Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 14 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 -- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Peut-être que nous devrions

6 faire entrer le témoin dans le prétoire.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

10 Monsieur les Juges.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous rappelle le serment que vous

12 avez fait au début de votre déposition, serment qui est toujours valable.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends tout à fait, Monsieur le

14 Président.

15 LE TÉMOIN : JOHN CROSLAND [Reprise]

16 Interrogatoire principal par M. Cayley : [Suite]

17 Q. [interprétation] J'aimerais que vous preniez l'intercalaire 33, car

18 j'aurais quelques questions à vous poser à la suite de ce dont nous avons

19 parlé hier.

20 Monsieur Crosland, vous vous souviendrez certainement qu'hier, vous avez

21 expliqué aux Juges quelle était d'après vous, la région géographique du

22 commandement, ce qui correspondait à cette région géographique à Malisevo.

23 R. Oui.

24 Q. Qu'est-ce qu'une région géographique en termes militaires, est-ce qu'il

25 s'agit d'une région contrôlée par le QG ?

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1 R. En général, oui.

2 Q. Lors de vos déplacements au Kosovo, est-ce que vous avez trouvé

3 d'autres régions opérationnelles de contrôle ?

4 R. Monsieur, lorsque nous avons étudié l'ensemble du problème, nous avons

5 parlé avec différentes personnes qui étudiaient ces problèmes, et nous

6 avons établi des cartes approximatives pour ce qui d'après nous

7 représentait des régions opérationnelles, ce qui parfois était confirmé par

8 des sources du renseignement auxquelles j'avais accès.

9 Q. Quelles étaient les régions opérationnelles de contrôle de l'UCK au

10 Kosovo ? C'était cela, n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact, Monsieur.

12 Q. Est-ce que vous pourrez nous donner un autre exemple d'une région à

13 part Malisevo ?

14 R. La région qui se trouvait autour de Riznik était placée sous le

15 commandement de Ramus Haradinaj.

16 Q. Est-ce que vous avez une carte sur laquelle vous pourrez nous montrer

17 cela ?

18 R. Non, elle n'y est pas.

19 Q. Oui. Il s'agit de l'intercalaire numéro 1.

20 R. La région dont j'ai parlé se trouve juste au-dessus de Riznik, et vous

21 avez la région sous Ramus Haradinaj.

22 Q. Est-ce que vous pourriez attendre une petite seconde, parce que cette

23 carte n'a pas encore été placée sous le rétroprojecteur.

24 R. Oui.

25 Q. Je m'excuse. Est-ce que vous pourrez nous montrer à nouveau cet

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1 endroit ?

2 R. Il s'agit de la région qui se trouve près de Riznik, et il avait été

3 suggéré que cette zone opérationnelle s'étendait jusqu'à Pec et incluait

4 Decani et allait jusqu'à Djakovica.

5 Q. Qui était le commandant de cette région ?

6 R. Le commandant de cette région était Ramush Haradinaj, que j'ai

7 rencontré à plusieurs reprises.

8 Q. Monsieur Crosland, qu'est-ce qu'un ordre de bataille ?

9 R. Il s'agit du terme technique utilisé par les militaires lorsqu'on

10 essaie d'indiquer l'effectif, le nombre de soldats, le nombre de véhicules,

11 ainsi que la capacité militaire de cette unité.

12 Q. Avez-vous jamais été en mesure de créer un ordre de bataille pour l'UCK

13 au Kosovo ?

14 R. Cela était créé par des services du renseignement extérieur. Je dois

15 dire que personnellement j'étais un tant soit peu sceptique à ce sujet.

16 C'est la façon dont l'on étudie de nos jours les renseignements secrets, et

17 je crois personnellement que cela exagère un peu la situation sur le

18 terrain. Quant à moi, je m'en tenais à ce que je voyais sur le terrain. Je

19 prenais en considération les différents QG que j'ai visités. Comme je vous

20 l'ai indiqué hier, nous étudions cela en parallèle.

21 Q. Est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges quels sont les QG de l'UCK

22 dans lesquels vous vous êtes rendus lors de vos déplacements au Kosovo ?

23 R. Tout à fait. Dans un premier temps, il y a dans la région de Riznik, là

24 où se trouvait Ramush Haradinaj. Puis il y avait une région ou une zone que

25 je vous montre maintenant, qui était appelée Jablanica, puis il y avait un

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1 autre QG à Vocnjak. Il y en avait un également dans la région de Drenica,

2 et dans cette région ici, dans ce petit village d'ailleurs, qui n'est pas

3 indiqué sur la carte. Puis il y avait un autre QG à l'est de Kosovska

4 Mitrovica, près de Bajgori. Puis par la suite vers la ville de Podujevo,

5 dans un village qui se trouvait là, je pense qu'ils étaient probablement

6 subordonnés à Bajgori.

7 Puis à Lapusnik sur la route principale, qui relie Pristina à Pec. Comme

8 nous l'avons indiqué hier, le QG principal, ce qui était considéré comme le

9 QG principal, se trouvait à Malisevo. Il y avait une station de radio qui

10 se trouvait proche de la zone de Crni Lug, dans la zone montagneuse. Il y

11 en avait un autre à Sedlare, et puis finalement un autre à Crnoljevo, sur

12 la route qui menait à Stimlje, vers Suva Reka et vers Prizren. Puis il y

13 avait probablement un également dans la région de Budakovo.

14 Q. Ce sont tous les QG dont vous vous souvenez ?

15 R. Oui, c'est exact, Monsieur.

16 Q. D'où l'UCK recevait son ravitaillement, ses renforts ?

17 R. Comme je l'ai indiqué hier, cela passait par ce corridor à partir de

18 camps. Cela passait la frontière albanaise. C'était au départ cette région.

19 Puis ensuite, plus tard, cela est venu des frontières du sud, les

20 frontières entre le Kosovo et la Macédoine.

21 Q. Vous avez dit hier que vous étiez au courant de l'existence de camps en

22 Albanie à Bajrum Curi, à Kukes, à Tropolje. Que se passait-il dans ces

23 camps, d'après ce que vous savez ?

24 R. On nous avait donné des informations suivant lesquelles il y avait une

25 formation militaire de base qui était organisée. Il s'agissait également de

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1 réexpédier les munitions, les vêtements, et les armes qui ensuite passaient

2 par les montagnes, ou passaient par Vrbenica.

3 Q. Vous parlez de formation et de ravitaillement. Formation de quoi ?

4 R. De l'UCK.

5 Q. J'aimerais maintenant passer au télégramme suivant. Je pense qu'il

6 s'agit d'un télégramme qui a d'ailleurs été rédigé par vous-même ou par

7 l'adjoint de mission. Il s'agit d'un déplacement qui a eu lieu le 9 juillet

8 au Kosovo. Est-ce que vous faisiez partie de cette mission ?

9 R. Il s'agit de la Mission de vérification au Kosovo, oui.

10 Q. Est-ce que vous étiez avec eux ?

11 R. Non. J'étais avec l'ambassadeur, nous leur avons fourni quelques

12 explications au sein de notre ambassade, et ensuite, nous les avons

13 conduits au Kosovo et ils ont continué, les britanniques ont continué

14 jusqu'à Prizren et ils ont procédé à une inspection de la zone

15 géographique. Ils se sont déplacés dans plusieurs secteurs.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous parler de ce rapport ou non ?

17 R. Il s'agit du rapport, à la page 2, il est dit que l'UCK contrôle la

18 région autour de Dobro Vodo. Il s'agit d'un endroit qui se trouve sur la

19 route principale entre Pec et Pristina, juste au nord de la route.

20 Q. Est-ce que vous pourriez nous l'indiquer sur la carte et le surligner ?

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Il faut savoir Dobro Vodo avait été un point de rassemblement depuis

23 longtemps, d'ailleurs, pour les personnes qui avaient été chassées de leurs

24 maisons. La mission s'est rendue jusqu'à Djakovica, vers cette route

25 principale, que je vous montre maintenant. Ensuite, ils sont passés par

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1 Rakovina, qui a déjà été indiqué sur la carte. Je dirais que vous voyez le

2 paysage habituel des villages vides, des villages détruits.

3 Q. Qui avait détruit ces villages ?

4 R. Ils avaient été détruits par les forces de Sécurité serbes.

5 Q. Pourriez-vous mettre en exergue autre chose dans ce rapport ?

6 R. Il est dit que l'UCK a été vu dans la région de Rudnik, au nord de

7 l'itinéraire, ce qui est assez possible. Une fois de plus, il s'agit d'une

8 région très isolée. Une fois de plus, la plupart des villages qui se

9 trouvaient sur cette route, entre Mitrovica et près de Pec, tous les

10 villages avaient l'objet de dégâts considérables.

11 Q. C'étaient les forces serbes qui en étaient responsables ?

12 R. Une fois de plus, c'étaient les forces serbes. Et puis, un peu plus,

13 lorsque l'on parcourt la page, l'on voit que l'UCK se trouve à Crnoljevo et

14 nous avions examiné cela par le menu hier. Il s'agit d'une route qui relie

15 Stimlje et Suva Reka, et comme je l'ai indiqué hier, il s'agissait d'un QG

16 de l'UCK.

17 Vous avez la page 5, je pense qu'il s'agit de la page 3, il est question

18 des dégâts qui ont été occasionnés, cela ne fait que corroborer ce que je

19 viens de dire à propos des dégâts qui devenaient véritablement un lieu

20 commun et ce, dans tout le Kosovo.

21 Q. Je pense que ces dégâts avaient été provoqués dans la région de Decani-

22 Pec, cela se trouve à la page 5.

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Il est indiqué dans le rapport que le MUP a tiré au hasard sur des

25 maisons, sur des entreprises et qu'il y a eu un pillage. Est-ce que vous

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1 avez jamais été témoin de ce genre de choses, avez-vous jamais vu les

2 forces serbes tirer sur des maisons et piller le contenu de ces maisons ?

3 R. Oui. J'ai pris un film vidéo que j'ai plus tard donné au général

4 Ojdanic, à la fin du mois de juillet, lorsque la Vojska Jugoslavije avait

5 publié une déclaration pour indiquer que son armée régulière ne participait

6 pas à ce qui se passait au Kosovo. Et c'est une vidéo qui était destinée à

7 l'état-major pour leur indiquer que cela n'était pas exact. On y voyait des

8 blindés qui tiraient. On y voyait l'artillerie et l'on entendait également

9 des lance-roquettes qui avaient été tirées dans la région de Junik.

10 Q. Est-ce que vous avez d'autres observations à faire à ce sujet ?

11 R. J'aimerais attirer votre attention sur le dernier paragraphe qui

12 commence par "force anormale". C'est justement ce que nous avions dit

13 puisqu'il y avait eu de gros dégâts occasionnés. Si je me souviens, en

14 octobre, j'avais écrit que quelques 250 000 personnes avaient dû quitter

15 leurs domiciles; certaines s'étaient en Albanie, d'autres au Monténégro

16 mais il faut savoir qu'on voyait dans l'ensemble du Kosovo ce genre de

17 dégâts lourds qui, en règle générale, avaient été provoqués par les forces

18 serbes. Certes, il y avait quelques dégâts qui avaient été provoqués par

19 l'UCK mais le niveau, le degré de destruction n'était pas le même.

20 Q. Si nous pouvions passer peut-être au rapport suivant qui porte la date

21 du 30 juillet 1998. Je vais tout simplement vous donner lecture de la

22 synthèse du résumé et vous pourriez nous faire vos observations à propos du

23 rapport.

24 Il s'agit d'une situation de rapport, 28 et 29 juillet 1998. Résumé :

25 "Mission, emmenée par l'UCK au nord de Orahovac vers Malisevo. Nous avons

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1 eu la possibilité de nous déplacer au nord de Pec. Sur la route de Pec,

2 Lapusnik, Pristina. Nous avons rencontré une force d'assaut du SAJ, de la

3 PJP et de la VJ qui étaient prêts à attaquer Malisevo. Nous avons également

4 rencontré d'autres groupes de combat qui incluent la JSO et la PJP, des

5 opérations ont lieu à Dulje, Ilaca. Il faut savoir qu'il y a des tirs sur

6 Junik qui est sous le feu des blindés d'artillerie et MOR, à partir de 13

7 heures, des questions n'ont pas trouvé de réponses. Il n'est pas question

8 de victimes. Il y a probablement des charniers à Orahovac. Comment est-ce

9 que les autorités serbes peuvent expliquer ce genre de destruction gratuite

10 dans les villes et dans les villages ?"

11 J'aimerais vous poser une première question : est-ce que vous avez fait

12 partie de cette mission ?

13 R. Oui. J'ai organisé cette mission. Nous sommes partis de Orahovac au

14 nord vers la région de Malisevo où nous avions été détenus, comme je vous

15 l'ai indiqué hier, et cette fois-ci, ils étaient visiblement tout à fait

16 conscients qu'il y avait des forces serbes importantes que j'ai décrites et

17 qui se trouvaient à Lapusnik et au carrefour de Kijevo et qui étaient

18 prêtes, en fait, à attaquer Malisevo. C'est un assaut qui a été organisé

19 dès que nous sommes partis de la région. Il faut savoir qu'à ce moment-là

20 la plupart des gens avaient quitté Malisevo et il faut savoir que tous les

21 villages que l'on trouve près Malisevo ont été détruits. Il y a également

22 une région autour de Malisevo qui a été détruite bien que la région ou la

23 zone autour du QG n'avait pas été touchée. Ensuite, j'ai ramené le groupe à

24 Malisevo pour leur montrer où se trouvait l'UCK. Il faut savoir que cela a

25 provoqué un flot massif de réfugiés qui ont dû quitter Malisevo et qui se

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1 sont rendus vers, ce qu'on appelle, la vallée de Pagarushe, qui se trouve

2 juste au nord de Suva Reka et là, il y avait, à un moment donné, entre 40

3 et 50 000 réfugiés.

4 Q. Avez-vous d'autres observations à faire, Monsieur Crosland, à propos de

5 ce rapport ?

6 R. Oui. La zone autour de Blace, comme je l'ai décrite hier, était un

7 endroit où il y avait des renforts d'artillerie qui assuraient le soutien

8 pour l'ensemble de la région. Il y avait en fait une position de la Vojska

9 Jugoslavije et ces tirs d'artillerie lourds ont été vus et ont été filmés

10 pendant les mois de juillet, août et septembre.

11 Q. Je pense que nous pouvons passer maintenant au rapport suivant. Il

12 s'agit d'un rapport émanant de la division militaire de Pec et destiné au

13 commandement du district militaire de Pristina, STG, terme péjoratif pour

14 les groupes terroristes albanais, activités contre le MUP, contre les

15 membres du MUP.

16 "Les STG du village de Junik sont en train de poser une résistance féroce

17 face aux forces du MUP. Une partie du village de Junik a été balayée. Cette

18 opération de nettoyage continue. La VJ, l'armée yougoslave, les forces

19 prêtent main-forte aux forces du MUP, et trois blindés de la garnison de

20 Pec participent. Nous n'avons pas d'information pour ce qui est de l'issue

21 des combats."

22 Paragraphe 2 : "Les activités STG contre les membres de la VJ et contre les

23 installations, les appelés, la population civile.

24 "Les forces de la VJ opérant de concert avec les forces du MUP autour des

25 villages de Iglarevo et Junik continuent de nettoyer la région autour des

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1 villages de Iglarevo et Kijevo ainsi qu'à Junik à proprement parler, où des

2 forces importantes STG continuent à poser une résistance farouche."

3 A propos de l'événement dont il est question dans ce rapport, étiez-vous au

4 courant de cet événement à la fin du mois de juillet dans la zone de

5 Junik ?

6 R. Oui. Comme je l'avais indiqué, nous avions déjà indiqué au chef d'état-

7 major et à l'état-major de la VJ, que la VJ participait à ces opérations,

8 en dépit du fait qu'il nous avait dit que cela n'était pas le cas. Vous

9 avez ici la confirmation de ce que nous avancions. Cela s'est passé autour

10 de Junik. Nous décrivons ce qui se passe -- ce qui s'est passé au cours des

11 trois dernier mois. Il faut savoir que cela s'est poursuivi jusqu'à la fin

12 du mois de juillet.

13 J'aimerais indiquer en second lieu que j'étais présent au village que je

14 suis en train de vous montrer sur la carte, qui se trouve juste au-dessus

15 de la région de Dobro Vodo. Nous étions présents lorsque les forces de

16 Sécurité serbes ont investi le village, et ont littéralement enfoncé toute

17 les portes, incendié les maisons et enlevé les villageois qui se trouvaient

18 encore dans leurs maisons. Il s'agit d'une communauté rurale qui était

19 restée, justement afin d'essayer de continuer à labourer la région. Il faut

20 savoir qu'ils ont été considérés par les forces de Sécurité serbes comme

21 une menace, une menace le long de cette route de Pristina, Klina et Pec. Il

22 s'agissait d'une destruction systématique de ces villages qui se trouvaient

23 le long de ces routes pour cette raison, parce qu'on indiquait qu'il

24 pouvait cacher l'UCK qui pouvait attaquer à partir de ces villages.

25 Q. J'aimerais vous demander de passer à l'intercalaire suivant. Il s'agit

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1 du commandement de la 15e Brigade blindée. Est-ce que vous pourriez nous

2 dire où se trouvait cantonné la 15e Brigade blindée ?

3 R. Cette 15e Brigade blindée se trouvait à Pristina, à la périphérie de

4 Pristina. Nous nous y sommes rendus plusieurs fois avant que ces opérations

5 ne commencent. Cela étaye à nouveau le fait, comme cela a été indiqué dans

6 plusieurs paragraphes de ce document, que les forces du MUP participaient.

