Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 31 août 2005

2 [Plaidoiries]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, vous avez la parole.

7 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi, j'ai allumé le mauvais micro.

8 Dans cette dernière partie de ma plaidoirie, je mettrai en exergue les

9 éléments en rapport avec le troisième point que j'ai mentionné hier, à

10 savoir, la personnalité et le caractère de Fatmir Limaj. Cette partie de ma

11 plaidoirie est importante à deux égards. Je souhaiterais présenter ces

12 éléments par catégorie, la première catégorie étant celle que j'ai

13 commencée à évoquer hier, à savoir, la responsabilité de Fatmir Limaj eu

14 égard à l'acte d'accusation, l'Accusation a fait valoir que cet homme était

15 passé d'un caractère responsable à un caractère irresponsable, et qu'il

16 risquait de mettre en péril sa crédibilité par ses actions eu égard à la

17 population du Kosovo.

18 D'autre part, bien entendu, tous ces éléments ont une incidence importante

19 sur les arguments avancés par l'Accusation hier, à savoir, la fixation de

20 la peine. Ce que nous avons fait afin d'aider la Chambre et afin de passer

21 moins de temps à présenter nos arguments oraux, c'est de vous communiquer

22 une trame. Il s'agit d'un document exposant ces arguments. Ils ont été

23 communiqués à la Chambre et à l'Accusation. Comme pour ce qui est des

24 autres trames, je n'ai pas l'intention d'en donner lecture, mais je

25 souhaiterais m'attacher sur deux ou trois points qui sont évoqués. Dans ce

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1 contexte, je vous demanderai de bien vouloir vous reporter à la page 5 de

2 ce document. Selon nous, en effet, l'un des facteurs essentiels que vous

3 devez garder à l'esprit, - et nous pensons que ceci a un impact important

4 sur toute déclaration de culpabilité éventuelle. Il n'est peut-être pas

5 aisé de comprendre pourquoi la Défense parle de la fixation de la peine

6 alors que depuis le début du procès nous avançons que M. Limaj n'est pas

7 coupable. Nous pensons que ces observations sont utiles quant à

8 l'éventualité d'une déclaration de culpabilité. Nous avons donc exposé dans

9 ce document quelques facteurs importants.

10 Celui qui me paraît particulièrement important, c'est celui relatif à

11 la réconciliation. Le facteur est lié directement au quatrième objectif

12 dont j'ai commencé parlé hier, à savoir, celui de la réconciliation par

13 rapport aux activités de ce Tribunal. Selon nous, ce facteur est

14 particulièrement important en l'espèce, car tout d'abord, nous pensons

15 qu'il existe des éléments de preuve incontestables, selon lesquels cette

16 tentative de réconciliation menée par Fatmir Limaj et son retour de Suisse,

17 doit être considérée à la lumière d'une décennie d'oppression et de

18 violence que j'ai décrites hier, commises par le régime serbe. Lorsque

19 Fatmir Limaj est revenu dans son pays, s'efforçait en dernier recours de

20 protéger les civils. Il est vrai que la protection des civils - et personne

21 ne le conteste, - ce qu'il a fait à cet égard dans les montagnes, j'en ai

22 parlé hier. Enfin, bien entendu, certaines de ses tentatives visant une

23 réconciliation politique après la guerre, ce qu'il a fait à cet égard,

24 n'est contesté par personne non plus.

25 Ces trois questions, dans le contexte de la réconciliation, le fait d'avoir

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1 mis en place une force de protection, de défense visant à aider les

2 milliers de civils qui étaient bloqués dans les vallées afin d'éviter que

3 ces derniers soient massacrés par les Serbes. Ce fut le cas en 1998. Toutes

4 ces initiatives politiques le place dans une situation tout à fait unique.

5 Quels sont les éléments qui appuient ces deux aspects ? Celui qui est

6 relatif à la responsabilité de Fatmir Limaj et ce qui touche à la fixation

7 de la peine qui sera éventuellement infligée. Le témoin Fadil Bajraktari

8 était enseignant. Il faisait partie du groupe qui, vous vous en souviendrez

9 peut-être, a fait l'effort de venir témoigner ici. Il est souvent facile de

10 coucher quelque chose sur le papier, et par la suite on peut se reposer sur

11 ce document. Il a fait l'effort de venir ici; il s'est présenté devant

12 vous. Vous vous souviendrez que ce jour était particulièrement lourd en

13 émotion. Il s'est souvenu de se qui s'est passé à l'automne, aux enfants,

14 de ce qu'il était advenu des enfants, notamment, et de la manière dont des

15 abris leur ont été fournis. Fatmir Limaj les a aidés. De la nourriture a

16 été donnée à ces enfants. Fatmir Limaj y a participé également. Des

17 structures d'enseignement ont été fournies. Vous avez vu des photos. Des

18 fournitures médicales ont également été fournies grâce à l'aide de Fatmir

19 Limaj. Et surtout une activité qu'il a menée pendant longtemps et qui nous

20 permet d'interpréter différemment l'acte d'accusation; c'est de donner de

21 l'espoir et de l'inspiration à la population. Je souhaite donner lecture

22 d'un extrait de sa déposition si vous avez besoin de la référence afin de

23 consulter sa déposition dans son intégralité. Cela figure aux pages 6 886,

24 6,887 du compte rendu d'audience. Je lui ai demandé quelle différence cela

25 avait apporté à sa vie outre à celle des enfants. Il a dit :

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1 "Lui," c'est-à-dire, Fatmir Limaj, "a eu une grande influence sur ma vie."

