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1 Le mardi 24 mai 2005
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 43.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Malheureusement, la séance précédente
6 s'est un peu prolongée dans ce même prétoire, c'est la raison qui explique
7 notre retard.
8 Monsieur Limaj, je vous rappellerai que vous avez prononcé une déclaration
9 solennelle au début de votre déposition et que cette déclaration solennelle
10 continue de s'appliquer.
11 Monsieur Whiting.
12 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 LE TÉMOIN: FATMI LIMAJ [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Contre-interrogatoire par M. Whiting : [Suite]
16 Q. [interprétation] Hier, Monsieur Limaj, à la fin de la journée, nous
17 avons parlé d'une déclaration faite par Jakup Krasniqi les 11 et 12 juillet
18 dans une interview à Koha Ditore et il a déclaré à cette occasion que
19 "l'UCK était une armée régulière et qu'elle avait son propre état-major
20 ainsi qu'une hiérarchie militaire, que s'était une armée organisée." Or,
21 lorsque l'on vous a parlé de ces déclarations, vous avez répondu que ce qui
22 y figure n'était pas exact à l'époque. Vous souvenez-vous d'avoir dit
23 cela ?
24 R. Oui.
25 Q. Monsieur Limaj, vous souvenez-vous avoir participé à la préparation
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1 d'un documentaire sur Sadik Shala ?
2 R. Oui.
3 Q. Sadik Shala a été tué à Rahovec, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Savez-vous quel jour il a été tué ?
6 R. Le 19 juillet.
7 Q. Le documentaire sur Sadik Shala a été réalisé et diffusé en 2002,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Cela doit être cela. Je ne sais pas très bien en quelle année tout ceci
10 a eu lieu, mais c'est peut-être effectivement au cours de cette année-là.
11 Q. Vous n'avez aucune raison de penser que ceci aurait pu avoir lieu au
12 cours d'une autre année ?
13 R. Non.
14 Q. Evidemment c'était après la guerre ?
15 R. Oui, c'était après la guerre, oui.
16 Q. Vous avez dit la vérité au cours de ce documentaire ?
17 R. J'ai fourni une description générale. Vous savez, dans les
18 documentaires, vous essayez de décrire de manière générale la personnalité
19 et le personnage d'un martyr.
20 Q. Ma question, Monsieur Limaj, était la suivante : avez-vous dit la
21 vérité dans ce documentaire ?
22 R. Oui. Ma réponse, je la maintiens, celle que je viens de faire. Dans ces
23 cas-là, lorsque vous essayez de décrire un martyr, vous essayez de fournir
24 une description de ce qu'il était, de sa personnalité, et j'ai essayé de
25 dire la vérité lorsque j'ai parlé de lui.
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1 Q. Voyons ce que vous avez dit sur l'organisation de l'UCK dans ce
2 documentaire. Vous avez dit que l'organisation avait été rendue publique le
3 14 juin 1998, au cours de la première déclaration publique faite par Jakup
4 Krasniqi. C'est un extrait qui figure dans la pièce P34, extrait numéro 5.
5 Je crois que nous devons passer à la diffusion de cet extrait grâce au
6 logiciel Sanction.
7 [Diffusion de cassette vidéo]
8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "En 1998, M. Jakup Krasniqi a fait sa
9 première apparition en public en tant que porte-parole de l'UCK, ce qui a
10 eu de grandes conséquences au niveau de l'opinion internationale.
11 "Fatmir Limaj : C'est vrai, les montagnes de Berisa ont connu une
12 période particulière, des dates historiques dans l'histoire du Kosovo, et
13 l'une de ces dates, c'est la première apparition publique de l'UCK, de son
14 porte-parole. Pour la première fois, M. Krasniqi, de la famille Shala, de
15 Kullas, a fait la première déclaration publique au nom de l'UCK.
16 "Je pense que c'était un des moments les plus importants pour notre guerre
17 de libération qui est entrée dans une nouvelle phase, une phase qui
18 montrera au monde et à l'opinion publique, dans le pays et à l'étranger,
19 que l'Armée de libération du Kosovo est une structure organisée avec une
20 structure politique et militaire authentique, avec une vision claire et
21 avec un programme politique et militaire clair, et avec des gens capables
22 et disposés à aller jusqu'au bout pour réaliser ces objectifs, nos
23 objectifs. Je dis que
24 je pense que c'est l'objectif et c'est la voie du succès. L'importance de
25 la première apparition publique de M. Krasniqi et de sa première
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1 déclaration --"
2 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais remercier les interprètes
4 des efforts déployés pour essayer de suivre le rythme de ce documentaire.
5 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'il convient de faire. Je
6 ne sais pas s'il faut en donner lecture ou pas pour les interprètes. Je
7 sais qu'effectivement tout ceci va très vite.
8 Q. Monsieur Limaj, dans ce documentaire, vous dites que Jakup Krasniqi a
9 fait sa première déclaration le 14 juin 1998. Vous étiez présent
10 d'ailleurs. En tout cas, vous avez déclaré que ce moment était l'un des
11 moments les plus importants dans votre guerre de libération, parce que vous
12 pouviez "montrer au monde et au pays que l'UCK était une structure
13 organisée et qu'elle disposait d'une structure politique et militaire ou
14 d'un programme politique et militaire clair." C'est exact, c'était vrai,
15 n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
16 R. C'est votre interprétation de l'interview, mais c'est autre chose qui y
17 est dit. Ce que vous dites, que c'était une étape importante, que l'UCK
18 entrait dans une nouvelle phase, tout ceci, c'est vrai. C'était une
19 nouvelle phase importante parce que l'UCK s'apprêtait à entamer une période
20 dans son histoire, et ensuite, d'autres événements ont suivi.
21 Lorsque j'ai dit cela, j'ai dit que c'était une phase importante pour l'UCK
22 parce que le porte-parole s'exprimait pour la première fois. C'était
23 également important parce que l'UCK entrait dans cette phase au cours de
24 laquelle elle deviendrait une entité organisée et elle mènerait la guerre
25 en tant qu'armée. C'est cela que je voulais dire au cours de cette
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1 interview.
2 Q. Monsieur Limaj, si vous voulez, je peux vous fournir le texte de ce que
3 vous dites dans ce documentaire ou nous pouvons le réécouter si vous
4 voulez. Mais vous dites - et c'est mon opinion, mon interprétation - vous
5 dites que c'est une nouvelle phase, une phase au cours de laquelle
6 l'organisation est connue du public puisque c'est la première déclaration
7 qui est faite en public au nom de l'UCK, et cette nouvelle phase permet de
8 faire entrer l'UCK dans le domaine public en quelque sorte, et elle permet
9 de montrer au monde que l'Armée de libération du Kosovo est organisée et
10 qu'elle dispose déjà d'une structure au 14 juin 1998. N'est-ce pas ce que
11 vous dites, Monsieur Limaj ?
12 R. Madame, Messieurs les Juges, bien sûr, les choses que je dis sur M.
13 Krasniqi sont exactes. Mais j'ai dit également que l'UCK entre dans une
14 nouvelle phase. Il ne s'agit pas seulement du fait que le porte-parole
15 s'exprime en public. Il s'agit d'une nouvelle phase d'organisation, d'une
16 nouvelle phase de guerre. L'apparition en public de M. Krasniqi symbolise
17 l'évolution à venir. C'est la manière dont j'interprète ce que j'ai dit.
18 Vous pouvez, si vous voulez, me représenter le texte de ce que j'ai dit,
19 mais c'est, en tout cas, la manière dont j'interprète les choses.
20 Q. Mais ici, d'après votre interprétation, vous dites qu'il n'y a pas de
21 corrélation manifeste entre l'apparition en public de M. Jakup Krasniqi, sa
22 déclaration, et ce que vous dites être une nouvelle phase qui au début,
23 n'aurait pas de lien direct avec le premier événement, alors que dans la
24 déclaration que vous faites, vous liez les deux choses. Vous liez les deux
25 événements. Ne faites-vous pas cela dans cette déclaration ?
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1 R. Non. Ecoutez, s'il vous plaît. Si vous suivez la logique des choses, si
2 vous suivez la logique de ceux qui ont réalisé ce documentaire, vous verrez
3 qu'ils parlent d'abord de la déclaration de Jakup Krasniqi ou plutôt,
4 qu'ils la présentent dans un premier temps, et qu'ensuite, la mienne
5 intervient. Ce que je dis dans ce documentaire, c'est que l'apparition en
6 public de Jakup Krasniqi ouvrait sur une nouvelle phase pour l'UCK, et cela
7 est évident.
8 Q. Bien. Parlons de l'organisation de l'UCK un instant. Vous souvenez-vous
9 que le 23 février 1998, Robert Gelbard, envoyé spécial des Nations Unies
10 dans la région, a décrit l'UCK comme une entité terroriste ?
11 R. Oui, je m'en souviens, et je me souviens également d'une autre
12 déclaration qui montrait qu'il avait fourni une description hâtive des
13 choses. Mais en réalité, ceci a été un choc pour nous.
14 Q. Concentrons-nous sur sa première déclaration, celle du 23 février, un
15 instant. L'UCK a réagi à cette déclaration en essayant de prouver au monde
16 qu'elle n'était pas une entité terroriste comme l'IRA ou l'ETA, n'est-ce
17 pas ?
18 R. L'UCK souhaitait montrer un autre visage. L'UCK en réalité souhaitait
19 montrer qu'elle poursuivait un objectif, à savoir la libération du pays. Au
20 travers des actions menées, elle souhaitait montrer qu'elle ne ciblait pas
21 le territoire qui se trouvait à l'extérieur des frontières du Kosovo. Elle
22 ciblait la police et l'armée serbe, qui se trouvaient sur le territoire du
23 Kosovo. Personnellement, je n'ai pas apprécié que l'on décrive l'UCK comme
24 une organisation terroriste.
25 Q. Vous ne pensiez pas que l'UCK était une organisation terroriste, n'est-
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1 ce pas ?
2 R. Bien entendu, je ne pensais pas que c'était une organisation
3 terroriste. Au départ, c'était un mouvement de guérillas, et c'est devenu
4 un soulèvement, un mouvement populaire. Ensuite, des efforts persistants
5 ont été déployés pour faire de ce mouvement un mouvement capable de
6 protéger l'indépendance du Kosovo.
7 Q. Concentrons-nous un instant sur la question de l'organisation
8 terroriste. Vous ne pensez pas que l'UCK était assimilable à l'IRA ou à
9 l'ETA, n'est-ce pas ? Elle était de nature différente.
10 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je ne sais pas
11 comment sont organisés l'IRA ou l'ETA. Par conséquent, je ne saurais
12 analyser ici la nature de l'ETA ou de l'IRA. Je ne peux pas décrire de
13 différences entre ces différentes organisations.
14 Q. Mais vous pensiez, n'est-ce pas, que l'IRA et que l'ETA étaient des
15 organisations terroristes, alors que l'UCK ne l'était pas ?
16 R. Les choses ne correspondaient pas à ce que nous pensions qu'elles
17 étaient. Les gens en parlaient. C'est la description qui était fournie par
18 l'occident.
19 Q. Monsieur Limaj, je suis désolé de vous interrompre, mais c'est ce que
20 vous pensiez qui m'intéresse. Partagiez-vous cette opinion ?
21 R. Je le répète. C'est quelque chose que pensait l'opinion publique
22 internationale. C'est la description qui a été faite de l'UCK par l'opinion
23 publique internationale, et c'est évidemment une description que ne nous
24 convenait pas; c'est certain.
25 Q. Vous êtes d'accord avec moi pour dire que vous pensiez que l'UCK
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1 n'était pas une organisation terroriste, contrairement à l'IRA ou à l'ETA ?
2 R. Monsieur le Président, je suis certain que, si l'UCK a poursuivi ses
3 activités jusqu'alors et si les événements du mois de mars ne s'étaient pas
4 produits, le risque que l'UCK soit décrite comme une organisation
5 terroriste aurait été important. L'avertissement donné par M. Gelbard, à
6 savoir que si l'UCK continuait sur cette voie, elle viendrait allonger la
7 liste des organisations terroristes, cet avertissement a été donné.
8 Par conséquent, les événements de mars et les erreurs commises par les
9 autorités de la police serbe ont fait en sorte que l'UCK ne soit pas
10 décrite comme une organisation terroriste. A l'époque, l'UCK n'avait pas
11 d'objectifs clairs et ne menait pas d'activités spécifiques.
12 L'UCK était davantage un mouvement issu d'un soulèvement populaire,
13 et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas été décrits par d'autres
14 comme étant une organisation terroriste, même si des tentatives ont été
15 faites pour nous faire passer pour une organisation terroriste.
16 Q. Pour que les choses soient bien claires, je vais vous faire passer un
17 extrait de l'interview que nous avons visionné hier. C'est l'extrait numéro
18 5. Il se trouve à la page 9 de la pièce P36.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont choisi de ne pas assurer
21 l'interprétation étant donné les observations faites plus tôt dans le
22 prétoire. Il nous faut savoir si nous devons interpréter ces passages
23 lorsqu'ils sont diffusés ou pas.
24 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il serait
25 bon de ne pas les lire. Je crois que ce serait plus facile.
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1 Toutefois, ceci créé une difficulté. Le texte que nous entendons ne
2 figure pas dans le compte rendu. Toutefois, ceci est peut-être arrangé un
3 peu plus tard. Peut-être que nous pourrions présenter la retranscription de
4 cette interview, et ceci peut être placée plus tard dans le compte rendu.
5 Mais je ne sais que faire. Je ne sais pas ce qu'en pense les autres.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Effectivement, d'un point de vue
7 pratique, il semble plus sage de fournir un petit peu plus tard la
8 retranscription des extraits que vous nous faites visionner.
9 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci facilitera la vie des
11 interprètes.
12 M. WHITING : [interprétation] Une chose très importante.
13 Q. Monsieur Limaj, vous --
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je
15 crois qu'auparavant, nous avons visionné un certain nombre d'extraits et
16 nous nous sommes rendus compte qu'il y avait quelques différences entre ce
17 qui était dit, en réalité, par les individus filmés et la retranscription
18 qui apparaît en bas de l'écran. Parfois, ce qui est dit ne correspond pas
19 tout à fait à ce qu'ont lu les interprètes. Je souhaitais simplement le
20 signaler parce qu'à certains égards, ceci peut avoir une importance.
21 Je ne veux pas rendre la vie des interprètes plus difficile qu'elle
22 ne l'est déjà, bien entendu, mais ce genre de problème s'est posé plus tôt.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Comme nous l'avons fait par le passé,
25 nous laisserons au conseil de la Défense ou aux parties, plus précisément,
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1 le soin de signaler toute différence qui pourrait se présenter et d'en
2 débattre entre eux afin de résoudre le problème. Pour la plupart de ces
3 différences, elles ne semblent pas être essentielles et affecter le fond de
4 l'affaire. Toutefois, si des difficultés de ce type se font jour, les
5 conseils pourront soulever la question afin de résoudre les difficultés.
6 Monsieur Whiting.
7 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Monsieur Limaj, vous avez entendu et visionné cet extrait dans lequel
9 vous dites que l'UCK n'est pas comparable du tout à l'ETA ou à l'IRA,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Je pense que les événements de l'été ont montré qu'il s'agissait, en
12 réalité, d'un soulèvement populaire. A ma connaissance, les événements qui
13 ont eu lieu au cours de l'été ont montré que c'était, en réalité, un
14 soulèvement de l'ensemble de la population.
15 Q. Mais ce soulèvement populaire n'a-t-il pas eu lieu après les événements
16 à Prekaz ?
17 R. Je pense que cela a été effectivement le tournant ou un tournant.
18 C'était une étape essentielle et c'est cette période qui a entraîné les
19 événements de l'été 1998. Effectivement, je pense que Prekaz a été un
20 véritable tournant qui a mené aux événements ultérieurs.
21 Q. Monsieur Limaj, êtes-vous en train de repousser tous les événements de
22 plus en plus jusqu'à la fin de 1998 ? Je parle des événements qui ont eu
23 lieu en mars et en avril; j'ai l'impression que vous les repoussez vers
24 l'été, et les événements de l'été, vous essayez de les décaler, de les
25 repousser vers l'automne. Est-ce que vous êtes en train de faire cela dans
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1 votre témoignage ?
2 R. Non. En réalité, je suis prêt à passer en revue tous les évènements,
3 semaine après semaine jusqu'à l'été, voire même jusqu'à l'automne. Je peux
4 vous dire, semaine après semaine, ce qui s'est passé. Ici, je parle des
5 événements qui ont jalonné une période, une phase en particulier. Mais si
6 vous voulez que je passe en revue les événements semaine après semaine, je
7 peux m'y livrer. Mais ce que vous dites, lorsque vous dites que l'UCK était
8 déjà organisé plus tôt, c'est faux parce que j'ai suivi de près l'évolution
9 de l'UCK.
10 Q. Monsieur Limaj, continuez de maintenir votre attention concentrée sur
11 l'extrait que nous venons de visionner. Vous avez dit que vous souhaitiez
12 montrer au monde que l'UCK n'était pas comparable à d'autres organisations
13 européennes et qu'elle n'avait rien à voir avec l'ETA ou avec l'IRA, aucun
14 point commun. C'est précisément à cette époque, en février ou en mars, que
15 vous essayiez de montrer que vous n'aviez aucun point commun avec l'ETA et
16 l'IRA, n'est-ce pas ?R. Nous essayions de montrer au monde que nous ne
17 poursuivions pas d'objectifs terroristes. Même avant mars ou avril, puisque
18 vous nous parlez de cette période. Aucune organisation n'aime être taxée de
19 terroriste, mais la déclaration faite par M. Gelbard a, en quelque sorte,
20 fait sonner l'alarme pour nous. Cette déclaration était dangereuse car elle
21 émanait d'une personnalité connue. Par conséquent, l'UCK, à l'époque,
22 courait le risque d'être décrite comme une entité terroriste, ce qui ne
23 nous convenait pas. Mais comme je l'ai dit, les événements ultérieurs ont
24 fait que nous n'avons pas été décrits comme une entité terroriste, et ce,
25 en raison des événements qui ont suivi.
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1 Q. Au cours de la deuxième journée de votre déposition, Monsieur Limaj,
2 vous avez décrit l'UCK telle qu'elle existait en mars, avril et mai; vous
3 avez décrit l'UCK comme étant une armée de guérilla.
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Au troisième jour de votre déposition, vous parliez de Rahovec et vous
6 avez dit que l'UCK était toujours une armée de guérilla. Vous avez dit :
7 Rahovec montre que l'UCK était encore loin de répondre à la nouvelle
8 réalité et qu'elle continuait à opérer dans une confusion totale, qu'elle
9 était toujours une unité de guérilla. Vous souvenez-vous avoir dit cela,
10 Monsieur ?
11 R. Je crois que j'ai dit les choses un petit peu différemment. Je crois
12 que j'ai dit que Rahovec était un exemple qui montrait la confusion totale
13 qui régnait à ce moment-là. Toutefois, après le
14 29 mai, l'UCK n'était plus composée d'unités de guérilla, ni de toute autre
15 unité d'ailleurs, alors que vous, vous essayez de dire qu'à ce moment-là,
16 l'UCK était bien organisée, et cetera. C'est à ce moment-là que nous avons
17 entendu la sonnette d'alarme en quelque sorte et que nous nous sommes dits
18 que nous devions nous organiser.
19 Q. Après le 29 mai, l'UCK a commencé à mener une guerre frontale, n'est-ce
20 pas ?
21 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire lorsque vous dites "guerre
22 frontale." J'ai dit que le 29 mai, sans intervention, sans opération
23 militaire, Malisheve a empêché les forces serbes d'entrer à Malisheve car
24 différentes unités se trouvaient stationnées à l'entrée de Malisheve.
25 Q. Je me permets de vous interrompre, je m'explique. J'ai parlé de guerre
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1 frontale ou de guerre de confrontation. Il s'agit simplement d'une période
2 au cours de laquelle l'UCK s'est confrontée aux forces serbes directement.
