Page 1511
1 Le lundi 6 décembre 2004
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur Nicholls, et je
6 souhaiterais dire bonjour à tout le monde également.
7 Monsieur Nicholls.
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons communiqué
9 l'information concernant le site web et la photo à la Défense ce matin.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en remercie.
11 Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter concernant cette question,
12 Maître Guy-Smith ?
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de ne faire entrer le témoin, la
15 Chambre a reçu la réponse de l'Accusation à la requête de M. Topolski
16 concernant le récolement des témoins. Souhaiteriez-vous, Maître Topolski,
17 faire des commentaires à ce moment-ci ? Souhaiteriez-vous répondre ?
18 M. TOPOLSKI : [interprétation] Le seul commentaire que je souhaite faire,
19 Monsieur le Président, c'est que nous avons fourni une réponse par écrit.
20 De plus, nous l'avons fait dans l'heure qui a précédé.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est la raison pour laquelle nous
22 n'avons pas encore reçu vos écritures, je présume.
23 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis vraiment navré si la Chambre ne
24 s'attendait pas à ce que l'on procède de cette façon-là. Mais ce qui nous a
25 été communiqué par l'Accusation était tellement intéressant, que nous avons
Page 1512
1 senti le besoin immédiat de répondre par écrit.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Je vous en remercie. Nous
3 attendrons avec un intérêt particulier l'arrivée de vos représentations
4 avant qu'une décision ne soit rendue sur ce sujet.
5 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur le Président.
6 Nous avions proposé à ce que l'on puisse également faire des
7 représentations oralement concernant ce sujet. Je crois que nous aurons
8 besoin peut-être d'une demi-heure. C'est une proposition que nous aurions
9 voulu vous faire.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il me semble qu'il n'est peut-être pas
11 nécessaire de faire vos représentations oralement puisque vous l'avez fait
12 par écrit.
13 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je voulais simplement vous dire que nous
14 sommes prêts à vous informer de ce que nous voulions dire également
15 oralement. Le tout se trouve, en fait, le contenu se trouve dans les deux
16 documents que nous vous avons fait parvenir. Il n'est pas nécessaire, mais
17 nous voulions simplement vous informer que nous sommes prêts également à
18 répondre de façon orale.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en remercie, Maître Topolski.
20 On pourrait maintenant faire rentrer le témoin.
21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur (expurgée).
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je souhaiterais vous rappeler que vous
25 avez déjà prononcé une déclaration solennelle au tout début de votre
Page 1513
1 témoignage, et vous êtes encore tenu par cette déclaration solennelle. Me
2 Guy-Smith était en train de vous poser des questions avant que l'on ne
3 suspende l'audience pour le week-end. Il continuera son contre-
4 interrogatoire.
5 LE TÉMOIN: (EXPURGÉE) [Reprise]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith : [Suite]
8 R. [interprétation] Bonjour.
9 Q. Bonjour, Monsieur, comment allez-vous ?
10 R. Je vais bien merci.
11 Q. Avant de nous quitter, nous parlions du fait que vous vouliez
12 rencontrer M. Lehtinen qui vous demandait de lui accorder un entretien.
13 Est-ce que vous vous souvenez de cela ?
14 R. Oui.
15 Q. Si j'ai bien compris, vous avez effectivement rencontré
16 M. Lehtinen; est-ce exact ? Cela a eu lieu en janvier 2003, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Cette réunion a eu lieu chez-vous dans votre maison, n'est-ce pas ?
19 R. Non, c'était dans un hôtel.
20 Q. Avant d'accorder un entretien à M. Lehtinen, votre père l'avait fait
21 avant vous, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Si je ne m'abuse, votre père a eu un entretien avec
24 M. Lehtinen, qui a duré deux jours; est-ce exact ?
25 R. Oui.
Page 1514
1 Q. Après son entretien avec M. Lehtinen, il est revenu à la maison. Il
2 vous a parlé comment il se sentait suite à cette rencontre avec M.
3 Lehtinen; est-ce exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Il en vaut de même également pour la deuxième journée de cette réunion;
6 est-ce exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Après avoir eu la possibilité de parler avec votre père concernant la
9 réunion qu'il a eue avec -- ou cette rencontre qu'il y a eu avec M.
10 Lehtinen, vous avez également vous-même eu un entretien avec ce dernier,
11 qui a également duré deux jours.
12 R. Oui.
13 Q. De nouveau, c'était dans un hôtel, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est cela.
15 Q. L'entretien avec M. Lehtinen qui a eu lieu dans un hôtel, est-ce que
16 vous avez eu des problèmes à le comprendre ?
17 R. Nous avions un interprète sur place.
18 Q. Je vois. Aviez-vous du mal avec l'interprète, du mal à le comprendre,
19 quelque difficulté que ce soit ?
20 R. Non, absolument aucun problème.
21 Q. Tout juste pour être tout à fait sûr que l'on aborde les événements de
22 façon chronologique. Lors du premier entretien, vous étiez tout à fait
23 satisfait avec les services de l'interprète à tous les niveaux, n'est-ce
24 pas ?
25 R. Oui.
Page 1515
1 Q. Est-ce que, lorsque vous vous entreteniez avec M. Lehtinen concernant
2 ce que vous aviez vécu, avez-vous senti le besoin de corriger, à quelque
3 moment que se soit, l'interprète ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous avez dû le corriger à certains moments ?
6 R. Oui, certains mots. Oui, effectivement.
7 Q. Est-ce que c'étaient des mots qui avaient moins de signification, des
8 mots importants ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous êtes ici aujourd'hui, et j'aimerais vous demander, est-ce que vous
11 vous souvenez quels sont les mots que vous aviez corrigés. Quels moments
12 est-ce que vous avez repris l'interprète alors que vous vous entreteniez
13 avec M. Lehtinen. Je vous demande de nous dire les mots que vous vouliez
14 qu'il corrige.
15 R. Je ne me souviens pas de cela.
16 Q. Le deuxième entretien qui a eu lieu avec M. Lehtinen s'est également
17 déroulé par le biais de l'interprète ?
18 R. Non, le deuxième jour, je lui ai parlé directement.
19 Q. Le deuxième jour, je présume que ni vous ni M. Lehtinen n'aviez du mal
20 à vous comprendre au cours de cet entretien ?
21 M. NICHOLLS : [interprétation] Puis-je, Monsieur le Président, --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous n'avions absolument pas.
23 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos partiel,
24 je vous prie, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
Page 1516
1 [Audience à huis clos partiel]
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 1517
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Pages 1517-1521 expurgées. Audience à huis clos partiel.
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 1522
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 [Audience publique]
11 M. GUY-SMITH : [interprétation]
12 Q. Lorsque vous parliez avec M. Lehtinen, par exemple, vous avez parlé du
13 fait que vous étiez à bord d'un autocar avant que cet autocar ne soit
14 arrêté; est-ce que c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Ensuite, il y avait la question concernant le moment où l'autobus fut
17 arrêté; est-ce que c'est exact ?
18 R. Oui.
19 Q. Il y avait une autre question -- un autre sujet, à savoir ce qui s'est
20 passé lorsque vous êtes descendu de l'autocar, alors que vous attendiez;
21 est-ce que c'est exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Ensuite, en tant que sujet que vous deviez discuter, vous avez parlé du
24 fait que vous vous êtes rendu à l'école; est-ce exact ?
25 R. Oui.
Page 1523
1 Q. Et ce qui s'est passé à l'intérieur de l'école faisait partie d'un
2 autre sujet.
3 R. Oui.
4 Q. Je sais que vous avez parlé de plusieurs différents sujets ou
5 plusieurs questions différentes, mais les sujets que vous avez discutés,
6 que j'ai mentionnés jusqu'à maintenant, ces sujets-là ont fait l'objet des
7 discussions qui ont eu lieu les deux jours en fait. Vous en avez parlé
8 pendant les deux jours ?
9 R. Oui.
10 Q. Mais, avant de parler des faits particuliers, faits que vous avez
11 relaté à M. Lehtinen, est-ce qu'il vous a dit qu'il était important de lui
12 donner des informations les plus détaillées que possible ?
13 R. Oui.
14 Q. Et vous étiez d'accord avec lui que vous alliez lui donner le plus
15 information que possible, les réponses les plus détaillées ?
16 R. Oui.
17 Q. Avant de commencer à lui raconter les événements, il vous a dit qu'il
18 était très important d'être précis; est-ce exact ?
19 R. Oui. Il m'a dit d'être le plus précis que possible.
20 Q. Lorsqu'on parle de précision, il était également important de dire la
21 vérité -- d'être le plus honnête que possible ?
22 R. Oui.
23 Q. Avant votre témoignage aujourd'hui, vous avez prêté un serment, n'est-
24 ce pas ?
25 R. Oui.
Page 1524
1 Q. Au moment où vous avez prêté ce serment, vous avez dit que vous alliez
2 parler -- dire la vérité, et que vous n'alliez dire que la vérité; est-ce
3 exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Lorsque vous avez parlé avec M. Lehtinen, vous aviez cette même idée en
6 tête, c'est-à-dire, il était très important de faire attention à tous les
7 détails. Car, vous vouliez être le plus honnête que possible et vous
8 vouliez lui dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Bien, c'est quelque chose que je comprends tout à fait bien.
12 M. Lehtinen vous a dit, bien sûr, que s'il fallait apporter des corrections
13 à la déclaration que vous étiez en train de lui donner, que vous aviez la
14 possibilité de le faire, n'est-ce pas ?
15 R. Je ne me souviens pas de cela. Il l'a peut-être dit, effectivement,
16 mais beaucoup de temps s'est écoulé depuis.
17 Q. Je vous comprends. Mais alors que vous lui accordiez cet entretien, il
18 vous a dit, n'est-ce pas, que puisque vous étiez en train de donner une
19 déclaration, que vous auriez la possibilité de relire vos propos, de relire
20 ce que vous lui aviez dit les 10 et 11 janvier; est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Vous étiez conscient du fait que, lorsque M. Lehtinen prenait cette
23 déclaration que vous lui donniez, que cette déclaration serait soit écrite
24 ou que vous recevriez un texte qui sortait d'un ordinateur et qui était un
25 texte qui reflétait vos propos ?
Page 1525
1 R. Oui.
2 Q. Il vous a parlé de l'importance de relire cette déclaration et il vous
3 a dit qu'il était important d'y apporter des corrections si vous en
4 ressentiez le besoin ?
5 R. Je ne m'en souviens pas.
6 Q. Vous vous souvenez qu'au cas où -- il vous a indiqué qu'au cas où vous
7 deviez revoir votre déclaration, il vous était loisible d'apporter des
8 modifications, que vous auriez la possibilité de le faire. Vous vous en
9 souvenez ?
10 R. Je ne me souviens pas qu'il me l'ait dit.
11 Q. Est-ce que vous vous souvenez si oui ou non il a déclaré, qu'après que
12 vous ayez pris connaissance de votre disposition, si vous estimiez qu'il
13 était nécessaire d'ajouter quoi que ce soit, à cause d'un oubli, vous
14 auriez la possibilité de le faire, que vous auriez la possibilité d'ajouter
15 des aspects, des choses à votre déclaration faite du 10 et 11 janvier ?
16 R. Je ne me souviens pas.
17 Q. La dernière question, par rapport à ce qu'il vous a proposé, est-ce que
18 vous vous souvenez qu'il vous a dit que, s'il y des informations qui
19 n'étaient pas exactes dans la déposition résultant d'un malentendu par
20 exemple, qu'il était possible pour vous également de supprimer -- de barrer
21 des informations, figurant dans cette déposition, que vous n'estimiez pas
22 être exactes ?
23 R. Non, je ne me souviens pas. Il l'a peut-être dit, mais je ne sais pas.
24 Q. Comme vous l'avez dit, cela fait déjà un certain temps.
25 R. Oui.
Page 1526
1 Q. Vos souvenirs, en ce qui concerne ces événements ne sont pas aussi bons
2 que cela, n'est-ce pas ?
3 R. Non.
4 Q. Lorsque vous dites "non," en fait, je parle de l'époque où vous avez vu
5 M. Lehtinen pour faire votre déposition.
6 R. Je me souviens de cette déclaration, mais je ne me souviens pas des
7 détails.
8 Q. D'accord. Est-ce que vous vous souvenez, qu'à la conclusion de votre
9 entrevue du 11 janvier avec M. Lehtinen, vous avez eu la possibilité de
10 relire votre déposition ? Vous vous souvenez avoir relu votre déclaration ?
11 R. Non.
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, je pense que
13 nous pouvons --
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons passer à huis clos
15 partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 1527
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page 1527 expurgée. Audience à huis clos partiel.
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 1528
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 [Audience publique]
4 M. GUY-SMITH : [interprétation]
5 Q. Depuis le 11 janvier 2003, est-ce que vous avez eu la possibilité de
6 revoir M. Lehtinen pour vous entretenir avec lui au sujet de votre
7 déposition ?
8 R. Non, je n'ai pas eu la possibilité d'entrer en contact avec lui.
9 Q. Est-ce qu'il vous a laissé une copie de votre déclaration lorsque vous
10 vous êtes séparés en janvier 2003 ?
11 R. Non.
12 Q. Lorsqu'il vous a quitté en janvier 2003, comme l'indique votre
13 signature et votre attestation de témoin, vous estimiez que l'information
14 contenue dans la déclaration faite à M. Lehtinen par vous correspondait à
15 la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Lors du reste de l'année 2003, est-ce que vous consultiez toujours
18 Kosovo.com ? Est-ce que vous naviguiez encore sur Internet pour consulter
19 ce site pour prendre connaissance des questions liées au Kosovo ?
20 R. Oui, de temps en temps.
21 Q. Lorsque vous dites "oui, de temps en temps," c'était avec la même
22 fréquence que nous avions dite auparavant, à savoir, deux, trois par
23 semaine ?
24 R. Peut-être pas aussi souvent.
25 Q. Une fois, deux fois par semaine ? Une ou deux fois par semaine ?
Page 1529
1 R. Oui.
2 Q. Au cours de cette période, c'est-à-dire, le reste de 2003, avez-vous
3 trouvé des informations que vous estimiez pertinentes, puisque vendredi
4 dernier, nous avions parlé d'informations que vous trouviez, et ensuite,
5 que vous commandiez avec vos amis et votre famille ? Avez-vous trouvé
6 d'autres informations de ce type ?
7 R. Il s'agissait surtout d'informations s'agissant sur des églises
8 incendiées. J'en parlais avec toute ma famille.
9 Q. Entre janvier et décembre 2003, c'est-à-dire, le reste de l'année, est-
10 ce que vous avez parlé avec votre famille des questions liées à l'UCK ?
11 R. Parfois.
12 Q. Est-ce que vous avez abordé des questions portant sur des soldats
13 albanais ?
14 R. Oui.
15 Q. Avec quelle fréquence ?
16 R. Une ou deux fois par semaine, peut-être pas aussi souvent.
17 Q. Vous en parliez avec votre famille, c'est-à-dire, votre frère, vous-
18 même, bien entendu, votre père ? Outre ces entretiens, aviez-vous des
19 conversations avec d'autres personnes ?
20 R. Non.
21 Q. Nous sommes à présent en 2004. Très rapidement, pour l'année 2004, en
22 ce qui concerne votre utilisation de l'ordinateur, j'imagine que vos
23 réponses concernant l'utilisation que vous avez faite de l'ordinateur
24 seraient à peu près les mêmes ? Vous étiez sur votre ordinateur une ou deux
25 fois par semaine; est-ce que c'est exact ?
Page 1530
1 R. Oui, sur Internet. J'utilisais mon ordinateur tous les jours.
2 Q. J'ai bien compris. Ma question porte sur les questions liées au Kosovo
3 et votre intérêt en ce qui concerne le Kosovo. Vous faisiez ce que vous
4 faisiez auparavant, c'est-à-dire, vous recherchiez des informations qui
5 vous intéressaient ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous avez consulté le site www.kosovo.com ? Nous en avons
8 parlé précédemment.
9 R. Oui.
10 Q. Quels sont les autres sites que vous avez consultés pour rechercher des
11 informations vous intéressant au sujet du Kosovo en 2004 ?
12 R. Surtout Novosti, B92 et les informations télévisuelles de Serbie.
13 Q. Entre janvier 2004 et juin 2004, au cours de ces six mois, est-ce que
14 vous vous souvenez avoir trouvé des informations que vous estimiez
15 pertinentes, et que vous avez commentées avec votre père ? Il s'agit à
16 nouveau ici de questions qui portent sur le Kosovo.
