Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 25 mai 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Limaj, je vous rappelle la

7 déclaration solennelle que vous avez fait au début de votre déposition et

8 que cette déclaration s'applique toujours.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.

10 M. WHITING : [interprétation] Avant de commencer, il y a deux questions que

11 j'aimerais soulever avec la Chambre de première instance. La première

12 concerne la remarque qui a été faite par la Défense hier soir concernant

13 une question que j'ai posée au témoin. J'en ai parlé avec le conseil de la

14 Défense et nous sommes d'accord sur le fait que nous sommes en désaccord.

15 Nous avons réglé le problème et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de

16 poser la question devant la Chambre de première instance.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On dirait une de mes décisions, c'est

18 presque aussi clair que les miennes.

19 M. WHITING : [interprétation] La deuxième question concerne le programme.

20 Il y a au programme un témoin qui doit être avancé. Peut-être que la

21 Défense pourrait nous en dire quelques mots.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.

23 M. MANSFIELD : [interprétation] L'Accusation propose d'avancer un témoin

24 pendant l'audience de cette après-midi, le second volet et non pas le

25 premier volet de l'audience. Le témoin ne peut être ici que cette semaine

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1 et c'est le seul moment où il peut être là. C'est la raison pour laquelle

2 nous aimerions pouvoir commencer son interrogatoire aujourd'hui parce qu'il

3 faut qu'il quitte La Haye demain soir. Il s'agit de M. Churcher, vous avez

4 les documents qui le concernent. C'est la raison pour laquelle, je

5 souhaiterais pouvoir avancer son interrogatoire et je remercie l'Accusation

6 de me le permettre.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les circonstances étant ce qu'elles

8 sont, elles nous permettent d'accéder à votre requête.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.

10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 LE TÉMOIN: FATMIR LIMAJ [Reprise]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 Contre-interrogatoire par M. Whiting : [Suite]

14 Q. [interprétation] Monsieur Limaj, vous souvenez-vous avoir été présent à

15 Kroimire le 17 juin 1998 ?

16 R. Oui. J'étais là-bas pendant une des batailles, lorsque cela est devenu

17 public. Je crois qu'il s'agit effectivement que c'était la bonne date.

18 Q. Vous étiez à Kroimire là-bas parce qu'il y avait des combats, n'est-ce

19 pas ?

20 R. J'étais à Kroimire parce que des combats avaient eu lieu et je suis

21 allé là-bas pour voir ce qu'il en était, quelle était la situation parce

22 que c'était la première bataille. Le soir, j'y suis allé.

23 Q. Haxhi Shala était-il avec vous ?

24 R. Oui, Haxhi Shala et quelqu'un d'autre. Je crois qu'il y avait deux ou

25 trois personnes et nous y sommes allés en voiture.

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1 Q. Lorsque vous êtes rentré à Klecka de Kroimire, vous avez emmené Ramadan

2 Behluli avec vous, n'est-ce pas ?

3 R. Pour vous dire la vérité, je ne me souviens pas vraiment. J'accepte ce

4 que Ramadan a dit. Personnellement, je n'ai rien de particulier à ajouter à

5 cela parce qu'il ne s'agit pas d'un événement particulier dont je puisse me

6 souvenir de façon précise.

7 Q. Vous avez dit qu'à cette occasion Haxhi Shala et quelqu'un d'autre.

8 Cette autre personne ayant été identifiée par Ramadan, appelée par Ramadan

9 comme étant le conducteur. Est-ce que vous vous souvenez de qui était ce

10 conducteur ?

11 R. Haxhija, c'était lui le conducteur, c'était lui qui était au volant.

12 C'est d'ailleurs sa profession, il est chauffeur professionnel.

13 Q. Vous a-t-il emmené en voiture, a-t-il été votre chauffeur à d'autres

14 occasions pour aller à d'autres endroits ?

15 R. Non. Il y a peut-être eu d'autres occasions. Nous étions amis. Nous

16 prenions le volant de temps à autre, ce n'était pas toujours lui. Parfois,

17 c'était lui, parfois c'était moi qui conduisais et parfois c'était

18 quelqu'un d'autre.

19 Q. Je reconnais que vous avez dit que votre souvenir de cet épisode n'est

20 pas très net, mais vous souvenez-vous avoir dit à Ramadan Behluli que s'il

21 voyait arriver les forces de police serbes et qu'elles approchaient de sa

22 position à Carraleve, il ne fallait pas attendre vos ordres, mais

23 attaquer ? Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

24 R. Non. Non, Monsieur le Procureur. Ramadan ne m'a pas dit ce que vous me

25 dites qu'il a dit. Je n'avais pas besoin de donner des ordres parce que

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1 chaque membre de l'UCK était là-bas pour attaquer les forces serbes. Je

2 n'avais pas besoin de donner d'ordre, ils étaient là-bas pour cela.

3 Q. Monsieur Limaj, pourquoi ne dites-vous pas ce dont vous vous souvenez,

4 si vous vous souvenez de quelque chose, de ce que vous avez dit à Ramadan

5 Behluli à ce sujet ?

6 R. Je ne me souviens pas de ce dont nous avons parlé en termes précis,

7 mais ce que vous dites concernant l'attaque des forces serbes s'ils

8 venaient à Carraleve, ce n'est pas vrai. Comme je l'ai dit, aucun membre de

9 l'UCK n'avait besoin d'ordre pour attaquer les polices serbes, ils savaient

10 tous que c'était pour cela qu'ils étaient là-bas. Je ne peux pas vous dire

11 précisément ce que je lui ai dit. Je ne me souviens pas parce qu'il ne

12 s'agit pas de quelque chose de particulier ou d'une importance particulière

13 pour que je m'en souvienne. A chaque fois que nous discutions avec les

14 soldats, et pas simplement avec Ramadan, nous discutions toujours des

15 différents problèmes, de la situation comme cela allait et ce qu'ils

16 faisaient, et cetera.

17 Q. Monsieur Limaj, je vais vous poser une question concernant la 121e

18 Brigade. Vous avez dit lors du troisième jour de votre déposition, c'est à

19 la page 39, et je résume ici votre témoignage, dites-moi si cela est

20 correct que des soldats de votre unité, qui sont ensuite devenus la 121e

21 Brigade et qui ont été tués avant que la 121e Brigade soit formée, ont été

22 considérés a posteriori comme étant des membres de la 121e Brigade.

23 S'agit-il d'un résumé exact de ce que vous nous avez dit lors du

24 troisième jour de votre déposition à ce sujet ? Je peux répéter ce que je

25 viens de dire si vous le souhaitez.

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1 R. La plupart du temps oui, mais il convient peut-être de préciser les

2 choses. Grosso modo, ce que vous dites est juste. Mais si vous me le

3 permettez, je vais préciser les choses.

4 Q. Je vous en prie, allez-y.

5 R. Madame, Messieurs les Juges, tous les soldats qui ont donné leur vie

6 comme martyrs à un moment ou à un autre, avant que l'UCK ait été

7 structurée, avant son organisation, à l'endroit même où ils ont été tués, à

8 l'endroit où ils étaient actifs, la brigade qui couvrait le territoire en

9 question, les martyrs de cette brigade étaient considérés martyrs de cette

10 unité qui formait la brigade. Ils ont été considérés comme étant martyrs de

11 la brigade sur le territoire où ils ont été tués, sur le territoire qu'ils

12 couvraient. Tout dépendait de quelle brigade il s'agissait, de quelles

13 brigades comprenait cette unité parce que nous avions eu des soldats qui

14 ont été tués à de nombreux endroits différents.

15 Q. Je comprends. Ce dont vous parlez ici, ce sont des martyrs, des gens

16 qui ont été tués pendant la guerre, n'est-ce pas ? Ce que vous dites, c'est

17 que ces personnes-là sont des martyrs ?

18 R. Oui, dans le cas concret que nous évoquons, oui, ce sont des martyrs de

19 la guerre.

20 Q. Monsieur Limaj, n'avez-vous jamais dit avoir été le commandant de la

21 121e Brigade en juin ou juillet 1998 à ce moment-là ?

22 R. Mais de quel moment parlez-vous ?

23 Q. Est-ce que vous vous êtes déjà décrit vous-même comme étant le

24 commandant ? Vous avez parlé des martyrs, je vous pose maintenant une

25 question concernant vous-même. Est-ce que vous avez déjà dit avoir été

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1 commandant de la 121e Brigade en juin ou juillet 1998 ? Vous souvenez-vous

2 n'avoir jamais dit cela ?

3 R. Madame, Messieurs les Juges, si on regarde les choses a posteriori,

4 l'évolution dans la région par la suite, on voit qu'ils sont liés à la 121e

5 Brigade. Dans ce contexte, il est possible que j'aie parlé des membres de

6 la 121e Brigade sans pour autant me référer à une date particulière. Dans

7 ce contexte, il est possible que j'aie dit ce que vous me dites que j'ai

8 dit.

9 Q. Ce que vous dites, c'est qu'à cette époque-là, vous n'avez pas dit à

10 une date particulière que vous étiez commandant de la 121e Brigade avant

11 août 1998. S'agit-il de votre déposition ?

12 R. Non, non. J'essaie de résumer l'évolution. Parlons de la base

13 logistique et pas simplement des martyrs. Si l'on aborde la question de la

14 logistique de la 121e Brigade, par exemple, elle est fondée sur un endroit

15 ou un autre. Sans préciser la période, il est possible de dire cela. Ce que

16 j'essaie de vous expliquer, c'est que rien de concret ne s'est passé avant

17 que la 121e Brigade soit formée. Avant qu'elle soit formée, il y avait des

18 unités dans les villages. Dans les villages, il y avait plusieurs unités.

19 On ne pouvait pas parler d'une en particulier. On parle de la 121e Brigade

20 de façon générale, il s'agit là, en fait, d'un moment extrêmement important

21 pour nous, lorsque l'on parle de cette période, lorsqu'on parle de

22 l'évolution. Dans ce contexte, c'est possible que j'aie dit ce que vous me

23 dites que vous m'avez dit, mais je ne peux pas en être sûr. Si on regarde

24 les choses du point de vue que je viens de donner.

25 Q. Monsieur Limaj, n'est-il pas exact de dire que vous auriez pu parler de

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1 la 121e Brigade en rapport avec les événements de juin et juillet 1998,

2 parce que la 121e Brigade a reçu son appellation en août 1998 et que rien

3 n'a changé; c'est simplement que la structure restait la même. Elle a

4 simplement reçu un nom en août 1998. Pour cette raison, vous et les autres,

5 vous pouviez parler des événements de juin et juillet 1998 comme impliquant

6 la 121e Brigade, parce qu'à tous égards, en dehors du nom, la 121e Brigade

7 existait à l'époque. Cela n'est-il pas le cas ?

8 R. Monsieur le Procureur, vous savez très bien, et moi-même, je sais très

9 bien ce que Shukri Buja a dit dans son entretien. Vous connaissez très bien

10 l'évolution de la situation. Vous savez très bien que Shukri Buja vous a

11 dit qu'il était le commandant de la zone le 3 juillet. Il vous a montré la

12 zone. Il vous a montré la région dont il était responsable. Comment un

13 commandant de zone -- il avait été nommé pour créer cette zone. Comment

14 est-il possible qu'un commandant de zone à Nerodime ait également la 121e

15 Brigade ? Je pense que vous savez très bien, parce que vous avez eu les

16 faits exposés devant vous, il ne s'agissait pas de la 121e Brigade. Ce que

17 vous dites, c'est que cela devait devenir la zone Nerodime, et je crois que

18 Shukri Buja l'a dit lors de sa déposition. Il a dit : J'ai été nommé

19 commandant de zone. Il a indiqué les zones et les municipalités.

20 Il n'est pas possible qu'une brigade d'une zone couvre une autre zone; cela

21 n'est pas possible. Il n'est pas possible. Je vous en prie, regardez les

22 choses en face, qu'un commandant d'unités donne des ordres à un commandant

23 de zone ? Il n'y a pas besoin d'avoir de logique militaire pour en tirer

24 ces conclusions. Comment un commandant de brigade, même en tant que

25 commandant, peut donner des ordres à un commandant de zone ? Vous savez

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1 très bien qu'il y a le commandant de la zone de Pastrik, le commandant de

2 la zone de Nerodime, et vous essayez de me présenter comme un commandant de

3 région. Pourquoi ne suis-je pas devenu alors commandant de la zone de

4 Pastrik ? Si j'avais été un tel commandant, pourquoi est-ce que quelqu'un

5 aurait dû me donner des ordres ? Je vous en prie, les faits sont vraiment

6 clairs et disent quelque chose de différent de ce que vous dites. Vous

7 savez très bien quels sont les faits, et je suis surpris que vous cherchiez

8 à les déformer.

9 Q. Monsieur Limaj, ma question est la suivante : vous n'êtes pas d'accord

10 avec le fait que la raison pour laquelle les gens parlent de la 121e

11 Brigade en rapport avec juin et juillet 1998 est parce que la structure

12 était en fait déjà en place à cette époque-là. La réponse que vous me

13 faites à cette question est non, n'est-ce pas ? Vous n'êtes pas d'accord

14 avec ce que j'ai dit ?

15 R. Il n'y avait pas de structure de brigade. Il n'y avait pas de brigade.

16 Cela n'existait même pas en tant que concept, en tant qu'idée à l'époque.

17 Même si les éléments de la brigade, tels que vous les décrivez, existaient.

18 Cela, par contre, est vrai.

19 Q. Monsieur Limaj, en juin 1998, vous avez présidé une cérémonie de

20 prestation de serment à Klecka ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Et également --

23 R. Je crois que c'était à la fin du mois de juin ou au début du mois de

24 juillet.

25 Q. Il y avait également présents à cette cérémonie Muse Jashari et

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1 Kumanova, n'est-ce pas ?

2 R. Oui. Muse Jashari, Ismet Jashari, et à l'extérieur, il y avait d'autres

3 personnes. Il y avait des représentants de l'état-major général.

4 Q. Qui étaient les représentants de l'état-major qui étaient présents ?

5 R. Ils n'ont pas été filmés parce qu'effectivement il y a eu un reportage

6 à ce sujet à la télévision. Mais les caméras n'ont pas filmé les autres

7 personnes. Il y avait Hashim Thaqi, qui était président du Parti

8 démocratique; il y avait également Sokol Bashota; Kadri Veseli; et deux

9 officiers dont j'ai déjà parlé tout à l'heure, Agim Xhelaj et Byslym

10 Zyropi.

11 Q. Vous avez dit qu'il y a eu un reportage à la télévision. J'imagine

12 qu'il s'agit de la télévision albanaise, la télévision en Albanie ?

13 R. Oui, cela a été la première émission de ce genre. Cela a été montré

14 pour la première fois à la télévision. Il s'agissait d'une émission

15 spéciale pour l'UCK. Le Kosovo l'a vue pour la première fois. L'état-major

16 général -- je ne sais pas comment ils se sont arrangés pour faire venir une

17 équipe de télévision. Ils voulaient préparer un programme, donc, nous avons

18 improvisé les choses sur le terrain. Nous avons organisé une petite

19 cérémonie. Il y a eu un certain nombre de positions qui ont été prises,

20 mais c'est la première émission qui a été préparée pour rendre l'UCK

21 public. Il s'agissait de quelque chose de tout à fait exclusif, si je puis

22 m'exprimer ainsi. Il s'agissait d'un accord entre l'état-major général et

23 l'équipe de télévision.

24 Q. Cela a-t-il été diffusé peu de temps après que cela a été filmé ? Est-

25 ce que cela a été diffusé en même temps que cela a été filmé ?

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1 R. Je ne me souviens pas. Je crois que cela a été diffusé trois, quatre ou

2 cinq jours plus tard ou peut-être une semaine plus tard, parce qu'on ne

3 pouvait pas le diffuser au Kosovo; il fallait que ce soit envoyé en

4 Albanie, et cela a été diffusé par la télévision albanaise. Je ne sais pas

5 comment ils l'ont transporté en Albanie.

6 Q. Cela a été diffusé à partir de l'Albanie, mais on pouvait le regarder à

7 la télévision au Kosovo, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, grâce à des antennes, des paraboles de satellites. C'était le seul

9 moyen de communication. Quiconque avait une parabole pouvait recevoir cette

10 émission.

11 Q. Cette cérémonie de prestation de serment qui a eu lieu, s'agissait-il

12 d'une vraie prestation de serment ou avait-elle simplement été mise en

13 scène pour la télévision ?

14 R. Si vous vous souvenez, lorsque nous avons discuté de cela, je me

15 souviens avoir déjà parlé de cela avec vous ou peut-être avec les conseils

16 de la Défense. Nous avons parlé du règlement. Dans le règlement, il y a la

17 prestation de serment. Après que nous ayons prêté serment sur ce règlement,

18 avant le 24 juin, il n'y avait pas de cérémonie de prestation de serment.

19 Il n'y avait pas de type de cérémonie officielle de prestation de serment.

20 Par la suite, nous avons organisé ce type de cérémonie.

21 Dans le cas en l'espèce, nous avons mis cela en scène pour une émission de

22 télévision. Il y avait des personnes qui ont vraiment prêté serment, et

23 cela a été organisé parce qu'il s'agissait de personnes d'unités

24 différentes qui étaient présentes. Nous voulions que cette scène soit aussi

25 télégénique que possible.

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1 Q. Il y avait des gens qui ont pris part à cette cérémonie de prestation

2 de serment qui n'étaient pas de Klecka; des soldats d'autres unités qui

3 étaient dans la zone, n'est-ce pas ?

4 R. Les membres de l'état-major avaient parlé de la couverture de Drenica

5 et d'ailleurs. Ils avaient rassemblé des soldats et des armes. J'ai vu des

6 armes ce jour-là pour la première fois; elles n'étaient là que pour la

7 télévision. Je ne les ai jamais vues avant. Nous avions un problème pour

8 obtenir des uniformes parce que nous ne voulions pas que les soldats

9 apparaissent à télévision sans uniforme. Certains soldats, comme je l'ai

10 dit, arrivaient de différents endroits. Il s'agissait de mes soldats, des

11 soldats de Kumanova, certains soldats de Drenica qui sont venus avec

12 certains des représentants de l'état-major général.

13 Q. Vous souvenez-vous s'il y avait des soldats de Lapusnik ?

14 R. Peut-être. Peut-être qu'il y avait des soldats, mais je ne me souviens

15 pas parce qu'il faut que vous vous souveniez du fait que la plupart des

16 soldats étaient mes soldats, je ne m'intéressais pas aux autres soldats.

17 Q. Très bien, vous avez répondu à la question. En juin 1998, il y a eu un

18 enterrement très important avec une procession qui a eu lieu à Carralluke ?

19 R. Oui.

20 Q. Je vais vous montrer un passage d'un document vidéo.

21 M. WHITING : [interprétation] Il s'agit du début du document P35 et nous

22 allons passer à présent au logiciel Sanction pour regarder ce passage.

23 [Diffusion de cassette vidéo]

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Monsieur Limaj, s'agit-il là de la marche qui a eu lieu à l'occasion de

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1 l'enterrement à Carralluke ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous apparaissez dans cette marche. Est-ce Isak Musliu qui se trouve

4 derrière vous ?

5 R. Est-ce que vous pourriez rembobiner, s'il vous plaît ?

6 Q. Nous allons rediffuser cet extrait.

7 [Diffusion de cassette vidéo]

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est le deuxième homme à droite.

9 Derrière moi, se trouve Shaban Shala.

10 M. WHITING : [interprétation]

11 Q. Nous allons poursuivre la diffusion de cet extrait. Si vous

12 reconnaissez qui que ce soit d'autre, dites-le-moi.

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est difficile de reconnaître les gens. Je

15 vois – Gani Koci. Je ne vois pas très bien.

16 M. WHITING : [interprétation]

17 Q. Je comprends. Nous allons poursuivre la diffusion.

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a des soldats. J'en reconnais un, il

20 était originaire de la municipalité de Suhareke; il s'appelle Isuf

21 Krasniqi, je crois. La plupart d'entre eux viennent de Malisheve, mais il y

22 a également des personnes originaires de Drenica, de toutes les régions du

23 Kosovo, je pense.

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Ces funérailles ont été organisées pour Ymer Krasniqi, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Il a été tué le 16 juin 1998, n'est-ce pas ?

3 R. Je ne me souviens pas bien de la date. Je pense que c'était le 9. Peut-

4 être était-ce le 16. Je ne peux pas vous le dire avec certitude.

5 Q. Cette marche, toutefois, a eu lieu au mois de juin, n'est-ce pas,

6 quelques jours après, qu'il s'agisse du 9, du 16, cette marche a été

7 organisée quelques jours après les funérailles, n'est-ce pas ?

8 R. S'il a été tué le 16, sans doute deux ou trois jours après.

9 Q. Cette marche a également été diffusée à la télévision, n'est-ce pas ?

10 R. Si vous me le permettez, je souhaiterais expliquer quelque chose. Ce

11 jour-là, je ne le savais pas, mais je l'ai appris plus tard. Lorsque nous

12 sommes allés au lieu de l'enterrement, nous avons vu des milliers de

13 journalistes sur place. Quelqu'un les a empêchés de se rapprocher de

14 l'endroit où était placé le cercueil. Un représentant de l'état-major

15 général, je ne sais pas qui c'était, a autorisé un journaliste de la

16 télévision albanaise à filmer la scène. Donc, seul cette partie a été

17 enregistrée. Cela a duré une ou deux minutes. Aucun journaliste étranger

18 n'a été autorisé à filmer quoi que ce soit sur les lieux de l'enterrement,

19 peut-être cinq ou six secondes, mais pour autant que je le sache, il s'agit

20 d'un seul et même journaliste qui a été autorisé à filmer, et cela pendant

21 une ou deux minutes, et c'est ce qui apparaît ici. Cela a duré très peu de

22 temps. Nous avons préparé ces soldats pour qu'ils soient alignés. C'est ce

23 que l'on voit apparaître sur ce film. Il s'agit d'un film de propagande

24 afin que le monde se rendre compte qu'il y avait une armée.

25 Q. Voyons si je vous comprends bien. Vous nous dites que ce journaliste de

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1 la télévision albanaise a filmé cet extrait de la marche sur le lieu de

2 l'enterrement et que c'est cela qui a été diffusé à la télévision

3 albanaise; est-ce exact ?

