Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 25 mars 2004

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour. Nous poursuivons

  7   l'audience dans l'affaire Kvocka. Madame la Greffière d'audience, veuillez,

  8   je vous prie, donner le numéro de l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-98-30/1-A, le

 10   Procureur contre Miroslav Kvocka, Mladjo Radic, Zoran Zigic et Dragoljub

 11   Prcac.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vais vérifier que tout le

 13   monde m'entend bien. Si quelqu'un n'est pas en mesure de m'attendre, qu'il

 14   ou elle le fasse savoir. Je pense que les appelants peuvent m'attendre. Il

 15   y a peut-être une hésitation de leur côté. M. Kvocka, m'entendez-vous ?

 16   L'APPELANT KVOCKA : [interprétation] Oui, je vous entends, Monsieur le

 17   Président.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Radic ?

 19   L'APPELANT RADIC : [interprétation] Oui, je vous entends.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Zigic ?

 21   L'APPELANT ZIGIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous

 22   entends.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Prcac ?

 24   L'APPELANT PRCAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous

 25   entends.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'espère que je fais des progrès

  2   en prononciation dans votre langue.

  3   Nous en avons terminé des présentations.

  4   Monsieur le Procureur, Monsieur Carmona, c'est maintenant à vous. Etes-vous

  5   prêt ?

  6   M. CARMONA : [interprétation] C'est mon éminente consoeur, Mme Norul

  7   Rashid, qui va commencer la présentation des arguments de l'Accusation.

  8   Elle interviendra pour répondre aux arguments relatifs à l'entreprise

  9   criminelle commune et en particulier aux arguments de Kvocka.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid, merci. Vous avez

 11   la parole.

 12   Mme RASHID : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,

 13   Messieurs les Juges. Je vais répondre aux arguments juridiques qui ont été

 14   soulevés par les appelants dans leur divers mémoire, et je vais également

 15   répondre aux arguments qui ont été présentés dans les plaidoiries au sujet

 16   de l'entreprise criminelle commune.

 17   La contestation des conclusions sur les faits, s'agissant de ce type de

 18   responsabilité, fera l'objet d'une réponse de l'équipe de l'Accusation au

 19   sujet de chacun des mémoires des appelants.

 20   La Chambre de première instance a conclu que le camp d'Omarska a été mis en

 21   place par les autorités serbes dans la municipalité de Prijedor vers le 27

 22   mai 1992, à Omarska. Les autres camps étaient qualifiés de camp de

 23   regroupement. L'objectif c'était de reconnaître des individus suspects

 24   d'avoir collaboré avec la partie adverse.

 25   Le camp d'Omarska a été démantelé à la fin août suite à des pressions


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  1   exercées par la communauté internationale. Ceux qui ont mis en place les

  2   camps, c'était tous des Serbes. La cellule de Crise, y compris Simo

  3   Drljaca, a mis en place ce camp. Le commandant du camp était - et ce,

  4   personne ne le conteste - Zeljko Meakic. Ceci n'a pas été contesté au cours

  5   du procès.

  6   La sécurité était assurée par des soldats, ainsi que par des hommes de la

  7   Défense territoriale d'Omarska. Il y avait des hommes chargés de

  8   l'interrogatoire, il y avait 30 gardes venant du poste de Police d'Omarska,

  9   il y avait des gens qui étaient chargés de la gestion du personnel, de la

 10   logistique et ceci représentait environ 35 personnes. Ce centre de

 11   Regroupement procédait à la détention et à l'interrogatoire, non seulement

 12   d'hommes en âge de porter des armes, ceux agés de 16 à 60 ans. Il y avait

 13   également là des hommes plus agés, ainsi que des femmes. Il y avait environ

 14   36 femmes.

 15   A la fin de son existence, vers la fin -- de son travail plutôt, la Chambre

 16   a constaté qu'en août 1992, à la fin de ses travaux, la Chambre de première

 17   instance a constaté que la majorité des femmes et des hommes non-serbes

 18   avaient été tués, torturés, violés et, en tout cas, pour la plupart, soumis

 19   à des mauvais traitements. Trois des appelants venant du poste de Police

 20   d'Omarska, Kvocka était un officier de police de haut rang, Prcac était un

 21   technicien en matière de criminologie qui vient du poste de Police, Radic

 22   était un policier qui travaillait au poste de Police de Ljubija.

 23   Chacun de ces individus a eu un certain nombre de rôles et de fonctions au

 24   camp. La question qui se posait à la Chambre de première instance, c'était

 25   de déterminer dans quelle mesure un individu, qui mène à bien des tâches


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  1   apparemment ordinaires, dans un endroit extraordinaire et exceptionnel, si

  2   l'on peut dire, comme le camp d'Omarska, peut être considéré comme

  3   responsable de toute une série de crimes commis de façon systématique par

  4   d'autres personnes.

  5   Le concept de crime collectif n'est pas quelque chose de nouveau au

  6   Tribunal. L'évaluation juridique pour ce type de responsabilité, qui a été

  7   appliquée par la Chambre de première instance en l'espèce, ne fait plus

  8   l'objet de contestation. La Chambre d'appel -- dans Tadic l'a confirmé,

  9   ainsi que dans Vasilijevic, dans Krnojelac, et dans la décision Ojdanic, du

 10   21 mai 2003, la Chambre d'appel a reconnu qu'il y avait trois types de cas

 11   qui tombent sous le coup de la responsabilité pour l'entreprise criminelle

 12   commune. La catégorie qui s'approche le plus de notre affaire, c'est la

 13   deuxième catégorie dans cette entreprise criminelle commune. La Chambre

 14   d'appel a accepté que les éléments pertinents à cette deuxième catégorie -

 15   et qui sont communs soient au nombre de trois - il faut prouver qu'il y a

 16   eu plusieurs personnes impliquées, qu'il y avait l'existence d'un plan,

 17   d'un dessin ou d'un objectif commun qui revient à la perpétration d'un

 18   crime qui est visé au statut du Tribunal. Le troisième élément, c'est la

 19   participation de l'accusé au dessin commun.

 20   La Chambre d'appel a accepté une catégorie de participation élargie, qui

 21   inclut la perpétration d'un des crimes visés au statut, ou l'assistance ou

 22   la contribution apportée à l'exécution du plan du dessin commun, si bien

 23   qu'on insiste ici en fait sur la contribution à l'exécution du plan ou du

 24   dessin commun. C'est là que l'accent est mis.

 25   S'agissant de l'intention délictueuse pour la deuxième catégorie,


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  1   entreprise criminelle commune, la Chambre de première instance a adopté le

  2   critère Tadic, conformément à la décision prise récemment par la Chambre

  3   d'appel dans Krnojelac. L'intention délictueuse consiste à partager

  4   l'intention de ce système, dont l'objectif, ce qui présuppose plutôt la

  5   connaissance de tout un système de sévices et l'intention de promouvoir ce

  6   système de mauvais traitements, la Chambre de première instance dans son

  7   jugement a, avec beaucoup de soins, limité la discussion juridique sur le

  8   type de responsabilité au fait de l'espèce, et à la participation d'acteurs

  9   de niveau moyen dans cette entreprise criminelle. La Chambre de première

 10   instance a reconnu que les appelants n'avaient pas ordonné la création du

 11   camp, ni organisé le camp, qu'ils n'avaient pas été à l'origine de la

 12   campagne de violence qui a déferlé sur le camp, mais que c'étaient,

 13   cependant, des acteurs clés qui ont participé au fonctionnement du camp,

 14   qui constituait une entreprise criminelle commune de par son

 15   fonctionnement.

 16   Ce qu'a fait la Chambre de première instance, cela a été d'étudié et

 17   analysé avec beaucoup de soin, non seulement la jurisprudence établie du

 18   Tribunal, comme par exemple l'arrêt Tadic, mais la Chambre de première

 19   instance a également procédé à une étude approfondie d'affaire ayant suivi

 20   la Deuxième guerre mondiale, dont l'analyse se trouve aux pages 71 à 88 du

 21   jugement. Que cherchait les Juges de la Chambre ? Ils se sont intéressés

 22   plus particulièrement à la responsabilité des individus, des civils qui

 23   menaient à bien des taches dans le cadre de leurs fonctions ordinaires, de

 24   leurs emplois ordinaire, et qui souvent n'ont pas été victimes des crimes

 25   commis par l'organisation pour laquelle ils travaillaient. Des médecins,


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  1   des industriels, qui ont fourni du gaz au camp de concentration, ceux qui

  2   travaillaient dans l'administration, ou des enfants ont été abandonnés et

  3   sont morts.

  4   S'agissant des affaires concernant les camps de concentration, la Chambre

  5   de première instance a conclu que ceux qui n'avaient pas été coupables de

  6   crimes, qui n'avaient pas de sang sur les mains pouvaient être considérés

  7   comme coupables de crimes qui entraient dans le cadre du plan commun, s'ils

  8   étaient restés à leur poste et s'ils avaient continué à contribuer au

  9   fonctionnement du camp, si leur participation était importante, du fait de

 10   leur position, ou de par les faits. Ceci on le trouve au paragraphe 284,

 11   ainsi qu'au paragraphe 310 du jugement.

 12   Au paragraphe 282, la Chambre de première instance a conclu qu'il était

 13   possible de trouver dans la jurisprudence issue des affaires de

 14   concentration. La responsabilité pénale des membres du personnel des camps

 15   sera engagée si ceux-ci ont eu connaissance de la nature des crimes qui ont

 16   été commis, sauf s'ils n'ont joué aucun rôle d'administration ou de

 17   surveillance ou emprunt d'illégalité ou sauf si nonobstant le fait qu'ils

 18   aient pu avoir un statut important, ou sauf si leurs contributions à

 19   l'entreprise ont été minimes. Paragraphe 282 du jugement.

 20   La Chambre de première instance a conclu que, pour être considéré comme

 21   responsable de participation à une entreprise criminelle commune, un accusé

 22   doit avoir réalisé des actes qui ont contribué à la mise en place de cette

 23   entreprise et à la réussite de cette entreprise ou s'il a fourni une

 24   assistance, sachant que ses omissions et ses actes ont facilité la réussite

 25   de cette entreprise criminelle commune.


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  1   A ce stade, nous souhaitons insister sur un point, et ceci ne figure pas

  2   dans les mémoires d'appel. Nous avançons que, bien que la Chambre de

  3   première instance ait eu raison dans son analyse des faits, et dans les

  4   conclusions qu'elle a tirées sur le fait que la contribution des appelants

  5   a été importante, au terme du droit qui s'applique au Tribunal, et au terme

  6   plus particulièrement du dernier arrêt de la Chambre d'appel. Dans

  7   Krnojelac, au sujet d'une forme systématique d'entreprise criminelle

  8   commune, l'Accusation l'a sortie, et seulement dans l'obligation de prouver

  9   que le participant à contribuer à l'exécution du plan commun. Ceci ressort

 10   clairement de l'arrêt Tadic.

 11   Si bien que la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle

 12   la participation doit être de niveau important va au-delà des critères qui

 13   sont exigés par la Chambre d'appel dans tous ses arrêts. Si la Chambre

 14   d'appel estime que la Chambre de première instance a appliqué un critère

 15   supplémentaire, nous avançons, quant à nous, que cela n'est nullement

 16   préjudiciable aux appelants, que cela ne constitue nullement un déni de

 17   justice et qu'en réalité, cela ne fait que conforter les conclusions tirées

 18   par la Chambre de première instance en espèce.

 19   Maintenant, si l'on applique tous ces éléments juridiques à l'espèce, on

 20   voit que la Chambre de première instance a conclu que les crimes commis au

 21   camp d'Omarska ont été commis par plusieurs personnes, et que ces personnes

 22   ne pouvaient être commis que par plusieurs personnes. On a la mise en

 23   place, l'organisation, le fonctionnement du camp nécessitait la

 24   participation d'un grand nombre d'individus qui jouaient toute sorte de

 25   rôle au camp, et qui avaient des fonctions diverses plus au moins


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  1   importantes.

  2   L'entreprise criminelle commune que constituait ce camp, c'était de

  3   soumettre, de persécuter les non-Serbes. Ces actes de persécutions ont été

  4   commis par le biais d'actes criminels tels que le viol, la torture ou le

  5   meurtre, ainsi que par des sévices mentaux ou physiques, ainsi que par les

  6   conditions inhumaines de détention. Nous avançons qu'en dehors des éléments

  7   supplémentaires que j'ai mentionnés et qui ont été appliqués par la Chambre

  8   de première instance, la Chambre de première instance a établi, de manière

  9   tout à fait appropriée, les fondements de la responsabilité des appelants.

 10   Maintenant, je voudrais revenir sur les arguments qui ont été soulevés par

 11   deux des appelants, Zigic et Kvocka. Ces deux se réfugiaient derrière

 12   l'affirmation selon laquelle on n'aurait pas dû les considérer comme

 13   responsables de crimes qui ont été commis en leur absence. Zigic a

 14   également ajouté que ce type de responsabilité pénale était totalement

 15   contraire à la normalité étant donné qu'il a été condamné pour des crimes

 16   qui étaient commis alors qu'il était en prison, qu'il dormait, ou qu'il

 17   n'était pas au camp. Kvocka affirme qu'étant donné qu'il était en

 18   permission officielle du camp à deux reprises, il n'aurait pas dû être

 19   reconnu responsable des crimes qui ont été commis pendant qu'il était

 20   absent.

 21   En fait, tous les appelants soulèvent la question de l'étendue de leur

 22   coopération à l'entreprise criminelle commune afin de diminuer leur

 23   responsabilité. Comme je l'ai dit, mes confrères vont eux répondre aux

 24   contestations qui ont été faites par la partie adverse s'agissant des

 25   conclusions sur les faits. Moi, je m'intéresse plus particulièrement à


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  1   l'aspect juridique de la chose.

  2   Il faut signaler que dans sa décision 98 bis qui était reprise au

  3   paragraphe 349 du jugement, la Chambre de première instance a décidé qu'un

  4   accusé ne sera pas tenu responsable de crimes commis avant son arrivé au

  5   camp et après son départ du camp. Toutes les parties ont accepté ces

  6   décisions, et c'est sur cette base que nous avons mené les débats.

  7   Cependant, dans notre réponse, nous avons fait savoir notre position quant

  8   à la décision de la Chambre de première instance d'imposer des limites, des

  9   limites temporelles à la responsabilité pénale de l'accusé vu la nature

 10   continue des crimes qui ont été commis à Omarska. Nous avançons qu'il

 11   s'agit là d'une question d'ordre juridique et d'intérêt général pour la

 12   jurisprudence du Tribunal, c'est pourquoi nous invitons la Chambre d'appel

 13   à se pencher sur nos arguments à ce sujet et à nous fournir des lignes

 14   directrices à ce sujet. Nos arguments sont détaillés à partir des

 15   paragraphes 3.4. Je ne vais pas revenir sur ces questions, mais je suis

 16   tout à fait prête à vous donner des précisions, ou à faire élaborer si vous

 17   le souhaitez.

 18   En réponse aux arguments qui nous ont été présentés par la Défense, je

 19   souhaiterais dire deux ou trois choses. Premièrement, le fondement de la

 20   responsabilité des accusés est l'importance de leur contribution au dessin

 21   commun ainsi qu'au système de mauvais traitement. Je dois insister encore

 22   sur le fait que l'élément du plan commun, du dessin commun, de l'objectif

 23   commun revient ou implique la perpétration des crimes qui sont visés au

 24   statut. Si bien que lorsque l'on a entrepris criminelle commune

 25   systématique, les crimes permettent d'établir l'existence du système de


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  1   persécution ou de soumission comme c'est le cas ici.

  2   Troisièmement, l'importance de la participation d'un co-auteur ne dépend

  3   pas forcément de la durée de cette contribution. C'est là un des éléments

  4   qui convient de tenir. C'est un  élément dont il convient de tenir quand il

  5   n'est pas nécessaire, par exemple, pour l'Accusation de montrer que les

  6   appelants avaient l'intention de procéder à des discriminations contre les

  7   non-Serbes au camp à tous les instants. La plupart de ceux qui étaient

  8   employés au Tribunal avaient des horaires du travail normal, ou

  9   travaillaient par équipe de 12 heures. Je peux vous donner, par exemple,

 10   une référence du compte rendu d'audience à ce sujet avec le témoin Milenko

 11   Jasnic, page 11 533 du compte rendu d'audience, témoignage DD/10, page

 12   T10661. Ces gens ont retourné chez eux quand ils avaient fini de travailler

 13   au camp.

 14   Les appelants nous disent qu'ils n'étaient pas continuellement au camp,

 15   mais quand ils quittaient, ils avaient l'affirme intention d'y revenir pour

 16   poursuivre leurs travaux. Dire que cela va à l'encontre de la théorie de la

 17   responsabilité dans cette entreprise commune, cela ne tient pas.

 18   Au paragraphe 399, bien que la Chambre de première instance ait noté que

 19   Kvocka était au camp pendant approximativement 17 jours, ceci est assez

 20   considérable si on considère la totalité des crimes qui ont été commis.

 21   S'agissant de Radic, la Chambre de première instance a conclu qu'il a

 22   continué à travailler au camp pendant près de trois mois. On ne peut pas

 23   considérer que la responsabilité diminue même si la personne concernée va

 24   et vient au camp.

 25   L'appelant Zigic a été considéré à juste titre comme responsable non


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  1   seulement pas du fait de la durée pendant laquelle il a contribué à

  2   l'entreprise commune, mais parce qu'il a contribué à cette entreprise de la

  3   manière la plus directe qui soit en commettant des crimes extrêmement

  4   graves. Il a contribué à ce système de persécution. Sans ces crimes, il

  5   n'aurait pas eu système de persécution, et sans des Zigic, il n'y aurait

  6   pas eu de crimes.

  7   Quatrièmement, s'agissant du fait d'avoir eu connaissance de ce système, la

  8   Chambre de première instance a noté à juste titre que les participants

  9   n'avaient pas connaissance de chacun des crimes commis.  Le fait de savoir

 10   qu'un nombre important de crimes ont été commis au sein du système, la

 11   nature criminelle du système, le caractère discriminatoire des pratiques

 12   est suffisant. Le procès Belsen va dans ce sens. En résumant tous les

 13   éléments présentés au cours de ce procès, le juge a rappelé que la thèse de

 14   l'Accusation s'était que tous les accusés qui étaient employés au camp

 15   savaient quel système était mis en place, et que d'une manière ou d'une

 16   autre, de part un accord commun, ces personnes contribuaient au

 17   fonctionnement du camp. La participation directe aux crimes, ou la présence

 18   directe lorsque les crimes sont commis, ne sont pas des conditions

 19   prérequises lorsqu'il s'agit de déterminer l'importance de la contribution

 20   d'un accusé au fonctionnement d'un système.

 21   Cinquièmement, une position d'autorités, c'est-à-dire, la responsabilité du

 22   supérieur hiérarchique ou le contrôle que peut exercer un individu sur ceux

 23   qui ont commis des crimes, n'est pas une condition qui doit être remplie

 24   comme s'est avancé par la Défense. Ceci on ne le trouve nulle part dans la

 25   jurisprudence. Ici la Défense s'est appuyée de manière erronée sur


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  1   Krnojelac. Au paragraphe 269 du jugement, je souhaiterais insister sur le

  2   fait que la Chambre de première instance a fait référence au camp de

  3   concentration Dachau et Belsen en disant que l'accusé a occupé un poste à

  4   un échelon relativement élevé et en analysant la jurisprudence, la Chambre

  5   de première instance a conclu que dans ces affaires, les affaires relatives

  6   à la Deuxième Guerre mondiale, le fait d'occuper un rôle administratif au

  7   camp revient à une participation au fonctionnement de ce camp.

  8   Ceci est conforme avec l'approche adoptée par la Chambre d'appel dans

  9   Krnojelac selon laquelle son poste de commandant du camp entraînait la

 10   présomption selon laquelle il avait connaissance du caractère systématique

 11   des crimes commis et qu'il était d'accord avec ce système. Cependant, le

 12   poste et l'autorité exercée par un accusé ne constituent qu'un des

 13   indicateurs à prendre en compte.

 14   Sixièmement, le fait que peu de crimes comme, par exemple, dans l'exemple

 15   de Kvocka que peu de crimes aient eu lieu alors qu'il n'était pas là doit

 16   être pris en compte. Nous avons analysé tout ce concerne Kvocka et ces

 17   arguments.

 18   Nous estimons qu'il n'y a pas diminution de sa responsabilité pénale et que

 19   le fondement de sa responsabilité, c'est la contribution qu'il a apporté à

 20   ce système. Ces crimes permettaient de promouvoir le système de

 21   persécution. Au chef 1 de l'acte d'accusation modifié, Kvocka est accusé de

 22   participation à la persécution de non-Serbes pour des raisons

 23   discriminatoires par le biais des crimes suivants : meurtre, torture,

 24   passage à tabac, violence sexuelle, viol, et cetera. Il suffit pour la

 25   Chambre de première instance de conclure que l'un de ces crimes a été


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  1   commis au cours du séjour de Kvocka au camp pour le considérer comme

  2   responsable et participant à l'entreprise criminelle commune.

  3   Si bien que la Chambre de première instance dans son approche qui consiste

  4   à déterminer la responsabilité de l'accusé sur la base de sa contribution

  5   importante ou non, plutôt qu'en établissant des liens précis avec chacun

  6   des crimes qui a été commis, la position de la Chambre de première instance

  7   est la bonne et va dans le sens de ce qu'on trouve dans l'arrêt Krnojelac,

  8   comme par exemple, au paragraphe 97 de l'arrêt Krnojelac.

  9   Les crimes commis à Omarska avaient un caractère continu. Compte tenu de

 10   cette fréquence, de l'échelle et l'importance, la Chambre de première

 11   instance a rejeté les arguments de Kvocka selon lesquels il travaillait

 12   qu'à tour de rôle dans le camp. Il avait conclu que la quantité de temps

 13   qui y passait n'est pourvu d'importance compte tenu de la fréquence et de

 14   l'échelle des crimes commis en ce qui concerne l'étendu des crimes.

 15   Sa contribution, pour commencer, la participation à l'entreprise criminelle

 16   commune doit être importante. Qu'est-ce que l'on entend par important dans

 17   un acte ou une omission et qui fait qu'il y a participation à l'entreprise

 18   de façon effective ou suffisante ? La participation qui permet au système

 19   de fonctionner sans interruption, sans difficulté. La perpétration physique

 20   matérielle ou directe de crimes graves permet de réaliser cette entreprise

 21   criminelle et ceci constitue évidemment une contribution importante.

 22   Dans le procès concernant Dachau, il y a été observé que la culpabilité

 23   d'un accusé par la participation à un dessin criminel commun découlait du

 24   moment où les obligations, les demandes de l'accusé étaient premièrement

 25   constituées en elles-mêmes. L'exécution et l'administration du système,


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  1   ceci serait suffisant pour qu'un accusé soit coupable de participation dans

  2   ce système, ou B, si ces actes n'étaient pas par eux-mêmes illégaux ou

  3   entachés d'illégalité mais étaient accomplis de façon illégale.

  4   Cette deuxième catégorie montre clairement que tout individu indépendamment

  5   de sa position à l'intérieur du camp peut être considéré comme participant

  6   et responsable dans un système de mauvais traitements s'il accomplit ses

  7   tâches de façon illégale.

  8   Deuxièmement, l'importance de la contribution d'un participant détermine

  9   non seulement la responsabilité mais aussi la responsabilité à la fois en

 10   tant que co-auteur ou comme co-auteur ou comme complice et personne qui a

 11   aidé et encouragé, en particulier, dans le cas de l'auteur à niveau

 12   inférieur.

 13   Une personne qui ne commet pas directement des crimes mais qui dirige les

 14   opérations de façon générale s'assurant ainsi qu'ils seront commis, qu'ils

 15   seront perpétrés, comme cela a été le cas dans l'affaire Krstic, dans

 16   l'affaire du Procureur contre Krstic et la culpabilité de co-auteur dans

 17   une entreprise criminelle commune à cause de sa participation où il jouait

 18   un rôle de coordination clé et ceci a un caractère extrêmement important.

 19   Pour ce qui est du niveau des chefs, au paragraphe 642 du jugement Krstic.

 20   Les contributions, par exemple, de Zigic étaient importantes parce qu'elles

 21   contribuaient directement à l'essentiel du dessin commun qui était le plan

 22   commun de persécuter des non-Serbes. De même, l'appelant Radic, sa

 23   contribution répond au deux catégories : à la fois commission d'actes

 24   graves et en s'acquittant de ses fonctions en tant que chef des gardes, en

 25   s'assurant que le système fonctionnait correctement.


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  1   Kvocka et Prcac ont eu un rôle qui a fortement aidé dans le camp. Leurs

  2   obligations administratives ont contribué de façon importante à l'exécution

  3   du système de persécution.

  4   Monsieur le Président, il est utile de savoir que dans l'affaire des

  5   Einsatzgruppen, il y a une distinction entre la contribution importante et

  6   peu importante à l'entreprise criminelle commune en tenant compte de la

  7   nature des tâches accomplies par l'accusé et aussi du point de savoir si

  8   l'accusé était dans une position à même de protester ou d'avoir eu une

  9   influence sur les activités criminelles.

 10   Dans l'affaire de Ruehl, l'affaire d'Einsatzgruppen, alors il y a été

 11   conclu que bien que Ruehl avait connaissance de certaines des opérations

 12   illégales effectuées par l'unité qui effectuait les exécutions de Juifs, il

 13   n'a pas été établi qu'il était à même d'exercer un contrôle, d'empêcher, ou

 14   de modifier la gravité de ce programme bien qu'il soit resté au sein de

 15   l'organisation pour plus de trois mois, et tout au long de la période il a

 16   pris aucune part aux exécutions. Le rang peu élevé qu'il avait ne le

 17   mettait pas automatiquement à même d'objecter d'une façon quelconque ou de

 18   contribuer en quoi que ce soit au succès d'une opération d'exécution. Il a

 19   été acquitté des crimes dont il était accusé.

 20   Mais comme le Tribunal a fait remarqué à juste titre, tel n'aurait pas été

 21   le cas s'il avait été le commandant. Il aurait été à ce moment-là

 22   responsable de ces crimes.

 23   La Chambre de première instance a conclu qu'aucun des appelants, ici,

 24   n'entre dans la catégorie de travailleurs humanitaires. Par exemple, un

 25   médecin qui avait visité le camp d'Omarska pour aider les détenus ne se


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  1   pourrait qu'être retenu comme responsable, considéré comme responsable

  2   parce que ses contributions ne permettaient pas de favoriser le système de

  3   mauvais traitements.

  4   Peut-être que le facteur le plus important examiné en fin de compte,

  5   Monsieur le Président, est le rôle de l'accusé vis-à-vis de la gravité,

  6   l'étendu des crimes commis.

  7   Troisièmement, l'importance de la participation permettra également de

  8   déterminer l'intention délictueuse qui a incarné la condition, à savoir, si

  9   le participant participe à partager l'intention de l'entreprise dans ce

 10   sens qu'il a eu l'intention de favoriser le système, ou simplement qu'il a

 11   eu connaissance de son existence dans le sens qu'en fin de compte, il

 12   aurait été simplement un complice du système. Si je peux offrir un exemple,

 13   si on demande à un individu de conduire un camion au camp d'Omarska, un

 14   camion et que les cadavres qui se trouvent au camp d'Omarska sont chargés

 15   sur son camion et qu'il les emmènent à une fosse commune, bien entendu, il

 16   est conscient du fait qu'il y a eu des tueries en masse qui se sont

 17   produites et il sait qu'il aide à se débarrasser de façon efficace des

 18   corps. Il y a contribution importante. Toutefois, on ne pourrait pas en

 19   déduire de façon raisonnable que, parce qu'il a aidé à une occasion, il

 20   était d'accord avec le système ou participait de l'intention de façon

 21   active.

 22   Si un individu rentre dans le camp d'Omarska, en sachant parfaitement qu'il

 23   y a là un climat d'impunité et que les détenus sont brutalisés de façon

 24   quotidienne et qu'à l'occasion de sa venue, délibérément il tue un détenu

 25   ou le maltraite, sa contribution est si directe et si importante qu'il fait


Page 346

  1   partie de ceux qui favorisent les objectifs du système et que la seule

  2   déduction raisonnable, est qu'il était d'accord avec le système, qu'il en

  3   partageait les objectifs, et il doit être tenu comme responsable en tant

  4   que co-auteur.

  5   Selon nous, la Chambre de première instance dans son analyse, dans ces

  6   conclusions, les critères juridiques applicables pour déterminer la

  7   responsabilité de l'appelant sans être critiqués, ils doivent être

  8   maintenus, et ne serait être censurés, et doivent être maintenus. Les

  9   appelants contestent ces conclusions, ils disent qu'elles doivent être

 10   rejetées.

 11   Je voudrais parler d'un argument collectif des appelants sur lequel ils

 12   n'avaient pas l'intention délictueuse voulue pour tomber sous le coup de ce

 13   type de responsabilité. Kvocka a prétendu par exemple qu'il n'avait pas

 14   partagé l'intention, il a dit qu'il avait été obligé par ses supérieurs de

 15   remplir ses tâches. Radic a également soutenu qu'il avait agit conformément

 16   à la structure en place, et qu'il se bornait à obéir aux ordres, et qu'il

 17   n'avait aucune intention discriminatoire. Prcac a soutenu qu'il se trouvait

 18   au camp parce qu'il avait été menacé.

 19   Tous ces arguments doivent être rejetés. Fondamentalement, ils disent

 20   qu'ils n'auraient pas dû être reconnu coupables en tant que co-auteurs en

 21   raison de tous ces motifs. Les aspects du fait de l'argumentation seront

 22   examinés par la suite, mais la condition juridique de l'intention

 23   délictueuse doit maintenant être examinée.

 24   La Chambre de première instance a fait une conclusion du fait selon

 25   laquelle selon que les quatre appelants avaient partagé l'intention de


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  1   discrimination d'entreprise commune à la lumière du fait qu'ils

  2   connaissaient et avaient une participation importante au système de

  3   persécution. Les conclusions juridiques de la Chambre sont exactes, elles

  4   sont cohérentes et compatibles avec les arrêts rendus par la Chambre

  5   d'appel, ainsi que ces décisions.

  6   Pour commencer, il y a une connaissance précise de chacun des crimes

  7   commis, cette connaissance précise n'est pas nécessaire. Deuxièmement,

  8   l'arrêt de la Chambre d'appel de Krnojelac au paragraphe 100 a soutenu que

  9   l'intention criminelle partagée n'exige pas que les co-auteurs aient

 10   manifesté personnellement de la satisfaction et de l'enthousiasme, ou qu'il

 11   y a eu une initiative personnelle dans la contribution au système. Des

 12   motifs personnels de l'auteur doivent être distingués de l'intention, et

 13   les motifs ne sont pas pertinents pour ce qui est d'établir la

 14   responsabilité.

 15   Troisièmement, au paragraphe 96 de son arrêt, la Chambre qui a jugé en

 16   appel l'affaire Krnojelac a précisé quel était le jeu qui intervenait entre

 17   la connaissance et l'intention expliquant qu'il y a une force systématique

 18   d'entreprise criminelle commune avec l'intention qui est partagée avec les

 19   participants, mais pas nécessairement les participants directs ou les

 20   auteurs directs. Ceci présuppose deux choses; premièrement la connaissance

 21   du système et l'intention de favoriser ce système de mauvais traitement.

 22   Utilisant ces critères pour savoir ce qui doit être prouvé concernant leur

 23   participation au système, il n'est pas nécessaire d'établir qu'il y a eu

 24   accord entre tous les participants. Par conséquent, suivant la référence

 25   Krnojelac, tout ce qui était nécessaire était qu'il a eu connaissance du


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  1   système et qu'il était d'accord avec ce système. C'est-à-dire pas

  2   nécessairement qu'il était d'accord avec les auteurs à titre individuel qui

  3   ont commis individuellement ces crimes.

  4   Par conséquent, l'intention dans l'entreprise criminelle commune sous sa

  5   deuxième forme existe parce que l'accusé a conscience de la nature

  6   d'intention des autres co-auteurs et guidé par cette connaissance, a

  7   contribué volontairement à ce dessin commun. Ce qui veut dire qu'il apporte

  8   sa contribution.

  9   En conclusion, si un accusé agit avec intention peu importe de savoir si

 10   les motifs de l'accusé étaient d'obéir aux ordres ou de remplir ses

 11   devoirs, ou d'essayer d'éviter les conséquences négatives éventuelles. Un

 12   co-auteur indifférent, sans enthousiasme ou réticent demeure un co-auteur à

 13   condition qu'il a contribué d'une façon importante à l'entreprise

 14   criminelle commune et qu'il ou elle ait  partagé l'intention criminelle

 15   commune.

 16   Les arguments des appelants en ce qui concerne l'intention délictueuse

 17   doivent également être rejetés.

 18   Pour revenir à mon dernier point en ce qui concerne l'entreprise criminelle

 19   commune ceci à trait aux questions de l'abandon des engagements ou du

 20   retrait par un système, cette question, ce problème a été évoqué, s'est

 21   posé en partie parce que Kvocka soutient qu'il ne devait pas être reconnu

 22   coupable pour les crimes commis au cours des périodes où il était absent,

 23   et où il n'était pas en mesure de quitter le camp, parce que ceci aurait pu

 24   avoir une incidence sur son travail, sur son emploi. Prcac semble soutenir

 25   qu'il avait été mobilisé sous la menace et obligé de travailler au camp


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  1   d'Omarska. Radic soutient qu'il avait peur pour ses fils, et il ne voulait

  2   pas qu'ils soient envoyés sur la ligne du front s'il refusait. En d'autres

  3   termes, la plupart des appelants ont soutenu qu'ils avaient très peu de

  4   choix pour ce qui était de refuser de travailler au camp.

