction peut se tromper à la fois dans l'appréciation des faits, et

 23   dans l'application du droit mais elle n'a pas le droit d'éliminer en

 24   quelque sorte la Défense sous les yeux du monde entier de façon désinvolte

 25   ou délibérée, et pas non plus dans l'intérêt de ce Tribunal d'avoir des


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  1   équipes de Défense, qui comparaissent devant elle qui soient constituées de

  2   juristes extraordinairement incompétents. Evidement les Juges de la Chambre

  3   de première instance sont d'une lassitude importante pour interpréter les

  4   arguments de la Défense, mais ils ont pour devoir de procéder à cette

  5   interprétation dans un cadre équitable. Finalement les répercussions d'une

  6   telle démarche, lèsent principalement l'accusé Zigic.

  7   Je dirais à présent quelques mots au sujet des critères que la Chambre

  8   d'appel applique ou peut appliquer. Nous avons déjà exprimé des doutes

  9   quant à la signification du fait que la Chambre de première instance

 10   constitue d'une certaine façon un détecteur de mensonge, à savoir qu'elle

 11   peut mieux apprécier la crédibilité du témoin qui comparait devant elle.

 12   Quelques mots également au sujet du caractère inadmissible du critère de

 13   réponse consolidée, au mémoire de l'appelant que nous avons soumis le 10

 14   décembre 2002. Je pense que la pratique de la Chambre d'appel, en dépit de

 15   son caractère implicite a tout de même confirmé de toutes les façons

 16   possibles l'aspect inadmissible de ce critère qui est décrit dans le

 17   jugement, dans l'arrêt de la Chambre d'appel sur l'affaire Tadic.

 18   Ce critère d'une personne raisonnable qui juge les faits est à notre avis

 19   destiné à un objectif bien précis qui concerne les jugement avec juré, or

 20   nous ne sommes pas dans ce cadre-là. A notre avis, et nous le disons dans

 21   nos écritures, aucun critère ne doit se situer à un niveau inférieur à

 22   celui qui est prescrit par l'Article 13 du statut de ce Tribunal.

 23   En dépit de cela, nous espérons très franchement qu'y compris en utilisant

 24   des critères de rang inférieur, nous parviendrons à obtenir une

 25   modification de la décision à l'encontre de laquelle, nous avons interjeté


Page 268

  1   appel.

  2   Dans le même arrêt de la Chambre d'appel, à savoir celui qui a été prononcé

  3   dans l'affaire Tadic, paragraphe 64, et on retrouve cette référence dans

  4   d'autres jugements, par exemple, l'arrêt de la Chambre d'appel dans

  5   Kunarac, paragraphe 39. Il est évoqué dans ces paragraphes le fait que deux

  6   Juges qui agissent tous les deux de façon éclairée et consciente, peuvent

  7   sur la base des mêmes éléments de preuves aboutir à des conclusions

  8   différentes ou opposées. Ceci est tout à fait exact. Nous devons dire que

  9   ceci est quelque chose de tout à fait normal. Mais dans le même temps, ceci

 10   est quelque chose qui est contraire aux sens même du droit et aux sens des

 11   principes du droit. Il n'est pas bon, il n'est pas acceptable qu'une ou

 12   plusieurs personnes chargées d'accomplir des tâches identiques -- ou plutôt

 13   puissent être condamnées pour les mêmes actes et ceux à des peines plus au

 14   moins longues, ou puissent même être acquittées en raison simplement du

 15   fait que des Juges différents ont eu des points de vue différents sur ces

 16   actes. Ceci est inadmissible aussi bien dans les systèmes du droit civil

 17   que dans des systèmes de common law. Dans les systèmes de common law, la

 18   chose est particulièrement frappante, notamment, s'agissant des points de

 19   droit même s'il est valable également pour les points de faits.

 20   Par conséquent, nous soulignons dans l'une de nos écritures que lorsque la

 21   situation se présente, ou des Juges différents aboutissent à des

 22   conclusions différentes sur la base des mêmes éléments de preuve, la chose

 23   ne devrait pas s'arrêter là. Mais que des critères complémentaires

 24   devraient être recherchés et mis au point pour régler ce problème.

 25   Toutefois, de notre côté, nous sommes arrivés à la conclusion que les


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  1   critères que je viens d'évoquer existent depuis longtemps et qu'en fait,

  2   ils sont très simples, à savoir que si là, n'importe lequel des Juges qui

  3   est invité à se prononcer dans le cadre d'une réflexion éclairée arrive à

  4   une conclusion différente sur la base des mêmes éléments de preuve que

  5   celui qui a statué précédemment, ceci constitue une preuve indubitable du

  6   fait qu'il existe un doute raisonnable, et que le jugement n'est pas rendu

  7   au-delà de tout doute raisonnable.

  8   Nous admettons que l'application de ce critère peut poser quelques

  9   problèmes au niveau d'une Chambre d'appel. A cet égard, il est permis

 10   d'invoquer le critère de in dubrio reo, qui implique que dès lors que des

 11   Juges expriment un doute raisonnable, la conclusion prononcée ne doit être

 12   prononcée qu'en faveur de l'accusé. La même chose peut être dite au sujet

 13   d'une divergence ou d'une différence dans l'appréciation. Si nous nous

 14   trouvons dans une situation ou plusieurs Juges exerçant leur réflexion

 15   raisonnée et éclairée aboutissent à des solutions juridiques différentes,

 16   la conclusion définitive devrait être conforme au principe de favor re.

 17   Tous ces principes sont évoqués y compris dans ce Tribunal mais compte tenu

 18   des problèmes qui ont surgi au niveau d'une instance particulière, que ce

 19   soit au niveau de la Chambre de première instance, ou au niveau de la

 20   Chambre d'appel, nous devons dire que ces principes doivent absolument

 21   s'appliquer dès lors qu'il y a non-conformité entre les jugements rendus

 22   par deux instances judiciaires situées à deux niveaux différents, à savoir

 23   la Chambre de première instance et la Chambre d'appel.

 24   Car ces principes dans leur ensemble devraient être également l'expression

 25   des droits de l'accusé, droits qui sont valables pendant toute la durée de


Page 270

  1   la procédure.

  2   Si l'on tient compte du caractère très vaste des éléments de preuve, compte

  3   tenu du grand nombre de documents, et du volume important des comptes rendu

  4   d'audience qui ont été mis à la disposition de la Chambre de première

  5   instance, le jugement dans la partie réservée à l'accusé Zigic peut être

  6   considéré comme relativement bref. Nous sommes dans l'obligation de faire

  7   observer que l'acte d'accusation et ses annexes constituent un volume plus

  8   important que la partie du jugement réservée à l'accusé Zigic, ce qui est

  9   un peu curieux. En effet, cela démontre que les Juges de la Chambre de

 10   première instance ont sélectionné et cité uniquement les éléments les plus

 11   importants. Si au titre des éléments les plus important eu égard à la

 12   responsabilité de Zigic et en tant que preuve de sa responsabilité, au

 13   paragraphe 548 du jugement, la Chambre de première instance cite un élément

 14   qui en fait relève d'une erreur du service de traduction. L'appréciation

 15   fondamentale au sujet de la responsabilité de Zigic, les Juges de la

 16   Chambre de première instance l'ont fondé sur une erreur de traduction. A

 17   notre demande, lorsque nous avons déposé notre demande du compte rendu

 18   d'audience et du jugement le 24 décembre 2001, un rapport conjoint des

 19   parties a été remis au service linguistique du Tribunal et ensuite à la

 20   Chambre d'appel. Nous pensons que la Chambre d'appel devrait rendre une

 21   décision particulière à ce sujet en tant que préalable aux audiences du

 22   jugement en appel.

 23   En effet au paragraphe 548 du jugement, nous trouvons qu'il est écrit que

 24   Zigic aurait frappé Rizah or ce n'est pas le cas le nom exact est celui de

 25   Rezak et de Began. Comme l'a confirmé le service de traduction. La


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  1   différence est énorme, en effet Rizah est un symbole des souffrances des

  2   Musulmans à Omarska, dont des témoins ont parlé aux Juges de la Chambre de

  3   première instance au moins une cinquantaine de fois. Cet homme a été frappé

  4   à mort par les gardiens pour la simple raison qu'il avait prononcé le mot

  5   "bujrum,"  et ceci a eu lieu le 12 juillet 1992 comme nous le disons

  6   paragraphe 445 du jugement. Par conséquent, la Chambre de première instance

  7   a acquis le sentiment que Zigic avait participé à ce passage à tabac. Cette

  8   erreur a contribué à créer l'impression fausse selon laquelle Zigic aurait

  9   frappé un certain nombre de personnes à Omarska et selon laquelle sa

 10   présence à Omarska était plus importante qu'elle a été en réalité,

 11   autrement dit qu'il aurait été présent pendant une période plus longue que

 12   la période où il a été présent. Parce que Zigic n'a été à Omarska que

 13   pendant une période et cette période se situe juste avant le passage à

 14   tabac de Rezak et de Began. Zigic a reconnu lui même qu'il a frappé un

 15   détenu, et dans le jugement il est estimé et établi qu'il n'a pas frappé

 16   les autres détenus.

 17   De façon générale, notre demande de correction linguistique du jugement,

 18   est importante parce qu'il y a également d'autres erreurs de citation, de

 19   propos tenus par des témoins, et qui ont été lus par les Juges de la

 20   Chambre de première instance. A plusieurs reprises le jugement cite des

 21   témoins comme ayant dit des choses qu'ils n'ont pas dites dans la réalité.

 22   Ces demandes de correction ont été rejetées, aux motifs que la Chambre de

 23   première instance a tiré des conclusions, que la Chambre d'appel pourrait

 24   réexaminer. Nous estimons que cette décision, est erronée nous pensons au

 25   contraire qu'il est très dangereux de voir des conclusions écrites


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  1   consignées dans un jugement de juge en première instance qui reposent en

  2   fait sur des témoignages, sur des dépositions de témoins qui n'ont pas

  3   existé. Ceci est à notre avis une forme de falsification.

  4   Nous sommes dans l'obligation, nous ne pourrons pas faire autrement, que

  5   pas mal de chose ici devant ce Tribunal ont déjà eu lieu qui ont été au

  6   détriment de la Défense. Par ailleurs pour que la Chambre d'appel puisse

  7   fonctionner normalement, il faut que les Juges sachent exactement ce que

  8   les témoins ont effectivement dit, ainsi que les conclusions qui ont

  9   effectivement été tirées par les Juges de la Chambre de première instance.

 10   Aucune déposition de témoin ne devrait être soumise à une quelconque

 11   modification, tant que les conclusions des Juges de la Chambre de première

 12   instance sont encore soumises à l'appréciation des juges de la Chambre

 13   d'appel, et les Juges de la Chambre d'appel peuvent parvenir à des

 14   conclusions différentes. Nous faisons appel aux Juges de la Chambre d'appel

 15   pour qu'ils tiennent compte comme il se doit, du fait qu'un nombre assez

 16   important de citations, de dépositions de témoins sont entachées d'erreur

 17   dans le jugement en première instance.

 18   Il y a le jugement et malheureusement la partie adverse à savoir

 19   l'Accusation a accordé une importance très grande à la déformation de la

 20   réalité, des propos des témoins qui comptent au nombre des éléments de

 21   preuve. A ce stade nous renvoyons les juges de la Chambre d'appel à nos

 22   écritures intitulées "Protestation contre l'erreur délibérée

 23   d'interprétation, des déclarations préalables de témoin de la part de

 24   l'Accusation déposées le 11 juillet 2001."

 25   L'Accusation à ce moment-là a admis l'existence des erreurs que nous avons


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  1   soulignées en expliquant que ces erreurs d'interprétation n'avaient pas été

  2   délibérées de sa part. Mais l'Accusation a tout de même continué à recourir

  3   à sa pratique déjà ancienne pendant toute la durée qui a précédé notre

  4   intervention, lors de la présentation des éléments de preuve de la Défense

  5   devant les juges de la Chambre de première instance. Si l'on restitue ces

  6   erreurs dans leur contexte, il est tout de même très difficile d'admettre

  7   qu'elles aient pu être accidentelles.

  8   Un exemple, un témoin déclare de façon tout à fait claire que l'incident

  9   auquel aurait participé Zigic, et Hasan Karabasic a eu lieu en dehors de

 10   l'enceinte du camp de Trnopolje. Alors pourquoi est-ce que l'Accusation

 11   propose une autre version des faits aux juges de la Chambre de première

 12   instance en déclarant que le témoin en question aurait dit que cet incident

 13   s'est produit à l'intérieur du complexe de Trnopolje ? Est-ce que c'était

 14   une tentative de la part de l'Accusation pour induire en erreur les juges

 15   de la Chambre de première instance ? A constaté l'absence de réaction de la

 16   part de la Chambre de première instance, il semble qu'une défaite puisse

 17   être présentée comme un succès, malheureusement cette pratique s'est

 18   poursuivie y compris devant la Chambre d'appel, même si nous reconnaissons

 19   qu'elle l'a été à un degré moindre, mais en tout état de cause cette

 20   pratique est très dangereuse.

 21   Par exemple dans la réponse consolidée aux motifs d'appel de l'accusé,

 22   l'Accusation ajoute à l'encontre de Zigic quatre passages à tabac non

 23   existant dont les Juges de la Chambre de première instance auraient établi

 24   la réalité, dans leur jugement. Nous abordons ce point en détail dans notre

 25   réponse au mémoire consolidé de l'Accusation déposé le 10 septembre 2002.


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  1   Pourquoi par exemple l'Accusation écrit-elle dans son mémoire que la

  2   Chambre de première instance au paragraphe 530 de son jugement estime que

  3   Zigic a passé à tabac gravement Silvio Saric, alors que ce fait n'a pas été

  4   établi ? Il est encore écrit que Zigic aurait eu un quelconque contact avec

  5   Silvio Saric, pourquoi est-ce que l'Accusation agit de cette façon ? Nous

  6   replaçons ce comportement dans une attitude, dans un schéma plus vaste où

  7   nous voyons également que l'Accusation a interrompu le témoignage d'un de

  8   ces témoins les plus importants, à savoir Azedine Oklopcic, a interrompu

  9   également le témoignage d'Abdulah Brkic au moment même où ces hommes

 10   étaient censés témoigner du meurtre de Becir Medunjanin, dès lors que

 11   l'Accusation a appris que dans leurs déclarations préalables ces témoins

 12   avaient absolument exclu la participation de Zigic à ces meurtres.

 13   Nous ajouterons à ces griefs le fait qu'un témoin aussi important que le

 14   témoin KV1 a été mis du côté. Nous en avons parlé hier.