4 R. Non. Peut-être n'ai-je pas été bien clair. Je vais essayer d'être plus

5 clair. A l'époque, les soldats de l'UCK ne voulaient pas entrer en contact

6 avec les médias. Ils ne savaient pas comment se comporter avec les médias.

7 Il y avait des centaines de journalistes. Ici, on ne voit pas le lieu où

8 l'enterrement a eu lieu. Or, sur le lieu de l'enterrement, se trouvaient

9 des centaines de journalistes étrangers et locaux, mais ils n'ont pas été

10 autorisés à filmer. Seul ce caméraman de la télévision albanaise a été

11 autorisé à filmer la scène. Quant à savoir s'il a envoyé ce reportage à

12 EuroNews ou à d'autres chaînes, je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui s'est

13 passé par la suite. Ce que je sais, en revanche, c'est que cette personne a

14 été autorisée à s'approcher de la colonne de soldats de l'UCK et qu'il

15 pouvait filmer depuis cet endroit. Pour ce qui est des journalistes

16 étrangers, des autres journalistes, ils n'ont pas été autorisés à filmer le

17 lieu de l'enterrement. Je ne sais pas pourquoi.

18 Q. Mais l'extrait que nous venons de voir, lui, a été diffusé à la

19 télévision albanaise, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, je pense que cela a été diffusé. Il n'y a aucun clip vidéo dans

21 lequel cette scène n'est pas reprise.

22 Q. Merci. Je souhaiterais vous poser à présent quelques questions au sujet

23 de Sadik Shala. Il s'agit de l'une des personnes que vous avez décrites

24 plus tôt. Il a été tué le 19 juin [comme interprété] 1998. Il est parfois

25 décrit comme ayant été membre de la 121e Brigade, n'est-ce pas ? S'agit-il

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1 de l'une des personnes que vous avez mentionnée plus tôt, de l'un des

2 martyrs que vous avez évoqués ?

3 R. Comment pourrais-je décrire Sadik Shala ? Je ne peux pas dire qu'il

4 était chef d'unité.

5 Q. Monsieur Limaj --

6 R. Il s'agissait de l'une des antennes --

7 Q. Ma question --

8 R. -- qui est devenue par la suite la 121e Brigade.

9 Q. Ma question était simple : après la guerre, a-t-on parfois dit qu'il

10 avait été membre de la 121e Brigade ?

11 R. Oui. Oui.

12 Q. Pouvez-vous me décrire ses fonctions. Etait-il membre de votre unité à

13 Klecka avant sa mort ?

14 R. Madame et Messieurs les Juges, comme je l'ai déjà dit, nous nous sommes

15 installés dans la maison de Sadik. Il a couvert toutes nos dépenses pendant

16 deux ou trois mois alors que nous agissions dans la clandestinité. Au bout

17 de deux ou trois mois, la situation a changé. Sadik a commencé à s'occuper

18 de l'approvisionnement de l'unité. Il s'est occupé non seulement de nous,

19 mais d'autres personnes également, il a veillé aux besoins de toute sa

20 famille élargie, il lui était facile d'aider mes soldats et d'autres

21 soldats également. Il a donné toute sa fortune à l'UCK. Je peux vous donner

22 un exemple à cet égard, il a fourni du bétail à l'UCK notamment, à

23 l'époque.

24 Q. Monsieur Limaj, vous nous dites qu'il s'est occupé de

25 l'approvisionnement des soldats de votre unité et d'autres unités

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1 également ?

2 R. Comme je vous l'ai dit, il aidait tout le monde. Il aidait tous ceux

3 qu'il pouvait. Il aidait les soldats, nous et d'autres.

4 Q. Est-ce que cela signifie qu'il aidait les soldats de votre unité ainsi

5 que les soldats d'autres unités également ? Oui ou non ?

6 R. Pour ce qui est de mon unité, je restais chez lui dans son unité et

7 quiconque lui demandait de l'aide, il la lui donnait.

8 Q. Est-ce qu'il aidait d'autres unités ?

9 R. Comme je vous l'ai dit, il aidait des soldats et d'autres unités.

10 Quiconque lui demandait de l'aide, il la lui donnait. C'est ce que je vous

11 répète pour la troisième ou quatrième fois.

12 Q. Je vais vous diffuser un autre extrait de la pièce P34. Il s'agit d'un

13 documentaire sur sa vie. Je vais demander que l'on diffuse un petit

14 extrait.

15 Veuillez être particulièrement attentif à ce que Lahi Brahimaj a dit

16 au sujet des fonctions de Sadik Shala, car je vais vous poser quelques

17 questions à ce sujet. Soyez attentif, je vous prie.

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 M. WHITING : [interprétation]

20 Q. Monsieur Limaj, dans la dernière phrase prononcée par Lahi Brahimaj au

21 sujet des activités de Sadik Shala, il dit : "En même temps, Sadik Shala

22 s'occupait de l'approvisionnement des unités de Celiku dans la zone de

23 Pastrik, mais il exerçait également certaines activités pour l'état-major

24 général de l'UCK."

25 R. J'ai déjà dit qu'il s'agit d'un documentaire et chacun essaie

Page 6305

1 d'apparaître sous un bon jour, même s'ils ne savaient pas exactement tout

2 ce qui se passait, la réalité des choses. Sadik Shala aidait les soldats de

3 différentes unités quand il avait les moyens de le faire. On a voulu le

4 présenter comme chef de secteur pour certaines unités de l'UCK, mais ceci

5 n'est pas vrai.

6 Q. Ce qui m'intéressait, c'est ce qu'il a dit à propos des "unités de

7 Celiku". Vous aviez plus d'une unité sous votre responsabilité; vous

8 n'étiez pas uniquement responsable de l'unité de Klecka. Lui, il s'est

9 occupé de l'approvisionnement des unités de Celiku. C'est ce qu'il faisait,

10 n'est-ce pas ? Il s'occupait de vos unités ?

11 R. Non, vous essayez de dire autre chose ici.

12 Q. Je répète ce qui est dit sur cette séquence. Comment expliquez-vous le

13 fait que Lahi Brahimaj parle des "unités de Celiku" ?

14 R. Bien entendu que j'ai une explication à ce sujet. Tout d'abord, Lahi

15 Brahimaj, à l'époque, n'était jamais là. Savez-vous où il opérait ? Il ne

16 savait pas du tout ce qui se passait dans ce secteur, il se trouvait dans

17 une région tout à fait différente dans la zone de Dukagjini qui est à 80

18 kilomètres de là où nous nous trouvions. Il venait rarement là.

19 Vous voulez décrire ces unités comme des unités conjointes, or, c'est

20 inexact. Il fournissait son aide, il aidait tout le monde. Il aidait les

21 gens de Malisheve, de Suhareke. Il a aidé des centaines de milliers de

22 personnes.

23 Il a envoyé des tonnes de farine à Drenica. Vous ne pouvez pas le

24 décrire comme s'étant vu confié cette mission. C'est simplement sa

25 personnalité qui voulait cela. Toute sa vie, il a aidé les gens autour de

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1 lui. Il était riche, sa famille était riche, il avait les moyens d'aider

2 les gens. Il aidait les soldats, il aidait les unités. Vous essayez de le

3 faire passer pour quelqu'un qui s'occupait de l'approvisionnement de toutes

4 les unités, quelqu'un qui avait reçu pour mission de le faire, mais ce

5 n'est pas vrai. Pour ce qui est de Lahi, je vous ai déjà dit qu'il n'était

6 pas là à l'époque et je ne sais pas pourquoi il a dit cela.

7 Vous savez vous-même que la Lahi Brahimaj, à l'époque, se trouvait à

8 Dukagjin. Vous le savez.

9 Q. Je souhaiterais que nous parlions de Lapusnik. Vous avez déclaré que :

10 "L'UCK était stationnée à Lapusnik." C'est ce que vous avez déclaré lors de

11 la troisième journée de votre déposition. En page 69 du compte rendu

12 d'audience, c'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

13 R. Bien entendu, après que les gorges de Lapusnik ont été prises, les

14 unités de l'UCK ont été positionnées à cet endroit.

15 Q. L'unité qui se trouvait à Lapusnik, en contrebas de la route Peja-

16 Pristina, était connue sous l'appellation unité Celiku 3; est-ce exact ?

17 R. Par l'une des unités.

18 Q. Vous avez déclaré que les cinq positions que vous avez indiquées sur la

19 carte étaient les cinq positions occupées par l'unité Celiku 3; est-ce

20 exact ?

21 R. En principe oui, car la ligne de front était tenue par des soldats de

22 Celiku 3. Par la suite, une autre unité s'est occupée de cette ligne.

23 Q. Quand est-ce qu'une autre unité a couvert cette ligne ? Est-ce que vous

24 voulez parler de la période qui a suivi la fin du mois de juillet 1998 ?

25 R. Non, je voulais parler de la ligne de front qui est reliée à Celiku 3;

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1 c'est ce que je voulais dire.

2 Q. Essayons d'être clair. Les cinq positions que vous avez indiquées sur

3 la carte, nous pouvons vous présenter de nouveau cette carte si vous le

4 souhaitez, ces cinq positions étaient des positions occupées par Celiku 3,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Il s'agissait des positions occupées par Celiku 3 en juin et en juillet

8 1998 avant la chute des gorges de Lapusnik, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Il s'agissait d'une ligne de front.

10 Q. En mai 1998, à partir de cette date, Isak Musliu était le commandant de

11 l'unité Celiku 3, n'est-ce pas ?

12 R. Il faut expliquer en détail comment cela s'est passé si vous souhaitez

13 savoir la vérité ? Pour résumer les choses, oui, Isak Musliu était le

14 commandant de l'unité Celiku 3.

15 Q. Merci. Lorsque vous êtes allé à Lapusnik avec Byslym Zyropi et Agim

16 Qelaj, c'était pour rendre visite à l'unité et rencontrer Isak Musliu,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Byslym Zyropi et Agim Qelaj et quelqu'un d'autre dont je ne me souviens

19 pas du nom sont allés voir différents postes. Je les ai accompagnés. Je les

20 ai également accompagnés dans d'autres endroits à Drenica, à Aqareve [phon]

21 et ailleurs.

22 Q. Je sais que vous comprenez mes questions. Concentrez-vous pour y

23 répondre précisément. Ce que je voudrais savoir, c'est la chose suivante :

24 lorsque vous êtes allé rendre visite à Celiku vous avez rencontré Ymer

25 Alushani et Isak Musliu. Vous étiez accompagné par Byslym et Agim, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous savez que lorsque des hommes arrivaient à Lapusnik à l'endroit où

4 étaient positionnées les forces de Celiku 3 pour rejoindre l'UCK ces hommes

5 étaient interrogés par Isak Musliu, n'est-ce pas ?

6 R. Non. De quoi voulez-vous parler ? Il ne pouvait empêcher qui que ce

7 soit de rejoindre les rangs de l'UCK. Compte tenu de mon expérience, les

8 choses se passaient différemment.

9 Q. Je vais reformuler ma question. Ces hommes rencontraient Isak Musliu.

10 C'était la pratique habituelle, n'est-ce pas ?

11 R. Non. Madame et Messieurs les Juges, je vais vous raconter comment les

12 choses se passaient. Si quelqu'un avait un ami, un oncle, un neveu, un

13 parent, il allait le trouver aussitôt et rejoignait aussitôt les rangs de

14 l'UCK. A l'époque, de nombreux volontaires ont voulu rejoindre les rangs de

15 l'UCK. A l'époque, il suffisait de connaître quelqu'un au sein de l'UCK

16 pour en devenir membre. Vous ne pouviez pas empêcher qui que ce soit de

17 rejoindre les rangs de l'UCK. Vous ne pouviez pas empêcher qui que ce soit

18 de participer à la guerre de libération s'il le souhaitait; cette guerre

19 était la nôtre.

20 Q. Vous déclarez que les hommes qui arrivaient à Lapusnik, qu'ils y

21 connaissent quelqu'un ou non, ceux qui sont venus rejoindre les rangs de

22 l'UCK à Lapusnik en juin et en juillet 1998 n'étaient pas toujours

23 accueillis par Isak Musliu; c'est ce que vous dites ou est-ce que vous ne

24 le savez pas ?

25 R. J'essaie de vous parler de mon expérience en termes généraux. Je ne

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1 vous parle pas précisément de Lapusnik, mais j'essaie de vous fournir un

2 tableau d'ensemble de ce qui s'est passé là-bas, à ce moment-là.

3 Q. Ma question porte sur Lapusnik. Qu'en est-il de Lapusnik ?

4 R. Les choses ne se passaient pas différemment à Lapusnik qu'ailleurs.

5 Quiconque souhaitait rejoindre les rangs de l'UCK faisait ce que j'ai

6 décrit précédemment. Voilà comment les choses fonctionnaient à l'époque.

7 Q. Vous souvenez-vous à l'époque, en juin et juillet 1998, M. Chris Hill,

8 Christopher Hill était l'ambassadeur des Etats-Unis au Monténégro ? Vous en

9 souvenez-vous ?

10 R. Oui.

11 Q. Savez-vous qu'au cours de l'été 1998, il a participé à des activités

12 visant à essayer de trouver une solution au Kosovo entre les Serbes et les

13 Albanais, n'est-ce pas ?

14 R. Je ne savais pas à l'époque qu'il s'agissait de M. Hill. Je savais

15 qu'un américain s'occupait de cela. Par la suite, je l'ai appris et j'ai eu

16 l'occasion de le rencontrer également. J'ai appris ultérieurement qu'il

17 était chef de la délégation.

18 Q. Au cours des différents voyages que vous avez faits à Lapusnik en juin

19 et juillet 1998, vous avez dit que vous vous étiez rendu à 20 reprises

20 environ, peut-être plus, peut-être moins. Au cours de ces différents

21 voyages, Isak Musliu vous a-t-il dit qu'il avait rencontré Chris Hill à la

22 caserne de Lapusnik fin juin 1998 ?

23 R. Non. A ma connaissance, c'est Shaban Shala qui l'a rencontré, pas Isak,

24 non. Je ne sais pas si Isak l'a rencontré. Je ne sais pas s'il accompagnait

25 Shaban Shala lorsqu'il l'a rencontré. A l'époque, Shaban Shala était là et

Page 6310

1 Jakup se trouvait dans un village avoisinant. Vous savez qui est Shaban

2 Shala ?

3 Q. Oui. Je sais. Lorsque vous parlez de Jakup, voulez-vous parler de Jakup

4 Krasniqi ?

5 R. J'ai dit que Jakup et Shaban Shala viennent du même village. Non loin

6 de là se trouve la route Orlat-Lapusnik.

7 Q. Vous ne vous souvenez pas qu'Isak Musliu vous ait dit qu'il avait

8 rencontré Christopher Hill et d'autres diplomates américains à la caserne,

9 qu'il leur avait parlé ?

10 R. Non, il ne m'en a pas parlé. Je ne pense pas qu'il le connaissait. Nous

11 ne le connaissions pas non plus, car nous ne connaissions pas les membres

12 de la délégation à l'époque. Pour nous, il s'agissait de simples

13 représentants, de diplomates qui visitaient la région à l'époque. Je ne

14 pense pas qu'il le connaissait.

15 Q. Je vous poserai des questions à ce sujet un peu plus tard. Avez-vous

16 parlé à Shaban Shala au sujet de cette réunion ? C'est une question simple,

17 oui ou non, avez-vous parlé à Shaban Shala de cela ?

18 R. Non.

19 Q. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il a rencontré Christopher Hill ?

20 R. Après les événements survenus par la suite, après la guerre, je crois,

21 il a été dit que Shaban Shala lui avait parlé. Vous vous souvenez de la

22 visite d'Holbrooke, ceci s'est produit plus ou moins au même moment. Il y a

23 une déclaration bien connue qui a été faite à ce moment-là également au

24 sujet de Kijeva. Holbrooke a déclaré que Kijeva était l'un des endroits le

25 plus dangereux à l'époque. Or, Kijeva se trouve à une dizaine de kilomètres

Page 6311

1 de Lapusnik. Voilà ce qui a été dit à l'époque. Je ne sais pas exactement

2 quand il a été dit que c'était peut-être Shaban Shala qui avait assisté à

3 cette réunion.

4 Q. Avez-vous rencontré l'un quelconque des représentants américains au

5 cours de cette période ?

6 R. Oui.

7 Q. En juin et juillet 1998 ?

8 R. Non.

9 Q. Vous n'êtes pas en train de dire qu'un ambassadeur des Etats-Unis qui

10 arrivaient à Lapusnik en juin 1998, que cela ne constitue pas un événement

11 hors du commun ?

12 R. Oui, je conviens qu'il s'agissait d'un événement hors du commun. Le

13 fait est que nous ne le savions pas. La visite d'Holbrooke était un

14 événement hors du commun, mais il a rencontré de simples soldats. Nous ne

15 savions pas qui venait et qui partait. Nous n'avions pas d'information au

16 sujet de qui rencontrait qui, comme ce fut le cas avec M. Holbrooke.

17 Q. Vous ne savez rien au sujet de Christopher Hill ou d'autres

18 représentants américains qui seraient arrivés à Lapusnik en juin 1998 ?

19 Ceci n'a pas été porté à votre attention ?

20 R. Vous devez bien comprendre qu'à l'époque je ne savais pas qui venait et

21 qui partait. Par la suite, j'ai appris, de la bouche d'amis, de la bouche

22 de Jakup ou d'autres personnes, ce qu'il en était. Une telle visite était

23 importante; c'était important qu'une délégation de ce type pénètre sur les

24 territoires contrôlés par l'UCK. Mais pour ce qui est de cet événement

25 particulier et du jour auquel il a eu lieu, je ne sais pas. Je n'en ai

Page 6312

1 jamais entendu parler à l'époque.

2 Q. S'agissant de cette visite de représentants américains à Lapusnik le 26

3 juillet [comme interprété] 1998, vous souvenez-vous quand vous en avez

4 entendu parler et comment ?

5 R. Il ne s'agissait pas de la visite à Lapusnik. Vous conviendrez avec moi

6 qu'il ne s'agissait pas d'une visite à Lapusnik, mais d'une visite à Kijeva

7 et Decan, je crois. Ils passaient par cette route.

8 Q. Bien. Soyons plus précis donc. C'est une visite qui était effectuée à

9 la caserne qui se trouve sur la route Pristina-Peja à Lapusnik. Qu'ils

10 soient allés ailleurs après, le fait est, néanmoins, qu'ils ont passé un

11 certain temps dans cette caserne à Lapusnik ?

12 R. Oui.

13 Q. Alors, ma question suivante c'est de savoir quand vous l'avez appris et

14 comment ?

15 R. Peut-être l'ai-je appris dans l'intervalle, parce que je crois que

16 c'était une demande officielle qui avait été faite par M. Hill et qui

17 consistait à faire ouvrir la route. C'était une exigence de la part de la

18 délégation. Donc, je ne sais pas exactement quand je l'ai appris.

19 Q. Mais --

20 R. Je pourrais faire une erreur si je vous disais une date précise, mais

21 je sais en quoi elle a consisté.

22 Q. Si je vous dis que ceci s'est produit le 26 juin 1998, pouvez-vous nous

23 dire, à peu près, combien de temps après la visite vous avez appris qu'elle

24 avait eu lieu ? Quelques jours plus tard ? Quelques semaines plus tard ?

25 Quelques mois plus tard ?

Page 6313

1 R. Peut-être l'ai-je appris lorsqu'il y a eu cette réunion avec Kickert et

2 la troika européenne et le journaliste Baton Haxhiu. C'est à ce moment-là

3 que j'ai appris quel était l'objectif, mais je ne sais plus très exactement

4 quand cela s'est produit. C'est juste après ces événements que je viens de

5 mentionner.

6 Q. Ce qui signifie --

7 R. -- peut-être même un peu plus tôt.

8 Q. Vous venez de faire référence à cette réunion avec Jan Kickert, mais

9 elle a eu lieu le 30 juillet, n'est-ce pas ?

10 R. Je croyais que vous me posiez une question concernant le 26 juillet. Je

11 suis un peu perdu dans les dates. Je ne sais pas quand j'ai appris que

12 cette visite avait eu lieu.

13 Q. Pouvez-vous nous dire si ceci a eu lieu, je ne sais pas, quelques jours

14 après la visite, quelques semaines ?

15 R. Je ne pourrais vous le dire avec certitude. Mais à vrai dire, ceci ne

16 nous préoccupait guère. Ceci regardait les gens qui étaient censés

17 s'occuper de ce genre de choses. Donc, je ne pourrais vous dire quand je

18 l'ai appris.

19 Q. Vous rappelez-vous --

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous sommes passés, Monsieur Whiting,

21 du 26 juin au 26 juillet soudain. Je crois qu'il y aurait besoin d'une

22 petite précision de votre part.

23 M. WHITING : [interprétation] Non, je parle du 26 juin. Je pense que le

24 témoin n'a pas bien compris et qu'il a cru que je parlais du 26 juillet,

25 alors qu'il s'agit bien du 26 juin.

Page 6314

1 Q. Vous souvenez-vous avoir appris l'existence de cette visite avant la

2 chute de Lapusnik ? Donc, avant le 26 juillet ?

3 R. J'essaie de réfléchir vraiment, mais je sais que M. Holbrooke a fait

4 cette fameuse déclaration parce que c'était un événement tout à fait

5 extraordinaire qui a été relayé par tous les médias. La déclaration selon

6 laquelle Kijeva était l'endroit le plus dangereux à l'époque. Je sais

7 qu'ils exigeaient également que le blocus sur Kijeva soit levé. Mais je ne

8 sais pas avec certitude quand j'en ai entendu parler, parce que ceci ne me

9 concernait pas directement. Je peux vous dire tout simplement ce que j'ai

10 appris. J'essaie de vous aider, mais je ne peux pas vous donner de date

11 précise.

12 Q. Monsieur Limaj, vous souvenez-vous qui vous en a parlé ? Comment vous

13 l'avez appris ?

14 R. C'est ce que j'essaie de vous expliquer. C'est sans doute au travers

15 des médias, ou de M. Krasniqi peut-être, ou de quelqu'un d'autre que je

16 l'ai appris. Peut-être qu'au cours de la réunion avec Jan Kickert, nous en

17 avons parlé plus tard. Je ne sais pas exactement. Vraiment, je n'en sais

18 rien.

