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1 Le jeudi 25 mars 2004
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Bonjour. Nous poursuivons
7 l'audience dans l'affaire Kvocka. Madame la Greffière d'audience, veuillez,
8 je vous prie, donner le numéro de l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-98-30/1-A, le
10 Procureur contre Miroslav Kvocka, Mladjo Radic, Zoran Zigic et Dragoljub
11 Prcac.
12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vais vérifier que tout le
13 monde m'entend bien. Si quelqu'un n'est pas en mesure de m'attendre, qu'il
14 ou elle le fasse savoir. Je pense que les appelants peuvent m'attendre. Il
15 y a peut-être une hésitation de leur côté. M. Kvocka, m'entendez-vous ?
16 L'APPELANT KVOCKA : [interprétation] Oui, je vous entends, Monsieur le
17 Président.
18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Radic ?
19 L'APPELANT RADIC : [interprétation] Oui, je vous entends.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Zigic ?
21 L'APPELANT ZIGIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous
22 entends.
23 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Prcac ?
24 L'APPELANT PRCAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous
25 entends.
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1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'espère que je fais des progrès
2 en prononciation dans votre langue.
3 Nous en avons terminé des présentations.
4 Monsieur le Procureur, Monsieur Carmona, c'est maintenant à vous. Etes-vous
5 prêt ?
6 M. CARMONA : [interprétation] C'est mon éminente consoeur, Mme Norul
7 Rashid, qui va commencer la présentation des arguments de l'Accusation.
8 Elle interviendra pour répondre aux arguments relatifs à l'entreprise
9 criminelle commune et en particulier aux arguments de Kvocka.
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid, merci. Vous avez
11 la parole.
12 Mme RASHID : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,
13 Messieurs les Juges. Je vais répondre aux arguments juridiques qui ont été
14 soulevés par les appelants dans leur divers mémoire, et je vais également
15 répondre aux arguments qui ont été présentés dans les plaidoiries au sujet
16 de l'entreprise criminelle commune.
17 La contestation des conclusions sur les faits, s'agissant de ce type de
18 responsabilité, fera l'objet d'une réponse de l'équipe de l'Accusation au
19 sujet de chacun des mémoires des appelants.
20 La Chambre de première instance a conclu que le camp d'Omarska a été mis en
21 place par les autorités serbes dans la municipalité de Prijedor vers le 27
22 mai 1992, à Omarska. Les autres camps étaient qualifiés de camp de
23 regroupement. L'objectif c'était de reconnaître des individus suspects
24 d'avoir collaboré avec la partie adverse.
25 Le camp d'Omarska a été démantelé à la fin août suite à des pressions
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1 exercées par la communauté internationale. Ceux qui ont mis en place les
2 camps, c'était tous des Serbes. La cellule de Crise, y compris Simo
3 Drljaca, a mis en place ce camp. Le commandant du camp était - et ce,
4 personne ne le conteste - Zeljko Meakic. Ceci n'a pas été contesté au cours
5 du procès.
6 La sécurité était assurée par des soldats, ainsi que par des hommes de la
7 Défense territoriale d'Omarska. Il y avait des hommes chargés de
8 l'interrogatoire, il y avait 30 gardes venant du poste de Police d'Omarska,
9 il y avait des gens qui étaient chargés de la gestion du personnel, de la
10 logistique et ceci représentait environ 35 personnes. Ce centre de
11 Regroupement procédait à la détention et à l'interrogatoire, non seulement
12 d'hommes en âge de porter des armes, ceux agés de 16 à 60 ans. Il y avait
13 également là des hommes plus agés, ainsi que des femmes. Il y avait environ
14 36 femmes.
15 A la fin de son existence, vers la fin -- de son travail plutôt, la Chambre
16 a constaté qu'en août 1992, à la fin de ses travaux, la Chambre de première
17 instance a constaté que la majorité des femmes et des hommes non-serbes
18 avaient été tués, torturés, violés et, en tout cas, pour la plupart, soumis
19 à des mauvais traitements. Trois des appelants venant du poste de Police
20 d'Omarska, Kvocka était un officier de police de haut rang, Prcac était un
21 technicien en matière de criminologie qui vient du poste de Police, Radic
22 était un policier qui travaillait au poste de Police de Ljubija.
23 Chacun de ces individus a eu un certain nombre de rôles et de fonctions au
24 camp. La question qui se posait à la Chambre de première instance, c'était
25 de déterminer dans quelle mesure un individu, qui mène à bien des tâches
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1 apparemment ordinaires, dans un endroit extraordinaire et exceptionnel, si
2 l'on peut dire, comme le camp d'Omarska, peut être considéré comme
3 responsable de toute une série de crimes commis de façon systématique par
4 d'autres personnes.
5 Le concept de crime collectif n'est pas quelque chose de nouveau au
6 Tribunal. L'évaluation juridique pour ce type de responsabilité, qui a été
7 appliquée par la Chambre de première instance en l'espèce, ne fait plus
8 l'objet de contestation. La Chambre d'appel -- dans Tadic l'a confirmé,
9 ainsi que dans Vasilijevic, dans Krnojelac, et dans la décision Ojdanic, du
10 21 mai 2003, la Chambre d'appel a reconnu qu'il y avait trois types de cas
11 qui tombent sous le coup de la responsabilité pour l'entreprise criminelle
12 commune. La catégorie qui s'approche le plus de notre affaire, c'est la
13 deuxième catégorie dans cette entreprise criminelle commune. La Chambre
14 d'appel a accepté que les éléments pertinents à cette deuxième catégorie -
15 et qui sont communs soient au nombre de trois - il faut prouver qu'il y a
16 eu plusieurs personnes impliquées, qu'il y avait l'existence d'un plan,
17 d'un dessin ou d'un objectif commun qui revient à la perpétration d'un
18 crime qui est visé au statut du Tribunal. Le troisième élément, c'est la
19 participation de l'accusé au dessin commun.
20 La Chambre d'appel a accepté une catégorie de participation élargie, qui
21 inclut la perpétration d'un des crimes visés au statut, ou l'assistance ou
22 la contribution apportée à l'exécution du plan du dessin commun, si bien
23 qu'on insiste ici en fait sur la contribution à l'exécution du plan ou du
24 dessin commun. C'est là que l'accent est mis.
25 S'agissant de l'intention délictueuse pour la deuxième catégorie,
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1 entreprise criminelle commune, la Chambre de première instance a adopté le
2 critère Tadic, conformément à la décision prise récemment par la Chambre
3 d'appel dans Krnojelac. L'intention délictueuse consiste à partager
4 l'intention de ce système, dont l'objectif, ce qui présuppose plutôt la
5 connaissance de tout un système de sévices et l'intention de promouvoir ce
6 système de mauvais traitements, la Chambre de première instance dans son
7 jugement a, avec beaucoup de soins, limité la discussion juridique sur le
8 type de responsabilité au fait de l'espèce, et à la participation d'acteurs
9 de niveau moyen dans cette entreprise criminelle. La Chambre de première
10 instance a reconnu que les appelants n'avaient pas ordonné la création du
11 camp, ni organisé le camp, qu'ils n'avaient pas été à l'origine de la
12 campagne de violence qui a déferlé sur le camp, mais que c'étaient,
13 cependant, des acteurs clés qui ont participé au fonctionnement du camp,
14 qui constituait une entreprise criminelle commune de par son
15 fonctionnement.
16 Ce qu'a fait la Chambre de première instance, cela a été d'étudié et
17 analysé avec beaucoup de soin, non seulement la jurisprudence établie du
18 Tribunal, comme par exemple l'arrêt Tadic, mais la Chambre de première
19 instance a également procédé à une étude approfondie d'affaire ayant suivi
20 la Deuxième guerre mondiale, dont l'analyse se trouve aux pages 71 à 88 du
21 jugement. Que cherchait les Juges de la Chambre ? Ils se sont intéressés
22 plus particulièrement à la responsabilité des individus, des civils qui
23 menaient à bien des taches dans le cadre de leurs fonctions ordinaires, de
24 leurs emplois ordinaire, et qui souvent n'ont pas été victimes des crimes
25 commis par l'organisation pour laquelle ils travaillaient. Des médecins,
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1 des industriels, qui ont fourni du gaz au camp de concentration, ceux qui
2 travaillaient dans l'administration, ou des enfants ont été abandonnés et
3 sont morts.
4 S'agissant des affaires concernant les camps de concentration, la Chambre
5 de première instance a conclu que ceux qui n'avaient pas été coupables de
6 crimes, qui n'avaient pas de sang sur les mains pouvaient être considérés
7 comme coupables de crimes qui entraient dans le cadre du plan commun, s'ils
8 étaient restés à leur poste et s'ils avaient continué à contribuer au
9 fonctionnement du camp, si leur participation était importante, du fait de
10 leur position, ou de par les faits. Ceci on le trouve au paragraphe 284,
11 ainsi qu'au paragraphe 310 du jugement.
12 Au paragraphe 282, la Chambre de première instance a conclu qu'il était
13 possible de trouver dans la jurisprudence issue des affaires de
14 concentration. La responsabilité pénale des membres du personnel des camps
15 sera engagée si ceux-ci ont eu connaissance de la nature des crimes qui ont
16 été commis, sauf s'ils n'ont joué aucun rôle d'administration ou de
17 surveillance ou emprunt d'illégalité ou sauf si nonobstant le fait qu'ils
18 aient pu avoir un statut important, ou sauf si leurs contributions à
19 l'entreprise ont été minimes. Paragraphe 282 du jugement.
20 La Chambre de première instance a conclu que, pour être considéré comme
21 responsable de participation à une entreprise criminelle commune, un accusé
22 doit avoir réalisé des actes qui ont contribué à la mise en place de cette
23 entreprise et à la réussite de cette entreprise ou s'il a fourni une
24 assistance, sachant que ses omissions et ses actes ont facilité la réussite
25 de cette entreprise criminelle commune.
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1 A ce stade, nous souhaitons insister sur un point, et ceci ne figure pas
2 dans les mémoires d'appel. Nous avançons que, bien que la Chambre de
3 première instance ait eu raison dans son analyse des faits, et dans les
4 conclusions qu'elle a tirées sur le fait que la contribution des appelants
5 a été importante, au terme du droit qui s'applique au Tribunal, et au terme
6 plus particulièrement du dernier arrêt de la Chambre d'appel. Dans
7 Krnojelac, au sujet d'une forme systématique d'entreprise criminelle
8 commune, l'Accusation l'a sortie, et seulement dans l'obligation de prouver
9 que le participant à contribuer à l'exécution du plan commun. Ceci ressort
10 clairement de l'arrêt Tadic.
11 Si bien que la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle
12 la participation doit être de niveau important va au-delà des critères qui
13 sont exigés par la Chambre d'appel dans tous ses arrêts. Si la Chambre
14 d'appel estime que la Chambre de première instance a appliqué un critère
15 supplémentaire, nous avançons, quant à nous, que cela n'est nullement
16 préjudiciable aux appelants, que cela ne constitue nullement un déni de
17 justice et qu'en réalité, cela ne fait que conforter les conclusions tirées
18 par la Chambre de première instance en espèce.
19 Maintenant, si l'on applique tous ces éléments juridiques à l'espèce, on
20 voit que la Chambre de première instance a conclu que les crimes commis au
21 camp d'Omarska ont été commis par plusieurs personnes, et que ces personnes
22 ne pouvaient être commis que par plusieurs personnes. On a la mise en
23 place, l'organisation, le fonctionnement du camp nécessitait la
24 participation d'un grand nombre d'individus qui jouaient toute sorte de
25 rôle au camp, et qui avaient des fonctions diverses plus au moins
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1 importantes.
2 L'entreprise criminelle commune que constituait ce camp, c'était de
3 soumettre, de persécuter les non-Serbes. Ces actes de persécutions ont été
4 commis par le biais d'actes criminels tels que le viol, la torture ou le
5 meurtre, ainsi que par des sévices mentaux ou physiques, ainsi que par les
6 conditions inhumaines de détention. Nous avançons qu'en dehors des éléments
7 supplémentaires que j'ai mentionnés et qui ont été appliqués par la Chambre
8 de première instance, la Chambre de première instance a établi, de manière
9 tout à fait appropriée, les fondements de la responsabilité des appelants.
10 Maintenant, je voudrais revenir sur les arguments qui ont été soulevés par
11 deux des appelants, Zigic et Kvocka. Ces deux se réfugiaient derrière
12 l'affirmation selon laquelle on n'aurait pas dû les considérer comme
13 responsables de crimes qui ont été commis en leur absence. Zigic a
14 également ajouté que ce type de responsabilité pénale était totalement
15 contraire à la normalité étant donné qu'il a été condamné pour des crimes
16 qui étaient commis alors qu'il était en prison, qu'il dormait, ou qu'il
17 n'était pas au camp. Kvocka affirme qu'étant donné qu'il était en
18 permission officielle du camp à deux reprises, il n'aurait pas dû être
19 reconnu responsable des crimes qui ont été commis pendant qu'il était
20 absent.
21 En fait, tous les appelants soulèvent la question de l'étendue de leur
22 coopération à l'entreprise criminelle commune afin de diminuer leur
23 responsabilité. Comme je l'ai dit, mes confrères vont eux répondre aux
24 contestations qui ont été faites par la partie adverse s'agissant des
25 conclusions sur les faits. Moi, je m'intéresse plus particulièrement à
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1 l'aspect juridique de la chose.
2 Il faut signaler que dans sa décision 98 bis qui était reprise au
3 paragraphe 349 du jugement, la Chambre de première instance a décidé qu'un
4 accusé ne sera pas tenu responsable de crimes commis avant son arrivé au
5 camp et après son départ du camp. Toutes les parties ont accepté ces
6 décisions, et c'est sur cette base que nous avons mené les débats.
7 Cependant, dans notre réponse, nous avons fait savoir notre position quant
8 à la décision de la Chambre de première instance d'imposer des limites, des
9 limites temporelles à la responsabilité pénale de l'accusé vu la nature
10 continue des crimes qui ont été commis à Omarska. Nous avançons qu'il
11 s'agit là d'une question d'ordre juridique et d'intérêt général pour la
12 jurisprudence du Tribunal, c'est pourquoi nous invitons la Chambre d'appel
13 à se pencher sur nos arguments à ce sujet et à nous fournir des lignes
14 directrices à ce sujet. Nos arguments sont détaillés à partir des
15 paragraphes 3.4. Je ne vais pas revenir sur ces questions, mais je suis
16 tout à fait prête à vous donner des précisions, ou à faire élaborer si vous
17 le souhaitez.
18 En réponse aux arguments qui nous ont été présentés par la Défense, je
19 souhaiterais dire deux ou trois choses. Premièrement, le fondement de la
20 responsabilité des accusés est l'importance de leur contribution au dessin
21 commun ainsi qu'au système de mauvais traitement. Je dois insister encore
22 sur le fait que l'élément du plan commun, du dessin commun, de l'objectif
23 commun revient ou implique la perpétration des crimes qui sont visés au
24 statut. Si bien que lorsque l'on a entrepris criminelle commune
25 systématique, les crimes permettent d'établir l'existence du système de
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1 persécution ou de soumission comme c'est le cas ici.
2 Troisièmement, l'importance de la participation d'un co-auteur ne dépend
3 pas forcément de la durée de cette contribution. C'est là un des éléments
4 qui convient de tenir. C'est un élément dont il convient de tenir quand il
5 n'est pas nécessaire, par exemple, pour l'Accusation de montrer que les
6 appelants avaient l'intention de procéder à des discriminations contre les
7 non-Serbes au camp à tous les instants. La plupart de ceux qui étaient
8 employés au Tribunal avaient des horaires du travail normal, ou
9 travaillaient par équipe de 12 heures. Je peux vous donner, par exemple,
10 une référence du compte rendu d'audience à ce sujet avec le témoin Milenko
11 Jasnic, page 11 533 du compte rendu d'audience, témoignage DD/10, page
12 T10661. Ces gens ont retourné chez eux quand ils avaient fini de travailler
13 au camp.
14 Les appelants nous disent qu'ils n'étaient pas continuellement au camp,
15 mais quand ils quittaient, ils avaient l'affirme intention d'y revenir pour
16 poursuivre leurs travaux. Dire que cela va à l'encontre de la théorie de la
17 responsabilité dans cette entreprise commune, cela ne tient pas.
18 Au paragraphe 399, bien que la Chambre de première instance ait noté que
19 Kvocka était au camp pendant approximativement 17 jours, ceci est assez
20 considérable si on considère la totalité des crimes qui ont été commis.
21 S'agissant de Radic, la Chambre de première instance a conclu qu'il a
22 continué à travailler au camp pendant près de trois mois. On ne peut pas
23 considérer que la responsabilité diminue même si la personne concernée va
24 et vient au camp.
25 L'appelant Zigic a été considéré à juste titre comme responsable non
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1 seulement pas du fait de la durée pendant laquelle il a contribué à
2 l'entreprise commune, mais parce qu'il a contribué à cette entreprise de la
3 manière la plus directe qui soit en commettant des crimes extrêmement
4 graves. Il a contribué à ce système de persécution. Sans ces crimes, il
5 n'aurait pas eu système de persécution, et sans des Zigic, il n'y aurait
6 pas eu de crimes.
7 Quatrièmement, s'agissant du fait d'avoir eu connaissance de ce système, la
8 Chambre de première instance a noté à juste titre que les participants
9 n'avaient pas connaissance de chacun des crimes commis. Le fait de savoir
10 qu'un nombre important de crimes ont été commis au sein du système, la
11 nature criminelle du système, le caractère discriminatoire des pratiques
12 est suffisant. Le procès Belsen va dans ce sens. En résumant tous les
13 éléments présentés au cours de ce procès, le juge a rappelé que la thèse de
14 l'Accusation s'était que tous les accusés qui étaient employés au camp
15 savaient quel système était mis en place, et que d'une manière ou d'une
16 autre, de part un accord commun, ces personnes contribuaient au
17 fonctionnement du camp. La participation directe aux crimes, ou la présence
18 directe lorsque les crimes sont commis, ne sont pas des conditions
19 prérequises lorsqu'il s'agit de déterminer l'importance de la contribution
20 d'un accusé au fonctionnement d'un système.
21 Cinquièmement, une position d'autorités, c'est-à-dire, la responsabilité du
22 supérieur hiérarchique ou le contrôle que peut exercer un individu sur ceux
23 qui ont commis des crimes, n'est pas une condition qui doit être remplie
24 comme s'est avancé par la Défense. Ceci on ne le trouve nulle part dans la
25 jurisprudence. Ici la Défense s'est appuyée de manière erronée sur
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1 Krnojelac. Au paragraphe 269 du jugement, je souhaiterais insister sur le
2 fait que la Chambre de première instance a fait référence au camp de
3 concentration Dachau et Belsen en disant que l'accusé a occupé un poste à
4 un échelon relativement élevé et en analysant la jurisprudence, la Chambre
5 de première instance a conclu que dans ces affaires, les affaires relatives
6 à la Deuxième Guerre mondiale, le fait d'occuper un rôle administratif au
7 camp revient à une participation au fonctionnement de ce camp.
8 Ceci est conforme avec l'approche adoptée par la Chambre d'appel dans
9 Krnojelac selon laquelle son poste de commandant du camp entraînait la
10 présomption selon laquelle il avait connaissance du caractère systématique
11 des crimes commis et qu'il était d'accord avec ce système. Cependant, le
12 poste et l'autorité exercée par un accusé ne constituent qu'un des
13 indicateurs à prendre en compte.
14 Sixièmement, le fait que peu de crimes comme, par exemple, dans l'exemple
15 de Kvocka que peu de crimes aient eu lieu alors qu'il n'était pas là doit
16 être pris en compte. Nous avons analysé tout ce concerne Kvocka et ces
17 arguments.
18 Nous estimons qu'il n'y a pas diminution de sa responsabilité pénale et que
19 le fondement de sa responsabilité, c'est la contribution qu'il a apporté à
20 ce système. Ces crimes permettaient de promouvoir le système de
21 persécution. Au chef 1 de l'acte d'accusation modifié, Kvocka est accusé de
22 participation à la persécution de non-Serbes pour des raisons
23 discriminatoires par le biais des crimes suivants : meurtre, torture,
24 passage à tabac, violence sexuelle, viol, et cetera. Il suffit pour la
25 Chambre de première instance de conclure que l'un de ces crimes a été
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1 commis au cours du séjour de Kvocka au camp pour le considérer comme
2 responsable et participant à l'entreprise criminelle commune.
3 Si bien que la Chambre de première instance dans son approche qui consiste
4 à déterminer la responsabilité de l'accusé sur la base de sa contribution
5 importante ou non, plutôt qu'en établissant des liens précis avec chacun
6 des crimes qui a été commis, la position de la Chambre de première instance
7 est la bonne et va dans le sens de ce qu'on trouve dans l'arrêt Krnojelac,
8 comme par exemple, au paragraphe 97 de l'arrêt Krnojelac.
9 Les crimes commis à Omarska avaient un caractère continu. Compte tenu de
10 cette fréquence, de l'échelle et l'importance, la Chambre de première
11 instance a rejeté les arguments de Kvocka selon lesquels il travaillait
12 qu'à tour de rôle dans le camp. Il avait conclu que la quantité de temps
13 qui y passait n'est pourvu d'importance compte tenu de la fréquence et de
14 l'échelle des crimes commis en ce qui concerne l'étendu des crimes.
15 Sa contribution, pour commencer, la participation à l'entreprise criminelle
16 commune doit être importante. Qu'est-ce que l'on entend par important dans
17 un acte ou une omission et qui fait qu'il y a participation à l'entreprise
18 de façon effective ou suffisante ? La participation qui permet au système
19 de fonctionner sans interruption, sans difficulté. La perpétration physique
20 matérielle ou directe de crimes graves permet de réaliser cette entreprise
21 criminelle et ceci constitue évidemment une contribution importante.
22 Dans le procès concernant Dachau, il y a été observé que la culpabilité
23 d'un accusé par la participation à un dessin criminel commun découlait du
24 moment où les obligations, les demandes de l'accusé étaient premièrement
25 constituées en elles-mêmes. L'exécution et l'administration du système,
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1 ceci serait suffisant pour qu'un accusé soit coupable de participation dans
2 ce système, ou B, si ces actes n'étaient pas par eux-mêmes illégaux ou
3 entachés d'illégalité mais étaient accomplis de façon illégale.
4 Cette deuxième catégorie montre clairement que tout individu indépendamment
5 de sa position à l'intérieur du camp peut être considéré comme participant
6 et responsable dans un système de mauvais traitements s'il accomplit ses
7 tâches de façon illégale.
8 Deuxièmement, l'importance de la contribution d'un participant détermine
9 non seulement la responsabilité mais aussi la responsabilité à la fois en
10 tant que co-auteur ou comme co-auteur ou comme complice et personne qui a
11 aidé et encouragé, en particulier, dans le cas de l'auteur à niveau
12 inférieur.
13 Une personne qui ne commet pas directement des crimes mais qui dirige les
14 opérations de façon générale s'assurant ainsi qu'ils seront commis, qu'ils
15 seront perpétrés, comme cela a été le cas dans l'affaire Krstic, dans
16 l'affaire du Procureur contre Krstic et la culpabilité de co-auteur dans
17 une entreprise criminelle commune à cause de sa participation où il jouait
18 un rôle de coordination clé et ceci a un caractère extrêmement important.
19 Pour ce qui est du niveau des chefs, au paragraphe 642 du jugement Krstic.
20 Les contributions, par exemple, de Zigic étaient importantes parce qu'elles
21 contribuaient directement à l'essentiel du dessin commun qui était le plan
22 commun de persécuter des non-Serbes. De même, l'appelant Radic, sa
23 contribution répond au deux catégories : à la fois commission d'actes
24 graves et en s'acquittant de ses fonctions en tant que chef des gardes, en
25 s'assurant que le système fonctionnait correctement.
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1 Kvocka et Prcac ont eu un rôle qui a fortement aidé dans le camp. Leurs
2 obligations administratives ont contribué de façon importante à l'exécution
3 du système de persécution.
4 Monsieur le Président, il est utile de savoir que dans l'affaire des
5 Einsatzgruppen, il y a une distinction entre la contribution importante et
6 peu importante à l'entreprise criminelle commune en tenant compte de la
7 nature des tâches accomplies par l'accusé et aussi du point de savoir si
8 l'accusé était dans une position à même de protester ou d'avoir eu une
9 influence sur les activités criminelles.
10 Dans l'affaire de Ruehl, l'affaire d'Einsatzgruppen, alors il y a été
11 conclu que bien que Ruehl avait connaissance de certaines des opérations
12 illégales effectuées par l'unité qui effectuait les exécutions de Juifs, il
13 n'a pas été établi qu'il était à même d'exercer un contrôle, d'empêcher, ou
14 de modifier la gravité de ce programme bien qu'il soit resté au sein de
15 l'organisation pour plus de trois mois, et tout au long de la période il a
16 pris aucune part aux exécutions. Le rang peu élevé qu'il avait ne le
17 mettait pas automatiquement à même d'objecter d'une façon quelconque ou de
18 contribuer en quoi que ce soit au succès d'une opération d'exécution. Il a
19 été acquitté des crimes dont il était accusé.
20 Mais comme le Tribunal a fait remarqué à juste titre, tel n'aurait pas été
21 le cas s'il avait été le commandant. Il aurait été à ce moment-là
22 responsable de ces crimes.
23 La Chambre de première instance a conclu qu'aucun des appelants, ici,
24 n'entre dans la catégorie de travailleurs humanitaires. Par exemple, un
25 médecin qui avait visité le camp d'Omarska pour aider les détenus ne se
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1 pourrait qu'être retenu comme responsable, considéré comme responsable
2 parce que ses contributions ne permettaient pas de favoriser le système de
3 mauvais traitements.
4 Peut-être que le facteur le plus important examiné en fin de compte,
5 Monsieur le Président, est le rôle de l'accusé vis-à-vis de la gravité,
6 l'étendu des crimes commis.
7 Troisièmement, l'importance de la participation permettra également de
8 déterminer l'intention délictueuse qui a incarné la condition, à savoir, si
9 le participant participe à partager l'intention de l'entreprise dans ce
10 sens qu'il a eu l'intention de favoriser le système, ou simplement qu'il a
11 eu connaissance de son existence dans le sens qu'en fin de compte, il
12 aurait été simplement un complice du système. Si je peux offrir un exemple,
13 si on demande à un individu de conduire un camion au camp d'Omarska, un
14 camion et que les cadavres qui se trouvent au camp d'Omarska sont chargés
15 sur son camion et qu'il les emmènent à une fosse commune, bien entendu, il
16 est conscient du fait qu'il y a eu des tueries en masse qui se sont
17 produites et il sait qu'il aide à se débarrasser de façon efficace des
18 corps. Il y a contribution importante. Toutefois, on ne pourrait pas en
19 déduire de façon raisonnable que, parce qu'il a aidé à une occasion, il
20 était d'accord avec le système ou participait de l'intention de façon
21 active.
22 Si un individu rentre dans le camp d'Omarska, en sachant parfaitement qu'il
23 y a là un climat d'impunité et que les détenus sont brutalisés de façon
24 quotidienne et qu'à l'occasion de sa venue, délibérément il tue un détenu
25 ou le maltraite, sa contribution est si directe et si importante qu'il fait
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1 partie de ceux qui favorisent les objectifs du système et que la seule
2 déduction raisonnable, est qu'il était d'accord avec le système, qu'il en
3 partageait les objectifs, et il doit être tenu comme responsable en tant
4 que co-auteur.
5 Selon nous, la Chambre de première instance dans son analyse, dans ces
6 conclusions, les critères juridiques applicables pour déterminer la
7 responsabilité de l'appelant sans être critiqués, ils doivent être
8 maintenus, et ne serait être censurés, et doivent être maintenus. Les
9 appelants contestent ces conclusions, ils disent qu'elles doivent être
10 rejetées.
11 Je voudrais parler d'un argument collectif des appelants sur lequel ils
12 n'avaient pas l'intention délictueuse voulue pour tomber sous le coup de ce
13 type de responsabilité. Kvocka a prétendu par exemple qu'il n'avait pas
14 partagé l'intention, il a dit qu'il avait été obligé par ses supérieurs de
15 remplir ses tâches. Radic a également soutenu qu'il avait agit conformément
16 à la structure en place, et qu'il se bornait à obéir aux ordres, et qu'il
17 n'avait aucune intention discriminatoire. Prcac a soutenu qu'il se trouvait
18 au camp parce qu'il avait été menacé.
19 Tous ces arguments doivent être rejetés. Fondamentalement, ils disent
20 qu'ils n'auraient pas dû être reconnu coupables en tant que co-auteurs en
21 raison de tous ces motifs. Les aspects du fait de l'argumentation seront
22 examinés par la suite, mais la condition juridique de l'intention
23 délictueuse doit maintenant être examinée.
24 La Chambre de première instance a fait une conclusion du fait selon
25 laquelle selon que les quatre appelants avaient partagé l'intention de
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1 discrimination d'entreprise commune à la lumière du fait qu'ils
2 connaissaient et avaient une participation importante au système de
3 persécution. Les conclusions juridiques de la Chambre sont exactes, elles
4 sont cohérentes et compatibles avec les arrêts rendus par la Chambre
5 d'appel, ainsi que ces décisions.
6 Pour commencer, il y a une connaissance précise de chacun des crimes
7 commis, cette connaissance précise n'est pas nécessaire. Deuxièmement,
8 l'arrêt de la Chambre d'appel de Krnojelac au paragraphe 100 a soutenu que
9 l'intention criminelle partagée n'exige pas que les co-auteurs aient
10 manifesté personnellement de la satisfaction et de l'enthousiasme, ou qu'il
11 y a eu une initiative personnelle dans la contribution au système. Des
12 motifs personnels de l'auteur doivent être distingués de l'intention, et
13 les motifs ne sont pas pertinents pour ce qui est d'établir la
14 responsabilité.
15 Troisièmement, au paragraphe 96 de son arrêt, la Chambre qui a jugé en
16 appel l'affaire Krnojelac a précisé quel était le jeu qui intervenait entre
17 la connaissance et l'intention expliquant qu'il y a une force systématique
18 d'entreprise criminelle commune avec l'intention qui est partagée avec les
19 participants, mais pas nécessairement les participants directs ou les
20 auteurs directs. Ceci présuppose deux choses; premièrement la connaissance
21 du système et l'intention de favoriser ce système de mauvais traitement.
22 Utilisant ces critères pour savoir ce qui doit être prouvé concernant leur
23 participation au système, il n'est pas nécessaire d'établir qu'il y a eu
24 accord entre tous les participants. Par conséquent, suivant la référence
25 Krnojelac, tout ce qui était nécessaire était qu'il a eu connaissance du
Page 348
1 système et qu'il était d'accord avec ce système. C'est-à-dire pas
2 nécessairement qu'il était d'accord avec les auteurs à titre individuel qui
3 ont commis individuellement ces crimes.
4 Par conséquent, l'intention dans l'entreprise criminelle commune sous sa
5 deuxième forme existe parce que l'accusé a conscience de la nature
6 d'intention des autres co-auteurs et guidé par cette connaissance, a
7 contribué volontairement à ce dessin commun. Ce qui veut dire qu'il apporte
8 sa contribution.
9 En conclusion, si un accusé agit avec intention peu importe de savoir si
10 les motifs de l'accusé étaient d'obéir aux ordres ou de remplir ses
11 devoirs, ou d'essayer d'éviter les conséquences négatives éventuelles. Un
12 co-auteur indifférent, sans enthousiasme ou réticent demeure un co-auteur à
13 condition qu'il a contribué d'une façon importante à l'entreprise
14 criminelle commune et qu'il ou elle ait partagé l'intention criminelle
15 commune.
16 Les arguments des appelants en ce qui concerne l'intention délictueuse
17 doivent également être rejetés.
18 Pour revenir à mon dernier point en ce qui concerne l'entreprise criminelle
19 commune ceci à trait aux questions de l'abandon des engagements ou du
20 retrait par un système, cette question, ce problème a été évoqué, s'est
21 posé en partie parce que Kvocka soutient qu'il ne devait pas être reconnu
22 coupable pour les crimes commis au cours des périodes où il était absent,
23 et où il n'était pas en mesure de quitter le camp, parce que ceci aurait pu
24 avoir une incidence sur son travail, sur son emploi. Prcac semble soutenir
25 qu'il avait été mobilisé sous la menace et obligé de travailler au camp
Page 349
1 d'Omarska. Radic soutient qu'il avait peur pour ses fils, et il ne voulait
2 pas qu'ils soient envoyés sur la ligne du front s'il refusait. En d'autres
3 termes, la plupart des appelants ont soutenu qu'ils avaient très peu de
4 choix pour ce qui était de refuser de travailler au camp.