17 R. Non.
18 Q. Avec votre mère et avec votre frère, la même chose ?
19 R. Oui.
20 Q. Entre janvier 2004 et juin 2004, vous êtes-vous entretenu avec M.
21 Lehtinen au sujet de vos disponibilités pour vous rendre au procès ?
22 R. Non. Ils se sont entretenus avec ma mère. Ce n'est qu'à ce moment-là
23 qu'ils nous ont appelés.
24 Q. Lorsque vous dites qu'ils ont parlé à votre mère, ce que vous voulez
25 dire, c'est que votre mère a reçu un coup de téléphone d'un membre du
Page 1531
1 personnel du TPIY, ensuite, elle vous a appelé, n'est-ce pas ?
2 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi
3 d'interrompre. Ce n'est pas une objection, mais je voudrais demander à mon
4 collègue d'être prudent. Les points qui relèvent de la logistique du voyage
5 du témoin, jusqu'ici, n'ont rien à voir et n'ont pas leurs places dans ce
6 genre de contre-interrogatoire.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pour rassurer tout le monde, tant les Juges
8 que le conseil de l'Accusation, je n'ai aucun intérêt par rapport à ce
9 domaine.
10 Q. Vous vous souvenez de ma question ?
11 R. Oui.
12 Q. Après que M. Lehtinen se soit entretenu avec votre mère, vous avez
13 parlé personnellement avec M. Lehtinen au téléphone ?
14 R. Non, pas moi personnellement. Mon père.
15 Q. Toutes les communications entre M. Lehtinen et votre famille, toutes
16 les conversations qui se sont tenues, ont eu lieu avec soit votre père et
17 votre mère, les communications entre le personnel du TPIY et votre père et
18 votre mère. Je parle de la période qui va entre janvier et juin 2004.
19 R. Non. Avant cela, entre janvier et juin, nous ne leur avons pas parlé.
20 Plus tard, ils ont parlé à ma mère à Belgrade. C'était en septembre, je
21 pense.
22 Q. Lorsque vous avez entendu qu'il était possible, voire indispensable de
23 déposer dans cette affaire, je pense que vous avez repensé à la déclaration
24 que vous aviez faite à M. Lehtinen ?
25 R. Je ne pensais qu'aux événements.
Page 1532
1 Q. Vous étiez à l'aise par rapport à votre déclaration, n'est-ce pas, en
2 septembre 2004 ?
3 R. Oui.
4 Q. Corrigez-moi si je me trompe. Vous avez eu un bref contact avec M.
5 Lehtinen en octobre, n'est-ce pas ?
6 R. Moi-même ou mon père ?
7 Q. Je déduis de votre réponse que cela a dû être votre père et pas vous.
8 R. Oui.
9 Q. Peut-être ce qui s'est passé, c'est votre père qui avait des
10 conversations avec M. Lehtinen. Ensuite, il vous indiquait ce qui était
11 dit, ce à quoi on réfléchissait, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, parce que je ne suis jamais chez moi.
13 Q. Au mois de novembre, est-ce que vous avez eu des contacts avec M.
14 Lehtinen, ou bien est-ce que ces contacts se sont à nouveau faits par le
15 biais de votre père ?
16 R. Non, ce n'était pas moi. La seule conversation que j'ai eue, c'était
17 avec les instances compétentes du Tribunal.
18 Q. Je ne suis pas du tout intéressé par les informations au sujet de
19 l'endroit où vous allez vous rendre après avoir été ici. Ce que je voudrais
20 vous poser comme question, c'est la chose suivante : vous avez dit que vous
21 avez eu des contacts avec les instances du Tribunal, et vous avez abordé le
22 contenu de votre déposition dans ce prétoire avec elles, et ce, avant votre
23 arrivée, n'est-ce pas ?
24 R. Non, on ne nous a jamais posé de telles questions. On nous a simplement
25 dit qui nous interrogerait, d'être honnêtes et de dire la vérité.
Page 1533
1 Q. On ne vous a pas dit simplement d'être honnêtes, on vous a dit d'être
2 absolument honnêtes et de dire toute la vérité, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Cela ne vous a causé aucun problème puisque c'est l'attitude que vous
5 avez toujours adoptée depuis vos premiers entretiens avec tout le monde,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Avant votre comparution dans ce prétoire aujourd'hui, vous avez eu cinq
9 séances de récolement distinctes avec l'Accusation, n'est-ce pas ?
10 R. Plus ou moins, oui.
11 Q. Est-ce que je me suis trompé dans les chiffres ? Y en
12 a-t-il eu davantage ?
13 R. Non, je pense qu'il y en a eu moins.
14 Q. Lorsqu'on vous a récolé pour la première fois, vous souvenez-vous du
15 moment où l'on a procédé à votre premier récolement ?
16 R. Le lendemain de notre arrivée, ici.
17 Q. Je vais vous donner une date, un jour. C'était samedi au mois de
18 novembre le 27, n'est-ce pas ? Samedi 27 novembre, Est-ce que là cela vous
19 rafraîchit la mémoire ?
20 R. Oui.
21 Q. Lors de cette séance, est-ce que l'on vous a soumis un exemplaire de
22 votre déclaration à relire, une déclaration que vous aviez signée le 11
23 janvier 2003 ?
24 R. Oui.
25 Q. Lorsque l'on vous a donné cette déclaration, étiez-vous seul ou en
Page 1534
1 compagnie de votre père, comme c'était le cas par le passé ?
2 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Qu'est-ce que l'on entend ici
3 par comme cela a été le cas par le passé ?
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que vous pouvez poser cette
5 question sans cet ajout. Si vous ne voulez que cela fasse l'objet d'une
6 question séparée par la suite, vous pourrez la poser.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.
8 Q. Est-ce que vous avez ma question en tête ?
9 R. Oui.
10 Q. Au cours de la première séance de récolement, étiez-vous seul ?
11 R. Oui.
12 Q. Combien de temps cette séance a-t-elle duré, si vous vous en souvenez ?
13 R. Plus ou moins deux à trois heures.
14 Q. Votre deuxième séance de préparation de récolement, vous en souvenez-
15 vous ?
16 R. Oui, c'était le lendemain.
17 Q. Combien de temps cette séance a-t-elle duré ?
18 R. Approximativement deux heures.
19 Q. Au cours de cette séance, -- au cours de ces deux premières séances,
20 vous vous souvenez que vous parliez du moment où vous étiez à l'hôtel avec
21 M. Lehtinen, et que vous vous sentiez à l'aise. Est-ce que vous vous en
22 souvenez ?
23 R. La première journée, M. Lehtinen n'était pas à l'hôtel. Nous l'avons
24 rencontré qu'ici au Tribunal.
25 Q. Lorsque vous étiez ici au Tribunal pour votre première séance, vous
Page 1535
1 étiez à l'aise. Ce que j'entends par là, c'est que -- c'est vrai, on
2 reconnaît c'est une question -- un domaine qui est difficile pour vous,
3 mais il n'avait rien d'autre qui vous occasionne une tension particulière ?
4 R. Effectivement, c'est le cas.
5 Q. Vous avez bu un café, manger un peu, et vous avez pu avoir une
6 conversation avec ces messieurs ?
7 R. Oui.
8 Q. Ces personnes avec lesquelles vous vous êtes entretenu, en tout cas,
9 une partie d'entre elles, sont en face de moi, assises au banc de
10 l'Accusation. Vous pouvez tourner votre regard vers eux pour voir si vous
11 en reconnaissez quelques-uns ?
12 R. Oui.
13 Q. Lors de votre première séance de récolement, est-ce que vous avez
14 apporté des corrections quelles qu'elles soient à la première déclaration
15 que vous avez faite à M. Lehtinen ?
16 R. Oui, quelques détails.
17 Q. Quand vous dites quelques détails, est-ce que ces détails portent de
18 quelle façon que ce soit sur l'expérience dans les camps telle que vous
19 l'aviez décrite à M. Lehtinen ?
20 R. Oui.
21 Q. Sans que vous nous disiez pour le moment ce qu'étaient ces détails,
22 est-ce que vous pouvez vous souvenir combien de corrections mineures vous
23 avez apportées ?
24 R. Il s'agissait de termes tels que des choses quant à savoir si quelqu'un
25 portait un béret ou non. Je me suis peut-être trompé à l'une ou l'autre
Page 1536
1 reprise.
2 Q. Est-ce que la manière dont vous avez parlé avec la personne qui a
3 effectué la première séance de récolement avec vous, la manière dont vous
4 parliez avec cette personne, était-elle différente de la manière dont vous
5 parliez avec M. Lehtinen ?
6 R. Ils m'ont simplement demandé de donner lecture de ma déclaration, et de
7 les corriger si j'avais remarqué une erreur.
8 Q. Vous avez déjà eu l'occasion d'apporter des corrections précédemment,
9 n'est-ce pas ? C'était le 11 janvier. M. Lehtinen vous a donné la
10 possibilité de relire votre déclaration, n'est-ce pas ?
11 R. C'est vrai.
12 Q. C'est ce que vous avez fait ?
13 R. Je suppose que oui.
14 Q. Nous en avons déjà parlé. Nous savons que vous l'avez fait.
15 R. Très bien, je l'ai fait.
16 Q. A ce moment-là, c'était il y a à peu près 11 mois, vous n'avez éprouvé
17 le besoin d'apporter des corrections quelles qu'elles soient.
18 R. Non, je ne me suis pas posé la question.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur Guy-Smith.
20 Lorsque vous parlez de onze mois, ceci a attiré mon attention. Apparemment,
21 c'est erroné, n'est-ce pas ?
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous savez, si je suis avocat et non pas un
23 scientifique, c'est parce que mes calculs, ou plutôt mes additions sont
24 souvent peu correctes.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que cela fait plutôt deux
Page 1537
1 ans, plutôt deux ans qu'une année.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je pense que vous avez parfaitement
3 raison, Monsieur le Président. Mon grand-père se trouverait être très déçu
4 par moi, s'il savait que je venais de faire une telle erreur, parce que
5 c'est lui qui m'a enseigné les sciences naturelles. Je vous remercie de
6 m'avoir corrigé.
7 Q. Maintenant que nous avons entendu cette correction qui est quelque
8 chose d'important, donc pendant deux années, il n'y a eu aucune correction
9 apportée à votre déclaration. C'était un document précis pour autant que
10 vous vous souvenez. Il reflétait fidèlement les événements de 1998.
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez dit que pendant la première session de récolement, après
13 avoir lu votre déclaration, vous avez apporté quelques petites corrections
14 qui portaient sur des détails, par exemple, cela concernait des mots tels
15 que béret. Vous nous avez cité cet exemple. Pouvez-vous nous dire encore un
16 fois combien il y avait d'autres corrections mineures de ce type-là ?
17 Combien en avez-vous apporté pendant cette première session de récolement.
18 R. J'ai corrigé peut-être à trois ou quatre reprises, pas plus que cela.
19 Q. Après avoir apporté ces trois ou quatre corrections mineures pendant la
20 première séance de récolement, avez-vous dit, par la suite, à ces messieurs
21 avec qui vous étiez en train de vous entretenir, que tout le reste était
22 correct mis à part ces trois ou quatre détails ?
23 R. Oui.
24 Q. Après avoir eu cette occasion de relire votre déclaration par deux
25 reprises, vous étiez convaincu qu'il s'agissait d'un récit complet et
Page 1538
1 exact, et qui correspondait à votre mémoire, au souvenir que vous aviez des
2 événements, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Il n'avait pas lieu d'apporter des éléments supplémentaires ?
5 R. Non.
6 Q. Pendant cette deuxième séance de récolement que vous avez eue, je
7 suppose qu'à ce moment-là, vous avez parlé de la manière dont se
8 déroulerait votre déposition plutôt que des faits sur lesquels porterait
9 votre déposition, n'est-ce pas ?
10 R. C'est cela.
11 Q. Pendant cette deuxième séance de récolement, avez-vous parlé du
12 prétoire ? Avez-vous parlé des différents intervenants et des fonctions
13 qu'ils exercent dans le prétoire ?
14 R. Oui.
15 Q. Par la suite, vous avez eu plusieurs sessions de récolement avec M.
16 Nicholls, n'est-ce pas ?
17 R. Si.
18 Q. Puisque vous venez de regarder par là, je pense que vous reconnaissez
19 M. Nicholls, n'est-ce pas ? La première fois que vous avez eu l'occasion de
20 vous entretenir avec M. Nicholls, c'était quelques jours après votre
21 deuxième séance de récolement; est-ce exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Cela a pris combien de temps ?
24 R. Environ une heure et demie.
25 Q. Vous vous êtes revus le lendemain; c'est exact ?
Page 1539
1 R. Oui.
2 Q. Là encore, la session a duré combien de temps ?
3 R. Environ une heure.
4 Q. Vous l'avez revu une fois de plus par la suite, n'est-ce pas, le
5 lendemain ?
6 R. Oui.
7 Q. Cette session a durée combien de temps ?
8 R. Environ une heure, peut-être moins.
9 Q. Lors de chacune de ces questions qui ont eu lieu avec
10 M. Nicholls, vous avez parlé de votre déposition. Par là, je me réfère à la
11 déposition que vous alliez faire devant ce Tribunal; est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. A ce moment-là, vous n'abordiez plus les questions d'ordre général,
14 vous vous penchiez sur des questions très précises ?
15 R. Oui, on parlait des choses relatives à ma déclaration.
16 Q. Les questions précises qu'on vous posait, elles vous invitaient à
17 porter des réponses précises, n'est-ce pas ?
18 R. Si.
19 Q. Pendant ce temps où M. Nicholls vous posait des questions auxquelles
20 vous alliez répondre, vous n'avez pas éprouvé le besoin d'apporter des
21 corrections à votre déclaration, n'est-ce pas ?
22 R. Non.
23 Q. Je pense qu'on serait en droit de dire que pendant ces trois sessions
24 de récolement que vous avez eue avec M. Nicholls, vous n'avez pas apporté
25 de compléments à M. Nicholls eu égard à votre déclaration; est-ce exact ?
Page 1540
1 R. Je crois qu'il y en a eu un ou deux compléments.
2 Q. Aujourd'hui, vous déclarez que vous avez apporté un ou deux
3 compléments. Les termes que vous avez utilisés étaient : "Je pense que nous
4 avons apporté un ou deux compléments." Lesquels sont ces compléments que
5 vous avez élaborés de concert avec
6 M. Nicholls ?
7 R. Ce sont des choses dont je ne me suis pas rappelé pendant que je
8 faisais ma première déclaration. Il s'agissait d'erreurs d'ordre
9 secondaire.
10 Q. D'accord. Encore une fois, est-ce que ces erreurs d'ordre secondaire
11 sont différentes des erreurs qui, avant, étaient des erreurs d'ordre
12 secondaire que vous avez fait corriger plusieurs jours auparavant de la
13 même nature. Vous vous référez aux mots qui figuraient dans la déclaration;
14 c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. A ce moment-là, vous n'avez pas ajouté des éléments d'information dont
17 vous n'aviez pas parlé précédemment, n'est-ce pas ?
18 R. Uniquement pour ce qui est d'Internet.
19 Q. Cela s'est passé pendant laquelle des sessions, la première, la
20 deuxième, la troisième ? Laquelle des sessions de récolement avec M.
21 Nicholls ?
22 R. On a commencé pendant la deuxième, puis on a continué lorsque je suis
23 arrivé ici.
24 Q. C'était un processus, je dirais une évolution de la situation, n'est-ce
25 pas, entre la première et la troisième session de récolement ?
Page 1541
1 R. Oui.
2 Q. La première fois où vous vous êtes entretenu avec
3 M. Lehtinen, comme nous l'avons brièvement évoqué, vous lui avez dit, ou
4 plutôt nous avons parlé des sujets d'ordre général. Je voudrais maintenant
5 que vous nous précisiez un petit peu quels étaient ces sujets dont vous
6 avez parlé. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord pour dire qu'il
7 s'agissait bien de sujets dont vous avez parlé avec l'enquêteur M.
8 Lehtinen, donc les dix séances, janvier 2003.
9 R. Très bien.
10 Q. Nous avons mentionné les déplacements à bord de l'autocar, l'arrêt,
11 votre descente de l'autocar, l'attente, le transfert vers l'école, tout ce
12 qui s'est passé là-bas. Par la suite, vous avez parlé du transport vers
13 l'endroit où vous êtes resté finalement pendant quelques jours; c'est
14 exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Lorsque je dis l'endroit, en fait, vous vous étiez mis d'accord avec M.