2 Je souhaiterais revenir au mois de mars 1998. J'étais très malade. J'avais

3 des problèmes aux reins. J'étais à Pristina, je suis retourné dans mon

4 village. Le médecin que j'ai vu," il parle du

5 Dr Dervishe, "que j'ai consulté au sujet de mes problèmes, m'a proposé de

6 subir une opération. La situation à l'hôpital était mauvaise, les

7 conditions étaient épouvantables. Cette opération ne s'est pas traduite

8 dans les faits. Donc, dans ces moments très difficiles, j'ai décidé de me

9 rendre dans mon village. Je voulais me trouver auprès de ma famille là où

10 je devais être.

11 Lorsque nous sommes allés dans les montagnes, je me sentais de pire

12 en pire. Une équipe de médecin est venue de la Croix Rouge de Genève. Ils

13 ont voulu m'emmener à l'étranger pour que j'y sois soigné, mais Fatmir

14 voulait mettre en place une école. Cette idée a fait que j'ai refusé la

15 proposition. J'ai dit à ces médecins, je n'irai pas. J'ai décidé de rester

16 avec les enfants. Je leur ai proposé de prendre deux femmes qui étaient sur

17 le point d'accoucher. Je ne pouvais pas abandonner ces enfants-là même si

18 cela devait avoir une influence positive sur mon état de santé, sur mes

19 reins. Je ne voulais pas une vie comme cela. Je voulais être près de mes

20 enfants, car ma vie était auprès d'eux.

21 "Croyez-moi, un miracle s'est produit. Je ne suis pas retourné voir

22 le médecin, je n'ai plus eu besoin de cette opération, je n'ai plus de

23 problèmes de reins. En février 1999, je n'avais plus besoin de cette

24 opération. Voilà ce qui s'est passé. Aujourd'hui, je suis en pleine santé;

25 je ne souffre plus. C'est Fatmir qui m'a appris comment devenir enseignant,

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1 comment enseigner à ces enfants. Il m'ont appelé l'enseignant des

2 montagnes."

3 Il s'agit d'un témoignage assez frappant. C'est un homme qui parle de cela,

4 mais l'inspiration se propage. C'est un homme que Fatmir Limaj a influencé.

5 Selon le témoin, Fatmir Limaj était un homme très généreux; il voulait

6 aider.

7 Après cela, je n'entrerai pas dans les détails, après la conférence

8 de Rambouillet et celle de Paris en 1999 - je souhaiterais parler de

9 certaines activités autres menées par Fatmir Limaj, activités qui ont été

10 menées vigoureusement. L'Accusation a laissé entendre que Fatmir Limaj

11 était un opportuniste qui s'est retrouvé à faire cette chose. Nous

12 avançons comment il est devenu ministre adjoint de la Défense dans le

13 gouvernement provisoire après le départ des forces serbes et l'arrivée des

14 forces de l'OTAN. Vous vous souviendrez sans doute qu'il a participé à des

15 pourparlers concernant la démilitarisation. Ceci est un aspect très

16 important pour toutes les raisons que j'exposerai plus en détail cet après-

17 midi. Démilitarisation donc d'une zone qui avait connu beaucoup de conflits

18 divers. En une semaine, en une semaine donc, un accord a été conclu et un

19 processus de normalisation a été mis en place entre le mois de juin et le

20 mois de septembre.

21 Pendant trois mois, il a aidé à désarmer ces mêmes personnes qui

22 étaient réticentes à ce désarmement, compte tenu de la situation et de la

23 peur de l'avenir. Il n'était pas seul; il faisait partie d'un groupe de

24 personnes qui ont permis une transition en douceur. Nous pensons que ceci

25 est très important eu égard à sa responsabilité et eu égard à une

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1 éventuelle peine qui pourrait être infligée en l'espèce.

2 Les pourparlers se sont poursuivis à Londres, à Bruxelles, à Rome et

3 à Washington. L'objectif final n'était pas seulement la démilitarisation,

4 mais également la création d'une nouvelle force. C'est la raison précise

5 pour laquelle il était revenu au Kosovo. Une force de protection pour le

6 Kosovo qui existe encore à ce jour. Pour mettre en place cette force, il

7 fallait un mandat clair et des conditions de fonctionnement claires. Un

8 accord final a été signé avec le général Clark et Jackson. Vous les

9 connaissez bien. Il vous a décrit ce processus. Il y a pris part et a

10 permis qu'il soit couronné de succès. A la page 6 057 du compte rendu

11 d'audience, Fatmir en parle. Il s'agit d'une transition remarquable. Il a

12 dit, je cite : "Vous pouvez vous imaginer que de passer d'une armée qui

13 combattait depuis 1999 une force bien supérieure, passer d'une armée

14 pareille à une armée démantelée et à la création d'une force de maintien de

15 la paix, cela ne s'était jamais produit dans l'histoire de l'humanité." Ce

16 sont là ses propos. Ce n'est peut-être pas tout à fait conforme à la

17 réalité, mais il s'agissait, en tout état de cause, d'un succès

18 remarquable. Nous espérons que vous le garderez à l'esprit.