5 Dans son jugement au paragraphe 709, la Chambre de première instance a
6 conclu que le travail des défendeurs au camp pendant une période de 17
7 jours, trois mois, si pendant cette période ils avaient toujours essayé
8 d'améliorer les conditions, d'empêcher les crimes, d'alléger les
9 souffrances, ils auraient pu vraisemblablement échapper à la responsabilité
10 du fait de participation au système de persécution. La Chambre de première
11 instance a jugé sur les faits de cette espèce qu'aucun des défendeurs ne
12 correspondait à une telle définition. La Chambre de première instance a par
13 conséquent examiné précisément la même question qui était de savoir si les
14 circonstances étaient pertinentes soient pour la responsabilité, ou
15 culpabilité, les circonstances dont lesquelles un individu pouvait
16 effectivement se désengager ou se retirer d'une entreprise criminelle
17 commune qui était clairement inégale, pouvant ainsi éventuellement échapper
18 à la responsabilité.
19 La Chambre de première instance dans l'affaire Krnojelac a indiqué que le
20 fait de démissionner d'un emploi dans un système de ce genre, est la seule
21 façon dont on peut se retirer ou se désengager d'un tel système. Certaines
22 des questions plus pertinentes à cet égard étaient de se demander si
23 l'accusé était en mesure de refuser les tâches qu'il lui était ordonné ?
24 Est-ce qu'il y avait un risque pour l'accusé de souffrir par exemple d'être
25 emprisonné s'il refusait de remplir ses tâches ? S'il y a des preuves de
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1 cela ou qu'il avait essayé de se retirer du système sans avoir des
2 conséquences dommageables.
3 En rejetant les griefs de Kvocka présentés au procès en première instance,
4 la Chambre de première instance a jugé au paragraphe 402 qu'il n'y avait
5 aucune preuve qui indique que les Serbes qui travaillaient dans le camp qui
6 assistaient ou essayaient d'améliorer les conditions des détenus, le seul
7 qui essayait de le faire était puni, il n'y avait aucune preuve.
8 Je dois faire remarquer dans le mémoire en réponse, on peut voir que
9 l'Accusation a présenté une analyse comparative de la jurisprudence
10 nationale fondant des principes concernant le retrait ou l'abandon, mais je
11 dois faire remarquer que l'applicabilité dépend de la nature du crime. Par
12 exemple, selon le modèle du code pénal des Etats-Unis et la jurisprudence
13 britannique, nous avons cité un certain nombre d'exemples concernant des
14 crimes précis, crimes précis qui est par exemple d'empêcher que des crimes
15 de ce genre soient perpétrés, ou un comportement correspondant à cela s'il
16 y avait renonciation, ceci pourrait aboutir à envisager des circonstances
17 atténuantes dans le cas où ils auraient tenté de le faire. Dans ce cas, la
18 Chambre de première instance a reconnu que ces crimes avaient une
19 continuité, et à cause de cette continuité de ces crimes systématiques, la
20 notion, ou l'idée de crimes achevés ne se pose pas nécessairement. Le fait
21 d'avoir un crime ne se pose pas nécessairement.
22 Toutefois, les cas de jurisprudence que nous avons cités, nous donne
23 quelques directives qui sont compatibles avec des observations de la
24 Chambre de première instance sur la possibilité de se retirer du système.
25 Par exemple, en droit allemand pour ce qui est des forces affirmatives ou
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1 de renonciations, il est nécessaire que celui qui est auteur après avoir
2 conspiré pour commettre un crime, ait fait échec à l'accomplissement de ce
3 complot dans des circonstances où il manifeste de façon complète et
4 volontaire une renonciation à son objectif criminel. Le statut du tribunal
5 international constitue également des dispositions expresses sur le fait de
6 renoncer à une tentative criminelle, et ainsi l'Article 25 (3)(F) qui
7 exonère l'auteur de sa responsabilité de tentative, si cette personne a
8 complètement et volontairement renoncé à l'objectif criminel.
9 La question est de savoir si les motivations personnelles des appelants, et
10 les raisons pour être restés au camp équivalent à une défense juridique
11 reconnue ? Nous soutenons que les raisons qui ont trait aux absences de
12 Kvocka n'équivalent pas à des engagements effectifs, ou un abandon par lui
13 de l'entreprise criminelle conjointe, il était peut-être simplement en
14 permission ou en congé de maladie entre le 2 et le 6 juin le 16 et le 19
15 juin respectivement, et pendant ses congés il a passé du temps avec la
16 famille de sa femme.
17 En ce qui concerne -- oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Rashid.
19 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] S'il vous plaît, pourriez-vous
21 ralentir votre rythme un petit peu.
22 Mme RASHID : [interprétation] Excusez, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ceci aiderait à l'interprétation
24 et permettrait à l'interprétation de parvenir à certains membres de la
25 Chambre.
Page 352
1 Mme RASHID : [interprétation] Excusez-moi. Je pense qu'il y a peut-être un
2 problème avec mon microphone. Je ne parviens pas à entendre si les
3 traducteurs me demande de ralentir.
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,
5 ralentir votre rythme.
6 Mme RASHID : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président, je
7 regarde également l'horloge. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
8 Président.
9 Monsieur le Président, nous soutenons que les périodes d'absence de Kvocka
10 rentraient parfaitement dans les conditions normales de son emploi. Lorsque
11 Kvocka est revenu au camp, il a continué de participer de façon active à
12 ses obligations, il n'a pas été renvoyé, il n'a pas perdu son emploi, mais
13 il a été transféré à un autre poste de Police à Tukovi. Il n'a pas quitté
14 le camp de son propre mouvement. Il n'a pas abandonné le camp de sa propre
15 initiative. Il n'y a aucune preuve de cela, il n'y a aucune preuve qu'il
16 était quoique ce soit pour accélérer son départ et s'il avait fait son
17 départ du camp, et s'il avait eu le choix il aurait continué de travailler
18 au camp.
19 La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 403, que même si un
20 participant en connaissance de cause à une entreprise criminelle ne voulait
21 pas démissionner, parce que ceci portait un préjudice à sa carrière, qu'il
22 soit envoyé sur le front, qu'il soit emprisonné ou puni, la Chambre de
23 première instance souligne que ceci ne constitue ni une excuse, ni une
24 excuse exonératoire de responsabilité pour sa participation à des crimes de
25 guerre, à des crimes contre l'humanité, ne serait soulever la contrainte
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1 comme moyen de défense. La seule excuse de Kvocka est qu'il craignait de
2 perdre son emploi. C'est vraisemblablement à cause de cela, qu'il a en
3 connaissance de cause, participé à un système selon lequel des centaines de
4 détenus ont trouvé la mort.
5 Est-ce que les appelants auraient pu choisir de ne pas travailler dans une
6 organisation qui était à l'évidence criminelle ? Oui, ils auraient pu le
7 faire. Radic a déposé devant la Chambre, indique rien n'a été fait aux
8 gardes qui n'étaient pas venus travailler. Certains sont allés à leur
9 ferme, d'autres sont allés nager, il a dit cela dépendait de l'individu et
10 de savoir avec quelle conscience il accomplissait ses tâches à Omarska.
11 Ceci figure à la page 11297 du compte rendu.
12 Un autre témoin, Nada, a dit qu'elle a reçu l'ordre de travailler à Omarska
13 en tant que dactylographe, elle est allée jusqu'au bout et a même entendu
14 Simo Drljaca se plaindre du fait que le travail était trop dur et avait la
15 permission de quitter le camp. Il est fait mention de cela à la page 7782,
16 du compte rendu DD/10 montre qu'elle a quitté le camp à sa propre
17 initiative, et elle indique qu'elle confrontait à ce qui concernait les
18 conditions de travail au camp, et comme elle le dit elle n'a pas perdu la
19 tête. Ceci est indiqué au compte rendu page T10699. Ensuite, les témoins de
20 la Défense ont déposé en ce sens que l'organisation dans le camp était si
21 laxiste que les gardes finalement ne venaient pas travaillé, sans qu'il y
22 ait de répercussions à leur égard.
23 La seule conclusion raisonnable pour la Chambre de première instance,
24 c'était que les appelants étaient des participants en connaissance de cause
25 volontaire au système de persécution, et qu'ils n'ont rien fait pour se
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1 désengager de ce système.
2 Ayant entendu les arguments des appelants, leurs griefs demeurent dénués de
3 valeur et devrait être rejetés.
4 Si c'est ce que conclut avec certaines observations de la Chambre de
5 première instance, elle l'a conclu à juste de titre que les tâches
6 principales des individus faisant parties du personnel qui travaillait au
7 camp d'Omarska, étaient d'assurer que les prisonniers demeuraient dans leur
8 condition misérable, et que le système mis en place dans le camp
9 fonctionnait sans difficulté. Si nous en tirons les arguments de Zigic, de
10 Radic les administrateurs, les gardes ceux qui procèdent aux
11 interrogatoires, les dactylographes au camp, le camp n'aurait pas pu
12 fonctionner de façon efficace, et peut-être personne ne serait mort
13 inutilement.
14 La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 709, que sans leur
15 fonction de garde, sans le rôle qu'ils ont joué pour permettre un
16 fonctionnement efficace et continu du camp, il n'y aurait pas eu de camp du
17 tout.
18 Pour tous ces motifs, et les raisons qui sont exposées par l'équipe de
19 l'Accusation, la Chambre de première instance a conclu à juste titre que
20 les crimes commis à Omarska l'ont été par des participants à une entreprise
21 criminelle commune, et le motif ou moyen communément invoqué par les
22 appelants en appel devront par conséquent être rejeté.
23 Monsieur le Président, ceci achève les conclusions en ce qui concerne le
24 moyen invoqué en commun en appel, et si je ne suis pas en mesure d'aider la
25 Chambre, j'en reviendrais à la réponse que j'ai faite au motif invoqué en
Page 355
1 appel par Kvocka.
2 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que vous en avez terminé
3 ou non ? Vous pouvez continuer.
4 Mme RASHID : [interprétation] J'ai achevé la présentation de mes
5 conclusions en ce qui concerne le moyen évoqué en commun en appel, et je
6 répondrais aux autres moyens évoqués en appel par l'appelant Kvocka.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je pense que vous devriez être
9 autorisée à poursuivre et à conclure votre exposé.
10 Mme RASHID : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
11 L'appelant Kvocka a soulevé un certain nombre de prétendues erreurs qui se
12 serait glissée dans son mémoire en appel. Je voudrais répondre, toutefois,
13 à quatre points -- peut-être cinq points, qui ont été évoqués dans cette
14 plaidoirie orale hier. Le premier point a trait à l'admissibilité des
15 déclarations faites aux membres du bureau du Procureur, une déclaration qui
16 a été faite par Kvocka au bureau du Procureur et qui a reçu pour cote P303
17 lors du procès. Kvocka soutient que parce qu'il a choisi de déposer devant
18 la Chambre, la transcription de sa déclaration sur son interrogatoire, ne
19 devait pas avoir été admise, on n'aurait pas dû se fonder dessus. Je ne
20 propose, je n'ai pas l'intention de m'attarder longtemps sur cette
21 question, parce que nous n'acceptons ce point, ou parce qu'il y aurait une
22 ambiguïté dans le règlement concernant l'admissibilité de la déclaration de
23 l'accusé, ou qu'il y ait eu une erreur de droit. Il n'y a pas de difficulté
24 Monsieur le Président, cette déclaration a été enregistrée conformément à
25 la procédure énoncée dans le règlement, à savoir les Articles 42, 43 et 63
Page 356
1 du règlement, et c'est encore plus important, c'est qu'hier, Mme Juge
2 Mumba, je crois, a clarifié les choses avec le conseil, et il a été dit que
3 Kvocka avait été mis en garde sur le fait que toute déclaration, qu'il
4 pourrait faire, serait utilisée comme élément de preuve, et ceci n'est pas
5 contesté non plus.
6 La déclaration a été utilisée au cours du contre-interrogatoire de Kvocka,
7 et certaines parties des affirmations de l'Accusation comme étant
8 véridique. La Chambre de première instance s'est également référée à la
9 déclaration faite dans le jugement. Dans le droit de la pratique du
10 Tribunal, il y a une différence qui est établie entre l'utilisation qui
11 peut être faite d'une déclaration d'un témoin et de celle d'un accusé. Je
12 dois également faire remarquer que la même contestation évoquée par
13 l'appelant hier, en fait, avait été déjà évoquée lors du procès et que la
14 Chambre de première instance s'était prononcée à ce sujet dans sa décision
15 en date du 16 mars 2001. L'appelant n'a fait aucune référence à cette
16 décision et il n'a présenté aucune conclusion sur les motifs pour lesquels
17 la Chambre de première instance aurait commis une erreur en droit dans sa
18 décision en admettant cette déclaration.
19 La Chambre de première instance a admis que cette déclaration parce que le
20 règlement le prévoyait, notamment, l'Article 42 et a été satisfait du fait
21 que toutes les mesures protégeant les droits de l'accusé avait été
22 respectés et a conclu que, compte tenu des circonstances, l'omission de ce
23 document en question, qu'il est à l'évidence pertinent, avait une valeur
24 probante et ne pouvait être considéré comme contraire aux exigences d'un
25 procès équitable et que les Juges apprécieraient le poids qu'il convenait
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1 d'attribuer à ces éléments de preuve, le moment venu. En d'autres termes,
2 la déclaration a été traitée comme tout autre élément de preuve étant donné
3 que sa valeur probante et le poids qu'il fallait y attribuer à l'exception
4 du fait que les règles concernant son admissibilité étaient des
5 dispositions précises du règlement de procédure et de preuve.
6 J'ai cité également dans le mémoire un jugement, un arrêt concernant
7 l'affaire Celebici qui se prononce de façon très claire sur le fait qu'une
8 Chambre de première instance est en droit de se fonder sur la substance de
9 ce type de déclaration pour parvenir à une condamnation si elle a été faite
10 volontairement. C'était le même cas pour Music et l'arrêt Celebici au
11 paragraphe 564. Je citerais également un jugement récent de la Chambre de
12 première instance dans l'affaire du Procureur contre Simic où la Chambre a
13 utilisé les déclarations faites au bureau du Procureur par Zaric et Tadic
14 en dépit de leurs décisions de témoigner dans le prétoire.
15 La jurisprudence est tout à fait claire. Le règlement ne comporte aucune
16 ambiguïté. La Chambre de première instance est habilitée à admettre et à
17 utiliser les déclarations au préalable en raison de leur valeur probante et
18 la Chambre, en l'espèce, a exercé son pouvoir discrétionnaire à attacher le
19 poids qu'il convient à cette pièce à conviction. Aucune erreur n'a été
20 démontrée par l'appelant. Cet argument doit être rejeté.
21 Deuxième erreur de droit ou erreur de fait évoqué par l'appelant, celle-ci
22 porte sur les conclusions de la Chambre selon lesquelles Kvocka occupait
23 une position comparable de facto du point de vue de l'autorité et de
24 l'influence qu'elle comporte à celle de commandant adjoint du camp
25 d'Omarska. Il y a quatre points que je souhaiterais évoquer devant vous,
Page 358
1 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, très rapidement
2 s'agissant de cet argument.
3 Premièrement, la Chambre n'a pas estimé que Kvocka était commandant
4 adjoint. Elle a estimé que Kvocka était l'équivalent d'un commandant
5 adjoint en réserve des fonctions qu'il avait exercé de facto, et ce, après
6 avoir apprécié le rôle qu'il avait joué ainsi que les tâches précises qui
7 étaient les siennes dans le camp.
8 Deuxièmement, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, la
9 responsabilité d'un participant en tant que co-auteur ne dépend pas du
10 titre formel qui est le sien mais de la participation que celui apporte au
11 fonctionnement d'un système. Kvocka a également critiqué la déposition d'un
12 certain nombre de témoins hier dans ce prétoire. Il semble penser que les
13 témoins estimaient qu'il était commandant adjoint et que ceci constitue
14 l'ensemble de la preuve que la Chambre a pris en compte. Or, ce n'est pas
15 le cas, la Chambre de première instance s'est appuyée sur un grand nombre
16 de témoignages qui ont parlé de Kvocka comme occupant un poste d'autorité
17 et d'influence à l'intérieur du camp. Ceci figure au paragraphe 368.
18 Kvocka, lui-même, se présentait comme commandant et la personne responsable
19 des détenus. Il l'a fait au moins à deux reprises.
20 La Chambre de première instance s'est également appuyée sur la déposition
21 de Kvocka qui a déclaré que le commandant Meakic lui avait demandé en tant
22 qu'officier supérieur de remplir certaines tâches et que cela permettait,
23 sans doute, à des sous-officiers ou à des officiers moins anciens ou moins
24 élevé dans l'hiérarchie de le considérer comme leur supérieur en raison des
25 tâches qu'il accomplissait dans le camp.
Page 359
1 En dehors de ce système de défense qui a été utilisé à plusieurs reprises
2 lors du procès, l'appelant, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les
3 Juges, n'a invoqué aucune erreur de droit, aucune erreur de fait. Il n'a
4 jamais évoqué les conclusions, le raisonnement qui était à la base de ces
5 conclusions. Nous disons que ceci est insuffisant pour le dégager de ses
6 obligations et des ses responsabilités en tant qu'appelant. Il n'est pas
7 parvenu à démontrer que la Chambre de première instance aurait commis des
8 erreurs aux motifs que ces conclusions auraient été déraisonnables. Il n'y
9 a aucune raison de remettre en cause les conclusions de la Chambre de
10 première instance.
11 Troisièmement, l'appelant a invoqué un certain nombre d'arguments liés à sa
12 participation. Il déclare que sa participation n'a pas été significative et
13 au motif de cela, il ne devrait pas être tenu pour responsable en tant que
14 co-auteur. Au paragraphe 407 du jugement, la Chambre a conclu que Kvocka
15 avait participé activement au fonctionnement quotidien et à l'entretien du
16 camp et y compris que son comportement en faisait un co-auteur à
17 l'entreprise criminelle commune. La Chambre a déclaré que son apport au
18 fonctionnement du camp avait été significatif. Elle a estimé qu'il avait un
19 rôle dans la création du camp, et ce, à l'examen des faits et que ceci
20 était démontré par le fait que Kvocka avait été l'un des premiers qui était
21 arrivé dans le camp pour aider à mettre en place le système de sécurité de
22 celui-ci et qu'il avait organisé l'arrivée d'un certain nombre de
23 réservistes de la police dans le camp pour remplir les fonctions de garde.
24 Il était le lien entre le commandant Meakic et les officiers de police qui
25 travaillaient en tant que gardes dans le camp. Pour l'essentiel, ces
Page 360
1 activités correspondaient à ce Meakic lui demandait de faire. Meakic était
2 le commandant du camp et Kvocka le remplaçait en son absence.
3 Sur le plan officiel, ses fonctions consistaient à superviser les
4 réservistes de la police qui travaillaient en tant que garde à superviser
5 les officiers de police et à dresser des rapports à Meakic. L'une des
6 tâches les plus intéressantes de Kvocka consistait à décider qui allait
7 survivre aux interrogatoires dans la "maison blanche". Le Témoin AK a dit
8 dans sa déposition que, lorsqu'un soldat l'a fait sortir de la pièce où il
9 se trouvait, Kvocka a dit à ce soldat qu'il faisait sortir, il faisait
10 sortir de la pièce le Témoin AJ et un autre témoin pour les emmener à la
11 "maison blanche" et Kvocka a dit à ce soldat : ramène-les après.
12 Or, cette "maison blanche" est tout à fait célèbre. Il est de notoriété
13 publique que les détenus y étaient interrogés et que certains ne
14 survivaient pas à ces interrogatoires. Zigic et d'autres personnes ont
15 finalement été condamnés de passages à tabac sur la personne du Témoin AK
16 et du Témoin AJ. Mais c'est sur les instructions de Kvocka qu'ils ont
17 survécu. Ils ont été ramenés dans la pièce. Mais Kvocka, cependant, a
18 autorisé qu'on les passe à tabac.
19 Le conseil de Kvocka a parlé hier d'un autre incident impliquant la
20 participation de Nusret Sivac. Cet incident est évoqué dans le jugement au
21 paragraphe 378 [comme interprété].
22 Que s'est-il passé ? Kvocka a donné des instructions selon lesquelles
23 Nusret Sivac devait être ramené à Prijedor et qu'il fallait à sa place
24 arrêter sa sœur, Nusreta Sivac, une femme, une civile, une juge, une membre
25 éminente de la communauté musulmane. En conséquence de cela, elle a été
Page 361
1 enfermée dans des conditions déplorables dans le camp sans aucune
2 justification entre le 10 juin et le 3 août. La détention et
3 l'incarcération d'un civil --
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid.
5 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
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9 Mme RASHID : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous passer à
10 huis clos partiel pour une minute ?
11 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, j'ordonne le huis clos
13 partiel.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
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12 Page 363 –expurgée– audience à huis clos partiel.
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21 [Audience publique]
22 Mme RASHID : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
23 Monsieur le Président, Kvocka a également dit dans sa déposition que des
24 officiers réservistes de la police avaient les mêmes tâches que des
25 policiers d'active et que les tâches des policiers d'active travaillant
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1 dans le camp d'Omarska consistaient à empêcher les prisonniers de s'évader,
2 à empêcher des gens de l'extérieur de pénétrer dans le camp, et également à
3 empêcher toute attaque visant les prisonniers. Kvocka et les officiers de
4 police qu'il supervisait avaient, par conséquent, pour responsabilité de
5 protéger les détenus en assurant leur sécurité et leur bien-être. La
6 Chambre a estimé que l'insistance avec laquelle Kvocka a déclaré qu'il ne
7 pouvait empêcher aucune exaction car il n'avait pas l'autorité suffisante
8 pour le faire a été contredite par les moyens de preuve, qui sont
9 d'ailleurs très nombreux. La Chambre a estimé qu'il aurait pu faire
10 beaucoup plus que ce qu'il a fait pour améliorer les terribles conditions
11 dans le camp. Il aurait pu prendre des mesures pour empêcher des personnes
12 non autorisées à pénétrer dans le camp pour violenter les détenus. Il
13 aurait pu veiller à ce qu'un nombre plus important de détenus reçoivent des
14 soins médicaux. Il aurait pu empêcher les gardiens et d'autres subordonnés
15 de frapper ou de soumettre les détenus à d'autres violences au moment de
16 leur arrivée, au moment des repas où lorsqu'ils allaient aux toilettes. Il
17 aurait pu agir de la sorte car il a effectivement proposé son aide, mais il
18 ne l'a fait que sélectivement en choisissant les personnes qui
19 bénéficiaient de son attention, c'est-à-dire, en ne le faisant que pour des
20 personnes qu'il connaissait. Il ne l'a pas fait pour un nombre très
21 important de personnes qu'il ne connaissait pas.
22 Kvocka a reconnu qu'il y avait entre 2 000 et 2 500 détenus au moment où il
23 se trouvait dans le camp. La Chambre a estimé qu'il était co-auteur parce
24 qu'en dépit du fait qu'il connaissait les traitements, le mauvais
25 traitement et les conditions terribles auxquels les détenus étaient soumis
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1 dans le camp, il a continué à y travailler pendant au moins 17 jours, et la
2 Chambre a estimé que pendant ces 17 jours, il a accompli ses tâches de
3 façon tout à fait efficace, zélé et sans jamais se plaindre.
4 Lorsque Kvocka s'est rendu au travail dans le camp d'Omarska le 29 mai, il
5 a vu trois ou quatre cadavres gisant sur l'herbe. On lui a dit que ces
6 détenus avaient été abattus alors qu'ils tentaient de s'évader pendant la
7 nuit. L'un d'entre eux était un policier musulman, un certain Delic, qui
8 manifestement avait été terriblement passé à tabac avant d'être abattu
9 cette nuit-là. La seule réaction de Kvocka a été de dire que si Meakic
10 avait été avec lui, il aurait vu cela et qu'il s'en serait occupé.
11 Mirsad Alisic a témoigné que dix jours plus tard à peu près un vieillard
12 répondant au nom de Nasic aurait été abattu dans la cafétéria par un
13 gardien. Kvocka était juste à côté du gardien lorsque cela s'est passé.
14 Ensuite, Kvocka s'est approché du témoin et la seule chose qu'il a dite a
15 été : "pourquoi est-ce que tu n'as pas réussi à le faire taire ?"
16 Kvocka était présent lorsque des corps ensanglantés ont été chargés à bord
17 d'un camion dans le camp où il était responsable du déploiement des
18 gardiens en différents lieux dans le camp. Pourquoi ce déploiement ? Pour
19 empêcher les détenus de s'évader.
20 En déclarant Kvocka responsable en tant que co-auteur d'une entreprise
21 criminelle commune, la Chambre a conclut qu'il était tout à fait au courant
22 de la nature criminelle du camp, qu'il avait continué à exercer son
23 influence et son autorité de sa propre volonté, que sa participation avait
24 permis au camp de continuer à fonctionner sans un coup d'appliquer la
25 politique qui était la sienne. La continuité de son travail dans le camp
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1 d'Omarska constituait un message d'approbation adressé aux autres
2 participants qui assuraient le fonctionnement du camp, que ce n'était en
3 aucun cas à une condamnation ou un rejet des violences et des conditions
4 déplorables qui régnaient dans le camp.
5 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, ce sont les
6 conclusions à laquelle la Chambre de première instance est parvenue après
7 un examen approfondi et soigné de tous les moyens de preuve pertinents.
8 Kvocka n'a pas démontré que les juges de la Chambre se sont montrés
9 déraisonnables dans la façon dont ils ont apprécié les moyens de preuve et
10 dans les conclusions qu'ils en ont tirées, c'est-à-dire qu'il n'a pas
11 démontré qu'une autre Chambre de première instance composée de juges plus
12 raisonnables serait parvenue à une conclusion différente.
13 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Juges, je conclurais en
14 faisant remarquer que Kvocka détenait le poste le plus élevé du point de
15 vue de l'autorité qu'il exerçait de tous les appelants dans la présente
16 affaire. Il n'était pas l'architecte des persécutions commises dans le
17 camp. Il a néanmoins joué un rôle clé dans la continuité du fonctionnement
18 du camp qui a permis la commission des crimes qui y ont été commis. Pour
19 toutes ces raisons que nous démontrons dans notre mémoire en appel, et nous
20 soutenons tous les arguments développés par les Juges de la Chambre de
21 première instance dans leur jugement, nous affirmons que la Chambre de
22 première instance n'a commis aucune erreur en considérant Kvocka comme
23 responsable de participation à une entreprise criminelle commune.
24 Je demande, Monsieur le Président, que vous mainteniez le verdict contre
25 lui et rejetiez son appel. Merci, Monsieur le Président.
Page 368
1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid, je me demande
2 s'il vous convient d'inviter mes collègues à poser des questions
3 supplémentaires, si c'est nécessaire.
4 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, cela me convient.
5 [La Chambre d'appel se concerte]
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur le Juge Guney aura une
7 question.
8 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE GUNEY : Madame Rashid, vous avez essayé d'attirer l'attention
10 sur le rôle joué par Kvocka, par rapport de la chaîne de la commande qui a
11 été établie au camp. Mais, si je ne m'abuse, vous n'avez pas fait d'autant
12 de la position et le rôle pris, selon vous, bien entendu, des autres
13 appelants dans la chaîne de la commande, étant donné que M. Zeljko Meakic
14 était le commandant du camp. Peut-être vous pouvez donner un peu plus là-
15 dessus pour que soit clair quelle était, d'après vous, bien entendu, la
16 place prise et le rôle joué des autres dans la chaîne de la commande.
17 Merci.
18 Mme RASHID : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Guney. La Chambre de
19 première instance a considéré que Meakic était le commandant du camp et que
20 Meakic exerçait son autorité et contrôlait un système hiérarchique qui
21 était limité à l'enceinte du camp. Il ne contrôlait pas, par exemple, les
22 enquêteurs qui faisaient partie des services de logistiques. Il ne
23 contrôlait que les services de Sécurité qui étaient assurés par les
24 policiers du poste de Police d'Omarska. Meakic commandait le poste de
25 Police d'Omarska avant la création du camp.
Page 369
1 La Chambre a considéré que Kvocka était son assistant personnel. Kvocka
2 exerçait des fonctions qui équivalaient à celles d'un commandant adjoint ou
3 d'un chef adjoint du commissaire de police d'Omarska, et je dis équivalent
4 à parce que ces fonctions n'ont jamais été officialisées, mais il était
5 l'officier de plus haut rang au côté de Meakic au poste de Police
6 d'Omarska. La Chambre a considéré que la filière hiérarchique du poste de
7 Police d'Omarska partait d'en haut du poste de commandant; ensuite,
8 commandant adjoint; et, ensuite, les chefs de secteurs divers, et que cette
9 filière hiérarchique a été transposée dans le camp d'Omarska, mais
10 uniquement dans les services de Sécurité de ce camp. L'hiérarchie, Monsieur
11 le Juge, est la suivante : on a d'abord Meakic qui est le commandant du
12 camp; Kvocka, qui officiellement occupe un poste équivalent à celui de chef
13 adjoint - j'insiste ce titre n'est pas un titre formel - et la Chambre a
14 considéré que Prcac arrive plus tard dans la filière hiérarchique et qu'il
15 était l'adjoint de Meakic. La Chambre a estimé qu'il était un assistant
16 administratif, mais il faisait partie de cette hiérarchie des services de
17 Sécurité. Radic, Monsieur le Juge, était un chef d'une équipe de gardiens
18 également dans le cadre de cette filière hiérarchique dans le cadre de la
19 structure de commandement que j'ai décrite précédemment. J'espère avoir
20 répondu à votre question, Monsieur le Juge.
21 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui. Madame la Juge Mumba a une
22 question.
23 Mme LE JUGE MUMBA: [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Madame Rashid, j'ai bien suivi votre exposé, notamment, l'analyse que vous
25 avez faite de la responsabilité de chacun des appelants. Peut-être ne vous
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1 ai-je pas entièrement comprise, mais, si j'ai bien compris, ce que vous
2 avez dit dans votre analyse des actes de chacun des appelants, c'est que
3 dans certaines affaires comme celles-ci, la culpabilité ne dépend pas
4 uniquement du titre attaché à telle ou telle personne, mais que ce sont les
5 activités accomplies par cette personne ou ces omissions qui permettent de
6 déterminer positivement la responsabilité. J'utilise tout à fait
7 volontairement le terme de "positivement." Est-ce que vous êtes d'accord
8 avec moi là-dessus ?
9 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Madame la Juge. C'est effectivement la
10 position de l'Accusation. Ce sont les actions ou les omissions d'une
11 personne qui permettent de déterminer sa responsabilité. C'est tout à fait
12 exact.
13 Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Merci.
14 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je demanderais une confirmation
15 de votre part simplement. Pourriez-vous me confirmer votre position et me
16 dire si je l'ai bien comprise. Je crois comprendre que ce que vous dites
17 c'est que s'il est démontré qu'un accusé a participé à une entreprise
18 criminelle commune, invoqué son absence à tel ou tel moment n'est pas un
19 moyen de défense à moins que cet absence n'équivaut à un abandon ou à un
20 retrait de cette personne de l'entreprise criminelle commune. Est-ce bien
21 ce que vous entendez par là ?
22 Mme RASHID : [interprétation] Je vais m'expliquer, Monsieur le Président.
23 D'ailleurs, nos arguments s'appuyaient sur les faits invoqués dans la
24 présente affaire. Un exemple, dans l'affaire Kvocka, lorsque je parle
25 d'absence, je parle de deux moments où il n'était pas présent dans le camp
Page 371
1 où il était en permission. Ce que nous disons, c'est que ces deux périodes
2 étaient totalement et régulièrement prévues dans son contrat de travail. Il
3 avait le droit de prendre des congés, mais ce qui est important c'est que
4 lorsqu'il est revenu dans le camp, il n'a jamais rejeté le système en
5 vigueur dans le camp d'une quelconque façon parce que le témoin DD/10, par
6 exemple, l'a fait. Il a quitté le camp. Il n'est jamais revenu et il
7 n'avait absolument pas l'intention d'y retourner. Ce que nous disons du
8 côté de l'Accusation, c'est que dans un cas, le dernier que je viens de
9 citer, il y a rejet effectif du système, désengagement effectif de la part
10 de la personne qui a quitté totalement le camp, rejeté ce système sans
11 aucune intention d'y retrouver ou d'y reprendre sa place alors que les
12 absences auxquelles j'ai fait référence s'agissant de Kvocka, se limite à
13 deux périodes tout à fait définies. C'est tout, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie. Suis-je en
15 droit de comprendre d'après l'impression dont vous appréciez les faits en
16 l'espèce que vous êtes d'accord, par définition, avec la description légale
17 juridique des faits que je viens de réaliser.
