Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 10 février 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour

6 Monsieur Whiting vous avez la parole.

7 M. WHITING : [interprétation] Je crois que M. Mansfield voulait intervenir.

8 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais

9 vous demander un instant, en guise de respect envers vous et le Tribunal,

10 pour vous présenter des excuses, ainsi que vous fournir une explication,

11 plutôt qu'il n'y ait pas d'explication lorsque je dois être absent

12 malheureusement, cela a trop été le cas, j'en conviens.

13 Le problème est permanent. Depuis 2003 il persiste, parce que je participe

14 à un procès au pénal important à Londres depuis Old Bailey. Les audiences

15 ont commencé en 2003, sans vous dire pourquoi tout s'est enlisé et tout a

16 dérapé. Le procès n'a pas commencé lorsqu'il le devait et il y a déjà

17 maintenant un quota de quatre ou cinq mois, ce qui échappe à toute

18 intervention possible de ma part. Ce qui veut dire que parfois je ne peux

19 pas être ici malheureusement. Je n'ose pas, vous l'aurai constaté ici, vous

20 dire à quel moment cela va se terminer. Cela aurait dû se terminer à la fin

21 de l'année dernière ce qui n'est toujours pas le cas. En fait, on a

22 débordé, on a dépassé les délais prévus, je m'en excuse et je voulais que

23 ce soit compris.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, merci de nous avoir

25 fourni ces explications. Nous n'avons pas pensé que votre absence

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1 signifiait un manque de politesse envers la Chambre. Vous nous aviez fait

2 savoir que vous aviez d'autres intérêts desquels il vous fallait prendre

3 soin et Me Khan est tout à fait à même de tenir les rênes dans la Défense

4 de votre client. Cela ne pose pas de problème.

5 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.

7 M. WHITING : [interprétation] Je pense que nous pouvons faire entrer le

8 prochain témoin.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour Monsieur. Auriez-vous

11 l'obligeance de donner lecture de la déclaration solennelle qui figure sur

12 le carton qui vient de vous être remis ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 LE TÉMOIN: JAKUP KRASNIQI : [Assermenté]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie Monsieur, veuillez

18 vous asseoir.

19 Monsieur Whiting vous avez la parole.

20 M. WHITING : [interprétation] Merci Monsieur le président.

21 Interrogatoire principal par M. Whiting :

22 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur.

23 R. Bonjour.

24 Q. Vous m'entendez bien ?

25 R. Oui, tout à fait.

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1 Q. Je pense que je suis moi sur le mauvais canal.

2 Veuillez décliner votre identité Monsieur.

3 R. Volontiers, je m'appelle Jakup Krasniqi.

4 Q. Je vois que vous êtes équipé de documents, documents que vous avez

5 maintenant sous les yeux; est-ce exact ?

6 R. Oui, j'ai le droit de posséder certains documents que j'ai apportés. Ce

7 sont, à mon avis, des documents tout à fait en rapport avec ma déposition.

8 Q. Je voudrais que ceci soit acté au dossier de l'espèce afin que tout

9 soit clair. Pouvez-vous nous dire quels sont les documents que vous avez

10 emmenés ?

11 R. J'ai la déclaration que j'ai fournie au TPIY à Pristina ainsi que

12 quelques déclarations émanant de l'état-major général de l'UCK, ainsi qu'un

13 cahier de notes.

14 Q. Voici ce que je vais vous demander Monsieur, si vous avez l'intention

15 de faire référence à l'un de ces documents, dites-le nous, à l'avance, est-

16 ce que vous me comprenez ?

17 Je m'explique, et je vais le dire en d'autres termes. Est-ce que vous

18 pourriez laisser de côté ces documents. Je vais vous poser mes questions.

19 Si l'une ou l'autre de ces questions vous posent problème et que vous avez

20 besoin de consulter ces documents, vous pourriez le demander. Vous m'avez

21 compris maintenant ?

22 R. Oui, j'ai compris. Je peux les mettre de côté pour le moment, lorsque

23 j'en aurais besoin, je les prendrai.

24 Q. Merci, de votre coopération.

25 Quelle est votre date de naissance, Monsieur.

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1 R. Je suis né le 1er janvier 1951.

2 Q. Quel est votre lieu de naissance ?

3 R. Je suis né dans le village de Fatos, qui s'appelait autrefois Negrovce.

4 Q. Ce village se trouve dans quelle municipalité ?

5 R. C'est une communauté rurale à 30 kilomètres à l'ouest de Pristina.

6 Q. Vous avez été combien d'années à l'école ?

7 R. J'ai fait l'école primaire, et j'ai terminé l'école secondaire

8 pédagogique. Je suis diplômé de l'université, et j'ai aussi fait des études

9 de maîtrise, et post-graduées de troisième cycle.

10 Q. Après avoir terminé vos études, est-ce que vous avez commencé à

11 travailler ?

12 R. Oui.

13 Q. Quel fut votre premier emploi ? Pouvez-vous nous le dire ?

14 R. En fait, j'avais deux emplois. Je travaillais dans l'enseignement, dans

15 une école primaire et dans une école secondaire. Mais j'étais membre d'une

16 organisation clandestine comme vous dites, que nous appelons illégale ou

17 secrète, s'opposant à l'ancien occupant, l'ex République de Yougoslavie.

18 Q. Vous dites que vous avez travaillé dans l'enseignement, y étiez-vous

19 enseignant, en tant que tel, dans une école primaire ou secondaire ?

20 R. Oui, j'ai enseigné à l'école primaire, mais aussi dans l'école

21 secondaire.

22 Q. Vous avez été enseignant pendant combien d'années ?

23 R. Malheureusement, pas très longtemps. J'ai travaillé pendant que

24 j'étudiais et un peu de temps après avoir terminé, parce qu'en avril 1981,

25 j'ai été emprisonné par l'ancien régime de Belgrade.

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1 Q. Où avez-vous été emprisonné ?

2 R. A Pristina, bien sûr. J'ai purgé une peine de 10 ans et de quatre mois

3 qui a commencé le 5 avril 1981 et qui s'est terminée le 23 juillet 1991.

4 Q. Mais de quelle façon a-t-on motivé une telle peine ?

5 R. En 1981 au Kosovo, un mouvement clandestin, un mouvement d'étudiants a

6 été organisé et il s'est transformé en mouvement populaire qui avait pour

7 revendication que le Kosovo devienne une république au sein de la

8 Fédération yougoslave.

9 Q. Je comprends. Etait-ce en raison de votre participation à ce mouvement

10 que vous avez été jeté en prison ?

11 R. Oui. J'ai dit que j'étais membre de cette organisation. Mais j'ai

12 également participé à toutes les manifestations qui ont été organisées à

13 Pristina au cours du printemps 1981.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez du chef d'accusation précis porté par les

15 Serbes contre vous ?

16 R. C'était en application du droit yougoslave, on m'accusait d'activités

17 contre-révolutionnaires et hostiles en vertu de deux articles, l'Article

18 214 et l'Article 226.

19 Q. Vous avez dit qu'outre ces fonctions d'enseignant, vous aviez rejoint

20 une organisation clandestine. Je suppose que vous venez de nous présenter

21 certains éléments en ce qui concerne cette deuxième activité. Mais

22 pourriez-vous nous dire, de façon plus précise, en quelle année vous avez

23 rejoint cette organisation clandestine ?

24 R. J'ai rejoint les rangs de l'organisation en 1973 ou peut-être au début

25 de l'année 1974.

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1 Q. Comment s'appelait cette organisation ?

2 R. C'était une organisation marxiste-léniniste.

3 Q. Est-ce que vous êtes resté membre de l'organisation marxiste-léniniste

4 depuis cette date, jusqu'au moment où vous avez été écroué en 1981 ?

5 R. Oui.

6 Q. À votre libération, lorsque vous avez été relâché 10 ans plus tard en

7 1981, qu'avez-vous fait ?

8 R. Après avoir été relâché, je me suis livré à des activités politiques. A

9 l'époque au Kosovo, il y avait un mouvement alternatif démocratique qui

10 était déjà en place. Je suis devenu membre de Ligue démocratique, pour la

11 section locale de Drenoc.

12 Q. Est-ce que vous avez passé toute votre vie au Kosovo, ou est-ce que

13 vous avez vécu en dehors du Kosovo, également ?

14 R. Mis à part le temps que j'ai passé en prison, c'était en dehors du

15 Kosovo, j'ai surtout vécu au Kosovo. Pendant la guerre, au cours des

16 derniers mois, après mon retour de Paris, de la Conférence de Rambouillet,

17 j'ai passé quelques mois en Albanie.

18 Q. Une dernière question sur ce sujet. Vous avez dit que la prison où vous

19 étiez était en dehors du Kosovo, est-ce qu'elle était en Serbie ?

20 R. En fait, j'ai été dans plusieurs prisons. Mais le plus gros de la

21 peine, je l'ai purgé à Zrenjanin et à Novi Sad dans la province autonome de

22 Vojvodine.

23 Q. Je vais passer à un autre sujet, mais auparavant quelques questions, si

24 vous me le permettez, à propos de votre comparution d'aujourd'hui.

25 Est-ce que vous avez reçu une citation à comparaître sous peine de

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1 sanctions ?

2 R. Oui. J'ai bien reçu une citation, une injonction à comparaître, et je

3 tiens à déclarer ici en présence de Madame et de Messieurs les Juges qu'au

4 départ j'avais dit que je n'étais pas disposé à déposer contre Fatmir Limaj

5 et ses camarades. C'était là une des raisons qui me motivait. L'autre,

6 étant qu'à ce jour, je continue de croire que l'Armée de libération du

7 Kosovo pendant la brève existence qui fut la sienne, n'a pas commis les

8 crimes dont elle est accusée. Je ne vois pas pourquoi les membres de l'UCK

9 devraient se retrouver au banc des accusés à La Haye.

10 Je ne voulais pas faire de déclarations. Les déclarations que j'ai faites

11 ont toutes été publiques et transparentes aux yeux de la communauté

12 internationale, de l'opinion publique du Kosovo. J'ai toujours été très

13 claire et je n'ai rien à ajouter à ces déclarations que j'ai déjà faites.

14 Un porte-parole de toute armée et dans quelque pays que ce soit a des

15 obligations qui sont bien connues.

16 Je persiste à croire que les actes d'accusation délivrés à l'encontre de

17 ces accusés sont motivés par des raisons politiques et sont au service de

18 gens qui servent les intérêts violents de ceux qui sont les occupants

19 violents du Kosovo. Je suis témoin, je sais qu'il y a eu intervention des

20 services de Renseignements serbes.

21 Ce sont là certaines des raisons qui m'ont fait hésiter à venir déposer ici

22 et à faire des déclarations au bureau du Procureur. C'est la raison pour

23 laquelle je viens de mon chef, de mon libre chef, même si j'ai beaucoup à

24 dire, notamment, en ce qui concerne la lutte politique de l'UCK, de l'Armée

25 de Libération du Kosovo.

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1 Je suis prêt à dire la vérité à ce Tribunal aujourd'hui car je peux dire

2 que l'UCK a mené une lutte de libération, mais c'est une lutte de

3 libération menée par son peuple, et l'UCK s'est contentée d'être à la

4 pointe, à la tête de ce combat.

5 Q. Soyons bien clair. Tout ce que je vous demande c'est de répondre à mes

6 questions et de dire la vérité, n'est-ce pas ?

7 R. Mais de toute façon je dis la vérité maintenant.

8 Q. Je veux être sûr d'avoir bien compris votre réponse. Vous avez répondu

9 à l'injonction de produire que vous avez reçue, et vous vous êtes exécuté.

10 C'est la raison de votre présence ici aujourd'hui.

11 R. J'ai déjà dit pourquoi j'avais hésité. Ce qui n'empêche pas que je suis

12 quand même venu.

13 Q. Je comprends. Le 27 avril 2004, est-ce que vous avez participé à un

14 entretien avec les représentants du bureau du Procureur suite à une

15 injonction décernée par le -- ou une citation à comparaître décernée par

16 Mme le Procureur ?

17 R. Oui. A l'époque, je vous l'ai dit, et j'ai d'ailleurs ici un document.

18 C'est le point 4 qui est concerné. J'ai dit que j'avais au départ

19 l'intention d'être un témoin à décharge. J'ai dit aux avocats de Fatmir

20 Limaj que j'avais refusé d'être un témoin à charge. C'est ce que je vous ai

21 dit à l'époque.

22 Q. Je vous comprends. Mais lorsque vous parlez du "point 4", vous faites

23 référence au rapport établi suite à l'entretien que vous avez eu avec le

24 bureau du Procureur le 27 avril 2004. Je tenais simplement à vous le faire

25 préciser pour que le dossier soit clair sur ce point ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Au cours de cet entretien mené le 27 avril 2004, est-ce que vous avez

3 dit la vérité ?

4 R. Oui. J'ai dit la vérité par rapport aux questions qui m'ont été posées.

5 Q. Est-ce qu'après l'entretien, est-ce que vous avez appris, en fait, que

6 le magnétophone qui était censé enregistrer vos propos n'avait pas bien

7 fonctionné et que du coup il n'y avait pas d'enregistrements sonores de vos

8 propos ? Est-ce que vous le saviez ?

9 R. Oui, je l'ai appris plus tard.

10 Q. Et le 21 juin 2004, je ne sais pas si vous vous souvenez de cette date

11 de façon si précise, mais je pense que c'est à ce moment-là qu'on vous a

12 remis un rapport dans lequel était repris les questions qui vous a été

13 posées au cours de l'entretien ainsi que vos réponses. Ceci en albanais.

14 Est-ce que vous avez eu l'occasion de relire ce rapport, et est-ce que le

15 lendemain vous avez paraphé et signé ce rapport ?

16 R. Oui, mais le rapport n'était pas établi à partir d'un enregistrement

17 sonore mais plutôt de notes qu'avaient prises des membres de votre

18 personnel ? C'est du moins ce qu'on m'a dit.

19 Q. Merci d'avoir apporté cette précision qui est exacte. J'allais vous

20 demander ceci : Nous comprenons que ce n'est pas ici une reproduction

21 verbatim intégrale de tout ce qui s'est dit au cours de cet entretien, mais

22 plutôt un résumé. Mais lorsque vous l'avez signé le lendemain, est-ce que

23 vous marquiez ainsi votre accord pour dire que ce résumé tel qu'il vous

24 était présenté était exact ?

25 R. Oui, en gros, c'est bien ce que j'avais dit.

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1 Q. Quand avez-vous rejoint l'UCK ?

2 R. Vous voyez, il faut diviser l'existence de l'UCK en deux parties. Il y

3 a, si vous voulez, la partie, les dirigeants politiques, et puis il y a

4 l'aspect opérationnel. D'entrée de jeu, dès la naissance de l'UCK, avec les

5 camarades qui ont constitués l'UCK, moi j'étais présent. Nous avons

6 organisé des instances politiques, mais qui ne portaient pas à ce moment-là

7 le nom d'UCK. Cela était même avant 1991. Pour être plus précis, en 1991,

8 on a commémoré l'anniversaire, le 30e anniversaire de la naissance de

9 l'UCK, lorsqu'Adem Jashari avait résisté, avait opposé la première

10 résistance aux polices serbes.

11 Pendant quelques jours, Adem Jashari, avec sa formation politique, a passé

12 quelques jours dans ma famille, puis il est resté chez d'autres familles de

13 mon village. C'est de cette façon que nous avons commencé à établir des

14 liens avec la partie armée, la branche armée. En 1993, je dirais que l'UCK

15 a été formée en tant que telle. Plus tard, en 1994, grâce à des communiqués

16 de presse, elle a commencé à être connue de l'opinion publique.

17 Q. Très bien. Je vais vous poser quelques questions de suite, mais j'ai

18 négligé de vous poser une question importante. Quel est votre emploi

19 actuel ?

20 R. Aujourd'hui, je suis secrétaire général du Parti démocratique au

21 Kosovo. Je suis également président du groupe parlementaire de ce parti au

22 parlement du Kosovo.

23 Q. Est-ce que le parti démocratique du Kosovo est connu par un sigle PDK ?

24 R. Oui.

25 Q. De façon à ce que je comprenne bien vos réponses, vous êtes membre du

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1 parlement et président du groupe parlementaire de votre parti au parlement.

2 Est-ce bien cela ?

3 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

4 Q. Jusqu'à récemment étiez-vous également membre du gouvernement au sein

5 duquel vous exercez les fonctions de ministre ?

6 R. C'est exact. Dans la première législature, j'étais ministre des

7 Services publics.

8 Q. Jusqu'à quelle année, avez-vous occupé ce poste ?

9 R. Du 4 mars 2002 jusqu'au 1er décembre 2004.

10 Q. Et la raison pour laquelle vous n'occupez plus ce poste c'est parce

11 qu'il y a eu un changement au sein du gouvernement; est-ce que bien cela ?

12 R. Oui. Bien entendu, il y a eu des remaniements au sein du gouvernement,

13 et mon parti fait partie de l'opposition à présent.

14 Q. Je veux revenir sur ce que vous avez déclaré tout à l'heure au sujet de

15 votre engagement au sein de l'UCK. Si je vous ai bien compris, en 1991 vous

16 avez rejoint une organisation politique qui, d'une certaine manière, était

17 un précurseur de l'UCK. Vous ai-je bien compris ?