 15   Nous n'avons pas l'intention d'être uniquement critique à l'égard de

 16   l'Accusation, et nous disons que ne regrettons d'avoir l'obligation de

 17   parler de cela devant une équipe du bureau du Procureur qui ne peut pas

 18   être tenue pour unique responsable de tout cela. Mais notre intention est

 19   de souligner --

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, votre

 21   déclaration selon laquelle vous n'avez pas l'intention uniquement de

 22   critiquer l'Accusation, nous intéresse au plus haut point. Mais nous vous

 23   aiderons sans doute en vous disant que ce qui nous intéresse au premier

 24   chef, c'est les erreurs commises dans le jugement éventuellement, et les

 25   raisons pour lesquelles nous devrions nous prononcer dans un sens opposé.


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  1   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais

  2   j'apprécierais que vous me permettiez de terminer. Je n'en ai plus que pour

  3   une phrase. Sur la base de ce comportement, nous avons tiré des conclusions

  4   qui peuvent avoir une influence sur l'ensemble de la procédure.

  5   Nous avons l'intention de souligner devant les Juges de la Chambre d'appel

  6   deux points très importants. D'abord, toute interprétation des éléments de

  7   preuve, et tout jugement de la part de l'Accusation doit être traité avec

  8   la plus grande précaution. En effet, dans le cas contraire, il existe un

  9   risque de léser les droits de la Défense, notamment au niveau de la

 10   première instance.

 11   Deuxièmement, il y a des éléments dans ce comportement global qui peuvent

 12   être considérés comme abus de procédure et qui risque de déboucher sur une

 13   erreur judiciaire.

 14   Lorsqu'on juge quelqu'un et qu'on a recours à des subterfuges de ce genre

 15   pour obtenir une condamnation, le mot que je viens de prononcer s'applique

 16   réellement. Nous nous en tiendrons dans nos propos ultérieurs à la séquence

 17   des motifs d'appel et nous traiterons de ces motifs d'appel de façon très

 18   précise comme nous l'indiquons dans notre mémoire déposé le 3 juillet 2002.

 19   Nous l'avons rédigé conformément à l'ordonnance du Juge de mis en état de

 20   la procédure d'appel qui nous demandait d'énumérer de façon très précise et

 21   détaillée les motifs d'appel.

 22   Les motifs numéros 1, 2, 3, 4, 18, 19, 42, 44, et 45 portent sur la

 23   condamnation de Zigic pour les meurtres commis à Omarska ainsi que pour les

 24   tortures que les détenus y ont subies, et sur sa participation à ce qu'il

 25   est convenu d'appeler l'entreprise criminelle commune, ainsi que sur les


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  1   actes qui auraient été commis dans le camp de Trnopolje. La condamnation

  2   pour les meurtres et les tortures commis à Omarska nous ne les lions que

  3   conditionnellement à l'existence de cette entreprise criminelle commune,

  4   car nous ne voyons aucune certitude à ce sujet dans l'acte d'accusation et

  5   dans le jugement. Nous traitons de ce point en détail dans notre réponse au

  6   mémoire consolidé de l'Accusation que nous avons déposé le 10 septembre

  7   2002. A ce sujet, nous ne ferons qu'ajouter aujourd'hui que la Chambre de

  8   première instance a manifesté un comportement discriminatoire à l'égard de

  9   Zigic, par rapport au comportement qu'elle a adopté à l'égard des autres

 10   accusés, puisqu'elle n'a condamné que lui pour les événements survenus

 11   pendant toute la période où le camp de détention d'Omarska a existé, et ce

 12   en dépit du fait que dans le camp d'Omarska, Zigic n'y ait passé finalement

 13   que quelques heures.

 14   La Chambre de première instance ne s'est pas tenue non plus au principe

 15   qu'elle décrit dans le paragraphe 349 du jugement. Les autres accusés qui

 16   contrairement à Zigic avait un emploi salarié à Omarska ont été condamnés

 17   pour des actes commis uniquement pendant la période où ils avaient un

 18   emploi salarié dans le camp et pas pour des actes commis avant ou après

 19   cette période. Dans le jugement, la notion d'entreprise criminelle commune

 20   est décrite d'une façon tout à fait contradictoire et absolument

 21   inadmissible. Notre impression première, c'est que les Juges de la Chambre

 22   de première instance ont estimé que cette notion était une notion distincte

 23   tout à fait séparée des dispositions du statut du Tribunal. Par ailleurs,

 24   ni dans l'acte d'accusation, ni dans le jugement, les accusés ne sont en

 25   mesure de voir quels sont les actes précis qui sont censés relever de


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  1   l'existence de cette entreprise criminelle conjointe. Les accusés ne sont

  2   pas en mesure de comprendre non plus dans ces deux documents quelle est la

  3   nature exacte de la responsabilité invoquée, et si celle-ci est liée aux

  4   persécutions, aux meurtres, aux tortures, et à l'ensemble de ces actes.

  5   Il est permis de se demander si Zigic n'a pas été condamné deux fois pour

  6   l'ensemble de ces actes, une fois dans le cadre de cette notion

  7   d'entreprise criminelle commune, et une deuxième fois dans le cadre

  8   d'accusation portant sur des persécutions, des meurtres et des tortures

  9   "ordinaires" si je peux me permettre cette expression. Ensuite, on a ajouté

 10   aux meurtres, et tortures de juin 1992, tous les meurtres et tortures

 11   commis en juillet et en août qui ont été imputés à Zigic après la clôture

 12   de la présentation des éléments de preuve de l'Accusation. Après l'audition

 13   des 50 témoins de l'Accusation à un moment ou Zigic ne pouvait plus

 14   interroger ces témoins à quelques sujets que ce soit.

 15   Dans l'ensemble, la condamnation de Zigic pour tous ces meurtres et toutes

 16   ces tortures commis à Omarska y compris pendant le temps où lui-même était

 17   hospitalisé, où à Banja Luka risque de faire beaucoup plus du mal au

 18   Tribunal qu'à Zigic lui-même.

 19   Il est également condamné pour participation à des violences sexuelles sur

 20   des femmes, même si, à l'époque où des faits, il ne savait même pas qu'il

 21   avait qu'il y avait des femmes à Omarska. Cette condamnation sans

 22   culpabilité peut fort bien devenir synonyme d'injustice pour les

 23   générations d'avocats à venir dans le monde entier.

 24   Une autre objection de principe s'agissant de ce concept d'entreprise

 25   criminelle commune repose sur notre position selon laquelle cette notion a


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  1   été construite de toute pièce, et qu'à cet égard, elle constitue un pas en

  2   arrière par rapport à Nuremberg. En d'autres termes, les Nazis, même si un

  3   doute existait quant aux faits qu'ils auraient participé à la réalisation

  4   d'un plan commun ou qu'ils auraient eu un objectif commun, se trouvaient

  5   dans une situation plus favorable que les accusés jugés devant ce Tribunal

  6   ici. Le jugement de Nuremberg fait référence à un plan commun et à une

  7   conspiration. Mais il reconnaît également que ce plan ne pouvait être mené

  8   que grâce à une guerre d'agression, et dans le cadre de la qualification

  9   des crimes contre l'humanité, et malgré cela, des acquittements ont été

 10   prononcés à Nuremberg parce que les crimes jugés, pour certains, n'étaient

 11   pas expressément dans la charte de Nuremberg.

 12   Dans le chapitre de la charte intitulé "Les principes juridiques de la

 13   charte," et dans les sous-paragraphes de ce chapitre où il est question du

 14   plan commun ou de la conspiration, on trouve entre autres les mots

 15   suivants, je cite : "Le Tribunal annule par conséquent les charges de

 16   conspiration de la part des défenseurs en vue de la commission de crimes de

 17   guerre et de crimes contre l'humanité et ne tient compte que d'un plan

 18   commun destiné à préparer, initier et mener une guerre d'agression."

 19   Les motifs suivants d'appel que j'avais évoqués sont les motifs numéros 4,

 20   5, 6, 22 et 23 qui sont mentionnés dans nos écritures du 3 juillet 2002, et

 21   qui ont trait à l'assassinat de Becir Medunjanin, et des tortures subies

 22   par le témoin T. Cette partie de l'acte d'accusation et du jugement, nous

 23   en avons traité en détail dans notre mémoire final en appel, et dans notre

 24   réplique à la réponse de l'Accusation. Nous estimons que les objections

 25   soulevées par nous sont au moins au nombre d'une centaine, mais dans le


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  1   jugement, nous ne trouvons pas une seule réponse à l'une de quelconque de

  2   ces objections, et c'est la raison pour laquelle j'aimerais revenir sur

  3   quelques-unes d'entre elles.

  4   C'est un fait tout à fait établi et qu'il est fondamental de garder présent

  5   à l'esprit que Zigic n'a jamais été présent dans la "maison blanche"

  6   d'Omarska où l'acte incriminé a eu lieu. Le jugement repose sur le

  7   témoignage de deux témoins, le témoin T et le témoin Fadil Avdagic qui sont

  8   opposés à la déposition d'un nombre plus important de témoins très fiables

  9   qui ont été témoins oculaires de l'absence de Zigic en ces lieux.

 10   Ce qui est encore plus grave, c'est que ces deux témoignages ne concordent

 11   même pas avec l'autre. Ces deux témoins affirment avoir été témoins

 12   oculaires des faits, et en tant que victimes avoir participé au premier

 13   chef aux événements dont il parle. Cependant, le témoin Fadil Avdagic

 14   affirme que Zigic ou plutôt la personne qui a tué Becir Medunjanin avait

 15   des cheveux blonds tirés sur le roux, des cheveux teints, et les autres

 16   témoins lorsqu'on les interrogent sur la couleur des cheveux de Zigic,

 17   déclarent tous qu'il avait des cheveux foncés, notamment dans cette

 18   période-là, particulièrement foncés, qu'il mesurait un mètre 90, alors que

 19   le témoin en question parle de quelqu'un qui mesure un mètre 90, alors

 20   Zigic est un homme de taille moyenne, à peine un mètre 80, et qu'il était

 21   très mince à l'époque. Les témoins disent qu'il portait des mitaines. Zigic

 22   n'aurait pas en réalité pu porter des gangs puisqu'il avait un bandage sur

 23   la main gauche car il avait été amputé d'un doigt. Nous avons d'ailleurs

 24   déposé les documents médicaux pertinents et les avis d'experts comme pièce

 25   à conviction.


Page 280

  1   Puis, les témoins disent qu'il portait des boucles d'oreilles en forme de

  2   croix. Nous estimons avoir prouvé que Zigic n'a même pas les oreilles

  3   percées.

  4   Le témoin T, décrivant cette même personne, continue en affirmant que cet

  5   homme avait les cheveux noirs ou foncés, qu'il mesurait un mètre 80. Ce

  6   témoin affirme ne pas avoir remarqué de gants ou de mitaines sur ses mains,

  7   pas plus qu'un bandage. Selon le témoin T, l'ensemble de cet incident s'est

  8   produit la nuit. Le témoin Avdagic, comme d'autres témoins oculaires,

  9   affirme que cet incident a eu lieu le jour.

 10   Il y a des contradictions et des divergences importantes entre les

 11   témoignages de ces deux témoins qui prétendent, tous les deux, avoir été

 12   témoins oculaires et nous avons mis en exergue ces contradictions. Comment

 13   un jugement peut-il dans ces conditions stipulées au paragraphe 605 ce qui

 14   est écrit dans ce paragraphe où il est affirmé que Fadil Avdagic a

 15   corroboré le témoignage du témoin T ?

 16   Par ailleurs, le témoin T affirme ne pas avoir connu Zigic du tout et

 17   qu'une personne répondant au prénom de Samir, qui se trouvait à Omarska,

 18   lui aurait dit que l'assassin et le tortureur s'appelait Zigic. Par

 19   conséquent, ce témoin est un témoin par ouï-dire. Est-ce que l'homme

 20   répondant au nom de Samir était présent sur les lieux ? Est-ce qu'il a vu

 21   ou est-ce qu'il connaissait Zigic ? Aucune tentative n'a même été faite

 22   pour répondre à ces deux questions.

 23   A cela, nous ajouterons encore un fait d'une importance capitale. Le témoin

 24   T, ayant passé déjà deux jours dans le prétoire et ayant répété avec

 25   insistance à plusieurs reprises en réponse aux questions de l'Accusation et


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  1   des Juges de la Chambre de première instance qu'il connaissait Zigic, n'a

  2   pas pu le reconnaître dans le prétoire. Si Zigic s'était réellement trouvé

  3   dans la "maison blanche" à l'époque des faits, le témoin aurait dû le

  4   reconnaître puisque, selon les propos du témoin, Zigic aurait passé pas mal

  5   de temps à passer à tabac les détenus et à les soumettre à toutes sortes

  6   d'exactions pendant deux journées consécutives.

  7   En dehors de cela, la Défense a prouvé que le témoin T était extrêmement

  8   peu fiable puisqu'il avait menti sur des détails très importants. Voilà les

  9   éléments sur lesquels les Juges de la Chambre de première instance ont fait

 10   reposé leur jugement et leur condamnation de Zigic pour l'assassinat de

 11   Becir Medunjanin et les tortures subies par le témoin T. Toutefois ceci,

 12   pour les conseils de la Défense, n'est que le début de l'histoire du

 13   procès. Contrairement aux déclarations de ce témoin, nous disposons des

 14   déclarations préalables et des dépositions de toutes sortes d'autres

 15   témoins qui, pour la plupart, sont des témoins de l'Accusation et qui ont

 16   déclaré que Zigic n'a participé en aucune manière au meurtre de Becir

 17   Medunjanin et aux tortures subies par le témoin T. Nous irons même jusqu'à

 18   dire que le témoin le plus crédible de tous, est de loin un témoin de

 19   l'Accusation, a été Azedin Oklopicic, et dont il fait mention dans le

 20   jugement à 27 endroits différents. Ce témoin connaissait très bien Zigic,

 21   et en juger par sa déposition, il n'avait pas des sentiments très

 22   favorables à Zigic. Cependant, en tant que témoin oculaire de l'assassinat

 23   de Becir Medunjanin et des tortures subies par le témoin T, il déclare de

 24   façon tout à fait

 25   claire que Zigic n'était présent au cours de l'incident et qu'il n'y a


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  1   participé en aucune façon.

  2   La Chambre de première instance ne développe les raisons pour lesquelles

  3   elle ne croit pas ce qu'il dit et pourquoi il pourrait le croire par

  4   rapport aux autres 27, dans les 27 autres cas ou affaires en ce qui

  5   concerne cet événement crucial où il était un témoin oculaire très proche

  6   et il ne le croit pas.