19 Mais cela ne -- ces activités ne se sont pas arrêtées là. Si en réalité

20 Fatmir Limaj n'était qu'un opportuniste, après avoir combattu les Serbes,

21 après être rentré de Suisse, il a participé activement au processus

22 démocratique qui était en train de naître. La formation de partis

23 politiques, l'organisation d'élections. Il est devenu secrétaire chargé des

24 relations publiques au sein du PDK. L'assemblée du Kosovo est devenu un

25 parlement du type de ce qui existe dans beaucoup d'autres pays. Son

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1 engagement a été reconnu par de nombreuses personnes. Cet engagement a été

2 reconnu par le premier ministre de l'époque, qui lui aussi a pris la peine

3 de venir témoigner ici, et a déclaré que Fatmir a joué un rôle crucial

4 après la guerre, et que c'était quelqu'un qui avait une approche très

5 constructive. Je vous demanderais de bien vouloir vous rappeler de ces

6 propos eu égard aux deux points que j'ai mentionnés plus tôt. C'est en

7 effet aisé dans de telles circonstances de disparaître, de jouer un rôle

8 secondaire, de se mettre à l'écart. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Il

9 ne fait aucun doute qu'il y a des gens au Kosovo qui n'ont pas apprécié

10 cette prise de position courageuse de sa part. Ce que vous avez dit le

11 premier ministre à la page 6 778 du compte rendu d'audience, il a dit, je

12 cite :

13 "Cet homme a eu le courage, dès les premiers jours qui ont suivi la guerre,

14 de tendre la main aux représentants de la communauté serbe."

15 Imaginez cela, l'ennemi; imaginez, souvenez-vous de la fin de la Deuxième

16 guerre mondiale, si les Français avaient tendu la main aux Allemands. C'est

17 exactement ce qu'il a fait, contrairement à d'autres hommes politiques qui,

18 à l'époque, étaient assez réticents de faire cela. Je l'admire pour son

19 courage, pour le fait qu'il était disposé à faire cela après tout ce qui

20 s'était passé au Kosovo, qu'il ait trouvé la force en lui de chercher à

21 réconcilier la population.

22 "Les minorités ont perdu un partisan puissant dans leur combat pour le

23 Kosovo notamment au sein du parlement." Voilà ce qu'il a dit.

24 Il n'est pas surprenant qu'il y ait eu une déclaration officielle de la

25 part de certains députés au parlement pour soutenir Fatmir Limaj. Ces

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1 personnes soutiennent sa vision d'une société multiraciale, pluraliste

2 incluant tout le monde.

3 Ceci mérite d'être souligné, si vous avez besoin d'éléments vous permettant

4 d'apprécier cet homme et d'avoir une autre image que celle donnée par

5 l'Accusation. Je vous rappelle un certain nombre de témoins qui sont

6 mentionnés dans le mémoire en clôture. Je ne les citerai pas tous les noms,

7 mais l'un de ces témoins était Jan Kickert. Il était représentant à

8 Pristina par intérim, représentant de l'Union européenne chargée de la

9 Politique en matière de Sécurité et de la Politique étrangère et jouait un

10 rôle également au sein du Conseil de l'Europe. Il avait une haute opinion

11 de Fatmir Limaj, car il pensait que c'était quelqu'un d'ouvert qui

12 s'efforçait de réconcilier les différentes communautés et d'inclure tout le

13 monde. Nous pensons qu'il s'agit d'évaluations sincères.

14 Peter Bouckaert de "Human Rights Watch" a tenu des propos similaires. Dan

15 Everts qui, pendant trois ans était à la tête de l'OSCE, l'Organisation

16 pour la Sécurité et la Coopération en Europe, a témoigné à cet égard. Je

17 vous renvoie à la pièce DL14. Il s'agit d'une lettre datée du mois d'avril

18 2003. Je donnerai lecture d'un extrait de cette lettre car il s'agit

19 d'éléments très convaincants. Il a décrit Fatmir Limaj et ses rapports avec

20 lui pendant trois ans dans le cadre de la reconstruction de la région et

21 l'OSCE se préoccupait tout particulièrement de la démocratie et de la mise

22 en place d'institutions démocratiques. Il a dit dans sa lettre, je

23 cite :

24 "En tant que membre actif de l'assemblée du Kosovo qui est devenue par la

25 suite un parlement démocratiquement élu, M. Limaj a toujours prôné

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1 l'inclusion dans la vie politique de tout le monde. Au nom de son parti,"

2 le PDK, "il a toujours été en faveur de la participation des Serbes; ce qui

3 était crucial à l'époque pour que l'on puisse parvenir à un accord large

4 sur la gestion de la province sous les auspices des Nations Unies."

5 "Il a adopté des positions fermes contre la violence interethnique, contre

6 l'extrémisme nationaliste au Kosovo ainsi contre la guerre civile qui

7 faisait rage en ex-République yougoslave de Macédoine et au sud de la

8 Serbie."

9 Je ne citerai pas le reste de la lettre, mais il s'agit d'éléments

10 importants.

11 Je vous renvoie également au témoignage de Carolyn McCool qui est venue

12 témoigner ici depuis le Canada, compte tenu de ses fonctions au sein de

13 l'OSCE, sachant qu'elle a été basée au Kosovo entre le mois d'août 1999 et

14 le mois de septembre 2002. Elle connaissait particulièrement bien le Kosovo

15 et la situation difficile qui régnait au Kosovo pour ce qui est de la

16 réconciliation et de la reconstruction après la guerre.