18 Mme RASHID : [interprétation] La description juridique, pourriez-vous me la
19 répéter, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, mes mots sont encore sur
21 l'écran des moniteurs.
22 Mme RASHID : [interprétation] Je vais essayer --
23 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'accusé, lorsqu'il est démontré
24 qu'il a participé à une entreprise criminelle conjointe, ne peut recourir
25 en tant que moyen de défense à l'invocation d'une absence ultérieure, à
Page 372
1 moins que celle-ci n'équivale à un abandon ou à un rejet de cette
2 entreprise. Est-ce que bien cela ? A votre avis, est-ce une description
3 juridique correcte ?
4 Mme RASHID : [interprétation] Absolument correct sur le plan juridique.
5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.
6 Mme RASHID : [interprétation] C'est tout à fait notre position.
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'ai bien compris votre
8 argumentation.
9 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. Je pense que le moment de
11 la pause est arrivé.
12 Monsieur Fila, vous souhaitez prendre la parole.
13 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas
14 interrompre ma collègue de l'Accusation, mais soit je n'ai pas bien compris
15 ce qu'elle a dit, soit il y a peut-être une légère erreur. Au compte rendu
16 d'audience en anglais nous lisons que l'accusé Radic était policier à
17 Ljubija, et qu'ensuite il a été transféré au camp d'Omarska, en tout cas
18 c'est ce que j'ai cru comprendre. Si ma collègue de l'Accusation a bien dit
19 cela, ceci constitue une erreur. En effet, nous devrions lire Omarska au
20 lieu de Ljubija, Omarska et non Ljubija. Il était policier au post
21 d'Omarska. Je ne crois pas avoir vu ce mot à l'écran.
22 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Rashid vous êtes d'accord
23 avec M. Fila ?
24 Mme RASHID : [interprétation] Mon collègue de la Défense a tout à fait
25 raison, Monsieur le Président, c'est exact.
Page 373
1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous avez raison, Maître Fila.
2 Mme RASHID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, et je remercie
3 mon collègue de la Défense pour cette correction.
4 M. FILA : [interprétation] Merci beaucoup.
5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci, Maître Fila.
6 Bien nous prenons maintenant une pause de 30 minutes.
7 Je vous remercie.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] L'audience reprend. Ah, je vois
11 que Me Fila s'est levé.
12 M. FILA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les
13 Juges, je prie M. Carmona de m'excuser, mais, étant le doyen de l'équipe de
14 la Défense, je vais prendre la parole au nom de tous mes confrères. Je
15 souhaiterais que la Chambre nous accorde une modification du programme de
16 demain, étant donné que l'Accusation a modifié l'ordre de présentation de
17 ses arguments, ils ont parlé de Kvocka d'abord, ensuite viendra Prcac et
18 Radic. Nous souhaiterions que demain le conseil de la Défense de M. Prcac
19 puisse être le premier à intervenir, afin d'adopter le même ordre que
20 l'Accusation. Ceci ne va pas modifier les horaires puisque demain on devait
21 commencer avec Prcac, Radic et Kvocka. Nous la proposition que nous vous
22 faisons pour demain, c'est de commencer par Kvocka, suivi de Prcac, et de
23 Radic, car c'est dans cet ordre que l'Accusation a présenté ses arguments.
24 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Kvocka, et Prcac, et Radic.
25 M. FILA : [interprétation] Zigic.
Page 374
1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Cela nous ne pose aucune
2 difficulté, Maître Fila.
3 M. FILA : [interprétation] Deuxième chose, une petite demande à vous
4 présenter.
5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que la demande de Me Fila
6 vous convient, Monsieur Carmona ?
7 M. CARMONA : [interprétation] Oui, pas de problème.
8 M. FILA : [interprétation] Deuxième élément, deuxième peut-être petite mise
9 en garde. Comme vous le savez moi-même, je suis intervenu pendant une
10 heure. Vous avez accordé une heure 30 à nos éminents confrères de
11 l'Accusation. Pour la réponse, vous avez accordé 20 minutes à tout le monde
12 sauf à moi, puisque je n'ai que 15 minutes. Loin de moi l'idée de vous
13 accuser d'être animé d'une intention discriminatoire, mais je voudrais vous
14 demander pour que je ne sois pas tenté de le faire, de m'accorder un peu
15 plus de temps. Je vous remercie.
16 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Fila, vous demandez cinq
17 minutes supplémentaires ?
18 M. FILA : [interprétation] Je demande à ce que l'on déduise un petit peu du
19 temps de celui qui est imparti à l'Accusation pour me l'accorder à moi.
20 C'est à vous de décider de combien du temps il doit s'agir parce qu'il
21 n'est pas habituel de voir quelqu'un de s'accorder deux fois plus de temps
22 que la partie adverse.
23 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
24 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, mais le Procureur, quand il
25 répond, répond à tous les appelants.
Page 375
1 M. FILA : [interprétation] Oui, j'entends bien, mais pourquoi on me donne
2 que quinze minutes ? C'est cela que je ne comprends pas.
3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, c'est pourquoi la question
4 que je vous pose est la suivante : demandez-vous à bénéficier de cinq
5 minutes de plus ?
6 M. FILA : [interprétation] Fort bien, mais je vous prie de soustraire ces
7 cinq minutes du temps imparti à l'Accusation, afin que l'on ne reste pas à
8 l'audience plus longtemps que n'avait été prévu au départ.
9 [La Chambre d'appel se concerte]
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous savez, Maître Fila, que
11 tout le monde a été consulté. Nous avons donné la possibilité à chacun
12 d'intervenir s'il le souhaitait. Que diriez-vous si nous vous accordions
13 cinq minutes de plus, nous verrons ce qu'il en est de la répartition du
14 temps qui reste, vue les circonstances. Est-ce que cela vous convient ?
15 M. FILA : [interprétation] Oui, je vous remercie.
16 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Carmona, vous avez
17 maintenant la parole.
18 M. CARMONA : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
19 les Juges, je vais répondre aux arguments présentés par les appelants au
20 sujet de la forme de l'acte d'accusation, et je vais également présenter la
21 réponse de l'Accusation s'agissant de certains des motifs évoqués par les
22 accusés au sujet de la forme de l'acte d'accusation.
23 De surcroît, je répondrai également aux arguments de Kvocka sur le front,
24 aussi bien du point de vue du droit que du point de vue des faits. En fait,
25 je me corrige, je répondrai aux arguments présentés par Prcac, aussi bien
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1 sur le plan juridique que sur le plan des faits.
2 L'Accusation doit tout d'abord faire des observations générales s'agissant
3 des arguments présentés par la Défense car les arguments qui nous ont été
4 présentés étaient généralement des arguments de nature extrêmement
5 générale, où il ne nous a pas donné de citations précises des textes
6 invoqués, si bien que nous sommes un petit peu dans l'embarras. Lorsqu'il
7 s'agit de répondre à des affirmations d'une portée aussi générale, même si
8 nous sommes en difficulté, nous avons, cependant, l'intention de répondre
9 de la même manière. S'agissant de la forme d'acte d'accusation, les
10 appelants avancent que l'on ne leur a pas accordé le droit de bénéficier
11 d'un procès équitable, que l'acte d'accusation était beaucoup trop vague,
12 et que l'on n'a pas fourni suffisamment que l'acte d'accusation n'était pas
13 suffisamment précis pour invoquer la responsabilité au titre de l'Article
14 7(1).
15 De plus, la Défense avance qu'elle a été victime de préjudice, puisqu'elle
16 ne disposait des éléments factuels nécessaires pour répondre aux arguments
17 relatifs à la responsabilité au titre de l'Article 7(1). De plus, la
18 Défense avance que sa capacité de préparer sa défense a été rendue beaucoup
19 plus difficile par la manière dont l'acte d'accusation a été présenté.
20 En particulier, pour ce qui est de Prcac et de Kvocka, ils disent qu'il y
21 avait vice de forme dans l'acte d'accusation, et qu'il y avait un manque de
22 parallélisme entre le jugement et l'acte d'accusation. Prcac avance que la
23 Chambre de première instance a pris le rôle de l'Accusation et est
24 descendue dans l'arène. Dans sa défense, Prcac aborde la question de savoir
25 s'il est effectivement le commandant adjoint du camp, ce qui était allégué
Page 377
1 dans l'acte d'accusation modifié, en dehors de la question de savoir s'il
2 était auxiliaire administratif, ce qui a été conclu par la Chambre de
3 première instance.
4 D'après lui, au terme de l'Article 21 du statut, la Chambre de première
5 instance a seulement le devoir de vérifier si les actes d'accusation qui
6 sont contenus dans un acte d'accusation sont exacts, et qu'ils ne doivent
7 pas dépasser l'acte d'accusation pour déterminer sa responsabilité pénale,
8 vue les faits qui lui sont reprochés.
9 Radic soulève la question de l'entreprise criminelle commune, il dit que ce
10 n'est pas mentionné dans l'acte d'accusation. Il dit notamment que la
11 Chambre de première instance est allée au delà de la nature de la
12 responsabilité qui est mentionnée dans l'acte d'accusation modifié, qu'elle
13 l'a modifié et elle n'était pas en droit de le faire.
14 Kvocka lui émet un grief en disant que l'Accusation n'avait spécifié dans
15 l'acte d'accusation modifié qu'il était devenu le commandant adjoint du
16 poste de Police. Zigic, quant à lui, se plaint d'avoir été reconnu coupable
17 de crimes pour lesquels il ne faisait pas l'objet d'accusation dans l'acte
18 d'accusation. Il appartient à l'appelant de prouver que la Chambre de
19 première instance a prononcé des verdicts de culpabilité sur la base de
20 faits qui ne figuraient pas dans l'acte d'accusation, et que si cela est
21 prouvé, la Chambre de première instance n'a pas rendu de jugement
22 équitable.
23 Je vais maintenant revenir sur les motifs d'appel précis qui ont été
24 invoqués.
25 Le fait en tout premier lieu que l'entreprise criminelle commune n'a pas
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1 été plaidée dans l'acte d'accusation, puisque c'est là un des arguments des
2 appelants.
3 Le premier pas de leur argumentation, c'est que l'acte d'accusation modifié
4 stipulait que l'accusé était responsable des crimes qui figuraient dans
5 l'acte d'accusation modifié, en vertu de l'Article 5 (1) et 7 (3) du
6 statut, et que pour 7(1), il s'agissait d'incorporer toutes les formes de
7 responsabilité pénale individuelle qui figurent dans l'Article 7(1).
8 L'arrêt Tadic a indiqué très clairement que l'Article 7(1) comportait les
9 notions de dessin commun et d'entreprise criminelle commune. Si bien que
10 les appelants savaient, ils leur avaient été notifiés qu'il était de
11 l'intention de l'Accusation de s'appuyer sur ce type de responsabilité
12 pénale individuelle.
13 Permettez-moi d'ajouter qu'il a constamment été fait référence à l'arrêt
14 Tadic. On a constamment fait référence à cet arrêt depuis le début de cette
15 affaire. Depuis le début on a remis en question l'acte d'accusation
16 s'agissant de la nature de responsabilité pénale telle qu'elle a été
17 définie dans Tadic. Inutile de faire appel une analyse ésotérique ou une
18 analyse sophistiquée pour comprendre que nous avons ici une affaire de camp
19 qui a été décrite dans l'arrêt Tadic où on a identifié trois types
20 d'entreprise criminelle commune.
21 On peut facilement déduire qu'il s'agissait d'une entreprise criminelle
22 commune, mais il y a beaucoup plus encore. Personne ne doute du fait que
23 l'Article 21 (A) définit les droits de l'accusé, qui, notamment, est celui
24 de savoir ce qu'on lui reproche. Mais un acte d'accusation ne doit pas se
25 prendre dans l'absolu. C'est simplement que cela fait partie d'un processus
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1 qui comprend, notamment, toute la période de la mise en état et la
2 communication des pièces.
3 Cela ne signifie pas que l'Accusation est en droit de faire n'importe quoi.
4 Cela signifie que l'Accusation doit répondre à ses obligations et
5 déterminer exactement ce qui fonde cet acte. Cependant, la jurisprudence du
6 Tribunal a fait comprendre d'une manière très claire, qu'il ne convient pas
7 d'appliquer les règles qui sont en vigueur dans le système juridique
8 nationaux au Tribunal. De nombreux articles ont été publiés au sujet du
9 caractère sui generis du Tribunal, qui est une entreprise disons
10 d'apprentissage juridique. On ne se trouve pas dans un système juridique
11 national où les crimes sont traités de manière individuelle, à l'opposé des
12 crimes de guerre auxquels nous sommes confrontés et de la situation telle
13 qu'elle régnait au camp d'Omarska, qui a été considéré comme une entreprise
14 criminelle commune.
15 Mais nonobstant ce fait, l'Accusation a cependant l'obligation de
16 déterminer la nature des accusations concernant un accusé afin que cet
17 accusé puisse répondre à ces accusations.
18 Dans son mémoire préalable au procès déposé en avril 1999, l'Accusation
19 fait référence au dessin criminel commun ou à une entreprise criminelle
20 commune lorsqu'elle évoque l'Article 7(1). Je souhaite rappeler aux
21 éminents Juges de la Chambre que l'affaire s'est ouverte en l'an 2000, en
22 février 2000. Ensuite, il y a suspension d'audience jusqu'en mai 2000 pour
23 permettre à Prcac, qui était arrivé tardivement à cette affaire, et de se
24 préparer si bien que la Défense était parfaitement au courant de la thèse
25 défendue par l'Accusation.
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1 De plus, au moment où l'Accusation a prononcé sa déclaration liminaire en
2 février 2000, tout le monde a bien pu se rendre compte que la théorie
3 défendue par l'Accusation s'était celle de dessin commun qui reposait sur
4 les trois catégories définies dans l'arrêt Tadic. Aucun des appelants n'a
5 présenté d'objection à cette époque. Il s'agissait de la théorie de dessin
6 commun, ou d'entreprise criminelle commune.
7 Aucun des appelants n'a soulevé cette question dans l'audience consacrée à
8 la requête 98 bis. Les appelants ont invoqué l'absence de toute
9 responsabilité au titre de l'Article 1, lors de l'audience consacrée à
10 l'Article 98 bis, mais ils n'ont nullement parlé de mise de forme de l'acte
11 d'accusation. Ils n'ont jamais dit qu'ils avaient été gênés dans le contre-
12 interrogatoire des témoins à charge. Ils n'ont jamais élevé ce grief. Ce
13 grief, ils l'ont présenté uniquement s'agissant de la question de la
14 communication des pièces qui a fait l'objet de nombreuses requêtes
15 auxquelles il a été répondu. Mais jamais on a parlé de la forme de l'acte
16 d'accusation.
17 Je fais référence plus particulièrement aux comptes rendu d'audience T646
18 et 658. Il s'agit de la déclaration liminaire de l'Accusation où vous
19 pouvez voir confirmer la position que nous avons adoptée dès le départ.
20 Kvocka a tardivement soulevé cette question dans son mémoire en clôture. Il
21 a affirmé que l'Accusation essayait d'augmenter la responsabilité attribuée
22 à l'accusé. La Chambre de première instance a noté avec raison que
23 l'Accusation devrait se limiter à prouver les chefs contenus dans l'acte
24 d'accusation.
25 L'Accusation fait valoir que l'acte d'accusation modifié n'avait aucune
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1 lacune, aucune défaillance, et que ceci n'a nullement posé de problème à la
2 Défense dans le cas de la préparation de sa défense ou de sa thèse.
3 Cependant, il faut savoir que s'agissant de la forme de l'acte
4 d'accusation, on constate une certaine évolution des principes juridiques
5 qui s'appliquent. Mais il y a, cependant, toujours des principes immuables
6 dans ce contexte que je vais évoquer maintenant.
7 D'abord, l'Accusation est en droit d'avoir une certaine flexibilité
8 lorsqu'elle établit les actes d'accusation. Elle peut présenter de manière
9 diverse la responsabilité individuelle des personnes concernées. La
10 jurisprudence de la Chambre d'appel l'a bien précisé dans l'arrêt Celebici,
11 et je cite bien, "qu'il soit nécessaire de faire preuve de précision dans
12 l'acte d'accusation, le fait de ne pas identifier le mode de participation
13 n'est cependant pas une défaillance rédhibitoire si on fait bien comprendre
14 à l'accusé la nature et la nature des accusations qui le concernent." La
15 question essentielle c'est de savoir si le fait de ne pas avoir fait
16 référence au mode de responsabilité dans l'acte d'accusation modifié a
17 empêché l'Accusation de se défendre correctement.
18 Ceci n'enlève nullement à la Chambre de première instance le pouvoir
19 discrétionnaire qui a le soin de choisir la forme de participation la plus
20 appropriée à ses yeux au type de l'Article 7(1) du statut afin de définir
21 la responsabilité de l'accusé. Dans l'arrêt Krnojelac, il a été stipulé au
22 paragraphe 139, que l'obligation de l'Accusation de présenter un acte
23 d'accusation suffisamment précis doit être interprété au vu de l'Article
24 21(2), 21(4)(a) et 21(4)(b), qui stipule que : l'accusé est en droit de
25 bénéficier d'un procès équitable, qu'il doit être informé de la nature des
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1 charges qui pèsent contre lui, et qu'il doit avoir suffisamment du temps et
2 de moyens pour préparer sa défense.
3 Ce qui est particulièrement s'agissant du cas de Prcac, parce qu'on se
4 souviendra qu'il est arrivé au Tribunal plus tard que les autres, on lui a
5 donné suffisamment du temps, or il n'a jamais soulevé aucun grief. Plus
6 tard, je ferais référence à des requêtes, à des décisions, à des
7 conférences de mise en état bien spécifiques au cours desquelles il a
8 manifesté son accord s'agissant de toute la procédure. Jamais il ne s'est
9 plaint de quelque manière que ce soit à ce moment-là.
10 Dans l'arrêt Krnojelac, on a confirmé au paragraphe 131 que l'Accusation
11 avait l'obligation de donner les faits essentiels relatifs aux accusations
12 qui figurent dans l'acte d'accusation, mais qu'elle n'était pas tenue de
13 fournir les éléments de preuve en tant que tels. S'agissant de l'entreprise
14 criminelle commune, nous estimons qu'un fait important se trouvait dans
15 l'acte d'accusation, et que les accusés étaient tout à fait au courant de
16 ce que l'on attendait d'eux dans le cadre de leur stratégie de défense.
17 L'essentiel c'est de savoir si un acte d'accusation est suffisamment
18 précis, et s'il contient suffisamment de détails afin que l'accusé soit
19 informé des charges qui le concernent.
20 Dans l'arrêt Kupreskic, on a confirmé que les faits qui sont reprochés ne
21 peuvent être présentés de manière abstraite. Tout ceci dépend de la thèse
22 présentée par l'Accusation. Un facteur décisif pour déterminer la précision
23 attendue de l'Accusation dans un acte d'accusation, c'est la nature du
24 comportement criminel qui est reproché à l'accusé.
25 Par exemple, dans un camp il y a de nombreux crimes qui sont commis à des
Page 383
1 moments différents. Dans ce genre de situation, quand on est dans un procès
2 qui a trait à un camp, on ne peut pas attendre une précision autant
3 précisant disons que pour Vasiljevic, où il y a un seul crime qui est
4 reproché à l'accusé.
5 Nul doute que dans l'arrêt Krnojelac, il est stipulé qu'il faut éviter
6 toute ambiguïté, et que l'Accusation doit identifier les formes de
7 responsabilité qui ont trait à chacun des chefs d'accusation et surtout
8 avant le procès.
9 Cependant, il est également précisé qu'il est préférable qu'un acte
10 d'accusation qui fait état de la participation d'un accusé à une entreprise
11 criminelle commune doit faire référence à la nature exacte de l'entreprise
12 criminelle commune qui est alléguée. Ceci, cependant, n'empêche pas
13 l'Accusation de présenter son acte d'accusation de la manière dont nous
14 l'avons fait, par exemple, dans le mémoire préalable au procès, il convient
15 de donner, de préciser quels sont les critères qui doivent être utilisés
16 pour analyser les crimes allégués. Tout ceci garantissant à l'accuser un
17 procès équitable.
18 L'acte d'accusation modifié en l'espèce contenait toutes les allégations
19 qui sont requises afin de faire connaître aux accusés les accusations qui
20 pesaient sur eux. Nous avons indiqué quels étaient les faits qui leur
21 étaient reprochés, les périodes, les sites concernés, la nature des crimes.
22 Même s'il n'a pas été fait référence expressément au concept de
23 l'entreprise criminelle commune, l'acte d'accusation modifié en l'espèce a
24 indiqué les principes de base, les crimes qui sous-tendaient la thèse de
25 l'Accusation en l'espèce ne fait pas parler notamment de la ségrégation, de
Page 384
1 l'emprisonnement dans les camps des détenus à Omarska, Keraterm, Trnopolje
2 et des conditions déplorables qui y régnaient. On parle de l'objectif
3 généralisé qui constituait à chasser les habitants non Serbes du territoire
4 et qui faisait partie du plan constituant à créer un état serbe de Bosnie.
5 Nous avons indiqué dans cet acte d'accusation quels étaient les autres
6 participants à l'entreprise criminelle commune, les autorités serbes de
7 Bosnie, les membres du parti démocratique serbe, au personnel du camp, la
8 police, l'armée. Nous avons indiqué dans cet acte d'accusation quelle était
9 la nature de la participation pour les accusés à l'entreprise criminelle
10 commune. Nous avons indiqué très précisément qu'il y avait d'autres
11 personnes qui avaient participé à cette entreprise criminelle commune et
12 qu'ils n'étaient pas mis en accusation devant le Tribunal.
13 Les appelants savent exactement ce qu' on leur reprochait et je pense tout
14 particulièrement aux paragraphes 28 à 32 de l'acte d'accusation modifié où
15 l'on évoque la perpétration de crimes de manière systématique et
16 généralisée. L'acte d'accusation modifiée contient des allégations
17 spécifiques sur le fait que les accusés savaient ce qui se passait, qu'ils
18 ont participé à une entreprise de persécution et à une campagne généralisée
19 de persécution et de violence. De plus, vu la nature de la campagne et le
20 poste occupé par les appelants qui y sont précisés à de nombreuses reprises
21 dans l'acte d'accusation, ils savaient ces accusés que leur connaissance de
22 la situation et leur participation pouvaient être déduits de ces
23 circonstances de la même façon.
24 Nous ne pouvons pas regarder par l'acte d'accusation, par le petit bout de
25 la lorgnette. Il faut avoir une vision beaucoup plus générale de la chose.
Page 385
1 La question est de savoir si en examinant l'intervention d'ensemble, les
2 appelants ont été suffisamment avisés des points sur lesquels reposait la
3 responsabilité plus particulièrement le mode de responsabilité. On leur a
4 fourni des déclarations de témoins, les actes d'accusation successifs et le
5 mémoire préalable au procès. L'Accusation sur ce point particulier fait
6 valoir que pour qu'un acte d'accusation soit défectueux au sens où ceci
7 rendrait un procès inéquitable, l'absence d'éléments d'information doivent
8 être tels que cela fasse que la Défense de l'accusé soit en quelque sorte
9 rejeté de façon générale. Par exemple, s'il est soutenu qu'en fait il y
10 avait un alibi, il ne serait pas en mesure de traiter de cette question.
11 Pouvons-nous dire en l'espèce à la lumière de tout ce qui a été mis à la
12 disposition de la Défense et à la lumière de toutes les conclusions
13 diverses qui ont été présentées dès le début du procès, pouvons-nous dire
14 que dans le contexte de l'acte d'accusation proprement dit avec les
15 éléments confidentiels, les annexes confidentiels qui étaient jointes à
16 cette acte d'accusation et lorsque je dis avec sceau confidentiel je veux
17 me référer aux annexes qui précisent; premièrement la date des délits,
18 deuxièmement, les victimes, troisièmement, qui était les autres
19 participants, quatrièmement un résumé du fait dommageable. Pouvons-nous
20 véritablement dire que dans ces circonstances en considérant les choses en
21 tant que juristes, parce qu'en fait, c'est en tant que juristes et qu'ils
22 ont fait valoir ce point, qu'ils avaient besoin d'être informés, je
23 pourrais dire qu'ils avaient toutes les informations nécessaires. Je dirais
24 même qu'en tant que personne ordinaire, on pourrait reconnaître que ceci
25 avait été plaidé et qu'on voyait que tous les appelants étaient ensemble
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1 participants à une entreprise criminelle commune. Ceci est en outre
2 confirmé par une lecture de l'acte Tadic.
3 Je voudrais me référer maintenant aux motifs particuliers concernant chacun
4 des individus qui a évoqué ses moyens. Je voudrais plus particulièrement me
5 référer à Prcac. Je vais commencer par Prcac. Il fait valoir qu'un élément
6 matériel ou un fait ne figurait pas dans l'acte d'accusation. Il dit par
7 exemple qu'il n'avait pas été prouvé qu'il était commandant adjoint. Qu'il
8 avait été acquitté sur ce point particulier en ce qui concerne les faits.
9 Il dit que s'il devait être reconnu coupable sur la base du fait qu'il
10 était un assistant administratif du commandant du camp, un amendement
11 aurait dû être apporté parce que son statut dans le camp était une question
12 de fait matérielle. Il a dit qu'en fait, il n'avait pas été avisé de cette
13 question de l'assistant administratif qui semble être brusquement apparu en
14 l'occurrence. L'argument de l'Accusation est que ce rôle, cette
15 catégorisation, cette dénomination était sans importance aux regards de sa
16 responsabilité au titre de l'Article 7, paragraphe 1, du statut.
17 Une personne n'a pas nécessairement besoin d'être un commandant supérieur
18 pour encourir une responsabilité. D'après les dispositions de l'Article 7
19 paragraphe 1 et l'allégation qu'il était commandant adjoint, ceci n'avait
20 pas d'importance au point de vue fait matériel par rapport aux accusations
21 qui pesaient sur lui au titre de l'article 7, paragraphe 1, de même qu'une
22 personne n'a pas besoins d'être un assistant administratif pour se trouver
23 responsable au terme de l'Article 7, paragraphe 1. Le fait de ne pas avoir
24 alléguer dans l'acte d'accusation modifié qu'il était un assistant
25 administratif ne constitue pas le fait de ne pas avoir plaidé un fait
Page 387
1 matériel en ce qui concerne les charges au titre de l'Article 7, paragraphe
2 1.
3 Ce qui était important en revanche dans l'acte d'accusation en ce qui
4 concerne sa responsabilité comme participant à une entreprise criminelle
5 commune c'était sa contribution à l'entreprise et au fonctionnement dans le
6 camp et Prcac était au courant du fait de la nature précise de ses
7 fonctions et des obligations qui lui étaient confiées par rapport à la
8 procédure. Le fait que sa responsabilité criminelle dépendrait des
9 conclusions de la Chambre de première instance à cet égard. Il a présenté
10 des éléments de preuve et des arguments concernant ce point comme l'a fait
11 l'Accusation, il était à ce moment-là, loisible à la Chambre de première
12 instance et sans nécessité d'apporter un amendement de déterminer la nature
13 de ses fonctions et de ses tâches en disant qu'un tel est différend de ce
14 qui figurait à l'acte d'accusation et de déterminer en conséquence quelle
15 était sa responsabilité criminelle. En fait si nous suivons cette voie, la
16 voie que propose, mon confrère, je vais dire qu'un acte d'accusation ne
17 pourra pas être pris en considération. Tout ce que nous savons par exemple
18 c'est que si vous regardez les différentes affaires, les affaires
19 concernant l'Allemagne, la Deuxième guerre mondiale, lorsque vous regardez
20 ces affaires qui traitent de persécution, les personnes ont eu certains
21 titres, d'autres personnes se sont cachées derrière des titres ou des
22 fonctions.
23 En fin de compte, devons-nous déterminer la responsabilité sur la base d'un
24 titre ou sur la base du rôle qui a effectivement été joué. A cet égard, il
25 peut être utile d'examiner l'argument précis de Prcac pour ce qui concerne
Page 388
1 un plaidoyer similaire à savoir que l'amendement n'a pas fait état du fait
2 qu'il était commandant adjoint du poste de Police d'Omarska ou commandant
3 du poste de Police. Personne ne doute lorsque l'on regarde ces éléments par
4 exemple au titre de la responsabilité de l'Article 7, paragraphe 3, que la
5 question, la désignation particulière d'un individu peut évidemment donner
6 quelques lumières en ce qui concerne ses responsabilités mais que ceci ne
7 peut pas permettre de conclure ce qu'une personne a effectivement fait.
8 Kvocka était évidemment, parfaitement conscient du fait que par rapport à
9 l'Article 7, paragraphe 1, la nature de ses fonctions et de ses devoirs au
10 camp d'Omarska était ce qui faisait l'objet de l'Accusation au procès,
11 cette responsabilité dépendrait évidemment des conclusions de la Chambre de
12 première instance à cet égard.
13 Il a également présenté des éléments de preuve et des arguments concernant
14 cette question comme l'a fait l'Accusation et là, encore, il était loisible
15 à la Chambre de première instance de les examiner et alors il se trouve que
16 les membres de la Chambre n'ont pas les œillères et qu'ils avaient la
17 possibilité dans les circonstances de déterminer, si par exemple, quelles
18 étaient ses fonctions, la nature de ses fonctions et de ses obligations
19 tout autant qu'ils auraient pu voir ce qui était différent par rapport à ce
20 qui était plaidé dans l'acte d'accusation.
21 En fin de compte, c'était la prérogative de la Chambre de déterminer quelle
22 était sa responsabilité et quelles étaient ses fonctions. Prcac a en outre
23 soulevé l'argument de l'assistant administratif. Il a retrouvé les
24 interprétations qui découlent des décisions de juridiction locale ou
25 nationale et je dois dire que le Tribunal étant à juridiction
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1 internationale et dans le contexte de son mandat qui doit être juste et
2 équitable, il est en droit d'interpréter le rôle effectif de personnes, non
3 pas dans le contexte de critères locaux mais le contexte de critères
4 internationaux. Tout comme le Tribunal a reconnu d'utiliser et d'apprécier
5 quelles étaient les conditions locales, il n'est pas en position de son
6 mandat de reconnaître purement et simplement la nécessité d'adopter une
7 telle situation.
8 La Chambre de première instance aurait reconnu que des désignations ou des
9 titres étaient déduits de pertinence et que les personnes pouvaient se
10 cacher derrière des titres de façon à essayer d'échapper à leurs
11 responsabilités pénales. Il aurait été à ce moment-là artificiel que la
12 Chambre regarde simplement quelle était l'identité ou les fonctions de tel
13 ou tel assistant et de conclure en faveur d'un appelant. Dans ce processus,
14 il fallait que la Chambre détermine ce qu'avait fait effectivement
15 l'appelant et non pas quel était le titre qui lui était donné. Le fait
16 qu'une défense ait été avancée d'une manière particulière même si c'est une
17 conception erronée de ce qui doit être réfuté, n'a pas réussi, ne peut pas
18 être une base pour un appel.
19 Les affaires relatives à la Deuxième Guerre mondiale illustre que la
20 responsabilité n'était pas basée sur la désignation de lieu de travail mais
21 de savoir quelles étaient les fonctions remplies dans l'entreprise
22 criminelle. L'appelant coupe les cheveux en quatre lorsqu'il fait valoir
23 que la sécurité du camp était seulement une partie de l'organisation du
24 camp d'Omarska. La thèse de l'accusé est telle qu'il s'agissait d'une
25 entité criminelle unique, avec différentes structures, à la fin, de facto
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1 et ad hoc, administrée de façon telle qu'il s'agit objectivement d'une
2 entreprise criminelle visant, notamment, à la persécution des Musulmans et
3 non-Serbes.
4 Je voudrais maintenant me référer à l'argument de Zigic en passant à
5 l'argumentation les annexes et également en ce qui concerne les arguments
6 de Radic. Je voudrais appeler l'attention de la Chambre sur quelque chose
7 qui, en fait, est peut-être purement théorique et ceci a à voir avec la
8 question des annexes et les avis ou notifications.
9 Le 7 janvier 2002, Zigic a déposé une requête demandant qu'une ordonnance
10 obligatoire soit adressée à l'Accusation pour communiquer les annexes
11 confidentielles qui avaient été déposés avec l'acte d'accusation modifié.
12 Ceci a été jugé par la Chambre d'appel. Il disait en l'occurrence qu'il
13 n'avait pas eu connaissance de ces documents lors du procès. La Chambre
14 d'appel a rendu une décision qui réfutait cette allégation dans la mesure
15 où elles étaient décrites. Ceci, évidemment, par le truchement du Juge de
16 la mise en état au préalable à l'appel lorsque ce Juge a indiqué que cette
17 requête avait un caractère frivole manquait de substance en d'autres
18 termes. Je ne pense pas que par rapport à ce problème particulier, mes
19 éminents collègues de la partie aient soulevé des arguments supplémentaires
20 qui pourraient déclencher un réexamen de cette décision de la Chambre.