19 Q. Monsieur --

20 R. Comme je l'ai dit, à vrai dire, ce n'était pas notre problème.

21 Q. Monsieur Limaj, diriez-vous que vous vous êtes rendu entre le 9 mai

22 1998 et le 26 juillet, que vous êtes allé à Lapusnik une vingtaine de fois,

23 comme ceci est précisé dans votre mémoire préalable ? Est-ce là la

24 meilleure approximation que vous puissiez nous donner ?

25 R. Oui. Oui.

Page 6315

1 Q. Maintenant --

2 R. Si vous voulez que j'y sois allé plus souvent, si vous voulez aussi.

3 Q. Non. Ce que je veux, c'est la vérité, Monsieur Limaj. Vous nous dites y

4 être allé une vingtaine de fois, peut-être plus ?

5 R. J'essaie de vous la dire, la vérité; la vérité que je connais. Mais

6 vous ne m'avez pas donnée la possibilité jusqu'à présent de vous la dire la

7 vérité. Si tel avait été le cas, je vous l'aurais dit plus tôt.

8 Q. J'essaie de vous donner toutes les possibilités possibles pour que vous

9 disiez la vérité, Monsieur Limaj.

10 Vous avez dit que l'une des raisons pour lesquelles vous vous étiez rendu à

11 Lapusnik c'est que vous étiez en route pour Likovc et que vous vous y étiez

12 arrêté.

13 R. Non, j'ai dit que l'une des raisons était que, parfois, j'y étais allé

14 pour voir Isak. J'y avais également été pour passer en revue un certain

15 nombre de postes. Parfois, je suis allé à Likovc, et en route, je me suis

16 arrêté pour leur rendre une petite visite. J'ai dit que c'était l'une des

17 raisons.

18 Q. C'était précisément ma question. Peut-être qu'elle n'a pas été bien

19 interprétée.

20 Pour que les choses soient tout à fait claires, lorsque vous allez de

21 Klecka à Likovc, vous ne passez pas par Lapusnik, n'est-ce pas ?

22 R. Si, justement. Vous passez exactement par Lapusnik.

23 Q. Corrigez-moi si j'ai tort, mais en fait, vous alliez de Klecka à

24 Novoselle, à Terpeze --

25 R. Oui, oui. Terpeze.

Page 6316

1 Q. Vous prenez la route principale. Vous tournez à droite --

2 R. Orlat --

3 Q. D'accord. Si vous allez à Likovc, vous continuez en voiture sur la

4 route Peja-Pristina en direction de Likovc. Pouvez-vous m'expliquer comment

5 il se fait que vous alliez sur la droite, que vous alliez à Lapusnik, et

6 que d'une manière ou d'une autre, ceci vous permettait de vous rendre

7 jusqu'à Likovc ?

8 R. Non, non, non. Je peux vous dessiner quelque chose si vous voulez. Je

9 peux vous montrer la route sur la carte.

10 Q. J'essaie justement de faire en sorte que cette carte vous soit remise.

11 R. Le problème c'est que vous parlez que d'un seul et même secteur de

12 Lapusnik; vous ne parlez pas de tout le village. Le village est très

13 étendu.

14 Q. Permettez-moi de poser la question de manière un petit peu différente.

15 Je n'ai pas le numéro de la pièce à conviction, mais sur l'une des cartes,

16 vous avez dessiné la route que vous suiviez pour entrer à Lapusnik. A

17 partir de la route Peja-Pristina, vous avez tracé l'itinéraire que vous

18 suiviez pour arriver à Lapusnik, n'est-ce pas ? Vous souvenez-vous avoir

19 tracé cette ligne ?

20 R. Je pense qu'il serait bon que je puisse consulter cette carte et que je

21 puisse retracer l'itinéraire suivi pour que les choses soient bien claires.

22 M. WHITING : [interprétation] Je crois que c'est la pièce DL4.

23 M. MANSFIELD : [interprétation] DL4.

24 M. WHITING : [interprétation] Merci.

25 Pourrait-on placer cette pièce sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

Page 6317

1 Non, ce n'est pas celle-là. La carte que j'envisageais, c'était l'image

2 numéro 8 sur laquelle il a dessiné.

3 M. MANSFIELD : [interprétation] Celle-ci, l'image 8.

4 M. WHITING : [interprétation] Nous avons un exemplaire de cette carte ici.

5 Monsieur l'Huissier, merci de la placer sur le rétroprojecteur.

6 Q. Monsieur Limaj, vous voyez la ligne que vous avez tracée qui quitte la

7 route principale Pristina-Peja et qui va jusqu'à Lapusnik ? Voyez-vous

8 cette ligne et pouvez-vous l'indiquer.

9 M. WHITING : [interprétation] En fait, je crois que nous travaillons sur la

10 pièce DL8. Excusez-moi, au nom de Me Mansfield.

11 Q. Monsieur Limaj, voyez-vous --

12 R. Une seconde. Je vais changer le crayon.

13 Q. Je veux bien que le témoin trace à nouveau des lignes sur cette pièce,

14 mais il s'agit d'une pièce de la Défense.

15 Permettez-moi d'attirer votre attention sur la ligne rouge qui part de la

16 route principale Peja-Pristina et qui rentre dans cette partie précisément

17 de Lapusnik. Voyez-vous cette ligne ?

18 R. Oui.

19 Q. C'est vous qui avez tracé cette ligne en rouge et vous nous avez dit

20 que c'était là l'itinéraire que vous aviez suivi pour entrer dans Lapusnik.

21 R. C'est ce que je souhaitais expliquer. Vous voyez ce carrefour ici ?

22 Ici, vous pouvez rejoindre la position où se trouvait Isak. Voici l'autre

23 route, ici. Ici. C'est un carrefour en réalité, qui permet d'aller à

24 Lapusnik, ici. Puis, vers Krajkove, Bajince, Obrinje, Likovc. La plus

25 grande partie de Lapusnik, du village, se trouve ici, de ce côté de la

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1 route goudronnée. Parce que comme je le disais, c'est un village

2 extrêmement étendu. C'est cela que j'ai expliqué.

3 Q. Monsieur Limaj, si vous allez à Likovc, vous en arrivez au carrefour

4 d'Orlat, qui n'est pas sur cette carte, n'est-ce pas ? Le carrefour d'Orlat

5 n'est pas représenté sur cette photo. Il n'est pas sur cette photo, n'est-

6 ce pas ?

7 R. Non, non.

8 Q. Vous tournez à droite à partir de la route Peja-Pristina, vous arrivez

9 sur la carte en quelque sorte, et sur la route que vous venez d'indiquer

10 ici, vous tournez à gauche pour aller à Likovc; c'est cela ?

11 R. Oui, oui.

12 Q. Bien. Juste à côté de cette annotation en bleu --

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, le témoin n'a pas la

14 pièce sous les yeux. Il a votre exemplaire.

15 M. WHITING : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président,

16 effectivement. Merci beaucoup de me le rappeler.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour l'instant, les annotations ont

18 été faites en rouge. Pour les annotations à venir peut-être pourrait-il

19 utiliser une autre couleur.

20 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur Limaj y avait déjà pensé. Il a

21 maintenant un feutre bleu entre les mains.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Comme d'habitude, vous avez anticipé

23 mes remarques.

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Monsieur Limaj, sur cette carte, pouvez-vous retracer le trait que vous

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1 aviez déjà fait sur la pièce précédente en bleu.

2 R. [Le témoin s'exécute]

3 Q. Cette ligne en bleu représente l'itinéraire que l'on suivrait pour se

4 rendre à Likovc, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Pour le compte rendu d'audience --

7 R. Qui traverse Lapusnik.

8 Q. J'ai compris. De manière à ce que le compte rendu soit tout à fait

9 clair, pouvez-vous placer un L juste à côté de cette ligne en bleu que vous

10 venez de tracer.

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 M. WHITING : [interprétation] Nous comprendrons qu'il s'agit de Likovc.

13 Q. En route vers Likovc, Monsieur Limaj, vous suivez la route en rouge.

14 Vous suivez une autre direction, n'est-ce pas, celle indiquée par la ligne

15 en rouge, qui ne va pas dans la direction de Likovc ?

16 R. Non, non. Qui a dit que cette route allait à Likovc ? Cette ligne va à

17 l'endroit que j'ai indiqué avant-hier au cours de mon témoignage.

18 Q. Je comprends. Alors, lorsque vous vous arrêtiez à Lapusnik en route

19 vers Likovc, vous tourniez à droite, et non pas à gauche, à ce carrefour,

20 n'est-ce pas ? Vous rentriez dans Lapusnik en suivant la route que vous

21 avez indiquée par cette ligne rouge; c'est exact ?

22 R. Chaque fois que l'on souhaitait se rendre à Likovc, on suivait cette

23 ligne. Mais parfois, on s'arrêtait en route, on parlait avec des gens, on

24 buvait un café ou un thé. A cette intersection, il y avait des soldats.

25 Vous voyez ces deux lignes; la ligne rouge et la ligne bleue. Au point de

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1 rencontre de ces deux lignes, il y avait des soldats qui contrôlaient les

2 déplacements des véhicules.

3 Q. Merci. Je crois que nous avons compris. Je crois que vous n'aurez plus

4 besoin de cette pièce, quoique nous puissions la garder pour l'instant.

5 Vous avez également dit que lorsque vous alliez de Lapusnik à Klecka, le

6 seul itinéraire que vous suiviez était celui que nous avons décrit,

7 Novoselle, Terpeze, puis la route principale. Ensuite, vous tourniez à

8 droite vers le carrefour d'Orlat et vous arriviez ainsi à Lapusnik. Est-ce

9 le seul itinéraire que vous avez suivi pour aller jusqu'à Lapusnik à partir

10 de Klecka à cette époque, c'est-à-dire en juin et juillet 1998 ?

11 R. Pour que les choses soient encore plus claires, à l'exception de la

12 première fois, le 9 mai, lorsque nous sommes descendus des hauteurs pour

13 attaquer les forces serbes du village de Berisa pour la première fois, à

14 cette exception, celle du 9 mai, l'itinéraire suivi pour aller jusqu'à

15 Lapusnik était celui que j'ai indiqué. Il n'y avait pas d'autres routes

16 praticables avec un véhicule qui permettent de se rendre dans cette

17 direction.

18 Q. Pour aller à Lapusnik à partir de Klecka, vous auriez pu également

19 partir de Sedlare/Shale, vous rendre jusqu'à Nikovc, et de Kisna Reka,

20 reprendre une route vers Lapusnik qui vous aurait permis d'arriver

21 jusqu'aux différentes positions, n'est-ce pas ?

22 R. Pour moi, c'était un endroit que je ne connaissais pas, un endroit très

23 dangereux. C'est vrai, le Procureur a raison. De différents villages,

24 Kishna Reka, Shale, Nekovce, on peut aller à Vukovic, et de Vukovic, on

25 peut aller à Lapusnik. Mais cette route était la cible de tirs de la part

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1 des Serbes et des forces de l'UCK. Pour moi, c'était un terrain totalement

2 inconnu, alors que la route que j'ai indiquée était généralement

3 l'itinéraire que je suivais, parce qu'il était entre nos mains. C'était un

4 passage offrant une certaine sécurité pour nous. Parfois, effectivement,

5 les soldats empruntaient la route dont vous avez parlé au cours de la nuit,

6 mais la route principale c'est celle que j'ai montrée.

7 Q. Bien. Si vous alliez en véhicule de Carraleve à Lapusnik, en général,

8 quel itinéraire suiviez-vous ? Les gens allaient de Shale à Klecka et

9 prenaient la route que vous avez indiquée ou allaient de Shale à Nekovce et

10 à Kishna ? Quelle route, quel itinéraire suivait-on en général ?

11 R. J'aimerais vous fournir une explication. Il n'y avait pas de route

12 allant jusqu'à Klecka, une route à proprement parler parce que Klecka-

13 Shale, il n'y avait pas de routes, d'infrastructures à proprement parler.

14 Ce n'est que beaucoup plus tard que nous avons établi une route à ce

15 moment-là avec les villageois ce qui nous permettait de nous déplacer plus

16 librement. Mais en mai et juin, il était impossible que des voitures

17 l'empruntent. Les villageois, progressivement, ont commencé à construire

18 cette route afin que nous puissions aller de Klecka à Shale. Même en

19 tracteur, c'était difficile. La route a commencé à être construite parce

20 que Malisheve qui était entre nos mains -- enfin la seule chaîne

21 d'approvisionnement partait de Pristina et allait jusqu'à Malisheve,

22 jusqu'alors nous utilisions que des petites routes.

23 Q. Par conséquent, jusqu'à ce que la route soit réparée ou améliorée

24 disons, généralement les gens prenaient cet itinéraire ?

25 R. Non, non, il était impossible d'aller à Kishna Reka à ce moment-là,

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1 parce que c'était là que se trouvait la ligne de front. Les combats y

2 étaient constants. Comme je l'ai dit, il fallait aller à Vukovc. En fait,

3 la route qu'indique le Procureur, c'est celle-ci, ici. Voilà la route dont

4 il parle, une route entre Kishna Reka, Shale, Nekovce, et ensuite Kroimire

5 et Carraleve. Je crois. C'est là que les forces serbes étaient basées.

6 Q. Monsieur Limaj, avant --

7 R. Cette route était le théâtre de tirs constants.

8 Q. Mais je comprends, mais si vous veniez du sud avant d'en arriver à

9 cette portion de la route, vous pouviez arriver derrière Lapusnik là où se

10 trouvaient les positions 4 et 5. Il n'était pas nécessaire d'emprunter

11 cette route, vous auriez pu emprunter une route qui se trouvait derrière et

12 qui montait jusqu'aux positions 4 et 5, n'est-ce pas ?

13 R. Où cela ?

14 Q. Je ne pense pas que ceci figure sur cette photo. Je fais appel à votre

15 mémoire, je me demande si vous pouviez prendre une route derrière à partir

16 de Kishna Reka qui vous aurait mené directement aux positions 4 ou 5.

17 R. Non, non. Je ne sais pas, effectivement si la route existe, enfin, je

18 ne sais pas si une telle route existe, je ne sais pas ce qui s'est passé

19 ensuite. Je ne sais pas s'il y a une route entre Kishna Reka et Lapusnik.

20 Vous voyez les positions. Nous n'avions pas de routes qui permettaient de

21 relier entre eux ces villages, Monsieur le Procureur.

22 Q. Votre témoignage, c'est que vous ne savez pas.

23 R. Je ne sais pas s'il existe une route telle que celle-ci.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Il existe une autre carte où se trouve la

25 plupart des routes. S'il y a une route que connaît le représentant de

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1 l'Accusation peut-être qu'il pourrait nous la montrer sur la pièce DL4.

2 M. WHITING : [interprétation] Moi, ce qui m'intéresse c'est de faire appel

3 à la mémoire du témoin.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield.

5 M. WHITING : [interprétation]

6 Q. M. Mansfield vous a demandé de montrer les différents lieux dans

7 lesquels vous vous êtes rendu à Lapusnik. Vous souvenez-vous avoir

8 participé à Lapusnik à une cérémonie de prestation de serment au cours du

9 mois de juin 1998 ?

10 R. Oui, oui.

11 Q. Vous vous souviendrez que cette cérémonie de prestation de serment a eu

12 lieu dans une cour qui se trouvait de l'autre côté de la route, en face

13 d'un ensemble de bâtiments où les soldats prenaient généralement leurs

14 repas ?

15 R. Oui, effectivement. Je pense qu'on ne verrait pas grand-chose si on

16 examinait le lieu aujourd'hui. L'endroit est très arboré, il y a beaucoup

17 d'herbe, beaucoup de champs. Effectivement, il y avait quelques soldats

18 ici, c'est là qu'ils ont prêté serment. C'est comme cela que les choses se

19 sont produites, mais si vous regardez à Lapusnik, je dirais que c'est une

20 zone très verdoyante avec des champs.

21 Q. Pouvez-vous nous dire où à Lapusnik cette cérémonie a eu lieu ?

22 R. Je ne peux vous décrire précisément cet endroit parce que tout se

23 ressemble. Il ne s'agit que de champs, de pâturages partout. C'était dans

24 un champ, voilà.

25 Q. Avez-vous fait un discours lors de cette cérémonie de prestation de

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1 serment.

2 R. Non, non, non, je n'ai fait aucun discours.

3 Je me suis contenté de lire le texte du serment. Comme vous le voyez

4 dans l'extrait vidéo, c'est moi qui aie lu le serment militaire, les

5 soldats ont répété ce serment après moi, rien d'autre n'a eu lieu. Après 15

6 à 20 minutes, ils se sont dispersés. A l'issue de la cérémonie, j'ai parlé

7 quelques minutes avec les soldats, leur poser des questions sur leur santé,

8 sur la santé de leur famille, et cetera. Mais j'ai lu le texte du serment.

9 Q. Pourquoi ? Pourquoi avoir lu ce texte lors de cette cérémonie de

10 prestation de serment ?

11 R. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Madame et Messieurs les

12 Juges, chacun d'entre vous a ses propres traditions, tenez compte des

13 miennes dans mon pays. Vos armées ont des traditions. Pour nous, c'était la

14 première fois de notre histoire que nous pouvions lire en albanais le texte

15 d'un serment militaire. Ce n'est peut-être pas aussi officiel que pour

16 d'autres armées ailleurs, mais pour nous c'était une cérémonie véritable.

17 C'était un signe de respect. C'est la raison pour laquelle, nous avons

18 assisté à d'autres cérémonies d'autres personnes lorsque ces derniers les

19 organisaient. Dans notre tradition, vous donnez toujours la priorité aux

20 autres, aux invités plus précisément. Ces jeunes hommes me respectaient,

21 ils pensaient qu'il était important que je donne lecture du texte. Mais,

22 Monsieur le Procureur, j'ai lu tellement de textes de serment militaire,

23 j'ai lu des textes à Drenica, je suis allé en d'autres lieux également.

24 C'était une fête pour nous. C'était la première fois que nous avions la

25 possibilité de montrer que quelque chose d'important, quelque chose de

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1 sérieux se produisait et que nous allions véritablement former une armée à

2 part entière. Des civils, les membres des familles des soldats ont

3 participé à ces cérémonies. Des gens s'évanouissaient et nécessitaient un

4 traitement médical, ils s'évanouissaient tellement ils étaient heureux. Un

5 ancien prisonnier politique a lu le serment parce que nous avons voulu

6 rendre hommage à cette personne. Nous lui avons donné la possibilité de

7 donner lecture de ce serment.

8 Vous savez, Monsieur le Procureur, des centaines de nos soldats ont

9 été tués au sein des rangs de l'armée yougoslave. Notre nation n'avait

10 jamais eu la possibilité de donner lecture du serment dans notre langue

11 maternelle.

12 Q. Merci, Monsieur Limaj. Je pense que vous avez répondu à la question.

13 M. WHITING : [interprétation] Je pense également qu'il est temps de faire

14 une pause.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons juste

16 après 16 heures. Je pense, Maître Mansfield, que vous allez pouvoir vous

17 exprimer.

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela étant, M. Limaj comprendra bien

20 ce qui se passe et va reprendre la place qui est la sienne.

21 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Nicholls.

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, c'est moi qui vais me charger

24 du témoin suivant. J'objecte simplement à l'introduction de l'une des

25 pièces qui figurent sur la liste de la Défense pour le témoin suivant. Par

Page 6326

1 conséquent, ceci pourrait peut-être être traité avant l'arrivée du témoin

2 suivant de manière ce qu'il n'ait pas à suivre ce débat.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous le ferons dès que nous

4 reprendrons nos travaux.

5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.

6 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous sommes allés un peu vite,

8 Monsieur Limaj. Il semblerait que vous n'ayez pas le temps de prendre une

9 pause.

10 Monsieur Mansfield.

11 M. MANSFIELD : [interprétation] Je pense que, par courtoisie pour la

12 Chambre, je voudrais indiquer le fait que M. Whiting a eu l'amabilité de

13 bien vouloir nous laisser parler avec M. Limaj. Apparemment, il y a un

14 problème avec le programme que nous avions annoncé tout à l'heure. Dans la

15 mesure où il est témoin, nous n'avions pas parlé avec lui des difficultés

16 que nous avions concernant M. Churcher, en fait, même pas du tout. Nous lui

17 avons expliqué les difficultés. La difficulté est qu'il a fait sa

18 déposition devant vous. Je pense que vous allez comprendre qu'après tout,

19 nous avons voulu aller le plus vite possible.

20 Le compromis, auquel nous avons abouti, est qu'il y aura une autre

21 session avec M. Whiting, si je peux appeler les choses ainsi. Le dernier

22 volet de l'audience d'aujourd'hui sera consacré à M. Churcher et, bien sûr,

23 nous présenterons nos différents arguments. J'espère que cela ne me prendra

24 pas longtemps. Ensuite, nous pourrons commencer avec M. Churcher. J'espère

25 toujours qu'il finira avant demain soir. Je vois des hochements de tête de

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1 chaque côté. Je suis navré de vous annoncer cette petite re-planification.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela veut dire que vous ne souhaitez

3 pas aborder les objections qui ont été faites tout à l'heure, et peut-être

4 les laisser plutôt pour après la pause.

5 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, c'est exact. Merci.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

7 Monsieur Whiting, vous pouvez reprendre d'après ce que je viens de

8 comprendre.

9 M. WHITING : [interprétation] Très bien. Pas de problème. Je suis toujours

10 à recommencer.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons peut-être finir le volet

12 de l'audience aujourd'hui. Je pense que le moment opportun sera à 5 heures

13 20.

14 M. WHITING : [interprétation] Très bien. Je pense également qu'il s'agira

15 d'un moment opportun.

16 Q. Monsieur Limaj, nous parlions de vos visites à Lapusnik. Vous souvenez-

17 vous avoir dit dans votre déposition une fois tout au moins que vous

18 pensiez que c'était après la bataille du 17 et 18 mai 1998 ? Vous êtes allé

19 dans une cuisine que les soldats utilisaient dans le coin, et d'après votre

20 souvenir c'était près d'une position, de la position numéro 1, tout en haut

21 du rocher qui s'appelle Guri. Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela

22 dans votre déposition ?

23 R. Oui.

24 Q. Lors de vos visites suivantes, en juin et juillet, vous souvenez-vous

25 avoir su que les soldats se rassemblaient dans d'autres endroits à Lapusnik

Page 6328

1 pour manger ?