  5   Dans son jugement au paragraphe 709, la Chambre de première instance a

  6   conclu que le travail des défendeurs au camp pendant une période de 17

  7   jours, trois mois, si pendant cette période ils avaient toujours essayé

  8   d'améliorer les conditions, d'empêcher les crimes, d'alléger les

  9   souffrances, ils auraient pu vraisemblablement échapper à la responsabilité

 10   du fait de participation au système de persécution. La Chambre de première

 11   instance a jugé sur les faits de cette espèce qu'aucun des défendeurs ne

 12   correspondait à une telle définition. La Chambre de première instance a par

 13   conséquent examiné précisément la même question qui était de savoir si les

 14   circonstances étaient pertinentes soient pour la responsabilité, ou

 15   culpabilité, les circonstances dont lesquelles un individu pouvait

 16   effectivement se désengager ou se retirer d'une entreprise criminelle

 17   commune qui était clairement inégale, pouvant ainsi éventuellement échapper

 18   à la responsabilité.

 19   La Chambre de première instance dans l'affaire Krnojelac a indiqué que le

 20   fait de démissionner d'un emploi dans un système de ce genre, est la seule

 21   façon dont on peut se retirer ou se désengager d'un tel système. Certaines

 22   des questions plus pertinentes à cet égard étaient de se demander si

 23   l'accusé était en mesure de refuser les tâches qu'il lui était ordonné ?

 24   Est-ce qu'il y avait un risque pour l'accusé de souffrir par exemple d'être

 25   emprisonné s'il refusait de remplir ses tâches ? S'il y a des preuves de


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  1   cela ou qu'il avait essayé de se retirer du système sans avoir des

  2   conséquences dommageables.

  3   En rejetant les griefs de Kvocka présentés au procès en première instance,

  4   la Chambre de première instance a jugé au paragraphe 402 qu'il n'y avait

  5   aucune preuve qui indique que les Serbes qui travaillaient dans le camp qui

  6   assistaient ou essayaient d'améliorer les conditions des détenus, le seul

  7   qui essayait de le faire était puni, il n'y avait aucune preuve.

  8   Je dois faire remarquer dans le mémoire en réponse, on peut voir que

  9   l'Accusation a présenté une analyse comparative de la jurisprudence

 10   nationale fondant des principes concernant le retrait ou l'abandon, mais je

 11   dois faire remarquer que l'applicabilité dépend de la nature du crime. Par

 12   exemple, selon le modèle du code pénal des Etats-Unis et la jurisprudence

 13   britannique, nous avons cité un certain nombre d'exemples concernant des

 14   crimes précis, crimes précis qui est par exemple d'empêcher que des crimes

 15   de ce genre soient perpétrés, ou un comportement correspondant à cela s'il

 16   y avait renonciation, ceci pourrait aboutir à envisager des circonstances

 17   atténuantes dans le cas où ils auraient tenté de le faire. Dans ce cas, la

 18   Chambre de première instance a reconnu que ces crimes avaient une

 19   continuité, et à cause de cette continuité de ces crimes systématiques, la

 20   notion, ou l'idée de crimes achevés ne se pose pas nécessairement. Le fait

 21   d'avoir un crime ne se pose pas nécessairement.

 22   Toutefois, les cas de jurisprudence que nous avons cités, nous donne

 23   quelques directives qui sont compatibles avec des observations de la

 24   Chambre de première instance sur la possibilité de se retirer du système.

 25   Par exemple, en droit allemand pour ce qui est des forces affirmatives ou


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  1   de renonciations, il est nécessaire que celui qui est auteur après avoir

  2   conspiré pour commettre un crime, ait fait échec à l'accomplissement de ce

  3   complot dans des circonstances où il manifeste de façon complète et

  4   volontaire une renonciation à son objectif criminel. Le statut du tribunal

  5   international constitue également des dispositions expresses sur le fait de

  6   renoncer à une tentative criminelle, et ainsi l'Article 25 (3)(F) qui

  7   exonère l'auteur de sa responsabilité de tentative, si cette personne a

  8   complètement et volontairement renoncé à l'objectif criminel.

  9   La question est de savoir si les motivations personnelles des appelants, et

 10   les raisons pour être restés au camp équivalent à une défense juridique

 11   reconnue ? Nous soutenons que les raisons qui ont trait aux absences de

 12   Kvocka n'équivalent pas à des engagements effectifs, ou un abandon par lui

 13   de l'entreprise criminelle conjointe, il était peut-être simplement en

 14   permission ou en congé de maladie entre le 2 et le 6 juin le 16 et le 19

 15   juin respectivement, et pendant ses congés il a passé du temps avec la

 16   famille de sa femme.

 17   En ce qui concerne -- oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Rashid.

 19   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] S'il vous plaît, pourriez-vous

 21   ralentir votre rythme un petit peu.

 22   Mme RASHID : [interprétation] Excusez, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ceci aiderait à l'interprétation

 24   et permettrait à l'interprétation de parvenir à certains membres de la

 25   Chambre.


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  1   Mme RASHID : [interprétation] Excusez-moi. Je pense qu'il y a peut-être un

  2   problème avec mon microphone. Je ne parviens pas à entendre si les

  3   traducteurs me demande de ralentir.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

  5   ralentir votre rythme.

  6   Mme RASHID : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président, je

  7   regarde également l'horloge. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

  8   Président.

  9   Monsieur le Président, nous soutenons que les périodes d'absence de Kvocka

 10   rentraient parfaitement dans les conditions normales de son emploi. Lorsque

 11   Kvocka est revenu au camp, il a continué de participer de façon active à

 12   ses obligations, il n'a pas été renvoyé, il n'a pas perdu son emploi, mais

 13   il a été transféré à un autre poste de Police à Tukovi. Il n'a pas quitté

 14   le camp de son propre mouvement. Il n'a pas abandonné le camp de sa propre

 15   initiative. Il n'y a aucune preuve de cela, il n'y a aucune preuve qu'il

 16   était quoique ce soit pour accélérer son départ et s'il avait fait son

 17   départ du camp, et s'il avait eu le choix il aurait continué de travailler

 18   au camp.

 19   La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 403, que même si un

 20   participant en connaissance de cause à une entreprise criminelle ne voulait

 21   pas démissionner, parce que ceci portait un préjudice à sa carrière, qu'il

 22   soit envoyé sur le front, qu'il soit emprisonné ou puni, la Chambre de

 23   première instance souligne que ceci ne constitue ni une excuse, ni une

 24   excuse exonératoire de responsabilité pour sa participation à des crimes de

 25   guerre, à des crimes contre l'humanité, ne serait soulever la contrainte


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  1   comme moyen de défense. La seule excuse de Kvocka est qu'il craignait de

  2   perdre son emploi. C'est vraisemblablement à cause de cela, qu'il a en

  3   connaissance de cause, participé à un système selon lequel des centaines de

  4   détenus ont trouvé la mort.

  5   Est-ce que les appelants auraient pu choisir de ne pas travailler dans une

  6   organisation qui était à l'évidence criminelle ? Oui, ils auraient pu le

  7   faire. Radic a déposé devant la Chambre, indique rien n'a été fait aux

  8   gardes qui n'étaient pas venus travailler. Certains sont allés à leur

  9   ferme, d'autres sont allés nager, il a dit cela dépendait de l'individu et

 10   de savoir avec quelle conscience il accomplissait ses tâches à Omarska.

 11   Ceci figure à la page 11297 du compte rendu.

 12   Un autre témoin, Nada, a dit qu'elle a reçu l'ordre de travailler à Omarska

 13   en tant que dactylographe, elle est allée jusqu'au bout et a même entendu

 14   Simo Drljaca se plaindre du fait que le travail était trop dur et avait la

 15   permission de quitter le camp. Il est fait mention de cela à la page 7782,

 16   du compte rendu DD/10 montre qu'elle a quitté le camp à sa propre

 17   initiative, et elle indique qu'elle confrontait à ce qui concernait les

 18   conditions de travail au camp, et comme elle le dit elle n'a pas perdu la

 19   tête. Ceci est indiqué au compte rendu page T10699. Ensuite, les témoins de

 20   la Défense ont déposé en ce sens que l'organisation dans le camp était si

 21   laxiste que les gardes finalement ne venaient pas travaillé, sans qu'il y

 22   ait de répercussions à leur égard.

 23   La seule conclusion raisonnable pour la Chambre de première instance,

 24   c'était que les appelants étaient des participants en connaissance de cause

 25   volontaire au système de persécution, et qu'ils n'ont rien fait pour se


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  1   désengager de ce système.

  2   Ayant entendu les arguments des appelants, leurs griefs demeurent dénués de

  3   valeur et devrait être rejetés.

  4   Si c'est ce que conclut avec certaines observations de la Chambre de

  5   première instance, elle l'a conclu à juste de titre que les tâches

  6   principales des individus faisant parties du personnel qui travaillait au

  7   camp d'Omarska, étaient d'assurer que les prisonniers demeuraient dans leur

  8   condition misérable, et que le système mis en place dans le camp

  9   fonctionnait sans difficulté. Si nous en tirons les arguments de Zigic, de

 10   Radic les administrateurs, les gardes ceux qui procèdent aux

 11   interrogatoires, les dactylographes au camp, le camp n'aurait pas pu

 12   fonctionner de façon efficace, et peut-être personne ne serait mort

 13   inutilement.

 14   La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 709, que sans leur

 15   fonction de garde, sans le rôle qu'ils ont joué pour permettre un

 16   fonctionnement efficace et continu du camp, il n'y aurait pas eu de camp du

 17   tout.

 18   Pour  tous ces motifs, et les raisons qui sont exposées par l'équipe de

 19   l'Accusation, la Chambre de première instance a conclu à juste titre que

 20   les crimes commis à Omarska l'ont été par des participants à une entreprise

 21   criminelle commune, et le motif ou moyen communément invoqué par les

 22   appelants en appel devront par conséquent être rejeté.

 23   Monsieur le Président, ceci achève les conclusions en ce qui concerne le

 24   moyen invoqué en commun en appel, et si je ne suis pas en mesure d'aider la

 25   Chambre, j'en reviendrais à la réponse que j'ai faite au motif invoqué en


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  1   appel par Kvocka.

  2   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous en avez terminé

  3   ou non ? Vous pouvez continuer.

  4   Mme RASHID : [interprétation] J'ai achevé la présentation de mes

  5   conclusions en ce qui concerne le moyen évoqué en commun en appel, et je

  6   répondrais aux autres moyens évoqués en appel par l'appelant Kvocka.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je pense que vous devriez être

  9   autorisée à poursuivre et à conclure votre exposé.

 10   Mme RASHID : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 11   L'appelant Kvocka a soulevé un certain nombre de prétendues erreurs qui se

 12   serait glissée dans son mémoire en appel. Je voudrais répondre, toutefois,

 13   à quatre points -- peut-être cinq points, qui ont été évoqués dans cette

 14   plaidoirie orale hier. Le premier point a trait à l'admissibilité des

 15   déclarations faites aux membres du bureau du Procureur, une déclaration qui

 16   a été faite par Kvocka au bureau du Procureur et qui a reçu pour cote P303

 17   lors du procès. Kvocka soutient que parce qu'il a choisi de déposer devant

 18   la Chambre, la transcription de sa déclaration sur son interrogatoire, ne

 19   devait pas avoir été admise, on n'aurait pas dû se fonder dessus. Je ne

 20   propose, je n'ai pas l'intention de m'attarder longtemps sur cette

 21   question, parce que nous n'acceptons ce point, ou parce qu'il y aurait une

 22   ambiguïté dans le règlement concernant l'admissibilité de la déclaration de

 23   l'accusé, ou qu'il y ait eu une erreur de droit. Il n'y a pas de difficulté

 24   Monsieur le Président, cette déclaration a été enregistrée conformément à

 25   la procédure énoncée dans le règlement, à savoir les Articles 42, 43 et 63


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  1   du règlement, et c'est encore plus important, c'est qu'hier, Mme Juge

  2   Mumba, je crois, a clarifié les choses avec le conseil, et il a été dit que

  3   Kvocka avait été mis en garde sur le fait que toute déclaration, qu'il

  4   pourrait faire, serait utilisée comme élément de preuve, et ceci n'est pas

  5   contesté non plus.

  6   La déclaration a été utilisée au cours du contre-interrogatoire de Kvocka,

  7   et certaines parties des affirmations de l'Accusation comme étant

  8   véridique. La Chambre de première instance s'est également référée à la

  9   déclaration faite dans le jugement. Dans le droit de la pratique du

 10   Tribunal, il y a une différence qui est établie entre l'utilisation qui

 11   peut être faite d'une déclaration d'un témoin et de celle d'un accusé. Je

 12   dois également faire remarquer que la même contestation évoquée par

 13   l'appelant hier, en fait, avait été déjà évoquée lors du procès et que la

 14   Chambre de première instance s'était prononcée à ce sujet dans sa décision

 15   en date du 16 mars 2001. L'appelant n'a fait aucune référence à cette

 16   décision et il n'a présenté aucune conclusion sur les motifs pour lesquels

 17   la Chambre de première instance aurait commis une erreur en droit dans sa

 18   décision en admettant cette déclaration.

 19   La Chambre de première instance a admis que cette déclaration parce que le

 20   règlement le prévoyait, notamment, l'Article 42 et a été satisfait du fait

 21   que toutes les mesures protégeant les droits de l'accusé avait été

 22   respectés et a conclu que, compte tenu des circonstances, l'omission de ce

 23   document en question, qu'il est à l'évidence pertinent, avait une valeur

 24   probante et ne pouvait être considéré comme contraire aux exigences d'un

 25   procès équitable et que les Juges apprécieraient le poids qu'il convenait


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  1   d'attribuer à ces éléments de preuve, le moment venu. En d'autres termes,

  2   la déclaration a été traitée comme tout autre élément de preuve étant donné

  3   que sa valeur probante et le poids qu'il fallait y attribuer à l'exception

  4   du fait que les règles concernant son admissibilité étaient des

  5   dispositions précises du règlement de procédure et de preuve.

  6   J'ai cité également dans le mémoire un jugement, un arrêt concernant

  7   l'affaire Celebici qui se prononce de façon très claire sur le fait qu'une

  8   Chambre de première instance est en droit de se fonder sur la substance de

  9   ce type de déclaration pour parvenir à une condamnation si elle a été faite

 10   volontairement. C'était le même cas pour Music et l'arrêt Celebici au

 11   paragraphe 564. Je citerais également un jugement récent de la Chambre de

 12   première instance dans l'affaire du Procureur contre Simic où la Chambre a

 13   utilisé les déclarations faites au bureau du Procureur par Zaric et Tadic

 14   en dépit de leurs décisions de témoigner dans le prétoire.

 15   La jurisprudence est tout à fait claire. Le règlement ne comporte aucune

 16   ambiguïté. La Chambre de première instance est habilitée à admettre et à

 17   utiliser les déclarations au préalable en raison de leur valeur probante et

 18   la Chambre, en l'espèce, a exercé son pouvoir discrétionnaire à attacher le

 19   poids qu'il convient à cette pièce à conviction. Aucune erreur n'a été

 20   démontrée par l'appelant. Cet argument doit être rejeté.

 21   Deuxième erreur de droit ou erreur de fait évoqué par l'appelant, celle-ci

 22   porte sur les conclusions de la Chambre selon lesquelles Kvocka occupait

 23   une position comparable de facto du point de vue de l'autorité et de

 24   l'influence qu'elle comporte à celle de commandant adjoint du camp

 25   d'Omarska. Il y a quatre points que je souhaiterais évoquer devant vous,


Page 358

  1   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, très rapidement

  2   s'agissant de cet argument.

  3   Premièrement, la Chambre n'a pas estimé que Kvocka était commandant

  4   adjoint. Elle a estimé que Kvocka était l'équivalent d'un commandant

  5   adjoint en réserve des fonctions qu'il avait exercé de facto, et ce, après

  6   avoir apprécié le rôle qu'il avait joué ainsi que les tâches précises qui

  7   étaient les siennes dans le camp.

  8   Deuxièmement, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, la

  9   responsabilité d'un participant en tant que co-auteur ne dépend pas du

 10   titre formel qui est le sien mais de la participation que celui apporte au

 11   fonctionnement d'un système. Kvocka a également critiqué la déposition d'un

 12   certain nombre de témoins hier dans ce prétoire. Il semble penser que les

 13   témoins estimaient qu'il était commandant adjoint et que ceci constitue

 14   l'ensemble de la preuve que la Chambre a pris en compte. Or, ce n'est pas

 15   le cas, la Chambre de première instance s'est appuyée sur un grand nombre

 16   de témoignages qui ont parlé de Kvocka comme occupant un poste d'autorité

 17   et d'influence à l'intérieur du camp. Ceci figure au paragraphe 368.

 18   Kvocka, lui-même, se présentait comme commandant et la personne responsable

 19   des détenus. Il l'a fait au moins à deux reprises.

 20   La Chambre de première instance s'est également appuyée sur la déposition

 21   de Kvocka qui a déclaré que le commandant Meakic lui avait demandé en tant

 22   qu'officier supérieur de remplir certaines tâches et que cela permettait,

 23   sans doute, à des sous-officiers ou à des officiers moins anciens ou moins

 24   élevé dans l'hiérarchie de le considérer comme leur supérieur en raison des

 25   tâches qu'il accomplissait dans le camp.


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  1   En dehors de ce système de défense qui a été utilisé à plusieurs reprises

  2   lors du procès, l'appelant, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les

  3   Juges, n'a invoqué aucune erreur de droit, aucune erreur de fait. Il n'a

  4   jamais évoqué les conclusions, le raisonnement qui était à la base de ces

  5   conclusions. Nous disons que ceci est insuffisant pour le dégager de ses

  6   obligations et des ses responsabilités en tant qu'appelant. Il n'est pas

  7   parvenu à démontrer que la Chambre de première instance aurait commis des

  8   erreurs aux motifs que ces conclusions auraient été déraisonnables. Il n'y

  9   a aucune raison de remettre en cause les conclusions de la Chambre de

 10   première instance.

 11   Troisièmement, l'appelant a invoqué un certain nombre d'arguments liés à sa

 12   participation. Il déclare que sa participation n'a pas été significative et

 13   au motif de cela, il ne devrait pas être tenu pour responsable en tant que

 14   co-auteur. Au paragraphe 407 du jugement, la Chambre a conclu que Kvocka

 15   avait participé activement au fonctionnement quotidien et à l'entretien du

 16   camp et y compris que son comportement en faisait un co-auteur à

 17   l'entreprise criminelle commune. La Chambre a déclaré que son apport au

 18   fonctionnement du camp avait été significatif. Elle a estimé qu'il avait un

 19   rôle dans la création du camp, et ce, à l'examen des faits et que ceci

 20   était démontré par le fait que Kvocka avait été l'un des premiers qui était

 21   arrivé dans le camp pour aider à mettre en place le système de sécurité de

 22   celui-ci et qu'il avait organisé l'arrivée d'un certain nombre de

 23   réservistes de la police dans le camp pour remplir les fonctions de garde.

 24   Il était le lien entre le commandant Meakic et les officiers de police qui

 25   travaillaient en tant que gardes dans le camp. Pour l'essentiel, ces


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  1   activités correspondaient à ce Meakic lui demandait de faire. Meakic était

  2   le commandant du camp et Kvocka le remplaçait en son absence.

  3   Sur le plan officiel, ses fonctions consistaient à superviser les

  4   réservistes de la police qui travaillaient en tant que garde à superviser

  5   les officiers de police et à dresser des rapports à Meakic. L'une des

  6   tâches les plus intéressantes de Kvocka consistait à décider qui allait

  7   survivre aux interrogatoires dans la "maison blanche". Le Témoin AK a dit

  8   dans sa déposition que, lorsqu'un soldat l'a fait sortir de la pièce où il

  9   se trouvait, Kvocka a dit à ce soldat qu'il faisait sortir, il faisait

 10   sortir de la pièce le Témoin AJ et un autre témoin pour les emmener à la

 11   "maison blanche" et Kvocka a dit à ce soldat : ramène-les après.

 12   Or, cette "maison blanche" est tout à fait célèbre. Il est de notoriété

 13   publique que les détenus y étaient interrogés et que certains ne

 14   survivaient pas à ces interrogatoires. Zigic et d'autres personnes ont

 15   finalement été condamnés de passages à tabac sur la personne du Témoin AK

 16   et du Témoin AJ. Mais c'est sur les instructions de Kvocka qu'ils ont

 17   survécu. Ils ont été ramenés dans la pièce. Mais Kvocka, cependant, a

 18   autorisé qu'on les passe à tabac.

 19   Le conseil de Kvocka a parlé hier d'un autre incident impliquant la

 20   participation de Nusret Sivac. Cet incident est évoqué dans le jugement au

 21   paragraphe 378 [comme interprété].

 22   Que s'est-il passé ? Kvocka a donné des instructions selon lesquelles

 23   Nusret Sivac devait être ramené à Prijedor et qu'il fallait à sa place

 24   arrêter sa sœur, Nusreta Sivac, une femme, une civile, une juge, une membre

 25   éminente de la communauté musulmane. En conséquence de cela, elle a été


Page 361

  1   enfermée dans des conditions déplorables dans le camp sans aucune

  2   justification entre le 10 juin et le 3 août. La détention et

  3   l'incarcération d'un civil --

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid.

  5   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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  9   Mme RASHID : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous passer à

 10   huis clos partiel pour une minute ?

 11   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, j'ordonne le huis clos

 13   partiel.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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 12   Page 363 –expurgée– audience à huis clos partiel.

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 21   [Audience publique]

 22   Mme RASHID : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 23   Monsieur le Président, Kvocka a également dit dans sa déposition que des

 24   officiers réservistes de la police avaient les mêmes tâches que des

 25   policiers d'active et que les tâches des policiers d'active travaillant


Page 365

  1   dans le camp d'Omarska consistaient à empêcher les prisonniers de s'évader,

  2   à empêcher des gens de l'extérieur de pénétrer dans le camp, et également à

  3   empêcher toute attaque visant les prisonniers. Kvocka et les officiers de

  4   police qu'il supervisait avaient, par conséquent, pour responsabilité de

  5   protéger les détenus en assurant leur sécurité et leur bien-être. La

  6   Chambre a estimé que l'insistance avec laquelle Kvocka a déclaré qu'il ne

  7   pouvait empêcher aucune exaction car il n'avait pas l'autorité suffisante

  8   pour le faire a été contredite par les moyens de preuve, qui sont

  9   d'ailleurs très nombreux. La Chambre a estimé qu'il aurait pu faire

 10   beaucoup plus que ce qu'il a fait pour améliorer les terribles conditions

 11   dans le camp. Il aurait pu prendre des mesures pour empêcher des personnes

 12   non autorisées à pénétrer dans le camp pour violenter les détenus. Il

 13   aurait pu veiller à ce qu'un nombre plus important de détenus reçoivent des

 14   soins médicaux. Il aurait pu empêcher les gardiens et d'autres subordonnés

 15   de frapper ou de soumettre les détenus à d'autres violences au moment de

 16   leur arrivée, au moment des repas où lorsqu'ils allaient aux toilettes. Il

 17   aurait pu agir de la sorte car il a effectivement proposé son aide, mais il

 18   ne l'a fait que sélectivement en choisissant les personnes qui

 19   bénéficiaient de son attention, c'est-à-dire, en ne le faisant que pour des

 20   personnes qu'il connaissait. Il ne l'a pas fait pour un nombre très

 21   important de personnes qu'il ne connaissait pas.

 22   Kvocka a reconnu qu'il y avait entre 2 000 et 2 500 détenus au moment où il

 23   se trouvait dans le camp. La Chambre a estimé qu'il était co-auteur parce

 24   qu'en dépit du fait qu'il connaissait les traitements, le mauvais

 25   traitement et les conditions terribles auxquels les détenus étaient soumis


Page 366

  1   dans le camp, il a continué à y travailler pendant au moins 17 jours, et la

  2   Chambre a estimé que pendant ces 17 jours, il a accompli ses tâches de

  3   façon tout à fait efficace, zélé et sans jamais se plaindre.

  4   Lorsque Kvocka s'est rendu au travail dans le camp d'Omarska le 29 mai, il

  5   a vu trois ou quatre cadavres gisant sur l'herbe. On lui a dit que ces

  6   détenus avaient été abattus alors qu'ils tentaient de s'évader pendant la

  7   nuit. L'un d'entre eux était un policier musulman, un certain Delic, qui

  8   manifestement avait été terriblement passé à tabac avant d'être abattu

  9   cette nuit-là. La seule réaction de Kvocka a été de dire que si Meakic

 10   avait été avec lui, il aurait vu cela et qu'il s'en serait occupé.

 11   Mirsad Alisic a témoigné que dix jours plus tard à peu près un vieillard

 12   répondant au nom de Nasic aurait été abattu dans la cafétéria par un

 13   gardien. Kvocka était juste à côté du gardien lorsque cela s'est passé.

 14   Ensuite, Kvocka s'est approché du témoin et la seule chose qu'il a dite a

 15   été : "pourquoi est-ce que tu n'as pas réussi à le faire taire ?"

 16   Kvocka était présent lorsque des corps ensanglantés ont été chargés à bord

 17   d'un camion dans le camp où il était responsable du déploiement des

 18   gardiens en différents lieux dans le camp. Pourquoi ce déploiement ? Pour

 19   empêcher les détenus de s'évader.

 20    En déclarant Kvocka responsable en tant que co-auteur d'une entreprise

 21   criminelle commune, la Chambre a conclut qu'il était tout à fait au courant

 22   de la nature criminelle du camp, qu'il avait continué à exercer son

 23   influence et son autorité de sa propre volonté, que sa participation avait

 24   permis au camp de continuer à fonctionner sans un coup d'appliquer la

 25   politique qui était la sienne. La continuité de son travail dans le camp


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  1   d'Omarska constituait un message d'approbation adressé aux autres

  2   participants qui assuraient le fonctionnement du camp, que ce n'était en

  3   aucun cas à une condamnation ou un rejet des violences et des conditions

  4   déplorables qui régnaient dans le camp.

  5   Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, ce sont les

  6   conclusions à laquelle la Chambre de première instance est parvenue après

  7   un examen approfondi et soigné de tous les moyens de preuve pertinents.

  8   Kvocka n'a pas démontré que les juges de la Chambre se sont montrés

  9   déraisonnables dans la façon dont ils ont apprécié les moyens de preuve et

 10   dans les conclusions qu'ils en ont tirées, c'est-à-dire qu'il n'a pas

 11   démontré qu'une autre Chambre de première instance composée de juges plus

 12   raisonnables serait parvenue à une conclusion différente.

 13   Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, je conclurais en

 14   faisant remarquer que Kvocka détenait le poste le plus élevé du point de

 15   vue de l'autorité qu'il exerçait de tous les appelants dans la présente

 16   affaire. Il n'était pas l'architecte des persécutions commises dans le

 17   camp. Il a néanmoins joué un rôle clé dans la continuité du fonctionnement

 18   du camp qui a permis la commission des crimes qui y ont été commis. Pour

 19   toutes ces raisons que nous démontrons dans notre mémoire en appel, et nous

 20   soutenons tous les arguments développés par les Juges de la Chambre de

 21   première instance dans leur jugement, nous affirmons que la Chambre de

 22   première instance n'a commis aucune erreur en considérant Kvocka comme

 23   responsable de participation à une entreprise criminelle commune. 

 24   Je demande, Monsieur le Président, que vous mainteniez le verdict contre

 25   lui et rejetiez son appel. Merci, Monsieur le Président.


Page 368

  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid, je me demande

  2   s'il vous convient d'inviter mes collègues à poser des questions

  3   supplémentaires, si c'est nécessaire. 

  4   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, cela me convient. 

  5    [La Chambre d'appel se concerte]

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur le Juge Guney aura une

  7   question.

  8   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE GUNEY : Madame Rashid, vous avez essayé d'attirer l'attention

 10   sur le rôle joué par Kvocka, par rapport de la chaîne de la commande qui a

 11   été établie au camp. Mais, si je ne m'abuse, vous n'avez pas fait d'autant

 12   de la position et le rôle pris, selon vous, bien entendu, des autres

 13   appelants dans la chaîne de la commande, étant donné que M. Zeljko Meakic

 14   était le commandant du camp. Peut-être vous pouvez donner un peu plus là-

 15   dessus pour que soit clair quelle était, d'après vous, bien entendu, la

 16   place prise et le rôle joué des autres dans la chaîne de la commande.

 17   Merci.

 18   Mme RASHID : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Guney. La Chambre de

 19   première instance a considéré que Meakic était le commandant du camp et que

 20   Meakic exerçait son autorité et contrôlait un système hiérarchique qui

 21   était limité à l'enceinte du camp. Il ne contrôlait pas, par exemple, les

 22   enquêteurs qui faisaient partie des services de logistiques. Il ne

 23   contrôlait que les services de Sécurité qui étaient assurés par les

 24   policiers du poste de Police d'Omarska. Meakic commandait le poste de

 25   Police d'Omarska avant la création du camp.


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  1   La Chambre a considéré que Kvocka était son assistant personnel. Kvocka

  2   exerçait des fonctions qui équivalaient à celles d'un commandant adjoint ou

  3   d'un chef adjoint du commissaire de police d'Omarska, et je dis équivalent

  4   à parce que ces fonctions n'ont jamais été officialisées, mais il était

  5   l'officier de plus haut rang au côté de Meakic au poste de Police

  6   d'Omarska. La Chambre a considéré que la filière hiérarchique du poste de

  7   Police d'Omarska partait d'en haut du poste de commandant; ensuite,

  8   commandant adjoint; et, ensuite, les chefs de secteurs divers, et que cette

  9   filière hiérarchique a été transposée dans le camp d'Omarska, mais

 10   uniquement dans les services de Sécurité de ce camp. L'hiérarchie, Monsieur

 11   le Juge, est la suivante : on a d'abord Meakic qui est le commandant du

 12   camp; Kvocka, qui officiellement occupe un poste équivalent à celui de chef

 13   adjoint - j'insiste ce titre n'est pas un titre formel - et la Chambre a

 14   considéré que Prcac arrive plus tard dans la filière hiérarchique et qu'il

 15   était l'adjoint de Meakic. La Chambre a estimé qu'il était un assistant

 16   administratif, mais il faisait partie de cette hiérarchie des services de

 17   Sécurité. Radic, Monsieur le Juge, était un chef d'une équipe de gardiens

 18   également dans le cadre de cette filière hiérarchique dans le cadre de la

 19   structure de commandement que j'ai décrite précédemment. J'espère avoir

 20   répondu à votre question, Monsieur le Juge.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. Madame la Juge Mumba a une

 22   question.

 23   Mme LE JUGE MUMBA: [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Madame Rashid, j'ai bien suivi votre exposé, notamment, l'analyse que vous

 25   avez faite de la responsabilité de chacun des appelants. Peut-être ne vous


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  1   ai-je pas entièrement comprise, mais, si j'ai bien compris, ce que vous

  2   avez dit dans votre analyse des actes de chacun des appelants, c'est que

  3   dans certaines affaires comme celles-ci, la culpabilité ne dépend pas

  4   uniquement du titre attaché à telle ou telle personne, mais que ce sont les

  5   activités accomplies par cette personne ou ces omissions qui permettent de

  6   déterminer positivement la responsabilité. J'utilise tout à fait

  7   volontairement le terme de "positivement." Est-ce que vous êtes d'accord

  8   avec moi là-dessus ?

  9   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Madame la Juge. C'est effectivement la

 10   position de l'Accusation. Ce sont les actions ou les omissions d'une

 11   personne qui permettent de déterminer sa responsabilité. C'est tout à fait

 12   exact.

 13   Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je demanderais une confirmation

 15   de votre part simplement. Pourriez-vous me confirmer votre position et me

 16   dire si je l'ai bien comprise. Je crois comprendre que ce que vous dites

 17   c'est que s'il est démontré qu'un accusé a participé à une entreprise

 18   criminelle commune, invoqué son absence à tel ou tel moment n'est pas un

 19   moyen de défense à moins que cet absence n'équivaut à un abandon ou à un

 20   retrait de cette personne de l'entreprise criminelle commune. Est-ce bien

 21   ce que vous entendez par là ?

 22   Mme RASHID : [interprétation] Je vais m'expliquer, Monsieur le Président.

 23   D'ailleurs, nos arguments s'appuyaient sur les faits invoqués dans la

 24   présente affaire. Un exemple, dans l'affaire Kvocka, lorsque je parle

 25   d'absence, je parle de deux moments où il n'était pas présent dans le camp


Page 371

  1   où il était en permission. Ce que nous disons, c'est que ces deux périodes

  2   étaient totalement et régulièrement prévues dans son contrat de travail. Il

  3   avait le droit de prendre des congés, mais ce qui est important c'est que

  4   lorsqu'il est revenu dans le camp, il n'a jamais rejeté le système en

  5   vigueur dans le camp d'une quelconque façon parce que le témoin DD/10, par

  6   exemple, l'a fait. Il a quitté le camp. Il n'est jamais revenu et il

  7   n'avait absolument pas l'intention d'y retourner. Ce que nous disons du

  8   côté de l'Accusation, c'est que dans un cas, le dernier que je viens de

  9   citer, il y a rejet effectif du système, désengagement effectif de la part

 10   de la personne qui a quitté totalement le camp, rejeté ce système sans

 11   aucune intention d'y retrouver ou d'y reprendre sa place alors que les

 12   absences auxquelles j'ai fait référence s'agissant de Kvocka, se limite à

 13   deux périodes tout à fait définies. C'est tout, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Suis-je en

 15   droit de comprendre d'après l'impression dont vous appréciez les faits en

 16   l'espèce que vous êtes d'accord, par définition, avec la description légale

 17   juridique des faits que je viens de réaliser.

 18   Mme RASHID : [interprétation] La description juridique, pourriez-vous me la

 19   répéter, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, mes mots sont encore sur

 21   l'écran des moniteurs.