17 Elle se trouvait à Pristina au début de l'année 2001 et à la fin de l'année

18 2002. C'est à ce moment-là qu'elle a fait la connaissance de Fatmir Limaj,

19 et qu'elle s'est rendue compte qu'il soutenait la mise en place des

20 institutions gouvernementales et de la société civile. Elle connaissait

21 bien ses engagements pour l'état de loi. Voilà ce qu'elle a dit. Je vous

22 renvoie notamment à la page

23 6 706 du compte rendu d'audience. Elle a dit, je cite : "Fatmir Limaj est

24 devenu l'un de ces dirigeants au Kosovo en qui j'avais une confiance

25 implicite."

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1 Combien de personnes peuvent dire la même chose ?

2 "Nous parlions de questions qui étaient difficiles à évoquer avec d'autres

3 de façon ouverte et sincère et dans le cadre de ces conversations il m'a

4 parlé des difficultés qu'il rencontrait en tant que dirigeant."

5 Elle énonce ensuite les différentes difficultés qu'elle a rencontrées

6 elle-même en tant qu'étrangère. A la page 6 707, après avoir décrit ces

7 problèmes énormes : "M. Limaj abordait ces problèmes, toutes les questions

8 relatives au développement, à la mise en place d'une société multiethnique

9 au Kosovo. Il s'agissait d'un processus très lent et très difficile.

10 L'approche de M. Fatmir Limaj, comme j'ai pu m'en rendre compte au fur et à

11 mesure que je l'ai connu davantage, était d'essayer de résoudre ces

12 problèmes, tous ces problèmes, en parlant aux gens. Je ne veux pas parler

13 uniquement d'étrangers comme moi, mais avec d'autres représentants des

14 autres communautés ethniques, notamment les représentants de la communauté

15 serbe au Kosovo. Les rapports entre le peuple serbe et le peuple albanais

16 au Kosovo se trouvent au cœur de l'histoire du Kosovo depuis les années

17 1980," et source de nombreuses difficultés.

18 Elle poursuit en disant : "Il a développé ses qualités de dirigeant

19 et affiné sa vision d'une société multiethnique. Pas seulement en restant

20 dans son bureau, en parlant à ses collègues du PDK, mais en allant à

21 l'extérieur, en s'entretenant avec les Serbes et les représentants d'autres

22 communautés ainsi qu'avec des représentants de la communauté internationale

23 tels que moi-même. C'est l'un de ces hommes auquel les dirigeants serbes

24 étaient prêts à parler et il était prêt à leur parler également."

25 Elle donne ensuite quelques exemples. Puis, elle dit : "Il a acquis un

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1 charisme de plus en plus important en tant que dirigeant, a développé une

2 vision d'une société multiethnique contre les idées d'autres personnes qui

3 restaient bloquées dans ces antécédents historiques d'antipathie et de

4 haine. Il essayait de dépasser cela, il était prêt à parler aux gens sur la

5 manière dont on pouvait trouver une solution à ces problèmes. Selon moi, ce

6 qui est intéressant à propos de M. Limaj, c'est que ce n'était pas

7 simplement pour bénéficier à une seule communauté, ce n'était pas seulement

8 pour obtenir des financements ou des privilèges dans une situation

9 post-conflictuelle. L'une des raisons pour lesquelles j'ai pensé qu'il

10 était de plus en plus intéressant de parler avec lui, c'était parce qu'il

11 faisait cela, parce qu'il développait sa vision du Kosovo pour l'avenir,

12 une vision qui serait bénéfique pour toutes les personnes de ce pays."

13 Elle dit enfin : "Je me souviens d'une réunion au cours de laquelle M.

14 Limaj a proposé un plan d'action par lequel l'assemblée du Kosovo pouvait

15 engager un dialogue avec d'autres instances dans les pays voisins et dans

16 les juridictions voisines, discussions avec d'autres parlementaires. Il a

17 parlé de développement économique qui était la priorité fondamentale dans

18 la région. Il a parlé également d'autres questions d'intérêt mutuel. Lui et

19 les dirigeants serbes étaient en accord sur ce plan d'action. C'était juste

20 avant que je quitte le Kosovo en 2002, en septembre 2002. Si Fatmir Limaj

21 n'était pas là, n'était pas ici à La Haye, il aurait sans doute poursuivi

22 ses projets. Peut-être qu'en fin de compte, quelque chose en serait sorti."

23 Bien entendu, les espoirs de la communauté qu'il défendait dépendent des

24 projets de ce type. Martin Luther King a parlé de rêves.

25 Il est intéressant de noter que dans un livre qui a obtenu un prix

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1 international, le "Booker prize", Ismail Kadaré, un Albanais, a rédigé un

2 livre intitulé le Palais de rêves, dans lequel il décrit un régime contre

3 lequel il se bat. Il ne fait aucun doute que Fatmir Limaj se serait battu

4 également contre ce régime totalitaire.

5 Pour terminer, je souhaite vous renvoyer aux observations de Fatmir

6 Limaj au sujet de cette vision, de ce rêve. Il s'agit d'un passage assez

7 bref qui figure à la page 6 064 du compte rendu d'audience. Il vous a dit,

8 je cite :

9 "Je crois profondément que si nous ne prenons pas l'initiative de

10 créer, de bâtir la confiance entre nous, nous n'arriverons à rien quoique

11 fasse la MINUK. Je regrette de dire cela, mais au Kosovo nous devrions

12 avoir des gens courageux, des personnes qui sont prêtes à assumer leurs

13 responsabilités et ne se limitent pas à agir pour le bénéfice de la

14 communauté internationale, comme c'est le cas aujourd'hui au Kosovo. Nous

15 devons faire des choses, parce que c'est dans l'intérêt du peuple et non

16 pas simplement parce que la communauté internationale attend cela de nous.