3 C'est la stratégie qui a été suivie après le 29 mai, n'est-ce pas ?
4 R. Après la mise en place des unités, il y a eu des confrontations dans
5 certains cas. Mais par ailleurs, il n'y a pas eu de confrontations, et ce,
6 jusqu'à la fin du mois de juillet. Par exemple, à Rahovec, il n'y pas eu de
7 choc frontal ou de confrontation jusqu'au combat à Rahovec. Même chose pour
8 Klina. Il y a eu des confrontations à Blace à partir de la direction de
9 Duhla. Il y a eu, évidemment, dans les gorges de Lapusnik de temps en
10 temps; puis, en d'autres localités, également.
11 Q. Il s'agissait, à ce moment-là, de confrontations, de choc frontal,
12 n'est-ce pas ? Ce n'était plus une guerre de guérilla ?
13 R. Lorsque ces postes ont été établis, effectivement, il y a eu
14 confrontation directe parce que la présence de l'UCK était connue.
15 Q. Ramiz Qeriqi a témoigné et nous a dit que le 14 juin, qui est
16 d'ailleurs la même date que celle dont vous parlez dans un extrait que nous
17 avons entendu un peu plus tôt, lorsque nous avons parlé de Jakup Krasniqi
18 et de sa première déclaration publique -
19 "Le 14 juin," il dit : "Nous sommes devenus une armée et nous avons été
20 connus comme tel du public. C'était une guerre frontale, une guerre de
21 confrontations." Il l'a dit dans ce même prétoire : "Ce n'étaient plus des
22 actions de guérilla; il s'agissait d'un choc d'attaque frontale."
23 Etes-vous d'accord avec cette déclaration, Monsieur Limaj ?
24 R. Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, c'est un exemple
25 de la manière dont les choses ont évolué. De Likovc à Malisheve, voilà
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1 comment les choses ont évolué. C'est un exemple jusqu'à la date dont parle
2 le représentant du Procureur. Jusqu'à ce jour, il s'agissait d'une unité de
3 guérilla. Mais par la suite, l'UCK a mené des actions publiques, si je puis
4 dire, et a établi une ligne, si je puis m'exprimer ainsi. Ils ont copié ou
5 ils ont reproduit ce que d'autres faisaient ailleurs. Mais au départ, il
6 s'agissait d'une unité de guérilla qui opérait de la même manière que
7 d'autres unités de guérilla.
8 Q. Par conséquent, il y a eu action de guérilla au départ, mais les choses
9 ont changé à peu près à la mi-juin 1998. C'est ce que vous dites, n'est-ce
10 pas ?
11 R. Oui, exactement. C'est la phase dans laquelle nous entrions. L'UCK,
12 d'activités de guérilla, entrait dans une nouvelle phase, dans un contexte
13 nouveau et l'état-major général n'était pas prêt à répondre à ce
14 soulèvement, répondre à ce qui se passait sur le terrain. Au départ, ils
15 fonctionnaient comme des unités de guérilla, et ensuite, a commencé une
16 nouvelle phase pendant laquelle des tentatives ont été faites pour trouver
17 des moyens d'organiser l'UCK. Même les rencontres avec M. Krasniqi avaient
18 pour sujet cette question. Les événements sur le terrain ont montré que --
19 Q. Je vais vous interrompre, je crois que vous avez répondu à la question.
20 Revenons au sujet des collaborateurs. Etes-vous d'accord avec ce que
21 M. Jakup Krasniqi a dit qui était que les commandants de l'UCK avaient
22 toute latitude pour identifier et traiter de la question des
23 collaborateurs ? Je vais vous lire ce qu'il a dit plus précisément : "Les
24 unités opérationnelles étaient séparées les unes des autres. Mais elles
25 pouvaient prendre leurs propres décisions. Lorsqu'une personne était
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1 préjudiciable à l'UCK, lorsqu'une personne donnait des renseignements sur
2 les mouvements de l'UCK au régime de Belgrade, dans ces cas-là, l'unité
3 avait tout le pouvoir nécessaire, toute l'autorité pour conduire ces actes
4 sans avoir à demander l'approbation ou l'accord pour ce type d'actes."
5 R. Vous pouvez interpréter la déclaration de M. Krasniqi comme vous le
6 souhaitez, et ce que je vous dis ici, c'est ce que je sais et ce que j'ai
7 vécu.
8 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, il s'agissait
9 d'attaques contre la police serbe parce qu'il s'agissait d'attaques
10 directes parce que nous étions en guerre avec la police serbe et ceux qui
11 participaient activement aux forces serbes.
12 Q. Mais je parle des collaborateurs.
13 R. Monsieur le Procureur, vous avez utilisé ce terme "collaborateur,"
14 tellement ici, vous en avez fait quelque chose de différent parce que
15 finalement, quand je vous entends, je me demande si mes parents ne sont pas
16 des collaborateurs parce qu'ici, je parle des collaborateurs qui ont
17 participé activement à des raids, à des meurtres avec la police serbe et ce
18 sont eux notre objectif, notre cible, parce que c'est cela que j'appelle
19 des collaborateurs, moi; les autres, non.
20 Q. Monsieur Limaj, je ne parle pas de qui sont des collaborateurs, je
21 parle simplement de ceux qui avaient le pouvoir de décider qui étaient des
22 collaborateurs. Ce que je dis, Monsieur Limaj - et je vous prie de bien
23 vouloir me laisser finir ma question - ce que je vous dis est que M.
24 Krasniqi disait que le commandant des unités avait le pouvoir de décider
25 qui était et qui n'était pas un collaborateur, n'est-ce pas, Monsieur
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1 Limaj ?
2 R. J'essaie de vous expliquer à nouveau cela. Pour nous, les
3 collaborateurs étaient ceux qui étaient actifs avec la police serbe. Nous
4 étions en guerre active contre eux. Il n'y avait pas de demande
5 particulière de la part de l'état-major de quelqu'un de se battre avec la
6 police serbe et lorsqu'il se battait avec la police, ensemble, cela faisait
7 partie des activités du côté de la police, il devenait notre cible, notre
8 cible militaire. C'est ce que je comprends. Je crois que c'était ce que M.
9 Krasniqi comprenait et je ne comprends pas. Si vous essayez d'interpréter
10 les choses différemment, je ne suis pas d'accord avec vous parce que
11 l'ensemble de mon activité montre un aspect totalement différent des
12 choses.
13 Q. Monsieur Limaj, vous n'écoutez pas ma question. Ma question est la
14 suivante : qui avait le pouvoir de décider qui était un collaborateur ? Il
15 s'agissait des commandants, eux-mêmes. Ils pouvaient décider si quelqu'un
16 dans leur village ou dans leur secteur était un collaborateur, n'est-ce pas
17 ?
18 R. Madame, Messieurs les Juges, je vais essayer de vous donner ma réponse
19 à nouveau. Dans un village particulier, si la police serbe et des
20 collaborateurs attaquaient la population ou entreprenaient une action
21 militaire, le commandant de cette unité avait le droit de prendre des
22 mesures, de lancer une action contre cette unité de police, contre cette
23 patrouille de police ou lancer une attaque directe.
24 Q. Monsieur Limaj, êtes-vous d'accord avec M. Krasniqi pour dire qu'il n'y
25 avait pas de procédures qui étaient suivies, qu'il n'y avait pas
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1 d'enquêtes, qu'il n'y avait pas d'auditions pour des personnes qui étaient
2 accusées de collaboration ?
3 R. Je suis tout à fait d'accord qu'à l'époque, nous n'avions pas tout
4 cela. Mais je ne comprends pas ce que vous dites, ce que vous entendez par
5 les personnes qui étaient accusées. Parce que ceux qui participaient
6 directement, il n'y avait pas besoin de cela; pour les autres, je suis tout
7 à fait en accord avec vous, c'est qu'il n'y avait pas ce type de procédures
8 judiciaires ou de procès à l'époque.
9 Q. Revenons à l'époque où vous êtes rentré au Kosovo. Avant d'aller au
10 Kosovo en mars 1998, vous viviez avec Ismet Jashari en Suisse, n'est-ce pas
11 ?
12 R. Je ne vivais pas avec Ismet Jashari en Suisse. Je vivais seul, mais
13 j'étais en contact avec lui. Nous nous connaissions, j'allais le voir. Il
14 venait me voir. Nous allions ensemble à des rassemblements. Nous avions des
15 rapports sociaux. Je l'ai rencontré là-bas. Je ne vivais pas dans la maison
16 d'Ismet Jashari.
17 Q. Est-ce que vous avez vécu avec lui dans sa maison ou ailleurs, à un
18 moment ou à un autre, en Suisse ?
19 R. Il est possible, Madame et Messieurs les Juges, avant que je trouve un
20 appartement parce que nous changions d'appartement. Mais peut-être que je
21 me trompe -- oui, c'est possible, lorsque nous changions d'appartement,
22 d'une ville à l'autre, il est possible que pendant une semaine, je vivais
23 avec un ami ou avec la famille. Cela a pu arriver pour trois, quatre jours
24 ou une semaine tant que je n'avais pas trouvé mon propre appartement. Mais
25 ensuite, j'avais mon propre appartement. J'avais mes neveux et la plupart
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1 du temps, je vivais avec mes neveux. J'habitais dans la maison de Haxhi
2 Shala.
3 Q. Vos neveux, mais de quels neveux parlez-vous ?
4 R. Je parle de mes neveux dont nous avons parlé il y a deux, trois jours,
5 mes neveux de Klecka, parce que certains d'entre eux vivent en Suisse.
6 Q. Pouvez-vous nous donner leurs noms ?
7 R. Je vivais dans la maison de Shefqet Shala. Shefqet vivait à Lausanne,
8 et comme j'étais à Lausanne également, j'habitais chez lui. Ensuite, Dalip,
9 Skender, ce sont les neveux avec qui j'ai vécu, à qui j'ai rendu visite.
10 Mais la plupart du temps, j'habitais avec Shefqet, parce qu'il était à
11 Lausanne. Comme j'habitais-là, moi aussi, --
12 Q. Alors, s'agit-il de Shefqet Shala et Dalip Shala et Skender Shala ?
13 R. Ils sont frères.
14 Q. Vous avez dit dans votre témoignage que vous avez décidé de rentrer au
15 Kosovo après les événements à la fin du mois de février, au début du mois
16 de mars, n'est-ce pas ?
17 R. Ce que j'ai dit, c'est que les événements de mars ont accéléré la
18 chose.
19 Q. Mais vous aviez déjà décidé de rentrer au Kosovo, n'est-ce pas ?
20 R. Pour dire la vérité, j'avais effectivement l'intention de rentrer au
21 Kosovo dès que je pouvais; j'y réfléchissais. Mais les circonstances
22 étaient telles que ce n'était pas possible d'y rentrer directement. Il
23 fallait attendre le bon moment pour y aller, et c'est à ce moment-là que
24 les événements de Prekaz ont eu lieu.
25 Q. Vous avez dit dans votre témoignage que lorsque vous avez décidé de
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1 rentrer, vous avez contacté Adem Grabovci, n'est-ce pas ?
2 R. Nous nous voyions très souvent, avec Adem Grabovci, lors de ces
3 rassemblements de collecte de fonds, mais nous passions aussi beaucoup de
4 temps dans la maison de Bardhyl Mahmuti. Je sais qu'Adem Grabovci voyageait
5 et allait souvent en Albanie. Il avait des contacts et il essayait de me
6 trouver une possibilité, le bon itinéraire, le bon moyen de rentrer au
7 Kosovo en passant par l'Albanie.
8 Q. Monsieur Limaj, si vous pouviez vous concentrer sur mes questions et ne
9 répondre qu'à ma question, cela permettrait d'aller beaucoup plus vite.
10 Autrement, cela risque d'être très long.
11 Après que vous ayez décidé de rentrer, vous avez contacté Adem Grabovci,
12 n'est-ce pas ?
13 R. [aucune interprétation]
14 Q. Combien de temps après l'avoir contacté êtes-vous réellement rentré au
15 Kosovo ?
16 R. Si je ne me trompe pas, après le rassemblement à Genève, après les
17 manifestations à Genève devant le bâtiment de l'ONU, je crois que c'était
18 ce jour-là. De nombreuses Albanais s'étaient rassemblés devant le bâtiment
19 des Nations Unies pour montrer leur révolte face aux événements au Kosovo.
20 Je ne suis pas sûr exactement de la date, mais il s'agit du 5 ou du 6, une
21 date à peu près à ce moment-là.
22 Q. Le 5 ou le 6 mars, c'est à ce moment-là que vous avez dit -- que vous
23 avez parlé avec Adem Grabovci ?
24 R. Oui, c'est approximativement à cette date.
25 Q. Vous êtes parti approximativement le 11 mars, n'est-ce pas ?
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1 R. Si je ne me trompe pas. Il faudrait peut-être que vous vous souveniez
2 que la date que je vais vous donner n'est pas nécessairement la bonne. J'ai
3 essayé de rentrer une première fois, mais j'ai raté le vol, et le
4 lendemain, j'ai pris un autre vol. C'est vraisemblablement aux alentours du
5 10 ou du 11.
6 Q. Vous avez dit dans votre témoignage que vous avez dit à vos neveux en
7 Suisse que vous alliez à Londres.
8 R. Oui.
9 Q. S'agit-il des neveux dont vous parliez tout à l'heure, il y a quelques
10 instants, les mêmes neveux ?
11 R. Oui.
12 Q. Je vais vous montrer un autre passage du document P34, le documentaire
13 sur Sadik Shala. C'est à la page 1.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 M. WHITING : [interprétation]
16 Q. Monsieur Limaj, dès le mois de novembre 1997, vous aviez l'intention de
17 rentrer au Kosovo, n'est-ce pas ?
18 R. Non, cela n'est pas exact. La réalité est différente, et je vais vous
19 l'expliquer à présent.
20 Comme je l'ai dit, je comptais rentrer au Kosovo, et Prekaz a
21 accéléré mes tentatives. Ce que vous essayez de dire, d'après ce
22 documentaire, l'idée c'est qu'à tout moment, si nous rentrions, nous ne
23 voulions pas que les gens soient surpris. Rexhep Selimi lui-même pouvait y
24 aller parce qu'il connaissait mes neveux. C'était la même chose pour moi.
25 L'idée, en fait, c'était qu'ils ne soient pas surpris, que toute personne
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1 qui venait les trouver, nous ne voulions pas que cela les prenne par
2 surprise.
3 Q. Il n'est pas vrai de dire que vous avez dit à vos neveux que vous
4 alliez à Londres. Vous avez dit à Skender, en novembre, que vous alliez au
5 Kosovo.
6 R. Skender, dit-il que j'allais à Klecka et dit-il que j'allais à Klecka
7 comme membre de l'UCK ? Ce que Skender dit ici, c'est que Fatmir m'a dit
8 qu'il y avait une possibilité que deux personnes inconnues allaient venir,
9 et pour Skender, je n'étais pas une personne inconnue. J'étais son oncle.
10 Ici, il ne dit pas que trois personnes allaient venir ou qui allait venir.
11 De ce point de vue, Skender dit que plus tard Daja, Haxhi, et Kumanova sont
12 venus. Séparez les deux moments, s'il vous plaît. Cela a été produit en
13 2002 et reproduit des événements du passé. Je n'ai pas dit à mes neveux. Je
14 leur ai dit que j'allais à Londres pour collecter des fonds pour Vendlindja
15 Therret parce que la patrie le réclamait.
16 Q. Ce que Skender dit en réalité dans la cassette est que vous lui avez
17 dit que trois personnes allaient venir en novembre, et que deux ou trois
18 mois plus tard, c'est arrivé, et que vous et Haxhi Shala et Ismet Jashari
19 êtes venus. Au moins, il pense que vous parliez de vous-même. C'est pour
20 cela qu'il a dit que vous disiez que vous alliez venir.
21 R. Madame, Messieurs les Juges, ce que je dis c'est que j'étais témoin de
22 cet événement. La réalité n'est pas ce qui est montré ici dans cette vidéo.
23 La réalité, c'est que sa famille ne savait pas qu'il était au Kosovo
24 jusqu'au mois de juin, et même pas cela. Nous avons dit trois personnes. Il
25 dit effectivement secret, inconnu. C'est vrai que cela s'est passé, mais
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1 cela ne veut pas dire qu'il ne savait pas qui allait venir et quand cette
2 personne allait venir. Je vous prie de bien vouloir séparer ces deux
3 moments.
4 Q. Monsieur Limaj --
5 R. Il ne faut pas confondre les choses.
6 Q. Dans ce passage, vous parlez également de l'importance de la zone de
7 Klecka et Divjak pour l'état-major général, n'est-ce pas ? Vous opiniez du
8 chef.
9 R. Oui.
10 Q. En réalité, l'état-major s'est déplacé pendant les mois de mai, juin,
11 et juillet, mais un des endroits à partir duquel il opérait était à partir
12 de Divjak, n'est-ce pas, pendant ces mois-là ?
13 R. Madame, Messieurs les Juges, ce que je puis dire, c'est qu'à partir du
14 moment où M. Krasniqi a été proclamé porte-parole, cet endroit a pu être
15 considéré comme une des bases de l'UCK, qui était tout d'abord une base
16 temporaire, et ensuite, une base permanente.
17 Q. Rexhep Selimi faisait partie de l'état-major à ce moment-là, n'est-ce
18 pas ?
19 R. J'ai dit cela également hier. En tant que représentants de l'état-
20 major, nous ne savions pas ce que cela voulait dire un représentant de
21 l'état-major. Nous ne savions pas du tout ce que cela voulait dire, un
22 représentant de l'état-major, quelle que soit notre formation.
23 Q. Monsieur Limaj --
24 R. En tant que représentant --
25 Q. Ma question est simple. Il était un membre de l'état-major en mai 1998,
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1 n'est-ce pas ? Vous le savez maintenant.
2 R. Ma réponse est simple également. Je savais que Rexhep Selimi était un
3 membre de l'état-major général, un membre à part entière en novembre 1998
4 lorsqu'on m'a dit que moi-même j'étais un membre. Avant cette date, je ne
5 savais pas qu'il était un membre à part entière de l'état-major. Tout ce
6 que je savais, c'était qu'il était un représentant de l'état-major, et
7 c'est cela la logique.
8 Q. Mais en novembre 1998, vous avez appris qu'en réalité, il était un
9 membre à part entière de l'état-major depuis un certain temps, n'est-ce pas
10 ?
11 R. Oui, c'est exact. Il était un membre de l'état-major, mais nous ne le
12 savions pas.
13 Q. Il a dit, dans une interview, que l'état-major fonctionnait -- un des
14 endroits dans lequel il fonctionnait était à partir de Divjak, à partir du
15 mois de mai 1998. A nouveau, ce que je veux dire à nouveau ici, c'est que
16 vous repoussez les dates dès que vous le pouvez, à chaque fois que vous en
17 avez l'occasion, un peu plus loin en 1998, n'est-ce pas ? En fait, en mai
18 1998, l'état-major a commencé à fonctionner à partir de Klecka, n'est-ce
19 pas ?
20 R. Non, Monsieur le Procureur. Vous essayez de me décrire d'une façon qui
21 n'est pas juste. Dans ma déclaration, j'ai dit que l'UCK, l'état-major,
22 avait une base de l'UCK, pas en mai 1998, mais en mai 1997, et j'ai
23 également parlé du fait que le propriétaire de cette maison, M. Zogaj, a
24 été arrêté à peu près en même temps que mon frère Demir a été arrêté. Donc,
25 cette base existait déjà avant cet évènement, avant Divjak, près de Klecka,
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1 mais je ne le savais pas. C'était dans cette maison que l'état-major était
2 installé, et cette maison est aujourd'hui devenue un musée.
3 Ce n'est pas vrai de dire que je repousse les événements plus loin en 1998,
4 parce que je vous ramène plus tôt en 1997 et je vous dis que l'UCK avait
5 une base avec des représentants déjà à cette époque-là. Je vous dis les
6 choses telles qu'elles sont arrivées.
7 Il est possible que Rexhep Selimi était à Divjak, parce que cela est apparu
8 comme étant vrai plus tard. C'est possible.