21 Je veux me référer à la décision du 7 mars 2002, A128/26 décision sur la
22 requête visant à obtenir une ordonnance obligatoire à l'égard de
23 l'Accusation. En ce qui concerne Zigic toutefois, il a indiqué qu'en ce qui
24 concerne les annexes, il avait été reconnu coupable d'infractions, par
25 exemple, de façon plus spécifique, l'infraction de torture en ce qui
Page 391
1 concerne AE, Edin Ganic, Témoin V. Hier, vous avez seulement mentionné le
2 Témoin V et indiqué, par exemple, comment aurait-il pu être reconnu
3 coupable de torture alors qu'il n'était pas accusé de torture concernant
4 ces personnes. Il y a une réponse très simple à cela, la Chambre de
5 première instance a fait référence à sa décision de développer les choses
6 telles que c'est indiqué en notes de bas de pages 1136 du jugement au
7 premier instant.
8 Zigic, en fait, avait été accusé de traitement cruel et de mauvais
9 traitement infligé à des non-Serbes et des Musulmans dans un fait
10 particulier. Si je peux lire ce qui a été dit : "Il n'était pas accusé de
11 torture ou d'actes inhumains contre AE et Edin Ganic et le Témoin V."
12 Néanmoins, la Chambre de première instance a estimé qu'il était coupable à
13 l'égard de ces charges dans ce jugement. Dans les nouvelles annexes
14 publiques, les trois témoins en question sont mentionnés au titre des chefs
15 d'accusation 1 et 3, persécutions, actes inhumains et violence contre la
16 dignité personnelle et outrage.
17 Zigic ne s'est pas exprimé devant la Chambre de première instance en ce qui
18 concerne le grief qu'il présente actuellement. Je me réfère à la note de
19 bas de page 1136. L'annexe D caractérisait des crimes commis contre le
20 Témoin A comprenant une telle qualification permettait de prendre en
21 considération la torture. Zigic, le dit : "Le témoin dans ces
22 circonstances, en fait, ceci aurait eu une incidence sur le contre-
23 interrogatoire. Ceci aurait eu une incidence sur la Défense. J'aurais été
24 en mesure de faire valoir certaines choses que je ne vois que maintenant,
25 comme argument que j'aurais pu présenter et il faut regarder cela dans les
Page 392
1 termes pratiques."
2 Il était accusé de persécutions, d'actes inhumains, d'outrage à la dignité
3 personnelle de ces témoins précis. Ce que la Chambre a décidé, c'était la
4 question de savoir si les faits matériels avaient été établis, à savoir,
5 les passages à tabac. Les témoins ont déposé dans le sens qu'ils avaient
6 été "torturés" et j'utilise ceci entre guillemets. Lorsqu'en fait Zigic a
7 commencé le contre-interrogatoire de ces témoins particuliers lorsque l'on
8 regarde au compte rendu, il a attaqué dans son vieux scénario les
9 circonstances de faits et la question des passages à tabac et cetera.
10 En d'autres termes, il était en mesure d'évoquer de façon significative un
11 certain nombre de questions concernant les incidents véritables et les
12 faits. La seule différence entre cela et la torture est en fait que l'autre
13 élément juridique qui était en cause était un but interdit. En fin de
14 compte, l'Accusation avait présenté des preuves de discrimination dans
15 l'ensemble de ces thèses tout au long de ces réquisitions. En aucune
16 manière, il ne s'est trouvé désavantagé pour lui-même présenter sa défense.
17 Il a eu la possibilité de procéder au contre-interrogatoire de ces témoins
18 sur les questions de faits, sur les questions précisément de faits.
19 L'Accusation fait valoir si on regarde l'ensemble de la question de la
20 forme de l'acte d'accusation par rapport à l'entreprise criminelle commune
21 que l'approche ou la conception suivie par la Chambre de première instance
22 à l'égard des éléments de preuve, sa motivation et son raisonnement en ce
23 qui concerne les crimes allégués dans l'acte d'accusation modifié, y
24 compris, les annexes, ne fait apparaître aucune erreur ou ne peut permettre
25 aucun grief.
Page 393
1 La Chambre de première instance a agi de façon inappropriée dans une
2 affaire de cette nature dans laquelle, un accusé a été reconnu coupable en
3 tant que co-auteur d'une entreprise criminelle commune.
4 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous ralentir, s'il vous plaît ?
5 M. CARMONA : [interprétation] Excusez-moi. Il est important que la Chambre
6 ait correctement appliqué le critère de preuve relatif au caractère
7 suffisant des éléments de preuve pour les éléments concernant les crimes à
8 évoquer dans l'acte d'accusation et dans sa décision au titre de l'Article
9 98 bis. En appliquant ce qui est dit, la Chambre de première instance a
10 acquitté les appelants de plusieurs crimes au titre de l'Article 98 bis du
11 règlement, et Zigic, en ce qui concerne six personnes par insuffisance de
12 preuve. Leurs noms apparaissent sur des chiffres 5 à 10 dans l'annexe
13 confidentielle, numéro 3, on peut lire que la Chambre de première instance
14 n'a pas souscrit aux thèses de l'Accusation mais a examiné ces thèses de
15 façon critique à la fois au stade de l'Article 98 bis, mais également au
16 moment où elle est entrée en voie d'un jugement.
17 L'Accusation s'en tient à ses arguments dans son mémoire sur l'ensemble de
18 la question en ce qui concerne l'acte d'accusation et les questions
19 concernant les lacunes éventuelles qui pourraient y figurer. J'invite la
20 Chambre de première instance et la Chambre d'appel de bien vouloir regarder
21 les faits et les annexes confidentiels qui ont été déposés le 1er mars 2001
22 à la fois à titre public et confidentiel comme base, pour dire par exemple
23 s'il a jamais été nécessaire de donner avis ou s'il a jamais été nécessaire
24 de donner des informations concernant les termes dans lesquels les
25 accusations ont été formulées et ce à laquelle il fallait répondre et
Page 394
1 j'estime que ceci est reflété dans l'accord de l'acte d'accusation et dans
2 ses annexes confidentiels.
3 Je voudrais maintenant passer à la question des conclusions de fond
4 présentées par mon confrère en ce qui concerne Prcac. Je dois dire que mon
5 confrère a pris une voie particulière que la Chambre d'appel normalement
6 n'apprécie pas et cette voie, je voudrais dire, est en fait, le simple
7 fait qu'on ne peut pas tout simplement réitérer ou réaffirmer des arguments
8 sans nouveauté à la fois dans la décision dans l'arrêt Kupresic et dans
9 l'arrêt Kudarac, la Chambre s'est montrée très claire sur ce point
10 particulier. Il ne s'agit pas d'entendre à nouveau le procès comme en
11 première instance, on ne peut pas tout simplement répéter les arguments qui
12 avaient été développés au procès dans l'espoir qu'en fait il y aura une
13 nouvelle appréciation des faits.
14 Dans certains cas, mais pas dans tous, il se trouve que mon confrère a pris
15 cette voie. Indépendamment de cela, il semble que mon confrère ait fait et
16 la plupart de mes collègues ont fait une thèse où nous traitons en fait
17 d'hommes, à partir d'un village, un petit village de position relativement
18 humble, les hommes de paille si vous voulez le dire comme cela, indiquant
19 par exemple pouvait-il avoir connaissance de ces règles internationales et
20 des responsabilités au regard du droit international ? Comment pouvaient-
21 ils en savoir quoi que ce soit ? Il est très intéressant de voir que si ces
22 hommes sont des fonctionnaires de police à un moment donné en fait ils
23 avaient un sens de ce qui est juste, du bien et du mal, dans le contexte du
24 droit. Je parle de droits fondamentaux. Ils devaient savoir par exemple
25 qu'on ne peut pas attaquer une personne. Ils devaient savoir par exemple
Page 395
1 qu'on ne peut pas violer une personne. Ils savaient par exemple qu'on ne
2 peut pas tuer un individu. Tous ces crimes avaient lieu au camp d'Omarska
3 et, bien entendu, c'est l'hypothèse générale que nul n'est censé ignorer la
4 loi. L'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Fondamentalement c'est le
5 fait que nous avons besoin d'apprécier qu'un très grand nombre de ces
6 crimes ont été commis par des fonctionnaires de police et il faudrait dont
7 faire examiner ceci du point de vue normal. Lorsque je dis qu'il s'agit
8 d'un crime normal, je veux parler de viols, de meurtres, d'attaques, de
9 coups et de batterie, vous le savez. Même s'il s'agit d'hommes qui
10 n'étaient pas très instruits et n'étaient pas très familiers des
11 responsabilités qui s'attachaient à leur présence dans le camp, en vertu de
12 l'état de ce qu'ils ont fait, est-ce qu'on pourrait plaider ceci comme
13 étant spécifiquement des omissions. Je vous prie de me donner un instant
14 s'il vous plaît, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, les
15 dimensions de la table me posent un problème, je crois qu'une partie de mon
16 mémoire s'est égaré, si vous voulez bien me donner un instant s'il vous
17 plaît.
18 Si Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, il est important
19 dans les circonstances de ce qui a été allégué dans le contexte de ce que
20 sont les arguments d'ignorance par rapport à ce qui se passait dans le camp
21 d'Omarska que je me réfère à certaines des caractéristiques personnelles
22 qu'en fait, possédait Prcac. Prcac en fait était un fonctionnaire de police
23 et il informait, il était un technicien spécialiste des délits pendant 15
24 ans. Nous avons des éléments de preuve. Nous savons quelles étaient ses
25 responsabilités en tant que technicien pour ce qui était de vérifier des
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1 éléments de preuve, de réunir des éléments de preuve et d'aller faire des
2 constatations sur place. Nous avons eu par exemple dans la Défense un
3 rapport de Dusan qui essayait d'une certaine manière de délimiter ce que
4 connaissaient les connaissances de Prcac. Il a reconnu par exemple que
5 c'était un élément idiosyncrasique de technicien des délits de capacité par
6 exemple de voir les détails, cette capacité de voir les détails. Il est
7 significatif de noter par exemple que comme ceci a été évoqué par mon
8 confrère que dès son arrivée au camp le 15 juillet lorsqu'il a vu les deux
9 corps qui se trouvaient près de palissade, pas très loin du réfectoire,
10 lorsqu'il a parlé de la puanteur du camp d'Omarska, lorsqu'il a parlé de
11 l'air au centre, la putréfaction qu'il avait respiré, quel a été à ce
12 moment-là la question qu'il a posée lorsqu'il est entré dans ce camp et
13 lorsqu'il a dit : "Comment ces hommes étaient-ils morts ? Est-ce qu'ils
14 étaient morts de causes naturelles ?" Non, il n'a pas posé cette question.
15 Il a simplement dit : "Pourquoi est-ce que vous n'enlevez pas ces corps,
16 ces cadavres ?" Est-ce que ceci est un exemple de quelqu'un qui en fait
17 voudrait montrer qu'il se désolidarise. Je pense que ceci plutôt montre que
18 de sa part il y a quelque chose de désagréable qu'il a perçu vous savez
19 indépendamment de cela.
20 Il y avait certaines conclusions révélatrices faites par mon confrère par
21 rapport à ce que je conçois comme étant l'institution et le rôle du
22 Procureur et sa bonne foi. Il s'est référé en fait à un programme télévisé
23 de Penny Marshall et la manière dont un massacre avait en fait été diffusée
24 sur différentes chaînes de télévision, au fait qu'il avait eu cinq ans et
25 que l'Accusation n'avait pas fait appel parce qu'ils espéraient que
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1 l'Accusation ne ferait pas appel. Comme s'il y avait en fait une
2 prédisposition en ce sens et il n'a pas reconnu que dans cette affaire
3 particulière, il avait été traité de la même manière que dans tout autre
4 affaire devant être portée devant ce Tribunal. Il y avait une procédure de
5 confirmation. Il y avait en fait des voies qu'ils auraient pu emprunter
6 dans le contexte de la préparation et l'affaire a été reportée parce que
7 Prcac a été arrêté et deux mois ont été donnés à Prcac pour se préparer, de
8 sorte qu'il y a eu application de l'Article 98 bis du Règlement. Ceci a été
9 examiné par la Chambre de première instance eu égard par exemple à la
10 teneur de l'ensemble de la procédure sur cette question particulière, on
11 peut voir par exemple qu'il y a eu même une tentative de la part de la
12 Chambre de première instance d'aider la Défense en mettant à sa disposition
13 des éléments en lui demandant si en fait, il aurait besoin de prolongation,
14 de report de délai, et si en fait ils avaient des déclarations
15 particulières à faire et s'ils avaient suffisamment de temps. Ceci est un
16 exemple en ce qui concerne Prcac. Il y a eu une dizaine de déclarations qui
17 ont été versées comme éléments de preuve à l'encontre d'arguments très
18 forts de l'Accusation qui en fait tendaient à vouloir procéder au contre-
19 interrogatoire de ces témoins. Mais ceci a été rejeté.
20 Il y avait donnant -- ce n'était pas une voie particulièrement simple. En
21 fin du compte, la Chambre a agi de façon tout à fait équitable à l'égard de
22 ces individus. Nous avons eu ici le fait que tout le monde sait que si Simo
23 Zaric Drljaca est mort, qu'il est nécessaire d'exécuter un mandat le
24 concernant dans un sens ou dans l'autre où qu'il se trouve.
25 Le fond de tout cela c'est que l'Accusation a un certain pouvoir
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1 discrétionnaire, le Procureur doit exercer ses fonctions de bonne foi.
2 Cette question particulière a été évoquée plus d'une fois pas seulement en
3 ce qui concerne, notamment, dans l'affaire de Celebici par Landzo, il
4 existe une présomption de régularité. Fondamentalement, le Procureur est
5 réputé à remplir ses obligations de façon tout à fait égale et équitable.
6 Il n'y a pas de question de personne qui se pose.
7 Je voulais revenir sur cette question particulière parce que je pense qu'il
8 est un point très important, et qu'il est tout à fait opportun de s'en
9 saisir pour en traiter de façon particulière, s'agissant de démontrer
10 quelque chose au sein de cette institution d'équité.
11 S'agissant de la déclaration au titre de l'Article 98 bis de la décision
12 rendue à la matière, on comprend bien que cette décision n'avait rien à
13 voir avec la volonté de s'acharner sur Prcac, s'agissant de remettre en
14 cause son argument selon lequel il n'a pas participé à une entreprise
15 criminelle commune. C'était simplement une situation dans laquelle la
16 Chambre de première instance a indiqué que dans une période tout à fait
17 précisément définie, la responsabilité de Prcac était en cause, étant donné
18 que la Chambre n'a retenu à son encontre que des infractions commises
19 depuis son arrivé sur le lieu où il est arrivé. La Défense a déjà parlé de
20 ce point.
21 Dans l'appel Prcac, on indique que si l'on se penche sur la décision de la
22 Chambre de première instance, décision collective au titre de l'Article 98
23 bis, toutes les allégations contre Prcac dans l'acte d'accusation dressé
24 par l'Accusation à l'encontre de ce dernier sont rejetées. Mais si on se
25 penche plus précisément sur le paragraphe 12 A à K du mémoire en appel de
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1 Prcac, on voit par exemple que Prcac affirme que la Chambre s'est prononcée
2 en sa faveur, et contre les arguments de l'Accusation. Ce qui est
3 remarquable toutefois, c'est qu'il y a des endroits où les conclusions de
4 la Chambre de première instance sont interprétées de façon erronée par
5 Prcac, s'agissant des documents au titre de l'Article 98 bis. Il n'y a
6 aucun fondement à l'affirmation de Prcac selon laquelle les Juges de la
7 Chambre de première instance ont accepté ses arguments dans tout leur
8 détail, et rejette la véracité des réquisitions de l'Accusation.
9 Tout Procureur comparaissant devant ce Tribunal ne peut que s'appuyer sur
10 une ou plusieurs des allégations contenues dans un acte d'accusation, et
11 une fois que les moyens de preuve sont présentés, il est possible que
12 certains faits particuliers ne soient pas établis. S'il y a des
13 contradictions entre les faits allégués dans l'acte d'accusation et les
14 conclusions de la Chambre de première instance au sujet de ces faits, cela
15 n'a aucun rapport avec le fond du crime reproché à l'accusé. Mais, ce que
16 nous disons, c'est que ces contradictions n'ont en aucune manière la
17 possibilité d'invalider l'acte d'accusation dans son ensemble ou d'exiger
18 une modification d'un acte d'accusation avant le prononcé d'une sentence.
19 Prcac a souligné qu'il existait à son avis certaines erreurs sur les faits.
20 Je pense qu'en fait, l'argument le plus important en la matière est
21 l'argument de la contrainte. Il affirme qu'il est arrivé dans le camp
22 d'Omarska sous la contrainte, en raison de menaces proférées à son encontre
23 par Simo Drljaca. Il affirme que par conséquent, en tant qu'accusé, il
24 n'avait aucune volonté de participer à l'entreprise criminelle commune pour
25 peu que celle-ci existe. Il affirme en outre, et ce en se fondant sur le
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1 paragraphe 427 du jugement en première instance, qu'au moment de son
2 interrogatoire par l'Accusation, il n'a pas fait mention des menaces en
3 questions. Il affirme s'agissant de l'affirmation de l'accusation selon
4 laquelle il n'aurait pas dans ces interrogatoires devant les représentants
5 du bureau du Procureur parlé de ces menaces, que ceci n'est pas conforme à
6 la vérité. Il avance à cet égard une citation de la page 8 du compte rendu
7 d'audience de son interrogatoire par l'Accusation le 27 avril 2000, au
8 cours duquel il aurait dit avoir été avisé par Zeljko Meakic --
9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que M. Carmona ralentisse.
10 M. CARMONA : [interprétation] Excusez-moi, je m'excuse.
11 Il dit avoir été informé par Zeljko Meakic du fait que Simo Zaric Drljaca
12 lui avait ordonné de continuer à travailler dans le camp d'Omarska sous la
13 menace. S'il ne le faisait pas, il recevrait une balle dans la tête, et
14 plus précisément dans le front.
15 Prcac affirme que ceci constitue une erreur grossière de la part de la
16 Chambre de première instance. Il est important de faire observer la teneure
17 exacte de son propos. Il déclare pour l'essentiel avoir parlé de cela au
18 cours de son interrogatoire par le Procureur. Cela est une partie
19 intégrante de son système de défense si je peux le décrire ainsi, à savoir
20 de son argumentation destinée à prouver qu'il était un participant
21 retissant ou contraint à cette entreprise criminelle commune.
22 Mais ce qui est remarquable sur ce point particulier, c'est et je fais
23 référence à cette page 8 du compte rendu d'audience, c'est que la menace
24 proférée à son encontre, il y en aurait eu connaissance par le biais de
25 Zeljko Meakic. Les Juges de la Chambre de première instance se sont penchés
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1 non pas sur l'existence ou la non existence de la mention faite par
2 l'accusé de ces menaces au bureau du Procureur, mais sur les hésitations
3 dont a fait preuve l'accusé en la matière.
4 Nous sommes là dans une zone très ambivalente par rapport au fait évoqué
5 par Prcac. Il semble bien que son invocation de la contrainte résulte
6 davantage de sa peur personnelle, de son appréhension que des menaces
7 précises venant parait-il de Simo Drljaca. Parce que si l'on examine le
8 compte rendu d'audience de sa déclaration, on voit qu'il a peur des gardes,
9 il a dit à plusieurs reprises, et finalement, il a peur en raison d'une
10 menace qui vient d'un tiers, ou qui lui est rapporté par un tiers. Il est
11 fort possible que les Juges de la Chambre de première instance se soient
12 concentrés sur l'absence de menace de première main de la part de Simo
13 Drljaca, et que leur interprétation finale de ce fait se soit fondée sur
14 cette information par un tiers, mais ce qu'il est important de prendre en
15 compte c'est que les Juges de la Chambre de première instance avaient bien
16 connaissance de la nature de ce moyen de preuve. On remarquera par exemple
17 que dans le paragraphe évoqué par la Défense, paragraphe 427 du jugement,
18 le fils de Prcac déclare que son père lui aurait dit avoir subi des
19 menaces, et lui avoir dit dans quelle condition il en a entendu parlé. Le
20 fils de Prcac témoigne que son père, je rappelle que je me réfère au
21 paragraphe 427 du jugement, que son père lui aurait annoncé que Simo
22 Drljaca avait menacé sa vie et celles de ses enfants, et qu'il aurait
23 menacé d'incendier sa maison. D'un autre côté on a Obrad Popovic qui était
24 concierge au camp, et qui a dit qu'avoir vu Prcac parler à Drljaca et que
25 par la suite Prcac lui avait fait part des menaces qu'il avait reçues de la
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1 part de Drljaca.
2 La Chambre de première instance a estimé ne pas être convaincue de
3 l'existence de ces menaces, et ne pas admettre l'affirmation de Prcac selon
4 laquelle il aurait travaillé dans le camp sous des contraintes. En d'autres
5 termes ce que déclarent les Juges de la Chambre de première instance, c'est
6 la chose suivante. Écoutez, nous avons entendu les dépositions d'un certain
7 nombre de témoins, autre que Prcac, y compris des témoins qui n'étaient pas
8 son fils ou le concierge du camp, selon lesquelles Prcac aurait été menacé,
9 et nous ne faisons pas confiance à cette affirmation. Si nous partions de
10 l'hypothèse que la Chambre aurait commis une erreur, ce qui ne signifie pas
11 que nous l'admettons, mais si nous partions de cette hypothèse que la
12 Chambre n'aurait pas pris en compte l'existence de ce propos de la part de
13 l'accusé dans son interrogatoire par le bureau du Procureur, ceci est tout
14 état de cause, ne serait qu'un élément tout à fait mineur à prendre en
15 compte ou une fois que l'on compare cet élément à l'ensemble des moyens de
16 preuve destinés à permettre de déterminer si oui ou non ce fait est digne
17 de foi, et si oui ou non ce fait est avéré. La Chambre a conclu que ce fait
18 n'était pas avéré.
19 Je tiens compte du temps qui passe, je ne développerai pas davantage cette
20 argumentation, mais je renvoie les juges de la Chambre d'appel à
21 l'interrogatoire de Drago Prcac page 10, page 13, page 66, page 120, page
22 123 et on trouve ces pages à pièce à conviction P3/167 où l'on trouve ces
23 références à l'affaire de la part de l'accusé. On constatera par exemple
24 que toute interprétation raisonnable de ces parties de l'interrogatoire,
25 permettent à des Juges raisonnables d'une Chambre de première instance de
Page 403
1 prendre la position qui a été faite en l'espèce. En dehors de cela il est
2 également indiqué dans le système de défense de Prcac qu'il était
3 impuissant, qu'il ne peut pas exercer sa volonté parce qu'il était paralysé
4 par la peur. On appréciera que certains ont déclaré qu'il grondait, qu'il
5 hurlait comme un lion et il a dit lui même dans sa version des faits. On se
6 rappellera un incident impliquant trois personnes, Edin son frère et une
7 autre personne un certain Gustav. Ils ont été amenés dans la prison et
8 Prcac était présent, ils ont été frappés et pendant le passage à tabac,
9 Prcac allait de là à l'autre pour recueillir des renseignements de leur
10 bouche et consigner ces informations par écrit sur la fameuse liste, dont
11 il a été question au cours du procès.
12 Prcac cependant, déclare que lorsqu'il a vu ce passages à tabac, et que ces
13 deux garçons étaient en fait les fils d'un ami à lui, il s'est saisi de son
14 fusil en présence de Meakic, il l'a pointé vers ces jeunes gens, il a armé
15 le fusil et il leur a demandé de résister au passage au tabac.
16 Cependant, tout cela est assez bizarre, parce que nous avons un témoin sur
17 les faits qui a déclaré que rien de tel ne s'était passé au cours du
18 passage à tabac qu'il avait subi, et il était très précis lorsqu'il a parlé
19 de cela. Il a déclaration que Prcac démontrait une grande efficacité pour
20 recueillir des renseignements et puisque nous parlons de la liste, je tiens
21 à indiquer que lorsqu'on examine le rôle joué par Prcac en la matière par
22 rapport à l'existence ou non d'une entreprise criminelle commune, et vous
23 trouverez l'ensemble de notre argumentation dans nos écritures, et je pense
24 que je ne peux insister une nouvelle fois sur la nature importante de la
25 participation de Prcac à cette entreprise criminelle commune.
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1 Ce que je peux dire c'est que différents témoins ont indiqué, tel que
2 Sifeta Susic, Mesan, Nusret Sivac, ils ont tous indiqué que Prcac exerçait
3 une certainement influence et, notamment, sur la rédaction de cette liste.
4 La Chambre de première instance a déclaré que compte tenu de l'existence de
5 cette liste, il était responsable du transfert des détenus vers d'autres
6 camps. Il était responsable de l'appel de certains noms de personnes
7 détenues, et de la décision de les transférer ailleurs. Finalement, mes
8 collègues et amis de la défense ont essayé de parler de cette liste, comme
9 d'une liste tout à fait innocente ce qui n'était pas le cas. Sur cette
10 liste il y avait le nom d'un certain nombre de personnes et sur la base de
11 cette liste, des interrogatoires se produisaient et le responsable de ces
12 interrogatoires était en mesure de déterminer qui était Musulman, et qui ne
13 l'était pas. Cette liste c'était un peu comme une liste pour aller faire
14 les courses à l'épicerie. S'agissant de savoir qui seront les personnes
15 concernées, et à cet égard elles participait à l'efficacité de l'action
16 menée dans ce camp.
17 En dehors de cela, s'agissant de la connaissance qu'avait l'accusé de ce
18 qui se passait dans le camp depuis le début, et il a été établi qu'il en
19 avait une connaissance parfaite. Depuis le début, il s'est rendu compte
20 qu'un certain nombre de choses qui n'auraient pas dû se produire, se
21 produisaient dans le camp.
22 Qu'a-t-il fait suite à cela ? Il n'a absolument rien fait. Bien sûr à
23 plusieurs reprises des incidents ont eu lieu au cours desquels une certaine
24 compassion sélective a été manifestée par lui, mais est-ce que ceci
25 l'exonère de toute responsabilité en tant que participant à l'entreprise
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1 criminelle commune ? Étant donné la situation dans laquelle tout cela se
2 passait, je dirais que non.
3 La Chambre de première instance a tiré les conclusions qu'elle a tirées,
4 elle a estimé qu'il s'était montré très efficace, et que chaque fois qu'un
5 problème se posait par rapport à ces listes, il réglait le problème, en
6 fait lorsque des noms manquaient sur la liste, il intervenait par exemple
7 dans le cas de Smalj^, Mujo souhaitait que Smalj soit retiré, -- soit
8 transféré de la maison blanche jusqu'à la pièce où il était enfermé et ceci
9 a eu lieu avec l'autorisation des gardes qui avant ont consulté Prcac. Les
10 moyens -- les preuves sont abondantes qui montrent la relation directe qui
11 existe entre les déplacements dans le camp, et l'intervention de Prcac.
12 C'est une réalité peut-être dure, des témoin ont parlé de ce qui se passait
13 dans la maison blanche, et très peu de gens sont sortis vivants de cette
14 maison blanche. Il y avait aussi en dehors de la maison blanche le bâtiment
15 rouge, c'était des salles d'interrogatoires. Mais où se trouvait le bureau
16 de Prcac ? Dans le même couloir que les pièces où ont été les
17 interrogatoires. En fait lors de sa déposition il a dit qu'il n'a avait vu
18 que deux cadavres, mais un témoin qui a été entendu le 23 juillet a déclaré
19 qu'en fait il y avait neuf cadavres dispersés un peu partout dans le camp
20 pendant la dernière semaine de travail de Prcac dans le camp, où la
21 dernière semaine et demie. En réalité, il avait connaissance de ce qui se
22 passait, et il a accepté, il a admis ce qui se passait ce qui prouve bien
23 finalement qu'il avait une intention de sa part que les choses se passent
24 de la façon dont elles se sont passées, il avait bel et bien l'intention
25 d'apporter son aide à la réalisation de cette entreprise criminelle commune
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1 systématique.
2 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, comme je l'ai déjà
3 dit en raison des contraintes de temps je ne vais pas rentrer dans les
4 détails, mais je pense que nos écritures démontrent bien le rôle joué par
5 Kvocka dans l'établissement de cette liste, ainsi que dans la réalisation
6 de cette entreprise criminelle commune et nous nous en tenons à nos
7 réquisitions.
8 S'agissant de la crédibilité des témoins, mes collègues de la Défense se
9 sont exprimés de façon très ferme à l'encontre de certains témoins,
10 notamment sur le point de l'identification. Mais quelle est la pertinence
11 d'une identification, nous parlons d'un incident qui a eu lieu le 6 août,
12 en rapport avec les listes établies par Prcac, quelques 350 personnes sont
13 montées à bord d'un autobus et ont disparu et on dit que pour s'opposer à
14 cela qu'un témoin Omer Mesan a été incapable d'identifier l'accusé dans le
15 prétoire, mais nous avons la jurisprudence de Furundzija qui établit de
16 façon tout à fait catégorique que certains témoins ont tout de même fourni
17 une description physique tout à fait de Prcac. Ce qui est plus important
18 encore, c'est que la fiabilité de ces identifications est confirmée
19 également par d'autres témoins qui ont ajouté des éléments probants
20 s'agissant de cette identification.
21 En dehors du fait d'admettre ou pas les propos de l'appelant au sujet de la
22 journée en question, y a-t-il encore un problème d'identification ? Nous ne
23 disons pas qu'il était le seul homme à avoir manipulé ces listes mais ce
24 jour-là, il y avait au moins, par exemple deux personnes qui se sont
25 occupées de ces listes. Ceci dit, sur le fond, Prcac a fait partie de
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1 l'entreprise criminelle commune. Il était au courant de ce qui se passait.
2 Il était au courant de la structure mise en place dans le camp. Il y a un
3 modus operandi précis, imputable à Prcac qui a bel et bien participé à un
4 fonctionnement efficace du camp.
5 Je souhaiterais maintenant revenir sur certains arguments relatifs à Omer
6 Mesan.
7 Nous développons nos arguments au sujet de la crédibilité des témoins et
8 des contradictions de certains témoignages qui ont été soumis à la Chambre
9 de première instance dans nos écritures. Je dirais que nos collègues et
10 amis de la Défense ont essayé par la petite porte d'imposer sournoisement
11 un certain nombre d'éléments à la Chambre d'appel parce que regardons les
12 rapports qui existent entre les propos qui ont été tenus et les erreurs de
13 faits qui pourraient mener à un délit de justice. Il y a un certain nombre
14 d'erreurs qui ont été évoquées au sujet des faits qui sont tout à fait
15 fondamentales et je dirais que mes collègues de la Défense n'ont pas été
16 réellement en mesure d'en démontrer la réalité.
17 En fait, comme je l'ai déjà dit sur la question de la communication des
18 pièces, je rappellerai à la Chambre l'existence de certains documents qui
19 indiquent l'entreprise criminelle commune existait depuis le début mais
20 dans le cadre de la communication des pièces, un certain nombre de témoins
21 ont été contre-interrogés et ont refusé ces contre-interrogatoires. Aucune
22 requête n'a été soumise à cet égard et finalement les témoins ont été
23 contre-interrogés.
24 Mais, sur le fond, je pense que ce point est important et qu'il convient de
25 l'établir d'une façon tout à fait définitive. Regardons les comptes rendus
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1 des conférences de mise en état qui ont traité de l'audition d'un certain
2 nombre de témoins et qui ont permis d'ajouter dix nouveaux témoins à la
3 liste envisagée initialement. Ces témoins n'ont apporté que des éléments
4 nouveaux très peu nombreux et peu importants.
5 Voyons, par exemple, la demande de l'Accusation d'une autorisation de
6 déposer un acte d'accusation consolidé et d'apporter un certain nombre
7 d'amendements aux tableaux confidentiels soumis au départ, 13 octobre 2000.
8 Vous pouvez également vous pencher sur la décision sur les faits relatifs à
9 la requête de Zigic annexé à l'acte d'accusation.
10 Je prie les interprètes de m'excuser pour mon oubli. Le 22 février 2001,
11 décision de dresser un acte judiciaire le 8 juin 2000 également, décision
12 sur les objections de la Défense à l'acte d'accusation modifié en date du 8
13 novembre 1999. On voit très bien que la Chambre de première instance, dans
14 toutes ces décisions, s'est efforcée au maximum d'apporter son aide à la
15 Défense le plus efficacement possible.
16 Prcac a fait partie de cette entreprise criminelle commune. Il n'était pas
17 évidemment pas général dans l'armée mais il n'était qu'auxiliaire
18 administratif. Mais tout de même, il a rempli les fonctions qui étaient les
19 siennes et qui ont leur place dans le puzzle global. C'est un peu comme
20 dans une compétition, dans une course, et il occupe sa place dans cette
21 course. Même si dans cette course de relais, il lui est arrivé de laisser
22 tomber le témoin, il savait exactement ce qui se passait et il y a
23 contribué. Des incidents nombreux ont eu lieu, incidents qui impliquent des
24 violences, des violences sexuelles, des meurtres et des mauvais
25 traitements.