  7   Le témoin Abdulah Brkic, également un témoin oculaire proche de cet

  8   événement, est le deuxième témoin plus crédible si je puis le présenter

  9   ainsi. Il en est fait mention dans le jugement neuf fois. On le croit à

 10   propos de tout ce qu'il dit, la seule chose sur laquelle il n'est pas cru,

 11   c'est sur le fait que Zigic n'était pas présent dans la "maison blanche"

 12   lorsque le meurtre a été commis, un meurtre de Becir Medunjanin et les

 13   tortures infligées au témoin T. Par conséquent, c'est également la même

 14   chose avec le témoin Azedin Oklopcic, la même chose s'est produite là. Il y

 15   a deux témoins oculaires très proches et qui disent, en fait, la même

 16   chose. Tous deux ont été mentionnés par l'Accusation. C'était des témoins

 17   de l'Accusation, tous deux sont mentionnés dans le jugement et il semble

 18   que leur déposition soutient de façon expresse que Zigic n'avait pas commis

 19   ce meurtre.

 20   Toutefois, lorsque le moment est venu de prononcer la culpabilité de Zigic

 21   pour le meurtre de Becir Medunjanin, aucune pièce ou d'éléments de preuve

 22   ne semblent avoir été pertinents.

 23   Toutefois, ceci n'est pas tout. Ces deux dépositions ont été corroborées à

 24   tous égards par les témoins de la Défense DD10 - et lorsqu'on est venu à la

 25   reconnaissance de culpabilité de l'accusé, les auteurs du jugement semblent


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  1   les croire également - en ce qui concerne la déposition du témoin DD5, le

  2   témoin présenté par l'Accusation, le témoin Mrkalj Edin. La Défense a

  3   demandé que d'autres témoins d'Omarska soient entendus qui, par ailleurs,

  4   ont été des témoins de l'Accusation dans d'autres affaires, tel que par

  5   exemple le témoin R dans le procès Tadic, Mesinovic Sabahudin et Hrncic

  6   Faruk dont les déclarations écrites confirment tout ce que les témoins

  7   Oklopcic et Brkic ont déclaré. Mais ils ne sont pas parvenus à un accord et

  8   n'ont pas rencontré la compréhension de l'Accusation, ni de la Chambre de

  9   première instance à ce sujet. Tout ce qu'ils ont fait, c'était de réussir à

 10   faire en sorte que la pièce à conviction D2/12 soit acceptée bien qu'elle

 11   ait été présentée comme une pièce à conviction concernant Kos. Comme je le

 12   disais avoir conclu dans ce sens, à savoir, le témoignage du témoin R dans

 13   l'affaire Tadic. Toutefois, cet élément de preuve n'est mentionné nulle

 14   part dans le jugement proprement dit.

 15   Le procès lui-même, qui a trait à cette partie de l'acte d'accusation, a

 16   constitué un véritable scandale qui, à première vue, n'a pas eu lieu

 17   uniquement grâce au conseil et à la conduite pleine de retenue de la part

 18   de la Défense. Peut-être que cette position a malheureusement contribué à

 19   l'accusation. Tout ceci est issu du fait que le représentant de

 20   l'Accusation, M. Keegan, a interrompu son propre témoin Azedin Oklopcic

 21   lorsque cet homme a commencé à parler du meurtre de M. Medunjanin à

 22   Omarska. Puis, le 31 août de l'année 2000, la Chambre de première instance,

 23   après une réponse du témoin Abdulah Brkic en ce sens qu'elle a eu

 24   connaissance des faits concernant le meurtre de M. Medunjanin, a empêché la

 25   Défense et interdit la Défense de procéder à l'interrogatoire d'Abdulah


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  1   Brkic sur cette question, donnant comme explication que ce point ne pouvait

  2   pas être discuté et que ce témoin, bien qu'il ait déjà dit qu'il avait

  3   connaissance de cet événement, ne pouvait pas faire l'objet de question à

  4   ce sujet. Ceci s'est produit encore une fois à la suite d'une objection

  5   soulevée par M. Keegan.

  6   Brkic a parlé également des souffrances subies à Omarska et du meurtre de

  7   Medunjanin disant que c'était l'un des événements les plus importants,

  8   indépendamment de cette affaire qu'on appelle l'affaire d'Omarska et du

  9   meurtre de Medunjanin qui est le seul meurtre à Omarska pour lequel

 10   quelqu'un a été accusé de façon distincte. La seule personne qui était

 11   accusée pour ce meurtre à Omarska n'a pas été autorisée - on n'a pas

 12   autorisé au conseil de la Défense à poser des questions au témoin à la

 13   suite de la décision prise par la Chambre de première instance, les témoins

 14   qui avaient déjà dit qu'ils avaient connaissance de ces événements.

 15   Par conséquent, la Défense s'est vue dans l'impossibilité de faire quelque

 16   chose tout à fait élémentaire tandis que ceci a été permis à l'Accusation

 17   de faire ce qu'elle souhaitait faire. Ceci est arrivé jusqu'à une forme

 18   d'harcèlement du témoin de la Défense. Par exemple, on a permis à

 19   l'Accusation de poser des questions à Dusanka Andjelkovic, un témoin et un

 20   médecin qui déposait sur les circonstances de la mort de Drago Tokmadzic en

 21   1992 et de lui poser des questions concernant la participation politique en

 22   2001 d'une personne qui n'avait absolument rien à faire à la question.

 23   Soit à l'encontre de ce qu'il avait fait, la Chambre de première instance,

 24   ce jour suivant, le 1e septembre 2000, a néanmoins décidé par rapport à

 25   cette équipe de la Défense de continuer l'interrogatoire du témoin Abdulah


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  1   Brkic en ce qui concerne le meurtre, Becir Medunjanin. Toutefois, comme il

  2   est dit dans le compte rendu, Brkic, dans l'intervalle, avait eu des

  3   contacts avec M. Keegan, qui en conséquence de cela avait, en quelque sorte

  4   dans une certaine mesure, modifié cette déclaration antérieure recueillie

  5   par écrit. Il est dit qu'une autre personne avait tranché la gorge de

  6   Medunjanin sous les yeux de ce témoin et que Medunjanin était mort sur

  7   place à la suite de cela, et que le témoin s'était même trouvé dans une

  8   mare du sang de Medunjanin. Zigic n'était pas du tout à Omarska au moment

  9   où ceci a eu lieu.

 10   Toutefois, même après la modification de ces détails, la déclaration très

 11   ferme de Brkic a été maintenue, à savoir que Zigic n'était pas dans la

 12   "maison blanche" au moment où Medunjanin a été tué et au moment où les

 13   tortures ont été affligées au témoin T.

 14   Cette conduite scandaleuse est renforcée par les déclarations que l'on voit

 15   dans le jugement au bas de la page 975 qui se rapportent au paragraphe 604.

 16   Il est dit que Brkic ne savait pas si Medunjanin était mort ce jour-là ou

 17   non. Il a eu modification de ce qu'il avait dit après et sa déposition a

 18   été interrompue après qu'il ait parlé à M. Keegan. Il est également dit que

 19   Zigic était à Omarska ce jour-là. Il y a là une déposition modifiée,

 20   également compte tenu des circonstances préalables qui ont été évoquées, de

 21   nouvelles circonstances.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Stojanovic, d'après ce

 23   que je vois, le compte rendu montre que le témoin aurait parlé à M. Keegan.

 24   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois que

 25   ceci figure au compte rendu et ce point ne peut pas être contesté. Je


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  1   pourrais vous donner le numéro de cote du paragraphe du compte rendu, et

  2   cetera.

  3   Peut-être que comme élément d'information supplémentaire, je ne dirais pas

  4   que ceci était contraire au règlement parce que la déposition de ce témoin

  5   avait été achevée ce jour-là. Le témoin avait achevé sa déposition et il

  6   n'était plus tenu par la déclaration solennelle. Ce n'est pas l'aspect de

  7   cette question que je veux soulever. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je comprends votre explication,

  9   Maître Stojanovic. Je vous remercie.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] De même. Il a été dit que Zigic était à

 11   Omarska ce jour-là. C'est là où il y a eu modification d'une déclaration

 12   ultérieure, compte tenu des circonstances que je viens d'exposer.

 13   Toutefois, la Chambre de première instance intentionnellement a laissé de

 14   côté ce fait, que Brkic avait expressément indiqué, à savoir que Zigic, au

 15   cours de cet événement, au moment où il a eu lieu, qui s'était produit dans

 16   "la maison blanche," ne se trouvait pas lui-même dans "la maison blanche."

 17   Par conséquent, en outre, il n'avait pas vu Zigic toute la journée à

 18   Omarska, ainsi que le fait qu'il avait juste aperçu Zigic à Omarska à une

 19   reprise, à savoir le deuxième jour où les tortures avaient été infligées au

 20   témoin AK et à d'autres.

 21   Enfin, le 7 juin 2000, lors de l'identification de Zigic dans le prétoire

 22   par le témoin T. Cette identification a fait partie de l'interrogatoire

 23   principal de l'Accusation. En répondant à la question qu'il lui a été posée

 24   deux fois, de savoir à quel endroit est assis Zigic, sur quel rang, le

 25   témoin T' par deux fois, a répondu : "Je ne suis pas sûr."


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  1   Nous vous rappelons que, compte tenu des circonstances de ce qui s'est

  2   passé, des événements, et du déroulement du procès, on s'attendait à ce que

  3   ce témoin reconnaisse cette personne. Le témoin était un officier, un

  4   militaire de haut rang, il avait eu toutes les possibilités de voir et

  5   d'observer Zigic à de très nombreuses reprises. Toutefois, il se peut que

  6   sa conscience se soit réveillée dans le prétoire, parce que le visage de la

  7   personne qui a effectivement torturé et tué celui qu'il aimait n'était tout

  8   simplement pas dans le prétoire.

  9   Puis quelque chose d'incroyable s'est produit. Le Président de la Chambre

 10   de première instance a repris le micro et a repris, par rapport à

 11   l'Accusation, la question de l'identification et a continué de questionner

 12   le témoin sur des points sur lesquels le témoin a répondu plus d'une fois.

 13   Devant ce Tribunal, il a été mille fois interdit de poser des questions

 14   auxquelles les témoins avaient déjà répondu, et c'est le devoir précisément

 15   du Président de la Chambre de faire appliquer cette règle.

 16   Le conseil de la Défense de Zigic était debout, avait l'intention de

 17   soulever des objections. Le Juge, président de la Chambre, ne lui a pas

 18   permis d'élever cette objection et a poursuivi. Pour la énième fois, il a

 19   demandé au témoin T où Zigic se trouvait assis dans le prétoire. Comment

 20   pouvons-nous expliquer que la Défense n'ait pas eu l'autorisation de

 21   formuler son objection, tout particulièrement dans une situation si

 22   scandaleuse que celle-là.

 23   Cette même Chambre de première instance, dans ce procès, fonde la

 24   condamnation de Zigic pour meurtres, tortures, persécutions à Omarska et

 25   même participation à une entreprise criminelle commune à Omarska. Elle les


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  1   fonde sur une conduite de ce genre. Mais cette conduite n'est certainement

  2   pas unique, elle n'est pas isolée. Elle s'insère  dans le contexte de tout

  3   ce qui a été dit précédemment en ce qui concerne la reconnaissance de

  4   culpabilité pour le meurtre de Becir Medunjanin et les tortures infligés au

  5   témoin T, mais aussi dans le contexte des autres irrégularités.

  6   Malgré cela, néanmoins le témoin T n'a pas pu finalement identifier Zigic

  7   et, suivant toutes les règles applicables sur l'identification, auraient dû

  8   avoir lieu dès le moment où il a dit : "Je ne suis pas sûr."

  9   Pour ce qui est des motifs d'appel 7, 8 et 9, ils se rapportent au meurtre

 10   d'Emsud Bahonjic. Il en a longuement été question dans nos écritures,

 11   notamment pour ce qui est de l'appel que nous avons interjeté.

 12   La condamnation ou le jugement traite de cet événement sur moins d'une

 13   page. Le jugement en traite, ensemble avec un meurtre, le meurtre de Sead

 14   Jusufagic, pour dire que c'est un seul et même événement -- un événement

 15   unique, conformément, de façon évidente à ce qu'a, de façon erronée,

 16   affirmé le Témoin N. Pour ce qui est de la vingtaine de témoignages en sus,

 17   il a pu être constaté que Sead Jusufovic avait été tué avant que Emsud

 18   Bahonjic n'arriva à Keraterm même. En fait, la Défense ne saurait admettre

 19   que, s'agissant des chefs d'accusation pour ce qui est du meurtre d'Emsud

 20   Bahonjic, il y ait eu un véritable procès de diligenter. Il a été prononcé

 21   un jugement certes, mais il n'y a pas eu du procès afférant.

 22   Un procès est, en effet, un processus dans lequel la Défense est censée

 23   prendre part. La Défense doit trouver sa place dans la partie la plus

 24   importante d'un procès, à savoir au niveau du jugement et, en guise de

 25   preuve, pour faire étalage du fait que la Chambre a pris en considération,


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  1   de quelque façon que ce soit, les dires de celle-ci et les éléments de

  2   preuve avancés par celle-ci.

  3   Or, dans le jugement, il n'est point question de ce que la Défense a dit.

  4   Les six témoins présentés par la Défense, cités à comparaître pour ce qui

  5   est du meurtre de Bahonjic, tous les arguments présentés par la Défense à

  6   cet effet, tous les dires des témoins de l'Accusation qui seraient

  7   favorables à la Défense ont fini par être complètement ignorés. On ne

  8   mentionne pas non plus le fait même de leur présence, de leur existence. On

  9   ne mentionne pas les expertises médicales portant sur les blessures de M.

 10   Emsud Bahonjic, pièce à conviction D4/24, et deux pièces à conviction de

 11   l'Accusation, le numéro 3/270 et 3/271, qui se rapportent également aux

 12   documents médicaux relatifs aux blessures subies par Emsud Bahonjic.

 13   En tout et pour tout, le compte rendu d'audience portant sur les témoins de

 14   la Défense s'étale sur un millier de pages, et il convient d'y ajouter plus

 15   de 100 pages d'arguments présentés par nos soins et d'éléments de preuve

 16   présentés par nous-mêmes, ce qui est passé inaperçu dans les quelques

 17   lignes d'argumentation du jugement figurant dans le texte de la

 18   condamnation.

 19   Par conséquent, nous nous référons ici à tout ce que la Chambre de première

 20   instance a jugé être inexistant. A présent, nous sommes amenés dans une

 21   situation où, pour la première fois véritablement, il y a procès au sujet

 22   du meurtre de Emsud Bahonjic. Mais nous sommes privés du droit dans ce cas

 23   concret, à un procès au niveau de deux instances. Donc, nous n'avons pas la

 24   possibilité d'avancer quoi que ce soit au sujet des raisons du refus des

 25   éléments de preuve avancés par la Défense. Nonobstant tout ceci, si l'on


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  1   prend en considération, ce à quoi se réfère la Chambre de première

  2   instance, cela ne saurait suffire à condamner Zigic pour le meurtre de

  3   Emsud Bahonjic. Au pire des cas, pour M. Zigic, on aurait pu le condamner

  4   pour participation du passage à tabac du dénommé Bahonjic.