 22   Mme RASHID : [interprétation] Je vais essayer --

 23   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'accusé, lorsqu'il est démontré

 24   qu'il a participé à une entreprise criminelle conjointe, ne peut recourir

 25   en tant que moyen de défense à l'invocation d'une absence ultérieure, à


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  1   moins que celle-ci n'équivale à un abandon ou à un rejet de cette

  2   entreprise. Est-ce que bien cela ? A votre avis, est-ce une description

  3   juridique correcte ?

  4   Mme RASHID : [interprétation] Absolument correct sur le plan juridique.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

  6   Mme RASHID : [interprétation] C'est tout à fait notre position.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'ai bien compris votre

  8   argumentation.

  9   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. Je pense que le moment de

 11   la pause est arrivé.

 12   Monsieur Fila, vous souhaitez prendre la parole.

 13   M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas

 14   interrompre ma collègue de l'Accusation, mais soit je n'ai pas bien compris

 15   ce qu'elle a dit, soit il y a peut-être une légère erreur. Au compte rendu

 16   d'audience en anglais nous lisons que l'accusé Radic était policier à

 17   Ljubija, et qu'ensuite il a été transféré au camp d'Omarska, en tout cas

 18   c'est ce que j'ai cru comprendre. Si ma collègue de l'Accusation a bien dit

 19   cela, ceci constitue une erreur. En effet, nous devrions lire Omarska au

 20   lieu de Ljubija, Omarska et non Ljubija. Il était policier au post

 21   d'Omarska. Je ne crois pas avoir vu ce mot à l'écran.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid vous êtes d'accord

 23   avec M. Fila ?

 24   Mme RASHID : [interprétation] Mon collègue de la Défense a tout à fait

 25   raison, Monsieur le Président, c'est exact.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous avez raison, Maître Fila.

  2   Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, et je remercie

  3   mon collègue de la Défense pour cette correction.

  4   M. FILA : [interprétation] Merci beaucoup.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci, Maître Fila.

  6   Bien nous prenons maintenant une pause de 30 minutes.

  7   Je vous remercie.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

  9    --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'audience reprend. Ah, je vois

 11   que Me Fila s'est levé.

 12   M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les

 13   Juges, je prie M. Carmona de m'excuser, mais, étant le doyen de l'équipe de

 14   la Défense, je vais prendre la parole au nom de tous mes confrères. Je

 15   souhaiterais que la Chambre nous accorde une modification du programme de

 16   demain, étant donné que l'Accusation a modifié l'ordre de présentation de

 17   ses arguments, ils ont parlé de Kvocka d'abord, ensuite viendra Prcac et

 18   Radic. Nous souhaiterions que demain le conseil de la Défense de M. Prcac

 19   puisse être le premier à intervenir, afin d'adopter le même ordre que

 20   l'Accusation. Ceci ne va pas modifier les horaires puisque demain on devait

 21   commencer avec Prcac, Radic et Kvocka. Nous la proposition que nous vous

 22   faisons pour demain, c'est de commencer par Kvocka, suivi de Prcac, et de

 23   Radic, car c'est dans cet ordre que l'Accusation a présenté ses arguments.

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Kvocka, et Prcac, et Radic.

 25   M. FILA : [interprétation] Zigic.


Page 374

  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Cela nous ne pose aucune

  2   difficulté, Maître Fila.

  3   M. FILA : [interprétation] Deuxième chose, une petite demande à vous

  4   présenter.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que la demande de Me Fila

  6   vous convient, Monsieur Carmona ?

  7   M. CARMONA : [interprétation] Oui, pas de problème.

  8   M. FILA : [interprétation] Deuxième élément, deuxième peut-être petite mise

  9   en garde. Comme vous le savez moi-même, je suis intervenu pendant une

 10   heure. Vous avez accordé une heure 30 à nos éminents confrères de

 11   l'Accusation. Pour la réponse, vous avez accordé 20 minutes à tout le monde

 12   sauf à moi, puisque je n'ai que 15 minutes. Loin de moi l'idée de vous

 13   accuser d'être animé d'une intention discriminatoire, mais je voudrais vous

 14   demander pour que je ne sois pas tenté de le faire, de m'accorder un peu

 15   plus de temps. Je vous remercie.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Fila, vous demandez cinq

 17   minutes supplémentaires ?

 18   M. FILA : [interprétation] Je demande à ce que l'on déduise un petit peu du

 19   temps de celui qui est imparti à l'Accusation pour me l'accorder à moi.

 20   C'est à vous de décider de combien du temps il doit s'agir parce qu'il

 21   n'est pas habituel de voir quelqu'un de s'accorder deux fois plus de temps

 22   que la partie adverse.

 23   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 24   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, mais le Procureur, quand il

 25   répond, répond à tous les appelants.


Page 375

  1   M. FILA : [interprétation] Oui, j'entends bien, mais pourquoi on me donne

  2   que quinze minutes ? C'est cela que je ne comprends pas.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, c'est pourquoi  la question

  4   que je vous pose est la suivante : demandez-vous à bénéficier de cinq

  5   minutes de plus ?

  6   M. FILA : [interprétation] Fort bien, mais je vous prie de soustraire ces

  7   cinq minutes du temps imparti à l'Accusation, afin que l'on ne reste pas à

  8   l'audience plus longtemps que n'avait été prévu au départ.

  9   [La Chambre d'appel se concerte]

 10   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous savez, Maître Fila, que

 11   tout le monde a été consulté. Nous avons donné la possibilité à chacun

 12   d'intervenir s'il le souhaitait. Que diriez-vous si nous vous accordions

 13   cinq minutes de plus, nous verrons ce qu'il en est de la répartition du

 14   temps qui reste, vue les circonstances. Est-ce que cela vous convient ?

 15   M. FILA : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Carmona,  vous avez

 17   maintenant la parole.  

 18   M. CARMONA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs

 19   les Juges, je vais répondre aux arguments présentés par les appelants au

 20   sujet de la forme de l'acte d'accusation, et je vais également présenter la

 21   réponse de l'Accusation s'agissant de certains des motifs évoqués par les

 22   accusés au sujet de la forme de l'acte d'accusation.

 23   De surcroît, je répondrai également aux arguments de Kvocka sur le front,

 24   aussi bien du point de vue du droit que du point de vue des faits. En fait,

 25   je me corrige, je répondrai aux arguments présentés par Prcac, aussi bien


Page 376

  1   sur le plan juridique que sur le plan des faits.

  2   L'Accusation doit tout d'abord faire des observations générales s'agissant

  3   des arguments présentés par la Défense car les arguments qui nous ont été

  4   présentés étaient généralement des arguments de nature extrêmement

  5   générale, où il ne nous a pas donné de citations précises des textes

  6   invoqués, si bien que nous sommes un petit peu dans l'embarras. Lorsqu'il

  7   s'agit de répondre à des affirmations d'une portée aussi générale, même si

  8   nous sommes en difficulté, nous avons, cependant, l'intention de répondre

  9   de la même manière. S'agissant de la forme d'acte d'accusation, les

 10   appelants avancent que l'on ne leur a pas accordé le droit de bénéficier

 11   d'un procès équitable, que l'acte d'accusation était beaucoup trop vague,

 12   et que l'on n'a pas fourni suffisamment que l'acte d'accusation n'était pas

 13   suffisamment précis pour invoquer la responsabilité au titre de l'Article

 14   7(1).

 15   De plus, la Défense avance qu'elle a été victime de préjudice, puisqu'elle

 16   ne disposait des éléments factuels nécessaires pour répondre aux arguments

 17   relatifs à la responsabilité au titre de l'Article 7(1). De plus, la

 18   Défense avance que sa capacité de préparer sa défense a été rendue beaucoup

 19   plus difficile par la manière dont l'acte d'accusation a été présenté.

 20   En particulier, pour ce qui est de Prcac et de Kvocka, ils disent qu'il y

 21   avait vice de forme dans l'acte d'accusation, et qu'il y avait un manque de

 22   parallélisme entre le jugement et l'acte d'accusation. Prcac avance que la

 23   Chambre de première instance a pris le rôle de l'Accusation et est

 24   descendue dans l'arène. Dans sa défense, Prcac aborde la question de savoir

 25   s'il est effectivement le commandant adjoint du camp, ce qui était allégué


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  1   dans l'acte d'accusation modifié, en dehors de la question de savoir s'il

  2   était auxiliaire administratif, ce qui a été conclu par la Chambre de

  3   première instance.

  4   D'après lui, au terme de l'Article 21 du statut, la Chambre de première

  5   instance a seulement le devoir de vérifier si les actes d'accusation qui

  6   sont contenus dans un acte d'accusation sont exacts, et qu'ils ne doivent

  7   pas dépasser l'acte d'accusation pour déterminer sa responsabilité pénale,

  8   vue les faits qui lui sont reprochés.

  9   Radic soulève la question de l'entreprise criminelle commune, il dit que ce

 10   n'est pas mentionné dans l'acte d'accusation. Il dit notamment que la

 11   Chambre de première instance est allée au delà de la nature de la

 12   responsabilité qui est mentionnée dans l'acte d'accusation modifié, qu'elle

 13   l'a modifié et elle n'était pas en droit de le faire.

 14   Kvocka lui émet un grief en disant que l'Accusation n'avait spécifié dans

 15   l'acte d'accusation modifié qu'il était devenu le commandant adjoint du

 16   poste de Police. Zigic, quant à lui, se plaint d'avoir été reconnu coupable

 17   de crimes pour lesquels il ne faisait pas l'objet d'accusation dans l'acte

 18   d'accusation. Il appartient à l'appelant de prouver que la Chambre de

 19   première instance a prononcé des verdicts de culpabilité sur la base de

 20   faits qui ne figuraient pas dans l'acte d'accusation, et que si cela est

 21   prouvé, la Chambre de première instance n'a pas rendu de jugement

 22   équitable.

 23   Je vais maintenant revenir sur les motifs d'appel précis qui ont été

 24   invoqués.

 25   Le fait en tout premier lieu que l'entreprise criminelle commune n'a pas


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  1   été plaidée dans l'acte d'accusation, puisque c'est là un des arguments des

  2   appelants.

  3   Le premier pas de leur argumentation, c'est que l'acte d'accusation modifié

  4   stipulait que l'accusé était responsable des crimes qui figuraient dans

  5   l'acte d'accusation modifié, en vertu de l'Article 5 (1) et 7 (3) du

  6   statut, et que pour 7(1), il s'agissait d'incorporer toutes les formes de

  7   responsabilité pénale individuelle qui figurent dans l'Article 7(1).

  8   L'arrêt Tadic a indiqué très clairement que l'Article 7(1) comportait les

  9   notions de dessin commun et d'entreprise criminelle commune. Si bien que

 10   les appelants savaient, ils leur avaient été notifiés qu'il était de

 11   l'intention de l'Accusation de s'appuyer sur ce type de responsabilité

 12   pénale individuelle.

 13   Permettez-moi d'ajouter qu'il a constamment été fait référence à l'arrêt

 14   Tadic. On a constamment fait référence à cet arrêt depuis le début de cette

 15   affaire. Depuis le début on a remis en question l'acte d'accusation

 16   s'agissant de la nature de responsabilité pénale telle qu'elle a été

 17   définie dans Tadic. Inutile de faire appel une analyse ésotérique ou une

 18   analyse sophistiquée pour comprendre que nous avons ici une affaire de camp

 19   qui a été décrite dans l'arrêt Tadic où on a identifié trois types

 20   d'entreprise criminelle commune.

 21   On peut facilement déduire qu'il s'agissait d'une entreprise criminelle

 22   commune, mais il y a beaucoup plus encore. Personne ne doute du fait que

 23   l'Article 21 (A) définit les droits de l'accusé, qui, notamment, est celui

 24   de savoir ce qu'on lui reproche. Mais un acte d'accusation ne doit pas se

 25   prendre dans l'absolu. C'est simplement que cela fait partie d'un processus


Page 379

  1   qui comprend, notamment, toute la période de la mise en état et la

  2   communication des pièces.

  3   Cela ne signifie pas que l'Accusation est en droit de faire n'importe quoi.

  4   Cela signifie que l'Accusation doit répondre à ses obligations et

  5   déterminer exactement ce qui fonde cet acte. Cependant, la jurisprudence du

  6   Tribunal a fait comprendre d'une manière très claire, qu'il ne convient pas

  7   d'appliquer les règles qui sont en vigueur dans le système juridique

  8   nationaux au Tribunal. De nombreux articles ont été publiés au sujet du

  9   caractère sui generis du Tribunal, qui est une entreprise disons

 10   d'apprentissage juridique. On ne se trouve pas dans un système juridique

 11   national où les crimes sont traités de manière individuelle, à l'opposé des

 12   crimes de guerre auxquels nous sommes confrontés et de la situation telle

 13   qu'elle régnait au camp d'Omarska, qui a été considéré comme une entreprise

 14   criminelle commune.

 15   Mais nonobstant ce fait, l'Accusation a cependant l'obligation de

 16   déterminer la nature des accusations concernant un accusé afin que cet

 17   accusé puisse répondre à ces accusations.

 18   Dans son mémoire préalable au procès déposé en avril 1999, l'Accusation

 19   fait référence au dessin criminel commun ou à une entreprise criminelle

 20   commune lorsqu'elle évoque l'Article 7(1). Je souhaite rappeler aux

 21   éminents Juges de la Chambre que l'affaire s'est ouverte en l'an 2000, en

 22   février 2000. Ensuite, il y a suspension d'audience jusqu'en mai 2000 pour

 23   permettre à Prcac, qui était arrivé tardivement à cette affaire, et de se

 24   préparer si bien que la Défense était parfaitement au courant de la thèse

 25   défendue par l'Accusation.


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  1   De plus, au moment où l'Accusation a prononcé sa déclaration liminaire en

  2   février 2000, tout le monde a bien pu se rendre compte que la théorie

  3   défendue par l'Accusation s'était celle de dessin commun qui reposait sur

  4   les trois catégories définies dans l'arrêt Tadic. Aucun des appelants n'a

  5   présenté d'objection à cette époque. Il s'agissait de la théorie de dessin

  6   commun, ou d'entreprise criminelle commune.

  7   Aucun des appelants n'a soulevé cette question dans l'audience consacrée à

  8   la requête 98 bis. Les appelants ont invoqué l'absence de toute

  9   responsabilité au titre de l'Article 1, lors de l'audience consacrée à

 10   l'Article 98 bis, mais ils n'ont nullement parlé de mise de forme de l'acte

 11   d'accusation. Ils n'ont jamais dit qu'ils avaient été gênés dans le contre-

 12   interrogatoire des témoins à charge. Ils n'ont jamais élevé ce grief. Ce

 13   grief, ils l'ont présenté uniquement s'agissant de la question de la

 14   communication des pièces qui a fait l'objet de nombreuses requêtes

 15   auxquelles il a été répondu. Mais jamais on a parlé de la forme de l'acte

 16   d'accusation.

 17   Je fais référence plus particulièrement aux comptes rendu d'audience T646

 18   et 658. Il s'agit de la déclaration liminaire de l'Accusation où vous

 19   pouvez voir confirmer la position que nous avons adoptée dès le départ.

 20   Kvocka a tardivement soulevé cette question dans son mémoire en clôture. Il

 21   a affirmé que l'Accusation essayait d'augmenter la responsabilité attribuée

 22   à l'accusé. La Chambre de première instance a noté avec raison que

 23   l'Accusation devrait se limiter à prouver les chefs contenus dans l'acte

 24   d'accusation.

 25   L'Accusation fait valoir que l'acte d'accusation modifié n'avait aucune


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  1   lacune, aucune défaillance, et que ceci n'a nullement posé de problème à la

  2   Défense dans le cas de la préparation de sa défense ou de sa thèse.

  3   Cependant, il faut savoir que s'agissant de la forme de l'acte

  4   d'accusation, on constate une certaine évolution des principes juridiques

  5   qui s'appliquent. Mais il y a, cependant, toujours des principes immuables

  6   dans ce contexte que je vais évoquer maintenant.

  7   D'abord, l'Accusation est en droit d'avoir une certaine flexibilité

  8   lorsqu'elle établit les actes d'accusation. Elle peut présenter de manière

  9   diverse la responsabilité individuelle des personnes concernées. La

 10   jurisprudence de la Chambre d'appel l'a bien précisé dans l'arrêt Celebici,

 11   et je cite bien, "qu'il soit nécessaire de faire preuve de précision dans

 12   l'acte d'accusation, le fait de ne pas identifier le mode de participation

 13   n'est cependant pas une défaillance rédhibitoire si on fait bien comprendre

 14   à l'accusé la nature et la nature des accusations qui le concernent." La

 15   question essentielle c'est de savoir si le fait de ne pas avoir fait

 16   référence au mode de responsabilité dans l'acte d'accusation modifié a

 17   empêché l'Accusation de se défendre correctement.

 18   Ceci n'enlève nullement à la Chambre de première instance le pouvoir

 19   discrétionnaire qui a le soin de choisir la forme de participation la plus

 20   appropriée à ses yeux au type de l'Article 7(1) du statut afin de définir

 21   la responsabilité de l'accusé. Dans l'arrêt Krnojelac, il a été stipulé au

 22   paragraphe 139, que l'obligation de l'Accusation de présenter un acte

 23   d'accusation suffisamment précis doit être interprété au vu de l'Article

 24   21(2), 21(4)(a) et 21(4)(b), qui stipule que : l'accusé est en droit de

 25   bénéficier d'un procès équitable, qu'il doit être informé de la nature des


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  1   charges qui pèsent contre lui, et qu'il doit avoir suffisamment du temps et

  2   de moyens pour préparer sa défense.

  3   Ce qui est particulièrement s'agissant du cas de Prcac, parce qu'on se

  4   souviendra qu'il est arrivé au Tribunal plus tard que les autres, on lui a

  5   donné suffisamment du temps, or il n'a jamais soulevé aucun grief. Plus

  6   tard, je ferais référence à des requêtes, à des décisions, à des

  7   conférences de mise en état bien spécifiques au cours desquelles il a

  8   manifesté son accord s'agissant de toute la procédure. Jamais il ne s'est

  9   plaint de quelque manière que ce soit à ce moment-là.

 10   Dans l'arrêt Krnojelac, on a confirmé au paragraphe 131 que l'Accusation

 11   avait l'obligation de donner les faits essentiels relatifs aux accusations

 12   qui figurent dans l'acte d'accusation, mais qu'elle n'était pas tenue de

 13   fournir les éléments de preuve en tant que tels. S'agissant de l'entreprise

 14   criminelle commune, nous estimons qu'un fait important se trouvait dans

 15   l'acte d'accusation, et que les accusés étaient tout à fait au courant de

 16   ce que l'on attendait d'eux dans le cadre de leur stratégie de défense.

 17   L'essentiel c'est de savoir si un acte d'accusation est suffisamment

 18   précis, et s'il contient suffisamment de détails afin que l'accusé soit

 19   informé des charges qui le concernent.

 20   Dans l'arrêt Kupreskic, on a confirmé que les faits qui sont reprochés ne

 21   peuvent être présentés de manière abstraite. Tout ceci dépend de la thèse

 22   présentée par l'Accusation. Un facteur décisif pour déterminer la précision

 23   attendue de l'Accusation dans un acte d'accusation, c'est la nature du

 24   comportement criminel qui est reproché à l'accusé.

 25   Par exemple, dans un camp il y a de nombreux crimes qui sont commis à des


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  1   moments différents. Dans ce genre de situation, quand on est dans un procès

  2   qui a trait à un camp, on ne peut pas attendre une précision autant

  3   précisant disons que pour Vasiljevic, où il y a un seul crime qui est

  4   reproché à l'accusé.

  5   Nul doute que dans l'arrêt Krnojelac, il est stipulé qu'il faut éviter

  6   toute ambiguïté, et que l'Accusation doit identifier les formes de

  7   responsabilité qui ont trait à chacun des chefs d'accusation et surtout

  8   avant le procès.

  9   Cependant, il est également précisé qu'il est préférable qu'un acte

 10   d'accusation qui fait état de la participation d'un accusé à une entreprise

 11   criminelle commune doit faire référence à la nature exacte de l'entreprise

 12   criminelle commune qui est alléguée. Ceci, cependant, n'empêche pas

 13   l'Accusation de présenter son acte d'accusation de la manière dont nous

 14   l'avons fait, par exemple, dans le mémoire préalable au procès, il convient

 15   de donner, de préciser quels sont les critères qui doivent être utilisés

 16   pour analyser les crimes allégués. Tout ceci garantissant à l'accuser un

 17   procès équitable.

 18   L'acte d'accusation modifié en l'espèce contenait toutes les allégations

 19   qui sont requises afin de faire connaître aux accusés les accusations qui

 20   pesaient sur eux. Nous avons indiqué quels étaient les faits qui leur

 21   étaient reprochés, les périodes, les sites concernés, la nature des crimes.

 22   Même s'il n'a pas été fait référence expressément au concept de

 23   l'entreprise criminelle commune, l'acte d'accusation modifié en l'espèce a

 24   indiqué les principes de base, les crimes qui sous-tendaient la thèse de

 25   l'Accusation en l'espèce ne fait pas parler notamment de la ségrégation, de


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  1   l'emprisonnement dans les camps des détenus à Omarska, Keraterm, Trnopolje

  2   et des conditions déplorables qui y régnaient. On parle de l'objectif

  3   généralisé qui constituait à chasser les habitants non Serbes du territoire

  4   et qui faisait partie du plan constituant à créer un état serbe de Bosnie.

  5   Nous avons indiqué dans cet acte d'accusation quels étaient les autres

  6   participants à l'entreprise criminelle commune, les autorités serbes de

  7   Bosnie, les membres du parti démocratique serbe, au personnel du camp, la

  8   police, l'armée. Nous avons indiqué dans cet acte d'accusation quelle était

  9   la nature de la participation pour les accusés à l'entreprise criminelle

 10   commune. Nous avons indiqué très précisément qu'il y avait d'autres

 11   personnes qui avaient participé à cette entreprise criminelle commune et

 12   qu'ils n'étaient pas mis en accusation devant le Tribunal.

 13   Les appelants savent exactement ce qu' on leur reprochait et je pense tout

 14   particulièrement aux paragraphes 28 à 32 de l'acte d'accusation modifié où

 15   l'on évoque la perpétration de crimes de manière systématique et

 16   généralisée. L'acte d'accusation modifiée contient des allégations

 17   spécifiques sur le fait que les accusés savaient ce qui se passait, qu'ils

 18   ont participé à une entreprise de persécution et à une campagne généralisée

 19   de persécution et de violence. De plus, vu la nature de la campagne et le

 20   poste occupé par les appelants qui y sont précisés à de nombreuses reprises

 21   dans l'acte d'accusation, ils savaient ces accusés que leur connaissance de

 22   la situation et leur participation pouvaient être déduits de ces

 23   circonstances de la même façon.

 24   Nous ne pouvons pas regarder par l'acte d'accusation, par le petit bout de

 25   la lorgnette. Il faut avoir une vision beaucoup plus générale de la chose.


Page 385

  1   La question est de savoir si en examinant l'intervention d'ensemble, les

  2   appelants ont été suffisamment avisés des points sur lesquels reposait la

  3   responsabilité plus particulièrement le mode de responsabilité. On leur a

  4   fourni des déclarations de témoins, les actes d'accusation successifs et le

  5   mémoire préalable au procès. L'Accusation sur ce point particulier fait

  6   valoir que pour qu'un acte d'accusation soit défectueux au sens où ceci

  7   rendrait un procès inéquitable, l'absence d'éléments d'information doivent

  8   être tels que cela fasse que la Défense de l'accusé soit en quelque sorte

  9   rejeté de façon générale. Par exemple, s'il est soutenu qu'en fait il y

 10   avait un alibi, il ne serait pas en mesure de traiter de cette question.

 11   Pouvons-nous dire en l'espèce à la lumière de tout ce qui a été mis à la

 12   disposition de la Défense et à la lumière de toutes les conclusions

 13   diverses qui ont été présentées dès le début du procès, pouvons-nous dire

 14   que dans le contexte de l'acte d'accusation proprement dit avec les

 15   éléments confidentiels, les annexes confidentiels qui étaient jointes à

 16   cette acte d'accusation et lorsque je dis avec sceau confidentiel je veux

 17   me référer aux annexes qui précisent; premièrement la date des délits,

 18   deuxièmement, les victimes, troisièmement, qui était les autres

 19   participants, quatrièmement un résumé du fait dommageable. Pouvons-nous

 20   véritablement dire que dans ces circonstances en considérant les choses en

 21   tant que juristes, parce qu'en fait, c'est en tant que juristes et qu'ils

 22   ont fait valoir ce point, qu'ils avaient besoin d'être informés, je

 23   pourrais dire qu'ils avaient toutes les informations nécessaires. Je dirais

 24   même qu'en tant que personne ordinaire, on pourrait reconnaître que ceci

 25   avait été plaidé et qu'on voyait que tous les appelants étaient ensemble


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  1   participants à une entreprise criminelle commune. Ceci est en outre

  2   confirmé par une lecture de l'acte Tadic.

  3   Je voudrais me référer maintenant aux motifs particuliers concernant chacun

  4   des individus qui a évoqué ses moyens. Je voudrais plus particulièrement me

  5   référer à Prcac. Je vais commencer par Prcac. Il fait valoir qu'un élément

  6   matériel ou un fait ne figurait pas dans l'acte d'accusation. Il dit par

  7   exemple qu'il n'avait pas été prouvé qu'il était commandant adjoint. Qu'il

  8   avait été acquitté sur ce point particulier en ce qui concerne les faits.

  9   Il dit que s'il devait être reconnu coupable sur la base du fait qu'il

 10   était un assistant administratif du commandant du camp, un amendement

 11   aurait dû être apporté parce que son statut dans le camp était une question

 12   de fait matérielle. Il a dit qu'en fait, il n'avait pas été avisé de cette

 13   question de l'assistant administratif qui semble être brusquement apparu en

 14   l'occurrence. L'argument de l'Accusation est que ce rôle, cette

 15   catégorisation, cette dénomination était sans importance aux regards de sa

 16   responsabilité au titre de l'Article 7, paragraphe 1, du statut.

 17   Une personne n'a pas nécessairement besoin d'être un commandant supérieur

 18   pour encourir une responsabilité. D'après les dispositions de l'Article 7

 19   paragraphe 1 et l'allégation qu'il était commandant adjoint, ceci n'avait

 20   pas d'importance au point de vue fait matériel par rapport aux accusations

 21   qui pesaient sur lui au titre de l'article 7, paragraphe 1, de même qu'une

 22   personne n'a pas besoins d'être un assistant administratif pour se trouver

 23   responsable au terme de l'Article 7, paragraphe 1. Le fait de ne pas avoir

 24   alléguer dans l'acte d'accusation modifié qu'il était un assistant

 25   administratif ne constitue pas le fait de ne pas avoir plaidé un fait


Page 387

  1   matériel en ce qui concerne les charges au titre de l'Article 7, paragraphe

  2   1.

  3   Ce qui était important en revanche dans l'acte d'accusation en ce qui

  4   concerne sa responsabilité comme participant à une entreprise criminelle

  5   commune c'était sa contribution à l'entreprise et au fonctionnement dans le

  6   camp et Prcac était au courant du fait de la nature précise de ses

  7   fonctions et des obligations qui lui étaient confiées par rapport à la

  8   procédure. Le fait que sa responsabilité criminelle dépendrait des

  9   conclusions de la Chambre de première instance à cet égard. Il a présenté

 10   des éléments de preuve et des arguments concernant ce point comme l'a fait

 11   l'Accusation, il était à ce moment-là, loisible à la Chambre de première

 12   instance et sans nécessité d'apporter un amendement de déterminer la nature

 13   de ses fonctions et de ses tâches en disant qu'un tel est différend de ce

 14   qui figurait à l'acte d'accusation et de déterminer en conséquence quelle

 15   était sa responsabilité criminelle. En fait si nous suivons cette voie, la

 16   voie que propose, mon confrère, je vais dire qu'un acte d'accusation ne

 17   pourra pas être pris en considération. Tout ce que nous savons par exemple

 18   c'est que si vous regardez les différentes affaires, les affaires

 19   concernant l'Allemagne, la Deuxième guerre mondiale, lorsque vous regardez

 20   ces affaires qui traitent de persécution, les personnes ont eu certains

 21   titres, d'autres personnes se sont cachées derrière des titres ou des

 22   fonctions.

 23   En fin de compte, devons-nous déterminer la responsabilité sur la base d'un

 24   titre ou sur la base du rôle qui a effectivement été joué. A cet égard, il

 25   peut être utile d'examiner l'argument précis de Prcac pour ce qui concerne


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  1   un plaidoyer similaire à savoir que l'amendement n'a pas fait état du fait

  2   qu'il était commandant adjoint du poste de Police d'Omarska ou commandant

  3   du poste de Police. Personne ne doute lorsque l'on regarde ces éléments par

  4   exemple au titre de la responsabilité de l'Article 7, paragraphe 3, que la

  5   question, la désignation particulière d'un individu peut évidemment donner

  6   quelques lumières en ce qui concerne ses responsabilités mais que ceci ne

  7   peut pas permettre de conclure ce qu'une personne a effectivement fait.

  8   Kvocka était évidemment, parfaitement conscient du fait que par rapport à

  9   l'Article 7, paragraphe 1, la nature de ses fonctions et de ses devoirs au

 10   camp d'Omarska était ce qui faisait l'objet de l'Accusation au procès,

 11   cette responsabilité dépendrait évidemment des conclusions de la Chambre de

 12   première instance à cet égard.

 13   Il a également présenté des éléments de preuve et des arguments concernant

 14   cette question comme l'a fait l'Accusation et là, encore, il était loisible

 15   à la Chambre de première instance de les examiner et alors il se trouve que

 16   les membres de la Chambre n'ont pas les œillères et qu'ils avaient la

 17   possibilité dans les circonstances de déterminer, si par exemple, quelles

 18   étaient ses fonctions, la nature de ses fonctions et de ses obligations

 19   tout autant qu'ils auraient pu voir ce qui était différent par rapport à ce

 20   qui était plaidé dans l'acte d'accusation.

 21   En fin de compte, c'était la prérogative de la Chambre de déterminer quelle

 22   était sa responsabilité et quelles étaient ses fonctions. Prcac a en outre

 23   soulevé l'argument de l'assistant administratif. Il a retrouvé les

 24   interprétations qui découlent des décisions de juridiction locale ou

 25   nationale et je dois dire que le Tribunal étant à juridiction


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  1   internationale et dans le contexte de son mandat qui doit être juste et

  2   équitable, il est en droit d'interpréter le rôle effectif de personnes, non

  3   pas dans le contexte de critères locaux mais le contexte de critères

  4   internationaux. Tout comme le Tribunal a reconnu d'utiliser et d'apprécier

  5   quelles étaient les conditions locales, il n'est pas en position de son

  6   mandat de reconnaître purement et simplement la nécessité d'adopter une

  7   telle situation.

  8   La Chambre de première instance aurait reconnu que des désignations ou des

  9   titres étaient déduits de pertinence et que les personnes pouvaient se

 10   cacher derrière des titres de façon à essayer d'échapper à leurs

 11   responsabilités pénales. Il aurait été à ce moment-là artificiel que la

 12   Chambre regarde simplement quelle était l'identité ou les fonctions de tel

 13   ou tel assistant et de conclure en faveur d'un appelant. Dans ce processus,

 14   il fallait que la Chambre détermine ce qu'avait fait effectivement

 15   l'appelant et non pas quel était le titre qui lui était donné. Le fait

 16   qu'une défense ait été avancée d'une manière particulière même si c'est une

 17   conception erronée de ce qui doit être réfuté, n'a pas réussi, ne peut pas

 18   être une base pour un appel.

 19   Les affaires relatives à la Deuxième Guerre mondiale illustre que la

 20   responsabilité n'était pas basée sur la désignation de lieu de travail mais

 21   de savoir quelles étaient les fonctions remplies dans l'entreprise

 22   criminelle. L'appelant coupe les cheveux en quatre lorsqu'il fait valoir

 23   que la sécurité du camp était seulement une partie de l'organisation du

 24   camp d'Omarska. La thèse de l'accusé est telle qu'il s'agissait d'une

 25   entité criminelle unique, avec différentes structures, à la fin, de facto


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  1   et ad hoc, administrée de façon telle qu'il s'agit objectivement d'une

  2   entreprise criminelle visant, notamment, à la persécution des Musulmans et

  3   non-Serbes.

  4   Je voudrais maintenant me référer à l'argument de Zigic en passant à

  5   l'argumentation les annexes et également en ce qui concerne les arguments

  6   de Radic. Je voudrais appeler l'attention de la Chambre sur quelque chose

  7   qui, en fait, est peut-être purement théorique et ceci a à voir avec la

  8   question des annexes et les avis ou notifications.

  9   Le 7 janvier 2002, Zigic a déposé une requête demandant qu'une ordonnance

 10   obligatoire soit adressée à l'Accusation pour communiquer les annexes

 11   confidentielles qui avaient été déposés avec l'acte d'accusation modifié.

 12   Ceci a été jugé par la Chambre d'appel. Il disait en l'occurrence qu'il

 13   n'avait pas eu connaissance de ces documents lors du procès. La Chambre

 14   d'appel a rendu une décision qui réfutait cette allégation dans la mesure

 15   où elles étaient décrites. Ceci, évidemment, par le truchement du Juge de

 16   la mise en état au préalable à l'appel lorsque ce Juge a indiqué que cette

 17   requête avait un caractère frivole manquait de substance en d'autres

 18   termes. Je ne pense pas que par rapport à ce problème particulier, mes

 19   éminents collègues de la partie aient soulevé des arguments supplémentaires

 20   qui pourraient déclencher un réexamen de cette décision de la Chambre.