2 R. Cela était pratique, Monsieur le Procureur. Bien sûr, nos soldats

3 devaient manger quelque part. Concrètement, je ne peux pas vous dire, mais,

4 bien sûr, les soldats mangeaient quelque part. Le cas que j'ai mentionné

5 c'était au départ. C'était une cuisine improvisée. Ce n'était pas une

6 cuisine au sens propre du terme. Il y avait deux ou trois tables d'école

7 qui étaient rassemblées et qui servaient de cuisine. C'était juste après la

8 bataille.

9 Q. Je parle de juin et juillet à présent. Vous souvenez-vous être allé

10 dans un endroit de ce type à Lapusnik où les soldats se retrouvaient

11 normalement pour manger ?

12 R. Non, Monsieur le Procureur. Ce n'est pas que je m'en souvienne ou que

13 je ne m'en souvienne pas. Tout ce que je puis dire c'est que moi-même je ne

14 mangeais pas dans ce type de cuisine. A l'époque, nous avions créé un

15 rapport avec certains des villages que nous ne connaissions pas auparavant.

16 Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure dans mon témoignage, nous allions

17 dans la maison de Sopi où je me rendais régulièrement et nous buvions du

18 thé ou du café. Je faisais la même chose de l'autre côté du terrain où nous

19 allions et nous rendions visite à quelqu'un.

20 Q. Pour être bien clair votre témoignage est que vous n'alliez pas dans

21 cet endroit où qu'ils se soient trouvés à Lapusnik où les soldats allaient

22 manger en juin et juillet 1999. C'est bien cela votre déposition ?

23 R. Non. A ma connaissance, non, je n'y allais pas.

24 Q. En ce qui concerne la maison de Ferat Sopi ou de l'ensemble sa

25 propriété, il s'agissait d'une propriété n'est-ce pas ? Ferat Sopi avait

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1 une propriété ?

2 R. Non, il s'agissait de Qerkin Sopi. Ecoutez, Monsieur le Procureur, vous

3 vous êtes probablement rendu au Kosovo. Notre tradition était que nous

4 avons de grandes familles. Deux ou trois frères qui vivent ensemble dans la

5 même cour. Toutes ces cours sont entourées de murs, et à l'intérieur des

6 murs, il y a deux, trois, quatre maisons, et c'était la même chose en ce

7 qui concerne ma famille. Ma famille avait deux ou trois maisons qui étaient

8 rassemblées dans la même cour. Une maison servait de maison pour les

9 invités. Comme cela, les gens qui venaient nous rendre visite pouvaient y

10 séjourner. Les autres parties servaient de chambres. C'était la même chose

11 dans la maison de Qerkin.

12 Q. Vous avez parlé de cour. Nous allons parler, nous, de propriété,

13 "compound" en anglais. La maison de Ferat Sopi et la maison de Qerkin Sopi,

14 étaient-elles dans la même propriété ou s'agissait-il de propriétés

15 différentes ?

16 R. Non, elles ne faisaient pas partie de la même cour, Monsieur le

17 Procureur. Je ne peux pas appeler cela une propriété. Je vais vous rappeler

18 quelle est notre tradition. Disons qu'il y avait une maison qui était celle

19 du chef de la famille Sopi, et les autres maisons faisaient également

20 partie de la famille Sopi.

21 Q. Je vais devoir utiliser un mot pour faire référence à ce groupe de

22 maisons qui sont entourées par un mur. Ce que je propose, c'est le mot

23 "compound" en anglais, propriété. Si vous avez un mot différent que vous

24 souhaitez utiliser, dites-le-moi de façon à ce que nous nous comprenions

25 quand je vous pose ces questions.

Page 6330

1 R. D'accord.

2 Q. "Compound," propriété est bon en anglais ?

3 R. Très bien. Continuons comme cela.

4 Q. La maison de Ferat Sopi faisait partie d'une de ces "compounds,"

5 propriétés, et il s'agissait d'une cour qui était entourée de murs ?

6 R. Non, ce n'est pas ce que je dis parce que je ne peux pas en parler

7 comme, vous, vous en parlez. Les maisons à l'intérieur des murs

8 appartenaient à Qerkin Sopi. Ces maisons, c'étaient les maisons de ses

9 fils.

10 Q. La maison de Ferat Sopi n'avait pas de murs autour d'elle ?

11 R. Pour vous dire la vérité, je ne suis pas sûr parce que quand on passe

12 la maison de Qerkin Sopi, lorsqu'on passe à côté de sa cour, il y a une

13 sorte de petite hauteur. La nature de cette chose en hauteur, je ne peux

14 pas vraiment vous dire, en fait, cela ne lui a pas permis de construire un

15 mur ici. Dans la partie qui est plus basse, derrière sa maison, je ne sais

16 pas s'il y a vraiment une cour ou non.

17 Q. Il y avait deux routes qui allaient vers la maison de Ferat Sopi, une

18 qui était un peu au-dessus de la hauteur ? Il y avait une route qui était

19 devant la maison et une route qui passait derrière la maison ?

20 R. Je vais vous décrire les choses et je vais vous expliquer comment j'y

21 suis allé, Monsieur le Procureur. On peut rentrer dans la maison de Qerkin

22 en passant par la cour et on peut passer par la partie supérieure. A ce

23 moment-là, on rentre dans la maison de Ferat. En fait, il y a deux entrées.

24 En passant par la cour de Qerkin, on pouvait aussi aller dans la maison de

25 Ferat. Je suis allé dans la maison de Ferat en passant à travers la cour de

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1 Qerkin.

2 Q. Vous avez décrit des vignobles où vous vous asseyiez et vous buviez le

3 café. Etaient-ils derrière la maison ou devant la maison ? Quel était leur

4 rapport par rapport à la maison ?

5 R. L'endroit où je suis allé -- je ne sais pas si Ferat a une autre maison

6 ou pas. Il y avait dans cette maison une sorte de terrasse, un balcon,

7 devant la maison, qui a une vue sur les montagnes. La vue donne sur les

8 montagnes, et la raison pour laquelle je vous dis cela, c'est parce que je

9 ne sais pas s'il y avait une cour ou pas. Je ne sais pas s'il y avait un

10 mur, mais de ce vignoble, on avait une vue directe sur les montagnes.

11 Q. Les montagnes dont vous parlez, il ne s'agit pas des hauteurs où les

12 positions étaient situées, mais des montagnes -- du gros rocher -- la

13 grosse montagne, c'est de cela que vous parlez, n'est-ce pas ? Quand vous

14 dites que vous voyez vers les montagnes, c'est de cela que vous parlez ?

15 R. Oui, oui.

16 Q. Mais de quelles montagnes parlez-vous ?

17 R. Je parle de cette arête, de cette hauteur.

18 Q. Est-ce que vous savez si la maison de Ferat Sopi a été détruite pendant

19 la guerre ?

20 R. Non, je ne sais pas. Je n'y suis jamais allé, Madame, Messieurs les

21 Juges, parce que la plupart des villageois sont partis après la guerre. Ils

22 n'ont pas simplement quitté ce village, mais les villages avoisinants

23 également. Certains se sont installés en ville dans des petites localités

24 un peu plus grandes, dans des appartements, et en gros, ils ne sont pas

25 rentrés parce qu'il n'y avait rien qu'ils pouvaient retrouver là-bas. Leurs

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1 maisons avaient été détruites. Pour vous dire la vérité, je ne sais pas ce

2 qui s'est passé après la guerre parce que je n'y suis jamais retourné.

3 Après la guerre, il y a eu un grand mouvement de population. Ils se sont

4 déplacés d'un endroit à l'autre, et c'est ce qui s'est passé dans la

5 plupart des villages.

6 Q. Donc, votre réponse c'est que vous ne savez pas.

7 R. Non, je ne sais pas.

8 Q. Monsieur Limaj, hier, nous avons regardé un article -- en fait, c'était

9 une interview -- il ne s'agissait pas d'un article. Il s'agit de la

10 retranscription d'une interview que vous avez donnée à la télévision

11 albanaise le 3 juin 1998. Il s'agit de la pièce à conviction de

12 l'Accusation numéro 37, et nous avions une traduction qui n'était pas

13 complète. Nous avons, à présent, une traduction complète, et je demanderais

14 qu'elle vous soit présentée afin que nous puissions terminer d'en parler.

15 Vous souvenez-vous que nous en ayons parlé hier ?

16 La partie dont je voulais vous parler, qui n'était pas dans la traduction

17 d'hier, il s'agissait d'une question qui était : "Pouvez-vous nous donner

18 des détails sur les résultats concrets de cette résistance ?"

19 Votre réponse était que : "La plus grande partie du territoire de Drenica

20 ou de Lapusnik, en général, est libre et sous contrôle de nos forces,

21 c'est-à-dire sous le contrôle de l'UCK. Nos forces ont eu le contrôle de la

22 route Pristina-Peja depuis un mois, en commençant au point de contrôle à

23 Komorane et toute la partie après cela."

24 C'est cela que vous avez dit dans cette interview, n'est-ce pas ?

25 R. Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour un instant.

Page 6333

1 Q. Il s'agit de la deuxième question.

2 R. Oui, oui.

3 Q. C'est ce que vous avez dit dans l'entretien, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Est cela était vrai ? Ce que vous avez dit là, c'est vrai, n'est-ce pas

6 ?

7 R. J'expliquais l'évolution. Les gorges de Lapusnik sont tombées. Il y a

8 eu une grande bataille. La route pour Malisheve a été bloquée, et ce que

9 j'ai dit était partiellement vrai.

10 Q. La phrase que je viens de vous lire, c'est vrai, n'est-ce pas ? Ce que

11 vous avez dit dans la deuxième réponse, cela est vrai, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. D'accord.

14 R. Juste un instant. "Les forces contrôlaient la route de Peja-Pristina

15 pendant un mois, du point de contrôle de Komorane, et cetera" -- non, non.

16 Pas le point de contrôle à Komorane. Il était tenu par les forces serbes.

17 Q. Donc --

18 R. Cela veut dire à partir des gorges de Lapusnik, et après.

19 Q. Très bien. Lorsque vous dites -- la question suivante qui vous est

20 posée est la suivante, je cite : "Vous aviez reçu des rapports selon

21 lesquels vous étiez de plus en plus soutenu par la population locale. Est-

22 ce que vous pouvez nous dire quelque chose de plus précis sur ce

23 phénomène ?"

24 Votre réponse était, je cite : "Comme partout au Kosovo, à Drenica, et en

25 d'autres lieux, nous avons trouvé un soutien entier. Parce que le peuple du

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1 Kosovo et l'UCK sont liés ensemble. C'est la même chair qui les rejoint à

2 un même os."

3 Est-ce que vous aviez dit cela ?

4 R. Oui.

5 Q. Cela était-il vrai ?

6 R. J'ai déjà expliqué cela, Monsieur le Procureur, tel que je l'ai décrit

7 plus tôt, concernant cette euphorie après le 29 -- non, le 29.

8 Q. Monsieur Limaj, je vous demande de ne pas vous répéter. Je vous demande

9 simplement de dire si cela est vrai ou pas.

10 R. Oui.

11 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que la

12 traduction qui est avec la pièce à conviction est incomplète. Il s'agit ici

13 de la traduction complète en albanais, et je souhaiterais qu'elle remplace

14 ou qu'elle s'ajoute à la pièce à conviction. Il s'agit de la pièce P37.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Défense en a une copie, n'est-ce

16 pas ?

17 M. WHITING : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Si cela peut être ajouté --

19 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous verrons

20 cette question avec le Greffier.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. Monsieur Limaj, vous avez dit dans votre témoignage que "certaines

24 personnes aujourd'hui peut-être prétendent" -- vous parlez de Lapusnik et

25 vous avez dit, je cite : "Certaines personnes prétendent peut-être

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1 aujourd'hui qu'elles n'étaient pas là-bas, qu'elles n'avaient jamais été

2 là-bas."

3 Vous vous souvenez avoir dit cela, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. C'est parce qu'il y avait un camp de prisonniers à Lapusnik, et ceux

6 qui sont en mesure de dire qu'ils n'étaient pas là-bas, disent à présent

7 qu'ils n'étaient pas là-bas, n'est-ce pas ?

8 R. Non, je n'interprète pas les choses de cette manière. Cela est dû à la

9 peur que vous avez faite naître en eux. Même Ibrahim Rugova avait peur

10 qu'il y ait un acte d'accusation contre lui.

11 Vous, Monsieur le Procureur, vous ne m'avez pas laissé expliquer mon

12 pseudonyme Celiku. Je ne sais pas pourquoi nous ne continuons pas avec

13 l'interview. Je ne sais pas pourquoi vous ne voulez pas entendre la vérité.

14 Je voulais vous expliquer pourquoi j'ai adopté ce pseudonyme de Celiku.

15 Vous disiez que je tentais de m'extraire de la vérité. A ce moment-là, il

16 s'agissait d'un point tournant, le fait que j'ai adopté ce nom Celiku.

17 C'est quelque chose de particulièrement important, et je voulais

18 l'expliquer. Vous avez parlé de deux choses dans cette interview et vous ne

19 parlez pas de la question la plus importante. C'est le moment le plus

20 important de l'interview concernant mon pseudonyme Celiku. Dans l'intérêt

21 de la vérité, permettez-moi, Madame, Messieurs les Juges, de vous expliquer

22 cela.

23 Q. Monsieur Limaj, de quelle interview parlez-vous ?

24 R. Il y avait eu des remarques comme quoi je parle trop vite.

25 L'interview que vous m'avez donnée, l'interview qui date du 3 juin et qui

Page 6336

1 est directement liée au pseudonyme Celiku. Je pense que dans l'intérêt de

2 la vérité, je devrais pouvoir expliquer à la Chambre d'instance ce que vous

3 --

4 Q. Monsieur Limaj, alors je vous en prie, donnez votre explication. Il

5 s'agit de cette interview, n'est-ce pas ? Du document P37, que vous avez

6 sous les yeux ?

7 R. Oui, le 3 juin.

8 Q. Quelle est l'explication que vous vouliez donner à la Chambre

9 d'instance concernant cette interview ?

10 R. Une explication concernant Celiku, concernant le pseudonyme Celiku.

11 C'est ce que je veux expliquer. Je veux vous expliquer comment je me suis

12 retrouvé avec ce pseudonyme de Celiku.

13 Madame, Messieurs, les Juges, après la bataille du 29 aux gorges de

14 Lapusnik, un journaliste -- le journaliste qui a fait cette interview,

15 Ismet Sopi, je le connaissais déjà parce que sa nièce a fait ses études

16 avec moi à Pristina. Après la bataille de Lapusnik, qui a eu un

17 retentissement important au Kosovo, il est venu me voir à Klecka. Nous nous

18 sommes assis, nous avons parlé, et je lui ai demandé : Pourquoi vous ne

19 présentez pas l'UCK de manière adéquate pour les médias ? Il m'a dit : Mais

20 comment pouvons-nous le faire, alors que personne n'est prêt à parler avec

21 nous, à nous écouter ? De cette conversation, nous avons tiré l'idée que je

22 donne une interview, c'est lui qui me l'a demandé, une interview pour les

23 médias, et j'ai accepté.

24 Nous sommes allés dans une maison qui avait une antenne, une parabole pour

25 le satellite, parce qu'il fallait être dans une maison de ce type pour

Page 6337

1 avoir une réception avec le téléphone. Ce que je lui ai dit, c'est la chose

2 suivante. Je peux parler, mais je ne peux pas parler avec un nom. Donc, que

3 pouvons-nous faire ? Nous avons décidé d'utiliser le nom d'un des

4 commandants de l'UCK. Nous nous sommes mis d'accord d'utiliser cela, de

5 dire qu'un commandant de l'UCK appelait des zones de Drenica, et nous avons

6 continué. C'était la première fois qu'un membre de l'UCK donnait une

7 interview à la télévision albanaise, une interview orale.

8 Monsieur le Procureur, cette interview était préparée à 5 heures et

9 diffusée à 6 heures, 6 heures 30. Lorsqu'il a terminé avec ses questions et

10 que j'ai fini de lui donner mes réponses, j'étais assez ému. C'était la

11 première fois que je parlais aux médias. Je suis retourné chez moi, et

12 lorsque j'ai entendu cela aux actualités, j'ai entendu qu'ils disaient

13 qu'il s'agissait du commandant Celiku. Juste après, le lendemain, je suis

14 allé voir le journaliste et je lui ai dit : Mais Ismet, que s'est-il

15 passé ? Il m'a dit : Le comité de rédaction à Tirana n'a pas accepté que

16 cette interview soit diffusée sans qu'il y ait le nom de la personne qui a

17 été interviewée. Il a dit qu'il avait décidé d'utiliser ce nom parce qu'il

18 avait entendu à la radio Celiku 1, Celiku 2, Celiku 3, et c'est la raison

19 pour laquelle il a décidé d'utiliser ce nom, de façon à ce que l'interview

20 puisse être diffusée.

21 Je voudrais ajouter que cela a été entendu au Kosovo ainsi que dans la

22 diaspora. Cette interview, en fait, était majoritairement à l'intention de

23 la diaspora parce qu'il y avait ce dilemme de savoir s'il y avait ou pas

24 une l'UCK.

25 Q. Monsieur Limaj, --

Page 6338

1 R. Excusez-moi, j'ai simplement quelque chose encore à ajouter; encore une

2 seconde, et j'aurai terminé. La diaspora a utilisé cette interview dans

3 leurs rassemblements parce que c'était le seul document en albanais. Ils

4 ont utilisé cette interview pour collecter des fonds. Lorsque les gens ont

5 commencé à venir au Kosovo, des gens de la diaspora, toute personne qui

6 arrivait voulait rencontrer le commandant Celiku parce que c'est ce q'ils

7 avaient entendu à la télévision et lors de ces rassemblements pour des

8 collectes de fond. C'est comme cela que cela a commencé, à nouveau, avec

9 mes soldats. Ils m'appelaient Daja, avec le pseudonyme Daja.

10 C'est cela que je voulais expliquer.

11 Q. Cette interview a été diffusée à la télévision, Monsieur Limaj, n'est-

12 ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Je vous remercie.

15 R. Vous voyez ici qu'il ne s'est pas adressé à moi en utilisant un autre

16 nom. Cela a été ajouté ultérieurement, comme le journaliste me l'a décrit;

17 ils ont ajouté ce nom plus tard.

18 Q. Monsieur Limaj, je voudrais bien comprendre votre position. Est-ce que

19 vous nous dites qu'il aurait pu y avoir un camp de détention à Lapusnik et

20 que vous n'en connaissiez pas l'existence ou est-ce que vous nous dites

21 qu'il n'y avait pas de camp de détention à Lapusnik ?

22 R. Pour ce qui est de ma position, je souhaiterais expliquer, devant la

23 Chambre de première instance, que j'ai été choqué de voir l'acte

24 d'accusation dressé à mon encontre. Je dois vous dire que compte tenu de

25 mes opinions et mon expérience, je n'avais jamais entendu parler de

Page 6339

1 l'existence d'un tel camp de détention. En outre, je n'ai jamais été témoin

2 de tels événements. Il n'y avait pas de camp de détention à Lapusnik comme

3 vous l'alléguez. Je vous le dis sur la base de mon expérience, Monsieur le

4 Procureur.

5 Q. Je souhaiterais vous remettre de nouveau la feuille sur laquelle est

6 indiquée le pseudonyme de certains témoins.

7 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à Monsieur l'Huissier de bien

8 vouloir présenter cette feuille de pseudonymes au témoin.

9 Q. Monsieur Limaj, voyez-vous le Témoin L-07 sur cette liste ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez entendu la déposition de Shukri Buja qui a déclaré qu'il

12 s'était rendu à Lapusnik afin d'obtenir la libération du Témoin L-07,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourriez-vous expliquer comment cela est possible s'il n'y avait pas de

16 prison à Lapusnik ?

17 R. Monsieur le Procureur, j'ai entendu la déposition de Shukri. Même sans

18 l'avoir entendue, sur la base de mon expérience propre, en ce qui concerne

19 les placements en détention, les gardes à vue d'une ou deux journées, cela

20 se passait partout. Cela pouvait arriver. Je pense que c'est ce que voulait

21 dire M. Buja. Ce type de choses arrivait partout. Les gens étaient arrêtés.

22 Madame et Messieurs les Juges, mon beau-père, lui-même, a été arrêté

23 et gardé six ou sept heures, car il arrivait d'une autre région. Il a été

24 confirmé qu'il venait me voir, mais personne ne l'a autorisé à poursuivre

25 son trajet, donc de telles choses pouvaient arriver.

Page 6340

1 Q. Monsieur Limaj, il est vrai dire, n'est-ce pas, que vous avez

2 personnellement participé à la libération de L-07, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Non, Monsieur le Procureur, jamais. Je n'ai jamais vu cette personne de

5 ma vie avant son arrivée ici. Je ne l'ai jamais vu de ma vie. Je n'ai

6 jamais participé à sa libération. Je l'ai vu pour la première fois

7 lorsqu'il est venu ici.

8 Q. Shukri Buja s'est porté garant pour lui, sur la base de cette garantie,

9 vous avez ordonné sa libération.

10 R. Monsieur le Procureur, j'ai déclaré que j'avais vu cette personne pour

11 la première fois de ma vie ici. M. Buja a dit cela ici, c'est vrai, mais ce

12 n'est pas la vérité. Monsieur le Procureur, vous voulez faire de moi un

13 criminel en trois mois, mais c'est impossible car les faits parlent d'eux-

14 mêmes. La réalité est autre. S'il vous plaît, j'ai vu cette personne pour

15 la première fois de ma vie ici.

16 Q. Vous l'avez contraint à faire une déclaration selon laquelle il ne

17 dirait rien au sujet de Lapusnik sous peine d'être tué. Vous souvenez-vous

18 de cela ?

19 R. Non, Monsieur le Procureur. Penchez-vous sur ma biographie. Pourquoi

20 est-ce que je n'ai pas continué cela après le mois d'août ? Ce sont des

21 histoires. Ce n'est pas la vérité.

22 Q. Monsieur Limaj, pourriez-vous nous dire qui est Naim, N-a-i-m ?

23 R. Je ne le connais pas.

24 M. WHITING : [interprétation] Pourrait-on présenter à Monsieur Limaj la

25 pièce à conviction de l'Accusation numéro 30, s'il vous plaît ?