9 Q. Pour que les choses soient claires, je vais vous lire ce que Rexhep
10 Selimi a dit. Il dit que, de mars à mai, le quartier général était dans la
11 région de Drenica, dans la zone dont il discutait, mais qu'à partir de ce
12 jour-là, en mai, ils sont passés dans la zone de Pashtrik dans les monts
13 Berisa, dans le village de Divjak.
14 En mai 1998, l'état-major a commencé -- un des endroits à partir duquel il
15 a commencé à opérer était à partir de Divjak, n'est-ce pas ?
16 R. Je parle en mon propre nom ici. Jusqu'à l'apparition publique de Jakup
17 Krasniqi, je ne savais pas que des représentants ou des membres de l'état-
18 major avaient une base à Divjak. Comme je l'ai dit, les représentants de
19 l'état-major venaient à ma base. Jusqu'à ce moment-là, je ne savais pas
20 qu'ils avaient une base à Divjak, et je l'ai appris plus tard, après que M.
21 Jakup Krasniqi s'est installé dans cette base et après que ce soit devenu
22 un siège de l'état-major de l'UCK.
23 Q. Nous allons revenir en arrière, Monsieur Limaj, à votre voyage au
24 Kosovo en mars 1998. Vous avez, dans votre déposition, dit que vous êtes
25 allé en Albanie avec Haxhi Shala et Ismet Jashari, mais que vous n'aviez
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1 pas prévu de continuer avec eux au Kosovo. C'est bien la déposition que
2 vous avez faite, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Lorsque vous êtes arrivé en Albanie, vous avez rencontré un groupe
5 assez nombreux et vous êtes allé au Kosovo avec ce groupe assez nombreux
6 composé d'environ 30 personnes, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Et qu'il y avait des gens tout à fait impressionnants dans ce groupe,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Certains d'entre eux, je les connaissais effectivement, qui plus tard
11 j'ai appris à connaître.
12 Q. Hashim Thaqi et Kadri Veseli, les deux hommes dont vous dites qu'ils
13 ont mené le groupe étaient, en fait, à l'époque, de l'état-major, n'est-ce
14 pas ?
15 R. A l'époque, nous ne savions pas qu'ils étaient membres de l'état-major.
16 Cela devrait être clair pour vous. Séparez bien les choses. Séparez les
17 moments. Ne me faites pas confondre les choses.
18 Je vous dis les choses de manière claire. A l'époque, je ne savais pas
19 qu'ils étaient membres de l'état-major. Je ne connaissais même pas le nom
20 de Hashim Thaqi et je ne connaissais même pas le nom de Kadri Veseli. Je ne
21 connaissais pas leurs noms. Je les avais vus à un rassemblement en Suisse,
22 mais je ne connaissais pas leurs noms.
23 Q. Mais vous avez appris plus tard qu'ils étaient membres de l'état-major,
24 n'est-ce pas ?
25 R. En septembre 1998, je pense que c'est à peu près à ce moment-là,
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1 l'état-major a fait une déclaration dans laquelle M. Hashim Thaqi a été
2 nommé représentant politique de l'état-major, et c'est à ce moment-là que
3 j'ai appris qu'il était un membre de l'état-major et par la suite, j'ai
4 appris qu'il était le chef directeur de l'état-major.
5 Q. Parlons simplement d'aujourd'hui. Vous saviez que lorsque vous
6 travailliez avec Hasim Thaqi, lorsque vous meniez des enquêtes avec eux,
7 qu'ils étaient membres de l'état-major, à l'époque, n'est-ce pas ? Vous le
8 savez maintenant ?
9 R. Oui.
10 Q. Adem Grabovci, il est devenu, ensuite, membre de l'état-major, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Adem Grabovci et moi-même sommes devenus membres de l'état-major en
13 même temps.
14 Q. Fehmi Lladrovci, Shukri Buja et Ismet Jashari sont tous devenus des
15 commandants importants au sein de l'UCK, n'est-ce pas ? R. Cela vous
16 montre la situation dans laquelle était l'UCK, à ce moment-là, le niveau où
17 elle était avant que nous n'y soyons allés. Avant que nous y soyons allés,
18 il n'y avait personne qui pouvait s'occuper de l'organisation à l'époque,
19 de façon à ce que les activités de l'UCK commencent. Il est vrai de dire
20 que la majorité de ces personnes ont été nommées pas la suite.
21 Q. Ce groupe ne s'est pas rassemblé par hasard. Quelqu'un d'autre en a
22 décidé ainsi ? Ce groupe était organisé, n'est-ce pas ?
23 R. Non, je ne pense pas qu'il s'agissait d'une coïncidence, tout du moins
24 pas de la manière dont vous voyez les choses. Il y avait certaines
25 personnes qui étaient prêtes à se sacrifier. Ces personnes n'étaient pas
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1 organisées. Personne ne leur a donné l'ordre de se rendre là-bas. En
2 réalité, ils étaient prêts et disposés à se sacrifier car la famille
3 Jashari leur avait montré l'exemple du sacrifice. Nous pensions qu'en nous
4 sacrifiant, la question du Kosovo serait plus connue auprès de la
5 communauté internationale.
6 Moi-même, j'étais prêt à me sacrifier pour mon pays en espérant que
7 mon sacrifice permettrait au publique d'ouvrir les yeux.
8 Q. Je ne vous parle pas de la motivation des membres de ce groupe. Je vous
9 parle du fait que quelqu'un a décidé que ces personnes allaient former un
10 groupe. Ces personnes ne sont pas arrivées par hasard en Albanie, en même
11 temps. Quelqu'un a décidé que ces gens devaient se rassembler et former un
12 groupe, n'est-ce pas ?
13 R. Que voulez-vous dire par le terme, par hasard ?
14 Q. Ce que je voulais dire, c'est qu'on a dit à ces gens de se rassembler à
15 un moment donné. On leur a dit qu'il avait un groupe qui arriverait, à un
16 moment donné, de Suisse et qu'ils voyageraient, ensuite, ensemble jusqu'en
17 Albanie ?
18 R. Non, Monsieur le Procureur. Après les événements du mois de mars, après
19 le meurtre d'Adem Jashari, des centaines de milliers de personnes ont voulu
20 rejoindre les rangs de l'UCK. Des centaines de milliers de personnes
21 voulaient rejoindre le mouvement.
22 Nous voulions nous rencontrer à Tirana. Quelqu'un a organisé ce
23 voyage. Quelqu'un a fait passer les frontières aux gens. Personne ne le
24 conteste. Mais ce que vous dites n'est pas vrai, personne n'a été désigné
25 pour organiser cette action.
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1 Q. Mais ce voyage n'a pas été organisé depuis l'Albanie. Il a été organisé
2 depuis la Suisse, n'est-ce pas ? Ces personnes sont arrivées en Albanie en
3 même temps car il était prévu qu'elles arrivent en Albanie en même temps et
4 qu'elles voyagent ensemble jusqu'au Kosovo. Ces personnes avaient été
5 choisies pour voyager ensemble jusqu'au Kosovo, n'est-ce pas ?
6 R. Non, Monsieur le Procureur, ces personnes n'ont pas été choisies. Je
7 vous dis la vérité. Je ne veux pas me livrer à des spéculations sur
8 d'autres personnes, mais je vous raconte mon histoire. Qui a choisi Haxhi
9 Shala et Ismet Jashari ? J'y suis allé. Ils m'ont accompagné jusqu'en
10 Albanie. C'est là qu'ils se sont rendus compte que j'allais au Kosovo et
11 que j'étais membre de l'UCK. C'est là qu'ils l'ont appris, pour la première
12 fois, de ma bouche. Je ne peux pas parler au nom d'autres personnes car je
13 me livrerais, alors, à des spéculations. S'agissant de la manière dont
14 d'autres étaient organisés, je l'ignore, mais je vous parle sur la base de
15 mon expérience. Plus tard, comme vous le dites, on a commencé à acheter des
16 uniformes.
17 Mais à l'époque où nous y sommes allés, Madame et Messieurs les
18 Juges, à l'exception de moi-même et de ces deux hommes, ce n'est qu'en
19 Albanie qu'ils ont appris où je me rendais. Je ne veux pas parler de Fehmi
20 ou d'autres amis, mais je sais la vérité au sujet de moi-même.
21 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, comme nous avons
22 commencé tard, je suppose que la pause aura lieu plus tardivement que
23 prévu.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous ferons notre pause vers 16
25 heures.
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1 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Vous avez dit qu'en arrivant au Kosovo, vous et les membres de votre
3 groupe, vous étiez rendus à Drenica car c'est là que les combats faisaient
4 rage, n'est-ce pas ? Vous souvenez-vous avoir déclaré cela dans votre
5 déposition ? Vous avez dit que la seule destination possible était Drenica.
6 R. Tout à fait. La seule destination où nous pouvions aller était Drenica.
7 Nous sommes partis vers Drenica car c'est là que les combats faisaient
8 rage. Drenica était connu comme étant un endroit où il y avait des membres
9 de l'UCK.
10 Q. Vous êtes arrivé muni d'une arme et d'un sac rempli de munitions,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Oui, j'avais un sac rempli de munitions.
13 Q. Plus précisément, vous êtes allé à Likovc, n'est-ce pas ?
14 R. Pour vous dire la vérité, il y a deux ou trois villages qui se suivent.
15 A l'époque, je ne savais pas où je me trouvais et par la suite, j'ai appris
16 qu'il s'agissait de Likovc. Nous sommes arrivés vers 3 ou 4 heures du
17 matin.
18 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Likovc, vous avez déclaré que les habitants
19 étaient effrayés car ils avaient peur d'éventuelles représailles de la part
20 des Serbes. Vous souvenez-vous avoir déclaré cela le premier jour de votre
21 déposition ?
22 R. Oui, Monsieur le Procureur, car à l'époque, la Serbie avait déjà
23 encerclé une partie de Drenica. Des événements avaient eu lieu. Non
24 seulement Likoshan et Qirez où des massacres avaient eu lieu et c'est pour
25 cela que la population locale ressentait cette peur dans les villages en
Page 6225
1 question.
2 Q. Vous avez dit qu'ils n'étaient pas capables de protéger leur village.
3 Vous en souvenez-vous ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous avez déclaré que la situation était très grave ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Vous déclarez que compte tenu de la situation, du fait que vous êtes
8 arrivé sur place muni d'une arme et de munitions et compte tenu de la peur
9 qui régnait au sein de la population qui ne pouvait pas se protéger, vous
10 avez eu l'idée de vous rendre, de votre propre initiative, dans la
11 direction opposée, dans le village de Klecka qui se trouve dans une "région
12 montagneuse isolée ?" Est-ce ce que vous déclarez ?
13 R. Non. Soyons clairs. Après notre arrivé à Likovc, comme vous l'avez
14 décrit, voilà la situation que nous avons trouvée.
15 Madame et Messieurs les Juges, la population civile avait organisé un
16 système de garde villageoise. C'était le cas même dans les années 1990, au
17 Kosovo. Mais comme nous venions de l'ouest, nous voulions rencontrer des
18 représentants de l'UCK.
19 Q. Occupons-nous du mois de mars 1998. Vous nous dites que la situation
20 était grave, que la population avait peur de représailles éventuelles,
21 qu'elle ne pouvait pas se protéger et que par conséquent, vous avez décidé,
22 de votre propre chef, de vous rendre dans un village situé dans une région
23 montagneuse isolée, en direction opposée. Est-ce bien ce que vous dites ?
24 R. Non, ce n'est pas ce que je dis. C'est ce que vous essayez de me faire
25 dire.
Page 6226
1 Madame et Messieurs les Juges, la situation est telle que je l'ai
2 décrite. Personne ne peut contester cela. Nous sommes restés là une
3 semaine. Les villages en question étaient pauvres et on n'avait pas les
4 moyens nécessaires pour se protéger et ils ne pouvaient pas s'occuper de
5 nous.
6 Compte tenu de cette réalité, du fait qu'une partie des forces serbes
7 s'était repliée, nous avons décidé de quitter Likovc. Voilà la vérité. Nous
8 avons souhaité commencer nos activités militaires de façon à éviter que les
9 forces serbes puissent concentrer leurs attaques dans une seule région.
10 C'est la raison pour laquelle nous avons quitté Likovc. Ce n'était pas
11 parce que les gens avaient peur que nous sommes partis; nous sommes allés
12 là-bas pour nous sacrifier pour notre peuple.
13 Q. La vérité, Monsieur Limaj, est que vous avez été envoyé ailleurs depuis
14 Likovc afin d'accomplir une mission de plus grande envergure, c'est-à-dire
15 qu'au nom de l'UCK, vous deviez organiser la région dans d'autres parties
16 de Drenica.
17 R. Comme je vous l'ai dit, la situation était telle que j'ai décidé de me
18 rendre dans un endroit où je pouvais faire quelque chose. Je voulais aller
19 dans ma propre municipalité. C'était dans notre intérêt de renforcer les
20 rangs de l'UCK. Malisheve était ma municipalité natale; je voulais me
21 rendre dans mon village natal.
22 Q. C'est l'UCK qui vous avait envoyé dans cette région, n'est-ce pas ?
23 R. Vous devez savoir comment fonctionne les actions de guérilla et ce que
24 signifie l'expression, unités de guérilla. Par nature, un groupe de
25 guérilla est composé d'un petit groupe de personnes qui doivent se rendre à
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1 un endroit afin d'établir une base où ils peuvent s'abriter, à partir de
2 laquelle ils peuvent mener leurs actions et à laquelle ils peuvent revenir
3 une fois l'action menée. Une autre tâche qui nous incombait était de
4 recruter d'autres personnes afin de renforcer nos rangs. Voilà ce que nous
5 avons fait à l'époque. Je ne savais pas, à l'époque, qui était membre de
6 l'UCK dans cette région.
7 Q. Syleman Selimi a déclaré, dans son audition, la chose suivante : "Bien
8 sûr, je pense que Fatmir Limaj avait reçu des directives de l'état-major
9 général afin de créer des unités." Il est exact de dire, n'est-ce pas, que
10 des directives vous avaient été données ?
11 R. Je ne vous dis pas le contraire. Ce que je vous dis, c'est que j'ai
12 rencontré M. Rexhep Selimi. Je lui ai dit : "Rexhep, il est inutile que je
13 reste ici. Je serai plus utile à l'UCK si je mène des activités dans ma
14 région d'origine." Il a été d'accord avec moi et sur la base de cette
15 conversation, je suis parti pour ma municipalité d'origine. Je n'ai pas
16 quitté Likovc sans dire où je me rendais. Nous avons parlé de ce qui
17 convenait le mieux à nos intérêts et je voulais qu'il y ait échange
18 d'expériences.
19 Q. Ce n'était pas seulement Rexhep Selimi. Il s'agissait de Rexhep Selimi
20 et de Hashim Thaqi, n'est-ce pas ?
21 R. C'est exact, je pense que Hashim était présent au cours de la deuxième
22 réunion. Peut-être qu'il a assisté aux deux réunions, je ne m'en souviens
23 pas. Je sais qu'il a assisté à l'une de ces réunions. Il était là avec
24 Shukri, il m'a parlé au sujet de Shukri. Il m'a demandé de le prendre avec
25 moi jusqu'à un endroit donné à partir duquel il pourrait se rendre,
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1 ultérieurement, dans sa propre municipalité d'origine. Hashim était
2 présent, également.
3 Q. Puisque vous parlez de Shukri Buja, ce dernier a déclaré que vous aviez
4 été nommé afin de diriger un groupe, afin d'accompagner un groupe jusqu'à
5 Klecka et que l'objectif de ce groupe était d'organiser l'UCK dans les
6 régions de Suva Reka et de Malisheve. Mais vous avez été nommé pour
7 accomplir cette mission par Rexhep Selimi et Hashim Thaqi. C'est ce que
8 Shukri Buja a déclaré. N'est-ce pas la vérité ?
9 R. Je vous dis la vérité. Madame et Messieurs les Juges, je n'aurais pas
10 pu être à la tête de ce groupe de Drenica à Malisheve, Shukri Buja non
11 plus, car il ne connaît pas le terrain, Ismet Jashari non plus, car c'était
12 la première fois qu'il se trouvait dans cette région. Haxhi Shala avait
13 travaillé, lui, pendant des années en Suisse. Si bien qu'en réalité, moi-
14 même, je ne connaissais pas ce terrain, mais au moins, je le connaissais
15 mieux que les autres. Mais si cela vous arrange de penser cela, j'étais
16 chef de ce groupe jusqu'à Malisheve.
17 M. WHITING : [interprétation] Je pense que le moment est bienvenu pour
18 prendre la pause.
19 M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaiterais intervenir brièvement.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
21 M. MANSFIELD : [interprétation] J'ai écouté très attentivement le contre-
22 interrogatoire mené hier et aujourd'hui et la méthode utilisée dans le
23 cadre de ce contre-interrogatoire sème la confusion. Dans beaucoup d'autres
24 juridictions, les questions posées au témoin, s'agissant de ce qu'a dit un
25 autre témoin ne sont pas admissibles. Mais l'approche adoptée devant ce
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1 Tribunal est différente.
2 En réalité, ce qui s'est passé hier et ce qui est sur le point de se
3 passer aujourd'hui, c'est qu'on choisit un certain nombre de témoins et on
4 soumet les propos de ces témoins à ce témoin afin de faire passer un
5 message. Mais il s'agit de rhétorique plus qu'autre chose. Je demanderais à
6 ce que M. Whiting fasse très attention car en fin de compte, il n'était pas
7 présent lors, notamment, de l'audition de M. Thaqi; il faut être équitable
8 vis-à-vis du témoin.
9 Merci.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Nous reprendrons dans 20
11 minutes, à 16 heures 20.
12 --- L'audience est suspendue à 16 heures 01.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 23.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur Whiting,
15 je souhaiterais indiquer, Maître Mansfield, que nous pensons qu'il n'y a
16 aucune raison de prendre des mesures, eu égard à votre intervention avant
17 la pause. Il s'agit, là, d'une question qui pourra être soulevé lors de
18 votre plaidoirie, voire immédiatement lors des questions supplémentaires.
19 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui. Merci.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.
21 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur Limaj, nous parlons toujours de votre arrivée à Likovc. Vous
23 avez déclaré, lors de la deuxième journée de votre déposition, que lorsque
24 vous êtes arrivé à Likovc, "Vous vouliez avoir des nouvelles de Rexhep
25 Selimi afin de savoir quoi faire à votre arrivée là-bas." Vous souvenez-
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1 vous avoir dit cela lors de votre deuxième journée de déposition ?
2 R. Je maintiens ce que j'ai dit. Nous avons parlé ensemble. Nous voulions
3 savoir quelle était la situation. Nous voulions savoir quelle était la
4 réalité, comment se passaient les choses. Nous avons parlé de cela en tant
5 qu'amis, et avec d'autres personnes également.
6 Q. Vous vouliez avoir des nouvelles de Rexhep, car vous saviez déjà à ce
7 moment-là qu'il occupait un poste important au sein de l'UCK, n'est-ce pas
8 ?
9 R. Non, Monsieur. Je voulais parler à Rexhep car nous étions camarades de
10 classe. C'était un ami d'école, et il était tout à fait normal que je parle
11 avec lui. Je pensais qu'il allait me raconter comment les choses se
12 passaient, en tant qu'ami.
13 Q. Vous vouliez qu'il vous dise "quoi faire, comment agir." Je reprends
14 vos propos. Vous vouliez savoir, de sa bouche, "quoi faire," n'est-ce pas ?
15 R. Nous nous sommes assis pour parler de la situation. Je lui ai dis, mais
16 pourquoi devrais-je rester ici ? Il serait préférable que j'aille dans ma
17 municipalité d'origine. Je lui ai demandé ce qu'il en pensait, et il a dit
18 qu'il était d'accord avec moi, qu'il serait préférable que j'aille dans ma
19 municipalité natale à Malisheve.