 21   Je veux me référer à la décision du 7 mars 2002, A128/26 décision sur la

 22   requête visant à obtenir une ordonnance obligatoire à l'égard de

 23   l'Accusation. En ce qui concerne Zigic toutefois, il a indiqué qu'en ce qui

 24   concerne les annexes, il avait été reconnu coupable d'infractions, par

 25   exemple, de façon plus spécifique, l'infraction de torture en ce qui


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  1   concerne AE, Edin Ganic, Témoin V. Hier, vous avez seulement mentionné le

  2   Témoin V et indiqué, par exemple, comment aurait-il pu être reconnu

  3   coupable de torture alors qu'il n'était pas accusé de torture concernant

  4   ces personnes. Il y a une réponse très simple à cela, la Chambre de

  5   première instance a fait référence à sa décision de développer les choses

  6   telles que c'est indiqué en notes de bas de pages 1136 du jugement au

  7   premier instant.

  8   Zigic, en fait, avait été accusé de traitement cruel et de mauvais

  9   traitement infligé à des non-Serbes et des Musulmans dans un fait

 10   particulier. Si je peux lire ce qui a été dit : "Il n'était pas accusé de

 11   torture ou d'actes inhumains contre AE et Edin Ganic et le Témoin V."

 12   Néanmoins, la Chambre de première instance a estimé qu'il était coupable à

 13   l'égard de ces charges dans ce jugement. Dans les nouvelles annexes

 14   publiques, les trois témoins en question sont mentionnés au titre des chefs

 15   d'accusation 1 et 3, persécutions, actes inhumains et violence contre la

 16   dignité personnelle et outrage.

 17   Zigic ne s'est pas exprimé devant la Chambre de première instance en ce qui

 18   concerne le grief qu'il présente actuellement. Je me réfère à la note de

 19   bas de page 1136. L'annexe D caractérisait des crimes commis contre le

 20   Témoin A comprenant une telle qualification permettait de prendre en

 21   considération la torture. Zigic, le dit : "Le témoin dans ces

 22   circonstances, en fait, ceci aurait eu une incidence sur le contre-

 23   interrogatoire. Ceci aurait eu une incidence sur la Défense. J'aurais été

 24   en mesure de faire valoir certaines choses que je ne vois que maintenant,

 25   comme argument que j'aurais pu présenter et il faut regarder cela dans les


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  1   termes pratiques."

  2   Il était accusé de persécutions, d'actes inhumains, d'outrage à la dignité

  3   personnelle de ces témoins précis. Ce que la Chambre a décidé, c'était la

  4   question de savoir si les faits matériels avaient été établis, à savoir,

  5   les passages à tabac. Les témoins ont déposé dans le sens qu'ils avaient

  6   été "torturés" et j'utilise ceci entre guillemets. Lorsqu'en fait Zigic a

  7   commencé le contre-interrogatoire de ces témoins particuliers lorsque l'on

  8   regarde au compte rendu, il a attaqué dans son vieux scénario les

  9   circonstances de faits et la question des passages à tabac et cetera.

 10   En d'autres termes, il était en mesure d'évoquer de façon significative un

 11   certain nombre de questions concernant les incidents véritables et les

 12   faits. La seule différence entre cela et la torture est en fait que l'autre

 13   élément juridique qui était en cause était un but interdit. En fin de

 14   compte, l'Accusation avait présenté des preuves de discrimination dans

 15   l'ensemble de ces thèses tout au long de ces réquisitions. En aucune

 16   manière, il ne s'est trouvé désavantagé pour lui-même présenter sa défense.

 17   Il a eu la possibilité de procéder au contre-interrogatoire de ces témoins

 18   sur les questions de faits, sur les questions précisément de faits.

 19   L'Accusation fait valoir si on regarde l'ensemble de la question de la

 20   forme de l'acte d'accusation par rapport à l'entreprise criminelle commune

 21   que l'approche ou la conception suivie par la Chambre de première instance

 22   à l'égard des éléments de preuve, sa motivation et son raisonnement en ce

 23   qui concerne les crimes allégués dans l'acte d'accusation modifié, y

 24   compris, les annexes, ne fait apparaître aucune erreur ou ne peut permettre

 25   aucun grief.


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  1   La Chambre de première instance a agi de façon inappropriée dans une

  2   affaire de cette nature dans laquelle, un accusé a été reconnu coupable en

  3   tant que co-auteur d'une entreprise criminelle commune.

  4   L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous ralentir, s'il vous plaît ?

  5   M. CARMONA : [interprétation] Excusez-moi. Il est important que la Chambre

  6   ait correctement appliqué le critère de preuve relatif au caractère

  7   suffisant des éléments de preuve pour les éléments concernant les crimes à

  8   évoquer dans l'acte d'accusation et dans sa décision au titre de l'Article

  9   98 bis. En appliquant ce qui est dit, la Chambre de première instance a

 10   acquitté les appelants de plusieurs crimes au titre de l'Article 98 bis du

 11   règlement, et Zigic, en ce qui concerne six personnes par insuffisance de

 12   preuve. Leurs noms apparaissent sur des chiffres 5 à 10 dans l'annexe

 13   confidentielle, numéro 3, on peut lire que la Chambre de première instance

 14   n'a pas souscrit aux thèses de l'Accusation mais a examiné ces thèses de

 15   façon critique à la fois au stade de l'Article 98 bis, mais également au

 16   moment où elle est entrée en voie d'un jugement.

 17   L'Accusation s'en tient à ses arguments dans son mémoire sur l'ensemble de

 18   la question en ce qui concerne l'acte d'accusation et les questions

 19   concernant les lacunes éventuelles qui pourraient y figurer. J'invite la

 20   Chambre de première instance et la Chambre d'appel de bien vouloir regarder

 21   les faits et les annexes confidentiels qui ont été déposés le 1er mars 2001

 22   à la fois à titre public et confidentiel comme base, pour dire par exemple

 23   s'il a jamais été nécessaire de donner avis ou s'il a jamais été nécessaire

 24   de donner des informations concernant les termes dans lesquels les

 25   accusations ont été formulées et ce à laquelle il fallait répondre et


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  1   j'estime que ceci est reflété dans l'accord de l'acte d'accusation et dans

  2   ses annexes confidentiels.

  3   Je voudrais maintenant passer à la question des conclusions de fond

  4   présentées par mon confrère en ce qui concerne Prcac. Je dois dire que mon

  5   confrère a pris une voie particulière que la Chambre d'appel normalement

  6   n'apprécie pas et cette voie, je voudrais dire,  est en fait, le simple

  7   fait qu'on ne peut pas tout simplement réitérer ou réaffirmer des arguments

  8   sans nouveauté à la fois dans la décision dans l'arrêt Kupresic et dans

  9   l'arrêt Kudarac, la Chambre s'est montrée très claire sur ce point

 10   particulier. Il ne s'agit pas d'entendre à nouveau le procès comme en

 11   première instance, on ne peut pas tout simplement répéter les arguments qui

 12   avaient été développés au procès dans l'espoir qu'en fait il y aura une

 13   nouvelle appréciation des faits.

 14   Dans certains cas, mais pas dans tous, il se trouve que mon confrère a pris

 15   cette voie. Indépendamment de cela, il semble que mon confrère ait fait et

 16   la plupart de mes collègues ont fait une thèse où nous traitons en fait

 17   d'hommes, à partir d'un village, un petit village de position relativement

 18   humble, les hommes de paille si vous voulez le dire comme cela, indiquant

 19   par exemple pouvait-il avoir connaissance de ces règles internationales et

 20   des responsabilités au regard du droit international ? Comment pouvaient-

 21   ils en savoir quoi que ce soit ? Il est très intéressant de voir que si ces

 22   hommes sont des fonctionnaires de police à un moment donné en fait ils

 23   avaient un sens de ce qui est juste, du bien et du mal, dans le contexte du

 24   droit. Je parle de droits fondamentaux. Ils devaient savoir par exemple

 25   qu'on ne peut pas attaquer une personne. Ils devaient savoir par exemple


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  1   qu'on ne peut pas violer une personne. Ils savaient par exemple qu'on ne

  2   peut pas tuer un individu. Tous ces crimes avaient lieu au camp d'Omarska

  3   et, bien entendu, c'est l'hypothèse générale que nul n'est censé ignorer la

  4   loi. L'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Fondamentalement c'est le

  5   fait que nous avons besoin d'apprécier qu'un très grand nombre de ces

  6   crimes ont été commis par des fonctionnaires de police et il faudrait dont

  7   faire examiner ceci du point de vue normal. Lorsque je dis qu'il s'agit

  8   d'un crime normal, je veux parler de viols, de meurtres, d'attaques, de

  9   coups et de batterie, vous le savez. Même s'il s'agit d'hommes qui

 10   n'étaient pas très instruits et n'étaient pas très familiers des

 11   responsabilités qui s'attachaient à leur présence dans le camp, en vertu de

 12   l'état de ce qu'ils ont fait, est-ce qu'on pourrait plaider ceci comme

 13   étant spécifiquement des omissions. Je vous prie de me donner un instant

 14   s'il vous plaît, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, les

 15   dimensions de la table me posent un problème, je crois qu'une partie de mon

 16   mémoire s'est égaré, si vous voulez bien me donner un instant s'il vous

 17   plaît.

 18   Si Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, il est important

 19   dans les circonstances de ce qui a été allégué dans le contexte de ce que

 20   sont les arguments d'ignorance par rapport à ce qui se passait dans le camp

 21   d'Omarska que je me réfère à certaines des caractéristiques personnelles

 22   qu'en fait, possédait Prcac. Prcac en fait était un fonctionnaire de police

 23   et il informait, il était un technicien spécialiste des délits pendant 15

 24   ans. Nous avons des éléments de preuve. Nous savons quelles étaient ses

 25   responsabilités en tant que technicien pour ce qui était de vérifier des


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  1   éléments de preuve, de réunir des éléments de preuve et d'aller faire des

  2   constatations sur place. Nous avons eu par exemple dans la Défense un

  3   rapport de Dusan qui essayait d'une certaine manière de délimiter ce que

  4   connaissaient les connaissances de Prcac. Il a reconnu par exemple que

  5   c'était un élément idiosyncrasique de technicien des délits de capacité par

  6   exemple de voir les détails, cette capacité de voir les détails. Il est

  7   significatif de noter par exemple que comme ceci a été évoqué par mon

  8   confrère que dès son arrivée au camp le 15 juillet lorsqu'il a vu les deux

  9   corps qui se trouvaient près de palissade, pas très loin du réfectoire,

 10   lorsqu'il a parlé de la puanteur du camp d'Omarska, lorsqu'il a parlé de

 11   l'air au centre, la putréfaction qu'il avait respiré, quel a été à ce

 12   moment-là la question qu'il a posée lorsqu'il est entré dans ce camp et

 13   lorsqu'il a dit : "Comment ces hommes étaient-ils morts ? Est-ce qu'ils

 14   étaient morts de causes naturelles ?" Non, il n'a pas posé cette question.

 15   Il a simplement dit : "Pourquoi est-ce que vous n'enlevez pas ces corps,

 16   ces cadavres ?" Est-ce que ceci est un exemple de quelqu'un qui en fait

 17   voudrait montrer qu'il se désolidarise. Je pense que ceci plutôt montre que

 18   de sa part il y a quelque chose de désagréable qu'il a perçu vous savez

 19   indépendamment de cela.

 20   Il y avait certaines conclusions révélatrices faites par mon confrère par

 21   rapport à ce que je conçois comme étant l'institution et le rôle du

 22   Procureur et sa bonne foi. Il s'est référé en fait à un programme télévisé

 23   de Penny Marshall et la manière dont un massacre avait en fait été diffusée

 24   sur différentes chaînes de télévision, au fait qu'il avait eu cinq ans et

 25   que l'Accusation n'avait pas fait appel parce qu'ils espéraient que


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  1   l'Accusation ne ferait pas appel. Comme s'il y avait en fait une

  2   prédisposition en ce sens et il n'a pas reconnu que dans cette affaire

  3   particulière, il avait été traité de la même manière que dans tout autre

  4   affaire devant être portée devant ce Tribunal. Il y avait une procédure de

  5   confirmation. Il y avait en fait des voies qu'ils auraient pu emprunter

  6   dans le contexte de la préparation et l'affaire a été reportée parce que

  7   Prcac a été arrêté et deux mois ont été donnés à Prcac pour se préparer, de

  8   sorte qu'il y a eu application de l'Article 98 bis du Règlement. Ceci a été

  9   examiné par la Chambre de première instance eu égard par exemple à la

 10   teneur de l'ensemble de la procédure sur cette question particulière, on

 11   peut voir par exemple qu'il y a eu même une tentative de la part de la

 12   Chambre de première instance d'aider la Défense en mettant à sa disposition

 13   des éléments en lui demandant si en fait, il aurait besoin de prolongation,

 14   de report de délai, et si en fait ils avaient des déclarations

 15   particulières à faire et s'ils avaient suffisamment de temps. Ceci est un

 16   exemple en ce qui concerne Prcac. Il y a eu une dizaine de déclarations qui

 17   ont été versées comme éléments de preuve à l'encontre d'arguments très

 18   forts de l'Accusation qui en fait tendaient à vouloir procéder au contre-

 19   interrogatoire de ces témoins. Mais ceci a été rejeté.

 20   Il y avait donnant -- ce n'était pas une voie particulièrement simple. En

 21   fin du compte, la Chambre a agi de façon tout à fait équitable à l'égard de

 22   ces individus. Nous avons eu ici le fait que tout le monde sait que si Simo

 23   Zaric Drljaca est mort, qu'il est nécessaire d'exécuter un mandat le

 24   concernant dans un sens ou dans l'autre où qu'il se trouve.

 25   Le fond de tout cela c'est que l'Accusation a un certain pouvoir


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  1   discrétionnaire, le Procureur doit exercer ses fonctions de bonne foi.

  2   Cette question particulière a été évoquée plus d'une fois pas seulement en

  3   ce qui concerne, notamment, dans l'affaire de Celebici par Landzo, il

  4   existe une présomption de régularité. Fondamentalement, le Procureur est

  5   réputé à remplir ses obligations de façon tout à fait égale et équitable.

  6   Il n'y a pas de question de personne qui se pose.

  7   Je voulais revenir sur cette question particulière parce que je pense qu'il

  8   est un point très important, et qu'il est tout à fait opportun de s'en

  9   saisir pour en traiter de façon particulière, s'agissant de démontrer

 10   quelque chose au sein de cette institution d'équité.

 11   S'agissant de la déclaration au titre de l'Article 98 bis de la décision

 12   rendue à la matière, on comprend bien que cette décision n'avait rien à

 13   voir avec la volonté de s'acharner sur Prcac, s'agissant de remettre en

 14   cause son argument selon lequel il n'a pas participé à une entreprise

 15   criminelle commune. C'était simplement une situation dans laquelle la

 16   Chambre de première instance a indiqué que dans une période tout à fait

 17   précisément définie, la responsabilité de Prcac était en cause, étant donné

 18   que la Chambre n'a retenu à son encontre que des infractions commises

 19   depuis son arrivé sur le lieu où il est arrivé. La Défense a déjà parlé de

 20   ce point.

 21   Dans l'appel Prcac, on indique que si l'on se penche sur la décision de la

 22   Chambre de première instance, décision collective au titre de l'Article 98

 23   bis, toutes les allégations contre Prcac dans l'acte d'accusation dressé

 24   par l'Accusation à l'encontre de ce dernier sont rejetées. Mais si on se

 25   penche plus précisément sur le paragraphe 12 A à K du mémoire en appel de


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  1   Prcac, on voit par exemple que Prcac affirme que la Chambre s'est prononcée

  2   en sa faveur, et contre les arguments de l'Accusation. Ce qui est

  3   remarquable toutefois, c'est qu'il y a des endroits où les conclusions de

  4   la Chambre de première instance sont interprétées de façon erronée par

  5   Prcac, s'agissant des documents au titre de l'Article 98 bis. Il n'y a

  6   aucun fondement à l'affirmation de Prcac selon laquelle les Juges de la

  7   Chambre de première instance ont accepté ses arguments dans tout leur

  8   détail, et rejette la véracité des réquisitions de l'Accusation.

  9   Tout Procureur comparaissant devant ce Tribunal ne peut que s'appuyer sur

 10   une ou plusieurs des allégations contenues dans un acte d'accusation, et

 11   une fois que les moyens de preuve sont présentés, il est possible que

 12   certains faits particuliers ne soient pas établis. S'il y a des

 13   contradictions entre les faits allégués dans l'acte d'accusation et les

 14   conclusions de la Chambre de première instance au sujet de ces faits, cela

 15   n'a aucun rapport avec le fond du crime reproché à l'accusé. Mais, ce que

 16   nous disons, c'est que ces contradictions n'ont en aucune manière la

 17   possibilité d'invalider l'acte d'accusation dans son ensemble ou d'exiger

 18   une modification d'un acte d'accusation avant le prononcé d'une sentence.

 19   Prcac a souligné qu'il existait à son avis certaines erreurs sur les faits.

 20   Je pense qu'en fait, l'argument le plus important en la matière est

 21   l'argument de la contrainte. Il affirme qu'il est arrivé dans le camp

 22   d'Omarska sous la contrainte, en raison de menaces proférées à son encontre

 23   par Simo Drljaca. Il affirme que par conséquent, en tant qu'accusé, il

 24   n'avait aucune volonté de participer à l'entreprise criminelle commune pour

 25   peu que celle-ci existe. Il affirme en outre, et ce en se fondant sur le


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  1   paragraphe 427 du jugement en première instance, qu'au moment de son

  2   interrogatoire par l'Accusation, il n'a pas fait mention des menaces en

  3   questions. Il affirme s'agissant de l'affirmation de l'accusation selon

  4   laquelle il n'aurait pas dans ces interrogatoires devant les représentants

  5   du bureau du Procureur parlé de ces menaces, que ceci n'est pas conforme à

  6   la vérité. Il avance à cet égard une citation de la page 8 du compte rendu

  7   d'audience de son interrogatoire par l'Accusation le 27 avril 2000, au

  8   cours duquel il aurait dit avoir été avisé par Zeljko Meakic --

  9   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que M. Carmona ralentisse.

 10   M. CARMONA : [interprétation] Excusez-moi, je m'excuse.

 11   Il dit avoir été informé par Zeljko Meakic du fait que Simo Zaric Drljaca

 12   lui avait ordonné de continuer à travailler dans le camp d'Omarska sous la

 13   menace. S'il ne le faisait pas, il recevrait une balle dans la tête, et

 14   plus précisément dans le front.

 15   Prcac affirme que ceci constitue une erreur grossière de la part de la

 16   Chambre de première instance. Il est important de faire observer la teneure

 17   exacte de son propos. Il déclare pour l'essentiel avoir parlé de cela au

 18   cours de son interrogatoire par le Procureur. Cela est une partie

 19   intégrante de son système de défense si je peux le décrire ainsi, à savoir

 20   de son argumentation destinée à prouver qu'il était un participant

 21   retissant ou contraint à cette entreprise criminelle commune.

 22   Mais ce qui est remarquable sur ce point particulier, c'est et je fais

 23   référence à cette page 8 du compte rendu d'audience, c'est que la menace

 24   proférée à son encontre, il y en aurait eu connaissance par le biais de

 25   Zeljko Meakic. Les Juges de la Chambre de première instance se sont penchés


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  1   non pas sur l'existence ou la non existence de la mention faite par

  2   l'accusé de ces menaces au bureau du Procureur, mais sur les hésitations

  3   dont a fait preuve l'accusé en la matière.

  4   Nous sommes là dans une zone très ambivalente par rapport au fait évoqué

  5   par Prcac. Il semble bien que son invocation de la contrainte résulte

  6   davantage de sa peur personnelle, de son appréhension que des menaces

  7   précises venant parait-il de Simo Drljaca. Parce que si l'on examine le

  8   compte rendu d'audience de sa déclaration, on voit qu'il a peur des gardes,

  9   il a dit à plusieurs reprises, et finalement, il a peur en raison d'une

 10   menace qui vient d'un tiers, ou qui lui est rapporté par un tiers. Il est

 11   fort possible que les Juges de la Chambre de première instance se soient

 12   concentrés sur l'absence de menace de première main de la part de Simo

 13   Drljaca, et que leur interprétation finale de ce fait se soit fondée sur

 14   cette information par un tiers, mais ce qu'il est important de prendre en

 15   compte c'est que les Juges de la Chambre de première instance avaient bien

 16   connaissance de la nature de ce moyen de preuve. On remarquera par exemple

 17   que dans le paragraphe évoqué par la Défense, paragraphe 427 du jugement,

 18   le fils de Prcac déclare que son père lui aurait dit avoir subi des

 19   menaces, et lui avoir dit dans quelle condition il en a entendu parlé. Le

 20   fils de Prcac témoigne que son père, je rappelle que je me réfère au

 21   paragraphe 427 du jugement, que son père lui aurait annoncé que Simo

 22   Drljaca avait menacé sa vie et celles de ses enfants, et qu'il aurait

 23   menacé d'incendier sa maison. D'un autre côté on a Obrad Popovic qui était

 24   concierge au camp, et qui a dit qu'avoir vu Prcac parler à Drljaca et que

 25   par la suite Prcac lui avait fait part des menaces qu'il avait reçues de la


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  1   part de Drljaca.

  2   La Chambre de première instance a estimé ne pas être convaincue de

  3   l'existence de ces menaces, et ne pas admettre l'affirmation de Prcac selon

  4   laquelle il aurait travaillé dans le camp sous des contraintes. En d'autres

  5   termes ce que déclarent les Juges de la Chambre de première instance, c'est

  6   la chose suivante. Écoutez, nous avons entendu les dépositions d'un certain

  7   nombre de témoins, autre que Prcac, y compris des témoins qui n'étaient pas

  8   son fils ou le concierge du camp, selon lesquelles Prcac aurait été menacé,

  9   et nous ne faisons pas confiance à cette affirmation. Si nous partions de

 10   l'hypothèse que la Chambre aurait commis une erreur, ce qui ne signifie pas

 11   que nous l'admettons, mais si nous partions de cette hypothèse que la

 12   Chambre n'aurait pas pris en compte l'existence de ce propos de la part de

 13   l'accusé dans son interrogatoire par le bureau du Procureur, ceci est tout

 14   état de cause, ne serait qu'un élément tout à fait mineur à prendre en

 15   compte ou une fois que l'on compare cet élément à l'ensemble des moyens de

 16   preuve destinés à permettre de déterminer si oui ou non ce fait est digne

 17   de foi, et si oui ou non ce fait est avéré. La Chambre a conclu que ce fait

 18   n'était pas avéré.

 19   Je tiens compte du temps qui passe, je ne développerai pas davantage cette

 20   argumentation, mais je renvoie les juges de la Chambre d'appel à

 21   l'interrogatoire de Drago Prcac page 10, page 13, page 66, page 120, page

 22   123 et on trouve ces pages à pièce à conviction P3/167 où l'on trouve ces

 23   références à l'affaire de la part de l'accusé. On constatera par exemple

 24   que toute interprétation raisonnable de ces parties de l'interrogatoire,

 25   permettent à des Juges raisonnables d'une Chambre de première instance de


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  1   prendre la position qui a été faite en l'espèce. En dehors de cela il est

  2   également indiqué dans le système de défense de Prcac qu'il était

  3   impuissant, qu'il ne peut pas exercer sa volonté parce qu'il était paralysé

  4   par la peur. On appréciera que certains ont déclaré qu'il grondait, qu'il

  5   hurlait comme un lion et il a dit lui même dans sa version des faits. On se

  6   rappellera un incident impliquant trois personnes, Edin son frère et une

  7   autre personne un certain Gustav. Ils ont été amenés dans la prison et

  8   Prcac était présent, ils ont été frappés et pendant le passage à tabac,

  9   Prcac allait de là à l'autre pour recueillir des renseignements de leur

 10   bouche et consigner ces informations par écrit sur la fameuse liste, dont

 11   il a été question au cours du procès.

 12   Prcac cependant, déclare que lorsqu'il a vu ce passages à tabac, et que ces

 13   deux garçons étaient en fait les fils d'un ami à lui, il s'est saisi de son

 14   fusil en présence de Meakic, il l'a pointé vers ces jeunes gens, il a armé

 15   le fusil et il leur a demandé de résister au passage au tabac.

 16   Cependant, tout cela est assez bizarre, parce que nous avons un témoin sur

 17   les faits qui a déclaré que rien de tel ne s'était passé au cours du

 18   passage à tabac qu'il avait subi, et il était très précis lorsqu'il a parlé

 19   de cela. Il a déclaration que Prcac démontrait une grande efficacité pour

 20   recueillir des renseignements et puisque nous parlons de la liste, je tiens

 21   à indiquer que lorsqu'on examine le rôle joué par Prcac en la matière par

 22   rapport à l'existence ou non d'une entreprise criminelle commune, et vous

 23   trouverez l'ensemble de notre argumentation dans nos écritures, et je pense

 24   que je ne peux insister une nouvelle fois sur la nature importante de  la

 25   participation de Prcac à cette entreprise criminelle commune.


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  1   Ce que je peux dire c'est que différents témoins ont indiqué, tel que

  2   Sifeta Susic, Mesan, Nusret Sivac, ils ont tous indiqué que Prcac exerçait

  3   une certainement influence et, notamment, sur la rédaction de cette liste.

  4   La Chambre de première instance a déclaré que compte tenu de l'existence de

  5   cette liste, il était responsable du transfert des détenus vers d'autres

  6   camps. Il était responsable de l'appel de certains noms de personnes

  7   détenues, et de la décision de les transférer ailleurs. Finalement, mes

  8   collègues et amis de la défense ont essayé de parler de cette liste, comme

  9   d'une liste tout à fait innocente ce qui n'était pas le cas. Sur cette

 10   liste il y avait le nom d'un certain nombre de personnes et sur la base de

 11   cette liste, des interrogatoires se produisaient et le responsable de ces

 12   interrogatoires était en mesure de déterminer qui était Musulman, et qui ne

 13   l'était pas. Cette liste c'était un peu comme une liste pour aller faire

 14   les courses à l'épicerie. S'agissant de savoir qui seront les personnes

 15   concernées, et à cet égard elles participait à l'efficacité de l'action

 16   menée dans ce camp.

 17   En dehors de cela, s'agissant de la connaissance qu'avait l'accusé de ce

 18   qui se passait dans le camp depuis le début, et il a été établi qu'il en

 19   avait une connaissance parfaite. Depuis le début, il s'est rendu compte

 20   qu'un certain nombre de choses qui n'auraient pas dû se produire, se

 21   produisaient dans le camp.

 22   Qu'a-t-il fait suite à cela ? Il n'a absolument rien fait. Bien sûr à

 23   plusieurs reprises des incidents ont eu lieu au cours desquels une certaine

 24   compassion sélective a été manifestée par lui, mais est-ce que ceci

 25   l'exonère de toute responsabilité en tant que participant à l'entreprise


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  1   criminelle commune ? Étant donné la situation dans laquelle tout cela se

  2   passait, je dirais que non.

  3   La Chambre de première instance a tiré les conclusions qu'elle a tirées,

  4   elle a estimé qu'il s'était montré très efficace, et que chaque fois qu'un

  5   problème se posait par rapport à ces listes, il réglait le problème, en

  6   fait lorsque des noms manquaient sur la liste, il intervenait par exemple

  7   dans le cas de Smalj^, Mujo souhaitait que Smalj soit retiré, -- soit

  8   transféré de la maison blanche jusqu'à la pièce où il était enfermé et ceci

  9   a eu lieu avec l'autorisation des gardes qui avant ont consulté Prcac. Les

 10   moyens -- les preuves sont abondantes qui montrent la relation directe qui

 11   existe entre les déplacements dans le camp, et l'intervention de Prcac.

 12   C'est une réalité peut-être dure, des témoin ont parlé de ce qui se passait

 13   dans la maison blanche, et très peu de gens sont sortis vivants de cette

 14   maison blanche. Il y avait aussi en dehors de la maison blanche le bâtiment

 15   rouge, c'était des salles d'interrogatoires. Mais où se trouvait le bureau

 16   de Prcac ? Dans le même couloir que les pièces où ont été les

 17   interrogatoires. En fait lors de sa déposition il a dit qu'il n'a avait vu

 18   que deux cadavres, mais un témoin qui a été entendu le 23 juillet a déclaré

 19   qu'en fait il y avait neuf cadavres dispersés un peu partout dans le camp

 20   pendant la dernière semaine de travail de Prcac dans le camp, où la

 21   dernière semaine et demie. En réalité, il avait connaissance de ce qui se

 22   passait, et il a accepté, il a admis ce qui se passait ce qui prouve bien

 23   finalement qu'il avait une intention de sa part que les choses se passent

 24   de la façon dont elles se sont passées, il avait bel et bien l'intention

 25   d'apporter son aide à la réalisation de cette entreprise criminelle commune


Page 406

  1   systématique.

  2   Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, comme je l'ai déjà

  3   dit en raison des contraintes de temps je ne vais pas rentrer dans les

  4   détails, mais je pense que nos écritures démontrent bien le rôle joué par

  5   Kvocka dans l'établissement de cette liste, ainsi que dans la réalisation

  6   de cette entreprise criminelle commune et nous nous en tenons à nos

  7   réquisitions.

  8   S'agissant de la crédibilité des témoins, mes collègues de la Défense se

  9   sont exprimés de façon très ferme à l'encontre de certains témoins,

 10   notamment sur le point de l'identification. Mais quelle est la pertinence

 11   d'une identification, nous parlons d'un incident qui a eu lieu le 6 août,

 12   en rapport avec les listes établies par Prcac, quelques 350 personnes sont

 13   montées à bord d'un autobus et ont disparu et on dit que pour s'opposer à

 14   cela qu'un témoin Omer Mesan a été incapable d'identifier l'accusé dans le

 15   prétoire, mais nous avons la jurisprudence de Furundzija qui établit de

 16   façon tout à fait catégorique que certains témoins ont tout de même fourni

 17   une description physique tout à fait de Prcac. Ce qui est plus important

 18   encore, c'est que la fiabilité de ces identifications est confirmée

 19   également par d'autres témoins qui ont ajouté des éléments probants

 20   s'agissant de cette identification.

 21   En dehors du fait d'admettre ou pas les propos de l'appelant au sujet de la

 22   journée en question, y a-t-il encore un problème d'identification ? Nous ne

 23   disons pas qu'il était le seul homme à avoir manipulé ces listes mais ce

 24   jour-là, il y avait au moins, par exemple deux personnes qui se sont

 25   occupées de ces listes. Ceci dit, sur le fond, Prcac a fait partie de


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  1   l'entreprise criminelle commune. Il était au courant de ce qui se passait.

  2   Il était au courant de la structure mise en place dans le camp. Il y a un

  3   modus operandi précis, imputable à Prcac qui a bel et bien participé à un

  4   fonctionnement efficace du camp.

  5   Je souhaiterais maintenant revenir sur certains arguments relatifs à Omer

  6   Mesan.

  7   Nous développons nos arguments au sujet de la crédibilité des témoins et

  8   des contradictions de certains témoignages qui ont été soumis à la Chambre

  9   de première instance dans nos écritures. Je dirais que nos collègues et

 10   amis de la Défense ont essayé par la petite porte d'imposer sournoisement

 11   un certain nombre d'éléments à la Chambre d'appel parce que regardons les

 12   rapports qui existent entre les propos qui ont été tenus et les erreurs de

 13   faits qui pourraient mener à un délit de justice. Il y a un certain nombre

 14   d'erreurs qui ont été évoquées au sujet des faits qui sont tout à fait

 15   fondamentales et je dirais que mes collègues de la Défense n'ont pas été

 16   réellement en mesure d'en démontrer la réalité.

 17   En fait, comme je l'ai déjà dit sur la question de la communication des

 18   pièces, je rappellerai à la Chambre l'existence de certains documents qui

 19   indiquent l'entreprise criminelle commune existait depuis le début mais

 20   dans le cadre de la communication des pièces, un certain nombre de témoins

 21   ont été contre-interrogés et ont refusé ces contre-interrogatoires. Aucune

 22   requête n'a été soumise à cet égard et finalement les témoins ont été

 23   contre-interrogés.

 24   Mais, sur le fond, je pense que ce point est important et qu'il convient de

 25   l'établir d'une façon tout à fait définitive. Regardons les comptes rendus


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  1   des conférences de mise en état qui ont traité de l'audition d'un certain

  2   nombre de témoins et qui ont permis d'ajouter dix nouveaux témoins à la

  3   liste envisagée initialement. Ces témoins n'ont apporté que des éléments

  4   nouveaux très peu nombreux et peu importants.

  5   Voyons, par exemple, la demande de l'Accusation d'une autorisation de

  6   déposer un acte d'accusation consolidé et d'apporter un certain nombre

  7   d'amendements aux tableaux confidentiels soumis au départ, 13 octobre 2000.

  8   Vous pouvez également vous pencher sur la décision sur les faits relatifs à

  9   la requête de Zigic annexé à l'acte d'accusation.

 10   Je prie les interprètes de m'excuser pour mon oubli. Le 22 février 2001,

 11   décision de dresser un acte judiciaire le 8 juin 2000 également, décision

 12   sur les objections de la Défense à l'acte d'accusation modifié en date du 8

 13   novembre 1999. On voit très bien que la Chambre de première instance, dans

 14   toutes ces décisions, s'est efforcée au maximum d'apporter son aide à la

 15   Défense le plus efficacement possible.

 16   Prcac a fait partie de cette entreprise criminelle commune. Il n'était pas

 17   évidemment pas général dans l'armée mais il n'était qu'auxiliaire

 18   administratif. Mais tout de même, il a rempli les fonctions qui étaient les

 19   siennes et qui ont leur place dans le puzzle global. C'est un peu comme

 20   dans une compétition, dans une course, et il occupe sa place dans cette

 21   course. Même si dans cette course de relais, il lui est arrivé de laisser

 22   tomber le témoin, il savait exactement ce qui se passait et il y a

 23   contribué. Des incidents nombreux ont eu lieu, incidents qui impliquent des

 24   violences, des violences sexuelles, des meurtres et des mauvais

 25   traitements.