  5   Ici, nous mettrons pour le moment de côté un fait; le fait que deux témoins

  6   de l'Accusation n'ont pas reconnu Zigic dans ce prétoire, en dépit du fait

  7   qu'ils l'aient connu auparavant des années durant. C'est du moins ce qu'ils

  8   ont affirmé. Certains témoins à Keraterm l'auraient remarqué du fait d'une

  9   cicatrice qu'il aurait eue ou qui aurait été créée après la fermeture du

 10   Keraterm. Donc, ils avaient, soi-disant, été avec Bahonjic tout le temps,

 11   mais ils n'ont pas remarqué qu'il a été emmené deux fois à l'hôpital pour

 12   être pansé, et il y a bon nombre d'autres contre vérités intentionnelles ou

 13   pas.

 14   Tous ces témoins, auxquels se réfère le jugement, ont déclaré qu'un bon

 15   nombre de personnes avaient battu, ensemble ou individuellement, le dénommé

 16   Emsud Bahonjic. Ils ont dit que cela a été fait à bon nombre de moments

 17   variés dans cet intervalle d'une dizaine de jours et ils ont précisé

 18   qu'Emsud est décédé quelques jours après le dernier des passages à tabac.

 19   Partant de leurs déclarations, il n'est point impossible de constater quand

 20   est-ce que Zigic a pris part à la chose et dans quelle mesure il y a pris

 21   part. Qui plus est, comme on peut le constater, par exemple, dans la

 22   déclaration du témoin Ervin Ramic, Zigic y a pris part au début même, avant

 23   l'examen médical du 15 juin 1992. Suite à cet examen, il a été établi une

 24   expertise médicale, c'est la pièce D4/24. Il y est dit qu'à ce moment-là

 25   les blessures n'étaient en aucune façon mortelles.


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  1   Partant des déclarations de ces témoins, il peut être constaté qu'une autre

  2   personne, sans la présence de Zigic, a battu, au moins dix fois, le dénommé

  3   Bahonjic. On y voit que Predrag Banovic, sans la participation de Zigic,

  4   une fois a battu Bahonjic dans une telle mesure que la partie gauche de sa

  5   tête s'en est trouvée tout à fait déformée.

  6   C'est dans ce contexte-là que nous avons réclamé le recours à plusieurs

  7   normes prévues dans un jugement -- dans un arrêt en appel dans l'affaire

  8   Celebici, notamment, à l'alinéa 458 dudit jugement. La question qui se

  9   pose, c'est de savoir si, dans ce contexte-là, la seule possibilité

 10   raisonnable était celle de dire que Bahonjic, après plusieurs journées de

 11   passages à tabac nombreux, a succombé précisément en raison des coups reçus

 12   de la part de Zigic ou existe-t-il des possibilités autres qui pourraient

 13   être envisagées comme étant raisonnables. Mais toujours est-il que, partant

 14   de ce qui a été dit, la Chambre de première instance a entièrement mis de

 15   côté tous les arguments présentés par la Défense y compris celui-là.

 16   Dans l'intention d'ignorer les arguments de la Défense, il n'a point fait

 17   obstacle à la Chambre de première instance le fait qu'il devait, de la

 18   sorte, être fait un mépris ou être mis de côté les positions formulées par

 19   une Chambre d'appel.

 20   Pour finir, en sus de l'actus reus peu clair, notamment pour ce qui est de

 21   la corrélation qu'il y avait entre la conduite de Zoran Zigic et le décès

 22   de Emsud Bahonjic, on y a complètement mis de côté le mens rea, eu égard à

 23   l'accusé Zigic. Cela signifie ceci :  Zigic, avait-il connaissance, à

 24   condition qu'il ait frappé Bahonjic du tout, avait-il connaissance du fait

 25   que ses coups à lui, et rien que ses coups à lui, allaient donner lieu, une


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  1   dizaine de jours plus tard, au décès de Emsud Bahonjic ?

  2   Mesdames et Messieurs les Juges, je voudrais passer, à présent, aux chefs

  3   ou aux motifs d'appel autres. Mais peut-être l'heure est-elle venue de

  4   faire une pause. Est-ce que ce moment est approprié ?

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci, Monsieur Stojanovic. Nous

  6   allons suspendre.

  7   Je propose que nous fassions cette pause, que nous continuions cet après-

  8   midi à l'heure prévue, ce qui sera 14 heures 30. Merci.

  9   ---L'audience est suspendue pour le petit déjeuner à

 10   12 heures 58.

 11   --- L'audience est reprise à 14 heures 33.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous reprenons notre audience.

 13   Monsieur le Procureur, d'après ce que l'on m'a dit vous souhaiteriez

 14   prendre la parole.

 15   M. CARMONA : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président, je serai

 16   très bref.

 17   A la lumière des différentes allégations qui ont été faites à l'encontre du

 18   comportement de l'équipe du Procureur pendant le procès, l'Accusation

 19   estime que ces allégations n'ont pas été suffisamment précisées, que des

 20   citations appropriées n'ont pas été faites ou plutôt qu'elles n'ont pas été

 21   replacées dans le contexte exact. Lorsque nous prendrons la parole, il nous

 22   faudra répliquer oralement, verbalement à des arguments qui ont été

 23   avancés, mais si ces arguments ont été trop vastes, trop généraux il nous

 24   sera très difficile de le faire d'une manière adéquate.

 25   Mis à part cela, et plus précisément je tiens à aborder un autre point, à


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  1   savoir mon éminent collègue s'est référé à la réponse consolidée de

  2   l'Accusation. Il me semble qu'il se réfère en fait à notre réponse, et il

  3   dit que nous y avons ajouté quatre passages à tabac non existants, qui

  4   n'ont pas été concédés par la Chambre de première instance. 

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Carmona, si vous me le

  6   permettez, je voudrais vous faire une suggestion. Si j'étais à votre place,

  7   ce qui n'est pas le cas, je me réserverais le droit d'en parler pendant le

  8   temps qui m'est alloué, pendant que je prendrais la parole. Je dirais que

  9   j'ai été handicapé du fait qu'il n'y a pas eu de précisions, de références

 10   dans les propos de l'autre partie.

 11   M. CARMONA : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. J'ai estimé

 12   qu'il était nécessaire d'en informer mon collègue pour qu'il puisse se

 13   préparer à ce sujet.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Très bien.

 15   Maître Stojanovic êtes-vous prêt ?

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si vous me

 17   permettez quelques mots seulement à ce sujet.

 18   Bien entendu les propos que j'ai proférés aujourd'hui n'ont pas fourni tous

 19   les détails voulus, peut-être parce que j'ai simplement cherché à résumer

 20   tout ce que nous avons déjà dit jusqu'à présent, ou écrit jusqu'à présent.

 21   Si je souhaitais être précis, comme le demande mon éminent collègue, il

 22   nous faudrait reprendre l'ensemble de ce que nous avons dit dans nos

 23   écritures, à savoir dans notre mémoire d'appel et dans la réponse

 24   consolidée. Il me faudrait trois journées entières d'audience si je

 25   souhaitais exposer de manière tout à fait précise tout ce qui intéresse mon


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  1   collègue de la partie adverse, mais même dans ce cas-là, si je procédais de

  2   cette manière-là, j'ai bien peur d'être trop long et de fatiguer les

  3   membres de la Chambre d'appel avec des points inutiles.

  4   Je ferai ce que je peux toutefois pour référer mon collègue Carmona aux

  5   endroits que j'ai cités aujourd'hui dans mon exposé.

  6   Si j'ai bien compris je peux poursuivre.

  7   Alors mon motif d'appel numéro 10, 11 et 12, ce sont des motifs qui

  8   concernent le meurtre de Sead Jusufagic, Car. Là encore, dans le jugement

  9   explique la condamnation de mon client au titre de ce chef d'accusation.

 10   Ici, il est dit que ceci est équivalent au meurtre de Bahonjic Emsud, mais

 11   de la manière dont cela est relaté, cela provient uniquement d'un seul

 12   témoin et qui est extrêmement peu fiable. Nous avons fourni beaucoup de

 13   détails à ce sujet, tandis que les 15 autres témoins ont déposé en disant

 14   qu'il s'agissait d'un événement à part, et que cet événement s'est déroulé

 15   avant l'arrivé d'Emsud Bahonjic à Keraterm.

 16   Alors, ce que l'on remarque tout de suite, c'est qu'une question se pose.

 17   Comment est-il possible que, lorsqu'il s'agit d'un événement, parait-il

 18   identique, s'agissant d'Emsud Bahonjic, on ne tient absolument pas compte

 19   de la Défense. Tandis que pour ce qui est de l'autre meurtre, toutes les

 20   dépositions des témoins de la Défense, y compris la déposition de M. Zigic,

 21   sont citées davantage que les dépositions des témoins cités à la barre par

 22   l'Accusation, pour ce qui est du meurtre de Sead Jusufovic.

 23   Je pense que la réponse est très simple. S'agissant d'Emsud Bahonjic,

 24   aucune preuve de la Défense n'allait dans le sens de la condamnation. C'est

 25   la raison pour laquelle la Défense a été passée sous silence. Tandis que


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  1   s'agissant de Sead Jusufagic, de son meurtre, les témoins de la Défense

  2   dans les parties moins importantes de leur déposition ont dit des choses

  3   qui peuvent être reprochées à Zigic.

  4   La Chambre de première instance a examiné de manière très attentive, elle

  5   n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a sélectionné ces éléments

  6   d'importance secondaire, mineurs. La Chambre n'a absolument pas tenu compte

  7   de plus de 90 % du reste de ces dépositions.

  8   Il ne s'agit pas seulement de la quantité parce qu'on n'a pas tenu compte

  9   des éléments substantiels, des preuves montrant que Zigic n'a pas tué Sead

 10   Jusufagic. Alors de quel mécanisme s'agit-il ? D'un point de vue théorique,

 11   toutes les curiosités sont possibles, admises, mais alors là, il faut

 12   fournir des arguments, des explications à l'appui.

 13   En l'absence d'une explication quelle qu'elle soit, ce genre d'approche, de

 14   mécanisme constitue tout simplement une preuve de la partialité évidente de

 15   la Chambre de première instance. Ce jugement biaisé se fonde sur des

 16   preuves pas fiables.

 17   Le Témoin N, qui se prononce le plus à la charge de Zigic, n'a lui non plus

 18   reconnu Zigic dans le prétoire, même si compte tenu des circonstances qu'il

 19   évoque dans sa déposition, même si on était en droit de s'attendre à ce

 20   qu'il le reconnaisse.

 21   Le témoin Abdulah Brkic confirme que Zigic a maltraité Sead Jusufagic en le

 22   forçant à courir en portant une mitrailleuse, mais il dit qu'il ne l'a pas

 23   frappé. 

 24   Dans sa majeure partie, le jugement se fonde sur la déposition d'Ervin

 25   Ramic, de ce témoin qui profère toute une série de contrevérités démontrées


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  1   comme étant telles, et qui ne sait pas que Zigic a forcé Jusufagic à courir

  2   en portant une mitrailleuse. Il s'agit cependant d'un événement qu'ont

  3   relaté tous les détenus de Keraterm, tous les détenus étaient au courant de

  4   cela.

  5   Alors, la mort de Jusufagic a été décrite par lui d'une manière

  6   considérablement différente des autres 15 témoins pertinents de la Défense.

  7   Nous avons fourni des détails à ce sujet dans notre mémoire d'appel.

  8   Pourquoi est-ce que cela a été accepté comme tel par une Chambre de

  9   première instance ? Celle-ci ne l'a pas justifié, ne l'a pas expliqué. Là

 10   encore, lorsqu'il s'agit des preuves présentées par la Défense, on peut

 11   dire que ces preuves n'ont pas été traitées de manière équitable, que le

 12   procès n'a pas été équitable.

 13   Un problème semblable se pose à celui qui surgit lorsqu'on parle du meurtre

 14   d'Emsud Bahonjic. Les témoins de la Défense affirment, tout comme Zigic

 15   l'affirme lui-même dans sa déclaration au titre de l'Article 84, que Zigic

 16   a forcé Sead à courir en portant une mitrailleuse et qu'il l'a frappé une

 17   seule fois, et que c'était un coup de pied par derrière. Alors, Sead

 18   Jusufagic, Car, d'après ces témoins, a été tué plusieurs jours plus tard

 19   par des personnes tout autres. Mais comme nous l'avons déjà signalé, la

 20   Chambre de première instance a simplement passé sous silence tout ce qui

 21   favorise la Défense ou tout ce qui va à l'appui de la thèse de la Défense

 22   et on ne retrouve aucune trace de cela dans le jugement.

 23   D'autres part, tous les témoins dont les dépositions constituent le

 24   fondement du jugement, même si ces dépositions sont contradictoires, et peu

 25   fiables, ils affirment que Sead Jusufagic a été battu par beaucoup de


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  1   personnes différentes, et ce, à plusieurs reprises.

  2   Ces dépositions ne permettent nullement d'établir quelle a été la

  3   contribution de Zigic à la mort de Sead Jusufagic, ou Jusufovic, comme il

  4   convient de prononcer son nom de famille.

  5   La seule chose que l'on pourrait éventuellement en déduire, c'est que Zigic

  6   a pris part aux mauvais traitements réservés à Jusufagic ou Jusufovic  Là

  7   encore, ces dépositions des témoins, en dépit de la nature qui est la leur,

  8   sont interprétées d'une manière totalement déformée dans le jugement de

  9   telle sorte que parfois, elles deviennent pratiquement méconnaissables. Nus

 10   avons plusieurs fois abordé cela dans notre mémoire en appel.

 11   Encore une fois, ne serait-ce que s'agissant des éléments de preuve sur

 12   lesquels est fondé le jugement, il n'y a pas de preuve que les actes de

 13   Zigic ont provoqué la mort de Sead Jusufagic, et il n'y a pas non plus de

 14   preuve que Zigic, et ce, quel que soit le test qu'on applique, qu'il avait

 15   l'intention délictueuse adéquate ou requise afin de provoquer la mort de

 16   cet individu.

 17   D'autre part, par les preuves de la Défense, les preuves qui ont été

 18   totalement passées sous silence par la Chambre de première instance, et ce,

 19   sans aucune explication. Ces preuves-là montrent très clairement que Zigic

 20   n'a pas tué Sead Jusufagic, alors que la Chambre d'appel en moins les

 21   prenne en considération pour que l'on n'ait pas présenté ces moyens de

 22   preuve totalement en vain. Mais il convient de donner la possibilité à la

 23   Défense de se prononcer au sujet des conclusions de la Chambre au sujet de

 24   ces preuves.