20 Q. Monsieur Limaj, Shukri Buja a déclaré, dans la pièce P16 [comme
21 interprété], page 24, pièce qui a été versée au dossier, Shukri Buja a
22 déclaré qu'à l'époque, lorsque vous étiez à Likovc, je cite : "Fatmir Limaj
23 s'est vu confié pour tâche la coordination des activités avec l'état-major
24 général, alors que je devais" -- donc, Shukri Buja -- "je devais coordonner
25 les activités avec Fatmir." Voilà ce qui s'est passé à Likovc, n'est-ce pas
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1 ? Vous avez dû vous occuper de la coordination avec l'état-major général,
2 et d'autres, comme Shukri, ont dû s'occuper de la coordination avec vous,
3 n'est-ce pas ?
4 R. Non, ce n'est pas exact. Ce qu'il a dit était différent. Il ne peut pas
5 mentir devant moi. Je vous dis la vérité. Ce que vous dites n'est pas vrai.
6 Mais il a dit les choses différemment. C'est différent de ce que vous venez
7 de dire.
8 Q. Est-ce qu'on peut dire qu'il ne peut pas mentir devant vous ou il ne
9 peut pas dire la vérité devant vous ?
10 R. Je veux parler de ce Tribunal, de cette Chambre de première instance.
11 Il ne peut pas mentir devant cette Chambre de première instance.
12 Q. Mais vous avez dit, "devant moi." Il ne peut pas mentir devant vous ou
13 il ne peut pas dire la vérité devant vous, Monsieur Limaj ?
14 R. Monsieur le Procureur, en dépit de tous les efforts que vous avez
15 déployés pour me terroriser, moi et ma famille, vous devez vous rendre
16 compte que j'ai raison. Vous essayez d'exercer les pressions sur moi, et ce
17 que vous dites n'est pas vrai. C'est moi qui dis la vérité. Je répète ma
18 position. Cet homme a dit la vérité devant cette Chambre de première
19 instance. Il savait quelle était la réalité. Il savait que ma Défense
20 avancerait des arguments à l'appui de cela.
21 Je vous en prie, n'essayez pas de déformer mes propos.
22 Q. Monsieur Limaj, Haxhi Shala, Topi, lorsqu'il a été interrogé, a déclaré
23 que lorsqu'il était allé à Drenica en tant que membre de votre groupe, il a
24 été nommé par l'état-major général pour s'occuper de l'approvisionnement
25 d'armes de l'Albanie vers le Kosovo. Telle était sa mission lorsque vous
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1 êtes allés tous ensemble à Klecka. Voilà ce qu'il a dit lors de son
2 entretien. Il a ajouté qu'en avril 1998, vous étiez le commandant à Klecka
3 et que vous étiez responsable de l'organisation pour la région de Maliseve.
4 C'est exact, n'est-ce pas ?
5 R. Non, ce n'est pas exact. Pourquoi vous ne demandez pas à Haxhi Shala de
6 venir témoigner ici ? Il vous dira la vérité. La vérité est qu'après le
7 mois d'avril, en juin --
8 Madame et Messieurs les Juges, des personnes ont commencé à s'organiser.
9 Certains ont envoyé de l'argent. D'autres sont allés acheter des armes en
10 Albanie. Puis, l'état-major général a donné un ordre selon lequel deux
11 unités devaient être chargées de l'approvisionnement en armes. Cela s'est
12 produit vers le mois de juin, lorsque la route de Junik a été ouverte. Ce
13 n'était pas possible en avril ou en mai.
14 Q. Monsieur Limaj, vous avancez les dates auxquelles ces événements se
15 sont produits. Les événements survenus en mars, selon vous, se déroulent à
16 présent en juin.
17 R. Non, je vous raconte quelle était la situation. Vous déformez mes
18 propos. La vérité, c'est qu'en mars, combien d'armes devions-nous avoir
19 pour trois personnes ? Après le 9 mai, nous étions environ sept personnes
20 et nous agissions dans la plus grande clandestinité. Les activités qui se
21 déroulaient à l'époque, je vous dis, tout cela s'est passé plus tard, et
22 voilà la réalité. Tout le monde le sait au Kosovo. Lorsqu'on a ouvert les
23 routes - et Junik se trouve à la frontière avec l'Albanie - à l'époque, les
24 gens ont déplacé des équipements à bord de camions, sur des mules. C'était
25 fin juin, début juillet. C'est là que l'offensive a débuté.
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1 Q. Tenons-nous en au mois d'avril pour le moment, Monsieur Limaj. Après
2 que vous vous êtes rendu à Klecka, afin, je vous l'affirme, de coordonner
3 les activités avec l'état-major général, vous êtes resté en contact avec
4 Rexhep Selimi à Likovc au mois d'avril, n'est-ce pas ?
5 R. Je ne peux accepter la véracité de vos suggestions. En ce qui concerne
6 mes déplacements, bien entendu, après que je me suis rendu à Klecka en
7 mars, je suis allé à Drenica à maintes reprises. J'étais en contact avec
8 Rexhep, parfois avec Syleman, parfois avec Muje Krasniqi, avec Muse
9 Jashari; cela dépendait de qui se trouvait sur place. C'est vrai, mais pas
10 de la manière dont vous le décrivez.
11 Q. Vous êtes allé à maintes reprises à Likovc au mois d'avril, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Je pense que nous étions deux ou trois à Likovc. Pour la première fois,
14 c'était fin avril. Rexhep Selimi a dû se rendre quelque part. Je ne me
15 souviens plus exactement, mais il était en transit.
16 Q. Vous pensez que la première fois que vous êtes retourné à Likovc,
17 c'était fin avril, n'est-ce pas ?
18 R. Non, Non. Rexhep Selimi est arrivé en avril pour la première fois.
19 Q. Je vous parle de vos déplacements à Likovc. Vous êtes allé à Likovc
20 plusieurs fois au mois d'avril, n'est-ce pas ?
21 R. Je vous l'ai dit. Deux ou trois fois au mois d'avril, peut-être une
22 fois de plus. Deux ou trois fois, quatre fois tout au plus, car c'était
23 difficile, Madame et Messieurs les Juges. Nous oeuvrions dans la plus
24 grande clandestinité. En se rendant de Klecka à Likovc, Jusuf Jashari a été
25 blessé, car le trajet était difficile. Il fallait voyager de nuit, et nous
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1 étions très restreints dans nos déplacements à l'époque.
2 Q. Vous nous avez dit que Rexhep Selimi est venu à Klecka pour la première
3 fois au mois d'avril.
4 R. Oui, à peu près. Oui, cela doit être cela, pour la première fois. Après
5 le 20 avril, bien sûr.
6 Q. Vous avez dit il y a un instant que vous agissiez dans la plus grande
7 clandestinité.
8 R. Oui.
9 Q. Vous avez dit que c'est l'une des raisons pour lesquelles vous et
10 d'autres membres de l'UCK portiez des cagoules.
11 R. Oui.
12 Q. Dans votre cas, vous avez continué à porter une cagoule jusqu'au 9
13 mai ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous savez que d'autres personnes de l'UCK ont continué à porter des
16 cagoules même après cette date, n'est-ce pas ?
17 R. Cela dépend de la période dont on parle. Je crois qu'il faut apporter
18 un éclaircissement, notamment en ce qui concerne la situation, le contexte.
19 Par exemple, après le 9 mai, pour la première fois, nous sommes sortis en
20 plein jour sans porter de cagoules. Nous les utilisions, mais c'est à ce
21 moment-là que nous les avons retirées. Je parle ici de nous, alors qu'à
22 Malisheve, il y avait encore des unités qui opéraient à couvert, parce que
23 les postes n'avaient pas encore été établis à Malisheve. Il y avait des
24 postes de contrôle serbes aux alentours, par conséquent, les cagoules
25 étaient de mise. Ensuite, si l'on parle du 15 juin, à Kroimire, les choses
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1 étaient différentes. Donc, cela dépend véritablement des événements et de
2 l'évolution des événements.
3 Q. Mais, outre les cagoules, vous portiez également des pseudonymes afin
4 de dissimuler vos identités ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous dissimuliez également le rôle que vous jouiez, ou la fonction que
7 vous exerciez, à ceux qui n'avaient pas à savoir quelles étaient les
8 fonctions que vous exerciez, n'est-ce pas ?
9 R. De quels rôles parlons-nous lorsqu'il était question d'une unité
10 constituée de trois personnes ? De qui devions-nous cacher tout cela ?
11 Parce que nous étions amis.
12 Q. Par exemple, vous nous avez dit plus tôt que Rexhep Selimi était membre
13 de l'état-major général, mais que vous ne vous en étiez pas rendu compte
14 jusqu'à novembre 1998.
15 R. Il faut établir une distinction ici. Etre membre de l'état-major
16 général, ce n'est pas la même chose qu'être membre d'une unité de guérilla.
17 Rexhep Selimi, en tant que membre de l'état-major général, n'a pas révélé
18 sa fonction parce que c'était une fonction importante. Mais en ce qui
19 concerne l'unité de guérilla, elle n'était composée que de trois individus,
20 et on ne pouvait rien se cacher les uns aux autres.
21 Q. Oui. Enfin, je parlais de l'UCK dans son ensemble. Je ne parlais pas de
22 vous en particulier. Je parlais de l'UCK en gros, et des commandants de
23 l'UCK, dans ce contexte, dissimulaient le rôle qu'ils jouaient aux yeux de
24 ceux qui n'avaient pas à savoir quelles fonctions ces derniers exerçaient.
25 R. Non, non, ce n'est pas exact. L'état-major général et les unités sont
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1 deux choses bien distinctes. En ce qui concerne l'état-major général, c'est
2 vrai, vous avez raison, mais en ce qui concerne les unités, il n'y avait
3 rien à cacher. Tout le monde montrait qu'il était membre de l'UCK. S'il y
4 avait cinq personnes au sein de l'unité, il y avait un responsable, et
5 c'est tout, et il était connu.
6 Q. Bien entendu, je comprends. Je parle de personnes exerçant des
7 fonctions au sein de l'état-major général par exemple, ou exerçant des
8 fonctions de commandement. Eux, dissimulaient les fonctions qu'ils
9 exerçaient afin que ceux qui n'avaient pas à savoir cela n'en sachent rien.
10 R. Il n'y avait pas de rôles ou de fonctions de commandement. Il y avait
11 des membres d'unités de guérilla, et vous savez qu'il n'y avait pas de
12 rôles, de fonctions de commandement. L'opinion internationale le sait, mais
13 ce que vous essayez de faire, c'est d'inventer quelque chose qui n'existait
14 pas. S'il vous plaît, Messieurs les représentants du Procureur,
15 n'expliquons pas la présence de choses qui n'existaient pas. Malgré vos
16 tentatives, je le répète, ceci n'existait pas.
17 Q. J'essaie simplement de faire la vérité sur les choses, Monsieur Limaj.
18 En ce qui concerne l'état-major principal, ils dissimulaient leurs
19 fonctions et leurs rôles, n'est-ce pas ? Et ce, jusqu'au mois de novembre,
20 n'est-ce pas ? Je parle des membres de l'état-major général qui cachaient
21 les fonctions qu'ils exerçaient, et ce jusqu'à la fin du mois de novembre
22 1998; c'est exact ?
23 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, si quelqu'un savait
24 qui était membre de l'état-major général, vous aviez des gens instruits,
25 comme Hashim Thaqi, Krasniqi, et d'autres qui étaient titulaires de
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1 diplômes universitaires. Ici, nous ne parlons pas d'un état-major général
2 composé de militaires formés. En tout cas, c'est mon opinion. Quant aux
3 unités, il s'agit de choses différentes.
4 Q. Mais vous n'avez pas répondu à la question que je vous ai posée. Ma
5 question était la suivante : les membres de l'état-major général ont fait
6 en sorte que personne ne sache quelles fonctions ils exerçaient, et ce
7 jusqu'environ novembre 1998, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, c'est vrai. Par exemple, Hashim Thaqi et un autre groupe, ils se
9 sont fait connaître, en septembre ou octobre, comme représentants
10 politiques. Alors que d'autres représentants, comme Rexhep Selimi, en tant
11 qu'inspecteur général au sein de l'armée, cela, je l'ai entendu dire plus
12 tard, en décembre, lorsque j'ai appris qu'il était membre de l'état-major
13 général.
14 Q. Par conséquent, vous dites que de nombreuses personnes, même au sein de
15 l'UCK, ne savaient pas qui était membre de l'état-major général; c'est
16 cela ? Avant novembre 1998.
17 R. Aujourd'hui, des gens disent que nous avons commencé la guerre avec
18 Adem Jashari et que c'est comme cela que nous nous sommes battus pendant la
19 guerre. Mais je dois dire que très peu de gens savaient qui faisait partie
20 de l'état-major général, et évidemment, après la fin de la guerre, tout le
21 monde a commencé à parler comme s'ils savaient tout cela et qui était
22 membre de l'état-major. Mais à l'époque, au cours de la période que nous
23 considérons, très peu de gens savaient tout cela.
24 Q. Pourquoi maintenir ce secret ? Sans doute pour éviter que les autorités
25 serbes ne découvrent qui étaient ces gens. C'était l'une des raisons
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1 motivant le secret qui régnait sur ces questions ?
2 R. Oui, c'était l'un des motifs. Les familles auraient été affectées
3 également. Si l'armée yougoslave avait su qui organisait la guerre, il
4 aurait été beaucoup plus simple pour eux d'écraser le soulèvement.
5 Q. Bien entendu. Etant donné ce climat de secret, il était également
6 difficile pour d'autres, des personnes extérieures, de savoir qui était
7 membre de l'état-major général et qui étaient les commandants de l'UCK,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Je l'ai dis et je le répète. Au sein de l'UCK, nous ne le savions pas;
10 alors pensez donc, les personnes extérieures.
11 Q. Pour revenir, une nouvelle fois, sur le secret qui pesait sur
12 l'identité des soldats, des simples soldats, grâce aux cagoules, grâce aux
13 pseudonymes, et cetera. Sa démarche avait, également, pour objet de
14 protéger les membres de l'UCK des forces serbes, n'est-ce pas, des
15 autorités serbes ?
16 R. Oui, mais dans les territoires qui étaient aux mains des Serbes où les
17 familles étaient confrontées à un certain danger.
18 Q. Seriez-vous d'accord, Monsieur Limaj, avec Shukri Buja qui s'est
19 exprimé ici même, dans ce prétoire et qui a dit, à cette occasion, que
20 l'une des stratégies utilisées par la police serbe consistait à essayer
21 d'établir ou plutôt, de compromettre des Albanais en les convoquant, à
22 plusieurs reprises, au poste de police et en les forçant à s'y rendre,
23 puis, ensuite, à propager la rumeur selon laquelle ils livraient des
24 informations ? C'était là l'une des tactiques utilisées par la police
25 serbe. Seriez-vous d'accord avec cette déclaration ?
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1 R. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je ne peux me
2 livrer à une quelconque spéculation. Tout était possible, tout était
3 possible dans ce régime et sous la domination de la police secrète serbe.
4 Ils ont utilisé des méthodes impensables. Tout ce qu'on pourrait imaginer,
5 ils l'ont utilisé, ils l'ont fait.
6 Q. L'une des méthodes que vous connaissiez, j'en suis sûr, c'est une des
7 méthodes qui a été décrite par Ramadan Behluli ici même, dans ce prétoire,
8 lorsqu'il a dit que le MUP serbe essayait d'obtenir des informations
9 d'Albanais sur l'UCK en les interrogant dans la rue ou au poste de police.
10 C'est là, n'est-ce pas, l'une des méthodes que vous connaissiez ?
11 R. C'était la règle. C'était quelque chose qu'ils faisaient très
12 couramment, les membres de la police serbe. Ils cherchaient des
13 informations et cela se passait, notamment, plus particulièrement, dans des
14 territoires qui étaient sous contrôle serbe, dans des zones dans lesquelles
15 ils savaient que le mouvement de l'UCK était présent. Ils l'ont fait dans
16 un certain nombre de villages de ma région, également.
17 Q. Revenons, maintenant, au mois de mars et au mois d'avril ainsi qu'au
18 mois de mai ou plutôt, mars et avril 1998. Monsieur Limaj, à plusieurs
19 reprises, vous vous êtes décrit comme étant commandant d'unité de guérilla
20 composée de quelques hommes. Mais vous avez été l'un des premiers
21 responsables de l'UCK. Pourquoi riez-vous ?
22 R. Je ris --
23 Q. Vous vous êtes décrit comme étant l'un des premiers dirigeants de
24 l'UCK, n'est-ce pas ?
25 R. Excusez-moi, j'ai ri pour la raison suivante : Monsieur le Président,
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1 lorsque nous sommes arrivés à Klecka, nous n'étions que trois personnes.
2 Nous n'avions pas de responsable. Si nous en avions eu un, il nous aurait
3 dit : "Il faut vous lever à telle heure, faire telle ou telle chose pendant
4 la journée" et je n'aurais pas pu. Le seul motif qui m'a poussé à rentrer,
5 à revenir au pays, c'était de faire quelque chose pour mon pays, de venir
6 au secours de mon peuple et j'étais prêt à sacrifier ma propre vie pour
7 cela. J'étais prêt à perdre la vie pour défendre la cause du Kosovo. Je ne
8 savais absolument pas ce qui m'attendait, je n'avais aucune préparation.
9 Toute ma vie a suivi un cap différent. Mais il n'y avait personne d'autre,
10 nous l'avons vu, par la suite. Il n'y avait personne d'autre. C'est la
11 raison pour laquelle j'étais obligé d'agir tel que je l'ai fait.
12 Q. Monsieur Limaj, après les événements de Prekaz --
13 R. Mais je ne me voyais pas comme un dirigeant.
14 Q. Nous allons y revenir dans un instant. Mais après les événements de
15 Prekaz, de très nombreux hommes et de jeunes hommes ou plus âgés, au
16 Kosovo, qui rejoignaient les rangs de l'UCK. Pas seulement vous et les
17 trois hommes de Klecka --
18 R. Non, non.
19 Q. -- ils étaient très nombreux ?
20 R. Non. Je ne dis pas qu'il n'y avait que trois hommes, que nous n'étions
21 que trois, au total. Je vous parle de mon expérience. A ce moment-là, je ne
22 savais pas qu'il y avait d'autres gens, mais j'en suis absolument certain.
23 Vous me parlez de moi et je vous réponds en vous parlant de mon
24 expérience personnelle. Je vous ai dit ce que je pensais à ce moment-là, je
25 vous ai parlé de la situation. Bien entendu, les événements de Prekaz ont
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1 incité beaucoup de gens à rejoindre nos rangs.
2 Q. Exactement. De nombreux hommes ont rejoint l'UCK après les événements
3 de Prekaz. Comme vous l'avez fait, beaucoup d'autres au Kosovo ont commencé
4 à venir gonfler les rangs de l'UCK, n'est-ce pas, et ce, après Prekaz ?
5 R. Oui, Monsieur le Procureur. Mais ceci n'a pas eu lieu du jour au
6 lendemain. On ne peut pas appuyer sur un bouton et faire venir des gens.
7 Par exemple, après le massacre de Prekaz, les protestations ont commencé à
8 Pristina; ensuite, dans d'autres villes ainsi qu'en Albanie, à l'extérieur
9 du Kosovo, partout où se trouvaient des Albanais; ensuite, les femmes ont
10 commencé, également, à se manifester. Tout a pris de plus grandes
11 proportions. Le sentiment de révolte a crû. Après les événements de Prekaz,
12 des centaines de milliers de personnes se sont exprimées, sont sorties dans
13 la rue, à Pristina et ont entonné des slogans en faveur de l'UCK. C'est
14 aussi quelque chose qui s'est passé en occident.
15 Puis-je poursuivre ?
16 Q. Je pense que vous avez répondu à la question. Passons, maintenant, à
17 d'autres questions sans quoi nous n'aurons jamais fini.
18 Revenons à la manière dont vous vous êtes décrit, à savoir, comme
19 l'un des premiers dirigeants. J'aimerais qu'on revienne à un extrait de
20 l'interview pièce P36.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 M. WHITING : [interprétation]
23 Q. Par conséquent, ici, Monsieur Limaj, on vous demande si vous et
24 Hashim Thaqi et les autres étiez les vrais dirigeants de l'UCK, et ce, dès
25 le début et vous répondez : "Bien entendu, bien entendu."