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  1   Dans ces conditions, l'Accusation déclare que sur le fond, les motifs

  2   d'appel de Prcac doivent être rejetés. Si vous avez des questions, bien

  3   sûr, je suis à votre disposition.

  4   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] La Juge Weinberg de Roca a des

  5   questions à poser.

  6   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci, Monsieur le

  7   Président.

  8   Monsieur Carmona, suis-je en droit de penser qu'il n'y a pas concordance

  9   exacte entre l'acte d'accusation et le jugement, qu'il y a bel et bien des

 10   différences entre les deux, mais que s'agissant des charges retenues contre

 11   eux, les accusés doivent en être informés pendant la phase préalable au

 12   procès et qu'ils ne peuvent plus revenir sur ce point actuellement ?

 13   M. CARMONA : [interprétation] Je suis d'accord avec vous s'agissant de 99 %

 14   de ce que vous venez de dire. Je pense que sur le 1% restant, la décision

 15   n'a pas encore été rendue.

 16   Nous estimons que puisque l'acte d'accusation fait partie intégrante de la

 17   procédure, toutes réserves ou objections au sujet de l'acte d'accusation

 18   doivent être faites avant le début du procès.

 19   Cependant, je pense que dans l'intérêt de la justice, une Chambre d'appel a

 20   tout de même proprio motu la possibilité de se pencher sur toute question

 21   qui risquerait si elle n'était pas examinée d'aboutir à un délit de

 22   justice. Par exemple, je pense que les appelants auraient du présenter

 23   leurs arguments avant le début du procès.

 24   Mais que si l'on regarde certaines des requêtes qui ont été déposées, elles

 25   exprimaient une certaine inquiétude au sujet de l'acte d'accusation et que


Page 410

  1   ces inquiétudes n'ont pas été abordées par la Chambre de première instance.

  2   C'est un risque endémique qui existe entre la phase préalable et la phase

  3   du procès et c'est la raison pour laquelle ces arguments sont développés de

  4   façon très approfondie devant la Chambre d'appel.

  5   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie.

  6   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une question simplement pour

  7   m'assurer que nous avons tous bien compris vos arguments. S'agissant de

  8   l'entreprise criminelle commune, suis-je en droit de comprendre et dites-

  9   moi si je me trompe, qu'il n'est pas indispensable que l'existence de cette

 10   entreprise criminelle commune soit mentionnée dans l'acte d'accusation pour

 11   que la responsabilité de l'accusé soit mise en cause s'agissant de tel ou

 12   tel crime visé à l'acte d'accusation, mais ce qui est indispensable, c'est

 13   que l'Accusation fasse connaître l'existence de son argument en la matière

 14   en temps utile à la Défense et fasse connaître également toutes les

 15   circonstances qui sont prises en compte par elle pour arguer de l'existence

 16   d'une telle entreprise criminelle commune dans des délais acceptables. Est-

 17   ce bien votre position ?

 18   M. CARMONA : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. Excusez-moi mais je ne

 20   contrôle pas totalement, en tout cas, la technologie dont nous disposons.

 21   Il me semble que les micros fonctionne actuellement. Je propose une

 22   suspension de 90 minutes, comme d'habitude et retour dans le prétoire à 14

 23   heures. C'est bien cela, 14 heures ? C'est bien cela. Oui, très bien.

 24   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 27.

 25   --- L'audience est reprise à 14 heures 05.


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  1   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous reprenons d'aujourd'hui. Je

  2   vous remercie. Qui va prendre la parole ? Je crois que c'est l'Accusation.

  3   Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,

  4   Messieurs les Juges.

  5   Je vais répondre à l'appel de M. Radic cet après-midi. Ce faisant, je vais

  6   également aborder la question de quelques motifs d'appel en commun. Le tout

  7   premier motif d'appel que je vais aborder cet après-midi, est le motif

  8   d'appel de Radic numéro 1B concernant les annexes confidentielles et

  9   portant sur l'opinion motivée de la Chambre de première instance. Il s'agit

 10   d'un motif d'appel commun soulevé à la fois par Radic, par Kvocka et Zigic

 11   en particulier.

 12   La question qui se pose est la suivante : La Chambre de première instance,

 13   s'est-elle trompée en ne précisant pas dans son jugement différentes

 14   conclusions distinctes et séparées, à propos de tous les incidents qui sont

 15   énumérés dans les annexes A à E ? En réalité, la vraie question est la

 16   suivante. La Chambre de première instance, a-t-elle rendu une décision

 17   motivée et appropriée ?

 18   M. Carmona, mon confrère, a déjà abordé la question ce matin de l'avis des

 19   chefs d'accusation portés contre quelqu'un, si cet avis est justifié. Il

 20   s'agit de quelque chose de différent. Je crois que la Chambre de première

 21   instance a rendu une opinion motivée. Nous estimons que la seule réponse à

 22   cette question est oui. La Chambre de première instance a clairement

 23   indiqué quelles étaient les conclusions qui, sur la base des éléments

 24   présentés, permettaient de mettre ceci en lumière, les éléments de preuve

 25   sur lesquels sont fondés ces conclusions et les raisons qui, d'après la


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  1   loi, font que cet accusé est tenu pour responsable sur le plan pénal, de

  2   crimes qui sont cités dans le cadre de cette affaire sur la base des

  3   éléments de preuve présentés.

  4   La Chambre d'appel a clairement indiqué que l'obligation était importante

  5   de fournir une opinion motivée. Ce qui, évidemment, dépend des

  6   circonstances de l'affaire, de la nature de la décision en question. Nous

  7   avançons, par conséquent, que dans une affaire comme celle-ci, lorsque nous

  8   demandons une appréciation de la responsabilité au plan pénal des

  9   différents participants dans un système de mauvais traitement, c'est-à-

 10   dire, la catégorie telle qu'elle est précisée par ce Tribunal, ce qui

 11   comprend des crimes qui ont été commis de façon quotidienne; de nombreux

 12   crimes qui sont commis de façon simultanée; des crimes qui sont commis de

 13   façon continue contre des milliers de victimes qui sont détenues, des

 14   milliers de personnes qui sont détenues à cet endroit, pendant un certain

 15   nombre de mois, une période de trois mois. Il serait quasiment impossible

 16   de faire des constatations factuelles à propos de chaque incident. Ce qui

 17   est encore plus important, d'après nous, c'est qu'il n'est même pas

 18   nécessaire de le faire.

 19   La Chambre de première instance, bien évidemment, a abordé la question des

 20   éléments de preuve généraux portant sur les meurtres, les passages à tabac,

 21   les violences physiques et mentales, les violences sexuelles et les

 22   conditions de détention qui étaient avilissantes, comme cela est indiqué

 23   par les incidents qui sont précisés dans les annexes confidentielles.

 24   De constater qu'au-delà de tout doute raisonnable, que c'était un système

 25   de mauvais traitement, qui avait pour but de persécuter toutes ces


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  1   personnes. Il s'agit des actes essentiels. Ensuite, un examen a permis de

  2   constater qu'au-delà de tout doute raisonnable, la contribution, à la fois,

  3   matérielle et mentale de l'accusé, était à prendre en compte, qu'il s'agit

  4   là d'un cadre tout à fait normal dans le contexte d'une entreprise

  5   criminelle commune en vertu de la catégorie numéro 2. C'est ce qui permet

  6   d'apprécier leurs responsabilités.

  7   Si nous regardons le jugement, dans les parties numéros 2 à 4, la Chambre

  8   de première instance a fait allusion à un nombre très important d'incidents

  9   à l'encontre des victimes dans les annexes, à savoir, les passages à tabac,

 10   les meurtres, les tortures, les viols les violences sexuelles et conditions

 11   inhumaines. Sur la base de ces éléments de preuve, il a été constaté qu'au-

 12   delà de tout doute raisonnable, il s'agit là d'un système de persécution et

 13   de mauvais traitement qui existait, et qui a été mené pour des raisons

 14   discriminatoires.

 15   D'après ces éléments de preuve, on a pu conclure qu'au-delà de tout doute

 16   raisonnable, ces différents crimes ont été commis dans le cadre d'un

 17   système de persécution, de mauvais traitements avec une intensité,

 18   fréquence, régularité, et de façon systématique, de façon à englober un

 19   réel système de persécution et de mauvais traitements. Encore une fois, la

 20   Chambre de première instance nomme un nombre très important d'incidents qui

 21   figurent dans les annexes, lorsqu'il s'agit d'analyser la contribution de

 22   chaque individu, de différentes personnes du mens rea de l'intention

 23   délictueuse de chaque accusé.

 24   Y a-t-il des incohérences entre les détails fournis par les annexes ? La

 25   Chambre de première instance, ne pourrait-elle pas, à ce moment-là, faire


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  1   une constatation à propos de chaque élément, comme

  2   M. Fila l'a suggéré ? Nous estimons que les annexes de ce type, peuvent

  3   répondre à un certain nombre d'exigences, par exemple, et ce, pour un

  4   certain nombre de raisons. Ici, la raison pour laquelle ceci a été avancé,

  5   la raison pour laquelle les annexes ont été proposées, était de permettre à

  6   l'accusé d'entrer dans davantage de détails. Il s'agissait d'une question

  7   d'équité, de façon à ce qu'il puisse avoir tous les éléments de l'affaire à

  8   leur encontre. Ce qui ne signifie pas que ces annexes se transforment en

  9   acte d'accusation ni en faits essentiels. Cela n'est pas le propos.

 10   Si nous regardons la décision qui a été prise sur la manière dont on a

 11   rédigé l'acte d'accusation, le 12 avril 1994, l'Accusation a dû donner un

 12   certain nombre de détails dans cet acte d'accusation. On lui a demandé de

 13   reconnaître, pour autant que faire se peut, le nom des victimes de ces

 14   crimes, qui se sont produits à Omarska, et des détails également à propos

 15   et quelques dates approximatives sur les jours où ces événements se sont

 16   produits.

 17   L'Accusation, par conséquent, a déposé un acte d'accusation modifié ainsi

 18   que ces annexes. C'était une question d'équité. Nous avons regardé une

 19   déclaration faite lors de la décision qui a été rendue dans le cas de

 20   l'affaire Krnojelac par la Chambre d'appel. Ce jugement a été rendu par la

 21   suite, mais le principe reste le même. Au paragraphe 117 : "Un accusé doit

 22   savoir si un système pour lequel il a été accusé et auquel il aurait

 23   contribué, implique tous les actes pour lesquels il est accusé ou

 24   simplement un certain nombre d'entre eux."

 25   Dans la présentation des éléments à charge, la responsabilité n'a jamais


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  1   été limitée aux noms des victimes, au plan individuel, ni des incidents

  2   individuels. Il suffit de regarder la première ligne de chaque annexe qui

  3   fait référence aux prisonniers qui ont été confinés dans le camp d'Omarska

  4   pendant une certaine période, par exemple, et tous les prisonniers qui ont

  5   été tués au camp d'Omarska au cours de ces mêmes périodes, avant d'aborder

  6   la liste des incidents en particulier.

  7   Nous avançons, par conséquent, que les incidents ne peuvent pas être

  8   énumérés de façon individuelle et ceux qui sont mentionnés dans les annexes

  9   n'illustrent qu'en partie les crimes au sens large pour lequel l'accusé est

 10   tenu responsable, parce qu'il faisait partie d'un système de mauvais

 11   traitements. Ce qui semble apparaître de façon tout à fait claire, c'est

 12   que l'accusé a été accusé et par la suite, tenu pour responsable sur la

 13   base d'un système mis en place pour perpétrer ces crimes, y compris des

 14   actes de mauvais traitements et la manière dont les prisonniers ont été

 15   détenus sur une base discriminatoire, y compris les meurtres, la torture,

 16   les passages à tabac, la détention, les conditions inhumaines et la

 17   violence sexuelle, de façon plus importante, de la façon dont ils ont de

 18   façon intentionnelle et en toute connaissance de cause, contribué à

 19   favoriser ce système.

 20   La seule limite que l'on puisse placer sur la responsabilité, est celle que

 21   l'on applique en vertu d'une décision 98 bis, décision qui est prise à mi-

 22   chemin en général, qui estime que chaque accusé est tenu pour responsable

 23   des crimes pendant la période pour laquelle il est accusé. Nous n'en dirons

 24   pas davantage. Je crois que mes confrères, Mme Rashid et M. Carmona ont

 25   clairement élaboré ce point, et ont clairement indiqué quelle était leur


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  1   position là-dessus.

  2   Dans bon nombre d'affaires devant ce Tribunal, une attitude similaire a été

  3   adoptée. Par exemple, dans les affaires comme Stakic et Tuta Stela. La

  4   Chambre de première instance n'a pas donné son opinion sur chaque élément

  5   et chaque épisode de persécution qui s'est produit, mais plutôt sur la

  6   persécution qui a été constatée d'après les éléments de preuve et preuve

  7   suffisante à propos de certains incidents et actes de persécution.

  8   Je ne suis pas en train de dire que les choses ont été commises de la même

  9   façon. Si on regarde, par exemple, les exemples comme dans le cas de

 10   l'affaire Galic. Dans ce cas, dans Galic, la Chambre de première instance a

 11   précisé que les annexes pouvaient être utilisées dans le cadre de la

 12   procédure, et pouvait avertir suffisamment à temps l'accusé, mais les

 13   annexes ne devaient pas pour autant être comprise comme étant quelque chose

 14   qui pouvait réduire les éléments à charge présentés par l'Accusation, si

 15   les incidents étaient consignés dans ces annexes. Nous proposons, par

 16   contre, que la Chambre de première instance a réagi de façon tout à fait

 17   similaire que dans l'affaire Galic, lorsque la Chambre de première instance

 18   a pu analyser les incidents dans les annexes, permettant ainsi de donner

 19   une évaluation générale de l'ensemble de la situation qu'une campagne plus

 20   généralisée dans ce cas à Sarajevo. Dans le cas de l'affaire Galic, par

 21   exemple, davantage d'éléments ont été proposés qui permettaient à l'appui

 22   des éléments présentés par l'Accusation, et qui allaient bien au-delà de

 23   ces simples incidents mentionnés dans les annexes.

 24   Le dernier point que je souhaite aborder concernant ce sujet, est celui de

 25   la Deuxième Guerre mondiale et différentes affaires se rapportant à cette


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  1   époque. Par exemple, le procès Belsen ou celui de Dachau, qui indiquent

  2   clairement que les éléments présentés ont permis d'isoler certains épisodes

  3   qui représentent la situation au sens large et qui permettent de mettre en

  4   lumière une conduite criminelle et systématique.

  5   En résumé, nous estimons que la Chambre de première instance a rendu son

  6   opinion motivée qui est tout à fait exacte, et qui n'a pas jugé nécessaire

  7   d'analyser chaque incident l'un après l'autre, incidents qui sont contenus

  8   dans les annexes, mais plutôt que de traiter les incidents comme des

  9   éléments de preuve, de façon plus générale, et qui a constaté qu'au-delà de

 10   tout doute raisonnable, il s'agit là de la manière dont le système

 11   fonctionne et ses composantes, et que chaque accusé a joué un rôle à

 12   l'intérieur de ce système.

 13   Je vais maintenant aborder une question qui a été abordée par M. Fila

 14   mardi. Je vais parler des motifs avancés par l'appelant

 15   M. Radic. Dans ce cas-là, je vais parler de ces condamnations pour

 16   persécution et torture basées sur le viol et les violences sexuelles. Je

 17   souhaite consacrer un petit peu du temps à ce domaine, non seulement parce

 18   que c'est évidemment important, mais que M. Fila et son client ont

 19   également souligné l'importance de ceci - je pense que M. Fila y a fait

 20   référence constituant un élément essentiel pour

 21   M. Radic - mais également, parce que la Chambre de première instance a

 22   accordé énormément d'importance à ces actes de viol ou de violences

 23   sexuelles, et a constaté que ceux-ci ont contribué de façon significative

 24   au déploiement des objectifs criminels dans ce camp.

 25   La Chambre de première instance a constaté que ces actes criminels commis


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  1   par Radic étaient l'une des façons, mais non pas la seule, mais l'une des

  2   façons importantes par le biais duquel M. Radic a contribué à l'entreprise

  3   criminelle commune pour persécuter et maltraiter les non-Serbes dans le

  4   camp d'Omarska. Pour commencer, je dois dire que j'ai été surpris par le

  5   commentaire de M. Fila lorsque l'autre jour, il a commencé ces arguments,

  6   et je le cite : "En temps de guerre, les gens se battent, mais les gens ne

  7   commettent pas de viol en temps de guerre."

  8   Malheureusement, les gens dans un contexte comme celui-ci se livrent au

  9   viol. C'est exactement la raison pour laquelle M. Radic est ici devant vous

 10   aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle il a été condamné.

 11   Je souhaite parler du viol maintenant du Témoin K. Les arguments de

 12   l'appelant se résument à son opinion sur les raisons pour lesquelles le

 13   Témoin K n'est pas crédible. D'après lui, il dit que cette personne a tout

 14   inventé de toute pièce. Ces arguments ont simplement été répétés dans les

 15   arguments fournis au procès, et répondent aux critères de réexamen devant

 16   une Chambre d'appel. Il s'agit là d'analyser les erreurs de faits et de

 17   démontrer comme l'aurait fait une Chambre de première instance qu'il s'agit

 18   là d'une opinion raisonnable.

 19   Mais avant de revenir à ses arguments directs, je souhaite maintenant

 20   parler de deux séries d'arguments que M. Fila a fait mardi à propos du

 21   Témoin K, qui d'après nous sont tout à fait impropres. Je vais demander à

 22   Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Juges de l'exclurent de

 23   votre analyse. Mais pour se faire, je souhaite passer à huis clos partiel

 24   pendant quelques instants si vous me le permettez. Je ne souhaite pas que

 25   la situation qui s'est produite l'autre jour se reproduise puisqu'il s'agit


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  1   ici d'un élément confidentiel comme cela a été le cas mardi. Par

  2   conséquent, si je puis me tourner vers Mme la Greffière et anticiper ceci

  3   comme je l'ai fait avec elle. Si nous pouvons passer quelques instants à

  4   huis clos partiel.

  5   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Y a-t-il des objections ? Nous

  6   pouvons passer à huis clos partiel.

  7   Mme BRADY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

  9   partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   [Audience publique]

 17   Mme BRADY : [interprétation] Très bien. La Chambre de première instance a

 18   accepté que le Témoin K était un témoin crédible et ceci n'est pas

 19   déraisonnable compte tenu du fait qu'il y avait des incohérences et de

 20   contradictions dans son témoignage. M. Fila a parlé de quelques-uns de ces

 21   éléments l'autre jour, et des incohérences entre sa déclaration de 1995 et

 22   son témoignage devant la Chambre, le fait qu'elle n'ait pas parlé du viol à

 23   un journaliste en 1993, et le fait qu'elle n'est pas fait mention au

 24   Procureur en 1995, qu'elle s'était entretenue précédemment avec un

 25   journaliste.


Page 422

  1   Notre mémoire en réponse a énuméré chaque point l'un après l'autre. Je n'ai

  2   pas besoin d'y revenir. Je souhaite simplement vous proposer un exemple et

  3   vous signaler qu'il ne s'agit pas de quelque chose de déraisonnable puisque

  4   si elle n'a pas mentionné les incidents au journaliste en 1995, nous

  5   faisons valoir le fait que l'appelant n'a pas précisé qu'il s'agissait de

  6   quelque chose de déraisonnable à la lumière d'un crime qui était un crime

  7   de nature sexuelle et très personnelle. La Chambre de première instance a

  8   estimé qu'il s'agissait de quelque chose de peu pertinent si elle n'avait

  9   pas fait mention de son viol devant le journaliste, viol commis par Radic à

 10   l'époque, même si elle avait dit au journaliste qu'elle avait été violé par

 11   Sikirica à un autre endroit.

 12   Je souhaite également préciser que ce témoin a été contre-interrogé en

 13   détail à ce propos, et le Juge Wald lui a demandé de façon très directe.

 14   Pourquoi estimez-vous que vous pouvez parler de cette expérience

 15   extrêmement douloureuse à Keraterm et ne pas parler d'une autre expérience

 16   également douloureuse à Omarska ?

 17   Le caractère déraisonnable vient du fait que la Chambre de première

 18   instance constate qu'il y a des incohérences, mais estime néanmoins que

 19   c'est un témoin crédible.

 20   L'appelant a également avancé que la Chambre de première instance n'a pas

 21   abordé la question des incohérences entre sa déclaration et son témoignage

 22   devant la Chambre, et son argument se fonde sur deux éléments qui sont

 23   extrêmement différents, voir divergents. Il dit que les choses se sont

 24   passées ainsi. J'invite les membres de la Chambre a regardé ces éléments-

 25   là. Vous constaterez qu'il y a des différences, mais qu'ils sont sans


Page 423

  1   conséquence. Deuxièmement, les incohérences que nous avons analysées au

  2   cours du contre-interrogatoire, et également citées dans le mémoire en

  3   futur, n'indiquent nulle part si on regarde le jugement de la Chambre de

  4   première instance, que cette dernière ne les a pas prises en considération.

  5   Je souhaite maintenant aborder un point quelque peu différent qui a été

  6   abordé mardi dans le mémoire. Allusion a été faite à un certain nombre de

  7   conclusions faites par la Chambre de première instance dans l'affaire

  8   Sikirica à propos de ce témoin. Si j'ai bien compris correctement ce qui a

  9   été dit, il semble en demander aux juges de mettre cette question de côté,

 10   à savoir qu'il s'agissait là de quelque chose dans le domaine public. C'est

 11   la seule façon qui permette à une Chambre de première instance de faire des

 12   conclusions sur une base factuelle, en vertu de l'Article 94 (B) sur des

 13   faits qui ont été admis en vertu d'un jugement antérieur. Je crois que

 14   cette Chambre pourrait appliquer cette règlement de façon théorique si elle

 15   le souhaite, mais de façon théorique il serait également possible pour vous

 16   de le faire. Nous n'allons pas aborder cette question là aujourd'hui, et

 17   nous pensons que même si c'est tout à fait une possibilité tout à fait

 18   théorique, cela ne serait pas possible ici dans cette affaire, car les

 19   exigences de l'Article 94 (B) ne peuvent pas être remplies ici.

 20   Je crois qu'il est également important d'en noter que dans l'affaire

 21   Sikirica, la Chambre de première instance n'a pas acquitté Sikirica du

 22   viol, car dans sa décision 98 bis, décision qui a été prise au mois de

 23   septembre, sa décision portant sur la condamnation a été faite sur la base

 24   de la décision en vertu de quoi le témoin a été tout à fait crédible. Il

 25   n'y a pas de fondement ici quand on dit


Page 424

  1   M. Fila a dit qu'il est tout à fait clair à Keraterm, que personne ne la

  2   croyait, que la Chambre, ni l'Accusation, ni la Chambre de première

  3   instance.

  4   Bien évidemment, nous mettons en doute, autrement dit, l'Accusation

  5   s'interroge sur l'appréciation de la Chambre de première instance dans un

  6   jugement à propos de la crédibilité d'un témoin. Si ceci peut-être notifié

  7   ou constaté par une autre Chambre de première instance comme étant un fait

  8   admis en vertu d'un jugement antérieur. Comment se fait-il qu'une Chambre

  9   de première instance peut se reposer sur le témoignage d'un témoin sur une

 10   affaire, mais non pas sur une autre ? Bien évidemment, nous n'avons aucune

 11   raison de croire que ceci va avoir une incidence sur la crédibilité du

 12   témoin. Comme nous pouvons le constater, ceci a été mentionné dans la

 13   Chambre d'appel Celebici, au paragraphe 479.

 14   Mais si nous appliquons cette même logique, bien sûr une autre Chambre de

 15   première instance, par exemple dans l'affaire Sikirica où même la Chambre

 16   de première instance ne repose pas sur les éléments de preuve qu'elle a été

 17   violée par Sikirica à Keraterm, cela ne signifiait pas que la Chambre de

 18   première instance peut accepter les éléments de preuve qu'elle a donnés à

 19   propos de son viol par une autre personne, Radic ou quelqu'un d'autre, à

 20   Omarska. Nous constatons clairement que dans la décision de la Chambre de

 21   première instance dans l'affaire Kunarac, il y avait certains témoins, en

 22   particulier FWS 87 et 95, où la Chambre de première instance était prête à

 23   accepter les éléments de preuve fournis par la victime, et qui a accepté

 24   que le viol ait eu bien lieu dans le cas de certains viols, mais non pas

 25   dans d'autres cas de viol.


Page 425

  1   Le dernier point que je souhaite aborder ici est que la Chambre de première

  2   instance a entendu le témoignage du Témoin K qu'elle a fait dans le procès

  3   Sikirica, parce qu'au mois de juin 2001, on l'a fait revenir devant la

  4   Chambre de première instance pour la contre-interroger, et on lui a posé

  5   des questions sur les incohérences de son récit à propos de son viol qui

  6   avait découlé des éléments de preuve présentés dans l'affaire Sikirica.

  7   Cette Chambre de première instance, comme je le dis dans Kvocka, a vu

  8   quelques différences entre le témoignage du Témoin K qui a été violé par

  9   Radic, et qui a été violé par Sikirica à Keraterm. Je souhaite simplement

 10   dire qu'il y a une différence notable entre les deux. Elle avait reconnu

 11   Radic. Elle avait vu se promener avant l'incident qui s'est produit à

 12   Omarska, parce que Sikirica en revanche l'avait vu que ce matin-là.

 13   En résumé, nous avançons devant cette Chambre d'appel que la Chambre doit

 14   faire un constat judiciaire et c'est la conclusion faite par la Chambre de

 15   première instance à propos de ce témoin dans l'affaire Sikirica.

 16   Je vais maintenant parler de violence sexuelle et du Témoin J. M. Fila en a

 17   parlé très peu de temps l'autre jour, et je serai très bref à ce propos

 18   également. Il n'y a aucune erreur commise par la Chambre de première

 19   instance en constatant que le Témoin J avait été soumis à des violences

 20   sexuelles. Il a tout simplement représenté ses arguments, arguments qui

 21   avaient été présentés et entendus par la Chambre de première instance, qui

 22   peut-être expliqué de la façon simple suivante : il s'agissait d'une

 23   coïncidence simplement que le Témoin J a été l'objet de violences sexuelles

 24   d'un homme qui s'appelait Kapitan où quelque chose comme cela. On n'établit

 25   pas ce biais qu'il y a eu une erreur de fait.


Page 426

  1   Je vais maintenant parler d'un argument plus générique qui a été fait à

  2   propos des violences sexuelles du Témoin J et du Témoin F, Sifeta Susic et

  3   Zlata Cikota, et à sa conduite à l'égard des témoins J et F, Susic et

  4   Cikota, n'étaient pas suffisamment grave pour répondre à des graves

  5   violations du droit international humanitaire qui relève de la compétence

  6   de ce Tribunal.

  7   Je dois admettre que je n'ai pas tout à fait compris l'argument au début de

  8   la présentation des arguments à propos de l'Article 2 du statut parce que

  9   l'accusé n'a pas été condamné en vertu de l'Article 2, mais en vertu de

 10   l'Article 3, et 5. Le concept de la gravité du crime pour persécution et

 11   torture n'est pas lié à la question des crimes qui sont considérés comme

 12   faisant l'objet de violations des conventions de Genève en vertu de

 13   l'Article 2. Je laisse ceci de côté.

 14   D'une façon plus importante, il a clairement sous-estimé la gravité de sa

 15   conduite, et je crois que je dois mettre ceci en perspective, parce qu'il

 16   s'agit là d'une conduite criminelle.

 17   Pour ce qui est du Témoin F, Radic l'a emmenée dans sa Chambre. Il lui a

 18   dit qu'il pouvait l'aider si elle couchait avec lui, et ensuite nous avons

 19   cité les éléments de preuve, il a touché ses parties génitales.

 20   Pour Sifeta Susic, Radic l'a attrapée. Elle débarrassait une table, et il

 21   l'a baissée sur son genou en disant : il vaut mieux que je te viole toi,

 22   plutôt que quelqu'un d'autre.

 23   Pour ce qui est de Zlata Cikota, un jour elle était dans son bureau. Je ne

 24   me souviens pas des éléments, mais je crois qu'un jour il a eu une

 25   rencontre avec elle. Il lui a attrapé les seins et ensuite elle lui a


Page 427

  1   répondu, "je ne suis qu'une vieille femme," et il lui a répondu que : "cela

  2   suffisait. Cela n'est pas grave." Finalement, le Témoin J, qui fait partie

  3   de ce même groupe, je crois que l'on serait d'accord pour dire qu'il s'agit

  4   là de conduite tout à fait grave. Il l'a poussé violemment contre le mur.

  5   Il lui a enlevé ses vêtements, il lui a touché les seins, les parties

  6   génitales, et il a essayé de -- mais il n'y pas eu de pénétration sexuelle

  7   et il s'est éjaculé.

  8   En effet, Radic affirme que ces actes d'harcèlement sexuel, ces menaces de

  9   violer, ces attouchements sexuels et ces attaques sexuelles à l'encontre

 10   d'une femme qui était détenue et que ceci ne constitue pas un acte

 11   suffisamment grave pour être considéré torture et persécution en tant

 12   qu'infractions graves aux droits internationaux humanitaires.

 13   La torture que ce soit en titre de l'Article 3 ou de l'Article 5 doit

 14   causer une atteinte grave, la souffrance grave à la victime, mais la

 15   gravité de cette atteinte est à la fois une composante objective et une

 16   composante subjective. Il n'était pas déraisonnable de constater qu'il

 17   s'agissait là d'un acte grave. Compte tenu de la vulnérabilité extrême de

 18   la victime, de la détention de ces victimes à l'endroit où des violences à

 19   l'encontre des détenus étaient la règle et non pas l'exception, la

 20   connaissance que les victimes avaient de la position de Radic, le fait

 21   qu'il pouvait circuler librement dans le camp et qu'il pouvait leur

 22   ordonner de se rendre devant lui, et leurs connaissances ou les suspicions

 23   que d'autres femmes avaient été violées ou qu'elles avaient été soumis à

 24   des violences sexuelles dans le camp et, par conséquent, que la menace

 25   était très réelle, à savoir qu'elles pouvaient être soumises à des


Page 428

  1   violences sexuelles au beau gré de Radic, et là, on considère qu'il n'était

  2   absolument pas déraisonnable de la part de la Chambre de première instance

  3   d'estimer qu'il s'agit ici d'un acte grave et qu'il s'agissait là de

  4   torture. Alors, nous avons aussi des cas comparables où il n'y a pas eu de

  5   pénétrations, dans les affaires Kunarac où on a forcé des personnes, des

  6   victimes à danser nues, à se tenir nues devant un groupe. Par exemple, on a

  7   forcé une personne à lécher le derrière nu d'une victime. Ici, de manière

  8   comparable, il s'agit d'atteinte à la dignité des individus.

  9   De même, la persécution au titre de l'Article 5 requiert que l'acte soit

 10   l'un des crimes énumérés ou qu'il entraîne le délit d'autres droits

 11   fondamentaux à condition que ces actes de manière séparée ou de manière

 12   cumulative soit de la même gravité que les autres crimes énumérés au titre

 13   de l'Article 5.

 14   L'Accusation s'excuse d'être trop rapide pour les interprètes. Encore une

 15   fois, lorsque nous concevons la conduite de Radic non pas de manière

 16   isolée, mais de manière cumulée, à savoir, compte tenu de tous les actes

 17   persécutoires qui ont été infligés aux victimes, la Chambre de première

 18   instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a constaté que ces femmes ont

 19   été persécutées du fait que ces actes ont été commis et que ces actes

 20   étaient bien des actes inhumains et qu'ils relèvent du crime de

 21   persécution.

 22   Enfin, le dernier domaine qui m'intéresserait ici dans ce chapitre de viol

 23   et de violence sexuelle, il s'agit de la manière dont les éléments de

 24   preuve ont été identifiés par la Chambre de première instance lorsqu'il

 25   s'agit d'éléments de preuve attestant qu'il y a eu viol du Témoin AT en


Page 429

  1   vertu de l'Article 93. Je parlerai aussi pour ce qui est de l'appelant

  2   Zigic et des arguments qui ont été avancés.

  3   Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur

  4   lorsqu'elle a pris en considération le viol par Radic du Témoin AT

  5   démontrant une ligne de conduite délibérée au titre de l'Article 93, compte

  6   tenu que les crimes de viol, compte tenu qu'il a été accusé de crimes de

  7   viol et de violence sexuelle. Nous nous rappelons que le Témoin AT a

  8   insisté que tout d'abord Radic l'avait aidé, qu'il lui a donné de la

  9   nourriture, qu'il a déplacé ou transféré son mari dans la maison de verre

 10   mais qu'une nuit, il l'a emmené elle dans la salle de conférence où il y

 11   avait un matelas en mousse et lui a dit d'enlever ses vêtements. Il l'a

 12   forcé à un rapport sexuel. Les éléments de preuve montrent que le Témoin AT

 13   a été violée. Il s'agit d'éléments de preuve de toute évidence, pertinent

 14   et probant et nous estimons qu'il n'y a pas eu de valeur préjudicielle qui

 15   enlèverait le caractère probant de ces éléments.

 16   Nous estimons que ceci se situe dans le cadre des paramètres appliqués par

 17   la Chambre d'appel dans sa décision sur Bagosora le 19 décembre 2003.