Page 6341

1 Q. Monsieur Limaj, il s'agit de notes --

2 R. Excusez-moi un instant. Oui.

3 Q. Ces notes ont été retrouvées chez vous dans une pièce située à côté de

4 votre cuisine dans votre appartement au moment de la perquisition effectuée

5 à l'occasion de votre arrestation. Ces notes sont signées et portent le nom

6 de Naim. Pouvez-vous nous dire qui est Naim ?

7 R. Je ne le connais pas. Je ne peux rien ajouter d'autre à ce sujet.

8 Q. Comment ces notes ont-elles atterri dans votre appartement ?

9 R. Lorsque nous sommes partis et lorsque les forces de l'OTAN et de la

10 KFOR sont entrées à Pristina, le ministère de la Défense dont j'étais le

11 porte-parole, ce ministère se trouvait à dix mètres de chez moi, devant

12 chez moi. C'est là que se trouvent le ministère et l'état-major général aux

13 différents services. Etant donné que ce bâtiment servait auparavant pour

14 abriter les bureaux d'une compagnie d'assurances et qu'ils ne pouvaient pas

15 trouver d'autres endroits pour garder leurs archives, ces archives ont été

16 gardées chez moi car ma maison se trouve de l'autre côté de la route.

17 Plutôt que d'amener ces documents loin ailleurs, ils ont décidé de garder

18 ces documents chez moi dans ma maison. C'est la seule explication que je

19 puis vous fournir à ce sujet. C'est la raison pour laquelle, on a retrouvé

20 ces documents à mon domicile. Je n'ai rien absolument avoir avec ces

21 documents. C'est la vérité. Voilà l'explication que je peux vous fournir,

22 Monsieur le Procureur.

23 Q. Monsieur Limaj, vous souvenez-vous des autres documents qui ont été

24 retrouvés à votre domicile ?

25 R. Oui. Divers documents ont été retrouvés chez moi, effectivement. Les

Page 6342

1 gens gardent différents documents à leurs domiciles.

2 Q. Vous souvenez-vous de certains papiers d'identité qui ont été retrouvés

3 chez vous ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous souvenez-vous où ces documents étaient conservés ?

6 R. Non, je ne m'en souviens pas.

7 M. WHITING : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants, je

8 vous prie.

9 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

10 M. WHITING : [interprétation]

11 Q. Monsieur Limaj, en première page de ce document, je vous renvoie à la

12 première page du document en question, on voit apparaître le nom de Lutfi

13 Xhemshiti, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Il est question de Lutfi Xhemshiti, de sa femme ainsi que ses quatre

16 enfants, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous savez que Lutfi Xhemshiti a été enlevé à son domicile à Breg i Zi,

19 le 4 juin 1998 [comme interprété], n'est-ce pas ?

20 R. Je sais ce qui est mentionné dans l'acte d'accusation, mais je n'avais

21 jamais entendu parlé de ces personnes avant cela.

22 Q. Vous ignorez qu'il a été vu à Lapusnik, que son cadavre a été retrouvé

23 à Berisa ?

24 R. Comme je l'ai dit, la première fois que j'ai entendu parler de cela,

25 c'est lorsque j'ai lu l'acte d'accusation.

Page 6343

1 Q. Le fait qu'un document portant son nom soit retrouvé dans votre

2 appartement ne constitue qu'une coïncidence, à votre sens ?

3 R. J'ai essayé de vous expliquer quelle était la situation s'agissant des

4 documents. Il n'y a pas d'autres explications. Je gardais les documents du

5 ministère chez moi, car j'habite à 10 mètres du ministère.

6 Q. Pouvez-vous nous dire quels autres documents vous gardiez pour le

7 ministère ou quels autres types de documents vous gardiez chez vous pour le

8 ministère.

9 R. Le ministère occupait un étage du bâtiment, les autres étages étaient

10 occupés par l'état-major général. Il s'agissait de documents relatifs aux

11 martyrs, aux vétérans, au nombre de personnes qui composaient l'état-major

12 général, aux effectifs, aux armes récupérées après la démilitarisation. Au

13 deuxième étage, il y avait d'autres services, des services qui relevaient

14 de l'état-major général et qui étaient installés à cet endroit car ils ne

15 pouvaient pas aller ailleurs.

16 La compagnie a dû déménager de ce bâtiment, nous avons dû rassembler

17 les documents et les entreposer. Comme il n'y avait pas d'espace pour les

18 entreposer, en compagnie d'autres personnes, j'ai emporté certains

19 documents et je les ai entreposés chez moi.

20 Q. A quel endroit de votre maison avez-vous entreposé ces documents ?

21 R. Le personnel du ministère les a entreposés sur le balcon, dans une

22 pièce, ils essayaient de les mettre à un endroit où cela ne constituerait

23 pas un obstacle pour la vie quotidienne. En fait, c'est ma femme qui leur a

24 dit où mettre ces documents.

25 Q. Mais à quel endroit de votre appartement est-ce que ces documents

Page 6344

1 étaient entreposés ? Vous répondez que c'était sur le balcon ou dans une

2 pièce ?

3 R. Il y avait des documents sur le balcon ou ailleurs, mais comme mon

4 appartement est petit ma femme leur a dit où les entreposer. Mon

5 appartement ne fait que 75 mètres carrés, c'est petit.

6 Q. Ce point est important. Est-ce que vous pourriez me préciser l'endroit

7 de votre appartement où ces documents ont été entreposés ? Est-ce qu'ils

8 étaient entreposés tous ensemble à un même endroit ou en différents

9 endroits ?

10 R. J'essaie de vous expliquer cela. J'essaie de vous aider. Je prêtais peu

11 d'attention à cela. Ces documents étaient entreposés de façon provisoire à

12 mon domicile. Parfois ces documents se trouvaient dans le cellier, sur le

13 balcon, même l'ordinateur se trouvait sur le balcon avant qu'on ne trouve

14 un endroit pour le mettre. J'essaie de vous aider ici. Tout ce que je peux

15 dire, c'est que nous avons mis ces documents à des endroits où ils ne nous

16 gêneraient pas dans notre vie quotidienne. Nous habitions dans cet

17 appartement. Nous étions 13. Mon père, ma mère, mes frères, leurs enfants,

18 c'était un espace très petit pour autant de personnes.

19 Q. Ce document particulier a été retrouvé dans un cellier jouxtant votre

20 cuisine. Est-ce que d'autres documents du type de ceux que vous avez

21 décrits se trouvaient dans le cellier jouxtant la cuisine ?

22 R. Je répète ce que je vous ai déjà dit. Il y avait peut-être d'autres

23 documents à cet endroit qui émanaient du ministère. Nous pouvions laisser

24 ces documents dans le cellier pendant longtemps car, de cette manière, cela

25 ne nous gênait pas.

Page 6345

1 Q. Est-ce que ces documents étaient gardés dans des caisses ou dans des

2 classeurs ? Comment étaient-ils gardés ?

3 R. Je ne sais pas. Ils se trouvaient dans des classeurs, dans des caisses.

4 Il fallait déménager ces documents d'un bureau à un autre et pour ce faire,

5 on met les documents dans des caisses. A l'époque, nous n'avions pas tout

6 cela à notre disposition, donc on a fait ce qu'on a pu. C'était juste après

7 la guerre en 1999, nous n'avions pas grand-chose à notre disposition. Nous

8 n'avions même pas de carnets. Ceci s'est produit juste après la guerre,

9 Monsieur le Procureur, c'était au début, ces documents sont restés là à

10 partir de ce moment-là.

11 Q. Monsieur Limaj, je vous renvoie à la page 2 de ce document, il s'agit

12 de la deuxième page de la version anglaise. C'est la troisième entrée. Il y

13 a de petits tirets et, à la troisième entrée, il est dit : "Zejn Petrova",

14 est-ce que vous voyez cela ?

15 R. Un instant, je vous prie.

16 Q. Sur la deuxième page.

17 R. Est-ce que vous vous voulez parler des numéros écrits en bleu ?

18 Q. Numéro 2.

19 R. Oui.

20 Q. Troisième entrée en partant du haut, "Zejn Petrova, reste toujours

21 avec Shka." Shka est un terme péjoratif pour désigner les Serbes, n'est-ce

22 pas ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Entrée suivante, on peut lire : "Syle Llugiqi va au travail à 7 heures

25 30, reste à son bureau jusqu'à 9 heures 30, puis sort, va dans une dans une

Page 6346

1 galerie, boit du café et généralement accompagné d'un Serbe, je ne connais

2 pas son nom, il revient au travail."

3 "Il revient à 14 heures 30 et rentre à la maison en passant par

4 Konjuh à bord d'une Lada de couleur blanche," dont la plaque

5 d'immatriculation est mentionnée.

6 "Il sort à 16 heures 30, retourne à la pizzeria où il passe quelque

7 temps avec un criminel de la police serbe et il reste à la pizzeria jusqu'à

8 21 heures."

9 R. Oui.

10 Q. Vous nous dites que vous ne savez rien au sujet de ces notes, de ce

11 qu'il s'agit ici.

12 R. Absolument rien.

13 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi l'UCK conserverait un

14 document qui a priori semble porter sur les déplacement de quelqu'un qui

15 fréquente un Serbe ?

16 R. Je ne veux pas me livrer à des spéculations ici. Il faut tenir compte

17 de la zone ou de la région mentionnée. D'où vient ce Zek ou ce Zec, je ne

18 sais pas. Cela dépend des services de Renseignement. Il n'y a pas d'autre

19 explication. Les services de Renseignement savent de quoi il s'agit ici,

20 car cela fait partie de leur travail.

21 Q. Je vous renvoie à la page 3 à présent -- en réalité, il s'agit de la

22 page 5 -- page 3 de la version anglaise. On peut lire la date du "3

23 novembre 1998". On peut lire : "Il y a un projet visant à enlever une femme

24 serbe, mais l'UCK doit être consultée avant que l'opération soit menée à

25 bien. Quel âge à cette femme ? Est-ce que ces personnes se sont présentées

Page 6347

1 comme étant habilitées par l'UCK ?"

2 Est-ce que vous nous dites que vous ne savez rien à ce sujet ?

3 R. Monsieur le Procureur, pensez-vous que je sois au courant de tout ce

4 qui se passe au Kosovo ? Certaines questions dont traitaient les services

5 de Renseignement -- vous voulez me faire passer pour le commandant des

6 services de Renseignement, le commandant de l'UCK, absolument tout. Je ne

7 sais pas qui a pris ces notes. Je vous renvoie à la date du 3 novembre

8 1998. Le massacre ou la victime, les événements liés à cela, d'après vous,

9 se sont passés en juillet. Je ne sais pas de quoi il est question ici. Je

10 ne sais absolument rien à ce sujet.

11 Q. Monsieur Limaj, vous avez parlé des collaborateurs. Vous n'avez

12 absolument pas parlé des civils serbes. Vous conviendrez avec moi, n'est-ce

13 pas, que rien ne justifie l'enlèvement, le placement en détention, les

14 mauvais traitements, les actes de tortures, ou les meurtres commis à

15 l'encontre de civils en temps de guerre, n'est-ce pas, qu'il s'agisse de

16 Serbes ou autres ?

17 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais penchez-vous sur ma vie,

18 sur ce que j'ai fait. A partir du moment où j'étais commandant de brigade,

19 il n'est jamais arrivé qu'un civil serbe ou albanais soit enlevé, soumis à

20 des mauvais traitements, ou torturé pendant la période que j'ai passée au

21 poste de commandant de la brigade. Vous savez comment je me suis comporté

22 avec les Serbes. A titre d'exemple, souvenez-vous du journaliste de Tanjug.

23 Vous essayez de présenter les choses d'une certaine manière. Donnez-moi un

24 exemple où une maison serbe a été attaquée par moi-même, ou un seul exemple

25 de violence perpétrée à l'encontre d'un foyer serbe par moi-même. J'ai

Page 6348

1 toujours essayé de faire en sorte que ce genre de chose ne se produise pas.

2 Q. Nous allons en venir à ce sujet dans un moment. Dernière entrée, en

3 page 5, il est dit --

4 M. WHITING : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes et des

5 sténotypistes.

6 Q. Je cite : "Qerim Hamiti, je lui ai parlé des collaborateurs et des

7 ennemis au sein de notre faculté. Qerim est quelqu'un qui a beaucoup aidé

8 l'UCK. On peut entièrement lui faire confiance en ce qui concerne la

9 surveillance des Albanais qui travaillent avec l'ennemi."

10 Il s'agit là d'un type différent de collaborateurs que celui que vous avez

11 décrit un peu plus tôt dans le cadre de votre déposition, n'est-ce pas ?

12 R. Je répéterai qu'il s'agit de circonstances différentes. Chaque unité

13 voulait obtenir davantage d'information au sujet de l'évolution de la

14 situation. Pour ce qui est des collaborateurs, je vous ai expliqué ma

15 position. Il s'agit d'un résumé de différentes informations qui ont été

16 obtenues.

17 Il est fait mention de la "faculté" qui se trouve à Pristina. Il n'y a que

18 la faculté de Pristina; il n'y en a pas d'autre. Il s'agit ici de

19 l'évolution de la situation à Pristina. Bien entendu, tout le monde voulait

20 avoir plus d'informations, mais je ne sais pas qui cherchait ces

21 informations. Cela ne relevait pas de mes attributions. Je ne m'occupais

22 pas de ce genre de questions. Je peux vous donner un exemple concret. Il y

23 avait des Serbes qui nous donnaient des informations. Un général, un Serbe,

24 qui était membre de l'état-major général de l'armée serbe, il a été mis à

25 pied par Milosevic après la guerre en Bosnie et en Croatie. Il était

Page 6349

1 mécontent du régime de Milosevic. Il a contacté des Albanais à l'étranger

2 et il leur a fournis des informations.

3 De manière fortuite, parce que les membres de l'état-major général ne

4 pouvaient pas le rencontrer, il a essayé d'entrer en contact avec moi.

5 Jashar Selihu m'a dit qu'il allait venir me rencontrer. Nous nous sommes

6 rencontrés, Monsieur le Procureur, à Shale. Il est venu dans la soirée. Il

7 m'a remis certains documents. L'entrevue a duré une vingtaine de minutes,

8 puis il est parti. J'ai transmis ces documents à l'état-major général. Ce

9 type de chose pouvait arriver des deux côtés. Par la suite, ce document a

10 été appelé le document "fer à cheval." A l'époque, je ne savais pas de quoi

11 il était question.

12 Q. Monsieur Limaj, vous savez que le 12 juillet 1998, au cours de cette

13 interview que nous avons vue auparavant, que Jakup Krasniqi a donnée à

14 partir de Klecka. Vous vous souvenez de cette interview du 12 juillet

15 1998 ? Nous en avons déjà parlé.

16 R. Oui. Il y avait des photos avec Shukri et l'autre.

17 Q. C'est dans les pièces P48 et P49. Vous souvenez-vous - et je peux vous

18 remontrer le texte de cet entretien si vous le souhaitez - vous souvenez-

19 vous du fait que Jakup Krasniqi a dit --

20 R. Puis-je voir le texte, de manière à savoir de quelle interview vous

21 parlez.

22 Q. Tout à fait.

23 M. WHITING : [interprétation] Peut-on remettre au témoin la pièce P49 dans

24 sa version agrandie dont nous disposons. Le numéro ERN en anglais est U003-

25 8589, et en albanais, U008-1606.

Page 6350

1 Q. Vous avez trouvé cette page ?

2 R. Oui.

3 Q. Bien. Regardez la troisième colonne, et plus précisément, la question

4 posée à M. Krasniqi, qui est la suivante : "La communauté internationale a

5 critiqué les violations des droits de l'homme et d'enlèvement de civils

6 serbes et monténégrins. Que pouvez-vous nous en dire ?"

7 Voyez-vous cette question ?

8 R. Oui. Oui.

9 Q. M. Krasniqi répond -- je crois que c'est à l'écran d'ailleurs, grâce au

10 logiciel Sanction.

11 "Il nous semble en effet ridicule d'établir un lien entre l'UCK et les

12 activités de l'occupant qui sont connues à l'échelle internationale. Sur ce

13 point, il me semble que la communauté internationale ne respecte pas ses

14 propres conventions, à commencer par la charte des Nations Unies. Parce que

15 l'UCK n'a jamais eu affaire à des civils, sauf lorsqu'ils ont été au

16 service de la police et qu'ils ont nui à la cause albanaise. Dans certains

17 cas, certains ont été enlevés, mais en l'occurrence, ils ont été remis aux

18 organisations internationales, bien sûr, lorsqu'ils étaient innocents. Tout

19 d'abord, toutes les forces serbes, policières ou militaires, ou les civils

20 armés, sont des ennemis."

21 Puis, il poursuit et il dit : "Depuis le début, nous avons notre règlement

22 intérieur applicable aux opérations. D'après ce règlement, il est clair que

23 l'UCK reconnaît la convention de Genève et les conventions relatives à la

24 conduite de la guerre, même si elle n'a pas eu la possibilité d'y apposer

25 sa signature comme cela aurait dû être le cas. Nous ne pratiquons pas des

Page 6351

1 enlèvements. Même si certains ont souffert, il y a eu plus de

2 collaborateurs albanais que de civils serbes. Nous ne traitons pas des

3 civils et nous rendons ceux qui ont été faits prisonniers de guerre."

4 C'est sur ce passage en particulier, le passage qui suit, que j'aimerais

5 vous poser une question :

6 "Il y a quelques jours, nous avons remis deux Serbes provenant de Croatie à

7 la Croix Rouge internationale. Ceux que nous avons enlevés figurent soit

8 sur une liste où on signale qu'ils ont été exécutés," et cetera.

9 Les deux Serbes dont il est question, Monsieur Limaj, c'étaient bien les

10 Bakrac, n'est-ce pas ?

11 R. C'est possible. Cela pourrait être effectivement eux. Toutefois, leur

12 nom n'est pas précisé ici. Mais effectivement, cela pourrait être eux.

13 Q. Vous savez qu'ils ont été enlevés à Carraleve le 30 juin 1998 ?

14 R. Je ne sais pas où ils ont été enlevés et je ne sais pas où ils ont été

15 envoyés.

16 Q. Vous ne savez pas qu'ils ont été envoyés à Lapusnik ?

17 R. Non, Monsieur le Procureur, je ne le sais pas.

18 Q. M. Krasniqi -- vous n'avez jamais parlé à M. Krasniqi de ces deux

19 Serbes, de ce qui leur est arrivé ?

20 R. [aucune interprétation]

21 Q. Vous nous avez dit qu'à l'époque, vous rencontriez à intervalle

22 régulier M. Krasniqi.

23 R. Bien entendu, nous nous sommes vus avec M. Krasniqi, mais nous avons

24 parlé de nombreuses autres choses. Ceci ne figurait pas parmi mes

25 attributions. Peut-être pensait-il que je n'étais pas au courant, et c'est

Page 6352

1 la raison pour laquelle il ne m'en a pas parlé. Quoi qu'il en soit, il

2 n'avait aucune obligation de le faire, d'en parler avec moi. Il y avait

3 tellement de problèmes à ce moment-là que dont nous devions débattre avec

4 M. Krasniqi, mais sur ce point en particulier, non, nous n'en avons jamais

5 parlé.

6 Q. Vous n'avez jamais su qu'ils avaient été enlevés à Carraleve puis

7 emmenés à Lapusnik, et détenus à Lapusnik pendant une semaine à peu près ?

8 R. Non, Monsieur le Procureur. Je l'ai appris ici de votre bouche. Je ne

9 l'avais jamais entendu dire auparavant, même pas au travers des médias.

10 Nous n'avions pas de presse à ce moment-là, de journaux, ou très rarement,

11 et aucune information ne relatait le fait que des gens auraient été emmenés

12 à Lapusnik. Les journaux serbes parlaient d'actions terroristes menées par

13 les Albanais et d'enlèvements, mais je n'ai jamais entendu parler de ce

14 dont vous me parlez, vous.

15 Q. En fait, vous étiez à Lapusnik, n'est-ce pas, lorsqu'ils s'y trouvaient

16 également et vous avez participé à leur libération, n'est-ce pas ?

17 R. Non, Monsieur le Procureur. Je vous ai parlé de mes activités. Vous

18 essayez de me placer à Lapusnik, et ce constamment, mais c'est faux. Vous

19 pouvez dire tout ce que vous voulez. Il n'y a qu'une seule vérité. Jamais

20 je n'ai participé à la vie d'un camp tel que celui-ci, et c'est la vérité.

21 Q. Lorsque les Bakrac ont été enlevés, Monsieur Limaj, ils ont été enlevés

22 avec deux hommes, Stamen Genov et Djordje Cuk. Or, des cartes d'identité

23 ont été retrouvées à Lapusnik lorsque les forces sont arrivées à Lapusnik

24 le 26 juillet 1998. Pouvez-vous expliquer la présence de ces documents à

25 Lapusnik ?

Page 6353

1 R. Pouvez-vous démontrer que ces documents ont été véritablement retrouvés

2 à Lapusnik ? Pouvez-vous le démontrer ici qu'ils ont été retrouvés par les

3 Serbes à Lapusnik ? Les Serbes avaient tout entre leurs mains. Ils

4 pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient. J'ai vu dans vos pièces que Genov

5 avait été retrouvé à Kline, que c'est ce que les Serbes vous avaient dit.

6 Le document précisait qu'il avait été retrouvé à Kline.

7 Je ne sais pas, je ne peux rien expliquer concernant ce dont vous parlez.

8 Je ne sais pas ce qu'ont fait les Serbes. Ils pouvaient faire tout ce

9 qu'ils voulaient. Je ne sais pas si c'est la vérité ou pas. Je sais ce

10 qu'ont fait les Serbes quoi qu'il en soit. C'est ce genre d'expérience que

11 nous avons vécu. Je peux vous donner des milliers d'exemples des méthodes

12 utilisées par les Serbes contre nous.

13 Q. Monsieur Limaj, nous avons entendu des témoignages dans cette affaire

14 sur trois journalistes russes et un interprète dont la course a été stoppée

15 à Lapusnik le 20 juillet 1998. Ils étaient avec Shaban Hoti.