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1 R. Non, non, non. Interprétez les choses telles qu'elles sont. Clairement,
2 on parle "du groupe," ici et dans ce groupe, il y avait des gens comme
3 Hashim et Kadri Veseli, Fehmi Lladrovci et d'autres. Comme je l'ai dit,
4 Madame, Messieurs les Juges, ils étaient une trentaine de personnes --
5 Q. Et vous-même.
6 R. Oui. Un instant. Oui, moi aussi, j'en faisais partie, c'est vrai, tout
7 le monde le sait.
8 Lorsque nous sommes revenus, c'étaient des gens qui étaient prêts à
9 se sacrifier. Bien entendu, puisqu'ils étaient prêts à le faire, certains
10 membres de ces groupes sont venus d'éminents représentants ou des membres
11 éminents de l'UCK. J'aimerais dire une chose, ici --
12 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais dans cet extrait, vous dites que
13 vous étiez les vrais dirigeants de l'UCK, et ce, depuis le début. Vous ne
14 dites pas que vous êtes devenus les dirigeants, mais que vous étiez les
15 vrais dirigeants de l'UCK, et ce, depuis le début; c'est bien la vérité,
16 n'est-ce pas, Monsieur ? Vous étiez, vous faisiez partie de ce groupe qui
17 était les vrais dirigeants de l'UCK ?
18 R. Non, ce n'est pas vrai. Ici, c'est Hashim dont on parle. Oui, c'est
19 vrai, mais par la suite, certains d'entre nous sont devenus des
20 responsables dans la guerre. Hashim, Kadri, Fehmi Ladrovci. Ce dernier,
21 Ladrovci, n'était pas commandant ou dans l'état-major général. Mais Hashim
22 et Kadri, dès le début, Hashim Thaqi, en particulier, était dirigeant
23 politique de l'UCK; il était, également, à Rambouillet.
24 Mais si vous essayez de dire que nous étions tous responsables, et
25 ce, depuis le début, ce n'est pas exact, Monsieur le Procureur. Ce groupe
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1 est allé au Kosovo. Certains membres de ce groupe sont devenus, plus tard,
2 commandants des zones ou des brigades ainsi que membres de l'état-major
3 général. C'est précisément dans ce contexte que je disais ce que j'ai dit
4 dans cette interview, lorsque je parlais du groupe de dirigeants de l'UCK.
5 Je n'ai pas pu donner de date. Je n'ai pas pu dire telle ou telle personne
6 est devenue responsable ou dirigeant à partir de telle date ou telle
7 personne est devenu membre de l'état-major général dès le début ou au
8 milieu de la guerre, et cetera. Il s'agit, cela dit, de faits qui sont
9 connus de tous au Kosovo.
10 Q. Monsieur Limaj, consultons un document qui vous a été remis hier soir,
11 je pense que vous avez eu la possibilité d'en prendre connaissance. Il
12 s'agit d'extraits d'un livre. Je ne sais pas si vous les avez sous les
13 yeux. Vous acquiescez?
14 R. Oui.
15 Q. Ce document a été remis à tout le monde. Veuillez commencer par
16 l'intercalaire numéro 1. C'est un livre -- pourriez-vous nous donner
17 lecture de ce livre, s'il vous plaît ?
18 R. Phénix de la liberté.
19 Q. C'est un livre que vous connaissez, n'est-ce pas ? C'est un ensemble de
20 différents ouvrages.
21 R. Un instant, s'il vous plaît, pardon. Ça y est maintenant, nous pouvons
22 poursuivre. Il y a un petit problème avec le bouton ou l'écouteur, plus
23 précisément.
24 Q. Est-ce que vous m'entendez ?
25 R. Oui.
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1 Q. Vous connaissez ce livre, n'est-ce pas ? C'est une compilation de
2 différents livres ?
3 R. Non, je ne le connais pas. Je l'ai vu, pour la première fois, hier
4 soir.
5 Q. Mais vous avez entendu parler du projet consistant à rédiger ces
6 différents ouvrages ?
7 R. Oui, j'avais entendu parler de ce projet. Je peux dire cela comme cela
8 effectivement, mais ce livre je ne l'avais jamais lu et je l'ai vu, hier
9 soir, pour la première fois.
10 Q. Vous nous dites avoir seulement entendu parler de ce projet ?
11 R. Non, j'ai dit que je n'avais pas lu le livre, auparavant.
12 Q. Mais ce projet, vous saviez qu'il existait, n'est-ce pas ? Ce projet
13 consistant à rédiger ces ouvrages.
14 R. Oui, il y a eu un certain nombre d'initiatives. Je ne sais pas si vous
15 m'entendez.
16 Q. Oui, oui, je vous entends. En réalité, vous avez donné votre accord
17 pour la rédaction de ce livre, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, oui.
19 Q. Si vous regardez à la première page de l'intercalaire numéro 1, vous
20 allez voir votre signature. C'est bien votre nom qui figure, à peu près, à
21 la moitié de la page, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, oui.
23 Q. Mais vous me dites que jusqu'à hier soir, vous n'aviez jamais lu cet
24 ensemble d'extraits ?
25 R. Monsieur le Procureur, il s'agit d'un projet qui consistait à établir
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1 un comité de rédaction, dans le cadre de ce projet, en particulier, mais je
2 n'ai pas lu ce livre. Je ne l'ai pas lu, je connaissais l'existence de ce
3 comité, mais je ne l'ai pas lu.
4 Q. Hier, vous avez eu la possibilité de lire ces extraits ?
5 R. Oui.
6 Q. J'aimerais, maintenant, que nous parlions du premier de ces extraits.
7 Il est à l'intercalaire numéro 2, c'est à propos de Sadik Shala. Sadik
8 Shala est votre neveu, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Avant d'avoir été tué à Rahovec, le 19 juillet ?
11 R. Oui, le 19 juillet.
12 Q. Avant d'en arriver à la première page --
13 R. Excusez-moi, Monsieur le Procureur. Avant de poursuivre, j'ai placé des
14 annotations sur un certain nombre de pages. J'ai souligné un certain nombre
15 d'extraits. Je ne sais pas si j'ai bien fait ou pas; peut-être que ce n'est
16 pas autorisé, je ne le sais pas.
17 Q. Non, il n'y a aucun problème. J'aimerais simplement que vous vous
18 concentriez sur mes questions.
19 R. Très bien.
20 Q. Passons, maintenant, à la deuxième page, page 210 dans la version en
21 Albanais, la deuxième page de la version anglaise. Je vais vous en donner
22 lecture de ce passage. Dans la version Albanaise -- je pense que c'est le
23 dernier paragraphe et on y lit la chose suivante : "Le 21 mars 1998, la
24 cellule de l'UCK était formée à Klecka. La première unité de cette cellule
25 a été nommé Celiku, composée de Fatmir Limaj, Celiku; Ismet Jashari,
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1 Kumanova; Haxhi Shala, Topi et Sadik Shala avec ses frères Nexhmi, Sabit et
2 Bajram."
3 Vous rougissez, Monsieur Limaj.
4 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris la question.
5 Q. Au moment où j'ai lu ce passage, vous avez rougi--
6 R. Non, non, excusez-moi. Non, je n'ai pas de raison de rougir.
7 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que le 21 mars, lorsque vous êtes arrivé à
8 Klecka, cette cellule, cette première unité, l'Unité Celiku a été formée ?
9 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, oui, en effet. La
10 création de cette cellule remonte au 21 mars, mais le nom de Celiku ne lui
11 a été donné que plus tard.
12 Quant au fait de rougir, il y a des erreurs, ici. Il y a des choses
13 qui ne sont pas exactes, des erreurs cruciales, si je puis dire.
14 Q. Dans le passage que je viens de lire, les choses sont exactes?
15 R. Il y a de graves erreurs, ici et il faut que je vous donne des
16 explications. Il y a des erreurs, il y a des incohérences.
17 Q. Monsieur Limaj, veuillez vous concentrer sur le passage que je viens de
18 lire. Les informations qui y figurent sont exactes, n'est-ce pas ?
19 R. Le 21 mars, la cellule existait, oui. Nous étions trois personnes dans
20 cette cellule et par la suite, elle est devenue l'Unité Celiku et ensuite,
21 Celiku 1 et Celiku 2.
22 Q. En réalité, Celiku existait déjà, en mars 1990 ?
23 R. Non, c'est inexact.
24 Q. Vous étiez Celiku et l'unité était Celiku.
25 R. Non, c'est faux. Non et je peux vous présenter des arguments contraires
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1 à ce que vous dites. La vérité est autre.
2 A la fin du mois d'avril, c'est là que cette unité est devenue
3 l'Unité Celiku. Nous avons eu deux émetteurs afin de pouvoir communiquer
4 les uns avec les autres et c'est, ensuite, que nous nous sommes appelés
5 Celiku parce qu'il nous fallait communiquer les uns avec les autres, Celiku
6 1, Celiku 2.
7 Mais jusqu'à la fin du mois d'avril, il est faux de dire que nous
8 existions déjà. Nous formions une unité, et mes neveux ont rejoint l'unité,
9 mais ce n'était pas l'unité Celiku avant la fin du mois d'avril.
10 Q. Là encore, Monsieur Limaj, je pense que vous repoussez les dates
11 réelles. C'est ce que vous faites, et c'est un autre exemple, d'ailleurs.
12 R. Non. Non. Non, bien au contraire. Vous essayez de dépeindre une
13 situation qui ne correspond pas à la réalité. La vérité est tout autre.
14 Vous essayez simplement d'inventer quelque chose qui n'existait pas.
15 Q. Pouvez-vous nous expliquer comment la personne qui a rédigé cet ouvrage
16 a pu se tromper ?
17 R. Madame, Messieurs les Juges, je prends simplement des exemples. Il faut
18 que je vous explique parce que lorsque je dis que des erreurs ont été
19 commises, le 8 janvier 1997, Sadik a contacté l'UCK et devient un membre de
20 l'UCK. C'est le 8 janvier 1997. Sadik arrive, parvient à contacter Fatmir
21 Limaj et devient un membre de l'UCK.
22 Lorsque nous avons vu le film, Madame, Messieurs les Juges, en disant
23 que j'ai envoyé un mot à Skender, qui est le frère de Sadik, et que trois
24 personnes allaient venir chez eux, ce n'est pas de cette manière que
25 j'aurais pu leur envoyer ce message. Ce n'est pas vrai. Je pense que ce qui
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1 est dit ici n'est pas vrai. C'est une erreur.
2 Q. S'agit-il d'une erreur typographique, Monsieur Limaj ?
3 R. Non, je pense qu'il s'agit d'une erreur professionnelle faite par les
4 personnes qui ont compilé cela.
5 M. MANSFIELD : [interprétation] Puis-je intervenir quelques instants ? Je
6 n'ai pas encore fait d'objections à cela, mais de nouveau, je pense qu'il
7 serait utile de savoir quelle est la provenance de ces livres et qui a
8 écrit ce passage. S'il va être utilisé pour tester la crédibilité du
9 témoin, qui est apparemment l'objectif que vous poursuivez ici, pour que sa
10 crédibilité puisse être testée, il faut que nous sachions plus sur ce
11 document, et pour l'instant, les commentaires qui viennent d'être faits
12 régulièrement concernent le fait qu'il rougisse ou qu'il ne rougisse pas à
13 un passage ou à un autre. De mon point de vue, cela n'est pas convenable.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting, la provenance est
15 effectivement une question importante. Je vous demande de bien vouloir vous
16 pencher sur cette question.
17 M. WHITING : [interprétation]
18 Q. Monsieur Limaj, vous avez participé au comité qui a écrit ces
19 biographies de ces personnes, n'est-ce pas ?
20 R. Non, cela n'est pas vrai, Madame et Messieurs les Juges. Je ne sais pas
21 qui est l'auteur de ce livre. J'ai entendu parler de cette entreprise.
22 C'est une entreprise qui était à l'instigation des vétérans de la guerre et
23 certains historiens de créer un comité qui rassemblerait des documents sur
24 les martyrs en un seul endroit, parce que les gens ne savaient pas qui
25 étaient les martyrs, d'où ils venaient, ce qu'ils avaient fait, et cetera.
Page 6249
1 C'est la raison pour laquelle j'ai soutenu cette entreprise de rassembler
2 ces documents tous ensemble. Nous étions, bien sûr, prêts à être en
3 concertation avec eux. S'ils souhaitaient nous consulter, j'ai exprimé,
4 bien sûr, que je le ferais volontiers. Mais les choses ne sont pas allées
5 plus loin que cela.
6 Je n'ai jamais compilé, ou écrit, ou fait quoi que ce soit dans ce livre.
7 Personne n'est venu me consulter. Il faut que vous sachiez qu'à ce moment-
8 là, il y avait plusieurs livres qui étaient publiés, avec tous des bonnes
9 intentions, et que beaucoup d'erreurs ont été commises. Je vois qu'il y a
10 des erreurs ici concernant Sadik et Ismet, mais également me concernant. Il
11 y a des erreurs sur ce qui est dit à mon sujet. Peut-être qu'ils n'ont pas
12 consulté les personnes qui étaient concrètement concernées, de façon à
13 écrire les choses telles qu'elles se sont vraiment passées.
14 Vous avez ma photo ici, et sur l'une des lignes, on dit que "Fatmir Limaj a
15 été blessé le 25 juin 1998." Je sais moi-même lorsque j'ai été blessé, et
16 il y a des preuves ici qui montrent quand j'ai été blessé. Lorsqu'il est
17 dit que "Sadik, Fatmir, et Ismet Jashari sont venus en 1997," c'est
18 également une erreur, parce que je vous ai dit quand je suis rentré de
19 Suisse.
20 Je ne sais pas. Pour dire la vérité, je ne sais pas qui sont les auteurs,
21 et je puis vous dire qu'ils ne m'ont pas consulté, et que cela est
22 regrettable parce qu'il y a des erreurs graves dans ce document.
23 Pour vous donner un exemple concret, un exemple typique, qui parle du fait
24 que chaque personne a sa propre réalité à l'esprit, sa propre histoire,
25 parce que la situation était extrêmement confuse, et tout le monde a vu la
Page 6250
1 situation avec leur propre conscience, la façon qu'ils avaient de la voir.
2 J'exprime la situation telle que l'ai vue moi-même. Avec toutes leurs
3 bonnes volontés et les meilleures intentions, ils ont fait de graves
4 erreurs. Il y a d'autres exemples de cela également.
5 Q. Monsieur Limaj --
6 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, je regrette de
7 devoir intervenir à l'égard de la réponse qui est faite, et que tout cela
8 concerne la crédibilité. Je pense qu'on ne peut pas utiliser ce document
9 plus. Ce n'est pas un document qu'il a compilé. Ce n'est pas un document
10 dont il est l'auteur. Ce n'est pas son document. J'accepte le fait que,
11 s'il s'agit d'une question de crédibilité, il pourrait être utilisé, mais
12 au moment présent, je suggère que nous cessions d'utiliser ce document. Il
13 s'agit simplement d'une question annexe, et je ne pense pas qu'il devrait y
14 avoir plus de questions à ce sujet sans qu'il y ait eu de preuves
15 d'apportées. C'était simplement une remarque finale que je souhaitais faire
16 pour vous exprimer mon opinion. Bien sûr, je ne souhaite pas que ce
17 document soit versé au dossier.
18 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je remercie Me
19 Mansfield de ses remarques, cependant, il s'agit d'un document qui a été
20 publié, et en l'espèce, M. Limaj a témoigné à plusieurs reprises dans ce
21 document. J'ai simplement une question supplémentaire, ou deux, à lui
22 poser. Ensuite, nous pouvons passer à autre chose.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous dire que vous voulez
24 passer à autre chose et que vous allez y revenir plus tard dans le cadre du
25 contre-interrogatoire, mais d'autres questions ?
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1 M. WHITING : [interprétation] Non. Je voulais passer à une autre question.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous pensez que vous n'avez pas
3 encore vraiment abordé cette question de la provenance, n'est-ce pas ?
4 M. WHITING : [interprétation] Non. Je m'excuse, mais en ce qui concerne la
5 question de la provenance, je n'ai pas d'autres questions. J'ai d'autres
6 questions sur ce qui se trouve dans ce texte, mais ce n'est qu'une
7 répétition de la question que nous avons déjà abordée.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Continuez, Monsieur Whiting.
9 M. WHITING : [interprétation]
10 Q. Monsieur Limaj, en examinant ces extraits concernant Sadik Shala, Ismet
11 Jashari, et d'autres personnes, vous avez dit que, dans les trois extraits,
12 la description qui est faite de l'unité Celiku comme ayant été créée en
13 mars 1999 [comme interprété], c'est de cela qu'il est question dans ce
14 passage, n'est-ce pas ? Vous avez remarqué ?
15 R. Oui, bien sûr j'ai remarqué. Mais ce n'est pas vrai, Monsieur. Il y a
16 des erreurs catastrophiques, et je vous en ai donné un exemple. La personne
17 qui a écrit cela n'a aucune idée de ce qui s'est passé en réalité. Il est
18 dit que j'étais blessé en juin 1999 [comme interprété], mais cela n'est pas
19 le cas.
20 Q. Alors, pour que les choses soient claires, votre déposition est que
21 cette erreur est répétée à différentes reprises dans ce livre. La même
22 erreur est répétée plusieurs fois.
23 R. Non, Madame et Messieurs les Juges. Non, ce n'est pas la seule erreur.
24 Il y a d'autres erreurs également, et cela montre que les auteurs de ce
25 livre n'ont pas la moindre connaissance élémentaire, pas de Sadik, de
Page 6252
1 Kumanova, ou de l'organisation à l'époque. Cette biographie est acceptable,
2 mais lorsqu'il parle de l'organisation, on voit bien qu'ils n'ont aucune
3 vision claire des choses telles qu'elles existaient à l'époque. Je vous ai
4 donnée deux ou trois exemples de leurs erreurs qui prouvent que les
5 renseignements qu'ils avaient n'étaient pas exacts.
6 Le 21 mars 1998, il n'y avait pas d'unité appelée Celiku au sein de l'UCK.
7 Il n'y en avait pas. Ils parlent des unités Celiku et ils parlent également
8 de M. Hasani ici. Mais il n'a jamais été soldat au sein de l'unité Celiku à
9 Klecka. Il était un membre de l'unité de Kroimire et de Luani. On dit ici
10 que Kumanova a été blessé. Il a été blessé en avril, et ici ce qu'on le
11 voit, c'est le 25 juin. Il a été blessé lorsqu'il est rentré en partant de
12 Denica pour aller à Malisheve. Ici, on dit qu'il a été blessé à Dukadjin,
13 quelque part. Il est dit également que j'ai été blessé à Loznica, ce qui
14 est faux, bien évidemment. Cela montre que l'auteur a des renseignements
15 qui sont erronés, et que les personnes qu'il a consultées n'avaient pas les
16 renseignements exacts.
17 Q. Monsieur Limaj, parlons de votre pseudonyme Celiku. Vous avez dit dans
18 votre témoignage précédemment, et vous l'avez répété aujourd'hui, que cela
19 n'a été qu'à la fin d'avril que vous avez entendu même ce nom de Celiku.
20 Vous avez déposé que le 29 avril est la première fois que vous avez entendu
21 le nom Celiku.
22 R. Non. Non. Je n'ai pas dit que je l'ai entendu. J'ai dit que Rexhep
23 Selimi a proposé, à la fin avril, que nous ayons un code parce qu'il nous
24 avait donné des radios. Je lui ai dit que j'aimerais avoir le pseudonyme
25 d'Arbeni; c'est une proposition que j'ai faite. Mais il y avait d'autres
Page 6253
1 propositions qui ont été faites, et en fait cela a été la proposition de
2 Rexhep.
3 Q. Avant le 29 avril, ce nom n'avait pas été utilisé dans votre
4 témoignage ?
5 R. Tout à fait. Autant que je le sache, tout au moins.
6 Q. Vous avez dit qu'après le 29 avril, les soldats ne vous connaissaient
7 pas sous le nom de "Celiku," mais ont continué à vous appeler "Daja." C'est
8 bien la teneur de votre déposition.