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1 Dans ces conditions, l'Accusation déclare que sur le fond, les motifs
2 d'appel de Prcac doivent être rejetés. Si vous avez des questions, bien
3 sûr, je suis à votre disposition.
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] La Juge Weinberg de Roca a des
5 questions à poser.
6 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci, Monsieur le
7 Président.
8 Monsieur Carmona, suis-je en droit de penser qu'il n'y a pas concordance
9 exacte entre l'acte d'accusation et le jugement, qu'il y a bel et bien des
10 différences entre les deux, mais que s'agissant des charges retenues contre
11 eux, les accusés doivent en être informés pendant la phase préalable au
12 procès et qu'ils ne peuvent plus revenir sur ce point actuellement ?
13 M. CARMONA : [interprétation] Je suis d'accord avec vous s'agissant de 99 %
14 de ce que vous venez de dire. Je pense que sur le 1% restant, la décision
15 n'a pas encore été rendue.
16 Nous estimons que puisque l'acte d'accusation fait partie intégrante de la
17 procédure, toutes réserves ou objections au sujet de l'acte d'accusation
18 doivent être faites avant le début du procès.
19 Cependant, je pense que dans l'intérêt de la justice, une Chambre d'appel a
20 tout de même proprio motu la possibilité de se pencher sur toute question
21 qui risquerait si elle n'était pas examinée d'aboutir à un délit de
22 justice. Par exemple, je pense que les appelants auraient du présenter
23 leurs arguments avant le début du procès.
24 Mais que si l'on regarde certaines des requêtes qui ont été déposées, elles
25 exprimaient une certaine inquiétude au sujet de l'acte d'accusation et que
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1 ces inquiétudes n'ont pas été abordées par la Chambre de première instance.
2 C'est un risque endémique qui existe entre la phase préalable et la phase
3 du procès et c'est la raison pour laquelle ces arguments sont développés de
4 façon très approfondie devant la Chambre d'appel.
5 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Je vous remercie.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une question simplement pour
7 m'assurer que nous avons tous bien compris vos arguments. S'agissant de
8 l'entreprise criminelle commune, suis-je en droit de comprendre et dites-
9 moi si je me trompe, qu'il n'est pas indispensable que l'existence de cette
10 entreprise criminelle commune soit mentionnée dans l'acte d'accusation pour
11 que la responsabilité de l'accusé soit mise en cause s'agissant de tel ou
12 tel crime visé à l'acte d'accusation, mais ce qui est indispensable, c'est
13 que l'Accusation fasse connaître l'existence de son argument en la matière
14 en temps utile à la Défense et fasse connaître également toutes les
15 circonstances qui sont prises en compte par elle pour arguer de l'existence
16 d'une telle entreprise criminelle commune dans des délais acceptables. Est-
17 ce bien votre position ?
18 M. CARMONA : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci. Excusez-moi mais je ne
20 contrôle pas totalement, en tout cas, la technologie dont nous disposons.
21 Il me semble que les micros fonctionne actuellement. Je propose une
22 suspension de 90 minutes, comme d'habitude et retour dans le prétoire à 14
23 heures. C'est bien cela, 14 heures ? C'est bien cela. Oui, très bien.
24 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 27.
25 --- L'audience est reprise à 14 heures 05.
Page 411
1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous reprenons d'aujourd'hui. Je
2 vous remercie. Qui va prendre la parole ? Je crois que c'est l'Accusation.
3 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames,
4 Messieurs les Juges.
5 Je vais répondre à l'appel de M. Radic cet après-midi. Ce faisant, je vais
6 également aborder la question de quelques motifs d'appel en commun. Le tout
7 premier motif d'appel que je vais aborder cet après-midi, est le motif
8 d'appel de Radic numéro 1B concernant les annexes confidentielles et
9 portant sur l'opinion motivée de la Chambre de première instance. Il s'agit
10 d'un motif d'appel commun soulevé à la fois par Radic, par Kvocka et Zigic
11 en particulier.
12 La question qui se pose est la suivante : La Chambre de première instance,
13 s'est-elle trompée en ne précisant pas dans son jugement différentes
14 conclusions distinctes et séparées, à propos de tous les incidents qui sont
15 énumérés dans les annexes A à E ? En réalité, la vraie question est la
16 suivante. La Chambre de première instance, a-t-elle rendu une décision
17 motivée et appropriée ?
18 M. Carmona, mon confrère, a déjà abordé la question ce matin de l'avis des
19 chefs d'accusation portés contre quelqu'un, si cet avis est justifié. Il
20 s'agit de quelque chose de différent. Je crois que la Chambre de première
21 instance a rendu une opinion motivée. Nous estimons que la seule réponse à
22 cette question est oui. La Chambre de première instance a clairement
23 indiqué quelles étaient les conclusions qui, sur la base des éléments
24 présentés, permettaient de mettre ceci en lumière, les éléments de preuve
25 sur lesquels sont fondés ces conclusions et les raisons qui, d'après la
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1 loi, font que cet accusé est tenu pour responsable sur le plan pénal, de
2 crimes qui sont cités dans le cadre de cette affaire sur la base des
3 éléments de preuve présentés.
4 La Chambre d'appel a clairement indiqué que l'obligation était importante
5 de fournir une opinion motivée. Ce qui, évidemment, dépend des
6 circonstances de l'affaire, de la nature de la décision en question. Nous
7 avançons, par conséquent, que dans une affaire comme celle-ci, lorsque nous
8 demandons une appréciation de la responsabilité au plan pénal des
9 différents participants dans un système de mauvais traitement, c'est-à-
10 dire, la catégorie telle qu'elle est précisée par ce Tribunal, ce qui
11 comprend des crimes qui ont été commis de façon quotidienne; de nombreux
12 crimes qui sont commis de façon simultanée; des crimes qui sont commis de
13 façon continue contre des milliers de victimes qui sont détenues, des
14 milliers de personnes qui sont détenues à cet endroit, pendant un certain
15 nombre de mois, une période de trois mois. Il serait quasiment impossible
16 de faire des constatations factuelles à propos de chaque incident. Ce qui
17 est encore plus important, d'après nous, c'est qu'il n'est même pas
18 nécessaire de le faire.
19 La Chambre de première instance, bien évidemment, a abordé la question des
20 éléments de preuve généraux portant sur les meurtres, les passages à tabac,
21 les violences physiques et mentales, les violences sexuelles et les
22 conditions de détention qui étaient avilissantes, comme cela est indiqué
23 par les incidents qui sont précisés dans les annexes confidentielles.
24 De constater qu'au-delà de tout doute raisonnable, que c'était un système
25 de mauvais traitement, qui avait pour but de persécuter toutes ces
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1 personnes. Il s'agit des actes essentiels. Ensuite, un examen a permis de
2 constater qu'au-delà de tout doute raisonnable, la contribution, à la fois,
3 matérielle et mentale de l'accusé, était à prendre en compte, qu'il s'agit
4 là d'un cadre tout à fait normal dans le contexte d'une entreprise
5 criminelle commune en vertu de la catégorie numéro 2. C'est ce qui permet
6 d'apprécier leurs responsabilités.
7 Si nous regardons le jugement, dans les parties numéros 2 à 4, la Chambre
8 de première instance a fait allusion à un nombre très important d'incidents
9 à l'encontre des victimes dans les annexes, à savoir, les passages à tabac,
10 les meurtres, les tortures, les viols les violences sexuelles et conditions
11 inhumaines. Sur la base de ces éléments de preuve, il a été constaté qu'au-
12 delà de tout doute raisonnable, il s'agit là d'un système de persécution et
13 de mauvais traitement qui existait, et qui a été mené pour des raisons
14 discriminatoires.
15 D'après ces éléments de preuve, on a pu conclure qu'au-delà de tout doute
16 raisonnable, ces différents crimes ont été commis dans le cadre d'un
17 système de persécution, de mauvais traitements avec une intensité,
18 fréquence, régularité, et de façon systématique, de façon à englober un
19 réel système de persécution et de mauvais traitements. Encore une fois, la
20 Chambre de première instance nomme un nombre très important d'incidents qui
21 figurent dans les annexes, lorsqu'il s'agit d'analyser la contribution de
22 chaque individu, de différentes personnes du mens rea de l'intention
23 délictueuse de chaque accusé.
24 Y a-t-il des incohérences entre les détails fournis par les annexes ? La
25 Chambre de première instance, ne pourrait-elle pas, à ce moment-là, faire
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1 une constatation à propos de chaque élément, comme
2 M. Fila l'a suggéré ? Nous estimons que les annexes de ce type, peuvent
3 répondre à un certain nombre d'exigences, par exemple, et ce, pour un
4 certain nombre de raisons. Ici, la raison pour laquelle ceci a été avancé,
5 la raison pour laquelle les annexes ont été proposées, était de permettre à
6 l'accusé d'entrer dans davantage de détails. Il s'agissait d'une question
7 d'équité, de façon à ce qu'il puisse avoir tous les éléments de l'affaire à
8 leur encontre. Ce qui ne signifie pas que ces annexes se transforment en
9 acte d'accusation ni en faits essentiels. Cela n'est pas le propos.
10 Si nous regardons la décision qui a été prise sur la manière dont on a
11 rédigé l'acte d'accusation, le 12 avril 1994, l'Accusation a dû donner un
12 certain nombre de détails dans cet acte d'accusation. On lui a demandé de
13 reconnaître, pour autant que faire se peut, le nom des victimes de ces
14 crimes, qui se sont produits à Omarska, et des détails également à propos
15 et quelques dates approximatives sur les jours où ces événements se sont
16 produits.
17 L'Accusation, par conséquent, a déposé un acte d'accusation modifié ainsi
18 que ces annexes. C'était une question d'équité. Nous avons regardé une
19 déclaration faite lors de la décision qui a été rendue dans le cas de
20 l'affaire Krnojelac par la Chambre d'appel. Ce jugement a été rendu par la
21 suite, mais le principe reste le même. Au paragraphe 117 : "Un accusé doit
22 savoir si un système pour lequel il a été accusé et auquel il aurait
23 contribué, implique tous les actes pour lesquels il est accusé ou
24 simplement un certain nombre d'entre eux."
25 Dans la présentation des éléments à charge, la responsabilité n'a jamais
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1 été limitée aux noms des victimes, au plan individuel, ni des incidents
2 individuels. Il suffit de regarder la première ligne de chaque annexe qui
3 fait référence aux prisonniers qui ont été confinés dans le camp d'Omarska
4 pendant une certaine période, par exemple, et tous les prisonniers qui ont
5 été tués au camp d'Omarska au cours de ces mêmes périodes, avant d'aborder
6 la liste des incidents en particulier.
7 Nous avançons, par conséquent, que les incidents ne peuvent pas être
8 énumérés de façon individuelle et ceux qui sont mentionnés dans les annexes
9 n'illustrent qu'en partie les crimes au sens large pour lequel l'accusé est
10 tenu responsable, parce qu'il faisait partie d'un système de mauvais
11 traitements. Ce qui semble apparaître de façon tout à fait claire, c'est
12 que l'accusé a été accusé et par la suite, tenu pour responsable sur la
13 base d'un système mis en place pour perpétrer ces crimes, y compris des
14 actes de mauvais traitements et la manière dont les prisonniers ont été
15 détenus sur une base discriminatoire, y compris les meurtres, la torture,
16 les passages à tabac, la détention, les conditions inhumaines et la
17 violence sexuelle, de façon plus importante, de la façon dont ils ont de
18 façon intentionnelle et en toute connaissance de cause, contribué à
19 favoriser ce système.
20 La seule limite que l'on puisse placer sur la responsabilité, est celle que
21 l'on applique en vertu d'une décision 98 bis, décision qui est prise à mi-
22 chemin en général, qui estime que chaque accusé est tenu pour responsable
23 des crimes pendant la période pour laquelle il est accusé. Nous n'en dirons
24 pas davantage. Je crois que mes confrères, Mme Rashid et M. Carmona ont
25 clairement élaboré ce point, et ont clairement indiqué quelle était leur
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1 position là-dessus.
2 Dans bon nombre d'affaires devant ce Tribunal, une attitude similaire a été
3 adoptée. Par exemple, dans les affaires comme Stakic et Tuta Stela. La
4 Chambre de première instance n'a pas donné son opinion sur chaque élément
5 et chaque épisode de persécution qui s'est produit, mais plutôt sur la
6 persécution qui a été constatée d'après les éléments de preuve et preuve
7 suffisante à propos de certains incidents et actes de persécution.
8 Je ne suis pas en train de dire que les choses ont été commises de la même
9 façon. Si on regarde, par exemple, les exemples comme dans le cas de
10 l'affaire Galic. Dans ce cas, dans Galic, la Chambre de première instance a
11 précisé que les annexes pouvaient être utilisées dans le cadre de la
12 procédure, et pouvait avertir suffisamment à temps l'accusé, mais les
13 annexes ne devaient pas pour autant être comprise comme étant quelque chose
14 qui pouvait réduire les éléments à charge présentés par l'Accusation, si
15 les incidents étaient consignés dans ces annexes. Nous proposons, par
16 contre, que la Chambre de première instance a réagi de façon tout à fait
17 similaire que dans l'affaire Galic, lorsque la Chambre de première instance
18 a pu analyser les incidents dans les annexes, permettant ainsi de donner
19 une évaluation générale de l'ensemble de la situation qu'une campagne plus
20 généralisée dans ce cas à Sarajevo. Dans le cas de l'affaire Galic, par
21 exemple, davantage d'éléments ont été proposés qui permettaient à l'appui
22 des éléments présentés par l'Accusation, et qui allaient bien au-delà de
23 ces simples incidents mentionnés dans les annexes.
24 Le dernier point que je souhaite aborder concernant ce sujet, est celui de
25 la Deuxième Guerre mondiale et différentes affaires se rapportant à cette
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1 époque. Par exemple, le procès Belsen ou celui de Dachau, qui indiquent
2 clairement que les éléments présentés ont permis d'isoler certains épisodes
3 qui représentent la situation au sens large et qui permettent de mettre en
4 lumière une conduite criminelle et systématique.
5 En résumé, nous estimons que la Chambre de première instance a rendu son
6 opinion motivée qui est tout à fait exacte, et qui n'a pas jugé nécessaire
7 d'analyser chaque incident l'un après l'autre, incidents qui sont contenus
8 dans les annexes, mais plutôt que de traiter les incidents comme des
9 éléments de preuve, de façon plus générale, et qui a constaté qu'au-delà de
10 tout doute raisonnable, il s'agit là de la manière dont le système
11 fonctionne et ses composantes, et que chaque accusé a joué un rôle à
12 l'intérieur de ce système.
13 Je vais maintenant aborder une question qui a été abordée par M. Fila
14 mardi. Je vais parler des motifs avancés par l'appelant
15 M. Radic. Dans ce cas-là, je vais parler de ces condamnations pour
16 persécution et torture basées sur le viol et les violences sexuelles. Je
17 souhaite consacrer un petit peu du temps à ce domaine, non seulement parce
18 que c'est évidemment important, mais que M. Fila et son client ont
19 également souligné l'importance de ceci - je pense que M. Fila y a fait
20 référence constituant un élément essentiel pour
21 M. Radic - mais également, parce que la Chambre de première instance a
22 accordé énormément d'importance à ces actes de viol ou de violences
23 sexuelles, et a constaté que ceux-ci ont contribué de façon significative
24 au déploiement des objectifs criminels dans ce camp.
25 La Chambre de première instance a constaté que ces actes criminels commis
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1 par Radic étaient l'une des façons, mais non pas la seule, mais l'une des
2 façons importantes par le biais duquel M. Radic a contribué à l'entreprise
3 criminelle commune pour persécuter et maltraiter les non-Serbes dans le
4 camp d'Omarska. Pour commencer, je dois dire que j'ai été surpris par le
5 commentaire de M. Fila lorsque l'autre jour, il a commencé ces arguments,
6 et je le cite : "En temps de guerre, les gens se battent, mais les gens ne
7 commettent pas de viol en temps de guerre."
8 Malheureusement, les gens dans un contexte comme celui-ci se livrent au
9 viol. C'est exactement la raison pour laquelle M. Radic est ici devant vous
10 aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle il a été condamné.
11 Je souhaite parler du viol maintenant du Témoin K. Les arguments de
12 l'appelant se résument à son opinion sur les raisons pour lesquelles le
13 Témoin K n'est pas crédible. D'après lui, il dit que cette personne a tout
14 inventé de toute pièce. Ces arguments ont simplement été répétés dans les
15 arguments fournis au procès, et répondent aux critères de réexamen devant
16 une Chambre d'appel. Il s'agit là d'analyser les erreurs de faits et de
17 démontrer comme l'aurait fait une Chambre de première instance qu'il s'agit
18 là d'une opinion raisonnable.
19 Mais avant de revenir à ses arguments directs, je souhaite maintenant
20 parler de deux séries d'arguments que M. Fila a fait mardi à propos du
21 Témoin K, qui d'après nous sont tout à fait impropres. Je vais demander à
22 Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Juges de l'exclurent de
23 votre analyse. Mais pour se faire, je souhaite passer à huis clos partiel
24 pendant quelques instants si vous me le permettez. Je ne souhaite pas que
25 la situation qui s'est produite l'autre jour se reproduise puisqu'il s'agit
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1 ici d'un élément confidentiel comme cela a été le cas mardi. Par
2 conséquent, si je puis me tourner vers Mme la Greffière et anticiper ceci
3 comme je l'ai fait avec elle. Si nous pouvons passer quelques instants à
4 huis clos partiel.
5 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Y a-t-il des objections ? Nous
6 pouvons passer à huis clos partiel.
7 Mme BRADY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
9 partiel.
10 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 Mme BRADY : [interprétation] Très bien. La Chambre de première instance a
18 accepté que le Témoin K était un témoin crédible et ceci n'est pas
19 déraisonnable compte tenu du fait qu'il y avait des incohérences et de
20 contradictions dans son témoignage. M. Fila a parlé de quelques-uns de ces
21 éléments l'autre jour, et des incohérences entre sa déclaration de 1995 et
22 son témoignage devant la Chambre, le fait qu'elle n'ait pas parlé du viol à
23 un journaliste en 1993, et le fait qu'elle n'est pas fait mention au
24 Procureur en 1995, qu'elle s'était entretenue précédemment avec un
25 journaliste.
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1 Notre mémoire en réponse a énuméré chaque point l'un après l'autre. Je n'ai
2 pas besoin d'y revenir. Je souhaite simplement vous proposer un exemple et
3 vous signaler qu'il ne s'agit pas de quelque chose de déraisonnable puisque
4 si elle n'a pas mentionné les incidents au journaliste en 1995, nous
5 faisons valoir le fait que l'appelant n'a pas précisé qu'il s'agissait de
6 quelque chose de déraisonnable à la lumière d'un crime qui était un crime
7 de nature sexuelle et très personnelle. La Chambre de première instance a
8 estimé qu'il s'agissait de quelque chose de peu pertinent si elle n'avait
9 pas fait mention de son viol devant le journaliste, viol commis par Radic à
10 l'époque, même si elle avait dit au journaliste qu'elle avait été violé par
11 Sikirica à un autre endroit.
12 Je souhaite également préciser que ce témoin a été contre-interrogé en
13 détail à ce propos, et le Juge Wald lui a demandé de façon très directe.
14 Pourquoi estimez-vous que vous pouvez parler de cette expérience
15 extrêmement douloureuse à Keraterm et ne pas parler d'une autre expérience
16 également douloureuse à Omarska ?
17 Le caractère déraisonnable vient du fait que la Chambre de première
18 instance constate qu'il y a des incohérences, mais estime néanmoins que
19 c'est un témoin crédible.
20 L'appelant a également avancé que la Chambre de première instance n'a pas
21 abordé la question des incohérences entre sa déclaration et son témoignage
22 devant la Chambre, et son argument se fonde sur deux éléments qui sont
23 extrêmement différents, voir divergents. Il dit que les choses se sont
24 passées ainsi. J'invite les membres de la Chambre a regardé ces éléments-
25 là. Vous constaterez qu'il y a des différences, mais qu'ils sont sans
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1 conséquence. Deuxièmement, les incohérences que nous avons analysées au
2 cours du contre-interrogatoire, et également citées dans le mémoire en
3 futur, n'indiquent nulle part si on regarde le jugement de la Chambre de
4 première instance, que cette dernière ne les a pas prises en considération.
5 Je souhaite maintenant aborder un point quelque peu différent qui a été
6 abordé mardi dans le mémoire. Allusion a été faite à un certain nombre de
7 conclusions faites par la Chambre de première instance dans l'affaire
8 Sikirica à propos de ce témoin. Si j'ai bien compris correctement ce qui a
9 été dit, il semble en demander aux juges de mettre cette question de côté,
10 à savoir qu'il s'agissait là de quelque chose dans le domaine public. C'est
11 la seule façon qui permette à une Chambre de première instance de faire des
12 conclusions sur une base factuelle, en vertu de l'Article 94 (B) sur des
13 faits qui ont été admis en vertu d'un jugement antérieur. Je crois que
14 cette Chambre pourrait appliquer cette règlement de façon théorique si elle
15 le souhaite, mais de façon théorique il serait également possible pour vous
16 de le faire. Nous n'allons pas aborder cette question là aujourd'hui, et
17 nous pensons que même si c'est tout à fait une possibilité tout à fait
18 théorique, cela ne serait pas possible ici dans cette affaire, car les
19 exigences de l'Article 94 (B) ne peuvent pas être remplies ici.
20 Je crois qu'il est également important d'en noter que dans l'affaire
21 Sikirica, la Chambre de première instance n'a pas acquitté Sikirica du
22 viol, car dans sa décision 98 bis, décision qui a été prise au mois de
23 septembre, sa décision portant sur la condamnation a été faite sur la base
24 de la décision en vertu de quoi le témoin a été tout à fait crédible. Il
25 n'y a pas de fondement ici quand on dit
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1 M. Fila a dit qu'il est tout à fait clair à Keraterm, que personne ne la
2 croyait, que la Chambre, ni l'Accusation, ni la Chambre de première
3 instance.
4 Bien évidemment, nous mettons en doute, autrement dit, l'Accusation
5 s'interroge sur l'appréciation de la Chambre de première instance dans un
6 jugement à propos de la crédibilité d'un témoin. Si ceci peut-être notifié
7 ou constaté par une autre Chambre de première instance comme étant un fait
8 admis en vertu d'un jugement antérieur. Comment se fait-il qu'une Chambre
9 de première instance peut se reposer sur le témoignage d'un témoin sur une
10 affaire, mais non pas sur une autre ? Bien évidemment, nous n'avons aucune
11 raison de croire que ceci va avoir une incidence sur la crédibilité du
12 témoin. Comme nous pouvons le constater, ceci a été mentionné dans la
13 Chambre d'appel Celebici, au paragraphe 479.
14 Mais si nous appliquons cette même logique, bien sûr une autre Chambre de
15 première instance, par exemple dans l'affaire Sikirica où même la Chambre
16 de première instance ne repose pas sur les éléments de preuve qu'elle a été
17 violée par Sikirica à Keraterm, cela ne signifiait pas que la Chambre de
18 première instance peut accepter les éléments de preuve qu'elle a donnés à
19 propos de son viol par une autre personne, Radic ou quelqu'un d'autre, à
20 Omarska. Nous constatons clairement que dans la décision de la Chambre de
21 première instance dans l'affaire Kunarac, il y avait certains témoins, en
22 particulier FWS 87 et 95, où la Chambre de première instance était prête à
23 accepter les éléments de preuve fournis par la victime, et qui a accepté
24 que le viol ait eu bien lieu dans le cas de certains viols, mais non pas
25 dans d'autres cas de viol.
Page 425
1 Le dernier point que je souhaite aborder ici est que la Chambre de première
2 instance a entendu le témoignage du Témoin K qu'elle a fait dans le procès
3 Sikirica, parce qu'au mois de juin 2001, on l'a fait revenir devant la
4 Chambre de première instance pour la contre-interroger, et on lui a posé
5 des questions sur les incohérences de son récit à propos de son viol qui
6 avait découlé des éléments de preuve présentés dans l'affaire Sikirica.
7 Cette Chambre de première instance, comme je le dis dans Kvocka, a vu
8 quelques différences entre le témoignage du Témoin K qui a été violé par
9 Radic, et qui a été violé par Sikirica à Keraterm. Je souhaite simplement
10 dire qu'il y a une différence notable entre les deux. Elle avait reconnu
11 Radic. Elle avait vu se promener avant l'incident qui s'est produit à
12 Omarska, parce que Sikirica en revanche l'avait vu que ce matin-là.
13 En résumé, nous avançons devant cette Chambre d'appel que la Chambre doit
14 faire un constat judiciaire et c'est la conclusion faite par la Chambre de
15 première instance à propos de ce témoin dans l'affaire Sikirica.
16 Je vais maintenant parler de violence sexuelle et du Témoin J. M. Fila en a
17 parlé très peu de temps l'autre jour, et je serai très bref à ce propos
18 également. Il n'y a aucune erreur commise par la Chambre de première
19 instance en constatant que le Témoin J avait été soumis à des violences
20 sexuelles. Il a tout simplement représenté ses arguments, arguments qui
21 avaient été présentés et entendus par la Chambre de première instance, qui
22 peut-être expliqué de la façon simple suivante : il s'agissait d'une
23 coïncidence simplement que le Témoin J a été l'objet de violences sexuelles
24 d'un homme qui s'appelait Kapitan où quelque chose comme cela. On n'établit
25 pas ce biais qu'il y a eu une erreur de fait.
Page 426
1 Je vais maintenant parler d'un argument plus générique qui a été fait à
2 propos des violences sexuelles du Témoin J et du Témoin F, Sifeta Susic et
3 Zlata Cikota, et à sa conduite à l'égard des témoins J et F, Susic et
4 Cikota, n'étaient pas suffisamment grave pour répondre à des graves
5 violations du droit international humanitaire qui relève de la compétence
6 de ce Tribunal.
7 Je dois admettre que je n'ai pas tout à fait compris l'argument au début de
8 la présentation des arguments à propos de l'Article 2 du statut parce que
9 l'accusé n'a pas été condamné en vertu de l'Article 2, mais en vertu de
10 l'Article 3, et 5. Le concept de la gravité du crime pour persécution et
11 torture n'est pas lié à la question des crimes qui sont considérés comme
12 faisant l'objet de violations des conventions de Genève en vertu de
13 l'Article 2. Je laisse ceci de côté.
14 D'une façon plus importante, il a clairement sous-estimé la gravité de sa
15 conduite, et je crois que je dois mettre ceci en perspective, parce qu'il
16 s'agit là d'une conduite criminelle.
17 Pour ce qui est du Témoin F, Radic l'a emmenée dans sa Chambre. Il lui a
18 dit qu'il pouvait l'aider si elle couchait avec lui, et ensuite nous avons
19 cité les éléments de preuve, il a touché ses parties génitales.
20 Pour Sifeta Susic, Radic l'a attrapée. Elle débarrassait une table, et il
21 l'a baissée sur son genou en disant : il vaut mieux que je te viole toi,
22 plutôt que quelqu'un d'autre.
23 Pour ce qui est de Zlata Cikota, un jour elle était dans son bureau. Je ne
24 me souviens pas des éléments, mais je crois qu'un jour il a eu une
25 rencontre avec elle. Il lui a attrapé les seins et ensuite elle lui a
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1 répondu, "je ne suis qu'une vieille femme," et il lui a répondu que : "cela
2 suffisait. Cela n'est pas grave." Finalement, le Témoin J, qui fait partie
3 de ce même groupe, je crois que l'on serait d'accord pour dire qu'il s'agit
4 là de conduite tout à fait grave. Il l'a poussé violemment contre le mur.
5 Il lui a enlevé ses vêtements, il lui a touché les seins, les parties
6 génitales, et il a essayé de -- mais il n'y pas eu de pénétration sexuelle
7 et il s'est éjaculé.
8 En effet, Radic affirme que ces actes d'harcèlement sexuel, ces menaces de
9 violer, ces attouchements sexuels et ces attaques sexuelles à l'encontre
10 d'une femme qui était détenue et que ceci ne constitue pas un acte
11 suffisamment grave pour être considéré torture et persécution en tant
12 qu'infractions graves aux droits internationaux humanitaires.
13 La torture que ce soit en titre de l'Article 3 ou de l'Article 5 doit
14 causer une atteinte grave, la souffrance grave à la victime, mais la
15 gravité de cette atteinte est à la fois une composante objective et une
16 composante subjective. Il n'était pas déraisonnable de constater qu'il
17 s'agissait là d'un acte grave. Compte tenu de la vulnérabilité extrême de
18 la victime, de la détention de ces victimes à l'endroit où des violences à
19 l'encontre des détenus étaient la règle et non pas l'exception, la
20 connaissance que les victimes avaient de la position de Radic, le fait
21 qu'il pouvait circuler librement dans le camp et qu'il pouvait leur
22 ordonner de se rendre devant lui, et leurs connaissances ou les suspicions
23 que d'autres femmes avaient été violées ou qu'elles avaient été soumis à
24 des violences sexuelles dans le camp et, par conséquent, que la menace
25 était très réelle, à savoir qu'elles pouvaient être soumises à des
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1 violences sexuelles au beau gré de Radic, et là, on considère qu'il n'était
2 absolument pas déraisonnable de la part de la Chambre de première instance
3 d'estimer qu'il s'agit ici d'un acte grave et qu'il s'agissait là de
4 torture. Alors, nous avons aussi des cas comparables où il n'y a pas eu de
5 pénétrations, dans les affaires Kunarac où on a forcé des personnes, des
6 victimes à danser nues, à se tenir nues devant un groupe. Par exemple, on a
7 forcé une personne à lécher le derrière nu d'une victime. Ici, de manière
8 comparable, il s'agit d'atteinte à la dignité des individus.
9 De même, la persécution au titre de l'Article 5 requiert que l'acte soit
10 l'un des crimes énumérés ou qu'il entraîne le délit d'autres droits
11 fondamentaux à condition que ces actes de manière séparée ou de manière
12 cumulative soit de la même gravité que les autres crimes énumérés au titre
13 de l'Article 5.
14 L'Accusation s'excuse d'être trop rapide pour les interprètes. Encore une
15 fois, lorsque nous concevons la conduite de Radic non pas de manière
16 isolée, mais de manière cumulée, à savoir, compte tenu de tous les actes
17 persécutoires qui ont été infligés aux victimes, la Chambre de première
18 instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a constaté que ces femmes ont
19 été persécutées du fait que ces actes ont été commis et que ces actes
20 étaient bien des actes inhumains et qu'ils relèvent du crime de
21 persécution.
22 Enfin, le dernier domaine qui m'intéresserait ici dans ce chapitre de viol
23 et de violence sexuelle, il s'agit de la manière dont les éléments de
24 preuve ont été identifiés par la Chambre de première instance lorsqu'il
25 s'agit d'éléments de preuve attestant qu'il y a eu viol du Témoin AT en
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1 vertu de l'Article 93. Je parlerai aussi pour ce qui est de l'appelant
2 Zigic et des arguments qui ont été avancés.
3 Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur
4 lorsqu'elle a pris en considération le viol par Radic du Témoin AT
5 démontrant une ligne de conduite délibérée au titre de l'Article 93, compte
6 tenu que les crimes de viol, compte tenu qu'il a été accusé de crimes de
7 viol et de violence sexuelle. Nous nous rappelons que le Témoin AT a
8 insisté que tout d'abord Radic l'avait aidé, qu'il lui a donné de la
9 nourriture, qu'il a déplacé ou transféré son mari dans la maison de verre
10 mais qu'une nuit, il l'a emmené elle dans la salle de conférence où il y
11 avait un matelas en mousse et lui a dit d'enlever ses vêtements. Il l'a
12 forcé à un rapport sexuel. Les éléments de preuve montrent que le Témoin AT
13 a été violée. Il s'agit d'éléments de preuve de toute évidence, pertinent
14 et probant et nous estimons qu'il n'y a pas eu de valeur préjudicielle qui
15 enlèverait le caractère probant de ces éléments.
16 Nous estimons que ceci se situe dans le cadre des paramètres appliqués par
17 la Chambre d'appel dans sa décision sur Bagosora le 19 décembre 2003.