16 R. Oui. Oui, je me souviens d'eux.

17 Q. A l'époque où cela s'est produit, vous en avez parlé, n'est-ce pas ?

18 Vous saviez que ceci s'était produit ?

19 R. J'aimerais expliquer à la Chambre les événements, tels qu'ils se sont

20 produits --

21 Q. Monsieur Limaj --

22 R. Les 18, 19, et 20 --

23 Q. Voulez-vous répondre à ma question simplement. A l'époque, avez-vous

24 été informé du fait que ces journalistes et que Shaban Hoti avaient été

25 interceptés le 20 juillet ou peu de temps après ?

Page 6354

1 R. Non, Monsieur le Procureur. C'est ce que j'essayais d'expliquer.

2 J'essayais d'expliquer comment les événements se sont succédés.

3 Q. Quand en avez-vous entendu parler pour la première fois ?

4 R. J'ai entendu parler de l'incident - je crois que sa fille est à

5 Pristina, au sein du ministère de la Défense. Je ne me souviens plus du

6 nom. Il était professeur à l'université. Ils sont très peu nombreux, c'est

7 la raison pour laquelle ils sont connus. Un membre de sa famille est venu

8 et a demandé ce qui lui était arrivé --

9 Q. Monsieur Limaj --

10 M. WHITING : [interprétation] Pouvons-nous passer en audience à huis clos

11 partiel, s'il vous plaît ?

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons en audience à huis clos

13 partiel.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes.

15 [Audience à huis clos partiel]

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 6355

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 [Audience publique]

5 M. WHITING : [interprétation]

6 Q. Vous souhaitiez vous expliquer ?

7 R. Oui, Monsieur le Procureur. A l'époque, Madame, Messieurs les Juges,

8 après le départ et le retour des gens au Kosovo, de nombreuses personnes

9 avaient disparu, or, les membres des familles des disparus se rendaient

10 auprès de différents organismes, différentes entités afin de savoir ce qui

11 était arrivé à ces personnes disparues. Ils se rendaient également au

12 ministère de la Défense. Ils disaient, nous avons perdu telle ou telle

13 personne, nous ne savons pas où il se trouve. Avez-vous des informations le

14 concernant ? Je leur disais, comme je l'ai dit à de nombreuses personnes,

15 allez voir la Croix Rouge internationale, allez voir d'autres organisations

16 qui en savent peut-être plus. Ou allez voir l'état-major général, peut-être

17 en sait-il davantage, particulièrement les commandants de zone, peut-être

18 savent-ils des choses sur ces gens.

19 Je me souviens de cela parce qu'il avait été dit que c'était un

20 professeur. C'est la raison pour laquelle je m'en souviens.

21 Q. Pour que les choses soient bien claires, vous dites qu'après la guerre

22 quelqu'un de sa famille est venu vous poser des questions sur cet individu;

23 c'est bien exact ? De façon à ce que votre déposition soit tout à fait

24 claire.

25 R. Oui. Juste après la guerre en 1999, je crois, peut-être en 2000, 1999

Page 6356

1 ou 2000 en tout cas après la guerre.

2 Q. Monsieur Limaj, je ne vais pas passer en revue toutes les victimes

3 puisque je sais que votre position est qu'il n'y avait pas de camp, qu'il

4 n'y a pas eu mauvais traitements, ni actes de torture ni meurtres. Par

5 conséquent, je ne vais passer en revue les autres victimes.

6 R. Non, non.

7 Q. Je vais passer à la question suivante.

8 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Whiting, vous

10 venez de présenter une position qui ne me semble pas être celle qui ressort

11 des éléments de preuve dont nous disposons. Je crois c'est la raison pour

12 laquelle vous vous leviez, Maître Mansfield ?

13 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

14 M. WHITING : [interprétation]

15 Q. Votre position est bien qu'il n'y avait pas de camp à Lapusnik en

16 juin et en juillet 1998 et que, par conséquent, il n'y a pas eu mauvais

17 traitements, ni actes de torture, ni encore meurtres dans le camp de

18 Lapusnik; c'est bien exact, n'est-ce pas ? C'est bien ce que vous

19 avancez ?

20 R. Ce que vous me dites me rend bien triste. Il n'y a pas de victoire à

21 tirer de la condamnation de quelqu'un, je pense qu'on peut toutefois tirer

22 une victoire lorsqu'on démontre l'innocence de quelqu'un, Monsieur le

23 Procureur. J'ai été choqué d'entendre ce que je viens d'entendre. Jamais,

24 jamais, de toute ma vie, n'ai-je participé à ce genre de choses. C'est ma

25 réponse, Monsieur le Procureur, et j'en n'ai pas d'autre à vous fournir.

Page 6357

1 Q. C'est pour cette raison que je ne vais pas entrer dans les détails et

2 passer en revue les autres victimes dans cette affaire. J'ai davantage de

3 questions, mais il est presque 17 heures 20, peut-être que le moment est

4 bien choisi pour faire la pause.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 17 heures 40.

6 [Le témoin se retire]

7 --- L'audience est suspendue à 17 heures 18.

8 --- L'audience est reprise à 17 heures 43.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls.

10 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je tâcherai

11 d'être bref. Dans les documents déposés le 23 mai, la Défense nous a remis

12 - je pense, que vous l'avez également - une liste de pièces à conviction,

13 pièces à conviction supplémentaires pour le compte de Fatmir Limaj. Le seul

14 élément qui me pose problème se situe dans la catégorie autre, il s'agit

15 d'un entretien mené par le bureau du Procureur avec M. Thaqi.

16 Laissez-moi vous décrire le contexte dans lequel a eu lieu cet

17 entretien. Nous avons tenté d'enregistrer cet entretien le 5 mai 2004.

18 Malheureusement, il y a eu un problème technique qui nous a empêché de le

19 faire. Par conséquent, la substance des questions et réponses a été reprise

20 sur papier. Il y a eu une nouvelle réunion avec M. Thaqi, qui y a apporté

21 un certain nombre de modifications qui sont indiquées en italique, et les

22 parties ont apposé leurs signatures sur ce document, qui est en réalité une

23 transcription revisitée, en quelque sorte, de ce qui s'est passé au cours

24 de l'entretien. Ce document est signé et porte une attestation similaire à

25 celle qui figure sur les déclarations de témoins recueillies par le bureau

Page 6358

1 du Procureur.

2 La Défense a eu vent de cet entretien et en a demandé une copie,

3 apparemment le 29 mai 2004. Ce document n'a pas été communiqué avant le 15

4 avril de cette année. C'était une omission de notre part. Je pense que peu

5 de temps avant le 15 avril, la Défense a redemandé à obtenir ce document,

6 et nous avons vérifié, car nous avions répondu que c'était déjà fait, et

7 nous nous sommes rendus compte que cela n'avait pas été le cas. Il s'agit

8 véritablement d'une omission de notre part.

9 Mon objection au versement de cette déclaration au travers du témoignage de

10 Bob Churcher, ou de tout autre témoin d'ailleurs, est la suivante : en

11 réalité, il s'agit d'une déclaration d'un témoin potentiel. C'est un

12 témoignage qui a été préparé avant le début du procès. Il y a trois

13 manières pour présenter un témoignage de ce type devant une Chambre : en

14 directe, par comparution au titre de l'Article 92 bis ou au titre de

15 l'Article 89(F) dans certains conditions. Je vous fais passer la décision

16 qui a été prise le 30 septembre 2003 dans le cadre de l'affaire Milosevic

17 où il est question du cas de Galic et de l'arrêt pris dans l'affaire Galic

18 par la Chambre d'appel le 7 juin.

19 Au paragraphe 31, ce paragraphe est cité à plusieurs reprises d'ailleurs

20 dans la décision Milosevic. Il dit la chose suivante : "Une partie ne peut

21 pas être autorisée à verser une déclaration recueillie auprès d'un témoin

22 éventuel par un enquêteur du bureau du Procureur au titre de l'Article

23 89(C) afin d'éviter l'application de la Règle 92 bis."

24 On poursuit : "Par analogie, l'application de l'Article 92 bis s'applique

25 de manière spéciale à un certain nombre de déclarations de témoins et de

Page 6359

1 comptes rendus d'éléments de preuve qui sortent du champ d'application de

2 l'Article 89(C). Mais l'Article 92 bis n'a aucune incidence sur les

3 éléments de preuves circonstanciels qui n'ont pas été préparés aux fins de

4 procédures juridiques."

5 Or, cette déclaration ici a été préparée à cette fin très précisément. Nous

6 pensons que l'entretien avec Thaqi correspond très précisément à l'arrêt

7 rendu dans le cadre de l'affaire Galic. C'est une retranscription

8 ultérieure de la déclaration d'un témoin éventuel, déclaration recueillie

9 aux fins d'utilisation dans le cadre de procédure devant cette Cour. La

10 seule différence ici, c'est qu'ils essaient de verser au dossier ce

11 document par le biais de la déclaration d'un expert plutôt que par le biais

12 d'un enquêteur.

13 En ce qui concerne la Chambre Milosevic, la Chambre Milosevic a entériné et

14 confirmé l'approche suivie par la Chambre d'appel dans le cas de l'affaire

15 Galic, mais considère "qu'au titre de la Règle 89(F), une déclaration qui

16 n'est pas strictement conforme à l'Article 92 bis peut être reçue si trois

17 conditions sont remplies : que le témoin soit présent, qu'il puisse être

18 soumis à un contre-interrogatoire et à des questions des Juges, et qu'il

19 soit possible de démontrer que le texte produit reflète fidèlement sa

20 déclaration."

21 Au paragraphe 18, il est dit qu'une déclaration écrite d'un témoin peut,

22 dans ce cas, être reçue même s'il ne respecte pas nécessairement l'Article

23 92 bis, parce que ce texte n'est pas introduit à la place d'une déclaration

24 devant le Tribunal.

25 M. Thaqi n'est pas un témoin à charge. Nous avons choisi de ne pas le citer

Page 6360

1 à comparaître. D'après ce que j'ai compris, la Défense ne souhaite pas non

2 plus qu'il comparaisse en son nom et pour son compte. Par conséquent, cette

3 déclaration ne peut être introduite si ce n'est pas le biais du témoin lui-

4 même, qui viendrait ici témoigner, ou au titre de l'Article 92 bis, ou dans

5 une certaine mesure, 89(F).

6 Je dirais simplement que nous émettons de fortes réserves concernant ce

7 document. Une partie de ce document a été contredite récemment par la

8 déposition de M. Limaj. M. Thaqi, en particulier --

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne suis pas sûr que ceci nous

10 aiderait véritablement si vous nous exprimiez votre avis sur la question.

11 M. NICHOLLS : [interprétation]

12 Ce que je dirais pour finir, c'est que, même si cette déclaration fait

13 l'objet d'une communication tardive, M. Thaqi, dans sa déclaration - je ne

14 dis pas si c'est vrai ou pas - mais il dit, au paragraphe 32 : "C'est la

15 même information qu'il a déjà communiquée à la Défense de Fatmir Limaj."

16 Par conséquent, la Défense a eu déjà accès à ce témoin, selon lui. La

17 suggestion qui est faite de verser au dossier cette déclaration par le

18 biais d'un témoin expert est contraire à la jurisprudence de ce Tribunal.

19 Il y a une certaine catégorie de preuve indirecte. Il s'agit notamment de

20 déclarations de témoins ou de comptes rendus préparés aux fins des

21 procédures, et ces éléments ne peuvent pas être versés par le biais

22 d'autres témoins à moins que la personne ayant témoigné soit ici et

23 disponible aux fins d'un contre-interrogatoire.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Nicholls.

25 Monsieur Mansfield.

Page 6361

1 M. MANSFIELD : [interprétation] Ce que j'aimerais dire immédiatement, c'est

2 que dans la mesure où l'Accusation tente toujours de faire passer des

3 documents autrement que par des témoins, toujours par l'intermédiaire de

4 télévision, et cetera, je trouve que c'est assez ironique que cette

5 remarque soit faite ici, comme si nous essayons de faire passer un document

6 en douce

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quelle est la remarque que vous

8 souhaitez faire ?

9 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, ce que je veux dire, c'est qu'il ne

10 s'agit pas ici d'une tentative de faire passer les choses. J'aimerais tout

11 d'abord indiquer quel est le statut de ce document et quelle est notre

12 position à cet égard. Alors, je commencerais par dire qu'il y a une feuille

13 supplémentaire qui a été rajoutée par l'expert lui-même, qui explique de

14 façon brève et très claire pourquoi nous souhaitons l'ajouter. Si la

15 Chambre ne l'a pas, je vais faire une pause pour quelques instants. Elle

16 est très courte, et ensuite, je pourrai vous expliquez pendant que vous la

17 regardez.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un des Juges a eu l'occasion de la

19 lire; moi-même, je ne l'ai pas eue.

20 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vais vous faire une brève introduction à

21 son sujet - vous verrez qu'il y a trois paragraphes - la position est la

22 suivante -- je ne vais pas rentrer dans les détails de ce qui, pour moi, ne

23 fonctionne pas bien dans cette affaire jusqu'à maintenant. Les faits sont

24 les suivants : en ce qui concerne la Défense de Limaj, nous n'avons pas de

25 déclaration ou d'interview avec cette personne en particulier, Hashim

Page 6362

1 Thaqi. Nous n'avons pas de notes ou quoi que soit de cette interview que

2 l'Accusation a. Nous n'avions pas cela. Quel que soit ce qu'il ait dit,

3 qu'il ait pensé avoir fait par le passé, nous n'avions pas ce document. Ce

4 que nous savions, c'était qu'il a dit à quelqu'un représentant la Défense,

5 lorsqu'il a refusé un entretien formel avec nous, qu'il avait déjà donné un

6 entretien à l'Accusation. C'est la raison pour laquelle, il y a environ un

7 an, nous lui avons demandé un entretien. C'est là qu'il nous a dit que ce

8 qu'il allait nous dire, il l'avait déjà dit à l'Accusation. C'est la raison

9 pour laquelle nous avons demandé à nouveau de le dire. C'est la raison pour

10 laquelle il y a eu ce retard, et cela, nous en avons déjà parlé.

11 En fait, la situation était que M. Churcher, à l'époque où il préparait ce

12 rapport, n'avait pas accès à ces notes de cet entretien en particulier. Au

13 moment où il nous a été remis, cela a été très proche de la présentation

14 des arguments des éléments de preuve de l'Accusation. Cela s'est passé aux

15 alentours du 13 avril. Dans cette série de notes qui ont été communiquées

16 le 15, il y avait ce document. A ce moment-là, notre équipe était au

17 Kosovo, et le rapport de M. Churcher a été terminé le lendemain de notre

18 retour du Kosovo. Ce n'est qu'après cela -- et M. Churcher le précise, dans

19 cette déclaration courte, qu'il a mené cette interview avec M. Thaqi.

20 L'importance est la suivante : il l'explique dans les trois derniers

21 paragraphes, que les documents dans ces notes de cet entretien qui

22 confirment entièrement le point de vue qu'il avait en partant de d'autres

23 documents est important. C'est la raison pour laquelle quelqu'un dont le

24 nom est dans la même position que celle de Hashim Thaqi, dont le nom est

25 revenu régulièrement au cours des audiences, dont la position et la

Page 6363

1 situation est bien connue de la Chambre, en ce qui concerne, en tout cas,

2 son rôle au départ, en rapport avec l'état-major, et son nom apparaît avec

3 d'autres noms qui ont été mentionnés et qui sont clairement des témoins

4 dans cette affaire. Ils sont importants, en particulier, dans la mesure où

5 ils apportent les documents sur lesquels cet expert peut fonder ses

6 opinions et ses remarques.

7 En d'autres termes, j'aimerais comparer les choses à la chose suivante.

8 Supposons que Hashim Thaqi, au lieu d'avoir donné un entretien à

9 l'Accusation, comme il l'a fait en réalité, avait écrit toutes ses

10 observations dans un livre, nous aurions été tout à fait autorisés à

11 demander à cet expert d'étudier ce livre de la même façon que nous lui

12 avons demandé d'étudier le "Human Rights Watch report" et d'autres livres

13 sur ce sujet concernant le Kosovo pendant la période 1998/1999. Le poids

14 qui pourrait être donné à tout ce qui est donné dans ce livre, le poids qui

15 pourrait lui être donné dans une interview, il serait le même. Madame,

16 Messieurs les Juges, vous connaissez et vous avez une très bonne expérience

17 en ce qui concerne l'évaluation des documents à long terme. C'est

18 exactement comme si cet après-midi, nous avions eu un entretien avec

19 quelqu'un qui n'est pas témoin et, en fait, un contre-interrogatoire a été

20 fondé là-dessus. Cela n'est pas vrai -- et finalement, c'est ce que nous

21 avons eu au fond sur cet écran de télévision, concernant en particulier la

22 quantité de documents qui est à la disposition du Tribunal.

23 Ce document peut être versé au dossier dans le cadre du règlement sans

24 violer aucune règle et sans faire les choses derrière le dos des autres

25 parties, c'est-à-dire en essayant de les faire passer en douce. Ce n'est

Page 6364

1 absolument pas la raison pour laquelle nous le faisons. C'est parce que

2 cette personne, qui est un expert, a le droit de regarder un nombre de

3 documents extrêmement étendus, en particulier, dans la mesure où il est

4 capable de dire, J'en étais arrivé à cette conclusion bien avant d'avoir lu

5 cet entretien, et ce que j'y vois confirme ce que je pensais. Il ne s'agit

6 que d'une déclaration supplémentaire. Si vous avez besoin, je pourrais vous

7 montrer les paragraphes dans l'interview Thaqi qui étayent ces points de

8 vue. Je suis tout à fait en mesure de le faire.

9 En conséquence, nous disons que ce qui a été décrit cet après-midi,

10 concernant la manière dont les documents sont montrés devant cette Chambre,

11 n'est pas limité tel que cela a été indiqué. En d'autres termes, il y avait

12 trois manières de présenter des documents : audition d'un témoin oral; le

13 92 bis ou le 89(F). Nous, ce que nous disons, c'est que cela n'est pas

14 limité à cela. La première chose que j'aimerais dire, et je vais le dire

15 rapidement, c'est que le 92 est, en fait, fondé sur un certain nombre de

16 facteurs avant même qu'il y ait les différents sauf-conduits et les

17 différentes réserves qui soient émis. La Chambre peut admettre tout ou en

18 partie la déposition d'un témoin -- je vais faire une pause. Même s'il

19 n'est pas un témoin de l'Accusation, parce qu'ils ne lui ont pas demandé de

20 venir témoigner. Il ne s'agit pas du témoignage d'un témoin sous la forme

21 d'une déclaration au lieu d'un témoignage. Ce n'est pas du tout le cas. Ce

22 document n'est pas soumis ou reçu comme élément de preuve dans ce contexte.

23 92 bis, donc, n'a rien à voir là-dedans.

24 Je suis tout à fait en accord pour dire qu'il s'agit d'un paragraphe qui

25 interdit quelque chose. En d'autres termes, si ce paragraphe est utilisé,

Page 6365

1 il ne sera utilisé que d'après ce que nous pensons en ce qui concerne la

2 règle de base générale, ou la lex generalis, c'est-à-dire la Règle 89.

3 La Règle 89, si on la regarde d'une autre façon, telle que l'Accusation

4 l'indique, n'est pas limitée au 89(F). Bien sûr, il y a eu une discussion

5 dans le cadre de Galic concernant le 89(C). "La Chambre peut recevoir tout

6 élément de preuve pertinent qu'elle estime avoir valeur probante."

7 Comme vous le savez tous, la valeur probante concerne, bien évidemment, la

8 pertinence, et cela va sans dire, dans la mesure où il s'agit d'une partie

9 de cette règle qui arrive précédemment. Il n'y a aucun doute concernant la

10 provenance de cela, et cela a été utilisé par l'Accusation elle-même dans

11 le cadre de leurs enquêtes. Ce qui veut dire clairement que -- personne ne

12 dit qu'il n'y a pas de valeur probante. Bien sûr, tout cela a à voir avec

13 un témoin, et nous verrons si ce qu'il dit semble être vrai ou pas. Cela

14 s'applique exactement dans cette situation. Lorsque cette personne nous dit

15 que ce que l'Accusation dit est peut-être vrai et que ce qu'il dit est

16 peut-être faux, il y a une valeur probante lorsque la coïncidence est que

17 cela est en accord avec le point de vue d'un expert qui a regardé ces

18 documents. C'est le but de cela. Cela ne met pas en jeu le 92 bis. Comme

19 nous l'avons dit, dans le 89(C), il y a la liberté de permettre à un expert

20 de regarder des documents tels que celui-ci. C'est ce que nous essayons de

21 dire.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant d'arrêter, Monsieur Mansfield,

23 est-ce que vous êtes en train de dire que vous souhaitez verser ce document

24 au dossier par avance, une fois que le témoin sera là, ou est-ce que vous

25 avez l'intention de faire témoigner M. Thaqi ?

Page 6366

1 M. MANSFIELD : [interprétation] Je vais être clair : il n'est pas sur notre

2 liste. Nous n'avons pas l'intention de le faire venir. Je serai très clair

3 : je ne souhaite pas avoir d'entretien avec lui ou de lui faire faire une

4 déclaration.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si je comprends bien, vous souhaitez

6 verser ces documents comme éléments de preuve tout simplement pour établir

7 la vérité des faits qu'ils contiennent.

8 M. MANSFIELD : [interprétation] Non, absolument pas. Non.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, je ne vois pas ce que vous

10 voulez dire par "absolument" ici.

11 M. MANSFIELD : [interprétation] Ce que je veux dire, c'est que dans la

12 fonction que j'occupe, je pourrais l'appeler. C'est tout à fait le cas.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez dire qu'en fait --

14 M. MANSFIELD : [interprétation] Le --

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- cela sert à étayer l'opinion d'un

16 expert --

17 M. MANSFIELD : [interprétation] Parce que --

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et que son contenu doit être

19 vérifié ?

20 M. MANSFIELD : [interprétation] C'est la même chose que cet entretien

21 télévisé de M. Limaj qui a été montré cet après-midi.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne suis pas très sûr que je sois en

23 train de suivre votre logique.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Cela est présenté pas nécessairement pour

25 prouver la globalité, la vérité globale de la chose, parce qu'autrement il

Page 6367

1 faudrait appeler toutes les personnes qui sont concernées, et ce n'est pas

2 ce qui a été fait par l'Accusation et nous n'avons pas objecté à cela.