9 R. Non. Ce n'est pas ce que je dis dans ma déposition. Une fois de plus,
10 vous voulez introduire une confusion ici. Permettez-moi de m'expliquer. Ce
11 n'est pas le 29 avril, mais à la fin du mois d'avril, et non pas à la date
12 du 29 avril.
13 Madame et Messieurs les Juges, je voudrais m'expliquer à nouveau. Lorsque
14 nous avons reçu ces deux radios, nous avons rencontré Rexhep Selimi. Il a
15 apporté les deux radios. Lorsque nous les avons reçues, en tant qu'unité,
16 il fallait que nous ayons un nom de façon à pouvoir répondre lorsque nous
17 parlions à la radio. Il était impossible que je réponde en disant Fatmir ou
18 "Daja." A ce moment-là, Rexhep Selimi a proposé ce qu'il fallait faire en
19 ce qui concerne le code. J'ai suggéré d'utiliser un nom albanais, et il a
20 dit non. Il a dit laissons Celiku.
21 En fait, c'est une coïncidence. Mon frère Demir, en langue turque, son nom
22 veut dire acier, celiku, en albanais. Donc, c'était une coïncidence ce
23 pseudonyme.
24 Q. Monsieur Limaj, vous avez déjà raconté l'histoire. Mais le deuxième
25 jour, lorsque vous avez raconté l'histoire, et c'est à la ligne 14 à la
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1 page 13 du compte rendu non corrigé, il est dit, cette épisode que vous
2 décrivez ici, vous dites : "Je crois que c'est arrivé le 29 avril." C'est
3 de là que je tire cette date du 29 avril. Est-ce que vous nous dites à
4 présent qu'il ne s'agit pas de la bonne date ?
5 R. Non, non. Je ne dis pas cela de nouveau. Ce que je souhaite souligner,
6 c'est que je ne peux pas toujours connaître les bonnes dates. Je ne peux
7 pas donner les dates exactes. C'est la raison pour laquelle je vous dis
8 qu'il doit s'agir de la fin du mois d'avril et que je ne peux pas
9 déterminer la date exacte.
10 Q. Je comprends.
11 R. Si vous me permettez --
12 Q. Non. Je vous demande de rester concentré. Vous avez dit -- M. Mansfield
13 vous a demandé sous quel nom vous étiez connu à cette période, le 9 mai, et
14 vous avez dit que vous étiez connu sous le pseudonyme de "Daja."
15 R. Oui, c'est vrai. C'est vrai
16 Q. Bien. Donc, vous pouvez expliquer pourquoi Sylejman Selimi a témoigné
17 en avril qu'il vous connaissait sous le nom de Celiku, et que Ramiz Qeriqi
18 a témoigné en avril qu'il vous connaissait sous le nome de Celiku. Devant
19 cette Chambre de première instance, les deux ont fait ce témoignage.
20 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, je vais faire une
21 objection. Ce ne sont pas des questions que le témoin est en mesure de
22 répondre. Il veut demander par quel nom et lui dit ce qu'un autre témoin
23 pensait dire et comment le témoin a su quelque chose. Ce n'est pas la bonne
24 façon de poser une question.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a du vrai dans ce que vous dites,
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1 Maître Mansfield, mais il suffirait simplement de reformuler la question.
2 M. WHITING : [interprétation]
3 Q. Monsieur Limaj, est-il vrai qu'en avril, comme Sylejman Selimi et Ramiz
4 Qeriqi l'ont témoigné, vous étiez connu par les soldats sous le nom de
5 Celiku ?
6 R. Ce n'est pas vrai, parce qu'à l'époque, nous n'avions pas de soldats
7 qui pouvaient connaître mon nom. Je vous ai dit que nous n'étions que trois
8 ou quatre. La raison pour laquelle ils ont dit cela, c'est parce qu'après,
9 en août, tout le monde me connaissait, tout le monde dans le monde me
10 connaissait sous le nom de Celiku. Je ne sais pas, concernant la période,
11 comment ils ont su, comment ils ont appris, mais Celiku c'est comme cela
12 que la majorité des gens me connaissait. Pour finir, je ne sais pas
13 pourquoi Sylejman Selimi a dit cela, parce que pendant cette période, nous
14 ne nous voyions pas, moi et Sylejman. La réalité est différente. Ce n'est
15 pas vrai. Il faudrait m'expliquer.
16 Q. Monsieur Limaj, je pense que vous avez répondu à la question. Mais pour
17 que les choses soient claires, votre déposition est que ces deux autres
18 témoins se trompent concernant les dates, et que, vous, vous ne vous
19 trompez pas. S'agit-il d'un résumé exact de la teneur de votre déposition ?
20 R. Je ne peux pas me tromper en ce qui me concerne, en ce qui concerne ma
21 propre histoire, en ce qui concerne les choses que j'ai moi-même vécues. Il
22 s'agit d'un exemple de ce qui peut se passer quand une période n'est pas
23 précisée. La réalité est telle que je vous la décris, et ces deux personnes
24 ont été trompées.
25 Q. Alors, parlons du 9 mai, la bataille de Lapusnik. Il est vrai de dire
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1 que les personnes suivantes ont participé à la bataille le 9 mai : vous-
2 même, Isak Musliu, Ramiz Qeriqi, Sadik Shala, Ismet Jashari, Haxhi Shala,
3 Nexhmi Shala, Ramiz Shala, et d'autres personnes.
4 R. Oui, c'est vrai. Non, ce n'est pas vrai. La réalité est telle que je
5 l'ai décrite tout à l'heure.
6 Q. Est-ce que vous pouvez me dire, dans ces noms, lesquels n'ont pas
7 participé ?
8 R. Oui.
9 Q. D'après vous.
10 R. Oui.
11 Après l'attaque, une fois qu'elle a été terminée, les gens sont
12 venus, mais il y avait d'autres personnes qui sont venues après. Ramiz
13 Qeriqi est venu à la fin de l'attaque, et Ismet n'est pas venu parce qu'il
14 était blessé à la jambe. Lorsque nous sommes rentrés de Lapusnik, nous
15 avons vu qu'il était blessé. Haxhi Shala, il est venu après la fin de
16 l'attaque. Shaban Shala, je ne sais pas de quel Shaban Shala nous parlons.
17 Isak et Sabit sont restés avec la radio à Berisa. Il y avait cinq personnes
18 y compris moi. Isak, Sadik, Bardhi et Nexhmi Shala. Il s'agit des cinq
19 personnes qui ont participé à l'attaque.
20 En ce qui concerne les autres, ils sont venus une fois que l'attaque
21 a été terminée. Beaucoup d'autres personnes, même des civils, sont venues,
22 mais elles n'ont pas participé à l'attaque.
23 Q. Vous étiez en charge de l'unité, n'est-ce pas, lors de cette bataille
24 du 9 mai ? Vous étiez en charge de l'unité qui est partie de Klecka pour
25 aller à Lapusnik ?
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1 R. Oui. Vous le voyez clairement ici. J'étais la personne qui était en
2 charge de l'unité à Klecka, ces cinq personnes. Il s'agissait de personnes
3 qui étaient invitées, des jeunes hommes qui passaient d'une zone à l'autre.
4 D'après ce que nous avons vu, d'après les événements sur la route, nous
5 sommes allés voir ce qui se passait sur la route entre Gjurgjice et Orlat.
6 C'était pendant la journée. Sadik, parce qu'il vient de cette région, et
7 comme moi-même c'était la première fois que j'avais utilisé cette route, la
8 route de Berisha, donc c'est Sadik qui nous a emmenés dans son véhicule, et
9 nous avons suivi l'évolution là-bas. Nous avons décidé sur le terrain. Nous
10 avons simplement dit, Allons-y, et nous y sommes allés.
11 Avec Sadik, et Nexhmi qui était avec nous et qui n'était pas soldat à
12 l'époque. Il est venu avec nous. Isak est venu également. Il était venu me
13 voir pour savoir ce qui se passait. Il y avait également un certain Bardhi
14 qui était du village de Drenoc, qui était venu à notre base pour une
15 semaine jusqu'à ce que leur base dans son territoire soit prête.
16 Lorsque nous avons vu la situation là-bas, lorsque nous avons vu que
17 les forces serbes avaient placé un bus comme une sorte de bouclier, nous
18 avons décidé de descendre la colline, et c'est ce que nous avons fait.
19 Q. Monsieur Limaj, vous avez fait une réponse très longue. La seule
20 question que j'ai posée, et à laquelle vous avez répondu était au début,
21 qui était de savoir si vous étiez en charge de l'unité. C'est la seule
22 question que je vous ai posée. Je vous demande de bien vouloir faire des
23 réponses qui répondent à ma question, de façon à ce que nous puissions en
24 finir.
25 R. Oui.
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1 Q. Vous avez dit, dans votre déposition, qu'Isak Musliu et Luan et Ramiz
2 Qeriqi, étaient simplement là, ce jour-là, à Klecka.
3 R. Oui.
4 Q. Nous allons revenir un peu en arrière concernant ces deux personnes.
5 Vous avez également dit dans votre témoignage que vous les aviez rencontrés
6 lors d'un de vos voyages à Likovc, en avril 1998, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous êtes revenu -- vous êtes allé avec eux à Klecka cette fois-là, et
9 avec Sadik Shala. C'était vous et Sadik Shala et Luan, en avril 1998,
10 n'est-ce pas ? Vous avez fait ce voyage ensemble ?
11 R. C'était la première fois que je rencontrais ces deux personnes, oui.
12 Ils sont venus avec nous de Likovc et nous ont rejoint sur le chemin vers
13 Klecka. C'est exact.
14 Q. Après que vous soyez arrivés à Klecka, Luan a continué et est allé à
15 Kroimire ?
16 R. Oui, avec Isak. Avec Isak, ils y sont allés. C'est à ce moment-là, pour
17 vous dire la vérité, en fait, je ne savais pas où ils allaient, s'ils
18 allaient ou non à Kroimire. Je ne savais pas quelle était leur destination,
19 mais ils sont allés vers d'autres municipalités, dans les municipalités de
20 leurs villages. Ils y sont allés ensemble, et c'était la première fois que
21 je voyais ces personnes. C'est la première fois, ce jour-là, que j'ai vu
22 ces personnes.
23 Q. Votre témoignage est que vous ne saviez pas que Luan allait à Kroimire
24 pour créer cette unité ? Vous ne le saviez pas ?
25 R. Oui. Le premier jour, je vous parle du premier jour à présent, nous en
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1 avons parlé. Nous avons dit que nous irions dans les villages, dans les
2 endroits où nous étions nés, dans nos municipalités de naissance. Lipjan et
3 Stimlje sont de très grandes municipalités. Ils sont peut être allés dans
4 d'autres endroit peut-être, mais il est vrai de dire qu'ils sont allés vers
5 leurs municipalités de naissance. C'était le premier jour.
6 Q. Après que Luan soit allé à Kroimire, il est revenu après quelques jours
7 et il a fait la navette entre Kroimire et Klecka pendant cette première
8 période ?
9 R. Non. C'est un problème, parce qu'en fait, vous allez toujours à mi-
10 chemin vers la vérité. Moi, je vous demande de faire la route entière. Il
11 ne s'agissait pas uniquement de Luan, mais également d'Isak. Ils sont
12 revenus à Klecka. Ils se sont reposés, comme je l'ai dit, parce que ce
13 voyage était très fatiguant. Ils se sont reposés quelque temps à Klecka et
14 ils ont dû continuer leur trajet vers Likovc parce qu'ils y avaient laissé
15 des amis qui étaient venus avec eux d'Allemagne. Après qu'ils aient eu
16 installé une base, ils se sont rendus à cet endroit pour que la base soit
17 installée. Ils voulaient aller les chercher à Likovc et les emmener vers
18 leurs territoires respectifs. Ils ont passé une nuit à Klecka. Ils ont
19 passé la journée du lendemain entière à Klecka, et le soir, ils sont partis
20 pour Likovc. Ils n'avaient pas besoin d'escorte de notre part parce qu'ils
21 connaissaient la route. C'est la vérité.
22 Q. C'était la question que j'allais en fait vous poser, donc vous l'avez
23 anticipée. Ils sont venus à Klecka, et ensuite, ils sont allés à Likovc, et
24 ensuite, ils sont repartis à Klecka, n'est-ce pas ?
25 R. Ils sont rentrés de Likovc et ils sont arrivés à Klecka. Ils avaient
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1 pris avec eux deux ou trois soldats. Un moment. Ils avaient pris deux ou
2 trois soldats avec eux, et c'est à ce moment-là, lorsque les événements à
3 Lapusnik ont eu lieu. C'est pendant cette période.
4 En fait, l'événement a eu lieu lorsqu'ils étaient au même endroit que
5 moi. Je parle des événements de Lapusnik.
6 Q. Vous avez dit, lors du deuxième jour de votre déposition, que pendant
7 cette période en avril, vous avez dit qu'il y avait des centaines de
8 soldats qui traversaient votre base à l'époque.
9 R. Si c'est ce que j'ai dit, il s'agit d'une erreur. Ce que je voulais
10 dire, c'est que pendant cette période à Klecka, et c'est plus tard, ce
11 n'est pas en avril, mais après avril. Ce n'est pas seulement des centaines,
12 mais centaines de soldats traversaient Klecka. Je vous prie de bien vouloir
13 m'excuser si j'ai fait cette erreur dans ma déposition auparavant. Mais
14 cette fois-ci, je ne me trompe pas lorsque je dis qu'il s'agissait de 15 ou
15 20 soldats qui ont traversé Klecka. Monsieur le Procureur, à ce moment-là,
16 un certain Ymeri Ilazi est venu, qui est passé et parti vers Jezerce avec
17 son groupe, qui lui-même venait de là-bas.
18 Q. Je ne parle pas -- je vais vous demander de bien vouloir vous reporter
19 à la page 21 du compte rendu d'audience non corrigé, à la ligne 14. Vous
20 parlez du moment où ils étaient là, le 9 mai, et vous dites qu'ils étaient
21 à ma base, et rien de plus que cela. "Des personnes telles qu'Isak, des
22 centaines d'eux qui passaient à travers la base, et plus tard, beaucoup
23 plus." C'est de ce passage que je parle. A ce moment-là, ils étaient des
24 centaines --
25 R. Non, non ce n'est pas pendant cette période de temps. Je voulais
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1 simplement vous donner un exemple du fait qu'après, en mai, en juin, en
2 novembre, en décembre, des centaines de personnes ont traversé Llap,
3 Nerodime, et d'autres endroits. Pas simplement Klecka, mais également
4 d'autres endroits ont été traversés. Mais c'est surtout par Klecka qu'ils
5 sont passés, parce qu'il s'agissait d'un endroit pratique pour aller vers
6 la zone de Nerodime et vers d'autres zones. Je ne vous donne pas de
7 précisions quant à une période. Je ne le dis qu'à titre d'exemple, lorsque
8 je dis que des personnes telles qu'Isak, des jeunes hommes tels qu'Isak,
9 qu'il y en avait des centaines qui traversaient Klecka.
10 Q. Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne va pas ? Est-ce que vous avez
11 besoin de quelque chose ?
12 R. J'aimerais aller aux toilettes, s'il vous plaît.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La séance est levée, et nous
14 reprendrons dans à 17 heures 55.
15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 33.
16 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.
18 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pourrait-on
19 présenter au témoin la pièce P153, je vous prie ? Ce document apparaît à
20 l'écran grâce au logiciel Sanction. J'ai l'impression que le témoin a des
21 problèmes avec le microphone.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.
23 M. WHITING : [interprétation]
24 Q. Monsieur Limaj, est-ce que vous voyez cette photographie ? Il s'agit de
25 la pièce P153.
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1 R. Oui.
2 Q. Il s'agit d'une photo sur laquelle on vous voit ainsi que Luan,
3 Kumanova et Isak Musliu; est-ce exact ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que cette photographie a été
6 prise en avril 1998, à Klecka ?
7 R. Peut-être, mais la photo pourrait être plus claire. On voit que je suis
8 blessé. Je pense que la photo date du mois d'avril. Si la photo était de
9 meilleure qualité, on pourrait en savoir davantage. Ismet et moi-même
10 étions blessés. Je suis sûr qu'il s'agit du mois d'avril.
11 Q. Vous pensez que la photo a été prise en avril ?
12 R. C'est possible, oui.
13 Q. Vous souvenez-vous du moment où cette photographie a été prise ?
14 R. Franchement, je ne m'en souviens pas, mais je sais qu'avant cela, nous
15 n'avions pas pris de photos. Lorsque Luan est arrivé, il avait un appareil
16 photo. Avant cela, nous n'avions pas d'appareil photo. La première fois que
17 nous avons pris une photo, c'était à ce moment-là. C'est pour cela que je
18 pense que c'était au mois d'avril. Lorsqu'il est arrivé d'Allemagne, il
19 était muni d'un appareil photo. Avant cela, nous n'avions rien, ni appareil
20 photo, ni uniforme, rien du tout.
21 Q. Très bien.
22 M. WHITING : [interprétation] Je n'ai plus besoin de cette pièce à
23 conviction.
24 Q. Monsieur Limaj, parlons à présent de Kroimire. Ramadan Behluli a
25 témoigné dans ce prétoire et a déclaré qu'il avait rejoint les rangs de
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1 l'UCK, en tant que soldat, le 20 avril 1998. Il a déclaré qu'après avoir
2 rejoint les rangs de l'UCK, il recevait des ordres de Luan, à Kroimire. Il
3 a ajouté qu'il exécutait ses ordres et que Luan, lui-même, recevait ses
4 ordres d'en haut. Tout cela est exact, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
5 R. Non, Monsieur le Procureur, ce n'est pas vrai. Vous pouvez résumer les
6 choses, si vous le souhaitez, mais la vérité, c'est que cet homme sait
7 mieux ce qu'il en est. Je sais qu'à l'époque, Ramiz Qeriqi, lorsqu'il est
8 arrivé à Klecka, nous n'avions rien d'autre que nos armes. Ce qu'il a fait
9 à Kroimire, ce qu'il a mis en place et la manière dont les choses
10 fonctionnaient, je l'ignore. Je veux parler de cette période précise. C'est
11 pour cela que je vous dis que je ne sais pas.
12 Q. Monsieur Limaj, Luan, Ramiz Qeriqi, a déclaré dans ce prétoire, qu'en
13 mai 1998, il existait une chaîne de commandement qui allait de Likovc à
14 Klecka à Kroimire. C'est exact, n'est-ce pas, de dire que la chaîne de
15 commandement allait de Likovc à Klecka à Kroimire et aux autres postes ?
16 R. Je ne savais pas qu'il avait déclaré cela de la manière dont vous venez
17 de le décrire. Si tel est le cas, c'est faux. Je peux ajouter autre chose :
18 Ramiz Qeriqi avait des contacts directs avec ses amis à Drenica qui étaient
19 impliqués dans l'autre mouvement qui existait avant cela. Il était en
20 communication directe avec ses amis de Drenica avant même de venir
21 participer à la guerre de libération. Il est faux de dire que le réseau
22 fonctionnait de la manière dont vous venez de le décrire.
23 Q. Vous déclarez qu'à l'époque, en mai 1998, il n'existait pas de chaîne
24 de commandement qui allait de Likovc jusqu'à Klecka, jusqu'à Kroimire. Est-
25 ce bien ce que vous dites ?
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1 R. Il n'existait pas de chaîne de commandement de ce type.
2 Q. Dans son entretien qui a été versé au dossier sous la cote P160, Shukri
3 Buja a déclaré qu'il recevait des ordres de votre part et que lorsque vous
4 ne saviez pas quoi faire, vous consultiez l'état-major général, au mois de
5 mai ?
6 R. Je ne comprends pas ce que vous dites.
7 Q. Je vais répéter ma question. Dans l'entretien accordé par Shukri Buja,
8 entretien versé au dossier sous la cote P160, ce dernier a déclaré qu'à
9 l'époque, il recevait des ordres de votre part et que lorsque vous ne
10 saviez pas quoi faire, vous consultiez l'état-major général ?
11 R. C'est tout à fait inexact. Je peux vous donner des milliers d'arguments
12 à l'appui de ce que je dis.