17 Lehtinen pour appeler cet endroit un camp. C'était l'accord que vous avez
18 passé avec M. Lehtinen pendant l'entretien des 10 et 11 janvier; est-ce
19 exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous avez aussi parlé de ce qui s'est produit pendant que vous étiez à
22 cet endroit dont vous étiez convenus de l'appeler camp. Par là, j'entends
23 où vous vous êtes trouvé lorsque vous y êtes arrivé par la première fois.
24 R. Oui.
25 Q. Vous avez parlé de ce que vous avez vécu dans un endroit que vous avez
Page 1542
1 appelé sous-sol; est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. De votre départ de ce sous-sol puis votre retour, il me semble, à la
4 maison où vous êtes resté pendant quelques jours.
5 R. Oui.
6 Q. Il y avait l'enregistrement de la déclaration que vous aviez donnée
7 juste avant de votre départ; c'est exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Finalement, vous avez quitté définitivement cet endroit, l'endroit que
10 vous avez appelé un camp; est-ce exact ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que vous pensez que c'est une liste exacte des sujets que vous
13 avez abordés pendant votre entretien qui a duré pendant deux jours avec M.
14 Lehtinen ?
15 R. Oui.
16 Q. Je voudrais que l'on parle de ces endroits, d'accord ?
17 R. Oui.
18 Q. Pendant que vous étiez en train d'avancer à bord de cet autocar avant
19 qu'il ne soit arrêté, pour autant que vous vous en souveniez, avez-vous vu
20 des personnes qui, d'après vous, auraient pu être des soldats de l'UCK
21 pendant le trajet ? En avez-vous vu ?
22 R. Oui, j'en ai vu.
23 Q. Vous rappelez-vous leur nombre ?
24 R. Un seul.
25 Q. Lorsque vous dites un seul, là, lorsque vous le déclarez, vous le
Page 1543
1 déclarez en étant certain de votre réponse ? C'était juste un seul. C'est
2 celui dont vous avez parlé, me semble-t-il, vendredi dernier. Vous avez dit
3 que vous en avez vu qu'un ?
4 R. Oui.
5 Q. Avez-vous votre déclaration sous les yeux, Monsieur ?
6 R. Oui, je l'ai.
7 Q. C'est la page 3 que je vous invite à examiner.
8 C'est le troisième paragraphe, la toute dernière partie où vous dites :
9 "Après environ une heure." Le voyez-vous ?
10 R. Oui, je le vois.
11 Q. Ici, vous dites que vous en avez vu un certain nombre ?
12 R. Je n'en ai vu qu'un seul. Je ne sais pas combien en ont vu les
13 passagers.
14 Q. Monsieur, pour que ce soit tout à fait clair, je voudrais en être sûr.
15 Je veux être sûr que nous sommes sur la même longueur d'onde et que le
16 dialogue se fasse bien. Vous dites : "Après environ une heure de trajet
17 depuis l'endroit où s'était trouvé le policier, dans les buissons à côté du
18 chemin, nous avons vu des soldats." Lorsque vous dites, nous avons vu des
19 soldats, le "nous", cela signifie, vous et les autres ?
20 R. Oui.
21 Q. Lorsque vous avez parlé à l'enquêteur Lehtinen, ce sont bien les termes
22 que vous avez utilisés, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Ce n'est pas lui qui vous a forcé à le dire pendant qu'il tapait cela ?
25 R. Non.
Page 1544
1 Q. Il n'a pas essayé de glisser des mots dans votre bouche, n'est-ce pas ?
2 R. Non.
3 Q. Ce dont vous vous souvenez, peut-on dire que vous aviez plutôt peur
4 pendant cette période-là ?
5 R. Oui.
6 Q. Non. Je ne pense pas nécessairement à la première étape. Mais je veux
7 dire que c'était le cas au moment où l'autocar s'était arrêté. Vous étiez
8 effrayé, n'est-ce pas ? Je suis sûr que vous aviez peur.
9 R. Oui.
10 Q. Lorsque l'autocar était arrêté, vous aviez tellement peur à cause de ce
11 qui était en train de vous arriver, que vous ne vous intéressiez pas
12 vraiment à ce qui était en train de se passer, n'est-ce pas ?
13 R. C'est vrai.
14 Q. En fait, c'est ce que vous avez dit à M. Lehtinen, à savoir, qu'à ce
15 moment-là, vous aviez eu tellement peur que vous ne pouviez lui donner
16 aucun détail au sujet des événements; est-ce exact ?
17 R. Oui.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas
19 exactement à quel moment on prend la pause.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'allais vous annoncer une pause dans
21 cinq minutes à partir de maintenant.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Dans cinq minutes, parfaitement.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation]
25 Q. Lorsque le bus s'est arrêté, et vous êtes descendus de ce bus, et vous
Page 1545
1 ne vous souveniez pas de détails, en fait, l'une des dernières choses dont
2 vous vous souveniez - et je pense que cela a dû être pénible pour vous -
3 c'était que votre mère était en train de pleurer dans le bus; est-ce
4 exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Ici, vous nous avez dit que vous avez vu des soldats pointant un fusil
7 sur votre mère, en fait, le dos de votre mère. Vous en souvenez-vous ?
8 R. Oui, c'est ce qu'ils ont fait.
9 Q. De toute évidence, c'est un événement de grande importance pour vous,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que vous vous souvenez du fait que, lorsque vous avez parlé à M.
13 Lehtinen, vous n'avez absolument pas mentionné cela ?
14 R. Je ne me souviens pas si j'ai mentionné cela à quelqu'un ou non.
15 Q. S'il vous plaît, je vous invite à examiner votre déclaration.
16 Maintenant, je vous réfère à la page 4, et la référence en haut de la page
17 est U0032179. Dans le premier paragraphe, ou plutôt vous dites : "Je me
18 souviens d'avoir entendu ma mère pleurer dans le bus, et les soldats
19 étaient en train de se disputer au sujet de quelque chose avec le
20 chauffeur. Puis, j'ai entendu le bus repartir."
21 R. Oui.
22 Q. Ma question est la suivante : vous n'avez pas parlé de cela, à M.
23 Lehtinen, n'est-ce pas ?
24 R. C'est vrai.
25 Q. C'est quelque chose dont vous n'avez pas parlé à M. Nicholls non plus,
Page 1546
1 n'est-ce pas ?
2 R. Non, je n'en ai pas parlé.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez que vous nous avez dit que le chauffeur
4 était descendu du bus ? Vous vous rappelez avoir dit cela ? M. GUY-SMITH :
5 [interprétation] Je réfère la Chambre et les conseils à la page du compte
6 rendu d'audience qui correspond à jeudi, l'audience de jeudi, page 72.
7 Q. Je pense que, pour ce qui est de l'ensemble de cet incident --
8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Page 72, ligne 23.
9 Q. Lorsqu'on vous a demandé : "Après avoir reçu l'ordre de descendre du
10 bus, que s'est-il passé ?"
11 Vous avez répondu : "Le chauffeur est remonté à bord du bus parce
12 qu'il était descendu après nous, et puis, ils sont repartis."
13 Ce n'est pas une information que vous avez donnée à M. Lehtinen,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Qu'entendez vous par là ?
16 Q. Que vous avez vu le chauffeur descendre du bus.
17 R. Oui, il est descendu du bus. Il a parlé ensemble avec nous. Il leur a
18 parlé, et puis, il est remonté dans le bus.
19 Q. Je comprends tout à fait ce que vous êtes en train de nous dire
20 maintenant, et ce que vous nous avez dit l'autre jour, mais je vous ai
21 demandé autre chose : les 10 et 11 janvier, vous n'avez pas raconté cela à
22 M. Lehtinen, n'est-ce pas ? Vous ne lui avez pas relaté ce détail en
23 particulier ?
24 R. J'ai dû l'oublier.
25 Q. Très bien. Lorsque vous êtes allé à la session de récolement et vous
Page 1547
1 avez eu la possibilité de revoir votre déclaration, et lorsque vous avez
2 apporté quelques corrections d'ordre secondaire, comme vous nous l'avez
3 dit, vous ne l'avez mentionné à personne, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne pensais pas que c'était un détail important. Je ne me suis pas
5 posé la question. Je n'y ai pas pensé.
6 Q. Je vois.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce un bon moment, Monsieur Guy-
8 Smith ?
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, c'est un bon moment.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.
12 --- L'audience est reprise à 16 heures 05.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith, la prochaine pause
14 aura lieu vers 17 heures 35.
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous n'aurez peut-être pas besoin
17 de tant de temps.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, j'espère pouvoir
19 accélérer le pas.
20 M. MANSFIELD : [interprétation] Ou c'est peut-être moi qui le fera.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est le danger d'avoir des collègues assis
22 si proches.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les amis sont toujours très
24 importants.
25 M. GUY-SMITH : [interprétation]
Page 1548
1 Q. Lorsque vous vous êtes entretenu avec M. Lehtinen, vous souvenez-vous
2 de lui avoir raconté que vous vous étiez parlé, vous et votre père, alors
3 que vous attendiez que le Golf revienne ?
4 R. Oui. Je crois que oui.
5 Q. Vous souvenez-vous d'avoir dit à M. Lehtinen que cette conversation-là
6 a eu lieu en une langue et non pas dans deux langues différentes ? Par là,
7 je veux dire que vous avez dit à M. Lehtinen que votre père a parlé avec
8 quelqu'un en slovène, qui était une langue que vous ne compreniez pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous nous avez dit que votre père a parlé deux langues, en fait, qu'il
11 s'est entretenu avec cette personne en serbe et en slovène; est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Mais serait-il exact de dire que c'est le genre de détail pour lequel
14 vous nous avez dit que ce sont des détails qui ne sont pas très importants
15 et que c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas mentionné cela
16 auparavant ?
17 R. C'est tout à fait possible.
18 Q. Et lorsque vous dites que "c'est tout à fait possible," encore une
19 fois, vous avez eu la possibilité de relire la déclaration que vous avez
20 donnée à M. Lehtinen, n'est-ce pas ?
21 M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais savoir où se trouve cette
22 référence à laquelle fait allusion mon éminent confrère.
23 M. GUY-SMITH : [interprétation] A la page 4.
24 M. NICHOLLS : [interprétation] Où peut-on lire qu'il parlait une seule
25 langue ?
Page 1549
1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Le quatrième paragraphe dit, et je cite :
2 "Je me souviens que mon père s'est entretenu avec un soldat en slovène,
3 langue que je ne comprenais pas."
4 M. NICHOLLS : [interprétation] Bon, très bien. Je vois le passage auquel
5 faisait référence mon éminent confrère. Je vous remercie. Vous ne faites
6 référence qu'à ce point-là. Très bien, merci.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation]
8 Q. Encore une fois, voici un exemple parfait de l'information que vous
9 n'avez pas nécessairement ajoutée lorsque vous étiez -- lorsque vous
10 faisiez récoler lors de la séance de récolement, n'est-ce pas ? C'est le
11 genre de détail que vous avez omis de dire.
12 R. Oui.
13 Q. Et la raison pour laquelle vous avez fait cela, pour être tout à fait
14 limpide, c'est que vous vous êtes dit qu'il ne s'agissait pas d'un détail
15 important; est-ce exact ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Très bien. Vous souvenez-vous d'avoir dit, lors de votre déposition un
18 peu plus tôt que -- lorsque vous avez dit avoir vu M. Genov se faire passer
19 à tabac à coups de crosse de fusils automatiques, avec des objets pointus,
20 et se faisant frappé par tout ce qui se trouvait à la portée de la main des
21 auteurs de ces coups, c'était où ?
22 R. C'était à l'école.
23 Q. C'était à l'école ?
24 R. Oui, pour la première fois que je l'ai vu, oui.
25 Q. Mais encore une fois, ce n'est pas le genre d'information que vous avez
Page 1550
1 fourni à M. Lehtinen en janvier 2003, n'est-ce pas ? Vous ne lui avez pas
2 donné ce détail, n'est-ce pas ?
3 R. Je ne me souviens pas. Mais oui, je crois que vous avez raison.
4 Q. Bien, d'accord. Vous avez votre déclaration sous les yeux, n'est-ce
5 pas, Monsieur ?
6 R. Oui, effectivement, j'ai ma déclaration.
7 Q. Prenez, je vous prie, la page 5 de votre déclaration. Dans le premier
8 paragraphe de cette déclaration, vous parlez du passage à tabac de Genov,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Et dans ce paragraphe, vous ne dites pas qu'il se faisait frappé de la
12 façon dont vous nous avez décrit, la façon dont il se faisait frapper ?
13 R. Non. J'ai simplement dit qu'on lui frappait, mais je n'avais pas décrit
14 comment on le frappait.
15 Q. Oui, je comprends. Mais, encore une fois, ma question était quelque peu
16 différente. Encore une fois, c'est un détail. C'est une information que
17 vous avez -- qui n'a pas fait l'objet de discussion avec qui que ce soit;
18 est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Ce détail-là, ainsi que les autres détails que vous avez omis de dire,
21 c'est que, selon vous, vous donniez, à différents membres du TPIY, des
22 informations, mais des informations différentes, et que les informations
23 pour lesquelles vous estimiez qu'elles n'étaient pas importantes, vous ne
24 leur disiez pas ces choses-là.
25 R. Pour moi, je n'ai pas dit ce genre de choses-là, car à l'instant même -
Page 1551
1 - au moment où je donnais l'information, il me semblait que ce n'était pas
2 important.
3 Q. Lorsque vous parlez du moment en question, j'imagine que, pendant que
4 vous parliez avec M. Lehtinen, vous n'aviez pas pensé à la façon dont Genov
5 se faisait frapper.
6 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais faire
7 une objection quant au caractère vague de la façon dont on pose ce genre de
8 questions. Je crois qu'il s'agit de la chose suivante : je crois que mon
9 éminent confrère sort les propos hors contexte. Il faudrait peut-être lire
10 le passage complet au témoin.
11 M. GUY-SMITH : [interprétation] En fait, je peux simplement vous faire une
12 lecture complète de cette déclaration -- ce à quoi je veux en venir, c'est
13 que je voulais simplement démontrer que le témoin est en train de nous
14 donner des détails qui ne figurent pas du tout dans les déclarations qu'il
15 a faites précédemment.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que nous avons très bien
17 saisi votre idée.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien donc je vais passer à autre
19 chose.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai également un ardent désir de passer à
22 autre chose.
23 Q. Vous souvenez-vous d'avoir rencontré M. Lehtinen et qu'il vous a
24 montré une série de photographies ?
25 R. Oui.
Page 1552
1 Q. Il vous a montré toute une série de photographies pour lesquelles vous
2 estimiez qu'ils se trouvaient dans la cave alors que vous vous y trouviez
3 également ?
4 R. Oui.
5 Q. L'une de ces personnes, vous nous avez dit ici que c'était un homme qui
6 s'était fait tirer une balle dans la jambe; est-ce que c'est exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Mais vous n'avez pas dit cela à M. Lehtinen, n'est-ce pas ?
9 R. Je ne m'en souviens pas. Non.
10 Q. C'est encore une fois un détail mineur selon vous, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Maintenant, concernant votre identification des personnes que vous avez
13 vues dans le camp. Vous avez dit être sûr à 100 % d'avoir reconnu un très
14 grand nombre de personnes que vous avez vues; est-ce exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Lorsque vous dites être sûr à 100 %, vous ne laissez aucune place à
17 quelque doute que ce soit ?
18 R. Non, j'étais seulement certain pour ce qui est d'une personne qui se
19 trouvait sur place.
20 Q. Oui, mais lorsque vous avez parlé avec M. Lehtinen, vous lui avez dit,
21 en ce qui concerne les photos qu'il vous a montrées, que vous étiez
22 absolument sûr à 100 % que l'homme qui se trouvait là-bas était Genov,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Si vous parlez des détenus, je suis tout à fait certain qu'ils se
25 trouvaient là-bas.
Page 1553
1 Q. Très bien. Ce que je veux dire, c'est que concernant l'identification
2 que vous avez faite, vous n'avez absolument aucun doute dans votre esprit
3 que vous ne vous êtes pas trompé, que c'est bien ces personnes-là, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Oui, c'est exact. Je peux les identifier.