7 Il y a des preuves de collusion entre la Vojska Jugoslavije et le MUP.

8 Q. Au paragraphe 4, des opérations précédentes du MUP et de la VJ ont été

9 organisées. C'est à ce paragraphe, je suppose, que vous faisiez allusion.

10 R. C'est exact.

11 Q. Pour ce qui est du paragraphe premier, et je ne vais pas vous donner

12 lecture de toute la liste des villages. Mais vous voyez qu'il est question

13 d'opérations autour de Komorane, Lapusnik et Kijevo entre le 25 juillet et

14 le 6 août. Etiez-vous au courant de l'existence de ces opérations à ces

15 dates-là ?

16 R. Oui, Monsieur. La région ou la zone dont il est question va depuis

17 Lapusnik au nord vers Malisevo. Il faut savoir qu'il s'agissait d'un

18 endroit qui avait une importance tactique et stratégique pour les Serbes.

19 Ils ont systématiquement balayé et nettoyé cette région. Il faut savoir que

20 tous les villages qui se trouvaient là ont plus ou moins été quasiment

21 rasés par les forces de Sécurité serbes pendant cette période.

22 Q. J'aimerais que nous passions au rapport du 27 août 1998. Une fois de

23 plus, je vais vous donner lecture du résumé qui se trouve au début.

24 "25 août 1998. Opérations en cours du MUP et de la VJ à Stimlje, Dulje,

25 Blace et au sud de Komorane vers Sedlare. Artillerie lourde et -- avons

Page 1968

1 entendu de l'artillerie lourde et des tirs directs. Il n'y a pas d'accès au

2 sud de Malisevo qui est autorisé. L'UCK semble revenir dans d'anciens

3 secteurs.

4 "Le 26 août 1998, a obtenu un accès par Junik, passé sous le contrôle du

5 MUP, et avons inspecté au sud par le cordon sanitaire entre Ponosevac et

6 Djakovica. C'est un secteur qui est placé sous le contrôle de la VJ. Les

7 choses sont un peu moins tendues. La mission a pris l'ambassadeur

8 britannique ainsi qu'un invité à Josanice, et a montré des exemples des

9 dégâts à des maisons. L'UCK a arrêté la mission à Brocnja pour donner

10 l'impression que l'UCK contrôlait la région des dégâts, et ont été

11 occasionnées incendies de maisons qui viennent de se produire. Il est prévu

12 une escalade des opérations agressives du MUP et de la VJ. Dégâts et

13 problèmes humanitaires continuent à escalader."

14 Monsieur Crosland, hormis la mention à Junik qui est faite à nouveau, il

15 s'agit de la même région que dans l'intercalaire précédent, n'est-ce pas ?

16 R. C'est exact. C'était véritablement le début de la tentative menée à

17 bien par les forces de Sécurité serbes, qui voulaient véritablement avoir à

18 nouveau le contrôle de cette région, puisqu'il y avait trois des quatre

19 routes principales qui avaient été bloquées par l'UCK. Nous commencions à

20 voir, en quelque sorte, le début de la contre-offensive menée à bien par

21 les Serbes, qui voulaient à nouveau obtenir le contrôle de cette région, et

22 qui voulaient balayer cette région. La région en question est la région de

23 Lapusnik, Malisevo, Blace. Les opérations autour de Junik se poursuivaient.

24 Ensuite, nous avons conduit notre ambassadeur vers Josanica et vers

25 Vocnjak, où l'UCK avait son QG. Le but était d'ailleurs de lui montrer que

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1 l'UCK était organisée de façon assez souple, mais que toutefois, ils

2 avaient un QG dans cette région.

3 Q. Vous faites état à nouveau d'incendies récents de maisons. Vous vous

4 souvenez de l'endroit où cela s'est passé ?

5 R. Comme je l'ai déjà dit, il s'agissait de quelque chose qui se passait

6 au quotidien. Chaque fois que nous inspections la région, la région était

7 couverte de fumée qui s'échappait de maisons, de stations d'essence, de

8 silos de céréale, toute l'infrastructure que les Serbes pouvaient incendier

9 et essayer de détruire. Cela faisait partie du nettoyage ethnique infligé à

10 cette région où il y avait des Albanais du Kosovo.

11 Q. Nous allons maintenant passer au rapport suivant en date du 10

12 septembre 1998. Une fois de plus, je vais vous donner lecture du résumé :

13 "Un site probable de charnier à deux kilomètres de Riznik, les corps qui

14 ont été vus. Les Serbes revendiquent 40, parce qu'il y a 40 autres

15 personnes qui ont été portées disparues. Il semblerait -- des indices

16 tentent à prouver qu'il s'agit de la responsabilité de l'UCK. Autopsie doit

17 suivre.

18 Paragraphe 2 : "Concentration IDP entre 5 à 15 000 personnes qui ont été

19 vues en train de se déplacer, probablement pour essayer d'habiter à nouveau

20 les villages détruits au nord de Suva Reka. Komorane vers Sedlare. Tous les

21 villages ont été détruits. La population civile revient très, très, très

22 lentement. La mission a parlé à des personnes qui ont indiqué que seuls 25

23 étaient revenus, et qu'ils n'avaient pas suffisamment de vivres et de

24 matériels pour reconstruire."

25 Monsieur Crosland. Pourriez-vous nous indiquer sur la carte, s'il vous

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1 plaît, le village qui vient d'être cité, Riznik ?

2 R. Certainement. Monsieur le Juge, Madame et Monsieur les Juges, nous

3 avons été contactés par les forces de Sécurité serbes, et nous sommes allés

4 à Djakovica sous escorte du MUP. Nous sommes ensuite allés à Prilep et nous

5 sommes passés à droite à Riznik. Ensuite, nous nous sommes rendus dans

6 cette région que j'indique ici, à quelques cinq kilomètres au nord de

7 Riznik.

8 Q. Qu'avez-vous découvert sur place ?

9 R. En route, nous avons constaté qu'il y avait des opérations en cours. Il

10 y avait des véhicules de transport de troupes. Il y avait des chars pour la

11 SAO [comme interprété], qui étaient présents pour la deuxième ou troisième

12 déjà. Ils étaient en train de déblayer le village ou de nettoyer le village

13 de Riznik, de Prilep qui avait déjà subi de gros dommages. Prilep a été

14 endommagé très fortement. Ces opérations se poursuivaient toujours. Des

15 balles de foin étaient brûlées, et toutes les infrastructures avaient été

16 détruites.

17 Nous sommes ensuite arrivés à ce qui aurait pu être un charnier. Il y avait

18 six ou huit corps qui étaient disposés à 3 ou 5 mètres de profondeur. Ces

19 personnes étaient d'origine chinoise, ce qui tentait à croire que c'étaient

20 des membres de l'UCK qui avaient commis ce crime-là. Mais nous n'avons pas

21 été en mesure de reconnaître ces corps malheureusement. J'ai pensé que cela

22 faisait à peu près une semaine et un mois qu'ils gisaient dans les égouts.

23 C'était difficile de le savoir car ils gisaient dans l'eau.

24 Après cela, j'ai emmené notre ambassadeur Lord Ashdown. Je l'ai emmené

25 visiter cet endroit. Milutinovic, le premier ministre adjoint et nous avons

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1 déposé une gerbe. C'était une ruse qui avait été menée par les forces de

2 Sécurité serbes pour semer la confusion dans les esprits. Il est possible

3 que ce soit une atrocité commise par l'UCK. Le commentaire qui avait été

4 fait à l'époque, c'est que 40 autres Serbes étaient encore portés disparus.

5 Nous avons quelques indications comme quoi ils étaient détenus dans la

6 région près de Jablanica ou dans la région aux alentours.

7 Q. Quelle était l'origine ethnique des personnes qui avaient été

8 assassinées, tuées ?

9 R. C'est impossible à dire car nous ne pouvions descendre dans l'eau pour

10 regarder ces malheureux. C'était très difficile de le savoir. D'après les

11 éléments dont nous disposions, nous aurions tendance à croire que les

12 Serbes disaient la vérité.

13 Q. Si nous pouvons maintenant passer à d'autres commentaires.

14 R. Si je puis, je souhaite attirer votre attention sur le paragraphe 7.

15 C'est un rapport de la Mission de vérification du Kosovo portant sur le

16 chiffre qui est indiqué ici, 171 000. Ceci vous donne une idée de la

17 destruction qui avait été opérée dans la région. Le mouvement massif de la

18 population qui avait commencé, ces populations qui avaient commencé à se

19 déplacer en grand nombre. Comme je vous l'ai indiqué 40 à 50 000 dans la

20 vallée de Pagarushe et au nord-ouest, dans la région de Suva Reka, comme je

21 vous l'indique sur la carte, comme je vous l'indique maintenant.

22 Q. Vous parlez de personnes déplacées, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Nous allons maintenant passer au rapport qui est daté du

25 6 novembre 1998. Encore une fois, je vais simplement le résumé : "Demande

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1 mutuelle aux fins de parler rapidement de la situation qui est en train de

2 se détériorer au Kosovo. Les activités de l'UCK, du KLA, du réengagement du

3 MUP, manque de contrôle au niveau de la frontière, visite des unités du

4 général Perisic au Kosovo, entre le 4 et le 6 novembre 1998, l'attaché

5 militaire a suggéré qu'il fallait plutôt changer de tactique.

6 A quoi ceci fait-il allusion ?

7 R. Ceci fait allusion à une réunion qui avait été convoquée par le colonel

8 général Dimitrijevic auquel j'ai été convié pour parler de la situation au

9 Kosovo, car comme je l'ai évoqué un peu plus tôt, à la fin du mois d'août

10 et au mois de septembre, les forces de Sécurité serbes semblent avoir pris

11 le contrôle, ou en tout cas, avoir mené une frappe tactique contre l'UCK

12 qui, sans doute, était assez désorganisée à l'époque. Quelques signes

13 troublants semblaient indiquer que du renfort arrivé à l'UCK, le renfort

14 arrivé de l'Albanie alors que les Serbes avaient peut-être un avantage

15 tactique. Ils n'avaient certainement pas la capacité stratégique. Ils

16 n'auraient certainement pas pu se débarrasser de l'UCK. C'est en somme ce à

17 quoi fait référence le général Dimitrijevic ici. Parce que comme je l'ai

18 évoqué à plusieurs reprises hier et au cours de l'audience d'hier, aucune

19 des deux parties n'était en mesure de garder le contrôle d'une région pour

20 plus de 48 heures avant que l'autre partie ne revienne et reprenne le

21 terrain. Ceci se produisait sans cesse.

22 Le général Perisic, qui était le chef d'état-major est allé visiter,

23 rendre visite aux hommes pour leur remonter le moral, les troupes de VJ au

24 Kosovo. Il pensait que l'UCK avait été repoussée. Comme nous le verrons par

25 la suite, ceci n'a pas été le cas. La situation a changé lorsque les

Page 1973

1 renforts sont arrivés de l'UCK. Après la pression exercée par le temps sur

2 l'Etat de Yougoslavie.

3 Q. Est-ce que vous avez parlé à Dimitrijevic de la destruction des

4 infrastructures, des bâtiments, des maisons au Kosovo ?

5 R. Oui, absolument. Au paragraphe 5, il reconnaît que la VJ est allée un

6 peu trop loin au cours de l'offensive de l'été, et que ceci avait été le

7 cas, parce que la VJ avait dû intervenir pour pouvoir contrebalancer, ou en

8 tout cas, contrebalancer l'inefficacité du MUP. Bien, ceci est un point qui

9 est resté obscur. Mais comme nous l'avons dit, la destruction, les tirs

10 direct et indirects, les tirs d'artillerie et les tirs des chars venaient

11 surtout des formations de la VJ.

12 Encore une fois, si je puis, j'aimerais attirer votre attention sur le

13 paragraphe 6. D'après le général Dimitrijevic, l'Albanie a fait preuve d'un

14 manque de responsabilité, puisque la police n'était pas en mesure de

15 contrôler la frontière. C'était ce dont se lamentait la VJ souvent, quelque

16 chose que nous avons déjà abordé.

17 Q. Nous allons continuer, et passer au prochain télégramme diplomatique

18 qui est daté du 6 novembre 1998. Au paragraphe 4 que je vais lire : "Les

19 deux sources, serbe et albanaise, les rapports qui arrivent sont assez

20 différents concernant des incidents à petite échelle. L'impression générale

21 est que l'UCK reprenne le contrôle des routes dans différentes régions,

22 mais que les deux côtés ou parties, à ce moment-là, tentent d'éviter une

23 provocation trop lourde. Des tirs venant de l'UCK, apparemment, de Cicavica

24 dans la région montagneuse de Drenica, scène, ou en tout cas, en droit où

25 le conflit a éclaté cet été. Dans un incident séparé, des Albanais armés

Page 1974

1 ont arrêté un bus à Pristina; la route entre Pristina et Kosovska

2 Mitrovica. Ils ont interrogé un soldat serbe et un policier. Le soldat a

3 été relâché par la suite, mais nous ne savons pas à l'heure actuelle où se

4 trouve le policier. Entre-temps, les deux journalistes Tanjug sont toujours

5 entre les mains de l'UCK. Les médias de Belgrade, la télévision publique

6 ainsi que les agences privées continuent à couvrir ce sujet dans leurs

7 journaux."

8 Au Kosovo, où l'UCK a-t-il commencé à reprendre le contrôle des

9 routes à ce moment-là ?

10 R. Madame, Messieurs les Juges, je souhaite attirer votre attention au

11 paragraphe 6. C'était l'époque où M. Holbrooke et si l'OTAN avait signé un

12 accord sur l'état yougoslave. Par conséquent, l'état yougoslave était sous

13 une pression très importante. Il fallait qu'il retire ses forces. Il y

14 avait trois groupes de combat. Moi-même et une autre personne, nous étions

15 présents lorsque ces formations se sont retirées.

16 Le conseil que j'ai donné aux autorités supérieures, à la fois à Londres et

17 à Belgrade, c'est que si la Vojska Jugoslavija se retirait de ses

18 positions, l'UCK reprendrait les terrains, à moins qu'il n'y ait un autre

19 groupe armé ou un autre groupe qui reprenne le terrain.

20 Pour être tout à fait juste envers les Serbes, ils se sont retirés tel que

21 cela leur avait été demandé et ils se sont installés dans leurs casernes.

22 Ils sont retournés à Prizren, Urosevac et Pristina. Effectivement, l'UCK a

23 commencé à reprendre certaines des positions. Nous avons entendu des tirs

24 de Cicavica, des montagnes et venant des montagnes qui surplombent la

25 vallée de Kosovska Mitrovica.

Page 1975

1 Q. Lorsqu'on parle de l'UCK qui reprend le contrôle des routes, c'est à

2 cela que vous faites allusion ?

3 R. Oui, tout à fait.

4 Q. Il parle aussi également d'un incident où des Albanais, sur la route de

5 Kosovska Mitrovica ont interrogé deux Serbes, un soldat et un officier de

6 police, et on parle de la disparition du policier. Vous souvenez-vous de

7 cet événement ?

8 R. Oui, Monsieur. Les Serbes étaient très en colère car ils estimaient que

9 c'était leur patrie, au nord de Pristina, de Mitrovica. où avait eu lieu

10 l'interférence. A l'ouest --

11 Q. Pourriez-vous mettre ceci sur la carte ?

12 R. Comme ceci ?

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pardonnez-moi, Madame, Messieurs les Juges.

14 Je sais que Monsieur Cayley a parlé de questions qui avaient trait au

15 contexte; cela fait un certain temps maintenant que nous parlons de dates

16 qui sont en dehors de l'acte d'accusation et je souhaite ici simplement

17 soulever une objection et parler au motif de la pertinence.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

19 Pour l'instant la Chambre de première instance a estimé qu'elle ne

20 souhaitait pas intervenir mais vous reconnaîtrez, Monsieur, que ce qui

21 vient d'être dit est un point tout à fait valable. Je vous demande de bien

22 vouloir faire attention à ceci surtout que ceci doit avoir une pertinence

23 pour toutes questions qui sont posées devant cette Chambre. Il ne faut pas

24 présenter une image tout à fait générale, il ne faut pas aller au-delà des

25 questions pertinentes.

Page 1976

1 M. CAYLEY : [interprétation] Vous souhaitez que je réponde à cette

2 objection ?

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous n'avez pas besoin de le faire

4 mais comme je vous l'ai précisé, nous n'allons pas intervenir.

5 M. CAYLEY : [interprétation] Comme je l'ai dit, je peux en parler avec

6 Monsieur Guy-Smith. Par la suite, j'ai clairement indiqué que je souhaitais

7 ici appliquer la position qui avait été adoptée dans l'affaire Tadic. Je me

8 rends compte que vous ne souhaitez pas que nous entamions ce débat. C'est

9 tout à fait normal de vouloir présenter les éléments ainsi. Néanmoins je

10 vais poursuivre, Monsieur le Président. Vous constaterez qu'il y a deux

11 rapports après ceci, Monsieur Guy-Smith, qui vous satisferont. Vous

12 comprendrez que je ne suis pas allé au-delà des limites qui m'ont été

13 imposées. Merci.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le peu que nous ayons entendu jusqu'à

15 présent aurait tendance à corroborer ce que la Chambre de première instance

16 vient de dire.

17 M. CAYLEY : [interprétation] Où en sommes-nous, pardonnez-moi.

18 R. Nous parlions de la région de Cicavica, où j'ai expliqué les choses

19 assez clairement, je l'espère.

20 Q. Très bien. L'arrestation de ces deux individus du bus entre Pristina et

21 de Mitrovica, vous vous souvenez de cet événement ?