13 Q. Je ne veux pas entendre vos arguments. Je veux simplement entendre
14 votre déposition. Veuillez simplement répondre à mes questions. Vous nous
15 dites que c'est inexact, n'est-ce pas ?
16 R. Je n'ai jamais, de ma vie, donné d'ordres à Shukri Buja. Au nom de
17 l'état-major général, oui, mais personnellement, non.
18 Q. Vous lui avez bien donné des ordres au nom de l'état-major général,
19 n'est-ce pas ?
20 R. Lorsque je suis devenu membre de l'état-major général, oui, j'ai
21 transmis des décisions prises par l'état-major général.
22 Q. Mais vous nous dites qu'en avril, mai, juin et juillet, vous n'avez
23 jamais donné d'ordres à Shukri Buja ?
24 R. Non, jamais.
25 Q. Vous déclarez, également, que vous n'avez jamais donné d'ordres à
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1 Luan ?
2 R. Pour ce qui est de Luan, les choses sont un peu différentes. Lorsque la
3 brigade a été constituée au mois d'août, j'étais son commandant de brigade
4 et à partir du mois d'août, je lui ai donné des ordres.
5 Q. En avril, mai, juin et juillet, vous nous dites que vous ne lui avez
6 jamais donné d'ordres ?
7 R. Non, jamais.
8 Q. Il n'existait pas de chaîne de commandement qui allait de Likovc à
9 Klecka et à Kroimire ?
10 R. Non, à l'époque, elle n'existait pas.
11 Q. Passons à la période qui a suivi la bataille du 9 mai. Vous avez
12 déclaré qu'en mai 1998, après la bataille du 9 mai, vous vous étiez rendu à
13 Lapusnik à deux autres reprises, lorsque les combats y faisaient rage, une
14 fois, le 17 ou le 18 mai et la troisième fois, vous avez dit que c'était le
15 21 mai, mais vous n'étiez pas sûr de la date. Vous souvenez-vous avoir
16 déclaré cela ?
17 R. Oui, Monsieur le Procureur. Nous parlons, ici, de deux batailles. Je ne
18 sais pas si la deuxième bataille a eu lieu le 22 ou plus tard -- il me
19 semble que c'était le 29, mais c'était là, la troisième fois.
20 Q. Une fois de plus, vous avez anticipé ma question. J'allais vous
21 demander s'il était possible que la troisième bataille ait eu lieu le 29
22 mai ?
23 R. Oui, c'est possible.
24 Q. Est-ce que vous pensez, aujourd'hui, que le 29 mai est la date à
25 laquelle la troisième bataille a eu lieu et que c'est là que vous vous êtes
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1 trouvé à Lapusnik ?
2 R. Oui, c'est possible car c'était la bataille la plus importante. Ce qui
3 m'intéresse, c'est l'intensité des combats. Il s'agissait d'une bataille
4 plus intense. La bataille du 29 a été une bataille intense.
5 Q. Vous vous trouviez à Lapusnik pour participer à ces combats ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous avez déclaré qu'après le 29 mai, vous étiez préoccupé par ce que
8 vous avez appelé l'euphorie ambiante.
9 R. Oui.
10 Q. Ce qui vous préoccupait, c'était la vulnérabilité de l'UCK Malisheve.
11 Vous pensiez que les forces serbes pouvaient pénétrer dans ce secteur et en
12 prendre le contrôle.
13 R. Je ne sais pas si la traduction de vos propos est exacte. Le fait est
14 que l'UCK n'était pas protégée. La prise de contrôle de Malisheve a eu lieu
15 sans action militaire; ce n'était pas l'aboutissement des actions menées
16 par l'UCK. Il s'agit d'un phénomène semblable à ce qui s'était produit à
17 Lapusnik et à d'autres endroits. Tous ces événements ont provoqué un
18 sentiment d'euphorie parmi la population. Je sais que l'UCK n'avait pas le
19 potentiel requis pour défendre Malisheve, si les forces serbes voulaient
20 attaquer Malisheve.
21 Q. Très bien. Vous nous dites que vous étiez préoccupé par cette euphorie
22 ambiante, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 M. WHITING : [interprétation] Pourrait-on montrer à M. Limaj la pièce à
25 conviction de l'Accusation numéro 37, je vous prie ? Peut-être que ce
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1 document pourrait apparaître à l'écran grâce au logiciel Sanction.
2 Q. Monsieur Limaj, vous souvenez-vous avoir accordé une interview à la
3 télévision de Tirana, le 3 juin 1998 ou vers cette date ?
4 R. Oui.
5 Q. Le document que vous avez sous les yeux, la pièce à conviction de
6 l'Accusation numéro 37, est une transcription de cette interview, n'est-ce
7 pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Je vais donner lecture de certains passages de ce document. Au début,
10 il est dit : "Une interview avec M. Celiku, l'un des commandants de l'UCK
11 dans la zone de Drenica."
12 Ensuite, on peut voir la question qui vous est posée. Je cite : "Monsieur
13 le commandant, pourriez-vous nous dire quelque chose au sujet de la
14 résistance qu'opposent les unités de guérilla de l'UCK dans la région que
15 vous couvrez."
16 Vous répondez, je cite : "L'UCK est une force organisée qui bénéficie d'un
17 grand soutien à Drenica et dans toutes les autres régions du Kosovo où la
18 guerre fait rage. Notre armée a aidé la population locale et oppose une
19 forte résistance à l'ennemi."
20 C'est bien ce que vous avez dit, Monsieur Limaj ?
21 R. Oui.
22 Q. C'est exact, n'est-ce pas ?
23 R. Non. Si vous me le permettez, je souhaiterais faire des commentaires au
24 sujet de cette déclaration. Vous ne pouvez pas sortir cette vidéo hors du
25 contexte.
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1 Q. Je souhaiterais que nous procédions pas à pas. Vous dites, ici, que :
2 "L'UCK est une force organisée qui bénéficie d'un grand soutien à Drenica
3 et dans toutes les autres régions du Kosovo, la guerre fait rage." C'est ce
4 que vous avez dit et c'est la vérité, n'est-ce pas ?
5 R. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, ceci n'est pas
6 vrai. C'est la première fois qu'un membre de l'UCK s'exprimait à la
7 télévision. Il y avait eu des déclarations ci et là, auparavant, mais
8 c'était la première fois que quelqu'un apparaissait ouvertement,
9 publiquement à la télévision et cette personne, c'était moi. Ceci a eu lieu
10 sur la télévision nationale albanaise. Il s'agissait d'une émission au
11 sujet de la diaspora du Kosovo. A l'époque, dans le cadre de cette
12 interview, en tant que membre de l'UCK, j'aurais pu utiliser des
13 expressions encore plus grandes et éloquentes pour décrire l'UCK.
14 Ceci a eu lieu après la bataille de Lapusnik. Il s'agissait d'une bataille
15 importante que nous avons gagnée. Après cette bataille, nous avons accordé
16 cette interview et nous avons parlé de la résistance à cet endroit.
17 Q. Vous nous dites que ce que vous avez déclaré ici n'était pas vrai ?
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'il s'agissait d'une interview
19 où il n'y avait pas d'image, seulement le son.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais qu'attendez-vous de la part d'un
21 commandant ? C'était la première fois qu'on parlait de l'UCK, qu'on pouvait
22 présenter l'UCK, et c'est la première fois que j'apparaissais en public
23 dans les médias. C'est là que le surnom Celiku a été utilisé. Mais si vous
24 tenez compte de la position qui était la mienne à l'époque, c'était la
25 première fois que je pouvais m'exprimer. Je voulais donner une image très
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1 positive de l'UCK; c'est ce que j'ai fait. La réalité était peut-être
2 autre, mais nous voulions présenter l'UCK de la meilleure manière possible.
3 Q. Vous avez exagéré, en quelque sorte, la situation, ce que vous avez
4 affirmé ici n'était pas vrai; c'est ce que vous nous dites ?
5 R. Oui, c'est exact. Nous avons exagéré les choses.
6 Q. Qu'en est-il de la phrase ou vous dites : "Notre armée est aidée par la
7 population locale qui oppose une forte résistance à l'ennemi" ?
8 R. Oui. La population nous a aidé. Les civils ont pris part à diverses
9 actions à Lapusnik, la plupart des personnes qui ont participées à ces
10 actions étaient des villageois du cru.
11 Q. Mais qu'en est-il du passage où vous parlez d'une "forte résistance à
12 l'ennemi" ?
13 R. Dans le cadre de la bataille de Lapusnik, nous avons opposé une
14 certaine résistance. Je vous ai déjà décrit ce qui s'est passé. Il
15 s'agissait d'un choc frontal. C'était la première véritable bataille.
16 Q. Monsieur Limaj --
17 R. Ou autre --
18 Q. La question suivante est comme suit : "Pouvez-vous nous dire quelque
19 chose au sujet des résultats de cette résistance ?"
20 Vous répondez : "La plupart de ce territoire et de Lapusnik, en général,
21 est libre. Nos forces contrôlent ces différentes régions, c'est-à-dire,
22 l'UCK contrôle ces différentes régions. Nos forces ont pris le contrôle de
23 l'axe Pristina-Peja, il y a un mois."
24 R. Je ne vois pas ce passage. Est-ce que vous pourriez me donner la page
25 d'où est extraite cette citation ? Ce que j'ai sous les yeux est une
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1 transcription très brève. Je n'ai que quatre paragraphes.
2 Q. Par conséquent, vous n'avez pas de question qui commence ainsi :
3 "Pouvez-vous nous parler des résultats véritables de la résistance ?" Vous
4 n'avez pas cette phrase qui apparaît sur l'exemplaire dont vous disposez ?
5 R. Non, non.
6 Q. Est-ce que --
7 R. Seulement.
8 Q. La déclaration qui suit : "La plus grande partie du territoire de
9 Drenica et de Lapusnik, en général, est libre et sous le contrôle --" et
10 cetera, est-ce que vous avez cela ?
11 R. Non, non, je ne l'ai pas.
12 Q. J'en resterai là et nous allons attendre d'obtenir une traduction plus
13 complète afin que vous puissiez répondre à ces questions.
14 Monsieur Limaj, la prise de contrôle de la route Peja-Pristina, à Lapusnik,
15 était un événement très important, notamment, du point de vue stratégique
16 pour l'UCK, n'est-ce pas ?
17 R. Les événements ultérieurs l'ont montré. Effectivement, d'un point de
18 vue stratégique, c'était quelque chose de très important. Mais lorsque nous
19 nous sommes battus, à ce moment-là, nous n'avons pas pensé aux événements
20 qui allaient suivre. Nous souhaitions simplement faire cesser la
21 progression des Serbes. Nous avons mené cette opération militaire et nous
22 sommes, ensuite, retournés vers notre base. Mais bien sûr, par la suite,
23 nous nous sommes rendus compte que d'un point de vue stratégique, cet
24 événement avait été très important. Nous nous en sommes rendus compte plus
25 tard. Mais à ce moment-là, à l'époque, nous ne pouvions même pas imaginer
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1 que la police serbe pourrait tolérer que l'UCK ne bloque la route.
2 Q. J'aimerais vous soumettre ce qu'a dit Sylejman Selimi à propos de cet
3 événement, ici. Il a dit : "La stratégie, pour cette région, c'était
4 d'établir un corridor libre et afin de pouvoir se servir de ce corridor,
5 afin de transporter des armes pour l'UCK."
6 Il était important, n'est-ce pas, de prendre le contrôle de ce lieu afin de
7 pouvoir transporter des armes vers les territoires aux mains de l'UCK.
8 N'est-ce pas exact, Monsieur Limaj ?
9 R. Monsieur le Procureur, s'il vous plaît, voyez comment nous avons
10 participé à cette opération. Je parle de moi, ici, de ce que nous avons
11 fait sur place. Ce que d'autres unités ont fait, je ne sais pas. Peut-être
12 que M. Selimi avait des projets tels que celui-ci. En ce qui me concerne,
13 nous sommes allés là-bas et j'ai été blessé. Je pouvais à peine utiliser
14 mon bras. Est-ce que d'autres gens avaient planifiés cela ou s'étaient
15 préparés pour cela -- si vous étudiez les événements, la vérité qu'ils
16 suggèrent est tout autre, les unités -- parce que nous sommes allés sur
17 place, nous sommes allés aider. Or, ils ne se trouvaient pas dans la gorge
18 de Lapusnik. Les combats avaient lieu à Gjurgjice, Monsieur le Procureur,
19 et à Orlat, vers le lieu de naissance de M. Krasniqi et je pense qu'à ce
20 moment-là, nous ne réfléchissions même pas aux résultats de ces combats.
21 Comme je l'ai déjà dit, les combats ont commencés à Gjurgjice. Je ne pense
22 pas que quelqu'un ait planifié quoi que ce soit d'autre ou préparé quoi que
23 ce soit. Mais bien entendu, les choses ont évolué et nous sommes parvenus à
24 remplir nos objectifs, grâce à Dieu.
25 Q. Monsieur Limaj, vous reconnaissez que le 9 mai, à Lapusnik, il n'y
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1 avait pas que votre unité, il y avait d'autres unités qui participaient aux
2 combats ?
3 R. Monsieur le Procureur, les combats avaient lieu à Gjurgjice et à Orlat
4 et plus tard, une unité de Poterk est arrivée. Poterk est une localité
5 proche de Lapusnik -- parce que les forces serbes étaient tout au long de
6 la route entre Gjurgjice et Lapusnik. Il y avait une certaine distance qui
7 les séparait, mais cette unité de Poterk est venue pour aider les soldats
8 de l'UCK qui luttaient à Gjurgjice pendant que nous --
9 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Limaj, mais cette unité
10 venait de l'autre côté de la route Peja-Pristina, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Oui, oui.
13 Q. Lorsque les combats se sont déplacés vers Lapusnik, il y avait
14 plusieurs unités de différentes localités qui ont participé aux combats,
15 n'est-ce pas ? Il n'y avait pas seulement la vôtre, mais il y en avait
16 également d'autres qui ont participé aux combats qui ont eu lieu à
17 Lapusnik, n'est-ce pas ?
18 R. Les combats ont commencé à Gjurgjice et cette unité de Poterk qui
19 attaquait les forces serbes, voilà la situation, il y avait aussi des
20 civils, des volontaires de partout, de tous les villages. Par exemple,
21 nous, nous étions aidés par des civils. Je ne sais pas combien il y en
22 avait, je n'en ai aucune idée, pas la moindre idée. Je ne sais pas combien
23 sont venus nous rejoindre à ce moment-là. Mais les principaux combats
24 avaient lieu là-bas. Ce n'est pas en un seul jour que tout a eu lieu. Ce
25 sont des combats qui duraient déjà depuis plusieurs jours parce que les
Page 6273
1 forces serbes voulaient pénétrer dans ce village, entrer à Gjurgjice et
2 mettre à sac le village. C'est comme cela qu'ont commencé les combats.
3 L'unité qui est allée aider a permis que les forces serbes n'entrent pas
4 dans le village. Le troisième jour, les événements dont vous avez parlé à
5 Lapusnik, événements dont vous avez parlé, se sont produits, lorsque nous y
6 sommes allés. Mais les deux premiers jours les combats n'étaient pas très
7 intenses. Ils étaient de faible intensité, même. Les Serbes, peut-être ne
8 pensaient pas que nous allions opposer une telle résistance.
9 Q. Monsieur Limaj, revenons à ma question. Ma question était la suivante :
10 lorsque les combats se sont déplacés vers Lapusnik, le troisième jour, le 9
11 mai, d'autres unités étaient présentes, n'est-ce pas et pas seulement la
12 vôtre ? D'autres unités de l'UCK provenant d'autres localités étaient
13 également présentes, n'est-ce pas ?
14 R. Comme je l'ai dit, il y avait des villageois, des soldats, différentes
15 unités. Je ne savais pas d'où elles venaient, mais il y en avait beaucoup
16 qui ont participé.
17 Q. Je vous remercie.
18 R. Toute personne qui entendait parler de ce qui arrivait sur place
19 venait.
20 Q. Je vous remercie.
21 R. Tout comme nous l'avons fait.
22 Q. C'était effectivement ma question.
23 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais, maintenant, qu'on vous montre en
24 même temps trois pièces, la pièce de l'Accusation 119, la pièce de
25 l'Accusation 159 et la pièce de l'Accusation 154.
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1 Q. Commencez par la pièce 154.
2 R. Oui.
3 Q. Monsieur Limaj, vous avez sous les yeux cette pièce de l'Accusation,
4 numéro 154 -- vous voyez la ligne qui est tracée dans la partie haute, à
5 gauche de cette pièce ? Vous voyez ?
6 R. Oui, je vois.
7 Q. C'est Ramiz Qeriqi qui a tracé cette ligne, lors de son entretien, au
8 cours de la journée du 23 avril 2003 et qu'il a confirmé ici, dans ce même
9 prétoire. Au cours du mois de mai et du mois de juin 1998, cette région qui
10 est délimitée par cette ligne se trouvait sous le commandement de Klecka et
11 vous étiez, n'est-ce pas, en charge à Klecka?
12 R. Tout d'abord --
13 Q. Veuillez répondre à ma question. Il est exact de dire, n'est-ce pas,
14 que ce secteur était placé sous le commandement de Klecka, au mois de mai
15 et de juin 1998 ?
16 R. Pour vous dire la vérité, je ne me souviens plus que Ramiz ait dit
17 cela. Peut-être que j'ai oublié, mais c'est faux, totalement faux.
18 Q. Si --
19 R. De quel territoire pouvez-vous parler ? De quel secteur pouvez-vous
20 parler, lorsque vous avez, à vos côtés, trois ou quatre personnes ?
21 Impossible de parler en ces termes. Nous n'étions que trois, quatre, cinq,
22 au maximum, cinq membres de l'UCK.
23 Q. Concentrez-vous sur ma question. Nous parlons de mai et de juin 1998,
24 nous ne sommes plus du tout à la période au cours de laquelle vous n'étiez
25 que trois ou quatre. Mais vous êtes en train de dire que ce n'est pas
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1 exact ? Ni pour mai, ni pour juin ?
2 R. Non. C'est une représentation tout à fait erronée des choses. Une
3 partie de tout cela s'est produite, mais après août.
4 Q. Peut-on consulter la pièce de l'Accusation 119 ? L'avez-vous sous les
5 yeux ?
6 R. Oui. Oui.
7 Q. Ce croquis a été effectué le 25 avril 2003, au cours d'un entretien
8 avec M. Ramadan Behluli, qui est, maintenant, la pièce de l'Accusation 119.
9 Ce que nous a dit M. Behluli lorsqu'il a tracé cette ligne, cette ligne qui
10 apparaît sur cette carte, qu'il s'agissait, là, de la zone de
11 responsabilité de Klecka, au mois de juillet 1998 et que vous en étiez le
12 commandant. C'est exact, n'est-ce pas ?
13 R. M. Behluli en personne a dit qu'il ne savait pas particulièrement de
14 quelle période on parlait. Mais c'est faux, Monsieur le Président.
15 Monsieur le Procureur, c'était impossible, à l'époque. C'est impossible ce
16 que vous essayez de démontrer ici. Il s'agit de choses qui étaient
17 impossibles concernant la période dont nous parlons. Si les choses avaient
18 été comme vous le dites, je l'aurais dit, mais ce n'est pas le cas. Vous
19 essayez de prouver, de démontrer quelque chose qui n'était pas la réalité
20 concernant Klecka à l'époque.
21 Comme je l'ai dit, les gens ont des tas d'idées différentes sur ce qui se
22 passait en mai, en juin et en juillet, mais si vous parlez de zones, si
23 vous parlez de territoires, si vous parlez de commandements et de
24 responsabilités, vous pouvez ne parler de cela qu'à partir d'août et
25 seulement à partir du mois d'août. C'est la vérité, Monsieur le Procureur.
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1 Je n'essaie pas de cacher la vérité. Je sais qui je suis et je n'ai aucune
2 raison d'essayer de me soustraire à ma responsabilité.