 25   La conclusion de la Chambre de première instance au paragraphe 623 du


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  1   jugement, à savoir que peu importe qui a asséné le coup fatal, contredise

  2   la conclusion dans l'affaire Celebici, au paragraphe 685,  et confirmé par

  3   la Chambre d'appel, à savoir que dans une situation identique, l'accusé

  4   doit être acquitté s'il n'est pas absolument certain qui a porté le coup

  5   fatal ou qui a infligé les blessures fatales.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Stojanovic, s'il vous

  7   plaît, pour pouvoir vous suivre sur ce point-là, j'aurais besoin de votre

  8   aide. D'après ce que j'ai compris, vous êtes en train de dire que la

  9   Chambre de première instance tout simplement n'a pas pris en compte les

 10   témoins de la Défense auxquels vous vous référez. Est-ce qu'il y a une

 11   différence entre ceci et le fait que la Chambre de première instance a pris

 12   en considération ces éléments de preuve mais les a rejetés.

 13   Vous vous êtes référé au paragraphe 621. Est-ce que vous pouvez voir ce qui

 14   est dit ? Ligne 3 : "De nombreux témoins cités par la Défense ont corroboré

 15   la déclaration que Zigic avait fait hors serment, disant qu'il ne l'avait

 16   vu battre Jusufagic qu'une seule fois. Certains ont affirmé que Zigic avait

 17   quitté Keraterm après le premier passage à tabac de Jusufagic. Selon un

 18   témoin à décharge, après l'incident de la mitrailleuse, un groupe de

 19   soldats revenant d'un enterrement d'un officier, serait arrivé au camp vers

 20   16 heures ou 17 heures. Ces soldats auraient fait sortir Jusufagic et

 21   l'aurait battu. Le lendemain, il était mort."

 22   Il me semblerait qu'on pourrait arguer du fait que la Chambre de première

 23   instance, s'est bel et bien référée aux éléments de preuve présentés par la

 24   Défense sur ce point, mais qu'elle a rejeté ces arguments. Alors est-ce que

 25   c'est la même chose que votre affirmation que la Chambre de première


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  1   instance n'a pas pris en considération les éléments de preuve du tout.

  2   M. STOJANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que l'on

  3   mentionne ici un témoin tout à fait. Vous avez raison. Mais si les témoins

  4   de la Défense ont corroboré la déposition de ce seul témoin, mais ces six

  5   témoins, ils sont complètement passés sous silence. Il n'en ait fait aucune

  6   mention. Il ne reste pas moins que la majeure partie de cela.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ici, la Chambre de première

  8   instance parle de nombreux témoins. Ligne 3 de ce paragraphe, il est fait

  9   référence à de nombreux témoins cités par la Défense.

 10   M. STOJANOVIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Mais

 11   un seul dit que c'est Zigic qui a forcé Car à courir et qu'il a battu. Mais

 12   tous les autres disent qu'il ne l'a pas tué, qu'il a quitté l'endroit

 13   immédiatement et que d'autres personnes sont venues par la suite, et qui

 14   l'ont tué. C'est cela notre objection.

 15   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, je vous ai compris.

 16   M. STOJANOVIC : [interprétation] En se référant à la position de la Chambre

 17   d'appel dans l'affaire Celebici, on s'est permis de poser une question : Y

 18   a-t-il une possibilité raisonnable que la mort de Sead Jusufagic ne soit

 19   pas la conséquence des actes de Zigic ? Même s'il en tient compte, ne

 20   serait-ce que la déposition des témoins de l'Accusation et certainement si

 21   l'on tient compte des témoins de la Défense, il est évident que cette

 22   possibilité existe, et que, par conséquent, Zigic ne serait être déclaré

 23   coupable du meurtre de cet individu.

 24   Je poursuis en passant aux motifs d'appel 13, 14, 15, 16, 17, qui

 25   concernent le meurtre de Drago Tokmadzic, et la déclaration de culpabilité


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  1   pour ce meurtre.

  2   Zigic a été déclaré coupable du prétendu meurtre de Drago Tokmadzic, et

  3   l'on ne retrouve l'explication de cela qu'au paragraphe 631 jusqu'au

  4   paragraphe 633, sur une demie page du jugement, c'est considérablement

  5   moins d'espace consacré à cela dans le jugement que la pornographie portant

  6   sur les enfants.

  7   Alors 13 témoins ont déposé au sujet de cet événement. Cependant, 11

  8   témoins ont déposé favorablement à Zigic et leur déposition n'a absolument

  9   pas été prise en considération. Permettez-moi d'ajouter que j'ai rédigé ce

 10   texte avant la déposition du témoin KV1, que nous avons entendu hier. Nous

 11   pouvons ajouter ce témoin à la liste des témoins à laquelle je me réfère.

 12   Neuf témoins de la Défense et deux témoins de l'Accusation se sont

 13   prononcés favorablement à Zigic.

 14   Or, le jugement se fonde uniquement sur la déposition de deux témoins, le

 15   témoin Y et Edin Ganic. Il s'agit-là de deux témoins qui n'ont absolument

 16   pas de crédibilité et qui sont très peu fiables, et qui plus leurs

 17   dépositions sont contradictoires entre elles.

 18   Même s'agissant de cette partie-là de l'acte d'accusation, le jugement a

 19   certes été prononcé, mais le procès n'a pas vraiment eu lieu, car il y

 20   manquait un élément essentiel, à savoir, l'absence totale de 80 % des

 21   moyens de preuve qui ont été présentés, et toutes analyses sérieuses du

 22   reste des éléments de preuve.

 23   Malgré cela, nous souhaitons aborder avant tout la question de ces deux

 24   témoins sur la déposition desquels se fonde le jugement, et nous cherchons

 25   à prouver que même sur la base de leurs dépositions, Zigic ne peut pas être


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  1   déclaré coupable de cet acte. Voir même sur la base de ce qui figure dans

  2   le jugement, Zigic ne serait être co-auteur de ce meurtre.

  3   Le Témoin Y affirme qu'il a été fait prisonnier au plus tard le 24 juin

  4   1992, et que ce même soir à Keraterm, Drago Tokmadzic a été sorti de la

  5   pièce où il était détenu et qu'il a été tué par des soldats camouflés qui

  6   portaient des masques noirs et des gants. Ce soir-là, après 23 heures, ils

  7   sont arrivés à bord d'un grand véhicule, et ils sont arrivés à Keraterm. Ce

  8   témoin a entendu dire de la part d'autres personnes qui se trouvaient dans

  9   la même pièce que d'après le reflet des phares de ce véhicule, et la

 10   réflexion du phare au plafond de la pièce, ils ont pu en conclure que Zigic

 11   était en train d'arriver pour tuer. Par ailleurs, ce témoin a déclaré de

 12   manière tout à fait catégorique qu'il n'a jamais vu Zigic.

 13   Par conséquent, le jugement fond l'identification de Zigic pour ce qui est

 14   de cet événement sur une déposition de seconde main, disant que Zigic a été

 15   reconnu grâce à la réflexion des phares, la lumière des phares, comme si

 16   ceci aurait pu servir à identifier des parties du corps d'un individu.

 17   Par ailleurs, le témoin Edin Ganic, comme cela ressort de sa déposition, et

 18   comme cela sort de la déposition de son père, Husein Ganic, et la pièce

 19   3/139, concernant son hospitalisation, est arrivé à Keraterm au plutôt le

 20   29 juin 1992. Il affirme qu'il a été témoin oculaire du meurtre de Drago

 21   Tokmadzic, or ce meurtre, il le décrit d'une manière complètement

 22   différente que l'a fait le témoin Y. Il affirme que le 29 ou le 30 juin

 23   1992, dans l'après-midi, et dans la soirée, Banovic, Zigic, et Lajic, sans

 24   qu'ils étaient masqués ou sans qu'ils portaient des gants - et dont il ne

 25   parle pas des personnages masqués - se sont livrés à toute une série de


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  1   passages à tabacs. Ce faisant, ils ne seraient pas arrivés à bord d'un

  2   véhicule tard dans la soirée, comme l'affirme le témoin Y, mais il se sont

  3   trouvés sur place bien plutôt. Le témoin AE, le témoin de l'Accusation, a

  4   dit lui aussi que Tokmadzic a été tué par des soldats, et non pas par des

  5   gardes.

  6   C'est la raison pour laquelle la Défense a mené une enquête très détaillée

  7   sur la mort de M. Tokmadzic, et 20 personnes lui ont dit que Edin Ganic

  8   s'était arrivé à Keraterm très longtemps après la mort de Drago Tokmadzic,

  9   et par conséquent, il n'aurait pas pu être le témoin de sa mort. Certains

 10   témoins étaient disposés à témoigner, en particulier, le témoignage de

 11   Dusanka Andjelkovic, qui était le médecin qu'on a appelé pour constater la

 12   mort de Drago Tokmadzic, à la demande du chef de la police. Cela étant dit,

 13   celui qui a été tué était un policier qui faisait partie de la police

 14   serbe. Le médecin a constaté la mort et a noté que Drago Tokmadzic était

 15   mort suite à un passage à tabac qui a eu lieu dans les premières heures du

 16   matin du 21 juin 1992. Il s'agissait là de huit jours qui ont précédés la

 17   soi-disant déclaration du témoin oculaire, Edin Ganic, qui est arrivé à

 18   Keraterm.

 19   Ensuite, Edin Ganic a précisé, en outre, qu'il ne connaissait pas Drago

 20   Tokmadzic du tout, et a prétendu que c'était précisément Zigic qui lui

 21   avait dit que cette personne avait été passée à tabac, personne qu'il avait

 22   pu voir, et qu'il s'appelait Drago Tokmadzic. Zigic conteste cela, et

 23   conteste qu'il a eu une quelconque contacte avec Edin Ganic. Il s'agit ici

 24   des rumeurs, et son témoignage n'est fondé que sur des rumeurs. Un témoin

 25   qui lui a rapporté cela par ouï-dire est la personne qui lui aurait


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  1   également fournie des informations. Cette personne conteste cette

  2   allégation. Il l'oui dit cette allégation en vertu de quoi il y aurait

  3   fourni des informations.

  4   En outre, Edin Ganic ne précise pas que Zigic a passé à tabac Drago

  5   Tokmadzic. Il a simplement dit qu'il a donné des instructions à Goran

  6   Lajic, de "en terminer". Ceci est cité dans le jugement. A savoir si une

  7   personne avait reçu cette instruction ou non, nous ne sommes pas amenés de

  8   le savoir. Nous ne sommes pas amenés de savoir non plus si Lajic, qui était

  9   une garde, était peut-être le supérieur hiérarchique de Zigic. C'était

 10   clairement quelque chose que l'on n'est en mesure de remettre en question.

 11   De même, lorsqu'on donne une instruction, que cela signifie-t-il ? La seule

 12   chose que cela ne peut pas signifier, et ce qui est indiqué dans le

 13   jugement, à savoir que les différentes instructions, quelques soient les

 14   circonstances, par le bien même d'une instruction, une personne devient co-

 15   auteur. N'aurait-il pas pu être un instigateur, ou accomplisse, ou plutôt,

 16   quelqu'un qui ne pourrait pas être tenu pour responsable ? Que signifie

 17   cette instruction, de "terminez-en avec lui" ? Pourquoi l'instruction

 18   n'aurait-elle précisée qu'il fallait le tuer plutôt que de terminer le

 19   passage à tabac ?

 20   Pour ce qui est de la déclaration du témoin HG dans cette affaire, je cite,

 21   "et ils ont m'en terminé avec cela," cela signifie sans doute que, "ils

 22   m'ont passé à tabac."

 23   Nous avons également rappelé à la Chambre de première instance de la

 24   pétition de la Chambre d'appel dans l'affaire Celebici, en vertu de quoi

 25   une condamnation ne peut pas être fondée sur des déclarations équivoques et


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  1   verbales. Néanmoins, comme nous l'avons déjà précisé, la Chambre de

  2   première instance n'a pas du tout pris en compte cette question-là.

  3   Pour finir, il n'y a aucun élément de preuve portant sur le fait que Drago

  4   Tokmadzic appartenait au parti adverse dans le conflit, et de plus en tant

  5   que civil, et dans ce cas-là, les dispositions de l'Article du Tribunal

  6   pourraient être appliquées. Au contraire, on a pu constater qu'il

  7   s'agissait d'un officier de police serbe, et qu'il portait l'uniforme de

  8   cette police. C'est dans cet uniforme qu'il est venu à Keraterm.

  9   On a également des preuves en vertu de quoi il aura signé une déclaration

 10   d'allégeance aux autorités serbes, et qu'il avait par le passé lui-même

 11   amené des prisonniers à Keraterm, et qu'il était un moitié serbe, un moitié

 12   croate.

 13   Le seul élément de preuve permettant de connaître la raison pour laquelle

 14   il a été tué est qu'il était un officier de police cruelle qui battait les

 15   gens dans la rue.

 16   Quand bien même la parti serbe avait estimée qu'il appartenait à l'autre

 17   parti au conflit, ce qui n'était pas le cas. Dans le cas, on ne peut pas

 18   évoquer les crimes ici qui relèvent de la compétence du Tribunal. A savoir,

 19   il n'y a pas de mens rea, d'intention délictueuse, qui puisse remplacer ou

 20   remplir le vide laissé par les facteurs objectifs et vitaux, à savoir,

 21   l'actus reus, autrement dit que le crime contre la partie adverse dans le

 22   conflit. Il ne suffit pas, non plus, de dire ou de suspecter qu'une

 23   personne appartenait à l'autre partie au conflit. Ce qui est nécessaire ici

 24   est tout à fait certain, il faut une preuve non équivoque de cela, ce qui

 25   en espèce fait défaut.


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  1   Cette opinion a été avancée et soutenue par le Juge Cassese lors de la

  2   publication de ces travaux en 2002, qui porte le titre "Droit pénal

  3   international", "Oxford University Press", page 48, et il illustre son

  4   propos comme suit, il utilise les affaires Piltz et Motosuke.

  5   L'impression que nous laisse ceci est l'impression que nous laisse le

  6   témoin KV1, il s'agit bien évidemment d'un Musulman qui avait été détenu à

  7   Keraterm. Par son témoignage qui a été fourni, ce témoin a clairement

  8   indiqué qu'il n'avait ni vu, ni entendu Zigic au cours de l'assassinat de

  9   Drago Tokmadzic. Il aurait fallu qu'il l'entende ou qu'il le voit étant

 10   donné les circonstances si Zigic avait véritablement pris part à cet

 11   assassinat.

 12   De même, dans son témoignage ce témoin a confirmé la thèse de la Défense en

 13   vertu de quoi dans ce cas précis, il s'agissait d'un membre des forces

 14   serbes qui a effectivement été tué. Sur ce point,

 15   les éléments de preuve penchent certainement du côté de la Défense. Mais

 16   étant donné qu'il s'agit ici d'un élément très important de l'acte commis,

 17   nous estimons que ceci n'est pas approprié non plus et que l'Accusation

 18   doit prouver que Tokmadzic appartenait réellement à l'autre partie au

 19   conflit au-delà de tout doute raisonnable.