3 C'est une question de savoir si on souhaite attacher de l'importance à un

4 document qui arrive par l'intermédiaire d'un livre lorsque l'on n'a pas ce

5 document. Il y a un livre qui a été soumis à M. Limaj, des notes

6 d'entretiens et qui devraient être à ce moment-là également versé au

7 dossier. Bien sûr, il s'agira là d'une question qui devra être décidée par

8 la Chambre en ce qui concerne certaines de ses parties, mais certainement

9 pas dans son contexte global.

10 En fait, il ne s'agit que d'un exercice que la Chambre a l'habitude

11 de faire. Je vais être clair, je ne dis pas qu'il faut voir cela comme une

12 preuve globale, de la vérité globale parce que cela ne peut pas être fait

13 par l'intermédiaire d'un simple entretien.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question est de savoir si cela peut

15 être versé au dossier ou pas.

16 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, c'est la même chose pour un entretien

17 à la télévision.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, certaines des

19 questions dont vous parlez sont des questions dont il a été discuté lors du

20 contre-interrogatoire.

21 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit d'une situation différente

23 que la situation que vous êtes en train de défendre.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, de manière intéressante, oui. En

25 prenant les choses un peu à l'avance, mais je peux dire quelque chose c'est

Page 6368

1 que certains des documents dont je parle n'ont pas été utilisés uniquement

2 dans le cadre du contre-interrogatoire. En d'autres termes, il s'agissait

3 de l'Accusation lors de leur déclaration liminaire qui suggérait que ces

4 documents étaient -- des éléments qui avaient été prononcés lors

5 d'entretiens. La question du poids, c'est une question qu'on se pose plus

6 tard.

7 Bien sûr, même si ma logique semble un peu tortueuse, je comprends ce

8 que vous voulez dire. Cela ne correspond pas uniquement à des questions qui

9 ont été soulevées lors du contre-interrogatoire. Certains de ces documents

10 proviennent de l'extérieur et cela fait partie des éléments de preuve de

11 l'Accusation. Nous avons eu déjà des exemples de cela par le passé tels que

12 ce rapport de "Human Rights Watch". Ils n'ont pas appelé qui que ce soit

13 qui ait compilé ce rapport. Si vous vous souvenez que cette personne est

14 une personne -- si vous vous en souvenez bien, et quel poids peut apporter

15 à cela dans la mesure où ils ne sont pas venus. Je vous demande tout

16 simplement de comparer les deux situations. Bien sûr, ce sera la Chambre

17 qui décidera à long terme s'il s'agit ou pas d'un document qui pourrait

18 aider ou pas la Chambre. Mais je pense qu'il s'agit de quelque chose de

19 particulièrement important.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous comprendrez que les questions du

21 rapport de "Human Rights Watch" et d'autres documents de ce type, il n'y a

22 pas eu d'objection à leur égard, alors qu'il y a une objection concernant

23 ce rapport.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est la raison pour laquelle, nous

Page 6369

1 sommes obligés de l'étudier.

2 Cela ne retire pas du poids à votre proposition.

3 M. MANSFIELD : [interprétation] Effectivement. Le fait qu'il y ait une

4 objection ou pas, fait une différence. Cela est juste, est exact. Parce que

5 nous avons nous-mêmes pris l'initiative de faire cette objection, donc nous

6 voulons savoir ce que la Chambre en pense.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien sûr, cela permettrait, si nous

8 acceptions de réduire de beaucoup cette affaire.

9 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

11 M. MANSFIELD : [interprétation] J'accepte ceci en tant que l'approche soit

12 raisonnable de faire ainsi. Par conséquent, nous disons que ce n'est pas

13 l'existence d'une objection qui fait la différence, mais que vous êtes

14 obligés de le regarder.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. Guy-Smith, vous pourrez parler,

16 mais M. Topolski a prié de prendre la parole.

17 M. TOPOLSKI : [interprétation] Cela fait longtemps que vous ne m'avez pas

18 entendu parler et je pensais que peut-être je vous manquais.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que la remarque que vous voulez

20 faire est différente de celle de M. Mansfield et de son client concernant

21 le contre-interrogatoire ?

22 M. TOPOLSKI : [interprétation] Non, en dehors des changements qui ont trait

23 au contre-interrogatoire à certains égards.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit d'une déclaration qui n'est

25 pas faite par tout le monde.

Page 6370

1 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec cela, mais

2 c'est une déclaration qui a été adoptée pendant la procédure et même tout

3 au long de la procédure, si je ne m'abuse.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez dire que vous avez étudié

5 ces questions dans une version non abrégée ?

6 M. TOPOLSKI : [interprétation] J'aimerais pouvoir poser deux questions à M.

7 Churcher. Premièrement, êtes-vous au courant de la connaissance de ce

8 document; deuxièmement, l'avez-vous lu; troisièmement, cela modifie d'une

9 façon ou d'une autre les conclusions auxquelles vous en êtes arrivé.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si sa réponse est oui, son contenu est

11 correct et que cela est en cohérence avec mon point de vue --

12 M. TOPOLSKI : [interprétation] Quel que soit le poids que vous souhaitiez

13 donner à cela et ce n'est pas un obstacle pour autant.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question est de savoir si

15 l'obstacle pour vous, de le faire avec les accusés ou à part.

16 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je pense que je serais beaucoup plus à

17 l'aise pour parler de cette question si j'étais dans ma propre juridiction,

18 mais nous ne savons pas.

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Effectivement, nous ne savons pas ce qu'il

20 en est.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pensez contrairement à

22 M. Mansfield qu'il nous faut ne pas répondre à des questions qui sont

23 vaguement techniques.

24 M. TOPOLSKI : [interprétation] Si vous me permettez, c'est de respecter les

25 règles, le Règlement de cette Chambre parce que finalement la phrase qui

Page 6371

1 dit : "La Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent qu'elle

2 estime avoir valeur probante qui rajouté" dans le 89(C) n'aurait aucun

3 sens.

4 L'intérêt de la justice me permet-il de demander à M. Churcher si ses

5 conclusions sont modifiées ou renforcées. S'il me donne une réponse

6 négative, c'est dans cette éventualité que je vous pose la question. Si

7 votre décision va à l'encontre de ce que demande M. Mansfield, je

8 demanderai à la Chambre de donner une décision concernant le champ

9 d'application du contre-interrogatoire à ce sujet, à ce moment-là.

10 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que je vais m'exprimer également

12 au nom de Me Topolski. Je n'ai jamais reçu d'information de la part de M.

13 Thaqi. Il n'y a pas eu d'entretien avec lui de notre part. Tous les membres

14 de la Défense maintiennent leur position. Je pense que c'est important.

15 Nous nous voyons offerts deux méthodes tout à fait convenables par

16 rapport à ce témoignage, soit l'Article 89(C) s'applique, soit la méthode

17 du contre-interrogatoire sera appliquée, ce qui correspond au principe que

18 nous avons suivi jusqu'à présent.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que ce document ne sera pas

20 versé au dossier, troisième possibilité.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais peut-être que si. Nous avons

22 longuement débattu de cette question, je suis sûr que vous rendrez une

23 décision convenable à ce sujet, soit cette déclaration pourra être versée

24 au titre de l'Article 89(C), soit par d'autres moyens.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Nicholls.

Page 6372

1 M. NICHOLLS : [interprétation] Je serai très bref.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons déjà perdu beaucoup de

3 temps précieux. Je vous serais reconnaissant d'être bref.

4 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être que Me Mansfield n'aime pas les

5 décisions de l'Article 89 mais je pense qu'il passe à côté. Les

6 déclarations recueillies en vue des procédures ne sont pas la même chose

7 que des ouvrages ou des articles, il s'agit d'une autre catégorie de

8 documents. Si un document est présenté pour corroborer d'autres éléments de

9 preuve, il doit être présenté pour la manifestation de la vérité. Sinon, le

10 témoin peut dire oui, j'ai lu cela, c'est exactement ce que j'ai dit, ce

11 que j'ai dit est vrai, je pense que c'est vrai.

12 Je suis d'accord avec la Chambre lorsqu'elle dit que le contre-

13 interrogatoire a pour but de corroborer certains éléments; il y a plusieurs

14 accusés en l'espèce ce qui ne signifie pas qu'un accusé peut corroborer

15 certains points par le biais du contre-interrogatoire.

16 C'est tout merci.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, est-ce que nous

18 allons nous en arrêter là pour ce soir ?

19 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je le crains, mais je serai tout à

20 fait concis. Je m'arrêterai là.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Pour le moment la Chambre

22 de première instance est d'avis que la déclaration se verra attribuée un

23 numéro d'identification. Vous serez autorisé à procéder au contre-

24 interrogatoire sur cette base, mais il s'agit d'un élément de preuve qui

25 sera reçu et qui ne portera pas sur la véracité du contenu de la

Page 6373

1 déclaration en question.

2 M. MANSFIELD : [interprétation] Je demanderais que l'on fasse entrer M.

3 Churcher, s'il vous plaît.

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, ou plutôt bonsoir, Monsieur

6 Churcher. Je m'excuse pour ce retard. Veuillez lire le texte qui figure sur

7 la carte qui vous est remise.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 LE TÉMOIN: ROBERT CHURCHER [Assermenté]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, veuillez vous asseoir.

13 Monsieur Mansfield, vous avez la parole.

14 M. MANSFIELD : [interprétation] Je suis prêt.

15 Interrogatoire principal par M. Mansfield :

16 Q. [interprétation] Monsieur Churcher, je souhaiterais vous poser quelques

17 questions, d'autres vous en poseront également. Est-ce que vous vous

18 appelez effectivement Robert Andrew Churcher ?

19 R. Oui.

20 Q. Etes-vous actuellement consultant dans le domaine de la sécurité et

21 vous vous occupez également de la formation dans ce domaine, vous êtes par

22 ailleurs un analyste politique ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez rédigé un rapport dont disposent les Juges de cette Chambre.

25 Il comporte 30 pages. Avant d'en venir au contenu de ce rapport, je

Page 6374

1 souhaiterais vous poser quelques questions directrices au sujet de votre

2 parcours, j'espère que cela ne soulèvera aucune objection. S'agissant de

3 votre expérience relative aux Balkans, puis-je dire que vous avez une

4 expérience de 30 ans dans le domaine de la sécurité ?

5 R. C'est exact.

6 Q. En page 5 372 -- tout d'abord est-ce que vous avez un exemplaire de ce

7 document sous les yeux ?

8 R. Non.

9 Q. Je pense qu'il est important que vous ayez le même document que celui

10 que nous avons sous les yeux. Vous n'avez peut-être pas cette page sous les

11 yeux, mais je suis sûr que vous savez de quoi je parle. Je souhaite

12 simplement mentionner que vous étiez officier de l'armée britannique

13 pendant 23 ans, vous avez servi à cinq endroits différents pendant votre

14 carrière, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez reçu une récompense, un MBE, Membre de l'Empire britannique,

17 récompense pour votre travail dans le domaine du renseignement sur le

18 terrain eu égard au service que vous avez rendu.

19 R. Oui.

20 Q. Après cela, après votre service militaire entre 1993 et 2002, pendant

21 cette période de 10 ans environ, vous avez travaillé régulièrement dans les

22 Balkans, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez précisé un certain nombre d'organisations, je ne vais pas les

25 évoquer toutes mais vous avez travaillé non seulement au sein

Page 6375

1 d'organisations internationales telles que les Nations Unies et l'Union

2 Européenne et également vous avez travaillé pour différents gouvernements;

3 est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. S'agissant des Balkans, vous êtes allez au Kosovo à plusieurs reprises,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui, j'ai également travaillé là-bas.

8 Q. Pour que le Tribunal sache bien de quoi on parle, ceci apparaît dans le

9 c.v. joint à votre rapport. Vous précisez vos expériences dans différents

10 pays et au paragraphe 13, intitulé "Expérience dans différents pays," il

11 est fait mention du Kosovo. Je vais ralentir une peu mon débit, excusez-

12 moi. Dans la colonne de gauche on peut lire "Kosovo", entre le mois de

13 septembre 2000 et le mois d'août 2001, vous étiez directeur d'un groupe de

14 crise international relatif aux crises internationales, vous étiez

15 analyste. Vous avez fait cela, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Sur cette même page, il est dit qu'entre le milieu de l'année 1993 et

18 le mois de septembre 1999, vous avez travaillé dans différents pays pour

19 différentes organisations, l'Union Européenne, le gouvernement des Etats-

20 Unis, le gouvernement du Royaume-Uni, vous avez travaillé en Albanie, en

21 Macédoine, au Kosovo et en Bosnie, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Je ne vais pas évoquer les détails de cela, au paragraphe 14, il est

24 fait référence à de nombreuses reprises au Kosovo, à la Macédoine et à

25 l'Albanie et à votre travail dans ces régions, n'est-ce pas ?

Page 6376

1 R. Oui.

2 Q. Dans ce contexte, vous êtes-vous intéressé à ce que l'on peut qualifier

3 de conflits armés qui se déroulaient au Kosovo pendant cette période ?

4 R. Oui, effectivement, à partir de 1993, lorsqu'on m'a demandé pour la

5 première fois d'aller à la frontière entre le Kosovo et l'Albanie, donc à

6 partir de ce moment-là, je me suis intéressé à la situation dans cette

7 région.

8 Q. En relation avec l'affaire qui nous intéresse pour ce qui est de l'acte

9 d'accusation en l'espèce, nous nous adressons à une période bien précise.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis désolé, Maître Mansfield, mais

11 vous ne ménagez aucune pause entre les questions et les réponses. Les

12 interprètes doivent faire leur travail.

13 Monsieur Churcher, il y a forcément un décalage.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vrai.

15 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi, c'est entièrement de ma faute.

16 Je n'attendais pas la fin de la traduction, mais je ferai des pauses

17 dorénavant.

18 Q. S'agissant de l'acte d'accusation dressé en l'espèce, nous parlons

19 d'une période précise au cours de l'année 1998, à savoir du mois d'avril

20 environ jusqu'au mois d'août 1998. Au vu des documents qui vous ont été

21 communiqués, documents que vous mentionnez dans votre rapport, et sur la

22 base de votre expérience et de vos observations personnelles, quel est

23 votre point de vue général s'agissant de la question de savoir s'il y avait

24 un conflit armé au cours de cette période ?

25 R. D'après moi, il était très difficile de dire qu'il y avait un conflit

Page 6377

1 armé au cours de cette période étant donné que l'une des parties au

2 conflit, selon moi, n'a pas respecté les conditions requises.

3 Q. Est-il exact de dire que votre rapport précise quelles sont ces

4 conditions ?

5 R. Oui.

6 Q. Je ne vous poserai pas de questions à ce sujet. Je souhaiterais passer

7 à quelque chose qui ne figure pas dans votre rapport, car vous ne disposiez

8 pas des documents nécessaires au moment vous avez élaboré ce rapport. Je

9 veux parler des notes prises d'un entretien avec Hashim Thaqi. Avez-vous

10 connaissance de cela ?

11 R. Oui, j'ai récemment vu le document en question.

12 M. MANSFIELD : [interprétation] Je ménage une nouvelle pause pour

13 satisfaire les interprètes.

14 Q. A la lecture de ces notes relatives à l'entretien en question, est-ce

15 que ces notes ont modifié les conclusions auxquelles vous étiez déjà

16 parvenu ?

17 R. Oui. Ces notes étaient brèves, mais ont confirmé les conclusions que

18 j'ai énoncées dans mon rapport, à savoir qu'il n'y avait pas de chaîne de

19 commandement efficace ou cohérente au début. Les gens se coordonnaient les

20 uns les autres, et la situation était confuse. On ne pouvait pas se fonder

21 sur les communiqués, car il s'agissait, purement et simplement, de matériel

22 de propagande.

23 Q. Qu'en est-il de la position de l'état-major général ?

24 R. Pour ce qui est de l'état-major général, il ne s'agissait pas d'une

25 organisation militaire, contrairement à ce que l'appellation pourrait

Page 6378

1 laisser penser. Il s'agissait de personnes rassemblées à différents

2 endroits, à différents moments, et qui devaient fournir des directives

3 politiques, mais qui ne comprenaient pas vraiment ce qu'ils faisaient en

4 matière de commandement militaire.

5 Q. Vous pouvez, si nécessaire, indiquer dans ces notes les paragraphes qui

6 vont à l'appui de ce que vous affirmez ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci. Je n'ai pas d'autre questions.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield.

10 Maître Guy-Smith.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de questions.

12 M. TOPOLSKI : [interprétation] Pas de questions pour moi non plus. Merci.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls.

14 Contre-interrogatoire par M. Nicholls :

15 Q. [interprétation] Bonsoir, Monsieur Churcher.

16 R. Bonsoir.

17 Q. Je vous remercie d'être venu ici. Si j'ai bien compris, vous devez

18 partir demain; est-ce exact ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Pouvez-vous me dire brièvement quelles sont vos fonctions actuellement

21 en Afghanistan ?

22 R. Je travaille pour un projet subventionné par le gouvernement

23 britannique sur l'administration en Afghanistan.

24 Q. Il s'agit de travail de terrain. Pourriez-vous nous en dire davantage.

25 Que faites-vous au juste ?

Page 6379

1 R. En réalité, je me trouve à Kabul. Je participe à la mise en place d'un

2 service gouvernemental destiné à améliorer la gestion de l'administration

3 en Afghanistan.

4 Q. Ceci fait partie de ce que vous appelez, dans votre CV, votre expertise

5 dans le domaine des situations postérieures à des conflits ? Page 5 de

6 votre rapport.

7 R. C'est exact.

8 Q. Vous avez passé beaucoup de temps sur le terrain, n'est-ce pas ?

9 R. C'est exact.

10 Q. En termes généraux, il s'agit d'un travail exigeant et difficile.

11 R. Oui.

12 Q. Ce n'est pas la même que de travailler dans un bureau, selon des

13 horaires de fonctionnaire, et sans travailler le week-end ?

14 R. Non, c'est un travail à plein temps.

15 Q. Vous avez parlé brièvement de la période allant de 1993 à 1995 dans

16 votre CV, page 5. Il est dit que vous avez passé du temps en Albanie et en

17 Bosnie, et qu'à l'époque, vous travailliez pour le MCCE, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Pouvez-vous me dire, à partir de 1993 -- je devrais ralentir sans doute

20 -- jusqu'en janvier 1998, combien de temps avez-vous passé sur place au

21 Kosovo ?

22 R. Au Kosovo ?

23 Q. Au Kosovo.

24 R. Personne n'était stationné au Kosovo à l'époque. Il était impossible

25 d'être stationné au Kosovo à l'époque. C'est pour cela que nous étions

Page 6380

1 stationnés à la frontière et que nous observions depuis cet endroit.

2 Q. Très bien. Je vous demanderais de bien vouloir vous limiter à répondre

3 à mes questions. Si j'ai besoin d'éclaircissement supplémentaire, je vous

4 le demanderai.

5 Combien de temps avez-vous passé en Albanie ?

6 R. En 1993, la plus grande partie du temps. En 1994, la plus grande partie

7 de 1994 également. En avril 1995, je suis allé en Macédoine occidentale où

8 on parle également albanais, comme au Kosovo. Il y a un lien entre cette

9 région et le Kosovo.

10 Q. Bien. Je souhaiterais vous poser quelques questions supplémentaires au

11 sujet de votre parcours. En août 1997, jusqu'en janvier 1998, vous vous

12 êtes occupé de la question des adoptions, n'est-ce pas ?

13 R. Oui. A la suite des élections tenues en Albanie, on m'a demandé de

14 négocier un protocole d'accord avec le gouvernement albanais sur la

15 question des adoptions, car beaucoup de personnes tirent un profit de ces

16 adoptions. C'est une question très sensible.

17 Q. Cela n'avait rien à voir avec l'UCK, n'est-ce pas ?

18 R. Absolument rien, mais c'est la raison pour laquelle je suis resté en

19 Albanie à l'époque.

20 Q. A Tirana ?

21 R. Oui, à Tirana.

22 Q. Une autre question aux fins d'éclaircissement : vous avez passé quelque

23 temps en Tanzanie. Vous vous occupiez des mines d'or et de la sécurité y

24 afférente.

25 R. C'était en février, mars 1998.

Page 6381

1 Q. C'est pour cela que je vous pose la question : car, sur votre CV, page

2 2, il est dit jusqu'à juin 1998. Page 4, il est dit de février au mois de

3 mai.

4 R. Non, non. J'étais sous contrat, mais j'ai eu la malaria. C'était assez

5 grave, et j'ai dû revenir. Il s'agit d'un CV que j'ai rédigé pour la Banque

6 mondiale, où il est demandé de préciser ce qu'on a fait, sans blanc, tant

7 qu'on est sous contrat.

8 Q. Je comprends. Mais il y a une incohérence entre le moment où vous êtes

9 parti et le moment où vous êtes retourné en Albanie. Est-ce que vous étiez

10 en Albanie en janvier 1998 ou en juin 1998 ?

11 R. Je suis rentré en juin 1998. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis,

12 mais je pense que c'était le 12 juin. Je ne suis pas tout à fait sûr.

13 Q. Ceci avait trait aux investissements pyramidaux, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Il s'agissait d'un travail très exigeant également, n'est-ce pas ?

16 R. Non, pas très exigeant. Un travail à risque, oui, mais j'avais beaucoup

17 de temps libre au quotidien. Je me suis penché sur la question des risques

18 politiques et de la sécurité en rapport avec cette question, donc j'ai

19 passé beaucoup de temps à parler aux gens.

20 Q. Vos horaires étaient plus souples au cours de cette période ?

21 R. Pas vraiment. Cela dépend de la manière dont on évalue le stress lié au

22 travail de sécurité.

23 Q. Je ne vous parle pas de stress. Je vous parle du nombre d'heures de

24 travail. Combien de temps vous avez passé à travailler sur ces

25 investissements pyramidaux ?

Page 6382

1 R. Une demi-journée par jour en moyenne.

2 Q. Une dernière question sur ce point : lorsque vous étiez en Tanzanie, à

3 partir d'environ le mois de janvier, jusqu'à juin 1998, quelles étaient vos

4 fonctions ? Dans votre CV, il est question de "négociations en vu de

5 parvenir à un accord pour déplacer les minorités locales dans des zones

6 isolées rurales." Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage ?

7 R. A l'époque, un certain nombre de compagnies minières s'intéressaient à

8 l'or dans la région. On creusait généralement jusqu'à 2 ou 3 mètres sous

9 terre.