 18   Lorsque nous disons cela, nous estimons qu'il s'agit d'éléments de preuve

 19   très probants et qu'il s'agit là de quelque chose qui prouve, ce que nous

 20   pouvons qualifier de modus operandi, il s'agit de son système de quiproquo

 21   lorsqu'il demande aux femmes d'avoir des rapports sexuels avec lui en

 22   échange de son insistance et lorsque l'on refuse, il commet des actes de

 23   violence sexuelle.

 24   La Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle s'est

 25   servie de ces éléments de preuve afin de corroborer les dépositions des


Page 430

  1   témoins K et J. Je ne dis pas que les témoins K et J n'avaient pas besoin

  2   de corroboration.

  3   L'Accusation s'excuse encore une fois aux interprètes. Mais au fond, la

  4   déposition du Témoin AT est une corroboration supplémentaire de leurs

  5   éléments de preuve. Dans de nouvelles affaires, l'Article 93 a été citée.

  6   Il s'agit là, par exemple, de l'affaire Strugar. La décision du 22 janvier

  7   2004, l'affaire Kupreskic au paragraphe 321, les affaires Kunarat, Vukovic.

  8   Il y a des éléments de preuve concernant des viols oraux sur V51 qui ont

  9   été utilisés pour porter à charge le viol. Encore une fois, ceci a souvent

 10   été utilisé pour corroborer d'autres éléments de preuve.

 11   Radic s'est servi de ce système quiproquo lorsqu'il a violé K et lorsqu'il

 12   a attaqué J. Avant d'attaquer sexuellement J, il lui a dit qu'elle était

 13   dans une catégorie grave de détenus mais qu'il connaissait un inspecteur

 14   mais qu'en retour de son aide, il allait demander un contre service. Mais

 15   pour K, Radic a initialement essayé de la forcer à avoir des rapports

 16   sexuels avec lui et il a dit que ses enfants ne seraient pas tués.

 17   Alors, nous rejetons ces arguments disant que ces éléments de preuve

 18   doivent être prouvés au-delà de tout doute raisonnable. Ce qui doit être

 19   prouvé au-delà de tout doute raisonnable, ce sont des crimes qui sont

 20   reprochés, à savoir, le viol de K et les violences sexuelles sur J. Comme

 21   ceci a été dit dans la Chambre de première instance dans l'affaire

 22   Krnolejac, les éléments de preuve au titre de l'Article 93 sont comparables

 23   aux éléments de preuve indirects, tout comme chaque élément de preuve dans

 24   un contexte de preuve indirect ne doit pas être prouvé au-delà de tout

 25   doute raisonnable. Il en va de même pour les éléments de preuve au titre de


Page 431

  1   l'Article 93.

  2   L'analogie la plus proche que nous pourrons trouver dans des systèmes

  3   nationaux, ce serait la loi des éléments de preuve portant sur des faits

  4   semblables. Une fois que ces éléments sont admis, ils sont traités comme un

  5   élément de preuve supplémentaire pour l'établissement du fait afin de

  6   prendre en considération l'appréciation générale des éléments de preuve en

  7   l'espèce, qui plus est. Rien ne laisse indiquer que la Chambre de première

  8   instance n'a pas appliquée la norme du tout doute raisonnable lorsqu'elle a

  9   apprécié les éléments de preuve de AT ou qu'elle a agi différemment que

 10   pour ce qui est des éléments de preuve des autres témoins ou des

 11   dépositions des autres témoins.

 12   Un dernier point qui concerne l'équité et la justesse des arguments. Me

 13   Fila a décrit la déposition de AT comme ayant été quelque chose qui est

 14   tombée du ciel. J'aime bien l'expression imagée qu'il l'a utilisée, mais je

 15   ne suis pas d'accord avec la manière dont il s'en est servi ici. La Défense

 16   a reçu le compte rendu des entretiens au préalable avec ce témoin portant

 17   sur sa déposition. Il s'agit d'un document du 14 septembre 2000, avant que

 18   le témoin ne vienne déposer en octobre 2000. Ceci montre que nous avons

 19   respecté nos obligations au titre de l'Article 66(A). Ce qui est encore

 20   plus important, il n'y a pas eu d'objection soulevée par la Défense. Alors,

 21   pour être tout à fait correct à l'égard de l'accusé, on n'a pas ajouté le

 22   viol dans l'acte d'accusation, mais ce qui ne veut pas dire que la Chambre

 23   de première instance ne peut pas s'en servir en tant qu'élément de preuve

 24   pour ce qui est des crimes reprochés et en particulier pour ce qui est du

 25   fait que l'Accusation a renoncé à son droit.


Page 432

  1   L'Accusation comprend que l'Article 65 ter peut exiger de la part de

  2   l'Accusation de présenter chacun des chefs d'accusation et les éléments à

  3   l'appui pendant la phase préalable au procès mais l'Article qui entre en

  4   vigueur le 4 mai 2001, est entré en vigueur à cette date tandis que la

  5   communication a été faite en octobre 2000. Lorsqu'une question identique

  6   s'est posée, par exemple, dans l'affaire Kupreskic, cette Chambre n'a pas

  7   estimé que l'Accusation devait être soumise à des obligations de

  8   communication plus précises à moins que l'intérêt de la justice ne le

  9   commande. Nous estimons qu'ici, les intérêts de la justice ne l'exigeait

 10   pas. Alors, Monsieur le Président, nous estimons qu'il faut rejeter le

 11   motif d'appel de Radic pour ce qui est des crimes de viol, et de violence

 12   sexuelle.

 13   Alors à présent je souhaite m'intéresser davantage à son motif numéro 4,

 14   allant de A à C au sujet de sa déposition et ses tâches des crimes qui ont

 15   été commis par les gardes de son équipe, et au sujet de sa connaissance des

 16   conditions qui ont prévalu dans le camp, et le traitement abusif. Alors

 17   encore une fois mon confrère a été bref l'autre jour et je vais essayer

 18   bien entendu vous avez son mémoire en appel, et vous avez également notre

 19   réponse nous y sommes intéressés dans le détail, j'essaierais moi aussi

 20   d'être brève. Alors il me semble que ce que vous centrez clairement de ce

 21   qui a été dit par l'appelant Radic, et c'est tout simplement qu'il

 22   préfèrerait une appréciation alternative des éléments de preuve. Mais il ne

 23   démontre pas vraiment qu'il y a eu d'erreur. Alors sur un  premier point à

 24   savoir qu'il était chef d'équipe de gardes, il n'y a pas eu d'erreur

 25   commise par la Chambre de première instance, lorsqu'elle a constaté que


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  1   Radic était un chef d'équipe de gardes qui a exercé une autorité

  2   substantielle sur les gardes de son équipe et qui s'est servi de son

  3   pouvoir afin d'empêcher un certain nombre de crimes pris isolément. Tandis

  4   qu'il ne s'est absolument pas intéressé à la vaste majorité des crimes.

  5   Ceci est précisément vrai à la lumière de la déposition écrasante des

  6   témoins que nous avons entendus, au sujet de ce que les témoins ont vu, ce

  7   qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont vécu, ce que M. Radic a fait et ce que M.

  8   Radic leur a dit lui-même. Tout simplement quelques exemples, il a été

  9   présent lorsque de nouveaux détenus arrivaient, il les enregistrait, il

 10   était présent pendant qu'il y avait des relèves de garde, il a donné des

 11   assignations aux gardes, ils faisaient rapport à lui lorsqu'ils prenaient

 12   leur service dans une équipe de gardes, il circulait autour dans le camp

 13   avec eux, il était dans le bureau de service avec d'autres chefs d'équipe.

 14   Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas commis une

 15   erreur, lorsqu'elle a déduit du fait de son aide sélective et de sa

 16   protection sélective comme ceci a été décrit eu égard à un certain nombre

 17   de détenus femmes, ou certain nombre de ses anciens amis de chez lui, qu'il

 18   a été en mesure de le faire, parce qu'il avait un certain degré de pouvoir

 19   et d'autorité dans le camp. Il n'y a aucune manière d'interpréter les

 20   conclusions de la Chambre de première instance comme ayant été fondées

 21   simplement sur le fait que des personnes appelaient cette équipe, l'équipe

 22   de Krkan parce qu'il le connaissait avant la guerre.

 23   Alors à présent j'aimerais passer un petit peu plus de temps sur une

 24   question qu'il a considéré comme étant la plus importante pour son appel,

 25   ou l'une des plus importante à savoir il s'agit de la conclusion de la


Page 434

  1   Chambre de première instance qu'il n'est pas responsable au terme de

  2   l'Article 7 (3) et que par conséquent, il ne pourrait pas avoir

  3   suffisamment d'autorité sur les gardes, pour qu'il soit considéré

  4   responsable en terme de l'Article 7 (A), à savoir au titre de l'entreprise

  5   criminelle commune. Ceci enchaîne sur la question qui a été posée par M. le

  6   Juge Shahabuddeen. Alors non seulement l'appelant a compris de manière

  7   erronée les conclusions de la Chambre de première instance, pour ce qui

  8   concerne Radic au terme de la responsabilité visée à l'Article 7(3), mais

  9   il fait confusion entre deux formes de responsabilité peut-être différente.

 10   Un premier point la Chambre de première instance n'a pas fait ses

 11   conclusions définitives si Radic avait un contrôle effectif sur les gardes

 12   au terme de la relation de supérieur et de subordonné, comme ceci est

 13   nécessaire pour la responsable au terme de 7(3). En fait si vous vous

 14   penchez sur le paragraphe 750, là la Chambre de première instance a

 15   expressément décidé de ne pas se prononcer

 16   là-dessus, puisque sa responsabilité pour ces crimes était déjà couverte,

 17   mais même si la Chambre de première instance avait constaté que Radic

 18   n'avait pas exercé un contrôle effectif sur les gardes comme visé à

 19   l'Article 7(3) et nous voyons qu'il y a ici une certaine ambiguïté du

 20   paragraphe 570, ceci ne serait pas incohérent par rapport à la conclusion

 21   qui a été faite, à savoir que le chef d'une équipe de garde qui exerçait

 22   une autorité significative, avait un pouvoir sur les gardes, et une

 23   personne peut exercer une autorité significative sur d'autres, sans être

 24   nécessairement leur supérieur, comme visé à l'Article 7(3), et la

 25   responsable au terme de l'Article 7(1) comme co-auteur dans le cadre d'une


Page 435

  1   entreprise criminelle commune, ne dépend pas d'une conclusion à la

  2   supériorité au terme de l'Article 7(3).

  3    Je passe à présent aux conclusions de la Chambre de première instance pour

  4   ce qui est des crimes qui ont été commis par des gardes qui faisaient

  5   partie de l'équipe de Radic, et ici en particulier il s'agit de la

  6   conclusion que les gardes de son équipe ont commis de nombreux crimes

  7   graves et brutaux, et qu'en tant que leur chef il n'a jamais exercé aucune

  8   autorité pour les arrêter, et qu'il s'agit là d'un climat d'impunité, il

  9   s'agit d'une tolérance et que ceci les a encouragés à continuer dans cette

 10   ligne de conduite.

 11   Des témoins étaient plutôt unanimes sur un point, à savoir que l'équipe de

 12   Radic était la pire des trois, des gardes comme Predojevic, Popovic,

 13   Paspalj, comme Zivko Marmat, Karate Kid ou enfin l'individu dénommé

 14   Knezevic et des personnes qui venaient de l'extérieur, Tadic et Zigic et

 15   que, comme l'a constaté la Chambre de première instance, certains des

 16   passages à tabac les plus notoirement graves de cette équipe ont été commis

 17   par Zigic, Kapetanovic, et KiKi. Un autre passage à tabac tristement

 18   célèbre était le fait que les gardes de l'équipe de Radic, à savoir, le

 19   meurtre de Riza Hadzalic sur la Pista. Radic semble affirmer et je ne

 20   pouvais pas les arrêter, personne n'écoutait mes ordres. C'était vraiment

 21   un chaos total. Comment pourrais-je être responsable ? Le premier point est

 22   que les éléments de preuve montrent effectivement qu'il a arrêté un certain

 23   nombre de crimes, et qu'il en a empêché d'autres. En fait, il l'a dit lui

 24   même dans sa déposition, il a donné un exemple où il s'est arrêté pour

 25   parler à un garde dans un restaurant qui est en train de passer à tabac


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  1   quelqu'un. Il s'est référé aussi au fait qu'il a permis au Témoin J de

  2   recevoir la visite de quelqu'un qui lui apportait la nourriture, des choses

  3   comme cela. Mais ce qui est encore plus important c'est de dire qu'il ne

  4   devrait pas être responsable des crimes commis par ces autres personnes,

  5   mais tout cela signifie mal interpréter -- dire cela signifie mal

  6   interpréter le fondement de sa responsabilité, sa responsabilité n'est pas

  7   engagée au terme de 7 (3), pour ne pas avoir empêché la commission des

  8   crimes par ses gardes, bien entendu, à son manquement exercer l'autorité à

  9   arrêter les gardes a constitué une partie de sa contribution au système.

 10   Parce que tacitement il les a encouragés, il a encouragé le comportement

 11   des gardes, et généralement ceci a contribué à ce climat d'impunité, mais

 12   sa responsable se fonde en fait sur sa contribution à la poursuite de ce

 13   système de mauvais traitement, en connaissance de cause et de manière

 14   intentionnelle.

 15    Enfin, je tiens à aborder l'argument de l'appelant disant que la Chambre

 16   de première instance a commis une erreur, lorsqu'elle a rejeté son

 17   affirmation, qu'il n'a ni vu ni entendu ni remarquer des éléments de preuve

 18   comme quoi il y avait des abus sur la totalité de la période des trois

 19   mois, ou plutôt constatons que dans sa déposition tous les jours il était

 20   exposé à ces scènes de meurtres, et de tortures et d'autres abus.

 21   Nous demandons nous estimons qu'aucune autre conclusion n'aurait pu être

 22   faite, des horreurs se sont conduites sur la pista et tout le monde les a

 23   vues, non seulement lui même si lui il s'est souvent trouvé là-bas d'après

 24   ses propres mots, à cette fenêtre ronde du bâtiment administratif, et il

 25   regardait tout se passer. Il y avait des corps que tout le monde pouvait


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  1   voir, et tous les jours dans le camp, non pas seulement par lui en dépit du

  2   fait qu'il circulait autour, et qu'il était là tout à fait libre de

  3   circuler dans les coulisses pendant trois mois. Il ne les aurait pas vus,

  4   il y avait des cris, des gémissements, des supplications qu'on pouvait

  5   entendre de la pièce où étaient conduits les interrogatoires. Des personnes

  6   qui se trouvaient dans le restaurant à l'étage au dessous, et même si Radic

  7   était dans la pièce à côté, il n'a entendu que le bruit des meubles qui

  8   tombaient, même la dactylo, qui se trouvait dans cette pièce DD/10, a

  9   accepté le fait qu'on pourrait entendre ces abus.

 10   Les femmes détenues ont souvent vu du sang, et ont vu des instruments qui

 11   ont servi au passage à tabac dans les pièces où il y avait des

 12   interrogatoires. Seul lui, ne l'a jamais fait, il n'a jamais vu de passages

 13   à tabac, de nouveaux détenus lorsqu'ils arrivaient, lorsqu'ils devaient

 14   courir et lorsqu'ils se faisaient taper par deux lignes de personnes qui

 15   les passaient à tabac. Même s'il a souvent emmené les détenus à des

 16   interrogatoires, il les raccompagnait. Il a remarqué d'après ses propres

 17   mots qu'ils avaient les yeux rouges et que leurs visages étaient un peu

 18   allongés, sans mentionner sa propre participation à des crimes. Aucune

 19   autre conclusion raisonnable n'aurait pu être trouvée.

 20   Enfin, il s'agit de la responsabilité de Radic, co-auteur de l'entreprise

 21   criminelle commune. Me Fila a dit mardi, qu'il ne pouvait voir rien dans le

 22   jugement qui expliquait pour quelle raison M. Radic était un co-auteur dans

 23   cette entreprise criminelle commune.

 24   Nous estimons qu'un tel argument selon lequel la contribution de Radic

 25   n'était pas suffisante, que dans ces conditions tout concierge, tout


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  1   cuisinier verrait sa responsabilité pénale engagée, revient à ignorer

  2   toutes les conclusions qui ont été retenues par la Chambre de première

  3   instance aux paragraphes 506 à 561 du jugement. Il y a des éléments

  4   essentiels qui ont permis à la Chambre de première instance de conclure

  5   avec raison que Radic connaissait le système criminel, qu'il en partageait

  6   les objectifs criminels et qu'il y a participé de manière significative.

  7   Je ne vais pas résumer la totalité du jugement, bien entendu. Pour résumer,

  8   on peut dire qu'il occupait le poste de chef d'une équipe. Il exerçait une

  9   certaine autorité sur d'autres gardes. Il connaissait les exactions qui

 10   étaient menées au camp. Il le savait tout cela. Il y a également tout ce

 11   qu'il a fait qui doit pris en compte, ce qu'il n'a pas fait, sa

 12   participation directe aux actes de violence sexuelle et au viol. Voici la

 13   nature de sa contribution, ce qui fait qu'il est responsable en tant que

 14   co-auteur de l'entreprise criminelle commune systématique. Il avait pour

 15   objectif de persécuter les détenus non-Serbes au camp, en les soumettant à

 16   des conditions inhumaines, à des actes de meurtre, de torture, de passages

 17   à tabac et de viol. Je vous inviterais, Mesdames et Messieurs les Juges à

 18   vous référer aux paragraphes 566 à 571 du jugement. S'agissant de

 19   l'intention délictueuse de l'accusé, il est important de noter que dans

 20   l'arrêt Krnojelac, on a insisté sur le fait que dans le cas d'une

 21   entreprise criminelle commune, il est moins important de prouver qu'il y

 22   avait une sorte d'accord formel entre tous les participants, moins

 23   important que de prouver la participation de ces individus au système. Je

 24   pense en particulier au paragraphe 97 de cet arrêt, où Krnojelac stipule,

 25   bien entendu, vous le connaissez, stipule, je cite : "Etant donné que les


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  1   conclusions de la Chambre de première instance montrent que le système en

  2   place en KP Dom avait pour objectif de soumettre les détenus non-Serbes à

  3   des conditions de détentions inhumaines et à des mauvais traitements sur

  4   des bases discriminatoire, la Chambre de première instance aurait dû

  5   s'interroger pour savoir si Krnojelac connaissait le système et y donnait

  6   son aval, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'établir qu'il avait

  7   conclu un accord avec les gardes et les soldats, les principaux auteurs des

  8   crimes commis dans le cadre de ce système, accord destiné à commettre ces

  9   crimes."

 10   En d'autres termes, dans cette affaire, dans l'affaire Krnojelac, la

 11   Chambre d'appel a reconnu que la détermination de l'intention délictueuse,

 12   repose sur la connaissance qu'a un accusé du système, et le fait qu'il y

 13   ait donné son aval. C'est exactement dans le même cas de figure que nous

 14   sommes avec Radic. Radic devrait montrer, qu'aucun juge de faits

 15   raisonnables n'aurait pu conclure qu'il partageait l'intention délictueuse.

 16   Si on applique les critères qui sont résumés de manière très synthétique au

 17   paragraphe 111 de l'arrêt Krnojelac, si on examine les fonctions, la

 18   période pendant laquelle ces fonctions ont été exercées, la connaissance du

 19   système en place, les crimes commis dans le cadre de ce système ainsi que

 20   leur caractère discriminatoire, c'est cette même conclusion que l'on doit

 21   tirer pour M. Radic. C'est la seule conclusion, à savoir qu'il partageait

 22   l'intention de promouvoir ce système, et qu'il en partageait l'objectif

 23   teinté de persécution.

 24   En résumé, la Chambre de première instance n'a nullement été déraisonnable

 25   en considérant qu'il était responsable des crimes commis au camp pendant


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  1   son existence en tant que co-auteur dans le cas d'une entreprise criminelle

  2   commune dont l'objectif était de persécuter, de tuer, de torturer, de

  3   détenir dans des conditions inhumaines, de manière générale de soumettre à

  4   des mauvais traitements les non-Serbes, étant donné que les faits ont

  5   montré qu'il connaissait personnellement la nature du système de mauvais

  6   traitements qui existait au camp, qu'il a eu l'intention de contribuer à la

  7   réussite de ce système et à cette entreprise criminelle commune, en

  8   persécutant et en se livrant à des mauvais traitements sur les non-Serbes

  9   qui étaient détenus au camp, en facilitant le fonctionnement de ce système

 10   d'exaction.

 11   Enfin, je voudrais revenir sur certains des arguments qui nous ont été

 12   présentés, des arguments précis, des arguments qui se présentent sous forme

 13   de phrase simple, à caractère non juridique que j'ai divisé en cinq ou six

 14   catégories.

 15   Le premier argument qu'il nous présente pour nous dire qu'il n'est pas co-

 16   auteur de cette entreprise criminelle commune, il nous dit, qu'en dehors

 17   des crimes à caractère sexuel, la seule conclusion que l'on retient à son

 18   encontre, est le fait qu'il soit resté sur place, qu'il soit resté au camp.

 19   Il s'agit là d'une simplification à outrance des conclusions du jugement.

 20   Pourquoi laisser du côté cette partie intégrante pour autant de sa

 21   participation, puisqu'il s'agit d'un des facteurs clés qui a été retenu par

 22   la Chambre. C'est la manière dont il a contribué à ce système en commettant

 23   des actes odieux.

 24   Le deuxième argument qu'il semble vouloir nous présenter, c'est, je cite :

 25   "J'ai essayé de quitter Omarska. Je n'avais pas le choix, et je ne pouvais


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  1   que rester, parce que c'était mon boulot."

  2   Nous, nous avançons que lors des protestations à demi ou tièdes qu'il a

  3   faites à Drljaca, lorsqu'on examine ces protestations et le fait que l'on

  4   constate qu'il n'y a pas eu de représailles, s'agissant pour les gardes qui

  5   ne venaient pas travailler, et quand on constate que lui, il n'a jamais

  6   manqué au travail, la Chambre de première instance n'a pas fait preuve de

  7   déraison en rejetant l'argument selon lequel il n'avait pas le choix, qu'il

  8   était obligé de rester au camp. Au paragraphe 565, la Chambre a conclu

  9   qu'il n'était pas resté à son poste contre son gré, que le camp lui

 10   fournissait une enceinte et lui accordait un pouvoir qui lui permettait de

 11   se livrer à des exactions, que tout montre qu'il a participé à ces crimes

 12   sans la moindre hésitation.

 13   Le troisième argument, ou la troisième série d'arguments que je retire des

 14   écritures de l'appelant, revient à dire la chose suivante,  je cite : "J'ai

 15   fait preuve d'obéissance. Je suis quelqu'un de conformiste. On m'a envoyé à

 16   Omarska. C'était mon lieu du travail. On m'a envoyé, ce sont mes supérieurs

 17   qui m'y ont envoyé. Je ne me suis pas rebellé, parce que j'avais peur pour

 18   ma famille." Cette phrase rassemble bien des éléments.

 19   Je n'arrive pas très bien à comprendre si l'argument qui a été donné par M.

 20   Fila au sujet de l'Article 7(4) au tout début de sa plaidoirie, a trait à

 21   ce que je viens de vous indiquer. A notre sens, l'Article 7(4) du statut,

 22   stipule qu'invoquer les ordres donnés par un supérieur ne constitue pas un

 23   moyen de défense. Ce qui est encore plus important, c'est que ni le fait

 24   qu'il y ait eu ordre donné par des supérieurs ou la contrainte, n'ont été

 25   confirmés par les éléments de preuve présentés en l'espèce. Les éléments de


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  1   preuve ont montré que loin d'être réticent à accomplir sa tâche, le camp a

  2   fourni à l'appelant un forum lui permettant de se livrer à des exactions.

  3   S'agissant des craintes qu'il aurait ressenti pour sa famille, Me Fila,

  4   dans ces arguments, nous a dit que Radic avait évoqué des menaces, la

  5   possibilité pour ses fils d'être envoyés au front, à l'armée, d'y être

  6   tués. Les éléments de preuve qui nous ont été présentés à ce sujet

  7   n'étaient pas aussi convaincants. J'aimerais vous renvoyer à la

  8   transcription de la déposition de Radic le 6 mars, pages 1069 à 1070, en

  9   réponse à une question qui lui a été posée par Me Fila, il a dit, je cite :

 10   "Je sais que si je m'étais constitué prisonnier cela aurait sans doute

 11   causer des problèmes à ma famille."

 12   A ce moment-là, Me Fila lui a demandé : "Pourquoi n'êtes-vous pas parti ?

 13   Pourquoi n'avez-vous pas pris la fuite, abandonné votre uniforme ? Ce à

 14   quoi il aurait répondu : "Maître Fila, cela aurait été condamner à mort ma

 15   famille de faire une telle chose."  Dans les éléments de preuve présentés

 16   ou dans l'interrogatoire, dans son interrogatoire, je n'ai pas trouvé la

 17   trace de ces menaces, des menaces selon lesquelles ces fils auraient été

 18   envoyés dans l'armée et tués. Quoi qu'il en soit, si on reprend ces propos

 19   pendant le procès, on voit qu'il a reconnu tout à fait, catégoriquement, à

 20   une question de l'Accusation, il a reconnu qu'aucune personne n'ayant

 21   quitté le camp n'a été engloutie par l'obscurité.

 22   L'argument suivant qu'il semble nous donner, je le résume de la manière

 23   suivante, je cite : "Ce n'est pas moi qui ai mis en place ce camp. Ce n'est

 24   pas moi. Je n'en connaissais pas la nature. Je n'y ai pas joué un rôle

 25   important. Quand j'ai commencé à travailler au camp, je ne savais pas que


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  1   le camp serait comme il l'a été."

  2   Madame Rashid a répondu à cet argument en grande partie en intervenant ce

  3   matin. Un co-auteur dans une entreprise criminelle commune systématique de

  4   ce type, ne doit pas forcément connaître chacun des détails constitutifs de

  5   ce système ni chacun des crimes commis dans ce système pour en être

  6   considéré comme partiellement responsable. Du moment qu'il accepte ce

  7   système, il est responsable des crimes qui y sont commis. Il n'est pas

  8   nécessaire pour cela qu'il ait procédé à la planification de ce système et

  9   qu'il y ait joué un rôle crucial.

 10   De surcroît, combien de temps fallait-il, effectivement, pour se rendre

 11   compte de ce qui se passait au camp. La Chambre l'a dit de manière très

 12   succincte et très juste au paragraphe 324, où il est stipulé : "Que ces

 13   abus pouvaient également se détecter, entendus et sentis."

 14   Pendant les trois mois qu'il a passé là, il a forcément dû se rendre compte

 15   de ce qui se passait. Il a contribué au bon fonctionnement du camp. Il a

 16   fait en sorte que le camp fonctionne correctement, de manière efficace. Il

 17   a fermé les yeux sur les crimes qui étaient commis, sauf lorsque cela lui

 18   convenait d'apporter son aide à tel ou tel détenu, sans parler du fait

 19   qu'il ait commis lui-même des exactions. Ceci a été mentionné dans les

 20   mémoires. Je crois, l'autre jour, quand Radic est arrivé sur place, il a

 21   dit : "Tout cela va finir dans deux ou trois jours." Pas du tout, puisqu'il

 22   est resté trois mois, et il est revenu sans cesse au cours de ces trois

 23   mois.

 24   Le dernier argument ou la dernière série d'arguments que j'arrive à retirer

 25   de sa plaidoirie, de son mémoire, peut se résumer de la manière suivante :


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  1   Même si j'avais eu connaissance de ces exactions, comment peut-on me

  2   considérer comme responsable, puisque je ne pouvais pas changer les

  3   situations, que je n'avais aucune influence sur les gardes qui commettaient

  4   ces crimes, encore moins sur ceux qui procédaient à des interrogatoires ?

  5   Même si j'avais protesté, les gardes auraient continué à commettre ces

  6   crimes.

  7   Comme je l'ai dit, déjà précédemment, ceci n'est pas vrai, parce qu'il a

  8   contribué à la modification des conditions de détention. De manière

  9   sélective, il a également protégé certains détenus. Certains éléments ont

 10   été présentés montrant que certains gardes ont été en mesure d'empêcher

 11   certaines exactions au camp, pendant l'existence du camp. Ce qui est sans

 12   doute le plus important, c'est que ce moyen de défense qu'il avance,

 13   revient à nier le fait qu'il a contribué activement à maintenir des

 14   conditions de détention absolument atroces au camp. Même s'il n'était pas

 15   en mesure de s'opposer à la perpétration de certains crimes, même si

 16   certains gardes étaient des criminels que rien n'aurait pu arrêter, ce qui

 17   semble apparent, certains apparemment, ne pouvaient pas être arrêtés. Sa

 18   responsabilité, elle émane du fait qu'il a intentionnellement et sciemment

 19   contribué de manière importante, malgré tout ce qu'il savait, il a

 20   contribué à faciliter et à entraîner la réussite de système de mauvais

 21   traitements.

 22   Jamais il a manqué une journée de travail, à aucun moment pendant ces trois

 23   mois.

 24   En conclusion, l'appelant n'a pas été en mesure de montrer que la Chambre

 25   de première instance avait été déraisonnable en concluant que Radic, sur la


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  1   base de sa contribution intentionnelle et de sa contribution factuelle à

  2   l'entreprise criminelle commune, est responsable en tant que co-auteur, et

  3   est responsable des crimes qui ont été commis au camp pendant toute la

  4   durée de son existence.

  5   J'en ai terminé de mon intervention. Bien entendu, je suis prête à répondre

  6   à toute question que vous auriez.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame la Juge Mumba.

  8   Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Madame Brady, je voudrais être sûre de bien comprendre les arguments de

 10   l'Accusation au sujet d'un des facteurs qui permet éventuellement de faire

 11   la différence entre la responsabilité au titre de l'Article 7(1) d'une part

 12   et de l'Article 7(3) d'autre part. Si j'ai bien compris vos arguments, en

 13   particulier lorsque vous avez évoqué Radic et ses actes. Si j'ai bien

 14   compris, vous nous dites que pour que la responsabilité soit engagée au

 15   titre de l'Article 7(1) dans le type d'une entreprise criminelle commune de

 16   catégorie 2, celle qui est invoquée par l'Accusation, pour ce faire, il

 17   n'est pas nécessaire pour le Procureur de prouver qu'il y avait une

 18   relation de subordination parmi ceux dont on a constaté qu'ils avaient

 19   participé à cette entreprise. Est-ce que j'ai bien entendu vos arguments ?

 20   Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous avez tout à fait bien

 21   compris ce que j'ai voulu dire.

 22   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady, j'ai écouté avec

 23   beaucoup d'intérêt. Non, je vous prie de m'excuser. Je ne m'étais pas rendu

 24   compte que Mme la Juge Weinberg de Roca souhaitait poser une question.

 25   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Oui, merci. Une toute


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  1   petite question, Madame Brady. Peut-être cela n'est-il pas aussi important,

  2   mais quelle interprétation l'Accusation donne-t-elle à cette expression de

  3   "engloutie par l'obscurité" ?

  4   Mme BRADY : [interprétation] Quand j'ai lu le compte rendu d'audience,

  5   quand j'ai vu ce terme, je n'ai pas très bien compris de quoi il

  6   s'agissait. L'essentiel ici, c'était que rien de catastrophique n'est

  7   arrivé à ceux qui ont quitté le camp. C'était une façon un peu ambiguë

  8   d'exprimer ce fait, mais il semble, vu la question et vu la réponse posée à

  9   ce moment-là dans le compte rendu d'audience, que rien de bien

 10   catastrophique n'arrivait à ceux qui décidaient de quitter le camp.

 11   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci.

 12   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady, j'ai écouté avec

 13   intérêt vos arguments selon lesquels la Défense n'a pas établi que la

 14   Chambre de première instance n'avait pas été déraisonnable. J'imagine que

 15   tout le monde connaît le concept, selon lequel une Chambre d'appel n'annule

 16   pas une conclusion sur les faits de la Chambre de première instance,

 17   simplement parce que si elle-même avait été à la place de la Chambre de

 18   première instance, elle aurait eu une conclusion différente. La Chambre de

 19   première instance devrait conclure qu'aucun des Juges des faits

 20   raisonnables ne serait parvenu à la même conclusion que la Chambre de

 21   première instance. Devons-nous tenir compte des arguments fort intéressants

 22   de Me Fila, selon lesquels il ne pouvait pas vraiment regarder le président

 23   de la Chambre et lui dire : "Vous n'êtes pas raisonnable." J'ai trouvé là

 24   que c'était un argument très intéressant, et je me demande ce que vous en

 25   pensez.


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  1   Mme BRADY : [interprétation] Je pense, que cela revient à une

  2   interprétation du mot "déraisonnable" ou de raison. Vu la réponse qui a été

  3   donnée par Me Fila à votre question, j'ai compris que peut-être vu la

  4   manière dont cela a été traduit en serbe, en B/C/S, il m'a semblé que, dire

  5   que quelque chose est déraisonnable revient peut-être pour lui à dire que

  6   c'est quelque chose qui est entaché d'absurdité, qui remet en cause

  7   l'intégrité même de celui qui est arrivé à cette conclusion. Ce n'est

  8   nullement le critère qui est appliqué par la Chambre d'appel. En effet, il

  9   serait très difficile pour les Juges de la Chambre d'appel en annulant une

 10   décision rendue par les Juges en première instance, d'adopter ce genre de

 11   critère. Ce n'est pas du tout ce qu'on veut dire. Il ne s'agit pas d'un

 12   jugement qui manque de respect envers les Juges de la première instance.