22 R. Oui, tout à fait. Comme je vous l'ai déjà indiqué, la région dont nous

23 parlons ici se trouve tout à fait à droite du berceau, au nord de Pristina,

24 du berceau de la civilisation serbe, en direction de Mitrovica, à l'ouest,

25 là où il y avait un nombre de villages serbes et où l'UCK est descendu des

Page 1977

1 montagnes de Cicavica et a réussi à enlever une personne.

2 Q. Vous souvenez-vous des deux journalistes qui ont été détenus par

3 l'UCK ?

4 R. Non. Il y avait des centaines de journalistes au Kosovo qui tentaient

5 tous de raconter une histoire. Certains s'en sont tenus aux conseils qui

6 leur avaient été donnés, on leur avait indiqué que c'était un endroit

7 dangereux et qu'il était difficile de voyager. D'autres ne respectaient pas

8 ces consignes. Je crains de ne pas pouvoir me souvenir de cet incident en

9 particulier.

10 Q. Nous avons le rapport suivant, celui du 16 novembre 1998, paragraphe 5,

11 qui m'intéresse ici plus particulièrement. "Un soldat a été tué et trois

12 ont été gravement blessés le 13 novembre à la suite d'une embuscade de

13 l'UCK contre un convoi de la VJ près de Dulija sur la route entre Pristina

14 et Prizren. La VJ ou le Corps de la VJ a informé l'attaché militaire, qui

15 devait se rendre à Prizren à l'époque, lui a fait part de cet incident

16 ainsi que les représentants du KDOM/KVM. Ils ont demandé à l'attaché

17 militaire d'aller voir cet homme qui avait été blessé ainsi que le corps.

18 Le 15 novembre, près de Dulija, le KDOM américain a rapporté qu'une colonne

19 de la VJ, qui passait par là, a tiré en visant l'endroit se situant juste

20 au-dessus des véhicules. Bullivant, (le porte-parole de KVM) a déclaré que

21 le KVM avait recherché à obtenir une explication de la part de la VJ. Dans

22 sa déclaration, la VJ a nié que cet incident avait eu lieu. De sources

23 indépendantes, la VJ a suggéré que ces coups de feu qui auraient été tirés

24 étaient, en fait, le bruit provoqué par le véhicule. Je comprends que le

25 KDOM soit maintenant plus à l'aise à propos de cet incident bien que

Page 1978

1 Pellnas, qui dirigeait le bureau de liaison à Belgrade, m'a dit ce matin

2 qu'il pensait que la VJ avait tenté de tirer sur le convoi et il pensait

3 que Walker allait soulever ce point-là lors de la réunion avec Milosevic un

4 peu plus tard aujourd'hui".

5 J'ai lu tout ceci pour que nous ayons l'intégralité de cette déclaration.

6 Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est la partie du rapport de

7 l'attaque sur un convoi de la VJ près de Dulija. Pourriez-vous nous dire où

8 se trouve Dulija sur la carte.

9 R. Certainement. C'est sur la route, la route que tout le monde utilisait,

10 dont nous avons parlé en détail, entre Stimlje, Dulija et jusqu'à Prizren.

11 J'étais à Prizren au cours de ces journées-là. Je retournais assez tard

12 dans la nuit lorsque nous avons été pris par la Vojska Jugoslavije à peu

13 près dans cette région. J'ai demandé à retourner à Prizren où cet incident

14 avait eu lieu et où des gens de la VJ avaient été tués ainsi que d'autres

15 soldats blessés.

16 J'ai demandé au commandant, que je connaissais assez bien, si je pouvais

17 venir en aide. Nous nous sommes rendus à l'hôpital et nous avons vu le

18 soldat qui avait été tué et nous avons prodigué des soins médicaux et nous

19 avons fourni des médicaments à leurs médecins de façon à ce qu'ils puissent

20 traiter les cinq autres soldats, qui avaient été légèrement blessés au

21 cours de l'attaque. J'ai fait une déclaration et c'est au cours de cette

22 déclaration, une déclaration conjointe qui avait signée à la fois par le

23 commandant à Prizren et moi-même que nous avons fourni des explications à

24 l'égard de cet incident en particulier.

25 Pour ce qui est du KVM, vous verrez dans ce paragraphe, si je puis attirer

Page 1979

1 votre attention sur ce paragraphe 10, un commentaire de Seselj, indiquant

2 que les Serbes ne devaient pas forcément faire confiance au KVM. Je ne peux

3 pas confirmer ou infirmer que cet événement ait effectivement bien eu lieu.

4 Comme je vous l'ai indiqué hier, la zone de Dulje, Crnoljevo et Stimlje

5 était une zone extrêmement dangereuse et il était difficile de circuler. Il

6 se peut que cet incident se soit produit après la frappe de la VJ là parce

7 qu'ils avaient perdu des soldats. Nous pourrions tout à fait aisément

8 comprendre leur réaction, leur colère après cela.

9 Q. Pardonnez-moi. De quel incident faites-vous état ici ?

10 R. De l'incident, Monsieur, au paragraphe 5, qui parle du KDOM US qui

11 avait été attaqué par -- qui a ouvert le feu à la VJ.

12 Q. Le rapport final, si vous pouvez le suivre, à l'intercalaire 42. Je

13 vais le lire : "Le 20 novembre, deux officiers de police serbes du nord-est

14 de la Serbie ont été tués. Quatre ont été blessés à Prilep près de Decani,

15 où le véhicule a été touché par dispositif antichar. Ceci a été suivi par

16 une rafale d'armes automatiques. Certains rapports parlent de réponses

17 musclées de la police dans la région au cours du week-end, y compris des

18 passages à tabac et des raids sur les maisons qui restaient intactes encore

19 à Prilep. L'UCK a annoncé le 22 novembre qu'ils avaient arrêté un policier

20 serbe et un civil que l'on suspectait d'avoir pillé des villages albanais.

21 Ils ont été détenus par les organes de police de l'UCK. La police a publié

22 des chiffres le 23 novembre, citant 163 attaques de l'UCK entre le 13

23 octobre et le 20 novembre, ce qui a eu pour conséquence la mort de 14

24 policiers, et 21 autres personnes ont été blessées. Deux soldats de la VJ

25 ont été tués, deux soldats de la VJ et un civil sont reportés -- d'après le

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1 rapport sont blessés au cours de la même période.

2 Pourriez-vous nous indiquer où se trouve Prilep, s'il vous plaît ?

3 R. Oui, bien sûr. Prilep est une petite ville sur la route entre Pec,

4 Decani. Prilep se trouve ici. Ensuite, on descend jusqu'à Djakovica. Il est

5 vrai qu'il s'agissait quasiment d'une ligne de front ici, le long de

6 laquelle les combats avaient lieu au cours des mois que nous venons

7 d'évoquer. Prilep était une position défensive du MUP qui était attaqué

8 régulièrement, et surtout attaqué par l'UCK, comme je vous l'ai dit, qui

9 était cantonné à l'est du village de Riznik, comme je vous l'ai dit. Ces

10 deux villages ont fait l'objet d'une attention bien particulière. Comme je

11 vous l'ai dit, Prilep se trouvait -- avait été rasé quasiment jusqu'au sol.

12 Le village n'avait -- il ne restait que quelque 25 centimètres au niveau

13 des bâtiments de ce village.

14 Q. Leurs véhicules ont été touchés par des systèmes antichars. Quel est le

15 résultat ? Quelle est la conséquence de cela ?

16 R. Autour de ce moment-là, je ne me souviens pas exactement de la date,

17 mais j'ai rendu visite au QG de l'UCK à Riznik, près de Riznik, qui se

18 trouve dans la région de Ramush Haradinaj. Ils avaient très envie de nous

19 montrer leurs batteries d'armes automatiques, de fusils d'élite, leurs

20 Panzers, leurs chars, qui étaient des systèmes -- ils avaient des armes

21 antichars qui venaient d'arriver. On leur avait envoyé ce matériel

22 militaire depuis peu. Cela avait envoyé depuis l'Albanie, le long du

23 corridor que j'ai évoqué à plusieurs reprises en direction de Decani. Au

24 cours de leur visite, ils ont évidement reçu énormément de vêtements. Ils

25 portaient des vêtements de combat. Ils portaient tous un uniforme

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1 semblable, indiquant que les renforts étaient arrivés. Je dois vous

2 rappeler, si vous me le permettez, que nous parlions maintenant du

3 paragraphe 3. C'est le moment où M. Holbrooke était en Yougoslavie tentant

4 d'attirer l'attention sur ce conflit. Les Serbes étaient sous pression, et

5 les autorités albanaises et l'UCK étaient en train d'exploiter cette

6 pression sous laquelle se trouvaient les Serbes.

7 Q. Les chiffres cités sont de 163 attaques de l'UCK. Vous avez fait un

8 commentaire à cet égard vers le 13 novembre.

9 R. Oui. Ce nombre ne me semble pas exagéré, mais je crois qu'il faut y

10 inclure les différents événements comme l'assassinat des policiers à l'aide

11 d'armes antichars et différentes altercations de ce type. Comme je vous

12 l'ai dit, 163, il y avait peut-être 100 personnes qui avaient été très

13 gravement blessées, et 63 peut-être qui avaient été blessées de façon moins

14 importante. C'est ainsi qu'il faut présenter les choses. Il est difficile

15 de vérifier tous ces chiffres.

16 Q. Quelques dernières questions. Il n'est pas possible de vérifier ces

17 faits. Est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer un commandant de

18 l'UCK dénommé Fatmir Limaj ?

19 R. Si son surnom était Celiku, oui. Vous savez, le problème lors de ce

20 premier jour, c'est que même si vous demandiez des noms, on vous donnait

21 toutes sortes de noms de guerre, de pseudonymes. Il m'est donc impossible

22 de vous dire avec précision si c'était la personne que j'ai rencontrée,

23 parce que les contraintes étaient très grandes, les contraintes imposées

24 pour assurer leur propre sécurité.

25 Q. Vous avez rencontré un homme à Malisevo. Est-ce qu'il vous a dit quoi

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1 que ce soit à propos de sa zone de commandement et des hommes qu'il avait

2 sous ses ordres à l'époque ?

3 R. Non, pas de façon aussi explicite. J'ai essayé de vous le faire

4 comprendre. Nous avons discuté de plusieurs villes, ou plutôt de villages

5 environnants. Manifestement, il les connaissait, ces lieux. On pouvait en

6 conclure raisonnablement que c'était là des zones qui relevaient de sa zone

7 de commandement tactique. Je le répète, Madame et Messieurs les Juges, il

8 est difficile de reconstituer, de se faire un ordre de bataille

9 significatif, lorsque vous avez des formations qui se déplacement dans la

10 campagne, et qui sont chassées par des forces numériquement supérieures,

11 dès les premiers jours à Drenica --

12 Q. Vous dites "ils" --

13 R. L'UCK. L'UCK a compris que si elle s'arrêtait, si elle combattait dans

14 une zone qui, géographiquement parlant, était plus favorable aux forces

15 serbes, qui étaient mobiles elles et qui disposaient d'armes à longue

16 portée, à ce moment-là, l'UCK risquait d'enregistrer des pertes sérieuses.

17 Je dirais oui, qu'il y avait une organisation, qu'il y avait une structure

18 de commandement, qu'il y avait des QG qui étaient éparpillés dans la

19 province de Kosovo. J'espère avoir indiqué ceci aux Juges de la Chambre.

20 M. CAYLEY : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres

21 questions à poser à ce témoin. Les contre-interrogatoires peuvent désormais

22 commencer.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Maître Mansfield,

24 vous avez la parole.

25 Contre-interrogatoire par M. Mansfield :

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1 Q. [interprétation] Monsieur Crosland, je défends les intérêts d'une

2 personne répondant au nom de Fatmir Limaj. Aujourd'hui apparemment, c'est

3 la toute première fois que vous fournissez la moindre indication, n'est-ce

4 pas, du fait que vous auriez éventuellement rencontré un homme répondant à

5 ce nom ? C'est bien vrai, n'est-ce pas ?

6 R. Oui, je pense que c'est la première fois qu'on me pose précisément

7 cette question-là.

8 Q. Est-ce que c'est la première fois qu'on vous pose cette question ?

9 R. A ma connaissance, oui.

10 Q. Comment saviez-vous que cela risquait d'être en rapport avec le nom de

11 Celiku ?

12 R. Parce que dans un de mes rapports rédigés à l'époque où je me trouvais

13 au Kosovo, ce lien est apparu, ou a été constitué en recoupant d'autres

14 renseignements que j'ai eus à ma connaissance.

15 Q. Où se trouve ce rapport ?

16 R. Je ne sais pas. Vous savez, ces rapports ne sont pas ma propriété

17 personnelle. Sans doute, au ministère de la Défense.

18 Q. Quand avez-vous rédigé ce rapport, et quel titre portait-il ?

19 R. J'essaie de vous l'expliquer. Ce rapport, c'est un rapport que j'ai

20 rédigé. J'en ai rédigé 85 en plus de rapports verbaux que je renvoyais de

21 façon sécurisée à Londres. Ce sont des rapports qui appartiennent au

22 ministère de la Défense. Maintenant, je suis à la retraite.

23 Q. Je comprends bien que c'est difficile. Vous voyez, je dois vous

24 demander ceci. Nous, à ma connaissance, nous n'avons pas ce rapport. Dans

25 ce ou ces rapports, est-ce que vous avez indiqué avoir rencontré un

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1 individu répondant au nom de Fatmir Limaj ?

2 R. Non, je n'ai sûrement pas mentionné ce nom-là.

3 Q. Soyons clairs. Il n'existe aucun rapport où que ce soit, et vous ne

4 mentionnez pas ceux qui ont été produits ici, qui laisseraient entendre que

5 vous auriez eu l'occasion de rencontrer Fatmir Limaj ?

6 R. Ce nom, je ne le connaissais pas. Je ne l'ai pas appris jusqu'au moment

7 où d'autres agences m'ont dit qu'il y avait peut-être un lien entre ces

8 deux noms-là. C'est tout ce que je peux vous dire pour être plus clair.

9 Q. Vous parlez d'agences ou de services. Quels sont ces autres services ?

10 R. D'autres services de Renseignement qui ont avec qui j'ai eu affaire.

11 Q. Avec quels autres services de Renseignement avez-vous eu des contacts ?

12 Q. Sur un rapport avec le ministère de Défense.

13 Q. Lesquels ?

14 R. Je ne pense pas avoir le droit de vous le dire.

15 M. MANSFIELD : [interprétation] Pour des raisons qui sont en étroit rapport

16 avec les incidents allégués dans cet acte d'accusation et avec la période

17 visée par l'acte d'accusation, je vous demande que nous donne au moins le

18 nom de ces services de Renseignement.

19 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, c'est --

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Cayley.

21 M. CAYLEY : [interprétation] Vous le savez, Maître, c'est un domaine très

22 sensible dont je dois ici pouvoir m'entretenir avec le conseiller du

23 ministère de la Défense sur ce point, le conseil juridique.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il vous faut combien de temps ?

25 M. CAYLEY : [interprétation] Cinq minutes.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien. Nous allons faire une pause

2 provisoire ou brève.

3 --- La pause est prise à 10 heures 05.

4 --- La pause est terminée à 10 heures 23.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Cayley, vous avez la parole.

6 M. CAYLEY : [interprétation] Il serait peut-être utile et je ne veux pas

7 gâcher de temps, pas perdre de temps inutilement, je pourrais peut-être

8 m'adresser à vous en audience à huis clos partiel. Effectivement, je ne

9 voudrais pas que le témoin m'entende.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien. Monsieur le témoin,

11 malheureusement je dois vous demander de quitter ce prétoire.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Président.

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Cayley. Audience à huis

15 clos partiel.

16 [Audience à huis clos partiel]

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22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

23 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

24 [Audience publique]

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Cayley, vous vouliez parler ?

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1 M. CAYLEY : [interprétation] Oui. Quelques éléments à la suite de la

2 discussion avant la pause. Auriez-vous l'obligeance d'expliquer au témoin,

3 puisque nous nous pouvons pas lui parler, que nous avons demandé l'avis du

4 conseiller juridique sur la question. Pourriez-vous aussi demander à Me

5 Mansfield s'il est prêt à aborder cette question à huis clos partiel ? Je

6 pense que ceci permettrait de remédier à pas mal de préoccupations

7 exprimées par le conseil juridique du ministère de la Défense.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Me Mansfield semble indiquer d'un

9 hochement de la tête qu'il ne voit pas d'inconvénient.

10 Monsieur le Témoin, permettez-moi de vous faire part de la question

11 discutée après votre sortie du prétoire. Cette question est réglée

12 momentanément. Vous vous demandiez si vous étiez autorisé de donner cette

13 information. Votre ministère n'y voit pas d'objection, et le Procureur nous

14 l'a dit. Il vous est possible de donner l'identité, ou de dire quel est le

15 service de Renseignement qui vous a procuré cette information.

16 Je crois que ceci suffira pour le moment. Vous voulez poursuivre, Maître

17 Mansfield ?

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui. Je vais poser la question maintenant,

19 mais je pense qu'il faudra passer à huis clos partiel.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Faisons-le.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 M. MANSFIELD : [interprétation]

20 Q. Vous avez dit que s'agissant de la visite que vous avez effectuée à

21 Malisevo, où il est possible que vous ayez rencontré un commandant, vous

22 dites avoir dressé un rapport écrit à ce propos, et vous pensez qu'on en a

23 déjà parlé. On y a fait référence déjà. C'est ce que vous venez de dire,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Oui, Monsieur.

Page 1994

1 Q. Pourriez-vous nous dire de quel rapport il s'agit, puisque celui-ci

2 contient des précisions à propos de votre visite à Malisevo et de votre

3 rencontre avec le commandant ?