18 R. Ce n'est pas tout à fait cela.

19 Q. Veuillez m'expliquer ce qu'il en était ?

20 R. Comme je l'ai dit plus tôt, le 23 juillet 1991 j'ai été relâché au bout

21 de 10 ans et quatre mois d'emprisonnement. Au Kosovo, à l'époque, il y

22 avait la Ligue démocratique. La plupart des citoyens avait rejoint ce

23 mouvement, ou ce parti, même si beaucoup de gens le considère comme un

24 mouvement, était engagé plus sérieusement dans la mise en œuvre des

25 aspirations des citoyens du Kosovo, c'est-à-dire la liberté et la

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1 démocratie. A l'époque, toutefois, des actions armées ont été entreprises.

2 Ces actions, bien entendu, étaient organisées de façon clandestine.

3 C'est là qu'a commencé la résistance armée. Cette résistance s'est inscrite

4 dans le cadre de la lutte politique également, car il s'agissait de mettre

5 en œuvre les inspirations des citoyens du Kosovo, et les aider à parvenir à

6 la liberté et à la démocratie, et à la construction d'un état indépendant

7 où tous les citoyens seraient libres.

8 Q. Quand avez-vous commencé à prendre part à la lutte armée ?

9 R. Comme je l'ai déjà dit, on peut dire qu'en 1993, on a assisté à

10 l'unification de la branche politique et de la branche armée. Cette

11 unification, ce fusionnement a donné lieu à l'émergence de l'UCK en 1994.

12 Dans un communiqué rendu public, il a été question de la répression, de la

13 violence menée par les Serbes, des mauvais traitements et des persécutions

14 constantes que les Serbes infligeaient aux Albanais, des violences sauvages

15 infligées par l'occupant au Kosovo, violence qui avait commencé bien avant

16 l'ère de Milosevic. Toutes ces violences étaient venues insupportables pour

17 la population. Dans ce contexte, l'organisation, la branche politique, et

18 la branche militaire ont fusionné pour devenir l'Armée de libération du

19 Kosovo; l'UCK.

20 Q. A l'époque, en 1993, 1994, date du fusionnement des deux branches, la

21 branche armée et la branche politique, faisiez-vous partie de la branche

22 armée ou de la branche politique ?

23 R. Je faisais davantage partie de la branche politique. J'étais au Kosovo.

24 J'ai passé toute cette période au Kosovo. J'ai été également membre de la

25 présidence de la Ligue démocratique à Drenoc. J'étais député, en 1992. Nous

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1 avons eu des élections libres au Kosovo, et suite à ces élections, j'ai été

2 élu député au sein du parlement du Kosovo, pour Drenoc. Ce parlement, en

3 raison de la répression et de la violence, et des divers obstacles posés

4 par le régime de Belgrade n'a jamais réussi à fonctionner correctement.

5 A l'époque, il s'agissait là de mes activités légales, mais il y avait

6 également toutes les activités clandestines auxquelles je me livrais, car à

7 l'époque la lutte démocratique était interdite en application des lois de

8 la fédération yougoslave, qui sont devenues par la suite, les lois de la

9 Serbie.

10 Donc, si nous voulions travailler, lutter au nom de notre pays, il nous

11 fallait nous livrer à des activités clandestines ou illégales. Je ne sais

12 pas quel terme vous préférez. Toujours est-il qu'il s'agissait

13 d'organisation secrète. Il n'y avait pas d'autre possibilité pour nous

14 d'agir. C'est pourquoi je suis devenu membre de l'UCK de façon illégale, et

15 j'étais légalement membre du LDK, la Ligue démocratique du Kosovo.

16 Q. Pourriez-vous nous décrire la nature des activités illégales ou

17 clandestines auxquelles vous vous livriez ? Vous nous avez décrit vos

18 activités politiques; en quoi consistaient vos activités clandestines ou

19 illégales à l'époque, c'est-à-dire en 1993 et 1994 ?

20 R. Pour ce qui est des activités illégales, il s'agissait de développer la

21 résistance au niveau national. Il s'agissait de préparer les citoyens du

22 Kosovo en vue de la libération du pays, de cette guerre de libération. Nos

23 activités visaient à mettre fin à la violence et à la terreur serbe. Nous

24 voulions que les citoyens du Kosovo retrouvent leur dignité, leur honneur,

25 leur liberté, leur indépendance.

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1 Q. Vous nous avez expliqué en quoi consistaient ces activités illégales,

2 quels étaient vos objectifs. Est-ce que vous pourriez nous dire quels ont

3 été vos moyens ? Comment avez-vous -- qu'avez-vous fait pour atteindre les

4 objectifs que vous vous étiez fixés ?

5 R. En 1991 les citoyens du Kosovo avaient épuisés tous les moyens propres

6 à la lutte politique. La seule manière qu'il leur restait pour lutter était

7 de créer des formations armées afin de pouvoir parvenir à leur liberté et à

8 la démocratie contre ceux qui se livraient à la violence et à la terreur.

9 Q. En 1993 et en 1994, avez-vous personnellement pris part à des

10 formations armées ?

11 R. Non je n'ai jamais été membre de telles formations.

12 Q. L'avez-vous été à un moment donné ?

13 R. J'ai toujours été membre de la branche politique de l'UCK.

14 Q. Merci. Avant de parler de la période qui a suivie, pourriez-vous me

15 dire si la Ligue démocratique du Kosovo existait en 1991 ?

16 R. Oui, la Ligue démocratique du Kosovo a été créée vers le mois de

17 décembre 1990.

18 Q. Etiez-vous membre du LDK en plus de votre appartenance à la Ligue

19 démocratique ?

20 R. Mais le LDK et la Ligue démocratique ne sont qu'un seul et même parti.

21 Q. Merci. Est-il arrivé que vous quittiez le LDK que vous n'en soyez plus

22 membre ?

23 R. Oui.

24 Q. Dites-moi, en quelle année vous avez quitté la Ligue démocratique du

25 Kosovo ?

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1 R. En 1998, j'ai vu que la voie choisie par le LDK ne conduisait nulle

2 part. Plus de 400 000 personnes avaient quitté le Kosovo. La terreur

3 faisait rage, le nettoyage était en cours. Partout au Kosovo les gens

4 étaient maltraités. Sur tous les axes routiers du Kosovo, il y avait des

5 barrages de police, des postes de contrôle où tous les citoyens du Kosovo,

6 sans exception, subissaient des mauvais traitements. Le but de ses mauvais

7 traitements était de faire en sorte que les gens ne se sentent plus chez

8 eux au Kosovo et qu'ils en partent. Le régime de Belgrade voulait ainsi

9 recoloniser le Kosovo.

10 Q. Nous reviendrons sur ces questions plus tard, mais à ce stade, je

11 souhaiterais vous poser la question suivante : lorsque vous avez quitté la

12 Ligue démocratique du Kosovo en 1998, c'était à quel mois ?

13 R. Fin 1997, début 1998, j'étais mécontent de la politique suivie par le

14 LDK. Notamment après les événements de février 1998, et ceux des 5, 6 et 8

15 mars 1998. C'est à ce moment-là que je me suis écarté de la politique de

16 silence et d'apathie suivie par la Ligue démocratique du Kosovo. C'est là

17 que je suis devenu membre de l'Armée de libération du Kosovo. C'est le 3 ou

18 le 4 mars 1994 que j'ai pris cette décision à l'occasion des funérailles

19 organisées pour 14 victimes de la terreur serbe. A cette occasion, j'ai

20 fait une allocution politique qui a marqué le fait qu'officiellement je me

21 démarquais de la ligne du parti.

22 Q. Monsieur Krasniqi, je pense qu'il y a eu un petit problème de

23 traduction. Vous avez déclaré que vous vous étiez écarté d'eux en mars, je

24 pense que vous vouliez parler de mars 1998, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, 1998.

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1 Q. Je pense que tout le monde dans ce prétoire sait ce qui s'est passé le

2 28 février et les 5 et 6 mars, mais de façon à ce que tout soit bien clair

3 dans le dossier de l'espèce, pourriez-vous nous décrire ce qui s'est passé

4 ces jours-là ?

5 R. Il s'agit des 5, 6, 7 et 8 mars.

6 Q. Je vous remercie.

7 Q. Que c'est-il passé le 28 février et entre le 5 et 8 mars 1998 ?

8 R. A l'époque, j'étais encore président de la section locale de la Ligue

9 démocratique du Kosovo à Drenoc de façon légale ou officielle. Je suivais

10 de près l'évolution politique dans la municipalité de Drenoc qui est l'une

11 des deux municipalités qui compose Drenoc. Ce jour-là d'importantes forces

12 militaires et de la police ont attaqué plusieurs villages dans la

13 municipalité de Drenoc, au nord-est de Drenoc. Il nous était impossible à

14 ce moment-là de savoir quel était l'objectif de cette présence militaire

15 importante dans ces villages Likoshan, Granacell et Qirez.

16 Q. Je pense que vous avez en partie répondu à la question que je

17 souhaitais vous poser, mais je souhaiterais vous poser cette question

18 malgré tout afin que vous nous fournissiez quelques détails

19 supplémentaires. S'agissant de ces événements qui se sont déroulés fin

20 février et début mars 1998, en quoi est-ce que ces événements ont fait que

21 vous avez été déçu par la politique du LDK ?

22 R. Essentiellement, en raison de la terreur et du génocide commis par le

23 régime de Belgrade au Kosovo. A l'époque, deux événements tragiques, non

24 seulement pour les Albanais et pour le Kosovo se sont produits. A Likoshan

25 et Qirez, l'armée, la police et les forces paramilitaires serbes, en une

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1 seule journée, ont tué 14 personnes, 11 de ces personnes ne portaient pas

2 d'armes. La police et l'armée ont trouvé des gens chez eux et parmi ces

3 victimes se trouvait une femme enceinte.

4 Je souhaite ajouter que si le 28 novembre 1997, à Llausha, nous avons

5 enterré un enseignant tué par l'armée serbe. A ses funérailles ont assisté

6 20 000 personnes. A l'occasion des funérailles de ces autres victimes, le

7 28 février et le 1er mars 1998, le 3 et le 4 mars 1998, à Likoshan, il y a

8 plus de 200 000 personnes. Ce qui montre à quel point les habitants du

9 Kosovo étaient mécontents par la politique suivie par le régime de

10 Belgrade, si bien qu'à l'occasion de l'enterrement de l'enseignant de

11 Drenoc, il y avait 20 000 personnes, alors qu'à Likoshan et à Qirez, il y

12 avait plus de 200 000 personnes.

13 Q. Je souhaiterais quelque peu vous guidez. Je comprends ce que vous nous

14 avez relaté au sujet des événements qui se sont déroulés à ces dates-là.

15 Mais pourquoi avez-vous été déçu par le LDK à la suite des événements qui

16 se sont produits ? Car je pense que c'est ce que vous avez déclaré. Mais

17 pour quelles raisons à l'occasion des événements que vous avez décrits,

18 avez-vous été déçu par la Ligue démocratique du Kosovo ?

19 R. Comme je l'ai déjà dit, la Ligue démocratique du Kosovo ne représentait

20 plus les intérêts et les aspirations des citoyens du Kosovo. Il fallait que

21 quelqu'un d'autre porte le flambeau des intérêts des citoyens du Kosovo. Il

22 fallait mettre fin au génocide serbe au Kosovo et c'est ce que l'on

23 attendait de l'UCK.

24 Q. Je vous demanderais d'être patient avec mes questions. Je sais que vous

25 connaissez tout cela très bien. Certaines de mes questions peuvent vous

Page 3302

1 paraître futiles, mais il faut que tout cela soit bien clair pour tout le

2 monde. Pourriez-vous nous dire quelle était la différence entre l'approche

3 adoptée par la Ligue démocratique du Kosovo et celle de l'UCK ?

4 R. Selon moi, je pense que tout le monde ici, y compris les Juges de la

5 Chambre, sait quelle est la différence. La Ligue démocratique du Kosovo ne

6 faisait rien pour mettre un terme à la violence des Serbes au Kosovo et, de

7 ce fait, avait privé les Albanais de leur droit à vivre en paix, en

8 liberté, de façon indépendante et démocratique.

9 Q. Lorsque vous dites que le LDK était devenu, en quelque sorte, une

10 marionnette du régime, je pense que vous voulez parler du régime de

11 Belgrade, du régime serbe. Est-ce que vous nous dites également que le LDK

12 avait adopté une approche passive vis-à-vis de la résistance ?

13 R. Absolument. Le LDK était engagé dans une résistance passive et ne

14 faisait rien pour faire évoluer les choses. Il s'agissait d'un mouvement

15 qui espérait que quelqu'un venu du ciel viendrait apporter la liberté et la

16 démocratie. Selon moi, il s'agissait d'une attente tout à fait vaine. Cela

17 faisait 50 ans que nous attendions cela. Cela faisait 50 ans que nous

18 espérions que la Yougoslavie comprendrait que nos droits devaient être

19 respectés. Il n'avait toujours pas été possible de construire une

20 administration publique démocratique acceptée et acceptable par les

21 citoyens. Il était inutile et vain d'attendre d'un régime qui avait détruit

22 toute la Yougoslavie et qui était dirigé par un dictateur que le Tribunal

23 connaît très bien, qu'il se passe quoi que ce soit. La lutte contre ce

24 régime était devenue inévitable.

25 Q. Pour être sûr d'avoir bien compris vos propos. Vous nous dites que

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1 l'UCK a proposé, en guise d'alternative, une résistance armée et active

2 contre le régime serbe; est-ce bien la teneur de votre déposition ?

3 R. Oui. Mais peut-être nous faut-il revenir un peu en arrière. En 1995, il

4 y a eu une conférence tenue à Dayton concernant la Fédération yougoslave.

5 La Croatie et la Bosnie-Herzégovine ont pris part à cette conférence, ils

6 avaient lutté contre Milosevic. Le Kosovo n'a pas été invité, pourtant le

7 Kosovo aussi était engagé dans une résistance passive. Mais personne n'a

8 entendu les voix de la résistance. A l'époque, à Dayton, le président de la

9 Ligue démocratique du Kosovo a déclaré, certes nous n'avons pas pris part à

10 la Conférence de Dayton, mais nous prendrons part aux Conférences de

11 Londres, Paris et Moscou, ce qui n'a pas été le cas.

12 L'UCK s'est rendu compte qu'il fallait créer une nouvelle réalité au Kosovo

13 pour que la communauté internationale prenne en compte les besoins justes

14 des habitants du Kosovo en matière de liberté, de démocratie et

15 d'indépendance. C'est la raison pour laquelle après Dayton, l'UCK a

16 renforcé aussi bien la branche militaire que la branche politique de son

17 organisation.

18 Q. Lorsque la question du Kosovo n'a pas été abordée à l'occasion de

19 Dayton, est-ce que davantage de citoyens du Kosovo ont recherché une

20 alternative à la Ligue démocratique du Kosovo et se sont tournés peu à peu

21 vers l'UCK ?

22 R. Oui. En 1996, puis en 1997 et en 1998, l'évolution de la situation

23 montre que les citoyens du Kosovo commençaient à s'écarter de cette idée de

24 résistance passive. Ils en avaient assez de la violence, de la répression.

25 Ils leurs restaient deux options, soit quitter le Kosovo, soit lutter au

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1 Kosovo.

2 Q. Vous avez parlé du président de la Ligue démocratique du Kosovo qui a

3 déclaré après Dayton que la question du Kosovo serait abordée ailleurs, à

4 Londres, à Paris, ou à Moscou. Est-ce que vous vouliez parler de M.

5 Rugova ?

6 R. Oui, effectivement. Il était président de ce parti. Mais, je

7 souhaiterais être tout à fait clair. Notre organisation, pendant la guerre,

8 ne cherchait pas à s'opposer à la Ligue démocratique du Kosovo, ou à

9 Rugova. Il s'agissait de lutter contre l'occupant serbe et la répression

10 qui avait atteint son paroxysme lors du régime de Milosevic.

11 Q. Etes-vous devenu, à un moment donné, membre de l'état-major général de

12 l'Armée de libération du Kosovo ?

13 R. Oui.

14 Q. A quel moment, s'il vous plaît ?

15 R. Cela a pu être vers la fin de l'année 1996, au début de l'année 1997.

16 Q. Pourriez-vous nous dire quels étaient les autres membres qui faisaient

17 partie de l'état-major général de l'UCK à l'époque ?

18 R. Oui. Si vous voulez évidemment qu'on parle d'histoire, je peux vous

19 citer des noms, parce que ces personnes évidemment ont des noms et des

20 surnoms. Je dois dire devant la Chambre de première instance qu'il

21 s'agissait d'une organisation clandestine. A ce moment-là, je ne

22 connaissais tout le monde, et eux ne me connaissaient pas non plus, en tout

23 cas, pas tous, à cause de la position que j'occupais à ce moment-là au

24 Kosovo.

25 Q. Pourriez-vous nous donner les noms des autres personnes qui faisaient

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1 partie de l'état-major général, ceux que vous connaissiez ?