 20   Les motifs d'appel suivants, numéros 20 et 21 portent sur la torture

 21   d'Abdulah Brkic. D'après le paragraphe 685 du jugement, Zigic a été

 22   condamné pour le meurtre de cet homme également. La condamnation ne repose

 23   que sur le témoignage d'un seul et même témoin, Abdulah Brkic lui-même. Il

 24   n'y a pas d'autre élément confirmant ceci. Quoiqu'il en soit, Brkic lui-

 25   même a dit et je cite : "Mais Zigic ne m'a jamais fait de mal. Il n'a


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  1   jamais porté la main sur moi." Comme nous pouvons le lire à la page 4482 du

  2   compte rendu d'audience. Zigic non seulement n'a pas pris part à la torture

  3   de Brkic mais il lui l'a même épargnée. C'est la raison pour laquelle cette

  4   condamnation le touche encore plus durement.

  5   L'acte d'accusation contre Zigic n'invoque pas l'annexe D portant sur le

  6   chef d'accusation numéro 12 portant sur la torture de M. Abdulah Brkic. Il

  7   invoque l'annexe D et ne fait état que des actes qui, par rapport aux chefs

  8   d'accusation numéro 12, qui parle de la torture de Abdulah Brkic. Il

  9   invoque ici l'annexe D où sous les chefs d'accusation 1 à 3, nous pouvons

 10   constater qu'aux paragraphes 23 à 32 du dernier acte d'accusation.

 11   Les motifs d'appel, le numéro 24, évoquent la torture du Témoin AK. La

 12   Défense fait valoir que Zigic a commis cet acte. Il s'agit de traitement

 13   cruel de Témoin AK ce qui est confirmé par les déclarations des témoins, de

 14   même que sa propre reconnaissance de culpabilité et de son remords.

 15   Néanmoins, aucun élément de preuve ne permet de constater qu'il a fait cela

 16   dans un but d'agir avec une intention discriminatoire à l'encontre de AK,

 17   puisqu'il était Musulman, et c'est en tout cas ce qui est indiqué lorsqu'on

 18   évoque la torture au paragraphe 597 du jugement. Au contraire, il semble

 19   avoir agi ainsi pour des motifs uniquement personnels. Pourquoi sinon

 20   aurait-il épargné un bon nombre d'autres Musulmans à Omarska sans lever la

 21   main sur aucun d'entre eux, avant d'en arriver à AK ?

 22   Ensuite, nous avons les motifs d'appel numéros 25, 26 et 27 portant sur la

 23   torture du témoin AJ et Asef Kapetanovic, ainsi que de traitement cruel

 24   infligé à Emir Beganovic. Les éléments de preuve qui ont été avancés et qui

 25   attestent de la participation de Zigic à la torture de ces personnes sont


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  1   très peu fiables. Zigic n'avait pas l'intention de faire du mal à Emir

  2   Beganovic. La Défense a expliqué ceci dans son mémoire d'appel, et ce, de

  3   façon très détaillée que vous trouverez aux pages 281 à 309.

  4   Le motif d'appel suivant est le motif d'appel numéro 28, torture de Fajzo

  5   Mujkanovic à Keraterm. La condamnation de Zigic pour cet acte criminel se

  6   fonde sur un seul élément de preuve, élément de preuve fourni par témoin à

  7   charge, Abdulah Brkic. Pour ce qui est des deux autres témoins qui ont été

  8   proposés par l'Accusation et les deux autres par la Défense, ce témoignage

  9   ne sera sûrement pas pris en compte par la Chambre de première instance car

 10   ces dépositions sont favorables à la Défense. C'est en tout cas notre point

 11   de vue. Bien que les témoins qui ont vu ces événements, ces témoins ne font

 12   aucune allusion au fait que Zigic était présent au cours de cet incident.

 13   Nous parlons en ce moment de témoins oculaires.

 14   Ces témoins oculaires ne font pas état de Zigic, ne parlent pas de la

 15   présence de Zigic. Bien que le témoin Abdulah Brkic déclare que Mujkanovic

 16   a été torturé par quelqu'un d'autre, alors que Zigic était

 17   simplement présent, semble-t-il, et qu'il n'ait pas participé aux mauvais

 18   traitements de Fajzo Mujkanovic, comme on peut le voir sur le compte rendu

 19   d'audience, à la page 4483.

 20   D'après ce témoignage, la Chambre de première instance en a conclu que

 21   Zigic était un co-auteur. Ce n'était pas un instigateur, ce n'était pas un

 22   complice mais un co-auteur simplement et cela s'est fondé sur la présence

 23   de Zigic. Zigic était présent mais n'a pas participé à cet acte

 24   contrairement au témoignage avancé par les quatre autres témoins.

 25   Cette même Chambre de première instance, au paragraphe 257 du jugement, a


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  1   établi les critères en vertu de quoi une personne pouvait être condamnée

  2   par sa simple présence mais simplement en tant que complice. Quoi qu'il en

  3   soit, pour ce qui est de Zigic, la Chambre de première instance a omis

  4   d'appliquer ses propres critères.

  5   En outre, hormis ces critères, nous souhaiterions ajouter qu'une

  6   condamnation doit faire valoir une intention délictueuse de la personne

  7   présente mais le jugement, bien évidemment, ne tient pas compte de cela du

  8   tout.

  9   Les motifs d'appel suivants portent les numéros 29 et 30. Il s'agit de la

 10   torture de Redzep Grabic et du Témoin AE. Dans son argument du 3 juillet

 11   2002, la Défense a mal interprété le mémoire de l'appelant en déclarant

 12   qu'il n'y avait aucune charge contre Zigic portant sur la torture de Redzep

 13   Grabic. Néanmoins, la déclaration, en fait, fait allusion au témoin AE

 14   comme cela a été correctement constaté au paragraphe 329 du mémoire d'appel

 15   de la Défense.

 16   Que ce soit dans l'acte d'accusation ou dans tout autre document

 17   complémentaire, Zigic n'a jamais été accusé de la torture du témoin AE,

 18   soit qu'on en avancerait le pseudonyme du témoin ou son vrai nom. Quoi

 19   qu'il en soit, Zigic a été condamné pour torture du Témoin AE tel que cela

 20   figure au paragraphe 691(C) du jugement.

 21   La condamnation de Zigic pour les présumés passages à tabac de Grabic et du

 22   Témoin AE se fondent exclusivement sur le témoignage d'un seul et même

 23   témoin, à savoir, le Témoin AE. Un témoin qui tout en déclarant qu'il a

 24   connu Zigic, qu'il connaissait Zigic depuis très longtemps et que Zigic l'a

 25   frappé, l'a passé à tabac, était incapable de reconnaître Zigic dans le


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  1   prétoire. Dans aucune affaire avons-nous connaissance de quelqu'un qui ait

  2   été accusé d'un crime grave sur la base d'un seul témoignage, d'un témoin

  3   qui n'a pas été à même de reconnaître l'auteur du crime en question.

  4   La Chambre de première instance consciente de ce fait et en vue de

  5   renforcer cet argument prétend que, ce seul et même témoin a donné une

  6   description exacte du témoin en situation. En premier lieu, comme il s'agit

  7   du seul témoin de l'événement qui est allégué, comment la Chambre de

  8   première instance aurait-elle pu parvenir à une telle décision. Elle

  9   n'aurait pu parvenir à une telle décision que si ce témoin avait été

 10   présent au moment de l'événement. Deuxièmement, ce témoin AE décrit Zigic

 11   et a donné une description complètement erronée de Zigic par rapport à

 12   quelques autres descriptions de quelques 60 autres témoins qui ont parlé de

 13   Zigic et qui ont parlé de lui en faisant référence à cette époque-là.

 14   Ces prétendus passages à tabac se sont produits entre le 22 et le 27 juin

 15   1992, et Zigic comme il a été prouvé par les documents qui ont été fournis

 16   et autres éléments de preuve, a été hospitalisé entre le 21 et le 26 juin

 17   1992 et a dû subir une intervention chirurgicale lourde.

 18   Les motifs d'appel suivants, 31 et 32, portent sur la torture de Jasmin

 19   Ramadanovic, également connu sous le nom de Sengin. Plusieurs témoins ont

 20   évoqué le fait que cette personne a été battue à plusieurs reprises dans

 21   différentes circonstances et par différentes personnes. A une occasion, il

 22   a dû être hospitalisé à cause de ses blessures.

 23   La Chambre de première instance a conclu que c'était Zigic qui  était à

 24   l'origine de ces blessures. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas un seul

 25   élément de preuve qui permet de démontrer que Zigic a battu Ramadanovic à


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  1   cette occasion-là et aucun élément de preuve ne permet d'évoquer la gravité

  2   des blessures quand bien même c'est lui qui en aurait été à l'origine. Le

  3   seul témoin qui est, qui a corroboré la condamnation était le Témoin N.

  4   Néanmoins, sa déposition était très différente des trois autres témoins qui

  5   ont prétendu que ce n'était pas Zigic, mais quelqu'un d'autre qui avait été

  6   à l'origine de cela. Néanmoins, la Chambre de première instance spécule,

  7   sans élément de preuve et au détriment de la Défense, en déclarant que ces

  8   témoins en ont vu d'autres qui ont battu, qui ont passé à tabac Ramadanovic

  9   et qu'il ne s'agissait pas du passage à tabac auquel aurait participé Zigic

 10   et qu'ils avaient vu d'autres événements.

 11   Le Témoin N était peu crédible et nous avons apporté plusieurs éléments

 12   corroborant ceci parce que ce témoin avait reconnu Zigic à Keraterm parce

 13   qu'il portait une cicatrice au menton. Au cours de l'audience, il a été

 14   prouvé que Zigic a reçu cette cicatrice le 19 août 1992, à savoir, le jour

 15   du démantèlement de Keraterm.

 16   La Chambre de première instance, d'après ce témoignage et en vertu de quoi

 17   Zigic aurait passé à tabac Ramadanovic parce qu'il appartenait aux Bérets

 18   verts, en a déduit qu'il avait agi sur des bases raciales, de

 19   discrimination ethnique, religieuse et politique. Néanmoins, les Bérets

 20   verts étaient un groupe paramilitaire illégal.

 21   Les motifs d'appel suivants sont les numéros 33 et 34 qui portent sur le

 22   traitement cruel de Hasan Karabasic. Dans ce cas, aucun élément de preuve

 23   ne permet de démontrer que cette réunion de famille qui a eu lieu en dehors

 24   de l'enceinte de Trnopolje où Zigic aurait, semble-t-il, aurait poussé de

 25   la main Hasan Karabasic parce qu'ils ont eu un différend sur le plan


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  1   familial et que ceci a eu des conséquences importantes. Hasan Karabasic

  2   avait été son témoin de mariage et avait été détenu à Keraterm auparavant,

  3   et Zigic s'en serait occupé du mieux possible.

  4   Aucun élément de preuve ne permet de démontrer que le comportement de Zigic

  5   aurait pu infliger des souffrances à la victime, ce qui est un élément

  6   important si l'on veut l'accuser de l'acte pour lequel il a été condamné.

  7   Il s'agit véritablement d'un événement superficiel et, comme le déclare

  8   l'Accusation dans sa réponse consolidée au mémoire d'appel de l'accusé.

  9   Mais nous ne savons pas que depuis l'existence de ce Tribunal, nous n'avons

 10   pas connaissance d'une personne qui ait été condamné pour un délit aussi

 11   peu important. Je crois qu'il s'agit là plutôt d'un élément de preuve

 12   attestant du traitement injuste infligé à Zigic, à la fois par l'Accusation

 13   et par la Chambre de première instance.

 14   Par exemple, bien que la déclaration écrite à l'appui de l'acte

 15   d'accusation, les témoins à charge prétendent que cet événement s'était

 16   produit le 6 août 1992. Zigic a été accusé pour la période allant du 26 mai

 17   à la fin du mois d'août 1992 de façon à créer une impression fausse qu'il

 18   était toujours présent à Trnopolje.

 19   En revanche, il y a un autre exemple que Zigic, par exemple, que

 20   l'Accusation ne cherche pas à révéler la vérité, ni à faire justice de

 21   façon adéquate. Par exemple, le témoignage d'un témoin clé qui est un

 22   témoignage à charge très important, a prétendu que ces événements avaient

 23   eu lieu à l'extérieur de l'enceinte de Trnopolje et qu'une affirmation

 24   fausse avait été faite à la Chambre de première instance pour faire croire

 25   que cet événement s'était produit effectivement à l'intérieur de


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  1   l'enceinte. Plus tard, l'Accusation dans sa réponse au mémoire d'appel pour

  2   la première fois et sans autres explications, prétend que le témoin n'est

  3   pas tout à fait clair sur ce point. Tout ce qui porte sur cet événement a

  4   déjà été abordé dans le détail par la Défense dans son mémoire en réponse.

  5   Néanmoins, tous les arguments de poids sont évités dans le jugement et

  6   présente une image fausse des éléments de preuve avancés par la Défense.

  7   Ils vont même jusqu'à utiliser certaines déclarations venant ou extrait du

  8   mémoire de la Défense contre l'accusé.

  9   Les motifs d'appel 35 et 36 portant sur le passage à tabac du témoin V.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Stojanovic, pouvez-

 11   vous, s'il vous plaît, nous indiquer au fur et à mesure de votre plaidoirie

 12   les paragraphes du jugement auxquels vous vous référez. Pouvez-vous nous

 13   les indiquer ?

 14   M. STOJANOVIC : [interprétation] Mais, bien sûr, Monsieur le Président. Il

 15   est possible que je n'aie pas fait cela au cours de ma plaidoirie de ce

 16   jour parce que je me suis efforcé de ne pas me répéter mais il me semble

 17   que j'ai fait référence à plusieurs reprises au jugement et cela sera

 18   encore également le cas.

 19   Aux paragraphes 650 et 651 du jugement, il est établi que Zigic a passé à

 20   tabac le témoin V et il a été reconnu coupable de ce fait comme on peut le

 21   lire au paragraphe 691 du jugement. Cependant, si on regarde l'acte

 22   d'accusation ou les annexes à l'acte d'accusation, on constate qu'il n'y a

 23   là aucune charge, aucune accusation concernant le passage à tabac du Témoin

 24   V. Au contraire, à l'annexe D, dans la partie qui est intitulée

 25   "Persécutions", on peut lire, je cite : "Détentions dans des conditions


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  1   inhumaines dans la période du 14 juin au 5 août 1992." C'est de cela que

  2   l'on accuse Zigic.

  3   Zigic ne serait être responsable de cet acte, encore moins pour toute cette

  4   période parce qu'il n'a jamais arrêté personne.

  5   S'agissant de cet acte précis, on insiste sur le fait qu'il s'agit d'un

  6   crime de détention, d'une exécution en détention alors que dans l'acte

  7   d'accusation, il aurait différemment. La Chambre de première instance l'a

  8   reconnu coupable de quelque chose de complètement différent. Quand elle l'a

  9   reconnu coupable de ce fait, la Chambre de première instance n'a pas

 10   débattu d'éléments forts importants ayant trait à cet acte, notamment,

 11   l'intention discriminatoire.