17 Ces critères, ces normes, sont pour le peuple. C'est le peuple qui

18 construit la vie. Pour résumer, il s'agissait là de l'un de mes objectifs.

19 Je pense que les politiciens courageux manquent au Kosovo, les politiciens

20 qui assument les responsabilités pour le bien-être de leur peuple.

21 Malheureusement, nous avons des gens qui ne pensent qu'à leurs propres

22 intérêts, et ceci a été source de tension dans mon pays. Voilà mon point de

23 vue personnel."

24 Il s'agit d'un homme remarquable qui se trouve ici devant vous

25 aujourd'hui, un homme remarquable qui, d'après nous, n'était pas capable de

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1 commettre les crimes allégués par l'Accusation.

2 Il vous appartient de rendre le jugement final en l'espèce. Si,

3 contrairement aux arguments que nous avons avancés, vous pensez qu'il a

4 effectivement joué un rôle dans les allégations portées contre lui, nous

5 pensons qu'à la lumière de ces éléments, à la lumière de l'oppression dont

6 il a fait l'objet, lui et sa communauté, à la lumière de l'aide

7 incontestable qu'il a fournie à des milliers de civils pendant la guerre,

8 toute peine éventuelle doit refléter l'objectif de réconciliation du

9 Tribunal et prendre en compte le rôle qu'il a joué là-dedans. Je vous

10 remercie.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield.

12 Maître Guy-Smith, vous avez la parole.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Plaise à la cour, M. Bala, les

14 représentants de l'Accusation ainsi que mes collègues.

15 Il y a un an environ, je me trouvais dans un avion et j'allais de Vienne à

16 Pristina, un endroit où je ne m'étais jamais rendu auparavant. Comme je le

17 fais quelquefois à bord d'un avion, j'ai décidé de m'entretenir avec la

18 personne qui se trouvait à côté de moi. Nous avons commencé à parler. Il

19 s'est avéré que c'était quelqu'un qui vivait aux Etats-Unis et qui était

20 entraîneur de football. Certains appelleraient cela le football,

21 effectivement. D'autres appellent cela soccer aux Etats-Unis, quelque chose

22 qui m'intéresse beaucoup, parce que mon garçon avait joué au football

23 lorsqu'il était très jeune. Cet homme entraînait des jeunes garçons et des

24 jeunes filles. Il venait également du Kosovo. Il avait eu le privilège de

25 jouer parmi une des équipes qui avait réussi à obtenir une reconnaissance

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1 internationale. Il en était fier.

2 Nous avons pris un café ensemble. Il m'a montré des photographies des

3 membres de sa famille et de lui-même représentant différentes personnes.

4 Nous étions évidemment très proches l'un de l'autre. Lorsque l'avion a

5 atterri, nous avons promis de nous revoir pour prendre un café à Pristina.

6 Nous étions tous les deux descendus au Grand Hôtel.

7 Nous n'avons pas réussi à nous voir. Nous nous sommes manqués deux jours de

8 suite chacun l'un et l'autre au Grand Hôtel. Ensuite, j'ai passé une demi-

9 heure en sa compagnie et en compagnie des membres de sa famille et d'amis

10 où nous avons échangé les civilités que l'on échange habituellement entre

11 tout être humain. Il est vrai que ceci était fort agréable. Je me suis fait

12 des remarques à cet égard lorsque j'ai quitté Pristina.

13 Neuf mois plus tard, je me suis retrouvé à Pristina. Je marchais dans la

14 rue et quelqu'un m'a appelé par mon nom, Gregor, Gregor. Le voilà, c'était

15 lui. J'étais tellement ravi de le voir. A ce moment, je descendais la rue

16 près du Grand Hôtel, accompagné de mon co-conseil. Allez, viens, Richard,

17 c'est quelqu'un de merveilleux, j'aimerais absolument que tu le connaisses.

18 C'est un grand joueur de football. Il a fait beaucoup de choses pour les

19 jeunes gens de par le monde. Je me suis rapproché de lui. Nous avons parlé

20 pendant quelques minutes. Ensuite, nous sommes chacun allé de notre côté.

21 Il partait ce jour-là et moi-même aussi.

22 Je me suis entretenu un petit peu avec Richard à propos de cet homme.

23 Je lui ai dit une chose et une autre, et nous avons vaqué à nos

24 occupations. Ensuite, je l'ai retrouvé à l'aéroport. J'ai dit : Hé, Ed,

25 comment allez-vous ? Il me dit : Monsieur Guy-Smith, est-ce que vous savez

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1 qui je suis ? Je réponds : Oui, vous êtes -- et je me dis, mon Dieu, mon

2 Dieu. Non, je n'avais pas l'intention de vous gêner, mais vous savez qui je

3 suis. Oui, vous êtes la personne qui s'est rendue au quartier pénitentiaire

4 plus d'une fois, deux fois, trois fois. Vous avez été mon traducteur. C'est

5 vous qui avez été mon traducteur pour que je puisse m'entretenir avec M.