2 R. Oui, l'état-major général était réparti en trois groupes. Il y avait un

3 qui était détaché au Kosovo, un groupe clandestin; un autre groupe, sans

4 doute une minorité en Albanie, un groupe donc à l'extérieur du Kosovo, en

5 Albanie; et un autre groupe qui vivait et travaillait dans les pays

6 occidentaux, à savoir, la Suisse, l'Allemagne, les Etats-Unis, et la

7 France, ainsi que les pays scandinaves. Nous étions répartis ici et là,

8 comme je vous l'ai dit.

9 Q. Très bien. Le groupe qui se trouvait au Kosovo, qui était un groupe

10 clandestin, bien évidemment, c'est le groupe auquel vous appartenez, n'est-

11 ce pas ? Pourriez-vous nous dire quelles étaient les autres personnes qui

12 appartenaient à ce groupe dans cette région ?

13 R. Oui. C'est maintenant dans le domaine public que le commandant de l'UCK

14 à ce moment-là était Adem Jashari. Celui qui s'appelait Sokol Bashota était

15 là, Rexhep Selimi, alors qu'un certain nombre d'autres personnes, comme je

16 vous l'ai dit, était à l'étranger, à savoir, en Albanie et dans certains

17 pays occidentaux.

18 Q. Connaissiez-vous les noms sous forme de pseudonyme ou de noms

19 véritables des personnes qui étaient à l'étranger ?

20 R. A ce moment-là, je ne les connaissais pas, et je crois qu'ils ne me

21 connaissaient pas non plus. En tout cas, ils ne connaissaient pas la

22 position que j'occupais.

23 Q. Comment ce fait-il que vous ayez fait partie de l'état-major général ?

24 Comment ceci s'est-il produit ?

25 R. Je vous ai déjà dit que, dès le début, à partir du mois de décembre

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1 1991, j'étais en contact avec le commandant de l'Armée de libération du

2 Kosovo, qui, à ce moment-là, bien évidemment, ne s'appelait pas comme cela,

3 ce n'était pas une armée. Mais cette organisation était composée de deux

4 branches. Il y avait une branche politique et une branche militaire.

5 Ensuite, en 1993, en mars ou au mois d'avril de l'année 1993, une réunion a

6 été organisée entre différents représentants de la branche politique. Adem

7 Jashari a retrouvé un certain nombre de personnes dans la maison de son

8 village, à Prekaz, dans la municipalité de Skenderaj. C'est à ce moment-là

9 que nous nous sommes répartis la tâche. Certains d'entre nous ont été

10 affectés aux opérations et d'autres ont été affectés aux activités

11 politiques. Moi, j'en faisais partie. J'ai donc été -- je travaillais dans

12 la branche politique et je travaillais au directorat de la branche

13 politique de l'UCK. Hashim Thaqi était le président. Adem Jashari et ces

14 différentes entités faisaient partie de cette division de ce groupe

15 opérationnel.

16 Q. Au mois de décembre, vous dites avoir eu des contacts avec le

17 commandant de ce qui deviendra l'Armée de libération du Kosovo en 1991.

18 Est-ce que vous parlez ici d'Adem Jashari ?

19 R. Oui.

20 Q. Et maintenant, vous nous avez expliqué comment vous avez rejoint l'UCK

21 en mars/avril 1993, nous allons l'appeler comme cela, et comment vous avez

22 été engagé dans leurs activités politiques. Comment ce fait-il que vous

23 ayez rejoint l'état-major général à la fin de l'année 1996, au début de

24 l'année 1997 ? Comment ceci s'est-il passé ? Est-ce que l'on vous a

25 contacté ? Est-ce qu'on vous a demandé de le faire ?

Page 3307

1 R. Il nous faut bien comprendre que l'UCK à ses débuts n'était pas une

2 organisation qui pouvait honorer ses obligations librement. C'était une

3 organisation qui devait s'organiser de façon secrète et clandestine, car le

4 régime de Belgrade avait détaché un certain nombre de forces de la police

5 et de l'armée au Kosovo. C'était des personnes en uniforme, et ce régime

6 disposait également d'un grand nombre d'hommes au sein des services de

7 Sûreté de l'état, donc il n'était pas aisé de s'organiser dans ce contexte

8 là et de former des entités illégales. Il n'était pas facile d'agir.

9 C'était des moments difficiles pour nous. Les conditions étaient difficiles

10 également. A ce moment-là, on ne pensait pas consigner tout ceci par écrit,

11 car on n'en courrait un risque si on agissait ainsi.

12 Si vous voulez, il s'agissait d'une forme d'idéalisme pour les

13 organisateurs de tout ceci. C'était des gens qui étaient déterminés à agir.

14 Donc, si vous recherchez différentes instructions ou procédures émanant

15 d'une armée dans des conditions légales avec un règlement, une

16 infrastructure, un budget, ceci ne s'est passé ainsi au Kosovo; c'était

17 impossible. Il était impossible pour nous de mettre en application cette

18 organisation, de mettre sur pied un système administratif comme ceci, car

19 ceci ne peut s'appliquer qu'à des pays où les gens sont libres.

20 Q. Monsieur Krasniqi, et pardonnez-moi si je vous interromps. Je

21 comprends, fort bien. Je souhaite que nous concentrions notre attention sur

22 des points précis ici. Je comprends qu'il n'y avait pas de documents écrits

23 et que tout ceci se faisait dans le secret. Mais comment ce fait-il que

24 vous êtes devenu un membre de l'état-major général ? Vous nous avez dit

25 avoir fait partie de l'état-major général à la fin de l'année 1996, début

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1 de l'année 1997. La seule question que je vais vous poser est celle-ci :

2 Comment ceci s'est-il passé ?

3 R. Je souhaite encore une fois vous expliquer pour vous dire que j'étais

4 en contact avec les deux branches; la branche militaire et la branche

5 politique, et ce, à partir de 1991. Pour ce qui est de la branche

6 politique, je vous ai expliqué un peu plus tôt que je me suis engagé en

7 politique depuis 1973, et j'ai passé 10 ans en prison à cause de ces mêmes

8 activités politiques. Au plan politique, j'ai été engagé avant même la

9 naissance de l'UCK --

10 Q. Je --

11 R. Pardonnez-moi, mais je souhaite expliquer ceci à la Chambre de première

12 instance. En 1993 --

13 Q. Je vais vous donner l'occasion de nous fournir quelques explications.

14 Je pensais simplement que vous ayez mal compris ma question. Peut-être que

15 je me suis mal exprimé. Quelqu'un vous a-t-il demandé et comment ce fait-

16 il, ou comment les choses -- est-ce à cause de votre expérience que vous

17 êtes devenu un membre de l'état-major général ? Est-ce que c'était même

18 plus simple que cela ? Quelqu'un vous a-t-il demandé de devenir membre de

19 l'état-major général ? Avez-vous été élu ? Est-ce vous-même qui avez

20 demandé à faire partie de l'état-major général ? Que s'est-il passé à la

21 fin de ces années 1996, début de cette année 1997, qui fait que vous êtes

22 devenu un membre de l'état-major général ?

23 R. En 1996 et 1997, nous avons évoqué la conférence de Dayton -- les

24 accords de Dayton et les circonstances politiques étaient-elles que

25 beaucoup de choses ont changé, non seulement au Kosovo, mais sur l'ensemble

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1 du territoire de l'ex-Yougoslavie, la fédération yougoslave. Il y a eu des

2 changements évidemment qui ont touché le Kosovo. Moi-même, je n'ai pas été

3 désigné comme membre de l'état-major général car je me trouvais déjà au

4 Kosovo. Comme je vous l'ai dit, cette activité était surtout une activité

5 qui se déployait à l'étranger de façon individuelle.

6 En 1996, le besoin s'est fait ressentir pour étendre nos activités, les

7 activités de l'UCK au Kosovo. Nous étions bien sûr consultés, mais nous

8 avions également nos représentants à l'étranger. Nous sommes touts tombés

9 d'accord sur le fait qu'il était nécessaire de renforcer nos activités

10 militaires et politiques au Kosovo. Dans de telles circonstances, nous

11 avons évoqué ces questions avec nos camarades avec lesquels j'ai toujours

12 été en contact à partir de 1993, voire même avant. Comme je vous l'ai dit,

13 j'étais au Kosovo et j'ai pris part à l'expansion militaire et politique de

14 ces deux branches de l'UCK au Kosovo car je m'y trouvais moi-même.

15 Q. Très bien --

16 R. A la fin de l'année 1996, début de 1997 --

17 Q. Ecoutez, je souhaite maintenant vous posez cette question : Vous dites

18 avoir été désigné comme membre de l'état-major général. Qui vous a

19 désigné ?

20 R. Le commandant de l'UCK, Adem Jashari.

21 Q. Vous avez parlé d'Hashim Thaqi. Etait-ce un membre de l'état-major

22 général à ce moment-là, ou non ? Il s'agit maintenant de la fin de l'année

23 1996, début de l'année 1997 ?

24 R. Oui, effectivement.

25 Q. A cette époque, à la fin de l'année 1996, au début de l'année 1996-

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1 1997, est-ce que l'état-major général se réunissait régulièrement ? Comment

2 communiquiez-vous avec les autres membres de l'état-major général ?

3 R. Nous avions l'habitude de nous réunir assez rarement, et ce, pour des

4 raisons de sécurité. Nous nous consultions en utilisant des moyens

5 électroniques car la plupart de nos camarades étaient à l'extérieur du

6 Kosovo.

7 Q. Et vous nous dites que vous vous réunissiez assez peu souvent. Quelle a

8 été la fréquence ? Une fois par semaine, une fois par mois, ou, peut-être,

9 voire même moins que cela ?

10 R. Cela dépendait de l'évolution politique de la situation. Quelquefois

11 nous nous réunissions pas pendant des mois et quelquefois nous nous

12 réunissions souvent, voire même très souvent, à cause des circonstances du

13 moment. En d'autres termes, nous ne nous réunissions pas de façon

14 organisée. Cela dépendait beaucoup de l'évolution de la situation politique

15 au Kosovo, encore une fois, je le répète.

16 Q. Lorsque vous dites que vous communiquiez entre vous en utilisant des

17 moyens électroniques parce que vous étiez en contact avec des membres qui

18 se trouvaient à l'extérieur du Kosovo, qu'est-ce que vous entendez par le

19 biais de moyens électroniques ? Est-ce que vous entendez par là que vous

20 utilisiez le téléphone ou un autre moyen de communication ?

21 R. Oui, bien, nous utilisions le téléphone, un fax, une télécopie ou

22 d'autres moyens de communication.

23 Q. Bien, j'entends bien. Nous allons maintenant avancer un petit peu dans

24 le temps et passer au printemps de l'année 1998. A ce moment-là, étiez-vous

25 toujours membre de l'état-major général ? Simplement pour être plus précis,

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1 puisque j'ai parlé du printemps de l'année 1998, on veut dire le mois de

2 mai 1998 ?

3 R. C'était même avant le mois de mai 1998.

4 Q. Oui. Je comprends, mais en mai 1998, vous étiez toujours un membre de

5 l'état-major général, n'est-ce pas ?

6 R. En mai, en juin 1998, et après.

7 Q. Donc à cette époque-là, au mois de mai, au mois de juin 1998, pourriez-

8 vous nous dire quels étaient les autres membres de l'état-major général ?

9 R. Oui. Encore une fois, au cours de cette période, tous les membres de

10 l'état-major général ne se trouvaient pas au Kosovo. Après les événements

11 du mois de mars, le commandant de l'UCK au Kosovo était Azem Sula; le

12 commandant adjoint était Sokol Bashota; l'inspecteur général était Rexhep

13 Selimi; et les autres membres de l'état-major général étaient moi-même,

14 Llahib Rrahimi Brahimaj. Xhavid Zeka n'était pas là à ce moment-là. Xhavid

15 Haliti n'était pas parmi nous, mais c'était un membre de l'état-major

16 général; Hashim Thaqi et Kadri Veseli.

17 Q. Où était Xhavid Haliti, puisque vous dites qu'il n'était pas parmi

18 vous ?

19 R. Xhavid Haliti, oui. Il faisait partie de l'état-major général, mais il

20 vivait en Albanie, il ne vivait pas au Kosovo.

21 Q. Bien. Donc le 11 juin 1998, avez-vous été nommé à un poste particulier

22 au sien de l'état-major général ?

23 R. Oui. A ce moment-là, j'ai occupé le poste de porte-parole afin de faire

24 passer le message de l'Armée de libération du Kosovo. J'avais pour rôle de

25 parler de la politique de l'UCK, de la présenter à l'opinion publique au

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1 Kosovo et à l'étranger.

2 Q. Bien avec l'aide de l'huissier je vais vous montrer un document. Je

3 vais demander à ce qu'on vous présente un classeur.

4 M. WHITING : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ainsi que les

5 parties ont pris connaissance de ce classeur. Je vais vous demander

6 maintenant de vous tourner à l'intercalaire numéro 2 et il s'agit de la

7 pièce de l'accusation P49. Pour les besoins du compte rendu d'audience,

8 nous autres nous allons nous tourner vers l'intercalaire numéro 1, P48. Si

9 on peut montrer au témoin, s'il vous plaît, le document qui comporte le

10 numéro ERN U008-1630. Dans la version anglaise l'intercalaire numéro 1,

11 numéro ERN U003-8575.

12 Q. Monsieur Krasniqi, je vous soumets ici un extrait du journal intitulé

13 "Pristina Bujku" daté du 12 juin 1998 à la page 5. Je souhaite attirer

14 votre attention en haut à droite de la page. Je suis sûr que vous allé

15 retrouver le passage en question. Nous avons nous-même une traduction de

16 cet article sous les yeux. Je constate que vous avez pris un morceau de

17 papier.

18 R. Oui, il s'agit du même document simplement cela a été agrandi à

19 l'endroit où je suis.

20 Q. Bien. Je comprends car l'exemplaire que vous avez est un exemplaire où

21 les lettres sont en petits caractères. J'ai moi-même un version agrandie

22 car ceci est un extrait d'un article de journal. Cela devrait faciliter

23 votre lecture. Nous allons donc utiliser cela.

24 M. WHITING : [interprétation] Si, Monsieur l'Huissier, vous auriez

25 l'amabilité de bien vouloir trouver le numéro de page.

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1 C'est 1630, U008-1630. S'il vous plaît, pour le besoin du compte rendu

2 d'audience, cette version agrandie fait partie de la même pièce. C'est

3 simplement une version agrandie du même document P49. Ceci devrait vous

4 faciliter la tâche.

5 Q. Encore une fois, j'attire votre attention à l'article qui se trouve en

6 haut à droite, plus particulièrement vers la fin où il est dit que :

7 "L'état-major général de l'UCK a décidé de nommer le professeur Jakup

8 Krasniqi comme son porte-parole. Le professeur Jakup Krasniqi est né le 1er

9 janvier 1951 dans le village de Negroc, à Drenice ou il vit toujours."

10 Cela est signé par l'état-major général de l'Armée de libération du Kosovo,

11 Pristina, le 11 juin 1998.

12 Monsieur, l'annonce de votre nomination en tant que porte-parole, est-ce

13 quelque chose qui a été publié par l'UCK ?

14 R. Oui, définitivement.

15 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelles étaient vos

16 responsabilités à ce poste. Je crois que vous nous avez déjà en partie

17 répondu à cette question. Mais quelles étaient vos obligations en tant que

18 porte-parole de l'UCK, à la manière dont vous entendiez cela en tout cas ?

19 R. J'ai déjà parlé des responsabilités qui incombaient à un porte-parole

20 de l'UCK un peu plus tôt. Je crois que bon nombre de personne ici présentes

21 savent très bien quelles sont les obligations d'un porte-parole. Pour moi,

22 il s'agissait de communiquer avec des médias de façon à ce que l'UCK au

23 Kosovo ainsi soit connue du Kosovo, des pays occidentaux, des États-Unis.

24 Il s'agissait pour moi de présenter à l'opinion publique la plateforme

25 politique de l'Armée de libération du Kosovo.

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1 Q. Combien de temps êtes-vous resté à ce poste ?

2 R. J'ai occupé ce poste jusqu'à la formation du gouvernement provisoire du

3 Kosovo, après la Conférence du Rambouillet. Au tout début de ce

4 gouvernement provisoire, j'étais toujours le porte-parole jusqu'en juin

5 1999.

6 Q. La Conférence de Rambouillet s'est tenue à quel mois et en quelle

7 année ?

8 R. La Conférence de Rambouillet s'est tenue en deux temps, la première

9 partie de la conférence s'est tenue à Rambouillet au mois de février 1999,

10 la deuxième partie de la conférence à Paris, en mars 1999.

11 Q. Merci.

12 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être qu'il s'agit

13 d'un moment opportun pour faire la pause.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci Monsieur Whiting.

15 Nous allons maintenant faire une pause. Vous témoignez maintenant depuis

16 presque une heure et demie, je pense qu'une pause est la bienvenue. Nous

17 devons également, pour des raisons techniques, changer les bandes

18 d'enregistrements. Nous allons reprendre à 16 heures 5.

19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.

20 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Whiting.

22 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Monsieur, lorsque vous êtes devenu membre de l'état-major général, fin

24 1996 ou début 1997, je pense que vous avez parlé de communiqués de presse

25 qui ont été publiés par l'état-major général à l'époque; est-ce que le

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1 cas ?

2 R. J'ai mentionné ces communiqués de presse, mais il y en a eu bien avant.

3 Dès 1994, nous avons commencé à publier ce genre de communiqués afin

4 d'informer l'opinion publique.