 12   Je passe maintenant aux motifs d'appel 37 et 38, passage à tabac d'Edin

 13   Ganic. Paragraphes qui vont jusqu'au 666 du jugement. Ici, nous avons une

 14   déclaration de culpabilité qui repose uniquement sur la déclaration d'Edin

 15   Ganic et de son frère, Husein Ganic, des témoins qui sont très peu fiables,

 16   qui se contredisent. D'autre part, des éléments ont été présentés en

 17   l'espèce et qui semblerait indiquer qu'il se soit parjuré. Edin Ganic a en

 18   effet dit qu'il avait été témoin du meurtre de Tokmadzic à Keraterm alors

 19   qu'il est arrivé à Keraterm plusieurs jours après.

 20   Husein Ganic est un témoin qui n'a même pas reconnu la signature dont on

 21   avait pourtant porté la preuve qu'il s'agissait bien de la sienne. Ceci

 22   empêchant la Défense de l'interroger au sujet des circonstances des

 23   événements qu'il avait décrits dans des déclarations faites au préalable.

 24   Ce témoin fait à certains moments des déclarations telles qu'on ne peut

 25   absolument pas les attribuer à une personne disposant de toutes ses


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  1   facultés de raisonnement. La Défense a déjà apporté de nombreux éléments à

  2   l'appui de cette affirmation.

  3   En reconnaissant Zigic coupable d'acte de persécution envers Edin Ganic, la

  4   Chambre de première instance n'a pas pour autant déterminé l'existence

  5   d'une intention discriminatoire chez Zigic. Si on reprend les termes, les

  6   propos mêmes d'Edin Ganic, on voit que Zigic n'était animé d'aucune

  7   intention discriminatoire alors que cela est expressément prévu par

  8   l'Article 5 du statut du Tribunal dans le cas d'une déclaration de

  9   culpabilité pour un tel acte.

 10   Les motifs d'appel suivants : Commençons d'abord par le numéro 39. La ligne

 11   de conduite délibérée. Les éléments de preuve présentés à ce sujet n'ont

 12   pas été examinés de manière appropriée avec les critères appropriés par la

 13   Chambre de première instance. Dans le jugement, on ne fait absolument pas

 14   le lien entre aucun acte et ce fait. Cette ligne de conduite délibérée et

 15   ce faisant, la Chambre de première instance contrevient au paragraphe 2 de

 16   l'Article 93 du règlement qui rend obligatoire l'application de l'Article

 17   66. De surcroît, un bon nombre de faits ont été établis de manière

 18   inappropriée et tout repose, en fait, sur la déclaration de un ou deux

 19   témoins dont on reconnaît qu'ils sont peu fiables. Aux paragraphes 369 à

 20   389 de notre mémoire en appel, nous avons détaillé ces éléments.

 21   Il est également important de voir comment il se fait, pourquoi la Chambre

 22   de première instance n'a présenté aucune objection quant à l'admissibilité

 23   de la déposition de Husein Ganic.

 24   J'essaie d'accélérer un petit peu en sautant certains passages de mon

 25   intervention.


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  1   En passant maintenant au motif 40, 41. Ces actes ont un lien avec ces actes

  2   et les faits qui ont été discutés précédemment, avec aussi l'examen de

  3   l'intention discriminatoire et du caractère systématique et généralisé de

  4   ces actes. Or, le jugement ne nous donne aucune explication, s'agissant de

  5   la déclaration de culpabilité au titre de persécution pour Zigic, acte de

  6   persécution envers les personnes qui sont mentionnées au paragraphe 691(A).

  7   Zigic a été reconnu coupable d'acte de persécution envers toutes les

  8   personnes présentent à Omarska pendant toute la durée d'existence de ce

  9   camp, or, il n'a passé qu'une demi heure en tout et pour tout à Omarska et,

 10   à ce moment-là, il a participé au passage à tabac d'un seul prisonnier et

 11   ceci pour des motifs le concernant uniquement, des motifs totalement

 12   personnel. De plus, il n'avait aucune fonction à Omarska. Il n'avait aucune

 13   responsabilité au camp.

 14   Ce qui frappe tout particulièrement, c'est l'absence de motivation donnée

 15   par la Chambre de première instance, s'agissant de l'intention

 16   discriminatoire, j'en ai déjà parlé en évoquant les autres motifs d'appel.

 17   En commettant cette omission, la Chambre de première instance va à

 18   l'encontre de ce qui est spécifié au paragraphe 203 du jugement, où il est

 19   dit, qu'elle a toujours déterminé l'existence d'une intention

 20   discriminatoire lorsque c'était pertinent, même si ce point de vue n'est

 21   pas justifié, parce que la Chambre de première instance doit toujours

 22   démontrer l'intention délictueuse même lorsque ce n'est pas le cas. Dans le

 23   cas de Zigic, là aussi, cette position n'a pas été appliquée.

 24   La Chambre de première instance a indiqué à plusieurs reprises, qu'elle

 25   n'avait pas de critère permettant d'évaluer l'existence d'acte de


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  1   discrimination aux vues de l'Article 5 du Statut. A titre d'exemple,

  2   paragraphe 560 du jugement.

  3   Dans ce jugement et cela semble, se retrouver d'ailleurs dans d'autres

  4   affaires, on part du principe et s'est erroné, on part du principe qu'il

  5   suffit de dire que les Serbes ont persécuté les non-Serbes, pour des

  6   raisons politiques, raciales ou religieuses. Nous estimons que ces prémices

  7   doivent être établis de manière précise, parce qu'une persécution, des

  8   actes de persécution peuvent avoir lieu pour des raisons différentes.

  9   D'autre part, la division entre la distinction entre Serbes et non-Serbes

 10   ne tient pas, parce qu'il y avait beaucoup de non-Serbes du côté serbe,

 11   tout comme on trouvait beaucoup de Serbes du côté des non-Serbes.

 12   Pourquoi après plusieurs siècles de cohabitations pacifiques, les Serbes se

 13   mettraient-ils soudain à persécuter les Musulmans ? Nous sommes intimement

 14   convaincus que le caractère permettant de distinguer un groupe de l'autre,

 15   serait de voir ceux qui avaient voté pour le maintien du pays au sein de

 16   l'Yougoslavie et de ceux qui avaient voté pour qu'elle fasse sécession.

 17   Voilà le fondement, la base des discriminations qu'on a vu apparaître

 18   ultérieurement.

 19   Nous ne contestons pas le fait que, plus tard, dans le cadre de cette

 20   division politique, il y a eu des abus, des exactions sur une base

 21   religieuse ou ethnique. Si, il n'y avait pas eu cette division, il n'y

 22   aurait pas eu de conflit. Si les Croates avaient voté en faveur de

 23   l'Yougoslavie, jamais la guerre n'aurait éclaté en Croatie. Si les

 24   Musulmans avaient voté en faveur de l' Yougoslavie, jamais il n'y aurait eu

 25   de guerre, jamais il n'y aurait eu d'acte de persécution en Bosnie-


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  1   Herzégovine, tout comme il n'y en avait pas eu jusqu'à ce point. Cela tous

  2   les Croates, tous les Musulmans peuvent le confirmer.

  3   Cela signifie, qu'on ne peut pas dire que le conflit a éclaté juste ou

  4   simplement parce que certains étaient Musulmans, certains Croates, et

  5   d'autres Serbes; cependant, dans une affaire telle que la nôtre, il est

  6   possible qu'il y ait discrimination pour des raisons politiques. Si la

  7   Chambre de première instance avait établi ce fait, nous estimons quant à

  8   nous, que cela constituerait une forme atténuée de persécution, une forme

  9   moins grave de persécution qu'une persécution sur des bases religieuses ou

 10   raciales. Nous avons déjà expliqué que certains types de persécutions

 11   politiques peuvent être acceptable surtout pendant la guerre. Il est tout à

 12   fait normal de voir tout parti politique qui arrive au pouvoir remplacer

 13   les responsables politiques, et ceci sans motiver ces décisions, on agit

 14   ainsi pour des raisons purement politiques. Il est encore plus habituel et

 15   normal lorsqu'on est en guerre de voir les membres de la partie adversaire

 16   et leurs amis ne pas se voir nommer à des postes de responsabilité.

 17   Je dois vous dire que la persécution de vos ennemis quand vous êtes en

 18   guerre, c'est quelque chose de très courant, et que dans certaines

 19   circonstances, on peut même dire que c'est autorisé. Si bien, qu'il est

 20   absolument essentiel de faire un distinguo entre ce qui est possible ou

 21   plutôt autorisé ou non. Alors je crains que ce Tribunal n'ait pas

 22   véritablement établi de jurisprudence à ce sujet.

 23   Tout ceci devient encore plus compliqué lorsqu'on se trouve dans le cas

 24   d'une guerre civile comme en Bosnie-Herzégovine, où très souvent comme par

 25   exemple, à Prijedor, il n'y avait pas de ligne de démarcation entre les


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  1   parties belligérantes au front, les parties belligérantes étaient souvent

  2   des gens qui venaient du même endroit, et des gens qui étaient mélangés.

  3   Ici se pose encore un autre problème. Parce que nous estimons que,

  4   lorsqu'il y a guerre civile, les combattants sont la plupart du temps des

  5   civils. Le nom de la guerre le dit très bien surtout au début d'un tel

  6   conflit; cependant, les conventions de Genève ont un sens inverse.

  7   Puisque tous ces éléments, tous ces problèmes n'ont nullement été prises en

  8   compte par la Chambre de première instance, la Chambre de première instance

  9   n'a pas tenu compte de notre position, selon laquelle lorsqu'il y a acte de

 10   persécution, l'acte délictueux peut être -- peut viser une personne en

 11   particulier, une personne individuelle, mais que l'intention délictueuse

 12   surtout lorsqu'on est face à des actes de discriminations généralisées,

 13   l'intention délictueuse doit viser un groupe. Ce qui signifie que

 14   l'attitude de l'auteur de l'acte délictueux envers le groupe, en général,

 15   doit être prise en compte, doit être examinée avec soin et dire qu'il y

 16   avait persécution pour des raisons politiques et n'ont pas raciales ou

 17   religieuses, qui serait beaucoup plus conforme à la réalité. Ceci

 18   contribuerait d'ailleurs également beaucoup plus à la réconciliation des

 19   populations sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

 20   Il subsiste encore des divisions religieuses, des divisions sur des bases

 21   ethniques, mais la division politique entre ceux qui voulaient rester au

 22   sein de l'Yougoslavie et ceux qui voulaient ne plus en faire partie, n'est

 23   plus à l'ordre du jour, puisque l'Yougoslavie n'existe plus. On a trouvé

 24   une solution politique à cela, si bien qu'on ne peut plus dire aujourd'hui

 25   qu'il y aurait discrimination sur cette simple raison; cependant, il peut y


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  1   avoir discrimination pour des raisons ethniques ou religieuses. Mais, si on

  2   reconnaît que les discriminations étaient motivées par des raisons

  3   politiques, on apaiserait les tensions religieuses et ethniques, alors que,

  4   si on attribue ces actes de discriminations à des motifs ethniques ou

  5   religieux, on ne fait que jeter de l'huile sur le feu.

  6   Le motif d'appel suivant, numéro 43, soulève des problèmes d'une évaluation

  7   erronée de certaines circonstances atténuantes. Le fait que ces

  8   circonstances atténuantes n'ont pas été prises en compte comme cela aurait

  9   dû être le cas, les Juges de la Chambre, par exemple, n'ont pas

 10   suffisamment compte du fait Zigic, au moment où les actes incriminés dont

 11   il a été accusé, ont été commis, que Zigic était gravement blessé et que

 12   c'est à ce moment-là qu'on avait dû lui imputer un doigt. C'est pour cette

 13   raison qu'il avait été hospitalisé assez longuement et c'est pour cette

 14   raison qu'aujourd'hui encore, il est invalide.

 15   Cette blessure a eu un impact physique et psychologique important sur lui.

 16   La douleur qu'il a ressentie, la perte de son indexe, en fait, il était

 17   dans un état psychologique très fragilisé. D'autre part, il n'était pas à

 18   même d'utiliser cette main pour frapper qui que ce soit. D'autre part, il

 19   avait un bandage autour de la main, ce qui était un élément permettant de

 20   l'identifier assez facilement.

 21   Au paragraphe 746 du jugement, on mentionne le fait qu'il se soit constitué

 22   prisonnier auprès du Tribunal en avril 1998, mais on dit que cela ne

 23   constitue pas une circonstance atténuante puisqu'à ce moment-là, il était

 24   en prison à Banja Luka, il purgeait une peine relative à un autre acte

 25   délictueux. Or, nous estimons quant à nous qu'il y a erreur parce que


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  1   c'était indéniablement là une circonstance atténuante, même si c'est une

  2   circonstance atténuante à laquelle il convient d'accorder moins de poids

  3   que s'il avait été en liberté au moment où il s'est rendu. Mais, au cours

  4   de cette période, personne ne s'est constitué prisonnier volontairement, et

  5   la Républika Srpska n'extradait aucun accusé. Il faut se souvenir qui était

  6   au pouvoir à cette époque en Républika Srpska. Il était impossible qu'il

  7   soit à ce moment-là extradé à moins qu'il ne l'ait vraiment voulu, et cela

  8   a été le cas.

  9   D'autre part, les Juges de la Chambre n'ont pas tenu compte des aveux de

 10   Zigic s'agissant d'un certain nombre de crimes. Ils n'ont pas non plus tenu

 11   compte de l'expression de son remord, et des excuses qu'il a présenté aux

 12   victimes. Or ceci était important, on peut le voir dans la partie du

 13   jugement où on reprend ces déclarations de Zigic pour justifier sa

 14   culpabilité.

 15   D'autre part, lorsqu'elle a décidé de la peine de Zigic, la Chambre de

 16   première instance, aux paragraphes 764 à 766, a prononcé sa peine sur le

 17   reste de la déclaration de culpabilité pour emprisonnement et conditions

 18   inhumaines. Or, si on regarde les paragraphes 691 à 693 du jugement, on

 19   voit que Zigic n'a pas été déclaré coupable de ce crime.

 20   Enfin, je souhaite insister sur le fait que la peine prononcée à l'encontre

 21   de Zigic sort de la fourchette des peines généralement prononcées par le

 22   Tribunal dans des cas similaires. En partant du principe que Zigic ait

 23   effectivement été coupable de tout ce dont on l'accuse.

 24   Prenant l'exemple de Predrag Banovic jugé dans l'affaire IT-02-65-S, et

 25   d'après ce que l'on sait, il a été responsable des mêmes crimes, il a passé


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  1   à tabac des détenus dans un camp, certains ont succombé à leurs blessures.