3 Q. Monsieur Limaj, veuillez consulter la pièce de l'Accusation P159. C'est
4 un diagramme qui a été réalisé par Shukri Buja au cours de son entretien
5 qui a eu lieu le 28 avril 2003. Les trois dessins ont été réalisés, à peu
6 près, au cours de la même période, une semaine au cours du mois d'avril
7 2003. La pièce en question qui a été réalisée au cours de l'entretien avec
8 Shukri Buja, ce diagramme représente les points qui relevaient du
9 commandement de Klecka en mai et en juin 1998, et il a placé votre nom,
10 ainsi que celui de Kumanova, au centre de Klecka. C'est la vérité, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Non, non, c'est faux. Parlons de ce diagramme, s'il vous plaît.
13 Q. Permettez-moi un instant --
14 R. Cela n'est pas vrai.
15 Q. Donc, vous êtes en train de dire que les trois croquis sont erronés.
16 R. Bien, oui. La représentation qu'il donne ici n'est pas exacte. Shukri
17 essayait d'expliquer ce qui se passait. J'étais à Klecka. Vous voyez ici
18 que c'est l'état-major général. Mais où se trouve l'état-major général ? Il
19 n'est pas ailleurs qu'à Klecka. Bien sûr, ai-je commandé à Klecka. Mais où
20 était l'état-major général ? A Klecka, et bien sûr, l'état-major général
21 était l'échelon le plus élevé au sein de l'organisation. Mais les choses
22 n'ont pas été expliquées dans leur intégralité. Nous ne sommes pas arrivés
23 au fond des choses.
24 Q. Monsieur Limaj, vous vous souviendrez, bien sûr, avoir vu l'extrait de
25 l'entretien avec M. Shukri Buja ?
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1 R. Oui.
2 Q. Il y a placé l'état-major général, pas parce qu'il se trouvait ailleurs
3 à Klecka. Il l'a placé là parce qu'il était au-dessus de votre niveau de
4 commandement à Klecka. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas, Monsieur
5 Limaj ?
6 R. Oui. Je me souviens de son entretien, très bien même. Mais pas de la
7 manière dont vous l'interprétez aujourd'hui. Il a dit beaucoup de choses,
8 et dans un grand nombre de cas, il a été incité par vous à le faire.
9 Il a dit qu'il n'avait jamais reçu d'ordre de ma part, alors que vous
10 essayez de prouver le contraire. Il a dit qu'il n'avait jamais reçu
11 d'ordres de Klecka. Maintenant, vous avez ici ce croquis qui --
12 Je pense que Shukri a expliqué ce qu'il essayait de dire, et moi,
13 j'exprime les choses qui sont vraies.
14 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je ne
15 cesse d'interrompre les débats, mais je crois qu'il est totalement inutile
16 de sélectionner des passages d'une déposition de témoin. Bien sûr, je peux
17 y revenir dans le cadre des questions supplémentaires. Bien sûr, je
18 pourrais le faire dans le cadre de la présentation finale de mes arguments.
19 Mais je crois que, si nous suivons ce cap pour tous les témoins, je crois
20 qu'il faut revenir sur les nuances qu'ils ont apportées dans le cadre de
21 leurs témoignages respectifs. Sélectionner des extraits de ce qu'ils
22 disent, à mon avis, c'est une procédure tout à fait inappropriée et une
23 perte de temps.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je partage votre opinion selon
25 laquelle les choses ne sont pas tout à fait opportunes, Monsieur Mansfield,
Page 6278
1 et soyez assuré que vous-même, ainsi que votre client, semble t-il, bien
2 sûr vous avez entendu les dépositions, vous les avez étudiées avec minutie
3 et vous connaissez les différences qui sont mises en lumière ici.
4 N'oubliez pas que votre client a été présent pendant toute la durée
5 des dépositions entendues. Ce n'est pas comme si c'était un témoin qui ne
6 connaisse pas le fond de l'affaire et les différents éléments qui la
7 composent et qui ont été soulevés ici en prétoire.
8 C'est la raison pour laquelle nous n'intervenons pas à ce stade. Mais
9 je suis sûr que M. Whiting aura entendu ce que vous avez dit, qu'il était
10 nécessaire, effectivement, que l'on lui rafraîchisse la mémoire à cet égard
11 et qu'il tiendra compte de l'observation que vous avez faite au cours des
12 questions ultérieures qu'il s'apprête à poser dans le cadre du contre-
13 interrogatoire.
14 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Q. Monsieur Limaj, dans le cadre de la question que je m'apprête à vous
16 poser, je vais vous remettre un graphique qui émane des témoins protégés.
17 Vous y trouverez leurs pseudonymes. Ce sont des témoins qui ont témoigné
18 dans le cadre de cette affaire. Je vais y faire référence et je le ferai en
19 utilisant leurs pseudonymes. Bien entendu, je ne vous demande pas de vous
20 rappeler de l'ensemble de ces pseudonymes et du nom de ces témoins. C'est
21 la raison pour laquelle je vais vous soumettre cette pièce.
22 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas si les Juges ou les conseils
23 de la Défense ont besoin des copies de ce document. Je vois des hochements
24 de tête de la part de la Défense.
25 Q. Monsieur Limaj, veuillez regarder ce tableau. Il s'agit du Témoin
Page 6279
1 numéro L95.
2 R. Oui, oui.
3 Q. Vous souvenez-vous de son témoignage ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous souvenez-vous l'avoir rencontré fin juillet 1998 ?
6 R. Oui, je me souviens l'avoir rencontré.
7 Q. Cela a eu lieu à Novoselle ?
8 R. Oui, Monsieur le Procureur. Il était perdu. Après l'offensif de
9 Malisheve, après Lapusnik. Les gens ne savaient où ils allaient. Cela
10 aurait pu être à Novoselle ou à Klecka, mais nous étions là-bas, et je leur
11 ai trouvé à un endroit où ils pouvaient être logés. Peut-être que je les
12 rencontrés à l'endroit où ils habitaient.
13 Q. Alors, dites nous où vous vous souvenez les avoir rencontrés. Où vous
14 souvenez-vous avoir rencontré ce témoin ?
15 R. C'est difficile pour moi de dire si je les ai rencontrés sur la route
16 ou si nous sommes allés dans la maison dans laquelle ils étaient logés.
17 C'est vraiment difficile pour moi de me souvenir de cela. Mais je crois que
18 cette personne, je l'ai rencontrée simplement une fois, ou peut-être deux
19 ou trois, et je ne me souviens pas exactement d'où a eu lieu cette première
20 rencontre.
21 Q. Donc, vous ne vous souvenez pas exactement d'où cela a eu lieu, mais
22 vous vous souvenez que cela a eu lieu toutefois à Novoselle ?
23 R. Oui.
24 Q. Cette rencontre a eu lieu soit le jour où Lapusnik est tombée le 26
25 juillet, ou un jour avant, ou un jour après, n'est-ce pas ?
Page 6280
1 R. Je me trompe peut-être à nouveau concernant la date précise, parce que
2 les événements le 25, le 26, et 27 ont été tels. Je peux dire peut-être que
3 c'est le 27 ou le 28, mais c'est peut-être le 26 également. Je ne me
4 souviens pas de la date précisément.
5 La situation était horrible. Tout cela, ce n'est pas quelque chose
6 dont je puis me souvenir vraiment précisément. Vraiment, la date, je ne
7 peux pas vous la donner avec précision.
8 Q. Vous lui avez dit que s'il avait besoin de quelque chose, il fallait
9 qu'il vienne à Klecka ?
10 R. Oui, c'est exact. Après qu'ils se soient installés là-bas, je leur ai
11 dit : "Tout ce dont vous pouvez avoir besoin," c'est-à-dire de
12 l'alimentation ou autre chose : "Bien, venez à Klecka."
13 Q. Vous lui avez dit qu'il était la personne responsable là-bas, que
14 c'était lui qui était en charge des soldats là-bas ?
15 R. Je ne sais pas comment ils sont venus, mais il me semble avoir reçu un
16 message de la part de son commandant, un message codé, et j'ai dû lui
17 transmettre ce message. Donc, je lui ai simplement transmis un message qui
18 venait de ce dirigeant. Parce qu'il s'agissait d'une unité de Dukadjini.
19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous passer à
20 huis clos partiel ?
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
23 [Audience à huis clos partiel]
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 6281
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 [Audience publique]
25 M. WHITING : [interprétation]
Page 6282
1 Q. Monsieur Limaj, vous avez dit que vous avez reçu un message codé.
2 Comment ce message codé vous a-t-il été transmis ? De quelle manière ?
3 R. Monsieur le Procureur, je pense que ces jeunes hommes, ils étaient dans
4 cette région à Malisheve, après l'évolution à Malisheve, et un de ces
5 soldats, je ne sais pas si c'était l'un de mes soldats, je ne me souviens
6 pas, qui m'a apporté un message, une lettre. C'est comme (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 Q. Oui, effectivement, si vous pouvez éviter d'utiliser son nom.
11 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à ce que le compte rendu soit
12 expurgé.
13 Monsieur Limaj, dans votre déposition, vous avez dit que ce message
14 vous avez été transmis par lettre et qu'il était codé.
15 R. Il n'était pas codé. Il y avait le nom, le prénom, message de cette
16 personne. Ce jeune homme, dites-lui qu'il est en charge de ce groupe.
17 Faites-le pour moi, parce que je ne peux pas venir, et c'est tout. Donc, il
18 disait qu'il n'était pas en mesure de venir, ce qui veut dire qu'il
19 souhaitait venir, mais qu'il ne le pouvait pas. Donc, il a dit, jusqu'à ce
20 que je vienne là, il dise aux soldats que j'étais responsable, et cetera.
21 Q. Il me semble qu'à la ligne 9 de la page 79 sur le compte rendu
22 d'audience, vous avez dit : "J'ai reçu un message de son commandant, un
23 message codé." S'agit-il d'une mauvaise traduction ?
24 R. Non, non.
25 Q. S'agit-il d'une erreur de traduction ? Un lapsus ?
Page 6283
1 R. Il est possible que ce soit une erreur de traduction. Je n'ai pas dit
2 qu'il s'agissait d'un message codé. J'ai dit un message. Je n'ai pas
3 utilisé le terme "message codé." Parce que pour vous dire la vérité,
4 jusqu'à aujourd'hui, je ne savais pas ce que c'était un message codé et à
5 quoi ressemble un message codé; comment il est écrit.
6 Q. Vous avez rencontré cette personne, ce témoin, à une autre occasion,
7 dans votre quartier général à Klecka quelques jours plus tard, un ou deux
8 jours plus tard, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, je l'ai à nouveau rencontré. Je peux vous dire ce qu'il a dit,
10 bien que je ne m'en souvienne pas, parce qu'il est possible qu'il soit venu
11 à Klecka et qu'il m'ait rencontré.
12 Q. Cette fois où il vous a rencontré, il y avait d'autres commandants
13 d'unité : Isak Musliu, Kumanova, Shukri Buja, qui étaient là-bas. Il y
14 avait une réunion, et ils vous faisaient votre rapport, en ce qui concerne
15 tout au moins Kumanova et Shukri Buja, qui vous faisaient un rapport lors
16 de cette réunion, n'est-ce pas ?
17 R. Non, Monsieur le Procureur.
18 Madame, Messieurs les Juges, cela n'est pas vrai. Il n'y avait aucun
19 endroit où nous pouvions être logés et il est tout à fait normal qu'Isak et
20 d'autres soldats soient logés ensemble à Klecka. Nous buvions le thé
21 ensemble. Même Shukri n'avait pas d'autre endroit où aller parce que les
22 forces serbes avaient envahi son village, et c'est la raison pour laquelle
23 lui et tous ses soldats étaient venus à Klecka. De quels rapports parlez-
24 vous ? Il s'agissait simplement d'une discussion libre. Nous avons bu du
25 thé. Nous avons eu une conversation ordinaire. Ce n'est pas vrai.
Page 6284
1 Q. Donc, vous n'étiez pas en charge de cette réunion ?
2 R. Non, il n'y avait pas de réunion, Monsieur le Procureur. Ce que vous
3 appelez une réunion, les réunions que nous tenions à Klecka étaient
4 différentes, et cette personne dont vous parlez, elle n'a pas participé à
5 cette réunion. Il était simplement dans la zone, et ensuite, il est
6 retourné vers sa zone. Il n'y avait aucune raison pour qu'il participe à
7 une telle réunion le 5 ou le 6 août, ou avant. Parce qu'il s'agissait d'un
8 moment où ils sont venus à Klecka pour avoir des vêtements ou des
9 cigarettes. En général, ils venaient pour des cigarettes d'ailleurs. C'est
10 une personne qui s'est assise avec nous. Tous ces soldats, je l'ai répété,
11 nous étions sous offensive serbe. Tous les soldats étaient là-bas. Donc,
12 son interprétation ne tient pas la route. Cela n'est pas vrai.
13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que le témoin ralentisse.
14 M. MANSFIELD : [interprétation] Pouvons-nous savoir de quel témoin il
15 s'agit, qui aurait dit que Fatmir Limaj était en charge de cette réunion,
16 de façon à ce que nous puissions vérifier les choses ?
17 M. WHITING : [interprétation] Il s'agit du témoin L95, et il s'agit de la
18 référence 49e jour, page 4218.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
20 M. WHITING : [interprétation] Maintenant --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez entendu, Monsieur Limaj, que
22 vous parlez trop vite.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de bien vouloir m'excuser,
24 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. J'essaie de faire de mon
25 mieux pour ne pas accélérer, mais c'est vrai, j'ai tendance à oublier.
Page 6285
1 M. WHITING : [interprétation]
2 Q. Alors, revenons à juin, juillet 1998. Pendant ces mois, il y a eu des
3 batailles dans différents endroits. Oui, vous pouvez reposer ces documents.
4 Peut-être que l'Huissier peut les ranger.
5 En juin et juillet 1998, il y a eu des combats à différents endroits tels
6 que Carraleve, Blinaje, Luznica. Est-ce que vous vous en souvenez ?
7 R. Oui, il y a eu des combats dans ces endroits que vous avez mentionnés,
8 ainsi qu'à d'autres endroits.
9 Q. En mai, juin, juillet 1998, y a-t-il eu des combats à Klecka ?
10 R. Non, il n'y a pas eu de combats à Klecka, Monsieur le Procureur.
11 Q. Je ne le pensais pas d'ailleurs. Concernant les combats à Carraleve,
12 vous vous souvenez qu'ils ont eu lieu les 14, 17 et 21 juin
13 approximativement ?
14 R. Pour vous dire la vérité, je ne me souviens pas des dates. Je crois
15 qu'à Duhle, c'était le 1er ou le 2 qu'ils ont été connus publiquement, mais
16 je ne me souviens pas des dates des autres combats. Il y a eu des
17 affrontements à plusieurs reprises, mais je ne me souviens pas des autres
18 combats, en dehors du second et du dernier, le 25 juillet.
19 Q. Vous souvenez-vous du combat qui a eu lieu à Luznica aux alentours du
20 25 juin 1998 ?
21 R. Je ne me souviens pas de la date, mais il y avait des combats à
22 Luznica, à plusieurs occasions. Il y a un endroit là-bas qui s'appelle
23 Bajrak et Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, les forces
24 serbes, comme à Cuka, utilisait cette zone pour se déplacer. Les forces
25 serbes ont tenté, à différentes occasions, de pénétrer le village et c'est
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1 à ce moment-là qu'il y a eu plusieurs combats avec ces forces. Dans la
2 gorge de Duhle, comme dans d'autres endroits, la police serbe utilisait des
3 bases qui étaient, autrefois, utilisées par l'armée yougoslave. C'est la
4 raison pour laquelle je dis qu'il y a eu plusieurs combats, à plusieurs
5 reprises, à Luznica.
6 Q. Lorsqu'il y avait des combats dans ces différents endroits comme à
7 Carraleve et à Luznica, par exemple, les unités d'autres endroits venaient
8 aider dans les combats, n'est-ce pas ?
9 R. Des soldats de différentes unités, tout dépendait, bien sûr, s'ils
10 avaient entendu parler du combat, ils venaient aider. Cela a commencé après
11 que les unités soient devenues publiques. Tout d'abord, cela fonctionnait
12 de la manière suivante : un ami informait un autre et c'est comme cela que
13 cela se passait dans toutes les unités de l'UCK.
14 Q. De temps à autre, l'aide apportée d'une unité à une autre unité était
15 coordonnée à Klecka, n'est-ce pas ?
16 R. Non, cela n'a jamais été le cas, Monsieur le Procureur. Si à Klecka,
17 par exemple, il y avait deux combats, un groupe allait dans un endroit et
18 l'autre, à un autre endroit et vous, ce que vous dites est que cela était
19 coordonné par Klecka. Non, ce n'est pas vrai. Il s'agissait d'une
20 responsabilité que les soldats ressentaient comme ayant personnellement. Si
21 l'un pensait qu'il avait une responsabilité d'aller quelque part et qu'il
22 devait aller aider les autres, ils y allaient, mais ce n'était pas
23 coordonné par Klecka. Nous n'étions pas en mesure de les coordonner.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir envoyé ou donné des instructions à
25 Ramiz Qeriqi ou à d'autres soldats, en juin 1998, d'aller aider, prêter
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1 main forte dans des combats qui avaient lieu près de Rahovec dans un
2 village dont le nom est Rakovc ?
3 R. Non, cela n'est pas vrai. La vérité est différente, je vais vous la
4 décrire. La situation à Rakovc et Rahovec est que Luan est venu dans ses
5 vêtements traditionnels. Il est venu rendre visite à quelqu'un et il allait
6 vers Malisheve pour trouver de l'essence. Nous lui avons demandé : Est-ce
7 que tu viens avec nous et il a dit non. Cela n'est pas vrai que vous dites
8 que quelqu'un a envoyé quelqu'un à Kroimire. Ce n'est pas vrai. Il
9 s'agissait d'un exercice du libre arbitre, d'un choix fait librement,
10 Monsieur le Procureur. Vous ne pouviez pas nous dire d'aller quelque part,
11 d'aller aider une unité. A Klecka, pour vous dire la vérité, vous pouviez à
12 dire à un soldat : Tu peux aller quelque part, tu peux aller là, mais à
13 Kroimire, à l'époque, non.
14 Q. Concernant Luan qui est allé de cet endroit à Rakovc, est-ce qu'il est
15 allé de Klecka à Rakovc, à cette occasion-là ?
16 R. Je crois, mais je ne sais pas. Pour dire la vérité, je ne sais pas. Je
17 ferais peut-être une erreur parce que ce n'est pas quelque chose dont je
18 peux me souvenir de manière spéciale; des choses de ce type arrivaient tous
19 les jours.
20 Par exemple, quelqu'un allait à Malisheve dans sa propre maison pour
21 rendre visite à quelqu'un et se retrouvait dans une bataille et restait là-
22 bas pendant trois jours et personne ne savait où il était. C'était
23 simplement quelque chose qui arrivait tous les jours.
24 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le moment
25 est opportun.
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1 M. KHAN : [interprétation] Concernant une question, peut-être que mon
2 éminent confrère peut vérifier la référence qu'il a donnée concernant le
3 compte rendu. Lorsque je regarde le compte rendu officiel du Tribunal, la
4 situation que mon éminent confrère a donné, elle n'apparaît absolument pas.
5 Il n'y a rien qui puisse étayer ce qui a été dit dans la question qui a été
6 posée par mon confrère. La seule référence que je trouve - et peut-être que
7 mon éminent collègue pourra y réfléchir cette nuit - est à la page 4 235 et
8 dans lequel ce témoin, en particulier, demande -- on pose une question à ce
9 témoin en particulier et tout ce qu'il dit est que Celiku a demandé à tout
10 le monde de parler des problèmes, mais cela ne veut pas dire qu'il a pris
11 la parole en premier. Je ne vois rien, dans le compte rendu, qui est dit
12 par ce témoin disant que cette réunion ait été présidée par Monsieur Limaj
13 ou qu'il en était le président, tout simplement. Je demande à mon éminent
14 confrère de bien vouloir revoir la chose et la clarifier.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Khan.
16 L'audience est levée. Nous reprendrons demain, à 14 heures 15.
17 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mercredi 25 juin
18 2005, à 14 heures 15.
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