5 Q. Ces communiqués étaient-ils en provenance, étaient-ils délivrés par

6 l'état-major général de l'UCK ?

7 R. Oui, la plupart d'entre eux étaient délivrés par l'état-major général

8 qui voulait ainsi informer l'opinion publique des activités menées par

9 l'UCK.

10 Q. Vous dites la plupart de ces communiqués de presse étaient,

11 effectivement, délivrés par l'état-major, mais est-ce qu'il y en a d'autres

12 qui auraient été produits par d'autres instances, d'autres individus ?

13 R. Oui, la guerre était en cours sur le terrain, parfois les

14 communications ne fonctionnaient pas au mieux. Il est arrivé que des

15 communiqués de presse soient publiés sans que l'état-major général soit au

16 courant. Il était possible que ces communiqués proviennent de telle ou

17 telle zone opérationnelle de l'UCK.

18 Q. Est-ce que vous avez un souvenir précis, d'un tel cas ?

19 R. Oui, cela n'a pas été très fréquent. Mais cela s'est passé quelquefois

20 pendant la guerre, lorsque l'un ou l'autre commandant de zone a peut-être

21 produit un communiqué de presse au nom de sa zone, ou alors au nom de

22 l'UCK, mais pas au nom du Grand état-major général.

23 Q. Lorsque cela s'est passé, lorsqu'un commandant de zone a publié un

24 communiqué de presse, est-ce qu'il avait coutume de dire, qu'il le faisait

25 au nom de la zone ou de l'UCK, ou pas ?

Page 3316

1 R. Oui, il était dit que c'était au nom de l'UCK et de la zone.

2 Q. Mais si j'ai bien compris votre réponse, dans de tels cas, on ne disait

3 pas que c'était au nom du Grand état-major général, est-ce que c'est bien

4 là ce que vous nous dites ?

5 R. Oui.

6 Q. Intéressons-nous aux communiqués publiés au nom de l'état-major général

7 de l'UCK, comment ceux-ci étaient-ils communiqués, transmis à l'opinion

8 publique ?

9 R. En règle générale, au départ, parce que cela a changé au fil du temps,

10 avant 1998, dans la plupart des cas, ces communiqués étaient faxés, envoyés

11 par télécopie, ou transmis par téléphone, mais la plupart de ces

12 communiqués étaient transmis par télécopie.

13 Q. Ils étaient faxés à qui ? Quels étaient les destinataires ?

14 R. Les destinataires, c'était surtout la presse écrite en Albanie, mais

15 ces fax étaient destinés à un public plus large.

16 Q. Vous avez dit qu'avant 1998, ces communiqués étaient envoyés par

17 photocopie ou parfois par téléphone. Mais après l'année 1998, de quelle

18 façon ces communiqués étaient-ils diffusés ?

19 R. En 1998, on s'est servi de nouveau du téléphone pour les transmettre,

20 et des stations de radio internationales qui diffusaient sur le territoire

21 albanais les ont transmis aussi. Ils étaient envoyés également aux stations

22 radio qui diffusaient en albanais au Kosovo même, envoyés aux médias. Alors

23 qu'à partir du mois de janvier 1999, lorsque l'UCK, lorsque l'état-major

24 général ont établi un Kosovo libre et une agence de presse libre, toutes

25 les informations, tous les communiqués concernant l'UCK et les activités de

Page 3317

1 terrain étaient transmis à l'agence de presse Kosova, Kosova Presse plus

2 exactement, par Internet.

3 Q. Vous avez dit qu'en 1998, c'était envoyé aux médias également. Est-ce

4 que c'était aussi envoyé à la presse écrite ? Je parle ici des quotidiens,

5 des journaux en albanais ?

6 R. Oui.

7 Q. Quels sont les journaux de langue albanaise qui ont publié ces

8 communiqués de presse ? Je parle maintenant de 1997 et de 1998 ?

9 R. Bujku, Koha Ditore, ainsi qu'un journal qui était publié de façon assez

10 épisodique en Suisse qui s'appelait Zoriko Sor [phon] et le Bota e Re,

11 Nouveau Monde, qui était un bimensuel, ou, plutôt, un magazine des

12 étudiants de Pristina qui sortait deux fois par mois.

13 Q. Ces communiqués qui étaient publiés dans ces publications que vous

14 venez de mentionner émanaient de l'état-major général, ou disaient qu'ils

15 émanaient de l'état-major général, mais ces communiqués, est-ce qu'ils

16 étaient véritablement de l'état-major général en 1997 et en 1998 ?

17 R. A ma connaissance, à quelques exceptions près qui me sont inconnus,

18 oui, ce sont des communiqués qui étaient transmis au nom de l'état-major

19 général.

20 Q. Donc, à votre connaissance, chaque fois qu'il y a eu publication dans

21 ces médias écrits d'un communiqué, et que ce communiqué disait être émané

22 de l'état-major général de l'UCK, c'était bien vrai ?

23 R. Je ne peux pas vous garantir que c'était le cas dans tous les cas, 100

24 %, mais à 99 % des cas c'était vrai. C'était effectivement quelque chose

25 qui émanait de l'état-major général de l'UCK.

Page 3318

1 Q. J'ai compris votre première réponse comme disant qu'il y avait peut-

2 être quelques exceptions dont vous n'aviez pas connaissance. Mais il se

3 peut, si j'ai bien compris, que vous ayez dit quelque chose un peu

4 différent. En 1997 et en 1998, avez-vous connaissance de cas où il y aurait

5 publication dans une de ces publications dont vous avez parlé d'un

6 communiqué. Je parle de journaux en albanais où vous auriez compris qu'en

7 fait ce n'était pas un communiqué provenant de l'état-major général de

8 l'UCK ?

9 R. Vous savez qu'il y a longtemps que cela s'est passé, mais je vous

10 disais que le gros de tout cela, et je ne peux pas vous dire qu'il n'est

11 impossible que l'un ou l'autre n'ait pas été en provenance directe de

12 l'état-major, mais je pense que la plupart vraiment il se peut qu'on ait

13 fait rapport sur un événement sans qu'on passe par l'état-major général.

14 Mais vraiment ce sont de très rares exceptions.

15 Q. Ici même, alors que vous êtes assis dans ce prétoire, est-ce que vous

16 avez en tête un cas précis de ce genre ?

17 R. Non. Mais c'est aussi parce que nous n'avons pas eu le temps de nous

18 occuper des communiqués qui ne passaient pas par l'état-major général.

19 Q. Je vais vous montrez certains de ces communiqués et nous pourrons les

20 aborder l'un après l'autre. Prenons le numéro 35 en version albanaise.

21 C'est le U008-1607, et en anglais c'est U008-8554. Ceci va être affiché à

22 l'écran par le logiciel Sanction. Le 8 août 1997, publication, le Koha

23 Ditore, en page 3, voilà le communiqué qui va d'abord nous intéresser.

24 J'attire votre attention sur le coin supérieur gauche de cette page. Je

25 pense que c'est là qu'on trouve ce passage qui m'intéresse en version

Page 3319

1 albanaise. Vous l'avez trouvé, le communiqué numéro 35 ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce qu'il a été produit par l'état-major général ?

4 R. Oui.

5 Q. Prenez le premier paragraphe, s'il vous plaît. Je vais le lire :

6 "Dans un communiqué destiné aux médias portant le numéro 35, l'organisation

7 s'appelant 'l'Armée de libération du Kosovo' revendique la responsabilité

8 d'incidents armés qui se sont produits récemment au Kosovo au cours

9 desquels deux policiers serbes et deux civils albanais ont été blessés. Ce

10 communiqué dit ceci : 'en vertu d'une décision prise les 3 et 4 août, par

11 l'état-major central de l'UCK, nos unités de guérilla ont mené trois

12 opérations armées contre les occupants et leurs collaborateurs.'

13 L'organisation revendique également la responsabilité de ce qu'on a appelé

14 'l'assassinat d'Ali Qullapeku de Terstenik, et de Ramiz Leku de Baince près

15 de Gllogovc [Glogovac]."

16 Est-ce que vous trouvez ce passage dans le communiqué ?

17 R. Oui.

18 Q. Il est ici question de trois actions armées menées contre les occupants

19 et leurs collaborateurs. Est-ce qu'il y en a bien eu trois ? Est-ce

20 qu'elles se sont produites ?

21 R. Oui. Je l'ai déjà dit, l'état-major général avait deux branches; une

22 partie politique, et l'autre était de nature opérationnelle. Les

23 communiqués provenaient surtout de la branche opérationnelle, alors que les

24 déclarations politiques, elles, étaient le produit des dirigeants

25 politiques de l'UCK.

Page 3320

1 Q. Est-ce qu'il existait une communication entre la branche politique et

2 la branche opérationnelle de l'UCK ?

3 R. Oui.

4 Q. Et le communiqué parle aussi de l'assassinat de deux individus. Est-ce

5 que ces deux hommes ont été assassinés parce qu'on les soupçonnait d'être

6 des collaborateurs ?

7 R. Vous devez avoir vu plusieurs déclarations, plusieurs communiqués de

8 l'UCK. Vous aurez inévitablement vu que ceux qui étaient les mouchards du

9 régime serbe, qui en étaient les serviteurs de ce régime violent, ont

10 attiré l'attention de certains Albanais, qui manifestement étaient dans

11 cette position. Mais ce n'était pas quelque chose de très courant dans la

12 population albanaise. Il y a eu d'autres régimes qui ont connu des

13 collaborateurs, par rapport lors de la Deuxième guerre mondiale, vous avez

14 des intellectuels français, entre autres, qui ont rejoint les

15 collaborateurs. Cela s'est passé dans d'autres pays de l'Europe. Mais cela

16 s'est passé aussi au Kosovo. C'était des gens qui étaient peut-être poussés

17 par la peur, par la pression exercée par le régime, qui se sont trouvés

18 forcer de servir ce régime. L'Armée de libération du Kosovo n'a eu de cesse

19 d'avertir ces personnes, leur disant qu'elles devaient cesser de telles

20 activités, pour ne pas saper la guerre de libération.

21 Lorsque de telles personnes ont vraiment porté de lourdes atteintes à la

22 population albanaise, ont fait beaucoup de mal du fait de leurs activités,

23 lorsque nous avons subi de lourdes pertes pendant la guerre, à cause de ce

24 qu'ils ont fait, lorsque des gens ont été tués au cours d'embuscade à cause

25 d'eux, là la branche opérationnelle de l'UCK a tué ces gens à cause des

Page 3321

1 services que ces gens avaient rendu aux agents de la violence serbe au

2 Kosovo.

3 Q. Est-ce que vous savez si c'est ce qui s'est passé pour ce qui est des

4 deux personnes mentionnées dans le communiqué 35 ?

5 R. Oui. Comme le communiqué l'a dit, c'est sans doute, c'est certainement

6 ce qui s'est passé.

7 Q. Et cela s'est passé parce qu'on les soupçonnait d'être les

8 collaborateurs ? C'est bien ce que vous nous dites ?

9 R. Non pas parce qu'on les soupçonnait, mais parce que c'était les

10 serviteurs des occupants. Même les enfants des villages le savaient,

11 savaient où ces gens habitaient.

12 Q. Est-ce que vous savez comment on a établi que ces gens là étaient des

13 collaborateurs ? Comment cette décision était-elle prise ?

14 R. Je ne sais pas comment cette décision était prise; mais si ces

15 personnes ne se trouvaient pas au service de l'ennemi, si ces personnes

16 n'avaient pas nui à l'UCK, ce genre de chose ne serait pas passé.

17 Q. Je trouve remarquable la confiance que vous avez en vous, mais je vous

18 demande ceci : Est-ce qu'il y avait une procédure à suivre pour établir si

19 oui ou non ces personnes étaient des collaborateurs ? Est-ce qu'il y avait

20 un procès qui leur était intenté ? Est-ce qu'il y avait une quelconque

21 procédure qui était suivie, où est-ce que vous ne le savez pas ?

22 R. De tels individus n'étaient pas traduits en justice parce qu'on nous

23 n'avons pas les conditions le permettant. Cependant, ces gens ont été tués,

24 exécutés, alors qu'ils étaient en train de servir l'ennemi, comme cela a

25 été le cas pour l'assassinat de policiers et de soldats serbes.

Page 3322

1 Q. Je crois avoir très bien compris votre réponse. Je vais passer à un

2 autre communiqué.

3 M. WHITING : [interprétation] Pour ce faire, j'aurais besoin de l'aide de

4 l'Huissier. En version albanaise, c'est le numéro

5 U008-1608. En anglais, U003-8557 à 8558. Il s'agit du communiqué 40, qui a

6 été publié le 5 décembre 1997, dans Bujku, page 10. Je crois que cela se

7 trouve dans la partie supérieure droite de la page en albanais.

8 Q. Je vous donne un instant pour que vous le retrouviez ce passage.

9 Est-ce que ce communiqué a été délivré par l'état-major général ?

10 R. Oui.

11 Q. Prenez le premier paragraphe. Voici ce qu'il dit : "En vertu d'une

12 décision prise par l'état-major central, des unités armées de l'UCK ont

13 poursuivi leurs opérations de libération au cours du mois de novembre." Je

14 suppose que c'est novembre 1997.

15 "Dans la soirée du 11 novembre, il y a une attaque menée à la grenade à

16 main et dirigée contre la maison de Tomcic, le président imposé par les

17 Serbes de la communauté de Podujeve, dans le village de Tashec," excusez-

18 moi, si j'écorche les noms, "à proximité de Kursumlija, dans la zone

19 opérationnelle numéro 5.

20 "Nos unités armées ont également mené d'autres opérations de libération

21 entre le 25 et le 28 novembre, dans la zone opérationnelle numéro 1."

22 Vous voyez ces passages ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que ces événements qui sont décrits ici se sont véritablement

25 produits ? Est-ce que ces attaques, ces opérations, ont été exécutées, dont

Page 3323

1 il est question ici ? Est-ce qu'elles se sont vraiment produites ?

2 R. Tout ce qui est dit ici s'est vraiment passé.

3 Q. On parle d'une zone opérationnelle 5 et d'une zone opérationnelle 1.

4 Pourriez-vous nous dire ce que recouvre la zone opérationnelle numéro 1 ?

5 R. La zone opérationnelle numéro 1 se trouvait à Drenoc.

6 Q. Et la cinquième, où se trouvait-elle ?

7 R. C'était la zone de Llap.

8 Q. La zone opérationnelle numéro 1, parlons d'elle. Est-ce qu'il est

9 arrivé que cela représentait la totalité du Kosovo, ou est-ce que cette

10 zone numéro 1 n'a jamais représenté que le territoire de la zone de

11 Drenoc ?

12 R. Au Kosovo, il y avait sept zones, et l'une d'entre elles c'était la

13 zone de Drenoc.

14 Q. Mais est-ce qu'à un moment donné, les sept zones du Kosovo n'étaient

15 pas appelées des sous-zones, et, qu'en fait, lorsqu'on parlait de la zone

16 opérationnelle numéro 1, on ne parlait pas de la totalité du Kosovo, est-ce

17 que cela a été la réalité à un moment donné ?

18 R. C'est peut-être vrai. C'est bien possible, mais des activités

19 militaires de l'UCK étaient organisées au Kosovo.

20 Q. Je vous ramène à ce communiqué que nous examinons lorsqu'il parle de la

21 zone opérationnelle numéro 1. Est-ce qu'on parle de la zone de Drenoc, ou

22 ici, en l'occurrence, est-ce qu'on parle du Kosovo tout entier ?

23 R. Ici, il est question de la zone de Drenica.

24 Q. Je vous remercie. J'aimerais maintenant vous demander de lire une

25 phrase qui est vers le milieu de la page disons. Je vais vous la lire,

Page 3324

1 j'espère que vous allez la retrouver.

2 "Dans la soirée du 28 novembre, Dalip Dugolli un collaborateur et un des

3 hommes en qui Milosevic avait le plus confiance a été tué dans le village

4 de Pretreshice près de Shtime [Stimlje]."

5 Vous retrouvez cette phrase ?

6 R. Non, je ne la trouve pas cette phrase.

7 Q. Je sais que c'est un peu difficile à repérer, prenez le temps qu'il

8 vous faut. Je vais la relire :

9 "Dans la soirée du 28 novembre, Dalip Dugolli," vous voyez ce nom "un

10 collaborateur et un des hommes en qui Milosevic avait le plus confiance a

11 été tué dans le village de Pretreshice près de Shtime [Stimlje]."

12 R. Oui, je l'ai retrouvée, merci.

13 Q. Est-ce que cela s'est véritablement produit ?

14 R. Oui. Vu les conditions qui régnaient au Kosovo, les zones

15 opérationnelles pouvaient agir indépendantes, prendre des décisions par

16 elles-mêmes. Si elles disposaient de renseignements indiquant que certains

17 individus qui avaient nui au pays étaient concernés, à ce moment-là ces

18 zones opérationnelles ont éventuellement entrepris de telles actions, puis

19 ont averti l'état-major général après quoi l'état-major général a informé

20 l'opinion publique par le truchement de communiqués.

21 Q. J'ai une question concernant les deux communiqués, comment a-t-on

22 établi -- est-ce qu'on a des informations sur les façons ou les modalités

23 selon lesquelles on a établi que ces gens -- cet homme en particulier était

24 un collaborateur ?