4 R. Je suppose que c'est un des rapports que nous avons ici dans le

5 classeur. Je vous l'ai déjà dit. J'ai établi des rapports. Je crois que

6 j'ai effectué quelques 85 visites au Kosovo au cours de cette période.

7 Certains des rapports ont été des rapports écrits, et d'autres ont été

8 envoyés par téléphone satellite militaire au fil des événements. Excusez-

9 moi si je me trompe, mais je pensais que nous avions débattu de la question

10 auparavant, lorsque M. Cayley me posait des questions. Mais je ne sais pas

11 précisément de quel rapport il s'agit, parce que cela fait pratiquement

12 sept ans que je n'ai pas vu ces rapports.

13 Q. Je comprends parfaitement. Ce sont des événements qui se sont produits

14 il y a plusieurs années déjà. Cependant, avant de venir déposer, est-ce

15 qu'on vous a donné le temps de revoir les documents dont vous disposez ?

16 R. Oui. J'ai vu ces documents hier matin.

17 Q. Comprenez-moi bien. Ici, je ne suis pas en train de mettre à l'épreuve

18 votre capacité de mémoire. Je serai bref. Vous avez tout à fait la

19 possibilité de parcourir ces rapports, si je me trompe. Mais je crois que

20 parmi les documents qu'on nous a fournis et que vous avez parcourus de

21 façon détaillée, il n'y a aucun document qui relate de quelque façon que ce

22 soit, qui décrive la visite effectuée à Malisevo, au QG de Malisevo, où il

23 se peut que vous ayez rencontré quelqu'un répondant au nom de Celiku. Vous

24 me suivez ?

25 R. Oui, je comprends votre question. Je pense que l'intercalaire 34 -- il

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1 y a eu deux visites à Malisevo, l'une au cours de laquelle j'ai été retenu

2 pendant une heure et demie ou deux heures, et il se peut que là se soit

3 trouvé l'individu dont nous parlons. Intercalaire 34.

4 Q. Pourriez-vous nous indiquer à quel endroit selon vous on voit là cet

5 événement ?

6 R. Vous avez le paragraphe de résumé. Et puis le premier détail qui parle

7 de Malisevo.

8 Q. Lisez-le avec attention. Intercalaire 34, c'est le document que nous

9 sommes en train d'étudier. Il porte la date du 30 juillet, c'est bien cela,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. On y relate ce qui s'est passé les 29 et 30, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Ce rapport, à moins qu'il n'y ait une erreur bien entendu, ne parle pas

15 du 1er juillet ?

16 R. Oui. Je n'ai pas trouvé l'autre rapport, d'autre mention non plus.

17 Q. Désolé de vous demander davantage de précisions. Je crois qu'il faut

18 être très précis.

19 Vous avez la latitude de revenir au document, si vous le souhaitez, mais il

20 n'y a aucun document, aucun rapport, de situation qui relate, quelle que

21 soit la description qu'on en donne, une visite effectuée à Malisevo le 1er

22 juillet, au cours de la journée vous auriez rencontré un commandant

23 répondant au nom de Celiku. Vous me suivez ?

24 R. Oui.

25 Q. Si je vous pose la question, c'est pour savoir pourquoi il n'y a pas de

Page 1996

1 rapport, si ceci s'est bien produit comme vous le dites.

2 R. Il faudra poser la question à mon conseiller, parce que moi, je ne fais

3 que répondre aux questions qu'on me pose. Vous savez, je suis un peu le

4 bouc émissaire.

5 Q. Je comprends bien, parce qu'il se peut que vous ne vous souveniez pas.

6 Mais est-ce qu'il est possible que vous ayez rédigé un rapport relatif à

7 votre visite, si elle s'est bien déroulée le 1er juillet ?

8 R. Je sais que j'ai fait un rapport, parce que ce fut une réunion très

9 importante.

10 Q. Précisément.

11 R. Car c'était la première fois qu'à ma connaissance, qui que ce soit soit

12 trouvé à ce QG, qui était un QG important. J'y ai apporté des commentaires

13 précis. Notamment, j'ai dit : Donnez-moi 50 hommes solides et ceci sera

14 huilé ce soir.

15 Q. Précisément.

16 R. Je ne sais pas où ceci se trouve dans ce rapport. Cela ne fait pas

17 partie de mon mandat.

18 Q. Je n'essaie pas ici de voir ce dont vous vous souvenez s'agissant des

19 rapports écrits que vous avez fait. Si vous avez rédigé un rapport, et vous

20 pensez que vous avez dû le faire puisque ce fut un moment important, et je

21 voudrais demander par votre truchement qu'on nous transmette ce rapport

22 s'il existe. Parce que, apparemment, l'agence ou le service dont vous

23 parlez devrait l'avoir. Je vois qu'on accepte ceci. Pour le moment, je

24 passe à autre chose.

25 A supposer qu'il y a eu un rapport, et qu'il devait en avoir eu un, ce

Page 1997

1 serait peut-être trop aisé de vous demander maintenant de vous souvenir

2 d'autre chose que vous auriez mentionné dans ce rapport mis à part la

3 question que vous venez de mentionner, à savoir, que vous avez dit :

4 Donnez-moi au moins 50 bons hommes, nous pourrons huiler la question ce

5 soir.

6 R. J'ai fait un rapport détaillé de ce que j'avais vu depuis Orahovac

7 jusqu'à Malisevo, à propos de l'escorte de l'UCK. Je vous ai parlé de 150 à

8 200 personnes, des femmes et des hommes. Il y avait certains étrangers de

9 la région qui se trouvaient dans la zone. Il y avait des ressortissants

10 néerlandais, peut-être des Britanniques et même aussi des Français. Il y

11 avait un monsieur, quelqu'un du Moyen-Orient.

12 Q. Vous vous souvenez avoir écrit cela ?

13 R. Oui, je m'en souviens.

14 Q. Ceci, par conséquent, n'incorporait pas une mention indiquant que vous

15 avez rencontré un certain Celiku ?

16 R. Non, cela je ne m'en souviens pas de façon détaillée.

17 Q. Non.

18 R. Je suis sous le coup du serment, rappelez-vous.

19 Q. Oui, oui. Je fais attention. Il est important de faire attention.

20 Je parle toujours de cette journée-là, mais je prends un peu de

21 recul. Parlons de la date concernée. M. Cayley vous a posé une question. Je

22 ne fais pas objection au fait que ceci se soit produit. Je vous demande

23 cependant quand vous êtes allé ?

24 R. Le 1er juillet.

25 Q. Comment le savez-vous ?

Page 1998

1 R. Parce que mon nouvel adjudant venait de rejoindre l'équipe. Il se

2 souvient précisément de cette date, parce que ce fut un moment important

3 posant beaucoup de défis puisque, soit ils allaient nous détenir, ou il y

4 avait des menaces encore plus graves qui pesaient sur nous.

5 Q. J'y reviendrai dans un instant. Qui était cet adjudant ?

6 R. C'était mon adjudant britannique attaché à l'ambassade de Belgrade.

7 Q. Vous vous souvenez de son nom ?

8 R. Rob Johnson.

9 Q. Rob Johnson ?

10 R. Il y avait un adjudant néerlandais aussi.

11 Q. Puisque vous vous souvenez très bien de cette date, et je ne vais pas

12 vous demander d'examiner le document concerné si vous acceptez ce que je

13 dis. Lorsqu'on vous a posé une question, l'année dernière en 2004 de façon

14 plus détaillée, vous avez fait une déclaration, vous vous en souvenez,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Je pense que j'ai présenté, et j'ai fait trois ou quatre déclarations.

17 Q. La troisième, celle de 2004.

18 R. Oui.

19 Q. Vous pouvez la consulter, c'est possible si vous le voulez. Je vous

20 donne le numéro du paragraphe pour pouvoir vérifier. Au paragraphe 13, vous

21 avez indiqué que vous n'étiez pas sûr de la date, que c'était en juin ou en

22 juillet. Est-ce que cela vous avait échappé à ce moment-là précis l'année

23 dernière ?

24 R. C'est bien possible, parce que je n'ai pas eu de participation sous

25 quelque forme que ce soit. Ici, on m'a rafraîchi les choses.

Page 1999

1 Q. Qui vous a rafraîchi la mémoire ?

2 R. Mon conseiller.

3 Q. Est-ce qu'on vous a montré des documents comportant des dates ?

4 R. Oui, ces documents-ci.

5 Q. Nous savons qu'il n'y a pas de document, de rapport portant la date du

6 1er juillet ou y faisant référence, document que vous auriez écrit à

7 l'époque, et que nous aurions.

8 R. Il existe bien un document, mais il ne se trouve pas dans cette liasse

9 de documents en question.

10 Q. Quand avez-vous, pour la première fois, vu ce document-là ?

11 R. Sans doute au moment où je l'ai rédigé.

12 Q. Quand vous l'avez rédigé. On ne vous l'a pas montré juste avant que

13 vous ne commenciez votre audition ?

14 R. Non, je n'ai pas pu consulter ces documents parce qu'ils sont

15 maintenant en possession du ministère de la Défense.

16 Q. A supposer pour un instant que c'était bien le

17 1er juillet que vous avez effectué cette visite; si vous allez effectuer une

18 visite à quelque chose que vous considérez comme étant en puissance, un

19 élément important, un QG important de l'UCK, vous devriez les avertir de

20 votre visite, n'est-ce pas ?

21 R. Je ne vois pas pourquoi ce serait nécessaire.

22 Q. Parce qu'on risque de vous tirer dessus si on ne sait qui vous êtes.

23 Cela représente un risque pour vous. Vous êtes un militaire, vous avez le

24 droit d'aller où vous voulez. Mais quand même, est-ce que ce ne serait pas

25 quelque chose relevant du bon sens de prévenir de votre visite ?

Page 2000

1 R. Nous avons été sous le coup de tirs à bien des occasions, pratiquement

2 des trois côtés. C'était un des risques qui me revenait en tant que chef de

3 la patrouille.

4 Q. Je suppose que vous voudriez minimiser les risques ?

5 R. A ma connaissance, il n'y avait pas de voie de communication directe.

6 En tout cas, je n'en avais pas moi, me permettant de contacter l'UCK durant

7 ma mission.

8 Q. Quand avez-vous pris la décision d'y aller ?

9 R. Quand ?

10 Q. Oui, quand ?

11 R. Lorsque nous étions à Djakovica. J'avais pensé qu'il faudrait aller

12 voir cette zone. Dans mon véhicule, il y avait une règle. C'était celle-ci.

13 Si quelqu'un estimait que c'était une zone dangereuse, il fallait s'y

14 opposer. Cela n'a été le cas pour personne.

15 Q. S'il y avait eu tout d'un coup une patrouille, un contrôle fortuit,

16 vous auriez pu être fait prisonnier. Vous vouliez aller à Malisevo parce

17 que vous vouliez voir ce qui s'y passait ?

18 R. Tout à fait. Cela faisait partie de mon mandat. Je devais essayer de

19 déterminer ce qui se passait des deux côtés du conflit.

20 Q. Serait-il juste de dire qu'après avoir décidé d'y aller en empruntant

21 l'itinéraire que vous avez décrit hier, une fois que vous vous êtes

22 approchés de Malisevo, et ce n'est pas surprenant, vous avez été escortés

23 par des membres de l'UCK ?

24 R. Non, ce n'est pas exact.

25 Q. Qu'est-ce qui s'est passé alors ?

Page 2001

1 R. Lorsque nous sommes arrivés et que nous avons dépassé une position de

2 la Vojska Jugoslavije, la lisière nord de la ville, nous sommes arrivés

3 directement dans un poste de contrôle de l'UCK.

4 Q. Oui.

5 R. Le long de la route qui avait été bloquée.

6 Q. Oui.

7 R. Nous avons été escortés par ces hommes jusqu'à Malisevo.

8 Q. C'est justement ce que je vous ai indiqué. Ce n'est pas surprenant que

9 vous avez été escortés dans ce bastion de l'UCK.

10 R. J'ai fait ce que je souhaitais faire. Quant à savoir ce qu'ils

11 voulaient faire, c'est une autre question.

12 Q. Je comprends tout à fait. Ce que je vous dis, c'est que vous n'avez pas

13 été capturés sur la route menant à Malisevo. Vous êtes arrivés devant un

14 poste de contrôle. Vous avez indiqué que vous vouliez vous rendre au QG.

15 C'est ainsi que les choses se sont passées.

16 R. Nous ne savions, à ce moment-là, s'il s'agissait du QG ou non.

17 Q. Vous avez indiqué lorsque vous êtes arrivés au barrage routier qui vous

18 étiez ?

19 R. Oui, nous l'avons fait.

20 Q. Vous leur avez indiqué ce que vous souhaitiez faire ?

21 R. Ils étaient assez sur la défensive. Il faut savoir également que le MUP

22 avait essayé de nous utiliser pour se rapprocher d'un de leurs anciens

23 postes de contrôle. Par la suite, ils nous ont dit qu'ils avaient presque

24 ouvert le feu sur nous jusqu'à ce que j'aie pu fournir une pièce

25 d'identité, ma carte d'identité pour prouver qui j'étais.

Page 2002

1 Q. Après avoir été escortés dans le bâtiment qui, d'après vous plus tard,

2 vous avez considéré comme un quartier général, ne serait-il pas juste et

3 équitable de dire que les personnes qui se trouvaient à l'intérieur de ce

4 bâtiment vous ont traités de façon tout à fait adéquate et de façon tout à

5 fait professionnelle ?

6 R. Dans le bâtiment, oui.

7 Q. Oui.

8 R. Comme je l'ai indiqué, il me semble.

9 Q. Vous l'avez indiqué dans votre déclaration. Ce sont vos propos. Lorsque

10 vous avez fait cette déclaration, pour que tout soit clair au Tribunal, et

11 ce sont les propos que vous tenez dans votre première déclaration sur les

12 trois déclarations. C'est la déclaration écrite de mai 1999, paragraphe 18.

13 Vous pourrez la consulter si vous le souhaitez. Vous ne dites pas, dans ce

14 paragraphe, ou il n'est absolument pas suggéré dans ce paragraphe, que

15 quelqu'un a parlé de vous enlever.

16 R. Je pense que je dois vous croire à ce sujet.

17 Q. Est-ce que vous aimeriez consulter cela pour faciliter les choses.

18 R. J'accepte ce que vous dites.

19 Q. Pouvez-nous dire si une menace sérieuse d'enlèvement faisait l'objet de

20 discussions, pourquoi alors est-ce que cela n'a pas été mentionné dans la

21 description que vous faites des événements du 1er juillet ?

22 R. Je pense que je dirais qu'il y avait beaucoup d'événements qui se

23 produisaient. Je ne parle pas albanais, je me débrouille en allemand et en

24 serbe. Les discussions avaient lieu en albanais. Comme je vous l'ai

25 indiqué, il y avait cette personne originaire du Moyen-Orient, qui était

Page 2003

1 particulièrement antipathique à notre égard, à l'égard de nous trois. Je

2 connaissais ce genre de personnage depuis un certain temps, ce qui fait que

3 nous étions, ou j'étais assez circonspect sur ce qu'il pensait.

4 Q. Je comprends.

5 R. Comme je vous l'ai indiqué très clairement, les personnes dans les

6 bâtiments nous ont traités avec beaucoup d'égard. A l'extérieur, les gens

7 nous ont posé des questions à propos de la validité de notre carte

8 d'identité, de notre licna kartas, et à propos de la possibilité que nous

9 avions de nous déplacer dans cette zone qui, d'après eux, était placée sous

10 contrôle albanais. Je pense que j'ai déjà fourni toutes ces explications au

11 Tribunal au préalable.

12 Q. Avez-vous indiqué dans le rapport quoi que ce soit à propos de ces

13 discussions, ces discussions portant sur cette possibilité d'enlèvement ?

14 R. Je ne m'en souviens pas, le véhicule a été fouillé.

15 Q. Oui.

16 R. Nous avons laissé du matériel et nous sommes revenus le lendemain

17 matin.

18 Q. Voilà ce que je vais vous dire. Il n'est absolument rien de surprenant

19 de savoir que votre véhicule a fait l'objet de fouille au vu des

20 circonstances de ce qui se passait au Kosovo.

21 R. Non, rien n'était surprenant au Kosovo. Non.

22 Q. J'aimerais maintenant parler du commandant. Car vous nous avez dit que

23 vous avez rencontré un commandant, ou plutôt que vous avez vu un

24 commandant. Hier, une question vous a été posée. J'ai le compte rendu

25 d'audience. Je ne pense pas que cela posera des problèmes. On vous a

Page 2004

1 demandé, ou vous posé la question suivante : "Vous souvenez-vous de son nom

2 pour ce qui est de ce commandant ? Vous en souvenez-vous ?" C'est la

3 question qui a été posée.

4 R. Oui.

5 Q. J'aimerais vous dire ce que vous avez répondu hier : "Le nom Celiku a

6 été mentionné. Je ne suis pas entièrement convaincu qu'il s'agissait de

7 Celiku, et il me serait difficile de dire alors que j'ai prêté serment,

8 qu'il s'agit du nom exact, je ne le sais pas."

9 Voilà la réponse que vous avez apportée. Vous avez indiqué aujourd'hui que

10 vous ne saviez pas, ou plutôt que vous ne vous souveniez pas si vous avez

11 mentionné le nom de Celiku dans les rapports que vous avez envoyés à

12 l'époque. Serait-il exact de dire que si vous avez rencontré un commandant

13 là, serait-il juste de dire que vous n'êtes pas en mesure de déclarer que

14 cette personne était Celiku ?

15 R. Il me semble que c'est une façon tout à fait raisonnable de réfléchir,

16 comme je vous l'ai d'ailleurs indiqué.