6 Bala.

7 Si on m'avait cité à la barre comme témoin, et si on m'avait posé une

8 question jusqu'au moment où je m'étais tenu devant cet homme à l'aéroport

9 et qu'on m'aurait demandé : Savez-vous qui est cet homme ? J'aurais répondu

10 : Bien sûr, que je le connais. C'est Ed. C'est l'homme qui joue au

11 football. Si quelqu'un m'avait posé la question : En êtes-vous tout à fait

12 certain ? J'aurais répondu : Oui, oui, 100 % sûr. Inutile de deviner les

13 termes que j'aurais utilisés, simplement en regardant mes mains vous auriez

14 su, 100 % sûr. J'aurais pensé 100 % faux.

15 Pour ce qui est du témoignage des témoins oculaires, on a dit : "Que

16 l'acceptation d'un témoignage constituant des éléments de preuve

17 implicites, se fonde sur l'hypothèse que l'esprit humain enregistre de

18 façon très précise tous les événements et les sauvegardes."

19 Malheureusement, cela n'est pas le cas.

20 "On peut se tromper à propos de détails. Cela n'est pas dû à une mauvaise

21 mémoire, mais au fonctionnement tout à fait normal de la mémoire de

22 l'homme. La mémoire ne fonctionne pas comme un système d'enregistrement

23 vidéo ou une caméra. Quelquefois, des autres éléments, des éléments qui

24 induisent en erreur, modifient le contenu de ce que le sujet est en mesure

25 de se rappeler." L'élément positif, c'est que des témoins oculaires tout à

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1 fait honnêtes tentent d'être objectifs et pensent à ce qu'ils racontent

2 correspond tout à fait, mais peuvent éventuellement se souvenir de choses

3 de façon incorrecte et peuvent, par conséquent, présenter des éléments

4 d'information erronés.

5 Les Tribunaux ont admis le support fragile que représente l'identification

6 des témoins, et cette Chambre de première instance a fait ses commentaires,

7 ou fourni ses commentaires sur une analyse du processus d'identification,

8 quelque chose qui demande énormément d'attention et un examen très

9 approfondi.

10 La plupart des personnes qui ont été citées à la barre comme témoins ici

11 pour parler de l'identité de Shala, ont parlé d'un homme qui était grand,

12 un homme ayant de mauvaises dents, un homme basané. Peu se sont souvenus de

13 la couleur de ses yeux. Je crois qu'il y a qu'un seul témoin qui s'est

14 souvenu de la couleur de ses yeux. Il a dit qu'ils étaient un petit peu

15 vert, une couleur quelque peu inhabituelle.

16 La plupart des personnes qui prétendent qu'il s'agit d'un homme aux mains

17 desquelles ils ont vécu une expérience malheureuse, savaient que c'était

18 Shala. Ils ont ensuite utilisé le nom de Bala. Ils ont reconnu, d'une

19 manière ou d'une autre, que les éléments d'information leur sont parvenus,

20 si nous devions analyser dans le détail le processus d'identification,

21 c'est -- ils ont été soit influencés, soit ces éléments d'information

22 étaient peu fiables ou avaient tendance à être extrêmement suggestifs.

23 Certains prétendent l'avoir vu à la télévision. Certains avancent, qu'on

24 leur a dit que Shala était Bala, et ce, grâce aux rumeurs. La raison pour

25 laquelle ils savaient cela, c'est que son père qui était un chanteur

Page 7455

1 célèbre dans la région, son père était quelqu'un que tout le monde

2 connaissait.

3 Si on tient compte du contexte de cette procédure, il y a quelque chose qui

4 apparaît très clairement. Il y a plus d'un Shala sur le terrain à Lapusnik.

5 En tout cas, il y a plus d'une personne qui a le pseudonyme de Shala. A

6 Lapusnik, nous avons entendu parler de deux personnes. L'une d'entre elles

7 est venue témoigner. C'était un homme de grande taille qui ne portait pas

8 la moustache. Il travaillait dans cette enceinte où l'Accusation a placé ce

9 camp de prisonniers. Il a été reconnu entre autres, comme étant un gardien,

10 au début en tout cas, par L-64.

11 Je souhaite pendant quelques instants vous montrer une image, parce qu'au

12 cours des échanges, tout un chacun semble avoir suggéré

13 -- nous avons beaucoup évoqué la question du doute raisonnable. Nous

14 connaissons tous le concept et les critères qui sont appliqués dans ce cas.

15 Bien évidemment, vous les Juges, qui connaissez fort bien les questions de

16 droit, vous avez l'obligation non seulement de conclure en matière de droit

17 et à propos des faits, en tant que -- comme si c'étaient des jurés, je vais

18 vous demander de prendre en compte ce que je vais vous dire, autrement dit,

19 je vous demande de vérifier les faits. Et ce que je vous propose, c'est

20 que, eu égard à la question du doute raisonnable, ceci -- le doute

21 raisonnable, pour prouver au-delà du doute raisonnable, il faut une

22 certitude et une confiance qui doit être celle que vous utilisez pour mener

23 à bien ce qui est important pour vous. Vous vous reposez sur les exposés

24 qui sont faits, vous vous reposez sur les éléments de preuve donnés, vous

25 vous reposez sur la parole prononcée. Par conséquent, il faut être très sûr

Page 7456

1 et placer votre bien-être, votre sécurité, votre vie ou ceux qui sont

2 proches de vous, entre les mains de ces éléments-là.