25 R. Je vous le répète, de tels actes étaient entrepris dans la

Page 3325

1 clandestinité. Les unités opérationnelles étaient séparées les unes des

2 autres. Il leur était possible de prendre chacune des décisions qui lui

3 convenaient. Si une personne nuisait à l'UCK -- était nuisible pour l'UCK,

4 si un tel individu donnait des renseignements sur les mouvements entrepris

5 par l'UCK pour les transmettre au régime de Belgrade, à ce moment-là,

6 l'unité avait tous les pouvoirs discrétionnaires pour condamner de tels

7 actes, sans avoir besoin de demander l'autorisation expresse pour ce faire

8 de qui que ce soit.

9 Q. Je comprends et je vous demande de faire preuve de patience si je

10 répète la question. Savez-vous si on suivait telle ou telle procédure pour

11 établir s'il était vrai que l'individu en question communiquait des

12 renseignements au régime de Belgrade sur les mouvements de l'UCK. Vous avez

13 dit qu'il n'y avait pas eu de procès mais est-ce qu'il aurait eu d'autres

14 procédures qui auraient été suivies, respectées, je ne sais pas si vous le

15 savez ?

16 R. Hormis ce que j'ai déjà dit, je n'ai rien à ajouter à ce sujet.

17 Q. Je souhaiterais vous poser des questions au sujet d'un autre

18 communiqué. Dans la version en Albanais, il s'agit du communiqué U008-1610.

19 M. WHITING : [interprétation] Dans l'anglais U003-8560. Il s'agit du

20 communiqué numéro 42 en date du 28 février 1998, publié dans Bujku en page

21 1. Ceci apparaît, grâce au système d'affichage électronique, à l'écran. Le

22 passage qui m'intéresse dans la version en Albanais se trouve dans la

23 partie supérieure de la page me semble-t-il. Ce communiqué émane-t-il de

24 l'état-major général ?

25 R. Oui, sur la base des informations qui sont parvenues du terrain.

Page 3326

1 Q. J'aimerais que vous vous penchiez sur la première phrase de ce

2 communiqué après l'introduction où il est dit, je cite :

3 "Suite à une décision rendue par l'état-major central de l'UCK nos unités

4 armées ont entrepris une série d'attaque contre les forces de la police

5 serbe et leurs collaborateurs au cours des mois de janvier et février."

6 Je vais vous poser la même question, est-ce que ceci s'est véritablement

7 produit ? Est-ce que ces attaques ont bien eu lieu en janvier et en

8 février ?

9 R. Ces attaques ont effectivement eu lieu comme il est dit dans le

10 communiqué.

11 Q. Vers le milieu de la page, il y a une phrase qui se lit ainsi, je cite

12 : "Le 13 février 1990, Mustafe Kurti, un collaborateur a été liquidé."

13 Est-ce que vous avez repéré cette phrase ? Monsieur, est-ce que vous voyez

14 cette phrase ?

15 R. Oui. Non seulement cette phrase, mais l'intégralité du communiqué qui a

16 été publié à l'époque. Je pense qu'il vaut mieux examiner l'intégralité du

17 communiqué et ne pas ainsi choisir une phrase hors contexte. Je vous répète

18 que l'UCK a lutté contre l'occupant serbe qui a mené des actions violentes

19 de répression et un génocide au Kosovo.

20 Ces opérations n'auraient pas pu avoir lieu sans la coopération de la

21 police et de l'armée. Ces opérations et les agents qui les ont menées ont

22 pu voir le jour grâce à la coopération d'agents au sein de l'administration

23 publique et à l'aide des collaborateurs de ceux qui aidaient la police

24 serbe et l'armée. C'est la raison pour laquelle je vous suggère d'examiner

25 l'intégralité du communiqué et pas uniquement cette phrase.

Page 3327

1 Q. Je peux vous assurer que l'intégralité du communiqué sera versée au

2 dossier de l'espèce et examinée par les Juges de la Chambre. Je

3 souhaiterais vous poser des questions particulières au sujet de certains

4 passages de ce communiqué.

5 R. Je vous réponds que tous ceux qui servaient le régime de Milosevic et

6 qui ont largement nui au peuple albanais méritaient le même sort que le

7 régime de Milosevic, et c'est ce que le sort a décidé.

8 Q. Selon vous qu'est-ce qu'un collaborateur ? Ma question peut vous

9 paraître étrange mais vous avez dit : "Tous ceux qui étaient au service du

10 régime de Milosevic et qui ont nui au peuple albanais."

11 Est-ce que vous pourriez définir pour nous ce que vous entendez par le

12 terme collaborateur.

13 R. Je crois que les Juges de cette Chambre de première instance savent

14 pertinemment ce qu'est la collaboration et ce qu'est un collaborateur ? Ce

15 n'est pas un phénomène que l'on constate uniquement au Kosovo. Il s'agit

16 d'un phénomène bien connu. Si nous revenons en arrière dans l'histoire,

17 nous pouvons constater que ce phénomène s'est manifesté au sein de toutes

18 les populations occupées. Malheureusement, mon peuple a connu le même sort.

19 Ces individus, ces collaborateurs étaient nombreux. Ils n'ont pas

20 véritablement été punis. Ils servaient le régime violent des Serbes. Ces

21 gens ne méritaient pas un sort meilleur pour servir le régime le plus

22 criminel qu'ont connu les peuples d'Europe après la Deuxième guerre

23 mondiale.

24 Q. Monsieur Krasniqi, je sais bien que ce phénomène n'est pas spécifique à

25 cette guerre-ci. Mais je souhaiterais que vous répondiez plus précisément à

Page 3328

1 ma question. Dans votre esprit et dans le contexte de cette guerre

2 particulière que signifiait pour vous le terme collaborateur ? Quels genres

3 d'actes devaient être commis pour que quelqu'un soit qualifié de

4 collaborateurs ?

5 R. Permettez-moi de vous donner un exemple concret, qui illustrera mon

6 propos. Le 10 avril 1998, à Slatine, à 20 kilomètres de Pristina, une

7 personne a été enlevée, un médecin, un humaniste, Hafir Shala. Cet homme a

8 été enlevé par les forces serbes. Il avait aidé les habitants de Drenoc

9 grâce à l'aide humanitaire et il a aidé des associations. Il a administré

10 des soins aux soldats blessés de l'UCK. En raison de ceux qui collaboraient

11 avec le régime de Milosevic, cette personne a été enlevée et sa famille

12 sait ce qu'il est advenu de lui. Nous avons beaucoup d'exemples de ce genre

13 au Kosovo, comme celui de Xhavid Haziri, un autre activiste, pour les

14 droits de l'homme et la liberté. Je pense qu'en juillet ou en août, lui

15 aussi a été enlevé à Pristina par la police secrète serbe parce qu'il

16 espionnait les collaborateurs dans les zones de guerre.

17 Je peux vous donner beaucoup d'autres exemples sur ce thème.

18 Q. Pour ce qui est du dernier exemple que vous avez cité. Est-ce que cela

19 concernait les mois de juillet et août 1998 ?

20 R. En juillet, en août, mais également en juin, en avril, et même avant

21 cela, même avant la guerre. Il y avait de nombreux collaborateurs. Même à

22 Likoshan, le 28 février 1998, ceci a été le produit des affrontements entre

23 les membres de l'UCK et la police serbe, en raison des renseignements

24 fournis par les collaborateurs à la police serbe de Drenoc. J'ai

25 connaissance de nombreux autres cas. Lorsque des collaborateurs ont permis

Page 3329

1 à la police et aux soldats serbes de commettre des crimes et de perpétrer

2 un génocide au Kosovo. Sans ces collaborateurs et ce type d'individus, le

3 régime de Belgrade n'aurait pas pu exister aussi longtemps.

4 Q. Vous nous avez donné quelques exemples précis et il me semble que vous

5 avez déclaré que les collaborateurs fournissaient des informations

6 concernant les déplacements de l'UCK ?

7 R. Je vais vous répéter ce que j'ai dit. Je demanderais à la Chambre de

8 bien vouloir garder à l'esprit que l'intérêt manifesté par l'Accusation de

9 s'occuper de ces événements isolés est très dangereux pour l'évolution de

10 la situation politique au Kosovo et ne sert pas les intérêts de la justice,

11 ni l'objectif fixé au Tribunal.

12 Q. Monsieur, comme je vous l'ai dit, l'intégralité du communiqué et

13 d'autres communiqués sont consignés au dossier de l'espèce et nous avons

14 entendu de nombreux témoignages au sujet du contexte des événements en

15 cause. Mais pour le moment, je souhaiterais vous poser des questions bien

16 précises.

17 A propos des collaborateurs, s'agissait-il parfois d'Albanais qui étaient

18 en affaire avec les Serbes et qui, pour cela, étaient considérés comme des

19 collaborateurs car ils étaient favorables au régime serbe ? Est-ce que vous

20 comprenez ma question ?

21 R. Oui, je comprends très bien votre question. Monsieur le Président,

22 Madame et Monsieur les Juges, l'Armée de libération du Kosovo, dans sa

23 deuxième déclaration officielle a clairement indiqué quels étaient ses

24 objectifs. Il y avait de nombreux collaborateurs au Kosovo. Peut-être que

25 ceux qui sont mentionnés ici ont véritablement nui aux unités

Page 3330

1 opérationnelles de l'UCK. Toutefois, l'UCK n'avait pas prévu le meurtre de

2 citoyens du Kosovo. Mais lorsque vous êtes pauvres, vous devez faire face à

3 toutes sortes de choses, nombreux sont ceux qui, à l'époque ou aujourd'hui

4 encore, sont en rapport avec les services secrets serbes. Nous ne faisions

5 pas la guerre aux collaborateurs du régime de Milosevic. Notre guerre était

6 essentiellement dirigée contre les policiers et les soldats serbes. Dans

7 les endroits où les unités opérationnelles étaient en danger, le meurtre de

8 ceux qui représentaient un obstacle a eu lieu également. La guerre

9 toutefois était essentiellement dirigée contre ceux qui se livraient à des

10 actes de violence et contre ceux qui nuisaient à notre humanité, à notre

11 honneur.

12 Dans la déclaration officielle numéro 2, qui représente le programme de

13 l'UCK, tel qu'il présenté à l'opinion publique, il indique que : "L'UCK

14 envisage de défendre et de libérer son peuple." Il est dit que : "L'UCK

15 lutterait au nom de son peuple et serait prêt à se sacrifier pour celui-ci.

16 L'UCK condamne toutes les formes de terrorisme contre les civils. L'UCK

17 reconnaît et applique toutes les conventions des Nations Unies, ainsi que

18 les lois de la guerre," et ainsi de suite. Ce que je veux vous dire, c'est

19 que l'objectif de notre guerre n'était pas d'attaquer les collaborateurs ou

20 les ennemis dans la sphère économique, politique, culturelle, ou de

21 sécurité au Kosovo. Il s'agissait d'assurer la sécurité des citoyens du

22 Kosovo. Par conséquent, il s'agit de considérer l'UCK comme une armée qui

23 ne luttait contre les Albanais, mais qui luttait contre le régime de

24 Belgrade. Si on dit le contraire, ceci est un mensonge et n'a rien à voir

25 avec la vérité. Je pense que même si l'UCK, qui au départ était une armée

Page 3331

1 de guérilla, s'est transformée pour devenir une armée de volontaires, un

2 mouvement populaire, puis une armée organisée, son objectif principal

3 n'était certainement pas le meurtre des citoyens du Kosovo, mais la

4 victoire politique sur l'armée et la police serbe. Par conséquent, sa

5 victoire était également une victoire politique, notamment grâce à l'appui

6 dont il bénéficié de la part de la communauté internationale.

7 Q. Je peux vous assurer que personne au sein de l'équipe de l'Accusation,

8 je pense qu'il en va de même pour toutes les personnes présentes dans ce

9 prétoire, ne laisse entendre que l'objectif de l'UCK était essentiellement

10 d'attaquer les Albanais. Mais nous devons nous concentrer sur certaines

11 questions bien précises. Je vois que vous avez cité un extrait de ce que

12 vous avez appelé, la déclaration officielle numéro 2. Est-ce que vous

13 pourrez nous dire de quand date ce document ?

14 R. Du 29 avril 1998.

15 Q. Puisque vous avez donné lecture de ce document, pouvez-vous nous dire,

16 tout d'abord, si cette déclaration n'a jamais été publiée ?

17 R. Elle a effectivement été publiée.

18 Q. Etes-vous en mesure de voir où ce document a été publié ?

19 R. Je n'ai pas ici le nom du journal en question, mais ce communiqué a été

20 publié dans Bujku et dans Koha Ditore.

21 Q. Ce communiqué émane t-il de l'état-major général ?

22 R. Oui, effectivement.

23 Q. Pourriez-vous remettre ce document à M. l'Huissier. La version que vous

24 avez sous les yeux, est-elle en albanais ou en anglais ?

25 R. C'est en albanais.

Page 3332

1 Q. Auriez-vous, par hasard, une version en anglais de ce document ? Sans

2 doute que non.

3 R. Non, désolé.

4 Q. Peut-être que nous pourrions nous occuper de cela. Peut-être que ce

5 document pourrait être remis à l'Huissier et aux parties, traduit et versé

6 au dossier, puisque vous avez donné lecture d'un passage de ce document.

7 R. Il me faut un exemple de ce document, car j'ai encore quelques passages

8 à lire.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis-je suggérer que ce document soit

10 photocopié et que l'original soit rendu au témoin.

11 M. WHITING : [interprétation] Je pense que c'est une très bonne suggestion.

12 Si le témoin souhaite revenir sur ce document, nous pouvons le lui laisser

13 pour le moment et en faire une photocopie pendant la pause.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

15 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je souhaite prendre la parole afin de faire

16 une suggestion. Je pense qu'il est évident pour les Juges de la Chambre que

17 ni l'Accusation ni la Défense ne disposent de ce document. C'est un

18 document important. Il s'agit de la déclaration numéro 2 de l'UCK. Je me

19 demande si le témoin dispose d'autres documents de ce genre. Peut-être que

20 l'on pourrait demander au témoin s'il a d'autres documents, car il apparaît

21 qu'il a un dossier. Je pense que l'audition de ce témoin se prolongera pour

22 aujourd'hui, donc nous aurons sans doute amplement le temps de lui poser la

23 question.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Topolski. Monsieur

25 Whiting, nous vous encourageons à demander au témoin s'il dispose

Page 3333

1 d'éventuels autres documents de ce type.

2 M. WHITING : [interprétation] Je tiens à préciser simplement qu'il ne

3 s'agit pas du communiqué numéro 2, mais de la deuxième déclaration

4 officielle de l'UCK.

5 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.

6 M. WHITING : [interprétation] Peut-être que nous pouvons nous renseigner

7 plus sur cela.

8 Q. Monsieur Krasniqi, hormis la déclaration que vous avez faite au TPIY,

9 vous avez emmené avec vous d'autres documents, y compris celui dont vous

10 venez de lire un passage. Est-ce que vous pourriez nous dire de quels

11 autres documents vous disposez ?

12 R. Il s'agit essentiellement de déclarations officielles qui datent de la

13 période située entre le mois d'avril et le mois de septembre. J'ai ici un

14 document qui a été envoyé à la communauté internationale. Ce document émane

15 de l'état-major général du l'UCK. Il a été transmis aux institutions

16 compétentes de la communauté internationale. Dans ce document, on peut voir

17 clairement quelle était la politique générale suivie par l'état-major

18 général de l'UCK.

19 Q. Monsieur Krasniqi, pendant la pause est-ce que vous serez d'accord pour

20 que ces documents soient photocopiés de façon à ce qu'ils puissent être

21 traduits puis versés au dossier, si nécessaire, dans le cadre de l'espèce.

22 R. C'est pour cette raison précise que j'ai emmené avec moi ces documents,

23 dans le cadre de ma déposition.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous vous serions reconnaissants si,

25 Monsieur Krasniqi, ces documents pouvaient être photocopiés pendant la

Page 3334

1 pause. Vous comprendrez bien que nous devons bien comprendre quelle était

2 la manière de penser et d'agir de l'UCK. Ces documents aideraient les Juges

3 de cette Chambre en l'espèce. Donc, si vous êtes d'accord, vous pourriez

4 remettre ces documents à l'équipe de M. Whiting pendant la pause. Ceux-ci

5 se chargeront de les photocopier, et vous rendront les originaux. Merci

6 beaucoup.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Madame et Monsieur

8 les Juges. Parmi cette liasse de documents que j'aie avec moi, il y a un

9 autre document, un discours que j'ai tenu à l'occasion des funérailles des

10 victimes de Likoshan et Qirez. Je pense que ce document pourra également

11 aider ce Tribunal. Je pense que vous en ferez bon usage.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Krasniqi.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

15 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Q. Merci,

16 Monsieur Krasniqi. Nous photocopierons ces documents pendant la pause.

17 Mais pour le moment, nous allons aborder un autre sujet. J'attire votre

18 attention sur le communiqué numéro 3. Dans la version en albanais, il

19 s'agit du communiqué U008-1611. Dans la version en anglais, il s'agit du

20 communiqué U003-8561. Il apparaît également à l'écran grâce au système

21 d'affichage électronique. Il s'agit du communiqué numéro 43, en date du 4

22 mars 1998, publié dans Bujku, en page 11. Je pense que dans la version en

23 albanais ce passage figure en haut, à gauche de la page.