 13   Ils l'avaient simplement dit qu'aucun Juge des faits raisonnables, sur la

 14   base des faits présentés, n'aurait pu arriver à cette conclusion. Qu'il y a

 15   un problème entraîné par la fiabilité des éléments de preuve sur lesquels

 16   s'est appuyée la Chambre de première instance, ou que la crédibilité du

 17   témoin est telle qu'aucun Juge des faits raisonnables n'aurait pu arriver à

 18   cette conclusion. Voilà je crois que je vais en rester là, plutôt que de

 19   continuer à m'embourber.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, Me Fila, m'a-t-il semblé

 21   soulever un argument fort intéressant. Mais si j'ai bien compris, quant à

 22   vous, vous nous dites qu'une telle remarque ne vise pas le Juge en

 23   question, mais la manière dont il accomplit ses fonctions de juge.

 24   Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait.

 25   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Puisque vous êtes encore debout,


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  1   Madame Brady, je vais vous poser une autre question. Je ne suis pas l'ordre

  2   chronologique des faits évoqué ici, je vais vous poser une simple question.

  3   Je ne suis pas en train d'affirmer quoique ce soit et, bien entendu, je

  4   parle sous le contrôle de mes collègues qui connaissent le système du droit

  5   romano-germanique et qui se trouve aussi bien dans le prétoire, dans la

  6   salle que parmi les Juges.

  7   Je pense qu'à l'Article 94(B) du règlement. Aux constats judiciaires,

  8   l'Article permet aux Juges de première instance de dresser un constat

  9   judiciaire au moyen de preuve admis par une autre Chambre du Tribunal. Vous

 10   avez parlé d'un accord de plaidoyer. Je crois que votre argument était que

 11   cette possibilité -- cette option n'était pas applicable, n'était pas

 12   envisageable quand il y avait accord de plaidoyer parce que, dans ces cas-

 13   là, il n'y a pas eu de fait qui ait été jugé, quand il y a eu accord de

 14   plaidoyer. Mais ne devrions-nous pas revenir à un des arguments présentés

 15   par un de vos confrères aujourd'hui, je crois qu'il s'agissait de M.

 16   Carmona, qui nous a dit que le Tribunal est une instance -- notre Tribunal

 17   est une instance hybride dans le cadre de la jurisprudence du Tribunal.

 18   Nous faisons feu de toute loi, et tout ce qui peut paraître se rapporter

 19   aux affaires que nous jugeons ici, en particulier, dans le droit romano-

 20   germanique et dans le système de "common law", est-ce que ce n'est pas

 21   quelque chose qu'il faudrait garder à l'esprit lorsqu'il en vient à

 22   discuter des accords de plaidoyer ?

 23   Puisque même dans le système de "common law", un accord de plaidoyer --

 24   même si un accord de plaidoyer n'entraîne pas une déclaration de

 25   culpabilité, il faut bien que les Juges soient arrivés à une conclusion. Il


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  1   y a eu décision de justice, d'abord il faut que le plaidoyer soit

  2   volontaire, soit fait sciemment, qu'il soit bien compris par l'accusé, et

  3   cetera. Peut-être en est-il de même dans le système romano-germanique, mais

  4   est-ce qu'il n'est pas vrai que ce système -- dans ce dernier système, on

  5   va même un peu plus loin ? Puisque l'on dit en l'essence : "Un plaidoyer de

  6   culpabilité n'est pas aussi définitif, n'a pas la finalité que l'on peut

  7   lui attribuer dans un système de 'common law'. Il s'agit simplement d'un

  8   élément de preuve de quelque chose qui peut être utilisé par la Chambre au

  9   moment de se prononcer." Même s'il en est ainsi, et là, bien entendu, je

 10   suis prêt à me corriger, et je parle sous le contrôle de mes collègues qui

 11   viennent de système de droit romano-germanique, est-ce que nous ne devrions

 12   pas garder cela à l'esprit ? Parce qu'il me semble que, sur le plan de la

 13   procédure, le Tribunal, dans ce contexte, sur ce point précis, a suivi un

 14   modèle plutôt romano-germanique, que "common law". Pour un plaidoyer de

 15   culpabilité qui est considéré uniquement comme l'un des éléments à prendre

 16   en compte, est-ce que ce n'est pas un fait jugé, mais plutôt quelque chose

 17   dont une autre Chambre aurait au titre de l'Article 94 (B) peut dresser

 18   constat judiciaire ? Mais peut-être que je me trompe complètement.

 19   Mme BRADY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Le Tribunal est

 20   une instance complètement hybride, et je comprends bien les différences

 21   entre le système romano-germanique et le système de "common law". En

 22   "common law", on ne suit pas aveuglément le plaidoyer de culpabilité, mais

 23   on étudie moins à fond peut-être les éléments de preuve pour s'assurer que

 24   le plaidoyer de culpabilité vaut. On ne considère pas qu'il s'agisse

 25   simplement d'un des éléments de la procédure.


Page 450

  1   Quoiqu'il en soit, mais lorsqu'il s'agit dans un jugement, d'arriver à des

  2   conclusions définitives sur la base d'un plaidoyer de culpabilité, la

  3   Chambre de première instance, bien entendu, doit être satisfaite que ce

  4   soit dans un système romano-germanique ou "common law". La Chambre de

  5   première instance doit être convaincue que le meurtre en question -- que le

  6   viol en question a effectivement eu lieu, même s'il y a eu plaidoyer de

  7   culpabilité. La Chambre doit, de toutes les manières, être convaincue sur

  8   la base des faits de l'affaire, que ces crimes ont bien eu lieu. Mais je

  9   crois qu'il y a une différence entre quand un élément est laissé de côté,

 10   au moment de prononcer la peine, après plaidoyer de culpabilité parce qu'il

 11   y a un bon nombre d'éléments qui auraient pu être avancés par l'Accusation,

 12   ou la Défense au moment de déterminer le plaidoyer de culpabilité, et

 13   l'accord de plaidoyer.

 14   Mais le fait est que nous ne savons pas, et c'est la raison pour laquelle

 15   il est un petit peu dangereux de se reposer sur les accords de plaidoyer,

 16   de s'appuyer sur les accords de plaidoyer et en en rendrait son constat

 17   judiciaire, nous ignorons sur la base de ces accords de plaidoyer, ce que

 18   l'on a laissé de côté. On sait ce qu'il contienne, mais pas ce qui est

 19   laissé de côté. Un exemple pour revenir à l'affaire en l'espèce. Dans

 20   Sikirica, nous ignorons pourquoi la Chambre de première instance n'a pas

 21   tenu compte de ce viol, et je pense que là, on risque de faire des

 22   supputations. On peut se demander en terme tout à fait familier, mais quel

 23   problème avait-il ? Quel était leur problème avec ce Témoin K ? Est-ce

 24   qu'ils ont considéré que c'était un témoin qui n'était pas fiable ? Est-ce

 25   qu'il y avait des problèmes au niveau de l'identification ? Ou est-ce que


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  1   le problème était beaucoup plus fondamental, et avait trait à la

  2   crédibilité de ce témoin ? Nous n'en savons absolument rien, et je pense

  3   que là il est un petit peu dangereux de s'appuyer que ce soit en système de

  4   "common law" ou de système romano-germanique. Il est dangereux de s'appuyer

  5   sur un accord de plaidoyer.

  6   D'autre part, je ne sais pas si, dans le premier point de votre question,

  7   vous abordiez un point quelque peu différent, mais pourquoi la Chambre

  8   d'appel -- puisque nous sommes dans un système hybride, pourquoi est-ce que

  9   la Chambre d'appel ne pourrait pas s'inspirer des conclusions rendues par

 10   les Chambres de première instance, d'en dresser constat ? Il me semble que

 11   c'est la nature de votre question. Or, nous, nous estimons qu'il faut

 12   adopter la procédure 94 bis; sinon, on n'a une Chambre d'appel qui en joue

 13   un rôle collectif, en permettant de présenter de nouveaux éléments au

 14   moment de l'appel, et on peut imaginer qu'à ce moment-là, que la Chambre

 15   d'appel dise oui, mais dans tel jugement on a rendu telle ou telle

 16   conclusion au sujet de tel ou tel témoin ou de tel ou tel fait. Je pense

 17   qu'il faut faire preuve de prudence. Je ne suis pas opposée à l'utilisation

 18   de constat judiciaire, mais je pense qu'il est important de faire preuve de

 19   beaucoup de prudence.

 20   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que ce que vous vous

 21   voulez dire, de manière si intéressante, ne signifie pas qu'une telle

 22   affaire n'exclut pas l'application de l'Article 94(B) sur le principe,

 23   c'est possible au contraire, mais en évaluant avec beaucoup de précaution,

 24   l'importance qu'il convient d'accorder à ce qui sera admis en vertu de cet

 25   Article 94 (B). En d'autres termes, est-ce qu'un accord de plaidoyer dans


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  1   votre affaire -- dans notre affaire, peut être considéré comme ayant plus

  2   une valeur de preuve que dans un système de "common law", où un accord de

  3   plaidoyer a une valeur beaucoup plus définitive ?

  4   Mme BRADY : [interprétation] Peut-être. Je ne vois pas comment on peut

  5   ainsi surmonter la question essentielle qui est celle de l'évaluation des

  6   éléments de preuve. Comment y procéderiez-vous ?

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous avez peut-être raison en

  8   effet. Merci.

  9   Oui, Maître Fila.

 10   M. FILA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne souhaite pas

 11   prendre trop de temps, je répondrais demain. Il y a un point que je

 12   souhaite éclaircir. Je ne sais pas où mon éminente consoeur a déclaré que

 13   Radic craignait que ses enfants soient appelés sous les drapeaux car, à

 14   l'époque, ses enfants avaient cinq et dix ans. Je ne sais pas, il doit

 15   s'agir d'une erreur, ce n'est pas quelque chose qui a pu être dit par Radic

 16   car ses enfants étaient très jeunes à l'époque.

 17   Le deuxième point que je souhaite aborder porte sur le terme : "Etre

 18   englouti par l'obscurité." En B/C/S, cela signifie que l'on meurt.

 19   Lorsqu'on dit à quelqu'un que l'on va être englouti par l'obscurité, cela

 20   signifie que l'on va être tué, que l'on va disparaître sans laisser de

 21   trace, tel est le sens de cette expression. Avec tout le respect que je

 22   vous dois, je ne sais pas où mon éminente consoeur a trouvé

 23   l'interprétation de cette expression. Si une telle interprétation existe,

 24   peut-être que cela vient de moi ou de vous.

 25   Mais quoi qu'il en soit, c'est impossible si vous regardez le dossier, vous


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  1   constaterez bien que ses enfants avaient cinq et dix ans, et que même les

  2   Serbes n'appellent pas les enfants sous les drapeaux à cet âge-là.

  3   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup,

  4   Maître Fila. Nous allons lever l'audience maintenant pendant 30 minutes.

  5   --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

  6   --- L'audience est reprise à 16 heures 02. 

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady.

  8   Mme BRADY : [interprétation] Oui. Très brièvement, je vous prie, Mesdames,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Je souhaite simplement apporter une correction au niveau du compte rendu

 11   d'audience. J'ai mentionné un certain nombre de pages. Il s'agissait non

 12   pas du compte rendu, en tant que tel, mais d'un compte rendu préalable. Il

 13   y avait quatre arguments présentés par Me Fila que j'ai intégré dans mes

 14   arguments cet après-midi, ces quatre arguments, que j'ai présentés, à

 15   savoir, ceux qui portaient sur les commentaires de Me Fila, sur les menaces

 16   d'être enrôlé dans l'armée, d'être tué. Le commentaire général sur le viol

 17   pendant la guerre et les deux commentaires portant sur le Témoin K. On peut

 18   trouver ces références entre les pages 209 à 211 du compte rendu d'audience

 19   officiel, simplement pour les besoins du compte rendu d'audience pour que

 20   ceci soit enregistré.

 21   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup,

 22   Madame Brady.

 23   Qui souhaite prendre la parole du côté de l'Accusation maintenant ?

 24   M. RE : [interprétation] Oui. Je souhaite prendre la parole, Mesdames,

 25   Messieurs les Juges.


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  1   Je souhaite surtout aborder les éléments, les faits avancés par l'appelant,

  2   M. Zigic. Les motifs d'appel commun de l'appelant ont été présentés de

  3   façon tellement complète que je ne peux pas ajouter grand-chose aux motifs

  4   d'appel présentés par M. Zigic.

  5   Il est important, lorsque l'on parle de l'appel, de M. Zigic de clairement

  6   exposer ou rappeler aux parties et, encore une fois, la Chambre d'appel

  7   doit savoir qu'il y a un critère en matière d'appel et lorsque la Chambre

  8   d'appel entend l'appel de M. Zigic. Il est important de comprendre ce qui

  9   se passe. Je souhaite rappeler à la Chambre d'appel ainsi que le conseil de

 10   M. Zigic qu'une insatisfaction, eu égard aux conclusions tirées par une

 11   Chambre de première instance ne constitue pas un motif d'appel suffisant.

 12   Un appelant et M. Zigic, ici, en l'instance, doit clairement mettre le

 13   doigt sur l'erreur de fait qu'ils allèguent. L'appelant doit établir que

 14   cette erreur est tout à fait essentielle au prononcé du verdict.

 15   L'erreur de fait doit être telle qu'elle provoque une erreur judiciaire et

 16   conduit à une erreur judiciaire à tel point que la Chambre d'appel soit

 17   obligée d'intervenir de façon à abandonner une conclusion dans le verdict

 18   tel que cela a été le cas dans l'affaire Kunarac, et la Chambre d'appel, au

 19   paragraphe 39. Il ne s'agit pas de rouvrir un procès. Lorsqu'on fait peut-

 20   être les différents arguments présentés, ceci n'est pas matière à présenter

 21   à la Chambre d'appel.

 22   La répétition des arguments ou si on demande à ce que les éléments de

 23   preuve soient réexaminés, c'est ce qu'on appelle une audition de novo, une

 24   réouverture du procès, à savoir, sur les différents témoignages devant la

 25   Chambre de première instance, les éléments qui ont été présentés, mais cela


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  1   ne constitue pas l'objet d'un appel.

  2   La Chambre de première instance, en tant que Juges du fait, et dans la

  3   meilleure position possible, pourra apprécier les éléments de preuve

  4   présentés. Les éléments de preuve sont entendus devant cette Chambre. Je

  5   cite ici dans l'affaire Kunarac, au paragraphe 39, qui adopte la décision

  6   prise par la Chambre d'appel dans le cadre de l'affaire Kupreskic, et je

  7   cite cette décision dans son intégralité : "La Chambre de première

  8   instance, par conséquent, accorde une marge quant aux conclusions établies

  9   sur les faits auxquelles est arrivée la Chambre de première instance. Ce

 10   n'est que lorsque les éléments de preuve, sur lesquels se repose la Chambre

 11   de première instance, qui  n'ont pas été complètement acceptés par un

 12   Tribunal raisonnable ou, si l'appréciation de ces éléments de preuve sont

 13   considérés comme "étant erronés", que la Chambre d'appel intervient et, à

 14   ce moment-là, rend ses propres conclusions."

 15   Je cite ceci car j'ai entendu les arguments de l'appelant, les arguments

 16   présentés oralement hier. Il semble, en tout cas, à l'Accusation qu'il

 17   s'agisse là d'une tentative visant à rouvrir le débat sur un certain nombre

 18   de points qui ont déjà été entendus. Bien sûr, ceci n'est pas possible. La

 19   Chambre de première instance, bien sûr, a entendu tous les témoins, a

 20   entendu les questions posées par les différentes parties et la Défense a eu

 21   la possibilité d'assurer le contre-interrogatoire et de poser des questions

 22   au bon nombre de témoins.

 23   La Chambre de première instance, bien sûr, a apprécié les éléments entendus

 24   et ensuite, la Chambre de première instance est parvenue à une décision

 25   motivée après un certain temps. Cette décision, d'après nous, est une


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  1   décision qui a été prise et qui doit être maintenue.

  2   Dans les arguments hier, M. Stojanovic, le conseil de M. Zigic, a présenté

  3   comme un argument qui pourrait être décrit comme argument à caractère

  4   politique. Nous comprenons fort bien ceci, mais nous le laissons du côté.

  5   Il semble dire ou impliquer que les Croates et les Musulmans ont

  6   véritablement provoqué ce qui s'est passé à Omarska, Trnopolje et Keraterm

  7   parce qu'ils n'ont pas voulu rester et voter en faveur d'une intégration à

  8   l'Yougoslavie. Son argumentation semble indiquer qu'il souhaite redéfinir

  9   le terme de persécution. Cela s'éloigne du sens qu'on donne à l'Article 5

 10   du statut parce que M. Stojanovic a, ensuite, précisé que la persécution à

 11   caractère politique est une forme de persécution moins grave. Il semble

 12   impliquer puisque cela semble être accordé par la suite qu'il s'agissait là

 13   de gens qui ne souhaitaient pas voter en faveur de maintien dans l'état

 14   yougoslave.

 15   Bien sûr, je souhaite rappeler à la Chambre d'appel que l'Article 5

 16   interdit toute fin de persécution sur des bases raciales, religieuses, ou

 17   politiques, qu'aucun argument ne semble indiquer qu'il y a un rôle plus au

 18   moins grand dans cette catégorisation de la persécution. Quoi qu'il en

 19   soit, la persécution dans la région de Prijedor et, en particulier,

 20   Omarska, Keraterm et Trnopolje était bien évidemment fondée sur ces trois

 21   éléments. D'après les arguments de l'Accusation, il n'est possible, ni

 22   désirable de tenter de les distinguer.

 23   L'appelant a été condamné sur la base de sa contribution très significative

 24   aux crimes terribles commis à Omarska, au camp de détention à Prijedor en

 25   1992. Dans les arguments présentés oralement hier, le grief avancé semblait


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  1   indiquer que l'acte d'accusation semblait porter sur des allégations, et

  2   sur une période de trois mois, ce qui est effectivement le cas, la Chambre

  3   de première instance a conclu de façon motivée sur les faits, et les crimes

  4   qui ont été commis sur différentes, sur la période allant du 24 mai au 30

  5   août 1992.

  6   Ces les conclusions auxquelles sont parvenus la Chambre de première

  7   instance portaient sur différents incidents qui se sont produits entre la

  8   fin du mois de mai et le début du mois d'août 1992. Cette pratique, elle

  9   consiste à accuser quelqu'un de cette façon n'est pas du tout inapproprié,

 10   c'est tout à fait normal. Lorsqu'il s'agit d'une entreprise criminelle

 11   commune, nous ne pouvons pas procéder différemment puisqu'il s'agit d'une

 12   période bien définie. L'Accusation avance qu'il s'agissait bien de cette

 13   période-là.

 14   M. Rashid ce matin de façon très complète a essayé de donner une définition

 15   de l'entreprise criminelle commune, et en particulier de la décision en

 16   appel dans l'affaire Tadic. M. Stojanovic hier au nom de M. Zigic, j'ai

 17   quelques difficultés à comprendre où il voulait en venir. Il a présenté ses

 18   griefs et a parlé de la définition de l'entreprise criminelle commune. Je

 19   cite : "De façon incohérente, contradictoire et inadmissible, nous avons

 20   véritablement l'impression que la Chambre de première instance a compris

 21   qu'il s'agissait là d'un acte distinct, qu'il ne semble pas figurer dans le

 22   statut, ni les règles de procédure du Tribunal." Je ne vais pas aborder les

 23   questions déjà abordées par Mme Brady et Mme Rashid puisque ceci a déjà été

 24   abordé dans le détail, mais, comme tous les motifs avancés par l'appelant,

 25   M. Zigic ne semble pas dire à cette Chambre quelles sont les erreurs que la


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  1   Chambre avait commises. Il semble que, d'après l'interprétation que nous en

  2   faisons, il semble que les moyens présentés par la Défense disent que M.

  3   Zigic était à Omarska pendant une demi-heure seulement, et un seul jour.

  4   Par conséquent, la Chambre de première instance a dû commettre une erreur

  5   en constant qu'un acte distinct s'était produit, qu'il ne figure pas dans

  6   le statut du Tribunal. Nous pensons que ceci est l'interprétation juste.

  7   Néanmoins, si la Chambre de première instance a constaté à l'encontre de M.

  8   Zigic et ceci est l'élément important qu'il était à M Omarska et combien il

  9   était à Omarska, ce qu'il a fait, l'appelant, M. Zigic, ne peut pas

 10   démontrer qu'une erreur a été commise.

 11   Si nous passons au rôle qu'il a joué dans l'entreprise criminelle commune,

 12   il s'agissait là d'une entreprise criminelle commune déployée de façon

 13   systématique comme la Chambre de première instance l'a constaté au

 14   paragraphe 323 (c), je cite : "Une entreprise criminelle commune permet de

 15   discriminer contre eux -- contribue à discriminer ou, sinon, à soumettre

 16   des mauvais traitement des non-Serbes de Prijedor, ce qui permettait de

 17   débarrasser du territoire les non-Serbes."

 18   La Chambre de première instance poursuit, au paragraphe 324, à propos de la

 19   connaissance de  M. Zigic et son intention délictueuse à l'égard de -- de

 20   sa contribution à cette entreprise criminelle commune : "Toute personne,

 21   qui travaillait de façon régulière, ou qui visitait le camp d'Omarska de

 22   façon régulière, devait savoir que des crimes aient été commis de façon

 23   généralisée dans l'ensemble du camp."

 24   Maintenant, que la Chambre de première instance a constaté que M. Zigic

 25   faisait -- tombait dans cette catégorie, que c'était quelqu'un qui


Page 459

  1   travaillait régulièrement dans ce camp ou qui s'y rendait régulièrement

  2   dans ce camp d'Omarska, bien sûr il s'agit de quelqu'un qui rendait visite

  3   régulièrement. A ce moment-là, cette personne contribue au système et c'est

  4   là l'élément important. C'est le fondement ici de la responsabilité que

  5   l'on peut imputer à l'accusé, et ceci est que Mme Rashid a clairement

  6   souligné dans son argumentation ce matin.

  7   Bien sur, il s'agit là d'une forme tout à fait systématique d'une

  8   entreprise criminelle commune et d'un système de persécution au camp de

  9   détention. Dans ce système, les crimes évidemment sont importants si on

 10   veut établir qu'il y a l'existence d'un système de persécution. Dans ce

 11   cas-ci, précisément, la Chambre de première instance a pu utiliser et a

 12   même utilisé les crimes de M. Zigic qu'il a commis à Omarska pour constater

 13   que ce système de persécution existait réellement.

 14   Bien évidemment, les arguments de l'appelant s'écroulent si la Chambre de

 15   première instance constate comme cela a été le cas qu'il a séjourné plus

 16   d'une demi-journée, un jour en particulier dans ce camp. Comme Mme Rashid

 17   l'a précisé ce matin, la durée de la contribution d'une personne n'est pas

 18   forcément un facteur déterminant quant à la contribution de cette personne

 19   en question. Les crimes que la Chambre de première instance ont été commis

 20   par -- a constaté que la Chambre de première instance a reconnu avoir été

 21   commis par M. Zigic à Omarska comme faisant partie d'une entreprise

 22   criminelle commune. Ces crimes ont été suffisamment graves et auraient pu

 23   être commis dans une entreprise criminelle commune. Comme Mme Rashid l'a

 24   précisé et moi-même, une telle entreprise criminelle commune repose sur des

 25   personnes comme M. Zigic, repose sur des meurtriers, repose sur des


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  1   personnes qui torturent les autres. Une entreprise criminelle commune qui a

  2   pour but de persécuter, et qui fonctionne comme un système qui permet de

  3   débarrasser le territoire, comme a constaté la Chambre de première

  4   instance, où repose sur ce niveau de peur et de pression, et des personnes

  5   comme M. Zigic qui en assurent la commission.

  6   Mais, encore une fois, Mme Rashid a évoqué ce point ce matin, comme dans

  7   tout autre entreprise criminelle commune, qui a pour but de persécuter un

  8   certain nombre de personnes, il n'est pas utile de détailler tous les

  9   crimes dans un camp de détention pour faire valoir l'entreprise criminelle

 10   commune. Il ne s'agit pas d'une forme systématique, mais systémique. Dans

 11   une entreprise criminelle commune, un participant ne pourrait pas être au

 12   courant de tous les crimes commis pendant 24 heures dans un camp. Si

 13   quelqu'un participe à ces crimes, il suffit et connaissance d'un certain

 14   nombre de crimes, qui ont été commis à cet endroit-là, ce qui est le cas de

 15   M. Zigic, puisqu'il se rendait régulièrement à Omarska. Les actes qu'il a

 16   commis là sont particulièrement importants. Je crois qu'il ne faut pas

 17   perdre de vue du fait qu'il était à Omarska et qu'il commettait les mêmes

 18   actes. Quelquefois, à Keraterm, il s'agissait des mêmes victimes souvent et

 19   ce camp se situait non loin de là.

 20   Si nous abordons la question de sa participation et de visites qu'il a

 21   faites aux 200 griefs, en vertu de quoi il ne s'est trouvé qu'une seule

 22   fois pendant une demi journée, il faut regarder les conclusions de la

 23   Chambre de première instance. Hormis, les conclusions qui se reposent sur

 24   le Témoin T, le 11 et le 12 juin 1992, la Chambre de première instance a

 25   constaté qu'il s'est livré à la torture le 10 juin contre AJ, Asef


Page 461

  1   Kapetanovic et AK.

  2   De surcroît, les dépositions présentées par ces témoins et les

  3   confirmations de ces témoins sur ces activités ces jours-là, la Chambre de

  4   première instance a également entendu le témoignage du Témoin Oklopcic, à

  5   la page 1900, du compte rendu d'audience. Lorsque mon éminent confrère, M.

  6   Stojanovic a demandé à M. Zigic combien de fois il se rendait à Omarska, M.

  7   Zigic a répondu : M. Zigic, Timarac et Dusko Knezevic se rendaient au camp

  8   d'Omarska et y restaient ensemble.

  9   M. Stojanovic a insisté. Combien de fois avez-vous vu Zigic dans le camp

 10   d'Omarska ? La réponse, à la page suivante, 1901,

 11   était : "Au moins dix fois et deux ou trois fois à Trnopolje."

 12   Le témoin poursuivait : "Je dois vous dire que c'était divertissant lorsque

 13   Zigic, Timarac et Dusko arrivaient parce qu'ils pouvaient voir quelque

 14   chose que l'on ne pouvait même pas voir dans des films. Lorsque Zigic se

 15   mettait à battre Rezak ou Began ou quelqu'un d'autre, tous les autres

 16   gardes venaient regarder. Ils notaient ce qui se passait."

 17   La Chambre de première instance avait des éléments de preuve suffisamment

 18   clairs, des visites régulières faites par M. Zigic au camp de détention

 19   d'Omarska.

 20   Pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune, la perpétration qu'elle

 21   soit physique ou directe d'un crime grave constitue une entreprise

 22   criminelle commune et sa contribution est significative. La Chambre de

 23   première instance a constaté ceci au paragraphe 300. L'intimé précise ici

 24   que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur après avoir

 25   entendu tous les éléments de preuve sur lequel a été fondé cette conclusion


Page 462

  1   et l'appelant n'a pu démontrer aucune erreur. Les contributions de Zigic

  2   étaient significatives parce qu'il a contribué directement aux crimes qui

  3   étaient de persécuter les non-Serbes. Il s'agissait d'un objectif commun.

  4   Cela porte directement sur l'intention délictueuse, de l'intention

  5   discriminatoire, de l'intention coupable requise et de savoir s'il était un

  6   complice ou co-auteur.

  7   L'exemple fourni par Mme Rashid, ce matin, lorsqu'elle a cité quelqu'un qui

  8   est entré dans le camp d'Omarska à pied, qui a pris connaissance du climat

  9   d'impunité qui y régnait et qui, à une autre occasion, a tué quelqu'un de

 10   façon tout à fait délibérée. Dans son argumentation, elle a indiqué que

 11   cette contribution était une contribution directe et significative et que

 12   cela favorisait l'entreprise criminelle commune et la seule conclusion que

 13   l'on pouvait en tirer, c'est que cette personne était d'accord avec le

 14   système. M. Zigic, bien évidemment, va beaucoup plus loin que cela. Vous

 15   avez les meurtres, vous avez la torture, vous avez les passages à tabac et

 16   vous avez ces visites répétées.

 17   La Chambre de première instance est tout à fait en droit de constater,

 18   comme elle l'a fait au paragraphe 610, que Zigic a fait une contribution

 19   significative et que c'était un participant significatif et qu'il "a

 20   participé de façon agressive et enthousiaste à la persécution des non-

 21   Serbes à Omarska."

 22   L'Accusation souligne que son degré de participation était important,

 23   c'était régulier, volontaire, et voir même enthousiaste. Plus loin, pour ce

 24   qui est de la question ou l'intention délictueuse, et que la Chambre de

 25   première instance n'est pas fait ceci. Il n'y a aucune raison, en principe,


Page 463

  1   pour ne pas avoir utilisé les éléments de preuve portant sur les crimes de

  2   persécutions commis à Keraterm et Trnopolje dans la même période plaidée

  3   dans l'acte d'accusation pour confirmer qu'il s'agissait là d'une

  4   contribution significative à l'entreprise criminelle commune en vue de

  5   persécuter les non-Serbes à Omarska.

  6   La Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur en constatant que

  7   son intention discriminatoire, fondé sur les mauvais traitements des non-

  8   Serbes, des insultes, accompagnés de violence extrême ainsi que la

  9   répétition de tout ceci indique clairement qu'il y avait une intention

 10   délictueuse et une intention discriminatoire dans sa constatation, qu'il

 11   s'agissait là d'une participation significative à l'entreprise criminelle

 12   commune en vue de persécuter.

 13   Je vais passer maintenant de l'élément général à des questions plus

 14   détaillées. Je vais parler de quelques-uns des motifs que mon éminent M.

 15   Stojanovic a abordés hier. La première, il s'agit du meurtre. Je vais

 16   aborder ces points dans le même ordre que lui.

 17   Le premier point, il s'agit du meurtre de Becir Medunjanin. L'Accusation ou

 18   l'intimé a couvert les éléments de preuve présentés devant la Chambre par

 19   les deux parties et l'analyse de la Chambre de première instance s'est

 20   fondée sur les raisons avancées par l'appelant qui a démontré qu'aucune

 21   erreur de faits ou de droit ne pourrait intervenir dans le prononcé du

 22   verdict. Je ne vais pas aborder cette question pour l'instant pour la

 23   simple et bonne raison que la question des témoins supplémentaires est

 24   toujours en suspens et l'Accusation préfèrerait présenter d'autres

 25   arguments sur ce point-là. Si cette question n'est pas résolue et si


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  1   l'Accusation n'est tout à fait disposée à déposer d'autres arguments par

  2   écrit quant à l'incidence qui pourrait avoir ces éléments de preuve sur le

  3   verdict.

  4   Le point suivant est celui du meurtre de Emsud Bahonjic. Encore une fois,

  5   nous avons le mémoire en appel de l'intimé. Nous avons abordé cette

  6   question très en détail, aux paragraphes 749 jusqu'à 772 [comme

  7   interprété]. Néanmoins, dans notre argument oral hier, notre grief était le

  8   suivant, je cite : "l'appelant n'accepte pas que les charges de meurtre

  9   d'Emsud Bahonjic, qu'il y ait eu procès." Un peu plus loin, je cite : "Nous

 10   sommes maintenant dans une situation en somme où nous avons, pour une

 11   première fois, le procès pour Emsud Bahonjic."

 12   Comme j'ai soulevé cette question dès le départ, ceci illustre le point de

 13   vue de l'Accusation. Il s'agit là d'un malentendu ou d'une mauvaise

 14   compréhension de ce que signifie un appel. Il ne s'agit pas de réouverture

 15   de débats, ni de rouvrir un procès. Il ne s'agit pas ici d'ouvrir un procès

 16   à cause du meurtre d'Emsud Bahonjic, que ce soit un point purement

 17   rhétorique ou non. La question véritable qui se pose, c'est de savoir si

 18   une personne raisonnable ou une Chambre de première raisonnable ou un

 19   Tribunal aurait pu parvenir à ce type de décision.

 20   Les éléments de preuve ont clairement indiqué que Bahonjic est décédé à la

 21   suite de son retour de l'hôpital après avoir été passé à tabac de façon

 22   très violente et l'appelant, M. Zigic, a participé à ce passage à tabac. La

 23   Chambre de première instance a entendu les éléments de preuve et a pu

 24   constater et a, effectivement, constaté au-delà, de tout doute raisonnable,

 25   que M. Zigic a participé à ces passages à tabac et qui a provoqué la mort


Page 465

  1   de cet homme. Des éléments de preuve ont été fournis par trois témoins. La

  2   Chambre de première instance a entendu tous ces éléments, a apprécié ces

  3   éléments de preuve, a pris sa décision, et a déclaré qu'il était coupable

  4   en raison de cela. L'argument de l'appelant semble indiquer qu'il y avait

  5   un certain nombre de témoins d'un côté et de l'autre, que s'ils avaient

  6   présenté davantage de témoins, ils auraient peut-être gagné. et la Chambre

  7   de première instance ne nous aurait pas condamnés.

  8    Je souhaite rappeler à la Chambre d'appel, que la Chambre d'appel sait

  9   certainement qu'il ne s'agit d'une question de chiffres. Il ne s'agit pas

 10   de présenter des éléments d'une part et de l'autre et des les peser.

 11   Le point suivant que je souhaite aborder, c'est celui du meurtre de Drago

 12   Tokmadzic. La Chambre de première instance a entendu le Témoin KV1 mardi.

 13   Ce qui est important, c'est de citer ici, l'arrêt Kupreskic au paragraphe

 14   75, après avoir entendu les éléments de preuve supplémentaires, si

 15   l'appelant a établi qu'aucun Tribunal raisonnable du fait ait pu arriver à

 16   cette conclusion de culpabilité basée sur les éléments de preuve présentés

 17   à la Chambre de première instance, de même que les éléments de preuve

 18   supplémentaires versés au moment du procès en appel.