17 Q. Merci. Vous ne pourrez pas dire que cette personne était Fatmir Limaj ?

18 Vous ne pouvez pas l'avancer cela ?

19 R. Non, je vous l'ai déjà dit ce matin.

20 Q. Je vais vous poser une question très directe, compte tenu de ces

21 réponses. Ne vous a-t-on jamais demandé de l'identifier à partir de

22 photographies. Je parle de la personne que vous avez rencontrée.

23 R. Il se peut que cela soit une question à laquelle il est très difficile

24 de répondre, parce qu'il se peut qu'il y ait de nombreuses photographies

25 prises à l'époque. Très honnêtement, je ne m'en souviens pas.

Page 2005

1 Q. Je vais alors être un peu plus précis pour être encore un peu plus

2 direct. Aux fins de cette déposition, vous a-t-on montré une photographie.

3 En d'autres termes, un enquêteur est-il venu vous trouver en vous disant :

4 "vous avez rencontré un commandant, est-ce que vous seriez en mesure de la

5 reconnaître et regardez ces photographies" ?

6 R. Je pense que l'on m'a montré des photographies.

7 Q. Très bien.

8 R. A une occasion, mais je ne souviens pas exactement quand.

9 Q. Nous avons votre, ou vos dépositions et dans aucune de ces déclarations

10 il est indiqué que vous avez vu des photos qui vous ont permis d'identifier

11 quelqu'un. Vous me suivez ?

12 R. Oui, tout à fait.

13 Q. Très bien. Cela n'est pas une procédure qui a été retenue dans ce cas.

14 Je ne peux plus poursuivre à ce sujet.

15 La personne que vous avez rencontrée, et vous pouvez que cette personne

16 était un commandant. Vous nous avez indiqué, ou plutôt on vous a posé la

17 question suivante : "Avez-vous parlé à cette personne ?" J'aimerais que

18 vous soyez aussi précis que possible. Lui avez-vous parlé ou non à cette

19 personne ?

20 R. Si je ne m'abuse, il est resté à l'arrière-plan. Comme je l'ai dit,

21 c'était un peu l'éminence grise. La discussion est devenue un peu houleuse.

22 Q. Je vais vous dire pourquoi je pose cette question. Parce

23 qu'aujourd'hui, lors de vos réponses, vous avez indiqué qu'il y avait eu

24 une discussion à propos des villes, et qu'il connaissait la région. Est-ce

25 que vous nous dites que c'est une discussion que vous avez eue ?

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1 R. Oui, nous avons parlé de nombreuses choses et de la région en règle

2 générale.

3 Q. Je vous demanderais d'être très circonspect. Je comprends que beaucoup

4 de temps s'est passé depuis. Une fois de plus, lorsque vous décrivez cette

5 personne, et lorsque vous décrivez les contacts que vous avez eus avec lui,

6 dans votre déclaration de juillet de l'année dernière, il y a une phrase

7 que j'aimerais vous lire, une phrase du paragraphe 13. Vous dites : "Je ne

8 me souviens pas que Celiku m'ait adressé directement la parole ou ait

9 adressé directement la parole aux personnes qui faisaient partie de mon

10 groupe".

11 S'il ne vous a parlé, ou si cette personne n'a parlé à aucune personne qui

12 faisait de votre groupe, il n'aurait pas parlé de villes ou de régions avec

13 vous ?

14 R. Il se peut qu'il ne l'ait pas fait, mais la personne qui dirigeait

15 l'entretien l'a fait.

16 Q. Le personne qui dirigeait l'entretien, pour la déclaration ou --

17 R. Non, non. Là où cela s'est passé à Malisevo.

18 Q. La personne à Malisevo qui dirigeait, en quelque sorte, les débats

19 était, d'après ce que vous nous dites, le commandant ?

20 R. Il m'est très difficile de me souvenir de qui était qui, comme je vous

21 l'ai toujours dit d'ailleurs. Parce qu'ils étaient quatre ou cinq personnes

22 dans la salle ainsi que moi-même et l'adjudant néerlandais.

23 Q. Très bien, je comprends très bien. Je vous pose ces questions pour

24 aborder quelque chose d'autre parce que voilà ce que j'aimerais vous

25 suggérer. Vous avez pensé qu'il s'agissait de la zone opérationnelle de

Page 2007

1 contrôle pour cet endroit de Malisevo. En fait, ce n'est pas ce que l'on

2 vous a dit, mais c'est ce que vous avez pensé en tant que militaire. Vous

3 avez pensé que cette région était très vraisemblablement cela. Est-ce que

4 l'on peut -- est-ce que cela est exact ?

5 R. A un moment donné, le ministère de la Défense a présenté une estimation

6 de ces régions, de ces zones, d'après eux.

7 Q. Oui.

8 R. Comme je vous l'ai déjà indiqué, j'ai réfléchi à tout cela puisque je

9 m'étais déplacé dans cette zone, et j'avais participé à la formation de

10 guérilleros, j'ai utilisé tout simplement mon bon sens. Maintenant, reste à

11 savoir s'il s'agissait d'une bonne déduction, d'une déduction idoine. Je ne

12 suis pas en mesure d'en juger maintenant.

13 Q. Vous ne pouvez pas en juger. Quand est-ce que le ministère de la

14 Défense a produit ces estimations ?

15 R. Je ne peux pas vous dire avec précision, Monsieur. Cela s'est passé au

16 milieu de cette année.

17 Q. Très bien. Il se peut que lorsque vous parliez de la zone

18 opérationnelle, lorsque vous avez dégagé ces conclusions par rapport aux

19 estimations qui vous ont été fournies, c'est pour cela que je vous demande

20 à quelle date cela s'est passé. Car il semblerait que ces estimations

21 approximatives vont été fournies au milieu de l'année.

22 R. Oui, je pense que cela devrait correspondre à la date. Comme je vous

23 l'ai déjà indiqué, d'aucuns et moi-même, avions certaines idées, il y avait

24 des idées qui étaient semblables à celles préconisées par le ministère de

25 la Défense, d'autres qui étaient tout à fait différentes. Moi, je n'ai pas

Page 2008

1 pu consulter les documents de certains services auxquels pouvait avoir

2 accès le ministère de la Défense.

3 Q. Je comprends tout à fait. Hier, on vous a posé une question à propos de

4 la région ou la zone de contrôle. Vous avez répondu de façon très, très

5 précise. Vous avez dit : "Je subodore--" Vous l'avez dit, en fait. Ensuite,

6 vous avez fait une description. Vous l'avez dit plus qu'une fois. Vous avez

7 dit, "Je suppose--", et cetera.

8 Hier, vous nous avez dit de façon claire qu'il s'agissait d'une évaluation

9 à laquelle vous étiez parvenue compte tenu de votre expérience dans la

10 région.

11 R. C'est exact. J'ai tracé certaines lignes en disant qu'au nord à

12 Lapusnik, il se peut que cela ait représenté une lisière ou une frontière.

13 La raison en étant qu'il était très difficile de franchir cela à moins que

14 vous ne soyez dans un véhicule. Je pensais que potentiellement, cela

15 représentait une bonne limite, une bonne frontière. C'est ce que je vous ai

16 indiqué hier, mais je ne sais pas si cela est véridique ou non.

17 Q. Très bien. Maintenant, j'aimerais aborder une évaluation importante que

18 vous avez faite. Je pense que vous l'avez mentionné à plus d'une reprise

19 d'ailleurs, non seulement dans ces déclarations mais lors de votre

20 déposition dans l'affaire Milosevic. Les effectifs de l'UCK, à l'époque,

21 était tels, ou la force que représentait l'UCK, à l'époque, était telle,

22 qu'avec quelque 50 soldats formés dans l'autre camp, ils auraient pu être

23 complètement anéantis. C'est bien ce que vous pensiez ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Vous nous dites, et cela correspond à votre propre évaluation, vous

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1 nous dites que l'efficacité apparente de l'UCK et le contrôle apparent de

2 l'UCK avait été exagéré par d'aucuns alors que sur le terrain, cela ne

3 correspondait pas exactement à cette force. Est-ce que cela peut être

4 considéré comme une bonne évaluation ?

5 R. Je ne suis pas forcément en désaccord avec ce que vous avancez.

6 Q. Très bien. Je vais vous donner un exemple. Vous décrivez les trois

7 routes, et comment est-ce que ces routes avaient été bloquées. Je pense

8 qu'à un moment donné, lors d'une de vos descriptions, vous nous avez dit,

9 que parce qu'ils étaient en mesure d'interrompre le transport sur ces trois

10 routes, cela ne signifie pas pour autant qu'ils contrôlaient l'ensemble du

11 territoire entre ces trois routes comme les gens le supposaient.

12 R. Oui, c'est ce que j'ai dit hier. Lorsque j'ai dit que je ne n'étais pas

13 d'accord lorsque d'aucuns disaient qu'ils contrôlaient entre 35 ou 65 % du

14 territoire. J'ai indiqué, c'était une mise en garde de ma part que -- et je

15 l'ai toujours dit, qu'il y avait un manque d'utilisation de la force

16 militaire de la part des autorités serbes. Cela, je ne peux pas

17 l'expliquer.

18 Q. Non. Je comprends. Cela, c'est une question tout à fait différente.

19 Ce n'est pas seulement une question de contrôle. Ils n'avaient pas -- je

20 parle de la période qui va de janvier 1998 à juillet 1998. De toute

21 évidence, la période pendant laquelle vous vous êtes rendu au Kosovo assez

22 régulièrement.

23 R. Oui.

24 Q. Je pense que c'est la période qui va de mars, avril,- le printemps.

25 R. Oui.

Page 2010

1 Q. Pendant 1998. C'est la période de janvier à juillet.

2 R. Oui. Je m'y suis rendu pendant toute l'année 1998.

3 Q. Pendant l'année 1998. Mais ils ne disposaient pas d'armes importantes,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Non, comme je l'ai déjà indiqué hier.

6 Q. Ils n'avaient pas d'armes ou d'armement important. Ils n'avaient pas un

7 contrôle qui durait plus de 48 heures dans les zones, quelles qu'elles

8 soient d'ailleurs ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Ils n'avaient pas suffisamment d'uniformes. C'était un ensemble assez

11 disparate.

12 R. Oui, je comprends votre question. C'est pour cela que j'avais indiqué

13 que c'était une organisation en herbe.

14 Q. Une organisation naissante, en herbe.

15 Lorsque pendant un moment on porte son attention sur l'autre camp, la

16 politique adoptée par les autorités yougoslaves, notamment par Milosevic et

17 ceux qui le suivaient, est une politique qui peut être décrite comme une

18 politique de guerre éclair, une politique du nettoyage ethnique, une

19 politique de terre brûlée. Tous ces termes peuvent être utilisés. C'est une

20 politique qui a été menée à bien pendant l'ensemble de l'année 1998, n'est-

21 ce pas ?

22 R. C'est vrai. Je pense que cela est malheureusement vrai pour la région

23 des Balkans depuis 1991.

24 Q. Oui. Ce que vous avez indiqué à Milosevic et à d'autres, est que cela

25 représentait une stupidité militaire, sans oublier le fait que cela était

Page 2011

1 une preuve d'inhumanité.

2 R. C'est exactement cela. En plus, ce n'est pas efficace.

3 Q. Je vous demande une petite minute de patience puisque vous l'avez déjà

4 décrit. Je voudrais que nous soyons bien clairs à ce sujet. Ce que cette

5 politique signifiait, comme vous l'avez d'ailleurs vu vous-même, est qu'à

6 plus d'une reprise, les troupes serbes, notamment celles que vous avez

7 mentionnées, le MUP, et cetera, avec l'aide de l'armée yougoslave pour ce

8 qui est de l'année 1998, se rapprochaient d'un village avec un armement

9 supérieur. Dans un premier temps, des tirs étaient tirés en guise de mise

10 en garde; c'est exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Ensuite, l'intention étant, bien entendu, que les villageois

13 déguerpissent aussi rapidement que possible. Ensuite, d'après votre

14 description, il y avait une phase extrêmement destructive de bombardement

15 de la part des -- grâce à l'armement qui avait été rassemblé ?

16 R. Oui.

17 Q. Sans pour autant entrer dans les détails techniques, il s'agissait

18 d'armement qui avait été rassemblé, mais qui n'avait pas été collecté pour

19 cette fin, n'est-ce pas ?

20 R. Non pas conformément au convention de Genève.

21 Q. Il s'agissait d'armes antiaériennes.

22 R. C'est exact.

23 Q. Une fois que les bombardements étaient terminés, les troupes -- les

24 fantassins se rapprochaient du village, incendiaient les maisons -- je

25 m'excuse, mais il faut que je vous demande une réponse.

Page 2012

1 R. Oui, oui, c'est exact.

2 Q. Pour ce qui est du bétail et des entrepôts où l'on mettait les vivres

3 pour l'hiver, étaient détruits ? Les entrepôts, par exemple, où l'on

4 mettait le foin ?

5 R. C'est exact.

6 Q. De toute évidence, tout matériel ou toute récolte que l'on trouvait

7 dans cette zone disparaissait ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Ces incendies pouvaient durer plusieurs semaines. Ce sont des incendies

10 qui pouvaient durer assez longtemps.

11 R. C'est exact. C'était continu, comme je l'ai indiqué déjà, Monsieur.

12 Q. S'il restait quoi que ce soit à prendre, les soldats pillaient ce qui

13 n'avait pas été détruit ?

14 R. C'est exact, Monsieur.

15 Q. Comme vous l'avez indiqué, cela a provoqué un déplacement, ce qui fait

16 qu'il y a un nombre important de personnes qui ont dû se déplacer, et qui

17 ont dû vivre à la dure dans les forêts, dans les vallées, et cetera; c'est

18 exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Les chiffres qui sont difficile à estimer. Vous en avez mentionné un ce

21 matin qui avait été établi par la commission de vérification, mentionné le

22 chiffre de 171 000. Je pense qu'il y avait certainement des centaines et

23 des milliers de personnes déplacées ?

24 R. Je pense que l'on peut parler ou on peut avancer le chiffre de 250 000.

25 Q. 250 000. Vous avez accepté que ce soit un phénomène que l'on a vu

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1 pendant toute l'année 1998. Lorsque les gens perdent leurs domiciles, il

2 n'est pas surprenant qu'au vu des circonstances, les gens pensaient qu'il

3 était nécessaire de s'armer pour se protéger de ce genre d'attaque. Ce

4 n'est pas surprenant, n'est-ce pas ?

5 R. Non, ce n'est pas surprenant, car comme je l'ai déjà dit, les forces de

6 Sécurité serbes avaient tout à fait perdu la sympathie de ces personnes.

7 Q. Il ne s'agit pas de sympathie; il s'agit d'une question de survie et

8 d'autodéfense, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, c'est exact. Comme je l'ai indiqué au Tribunal auparavant, il y

10 avait à une moindre échelle des représailles de la part de l'UCK,

11 probablement, comme vous l'avez indiqué après que des grandes opérations

12 aient menées par les forces de Sécurité serbes dans l'ensemble du Kosovo.

13 J'espère que j'ai suffisamment justifié les activités des deux côtés dans

14 le cadre d'opérations particulièrement désagréables.

15 Q. S'il y avait une armée qui était en train de se créer afin de protéger

16 ces citoyens dans la mesure où il pouvait les protéger, c'était une

17 réaction tout à fait naturelle, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, c'était une réaction naturelle. Par ailleurs, il faut savoir

19 quelle était la licité de tout cela. Il faut savoir ce qu'il en était de la

20 licité des opérations des Serbes.

21 Q. C'est une différente question, je pense, bien que cela soit passé dans

22 un contexte légèrement différent. Vous avez dit que vous auriez fait la

23 même chose si vous vous étiez trouvé dans la même situation. Vous souvenez-

24 vous avoir dit cela ?

25 R. Oui, je m'en souviens.

Page 2014

1 Q. Dans quelle mesure est-ce que vous avez réussi à bien connaître le QG

2 de l'UCK dans lequel vous vous êtes rendu ? Est-ce que vous vous y êtes

3 rendu à une seule reprise ou à plusieurs reprises ?

4 R. J'ai essayé de le faire. Parfois c'était impossible, parce que les

5 forces de Sécurité serbes nous bloquaient la route. J'ai essayé de m'y

6 rendre. Je pense que je me suis rendu dans ces QG en moyenne trois ou

7 quatre fois, parfois un peu plus pour certaines de ces QG.

8 Q. Bien

9 R. Certains plus de fois.

10 Q. J'aimerais vous poser une question à propos d'un des QG que vous avez

11 mentionné aujourd'hui, et que vous avez mentionné dans votre déclaration

12 auparavant. Il s'agit de Lapusnik.

13 R. Oui.

14 Q. Vous vous êtes rendus à Lapusnik.

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous indiquer à quelle date vous vous êtes

17 rendus à Lapusnik ?

18 R. Je pense que nous sommes allés à Lapusnik peu de temps après que l'UCK

19 ait établi un barrage routier, ou ait bloqué la route principale. Nous

20 essayions de savoir ce qui se passait. C'était au début du conflit.

21 Q. Je me permets de vous interrompre. Lorsque vous dites au début du

22 conflit, qu'entendez-vous exactement ?

23 R. Je veux dire, le problème --

24 Q. C'est le mois de mars auquel vous pensez ?

25 R. Oui, il se peut que ce soit mars. Le problème, c'est que Lapusnik

Page 2015

1 changeait de camp régulièrement.

2 Q. Oui.

3 R. Comme je l'ai dit hier, la situation était très, très fluide. Parfois

4 c'était l'UCK qui était installé, d'autres fois, c'était le MUP qui s'était

5 rapproché ou qui menaçait de se rapprocher, ce qui fait que l'UCK en

6 partait. Ce n'était pas véritablement une situation stable. Pour ce qui est

7 de Lapusnik, à proprement parler, je me souviens que c'est un village qui

8 se trouve sur la route principale entre Pristina et Pec. Il y a quelques

9 maisons qui se trouvent au sud de cette route. Il s'agit de quelque 20 à 30

10 maisons, peut-être un peu plus.