  2   Il y a eu également le meurtre de Tokmadzic, et le passage à tabac de deux

  3   autres prisonniers, des crimes des communs. Mais Banovic Predrag a commis

  4   cinq meurtres, alors que Zigic lui n'en a commis quatre; Banovic a commis

  5   27 passages à tabac, alors que pour Zigic c'est trois fois moins dix, y

  6   compris le passage à tabac de Hasan Karabasic.

  7   Nous estimons que Banovic était un garde, il était responsable de préserver

  8   la vie de ces détenus, et qu'il est plus responsable que Zigic. Comme on

  9   l'a déjà dit, Zigic s'est constitué prisonnier auprès du Tribunal, alors

 10   que Banovic a pris la fuite, il s'est échappé, il est allé dans un autre

 11   pays où il s'est caché jusqu'au moment où on l'a pris et où il a été

 12   transféré manu militari au Tribunal. Banovic a conclu un accord de

 13   plaidoyer avec le Procureur qui a retiré les charges concernant trois

 14   meurtres qu'il avait commis. En fait, il était coupable de huit meurtres.

 15   Zigic a essayé de conclure un accord de plaidoyer avec l'Accusation, mais

 16   uniquement au moment de l'appel parce que cela n'avait pas été possible

 17   avec l'équipe de l'Accusation au niveau de la première instance; cependant,

 18   il n'est pas parvenu à conclure cet accord.

 19   Il faut encore dire que Zigic a exprimé ces remords, il a avoué un certain

 20   nombre de crimes, alors que Banovic n'a pas fait preuve de coopération avec

 21   le Procureur ou, du moins, pas d'une manière importante. Tout ce qui a

 22   trait à Banovic est bien connu du Tribunal, la règle notoria non probatur

 23   s'applique ici, inutile de prouver ce qui est déjà connu.

 24   Maintenant, reprenons à la norme du Juge des faits raisonnables, il est

 25   indéniable que, dans ces cas-là, tout Juge de faits raisonnables


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  1   affirmerait que Zigic mérite une peine beaucoup plus légère que celle qui a

  2   été prononcée à l'encontre de Banovic.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous allez passer à

  4   une nouvelle phase de votre argumentation ? Est-ce que vous pensez que le

  5   moment serait bienvenu pour faire une pause ?

  6   M. STOJANOVIC : [interprétation] Oui. J'ai essayé d'être bref. Je sais bien

  7   que c'est très fatiguant pour vous d'entendre tous ces arguments, et j'ai

  8   encore besoin d'un petit peu de temps mais il est indéniable que j'en aurai

  9   terminé après la pause, j'aurais besoin de moins d'une heure et demie.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pourriez-vous, lorsque nous

 11   reprendrons les débats, vous pencher sur la dernière phrase du paragraphe

 12   746 du jugement. Il explique pourquoi la Chambre de première instance ne

 13   considérait pas que la reddition de l'accusé au Tribunal n'était pas une

 14   circonstance atténuante, je cite : "Etant donné que Zigic était incarcéré à

 15   Banja Luka lors de sa reddition au Tribunal, la Chambre ne considère pas

 16   celle-ci comme une circonstance atténuante." J'aimerais simplement que vous

 17   y réfléchissiez et que vous puissiez nous faire des observations à ce sujet

 18   après la pause. Merci.

 19   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous allons maintenant faire une

 21   pause de 30 minutes. Merci.

 22   --- L'audience est suspendue à 16 heures 00.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 30. 

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'audience est reprise. Maître

 25   Stojanovic.


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  1   M. STOJANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous me

  2   le permettez, je tiens à répondre tout d'abord à la question que vous

  3   m'avez posée.

  4   J'ai consulté entre-temps ce sujet. M. Zigic m'a dit, en disant qu'il

  5   figure même sur la liste officielle du Tribunal, comme quelqu'un qui s'est

  6   reconstitué prisonnier lui-même, qui s'est rendu lui-même au Tribunal. Aux

  7   paragraphes 421 et 422, de notre mémoire, nous avons fourni des

  8   explications plus détaillées au sujet de la position prise par la Chambre

  9   de première instance, et nous avons formulé un commentaire, en expliquant

 10   pourquoi, nous estimions, que ceci constituait, néanmoins, une circonstance

 11   atténuante. Si vous me permettez, je donnerai lecture de la teneur de ces

 12   deux paragraphes. Ce texte figure ici en anglais. J'espère que l'équipe

 13   d'interprètes ne me le reprochera pas.

 14   Il s'agit du paragraphe 746, et il est dit ici : "Que Zoran Zigic était

 15   connu des services du commissariat d'Omarska comme un petit délinquant.

 16   Mais que, néanmoins, il n'est pas considéré que cette conclusion soit

 17   fondée, en particulier, compte tenu du fait, que Zigic n'a jamais rien eu

 18   avoir avec le poste de Police d'Omarska."

 19   Il est dit dans le même paragraphe : "Que Zigic était incarcéré à Banja

 20   Luka, lors de sa reddition au Tribunal, que la Chambre de première instance

 21   ne considère pas cette reddition comme une circonstance atténuante. La

 22   Défense, quant à elle, estime que la Chambre de première instance a commis

 23   une erreur ici. A l'époque, les autorités de la Républika Srpska ou, en

 24   autre, Momcilo Krajisnik et Biljana Plavsic détenaient les positions les

 25   plus hautes, n'auraient certainement pas extrader Zigic au Tribunal sans


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  1   que la demande ne vienne de lui. De plus, sa condamnation en Republika

  2   Srpska n'était pas encore prononcée ou en vigueur. Le fait qu'il soit en

  3   prison était considéré encore comme une période de détention. Il pouvait

  4   aussi s'attendre à ce que l'acte d'accusation dressé contre lui par le

  5   Tribunal soit retiré. A peu près, au même moment, des chefs d'accusation, à

  6   l'encontre de 14 personnes, ont été, effectivement, abandonnés, les

  7   poursuites ont été abandonnées, et il faisait partie de ceux qui avaient

  8   été mentionnés dans le même acte d'accusation. Tout ce que je viens de

  9   mentionner montre que sa reddition doit être prise en considération comme

 10   un élément significatif, comme une circonstance atténuante, peut-être pas

 11   du niveau auquel on pourrait s'attendre, mais quand même significatif, quoi

 12   qu'il en soit. La question de la reddition est quelque chose qui doit être

 13   considérée comme étant de la même valeur -- sa reddition doit être

 14   considérée comme étant de la même valeur que la reddition des personnes qui

 15   sont en liberté."

 16   C'est ce que nous avons dit nous-même dans notre mémoire en appel.

 17   Malheureusement, il nous faudra accélérer et, si vous me permettez, je

 18   rappelle que nous étions en train de comparer les déclarations de

 19   culpabilité, les peines prononcées l'une contre Banovic et Zigic, disons

 20   que Zigic était déclaré coupable de dix et Banovic de 27 passages à tabac;

 21   Banovic de cinq meurtres, et Zigic de quatre.

 22   Nous avons dit que Zigic, normalement, aurait dû se voir affligé une peine

 23   moindre que celle de Banovic. Nous avons également rappelé le texte du juge

 24   du fait raisonnable. Alors, il s'est passé ici quelque chose qui ne peut

 25   absolument pas être justifié. Zigic s'est vu prononcer une peine trois fois


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  1   plus grave que celle de Banovic. Banovic a eu une peine de huit ans de

  2   prison, alors que, pour Zigic qui a commis moins d'actes de même nature, on

  3   a prononcé à son encontre une peine de 25 ans de prison.

  4   Nous estimons que cette approche non seulement pour préjudice aux personnes

  5   que l'on juge, mais aussi l'autorité de ce Tribunal.

  6   J'en arrive au motif d'appel numéro 46, qui concerne notre affirmation que

  7   la Chambre de première instance a fait preuve de partialité. Je rappelle

  8   que nous avons ici évoqué certainement le motif le moins populaire ou le

  9   moins agréable d'un  -- afin d'appuyer ce genre d'affirmation, il convient

 10   d'arquer des choses valables, d'avancer des arguments valables. Il me

 11   semble que nous avons déjà cité quelques exemples à cet effet. Nous avons

 12   mentionné le fait que pratiquement tous les jugements ont été prononcés

 13   sans tenir compte de la Défense. Lorsque je dis que la Défense n'a pas été

 14   pris en compte, cela veut dire que d'aucune manière l'on a fait savoir que

 15   la Chambre de première instance ait pris en compte les éléments de preuve

 16   avancés par la Défense. Je sais que la Chambre de première instance n'est

 17   pas tenue de citer chacun des éléments de preuve présentés. Ceci étant dit,

 18   elle ne peut pas oublier une dizaine de témoins oculaires, tout en fondant

 19   sa décision sur des spéculations, sur quelques indices et sur des preuves

 20   de seconde main.

 21   Pour ce qui du meurtre de Drago Tokmadzic, l'on n'a pas mentionné 11

 22   témoins, et le jugement se fonde sur des preuves indirectes, dépositions

 23   indirectes de deux témoins. Nous avons également mentionné un exemple, qui

 24   concerne Abdulah Brkic, un témoin, lorsque l'on a interdit à la Défense de

 25   l'interroger sur le meurtre de Becir Medunjanin au moment où le témoin a


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  1   dit qu'il connaissait cet événement. Un autre exemple, le Témoin T, son

  2   interrogatoire et le fait qu'il ait identifié Zigic dans ce prétoire.  Nous

  3   avons dit que les preuves présentées par la Défense ont été passées sous

  4   silence dans d'autres cas également.

  5   Exceptionnellement, on les a pris en compte que lorsqu'il s'agissait

  6   d'éléments à charge. C'étaient des éléments secondaires dans ces

  7   dépositions.

  8   Dans 1 ou 2 % des dépositions des témoins, on leur prête foi, alors que

  9   dans la grande partie de leur déposition, on ne les suit pas. Nous avons là

 10   le témoin DD10 qui fait partie de ce cas de figure. Ce témoin a été cité et

 11   on lui a posé la question, qui était de savoir si Zigic a pris part au

 12   meurtre de Medunjanin. De manière catégorique, le témoin a dit non.

 13   Cependant, dans le jugement on mentionne ce témoin uniquement lorsqu'il

 14   s'agit d'établir la responsabilité de tous les co-accusés et en

 15   particulier, celle de Zigic. Ce témoin est cité pour prouver que Medunjanin

 16   a été passé à tabac, ensuite pour prouver que Medunjanin a succombé à ce

 17   passage à tabac, et c'est la preuve qui est porté à l'encontre de Zigic.

 18   Or, la seule chose que l'on ne mentionne pas, c'est une affirmation

 19   catégorique de ce même témoin, à savoir que Zigic n'a nullement pris part à

 20   ceci.

 21   Même lorsque l'on prononce l'acquittement, la Défense est totalement passée

 22   sous silence. Par exemple, pour ce qui est de la charge au sujet du

 23   massacre à Keraterm du 24 juillet 1992, l'on ne prend pas en compte

 24   l'ensemble de 700 déclarations de témoins de la Défense, et pour les trois

 25   témoins restant, les témoins de la Défense d'alibi de Zigic, on a dit qu'on


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  1   ne leur prêtait pas foi. C'est la raison pour laquelle nous sommes

  2   convaincus que la Chambre d'appel est saisie d'une affaire tout à fait

  3   spécifique ici.

  4   Les sources juridiques, et en particulier la jurisprudence de ce Tribunal,

  5   ont été ici utilisées de manière tout à fait sélective. Un exemple,

  6   l'affaire Celebici, c'est une affaire où l'on puise beaucoup pour étayer le

  7   jugement. Dans cette même affaire, il y a des éléments qui vont à l'appui

  8   de la Défense. Ces éléments-là, ils n'ont absolument pas été pris en

  9   considération. La Chambre de première instance  ne les mentionne nullement.

 10   Enfin, notre motif d'appel 47 où l'on revient à tous les arguments, toutes

 11   les raisons qui sont mentionnées dans notre mémoire en appel. On peut

 12   effectivement nous reprocher que ceci parait un petit peu vague parce que

 13   dans notre mémoire en appel, il y a en tout 130 pages.

 14   Comment réagir lorsqu'on reproche tous les meurtres et tous les passages à

 15   tabac d'Omarska à notre client ? Je pense que cinq cent mille pages ne

 16   suffiraient pas à puiser toutes les informations. C'est le nombre de pages

 17   que contient notre affaire compte tenu de tous les documents qui ont été

 18   communiqués.

 19   Enfin, pour résumer, tout ce que nous avons exposé ici aujourd'hui ne

 20   constitue qu'une moindre partie de ce qui est contenu dans notre mémoire en

 21   appel et dans notre réponse, réplique à la réponse du Procureur. Nous avons

 22   toujours cherché à nous fonder sur des éléments solides et sur des preuves

 23   présentées.

 24   Enfin, permettez-moi de dire que, malgré toutes ces qualifications graves,

 25   que je vous fasse part de ma grande satisfaction d'avoir eu l'occasion de


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  1   participer à cette affaire qui est complexe, difficile, et exige de nous de

  2   faire part d'une grande responsabilité, à la fois devant la Chambre de

  3   première instance et devant cette Chambre d'appel. Il s'agit pour moi d'une

  4   expérience inestimable, et en dépit de tous les moments difficiles et

  5   éprouvants, c'est la plus grande satisfaction que j'ai eue jusqu'à présent

  6   dans ma carrière professionnelle.

  7   Je vous remercie de votre attention.

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Maître

  9   Stojanovic. Vos propos nous ont été d'une grande aide. Je me tourne à mes

 10   collègues de la Chambre d'appel.

 11   Il n'y a pas de questions pour vous, Maître Stojanovic. Ceci ne traduit

 12   nullement un manque d'intérêt pour ce que vous avez dit. Je vous remercie.

 13   Je vous félicite tout particulièrement d'avoir terminé avant le délai

 14   prévu.

 15   Je me tourne à l'Accusation, il nous reste un petit du temps. Je ne sais

 16   pas si l'Accusation est prête pour prendre la parole et exposer ses

 17   arguments maintenant ?

 18   M. CARMONA : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Président, nous

 19   avons été un petit surpris par la fin inattendue de l'exposé de notre

 20   collègue. Je dois dire que nous ne sommes pas en mesure de commencer

 21   aujourd'hui. Mais, je vous assure que nous serons aussi prompts demain que

 22   possible.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] C'est plutôt par curiosité que

 24   je vous ai posé la question. De toute façon, vous n'êtes prévu pour

 25   commencer que demain matin à 9 heures.


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  1   M. CARMONA : [interprétation] Merci.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation]  Par conséquent, nous allons

  4   lever la séance jusqu'à demain matin à 9 heures. Je vous remercie.

  5   --- L'audience est levée à 16 heures 49 et reprendra le jeudi 25 mars 2004

  6   à 9 heures.

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