 19   Pour pouvoir présenter mes arguments, je dois maintenant aborder la

 20   question des éléments de preuve supplémentaires, et voir si on peut

 21   effectivement les faire valoir à ce stade-ci de la procédure. Le Témoin KV1

 22   est venu déposer l'autre jour. Sa déposition s'est fondée sur la pièce à

 23   conviction Pa1. Il s'agit d'une photographie du passage à tabac qui s'est

 24   produit à l'extérieur de la pièce numéro 4. Pendant le procès, M. Edin

 25   Ganic a déposé au sujet de ce qu'il a décrit comme étant un passage à tabac


Page 466

  1   de la personne décédée, Drago Tokmadzic. L'Accusation affirme qu'il

  2   apparaît clairement, si vous vous penchez sur le compte rendu d'audience

  3   pendant la déposition de M. Ganic, qu'il se réfère au passage à tabac de

  4   Drago Tokmadzic la même nuit, mais nous pensons qu'il s'agit d'un endroit

  5   légèrement différent. Parce que ce qu'il décrit, c'est la zone qui se situe

  6   vers le dépôt d'ordures, vers la bordure du camp. J'ai posé cette question

  7   très précisément au Témoin KV1, mardi. Le Témoin KV1 a répondu qu'il se

  8   trouvait à peu près à 30 ou 40 mètres de distance.

  9   L'intimé estime qu'il y a la possibilité que deux passages à tabac de Drago

 10   Tokmadzic se sont produits cette nuit-là. Un premier passage à tabac à

 11   l'extérieur de la porte de la pièce numéro 4, et un autre, comme décrit par

 12   le témoin Ganic, qui a dit qu'il est sorti de la pièce numéro 1, qu'il est

 13   passé devant les pièces 1, 2, 3 et 4, dans cette zone de camp où M. Zigic

 14   attendait. Ce deuxième passage à tabac de M. Tokmadzic s'est produit à cet

 15   endroit. L'Accusation estime que la Chambre d'appel doit évaluer et

 16   apprécier les deux versions, les comparer. Si la Chambre d'appel est

 17   convaincue que les deux sont compatibles, que la Chambre de première

 18   instance aurait pu arriver à la même conclusion après avoir entendu la

 19   déposition de KV1 et, en gros au fond, corrobore la déposition du Témoin Y,

 20   la question que vous devez vous poser, est de savoir si vous pouvez

 21   toujours arriver à la déclaration de culpabilité.

 22   Aussi nous attirons l'attention de la Chambre d'appel à la déposition au

 23   sujet de la personne qui s'appelait Jovo, la déposition du Témoin Y disant

 24   que Jovo a été tué la veille, la nuit précédente. Bien entendu, cela s'est

 25   passé devant la Chambre de première instance. La question est de savoir si


Page 467

  1   la Chambre d'appel est convaincue après avoir étudié, examiné ce que dit M.

  2   KV1 au sujet de Jovo, à savoir qu'il a été passé à tabac cette nuit-là, ou

  3   qu'il est mort cette nuit-là, et Ganic qui déclare qu'il est mort cette

  4   nuit-là, mais le Témoin Y disant que c'est une autre nuit que s'est produit

  5   sa mort. Etes-vous toujours convaincus que la déclaration de culpabilité

  6   doit être maintenue ?

  7   L'Accusation ajoute au sujet de certains propos, M. le Juge Shahabuddeen a

  8   posé des questions au KV1 à ce sujet, à savoir,  est-ce que vous êtes

  9   convaincus que la Chambre de première instance a correctement apprécié les

 10   mots "achevez-le," entendant que lui c'est Drago Tokmadzic. Ces mots ont

 11   été utilisés dans une situation où il était en train d'être passé à tabac.

 12   Est-ce que vous êtes convaincus que c'est exact de la part de la Chambre de

 13   première instance, d'évaluer ceci de la manière dont elle l'a fait. Nous

 14   ajoutons que la seule déduction que l'on puisse faire, compte tenu des

 15   circonstances de ce grave passage à tabac, que lorsque l'on dit "achevez-

 16   le," cela ne peut signifier qu'il faut poursuivre le passage à tabac, afin

 17   de tuer la personne ou au bien continuer à passer à tabac la personne qui

 18   est dans un tel état, que le passage de tabac poursuivi, entraînera sa

 19   mort.

 20   Je passe à présent à un autre point. Je passe aux motifs 20, et 21, il

 21   s'agit d'Abdulah Brkic, et il s'agit du fait d'avoir aidé et encouragé la

 22   torture de ces personnes. Hier, Me Stojanovic a dit à la Chambre d'appel et

 23   je cite ses propos, que la déclaration de culpabilité ne peut être

 24   maintenue que sur la base de la déposition d'un seul témoin, Abdulah Brkic

 25   lui-même, qu'il n'y a pas d'élément de preuve qui corrobore sa déposition."


Page 468

  1   Cependant, Brkic lui-même, et là, je vais citer ses propres propos, a dit :

  2   "Zigic n'a jamais porté la main sur moi, il ne m'a jamais fait de mal."

  3   C'est ce que nous lisons en page 4882, du compte rendu d'audience.

  4   C'est ce que Me Stojanovic a déclaré devant cette Chambre d'appel, hier.

  5   Ce qui pose problème dans ces propos, et là, c'est plutôt la page 4486, que

  6   j'ai citée. Le problème que pose cet argument, si vous vous penchez sur un

  7   compte rendu d'audience, c'est qu'il est dit que M. Zigic se rend dans la

  8   pièce numéro 1. C'était une pièce où étaient Knezevic, Timarac et d'autres

  9   détenus non-Serbes qui cherchaient Fajzo, qui nous a menacé de nous tuer,

 10   tous, je cite : "Si on ne disait pas où il était." Monsieur Brkic, par la

 11   suite, décrit un incident de torture à l'encontre de Fajzo, lorsque Zigic

 12   se penchait sur Fajzo et que Knezevic était en train de le passer à tabac.

 13   Cela s'est passé à Keraterm. Je cite les pages 4489, et 91. C'est

 14   l'incident pour lequel il a été déclaré coupable, qui s'est produit à

 15   Omarska. Lorsque Me Stojanovic dit que Zigic ne lui a jamais fait aucun

 16   mal, il se réfère à un autre camp, à Keraterm. Ce n'est pas de cela qu'il a

 17   été déclaré coupable, c'est Omarska. Encore une fois,

 18   Me Stojanovic n'a jamais contesté pendant le contre-interrogatoire le récit

 19   que M. Brkic a fait de ce qui s'est passé. Il s'en plaint maintenant.

 20   L'Accusation estime que ce motif d'appel est totalement infondé. Un autre

 21   point concernant les témoins AK, AJ, Asef Kapetanovic et Emir Beganovic. En

 22   particulier, pour ce qui est d'Asef Kapetanovic et le motif 24. La Défense,

 23   dans ses arguments exposés verbalement hier, a déclaré qu'il n'y a pas de

 24   moyens de preuve, qu'il a fait ce qu'il a fait, afin de discriminer AK en

 25   tant que Musulman. Ce n'était pas un élément de torture. A l'opposé, il l'a


Page 469

  1   fait pour des raisons purement personnelles, comme il l'a dit lui-même.

  2   Autrement, pourquoi n'aurait-il rien fait à des centaines de Musulmans qui

  3   se trouvaient à Omarska sans leur faire aucun mal avant de n'atteindre AK.

  4   C'est ce qu'a dit Me Stojanovic à cette Chambre d'appel hier. Le problème

  5   que cela pose encore une fois, c'est qu'il s'agit là d'éléments de preuve

  6   qui n'ont jamais été contestés par la Défense. Pourquoi personne n'a

  7   contre-interrogé M. AK lorsqu'il a déposé au sujet de ce qui s'est passé ?

  8   Me Stojanovic le présente aujourd'hui, comme si M. Zigic est entré dans la

  9   pièce pour chercher M. AK, enfin, le fait de le dire, de l'affirmer est

 10   totalement infondé. Les éléments de preuve n'ont pas été contestés à

 11   l'époque. Il a été dit que M. Zigic a pris au moins trois détenus musulmans

 12   dans une pièce, dans "la maison blanche". AK, Asef Kapetanovic et AJ, pas

 13   un seul détenu, trois détenus. Ils ont tous été frappés. Ce qu'ils disent,

 14   ne correspond pas aux éléments de preuve.

 15   La seule contestation qui a été faite pendant le premier procès en première

 16   instance, c'est que Me Stojanovic a contre-interrogé, a demandé s'il

 17   portait un pansement, s'il a remarqué un pansement. Le témoin a répondu :

 18   "Je ne me souviens pas." Il ne s'agit pas d'éléments de preuve positifs,

 19   déterminants. Il lui demande cela huit ou neuf ans plus tard après

 20   l'événement. C'était sa principale contestation, parce que le témoin a dit

 21   qu'il ne se souvenait pas. Il en arrive à la conclusion que la Chambre de

 22   première instance a commis cette erreur impardonnable de fait, en

 23   constatant que cet incident s'est produit.

 24   Encore un autre point. Ceci concerne les motifs d'appel 25, 26, 27, le même

 25   incident. Cela concerne Asef Kapetanovic et Emir Beganovic. Me Stojanovic a


Page 470

  1   dit hier que ces éléments de preuve n'étaient pas fiables, mais on n'a pas

  2   contesté pendant le procès l'identification faite de M. Zigic. On ne l'a

  3   pas contesté, on n'a pas dit que ce n'était pas lui, qu'il n'était pas sur

  4   place, on ne l'a pas contesté. La Chambre de première instance a reçu des

  5   éléments de preuve incontestés. Elle a considéré qu'il était fiable.

  6   L'appelant ne peut pas simplement dire à présent que la Chambre de première

  7   instance n'a pas agit de manière raisonnable, et qu'aucun juge du fait

  8   raisonnable ne serait arrivé à cette décision.

  9   Le point suivant concerne Fajzo Mujkanovic. Les propos exposés verbalement

 10   hier, disaient que c'est un seul élément de preuve qui a été fourni par

 11   Abdulah Brkic, qu'il y a eu quatre autres témoins, deux cités par

 12   l'Accusation et deux cités par la Défense, que ceci a été complètement

 13   passé sous silence par la Chambre de première instance, parce que ces

 14   dépositions étaient favorables à la cause de la Défense. Je me permets de

 15   rappeler à la Chambre d'appel que vous savez qu'ici, il ne s'agit pas d'un

 16   jeu de chiffres ou de numéros, que ce n'est pas le nombre de témoins cités

 17   d'une part ou d'autre qui compte. Le point est de savoir que ces éléments

 18   de preuve n'ont pas été contestés pendant le procès. M. Zigic, d'après la

 19   déposition, est arrivé avec son complice Knezevic, et ils recherchaient cet

 20   homme.  Abdulah Brkic a déposé en disant que ce n'était pas contraire. Si

 21   vous lisez ses propos et si vous lisez ce qu'un autre témoin a dit, tout

 22   simplement, ce n'est pas contraire à ce que l'autre témoin a dit.

 23   Encore une fois, il y a eu des éléments de preuve montrant que Zigic a pris

 24   part activement, qu'il a approuvé tacitement l'entreprise en fournissant

 25   son appui au crime. Encore une fois, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de


Page 471

  1   contester la décision sur ce point.

  2   Pour ce qui est des motifs 29 et 30, Redzep Grabic et le Témoin AE. Me

  3   Stojanovic a, au fond répété ce qu'il a déjà écrit dans son mémoire en

  4   appel, il dit : "Nous ne connaissons pas d'affaires où que ce soit dans le

  5   monde, où quelqu'un aurait été déclaré coupable de crimes graves, sur la

  6   base de la déposition d'un seul témoin qui n'a pas pu reconnaître

  7   l'auteur."

  8   Ceci est, bien entendu, contraire à la jurisprudence de ce Tribunal. Je me

  9   permets de vous rappeler la décision dans l'affaire Kupreskic au paragraphe

 10   33, ce qui ce répète un autre paragraphe, à savoir que la déposition d'un

 11   seul témoin peut être acceptée sans qu'il ait besoin de corroborer.

 12   Le problème que pose la deuxième partie, est que la Chambre de premier

 13   appel a analysé le processus d'identification. La Chambre de première

 14   instance a été active et impliquée à tout, à chacune des étapes de

 15   l'identification des quatre accusés, les quatre appelants. Elle a pris en

 16   considération le problème de l'identification dans le prétoire, le temps

 17   qu'il s'est passé depuis les événements, la description fournie, la

 18   connaissance, le fait que le témoin ait connu l'accusé à fond avant le

 19   procès. Elle est arrivée à une décision motivée, que cette identification

 20   était recevable en se fondant sur ce qui s'est produit dans le camp, plutôt

 21   sur ce qui s'est passé lorsqu'on a demandé au témoin d'identifier une

 22   personne accusée dans le prétoire plusieurs années plus tard. Nous estimons

 23   qu'il n'y a pas eu là encore d'erreur d'identification, et ce motif d'appel

 24   doit être rejeté.

 25   Au sujet des motifs d'appel 31 et 32, à savoir, la torture de Jasmin


Page 472

  1   Ramadanovic. Là, je tiens à rappeler que nous sommes rentrés dans le détail

  2   de ceci dans nos écritures. Me Stojanovic a déclaré hier, à ce sujet,

  3   certaines choses dont il ressort. Je reviens à ce que Me Stojanovic a dit,

  4   la Chambre de première instance, a tiré la conclusion qu'il a agit sur la

  5   base de discrimination ethnique, religieuse et politique. Cependant, les

  6   Bérets verts étaient un groupe paramilitaire illégal.

  7   Deux choses en découlent. Premièrement, Me Stojanovic laisse entendre que

  8   lorsqu'on passe à tabac quelqu'un qui est membre des Bérets verts et qui

  9   est détenu ou prisonnier de manière contraire à la loi dans un camp, que

 10   lorsque cela est fondé sur son appartenance ethnique, cela est acceptable.

 11   Sinon, un deuxième point qui se pose est le suivant : qui étaient les

 12   Bérets verts ? Les Bérets verts, je pense, que tout le monde le sait,

 13   étaient des Bosniens ou des Musulmans de Bosnie. Cette personne qu'il a

 14   battue était un Musulman qui était emprisonné, qui était détenu dans des

 15   conditions inhumaines dans un centre de détention serbe pour des non-

 16   Serbes.

 17   A présent, permettez-moi de passer au motif d'appel 33. Il s'agit d'un

 18   incident qui concerne Hasan Karabasic. Il est dit que c'était le kum de M.

 19   Zigic. Dans les arguments présentés verbalement, il est dit : "C'était

 20   vraiment un événement complètement trivial. L'Accusation l'a dit elle-même

 21   dans sa réponse consolidée."

 22   Le problème à propos de ces arguments, est qu'il s'agit d'une présentation

 23   totalement erronée de ce que l'Accusation a dit dans sa réponse au

 24   paragraphe 7.217. Je rappelle les propos de l'intimé : "Pendant le contre-

 25   interrogatoire, Zigic n'a pas contesté les éléments de preuve de ce témoin


Page 473

  1   dans sa déclaration faite à la Chambre de première instance. Il a décrit

  2   que ceci comme étant un différend trivial qui a indiqué, Karabasic et lui,

  3   qu'ils se sont rencontrés dans la rue et il y a eu une [imperceptible].

  4   C'est ce que nous avons dit. Nous avons cité, peut-être avons-nous

  5   paraphrasé ce qu'a dit M. Zigic. Nous n'étions pas d'accord sur le fait

  6   qu'il s'agissait d'un incident trivial. Mais Me Stojanovic a continué avec

  7   brio en disant : "Nous ne savons pas que dans l'histoire substantielle de

  8   ce Tribunal, qui que ce soit ait été déclaré coupable pour un délit plus

  9   trivial." C'était cela les éléments de preuve. Les éléments de preuve du

 10   Témoin N, page 3900, alors : "Le même jour, j'ai vu Zigic, il est arrivé,

 11   il a dit : 'Bonjour à vous, les balijas.' Nous, nous étions les malheureux

 12   détenus musulmans et nous avons répondu, 'Que Dieu soit avec soit, héros.'

 13   C'est quelque chose qu'il nous a appris à dire à Keraterm."

 14   A ce point, il était en train de rechercher son kum, Hasan Karabasic. Trois

 15   témoins ont déposé, c'était pas contesté Me Stojanovic. Me Stojanovic n'a

 16   pas contesté leurs récits pendant le contre-interrogatoire.

 17   C'est cela alors l'événement trivial au sujet duquel dépose AD et je cite

 18   la page 3038. "Zigic a trouvé Hasan et il l'a jeté par terre … il l'a

 19   frappé. Il a commencé à l'étrangler. Il l'aurait étranglé s'il n'avait pas

 20   été arrêté par d'autres gardes."

 21   Le Témoin N, en page 3900 dit : "Il cherchait son kum Hasan Karabasic.

 22   Lorsqu'il l'a trouvé, il a commencé à lui donner des coups de pied comme

 23   s'il avait été un ballon. Il l'a attrapé par la nuque et deux gardes serbes

 24   sont arrivés et on traîné Zoran à l'écart et Hasan s'est perdu dans le

 25   groupe de personnes."


Page 474

  1   La troisième déposition non contestée a été donnée par un témoin de

  2   l'Accusation, Témoin V, page 3714, où il dit : "Nous étions soit allongés,

  3   soit assis dans cette zone où il y avait de l'herbe et il est arrivé. Il

  4   est parti vers à Hasan Karabasic et il lui a dit, 'Apparemment, tu es

  5   encore en vie.' Qu'a fait Zigic ? Bien, il l'a attrapé par la nuque et il a

  6   commencé à l'étrangler. M. Karabasic a commencé à gémir et deux soldats

  7   serbes sont arrivés. Ils ont pris Zigic de côté et Hasan Karabasic est

  8   resté gisant par terre."

  9   Alors, c'est cela un événement trivial ? Il ne s'agit pas là d'une

 10   infraction grave au droit international humanitaire, il y a là quelque

 11   chose qui peut être considéré comme tentative de meurtre. Il s'agit

 12   d'éléments de preuve qui n'ont pas été contestés. Les gardes ont dû mettre

 13   à l'écart Zigic, ont dû tirer à l'écart de ce que, soit disant, son

 14   meilleur ami ?

 15   Alors, Me Stojanovic, bien entendu, continue en disant qu'il s'agit d'une

 16   représentation totalement erronée, intentionnellement erronée de la part de

 17   l'Accusation qui dit que cela s'est passé dans le camp sur la base visuel

 18   d'un seul témoin qui a dit qu'ils étaient assis ou en train d'être allongés

 19   dans cette zone où il y avait de l'herbe. Il n'y a pas là de mauvaise

 20   représentation. Il s'agit de contre-interrogatoire. Dans le contre-

 21   interrogatoire, Me Stojanovic a précisé ce point et le témoin lui a dit

 22   qu'il l'a vu à l'extérieur de la zone du camp et nous savons que Trnopolje

 23   n'était pas une zone clôturée.

 24   Alors, pour ce qui est du Témoin V et les motifs d'appel 35 et 36, nous ne

 25   souhaitons pas ajouter quoi que ce soit si ce n'est pour dire que la


Page 475

  1   Défense n'a pas démontré que la Chambre de première instance ait commis

  2   d'erreur, une erreur qu'aurait justifié un pourvoi en appel.

  3   A présent, un autre point au motif d'appel qui est de nature plus générale.

  4   Je dirais qu'il s'agit là de l'équité, la question de l'équité dans

  5   l'approche de la Chambre. L'appelant, M. Zigic, réitère constamment le fait

  6   que de nombreux témoins sont venus déposer ou qu'il a été déclaré coupable

  7   sur la base des dépositions de nombreux témoins au sujet de ce qui s'est

  8   passé à Omarska, Keraterm et Trnopolje.

  9   Me Stojanovic s'est plaint, et hier, dans ses arguments verbaux, il s'est

 10   plaint en disant que la Chambre de première instance n'a pas pris en

 11   considération la déposition de chacun des témoins qui a été cité. Il s'est

 12   plaint en disant que la Chambre de première instance a utilisé les éléments

 13   de preuve des témoins de la Défense afin de corroborer la déclaration de

 14   culpabilité de son client.

 15   Malheureusement, M. Zigic a montré qu'il ne cherchait pas à représenter de

 16   manière véridique les réalités d'un procès. Les éléments de preuve, les

 17   dépositions des témoins de la Défense peuvent être utilisés de toute

 18   manière dans la Chambre de première instance si elle estime utile. Pour

 19   déclarer coupable, pour acquitter, pour corroborer leurs éléments de preuve

 20   peuvent être acceptés, rejetés, tout comme cela va pour des témoins de

 21   l'Accusation. M. Zigic avait un conseil juridique. Il a été représenté. Il

 22   a choisi lui-même ses témoins. Il a choisi lui-même son conseil, les pièces

 23   à conviction. Il a pris des décisions stratégiques sur la manière de

 24   présenter ces éléments de preuve, de déposer ou de donner une déclaration

 25   plutôt que de déposer en tant que témoin. Il a pris des décisions


Page 476

  1   stratégiques sur la manière de poser des questions.

  2   Au bout du compte, la Chambre de première instance a apprécié de manière

  3   très attentive les éléments de preuve à l'encontre de M. Zigic. Des

  4   éléments sont venus présentés par lui ou par la partie adverse. Certains

  5   lui étaient favorables et d'autres non. C'est sur la base de tout cela

  6   qu'une décision motivée le déclarant coupable est intervenue.

  7   Hier, Me Stojanovic a parlé de l'incident qui impliquait Rizah Hadzalic.

  8   C'est au paragraphe 445 du jugement de la Chambre de première instance.

  9   Hier, je vais citer ces propos, hier, il a dit que : "La Chambre de

 10   première instance a été sous une impression, et ce, de manière erronée, que

 11   Zigic a pris part à cela."

 12   J'ai attentivement parcouru le compte rendu d'audience, du procès en

 13   première instance, et la Chambre de première instance ne semble pas du tout

 14   avoir fait l'erreur que l'on lui traite. Heureusement, c'est le 20 mars

 15   2002, il y a deux ans que cette question a été résolue. Lorsque nous avons

 16   déposé de manière conjointe, les deux parties, un document qui a été

 17   intitulé "notification de l'accord entre l'Accusation et l'appelant Zigic

 18   pour ce qui est des portions du transcript qui doivent être revues par le

 19   service chargé des traductions." L'Accusation ne comprend pas pourquoi cet

 20   argument a été avancé hier.

 21   Il y a des incidents sur lesquels je ne suis pas revenu. Cela ne veut pas

 22   dire pour autant que du côté de l'Accusation, nous ne fassions pas

 23   pleinement confiance au jugement ainsi qu'un autre dossier. C'est

 24   simplement que nous avons passé en revue avec une telle exhaustivité chacun

 25   des incidents sur lequel M. Zigic a été déclaré coupable dans notre mémoire


Page 477

  1   en réponse, que nous ne souhaitons pas allongé excessivement les débats sur

  2   ce point.

  3   Maintenant, la dernière partie de mon intervention a trait à la qualité de

  4   la justice rendue. Comme M. Carmona l'a dit ce matin, la Chambre de

  5   première instance a acquitté M. Zigic de deux des crimes qu'il était

  6   reproché au moment de la présentation de la requête 98 bis. Dans le

  7   jugement, il a acquitté au titre de deux autres meurtres, notamment, le

  8   meurtre le plus grave qui était celui du massacre de la salle numéro 3.

  9   D'autre part, la Chambre de première instance l'a acquitté du passage à

 10   tabac de AD et la Chambre a refusé de tenir compte des éléments de preuve

 11   relatifs au frère de Hasan Icic et d'un certain Alic. Ceci montre bien que

 12   la Chambre de première instance a examiné tous les éléments qui lui avaient

 13   été présentés. Elle a écouté avec attention tous les témoins et elle est

 14   parvenue à une décision qui doit être maintenue en l'état.

 15   J'en ai terminé de mon intervention.

 16   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vais d'abord donner la parole

 17   au vice-président Pocar.

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Re, je vous remercie de votre

 19   intervention. J'aimerais avoir vos lumières pour mieux comprendre un des

 20   arguments que vous avez présenté au cours de votre intervention.

 21   A la fin du volet de votre argumentation au sujet de l'entreprise

 22   criminelle commune, vous avez déclaré qu'il n'y avait aucune raison pour

 23   laquelle la Chambre de première instance n'aurait pu utiliser les éléments

 24   de preuve relatifs aux crimes à nature persécutoire à Keraterm et à

 25   Trnopolje pendant la même période et qui figure dans l'acte d'accusation


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  1   pour corroborer le fait que Zigic a apporté une contribution importante à

  2   l'entreprise criminelle commune aux fins de persécutions d'Omarska.

  3   Je vous serais reconnaissant de bien vouloir préciser votre argument

  4   s'agissant de ce que vous qualifiez de "Contribution importante à

  5   l'entreprise criminelle commune." Est-ce que vous étiez en train de nous

  6   dire à ce moment-là que les crimes qui ont été commis dans les autres camps

  7   relèvent de la même entreprise criminelle commune que celle qui est

  8   alléguée pour Omarska ? Est-ce bien ce que vous voulez nous dire ? Dans le

  9   cas contraire, j'aimerais mieux comprendre comment des crimes commis sur

 10   des sites distincts peuvent augmenter encore où l'importance de la

 11   participation à l'entreprise criminelle commune à Omarska. La Chambre de

 12   première instance en est arrivé, je sais, à la conclusion qu'il n'y avait

 13   pas une seule entreprise criminelle commune mais ces conclusions ont trait

 14   uniquement à Omarska et pas aux autres camps. Si bien que j'aimerais avoir

 15   vos lumières à ce sujet afin de bien comprendre quelle est votre position

 16   et quel est le lien entre les crimes commis dans d'autres camps et les

 17   crimes commis au camp d'Omarska.

 18   M. RE : [interprétation] Ceci a trait essentiellement à l'intention

 19   délictueuse quand j'ai parlé de l'importance de la contribution. La

 20   contribution prouve une intention discriminatoire aux fins de persécutions.

 21   La Chambre de première instance aurait pu utiliser les éléments de preuve

 22   de ce qu'il a fait à Keraterm et le caractère discriminatoire de ses actes,

 23   les insultes à caractère ethnique, le fait qu'il soit entré au camp pour

 24   soumettre les Musulmans et les non-Serbes à des mauvais traitements pour

 25   montrer son intention délictueuse et pour montrer qu'il était animé de


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  1   l'intention discriminatoire requise dans un camp, pour faire la même chose

  2   dans un camp similaire qui n'était pas loin, que ces deux camps soient

  3   considérés ou non comme faisant partie de la même entreprise criminelle

  4   commune, en tout cas, dans le cas d'espèce.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous parlez là de l'intention

  6   délictueuse. Dans votre plaidoirie, vous nous dites, en fait, est-ce que

  7   vous nous dites que la Chambre de première instance en n'utilisant pas

  8   cette déduction, cette application, a commis une erreur qui convient de

  9   corriger au niveau de l'appel ?

 10   M. RE : [interprétation] Non. C'était uniquement un argument théorique pour

 11   dire que si l'Accusation avait fait cet argument et présenté cet argument

 12   au moment du procès, la Chambre de première instance aurait pu l'accepter

 13   et aurait pu utiliser ces éléments de preuve-là, permettant de corroborer

 14   tout ce que nous savons de l'intention délictueuse de l'intéressé.

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il s'agissait de votre part d'un

 16   argument à caractère théorique ?

 17   M. RE : [interprétation] Oui, effectivement. J'ai présenté ceci à titre

 18   d'argument pour la réflexion de la Chambre d'appel.

 19   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Juge Weinberg de Roca.

 20   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] J'ai une question, Monsieur

 21   Re, au sujet d'un volet de votre intervention. Je n'ai pas bien compris.

 22   C'est le moment où vous nous avez parlé de la déposition de Brkic. Vous

 23   nous dites qu'il a dit qu'à Keraterm, Zigic n'avait pas levé la main sur

 24   lui. Mais je ne vois comment vous pouvez en déduire que le traitement que

 25   Zigic a réservé à ce témoin était différent à Omarska. Je n'ai pas très


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  1   bien compris cette partie-là de votre argumentation.

  2   M. RE : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants pour que je

  3   retrouve les éléments qui correspondent à votre question. Si je n'ai pas

  4   été suffisamment clair, je vous prie de m'en excusez.

  5   Ce que je voulais dire, c'est qu'Abdulah Brkic a déposé au sujet de deux

  6   incidents qui concernaient M. Zigic aussi bien à Keraterm qu'Omarska.

  7   L'incident pour lequel celui-ci a été reconnu coupable, c'est celui

  8   d'Omarska avec le groupe où se AK, AJ, Asef Kapetanovic et Emir Beganovic,

  9   les éléments auxquels a fait référence Me Stojanovic qui avaient trait à

 10   Keraterm. M. Brkic, à ce moment-là, a dit que Zigic ne l'avait pas touché à

 11   Keraterm, n'avait pas levé la main sur lui.

 12   Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Re, de

 14   cette analyse très prudente, très lucide que vous nous avez présentée.

 15   J'ai une question à vous poser, une question qui est presque théorique pour

 16   reprendre un terme utilisé par mon éminent confrère assis à ma droite. En

 17   vous écoutant, j'ai été frappé par votre argumentation selon laquelle un

 18   certain nombre de témoins avaient été présentés par le Procureur et qu'ils

 19   n'avaient pas été contre-interrogé par Me Stojanovic. Vous avez ajouté que

 20   Me Stojanovic, se faisant, décidant de ne pas les contre-interrogés, avait

 21   sans doute agi conformément aux instructions données par son client. Nous

 22   savons que dans le système de "common law", il convient d'accorder une

 23   certaine importance à ce genre de pratique ou à ce type d'événements,

 24   disons.

 25   La question qui se pose à moi, et pour laquelle j'aimerais bénéficier de


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  1   votre assistance, c'est que nous sommes ici dans un Tribunal international.

  2   Nous devons, bien entendu, tenir compte de ce qui se fait dans les systèmes

  3   juridiques les plus importants. Mais est-ce que l'institution du contre-

  4   interrogatoire se présente de la même manière dans les systèmes de droit

  5   romano-germanique pour lesquels nous pouvons dresser un constat judiciaire

  6   que ces deux -- d'un tel système que vient M. Stojanovic ? Si, dans ce

  7   système là le contre-interrogatoire est quelque peu différent, est-ce qu'à

  8   ce moment-là cela n'a pas un impact sur l'importance que nous devons

  9   attacher au fait que M. Stojanovic n'a pas contre-interrogé un certain

 10   nombre de témoins ? Il ne leur a pas posé certaines questions.

 11   M. RE : [interprétation] Un instant je vous prie, je souhaite consulter ma

 12   consoeur.

 13   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 14   M. RE : [interprétation] C'est indéniablement une question philosophique et

 15   théorique très intéressante, surtout si on se rappelle la manière dont on a

 16   rédigé l'Article 90(h) où il est stipulé qu'une partie doit présenter sa

 17   thèse à la partie adverse. Bien entendu nous sommes ici dans un système qui

 18   est beaucoup plus contradictoire qu'inquisitorial. Dans le système qui est

 19   le nôtre les accusés ont le droit d'interroger, de contre-interroger les

 20   témoins, de les confronter à un certain nombre de faits, et ceci revient

 21   d'ailleurs avec un système qui existait déjà au temps des Romains.

 22   Mais si on se limite à l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui, on se rend

 23   compte que certains témoins ont été contre-interrogés, on a essayé de

 24   savoir s'ils disaient la vérité, on leur a présenté une version à l'envers

 25   de ce qu'ils avaient dit. Quant à d'autres témoins, ils n'ont été nullement


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  1   interrogés, or, le conseil de la Défense était tout à fait au courant de ce

  2   qui est stipulé dans le règlement du Tribunal. On ne peut qu'en déduire que

  3   cette stratégie était délibérée, et qu'il n'y a aucune raison d'après nous

  4   sur le principe, pour que le concept de l'unicité entre le client et son

  5   conseil ne s'applique pas ici. Bien entendu, nous reconnaissons que dans

  6   certain système de "common law", comme aux Etats-Unis d'Amérique, les

  7   conditions qui sont prévues à l'Article 90 (H) ne sont pas valables en

  8   particulier au niveau des Tribunaux d'état.

  9   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de l'article

 10   qui précise qu'une des parties doit présenter à l'autre la nature de sa

 11   thèse à la partie inverse ?

 12   M. RE : [interprétation] Oui, c'est l'Article 90(H).

 13   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Le Juge Pocar souhaite

 14   intervenir.

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, à ce sujet je souhaiterais vous

 16   poser une question supplémentaire. Vous nous avez dit M. Re que plusieurs

 17   témoins ont été longuement interrogés par les juges de la Chambre. Est-ce

 18   que c'est bien ce que vous avez dit ?

 19   M. RE : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit là des mêmes

 21   témoins qui n'ont pas été contre-interrogés, ou est-ce que ce sont des

 22   témoins différents ? Est-ce que vous pouvez vous en souvenir ?

 23   M. RE : [interprétation] Je ne peux vous répondre sans avoir consulté le

 24   dossier.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Parce que cela pourrait se révéler


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  1   intéressant, et nous permettre de voir sous une autre lumière la question

  2   qui vous a été posée par le Président précédemment.

  3   M. RE : [interprétation] Il faudrait que j'examine ce qui s'est passé pour

  4   chacun des témoins. Que je compare le contre-interrogatoire auquel ils ont

  5   été soumis avec les questions qui leur ont été ensuite posées par les Juges

  6   de la Chambre de première instance.

  7   M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous remercions M. Re des

  8   réponses que vous avez bien voulu faire aux différentes questions qui vous

  9   ont été posées. Merci de votre argumentation.

 10   L'ordre du jour étant épuisé, nous allons maintenant lever l'audience et

 11   nous nous retrouverons à 9 heures 30 demain matin.

 12   --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 14.   

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