11 Q. Vous êtes-vous rendu dans le village ?

12 R. Oui, je suis passé en voiture par ce village à plusieurs reprises.

13 Q. Vous y êtes-vous arrêté ?

14 R. Oui, comme je l'ai déjà indiqué.

15 Q. A deux ou trois reprises. L'on pourrait envisager que cela se soit

16 passé entre le mois de mars et le mois de juillet ? Je m'excuse, je

17 m'excuse. Vous avez dit à plusieurs reprises, à maintes reprises. Est-ce

18 que cela se serait passé entre mars et juillet ?

19 R. Oui, je pense que se doit être exact, parce qu'après le mois de

20 juillet, les Serbes sont passés à l'offensive, comme nous en avons déjà

21 parlé.

22 Q. Voilà ce que j'aimerais vous poser comme question. Lorsque vous vous

23 êtes rendu à cet endroit, est-ce que quelqu'un ne vous a jamais suggéré que

24 dans ce village, l'UCK avait un camp de prisonniers ?

25 R. Je réfléchis. Je marque un temps d'arrêt, parce que si ma mémoire ne me

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1 trompe, il y avait des indications suivant lesquelles les deux camps

2 l'avaient utilisé comme "camp de prisonniers". Je ne me souviens pas avoir

3 jamais vu cette maison en particulier.

4 Q. Pour être un peu plus précis, et je reviens à la charge. Lorsque cela

5 se trouvait dans la possession des autorités serbes, le MUP ou qui que ce

6 soit, l'armée yougoslave, personne ne vous a dit : Nous voulons que vous

7 veniez inspecter ce camp de prisonniers afin de voir ce qui s'y passe."

8 R. Non, ils ne l'ont pas fait, parce qu'ils étaient sur le point de lancer

9 l'assaut contre Malisevo.

10 Q. Oui, mais c'était à la fin du mois de juillet.

11 R. Oui.

12 Q. Ils ne l'avaient pas fait auparavant ?

13 R. Non. Mais ils n'étaient pas particulièrement accueillants à notre

14 égard.

15 Q. Vous vous y trouviez là parce que vous aviez cette position auprès du

16 gouvernement serbe, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, vous avez raison. J'étais accrédité auprès de l'armée yougoslave.

18 Mais au vu des circonstances, on n'était pas toujours les bienvenus.

19 Q. Non. Je pense que les Serbes auraient voulu vous montrer tout acte qui

20 aurait été commis par l'UCK.

21 R. Oui, cela faisait partie de leur politique.

22 Q. On ne vous a jamais dit : Venez voir ce qui se passe ici. Personne ne

23 vous a jamais indiqué ce camp de prisonniers, et vous ne vous êtes jamais

24 rendu dans cet endroit ?

25 R. Non.

Page 2017

1 Q. Bien. Hormis le fait de vous rendre dans ces villages et d'en

2 rencontrer certains, comme vous l'avez dit, je ne vais pas le répéter en

3 audience publique, vous avez parlé d'un réseau de renseignement qui a été

4 mis à votre disposition.

5 R. Oui.

6 Q. En plus de ce réseau qui semble assez évident, vous aviez également --

7 vous disposiez de renseignements -- vous étiez en liaison avec les services

8 de Renseignement de la VJ, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Il est vrai que j'ai eu le privilège d'assister à leurs réunions

10 d'information.

11 Q. A aucun moment au cours de cette période, en particulier entre le mois

12 de janvier et le mois de juillet 1998, est-ce que quelque chose aurait pu

13 vous faire croire d'après les renseignements dont vous disposiez, en

14 particulier des renseignements fournis par les Serbes, qu'il y avait un

15 camp de prisonniers qui se livrait à des activités particulières à

16 Lapusnik, activités inacceptables ?

17 R. Je crois que j'ai déjà indiqué cela, Monsieur. Peut-être que cela a été

18 insinué, mais je ne m'en souviens pas à vrai dire.

19 Q. Vous ne vous en souvenez pas ?

20 R. Je ne pense pas l'avoir couché par écrit, non.

21 Q. Nous avons un document qui vient de vous qui suggère qu'il y a un

22 document que vous auriez écrit comme celui qui est daté du

23 1er juillet. Il a été suggéré que ce document pourrait nous être fourni. Il

24 se peut que ceci ait été insinué, qu'on ait insinué cela, mais vous ne vous

25 en souvenez pas. Ce n'est pas un sujet sur lequel je peux continuer à vous

Page 2018

1 poser des questions, parce que vous n'avez aucun élément détaillé à cet

2 égard, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Très bien. Simplement pour en terminer sur ce sujet, une autre

5 occasion, à la fin du mois de juillet, lorsque vous vous y êtes rendu juste

6 avant l'attaque de Malisevo. Vous avez, en réalité, rencontré le commandant

7 de la JSO ce jour-là, n'est-ce pas, à Lapusnik ?

8 R. Oui, dans l'après-midi, une fois que nous avons été relâchés de

9 Malisevo. J'ai rencontré une personne qui s'appelait Legija.

10 Q. Legija. Cela s'écrit comme cela.

11 R. Oui, c'est exact.

12 Q. Bien. Je suis en train maintenant de mettre ces différents éléments

13 ensemble. Il s'agit là d'éléments portant sur ce qui se passait sur le

14 terrain en présence des Serbes de l'UCK. Est-ce que cela explique la raison

15 pour laquelle, lors de votre déclaration préalable, vous avez dit que l'UCK

16 utilisait un terme que vous venez d'utiliser, autrement dit, indication. Je

17 vais vous lire la phrase en question : "Le premier signe que l'UCK était

18 une force ou un groupe qui avait été créé en octobre 1998, c'est quelque

19 chose qui a été débattu ou évoqué avec le général Dimitrijevic, le chef de

20 la contre-intelligence, le KOS". Vous souvenez-vous avoir écrit cette

21 phrase ?

22 R. Je me souviens avoir écrit cette phrase, oui.

23 Q. Dans ce paragraphe, je crois que j'ai clairement indiqué cela. Il

24 s'agit du numéro 4, paragraphe numéro 4 de cette déclaration, votre

25 première déclaration datée du 26 mai.

Page 2019

1 Est-ce que vous vous en tenez à la description que vous faites ici ?

2 R. Oui. Le terme force est un terme générique. Oui.

3 Q. Bien, vous avez indiqué, que jusqu'à ce moment-là, l'UCK n'était pas un

4 groupe armé qui pouvait être pris au sérieux. Je pense que j'ai indiqué

5 ceci peut-être de façon un peu confuse mais la situation était très fluide

6 à l'époque. L'UCK s'était distinguée de différentes façons par ses attaques

7 même si elle n'utilisait que des armes qui n'étaient pas des armes lourdes

8 et d'autres éléments. Ils attaquaient les forces de Sécurité serbes. Par

9 conséquent, on pourrait dire qu'ils constituaient une force qui pouvait

10 être prise au sérieux. "Prise au sérieux" est peut-être un terme trop

11 fort. Cela, en tout cas, était une description qui correspondait à la

12 réalité, même si cette force était un petit peu limitée.

13 Q. Très bien.

14 R. Je ne vais pas -- pardonnez-moi si je vous interromps. Je ne suggère à

15 aucun moment que cette force, comme je l'ai dit au début de mon témoignage,

16 je crois que c'était au mois d'octobre ou à partir du mois de novembre que

17 l'on a constaté qu'ils se manifestaient de façon plus sûre et plus souvent.

18 Ils disposaient d'armes automatiques, ils disposaient d'armes antichars que

19 nous avons déjà abordés ce matin.

20 Q. Il y avait un changement d'ordre qualitatif ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Bien sûr, force est un terme qui a ce sens. En d'autres termes, la

23 première fois que vous avez dit qu'il s'agissait d'une force qui pouvait

24 être prise au sérieux, bien sûr, le mot force à une connotation militaire.

25 R. C'est exact.

Page 2020

1 Q. Qu'est-ce qu'une connotation militaire ?

2 R. Comme je vous l'ai déjà indiqué, en termes numérique et tactique, en

3 mesure de mener à bien des opérations.

4 Q. Très bien.

5 R. Pour autant qu'ils étaient en mesure de le faire, c'est quelque chose

6 que j'ai évoqué déjà dans mon témoignage.

7 Q. Très bien. On vous a demandé un peu plus tard, dans une autre

8 déclaration, ce que vous entendiez par l'utilisation de ce mot "force". Je

9 vais simplement vous lire ce qu'il y a -- ce que j'ai sous les yeux. Ici,

10 quelque chose que vous avez dit vous-même. Je voulais le lire au paragraphe

11 8, troisième paragraphe. Je ne demande à personne de le lire, mais cette

12 déclaration que vous avez faite l'année dernière. Je vais vous lire

13 l'ensemble du paragraphe; c'est assez court. "Dans ma première déclaration,

14 j'ai fait référence aux combats entre les forces de Sécurité et l'UCK. J'ai

15 clairement indiqué qu'il y avait quelques signes en vertu de quoi l'UCK

16 constituait une force réelle en octobre 1998. Cela ne veut pas dire

17 qu'avant le mois d'octobre 1998, l'UCK ne s'est pas livrée à des combats.

18 "Les forces de Sécurité", par là, elles n'avaient pas la capacité de lancer

19 quelque chose, de lancer de petites attaques à une petite échelle sur les

20 forces de sécurité". Ensuite, vous avez indiqué qu'il y avait des combats

21 fréquents entre eux, en particulier, dans la zone frontalière, et cetera.

22 Vous souvenez-vous avoir dit ceci dans votre déclaration l'année dernière ?

23 R. Oui, Monsieur.

24 Q. Maintenant, je souhaite parler plus en détail et aller -- parler

25 toujours de ce thème, mais allez un peu plus loin, si vous le voulez bien.

Page 2021

1 Y a-t-il des raisons pour lesquelles, permettez-moi de vous poser d'autres

2 questions.

3 Vous avez servi dans l'armée en Irlande du Nord, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, tout à fait.

5 Q. Je vais vous demander maintenant des questions assez sensibles sur les

6 renseignements et le rôle que vous avez joué, rien d'autre.

7 Est-ce que vous me suivez ?

8 R. Oui, je reconnais.

9 Q. Je ne souhaite pas ici vous ennuyer avec des questions et vous demander

10 si c'est effectivement ce que vous avez dit, et cetera, des questions

11 difficiles et embarrassantes. Etant donné votre expérience en Irlande du

12 Nord, vous connaissez, bien sûr, je pense, quelles activités y étaient

13 menées. L'IRA et le PIRA.

14 R. Oui.

15 Q. Maintenant, combien de temps y avez-vous passé en Irlande du Nord

16 environ ?

17 R. En 1969 et jusqu'à la fin de l'année 1970.

18 Q. La fin des années 70. Nous allons résumer brièvement. Cela correspond à

19 une période grosso modo qui va entre Bloody Sunday, et après cela, jusqu'à

20 la période marqué de troubles, certains les appellent les troubles en

21 Irlande du Nord. Pendant toute cette période vous étiez là, n'est-ce pas ?

22 R. De façon intermittente, oui.

23 Q. De façon intermittente. Je ne vous demande pas si vous étiez là tous

24 les jours. Il y a quelques questions dans le contexte de l'IRA, le PIRA,

25 bien évidemment, qui, lorsqu'on parle de ces sujets-là, comporte le terme

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1 "armée" dans leurs titres. Il y avait différents uniformes. Pardonnez-moi,

2 vous pouvez répondre par oui ou par non à cette question

3 R. Ils opéraient à la fois en uniforme et parfois ils ne portaient pas

4 l'uniforme.

5 Q. Très bien. Je ne sais pas si vous êtes en mesure de dire, mais à ce

6 moment-là, d'aucuns ont estimé ou ont donné des chiffres. En décrivant les

7 deux formations de ce mouvement, pourriez-vous nous aider ?

8 R. Comme je vous l'ai indiqué, nous avons parlé de l'UCK. Il y avait

9 différentes idées qui étaient avancées sur le sujet, sur la manière dont

10 était organisée l'IRA, le PIRA, l'UVF, et cetera, et cetera.

11 Q. Je me consacre ici sur un seul exemple. Il y en a d'autres, bien

12 évidemment, par rapport à l'IRA, le PIRA. Vous êtes en mesure des chiffres

13 qui ont été avancés, n'est-ce pas ?

14 R. Non.

15 Q. Non ?

16 R. Non.

17 Q. C'était des centaines environ ?

18 R. Oui.

19 Q. 500, 400 ?

20 R. Je ne souhaite pas m'avancer ici. Il n'y avait pas de coopération avec

21 l'Irlande du Sud. Nous regardons ici. Nous sommes en train de regarder la

22 boule de cristal.

23 Q. Oui. Ils avaient, dans la fin des années 60, en tout cas, dans les

24 années 70, ils avaient à leur disposition toutes sortes d'armes, n'est-ce

25 pas ?

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1 R. Oui, il y avait différents containers, des charges venant de différents

2 pays.

3 Q. Oui, qui traversaient la frontière ?

4 R. C'est possible.

5 Q. Il y avait des fusils, des fusils automatiques, des pistolets, tout ce

6 genre de choses ?

7 R. Oui.

8 Q. Des explosifs et des explosifs assez puissants, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, effectivement.

10 Q. Ils les avaient les deux. L'IRA et le PIRA avaient même une structure

11 hiérarchique, n'est-ce pas ?

12 R. Comme vous venez de l'indiquer.

13 Q. Une structure de commandement, n'est-ce pas ?

14 R. Bien sûr.

15 Q. Ils avaient le contrôle de différentes régions du territoire en Irlande

16 du Nord, au niveau de la frontière et London Derry, et cetera.

17 R. Il y avait des régions où n'avait pas le droit d'aller. Oui, tout à

18 fait.

19 Q. Lorsque vous-même, vous vous y êtes rendu en 1969, membre de l'armée

20 britannique, d'après vous, combien de troupes étaient cantonnées dans cette

21 partie du monde de façon intermittente ?

22 R. 12 000 environ au total.

23 Q. Très bien. Inutile de dire qu'eux avaient accès, bien sûr, à des

24 véhicules blindés de transport de troupes, et cetera, n'est-ce pas ?

25 R. Bien sûr. Ils avaient accès à ce genre de choses, mais ils n'avaient

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1 pas pour rôle de déblayer les zones de combat comme c'était le cas au

2 Kosovo, comme vous semblez l'indiquer.

3 Q. Non. Je suis simplement en train d'essayer d'éclaircir la situation,

4 de voir quel genre de matériel militaire était utilisé. Il fallait qu'ils

5 nettoient certaines régions, non ? Ils ont utilisé des chars bulldozers,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Ce n'est pas correct.

8 Q. Ce n'est pas exact ?

9 R. Non, ils n'avaient pas de chars, je me souviens très bien. Tout leur

10 matériel militaire avait été référencé par opposition --

11 et ils n'utilisaient pas de chars, on n'a pas vu l'utilisation de char

12 d'une forme ou d'une autre en Irlande.

13 Q. Je faisais très attention lorsque je parle de bulldozer. Est-ce que

14 vous savez ce qui est advenu de Motorman ?

15 R. Je ne sais pas ce qui est arrivé. Je ne peux pas vous aider.

16 Q. Vous ne pouvez pas m'aider.

17 Q. Non. Vous savez que c'était le déploiement le plus important dans

18 l'armée britannique depuis la guerre, en 1972, n'est-ce pas ?

19 R. C'est un des termes qui a été utilisé pour décrire ce déploiement.

20 Q. Bien. Simplement pour compléter ma question sur le même sujet. Lorsque

21 vous avez quitté l'Irlande du nord, la dernière année que vous y avez

22 passée, est-ce que cette guerre larvée était toujours lancée ?

23 R. Oui, tout à fait, c'était toujours le cas d'une guerre larvée.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais donner la parole à M. Topolski

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1 pour le contre-interrogatoire.

2 Contre-interrogatoire par M. Topolski :

3 Q. [interprétation] Monsieur Crosland, je représente le dernier accusé,

4 Isak Musliu. Je souhaite comprendre le rôle que vous avez joué en tant

5 qu'attaché militaire. Ai-je raison de dire que votre rôle consiste en

6 premier lieu à conseiller l'ambassadeur de sa Majesté sur des questions

7 militaires ?

8 R. C'est exact, Monsieur.

9 Q. Vous êtes chargé d'assurer la liaison avec le pays hôte, et les forces

10 armées de ce pays hôte ?

11 R. C'est exact, Monsieur.

12 Q. Et d'assurer la liaison avec d'autres attachés militaires des autres

13 pays ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Pour ce qui est de la période qui vous concerne à Belgrade, lorsque

16 vous avez été affecté à Belgrade, vous étiez, je crois, secrétaire

17 président et attaché militaire de l'association des Attachés militaires ?

18 R. C'est exact, Monsieur.

19 Q. Vous avez terminé votre service, je crois Monsieur Crosland, le 23 mars

20 1999.

21 R. C'est la date à laquelle nous avons quitté Belgrade.

22 Q. Car la campagne de bombardement a commencé le 24 mars 1999, n'est-ce

23 pas ?

24 R. C'est exact, Monsieur.

25 Q. Je souhaite simplement préciser à la lumière du contre-interrogatoire

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1 de M. Mansfield, j'ai pu barrer un certain nombre de questions que j'allais

2 moi-même poser. Je vais essayer de ne pas répéter les mêmes questions. Je

3 souhaite concentrer votre attention sur le printemps et l'été de l'année

4 1998.