6 Q. L'information que vous nous donnez aujourd'hui ici au Tribunal
7 concernant ces personnes, information que vous n'avez jamais dit à personne
8 auparavant, ce sont des informations que vous aviez décidées de ne pas
9 donner lors des entretiens précédents, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne veux pas faire
12 d'objection formelle, mais je crois est-ce que c'est un peu absurde de
13 continuer à poser ce genre de questions ? Nous avons le témoignage du
14 témoin. Il s'agit de 120 pages de compte rendu d'audience. C'est le témoin
15 qui nous parle dans ces 120 pages. Il répond aux questions, et c'est lui
16 nous parle de ce qu'il a vécu. Pour ce qui est des déclarations, il s'agit
17 de 11 pages, je crois, qu'il est absolument inutile de continuer de poser
18 ce genre de questions et de prétendre que le témoin n'a pas donné tous les
19 détails au cours d'un témoignage qui a duré deux jours. L'on ne peut
20 certainement pas comparer toutes ces heures de déposition devant le
21 Tribunal avec une déclaration de 11 pages.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Nicholls.
23 C'est une très bonne observation. Vous pouvez certainement faire valoir ce
24 point à une étape ultérieure de la procédure. Je crois que Me Guy-Smith a
25 bien saisi ce que vous avez dit également.
Page 1554
1 M. GUY-SMITH : [interprétation]
2 Q. Lorsque vous avez parlé avec M. Lehtinen, vous lui avez dit que vous ne
3 pouviez pas vous rappeler de plusieurs détails concernant votre temps passé
4 dans le sous-sol; est-ce que c'est exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous vous souvenez tout du moins que vous aviez peur et que c'était un
7 lieu horrible où vous vous trouviez ?
8 R. Oui, c'est exact.
9 Q. Ici, vous avez dit aux Juges de la Chambre que vous avez joué aux
10 échecs avec Shala ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez passé au moins une heure à jouer aux échecs avec Shala ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Est-ce que cette personne, c'était la seule personne des 50 ou 60
15 soldats que vous avez vus dans le camp, dont le surnom que vous connaissiez
16 ou vous aviez entendu le surnom ?
17 R. Ce surnom-là, je l'ai gardé dans ma mémoire.
18 Q. Vous n'avez jamais entendu le surnom de Murrizi ?
19 R. Non, je ne me souviens pas.
20 Q. La personne qui, selon vous, était avec Shala et qui venait dans le
21 sous-sol pour vous donner ou vous apporter de la nourriture, est-ce que
22 vous pourriez nous décrire cette personne autrement qu'il s'agissait d'une
23 personne jeune ?
24 R. Oui, c'est tout ce que je peux me souvenir à ce moment-ci.
25 Q. Lorsque vous étiez dans la pièce à l'étage et que vous jouiez aux
Page 1555
1 échecs avec Shala, il s'agit d'un moment assez important, un moment
2 marquant de votre vie, n'est-ce pas ?
3 R. Qu'est-ce que vous voulez dire un moment marquant de ma vie ? Je ne
4 comprends pas.
5 Q. Lorsque vous êtes sorti du sous-sol vous croyez qu'on allait vous tuer,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Ensuite, vous vous êtes trouvé à l'étage en train de manger, de boire,
9 vous jouiez aux échecs.
10 R. Oui, c'est exact.
11 Q. Ce sont des événements que vous ne pourrez jamais oubliés, n'est-ce
12 pas ? Ce sont des événements mémorables puisque ces événements vous
13 disaient à l'époque, vous faisait comprendre à l'époque que vous n'alliez
14 pas vous faire tuer ?
15 R. Oui.
16 Q. Il s'agit de détails importants, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Vous n'avez pas dit à M. Lehtinen que vous aviez joué aux échecs avec
19 Shala, n'est-ce pas ?
20 R. Je crois que non. Si dans la déclaration cela ne figure pas, c'est
21 parce que je ne l'ai pas dit. Mais je ne m'en souviens plus.
22 Q. Vous avez deux choses, et je veux être tout à fait sûr d'avoir bien
23 compris. Vous dites que vous n'êtes pas sûr si vous l'avez dit. Je vous
24 propose de lire -- de prendre la page 8 de votre déclaration et d'en lire
25 le contenu. Pour être plus précis, c'est dans le troisième paragraphe, vers
Page 1556
1 le milieu du paragraphe. Vous dites : "Ensuite, un jour." Cela commence par
2 ces mots-là.
3 Est-ce que vous avez trouvé ce passage ?
4 R. A la page 7.
5 Q. Je ne suis pas tout à fait certain que la version que vous êtes en
6 train d'examiner soit la bonne version.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que le témoin est en train de
8 consulter la version en B/C/S ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
10 M. GUY-SMITH : [interprétation]
11 Q. Dans cette version-là, à la page 7, alors comme vous dites. Vous dites
12 : "Ensuite, un jour," c'est comme cela que cela commence. Vous ne parlez
13 pas de ce jeu d'échecs, n'est-ce pas ?
14 R. Non.
15 Q. Vous ne parlez pas dans cette déclaration du fait d'avoir passé une
16 heure avec Shala, d'avoir passé une heure avec lui, face à face.
17 R. Non.
18 Q. Effectivement, lorsque vous dites dans votre déclaration, encore une
19 fois, je vous demanderais de bien vouloir consulter votre déclaration. Ce
20 qui figure dans votre déclaration est bien différent de ce que vous nous
21 avez dit ici dans cette salle d'audience. En disant cela, je veux dire que
22 lorsqu'on vous a fait sortir du sous-sol, vous avez demandé si votre père
23 pouvait vous suivre. A ce moment-là, vous dites qu'on vous a répondu que
24 oui.
25 R. On ne m'a pas posé la question immédiatement.
Page 1557
1 Q. Pendant que vous lisiez votre déclaration, lorsque l'on vous a donné la
2 possibilité de relire votre déclaration et d'y apporter des corrections
3 soit en la présence de M. Lehtinen ou lorsque vous vous êtes trouvé avec M.
4 Nicholls, vous avez choisi de ne pas apporter de correction à votre
5 déclaration pour ce qui est de ce détail très important, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous souvenez-vous d'avoir passé un certain temps, après que l'on vous
8 ait fait sortir du sous-sol, d'avoir passé un certain temps avec un
9 Albanais, et qu'il vous ait dit qu'il se cachait car les Serbes lui avaient
10 tué ses moutons ?
11 R. Non, je n'avais pas de discussion avec lui. Ce n'est que plus tard
12 qu'ils nous ont dit qu'il se cachait à cet endroit et la raison pour
13 laquelle il s'y cachait.
14 Q. C'était un détail mineur, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. C'est la raison pour laquelle vous n'en avez pas parlé à qui que se
17 soit avant de venir témoigner devant cette Chambre de première instance ?
18 R. Oui, c'est exact.
19 Q. Lorsque vous avez parlé avec M. Lehtinen, vous lui avez donné une
20 description de cet homme qui s'appelait Shala, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Lorsque vous avez déposé devant ce Tribunal, vous nous avez donné une
23 description assez semblable de celle que vous avez donnée dans votre
24 déclaration, mais vous avez omis de dire une chose. Vous avez dit à M.
25 Lehtinen que Shala était un homme "très fort".
Page 1558
1 R. Je ne sais pas à quoi vous voulez en venir. Il était plus fort que moi.
2 Il était plus gros que moi.
3 Q. Vous dites que vous n'avez pas compris ce que je voulais dire lorsque
4 j'ai dit que c'était un homme qui était assez costaud ?
5 R. Non, je comprends ce que vous avez dit, mais je ne vois pas quelle est
6 la différence entre ce que j'ai déclaré dans ma déclaration et ce que j'ai
7 dit il y a quelques jours ici.
8 Q. Lorsque vous avez témoigné vendredi dernier, vous n'avez jamais
9 mentionné qu'il s'agissait d'un homme qui était assez costaud ?
10 R. Non.
11 Q. Alors que dans la déclaration que vous avez faite à
12 M. Lehtinen, vous avez dit que cette personne qui s'appelait Shala, était
13 une personne qui était assez costaude; est-ce que c'est exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Un homme costaud, selon vous, est quelqu'un qui est assez râblé ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Cet homme que vous avez appelé Shala, avec qui vous avez eu tous ces
18 échanges, était un homme assez fort, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Un homme en santé ?
21 R. Fort probablement que oui.
22 Q. Avant de vous rendre dans le prétoire, enfin, plus exactement avant de
23 vous rendre au Tribunal pour y déposer, on vous a dit que ceux dont
24 l'Accusation pensait qu'ils étaient les responsables, étaient passés en
25 jugement. C'est ce que l'on vous a dit, n'est-ce pas ?
Page 1559
1 R. Oui.
2 Q. Lorsque M. Lehtinen vous a montré des photos, des photos sur lesquelles
3 on vous a demandé de reconnaître des personnes en plus de ceux que vous
4 avez appelé prisonniers, M. Lehtinen vous a demandé si vous avez reconnu
5 certains des auteurs ?
6 R. Oui.
7 Q. Il ne s'est pas borné à vous montrer une série de photos et vous dire,
8 reconnaissez-vous quelqu'un sur ces photos ?
9 R. Non. Il m'a demandé si je reconnaissais quelqu'un sur ces photos. Il y
10 avait huit photos au total.
11 Q. Ma question est plus spécifique. Il s'agit de la formulation de la
12 question lorsqu'il vous a demandé de procéder à ces identifications ? Vous
13 a-t-il demandé : Avez-vous reconnu des auteurs ? Il vous a guidé de manière
14 à ce que vous identifiiez quelqu'un qui, à ses yeux, étaient responsables,
15 n'est-ce pas ?
16 M. GUY-SMITH : [interprétation] S'il peut, il peut répondre, Monsieur le
17 Président.
18 M. NICHOLLS : [interprétation] En fait, je peux vous dire maintenant que
19 personne ne sait, personne ne peut savoir ce qu'il y avait dans la tête de
20 M. Lehtinen. Il a répondu à la question. La question lui a été posée. La
21 question est : "On vous a demandé de reconnaître des gens autres que ceux
22 que vous avez appelé prisonniers." M. Lehtinen vous a demandé si vous
23 reconnaissiez les auteurs." La réponse était : "Oui".
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je continue, Monsieur le Président ?
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est la fin de votre question qui
Page 1560
1 pose un problème. Vous pouvez continuer.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne demande pas s'il est psychologue; je
3 lui demande tout simplement s'il a une idée à ce sujet, et je vous demande
4 si je peux continuer, Monsieur le Président ?
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Guy-
6 Smith.
7 M. GUY-SMITH : [interprétation]
8 Q. Lorsque l'on vous a montré ces photos de personnes dont M. Lehtinen
9 disait qu'elles représentaient des auteurs, en l'occurrence, est-ce que
10 vous vous souvenez de la manière dont on vous a montré ces photos. Par là,
11 ce que je veux dire, c'est, est-ce que chacune de ces photos vous a été
12 remise individuellement.
13 R. Il y avait huit photos sur une seule page.
14 Q. Est-ce que chaque page vous était remise individuellement ?
15 R. Oui.
16 Q. Lorsque vous avez posé les yeux sur ces pages, qu'avez-vous fait ?
17 Avez-vous comparé toutes les photos sur la page avant de reconnaître de ne
18 pas reconnaître les personnes y figurant ?
19 R. J'ai immédiatement pointé du doigt les personnes que je reconnaissais,
20 sans réfléchir.
21 Q. Est-ce que vous avez regardé les autres photos également, à ce moment-
22 là ?
23 R. J'ai simplement pointé du doigt les personnes que je reconnaissais, et
24 j'ai également regardé les autres photos.
25 Q. Avant de pointer du doigt les photos des personnes que vous
Page 1561
1 reconnaissiez, vous avez regardé les autres photos, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Je vous remercie.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Guy-Smith.
5 Monsieur Mansfield.
6 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Contre-interrogatoire par M. Mansfield :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je voudrais vous poser
9 quelques questions au sujet de la photo que vous avez pu reconnaître à
10 partir d'un site Internet. Est-ce que vous me comprenez ?
11 R. Oui.
12 Q. Etes-vous sûr d'avoir vu cette photo pour la première fois sur un site
13 Internet en 1999 ?
14 R. Non. Cette colonne de soldats était montrée chaque jour dans les
15 nouvelles après notre libération.
16 Q. D'accord. Nous allons procéder lentement. Après votre libération en
17 1998, vous avez vu cette photo à la télévision avant votre départ du
18 Kosovo. C'est cela que vous voulez dire ?
19 R. Dès notre libération, le jour même, nous avons quitté le Kosovo. Mais
20 deux ou trois jours plus tard, une photo a été diffusée dans les
21 informations représentant les troupes.
22 Q. Avez-vous reçu cette photo à l'endroit où vous viviez alors ?
23 R. Oui. Elle a été diffusée à la télévision.
24 Q. Vous voyez, je pense que vous l'avez dit, cette photo chaque jour dans
25 les informations en 1998 et lors d'une partie également de 1999, n'est-ce
Page 1562
1 pas ?
2 R. Non, seulement après un mois après notre libération. Ensuite, plus
3 tard, je l'ai revue sur Internet.
4 Q. Vous l'avez revue pendant un mois en 1998 peu après votre libération,
5 et ensuite, vous l'avez revue sur Internet ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous avez répondu oui à cela.
8 Nous sommes occupés à la première étape de ceci. Est-ce que vous avez
9 parlé à votre père de cette photo que vous aviez vue dans les nouvelles ?
10 R. Oui.
11 Q. En êtes-vous sûr ?
12 R. Nous étions ensemble lorsque la photo a été diffusée dans les
13 informations.
14 Q. Vous savez que votre père a déjà déposé, n'est-ce pas ?
15 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que nous
16 l'avons déjà dit, mais j'ai des fortes objections à ce que l'on utilise des
17 dépositions pour le contre-interrogatoire de témoins.
18 M. MANSFIELD : [interprétation] Je voudrais que Me Nicholls soit plus
19 patient, car je n'avais rien à ce stade.
20 M. NICHOLLS : [interprétation] D'accord. Nous avons suivi cette manière de
21 procéder par le passé, et je voulais tout simplement prévenir le conseil
22 d'être prudent.
23 M. MANSFIELD : [interprétation] Non, avec moi, vous ne l'aviez pas dit.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Nicholls.
25 Vous pouvez continuer Maître Mansfield.
Page 1563
1 M. MANSFIELD : [interprétation]
2 Q. Vous savez que votre père a déposé devant ce Tribunal ?
3 R. Oui.
4 Q. Selon vous, votre père a vu cette photo à la télévision. Comment a-t-il
5 réagi lorsque vous avez ensemble vu cette photo à la télévision ?
6 R. Il m'a demandé si je reconnaissais cette personne, si je me souvenais
7 de cette personne.
8 Q. Qu'avez-vous répondu ?
9 R. Je ne m'en souviens pas.
10 Q. Bien entendu, vous vous en souvenez. Qu'a-t-il dit ?
11 R. Rien de très important.
12 Q. Il a reconnu, lui, la photo à la télévision ?
13 R. Oui.
14 Q. C'est lui qui l'a reconnu. Il aurait pu être en mesure lorsqu'il était
15 interrogé par des enquêteurs de dire qu'il avait déjà vu cet homme à la
16 télévision, n'est-ce pas ?
17 R. Je ne sais pas s'il l'a dit ou non puisque je n'étais pas présent.
18 Q. Tel n'était pas le sens de ma question. Selon vous, est-ce qu'il était
19 en mesure de dire aux enquêteurs qu'il reconnaissait cet homme qu'il avait
20 vu à la télévision, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Deuxième étape. Cette même photo apparaît par la suite, selon vos
23 dires, sur un site Internet en 1999. En êtes-vous sûr ?
24 R. Je l'ai trouvée en 1999. Je ne sais pas depuis combien de temps elle
25 avait été publiée sur Internet.
Page 1564
1 Q. Comment se fait-il que vous vous souveniez que ce soit en 1999 ? Ou
2 bien que ce n'était pas en 2000 ou 2001 ? Comment vous souvenez-vous que
3 c'est en 1989 que vous l'aviez vue sur Internet ?
4 R. C'est à ce moment-là que j'ai acheté un ordinateur pour l'école, et
5 c'est à ce moment-là, que j'ai commencé à naviguer fréquemment sur
6 Internet.
7 Q. Je vais résumer. Voici ce que vous avez dit jusqu'à présent. Entre
8 l'automne 1999, lorsque vous avez acheté un ordinateur, et janvier 2003,
9 lorsque vous avez été entendu pour la première fois dans le cadre de cette
10 affaire par les enquêteurs, vous avez visité ce site Internet à peu près
11 deux fois par semaine. Est-ce qu'on peut dire cela ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous êtes d'accord pour dire qu'au total vous avez visité ce site au
14 moins 300 fois, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, je suis d'accord avec vous.