18 Lorsque nous disons cela, nous estimons qu'il s'agit d'éléments de preuve
19 très probants et qu'il s'agit là de quelque chose qui prouve, ce que nous
20 pouvons qualifier de modus operandi, il s'agit de son système de quiproquo
21 lorsqu'il demande aux femmes d'avoir des rapports sexuels avec lui en
22 échange de son insistance et lorsque l'on refuse, il commet des actes de
23 violence sexuelle.
24 La Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle s'est
25 servie de ces éléments de preuve afin de corroborer les dépositions des
Page 430
1 témoins K et J. Je ne dis pas que les témoins K et J n'avaient pas besoin
2 de corroboration.
3 L'Accusation s'excuse encore une fois aux interprètes. Mais au fond, la
4 déposition du Témoin AT est une corroboration supplémentaire de leurs
5 éléments de preuve. Dans de nouvelles affaires, l'Article 93 a été citée.
6 Il s'agit là, par exemple, de l'affaire Strugar. La décision du 22 janvier
7 2004, l'affaire Kupreskic au paragraphe 321, les affaires Kunarat, Vukovic.
8 Il y a des éléments de preuve concernant des viols oraux sur V51 qui ont
9 été utilisés pour porter à charge le viol. Encore une fois, ceci a souvent
10 été utilisé pour corroborer d'autres éléments de preuve.
11 Radic s'est servi de ce système quiproquo lorsqu'il a violé K et lorsqu'il
12 a attaqué J. Avant d'attaquer sexuellement J, il lui a dit qu'elle était
13 dans une catégorie grave de détenus mais qu'il connaissait un inspecteur
14 mais qu'en retour de son aide, il allait demander un contre service. Mais
15 pour K, Radic a initialement essayé de la forcer à avoir des rapports
16 sexuels avec lui et il a dit que ses enfants ne seraient pas tués.
17 Alors, nous rejetons ces arguments disant que ces éléments de preuve
18 doivent être prouvés au-delà de tout doute raisonnable. Ce qui doit être
19 prouvé au-delà de tout doute raisonnable, ce sont des crimes qui sont
20 reprochés, à savoir, le viol de K et les violences sexuelles sur J. Comme
21 ceci a été dit dans la Chambre de première instance dans l'affaire
22 Krnolejac, les éléments de preuve au titre de l'Article 93 sont comparables
23 aux éléments de preuve indirects, tout comme chaque élément de preuve dans
24 un contexte de preuve indirect ne doit pas être prouvé au-delà de tout
25 doute raisonnable. Il en va de même pour les éléments de preuve au titre de
Page 431
1 l'Article 93.
2 L'analogie la plus proche que nous pourrons trouver dans des systèmes
3 nationaux, ce serait la loi des éléments de preuve portant sur des faits
4 semblables. Une fois que ces éléments sont admis, ils sont traités comme un
5 élément de preuve supplémentaire pour l'établissement du fait afin de
6 prendre en considération l'appréciation générale des éléments de preuve en
7 l'espèce, qui plus est. Rien ne laisse indiquer que la Chambre de première
8 instance n'a pas appliquée la norme du tout doute raisonnable lorsqu'elle a
9 apprécié les éléments de preuve de AT ou qu'elle a agi différemment que
10 pour ce qui est des éléments de preuve des autres témoins ou des
11 dépositions des autres témoins.
12 Un dernier point qui concerne l'équité et la justesse des arguments. Me
13 Fila a décrit la déposition de AT comme ayant été quelque chose qui est
14 tombée du ciel. J'aime bien l'expression imagée qu'il l'a utilisée, mais je
15 ne suis pas d'accord avec la manière dont il s'en est servi ici. La Défense
16 a reçu le compte rendu des entretiens au préalable avec ce témoin portant
17 sur sa déposition. Il s'agit d'un document du 14 septembre 2000, avant que
18 le témoin ne vienne déposer en octobre 2000. Ceci montre que nous avons
19 respecté nos obligations au titre de l'Article 66(A). Ce qui est encore
20 plus important, il n'y a pas eu d'objection soulevée par la Défense. Alors,
21 pour être tout à fait correct à l'égard de l'accusé, on n'a pas ajouté le
22 viol dans l'acte d'accusation, mais ce qui ne veut pas dire que la Chambre
23 de première instance ne peut pas s'en servir en tant qu'élément de preuve
24 pour ce qui est des crimes reprochés et en particulier pour ce qui est du
25 fait que l'Accusation a renoncé à son droit.
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1 L'Accusation comprend que l'Article 65 ter peut exiger de la part de
2 l'Accusation de présenter chacun des chefs d'accusation et les éléments à
3 l'appui pendant la phase préalable au procès mais l'Article qui entre en
4 vigueur le 4 mai 2001, est entré en vigueur à cette date tandis que la
5 communication a été faite en octobre 2000. Lorsqu'une question identique
6 s'est posée, par exemple, dans l'affaire Kupreskic, cette Chambre n'a pas
7 estimé que l'Accusation devait être soumise à des obligations de
8 communication plus précises à moins que l'intérêt de la justice ne le
9 commande. Nous estimons qu'ici, les intérêts de la justice ne l'exigeait
10 pas. Alors, Monsieur le Président, nous estimons qu'il faut rejeter le
11 motif d'appel de Radic pour ce qui est des crimes de viol, et de violence
12 sexuelle.
13 Alors à présent je souhaite m'intéresser davantage à son motif numéro 4,
14 allant de A à C au sujet de sa déposition et ses tâches des crimes qui ont
15 été commis par les gardes de son équipe, et au sujet de sa connaissance des
16 conditions qui ont prévalu dans le camp, et le traitement abusif. Alors
17 encore une fois mon confrère a été bref l'autre jour et je vais essayer
18 bien entendu vous avez son mémoire en appel, et vous avez également notre
19 réponse nous y sommes intéressés dans le détail, j'essaierais moi aussi
20 d'être brève. Alors il me semble que ce que vous centrez clairement de ce
21 qui a été dit par l'appelant Radic, et c'est tout simplement qu'il
22 préfèrerait une appréciation alternative des éléments de preuve. Mais il ne
23 démontre pas vraiment qu'il y a eu d'erreur. Alors sur un premier point à
24 savoir qu'il était chef d'équipe de gardes, il n'y a pas eu d'erreur
25 commise par la Chambre de première instance, lorsqu'elle a constaté que
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1 Radic était un chef d'équipe de gardes qui a exercé une autorité
2 substantielle sur les gardes de son équipe et qui s'est servi de son
3 pouvoir afin d'empêcher un certain nombre de crimes pris isolément. Tandis
4 qu'il ne s'est absolument pas intéressé à la vaste majorité des crimes.
5 Ceci est précisément vrai à la lumière de la déposition écrasante des
6 témoins que nous avons entendus, au sujet de ce que les témoins ont vu, ce
7 qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont vécu, ce que M. Radic a fait et ce que M.
8 Radic leur a dit lui-même. Tout simplement quelques exemples, il a été
9 présent lorsque de nouveaux détenus arrivaient, il les enregistrait, il
10 était présent pendant qu'il y avait des relèves de garde, il a donné des
11 assignations aux gardes, ils faisaient rapport à lui lorsqu'ils prenaient
12 leur service dans une équipe de gardes, il circulait autour dans le camp
13 avec eux, il était dans le bureau de service avec d'autres chefs d'équipe.
14 Nous estimons que la Chambre de première instance n'a pas commis une
15 erreur, lorsqu'elle a déduit du fait de son aide sélective et de sa
16 protection sélective comme ceci a été décrit eu égard à un certain nombre
17 de détenus femmes, ou certain nombre de ses anciens amis de chez lui, qu'il
18 a été en mesure de le faire, parce qu'il avait un certain degré de pouvoir
19 et d'autorité dans le camp. Il n'y a aucune manière d'interpréter les
20 conclusions de la Chambre de première instance comme ayant été fondées
21 simplement sur le fait que des personnes appelaient cette équipe, l'équipe
22 de Krkan parce qu'il le connaissait avant la guerre.
23 Alors à présent j'aimerais passer un petit peu plus de temps sur une
24 question qu'il a considéré comme étant la plus importante pour son appel,
25 ou l'une des plus importante à savoir il s'agit de la conclusion de la
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1 Chambre de première instance qu'il n'est pas responsable au terme de
2 l'Article 7 (3) et que par conséquent, il ne pourrait pas avoir
3 suffisamment d'autorité sur les gardes, pour qu'il soit considéré
4 responsable en terme de l'Article 7 (A), à savoir au titre de l'entreprise
5 criminelle commune. Ceci enchaîne sur la question qui a été posée par M. le
6 Juge Shahabuddeen. Alors non seulement l'appelant a compris de manière
7 erronée les conclusions de la Chambre de première instance, pour ce qui
8 concerne Radic au terme de la responsabilité visée à l'Article 7(3), mais
9 il fait confusion entre deux formes de responsabilité peut-être différente.
10 Un premier point la Chambre de première instance n'a pas fait ses
11 conclusions définitives si Radic avait un contrôle effectif sur les gardes
12 au terme de la relation de supérieur et de subordonné, comme ceci est
13 nécessaire pour la responsable au terme de 7(3). En fait si vous vous
14 penchez sur le paragraphe 750, là la Chambre de première instance a
15 expressément décidé de ne pas se prononcer
16 là-dessus, puisque sa responsabilité pour ces crimes était déjà couverte,
17 mais même si la Chambre de première instance avait constaté que Radic
18 n'avait pas exercé un contrôle effectif sur les gardes comme visé à
19 l'Article 7(3) et nous voyons qu'il y a ici une certaine ambiguïté du
20 paragraphe 570, ceci ne serait pas incohérent par rapport à la conclusion
21 qui a été faite, à savoir que le chef d'une équipe de garde qui exerçait
22 une autorité significative, avait un pouvoir sur les gardes, et une
23 personne peut exercer une autorité significative sur d'autres, sans être
24 nécessairement leur supérieur, comme visé à l'Article 7(3), et la
25 responsable au terme de l'Article 7(1) comme co-auteur dans le cadre d'une
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1 entreprise criminelle commune, ne dépend pas d'une conclusion à la
2 supériorité au terme de l'Article 7(3).
3 Je passe à présent aux conclusions de la Chambre de première instance pour
4 ce qui est des crimes qui ont été commis par des gardes qui faisaient
5 partie de l'équipe de Radic, et ici en particulier il s'agit de la
6 conclusion que les gardes de son équipe ont commis de nombreux crimes
7 graves et brutaux, et qu'en tant que leur chef il n'a jamais exercé aucune
8 autorité pour les arrêter, et qu'il s'agit là d'un climat d'impunité, il
9 s'agit d'une tolérance et que ceci les a encouragés à continuer dans cette
10 ligne de conduite.
11 Des témoins étaient plutôt unanimes sur un point, à savoir que l'équipe de
12 Radic était la pire des trois, des gardes comme Predojevic, Popovic,
13 Paspalj, comme Zivko Marmat, Karate Kid ou enfin l'individu dénommé
14 Knezevic et des personnes qui venaient de l'extérieur, Tadic et Zigic et
15 que, comme l'a constaté la Chambre de première instance, certains des
16 passages à tabac les plus notoirement graves de cette équipe ont été commis
17 par Zigic, Kapetanovic, et KiKi. Un autre passage à tabac tristement
18 célèbre était le fait que les gardes de l'équipe de Radic, à savoir, le
19 meurtre de Riza Hadzalic sur la Pista. Radic semble affirmer et je ne
20 pouvais pas les arrêter, personne n'écoutait mes ordres. C'était vraiment
21 un chaos total. Comment pourrais-je être responsable ? Le premier point est
22 que les éléments de preuve montrent effectivement qu'il a arrêté un certain
23 nombre de crimes, et qu'il en a empêché d'autres. En fait, il l'a dit lui
24 même dans sa déposition, il a donné un exemple où il s'est arrêté pour
25 parler à un garde dans un restaurant qui est en train de passer à tabac
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1 quelqu'un. Il s'est référé aussi au fait qu'il a permis au Témoin J de
2 recevoir la visite de quelqu'un qui lui apportait la nourriture, des choses
3 comme cela. Mais ce qui est encore plus important c'est de dire qu'il ne
4 devrait pas être responsable des crimes commis par ces autres personnes,
5 mais tout cela signifie mal interpréter -- dire cela signifie mal
6 interpréter le fondement de sa responsabilité, sa responsabilité n'est pas
7 engagée au terme de 7 (3), pour ne pas avoir empêché la commission des
8 crimes par ses gardes, bien entendu, à son manquement exercer l'autorité à
9 arrêter les gardes a constitué une partie de sa contribution au système.
10 Parce que tacitement il les a encouragés, il a encouragé le comportement
11 des gardes, et généralement ceci a contribué à ce climat d'impunité, mais
12 sa responsable se fonde en fait sur sa contribution à la poursuite de ce
13 système de mauvais traitement, en connaissance de cause et de manière
14 intentionnelle.
15 Enfin, je tiens à aborder l'argument de l'appelant disant que la Chambre
16 de première instance a commis une erreur, lorsqu'elle a rejeté son
17 affirmation, qu'il n'a ni vu ni entendu ni remarquer des éléments de preuve
18 comme quoi il y avait des abus sur la totalité de la période des trois
19 mois, ou plutôt constatons que dans sa déposition tous les jours il était
20 exposé à ces scènes de meurtres, et de tortures et d'autres abus.
21 Nous demandons nous estimons qu'aucune autre conclusion n'aurait pu être
22 faite, des horreurs se sont conduites sur la pista et tout le monde les a
23 vues, non seulement lui même si lui il s'est souvent trouvé là-bas d'après
24 ses propres mots, à cette fenêtre ronde du bâtiment administratif, et il
25 regardait tout se passer. Il y avait des corps que tout le monde pouvait
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1 voir, et tous les jours dans le camp, non pas seulement par lui en dépit du
2 fait qu'il circulait autour, et qu'il était là tout à fait libre de
3 circuler dans les coulisses pendant trois mois. Il ne les aurait pas vus,
4 il y avait des cris, des gémissements, des supplications qu'on pouvait
5 entendre de la pièce où étaient conduits les interrogatoires. Des personnes
6 qui se trouvaient dans le restaurant à l'étage au dessous, et même si Radic
7 était dans la pièce à côté, il n'a entendu que le bruit des meubles qui
8 tombaient, même la dactylo, qui se trouvait dans cette pièce DD/10, a
9 accepté le fait qu'on pourrait entendre ces abus.
10 Les femmes détenues ont souvent vu du sang, et ont vu des instruments qui
11 ont servi au passage à tabac dans les pièces où il y avait des
12 interrogatoires. Seul lui, ne l'a jamais fait, il n'a jamais vu de passages
13 à tabac, de nouveaux détenus lorsqu'ils arrivaient, lorsqu'ils devaient
14 courir et lorsqu'ils se faisaient taper par deux lignes de personnes qui
15 les passaient à tabac. Même s'il a souvent emmené les détenus à des
16 interrogatoires, il les raccompagnait. Il a remarqué d'après ses propres
17 mots qu'ils avaient les yeux rouges et que leurs visages étaient un peu
18 allongés, sans mentionner sa propre participation à des crimes. Aucune
19 autre conclusion raisonnable n'aurait pu être trouvée.
20 Enfin, il s'agit de la responsabilité de Radic, co-auteur de l'entreprise
21 criminelle commune. Me Fila a dit mardi, qu'il ne pouvait voir rien dans le
22 jugement qui expliquait pour quelle raison M. Radic était un co-auteur dans
23 cette entreprise criminelle commune.
24 Nous estimons qu'un tel argument selon lequel la contribution de Radic
25 n'était pas suffisante, que dans ces conditions tout concierge, tout
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1 cuisinier verrait sa responsabilité pénale engagée, revient à ignorer
2 toutes les conclusions qui ont été retenues par la Chambre de première
3 instance aux paragraphes 506 à 561 du jugement. Il y a des éléments
4 essentiels qui ont permis à la Chambre de première instance de conclure
5 avec raison que Radic connaissait le système criminel, qu'il en partageait
6 les objectifs criminels et qu'il y a participé de manière significative.
7 Je ne vais pas résumer la totalité du jugement, bien entendu. Pour résumer,
8 on peut dire qu'il occupait le poste de chef d'une équipe. Il exerçait une
9 certaine autorité sur d'autres gardes. Il connaissait les exactions qui
10 étaient menées au camp. Il le savait tout cela. Il y a également tout ce
11 qu'il a fait qui doit pris en compte, ce qu'il n'a pas fait, sa
12 participation directe aux actes de violence sexuelle et au viol. Voici la
13 nature de sa contribution, ce qui fait qu'il est responsable en tant que
14 co-auteur de l'entreprise criminelle commune systématique. Il avait pour
15 objectif de persécuter les détenus non-Serbes au camp, en les soumettant à
16 des conditions inhumaines, à des actes de meurtre, de torture, de passages
17 à tabac et de viol. Je vous inviterais, Mesdames et Messieurs les Juges à
18 vous référer aux paragraphes 566 à 571 du jugement. S'agissant de
19 l'intention délictueuse de l'accusé, il est important de noter que dans
20 l'arrêt Krnojelac, on a insisté sur le fait que dans le cas d'une
21 entreprise criminelle commune, il est moins important de prouver qu'il y
22 avait une sorte d'accord formel entre tous les participants, moins
23 important que de prouver la participation de ces individus au système. Je
24 pense en particulier au paragraphe 97 de cet arrêt, où Krnojelac stipule,
25 bien entendu, vous le connaissez, stipule, je cite : "Etant donné que les
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1 conclusions de la Chambre de première instance montrent que le système en
2 place en KP Dom avait pour objectif de soumettre les détenus non-Serbes à
3 des conditions de détentions inhumaines et à des mauvais traitements sur
4 des bases discriminatoire, la Chambre de première instance aurait dû
5 s'interroger pour savoir si Krnojelac connaissait le système et y donnait
6 son aval, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'établir qu'il avait
7 conclu un accord avec les gardes et les soldats, les principaux auteurs des
8 crimes commis dans le cadre de ce système, accord destiné à commettre ces
9 crimes."
10 En d'autres termes, dans cette affaire, dans l'affaire Krnojelac, la
11 Chambre d'appel a reconnu que la détermination de l'intention délictueuse,
12 repose sur la connaissance qu'a un accusé du système, et le fait qu'il y
13 ait donné son aval. C'est exactement dans le même cas de figure que nous
14 sommes avec Radic. Radic devrait montrer, qu'aucun juge de faits
15 raisonnables n'aurait pu conclure qu'il partageait l'intention délictueuse.
16 Si on applique les critères qui sont résumés de manière très synthétique au
17 paragraphe 111 de l'arrêt Krnojelac, si on examine les fonctions, la
18 période pendant laquelle ces fonctions ont été exercées, la connaissance du
19 système en place, les crimes commis dans le cadre de ce système ainsi que
20 leur caractère discriminatoire, c'est cette même conclusion que l'on doit
21 tirer pour M. Radic. C'est la seule conclusion, à savoir qu'il partageait
22 l'intention de promouvoir ce système, et qu'il en partageait l'objectif
23 teinté de persécution.
24 En résumé, la Chambre de première instance n'a nullement été déraisonnable
25 en considérant qu'il était responsable des crimes commis au camp pendant
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1 son existence en tant que co-auteur dans le cas d'une entreprise criminelle
2 commune dont l'objectif était de persécuter, de tuer, de torturer, de
3 détenir dans des conditions inhumaines, de manière générale de soumettre à
4 des mauvais traitements les non-Serbes, étant donné que les faits ont
5 montré qu'il connaissait personnellement la nature du système de mauvais
6 traitements qui existait au camp, qu'il a eu l'intention de contribuer à la
7 réussite de ce système et à cette entreprise criminelle commune, en
8 persécutant et en se livrant à des mauvais traitements sur les non-Serbes
9 qui étaient détenus au camp, en facilitant le fonctionnement de ce système
10 d'exaction.
11 Enfin, je voudrais revenir sur certains des arguments qui nous ont été
12 présentés, des arguments précis, des arguments qui se présentent sous forme
13 de phrase simple, à caractère non juridique que j'ai divisé en cinq ou six
14 catégories.
15 Le premier argument qu'il nous présente pour nous dire qu'il n'est pas co-
16 auteur de cette entreprise criminelle commune, il nous dit, qu'en dehors
17 des crimes à caractère sexuel, la seule conclusion que l'on retient à son
18 encontre, est le fait qu'il soit resté sur place, qu'il soit resté au camp.
19 Il s'agit là d'une simplification à outrance des conclusions du jugement.
20 Pourquoi laisser du côté cette partie intégrante pour autant de sa
21 participation, puisqu'il s'agit d'un des facteurs clés qui a été retenu par
22 la Chambre. C'est la manière dont il a contribué à ce système en commettant
23 des actes odieux.
24 Le deuxième argument qu'il semble vouloir nous présenter, c'est, je cite :
25 "J'ai essayé de quitter Omarska. Je n'avais pas le choix, et je ne pouvais
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1 que rester, parce que c'était mon boulot."
2 Nous, nous avançons que lors des protestations à demi ou tièdes qu'il a
3 faites à Drljaca, lorsqu'on examine ces protestations et le fait que l'on
4 constate qu'il n'y a pas eu de représailles, s'agissant pour les gardes qui
5 ne venaient pas travailler, et quand on constate que lui, il n'a jamais
6 manqué au travail, la Chambre de première instance n'a pas fait preuve de
7 déraison en rejetant l'argument selon lequel il n'avait pas le choix, qu'il
8 était obligé de rester au camp. Au paragraphe 565, la Chambre a conclu
9 qu'il n'était pas resté à son poste contre son gré, que le camp lui
10 fournissait une enceinte et lui accordait un pouvoir qui lui permettait de
11 se livrer à des exactions, que tout montre qu'il a participé à ces crimes
12 sans la moindre hésitation.
13 Le troisième argument, ou la troisième série d'arguments que je retire des
14 écritures de l'appelant, revient à dire la chose suivante, je cite : "J'ai
15 fait preuve d'obéissance. Je suis quelqu'un de conformiste. On m'a envoyé à
16 Omarska. C'était mon lieu du travail. On m'a envoyé, ce sont mes supérieurs
17 qui m'y ont envoyé. Je ne me suis pas rebellé, parce que j'avais peur pour
18 ma famille." Cette phrase rassemble bien des éléments.
19 Je n'arrive pas très bien à comprendre si l'argument qui a été donné par M.
20 Fila au sujet de l'Article 7(4) au tout début de sa plaidoirie, a trait à
21 ce que je viens de vous indiquer. A notre sens, l'Article 7(4) du statut,
22 stipule qu'invoquer les ordres donnés par un supérieur ne constitue pas un
23 moyen de défense. Ce qui est encore plus important, c'est que ni le fait
24 qu'il y ait eu ordre donné par des supérieurs ou la contrainte, n'ont été
25 confirmés par les éléments de preuve présentés en l'espèce. Les éléments de
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1 preuve ont montré que loin d'être réticent à accomplir sa tâche, le camp a
2 fourni à l'appelant un forum lui permettant de se livrer à des exactions.
3 S'agissant des craintes qu'il aurait ressenti pour sa famille, Me Fila,
4 dans ces arguments, nous a dit que Radic avait évoqué des menaces, la
5 possibilité pour ses fils d'être envoyés au front, à l'armée, d'y être
6 tués. Les éléments de preuve qui nous ont été présentés à ce sujet
7 n'étaient pas aussi convaincants. J'aimerais vous renvoyer à la
8 transcription de la déposition de Radic le 6 mars, pages 1069 à 1070, en
9 réponse à une question qui lui a été posée par Me Fila, il a dit, je cite :
10 "Je sais que si je m'étais constitué prisonnier cela aurait sans doute
11 causer des problèmes à ma famille."
12 A ce moment-là, Me Fila lui a demandé : "Pourquoi n'êtes-vous pas parti ?
13 Pourquoi n'avez-vous pas pris la fuite, abandonné votre uniforme ? Ce à
14 quoi il aurait répondu : "Maître Fila, cela aurait été condamner à mort ma
15 famille de faire une telle chose." Dans les éléments de preuve présentés
16 ou dans l'interrogatoire, dans son interrogatoire, je n'ai pas trouvé la
17 trace de ces menaces, des menaces selon lesquelles ces fils auraient été
18 envoyés dans l'armée et tués. Quoi qu'il en soit, si on reprend ces propos
19 pendant le procès, on voit qu'il a reconnu tout à fait, catégoriquement, à
20 une question de l'Accusation, il a reconnu qu'aucune personne n'ayant
21 quitté le camp n'a été engloutie par l'obscurité.
22 L'argument suivant qu'il semble nous donner, je le résume de la manière
23 suivante, je cite : "Ce n'est pas moi qui ai mis en place ce camp. Ce n'est
24 pas moi. Je n'en connaissais pas la nature. Je n'y ai pas joué un rôle
25 important. Quand j'ai commencé à travailler au camp, je ne savais pas que
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1 le camp serait comme il l'a été."
2 Madame Rashid a répondu à cet argument en grande partie en intervenant ce
3 matin. Un co-auteur dans une entreprise criminelle commune systématique de
4 ce type, ne doit pas forcément connaître chacun des détails constitutifs de
5 ce système ni chacun des crimes commis dans ce système pour en être
6 considéré comme partiellement responsable. Du moment qu'il accepte ce
7 système, il est responsable des crimes qui y sont commis. Il n'est pas
8 nécessaire pour cela qu'il ait procédé à la planification de ce système et
9 qu'il y ait joué un rôle crucial.
10 De surcroît, combien de temps fallait-il, effectivement, pour se rendre
11 compte de ce qui se passait au camp. La Chambre l'a dit de manière très
12 succincte et très juste au paragraphe 324, où il est stipulé : "Que ces
13 abus pouvaient également se détecter, entendus et sentis."
14 Pendant les trois mois qu'il a passé là, il a forcément dû se rendre compte
15 de ce qui se passait. Il a contribué au bon fonctionnement du camp. Il a
16 fait en sorte que le camp fonctionne correctement, de manière efficace. Il
17 a fermé les yeux sur les crimes qui étaient commis, sauf lorsque cela lui
18 convenait d'apporter son aide à tel ou tel détenu, sans parler du fait
19 qu'il ait commis lui-même des exactions. Ceci a été mentionné dans les
20 mémoires. Je crois, l'autre jour, quand Radic est arrivé sur place, il a
21 dit : "Tout cela va finir dans deux ou trois jours." Pas du tout, puisqu'il
22 est resté trois mois, et il est revenu sans cesse au cours de ces trois
23 mois.
24 Le dernier argument ou la dernière série d'arguments que j'arrive à retirer
25 de sa plaidoirie, de son mémoire, peut se résumer de la manière suivante :
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1 Même si j'avais eu connaissance de ces exactions, comment peut-on me
2 considérer comme responsable, puisque je ne pouvais pas changer les
3 situations, que je n'avais aucune influence sur les gardes qui commettaient
4 ces crimes, encore moins sur ceux qui procédaient à des interrogatoires ?
5 Même si j'avais protesté, les gardes auraient continué à commettre ces
6 crimes.
7 Comme je l'ai dit, déjà précédemment, ceci n'est pas vrai, parce qu'il a
8 contribué à la modification des conditions de détention. De manière
9 sélective, il a également protégé certains détenus. Certains éléments ont
10 été présentés montrant que certains gardes ont été en mesure d'empêcher
11 certaines exactions au camp, pendant l'existence du camp. Ce qui est sans
12 doute le plus important, c'est que ce moyen de défense qu'il avance,
13 revient à nier le fait qu'il a contribué activement à maintenir des
14 conditions de détention absolument atroces au camp. Même s'il n'était pas
15 en mesure de s'opposer à la perpétration de certains crimes, même si
16 certains gardes étaient des criminels que rien n'aurait pu arrêter, ce qui
17 semble apparent, certains apparemment, ne pouvaient pas être arrêtés. Sa
18 responsabilité, elle émane du fait qu'il a intentionnellement et sciemment
19 contribué de manière importante, malgré tout ce qu'il savait, il a
20 contribué à faciliter et à entraîner la réussite de système de mauvais
21 traitements.
22 Jamais il a manqué une journée de travail, à aucun moment pendant ces trois
23 mois.
24 En conclusion, l'appelant n'a pas été en mesure de montrer que la Chambre
25 de première instance avait été déraisonnable en concluant que Radic, sur la
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1 base de sa contribution intentionnelle et de sa contribution factuelle à
2 l'entreprise criminelle commune, est responsable en tant que co-auteur, et
3 est responsable des crimes qui ont été commis au camp pendant toute la
4 durée de son existence.
5 J'en ai terminé de mon intervention. Bien entendu, je suis prête à répondre
6 à toute question que vous auriez.
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame la Juge Mumba.
8 Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Madame Brady, je voudrais être sûre de bien comprendre les arguments de
10 l'Accusation au sujet d'un des facteurs qui permet éventuellement de faire
11 la différence entre la responsabilité au titre de l'Article 7(1) d'une part
12 et de l'Article 7(3) d'autre part. Si j'ai bien compris vos arguments, en
13 particulier lorsque vous avez évoqué Radic et ses actes. Si j'ai bien
14 compris, vous nous dites que pour que la responsabilité soit engagée au
15 titre de l'Article 7(1) dans le type d'une entreprise criminelle commune de
16 catégorie 2, celle qui est invoquée par l'Accusation, pour ce faire, il
17 n'est pas nécessaire pour le Procureur de prouver qu'il y avait une
18 relation de subordination parmi ceux dont on a constaté qu'ils avaient
19 participé à cette entreprise. Est-ce que j'ai bien entendu vos arguments ?
20 Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous avez tout à fait bien
21 compris ce que j'ai voulu dire.
22 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady, j'ai écouté avec
23 beaucoup d'intérêt. Non, je vous prie de m'excuser. Je ne m'étais pas rendu
24 compte que Mme la Juge Weinberg de Roca souhaitait poser une question.
25 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Oui, merci. Une toute
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1 petite question, Madame Brady. Peut-être cela n'est-il pas aussi important,
2 mais quelle interprétation l'Accusation donne-t-elle à cette expression de
3 "engloutie par l'obscurité" ?
4 Mme BRADY : [interprétation] Quand j'ai lu le compte rendu d'audience,
5 quand j'ai vu ce terme, je n'ai pas très bien compris de quoi il
6 s'agissait. L'essentiel ici, c'était que rien de catastrophique n'est
7 arrivé à ceux qui ont quitté le camp. C'était une façon un peu ambiguë
8 d'exprimer ce fait, mais il semble, vu la question et vu la réponse posée à
9 ce moment-là dans le compte rendu d'audience, que rien de bien
10 catastrophique n'arrivait à ceux qui décidaient de quitter le camp.
11 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci.
12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady, j'ai écouté avec
13 intérêt vos arguments selon lesquels la Défense n'a pas établi que la
14 Chambre de première instance n'avait pas été déraisonnable. J'imagine que
15 tout le monde connaît le concept, selon lequel une Chambre d'appel n'annule
16 pas une conclusion sur les faits de la Chambre de première instance,
17 simplement parce que si elle-même avait été à la place de la Chambre de
18 première instance, elle aurait eu une conclusion différente. La Chambre de
19 première instance devrait conclure qu'aucun des Juges des faits
20 raisonnables ne serait parvenu à la même conclusion que la Chambre de
21 première instance. Devons-nous tenir compte des arguments fort intéressants
22 de Me Fila, selon lesquels il ne pouvait pas vraiment regarder le président
23 de la Chambre et lui dire : "Vous n'êtes pas raisonnable." J'ai trouvé là
24 que c'était un argument très intéressant, et je me demande ce que vous en
25 pensez.
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1 Mme BRADY : [interprétation] Je pense, que cela revient à une
2 interprétation du mot "déraisonnable" ou de raison. Vu la réponse qui a été
3 donnée par Me Fila à votre question, j'ai compris que peut-être vu la
4 manière dont cela a été traduit en serbe, en B/C/S, il m'a semblé que, dire
5 que quelque chose est déraisonnable revient peut-être pour lui à dire que
6 c'est quelque chose qui est entaché d'absurdité, qui remet en cause
7 l'intégrité même de celui qui est arrivé à cette conclusion. Ce n'est
8 nullement le critère qui est appliqué par la Chambre d'appel. En effet, il
9 serait très difficile pour les Juges de la Chambre d'appel en annulant une
10 décision rendue par les Juges en première instance, d'adopter ce genre de
11 critère. Ce n'est pas du tout ce qu'on veut dire. Il ne s'agit pas d'un
12 jugement qui manque de respect envers les Juges de la première instance.