5 En tant qu'attaché militaire, Lord Ashdown, dans sa déclaration qu'il a

6 faite à ce Tribunal dans l'affaire Milosevic, a dit que c'était quelqu'un

7 qui était digne de louange et qui était un homme qui possédait énormément

8 de renseignements. Je pense que vous serez d'accord avec cela ?

9 R. C'est un commentaire très flatteur, merci.

10 Q. Vous pouvez remercier Lord Ashdown pour ce commentaire.

11 Je vous demande, maintenant de parler des forces serbes et de leur

12 comportement. Je me demande si vous pourriez être d'accord avec moi, je

13 vais vous soumettre un certain nombre de propositions dans le cadre de ce

14 contre-interrogatoire. Au plan militaire, Monsieur Crosland, ils avaient,

15 il me semble, une supériorité très importante dans tous les sens du terme

16 sur les forces de l'UCK ?

17 R. Oui, je crois que j'ai déjà indiqué cela à la Chambre.

18 Q. Très bien. Donc, pour la période qui nous concerne, en tout cas la

19 période qui est celle où vous étiez attaché militaire de sa Majesté, je

20 propose que -- en tout cas, je vous soumets qu'ils ont lancé une attaque

21 généralisée et systématique contre la population civile du Kosovo. Est-ce

22 que vous êtes d'accord avec cela ?

23 R. Oui, j'ai même utilisé le terme de nettoyage ethnique, qui est un terme

24 sur lequel beaucoup d'encre à couler.

25 Q. Oui, effectivement. J'essaie de faire en sorte que cela ne m'émeuve pas

Page 2027

1 trop. Je vous demande si vous êtes d'accord avec l'expression qui a été

2 utilisée, ici, à savoir attaque généralisée et systématique contre la

3 population ?

4 R. Oui, je suis satisfait de cette phrase.

5 Q. Bon, vous êtes satisfait de cette phrase, avec Lord Ashdown, je crois

6 que vous avez visité le Kosovo ?

7 R. C'est exact.

8 Q. Pour être très précis, je crois que vous étiez en sa compagnie plus

9 d'une fois, mais vous étiez certainement avec lui n'est-ce pas, au mois de

10 septembre 1998, lorsque vous avez visité la partie occidentale du Kosovo,

11 avec M. Slinn et Donnelly ?

12 R. C'est exact, Monsieur.

13 Q. S'agissait-il du même moment, ou d'une occasion différente, lorsque

14 vous avez décrit avec force et détail aujourd'hui, la découverte de ces

15 corps dans le ruisseau ?

16 R. Oui. J'ai emmené Lord Ashdown et mon ambassadeur à cet endroit, comme

17 je l'ai indiqué un peu plus tôt à cette Chambre.

18 Q. Encore une fois, je ne souhaite pas répéter les questions qui ont déjà

19 été posées ici, pour ce qui est de la conduite de l'armée et de la police

20 yougoslaves au Kosovo, que de façon systématique et délibérée, sans

21 justificatif aucun, ont détruit, abîmé et incendié des biens civils, et ont

22 massacré et maltraité un grand nombre de civils. Etes-vous d'accord avec

23 cela ?

24 R. Je dois vous reprendre sur le terme "justification," car l'UCK a

25 attaqué, tué et enlevé un certain nombre de Serbes, comme je l'ai précisé

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1 plus tôt. Donc, il y avait une justification à cela, comme je l'ai déjà

2 précisé. J'ai à maintes reprises indiqué aux autorités serbes que ces

3 actions qui étaient lourdes et maladroites ne faisaient rien d'autre que de

4 faire du tort à leur capacité militaire dans la région de façon plus

5 importante, de leur position politique et la manière dont on les voyait

6 dans le reste du monde.

7 Q. Il ne peut y avoir aucune justification pour le viol et le meurtre de

8 femmes et d'enfants, n'est-ce pas, Monsieur Crosland ?

9 R. Non, bien sûr, pas du tout.

10 Q. Je souhaite vous poser une autre question à laquelle M. Mansfield a

11 fait allusion. Il s'agit des questions de renseignements et de contre-

12 renseignements. Je vous demande de bien vouloir vous tourner à

13 l'intercalaire 13 des documents que vous avez parcourus avec M. Cayley.

14 Nous sommes repartis un petit peu en arrière, Monsieur Crosland, nous

15 sommes à la date du 28 avril, et nous avons le résumé de ce télégramme

16 diplomatique qui je crois parle de lui-même, est assez évocateur.

17 Il s'agit là d'une réunion d'information et je crois réunion d'information

18 à laquelle a participé le colonel général Dimitrijevic, n'est-ce pas ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Il s'agit d'un rapport rédigé par l'auteur lui-même. Il s'agit ici des

21 propres propos du général. C'est la dernière phrase qui m'intéresse,

22 puisque sous la rubrique chef des services de Renseignements, c'est la

23 question que je souhaite vous poser : "Il a ajouté que les services de

24 Sécurité de la RFY avaient identifié un camp d'entraînement. Ils avaient

25 les noms de 2 à 2 500 hommes qui avaient été formés dans ces camps."

Page 2029

1 Première question, Monsieur Crosland, vous a-t-on jamais montré une liste

2 comportant des noms ?

3 R. Non, on ne m'a jamais montré une telle liste.

4 Q. Cette allégation, qui semble fondée en ce qui vous concerne, que les

5 forces de Sécurité de la RFY avaient pu mettre la main sur un certain

6 nombre de noms, est-ce quelque chose qui vous paraît fondé.

7 R. Cela ne s'est pas produit lors de l'incident qui est décrit dans ce

8 paragraphe.

9 Q. Bien.

10 R. J'ai eu d'autres entretiens avec le général Dimitrijevic qui m'avait

11 indiqué qu'ils avaient de fortes raisons, comme on disait en jargon

12 militaire, de suspecter des activités de l'autre côté de la frontière.

13 Q. D'après votre estimation, d'après vous, avait-il également de bonnes

14 raisons de croire qu'il y avait des activités militaires, de l'autre côté

15 de la frontière. Autrement dit, les services de Sécurité de la RFY avaient

16 été en mesure de se procurer des renseignements assez fiables à l'époque.

17 R. C'est vrai qu'il y avait des simulations de guerre électronique, qu'il

18 s'agissait d'une guerre électronique.

19 Q. Oui.

20 R. Oui. A partir de là, ils l'utilisaient -- c'est une question que j'ai

21 posée à un certain nombre de personnes y compris M. Milosevic lorsque je me

22 suis trouvé face à lui l'année dernière. Cette guerre électronique est

23 quelque chose de plausible et de raisonnable.

24 Q. Je sais, j'ai lu quelque chose à ce propos.

25 R. Je n'ai pas la réponse à cette question.

Page 2030

1 Q. Ils étaient en mesure de rassembler des renseignements de façon assez

2 sophistiquée en RFY. Evidemment, ce qu'ils en faisaient et la manière dont

3 ils l'utilisaient est une autre question.

4 R. Sans pour autant minimiser la capacité des Albanais à cet égard, je

5 pense qu'à ce moment-là, ils ont utilisé leurs ressources électroniques et

6 leur capacité de transmission hertzienne n'était sans doute pas aussi

7 sophistiquée, par conséquent, les Serbes disposaient d'appareils plus

8 sophistiquées et avaient l'avantage sur ce point.

9 Q. Bien. Je souhaite parler d'un autre aspect maintenant qui est un aspect

10 assez général et qui traite des renseignements et du contre-renseignement.

11 Saviez-vous qu'on avait utilisé, je vais utiliser un terme assez générique,

12 les forces serbes, comprenez-moi ce que j'entends, Monsieur Crosland, de la

13 sténographie. Saviez-vous qu'il y avait des informateurs qui s'étaient

14 infiltrés dans les rangs de l'UCK ?

15 R. Je pense que le général Dimitrijevic a évoqué ceci à une reprise, oui.

16 Je ne me souviens pas exactement à quel moment, non.

17 Q. Bien.

18 Q. Mais cela semble évidemment lorsqu'on lit --

19 Q. Oui, c'est évident, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Quelque chose de plus simple, des informateurs infiltrant, par exemple,

22 un agent provocateur. Reconnaissez-vous qu'il y a une légère différence

23 entre les deux et l'utilisation de ce terme ?

24 R. Ecoutez, je n'ai jamais été tenu au courant de tels éléments.

25 Q. Bien. Je ne vais pas vous faire perdre votre temps. Ce dont vous avez

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1 été informé, en revanche, est l'armement de Serbes, apparemment des civils,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Oui. J'ai évoqué ceci à plusieurs reprises, et je l'ai dit à la

4 Chambre.

5 Q. Vous utilisiez le mot hier de "la racaille."

6 R. Oui, peut-être que je vais pouvoir vous en parler plus en détail. Les

7 différentes villes qui figurent dans ce rapport principalement du

8 Monténégro, les villes qui étaient proches de la frontière, Novi Pazar, et

9 cetera, c'est de la manière dont les éléments parfois de la police spéciale

10 se déplaçaient en habits civils, à d'autres moments, c'étaient des

11 paramilitaires, si nous utilisons cette phrase, ils se déplaçaient habillés

12 ainsi.

13 Q. Bien. Je ne vous demande pas de remuer cela. Hier, nous en avons parlé.

14 A l'intercalaire numéro 7, la tentative est décrite en détail des forces de

15 sécurité serbes, l'analyse du mois de mars 1998, sous le titre "La manière

16 dont ces forces sont organisées," montrant leur force pour ce qui est de

17 l'extérieur, de la capacité à contrôler ces éléments qui avaient pu passer

18 la frontière. Cette racaille d'où venait-elle, Monsieur Crosland ? Le

19 savez-vous ?

20 R. C'étaient les messieurs dont je viens de parler.

21 Q. Très bien. Saviez-vous comment fonctionnait le bureau des services de

22 Sûreté des Etats ?

23 R. Oui.

24 Q. On vous a cité un nom, je crois, dans vos trois dernières déclarations

25 que vous avez faites à ce Tribunal, un certain David Gajic, et vous avez

Page 2032

1 indiqué que Dragan Jasevic. Je me demande si vous pourriez nous donner un

2 autre nom.

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. Le terme ne vous est pas familier.

5 R. Dragan est non un nom assez commun.

6 Q. Bien, peut-être. Le chef des services de Sûreté responsable des

7 questions de délinquance.

8 R. Ecoutez, si vous le dites.

9 Q. Pardonnez-moi ? Vous n'avez aucune tractation avec lui.

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous auriez une quelconque --

12 R. Je n'ai pas reçu d'accréditation à cet égard, comme je vous l'ai

13 indiqué au début, je ne pouvais qu'entrer en contact avec la Vojska

14 Jugoslavije comme je vous l'ai indiqué au début de mon témoignage.

15 Q. Dans un rapport que nous n'avons pas, qui se trouve dans vos classeurs,

16 est un rapport qui est daté -- qui comporte quelle date ? Ce rapport est

17 daté du 5 et comporte le numéro R0428576. Vous ne l'avez pas sous les yeux,

18 Monsieur Crosland, je pense que vous n'allez pas en avoir besoin. C'est une

19 analyse qui est datée de juin 1998, comme le texte l'indique. Il parle sur

20 votre présence dans la région autour de Komorane, il parle d'une situation

21 qui est très tendue, et parle du fait de reporter votre journée à Pristina

22 parce qu'il y a des gens qui ont visité la base aérienne civile et

23 militaire. Il y avait 15 MiG, des jets qui étaient en deux rangs sur la

24 piste, il s'agissait là d'un camp d'entraînement et qui permettait à des

25 missions de patrouilles de vérifier le vol des avions dans cet espace

Page 2033

1 aérien au-dessus de Pristina, en général, au crépuscule et à la nuit

2 tombée. Vous souvenez-vous de ceci ? Est-ce que vous y étiez ?

3 R. Je me souviens qu'au début du conflit, l'armée de l'air de la Vojska

4 Jugoslavije, il est vrai, se déployait ou avait certaine mission

5 d'entraînement autour de Pristina.

6 Q. Utilisaient-ils des hélicoptères ?

7 R. La Vojska Jugoslavije avait quelques hélicoptères. Je crois que j'ai

8 rencontré un hélicoptère en direction de Mitrovica. Il y a eu des rapports

9 qui nous parvenaient comme quoi les hélicoptères avaient été utilisés dans

10 l'attaque contre différents villages.

11 Q. Bien.

12 R. Pardonnez-moi, je me souviens pas, j'ai perdu le terme -- le nom

13 m'échappe. Vérifier. Merci. Vérifier ou confirmer ces rapports parce qu'à

14 ce moment-là, nous avons commencé à parler aux gens qui avaient été

15 bombardés. Il est vrai qu'en général, les gens avaient tendance à s'étendre

16 sur ces histoires un petit peu comme le font les gens quand ils partent à

17 la pêche, et cela dure longtemps.

18 Q. C'est la dernière ligne de ce rapport que je souhaite évoquer avec

19 vous. L'auteur de ceci parle d'un combat de patrouilles aériennes, bien

20 qu'il s'agisse d'entraînement. Cela n'est pas quelque chose de nouveau au

21 Kosovo. C'est certainement un élément intéressant. Une opération de guerre

22 psychologique, quelque chose de la sorte.

23 R. Oui. C'est une proposition assez raisonnable.

24 Q. Pourriez-vous nous aider ? Quel genre de guerre psychologique était

25 menée par les forces serbes à cette époque, Monsieur Crosland, si vous êtes

Page 2034

1 au courant de quelque chose à cet égard ?

2 R. Je suspecte qu'ils utilisaient les raisons de communication pour

3 essayer de diffuser à la population albanaise des choses -- un certain

4 nombre de choses ce qui est considéré comme nous comme un instrument tout à

5 fait raisonnable et communément utilisé.

6 Q. Bien.

7 R. Par leurs seules activités, est-ce que vous pourriez comprendre qu'il

8 s'agissait d'une peur psychologique, d'une guerre psychologique --

9 Q. Oui.

10 R. -- et quelque chose qui était diffusé aux habitants du Kosovo ?

11 Q. Certainement.

12 R. Je crois que j'ai fait un commentaire à cet égard à l'état-major. J'ai

13 utilisé un terme assez péjoratif lorsque j'ai parlé de l'usage de la force.

14 Q. Alors je souhaite parler -- m'écarter des questions des renseignements

15 et vous poser une ou deux questions à propos de l'UCK.

16 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je ne sais pas si la Chambre souhaite

17 prendre une pause, Monsieur le Président. Je crois que vous avez indiqué

18 qu'il était important de faire une pause.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si nous allons faire une pause, ce

20 serait plus commode de la faire maintenant…

21 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis tout à fait entre les mains de la

22 Chambre. M. Crosland sera peut-être heureux d'avoir une pause. Les

23 interprètes aussi. Je vais terminer à la fin de la séance aujourd'hui pour

24 éviter de répéter les questions qui ont déjà été posées.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une pause et

Page 2035

1 reprendre à 12 heures 50. Nous allons faire une pause un peu plus longue

2 que d'habitude.

3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

4 --- L'audience est reprise à 12 heures 54.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, vous avez la parole.

6 M. TOPOLSKI : [interprétation]

7 Q. Monsieur Crosland, excusez-moi c'est moi qui me suis trompé, enfin qui

8 l'ai fait, pas vous on est censé faire des pauses entre les questions et

9 les réponses pour faciliter le travail des interprètes.

10 M. TOPOLSKI : [interprétation] Apparemment il n'y a pas d'interprètes

11 albanais. Si, ils sont là.

12 Q. Nous parlions de l'UCK, Monsieur Crosland. Permettez-moi cette question

13 : est-ce que vous étiez au courant de la présence d'Albanais armés

14 participant à des combats qui n'auraient pas été des membres de l'UCK mais

15 d'une autre organisation ?

16 R. Comme je vous l'ai déjà dit, à Malisevo il y avait des ressortissants

17 d'autres nationalités qui m'ont dit d'où ils étaient originaires. Je crois

18 que c'est la seule fois où j'ai vu des gens qui n'étaient pas des Albanais

19 du Kosovo.

20 Q. Soyons plus clair encore, ma question portait plus précisément sur des

21 Albanais. Apparemment d'après vous, il n'y avait pas d'organisation

22 militaire ou quasi-militaire qui aurait participé à des combats, mis à part

23 l'UCK ?

24 R. C'est exact, oui. Je n'avais pas connaissance de ce genre

25 d'organisation.

Page 2036

1 Q. Permettez-moi de vous rapporter un passage de votre deuxième

2 déclaration préalable, M. Crosland; et pour que ceci soit plus facile, est-

3 ce qu'on pourrait remettre un exemplaire de la déclaration au témoin. Je

4 sais que M. Cayley a des exemplaires. Je vous ne vole pas votre propre

5 exemplaire, Monsieur Cayley, j'espère.

6 Ayez l'obligeance de nous dire que c'est bien une des trois déclarations au

7 préalable que vous avez fournies au Tribunal. On n'y voit la date dans le

8 bas de la première page. Le 5 à 7 décembre 2000.

9 R. C'est exact.

10 Q. Rapportez-vous, si vous le voulez bien, à la troisième page de votre

11 déclaration au compte 11. Tout d'abord au paragraphe 9, je cite :

12 "Vu des échanges que j'ai vus à l'UCK et la connaissance que j'ai d'un bon

13 nombre de leurs actions, je ne pense pas que le Grand quartier général de

14 l'UCK disposait d'un contrôle particulièrement efficace de l'organisation.

15 Les commandants de zones de l'UCK les plus engagés, les plus fervents, ont

16 mené des actions dans leurs zones, sans qu'il y ait l'impression qu'ils

17 répondent d'un commandement supérieur." Puis vous le dites souvent dans vos

18 déclarations : "Ramus Haradinaj," à l'ouest "Remi et Drini étaient des

19 commandants régionaux de l'UCK particulièrement forts et indépendants."