16 Q. Lors de vos visites de ce site, vous voyez souvent cette photo sur le
17 site Internet, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Avez-vous dit cela à votre père que vous aviez vu cette photo vue à la
20 télévision sur un site Internet ?
21 R. Peut-être, je ne m'en souviens pas.
22 Q. Je voudrais passer à la troisième étape, janvier 2003, lorsque vous
23 avez rencontré les enquêteurs. Vous avez déjà dit cet après-midi que
24 l'enquêteur voulait autant de détails que vous pouviez donner et relater de
25 la manière la plus précise possible, n'est-ce pas ?
Page 1565
1 R. Il m'a posé des questions au sujet des détails dont je me souvenais,
2 mais également, m'a demandé d'être le plus précis possible.
3 Q. A ce moment-là, vous avez fourni une description de l'homme dont vous
4 avez dit qu'il était le commandant, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, je pense.
6 Q. Nous avons votre déclaration. Je ne vais pas m'y attarder davantage. Il
7 est accepté que dans cette déclaration, à la page 6 de cette déclaration,
8 vous avez fourni une description. Vous pouvez en prendre connaissance vous-
9 même. Page 6, en bas de page, début de la page 7 ou 00032181. Deuxième
10 paragraphe, commençant par la fin.
11 Je vais relire pour que --
12 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi. Il ne lit pas la même langue
13 que vous, donc la page ne sera pas la même.
14 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je comprends. Je vous remercie. Je
15 n'ai pas la déclaration dans sa langue originale.
16 Q. Est-ce que vous pouvez retrouver le paragraphe dans la langue originale
17 où vous disiez : "Je n'ai pas fait attention aux soldats du camp, à
18 l'exception de quelques-uns dont je me souviens, dont l'un était clairement
19 le commandant du camp."
20 M. NICHOLLS : [interprétation] Pour vous aider, c'est en bas de page 5 dans
21 la version B/C/S.
22 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vous remercie. On vient de me le dire
23 également.
24 Q. Effectivement, c'est en bas de la page 5 dans la version B/C/S, au bas
25 de la page 5 en serbe. Vous l'avez ?
Page 1566
1 R. Oui.
2 Q. Auriez-vous l'amabilité de nous dire pourquoi on n'avait pas dit à
3 l'enquêteur que cette exception dont vous vous souveniez, le commandant,
4 était quelqu'un que vous aviez vu probablement à plusieurs centaines de
5 reprises à la télévision ou sur Internet ?
6 R. Je ne sais pas pourquoi je n'en ai pas parlé.
7 Q. Lorsque vous avez été interrogé par l'enquêteur, vous a-t-il montré une
8 photo de la personne que vous pensiez être le commandant de l'endroit où
9 vous étiez détenu ?
10 R. Non. Il s'est limité à me montrer des photos.
11 Q. Cela veut dire qu'on ne vous a pas montré de photo de la personne dont
12 vous dites qu'elle était le commandant ? Je dis cela pour que tout soit
13 clair.
14 R. Oui, ou plutôt non. Il ne me les a pas montrées.
15 Q. Je voudrais avancer et passer à l'étape suivante qui est le reste de
16 2003 et une partie de 2004. Vous avez -- excusez ma voix, j'ai un rhume --
17 vous avez fait votre déclaration en janvier 2003, est-ce que par la suite
18 vous vous êtes rendu compte que certaines personnes ont été arrêtées dans
19 le cadre de l'affaire pour laquelle vous aviez fait cette déclaration ?
20 R. Pourriez vous répéter cette question ?
21 Q. Après votre déclaration en janvier 2003, avez-vous appris que des
22 personnes avaient été arrêtées dans le cadre de l'affaire sur laquelle
23 votre déclaration portait ?
24 R. Non. Nous ne l'avons pas su jusqu'à notre arrivée ici.
25 Q. Une question supplémentaire. Avant votre arrivée ici, avez-vous vu, lu,
Page 1567
1 ou entendu quoi que ce soit au sujet de l'ouverture de ce procès à La
2 Haye ?
3 R. Nous avons entendu qu'il y avait un procès, mais nous ne savions pas
4 s'il nous concernait. Nous avions une idée très générale de la chose.
5 Q. Vous aviez l'habitude d'utiliser régulièrement votre ordinateur et de
6 consulter quotidiennement des nouvelles au sujet du Kosovo, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Cela vous aurait intéressé de savoir quand le procès commencerait et ce
9 qui se disait au sujet du contenu ou des choses dont vous avez parlé dans
10 votre déclaration ?
11 R. Oui. Dans les journaux, il était tout simplement dit que le procès
12 s'ouvrait, mais il n'y avait pas d'autres informations, si ce n'est des
13 informations d'ordre général.
14 M. MANSFIELD : [interprétation]
15 Q. Est-ce que le nom des accusés était mentionné dans les journaux que
16 vous avez lus ?
17 R. Non.
18 Q. Lorsque vous avez regardé la télévision et navigué sur Internet, et que
19 vous avez vu la photo dont nous avons parlé, est-ce qu'un nom était
20 mentionné pour désigner la personne sur cette photo ?
21 R. Non.
22 Q. Je voudrais vous poser une question au sujet de votre arrivée ici. Je
23 voudrais vous poser une question au sujet du moment où, pour la première
24 fois, vous avez parlé de cette photo sur Internet. Est-ce que l'on peut
25 affirmer, qu'avant votre arrivée ici, vous n'aviez dit à personne au TPIY
Page 1568
1 que vous aviez souvent vu cette photo sur Internet ? Est-ce qu'on peut
2 l'affirmer ?
3 R. Oui, on pourrait l'affirmer.
4 Q. Vous êtes arrivé ici le 27 novembre. Vous avez déjà indiqué qu'il y
5 avait une séance de récolement, c'est ainsi qu'on l'appelle, et vous nous
6 avez dit que vous n'en aviez pas parlé lors de cette séance; est-ce que
7 c'est exact ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Le dimanche, 28 novembre, il y a eu une autre séance de récolement, et
10 vous ne l'avez pas évoqué non plus; est-ce que c'est vrai ?
11 R. Oui, c'est vrai.
12 Q. Ce n'est pas vrai ?
13 R. Non, je n'en ai pas parlé.
14 Q. Vous n'en avez pas parlé. Mes excuses.
15 Pourquoi n'en avez-vous pas parlé lors de ces deux premières séances
16 de récolement ?
17 R. Je n'y pensais pas.
18 Q. Est-ce que l'on vous a donné à lire votre déclaration du mois de
19 janvier ?
20 R. Oui.
21 Q. Par conséquent, je vais vous poser une question : vous nous avez dit
22 aujourd'hui que, la fois où vous l'avez bel et bien mentionné, c'était
23 pendant la deuxième séance de récolement que vous avez eu avec M. Nicholls.
24 Donc, nous avons la date, puisque la deuxième séance de récolement avec M.
25 Nicholls s'est déroulée le mercredi, 1er décembre. C'est-à-dire que cela
Page 1569
1 s'est passé il y a très peu de temps, c'était la semaine dernière.
2 R. Oui.
3 Q. Alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, pendant cette deuxième
4 séance de récolement, donc non pas pendant la première, pendant la
5 deuxième, avec M. Nicholls, vous vous êtes rappelé la première fois cette
6 photographie ?
7 R. Il m'a donné à lire, ou plutôt il a lu la déclaration où apparaît le
8 nom, le nom qui est lié à la photographie. Donc, ceci m'a rappelé que sa
9 photographie avait été sur Internet et aussi dans les journaux télévisés.
10 Q. Je vais vous demander de bien prêter attention à ce que nous sommes en
11 train de dire. Ce que nous voyons maintenant à l'écran, c'est : "qu'il a
12 donné lecture du texte." Je pense que vous avez dit que c'était "sa
13 déclaration" en effet. Sa déclaration où le nom de la photographie était
14 indiqué -- était mentionnée. Il s'est rappelé le fait que cette
15 photographie était sur Internet et aussi dans les journaux télévisés.
16 Alors, c'est que nous voyons enregistré ici. Quelle est la
17 déclaration que vous avez lue, ou que M. Lehtinen a lue, ou que M. Nicholls
18 a lue, puisque c'est M. Nicholls qui était seul là. Donc, quelle est cette
19 déclaration où le nom de la photographie est mentionné ?
20 R. Il a donné lecture de ma déclaration.
21 Q. Très bien. Mais votre déclaration, elle ne comporte pas le nom de la
22 photographie. Ceci ne figure pas dans votre déclaration, n'est-ce pas ?
23 R. Non.
24 Q. Donc, qu'entendez-vous par là, lorsque vous dites qu'une déclaration a
25 été lue et que, là, il y avait le nom de la photographie ?
Page 1570
1 R. Non, le nom n'a jamais été mentionné. Puisque, moi, je ne savais pas
2 comment il s'appelait. Il m'a simplement demandé de lui expliquer quelle
3 était l'apparence extérieure -- l'aspect extérieur de cet homme qu'on
4 appelait -- que les autres appelaient commandant. Et moi, je lui ai dit
5 qu'il serait plus facile de chercher ces photos -- sa photo sur Internet
6 puisqu'il y en avait sur Internet.
7 Q. Mais vous aviez déjà décrit l'homme, l'homme pour lequel vous avez dit
8 qu'il était le commandant. Vous l'avez fait dans votre déclaration, n'est-
9 ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Alors, où était le problème ?
12 R. Qu'entendez-vous par le mot problème ?
13 Q. M. Nicholls, vous a-t-il dit pour quelle raison il vous posait bien
14 davantage de questions au sujet de cette description que vous lui aviez
15 déjà donnée ?
16 R. Non, il n'a jamais dit pourquoi. Tout simplement, il a parcouru ma
17 déclaration.
18 Q. Vous a-t-il demandé pour quelle raison vous n'aviez jamais mentionné
19 cela auparavant, à savoir, la photographie sur Internet ?
20 R. Non, il ne l'a pas fait.
21 Q. Il ne l'a pas fait ?
22 La description du commandant que vous lui aviez donnée, était-ce la
23 même que celle qui figure dans votre déclaration, que vous avez donnée à M.
24 Nicholls ? Est-ce la même description ?
25 R. Oui, elle correspond.
Page 1571
1 Q. Avez-vous signalé à M. Nicholls que l'homme dont vous vous souveniez en
2 tant que commandant avait des cheveux longs, des cheveux grisonnants ?
3 R. Oui.
4 Q. Puisque ce n'est pas de cette manière-là que vous le décrivez dans
5 votre déclaration, n'est-ce pas ? Je vous invite à l'examiner de nouveau.
6 C'est en bas de la page 5. Vous voyez bien, il y a une différence entre ce
7 qui figure dans la déclaration et ce que vous disiez à M. Nicholls.
8 M. NICHOLLS : [interprétation] Pour être tout à fait correct, je pense
9 qu'il faudrait donner lecture du texte au témoin, lui présenter ce qu'il a
10 effectivement dit pendant l'interrogatoire principal.
11 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, tout à fait.
12 M. NICHOLLS : [aucune interprétation]
13 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vais donner lecture des deux, s'il le
14 faut.
15 Q. S'il vous plaît, pouvez-vous me suivre dans le texte Je vais en donner
16 lecture, je cite : "Il était relativement grand, 1 mètre 85 à 1 mètre 90,
17 cheveux foncés, noirs, et généralement, il ne rasait pas."
18 Restons-en pendant un instant. Vous n'avez pas dit, dans un premier temps à
19 l'enquêteur, dans cette déclaration, qu'il avait des cheveux blancs ou
20 grisonnants, n'est-ce pas ?
21 R. Je n'ai pas dit qu'il avait des cheveux longs, des cheveux grisonnants,
22 mais il avait des cheveux blancs.
23 Q. Des cheveux blancs.
24 R. Il y a une différence entre longs et blancs.
25 Q. Oui. Ce qui m'intéresse pour le moment c'est plutôt la couleur. Donc,
Page 1572
1 le commandant que vous avez vu au camp, est-ce qu'il avait, à ce moment-là,
2 des cheveux blancs ?
3 R. Un petit peu, oui.
4 Q. Pendant que l'on est à la longueur des cheveux, pouvez-vous nous
5 préciser quelle était la longueur de ses cheveux -- la longueur des cheveux
6 de la personne pour laquelle vous dites qu'elle était le commandant du
7 camp ?
8 R. On dirait qu'il ne s'était pas coupé les cheveux pendant plusieurs
9 mois.
10 Q. Pendant plusieurs mois. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, s'il
11 n'y a pas d'objection, est-ce que vous pourriez regarder un petit peu
12 autour de vous dans le prétoire et nous dire si, parmi les personnes
13 présentes, quelqu'un a des cheveux qui ressemblent aux cheveux qu'avait le
14 commandant, d'après votre souvenir ?
15 R. Un petit peu plus long que vos cheveux.
16 Q. Un peu plus que les miens.
17 Le commandant du camp, avait-il une barbe ?
18 R. Il ne s'était pas rasé.
19 Q. Il ne s'était pas rasé. Oui. Est-ce qu'il portait une barbe ?
20 R. Je ne sais pas à quoi vous pensez. Il ne s'était pas rasé.
21 Q. Je voudrais vous présenter votre déposition -- un élément de votre
22 déposition de vendredi dernier. Est-ce que vous vous souvenez de ce que
23 vous avez dit à cette Chambre au sujet de sa barbe ou sa moustache, ou
24 autre chose ?
25 R. Qu'ai-je dit ?
Page 1573
1 Q. Non, ce n'est pas cela la question. Excusez-moi.
2 Vous vous rappelez-vous de ce que vous avez dit vendredi dernier au sujet
3 de sa barbe ?
4 R. Oui, je m'en souviens.
5 Q. Qu'avez-vous dit ?
6 R. J'ai dit qu'il ne s'était pas rasé.
7 Q. Je vais vous donner lecture de ce texte, et je peux citer aussi le
8 numéro de la page : journée 14, page 11, lignes 7 à 8. La question a été la
9 suivante : "Avait-il une barbe ?"
10 Votre réponse a été : "Non. Il était rasé. Il n'avait pas de barbe du tout,
11 même s'il s'était passé un petit moment depuis qu'il s'était rasé."
12 Alors, c'est ce que vous avez dit vendredi. Est-ce que c'est la description
13 que vous avez donnée vendredi, et est-elle exacte ? Est-elle précise ?
14 R. Je crois que oui.
15 Q. Vous pensez qu'elle est. L'homme qui figure sur la photographie
16 diffusée à la télévision et que vous avez vu autant de fois et que vous
17 avez vu probablement des centaines de fois sur Internet, alors cet homme,
18 est-ce qu'il avait une barbe ? Est-ce qu'il s'était rasé, pas rasé ? Que
19 pouvez-vous nous dire de cet homme qui figure sur la photographie ?
20 R. Il ne s'était pas rasé récemment.
21 Q. Est-ce qu'il avait une barbe, cet homme qui figurait sur la
22 photographie ?
23 R. Il avait une petite barbe parce qu'il ne s'était pas rasé récemment.
24 Q. Lorsque M. Nicholls vous a posé ses questions, vous a-t-il dit, à ce
25 moment-là, qu'en réalité, en janvier de l'année 2003, l'enquêteur vous
Page 1574
1 avait bel et bien montré une photographie du commandant allégué ?
2 R. Non, M. Nicholls ne m'a pas dit cela.
3 Q. Je voudrais que vous réfléchissiez à une chose. Vous avez dit de
4 manière tout à fait claire que l'on ne vous a pas montré une photographie
5 du commandant, tel que vous vous en souveniez, l'homme qui figurait sur la
6 photographie diffusée sur Internet, que cette photographie ne vous a pas
7 été montrée par l'enquêteur en janvier 2003. Vous rappelez-vous avoir dit
8 cela ?
9 R. Oui.
10 Q. Très bien.
11 M. MANSFIELD : [interprétation] Je voudrais, à présent, présenter quelque
12 chose au témoin. Il s'agit de la pièce B1, et je souhaiterais demander le
13 versement de cette pièce. La référence qui figure sur le document est
14 00032189.
15 [Le conseil de la défense se concerte]
16 M. NICHOLLS : [interprétation] Nous avons un exemplaire en couleur.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je vous en remercie.
18 M. NICHOLLS : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez qu'on le
20 place sur le rétroprojecteur ?