24 Est-ce que vous avez trouvé ce communiqué, Monsieur Krasniqi ?

25 R. Oui.

Page 3335

1 Q. Ce communiqué a-t-il été diffusé par l'état-major général ?

2 R. Oui.

3 Q. Ce qui m'intéresse particulièrement c'est une phrase située vers la fin

4 du document, où il est dit : "Mort aux ennemis et aux traîtres!"

5 Est-ce que le terme "traîtres" fait référence aux collaborateurs ?

6 R. Oui.

7 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais que l'on passe au communiqué

8 numéro 45, en date du 11 mars 1998, publié dans Bujku, en page 11. Dans la

9 version en albanais, il s'agit du communiqué

10 U008-1612; en anglais, U003-8566. Ce document apparaît également à l'écran

11 grâce au système d'affichage électronique. Je pense que dans la version en

12 albanais cela se trouve vers le bas de la page à droite.

13 Q. Monsieur Krasniqi, ce communiqué a-t-il été délivré par l'état-major

14 général ?

15 R. Oui.

16 Q. J'attire votre attention sur les premiers paragraphes de ce communiqué

17 dont je vais donner lecture.

18 "Au cours des jours qui ont suivi le 7 mars, nos forces armées ont connu

19 des affrontements sur un front large avec des formations des forces

20 occupantes de l'armée, de la police serbe, et des volontaires Chetniks.

21 "Des affrontements militaires se sont déroulés sur un front large de

22 Gllogoc [Glogovac]", excusez-moi si je prononce mal le nom, "en direction

23 de Skenderaj [Srbica] au nord, vers Kline, vers Mitrovice," et ainsi de

24 suite.

25 "Des formations militaires de l'UCK ont également eu des affrontements avec

Page 3336

1 les forces d'occupation dans la région de Llap, dans la région située entre

2 Decan, Gjakove [Djakovica], et Kline, et entre Malisheve et Rahovec

3 [Orahovac]. Il y a également eu des engagements militaires le long d'une

4 ligne située entre Decan et Peje [Pec]."

5 Ces différentes opérations qui sont décrites ici et qui se sont déroulées

6 entre le 7 mars et le 11 mars, date à laquelle ce communiqué a été publié,

7 ces différentes opérations, à votre connaissance, ont-elles véritablement

8 eu lieu ?

9 R. Oui.

10 Q. A présent, je souhaiterais que l'on passe au communiqué numéro 47.

11 M. WHITING : [interprétation] Dans la version en albanais, c'est au numéro

12 1614; en anglais, au numéro 8573. Il s'agit d'un communiqué en date du 13

13 mai 1998, communiqué numéro 47, publié dans Koha Ditore, en page 6. Je

14 pense que dans la version en albanais, cela figure en haut, à gauche de la

15 page 20 [comme interprété]. La version en anglais apparaît à l'écran.

16 Je rappelle aux Juges et à la Défense qu'il faut appuyer sur le bouton

17 consacré qui permet de voir apparaître les documents à l'écran.

18 Q. Ce communiqué a-t-il été publié par l'état-major général ?

19 R. Oui.

20 Q. Au début du communiqué, on peut lire que : "D'après les ordres donnés

21 par l'état-major de l'UCK, les opérations contre les troupes qui ont envahi

22 le territoire ont été menées dans la zone opérationnelle numéro 1, et ont

23 été menées au succès, à savoir, les sous-zones opérationnelles de Drenice

24 [Drenica], Erenik, Dukagjin [Dugadzini], Pashtrik [Pastrik], et Llap [Lap].

25 Au cours de combats intenses sur le front, les forces qui ont envahi le

Page 3337

1 territoire ont subi d'importantes pertes humaines et de matériel. Au cours

2 de cette période, les opérations ont été menées également contre les

3 collaborateurs albanais, qui, malgré des avertissements avant, n'ont pas

4 abandonné leurs activités antinationales."

5 Est-ce que les choses se sont passées ainsi ?

6 R. Je ne peux rien ajouter à ce communiqué, hormis le fait qu'il y a

7 quelques erreurs typographiques au début du texte. Oui. Nous parlons

8 maintenant du moment qui a suivi le massacre de Likoshan, après que

9 l'épopée de l'UCK à Prekaz. Quatorze personnes ont été tuées à Likoshan,

10 un soldat de l'UCK, ainsi que deux villageois qui ont résisté, et 11 civils

11 qui ne portaient pas d'armes et qui étaient chez eux dans leurs maisons.

12 C'est à ce moment-là que la famille Jashari, 22 membres de cette famille

13 ont été tués, et qu'environ 60 personnes au total dans le voisinage de

14 Jashari, la plupart des civils, ou des personnes âgées, des enfants et des

15 femmes, sans armes.

16 Bien évidemment, à ce moment-là, dans une certaine mesure, ce sont des

17 actes qui ont été commis par des personnes travaillant pour l'appareil

18 serbe. C'est à ce moment-là que la mobilisation a commencé et que l'UCK a

19 commencé à recruter des soldats. C'est à ce moment-là également qu'à

20 l'exception des personnes qui s'étaient déjà organisées au sein de l'UCK,

21 on constate que la population est solidaire de l'armée. C'est l'époque où

22 les villageois prennent les armes volontairement pour défendre leurs

23 maisons. C'est l'époque où on constate qu'il y a une mobilisation générale,

24 et que les gens affluent tellement en grand nombre. Ils veulent tellement

25 rejoindre l'UCK que l'armée des guérilleros se transforme maintenant en

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1 armée populaire.

2 Cette évolution a eu lieu sur un plan horizontal. Nous avons connu une

3 époque où l'UCK a procédé à une organisation structurelle de son

4 commandement et de ses dirigeants. Tout ceci a été fait de façon

5 systématique. Il fallait donc organiser toutes les personnes qui avaient

6 rejoint volontairement l'UCK. A ce moment, un certain nombre d'opérations

7 sont menées sans la connaissance de l'UCK à cause de la haine et du

8 mécontentement de la population qui souhaitait combattre l'ennemi.

9 Je souhaite également dire aux Juges de la Chambre que sans la solidarité

10 et la volonté de la population au Kosovo de rejoindre l'UCK, il y avait

11 également un autre élément moteur important, ils ne souhaitaient pas

12 abandonner leur maison, ils souhaitaient prendre les armes. Ceux qui ont

13 souffert à ces deux occasions étaient surtout des personnes qui ne

14 possédaient pas d'arme, qui se trouvaient chez elle. Ce que je souhaite

15 dire c'est que les citoyens du Kosovo ont rejoint l'UCK parce que ces

16 citoyens avaient peur. Un citoyen ne se sentait pas en sécurité, que ce

17 soit au marché, dans la rue ou chez soi. Le seul soutien que la population

18 trouvait était justement au sein de l'UCK. Cela n'était pas une situation

19 très facile à gérer pour une armée.

20 Une armée qui avait des aspirations politiques et qui comprenait quelque

21 300 à 400 personnes. Il n'était pas aisé de contrôler, ni de s'organiser

22 après les événements qui ont eu lieu en avril 1998. Je crois qu'il nous

23 faut analyser toutes les raisons et toutes les formes qu'ont pris

24 l'organisation de ces personnes qui ne souhaitaient pas quitter leurs

25 maisons, quitter leurs familles ou abandonner leurs emplois, défendre leurs

Page 3339

1 vies parfois au coût de leur propre vie.

2 Q. Vous dites que quelquefois ces actions ont été menées sans que l'UCK en

3 ait connaissance. Lorsque ceci s'est passé, est-ce que l'état-major général

4 en a été informé à posteriori ou non ?

5 R. L'état-major général, par l'intermédiaire de ces communiqués et de ces

6 différentes déclarations, souhaitait clairement asseoir la confiance des

7 citoyens, car il s'agissait d'organiser un organe qui leur servait de

8 guide.

9 Q. Très bien. Je souhaite vous reposer la question. Vous dites que

10 certaines actions ont été menées sans que l'état-major général ne soit au

11 courant. D'après vous, l'état-major général était-il tenu informé de ces

12 actions après coup, et ensuite le public en a été informé ou l'opinion

13 publique en a été informé par l'intermédiaire des ces communiqués ? Est-ce

14 ainsi que les choses se sont passées ?

15 R. Les communiqués avaient pour objet d'informer l'ensemble de la

16 population de différentes actions militaires menées à différentes époques

17 au Kosovo.

18 Q. Simplement, nous allons reparler, si vous le voulez bien, de la

19 question des communiqués. Le communiqué numéro 47, plus particulièrement,

20 le premier paragraphe que je souhaite aborder avec vous qui fait référence

21 des opérations dans différentes sous-zones, ainsi que les opérations menées

22 contre des collaborateurs albanais. La question que je souhaite vous poser

23 est celle-ci : ces opérations ont-elles véritablement eu lieu ?

24 R. Etant donné que tout ceci a été rapporté aux médias et que l'opinion

25 publique en a pris connaissance, cela a certainement dû se produire.

Page 3340

1 Q. Je souhaite maintenant attirer votre attention sur une phrase qui se

2 trouve au milieu environ de cette page, je vais la lire peut-être que vous

3 serez en mesure de la retrouver.

4 "Dans une opération-éclair menée par nos formations militaires, une

5 opération contre l'ennemie, une opération punitive a été organisée contre

6 l'ennemi sur la route principale de la sous-zone opérationnelle Pashtrik."

7 Avez-vous retrouvé cet endroit ?

8 R. Oui.

9 Q. Savez-vous à quoi on fait référence ici ? Quelle bataille est évoquée

10 ici, ou quelle route principale ?

11 R. Il n'est pas fait mention d'une bataille en particulier ici, mais, à

12 mon sens, c'est quelque chose dont je n'ai pas connaissance. Ce que je veux

13 dire c'est qu'il s'agissait-là d'éléments de propagande. Ce n'est pas

14 quelque chose qui pourrait servir de moyen de preuves et encore moins

15 devant un Tribunal comme ce Tribunal-ci.

16 Q. Qu'est-ce que vous entendez par-là, pourquoi dites-vous qu'il s'agit

17 d'éléments de propagande ?

18 R. Je respecte les Juges de la Chambre, je respecte les personnes qui

19 participent à cette procédure et je souhaite que ceci soit fondé sur des

20 faits pertinents. Je souhaite, encore une fois, vous dire qu'à mon sens ou

21 d'après moi cela ne me semble pas sensé de la part du Tribunal de

22 recueillir des déclarations qui sont celles émanant de l'état-major général

23 de l'UCK comme éléments servant à prouver la culpabilité de quelqu'un. Je

24 répète qu'il s'agissait-là d'éléments dans le domaine public, de documents

25 utilisés à des fins de propagande. Ces documents avaient pour objet

Page 3341

1 d'accroître le respect et l'autorité de l'UCK aux yeux du citoyen. Il

2 s'agissait de documents qui parlaient de la guerre également dans laquelle

3 nous étions engagée de façon à clairement faire comprendre qu'il s'agissait

4 d'une organisation qui s'organisait petit à petit pour que différentes

5 personnes aient envie de la rejoindre. Ceci a été fait, je crois, avec un

6 certain succès. En d'autres termes, il me semble que cela n'est pas très

7 approprié que d'utiliser ces éléments de propagande comme moyen de preuves

8 par l'Accusation pour lui permettre de condamner quelqu'un pour quelque

9 chose qu'il a fait d'une manière ou d'une autre, alors que c'est du domaine

10 public. Quel type d'opération, d'organisation prévalait à ce moment-là;

11 quels étaient les moyens dont disposait l'UCK à ce moment-là pour pouvoir

12 agir dans de telles circonstances, les circonstances de l'époque, au moment

13 où ces communiqués et ces déclarations ont été produits.

14 Q. Monsieur Krasniqi s'il y a un passage en particulier à propos duquel je

15 vous pose une question dans ces communiqués, si vous pensez qu'il s'agit

16 d'éléments de propagande, n'hésitez pas à me le dire, s'il vous plaît. A ce

17 moment-là, nous pourrons mener une enquête à ce sujet pour pouvoir avoir

18 des éléments supplémentaires dans ce cas-là. Je vais vous poser maintenant

19 une autre question. Vous-même, saviez-vous qu'il y avait une bataille -- un

20 combat qui avait eu lieu sur la route entre Pristina et Peja, près de

21 Lapusnik vers le 9 mai 1998 ? Saviez-vous qu'une telle bataille avait été

22 menée ?

23 R. Bien sûr, parce que mon village est tout près de Lapusnik.

24 Q. La phrase que je vous ai lue, il y a quelques instants : "Dans une

25 action-éclair menée par vos formations militaires, une opération menée

Page 3342

1 contre l'expédition punitive de l'ennemi sur la route principale dans la

2 sous-zone opérationnelle de Pashtrik a été menée à bien."

3 S'agit-il d'une référence à cela ou pas ?

4 R. Je sais de quoi il s'agit ici. Je sais également que Lapusnik et la

5 bataille qui a été menée à Lapusnik ne faisait pas partie de la zone de

6 Pashtrik. Ceci faisait partie de la zone opérationnelle de Drenoc.

7 Q. Pourriez-vous nous dire si vous le savez -- bon, je vais essayer de

8 procéder par étapes. Cette phrase que je viens de vous lire, s'agit-il, oui

9 ou non, d'un élément qui fait référence à la bataille de Lapusnik du 9

10 mai ?

11 R. On ne peut pas établir de liens ici avec Lapusnik. Je répète que la

12 distance entre Lapusnik et les villages voisins qui étaient placés sous le

13 commandement de la zone opérationnelle de Drenoc, et non pas de Pashtrik.

14 Q. Je vais vous poser d'autres questions sur ce point dans quelques

15 instants. Cette référence fait allusion à quoi ? Si vous voulez bien nous

16 le dire ou peut-être que vous ne le savez pas ?

17 R. J'aimerais que vous puissiez vous faire une idée sur la question.

18 J'aimerais que les Juges de la Chambre puissent comprendre. La zone de

19 Pashtrik comprenait les différentes municipalités de Prizren, Rahovec,

20 Malisevo et Suhareke, anciennement Suhareke, Orez [phon], alors que le

21 territoire dont il est question ici à Lapusnik est un territoire qui était

22 et est toujours, et fait partie de la municipalité de Drenoc et qui était

23 sous le contrôle -- enfin qui faisait partie de la zone opérationnelle de

24 Drenoc.

25 Q. J'ai bien compris ce que vous nous dites dans votre témoignage sur ce

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1 point, mais je souhaite maintenant reparler de ce communiqué numéro 47.

2 J'aimerais revenir sur cette phrase, si vous ne savez pas, répondez

3 simplement en disant que vous ne savez pas. Il y a une phrase qui se lit

4 comme suit :

5 "Une action-éclair menée par nos formations militaires est une opération

6 menée contre une expédition punitive de l'ennemi sur la route principale

7 dans la sous-zone opérationnelle de Pashtrik et celle-ci a été menée à

8 bien."

9 A quoi fait-on référence ici ?

10 R. J'ai déjà indiqué que la zone de Pashtrik comprend un territoire assez

11 important. Quelques actions ont peut-être été menées dans la municipalité

12 de Rahovec autour de Prizren et dans l'autre partie de la municipalité de

13 Malisevo, car c'était un territoire très important et peut-être que

14 certaines unités ont mené des opérations dans certaines de ces

15 municipalités.

16 Q. Lorsqu'on parle ici de routes principales dans cette phrase, à quoi

17 ceci fait-il allusion, s'il vous plaît ?

18 R. Oui. Il y a la route entre Pristina et Peja qui traverse la vallée de

19 Carraleve, mais non pas Komorane, Kline. Nous avons deux axes principaux.

20 Il n'est pas précisé de quelle route principale il s'agit ici. Après tout,

21 il m'est difficile aujourd'hui et à ce moment-là aussi de suivre toutes les

22 opérations qui étaient menées sur tous les tronçons de route au Kosovo.

23 Nous avions d'autres obligations à honorer à ce moment-là.

24 Q. Vous seriez d'accord avec moi pour dire que Lapusnik se trouve dans la

25 municipalité de Gllogoc, n'est-ce pas ? Pardonnez-moi, j'ai certainement dû

Page 3344

1 écorcher ce nom. C'est bien la municipalité dans laquelle se trouve

2 Lapusnik ?

3 R. Oui.

4 Q. Cette municipalité se trouvait dans quelle sous-zone opérationnelle,

5 s'il vous plaît en mai 1998, si vous le savez ? Cela se situe-t-il dans une

6 --

7 R. Oui. Cela je le sais. Cela faisait partie de la zone opérationnelle de

8 Drenica numéro 1.

9 Q. L'ensemble de la municipalité, d'après vous, faisait-elle partie de

10 cette sous-zone opérationnelle de Drenica ?

11 R. Drenica, Skenderaj, ces municipalités-là et une partie de Klina, de la

12 municipalité de Kline et une partie de Kastriot Obiliq et de ces

13 municipalités-là en faisaient partie.

14 Q. Ma question est celle-ci : l'ensemble de la municipalité de Gllogoc se

15 trouvait-elle dans la zone de Drenica ? Ou est-ce que cette municipalité

16 était divisée ?