13 Ils l'avaient simplement dit qu'aucun Juge des faits raisonnables, sur la
14 base des faits présentés, n'aurait pu arriver à cette conclusion. Qu'il y a
15 un problème entraîné par la fiabilité des éléments de preuve sur lesquels
16 s'est appuyée la Chambre de première instance, ou que la crédibilité du
17 témoin est telle qu'aucun Juge des faits raisonnables n'aurait pu arriver à
18 cette conclusion. Voilà je crois que je vais en rester là, plutôt que de
19 continuer à m'embourber.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Oui, Me Fila, m'a-t-il semblé
21 soulever un argument fort intéressant. Mais si j'ai bien compris, quant à
22 vous, vous nous dites qu'une telle remarque ne vise pas le Juge en
23 question, mais la manière dont il accomplit ses fonctions de juge.
24 Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait.
25 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Puisque vous êtes encore debout,
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1 Madame Brady, je vais vous poser une autre question. Je ne suis pas l'ordre
2 chronologique des faits évoqué ici, je vais vous poser une simple question.
3 Je ne suis pas en train d'affirmer quoique ce soit et, bien entendu, je
4 parle sous le contrôle de mes collègues qui connaissent le système du droit
5 romano-germanique et qui se trouve aussi bien dans le prétoire, dans la
6 salle que parmi les Juges.
7 Je pense qu'à l'Article 94(B) du règlement. Aux constats judiciaires,
8 l'Article permet aux Juges de première instance de dresser un constat
9 judiciaire au moyen de preuve admis par une autre Chambre du Tribunal. Vous
10 avez parlé d'un accord de plaidoyer. Je crois que votre argument était que
11 cette possibilité -- cette option n'était pas applicable, n'était pas
12 envisageable quand il y avait accord de plaidoyer parce que, dans ces cas-
13 là, il n'y a pas eu de fait qui ait été jugé, quand il y a eu accord de
14 plaidoyer. Mais ne devrions-nous pas revenir à un des arguments présentés
15 par un de vos confrères aujourd'hui, je crois qu'il s'agissait de M.
16 Carmona, qui nous a dit que le Tribunal est une instance -- notre Tribunal
17 est une instance hybride dans le cadre de la jurisprudence du Tribunal.
18 Nous faisons feu de toute loi, et tout ce qui peut paraître se rapporter
19 aux affaires que nous jugeons ici, en particulier, dans le droit romano-
20 germanique et dans le système de "common law", est-ce que ce n'est pas
21 quelque chose qu'il faudrait garder à l'esprit lorsqu'il en vient à
22 discuter des accords de plaidoyer ?
23 Puisque même dans le système de "common law", un accord de plaidoyer --
24 même si un accord de plaidoyer n'entraîne pas une déclaration de
25 culpabilité, il faut bien que les Juges soient arrivés à une conclusion. Il
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1 y a eu décision de justice, d'abord il faut que le plaidoyer soit
2 volontaire, soit fait sciemment, qu'il soit bien compris par l'accusé, et
3 cetera. Peut-être en est-il de même dans le système romano-germanique, mais
4 est-ce qu'il n'est pas vrai que ce système -- dans ce dernier système, on
5 va même un peu plus loin ? Puisque l'on dit en l'essence : "Un plaidoyer de
6 culpabilité n'est pas aussi définitif, n'a pas la finalité que l'on peut
7 lui attribuer dans un système de 'common law'. Il s'agit simplement d'un
8 élément de preuve de quelque chose qui peut être utilisé par la Chambre au
9 moment de se prononcer." Même s'il en est ainsi, et là, bien entendu, je
10 suis prêt à me corriger, et je parle sous le contrôle de mes collègues qui
11 viennent de système de droit romano-germanique, est-ce que nous ne devrions
12 pas garder cela à l'esprit ? Parce qu'il me semble que, sur le plan de la
13 procédure, le Tribunal, dans ce contexte, sur ce point précis, a suivi un
14 modèle plutôt romano-germanique, que "common law". Pour un plaidoyer de
15 culpabilité qui est considéré uniquement comme l'un des éléments à prendre
16 en compte, est-ce que ce n'est pas un fait jugé, mais plutôt quelque chose
17 dont une autre Chambre aurait au titre de l'Article 94 (B) peut dresser
18 constat judiciaire ? Mais peut-être que je me trompe complètement.
19 Mme BRADY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Le Tribunal est
20 une instance complètement hybride, et je comprends bien les différences
21 entre le système romano-germanique et le système de "common law". En
22 "common law", on ne suit pas aveuglément le plaidoyer de culpabilité, mais
23 on étudie moins à fond peut-être les éléments de preuve pour s'assurer que
24 le plaidoyer de culpabilité vaut. On ne considère pas qu'il s'agisse
25 simplement d'un des éléments de la procédure.
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1 Quoiqu'il en soit, mais lorsqu'il s'agit dans un jugement, d'arriver à des
2 conclusions définitives sur la base d'un plaidoyer de culpabilité, la
3 Chambre de première instance, bien entendu, doit être satisfaite que ce
4 soit dans un système romano-germanique ou "common law". La Chambre de
5 première instance doit être convaincue que le meurtre en question -- que le
6 viol en question a effectivement eu lieu, même s'il y a eu plaidoyer de
7 culpabilité. La Chambre doit, de toutes les manières, être convaincue sur
8 la base des faits de l'affaire, que ces crimes ont bien eu lieu. Mais je
9 crois qu'il y a une différence entre quand un élément est laissé de côté,
10 au moment de prononcer la peine, après plaidoyer de culpabilité parce qu'il
11 y a un bon nombre d'éléments qui auraient pu être avancés par l'Accusation,
12 ou la Défense au moment de déterminer le plaidoyer de culpabilité, et
13 l'accord de plaidoyer.
14 Mais le fait est que nous ne savons pas, et c'est la raison pour laquelle
15 il est un petit peu dangereux de se reposer sur les accords de plaidoyer,
16 de s'appuyer sur les accords de plaidoyer et en en rendrait son constat
17 judiciaire, nous ignorons sur la base de ces accords de plaidoyer, ce que
18 l'on a laissé de côté. On sait ce qu'il contienne, mais pas ce qui est
19 laissé de côté. Un exemple pour revenir à l'affaire en l'espèce. Dans
20 Sikirica, nous ignorons pourquoi la Chambre de première instance n'a pas
21 tenu compte de ce viol, et je pense que là, on risque de faire des
22 supputations. On peut se demander en terme tout à fait familier, mais quel
23 problème avait-il ? Quel était leur problème avec ce Témoin K ? Est-ce
24 qu'ils ont considéré que c'était un témoin qui n'était pas fiable ? Est-ce
25 qu'il y avait des problèmes au niveau de l'identification ? Ou est-ce que
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1 le problème était beaucoup plus fondamental, et avait trait à la
2 crédibilité de ce témoin ? Nous n'en savons absolument rien, et je pense
3 que là il est un petit peu dangereux de s'appuyer que ce soit en système de
4 "common law" ou de système romano-germanique. Il est dangereux de s'appuyer
5 sur un accord de plaidoyer.
6 D'autre part, je ne sais pas si, dans le premier point de votre question,
7 vous abordiez un point quelque peu différent, mais pourquoi la Chambre
8 d'appel -- puisque nous sommes dans un système hybride, pourquoi est-ce que
9 la Chambre d'appel ne pourrait pas s'inspirer des conclusions rendues par
10 les Chambres de première instance, d'en dresser constat ? Il me semble que
11 c'est la nature de votre question. Or, nous, nous estimons qu'il faut
12 adopter la procédure 94 bis; sinon, on n'a une Chambre d'appel qui en joue
13 un rôle collectif, en permettant de présenter de nouveaux éléments au
14 moment de l'appel, et on peut imaginer qu'à ce moment-là, que la Chambre
15 d'appel dise oui, mais dans tel jugement on a rendu telle ou telle
16 conclusion au sujet de tel ou tel témoin ou de tel ou tel fait. Je pense
17 qu'il faut faire preuve de prudence. Je ne suis pas opposée à l'utilisation
18 de constat judiciaire, mais je pense qu'il est important de faire preuve de
19 beaucoup de prudence.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce que ce que vous vous
21 voulez dire, de manière si intéressante, ne signifie pas qu'une telle
22 affaire n'exclut pas l'application de l'Article 94(B) sur le principe,
23 c'est possible au contraire, mais en évaluant avec beaucoup de précaution,
24 l'importance qu'il convient d'accorder à ce qui sera admis en vertu de cet
25 Article 94 (B). En d'autres termes, est-ce qu'un accord de plaidoyer dans
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1 votre affaire -- dans notre affaire, peut être considéré comme ayant plus
2 une valeur de preuve que dans un système de "common law", où un accord de
3 plaidoyer a une valeur beaucoup plus définitive ?
4 Mme BRADY : [interprétation] Peut-être. Je ne vois pas comment on peut
5 ainsi surmonter la question essentielle qui est celle de l'évaluation des
6 éléments de preuve. Comment y procéderiez-vous ?
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous avez peut-être raison en
8 effet. Merci.
9 Oui, Maître Fila.
10 M. FILA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne souhaite pas
11 prendre trop de temps, je répondrais demain. Il y a un point que je
12 souhaite éclaircir. Je ne sais pas où mon éminente consoeur a déclaré que
13 Radic craignait que ses enfants soient appelés sous les drapeaux car, à
14 l'époque, ses enfants avaient cinq et dix ans. Je ne sais pas, il doit
15 s'agir d'une erreur, ce n'est pas quelque chose qui a pu être dit par Radic
16 car ses enfants étaient très jeunes à l'époque.
17 Le deuxième point que je souhaite aborder porte sur le terme : "Etre
18 englouti par l'obscurité." En B/C/S, cela signifie que l'on meurt.
19 Lorsqu'on dit à quelqu'un que l'on va être englouti par l'obscurité, cela
20 signifie que l'on va être tué, que l'on va disparaître sans laisser de
21 trace, tel est le sens de cette expression. Avec tout le respect que je
22 vous dois, je ne sais pas où mon éminente consoeur a trouvé
23 l'interprétation de cette expression. Si une telle interprétation existe,
24 peut-être que cela vient de moi ou de vous.
25 Mais quoi qu'il en soit, c'est impossible si vous regardez le dossier, vous
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1 constaterez bien que ses enfants avaient cinq et dix ans, et que même les
2 Serbes n'appellent pas les enfants sous les drapeaux à cet âge-là.
3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup,
4 Maître Fila. Nous allons lever l'audience maintenant pendant 30 minutes.
5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.
6 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady.
8 Mme BRADY : [interprétation] Oui. Très brièvement, je vous prie, Mesdames,
9 Messieurs les Juges.
10 Je souhaite simplement apporter une correction au niveau du compte rendu
11 d'audience. J'ai mentionné un certain nombre de pages. Il s'agissait non
12 pas du compte rendu, en tant que tel, mais d'un compte rendu préalable. Il
13 y avait quatre arguments présentés par Me Fila que j'ai intégré dans mes
14 arguments cet après-midi, ces quatre arguments, que j'ai présentés, à
15 savoir, ceux qui portaient sur les commentaires de Me Fila, sur les menaces
16 d'être enrôlé dans l'armée, d'être tué. Le commentaire général sur le viol
17 pendant la guerre et les deux commentaires portant sur le Témoin K. On peut
18 trouver ces références entre les pages 209 à 211 du compte rendu d'audience
19 officiel, simplement pour les besoins du compte rendu d'audience pour que
20 ceci soit enregistré.
21 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup,
22 Madame Brady.
23 Qui souhaite prendre la parole du côté de l'Accusation maintenant ?
24 M. RE : [interprétation] Oui. Je souhaite prendre la parole, Mesdames,
25 Messieurs les Juges.
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1 Je souhaite surtout aborder les éléments, les faits avancés par l'appelant,
2 M. Zigic. Les motifs d'appel commun de l'appelant ont été présentés de
3 façon tellement complète que je ne peux pas ajouter grand-chose aux motifs
4 d'appel présentés par M. Zigic.
5 Il est important, lorsque l'on parle de l'appel, de M. Zigic de clairement
6 exposer ou rappeler aux parties et, encore une fois, la Chambre d'appel
7 doit savoir qu'il y a un critère en matière d'appel et lorsque la Chambre
8 d'appel entend l'appel de M. Zigic. Il est important de comprendre ce qui
9 se passe. Je souhaite rappeler à la Chambre d'appel ainsi que le conseil de
10 M. Zigic qu'une insatisfaction, eu égard aux conclusions tirées par une
11 Chambre de première instance ne constitue pas un motif d'appel suffisant.
12 Un appelant et M. Zigic, ici, en l'instance, doit clairement mettre le
13 doigt sur l'erreur de fait qu'ils allèguent. L'appelant doit établir que
14 cette erreur est tout à fait essentielle au prononcé du verdict.
15 L'erreur de fait doit être telle qu'elle provoque une erreur judiciaire et
16 conduit à une erreur judiciaire à tel point que la Chambre d'appel soit
17 obligée d'intervenir de façon à abandonner une conclusion dans le verdict
18 tel que cela a été le cas dans l'affaire Kunarac, et la Chambre d'appel, au
19 paragraphe 39. Il ne s'agit pas de rouvrir un procès. Lorsqu'on fait peut-
20 être les différents arguments présentés, ceci n'est pas matière à présenter
21 à la Chambre d'appel.
22 La répétition des arguments ou si on demande à ce que les éléments de
23 preuve soient réexaminés, c'est ce qu'on appelle une audition de novo, une
24 réouverture du procès, à savoir, sur les différents témoignages devant la
25 Chambre de première instance, les éléments qui ont été présentés, mais cela
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1 ne constitue pas l'objet d'un appel.
2 La Chambre de première instance, en tant que Juges du fait, et dans la
3 meilleure position possible, pourra apprécier les éléments de preuve
4 présentés. Les éléments de preuve sont entendus devant cette Chambre. Je
5 cite ici dans l'affaire Kunarac, au paragraphe 39, qui adopte la décision
6 prise par la Chambre d'appel dans le cadre de l'affaire Kupreskic, et je
7 cite cette décision dans son intégralité : "La Chambre de première
8 instance, par conséquent, accorde une marge quant aux conclusions établies
9 sur les faits auxquelles est arrivée la Chambre de première instance. Ce
10 n'est que lorsque les éléments de preuve, sur lesquels se repose la Chambre
11 de première instance, qui n'ont pas été complètement acceptés par un
12 Tribunal raisonnable ou, si l'appréciation de ces éléments de preuve sont
13 considérés comme "étant erronés", que la Chambre d'appel intervient et, à
14 ce moment-là, rend ses propres conclusions."
15 Je cite ceci car j'ai entendu les arguments de l'appelant, les arguments
16 présentés oralement hier. Il semble, en tout cas, à l'Accusation qu'il
17 s'agisse là d'une tentative visant à rouvrir le débat sur un certain nombre
18 de points qui ont déjà été entendus. Bien sûr, ceci n'est pas possible. La
19 Chambre de première instance, bien sûr, a entendu tous les témoins, a
20 entendu les questions posées par les différentes parties et la Défense a eu
21 la possibilité d'assurer le contre-interrogatoire et de poser des questions
22 au bon nombre de témoins.
23 La Chambre de première instance, bien sûr, a apprécié les éléments entendus
24 et ensuite, la Chambre de première instance est parvenue à une décision
25 motivée après un certain temps. Cette décision, d'après nous, est une
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1 décision qui a été prise et qui doit être maintenue.
2 Dans les arguments hier, M. Stojanovic, le conseil de M. Zigic, a présenté
3 comme un argument qui pourrait être décrit comme argument à caractère
4 politique. Nous comprenons fort bien ceci, mais nous le laissons du côté.
5 Il semble dire ou impliquer que les Croates et les Musulmans ont
6 véritablement provoqué ce qui s'est passé à Omarska, Trnopolje et Keraterm
7 parce qu'ils n'ont pas voulu rester et voter en faveur d'une intégration à
8 l'Yougoslavie. Son argumentation semble indiquer qu'il souhaite redéfinir
9 le terme de persécution. Cela s'éloigne du sens qu'on donne à l'Article 5
10 du statut parce que M. Stojanovic a, ensuite, précisé que la persécution à
11 caractère politique est une forme de persécution moins grave. Il semble
12 impliquer puisque cela semble être accordé par la suite qu'il s'agissait là
13 de gens qui ne souhaitaient pas voter en faveur de maintien dans l'état
14 yougoslave.
15 Bien sûr, je souhaite rappeler à la Chambre d'appel que l'Article 5
16 interdit toute fin de persécution sur des bases raciales, religieuses, ou
17 politiques, qu'aucun argument ne semble indiquer qu'il y a un rôle plus au
18 moins grand dans cette catégorisation de la persécution. Quoi qu'il en
19 soit, la persécution dans la région de Prijedor et, en particulier,
20 Omarska, Keraterm et Trnopolje était bien évidemment fondée sur ces trois
21 éléments. D'après les arguments de l'Accusation, il n'est possible, ni
22 désirable de tenter de les distinguer.
23 L'appelant a été condamné sur la base de sa contribution très significative
24 aux crimes terribles commis à Omarska, au camp de détention à Prijedor en
25 1992. Dans les arguments présentés oralement hier, le grief avancé semblait
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1 indiquer que l'acte d'accusation semblait porter sur des allégations, et
2 sur une période de trois mois, ce qui est effectivement le cas, la Chambre
3 de première instance a conclu de façon motivée sur les faits, et les crimes
4 qui ont été commis sur différentes, sur la période allant du 24 mai au 30
5 août 1992.
6 Ces les conclusions auxquelles sont parvenus la Chambre de première
7 instance portaient sur différents incidents qui se sont produits entre la
8 fin du mois de mai et le début du mois d'août 1992. Cette pratique, elle
9 consiste à accuser quelqu'un de cette façon n'est pas du tout inapproprié,
10 c'est tout à fait normal. Lorsqu'il s'agit d'une entreprise criminelle
11 commune, nous ne pouvons pas procéder différemment puisqu'il s'agit d'une
12 période bien définie. L'Accusation avance qu'il s'agissait bien de cette
13 période-là.
14 M. Rashid ce matin de façon très complète a essayé de donner une définition
15 de l'entreprise criminelle commune, et en particulier de la décision en
16 appel dans l'affaire Tadic. M. Stojanovic hier au nom de M. Zigic, j'ai
17 quelques difficultés à comprendre où il voulait en venir. Il a présenté ses
18 griefs et a parlé de la définition de l'entreprise criminelle commune. Je
19 cite : "De façon incohérente, contradictoire et inadmissible, nous avons
20 véritablement l'impression que la Chambre de première instance a compris
21 qu'il s'agissait là d'un acte distinct, qu'il ne semble pas figurer dans le
22 statut, ni les règles de procédure du Tribunal." Je ne vais pas aborder les
23 questions déjà abordées par Mme Brady et Mme Rashid puisque ceci a déjà été
24 abordé dans le détail, mais, comme tous les motifs avancés par l'appelant,
25 M. Zigic ne semble pas dire à cette Chambre quelles sont les erreurs que la
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1 Chambre avait commises. Il semble que, d'après l'interprétation que nous en
2 faisons, il semble que les moyens présentés par la Défense disent que M.
3 Zigic était à Omarska pendant une demi-heure seulement, et un seul jour.
4 Par conséquent, la Chambre de première instance a dû commettre une erreur
5 en constant qu'un acte distinct s'était produit, qu'il ne figure pas dans
6 le statut du Tribunal. Nous pensons que ceci est l'interprétation juste.
7 Néanmoins, si la Chambre de première instance a constaté à l'encontre de M.
8 Zigic et ceci est l'élément important qu'il était à M Omarska et combien il
9 était à Omarska, ce qu'il a fait, l'appelant, M. Zigic, ne peut pas
10 démontrer qu'une erreur a été commise.
11 Si nous passons au rôle qu'il a joué dans l'entreprise criminelle commune,
12 il s'agissait là d'une entreprise criminelle commune déployée de façon
13 systématique comme la Chambre de première instance l'a constaté au
14 paragraphe 323 (c), je cite : "Une entreprise criminelle commune permet de
15 discriminer contre eux -- contribue à discriminer ou, sinon, à soumettre
16 des mauvais traitement des non-Serbes de Prijedor, ce qui permettait de
17 débarrasser du territoire les non-Serbes."
18 La Chambre de première instance poursuit, au paragraphe 324, à propos de la
19 connaissance de M. Zigic et son intention délictueuse à l'égard de -- de
20 sa contribution à cette entreprise criminelle commune : "Toute personne,
21 qui travaillait de façon régulière, ou qui visitait le camp d'Omarska de
22 façon régulière, devait savoir que des crimes aient été commis de façon
23 généralisée dans l'ensemble du camp."
24 Maintenant, que la Chambre de première instance a constaté que M. Zigic
25 faisait -- tombait dans cette catégorie, que c'était quelqu'un qui
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1 travaillait régulièrement dans ce camp ou qui s'y rendait régulièrement
2 dans ce camp d'Omarska, bien sûr il s'agit de quelqu'un qui rendait visite
3 régulièrement. A ce moment-là, cette personne contribue au système et c'est
4 là l'élément important. C'est le fondement ici de la responsabilité que
5 l'on peut imputer à l'accusé, et ceci est que Mme Rashid a clairement
6 souligné dans son argumentation ce matin.
7 Bien sur, il s'agit là d'une forme tout à fait systématique d'une
8 entreprise criminelle commune et d'un système de persécution au camp de
9 détention. Dans ce système, les crimes évidemment sont importants si on
10 veut établir qu'il y a l'existence d'un système de persécution. Dans ce
11 cas-ci, précisément, la Chambre de première instance a pu utiliser et a
12 même utilisé les crimes de M. Zigic qu'il a commis à Omarska pour constater
13 que ce système de persécution existait réellement.
14 Bien évidemment, les arguments de l'appelant s'écroulent si la Chambre de
15 première instance constate comme cela a été le cas qu'il a séjourné plus
16 d'une demi-journée, un jour en particulier dans ce camp. Comme Mme Rashid
17 l'a précisé ce matin, la durée de la contribution d'une personne n'est pas
18 forcément un facteur déterminant quant à la contribution de cette personne
19 en question. Les crimes que la Chambre de première instance ont été commis
20 par -- a constaté que la Chambre de première instance a reconnu avoir été
21 commis par M. Zigic à Omarska comme faisant partie d'une entreprise
22 criminelle commune. Ces crimes ont été suffisamment graves et auraient pu
23 être commis dans une entreprise criminelle commune. Comme Mme Rashid l'a
24 précisé et moi-même, une telle entreprise criminelle commune repose sur des
25 personnes comme M. Zigic, repose sur des meurtriers, repose sur des
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1 personnes qui torturent les autres. Une entreprise criminelle commune qui a
2 pour but de persécuter, et qui fonctionne comme un système qui permet de
3 débarrasser le territoire, comme a constaté la Chambre de première
4 instance, où repose sur ce niveau de peur et de pression, et des personnes
5 comme M. Zigic qui en assurent la commission.
6 Mais, encore une fois, Mme Rashid a évoqué ce point ce matin, comme dans
7 tout autre entreprise criminelle commune, qui a pour but de persécuter un
8 certain nombre de personnes, il n'est pas utile de détailler tous les
9 crimes dans un camp de détention pour faire valoir l'entreprise criminelle
10 commune. Il ne s'agit pas d'une forme systématique, mais systémique. Dans
11 une entreprise criminelle commune, un participant ne pourrait pas être au
12 courant de tous les crimes commis pendant 24 heures dans un camp. Si
13 quelqu'un participe à ces crimes, il suffit et connaissance d'un certain
14 nombre de crimes, qui ont été commis à cet endroit-là, ce qui est le cas de
15 M. Zigic, puisqu'il se rendait régulièrement à Omarska. Les actes qu'il a
16 commis là sont particulièrement importants. Je crois qu'il ne faut pas
17 perdre de vue du fait qu'il était à Omarska et qu'il commettait les mêmes
18 actes. Quelquefois, à Keraterm, il s'agissait des mêmes victimes souvent et
19 ce camp se situait non loin de là.
20 Si nous abordons la question de sa participation et de visites qu'il a
21 faites aux 200 griefs, en vertu de quoi il ne s'est trouvé qu'une seule
22 fois pendant une demi journée, il faut regarder les conclusions de la
23 Chambre de première instance. Hormis, les conclusions qui se reposent sur
24 le Témoin T, le 11 et le 12 juin 1992, la Chambre de première instance a
25 constaté qu'il s'est livré à la torture le 10 juin contre AJ, Asef
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1 Kapetanovic et AK.
2 De surcroît, les dépositions présentées par ces témoins et les
3 confirmations de ces témoins sur ces activités ces jours-là, la Chambre de
4 première instance a également entendu le témoignage du Témoin Oklopcic, à
5 la page 1900, du compte rendu d'audience. Lorsque mon éminent confrère, M.
6 Stojanovic a demandé à M. Zigic combien de fois il se rendait à Omarska, M.
7 Zigic a répondu : M. Zigic, Timarac et Dusko Knezevic se rendaient au camp
8 d'Omarska et y restaient ensemble.
9 M. Stojanovic a insisté. Combien de fois avez-vous vu Zigic dans le camp
10 d'Omarska ? La réponse, à la page suivante, 1901,
11 était : "Au moins dix fois et deux ou trois fois à Trnopolje."
12 Le témoin poursuivait : "Je dois vous dire que c'était divertissant lorsque
13 Zigic, Timarac et Dusko arrivaient parce qu'ils pouvaient voir quelque
14 chose que l'on ne pouvait même pas voir dans des films. Lorsque Zigic se
15 mettait à battre Rezak ou Began ou quelqu'un d'autre, tous les autres
16 gardes venaient regarder. Ils notaient ce qui se passait."
17 La Chambre de première instance avait des éléments de preuve suffisamment
18 clairs, des visites régulières faites par M. Zigic au camp de détention
19 d'Omarska.
20 Pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune, la perpétration qu'elle
21 soit physique ou directe d'un crime grave constitue une entreprise
22 criminelle commune et sa contribution est significative. La Chambre de
23 première instance a constaté ceci au paragraphe 300. L'intimé précise ici
24 que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur après avoir
25 entendu tous les éléments de preuve sur lequel a été fondé cette conclusion
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1 et l'appelant n'a pu démontrer aucune erreur. Les contributions de Zigic
2 étaient significatives parce qu'il a contribué directement aux crimes qui
3 étaient de persécuter les non-Serbes. Il s'agissait d'un objectif commun.
4 Cela porte directement sur l'intention délictueuse, de l'intention
5 discriminatoire, de l'intention coupable requise et de savoir s'il était un
6 complice ou co-auteur.
7 L'exemple fourni par Mme Rashid, ce matin, lorsqu'elle a cité quelqu'un qui
8 est entré dans le camp d'Omarska à pied, qui a pris connaissance du climat
9 d'impunité qui y régnait et qui, à une autre occasion, a tué quelqu'un de
10 façon tout à fait délibérée. Dans son argumentation, elle a indiqué que
11 cette contribution était une contribution directe et significative et que
12 cela favorisait l'entreprise criminelle commune et la seule conclusion que
13 l'on pouvait en tirer, c'est que cette personne était d'accord avec le
14 système. M. Zigic, bien évidemment, va beaucoup plus loin que cela. Vous
15 avez les meurtres, vous avez la torture, vous avez les passages à tabac et
16 vous avez ces visites répétées.
17 La Chambre de première instance est tout à fait en droit de constater,
18 comme elle l'a fait au paragraphe 610, que Zigic a fait une contribution
19 significative et que c'était un participant significatif et qu'il "a
20 participé de façon agressive et enthousiaste à la persécution des non-
21 Serbes à Omarska."
22 L'Accusation souligne que son degré de participation était important,
23 c'était régulier, volontaire, et voir même enthousiaste. Plus loin, pour ce
24 qui est de la question ou l'intention délictueuse, et que la Chambre de
25 première instance n'est pas fait ceci. Il n'y a aucune raison, en principe,
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1 pour ne pas avoir utilisé les éléments de preuve portant sur les crimes de
2 persécutions commis à Keraterm et Trnopolje dans la même période plaidée
3 dans l'acte d'accusation pour confirmer qu'il s'agissait là d'une
4 contribution significative à l'entreprise criminelle commune en vue de
5 persécuter les non-Serbes à Omarska.
6 La Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur en constatant que
7 son intention discriminatoire, fondé sur les mauvais traitements des non-
8 Serbes, des insultes, accompagnés de violence extrême ainsi que la
9 répétition de tout ceci indique clairement qu'il y avait une intention
10 délictueuse et une intention discriminatoire dans sa constatation, qu'il
11 s'agissait là d'une participation significative à l'entreprise criminelle
12 commune en vue de persécuter.
13 Je vais passer maintenant de l'élément général à des questions plus
14 détaillées. Je vais parler de quelques-uns des motifs que mon éminent M.
15 Stojanovic a abordés hier. La première, il s'agit du meurtre. Je vais
16 aborder ces points dans le même ordre que lui.
17 Le premier point, il s'agit du meurtre de Becir Medunjanin. L'Accusation ou
18 l'intimé a couvert les éléments de preuve présentés devant la Chambre par
19 les deux parties et l'analyse de la Chambre de première instance s'est
20 fondée sur les raisons avancées par l'appelant qui a démontré qu'aucune
21 erreur de faits ou de droit ne pourrait intervenir dans le prononcé du
22 verdict. Je ne vais pas aborder cette question pour l'instant pour la
23 simple et bonne raison que la question des témoins supplémentaires est
24 toujours en suspens et l'Accusation préfèrerait présenter d'autres
25 arguments sur ce point-là. Si cette question n'est pas résolue et si
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1 l'Accusation n'est tout à fait disposée à déposer d'autres arguments par
2 écrit quant à l'incidence qui pourrait avoir ces éléments de preuve sur le
3 verdict.
4 Le point suivant est celui du meurtre de Emsud Bahonjic. Encore une fois,
5 nous avons le mémoire en appel de l'intimé. Nous avons abordé cette
6 question très en détail, aux paragraphes 749 jusqu'à 772 [comme
7 interprété]. Néanmoins, dans notre argument oral hier, notre grief était le
8 suivant, je cite : "l'appelant n'accepte pas que les charges de meurtre
9 d'Emsud Bahonjic, qu'il y ait eu procès." Un peu plus loin, je cite : "Nous
10 sommes maintenant dans une situation en somme où nous avons, pour une
11 première fois, le procès pour Emsud Bahonjic."
12 Comme j'ai soulevé cette question dès le départ, ceci illustre le point de
13 vue de l'Accusation. Il s'agit là d'un malentendu ou d'une mauvaise
14 compréhension de ce que signifie un appel. Il ne s'agit pas de réouverture
15 de débats, ni de rouvrir un procès. Il ne s'agit pas ici d'ouvrir un procès
16 à cause du meurtre d'Emsud Bahonjic, que ce soit un point purement
17 rhétorique ou non. La question véritable qui se pose, c'est de savoir si
18 une personne raisonnable ou une Chambre de première raisonnable ou un
19 Tribunal aurait pu parvenir à ce type de décision.
20 Les éléments de preuve ont clairement indiqué que Bahonjic est décédé à la
21 suite de son retour de l'hôpital après avoir été passé à tabac de façon
22 très violente et l'appelant, M. Zigic, a participé à ce passage à tabac. La
23 Chambre de première instance a entendu les éléments de preuve et a pu
24 constater et a, effectivement, constaté au-delà, de tout doute raisonnable,
25 que M. Zigic a participé à ces passages à tabac et qui a provoqué la mort
Page 465
1 de cet homme. Des éléments de preuve ont été fournis par trois témoins. La
2 Chambre de première instance a entendu tous ces éléments, a apprécié ces
3 éléments de preuve, a pris sa décision, et a déclaré qu'il était coupable
4 en raison de cela. L'argument de l'appelant semble indiquer qu'il y avait
5 un certain nombre de témoins d'un côté et de l'autre, que s'ils avaient
6 présenté davantage de témoins, ils auraient peut-être gagné. et la Chambre
7 de première instance ne nous aurait pas condamnés.
8 Je souhaite rappeler à la Chambre d'appel, que la Chambre d'appel sait
9 certainement qu'il ne s'agit d'une question de chiffres. Il ne s'agit pas
10 de présenter des éléments d'une part et de l'autre et des les peser.
11 Le point suivant que je souhaite aborder, c'est celui du meurtre de Drago
12 Tokmadzic. La Chambre de première instance a entendu le Témoin KV1 mardi.
13 Ce qui est important, c'est de citer ici, l'arrêt Kupreskic au paragraphe
14 75, après avoir entendu les éléments de preuve supplémentaires, si
15 l'appelant a établi qu'aucun Tribunal raisonnable du fait ait pu arriver à
16 cette conclusion de culpabilité basée sur les éléments de preuve présentés
17 à la Chambre de première instance, de même que les éléments de preuve
18 supplémentaires versés au moment du procès en appel.