21 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui. Oui, s'il vous plaît. Ce serait
22 beaucoup plus facile pour tout un chacun, pour voir que nous avons la même
23 photographie. J'espère que c'est la même. Cela devrait être une série de
24 photographies, B1.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet homme ne figure pas sur cette photo. Ce
Page 1575
1 n'est pas la même personne que sur Internet.
2 M. MANSFIELD : [interprétation]
3 Q. Merci.
4 M. MANSFIELD : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le
5 Président.
6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Mansfield, la Chambre n'a
8 pas, pour le moment, un exemplaire en couleur de la pièce B1. Si on
9 souhaite verser la pièce au dossier, il me semble que ce serait important,
10 parce que nous estimons que les photocopies en noir et blanc sont loin
11 d'être subtiles.
12 M. MANSFIELD : [interprétation] Je pense que j'ai un exemplaire en couleur.
13 Je peux vous le remettre. Je vais juste enlever l'étiquette.
14 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
15 M. MANSFIELD : [interprétation] Est-ce que ceci pourrait devenir la pièce
16 DL1 ?
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction de la
18 Défense DL1.
19 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.
21 Contre-interrogatoire par M. Topolski :
22 Q. [interprétation] Monsieur, je défends ici l'homme qui s'appelle Isak
23 Musliu et je n'ai que quelques questions à vous poser. Tout d'abord, je
24 voudrais vous demander de me dire, s'il vous plaît, quelle a été votre
25 attitude, vous aviez 18 ans, presque 19, en été 1998, je voudrais savoir
Page 1576
1 quelle était votre attitude à l'égard de l'UCK. Est-ce que vous pouvez nous
2 le dire, brièvement, pour l'été 1998 ?
3 R. Par rapport à ce qu'on nous disait l'école et à la télévision, comme
4 tout enfant serbe, je pensais la même chose, à savoir qu'ils n'étaient pas
5 bons à l'égard des Serbes.
6 Q. Pendant que vous avez déposé le 3 décembre, en d'autres termes, la
7 semaine dernière, vous les avez présenté comme "terroristes". Est-ce que
8 c'est ce que vous pensez de l'UCK, qu'il s'agit de terroristes ?
9 R. Tout le monde les appelait comme cela ?
10 Q. Je vois que c'est le terme que tout le monde utilisait. Mais j'aimerais
11 savoir quelle est votre opinion, aujourd'hui. Est-ce que vous êtes d'accord
12 pour dire qu'il s'agit de terroristes.
13 R. Est-ce que mon opinion personnelle importe en ce moment ? Je ne suis
14 pas d'accord avec eux.
15 Q. Je vous en prie. S'il y avait eu une objection, si les Juges de cette
16 Chambre avaient eu l'impression que la question ne devait pas vous être
17 posé, on m'aurait déjà interrompu. Je vous repose ma question avant
18 d'avancer.
19 Est-ce que vous pensez qu'en été 1998, l'UCK était des terroristes ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous connaissiez en été 1998 un endroit qui s'appelait le
22 Centre de Sûreté d'Etat.
23 R. Oui.
24 Q. En été 1998, connaissiez-vous David Gajic et Dragan Jasevic, ces deux
25 noms-là, et ces deux hommes étaient liés au Centre de Sûreté d'Etat ?
Page 1577
1 R. Non, je ne les connaissais pas.
2 Q. La semaine dernière, on vous a posé des questions au sujet des
3 entretiens, des réunions que vous avez eus avec des représentants des
4 autorités serbes. Vous vous en rappelez-vous ? On vous a posé beaucoup de
5 questions à ce sujet la semaine dernière.
6 R. Oui, je m'en souviens.
7 Q. En répondant à ces questions que vous a posées surtout M. Guy-Smith -
8 ou plutôt qui vous ont été uniquement posées par Me Guy-Smith - vous nous
9 avez dit que vous avez rencontré les enquêteurs serbes deux ou trois fois
10 après avoir été libéré du camp. C'est exact, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Lors de l'une de ces rencontres, vous nous avez dit que cela s'est
13 déroulé à Pristina dans les bureaux de la Croix-Rouge. Vous nous avez dit
14 que Ruzica Simic était là également. Vous vous souvenez d'en avoir parlé ?
15 R. Oui.
16 Q. Les enquêteurs serbes vous ont-ils dit que votre mère était apparue à
17 la télévision pendant votre détention ?
18 R. Je ne m'en souviens pas, s'ils me l'ont dit.
19 Q. Ont-ils dit qu'ils savaient que le sergent Genov avait été pris, lui
20 aussi ?
21 R. Non, je ne m'en souviens pas.
22 Q. Le nom Genov, est-ce un nom qu'ils ont mentionné lors des entretiens
23 qu'ils ont eus avec vous ? Est-ce que vous vous arrivez à vous en
24 souvenir ?
25 R. Je ne m'en souviens pas.
Page 1578
1 Q. Est-ce qu'on vous a demandé de regarder des cartes ou des plans ou des
2 croquis de l'endroit où vous aviez été détenu ?
3 R. Je ne m'en souviens pas.
4 Q. Vous a-t-on montré des photographies ? Les autorités serbes vous les
5 ont-elles montrées les photographies représentant l'endroit où vous aviez
6 été détenu ?
7 R. Je ne m'en souviens pas ?
8 Q. Quant à votre père, je n'ai que deux questions à vous poser au sujet
9 des événements qui se sont produits à l'endroit précis. Je pense que la
10 première question peut être très brève. Dans votre déclaration préalable,
11 vous évaluez le nombre de soldats à l'endroit que vous avez vus à cet
12 endroit, et vous dites qu'il y en avait environ 50. Vous vous rappelez
13 cette déclaration ?
14 R. Oui.
15 Q. Beaucoup de temps s'est écoulé. Est-ce qu'aujourd'hui, lorsqu'on dit
16 "environ 50," est-ce que cela correspond à votre mémoire pour ce qui est du
17 nombre de soldats que vous auriez vus à cet endroit, à l'endroit où vous
18 aviez été détenu ?
19 R. Je ne les ai pas comptés à ce moment-là. Je sais pas comment il y en
20 avait. Leur nombre changeait constamment. Je ne les ai pas comptés.
21 Q. Oui. Nous allons accepter votre réponse.
22 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais poser des
23 questions au sujet de la photographie. Mais je vois le temps, je vois qu'il
24 est l'heure passée de 23 minutes. Est-ce que vous souhaitez que je pose mes
25 questions ?
Page 1579
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez un autre sujet ?
2 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, c'est quelque chose
3 que nous avons déjà vu.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je voudrais savoir si se serait la fin
5 de votre interrogatoire ?
6 M. TOPOLSKI : [interprétation] Ce sera la fin.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors avancez.
8 M. TOPOLSKI : [interprétation]
9 Q. Je voudrais vous montrer une photographie. Mais avant de faire cela, je
10 vais vous poser une question : il y avait un certain nombre de personnes à
11 cet endroit qui portaient des masques, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Alors pour ce qui est des masques et des uniformes, je voudrais que
14 vous examiniez une photographie s'il vous plaît, il s'agit de la
15 photographie P18. C'est quelque chose que nous avons déjà examiné. Je vous
16 dirais d'emblée que je ne suis pas en train d'affirmer, ni moi, ni qui que
17 se soit d'autres, que c'est quelque chose que vous allez pouvoir
18 reconnaître. Il s'agit simplement d'un échantillon. Vous comprenez ?
19 R. Oui.
20 Q. Alors si vous examinez la photo, je pense que vous allez pouvoir voir
21 cinq personnes masquées. Il y en a trois qui se tiennent debout, il y en a
22 deux qui sont assises dans ce groupe de personnes.
23 R. Oui, je les vois.
24 Q. Alors je vous prie de regarder uniquement les masques. Je pense que
25 vous accepterez ce que je suis en train de dire, à savoir qu'il y en a
Page 1580
1 quatre qui portent des masques comparables, et puis qu'il y en a un dont le
2 masque est d'un style légèrement différent pour ce qui est de la partie du
3 masque autour des yeux. Tout d'abord, j'aimerais savoir si vous êtes
4 d'accord avec ce que je viens d'affirmer à votre attention.
5 R. Oui.
6 Q. Ma première question : pour ce qui est des personnes masquées que vous
7 avez vues à l'endroit de votre détention, est-ce qu'il y en avait qui
8 portaient des masques semblables à ce que l'on voit sur cette photographie,
9 de style semblable ?
10 R. Oui, par rapport à ces quatre qui se tiennent debout et qui ont des
11 masques semblables. Ils ressemblaient à cela.
12 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'en termes généraux, on
13 pourrait dire qu'il y deux types d'uniformes représentés sur cette
14 photographie. Nous avons, d'une part, ce qui semble être un uniforme noir,
15 et nous voyons aussi un homme portant quelque chose que je décrirais comme
16 un uniforme de camouflage. Est-ce que vous êtes d'accord avec ma
17 description ?
18 R. Oui.
19 Q. Alors, procédons dans l'ordre. Avez-vous vu des soldats vêtus
20 d'uniforme de camouflage du type que porte l'homme que nous voyons assis ?
21 Est-ce que vous en avez vu pendant que vous étiez dans ce camp ?
22 R. Oui, j'en ai vu.
23 Q. Pour ce qui est de l'uniforme noir de tous les autres, avez-vous vu qui
24 que ce soit vêtu de ce type d'uniforme ?
25 R. Oui.
Page 1581
1 Q. Si vous regardez les bras des trois hommes du groupe, sur le bras
2 gauche de chacun d'entre eux, on voit un ruban qui porte les lettres "PU."
3 Au camp, pendant la période de votre détention, bien entendu, avez-vous vu
4 quelqu'un porter ce genre de brassard ?
5 R. Pour autant que je m'en souvienne, personne n'a porté ce genre
6 d'insigne.
7 Q. Encore une fois, pour que nous soyons tout à fait complet, il s'agit
8 des brassards avec les lettres PU. Maintenant, je vous pose la question au
9 sujet des insignes sur des bonnets ou des couvre-chefs. Est-ce que vous
10 avez vu qui que ce soit porter un bonnet avec des lettres "PU" ?
11 R. Je ne m'en souviens pas.
12 Q. Je vous remercie. C'est tout ce que je voulais vous demander au sujet
13 de la photographie.
14 Maintenant, je voudrais passer à un sujet. Aujourd'hui, on vous a posé
15 beaucoup de questions au sujet de la manière dont vous surfiez sur
16 Internet. Alors, je voudrais que deux choses me soient clarifiées. Après,
17 je vais vous poser des questions, alors. Est-ce que vous avez dit dans
18 votre déposition qu'avant tout, vous vous rendiez sur le site
19 www.kosovo.com ?
20 R. Oui, si c'est le Kosovo qui m'intéressait, c'est ce site-là que je
21 consultais.
22 Q. En plus, vous vous rendiez sur d'autres sites serbes, est-ce exact, des
23 sites Internet ?
24 R. Oui.
25 Q. Avez-vous vu des éléments d'information, des détails sur l'un
Page 1582
1 quelconque de ces sites, affichés de la part des groupes de survivants ou
2 quelque chose de comparable ?
3 R. Il y avait une liste longue de survivants, et aussi de personnes
4 portées disparues. C'est tout.
5 Q. Est-ce que vous avez été en mesure d'échanger des éléments
6 d'information, d'obtenir des informations sur des sites Internet au sujet
7 des survivants ?
8 R. Je crois que oui.
9 Q. Effectivement, est-ce que vous l'avez fait ?
10 R. Non.
11 Q. Est-ce que vous avez informé votre père de l'existence de ces sites
12 Web ?
13 Pourriez-vous répéter la réponse, s'il vous plaît ? Je crois que l'un
14 de vos micros est peut-être éteint. Je ne sais pas si c'est un problème.
15 Voilà, il est rallumé.
16 La question, Monsieur le Témoin, était de savoir si vous avez informé votre
17 père de l'existence de ces sites Web ?
18 R. Non.
19 Q. Est-ce que vous avez informé qui que ce soit de l'existence de cette
20 site Web ?
21 R. Non.
22 Q. Entre le moment où vous avez obtenu votre ordinateur et le moment où
23 vous avez rencontré les enquêteurs du Tribunal en janvier 2003, est-ce que
24 vous avez reçu des courriels de qui que ce soit prétendant être un
25 survivant ou avoir été emmené à l'endroit où vous avez été emmenés vous
Page 1583
1 aussi, des survivants de la guerre du Kosovo ? Avez-vous été contacté par
2 quelqu'un qui correspond à cette description ?
3 R. Non.
4 Q. Est-ce que vous avez essayé d'établir des contacts avec des personnes
5 appartenant à ce groupe ?
6 R. Non.
7 Q. Est-ce que vous avez connaissance du fait que les Serbes et les
8 Albanais partageaient l'information concernant les Serbes et les Albanais ?
9 Est-ce que vous étiez conscient de cela ? Est-ce que vous saviez que cela
10 se faisait ?
11 R. Non.
12 Q. Est-ce que votre père vous parlait de ce genre de choses ?
13 R. Non.
14 Q. La dernière question sur ce sujet. Si mes calculs sont bons, vous êtes
15 arrivé à La Haye le ou autour du 27 novembre. Vous avez commencé à déposer
16 devant ce Tribunal le 3 décembre.
17 R. Oui.
18 Q. Si l'on ajoute les périodes que vous avez dit avoir passées dans des
19 séances de récolement, selon ce que vous avez dit à M. Guy-Smith, si mes
20 calculs sont bons, très souvent, je n'arrive pas à bien additionner, mais
21 il me semblerait que cela représenterait environ 8 heures et demi en tout.
22 Est-ce que cela correspond à ce qui s'est passé ? Est-ce que vous avez
23 passé effectivement huit heures environ avec les Procureurs avant de venir
24 témoigner ?
25 R. Oui, approximativement.
Page 1584
1 Q. Bien. Je ne veux pas que vous me donniez des détails, mais est-ce que
2 l'on vous a donné un appui, un soutien de la part d'une section du Tribunal
3 qui s'appelle la section chargée des Victimes et des Témoins du Tribunal ?
4 R. Oui.
5 Q. Ce sont des personnes avec qui vous pouviez parler, des personnes à qui
6 vous pouviez vous confier, des personnes auxquelles vous pouviez parler
7 sans difficulté. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
8 R. Je crois que oui.
9 M. NICHOLLS : [interprétation] J'ai de la difficulté à suivre ce genre de
10 raisonnement.
11 M. TOPOLSKI : [interprétation] Attendez, je n'ai pas terminé.
12 M. NICHOLLS : [interprétation] En fait, je n'arrive vraiment pas à
13 comprendre où mon éminent confrère veut en venir, le fait qu'il y a une
14 section chargée des Victimes et des Témoins n'a rien à voir avec le
15 témoignage. Ces personnes sont des traducteurs, elles sont là pour offrir
16 de l'aide aux témoins.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur
18 Topolski.
19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur Nicholls a réagi un peu trop
20 rapidement. Je voulais savoir s'il s'agissait pour vous d'une répétition
21 avant de venir ici, et le fait d'avoir parlé avec toutes ces personnes,
22 est-ce que cela représentait une sorte de répétition pour vous ?
23 R. Je ne vois pas ce que vous voulez dire par là. C'est la première fois
24 que je comparais devant un Tribunal. On m'a simplement informé comment les
25 choses allaient se dérouler.
Page 1585
1 Q. Très bien. C'est tout ce que je voulais savoir.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons prendre une pause à ce
3 moment-ci. On m'apprend qu'il sera nécessaire de prendre une pause d'une
4 demi-heure pour des raisons techniques avant de pouvoir poursuivre. Nous
5 allons reprendre nos travaux à 18 heures 05.
6 --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.
7 --- L'audience est reprise à 18 heures 09.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls, je vous écoute.
9 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce P80.
10 Nouvel interrogatoire par M. Nicholls :
11 Q. Monsieur, on vous a posé plusieurs questions concernant cette
12 photographie, et je souhaiterais vous la montrer une fois de nouveau. Je
13 souhaiterais que vous l'examiniez. Regardez, je vous prie, attentivement la
14 photo de l'homme qui est indiqué à l'aide d'une flèche. Est-ce bien l'homme
15 qui était le commandant dans le camp pendant que vous y trouviez en
16 captivité ?
17 R. Oui.
18 Q. C'est tout. Je vous remercie.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Nicholls.
20 Monsieur, je suis heureux de vous apprendre que cela met fin à votre
21 témoignage. Vous êtes maintenant libre de partir de La Haye, et de rentrer
22 chez-vous.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous souhaiterions vous remercier de
25 vous être déplacé et de l'aide que vous avez apportée.