3 Car vous savez fort bien, que je vais parler d'aspects médicaux à certain

4 moment, l'état de mon client. Puis-je vous proposer ceci : lorsque vous

5 allez aborder la question du doute raisonnable, souvenez-vous que vous êtes

6 en train de rentrer dans une antenne chirurgicale. Les chirurgiens sont des

7 témoins qui sont venus témoigner. Le chirurgien chef et l'Accusation, pour

8 l'instant, c'est L-64. L-64 prendra l'instrument approprié. Et ce faisant,

9 il va commencer à entamer l'opération chirurgicale sur vous. Avez-vous

10 confiance ? Est-ce que cela -- est-ce que vous êtes à l'aise ? Est-ce que

11 vous vous remettriez entre les mains de cet homme qui doit faire cette

12 opération chirurgicale sur vous. Je ne le pense pas. Je ne le pense pas.

13 Avant de vous placer sur le billard, vous allez vous entretenir avec lui.

14 Il va vous dire qui il est. Vous lui dites pour l'instant, je suis

15 héroïnomane et je suis en convalescence. Cela n'a jamais vraiment été un

16 problème. Je me suis livré à un certain nombre d'actes criminels. Mais ceci

17 n'a aucune incidence sur ce qui va se produire maintenant. Puis, pour ce

18 qui est des questions essentielles, pour ce qui est des questions qui sont

19 très importantes pour vous, et qui, lorsqu'il s'agit des choses sur

20 lesquelles vous allez vous pencher en détail, à ce moment-là, je vais

21 mentir, je vais m'écarter de la vérité et je vais cacher la vérité ou alors

22 mettre d'autres en position difficile qui pourrait leur nuire pour des

23 raisons que je ne suis pas en mesure de vous décrire.

24 A ce moment-là, vous vous entretenez plus avec lui. Est-ce que vous êtes

25 sûr que vous êtes à la hauteur de la tâche ? Car c'est ce que demande

Page 7457

1 l'Accusation. Vous vous souviendrez, qu'en ses propres termes, c'est le

2 seul membre de l'UCK qui était disposé à, et il semble que cette volonté ou

3 cette disposition, elle n'est pas assortie de conditions particulières. Il

4 va venir vous voir et vous parler de la vérité. C'est en somme ce qu'ils

5 sont en train de vous dire. De quelle vérité s'agit-il ? La vérité à

6 laquelle ils croient. "Ils", j'entends l'Accusation, et cette vérité dont

7 ils ont besoin pour soutenir leur thèse.

8 Je vais faire une digression pendant quelques instants. Il y a une notion

9 que j'aimerais évoquer - je savais que vous la connaissez bien - elle fait

10 partie du statut, et dans toutes les juridictions qu'elles soient

11 nationales ou internationales, et c'est la question de la présomption

12 d'innocence. Dans ces juridictions-là, lorsqu'il y a des jurés et lorsqu'il

13 y a un débat avec les jurés devant lui pour savoir s'ils sont qualifiés ou

14 non, une des premières questions qui est posée est celle-ci : puisque là où

15 vous êtes assis maintenant -- depuis l'endroit où vous êtes assis

16 maintenant, que pensez-vous de l'accusé ? Pensez-vous qu'il est coupable ou

17 innocent ? Très souvent, leur réponse qu'on entend, les gens pensent

18 évidemment que c'est la bonne réponse. On est innocent jusqu'au moment où

19 on est prouvé coupable, on prouve sa culpabilité. Mais innocent jusqu'au

20 moment on prouve la culpabilité. Donc, ceci permet de débattre de la

21 question : Que pensez-vous de là, que sentez-vous à propos de cela ? La

22 réponse est toujours celle-ci : et bien, ils sont innocents, mais lorsque

23 l'Accusation présente les éléments, à ce moment-là, ils sont coupables non

24 pas sur le champ, maintenant. Après avoir entendu les arguments, le mur qui

25 est le mur de la présomption d'innocence doit être construit à ce moment-

Page 7458

1 là, car je vous parle maintenant comme si j'étais un juré, le banc des

2 jurés. C'est à ce moment-là que se construit la notion de présomption

3 d'innocence. C'est à ce moment-là où on pose la question : est-ce qu'ils

4 ont prouvé leur thèse ? Puis-je en être satisfait ? Puis-je me reposer sur

5 ces questions-là qui sont les plus importantes pour moi, car les décisions

6 que l'on prend -- que vous prendrez, seront les plus importantes, en tous

7 cas, pour ce monsieur, M. Bala.

8 Je ne vous demande pas de tenir compte, et je ne vous demande pas que ce

9 type d'analyse soit quelque chose de très émotif. Je demande en réalité

10 quelque chose d'objectif. Au cours du contre-interrogatoire de L-64, L-64 a

11 révélé qu'il a eu une discussion qui n'a pas été enregistrée avec M.

12 Lehtinen. Cette discussion a porté sur sa déclaration. La raison pour

13 laquelle il y a eu cet entretien enregistrement, comme il l'a présenté,

14 c'était pour des raisons de sécurité. M. Lehtinen lui a assuré qu'il

15 n'avait rien à craindre à cet égard, et qu'il pouvait être rassuré. S'il

16 souhaitait modifier certaines de ses réponses, on tiendrait compte des

17 éléments suivants aux pages 4 783 :

18 "J'espère que nous pourrons poursuivre, et j'espère qu'il y a quelque chose

19 au début de l'entretien." J'utilise à dessein le numéro

20 L-64." "Il a répondu d'une façon différente. Ceci peut être corrigé et ne

21 sera pas considéré comme une modification de déclaration."