20 Pour éviter tout malentendu maintenant ou plus tard, est-ce que c'est là

21 l'impression que vous avez s'agissant des contacts que vous avez eus avec

22 l'UCK ?

23 R. Vous avez lu ce commentaire et c'est vrai. Je suis d'accord avec ce que

24 j'ai dit à l'époque.

25 Q. Prenons les deux ou trois dernières phrases de ce même paragraphe, il

Page 2037

1 se poursuit à la page suivante, pourriez-vous apporter confirmation que

2 c'était bien le cas. Je cite : "Je ne connais pas de texte écrit qui

3 parlait de la doctrine de l'UCK, ou de l'obligation qu'avait l'organisation

4 d'imposer des mesures disciplinaires, et surtout s'agissant d'actes

5 répréhensibles, et la prévention de tels actes. Je n'ai pas connaissance

6 non plus du fait que des commandants de l'UCK auraient ordonné des attaques

7 criminelles."

8 Vous maintenez cela ?

9 R. Oui. C'est ce que j'ai dit à l'époque en guise de commentaires et je

10 pense que c'était exact, effectivement.

11 Q. J'aimerais maintenant parler de Lapusnik, même. Est-ce qu'il me serait

12 utile d'insister pour savoir combien de fois de mars à juillet, vous êtes

13 allés dans ce village ?

14 R. J'y ai été souvent de toute façon. Parfois nous avions l'autorisation

15 d'y entrer, parfois ce n'était pas le cas.

16 Q. Lorsque vous aviez l'autorisation d'y aller, est-ce qu'on vous a

17 présenté à des soldats de l'UCK ? Est-ce que vous en avez rencontrés ?

18 R. Oui, j'en ai rencontrés quelques-uns qui semblaient patrouiller la

19 zone.

20 Q. C'est une façon peut-être un peu trop éloquente ou exagérée de

21 soumettre cette question, mais je suis sûr que vous me comprendrez. Est-ce

22 qu'on vous a montré le déploiement de forces de l'UCK dans le village ?

23 R. Non. Il y avait manifestement des tranchées qui avaient été tranchées,

24 il y avait des positions de défense locale.

25 Q. Est-ce qu'elles étaient réparties sur divers endroits du village ?

Page 2038

1 R. Pour autant que je m'en souvienne sur les crêtes environnantes, proches

2 du village.

3 Q. Plus tard, lors d'autres visites, est-ce que vous avez rencontré les

4 mêmes soldats de l'UCK, ou est-ce que vous en avez vu d'autres ?

5 R. Difficile de vous dire tout en restant fidèle à la vérité.

6 Q. On peut rencontrer des gens sans jamais en connaître l'identité, mis à

7 part l'aspect qu'ils avaient et beaucoup d'années se sont écoulées depuis.

8 Difficile de vous souvenir si on a rencontré la même personne plus d'une

9 fois ?

10 R. A cet endroit précis, je ne sais plus.

11 Q. Pourriez-vous aider les Juges de la Chambre en leur disant s'il y a eu

12 déploiement de forces serbes à quelque moment que ce soit autour de

13 Lapusnik ?

14 R. Oui, Madame et Messieurs les Juges. Il y avait surtout comme position

15 principale, Komorane. C'était surtout une position du MUP avec d'autres

16 éléments qui étaient présents là également.

17 Q. Est-ce que ces forces avaient la capacité leur permettant de pilonner

18 de l'extérieur ce village, lorsque vous avez vu leur déploiement à ces

19 forces ?

20 R. Oui. Plus tard je sais qu'il y a eu une position de la VJ qui disposait

21 d'artillerie plutôt vers le sud, le sud-est sur une colline.

22 Q. Je comprends bien qu'il est difficile de se souvenir, mais pourriez-

23 vous nous dire au cours de quel mois vous avez vu cela ?

24 R. A partir de juillet jusque vers le mois d'août, septembre, au cours de

25 cette période-là, me semble-t-il.

Page 2039

1 Q. Ce que nous avons cru comprendre c'est que, et l'UCK le dirait sans

2 doute, que Lapusnik est tombée entre les mains des Serbes le 28 juillet. Et

3 ce jour-là, ce jour-là précis, vous n'étiez pas là,

4 vous n'avez pas assisté personnellement à cet amassement de forces serbes,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Votre réponse a été très claire lorsque vous avez répondu à une

8 question posée par Me Mansfield, s'agissant d'un camp ou de ce qu'on

9 pourrait appeler un camp à Lapusnik. On a fait référence à un camp, une

10 prison à Glogovac. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ? Je vous le

11 rappelle au cas où vous voudriez vérifier. C'est l'intercalaire 20 de votre

12 liasse de documents.

13 R. Oui.

14 Q. Il s'agit là d'un télégramme, paragraphe 8 de ce document, vers le

15 milieu du paragraphe, sous la rubrique "Sécurité". Il est dit qu'il est

16 question d'un camp de l'UCK à Glogovac, mais il est impossible de

17 corroborer cela.

18 Est-ce qu'il vous est arrivé d'aller à Glogovac, dans un endroit qu'on

19 pourrait effectivement qualifier de camp ?

20 R. Il y a un site industriel à Glogovac qu'on aurait pu utiliser à cette

21 fin. Plus tard au cours du conflit, nous avons reçu des indications selon

22 lesquelles c'étaient les forces de sécurité qui l'utilisaient comme camp.

23 Lorsque j'ai essayé d'y aller, dans cette zone, bien sûr, on ne m'a pas

24 permis d'y entrer, quelles que soient les raisons invoquées.

25 Q. Je ne veux pas vous demander de trouver un document, parce que je ne

Page 2040

1 veux pas vous importuner par l'examen de trop de documents, mais nous avons

2 cette déclaration que vous avez toujours sous les yeux. Au paragraphe 21,

3 je ne sais pas si vous parlez du même endroit, mais vous dites que :

4 "l'usine de Glogovac avait été utilisée par le MUP, et manifestement,

5 c'était un lieu où il y avait des activités douteuses, mais jamais je n'ai

6 été autorisé à y pénétrer."

7 R. C'est exact.

8 Q. Maintenant que je vous ai montré ce paragraphe, est-ce que vous vous

9 souvenez ? Ici, c'est un peu plus probable, vous dites, manifestement des

10 activités douteuses s'y produisaient.

11 R. Comme je l'ai dit à la Chambre, les forces de sécurité étaient très

12 nerveuses à l'idée de me voir entrer dans une zone, et on pourrait en tirer

13 certaines conclusions.

14 Q. Est-ce qu'on pourrait présenter la thématique du "camp" de Lapusnik de

15 cette façon : jusqu'au moment où vous avez été sollicité pour intervenir en

16 tant que témoin dans ce procès, jusqu'à ce moment-là, personnellement, vous

17 n'aviez pas connaissance des allégations selon lesquelles un camp existait

18 à Lapusnik; c'est exact ?

19 R. Oui, ce serait exact de le dire.

20 Q. Je vous demande dès lors, et ce serait la dernière rubrique que je vais

21 aborder, je l'espère assez rapidement, sous la forme de plusieurs questions

22 qui puisent dans l'expérience qui vous y avez acquise dans la région. Tout

23 d'abord : tout au début du procès, nous avons entendu un diplomate, M.

24 Kickert. Il a parlé de tension, ce sont là ses propres termes, de tension

25 existant entre la LDK, un parti politique, et l'UCK. Est-ce que vous aviez

Page 2041

1 connaissance de cette tension au Kosovo au moment des faits ?

2 R. C'est là un commentaire politique fourni par ceux qui suivaient la

3 situation politique, apparemment, il y avait des tensions entre ces deux

4 éléments. Vous le savez bien, moi, j'avais pour mission de m'occuper du

5 volet militaire, mais cela fait partie d'un tout. Il y a toujours un

6 élément militaire et politique. C'était un parti qui émergeait.

7 Q. Tout à fait. Parlons, si vous le voulez bien, de la question de

8 l'emprisonnement. Je vous soumets une hypothèse : vu la situation que vous

9 avez pu constater de façon régulière, étant donné la nature de

10 l'insurrection, et étant donné la nature de la réponse serbe. Ce sont les

11 trois données de départ. L'activité des insurgés, était-ce les faits au

12 cours desquels on arrête des personnes, on les interroge, on les arrête, on

13 les appréhende, on les met en détention, on les emprisonne. Est-ce qu'en

14 tant que tel, intrinsèquement, c'est tout à fait caractéristique de ce type

15 de situation militaire, n'est-ce pas ?

16 R. En tout cas, c'était typique pour cette situation militaire, pas

17 nécessairement de toutes.

18 Q. Bien sûr que non. Mais Me Mansfield vous a posé une question relative à

19 l'Irlande du nord. Cela s'est produit là, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, mais je m'offusquerais beaucoup si on en déduisait que les actions

21 de l'armée britannique en Irlande du nord étaient comparables à l'action de

22 l'UCK et des forces serbes au Kosovo.

23 Q. Mais --

24 R. Je m'y opposerais vivement.

25 Q. Je ne pensais pas du tout à cela, croyez-moi.

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1 R. Je suis heureux de l'apprendre.

2 Q. Une dernière chose : vous vous souvenez sans doute avoir été témoin

3 dans le procès Milosevic. Monsieur Crosland, vous vous souvenez --

4 R. Oui.

5 Q. Je voudrais vous lire un paragraphe du compte rendu d'audience, page

6 8 013 de l'audience dans le procès Milosevic. Des copies ont été

7 distribuées aux parties.

8 R. Merci.

9 Q. A la fin de la page 8 013, une question est posée par M. Milosevic en

10 personne, je crois. "Est-il indubitable que les objectifs de l'attaque ou

11 que les cibles prises étaient des membres du ministère de l'Intérieur, du

12 MUP, des militaires eux-mêmes, des civils, des Serbes, mais aussi des

13 Albanais, des Musulmans, et des ressortissants d'autres groupes

14 ethniques ?" C'est une question générale qui vous est posée en ce qui

15 concerne 1998. M. Milosevic poursuit : "Ils ont été enlevés, tués,

16 dévalisés. Etes-vous au courant de tout cela ?"

17 Je voudrais lire votre réponse et vous demander ensuite si vous maintenez

18 ce que vous avez dit à l'époque. Réponse : "Oui, Monsieur Milosevic,

19 j'étais au courant de cela. N'oubliez pas le contexte qui est celui où ce

20 que faisaient vos forces de sécurité. Vous aviez de deux, trois à 400

21 villages que j'ai vu rasés par incendie, brûlés. C'est naturel que des gens

22 aient cherché à se venger. Je crains que la réconciliation dans les Balkans

23 ne soit pas quelque chose qu'on connaisse bien, que ce ne soit pas un terme

24 souvent utilisé. "Osveta", encore plus "d'osveta" et encore plus de

25 "pomirenje" à moins que le terme "osveta" ne soit un terme généralement

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1 préférable. Plus de réconciliation et moins de vengeance."

2 Vous maintenez cette réponse ?

3 R. Oui, et je l'ai dit chaque fois que j'ai déposé.

4 J'aimerais revenir, si vous me le permettez, au point précédent. Lorsque je

5 suis retourné au Kosovo après le conflit, je me suis rendu dans la prison

6 d'Istok, à Dubrava, dans la partie occidentale du Kosovo, ici, je vous

7 l'indique, au nord-est de Pec. J'étais accompagné de deux ou trois autres

8 personnes qui ont découvert beaucoup de preuves indiquant qu'il y avait eu

9 des ordres d'exécution de plusieurs Albanais. J'ose espérer, qu'en

10 remettant les choses dans leur contexte et en perspective, on peut dire que

11 la situation était plutôt difficile et que cela a été vraiment quelque

12 chose de très mauvais, de part et d'autre. C'est tout ce que je veux

13 ajouter.

14 Q. Je vous remercie. Merci de votre patience. Je n'ai plus d'autres

15 questions.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Topolski.

17 Maître Guy-Smith, vous avez des questions ?

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Monsieur Cayley, vous voulez

20 poser des questions supplémentaires ?

21 M. CAYLEY : [interprétation] Oui, quelques-unes à peine.

22 Nouvel Interrogatoire par M. Cayley :

23 Q. [interprétation] Vous serez content d'apprendre que vous pourrez rentrer

24 chez vous aujourd'hui. Vous n'aurez pas à revenir lundi, puisque je n'ai

25 pas grand-chose à vous poser comme question. Peut-être que les Juges en

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1 ont-ils.

2 En réponse à des questions posées par Me Topolski, il y a quelques

3 instants, vous avez répondu ceci : vous dites que vous vous offusqueriez

4 grandement si on voulait comparer ou lier les actions de l'armée

5 britannique aux actions menées par l'UCK et par la Serbie au Kosovo.

6 Comment qualifieriez-vous les actions de l'UCK et des Serbes au Kosovo ? En

7 quoi étaient-elles différentes de ce qu'a fait l'armée britannique en

8 Irlande du Nord ?

9 R. Moi, je ne désirerais même pas de mettre ces deux éléments en équation.

10 Q. Pourriez-vous étoffer votre propos. Pourquoi, d'après vous, y a-t-il

11 une différence entre la façon dont les opérations étaient menées. C'est

12 clair pour vous, je le sais, mais pourriez-vous l'expliquer aux Juges

13 quelle est la distinction qu'il y a à faire entre les actions de l'UCK et

14 des Serbes au Kosovo et ce qu'a fait l'armée britannique en Irlande du

15 Nord ?

16 R. Je ne pense qu'il y ait une quelconque similitude. Tout ce qu'a fait

17 l'armée britannique en Irlande du Nord s'est fait sous le fait d'un mandat

18 qui a été respecté. Bien sûr, il y a des erreurs. Nous le comprenons tous.

19 Mais de là à dire que d'une façon quelconque on pourrait mettre dans le

20 même panier, dans le même sac, ces deux-là, moi, je m'arrête là. Rien de

21 plus à dire.

22 Q. De quelle façon les actions de l'UCK et des Serbes ont-elles été menées

23 au Kosovo ?

24 R. Nous venons d'en parler. J'en ai parlé avec le conseil de la Défense.

25 Il y avait là beaucoup de marge de manœuvre pour des actions revanchardes

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1 vu la façon dont les Serbes avaient agi, de façon très musclée. Ceci n'a

2 pas permis des opérations de ripostes très rapides, mais dans les Balkans,

3 c'est comme cela que les gens font, de façon assez brutale. Nous le savons

4 tous, je pense. Je l'ai dit ici, nous avons essayé d'en faire état, de

5 faire état de ce qu'ont fait les deux camps, de façon assez équitable et

6 ferme, pour indiquer aux gens qui prenaient les décisions, pour moi c'était

7 Vojska Jugoslavije, que des actions étaient menées qui n'allaient sans

8 doute pas contribuer au règlement de la question, permettre de sortir du

9 pétrin qui se poursuivait.

10 Q. Vous avez répondu auparavant à des questions posées par

11 Me Mansfield. Elles portaient, ces questions, sur la façon dont vous avez

12 qualifié l'UCK comme étant une force armée. J'ai copié votre réponse.

13 "L'UCK a posé sa marque de diverses façons. En général, elles l'ont bien

14 montré tout le long." Qu'est-ce que vous voulez dire par la réponse ?

15 R. Pour une force armée qui était légèrement armée, surtout au début de

16 l'année 1998, comme je l'ai dit à la Chambre, ils ont appris assez

17 rapidement à ne pas prendre des positions statiques mais à faire des

18 incursions et à repartir, en rapportant assez bien de succès d'ailleurs. On

19 le voit, d'ailleurs, quand on voit le nombre de pertes serbes.

20 Q. Merci, Monsieur Crosland.

21 M. CAYLEY : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Cayley.

23 Les Juges n'ont pas de questions et je suis ravi de pouvoir vous dire,

24 Monsieur le Témoin, que ceci met fin à votre déposition et que vous êtes

25 maintenant en mesure de vaquer à vos autres occupations. Nous tenons à vous

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1 remercier de l'aide que vous nous avez apporté.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions que

4 vous souhaitez aborder, nous pourrions commencer le week-end.

5 M. CAYLEY : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience mais on

7 m'indique -- Monsieur Cayley, attendez.

8 Monsieur le Témoin, un instant.

9 M. CAYLEY : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, je voudrais une

10 cote.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, vous voulez demander le versement

12 de ce document.

13 M. CAYLEY : [interprétation] Oui. Notre commis à l'audience me l'a rappelé

14 à l'instant.

15 Pour faire simple, est-ce qu'on pourrait avoir une seule cote, une cote

16 collective pour le classeur puisque la carte se trouve à l'intercalaire 1.

17 Donc, le classeur comporte 22 intercalaires avec un P.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Vous ne voulez pas de cote pour chaque

19 intercalaire ?

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, une cote collective.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci. Cela sera la pièce P92 pour les

22 intercalaires 1 à 42.

23 M. CAYLEY : [interprétation] Je demande que ceux-ci soient placés sous pli

24 scellé.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce P92 est déclarée recevable.

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1 Il s'agit d'un classeur comportant plusieurs documents, et cette pièce est

2 placée sous pli scellé.

3 Ceci étant dit, l'audience est levée. Elle reprendra à

4 14 heures 15, lundi. Non. Pardon, 16 heures, car il y a une autre Chambre

5 de première instance qui doit utiliser ce prétoire pour rendre un jugement.

6 Ceci se fera à 14 heures 15, ce qui veut dire que, malheureusement, nous

7 reprendrons seulement à 16 heures, lundi.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 20 et reprendra le lundi 17 janvier

9 2005, à 16 heures 00.

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