17 R. L'ensemble de la municipalité faisait partie de cette zone.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pensez-vous que le moment est venu

19 pour faire une pause ?

20 M. WHITING : [interprétation] Oui, tout à fait.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous venez de déposer pendant une

22 heure et demie. Nous allons faire une pause et reprendre à 17 heures 55.

23 --- L'audience est suspendue à 17 heures 33.

24 --- L'audience est reprise à 17 heures 57.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, poursuivez.

Page 3345

1 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Monsieur Krasniqi, je voudrais d'abord revenir, si

3 M. l'Huissier veut bien m'aider, aux documents que vous avez fournis.

4 Merci, de nous avoir donné ces documents.

5 M. WHITING : [interprétation] Nous les avons photocopiés, et je tiens à

6 préciser que j'ai fourni une photocopie de ces documents à la Défense. Le

7 week-end sera long. Il nous donnera l'occasion d'en assurer la traduction.

8 Je n'ai fourni qu'un exemplaire à la Défense, mais j'en ai une autre si le

9 conseil la désire.

10 Q. Une dernière question, Monsieur Krasniqi, à propos du communiqué 47,

11 dont nous débattions avant la pause. Est-ce que vous l'avez sous les yeux,

12 le numéro 47 ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans ce premier paragraphe, il est fait référence à la zone

15 opérationnelle numéro 1, puis à des sous-zones opérationnelles. Dans ce

16 paragraphe, la zone opérationnelle numéro 1, est-ce qu'elle renvoie à la

17 totalité du Kosovo ou à quelque chose d'autre ?

18 R. Oui, ici cette zone fait référence à la totalité du Kosovo.

19 M. WHITING : [interprétation] Je veux maintenant examiner un autre

20 document, le communiqué numéro 49. En anglais, il porte la cote 8577. Il va

21 apparaître à l'écran. Dans la version en albanais, il s'agit du 1615, en

22 bas à droite de la page en albanais. La date concernée est le 13 juillet,

23 et ce communiqué apparut au Koha Ditore, page 2.

24 Q. Monsieur Krasniqi, est-ce que ce communiqué-ci a été délivré par

25 l'état-major général ?

Page 3346

1 R. Oui. C'est la direction chargée de l'Information de l'UCK qui l'a

2 diffusé.

3 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu'était cette direction de l'Information

4 dans l'UCK ?

5 R. C'était une direction chargée de l'information du public.

6 Q. En tant que porte-parole, est-ce que c'est vous qui étiez à la tête ?

7 Est-ce que c'est vous qui aviez la responsabilité de cette direction

8 chargée de l'Information ?

9 R. Non, ce n'était pas moi le responsable. Je crois qu'il y a une erreur

10 ici, parce qu'on pourrait penser que l'information ce sont des

11 renseignements. En albanais, on dit, informative. C'est peut-être mal

12 traduit. On veut parler ici d'une direction chargée de l'Information

13 publique.

14 Q. Je vais vous poser une autre question susceptible de tirer ceci au

15 clair. Est-ce que l'état-major général a approuvé, a avalisé ce communiqué-

16 ci ? Je vous demande de prendre la fin de ce document qui dit ceci, je cite

17 : "C'est ainsi que se termine le communiqué numéro 49 de l'état-major

18 général de l'UCK."

19 Est-ce que ce communiqué-ci a été approuvé par l'état-major général ?

20 R. Oui.

21 Q. Je vais vous demander de regarder la troisième phrase que l'on trouve

22 dans ce document. Je vais vous la lire.

23 "Des mesures ont été prises également à l'encontre de collaborateurs

24 irrédentistes qui continuent à œuvrer contre nos intérêts nationaux. Des

25 opérations sont en cours en vue de renforcer et d'élargir les positions se

Page 3347

1 trouvant sous le contrôle de nos forces dans les sous-zones de Pashtrik,

2 Llap, Drenice, Karadak et Dukagjin au sein de la zone opérationnelle numéro

3 1.

4 "Nos formations ont été couronnées de succès et nos formations ont mené

5 avec succès, les opérations de grande envergure dans la sous-zone de

6 Pashtrik"

7 Est-ce que vous voyez ceci dans le communiqué ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que c'est exact ? Est-ce que ces choses-là se sont bien

10 passées ?

11 R. Je le répète : Il s'agit ici d'un élément de propagande. Si l'on essaie

12 de se servir de ces éléments à d'autres fins, il est inutile d'en discuter.

13 Nous nous trouvions en guerre, et c'était une guerre très inégale. On ne

14 pouvait pas dire à notre population de nous rejoindre, alors que nous

15 n'étions pas organisés.

16 Q. Nous allons en venir à cette organisation de l'UCK dans un instant par

17 le biais de certains communiqués, et c'est peut-être à cela que vous pensez

18 lorsque vous parlez de la propagande. Mais ici on ne parle pas de questions

19 d'organisation mais bien d'autres choses. Vous nous avez déjà dit que

20 parfois des collaborateurs ont été tués. La question que je vous pose

21 maintenant est celle-ci. Ici vous dites, et je cite : "Des mesures ont

22 aussi été entreprises contre certains collaborateurs radicaux, durs, qui

23 travaillent toujours contre nos intérêts nationaux." Je vous demande si

24 c'est vrai, si des mesures à ce moment-là sont toujours en train d'être

25 prises à l'encontre des collaborateurs ?

Page 3348

1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président --

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois --

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant, Monsieur le Témoin.

5 Oui, Maître Guy-Smith.

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que M. Whiting a mal interprété ce

7 que dit cette déclaration. On ne trouve pas ces mots. On ne dit pas "des

8 mesures sont encore prises", mais "les mesures ont aussi été prises".

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'est pas ce qu'il a cité. C'était

10 sa question de suivie.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je comprends.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il enchaînait sur des questions posées

13 auparavant.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je pensais que ceci risquait de semer

15 la confusion puisque la question était posée dans le contexte précis de ce

16 communiqué-ci.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith,

18 mais je pense que ceci ne va aucunement semer la confusion dans l'esprit de

19 ce témoin.

20 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Monsieur Krasniqi, je veux vous reposer la question. Je vous demande de

22 vous rapporter à cette phrase, je la relie : "Des mesures ont aussi été

23 prises contre certains collaborateurs radicaux ou durs qui travaillent

24 toujours contre nos intérêts nationaux."

25 C'est publié le 13 juillet 1998. Est-il vrai qu'à ce moment-là on était

Page 3349

1 encore en train de prendre des mesures contre les collaborateurs ?

2 R. Madame et Messieurs les Juges, je crois que j'ai déjà épuisé la

3 question. J'ai déjà répondu à cette question et à mon avis le fait de

4 répéter les mêmes idées n'obtiendra pas de moi une autre réponse que celle

5 que j'ai déjà fournie.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Krasniqi, les questions ne

7 sont pas destinées à obtenir une autre réponse. Les questions essaient de

8 déterminer s'il y a eu une modification s'agissant des postions adoptées

9 comme l'expliquent ces communiqués, parce qu'ici ces communiqués couvrent

10 une période de plusieurs mois. C'est du moins comme cela que je comprends

11 la question qui vous est posée. Elle ne cherche pas à revenir sur ce que

12 vous avez dit. Ce n'est pas que ce que vous avez dit à propos du

13 comportement serait maintenant ignoré ou laissé de côté. La question posée

14 ici consiste à savoir quelque chose visant à savoir si ce genre de choses

15 continuait de se produire en juillet. Merci de faire preuve de patience et

16 accepter de répéter certaines choses s'il s'agit de tirer ces choses au

17 clair.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends. Je suis ici pour expliquer ce

19 qui s'est passé sous un angle d'avantage politique, plutôt que du point de

20 vue opérationnel. Cependant, je tiens à dire que ce communiqué ou ces

21 communiqués sont le produit de la direction chargée de l'Information, et

22 ils parlent d'avantage de ce qui s'est passé avant le 13 juillet 1998.

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Je comprends bien. Cependant, si vous ne savez pas, d'ailleurs dites-le

25 simplement. Cependant, disais-je, par rapport à cette phrase qui dit que

Page 3350

1 "Des mesures ont aussi été prises contre certains collaborateurs jusqu'au-

2 boutistes qui œuvrent toujours contre nos intérêts nationaux," est-ce que

3 vous savez si c'est vrai que jusqu'à lors, jusqu'à la date du 13 juillet

4 1998 des mesures continuaient d'être prises contre les collaborateurs ?

5 R. Je vous dis que nous avons pris des mesures contre tous les agents

6 violents du régime de Milosevic à l'époque au Kosovo.

7 Q. Et vous dites contre "tous les agents violents du régime Milosevic au

8 Kosovo", est-ce que vous incluez dans ce nombre les collaborateurs ?

9 R. Mais ils faisaient partie. C'étaient des rouages du même mécanisme du

10 même régime.

11 Q. La même phrase semble parler d'opérations militaires, d'opérations ou

12 d'actions armées menées par L'UCK avant le 13 juillet 1998, et plus

13 précisément dans les sous-zones de Pashtrik, Llap, Drenice, Karadak, et

14 Dukagjin. Et on parle d'opérations de grandes envergues dans la sous-zone

15 de Pastrik. Est-ce que vous savez si ces opérations mentionnées ici se sont

16 bien produites ?

17 R. Il faut replacer de tels communiqués dans le contexte de la propagande

18 et des batailles concrètes qui se mènent dans toutes les guerres, comme ce

19 fut le cas au Kosovo. Mais si on prend la période allant jusqu'à la mi-

20 juillet, je me dois de dire qu'il n'y a pas eu beaucoup d'actions

21 opérationnelles menées jusque-là. Elle commence seulement à partir de la

22 deuxième moitié du mois de juillet, se poursuivre pendant tout le mois

23 d'août et en septembre. Mais il y avait a part cela des actions notoires

24 menées par les serbes contres des villages albanais, et de 70 % à 100 % de

25 415 localités ont été rasées de la carte.

Page 3351

1 Q. Je comprends que votre réponse est au regard de la recrudescence

2 d'activité qu'il y a eu, d'activité militaire après le la mi-juillet. Mais

3 avant la publication de ce communiqué-ci, avant le 13 juillet, est-ce qu'il

4 y a eu des opérations dans les zones mentionnées dans ce communiqué,

5 qu'elles étaient de petites tailles ou de grandes tailles, est-ce qu'elles

6 ont bien eu lieu, d'après ce que vos savez ?

7 R. Elles ont eu lieu mais pas avec l'ampleur indiquée dans ce communiqué.

8 Q. Je comprends. Nous allons passé à autre chose et nous allons prendre le

9 communiqué numéro 51 qui se trouve en fait à l'intercalaire 6, dans cette

10 liasse de documents.

11 M. WHITING : [interprétation] Je précise que pour le dossier de l'audience

12 que la version en anglais fait deux pages et a pour titre, "Porte-parole :

13 l'UCK est une armée institutionnalisée, 'structurée'. La date est celle "du

14 26 août 1998, télévision de Tirana", en albanais, et vous avez ensuite la

15 version en albanais, qui fait elle aussi deux pages. La deuxième partie du

16 texte en anglais est affichée à l'écran.

17 Q. Prenez le temps de lire ceci, Monsieur Krasniqi. Je n'ai pas la version

18 au journal quotidien, parce qu'apparemment, cela a été transmis à la

19 télévision. Je vois que vous parcourez les documents que vous avez

20 apportés. Je n'ai pas trouvé l'article de presse correspondant dans vos

21 dossiers, mais je vous en prie, essayez de le trouver vous-même ?

22 R. Oui, j'ai ici une déclaration qui a paru dans Bujku le

23 28 juillet 1998. Je crois que c'est le même.

24 Q. Vous dites le 28 juillet 1998 ?

25 R. Le 28 juillet 1998.

Page 3352

1 Q. Cet article qui a paru dans Bujku le 28 juillet 1998, cela correspond,

2 ou c'est le communiqué 51 ?

3 R. Non, c'est une déclaration politique.

4 Q. D'accord. Est-ce qu'elle porte un numéro ? Je parle de l'article de

5 Bujku ? Est-ce que cela dit "Déclaration politique, numéro un tel" ?

6 R. Oui, numéro 5.

7 Q. Le document que je vous soumets, apparemment, c'est le communiqué 51

8 qui porte la date du 26 août 1998. Apparemment, c'est quelque chose

9 d'autre. Ce n'est pas la même chose que le document paru dans le Bujku dont

10 vous parlez. Contentez-vous de regarder le document que je viens de vous

11 soumettre. Est-ce que vous vous souvenez de ce communiqué, le communiqué

12 51, qui porte la date du

13 26 août ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu'il émane de l'état-major général ?

16 R. C'était au moment de l'offensive du mois d'août. Les combats étaient

17 âpres dans toutes les zones, surtout à Drenica et à Pastrik, mais aussi

18 dans la zone de Dukagjin. Nous nous sommes concertés. Nous avons discuté

19 par téléphone de la situation qui avait surgi. Les zones de guerre nous ont

20 appris ce qui s'était passé, et nous, nous avons délivré ce communiqué de

21 l'état-major général, que vous avez sous les yeux.

22 Q. Prenez la dernière phrase de ce communiqué qui dit ceci : "L'UCK est

23 une armée institutionnalisée, organisée et structurée, qui ne cesse de

24 devenir de plus en plus professionnelle et de plus en plus prête à lutter

25 jusqu'à la victoire."

Page 3353

1 R. Une fois de plus, je reviens à ce que j'ai dit plusieurs fois. Dans

2 tout le Kosovo à l'époque -- le Kosovo tout entier était en proie à la

3 guerre à cause de la police, de l'armée serbe, à cause des paramilitaires

4 serbes qui étaient dirigés par un commandement qui n'avait qu'un objectif

5 qui était déjà le leur depuis 1945. A ce moment-là, l'armée serbe avait

6 pénétré dans pratiquement toutes les zones contrôlées par l'UCK. Nous nous

7 trouvons ici un moment où moi, dans l'état-major général, il m'était

8 impossible de dire que l'UCK était démantelé et n'était pas organisé. Il

9 faut regarder certaines choses de très près. Il faut faire attention. Je le

10 précise, ce sont des éléments de propagande. Ce ne sont aucunement des

11 éléments de preuve même dans des juridictions inférieures. Ces documents ne

12 seraient devenus des pièces à conviction, et surtout pas ici. Ce sont des

13 éléments de propagande qui montrent qu'en dépit des pertes subies ici, on

14 le dit dans le compte rendu d'audience, 450 et non pas 415 comme le disait

15 le compte rendu d'audience, 450 lieux ont été rasés de la carte. La

16 communauté internationale l'a vu à la télévision. Elle a suivi la BBC et

17 d'autres chaînes de télévision qui montrait la police serbe, l'armée serbe

18 qui incendiait les villages du Kosovo. Ce sont ici des éléments de

19 propagande. Après cette période-ci, malgré tout, nous avons réussi à

20 progresser dans notre guerre de libération et nous renforcer.

21 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais le versement de ce document,

22 et qu'on lui attribue une côte.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P138.

25 M. WHITING : [interprétation]

Page 3354

1 Q. Je vais vous présenter un autre communiqué. Il s'agit du communiqué

2 numéro 53 que je renvoie à l'intercalaire numéro 1 en anglais et numéro 2

3 en albanais. La version en anglais, cela correspond à la référence 8606, en

4 albanais 1616.

5 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier de bien

6 vouloir aider le témoin à retrouver ce document.

7 Monsieur l'Huissier, ayez l'obligeance de bien vouloir aider le témoin à

8 retrouver le document portant le numéro ERN dont les quatre chiffres sont

9 1616. Dans la version en albanais, je pense, que cela se trouve en bas à

10 droite de la page. Ce communiqué a été publié dans Koha Ditore le 19

11 septembre 1998, en page 2. Ce communiqué, le numéro 53, émane t-il de

12 l'état-major général ?

13 R. Oui.

14 Q. Je vous demanderais de regarder la quatrième ou la cinquième phrase de

15 ce texte où il est dit, je cite : "Différentes mesures primitives sont

16 également prises contre les éléments collaborateurs qui continuent à servir

17 l'occupant." Excusez-moi, si ma question vous paraît très répétitive, mais

18 je pense qu'elle nous permet de mieux comprendre les choses. A l'époque, en

19 septembre 1998, lorsque ce communiqué a été publié, est-ce que des mesures

20 étaient encore prises à l'encontre des personnes qui collaboraient avec le

21 régime serbe ?

22 R. Je vous répète qu'il s'agit d'un document de propagande. Bien entendu

23 que des mesures étaient prises à l'encontre de tous ceux qui avaient nui

24 aux activités politique et militaire menées par l'UCK.

25 Q. Est-ce que cela incluait les collaborateurs ?

Page 3355

1 R. Oui, bien sûr.

2 Q. Outre ces communiqués, avez-vous également donné des interviews aux

3 médias au cours de cette période, c'est-à-dire, pendant l'année 1998, en

4 votre qualité de porte-parole de l'UCK ?

5 R. Oui, absolument. Cela faisait partie de mes fonctions et de mes

6 obligations.

7 Q. Je souhaiterais vous renvoyer au document qui figure à l'intercalaire

8 numéro 4 de cette liasse de documents.

9 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à Monsieur l'Huissier de bien

10 vouloir m'aider.