Page 1586
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce fut un plaisir pour moi.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez disposer.
3 [Le témoin se retire]
4 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, souhaiteriez-vous que
5 je me retire quelques instants afin de voir ce qui se passe à l'extérieur
6 de cette salle d'audience ?
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois l'Huissier entrer.
8 Pourriez-vous faire entrer le prochain témoin, je vous prie ?
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous demanderais de prendre cette
14 carte et de nous faire une affirmation solennelle, s'il vous plaît ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN: LJILJANA MITROVIC [Assermentée]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame. Veuillez, vous asseoir.
20 Monsieur Cayley, je vous cède la parole.
21 Interrogatoire principal par M. Cayley :
22 Q. [interprétation] Madame, je sais qu'il est bien difficile de venir
23 témoigner devant un Tribunal. Vous avez attendu longtemps avant de pouvoir
24 commencer votre déposition. Je vous demanderais de vous détendre, et je
25 vais vous poser une série de questions. Je crois qu'il ne sera pas
Page 1587
1 nécessaire de rester ici trop longtemps.
2 Est-ce que vous sentez bien ?
3 R. Oui.
4 Q. Ai-je raison de dire que vous vous appelez Ljiljana Mitrovic ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous êtes née en 1959 ?
7 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis vraiment désolé
8 de devoir interrompre déjà, mais pour le compte rendu d'audience, je
9 souhaiterais dire que tous les membres de ce côté de la table sont très
10 heureux d'accepter la déclaration de ce témoin. Je voulais simplement vous
11 donner notre assurance que pour ce qui nous concerne, nous serions bien
12 heureux d'accepter la déclaration de ce témoin et de ne pas la soumettre à
13 un interrogatoire. Je suis vraiment désolé encore une fois d'interrompre
14 mon éminent confrère, M. Cayley. Bien sûr, c'est à l'Accusation de
15 déterminer s'ils veulent entendre ce témoin comme un témoin de vive voix.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute.
17 Monsieur Cayley.
18 M. CAYLEY : [interprétation] On m'a indiqué vendredi dernier que l'un des
19 conseils aurait peut-être des questions à l'endroit de ce témoin. C'est
20 simplement quelque chose que je voulais ajouter en guise de précision,
21 suite à ce qu'a dit M. Khan. Je vais maintenant continuer.
22 Q. Vous êtes née en 1959, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous êtes née à Istok, au Kosovo. Est-ce exact ?
25 R. Oui.
Page 1588
1 Q. Si je ne m'abuse, vous êtes Serbe du Kosovo ?
2 R. Oui.
3 Q. Pourriez-vous dire aux Juges quel est votre niveau de scolarité ?
4 R. Je suis technicienne juridique. J'ai terminé également des études qui
5 ont duré deux ans, et j'ai obtenu un diplôme d'interprète serbe kosovar. Je
6 peux travailler comme interprète, car je détiens un diplôme pour ce faire.
7 Q. Ai-je raison de dire que jusqu'en 1998, vous viviez au Kosovo ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous êtes de confession orthodoxe ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous vous êtes mariée en 1982, est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous vous êtes mariée avec qui ?
14 R. Je me suis mariée avec Slobodan Mitrovic de Suva Reka.
15 M. CAYLEY : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin un certificat
16 de mariage, et nous allons verser ce document au dossier.
17 Monsieur le Président, Monsieur, Madame les Juges, je demanderais que M. le
18 Greffier puisse y attribuer une cote.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira d'une pièce de l'Accusation,
20 portant la cote P84.
21 M. CAYLEY : [interprétation]
22 Q. Madame, reconnaissez-vous ce document ?
23 R. Oui. C'est le certificat de mariage qui est le mien.
24 Q. Vous dites que votre mari, Slobodan Mitrovic, est originaire de Suva
25 Reka. Seulement pour établir quelques points de clarification, est-ce qu'il
Page 1589
1 était également Serbe ?
2 R. Oui.
3 Q. Quels sont les langues que possédait votre mari ?
4 R. Il parlait le serbe, le russe et l'albanais.
5 Q. Avant 1998, ai-je raison de dire qu'il avait passé toute sa vie au
6 Kosovo ?
7 R. Oui.
8 Q. Madame Mitrovic, vous pouvez maintenant placer ce document sur la
9 table. Merci. Avez-vous eu des enfants avec Slobodan Mitrovic ?
10 R. Oui. Nous avons des jumeaux, un garçon et une fille.
11 Q. Quand sont-ils nés ?
12 R. Ils sont nés le 13 juin 1991.
13 Q. Vous aviez une entreprise, vous et votre mari, avant la guerre. Quel
14 type d'entreprise était-ce ?
15 R. Oui. Il avait une entreprise qui servait à toutes sortes d'activités.
16 Il avait une chaîne de télévision privée, une école de conduite, une agence
17 de voyage, et il aidait également les personnes à remplir des documents.
18 C'est une entreprise qui offrait une gamme assez large d'activités.
19 Q. Pourriez-vous nous dire de quel appartenance ethnique était vos
20 clients ?
21 R. Ils étaient à 90 % albanais.
22 Q. Pourriez-vous nous expliquer comment se fait-il que tant d'Albanais
23 venaient dans votre entreprise en tant que clients ?
24 R. D'abord, parce que nous étions très respectés et bien connus, même dans
25 la région élargie, tout le monde nous connaissait. Et deuxièmement, 90 % de
Page 1590
1 la population du Kosovo sont Albanais.
2 Q. Est-ce que vous aviez des employés albanais ?
3 R. Oui. L'instructeur qui donnait des cours de conduite était albanais.
4 Son nom était Tefik Kabashi.
5 Q. Maintenant, vous dites que 90 % de la population qui vivait au Kosovo
6 était albanaise. Est-ce que votre mari avait des amis albanais provenant de
7 la région ?
8 R. Oui, un très grand nombre.
9 Q. Bien. Je souhaiterais attirer votre attention au printemps de 1998.
10 Nous parlons du mois de mars, avril et mai 1998. Est-ce que vous pourriez
11 penser à cette période ?
12 R. Oui, certainement.
13 Q. Où viviez-vous à l'époque ?
14 R. Nous vivions dans le village de Recani, à Suva Reka.
15 Q. Si je vous montrais une carte de la région, pensez-vous être en mesure
16 de nous indiquer où vous habitiez ?
17 M. CAYLEY : [interprétation] Il s'agit d'une carte qui porte la cote P1.
18 Q. Pourriez-vous, je vous prie, examiner cette carte d'abord Madame
19 Mitrovic, et nous dire si vous pouvez trouver l'endroit où vous habitiez ?
20 R. Oui, oui, je le vois. C'est ici.
21 Q. Pourriez-vous, je vous prie, placer cette carte sur le rétroprojecteur
22 et nous montrer l'endroit ?
23 R. [Le témoin s'exécute]
24 Q. Pourriez-vous montrer à l'aide du pointeur aux Juges de la Chambre
25 l'endroit où vous habitiez ?
Page 1591
1 R. [Le témoin s'exécute]
2 M. CAYLEY : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin
3 vient d'indiquer, à l'aide du pointeur, la petite ville de Suva Reka.
4 Q. Madame, est-ce que vous viviez à Suva Reka même, ou bien était-ce à
5 l'extérieur de Suva Reka ?
6 R. Nous avions un appartement à Suva Reka, alors que nous construisions
7 une maison à 2 kilomètres de Suva Reka, puisqu'il était absolument
8 impossible de continuer de vivre dans l'appartement. Il était occupé. Nous
9 devions aller vivre dans les alentours.
10 Q. Où viviez-vous exactement lorsque vous dites que vous viviez dans les
11 alentours ?
12 R. Oui, c'était le village de Recani.
13 Q. Pourriez-vous décrire aux Juges de la Chambre au meilleur de votre
14 connaissance à quoi ressemblait la vie à Suva Reka, ou dans la région de
15 Suva Reka au printemps de 1998 ?
16 R. C'était très difficile. Les enfants ne pouvaient plus aller à l'école.
17 Il y avait des barrages érigés un peu partout. On ne pouvait pas passer. Il
18 y avait des manifestations presque tous les jours.
19 Q. Qui érigeait ces barrages routiers ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
20 R. Probablement les Albanais, les terroristes. Qui d'autre ?
21 Q. Est-ce là la raison pour laquelle les enfants ne pouvaient plus aller à
22 l'école, à cause de ces barrages routiers ?
23 R. Oui, effectivement. C'est l'une des raisons. Il y a une autre raison.
24 C'est quelque chose qui m'est arrivée lorsque je les ai emmenés à l'école
25 une fois. J'ai fait partie d'un groupe de manifestants. Il avait des
Page 1592
1 personnes par milliers, ils voulaient tuer mes enfants. Ils voulaient
2 renverser la voiture dans laquelle nous nous trouvions. On y a échappé de
3 très près.
4 Q. Pourriez-vous maintenant nous parler du village qui se trouve tout au-
5 dessus de Recani, le village de Budakovo. Est-ce que cela vous dit quelque
6 chose si je vous donne ce nom ? Dites-nous d'abord.
7 R. Oui.
8 Q. Pourriez-vous relater aux Juges de la Chambre ce qui se passait dans ce
9 village-là à l'époque, si vous vous en souvenez bien sûr ?
10 R. Personne ne pouvait aller dans ce village pour ce qui est de nous, les
11 Serbes. Par contre, il était très facile de voir des colonnes de camions
12 qui montaient là-haut pour y apporter du sable. Nous avions l'impression
13 que l'on construisait quelque chose. Les autres villageois nous ont dit
14 qu'ils étaient en train de creuser des tranchées et de construire de
15 nouvelles routes en macadam, afin que l'on ne serve plus des routes
16 principales.
17 Q. Qui faisait ce travail à Budakovo ? Qui construisait ces routes ?
18 R. C'était les Albanais.
19 Q. Vous n'avez pas vu tous ces travaux de construction avec vos propres
20 yeux, n'est-ce pas ?
21 R. Non, je n'ai pas vu les travaux, mais j'ai vu les camions qui
22 transportaient le sable.
23 Q. Pour ce qui est des autres choses que vous avez mentionnées, tel le
24 fait que l'on creusait des tranchées, et que l'on construisait de nouvelles
25 routes, c'est quelque chose que vous avez entendu dire par d'autres
Page 1593
1 personnes, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Dites-nous comment se sentait votre mari à l'époque ?
4 R. C'était affreux. Pendant des années, nous avons vécu avec le même
5 peuple en harmonie, et nous nous aimions. Tout d'un coup, on ne pouvait
6 plus envoyer nos enfants à l'école. Il y avait des barricades érigées un
7 peu partout. On ne pouvait plus aller travailler. C'était absolument
8 épouvantable.
9 Q. Je souhaiterais attirer votre attention plus particulièrement sur le
10 mois de mai 1998, et si je ne m'abuse votre mari Boban, qui s'appelait, en
11 fait, Slobodan Mitrovic, a reçu la visite d'un vieil albanais qui s'est
12 rendu dans son bureau. Est-ce que vous vous souvenez de cela ? Est-ce que
13 votre mari vous a raconté cette histoire ?
14 R. Oui. Je me souviens très bien. Il y a un vieil homme qui est venu le
15 chercher. Je ne sais plus si c'était de Seminisa [phon] ou d'une autre
16 localité. C'était de la municipalité de Suva Reca. C'était un ancien ami de
17 mon beau-père. Il cherchait mon mari, il voulait lui parler. Il voulait
18 savoir s'il était Slobodan Mitrovic, le fils de Blagoje Mitrovic. Quand
19 Slobodan a dit qu'il était le fils de Blagoje, il a dit que Blagoje était
20 une personne qui était bien respectée, et il a dit qu'il fallait emmener
21 les enfants en Serbie quelque part car une guerre sanglante allait éclater.
22 Il avait su, qu'après neuf ans, nous avions finalement eu des enfants.
23 Q. Comment est-ce que vous avez réagi vous et votre mari à cet
24 avertissement ?
25 R. Nous ne pouvions pas le croire, puisque nous étions de très grands amis
Page 1594
1 avec les Albanais. Nous pensions qu'une telle chose ne pourrait jamais
2 arriver. Nous avons décidé de ne pas emmener nos enfants nulle part, de
3 rester là où nous étions avec nos voisins.
4 Q. Je souhaiterais maintenant que l'on parle du mois de juin, vous nous
5 avez déjà décrit la situation qui prévalait à Suva Reka, les questions de
6 sécurité. Est-ce que les choses sont devenues meilleures ou ont-elles
7 empiré ?
8 R. Les choses ont empiré. Les enfants n'allaient plus à l'école. L'année
9 scolaire était interrompue. La ville était sous blocus, nous ne pouvions
10 plus sortir, et si jamais nous décidions de sortir, c'était risqué.
11 Q. Je souhaiterais attirer votre attention sur la date du 14 juillet 1998.
12 Pourriez-vous nous dire, si vous vous en souvenez, ce qui s'est passé ce
13 jour-là ?
14 R. Cette nuit-là, nous n'avons pas pu dormir. Nous étions restés éveillés
15 toute la nuit puisqu'en face de ma maison il y avait une forêt et une
16 rivière. Pendant toute la nuit les voitures passaient par là, par des
17 routes que les terroristes avaient ouvertes. On entendait des appels très
18 bizarres. C'est des appels qui ressemblaient aux chants des oiseaux.
19 C'était terrifiant en plein milieu de la nuit d'entendre tout cela. Même si
20 on le voulait, il nous était impossible de nous endormir. Nous étions tout
21 seuls dans la maison avec nos enfants, et ce qui était important, c'était
22 de ne pas créer de panique pour que les enfants ne remarquent rien.
23 Un peu avant l'aube, je suis allée m'allonger un peu. Nous ne nous étions
24 pas changés. Je n'avais pas changé mes vêtements, et juste avant l'aube,
25 mon mari est venu me réveiller. Il a dit qu'il avait écouté les
Page 1595
1 informations, et que nous étions sous blocus, et que tous les issues
2 étaient fermées, qu'il nous était absolument impossible de sortir, le seul
3 passage qui était encore possible c'était en passant par Brezovica. Il se
4 demandait qu'est-ce que l'on devait faire avec les enfants, est-ce que l'on
5 devait essayer de les sauver, de les faire sortir de là, ou de les laisser
6 sur place. Je ne pouvais pas décider.
7 Je ne pouvais pas prendre de décision, mais il m'a demandé de prendre une
8 décision quand même. Comment prendre la décision de quitter notre foyer,
9 comment quitter le lieu de nos ancêtres, là, où les ancêtres vivaient
10 pendant des siècles ? Nous ne pouvions pas quitter et emmener nos enfants
11 avec nous.
12 Q. Je vous interromps ici pour vous demander la question de savoir si
13 effectivement vous avez quitté votre maison de Recani ?
14 R. Boban a pris la décision. Il a dit qu'après avoir essayé d'avoir des
15 enfants pendant neuf ans, après nous être donnés tant de mal, nous avions
16 décidé de sortir les enfants de là et de les emmener chez mes parents.
17 C'était le 14, nous sommes partis en direction de la Serbie en passant par
18 Brezovica. Nous voulions emmener les enfants chez mes parents.
19 Q. Boban et les enfants sont allés en Serbie pour être avec vos parents;
20 est-ce exact ?
21 R. Oui, mais Boban est revenu immédiatement. Il n'a pas voulu laisser sa
22 patrie, la terre sur laquelle il vivait.
23 Q. Où est-ce que Boban est allé ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Madame le Témoin, je répète la question. Vous dites que Boban est parti
Page 1596
1 immédiatement, je demande vers où, après qu'il a emmené vous-même et les
2 enfants en Serbie ?
3 R. Il s'est rendu chez lui à Recani.
4 Q. Après le 15 juin 1998, avez-vous pu reparler à votre mari lorsque vous
5 étiez en Serbie, lui au Kosovo ?
6 R. Oui. Nous nous parlions tous les jours, parfois plusieurs fois par
7 jour.
8 Q. Est-ce que votre entreprise à Suva Reka a continué à fonctionner
9 pendant cette époque ?
10 R. Non. Boban m'a dit qu'il avait donné congé à tout le monde jusqu'à ce
11 que de nouvelles instructions soient données. Il a dit que les forces de
12 Suva Reka arriveraient, et que peut-être que cela éviterait la guerre, que
13 les choses se calmeraient, et dans ce cas, il viendrait me chercher et
14 qu'avec les enfants, nous rentrerions à la maison.