19 Pour pouvoir présenter mes arguments, je dois maintenant aborder la
20 question des éléments de preuve supplémentaires, et voir si on peut
21 effectivement les faire valoir à ce stade-ci de la procédure. Le Témoin KV1
22 est venu déposer l'autre jour. Sa déposition s'est fondée sur la pièce à
23 conviction Pa1. Il s'agit d'une photographie du passage à tabac qui s'est
24 produit à l'extérieur de la pièce numéro 4. Pendant le procès, M. Edin
25 Ganic a déposé au sujet de ce qu'il a décrit comme étant un passage à tabac
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1 de la personne décédée, Drago Tokmadzic. L'Accusation affirme qu'il
2 apparaît clairement, si vous vous penchez sur le compte rendu d'audience
3 pendant la déposition de M. Ganic, qu'il se réfère au passage à tabac de
4 Drago Tokmadzic la même nuit, mais nous pensons qu'il s'agit d'un endroit
5 légèrement différent. Parce que ce qu'il décrit, c'est la zone qui se situe
6 vers le dépôt d'ordures, vers la bordure du camp. J'ai posé cette question
7 très précisément au Témoin KV1, mardi. Le Témoin KV1 a répondu qu'il se
8 trouvait à peu près à 30 ou 40 mètres de distance.
9 L'intimé estime qu'il y a la possibilité que deux passages à tabac de Drago
10 Tokmadzic se sont produits cette nuit-là. Un premier passage à tabac à
11 l'extérieur de la porte de la pièce numéro 4, et un autre, comme décrit par
12 le témoin Ganic, qui a dit qu'il est sorti de la pièce numéro 1, qu'il est
13 passé devant les pièces 1, 2, 3 et 4, dans cette zone de camp où M. Zigic
14 attendait. Ce deuxième passage à tabac de M. Tokmadzic s'est produit à cet
15 endroit. L'Accusation estime que la Chambre d'appel doit évaluer et
16 apprécier les deux versions, les comparer. Si la Chambre d'appel est
17 convaincue que les deux sont compatibles, que la Chambre de première
18 instance aurait pu arriver à la même conclusion après avoir entendu la
19 déposition de KV1 et, en gros au fond, corrobore la déposition du Témoin Y,
20 la question que vous devez vous poser, est de savoir si vous pouvez
21 toujours arriver à la déclaration de culpabilité.
22 Aussi nous attirons l'attention de la Chambre d'appel à la déposition au
23 sujet de la personne qui s'appelait Jovo, la déposition du Témoin Y disant
24 que Jovo a été tué la veille, la nuit précédente. Bien entendu, cela s'est
25 passé devant la Chambre de première instance. La question est de savoir si
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1 la Chambre d'appel est convaincue après avoir étudié, examiné ce que dit M.
2 KV1 au sujet de Jovo, à savoir qu'il a été passé à tabac cette nuit-là, ou
3 qu'il est mort cette nuit-là, et Ganic qui déclare qu'il est mort cette
4 nuit-là, mais le Témoin Y disant que c'est une autre nuit que s'est produit
5 sa mort. Etes-vous toujours convaincus que la déclaration de culpabilité
6 doit être maintenue ?
7 L'Accusation ajoute au sujet de certains propos, M. le Juge Shahabuddeen a
8 posé des questions au KV1 à ce sujet, à savoir, est-ce que vous êtes
9 convaincus que la Chambre de première instance a correctement apprécié les
10 mots "achevez-le," entendant que lui c'est Drago Tokmadzic. Ces mots ont
11 été utilisés dans une situation où il était en train d'être passé à tabac.
12 Est-ce que vous êtes convaincus que c'est exact de la part de la Chambre de
13 première instance, d'évaluer ceci de la manière dont elle l'a fait. Nous
14 ajoutons que la seule déduction que l'on puisse faire, compte tenu des
15 circonstances de ce grave passage à tabac, que lorsque l'on dit "achevez-
16 le," cela ne peut signifier qu'il faut poursuivre le passage à tabac, afin
17 de tuer la personne ou au bien continuer à passer à tabac la personne qui
18 est dans un tel état, que le passage de tabac poursuivi, entraînera sa
19 mort.
20 Je passe à présent à un autre point. Je passe aux motifs 20, et 21, il
21 s'agit d'Abdulah Brkic, et il s'agit du fait d'avoir aidé et encouragé la
22 torture de ces personnes. Hier, Me Stojanovic a dit à la Chambre d'appel et
23 je cite ses propos, que la déclaration de culpabilité ne peut être
24 maintenue que sur la base de la déposition d'un seul témoin, Abdulah Brkic
25 lui-même, qu'il n'y a pas d'élément de preuve qui corrobore sa déposition."
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1 Cependant, Brkic lui-même, et là, je vais citer ses propres propos, a dit :
2 "Zigic n'a jamais porté la main sur moi, il ne m'a jamais fait de mal."
3 C'est ce que nous lisons en page 4882, du compte rendu d'audience.
4 C'est ce que Me Stojanovic a déclaré devant cette Chambre d'appel, hier.
5 Ce qui pose problème dans ces propos, et là, c'est plutôt la page 4486, que
6 j'ai citée. Le problème que pose cet argument, si vous vous penchez sur un
7 compte rendu d'audience, c'est qu'il est dit que M. Zigic se rend dans la
8 pièce numéro 1. C'était une pièce où étaient Knezevic, Timarac et d'autres
9 détenus non-Serbes qui cherchaient Fajzo, qui nous a menacé de nous tuer,
10 tous, je cite : "Si on ne disait pas où il était." Monsieur Brkic, par la
11 suite, décrit un incident de torture à l'encontre de Fajzo, lorsque Zigic
12 se penchait sur Fajzo et que Knezevic était en train de le passer à tabac.
13 Cela s'est passé à Keraterm. Je cite les pages 4489, et 91. C'est
14 l'incident pour lequel il a été déclaré coupable, qui s'est produit à
15 Omarska. Lorsque Me Stojanovic dit que Zigic ne lui a jamais fait aucun
16 mal, il se réfère à un autre camp, à Keraterm. Ce n'est pas de cela qu'il a
17 été déclaré coupable, c'est Omarska. Encore une fois,
18 Me Stojanovic n'a jamais contesté pendant le contre-interrogatoire le récit
19 que M. Brkic a fait de ce qui s'est passé. Il s'en plaint maintenant.
20 L'Accusation estime que ce motif d'appel est totalement infondé. Un autre
21 point concernant les témoins AK, AJ, Asef Kapetanovic et Emir Beganovic. En
22 particulier, pour ce qui est d'Asef Kapetanovic et le motif 24. La Défense,
23 dans ses arguments exposés verbalement hier, a déclaré qu'il n'y a pas de
24 moyens de preuve, qu'il a fait ce qu'il a fait, afin de discriminer AK en
25 tant que Musulman. Ce n'était pas un élément de torture. A l'opposé, il l'a
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1 fait pour des raisons purement personnelles, comme il l'a dit lui-même.
2 Autrement, pourquoi n'aurait-il rien fait à des centaines de Musulmans qui
3 se trouvaient à Omarska sans leur faire aucun mal avant de n'atteindre AK.
4 C'est ce qu'a dit Me Stojanovic à cette Chambre d'appel hier. Le problème
5 que cela pose encore une fois, c'est qu'il s'agit là d'éléments de preuve
6 qui n'ont jamais été contestés par la Défense. Pourquoi personne n'a
7 contre-interrogé M. AK lorsqu'il a déposé au sujet de ce qui s'est passé ?
8 Me Stojanovic le présente aujourd'hui, comme si M. Zigic est entré dans la
9 pièce pour chercher M. AK, enfin, le fait de le dire, de l'affirmer est
10 totalement infondé. Les éléments de preuve n'ont pas été contestés à
11 l'époque. Il a été dit que M. Zigic a pris au moins trois détenus musulmans
12 dans une pièce, dans "la maison blanche". AK, Asef Kapetanovic et AJ, pas
13 un seul détenu, trois détenus. Ils ont tous été frappés. Ce qu'ils disent,
14 ne correspond pas aux éléments de preuve.
15 La seule contestation qui a été faite pendant le premier procès en première
16 instance, c'est que Me Stojanovic a contre-interrogé, a demandé s'il
17 portait un pansement, s'il a remarqué un pansement. Le témoin a répondu :
18 "Je ne me souviens pas." Il ne s'agit pas d'éléments de preuve positifs,
19 déterminants. Il lui demande cela huit ou neuf ans plus tard après
20 l'événement. C'était sa principale contestation, parce que le témoin a dit
21 qu'il ne se souvenait pas. Il en arrive à la conclusion que la Chambre de
22 première instance a commis cette erreur impardonnable de fait, en
23 constatant que cet incident s'est produit.
24 Encore un autre point. Ceci concerne les motifs d'appel 25, 26, 27, le même
25 incident. Cela concerne Asef Kapetanovic et Emir Beganovic. Me Stojanovic a
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1 dit hier que ces éléments de preuve n'étaient pas fiables, mais on n'a pas
2 contesté pendant le procès l'identification faite de M. Zigic. On ne l'a
3 pas contesté, on n'a pas dit que ce n'était pas lui, qu'il n'était pas sur
4 place, on ne l'a pas contesté. La Chambre de première instance a reçu des
5 éléments de preuve incontestés. Elle a considéré qu'il était fiable.
6 L'appelant ne peut pas simplement dire à présent que la Chambre de première
7 instance n'a pas agit de manière raisonnable, et qu'aucun juge du fait
8 raisonnable ne serait arrivé à cette décision.
9 Le point suivant concerne Fajzo Mujkanovic. Les propos exposés verbalement
10 hier, disaient que c'est un seul élément de preuve qui a été fourni par
11 Abdulah Brkic, qu'il y a eu quatre autres témoins, deux cités par
12 l'Accusation et deux cités par la Défense, que ceci a été complètement
13 passé sous silence par la Chambre de première instance, parce que ces
14 dépositions étaient favorables à la cause de la Défense. Je me permets de
15 rappeler à la Chambre d'appel que vous savez qu'ici, il ne s'agit pas d'un
16 jeu de chiffres ou de numéros, que ce n'est pas le nombre de témoins cités
17 d'une part ou d'autre qui compte. Le point est de savoir que ces éléments
18 de preuve n'ont pas été contestés pendant le procès. M. Zigic, d'après la
19 déposition, est arrivé avec son complice Knezevic, et ils recherchaient cet
20 homme. Abdulah Brkic a déposé en disant que ce n'était pas contraire. Si
21 vous lisez ses propos et si vous lisez ce qu'un autre témoin a dit, tout
22 simplement, ce n'est pas contraire à ce que l'autre témoin a dit.
23 Encore une fois, il y a eu des éléments de preuve montrant que Zigic a pris
24 part activement, qu'il a approuvé tacitement l'entreprise en fournissant
25 son appui au crime. Encore une fois, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de
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1 contester la décision sur ce point.
2 Pour ce qui est des motifs 29 et 30, Redzep Grabic et le Témoin AE. Me
3 Stojanovic a, au fond répété ce qu'il a déjà écrit dans son mémoire en
4 appel, il dit : "Nous ne connaissons pas d'affaires où que ce soit dans le
5 monde, où quelqu'un aurait été déclaré coupable de crimes graves, sur la
6 base de la déposition d'un seul témoin qui n'a pas pu reconnaître
7 l'auteur."
8 Ceci est, bien entendu, contraire à la jurisprudence de ce Tribunal. Je me
9 permets de vous rappeler la décision dans l'affaire Kupreskic au paragraphe
10 33, ce qui ce répète un autre paragraphe, à savoir que la déposition d'un
11 seul témoin peut être acceptée sans qu'il ait besoin de corroborer.
12 Le problème que pose la deuxième partie, est que la Chambre de premier
13 appel a analysé le processus d'identification. La Chambre de première
14 instance a été active et impliquée à tout, à chacune des étapes de
15 l'identification des quatre accusés, les quatre appelants. Elle a pris en
16 considération le problème de l'identification dans le prétoire, le temps
17 qu'il s'est passé depuis les événements, la description fournie, la
18 connaissance, le fait que le témoin ait connu l'accusé à fond avant le
19 procès. Elle est arrivée à une décision motivée, que cette identification
20 était recevable en se fondant sur ce qui s'est produit dans le camp, plutôt
21 sur ce qui s'est passé lorsqu'on a demandé au témoin d'identifier une
22 personne accusée dans le prétoire plusieurs années plus tard. Nous estimons
23 qu'il n'y a pas eu là encore d'erreur d'identification, et ce motif d'appel
24 doit être rejeté.
25 Au sujet des motifs d'appel 31 et 32, à savoir, la torture de Jasmin
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1 Ramadanovic. Là, je tiens à rappeler que nous sommes rentrés dans le détail
2 de ceci dans nos écritures. Me Stojanovic a déclaré hier, à ce sujet,
3 certaines choses dont il ressort. Je reviens à ce que Me Stojanovic a dit,
4 la Chambre de première instance, a tiré la conclusion qu'il a agit sur la
5 base de discrimination ethnique, religieuse et politique. Cependant, les
6 Bérets verts étaient un groupe paramilitaire illégal.
7 Deux choses en découlent. Premièrement, Me Stojanovic laisse entendre que
8 lorsqu'on passe à tabac quelqu'un qui est membre des Bérets verts et qui
9 est détenu ou prisonnier de manière contraire à la loi dans un camp, que
10 lorsque cela est fondé sur son appartenance ethnique, cela est acceptable.
11 Sinon, un deuxième point qui se pose est le suivant : qui étaient les
12 Bérets verts ? Les Bérets verts, je pense, que tout le monde le sait,
13 étaient des Bosniens ou des Musulmans de Bosnie. Cette personne qu'il a
14 battue était un Musulman qui était emprisonné, qui était détenu dans des
15 conditions inhumaines dans un centre de détention serbe pour des non-
16 Serbes.
17 A présent, permettez-moi de passer au motif d'appel 33. Il s'agit d'un
18 incident qui concerne Hasan Karabasic. Il est dit que c'était le kum de M.
19 Zigic. Dans les arguments présentés verbalement, il est dit : "C'était
20 vraiment un événement complètement trivial. L'Accusation l'a dit elle-même
21 dans sa réponse consolidée."
22 Le problème à propos de ces arguments, est qu'il s'agit d'une présentation
23 totalement erronée de ce que l'Accusation a dit dans sa réponse au
24 paragraphe 7.217. Je rappelle les propos de l'intimé : "Pendant le contre-
25 interrogatoire, Zigic n'a pas contesté les éléments de preuve de ce témoin
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1 dans sa déclaration faite à la Chambre de première instance. Il a décrit
2 que ceci comme étant un différend trivial qui a indiqué, Karabasic et lui,
3 qu'ils se sont rencontrés dans la rue et il y a eu une [imperceptible].
4 C'est ce que nous avons dit. Nous avons cité, peut-être avons-nous
5 paraphrasé ce qu'a dit M. Zigic. Nous n'étions pas d'accord sur le fait
6 qu'il s'agissait d'un incident trivial. Mais Me Stojanovic a continué avec
7 brio en disant : "Nous ne savons pas que dans l'histoire substantielle de
8 ce Tribunal, qui que ce soit ait été déclaré coupable pour un délit plus
9 trivial." C'était cela les éléments de preuve. Les éléments de preuve du
10 Témoin N, page 3900, alors : "Le même jour, j'ai vu Zigic, il est arrivé,
11 il a dit : 'Bonjour à vous, les balijas.' Nous, nous étions les malheureux
12 détenus musulmans et nous avons répondu, 'Que Dieu soit avec soit, héros.'
13 C'est quelque chose qu'il nous a appris à dire à Keraterm."
14 A ce point, il était en train de rechercher son kum, Hasan Karabasic. Trois
15 témoins ont déposé, c'était pas contesté Me Stojanovic. Me Stojanovic n'a
16 pas contesté leurs récits pendant le contre-interrogatoire.
17 C'est cela alors l'événement trivial au sujet duquel dépose AD et je cite
18 la page 3038. "Zigic a trouvé Hasan et il l'a jeté par terre … il l'a
19 frappé. Il a commencé à l'étrangler. Il l'aurait étranglé s'il n'avait pas
20 été arrêté par d'autres gardes."
21 Le Témoin N, en page 3900 dit : "Il cherchait son kum Hasan Karabasic.
22 Lorsqu'il l'a trouvé, il a commencé à lui donner des coups de pied comme
23 s'il avait été un ballon. Il l'a attrapé par la nuque et deux gardes serbes
24 sont arrivés et on traîné Zoran à l'écart et Hasan s'est perdu dans le
25 groupe de personnes."
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1 La troisième déposition non contestée a été donnée par un témoin de
2 l'Accusation, Témoin V, page 3714, où il dit : "Nous étions soit allongés,
3 soit assis dans cette zone où il y avait de l'herbe et il est arrivé. Il
4 est parti vers à Hasan Karabasic et il lui a dit, 'Apparemment, tu es
5 encore en vie.' Qu'a fait Zigic ? Bien, il l'a attrapé par la nuque et il a
6 commencé à l'étrangler. M. Karabasic a commencé à gémir et deux soldats
7 serbes sont arrivés. Ils ont pris Zigic de côté et Hasan Karabasic est
8 resté gisant par terre."
9 Alors, c'est cela un événement trivial ? Il ne s'agit pas là d'une
10 infraction grave au droit international humanitaire, il y a là quelque
11 chose qui peut être considéré comme tentative de meurtre. Il s'agit
12 d'éléments de preuve qui n'ont pas été contestés. Les gardes ont dû mettre
13 à l'écart Zigic, ont dû tirer à l'écart de ce que, soit disant, son
14 meilleur ami ?
15 Alors, Me Stojanovic, bien entendu, continue en disant qu'il s'agit d'une
16 représentation totalement erronée, intentionnellement erronée de la part de
17 l'Accusation qui dit que cela s'est passé dans le camp sur la base visuel
18 d'un seul témoin qui a dit qu'ils étaient assis ou en train d'être allongés
19 dans cette zone où il y avait de l'herbe. Il n'y a pas là de mauvaise
20 représentation. Il s'agit de contre-interrogatoire. Dans le contre-
21 interrogatoire, Me Stojanovic a précisé ce point et le témoin lui a dit
22 qu'il l'a vu à l'extérieur de la zone du camp et nous savons que Trnopolje
23 n'était pas une zone clôturée.
24 Alors, pour ce qui est du Témoin V et les motifs d'appel 35 et 36, nous ne
25 souhaitons pas ajouter quoi que ce soit si ce n'est pour dire que la
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1 Défense n'a pas démontré que la Chambre de première instance ait commis
2 d'erreur, une erreur qu'aurait justifié un pourvoi en appel.
3 A présent, un autre point au motif d'appel qui est de nature plus générale.
4 Je dirais qu'il s'agit là de l'équité, la question de l'équité dans
5 l'approche de la Chambre. L'appelant, M. Zigic, réitère constamment le fait
6 que de nombreux témoins sont venus déposer ou qu'il a été déclaré coupable
7 sur la base des dépositions de nombreux témoins au sujet de ce qui s'est
8 passé à Omarska, Keraterm et Trnopolje.
9 Me Stojanovic s'est plaint, et hier, dans ses arguments verbaux, il s'est
10 plaint en disant que la Chambre de première instance n'a pas pris en
11 considération la déposition de chacun des témoins qui a été cité. Il s'est
12 plaint en disant que la Chambre de première instance a utilisé les éléments
13 de preuve des témoins de la Défense afin de corroborer la déclaration de
14 culpabilité de son client.
15 Malheureusement, M. Zigic a montré qu'il ne cherchait pas à représenter de
16 manière véridique les réalités d'un procès. Les éléments de preuve, les
17 dépositions des témoins de la Défense peuvent être utilisés de toute
18 manière dans la Chambre de première instance si elle estime utile. Pour
19 déclarer coupable, pour acquitter, pour corroborer leurs éléments de preuve
20 peuvent être acceptés, rejetés, tout comme cela va pour des témoins de
21 l'Accusation. M. Zigic avait un conseil juridique. Il a été représenté. Il
22 a choisi lui-même ses témoins. Il a choisi lui-même son conseil, les pièces
23 à conviction. Il a pris des décisions stratégiques sur la manière de
24 présenter ces éléments de preuve, de déposer ou de donner une déclaration
25 plutôt que de déposer en tant que témoin. Il a pris des décisions
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1 stratégiques sur la manière de poser des questions.
2 Au bout du compte, la Chambre de première instance a apprécié de manière
3 très attentive les éléments de preuve à l'encontre de M. Zigic. Des
4 éléments sont venus présentés par lui ou par la partie adverse. Certains
5 lui étaient favorables et d'autres non. C'est sur la base de tout cela
6 qu'une décision motivée le déclarant coupable est intervenue.
7 Hier, Me Stojanovic a parlé de l'incident qui impliquait Rizah Hadzalic.
8 C'est au paragraphe 445 du jugement de la Chambre de première instance.
9 Hier, je vais citer ces propos, hier, il a dit que : "La Chambre de
10 première instance a été sous une impression, et ce, de manière erronée, que
11 Zigic a pris part à cela."
12 J'ai attentivement parcouru le compte rendu d'audience, du procès en
13 première instance, et la Chambre de première instance ne semble pas du tout
14 avoir fait l'erreur que l'on lui traite. Heureusement, c'est le 20 mars
15 2002, il y a deux ans que cette question a été résolue. Lorsque nous avons
16 déposé de manière conjointe, les deux parties, un document qui a été
17 intitulé "notification de l'accord entre l'Accusation et l'appelant Zigic
18 pour ce qui est des portions du transcript qui doivent être revues par le
19 service chargé des traductions." L'Accusation ne comprend pas pourquoi cet
20 argument a été avancé hier.
21 Il y a des incidents sur lesquels je ne suis pas revenu. Cela ne veut pas
22 dire pour autant que du côté de l'Accusation, nous ne fassions pas
23 pleinement confiance au jugement ainsi qu'un autre dossier. C'est
24 simplement que nous avons passé en revue avec une telle exhaustivité chacun
25 des incidents sur lequel M. Zigic a été déclaré coupable dans notre mémoire
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1 en réponse, que nous ne souhaitons pas allongé excessivement les débats sur
2 ce point.
3 Maintenant, la dernière partie de mon intervention a trait à la qualité de
4 la justice rendue. Comme M. Carmona l'a dit ce matin, la Chambre de
5 première instance a acquitté M. Zigic de deux des crimes qu'il était
6 reproché au moment de la présentation de la requête 98 bis. Dans le
7 jugement, il a acquitté au titre de deux autres meurtres, notamment, le
8 meurtre le plus grave qui était celui du massacre de la salle numéro 3.
9 D'autre part, la Chambre de première instance l'a acquitté du passage à
10 tabac de AD et la Chambre a refusé de tenir compte des éléments de preuve
11 relatifs au frère de Hasan Icic et d'un certain Alic. Ceci montre bien que
12 la Chambre de première instance a examiné tous les éléments qui lui avaient
13 été présentés. Elle a écouté avec attention tous les témoins et elle est
14 parvenue à une décision qui doit être maintenue en l'état.
15 J'en ai terminé de mon intervention.
16 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vais d'abord donner la parole
17 au vice-président Pocar.
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Re, je vous remercie de votre
19 intervention. J'aimerais avoir vos lumières pour mieux comprendre un des
20 arguments que vous avez présenté au cours de votre intervention.
21 A la fin du volet de votre argumentation au sujet de l'entreprise
22 criminelle commune, vous avez déclaré qu'il n'y avait aucune raison pour
23 laquelle la Chambre de première instance n'aurait pu utiliser les éléments
24 de preuve relatifs aux crimes à nature persécutoire à Keraterm et à
25 Trnopolje pendant la même période et qui figure dans l'acte d'accusation
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1 pour corroborer le fait que Zigic a apporté une contribution importante à
2 l'entreprise criminelle commune aux fins de persécutions d'Omarska.
3 Je vous serais reconnaissant de bien vouloir préciser votre argument
4 s'agissant de ce que vous qualifiez de "Contribution importante à
5 l'entreprise criminelle commune." Est-ce que vous étiez en train de nous
6 dire à ce moment-là que les crimes qui ont été commis dans les autres camps
7 relèvent de la même entreprise criminelle commune que celle qui est
8 alléguée pour Omarska ? Est-ce bien ce que vous voulez nous dire ? Dans le
9 cas contraire, j'aimerais mieux comprendre comment des crimes commis sur
10 des sites distincts peuvent augmenter encore où l'importance de la
11 participation à l'entreprise criminelle commune à Omarska. La Chambre de
12 première instance en est arrivé, je sais, à la conclusion qu'il n'y avait
13 pas une seule entreprise criminelle commune mais ces conclusions ont trait
14 uniquement à Omarska et pas aux autres camps. Si bien que j'aimerais avoir
15 vos lumières à ce sujet afin de bien comprendre quelle est votre position
16 et quel est le lien entre les crimes commis dans d'autres camps et les
17 crimes commis au camp d'Omarska.
18 M. RE : [interprétation] Ceci a trait essentiellement à l'intention
19 délictueuse quand j'ai parlé de l'importance de la contribution. La
20 contribution prouve une intention discriminatoire aux fins de persécutions.
21 La Chambre de première instance aurait pu utiliser les éléments de preuve
22 de ce qu'il a fait à Keraterm et le caractère discriminatoire de ses actes,
23 les insultes à caractère ethnique, le fait qu'il soit entré au camp pour
24 soumettre les Musulmans et les non-Serbes à des mauvais traitements pour
25 montrer son intention délictueuse et pour montrer qu'il était animé de
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1 l'intention discriminatoire requise dans un camp, pour faire la même chose
2 dans un camp similaire qui n'était pas loin, que ces deux camps soient
3 considérés ou non comme faisant partie de la même entreprise criminelle
4 commune, en tout cas, dans le cas d'espèce.
5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous parlez là de l'intention
6 délictueuse. Dans votre plaidoirie, vous nous dites, en fait, est-ce que
7 vous nous dites que la Chambre de première instance en n'utilisant pas
8 cette déduction, cette application, a commis une erreur qui convient de
9 corriger au niveau de l'appel ?
10 M. RE : [interprétation] Non. C'était uniquement un argument théorique pour
11 dire que si l'Accusation avait fait cet argument et présenté cet argument
12 au moment du procès, la Chambre de première instance aurait pu l'accepter
13 et aurait pu utiliser ces éléments de preuve-là, permettant de corroborer
14 tout ce que nous savons de l'intention délictueuse de l'intéressé.
15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il s'agissait de votre part d'un
16 argument à caractère théorique ?
17 M. RE : [interprétation] Oui, effectivement. J'ai présenté ceci à titre
18 d'argument pour la réflexion de la Chambre d'appel.
19 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Juge Weinberg de Roca.
20 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] J'ai une question, Monsieur
21 Re, au sujet d'un volet de votre intervention. Je n'ai pas bien compris.
22 C'est le moment où vous nous avez parlé de la déposition de Brkic. Vous
23 nous dites qu'il a dit qu'à Keraterm, Zigic n'avait pas levé la main sur
24 lui. Mais je ne vois comment vous pouvez en déduire que le traitement que
25 Zigic a réservé à ce témoin était différent à Omarska. Je n'ai pas très
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1 bien compris cette partie-là de votre argumentation.
2 M. RE : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants pour que je
3 retrouve les éléments qui correspondent à votre question. Si je n'ai pas
4 été suffisamment clair, je vous prie de m'en excusez.
5 Ce que je voulais dire, c'est qu'Abdulah Brkic a déposé au sujet de deux
6 incidents qui concernaient M. Zigic aussi bien à Keraterm qu'Omarska.
7 L'incident pour lequel celui-ci a été reconnu coupable, c'est celui
8 d'Omarska avec le groupe où se AK, AJ, Asef Kapetanovic et Emir Beganovic,
9 les éléments auxquels a fait référence Me Stojanovic qui avaient trait à
10 Keraterm. M. Brkic, à ce moment-là, a dit que Zigic ne l'avait pas touché à
11 Keraterm, n'avait pas levé la main sur lui.
12 Mme LA JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Re, de
14 cette analyse très prudente, très lucide que vous nous avez présentée.
15 J'ai une question à vous poser, une question qui est presque théorique pour
16 reprendre un terme utilisé par mon éminent confrère assis à ma droite. En
17 vous écoutant, j'ai été frappé par votre argumentation selon laquelle un
18 certain nombre de témoins avaient été présentés par le Procureur et qu'ils
19 n'avaient pas été contre-interrogé par Me Stojanovic. Vous avez ajouté que
20 Me Stojanovic, se faisant, décidant de ne pas les contre-interrogés, avait
21 sans doute agi conformément aux instructions données par son client. Nous
22 savons que dans le système de "common law", il convient d'accorder une
23 certaine importance à ce genre de pratique ou à ce type d'événements,
24 disons.
25 La question qui se pose à moi, et pour laquelle j'aimerais bénéficier de
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1 votre assistance, c'est que nous sommes ici dans un Tribunal international.
2 Nous devons, bien entendu, tenir compte de ce qui se fait dans les systèmes
3 juridiques les plus importants. Mais est-ce que l'institution du contre-
4 interrogatoire se présente de la même manière dans les systèmes de droit
5 romano-germanique pour lesquels nous pouvons dresser un constat judiciaire
6 que ces deux -- d'un tel système que vient M. Stojanovic ? Si, dans ce
7 système là le contre-interrogatoire est quelque peu différent, est-ce qu'à
8 ce moment-là cela n'a pas un impact sur l'importance que nous devons
9 attacher au fait que M. Stojanovic n'a pas contre-interrogé un certain
10 nombre de témoins ? Il ne leur a pas posé certaines questions.
11 M. RE : [interprétation] Un instant je vous prie, je souhaite consulter ma
12 consoeur.
13 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
14 M. RE : [interprétation] C'est indéniablement une question philosophique et
15 théorique très intéressante, surtout si on se rappelle la manière dont on a
16 rédigé l'Article 90(h) où il est stipulé qu'une partie doit présenter sa
17 thèse à la partie adverse. Bien entendu nous sommes ici dans un système qui
18 est beaucoup plus contradictoire qu'inquisitorial. Dans le système qui est
19 le nôtre les accusés ont le droit d'interroger, de contre-interroger les
20 témoins, de les confronter à un certain nombre de faits, et ceci revient
21 d'ailleurs avec un système qui existait déjà au temps des Romains.
22 Mais si on se limite à l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui, on se rend
23 compte que certains témoins ont été contre-interrogés, on a essayé de
24 savoir s'ils disaient la vérité, on leur a présenté une version à l'envers
25 de ce qu'ils avaient dit. Quant à d'autres témoins, ils n'ont été nullement
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1 interrogés, or, le conseil de la Défense était tout à fait au courant de ce
2 qui est stipulé dans le règlement du Tribunal. On ne peut qu'en déduire que
3 cette stratégie était délibérée, et qu'il n'y a aucune raison d'après nous
4 sur le principe, pour que le concept de l'unicité entre le client et son
5 conseil ne s'applique pas ici. Bien entendu, nous reconnaissons que dans
6 certain système de "common law", comme aux Etats-Unis d'Amérique, les
7 conditions qui sont prévues à l'Article 90 (H) ne sont pas valables en
8 particulier au niveau des Tribunaux d'état.
9 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de l'article
10 qui précise qu'une des parties doit présenter à l'autre la nature de sa
11 thèse à la partie inverse ?
12 M. RE : [interprétation] Oui, c'est l'Article 90(H).
13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Le Juge Pocar souhaite
14 intervenir.
15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, à ce sujet je souhaiterais vous
16 poser une question supplémentaire. Vous nous avez dit M. Re que plusieurs
17 témoins ont été longuement interrogés par les juges de la Chambre. Est-ce
18 que c'est bien ce que vous avez dit ?
19 M. RE : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit là des mêmes
21 témoins qui n'ont pas été contre-interrogés, ou est-ce que ce sont des
22 témoins différents ? Est-ce que vous pouvez vous en souvenir ?
23 M. RE : [interprétation] Je ne peux vous répondre sans avoir consulté le
24 dossier.
25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Parce que cela pourrait se révéler
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1 intéressant, et nous permettre de voir sous une autre lumière la question
2 qui vous a été posée par le Président précédemment.
3 M. RE : [interprétation] Il faudrait que j'examine ce qui s'est passé pour
4 chacun des témoins. Que je compare le contre-interrogatoire auquel ils ont
5 été soumis avec les questions qui leur ont été ensuite posées par les Juges
6 de la Chambre de première instance.
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Nous remercions M. Re des
8 réponses que vous avez bien voulu faire aux différentes questions qui vous
9 ont été posées. Merci de votre argumentation.
10 L'ordre du jour étant épuisé, nous allons maintenant lever l'audience et
11 nous nous retrouverons à 9 heures 30 demain matin.
12 --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 14.
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