11 La version en albanais de ce texte porte les références U008-6944 à 6945.

12 La version en anglais n'a pas de numéro ERN. Il s'agit d'un document

13 composé de deux pages intitulé, "Déclaration faite à la télévision par

14 l'Armée de libération du Kosovo", publiée dans Bujku le 16 juin 1998 en

15 page 15.

16 Monsieur Krasniqi, dans la version en albanais - ceci apparaît en bas à

17 gauche. Vous disposez peut-être d'un exemple de ce document dans le dossier

18 que vous avez avec vous.

19 R. Oui, effectivement.

20 Q. S'agit-il d'un article relatif à la première déclaration que vous avez

21 faite depuis Klecka en tant que porte-parole de l'UCK le 15 juin 1998 ?

22 R. Effectivement.

23 Q. Est-ce que ceci reflète correctement les propos que vous avez tenus

24 lors de votre première déclaration ce jour-là ?

25 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, le

Page 3356

1 11 ou le 12 juin 1998, l'état-major général m'a nommé porte-parole de

2 l'UCK, afin que je communique avec les médias de langue albanaise, en

3 albanais. A l'époque, les médias du monde entier, d'Europe et des Etats-

4 Unis, s'intéressaient à nous. A l'époque, les dirigeants de l'UCK n'étaient

5 pas connus du public ni des soldats en raison des circonstances que j'ai

6 décrites plus tôt; en raison des risques que présentaient les services

7 secrets serbes qui avaient infiltré les rangs de l'armée et de la

8 population. Telle était là la tâche qui incombait à la police secrète

9 serbe.

10 Cependant, l'opinion publique n'était pas directement informée de

11 l'identité des dirigeants de l'UCK. C'est dans ces circonstances que

12 l'état-major général m'a nommé porte-parole de l'UCK. J'ai volontiers

13 accepté ce poste en connaissant pertinemment les risques que j'encourais,

14 moi et ma famille. Car toute ma famille habitait au village. J'ai accepté

15 ce rôle, puisque j'étais déjà engagé politiquement parlant dans des

16 activités menées à l'encontre du régime de Belgrade. Après avoir informé le

17 public par le biais de la déclaration numéro 3, de ma désignation en tant

18 que porte-parole de l'UCK le 13 juin, j'ai fait ma première déclaration au

19 public devant la télévision albanaise pour la section qui ne travaillait

20 pas à Pristina, mais qui travaillait dans le cadre de la structure de la

21 télévision albanaise à Tirana. Il s'agit là de la déclaration que j'ai

22 faite dans le but d'informer les Albanais. J'ai présenté à cette occasion

23 certains volets du programme de l'UCK. Je tiens à dire que cette

24 déclaration n'est pas entièrement fidèle à la situation pour ce qui est des

25 dirigeants de l'UCK. J'ai déjà dit quelles étaient les circonstances à

Page 3357

1 l'époque. Nous n'étions pas en mesure de contrôler tout le monde par

2 crainte du régime. J'ai parlé en des termes élogieux le plus fidèlement

3 possible des hauts dirigeants de l'UCK. Il vous faut garder à l'esprit

4 qu'une armée de guérilléros, à certains moments, ne pouvait pas être

5 composée de plus de trois personnes. Ce fut le cas jusqu'en novembre 1997.

6 A ce moment-là, l'organisation s'est développée au cours de l'année 1998.

7 Nous manquions d'armes, nous manquions de moyens financiers. Nous n'étions

8 pas prêts ni nécessairement disposés à lutter contre l'occupant.

9 Q. Monsieur Krasniqi, j'ai hésité à vous interrompre, mais vous aurez

10 l'occasion d'en dire davantage au sujet de tous ces documents. Ma question

11 pour le moment est la suivante : est-ce que ce document que vous avez sous

12 les yeux, cet article extrait de Bujku en date du 16 juin 1998, reflète

13 fidèlement les propos que vous avez tenus dans le cadre de votre première

14 déclaration ?

15 R. Puisque j'ai ce document sous les yeux, je souhaite en lire une phrase

16 : "L'état-major général de l'UCK appelle tout les citoyens où qu'ils

17 soient, tous les combattants de la liberté, tous les experts en matière

18 militaire, tous les militaires de carrière, à répondre à l'appel de la

19 patrie." Il s'agissait d'un appel demandant à tous de rejoindre les rangs

20 de l'UCK. C'est ce qui est indiqué ici.

21 Q. Oui, je comprends, Monsieur Krasniqi. Nous pouvons voir cela dans

22 ce document. Ceci m'amène à une autre question qui est la suivante : après

23 avoir été nommé porte-parole de l'UCK, vous avez donné un certain nombre

24 d'interviews, vous avez fait un certain nombre de déclarations aux médias.

25 Est-ce qu'à ces occasions, vous vous exprimiez au nom de l'état-major

Page 3358

1 général ou en votre propre nom ?

2 R. Le public ne me connaissait pas officiellement en qualité de

3 porte-parole chargé de décrire la politique menée par l'état-major général

4 de l'UCK. Je n'étais plus un individu; je représentais la politique de

5 l'état-major général et l'UCK à l'époque.

6 Q. Excusez-moi, il y a eu un petit problème de traduction.

7 L'INTERPRÈTE : Il s'agissait d'une erreur de traduction. Le témoin a

8 déclaré j'ai été officiellement connu en tant que porte-parole.

9 M. WHITING : [interprétation] Je remercie les interprètes d'avoir précisé

10 cela.

11 Q. Revenant au présent document, cet article paru dans Bujku le 16 juin

12 1998. Vous avez donné lecture d'une phrase dans laquelle on appelle tout le

13 monde à rejoindre les rangs de l'UCK. Est-ce que le reste de ce texte

14 reflète fidèlement ce que vous avez déclaré dans votre première déclaration

15 en tant que porte-parole de l'UCK ?

16 R. Tout ce que j'ai dit le 16 juin, j'en assume la pleine responsabilité.

17 Je n'essaie pas de dire que je n'ai pas fait cette déclaration. Je ne

18 conteste pas cela.

19 Q. Je vous remercie. Je souhaite attirer votre attention sur une phrase

20 particulière de cet article. Vous avez déjà lu un extrait de ce texte, mais

21 il s'agit d'un autre passage où il est dit, je

22 cite : "L'état-major de l'UCK est d'avis qu'à ce stade, le pluripartisme

23 est un luxe."

24 Est-ce que vous voyez cela ?

25 R. Oui.

Page 3359

1 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que cela signifie ?

2 R. Oui.

3 Q. A l'époque, au Kosovo, il y avait de nombreux partis politiques. Aucun

4 d'entre eux, je pense, sans exception, ou plutôt à l'exception du Parti

5 parlementaire du Kosovo, avait cessé ses activités politiques alors

6 qu'aucun d'entre eux n'a abandonné ses activités politiques. Ils gênaient

7 le développement de l'UCK et le soutien qui lui était fourni. Ils s'en

8 tenaient à certaines positions qui nous paraissaient dénuées de sens. En

9 temps de guerre, même les états qui sont bien organisés, démantèlent

10 certaines institutions et concentre les responsabilités au sein d'un seul

11 organe. Parfois même le parlement est dissolu. Nous pensions qu'il

12 s'agissait d'un luxe que d'avoir plusieurs partis politiques sous la

13 tutelle du régime serbe.

14 Q. Merci.

15 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait attribuer une cote à

16 ce document ?

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera versé.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P139, pièce à

19 conviction de l'Accusation.

20 M. WHITING : [interprétation] Intercalaire numéro 5 maintenant, s'il vous

21 plaît. Si nous pouvions remettre au témoin l'intercalaire numéro 5, s'il

22 vous plaît. Pour les besoins du compte rendu d'audience, je dois préciser

23 que le document en anglais est un document de trois pages, intitulé "Porte-

24 parole de l'UCK dit que l'objectif est l'unification de tous les Albanais,"

25 cité du journal Der Speigel, extrait du 6 juillet 1998, pages 122 à 123,

Page 3360

1 [comme interprété] ensuite, une traduction de six pages [comme interprété].

2 Q. Monsieur Krasniqi, vous souvenez-vous avoir accordé une interview à Der

3 Speigel au début du mois de juillet 1998 ?

4 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je me souviens très bien

5 avoir donné une interview à Der Speigel. J'ai moi-même donné cette

6 interview.

7 Q. L'article du journal qui faisait état de cette interview, d'après vous,

8 est-ce que c'était un compte rendu exact ?

9 R. A quelques exceptions près, toute l'interview a été relatée de façon

10 exacte.

11 Q. A quelques exceptions près, qu'est-ce que vous entendez par là ? Est-ce

12 que cela portait sur quelque chose de particulier ?

13 R. Il est vrai qu'il s'agissait surtout d'éléments politiques. A ce

14 moment-là, je n'y ai pas prêté trop d'attention. Le journaliste célèbre du

15 Der Speigel a raconté la manière dont -- à parlé de la guerre et

16 d'évolution de la situation politique du Kosovo. Après les événements de

17 juin 1998, j'étais convaincu que le régime serbe lui avait ordonné

18 d'insuffler une autre orientation à la guerre et à l'UCK. Au cours de cette

19 interview, j'ai dit que l'Armée de libération du Kosovo combattait, ou se

20 battait pour obtenir l'unification des territoires occupés. Je n'ai pas dit

21 ce qu'elle a dit. Je crois qu'elle a parlé de Grande Albanie ou quelque

22 chose comme cela. C'est ce point-là que je contestais.

23 Q. Hormis cette question-là, à savoir que l'objectif de l'UCK était de

24 parvenir à l'unification des territoires occupés aux fins de créer une

25 Grande Albanie, hormis cela, l'article publié par le Der Speigel était-il

Page 3361

1 exact ? Reprenait-il vos propos au cours de l'interview ?

2 R. Oui. Hormis cela, c'était exact.

3 Q. Le point que vous venez de soulever à propos de l'objectif de l'UCK,

4 ceci a fait l'objet d'une certaine polémique après que cet article ait été

5 publié dans le Der Spiegel ?

6 R. Comme je vous l'ai dit, ceci a produit un certain effet sur le plan

7 politique, car l'objectif de l'UCK était, prétendument, de déstabiliser

8 dans l'ensemble de cette région des Balkans. Notre guerre était une guerre

9 complètement transparente. Nos exigences auraient pu être plus importantes

10 ou moins importantes. Après avoir consulté les membres du mouvement

11 albanais ainsi que des analystes politiques, des politologues du monde

12 occidental, nous avons concentré l'ensemble des activités de l'UCK au

13 Kosovo.

14 Q. Eu égard à cet article, je souhaite attirer maintenant votre attention

15 sur la question -- qui est sans doute -- la quatrième question. Le journal

16 vous pose une question à propos de Rugova. Vous répondez tel que cela a été

17 traduit :

18 "La politique du LDK qui est dirigé par Rugova, n'a abouti qu'à des échecs

19 au cours des 10 dernières années. Les Albanais ne font plus confiance à

20 cette politique. Rugova a commis trop d'erreurs."

21 Vous avez déjà parlé de ce sujet, et vous vous êtes déjà étendu sur ce

22 sujet. Je souhaitais vous poser cette question : avez-vous dit cela au

23 cours de l'interview ?

24 R. Je vous ai dit qu'au cours de l'interview à Pristina, que c'est ce que

25 je pensais à l'époque, et que mon avis n'a pas changé depuis.

Page 3362

1 Q. La dixième question maintenant. Je vais essayer de vous aider à

2 retrouver cette phrase dans le texte que vous avez dans votre langue. Cette

3 question porte sur le commandement central de l'UCK. Vous répondez -

4 j'espère que vous allez pouvoir trouver cette partie du texte :

5 "L'UCK n'a qu'un seul état-major général et un commandant suprême. Les

6 décisions d'ordre militaire sont prises ici au Kosovo. Pour l'instant, je

7 suis la seule personne à pouvoir parler au nom de l'UCK."

8 Cette question a déjà été abordée par vous. Je souhaite vous poser la

9 question suivante : avez-vous effectivement bien dit cela au cours de

10 l'interview ?

11 R. Oui, j'ai effectivement dit cela. Si vous le souhaitez, je peux vous

12 expliquer pourquoi j'ai dit cela.

13 Q. Je vous en prie, mais soyez bref.

14 R. Etant donné que mon rôle consistait à communiquer avec le public, le

15 fait est, qu'à ce moment-là, au Kosovo, on ne savait pas qui étaient les

16 personnes avec lesquelles nous communiquions. Pour que chacun puisse

17 exprimer son opinion personnelle ou ses opinions politiques, cela était

18 difficile, car cela avait semé la confusion parmi les rangs de l'UCK, et

19 avait un effet négatif sur la guerre. Ceci pouvait également semer la

20 confusion au sein des cercles diplomatiques, car il y avait des gens qui

21 avançaient l'idée d'une guerre juste au Kosovo. Il y avait un certain

22 nombre de risques que nous encourrions. Nous étions mal préparés. Nous

23 savions, néanmoins, qu'il nous fallait prendre un certain nombre de

24 précautions. Malgré cela, nous connaissions le sort qui pourrait nous être

25 réservé aux mains des Serbes ou des collaborateurs. Nous avons tenté malgré

Page 3363

1 tout, et en pleine connaissance, en sachant pertinemment quels risques nous

2 encourrions, nous souhaitions quand même défendre les objectifs politiques

3 de l'UCK.

4 Nous avons fait ceci, parce que nous souhaitions que le public ou la

5 communauté internationale, que l'opinion publique, que tout le monde sache

6 exactement ce que représentait l'UCK et quel était notre combat.

7 Q. Je souhaite vous poser une dernière question à propos de cette

8 interview qui suit de près la question qui vient d'être posée. Le

9 journaliste demande : "En occident, on considère que l'UCK est souvent

10 représenté comme un mouvement terroriste. Pourquoi cette organisation tue-

11 t-elle des Albanais pacifiques ?"

12 Vous avez répondu en disant : "Les collaborateurs ont été prévenus que nous

13 allons les tuer s'ils continuent à adopter la mauvaise -- continuent à

14 emprunter le mauvais chemin. Néanmoins, en tant qu'armée, vous avez

15 évidemment respecté les règles qui s'appliquent dans le cas d'un conflit."

16 Répondez à ma question. Est-ce que vous avez dit ceci au cours de

17 l'interview ?

18 R. Oui, j'ai dit cela. Je souhaite expliquer ceci, si c'est possible.

19 Q. Pardonnez-moi, pouvez-vous --

20 R. S'il vous plaît --

21 Q. Je voudrais seulement demander si vous pouvez --

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur

23 Whiting vous pose une question.

24 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Monsieur Krasniqi, vous pouvez nous l'expliquer. Il nous reste cinq

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1 minutes avant la fin de l'audience, et je vais vous demander si c'est

2 possible de nous fournir une explication assez courte de façon à pouvoir en

3 terminer avec ce document avant la fin de cette audience.

4 R. Je vais être bref. Je pense que toute tentative qui consiste à défendre

5 l'UCK qui s'est battu contre les Albanais après la guerre et après toutes

6 les pertes que nous avons subies pendant la guerre est une tentative qui

7 cause beaucoup de dommages à nous et à notre guerre. Nous n'avons jamais eu

8 pour objet de tuer des Albanais, comme cela a été prétendu. Les meurtres ou

9 les assassinats n'ont jamais été un objectif pour nous. Ceci est arrivé

10 lorsque notre peuple n'avait pas d'autres possibilités. Nous nous sommes

11 battus contre la police serbe et contre l'armée serbe, et contre tout

12 l'appareil serbe qui avait été mis en place au Kosovo. Nous n'avons pas

13 combattu contre les Albanais. Nous avons combattu en faveur des Albanais.

14 Au Kosovo, aujourd'hui, tout le monde sait qu'il s'agit de des anciens

15 membres de l'UCK.

16 Je crois qu'il s'agit d'une insulte qui est faite au nom de l'UCK et du

17 peuple albanais, que nous nous sommes prétendument battu contre les

18 Albanais et non pas contre les Serbes violents. Je crois qu'il faut stopper

19 ceci. Nous, Madame, Messieurs les Juges, nous n'avons jamais eu aucun

20 démêlé avec la justice. Nous n'avons jamais fait usage de la force et au

21 cours de l'histoire la force a été invoquée comme un instrument de justice.

22 Q. Monsieur Krasniqi, pour que les choses soient bien claires, personne ne

23 prétend que l'objectif de l'UCK était de tuer des Albanais, vous nous avez

24 fourni une explication à cet égard et je crois que ceci est maintenant bien

25 clair dans votre témoignage.

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1 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je demande à ce qu'on

2 attribue une cote à ce document, s'il vous plaît.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document comportera la cote P140.

5 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le moment

6 est venu peut-être de suspendre l'audience.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Krasniqi, nous sommes arrivés

8 à la fin de notre journée d'audience. Il nous faut lever l'audience

9 maintenant et comme les Juges ont d'autres obligations demain, nous ne

10 pourrons malheureusement pas poursuivre votre témoignage avant lundi. Nous

11 allons vous demander de bien vouloir revenir lundi à 14 heures 15 lorsque

12 nous allons entendre le reste de votre témoignage. Les personnes qui sont à

13 l'extérieur vous fourniront davantage d'éléments d'information à cet égard.

14 L'audience est levée.

15 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le lundi 14 février

16 2005, à 14 heures 15.

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