15 Q. Vous avez dit au Tribunal : "Boban leur a donné congé et leur a dit
16 d'attendre d'autres instructions."
17 De qui s'agissait-il ?
18 R. Les employés de notre société.
19 Q. Pourquoi leur a-t-il donné congé ?
20 R. Parce qu'ils ne pouvaient plus se rendre au travail. Tout était bloqué
21 à cause des barrages. En outre, ils n'étaient pas sûrs de voyager. La
22 guerre avait quasiment éclaté.
23 Q. Quand avez-vous vu votre mari par la suite ?
24 R. Je l'ai vu le 23 juin 1998.
25 Q. Où l'avez-vous vu ?
Page 1597
1 R. A Arandjelovac. Il est venu nous voir avec son cousin Milovan Krstic,
2 le fils de sa tante.
3 Q. Arandjelovac, je vous interromps. C'est la ville en Serbie où vous
4 étiez en compagnie de vos enfants et auprès de vos parents, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourquoi votre mari est-il arrivé en Serbie en compagnie de son
7 cousin ?
8 R. Pour aller chercher l'autre cousin, Milovan Krstic qui suivait un
9 traitement à l'hôpital. Il voulait l'emmener à la maison.
10 Q. Pour être sûr, qui était Milovan Krstic ?
11 R. Milovan Krstic est le cousin de Boban, le fils de sa tante. Il est le
12 frère de Miodrag Krstic.
13 Q. Miodrag Krstic est également le cousin de votre mari, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Oui. C'est également son cousin.
15 Q. Votre mari est arrivé en Serbie en compagnie de Milovan, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Pourquoi se sont-ils rendus en Serbie?
18 R. Ils venaient chercher Miodrag à l'hôpital.
19 Q. Où Miodrag était-il hospitalisé ?
20 R. A Belgrade ?
21 Q. Je voudrais vous montrer des photos. D'où venait Milovan Krstic?
22 R. De Recani.
23 M. CAYLEY : [interprétation]
24 Q. Pourrait-on montrer au témoin la pièce 2166.U003166 de la pièce à
25 conviction P54? Je sais que c'est un membre de votre famille, mais est-ce
Page 1598
1 que vous pourriez l'identifier pour moi, s'il vous plaît ?
2 R. Oui. Il s'agit de Milovan Krstic.
3 M. CAYLEY : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce à
4 conviction 2167 également extraite de la pièce à conviction P54.
5 Q. Est-ce que vous reconnaissez la personne sur cette photo ?
6 R. Oui, il s'agit de Miodrag Krstic qui est sur cette photo en compagnie
7 de son fils.
8 M. CAYLEY : [interprétation] Vous pouvez emporté ces photos.
9 Q. Est-ce que Milovan Krstic avait un surnom ?
10 R. Oui, on l'appelait Mona.
11 Q. Miograg Krstic, avait-il également un surnom ?
12 R. Oui, on l'appelait Mija.
13 Q. Lorsque votre mari est arrivé en Serbie, lui avez-vous parlé du voyage
14 qu'il entreprenait ?
15 R. Oui. J'ai été choqué de le voir. Je lui ai dit : Est-ce que tu es
16 normal. Il m'a dit : Merci de me réserver cet accueil. Je l'avais dit,
17 parce que j'avais vu à la télévision que les routes étaient bloquées. Je
18 lui ai demandé pourquoi il avait pris un tel risque et pourquoi il était
19 venu. Je lui ai également demandé de rester et de ne pas repartir tant que
20 la situation ne se calmerait pas. Il n'a pas écouté mon conseil, même si
21 les enfants se sont également adressés à lui dans ce sens. Milovan et Boban
22 étaient du même avis. Ils pensaient qu'ils devaient rentrer à la maison.
23 Q. Rentrer à la maison, de quelle maison parlez-vous ?
24 R. A Recani.
25 Q. Rentrer chez eux après avoir été chercher Miodrag à l'hôpital; c'est
Page 1599
1 cela ?
2 R. Oui, c'est pour cela qu'ils étaient venus.
3 Q. Je voudrais à présent vous parler du 24 juin 1998, en fait, le
4 lendemain. Pourriez-vous dire aux Juges ce que vous avez entendu dire par
5 d'autres au sujet de ce qui est arrivé à votre mari et à Slobodan, à
6 Milovan et Miodrag Krstic.
7 R. J'ai entendu qu'ils ne sont jamais arrivés à la maison, qu'ils ont été
8 enlevés par des terroristes.
9 Q. Avant que l'on ne parle de cela, je voudrais que vous commenciez par
10 parler du moment où ils ont quitté Belgrade. Je sais que c'est ce que vous
11 avez entendu parler par d'autres. Mais je voudrais que vous retraciez leur
12 voyage depuis Belgrade jusqu'à ce que vous disiez être son enlèvement.
13 R. Ils se sont mis en route le 24 juin. Ils se rendaient à la maison à
14 Recani depuis Belgrade, après avoir été cherché Miodrag Krstic. Ils ont
15 appelé la sœur de Miodrag depuis Krusevac. Ils se sont arrêtés, car Miodrag
16 était encore malade. Le voyage était trop éprouvant pour lui. Ils étaient
17 pressés de rentrer avant la tombée de la nuit, parce que tout le monde
18 savait que personne ne pouvait s'aventurer hors de chez-lui. Après le
19 crépuscule, ce n'était pas sûr.
20 Q. Où la sœur de Miodrag vivait-elle ?
21 R. En Serbie dans un faubourg de Belgrade, à Barajevo.
22 Q. C'est elle qui vous a dit que les trois l'avaient appelée depuis
23 Krusevac.
24 R. Oui. Elle m'a appelé, et elle m'a dit qu'ils avaient appelé, qu'ils
25 allaient se dépêcher de rentrer avant la tombée de la nuit, et de ne pas
Page 1600
1 m'en faire.
2 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce qui s'est passé durant la suite de
3 cette soirée ?
4 R. Nous nous sommes appelées, j'ai appelé Recani pour savoir s'ils étaient
5 arrivés. Ils n'étaient pas arrivés. Ensuite, je me suis dit qu'ils
6 s'étaient arrêtés à Pristina, et avaient décidé d'y passer la nuit. Je me
7 suis dit qu'ils avaient appelé mon oncle. Donc, j'ai appelé mon oncle pour
8 lui demander s'ils étaient là. Après avoir entendu sa réponse négative, je
9 me suis dit qu'ils s'étaient peut-être rendus chez un ami et qu'ils
10 allaient reprendre le voyage le lendemain.
11 Le lendemain, je n'ai plus téléphoné. Je me suis mise à avoir très peur,
12 car ils n'étaient pas arrivés. Je ne savais tout simplement pas où ils
13 étaient. Je me suis dit : Mon Dieu, où sont-ils maintenant ? Je me suis dit
14 que je devrais peut-être appeler des amis au SUP pour leur demander si les
15 routes étaient encore bloquées et si la voiture avait pénétré sur le
16 territoire du Kosovo. La réponse était --
17 Q. Je vous interromps ici. Vous avez dit que vous avez pris contact avec
18 des amis au SUP. Est-ce que cela veut dire des amis dans la police ?
19 R. Oui.
20 Q. Quelles sont les informations que la police a pu vous fournir ?
21 R. Qu'une Golf bleue transportant trois hommes était entrée sur le
22 territoire du Kosovo.
23 Q. A qui cette Golf bleue appartenait-elle pour autant que vous le
24 sachiez ?
25 R. Cette Golf bleue portant une plaque d'immatriculation de Kotor,
Page 1601
1 appartenait à Miodrag Krstic.
2 Q. Avez-vous donné le numéro de plaque minéralogique de la voiture à la
3 police ?
4 R. Oui, parce que je connaissais le numéro, mais je l'ai oublié. C'était
5 il y a longtemps.
6 Q. La police a confirmé que cette Golf bleue portant le numéro
7 d'immatriculation que vous avez donné, avait franchi la frontière à un
8 moment donné, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous souvenez-vous où le véhicule a franchi la frontière pour pénétrer
11 sur le territoire du Kosovo ?
12 R. Oui, à Merdare.
13 Q. Après avoir reçu cette information, qu'avez-vous fait ?
14 R. J'ai fait ma valise, et je suis partie pour le Kosovo.
15 Q. Vous souvenez-vous quand vous êtes arrivée au Kosovo ? C'était le
16 lendemain ou le surlendemain du 25 juin ?
17 R. C'était le lendemain que je me suis mise en route. Je suis arrivée ce
18 jour-là.
19 Q. Où vous êtes-vous rendue au Kosovo ?
20 R. A Recani.
21 Q. Qu'avez-vous fait à Recani ?
22 R. Je me suis immédiatement lancée à leur recherche. Je me suis rendue
23 chez mes amis albanais pour savoir si eux avaient entendu quelque chose.
24 Q. Avez-vous appris quoi que ce soit au sujet de ce qui était arrivé à
25 votre mari et aux frères Krstic ?
Page 1602
1 R. Oui. Il m'a dit qu'ils avaient été arrêtés à Crnoljevo, qu'ils avaient
2 été enlevés par des terroristes et emmenés vers Malisevo.
3 Q. Vous souvenez-vous qui vous a dit cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Comment s'appelait cette personne ?
6 R. Abdyl de Suva Reka, son père s'appelait Hamzi.
7 Q. Avez-vous reçu d'autres informations au sujet de ce qu'il était advenu
8 à votre mari et aux frères Krstic ?
9 R. Oui, de plusieurs sources. Il m'a été confirmé qu'ils avaient été
10 enlevés.
11 Q. Vous avez également, si je ne m'abuse, parlé à une personne répondant
12 au nom de Rade Vujevic.
13 R. Oui.
14 Q. Qui est Rade Vujevic ?
15 R. Rade Vujevic est notre ami de Kosovo Polje, une ville de Kosovo située
16 non loin de Pristina. Il était propriétaire de l'hôtel Herzegovina. Il
17 nous a raconté ces informations qu'il avait reçues de son ami Dusko qui
18 travaillait au SUP de Pristina, à savoir que Vesel Pintoli est venu et lui
19 avait dit que Boban et les frères Krstic avaient été enlevés et tués, qu'il
20 avait essayé de sauver Boban, mais qu'il avait à peine pu se sauver lui-
21 même. Parce qu'à ce moment-là, ils étaient tués par des Siptari, et qu'ils
22 ne pouvaient pas les sauver. Il m'a dit que si cela pouvait me consoler,
23 c'est qu'il m'avait envoyé ses dernières pensées avant de tomber sous une
24 seule balle qui lui avait été tirée dans le front.
25 Q. Est-ce que vous voudriez poursuivre, ou est-ce que vous voulez prendre
Page 1603
1 une pause ?
2 R. Nous pouvons poursuivre.
3 Q. Vesel Pintoli, avez-vous abordé le fin fond de cette histoire en sa
4 compagnie ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous l'avez trouvé ?
7 R. Non. J'ai, à une reprise, essayé de me rendre à Tumacine, mais je me
8 suis arrêtée à l'entrée de Suva Reka. On ne m'a pas laissé passer le
9 barrage. On m'a dit : Est-ce que vous voulez laisser des orphelins derrière
10 vous ? Est-ce que vous voulez faire en sorte que vous enfants grandissent
11 sans leur mère ? Est-ce que vous voulez sacrifier tout cela ?
12 Q. Est-ce que vous avez parlé à Dusko l'officier de police serbe au sujet
13 de cette information, au sujet de votre mari ? La personne qui avait obtenu
14 l'information de Vesel Pintoli. Est-ce que vous avez parlé à Dusko ?
15 R. Non.
16 Q. Je voudrais que vous me parliez de novembre 1998, particulièrement le
17 16 novembre 1998, date à laquelle Stevan Savic, le parrain de vos enfants,
18 a reçu un coup de téléphone. Pourriez-vous dire aux Juges quel était le
19 contenu de ce coup de téléphone ?
20 R. Oui, je m'en souviens. C'était le parrain de mes enfants. Il m'a
21 téléphoné chez ma mère. Il m'a dit avoir obtenu mon numéro d'un homme qui
22 parlait un dialecte macédonien. Il voulait me parler parce qu'il avait un
23 message important de Boban à me faire parvenir. Le parrain de mes enfants
24 était en état de choc. Il voulait entendre l'histoire de sa bouche, mais
25 cette personne m'a dit qu'il voulait me raconter directement l'histoire.
Page 1604
1 Q. Pour que les choses soient claires. Le parrain de vos enfants avait
2 parlé à un homme qui parlait le dialecte macédonien; est-ce que c'est
3 cela ?
4 R. Oui…
5 Q. Cette personne parlant le dialecte macédonien, qu'avait-il dit à Stevan
6 Savic, le parrain de vos enfants ?
7 R. Il m'a dit que Boban m'avait donné le numéro de téléphone pour appeler
8 le parrain, et qu'il y avait un message urgent de Boban à me faire
9 parvenir. Ensuite, ce parent a dit qu'il appellerait plus tard. Il avait
10 besoin de temps pour trouver le numéro. Mais il voulait m'appeler, moi,
11 pour savoir s'il pouvait me donner mon numéro, et M. Savic.
12 Q. M. Savic, a-t-il donné votre numéro de téléphone à l'homme qui parlait
13 avec un accent macédonien ?
14 R. Oui, je lui ai donné mon accord, et il l'a fait.
15 Q. Avez-vous ensuite reçu un coup de téléphone de cette personne parlant
16 avec un accent macédonien ?
17 R. Oui.
18 Q. Que vous a dit cet homme ?
19 R. J'étais rentrée chez-moi immédiatement à Suva Reka. J'ai donné le
20 numéro de cet endroit, parce que je pensais qu'il serait libéré rapidement.
21 Je voulais être proche pour pouvoir le recevoir. Nous avons décidé de nous
22 reparler ce soir-là. C'était difficile. C'était difficile parce que c'était
23 très dangereux. Il était très dangereux pour moi de me rendre à
24 l'appartement, car pour accéder à notre bâtiment, il y avait une porte --
25 un passage à l'arrière qui était contrôlé par les terroristes.
Page 1605
1 Q. Madame Mitrovic, pourrions-nous parler de la conversation que vous avez
2 eue avec cet homme ? Pourriez-vous expliquer la teneur de cette
3 conversation avec cet homme avec l'accent macédonien ?
4 R. Il m'a appelé. Il a indiqué qu'il était l'ami de Boban, qu'il avait vu
5 Boban il y a quelques jours. Il a dit que Boban me remettait son bonjour.
6 Il voulait savoir si sa femme était -- si sa mère était encore en vie, et
7 il voulait savoir comment allaient ses enfants. J'ai répondu : Excusez-moi,
8 je n'ai pas bien saisi votre nom. Il a répondu : Je ne vous ai pas donné
9 mon nom. J'ai demandé où était Boban, et il a répondu : De l'autre côté."
10 Il m'a dit que nous devions nous voir pour parler. J'ai répondu qu'il
11 pouvait venir n'importe quand, qu'il pouvait venir chez-nous et que nous
12 parlerions. Il a refusé de venir. Il a dit qu'il ne pouvait pas venir car
13 sa liberté de circulation était restreinte, il ne pouvait pas traverser la
14 frontière du Kosovo, et je devais me rendre en Macédoine, plus
15 particulièrement à Skopje. C'était un petit peu bizarre. J'ai répondu que
16 je n'avais pas de passeport, je ne pouvais donc pas traverser la frontière.
17 Il m'a dit, à ce moment-là, que je devais d'en obtenir un, et il a
18 ri. Il trouvait cela bizarre que je ne n'aie pas de passeport. De toute
19 évidence, il me connaissait bien. J'ai dit que j'essayerais d'obtenir un
20 passeport, et que nous parlerions le lendemain.
21 Il m'a appelé le lendemain, la même heure.
22 Q. Madame Mitrovic.
23 M. CAYLEY : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, peut-être le
24 temps est venu de s'arrêter.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Cayley.
Page 1606
1 Malheureusement, nous sommes arrivés au terme du temps qu'il nous est
2 imparti pour cette séance. Nous allons poursuivre cette déposition demain.
3 Nous vous présentons nos excuses, Madame Mitrovic. Nous allons vous
4 demander de revenir demain pour poursuivre votre déposition.
5 Nous levons la séance jusqu'à demain, 14 heures 15.
6 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi
7 6 décembre 2004, à 14 heures 15.
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25