10 On m'a demandé de fournir une assistance afin d'organiser des opérations

11 visant à creuser plus profondément. J'ai participé à des négociations avec

12 la population locale. Je leur ai clairement fait savoir qu'ils n'allaient

13 pas s'immiscer dans nos activités.

14 Q. A l'époque, cela n'avait rien à voir avec l'UCK, n'est-ce pas ?

15 R. Rien à voir avec l'UCK, mais je suis resté en contact par courrier

16 électronique avec des personnes en Albanie.

17 Q. Ce rapport que vous avez rédigé, dans ce rapport, vous expliquez que

18 vous avez choisi, ou du moins, vous n'étiez pas en mesure d'inclure des

19 notes de bas de page.

20 R. Non. Ce que je voulais dire, c'est que j'ai rédigé ce rapport sur la

21 base des faits que j'ai suivis, qui m'intéressaient, de ce qui se passait

22 au Kosovo, de la situation telle que je l'ai suivie pendant toute la

23 période concernée.

24 Q. En page 2, vous dites que vous avez gardé des contacts étroits, ou du

25 moins, que vous avez suivi de près les événements survenus dans le nord de

Page 6383

1 l'Albanie au Kosovo "pour des raisons d'intérêt personnel."

2 R. C'est exact.

3 Q. Vous indiquez également "qu'à l'époque des événements, vous ne vous

4 intéressiez pas particulièrement aux dates précises," n'est-ce pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Vous ne vous intéressiez pas aux dates ?

7 R. Pas attentivement. Enfin, je ne comptais pas rédiger une thèse sur la

8 question; je la suivais par intérêt.

9 Q. Pour ce qui est de la période allant du mois de janvier au mois de juin

10 1998, vos sources d'information, vous les avez obtenues par le biais de

11 contacts personnels ?

12 R. Oui. Je pense que ce serait une bonne manière de décrire les choses.

13 Q. Est-ce que vous avez repris ces contacts finalement ?

14 R. Oui. Lorsque je suis rentré, j'ai suivi la situation tout au long de

15 l'année 1997. J'ai été davantage en prise directe avec la situation lorsque

16 je suis revenu au mois de juin. Mais j'ai gardé des contacts très étroits

17 avec certaines personnes, ou avec des événements survenus dans le nord du

18 Kosovo.

19 Q. Votre rapport ne résulte pas de l'analyse de la situation. En fait, il

20 s'agit davantage de vos souvenirs concernant cette période ?

21 R. Non. Je pense que si vous lisez mon rapport, vous verrez que mon

22 analyse se fonde sur mes souvenirs et mes connaissances au sujet de cette

23 période, en plus des sources qu'on m'a demandé de lire.

24 Q. Très bien. Mais votre mémoire a joué un rôle. Vous vous êtes assis pour

25 rédiger ce rapport et vous avez essayé de déterminer ce dont vous vous

Page 6384

1 souveniez. Vous avez noté ce qui revenait à votre mémoire.

2 R. Ce rapport est fondé sur mes souvenirs et sur les documents qui j'ai

3 lus à l'appui de ces souvenirs. J'étais également sur le terrain à

4 différents endroits.

5 Q. Vous avez mentionné le fait qu'on vous avait demandé de lire des

6 documents. Qui vous l'a demandé ?

7 R. L'équipe de la Défense. J'ai cité les documents que j'ai lus. Il y a

8 d'autres sources auxquelles on peut se référer pour étayer ces

9 informations.

10 Q. Nous reviendrons sur les documents que vous avez lus un peu plus tard.

11 Parlons des différentes méthodes de rédaction de rapports. Vous avez lu et

12 vous citez le rapport de "Human Rights Watch," n'est-ce pas ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Vous connaissez la manière dont "Human Rights Watch" rédige et prépare

15 ses rapports, n'est-ce pas ?

16 R. Je ne sais pas comment ils rédigent leurs rapports. Je l'ai cité, car

17 je pense qu'il est important, mais j'étais un peu méfiant par rapport à la

18 manière dont ils ont rédigé ce rapport, par rapport à leurs connections et

19 d'autres choses, je n'ai pas beaucoup utilisé ce rapport.

20 Q. Il s'agit du rapport de 2001 ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous conviendrez que sur la base de votre expérience, l'une

23 des manières visant à recueillir des informations au sujet d'une situation

24 de conflit est par le biais de travail de terrain, y compris en

25 interrogeant des personnes sur place ?

Page 6385

1 R. Oui.

2 Q. C'est ainsi que l'on recueille des données ?

3 R. Oui.

4 Q. En utilisant des formulaires standard ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous incluez ces données dans une base de données, et ensuite, vous

7 évaluez les résultats obtenus ?

8 R. C'est exact. Il s'agit d'une méthode que j'ai choisie de ne pas

9 utiliser, mais c'est l'une des méthodes possibles.

10 Q. Vous avez travaillé pour l'OSCE. Est-ce ainsi que l'OSCE travaille ?

11 R. Ce n'était pas comme cela qu'ils travaillaient lorsque j'ai travaillé

12 pour eux en Macédoine.

13 Q. Pour ce qui est de la Mission de vérification au Kosovo ?

14 R. Je n'ai pas travaillé pour eux, je ne peux pas faire de commentaire là-

15 dessus.

16 Q. Savez-vous comment ils travaillaient ? Comment ils préparaient leurs

17 rapports ?

18 R. Non, je n'ai pas suivi cela.

19 Q. Est-ce que vous conviendrez avec moi qu'il serait utile de rencontrer

20 des réfugiés, des parties belligérantes, au moment où le conflit fait rage,

21 pour recueillir des informations ?

22 R. Bien entendu, je l'ai fait à de nombreuses reprises. J'ai même

23 participé à la mise en place de camps de réfugiés en Albanie.

24 Q. A quel moment ?

25 R. Lorsque les réfugiés ont traversé la frontière, à partir de mars 1999.

Page 6386

1 Q. Il serait également utile, en vue de rédiger un tel rapport, de parler

2 avec des commandants de l'UCK sur le terrain au cours du conflit de 1998.

3 R. Cela aurait pu être utile, mais ce n'était pas possible. Je n'étais pas

4 sur le terrain en 1998.

5 Q. Mais vous conviendrez avec moi, n'est-ce pas, que si la Mission de

6 vérification au Kosovo avait pu le faire, c'est-à-dire parler aux réfugiés

7 sur le terrain en 1998, des commandants de l'UCK, et si cela avait été

8 possible de se déplacer à travers cette région, ceci aurait été une bonne

9 méthode pour préparer un rapport véridique ?

10 R. S'ils avaient eu suffisamment d'expérience pour interpréter les

11 informations qui leur auraient été données, oui.

12 Q. Je vais vous expliquer la manière dont "Human Rights Watch" prépare ses

13 rapports. Ils consultent des diplomates, des organisations non

14 gouvernementales, et pour ce qui est du Kosovo en 1998, ils ont consulté

15 Amnistie Internationale. Est-ce que vous conviendrez avec moi que cela

16 était utile ?

17 R. Replaçons les choses dans leur contexte. Les diplomates passent souvent

18 des périodes très brèves sur leur lieu d'affectation, et encore moins dans

19 le pays lui-même. Comme vous le savez, les ambassades appliquent les

20 politiques, telles qu'ils les font. Par conséquent, un diplomate suit

21 toujours une certaine politique sur la base de sa brève expérience.

22 Q. Mais les diplomates ont toutefois accès à des informations auxquelles

23 les gens de la rue n'ont pas accès.

24 R. Souvent oui.

25 Q. Souvent, effectivement. Mais lorsque l'on travail avec Amnistie

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1 Internationale, ou un centre spécialisé en droit humanitaire à Belgrade, ou

2 n'importe quelle organisation non gouvernementale, il serait utile d'être

3 en contact avec d'autres personnes sur le terrain pendant le conflit ?

4 R. C'est exact.

5 Q. "Human Rights Watch" a travaillé avec la Mission de vérification au

6 Kosovo, la MVK, la Croix Rouge, et différents journalistes. Tout cela était

7 utile, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, sans doute.

9 Q. Ils ne vont pas simplement parler à ces groupes de personnes. Ils

10 mènent leurs propres enquêtes sur le terrain, parlent aux victimes, aux

11 soldats, aux commandants. Tout cela permet de mieux comprendre le conflit

12 de 1998, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, s'ils avaient suffisamment d'information générale de contexte afin

14 de comprendre et d'interpréter ce qu'ils entendaient pour replacer les

15 choses dans leur contexte.

16 Q. Mais, en partant de la supposition que quelqu'un a suffisamment

17 d'expérience et que sa formation, son expérience, dans différents pays lui

18 permet de mieux comprendre la situation, tout cela serait utile, n'est-ce

19 pas ?

20 R. Oui, il serait utile d'avoir une certaine expérience s'agissant de

21 l'évolution du conflit, de ce qui l'a précédé.

22 Q. Vous conviendrez que votre expérience au Kosovo en 1990 aurait été

23 utile ?

24 R. Oui.

25 Q. Les informations que vous avez reçues par le biais de vos contacts

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1 personnels, comment les avez-vous corroboré par rapport aux sources

2 originales de ces informations ?

3 R. J'ai passé beaucoup de temps à me déplacer le long de la frontière

4 pendant cette période. J'ai établi de nombreux contacts au nord. Les gens

5 qui revenaient avaient des contacts à Tirana, et par intérêt, nous nous

6 sommes parlés. C'est ainsi que j'ai pu suivre ce qui se passait.

7 Q. Je comprends. Mais ce que je vous demande, c'est si vous avez entendu,

8 de la part de l'une de vos sources, qu'il y a eu un massacre à tel à tel

9 endroit, telle ou telle personne a été blessée, l'UCK se trouve dans ce

10 secteur ? Avez-vous, à quelque moment que ce soit, parlé aux sources pour

11 corroborer les informations que vous receviez ?

12 R. Il ressort de mon rapport que je ne m'adressais pas particulièrement

13 aux massacres. Ce qui m'intéressait, c'était la manière dont la situation

14 évoluait au plan politique et la manière dont les choses pouvaient

15 dégénérer. C'est quelque chose que je suivais depuis 1993.

16 Q. Les massacres et les crimes commis ne vous semblaient pas pertinents ?

17 R. Cela relève du domaine de l'actualité. Ce qui m'intéressait, c'était

18 l'évolution de la situation politique.

19 Q. Qu'en est-il de l'endroit où les troupes étaient stationnées ou de

20 leurs mouvements ?

21 R. Ceci relève du domaine du renseignement militaire; je ne m'intéressais

22 pas à cela.

23 Q. Très bien. La localisation ou le mouvement des unités de l'UCK ne vous

24 intéressait pas. Est-ce que vous avez appris quoi que ce soit à ce sujet en

25 1998 ?

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1 R. Je ne savais pas qu'il y avait des unités et je n'aurais même pas pu

2 accepter cette idée. Il s'agissait, en fait, d'unités éparpillées qui

3 s'étaient mises en place depuis 1996. Mais je n'avais pas connaissance

4 d'unités particulières.

5 Q. S'agissant de votre formation, je souhaiterais vous poser une question.

6 Est-ce que vous avez suivi des études de droit ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous pourriez me parler de votre expérience militaire. Peut-

9 être que j'ai mal compris votre CV. Quel est votre grade ?

10 R. J'ai terminé ma carrière comme commandant, ou capitaine, en janvier

11 1991.

12 Q. Vous parlez, dans votre rapport, de l'instruction des soldats.

13 R. C'est exact.

14 Q. Instructions relatives au droit de la guerre et au droit humanitaire.

15 R. Oui. Brièvement, je souhaiterais ajouter que les simples soldats n'ont

16 pas besoin d'avoir des connaissances très étendues, mais mon enseignement

17 portait là-dessus. Je devais fournir des informations générales. Tout cela

18 s'est passé il y a plus de 15 ans.

19 Q. Lorsque vous formez un simple soldat, ce dernier doit savoir ce qu'il

20 est autorisé à faire et à ne pas faire ?

21 R. Je m'occupais de la formation de jeunes officiers.

22 Q. De jeunes officiers, donc.

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Est-ce que vous parliez du traitement qui devait être réservé aux

25 prisonniers ?

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1 R. Oui.

2 Q. Du traitement réservé aux civils ?

3 R. Oui.

4 Q. Des biens de caractère civil et de ce type de choses ?

5 R. Oui.

6 Q. Nous avons parlé un peu du renseignement militaire. Corrigez-moi si je

7 me trompe, je n'ai jamais fait l'armée. J'ai appris beaucoup de choses

8 depuis que je travaille ici; je fais de mon mieux. Serait-il exact de

9 résumer les choses en disant que le renseignement militaire se fond sur les

10 informations obtenues auprès de différentes sources fiables ?

11 R. Oui.

12 Q. De manière conventionnelle.

13 R. Oui.

14 Q. Ceci inclut le fait de joindre des rapports, comme celui émanant de M.

15 Crosland que vous avez lu, je pense ?

16 R. Normalement, cela n'est pas considéré comme du renseignement militaire,

17 mais peut-être --

18 Q. En fait, un analyste militaire peut considérer ces rapports en plus

19 d'autres informations.

20 R. Oui, mais dans ce cas-là, cela revient au même que de lire un article

21 de presse.

22 Q. J'allais vous poser une question là-dessus. Qu'en est-il des documents

23 publics ? Est-ce qu'ils devraient être inclus également ?

24 R. Ils peuvent l'être.

25 Q. Je veux parler du renseignement militaire britannique. Lorsque le

Page 6391

1 renseignement militaire britannique examine une situation, il doit se

2 pencher sur toutes les sources disponibles, y compris les documents

3 publics, n'est-ce pas ?

4 R. Oui. Cela dépend si vous voulez établir la provenance d'un document ou

5 pas. Mais ceci est une question assez technique.

6 Q. Il s'agit de l'un des éléments qu'ils peuvent prendre en

7 considération ?

8 R. Cela dépend de la nature de ce que vous faites. Ceci n'est pas

9 nécessaire forcément.

10 Q. Très bien. Mais vous ne contestez pas ce que je dis ?

11 R. Cela dépend si vous voulez établir la source d'un document ou pas.

12 Q. L'autre source, c'est les éléments en matière de renseignement

13 recueillis par les agents sur le terrain, les conversations interceptées,

14 et les images aériennes ?

15 R. Je ne m'y connais pas vraiment pour ce qui touche au matériel

16 intercepté.

17 Q. A l'époque, l'armée yougoslave, en 1998, voulait en savoir autant que

18 possible au sujet de l'UCK ?

19 R. Je suppose.

20 Q. Le MUP également ?

21 R. Je suppose. Mais vous me posez quelque chose qui dépasse mes

22 connaissances directes.

23 Q. Très bien. Si vous ne savez rien à ce sujet, très bien. Vous parlez de

24 l'armée yougoslave, la VJ, dans votre rapport. Est-ce que vous pensez que

25 vous avez une expertise quelconque s'agissant des capacités en matière de

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1 renseignement de la VJ ?

2 R. Non.

3 Q. Je ne vous poserai pas de questions à ce sujet.

4 Vous ne seriez pas vraiment en mesure de rejeter le contenu des rapports de

5 l'armée yougoslave ?

6 R. Non, je ne serais pas en mesure de rejeter le contenu de ces rapports,

7 mais si vous avez passé du temps dans les Balkans, il y a beaucoup de

8 propagande émanant soit de l'armée yougoslave, soit d'autres sources serbes

9 --

10 Q. Ceci relève du domaine public. Par exemple, un rapport de situation

11 émanant d'un commandant et adressé à son supérieur hiérarchique, cela n'est

12 pas de la propagande, et ceci n'est pas censé être diffusé au monde

13 extérieur.

14 R. Cela dépend de ce qu'il dit à son commandant.

15 Q. En termes généraux ?

16 R. En termes généraux. Lorsque vous transmettez un rapport le long de la

17 filière hiérarchique, ce rapport peut indiquer ce que vous souhaitez faire

18 sur le terrain.

19 Q. Très bien. En principe, un rapport militaire classique n'est pas un

20 document de propagande. Les rapports militaires classiques, qui sont

21 transmis le long de la filière hiérarchique, sont transmis parce que le

22 subordonné doit informer son commandant de la situation sur le terrain.

23 R. Oui.

24 Q. Lorsqu'un subordonné envoie un rapport, comme il le lui est demandé, à

25 son commandant, il doit fournir à ce commandant des informations lui

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1 permettant de prendre des décisions.

2 R. C'est exact.

3 Q. Ces informations doivent être précises pour être utiles.

4 R. En principe, oui. Cela dépend de ce que sait le commandant afin

5 d'évaluer si c'est précis ou pas.

6 Q. Cela dépend également de la personne, bien sûr, qui fait le rapport.

7 Mais en général, c'est ce à quoi servent ces rapports. Ce ne sont pas les

8 éléments de propagande, n'est-ce pas ?

9 R. Comme je l'ai dit, cela dépend de qui l'écrit et à quelle fin.

10 Q. Très bien. Lorsque vous avez rédigé ces rapports dans l'armée, destinés

11 à vos supérieurs, s'agissait-il de déclarations erronées ou s'agissait-il

12 de déclarations véridiques ?

13 R. Non, je n'ai présenté que des informations véridiques dans mes

14 rapports.

15 Q. Vous avez travaillé pour le MCCE ?

16 R. Oui.

17 Q. A Tirana et à Skopje ?

18 R. En Bosnie, à Tirana et à Skopje, oui.

19 Q. Je suppose qu'au cours des fonctions que vous exerciez pour eux vous

20 avez rédigé des rapports ?

21 R. Oui.

22 Q. Régulièrement ?

23 R. Chaque soir.

24 Q. Je suppose que vous faisiez de votre mieux pour veiller à ce que les

25 informations figurant dans ces rapports soient exactes et fiables ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous n'étiez pas la seule personne au sein de le MCCE qui travaillait

3 de manière consciencieuse de la sorte ?

4 R. Non. Comme vous le savez, tout le monde au sein de le MCCE était

5 consciencieux. Toutefois, les choses variaient de manière assez

6 significative.

7 Q. Ce qui est la raison pour laquelle, comme vous l'avez dit, vous avez

8 tenté, dans la meilleure du possible, de faire au mieux ?

9 R. Oui.

10 Q. Comment avez-vous été sélectionné en tant qu'expert dans cette

11 affaire ?

12 M. MANSFIELD : [interprétation] Je trouve que c'est une question un petit

13 peu bizarre.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis assez d'accord, mais

15 j'aimerais bien entendre la réponse de M. Churcher néanmoins.

16 M. NICHOLLS : [interprétation] Bien --

17 M. TOPOLSKI : [interprétation] Nous avons tiré au sort.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse qui est la mienne dans la situation

19 où je me trouve, c'est que je ne sais pas. Vous avez vu quelle était mon

20 expérience, je suppose que de nombreuses autres personnes ont eu une

21 expérience comparable, cela dit.

22 M. NICHOLLS : [interprétation]

23 Q. Excusez-moi. Peut-être que la question n'était pas la plus appropriée.

24 Ce que je voulais dire en réalité, c'est qui vous a contacté ?

25 R. C'est l'équipe de la Défense.

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1 Q. Quand ?

2 R. Je crois que c'était en novembre, je n'en suis pas tout à fait certain,

3 fin octobre ou début novembre.

4 Q. Bien. Quand avez-vous fourni le premier jet de votre rapport à l'équipe

5 de la Défense ?

6 R. Le premier jet de ce rapport, qui était beaucoup plus court que celui-

7 ci, a été fourni en janvier.

8 Q. Lorsqu'on est entré en contact avec vous, d'abord, qui est entré en

9 contact avec vous ?

10 R. En fait, je crois que déjà avant, Steven Powles m'avait contacté. Qui,

11 lorsque les choses se sont confirmées, m'a contacté à nouveau, je ne

12 pourrais pas vous le dire. Sans doute Michelle, mais je n'en suis pas sûr.

13 Q. Très bien. D'après les premiers contacts, les premières conversations,

14 qu'avez-vous compris quant au rôle qui allait être le votre, votre mandat ?

15 R. J'allais devoir faire rapport de la situation en ce qui concerne la

16 filière de commandement au sein de l'UCK au cours de la période considérée.

17 Q. Quel devait être le résultat de ce rapport ?

18 R. Je n'ai pas eu beaucoup d'instruction en réalité, d'instruction à

19 suivre, pas d'instruction précise en tout cas quant au résultat recherché,

20 ni d'ailleurs quant à la longueur de ce rapport. Il s'agissait surtout

21 d'une première approche.

22 Q. Bien. Nous en avons presque terminé, je souhaiterais simplement vous

23 poser à nouveau cette question. Vous avez dit : "Ces rapports de la

24 situation en ce qui concerne les structures de commandement ou la filière

25 de commandement de l'UCK." Qu'étiez-vous censé faire exactement, à quelle

Page 6396

1 question deviez-vous répondre dans ce cadre ?

2 R. Je devais parler de l'organisation de l'UCK et des événements qui ont

3 eu lieu au Kosovo en 1998. Dans ce cadre général, je n'ai pas eu

4 d'instruction plus précise, je devais simplement rédiger ce rapport. Je ne

5 savais pas très bien au départ pourquoi ce rapport allait être utilisé, et

6 si toutefois il allait être utile.

7 Q. On vous a remis un certain nombre de documents, la Défense, documents

8 que vous alliez pouvoir utiliser ?

9 R. Par la suite, effectivement, on m'a remis un certain nombre de

10 transcriptions de la part de la Défense et le rapport de Stephanie

11 Schwander-Seiver.

12 Q. Vous a-t-on remis tous ces comptes rendus ?

13 R. Je ne le sais pas, malheureusement. Mais il y a eu pas mal de choses à

14 lire. Ce n'est que par la suite, qu'au moment où j'y étais -- à mon

15 quatorzième jet de rapport.

16 Q. C'est à ce moment-là que l'on vous a envoyé un certain nombre de

17 comptes rendus afin que vous puissiez les lire ?

18 R. Je ne me souviens plus de la séquence des événements, il faudrait que

19 je vérifie. Je ne peux pas répondre à cette question.

20 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, il est 7 heures moins

21 une, mais je pense que c'est un bon moment et que j'en ai terminé pour

22 l'instant.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

24 Nous devons lever l'audience Monsieur Churcher, mais nous reprendrons

25 demain à 14 heures 15.

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1 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le jeudi 26 mai 2005,

2 à 14 heures 15.

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