22 A cause de son inquiétude par rapport à des questions de sécurité, il est

23 en droit de dire quelque chose. Et nous, l'Accusation, nous n'allons pas

24 considérer qu'il s'agit là d'un changement de déclaration. Et bien, très

25 bien. Très bien. Ainsi soit fait. Je ne pense pas véritablement si on tente

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1 de retrouver la vérité, je ne pense pas que ceux qui -- dont il s'agit ici,

2 aient une enquête dépassionnée -- une enquête dépassionnée, et que cette

3 position soit particulièrement recommandable. Néanmoins, je crois qu'il

4 aurait dit quelque chose pendant cette déclaration préalable; quels étaient

5 les membres de sa famille peut-être, où est-ce qu'il habitait, avec qui il

6 était en relation ou avait des échanges ou quelque chose de ce genre. La

7 seule chose qui a été modifiée dans la déclaration de cet homme qui a eu un

8 entretien au mois de mai, c'est lorsque -- c'est à propos du fait que Shala

9 était un homme grand, qui boitait, était l'identité du gardien. Rien

10 d'autre n'a été changé.

11 "Q. : En ce qui concerne votre capacité à pouvoir changer votre

12 déclaration, à y inclure ou exclure des éléments d'information qui avaient

13 fait l'objet de l'entretien du début du mois de mai et celui du début du

14 mois de juin, à ce moment-là, de la conversation, il y avait rien d'autre

15 que vous souhaitiez modifier, n'est-ce pas ?

16 "R. Il n'y avait rien à modifier que ce soit au mois de mai ou au mois de

17 juin. La seule différence au mois de mai, c'est que je ne voulais pas

18 parler de Shala."

19 Je ne vois pas le rapport qu'il y a avec la sécurité. Qu'est-ce qui s'est

20 passé dans cette discussion qui a eu lieu hors enregistrement ? Qu'a appris

21 L-64, ou qu'est-ce qu'il a déduit ? Qu'est-ce qu'il a compris en décidant

22 de déplacer le point de mire pendant un certain temps et de le déplacer en

23 direction de Haradin Bala ?

24 A ce moment-là, il était tout à fait clair que l'enquête se

25 concentrait surtout sur Haradin Bala. Si on pouvait mettre en doute cela,

Page 7460

1 il vous suffit de vous rappeler des propos prononcés par

2 M. Kereakes. M. Kereakas qui a été le premier individu à participer à cette

3 enquête, enquête dont a hérité M. Lehtinen. Il a, dans sa déclaration,

4 indiqué qu'il avait montré une photographie à L-96, et

5 L-64 a montré une photographie à L-96. Il a montré une photographie à L-96.

6 Je devrais dire une planche photographique. Il a clairement choisi de

7 désigner Haradin Bala et de dire que c'était Shala. Mais ceci ne s'est

8 jamais produit ainsi, et M. Kereakes a admis que cela ne s'était jamais

9 passé. Il n'a jamais montré aucune photographie, aucune planche

10 photographique. Le concepteur de l'enquête, à l'origine, était tout à fait

11 disposé à déclarer sans y être obligé d'une manière ou d'une autre, qu'il

12 n'avait pas pris part à aucune activité, qu'il ne s'était jamais engagé à

13 cela et qu'il n'avait jamais obtenu un seul résultat, qui n'avait du reste

14 jamais été obtenu.

15 Pourrions-nous dire peut-être que M. Kereakas devrait être

16 l'anesthésiste de cette procédure chirurgicale. Dans ce contexte

17 d'identification, on a essayé de dire qu'il faudrait se pencher sur les

18 faits indépendants, des faits qui corroborent d'autres faits sur la base de

19 leurs explications. Maintenant, pourrait-on comparer à ce moment-là le

20 témoignage du témoin L-64, l'homme qui a prétendu être allé à la prison à

21 plusieurs reprises, l'homme qui a prétendu avoir identifié initialement les

22 gardiens en tant que Zenil et Tamuli, ensuite, il a changé son opinion,

23 l'homme qui prétend être allé dans la prison avec le Dr Zeqir Gashi. Je

24 suis tout à fait certain que vous vous souviendrez de son témoignage. Non

25 seulement qu'il n'est jamais allé dans la prison, mais il ne l'a

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1 certainement jamais fait dans la présence du Dr Gashi. Le Dr Gashi était

2 allé pour prodiguer des soins aux personnes qui étaient passées à tabac,

3 aux Albanais qui se trouvaient dans cette prison et qui étaient passés à

4 tabac. Le Dr Gashi a dit qu'il n'a pas pu les aider. Il n'a pas pu leur

5 prodiguer des soins.

6 Si une telle chose s'est effectivement produite, à ce moment-là, cela

7 aurait été corroboré par un certain nombre d'éléments. Cela aurait été bien

8 utile au Témoin 64, comme il a été dit, puisqu'il avait une capacité

9 indépendante de dire la vérité à moins que cette vérité ne se rapporte à

10 lui; ce que je trouve, bien sûr, particulier. Je suis tout à fait certain

11 que la Chambre de première instance saura examiner son témoignage et bien

12 comprendre de quoi il s'agit. Cela va à l'encontre des règles d'une

13 personne qui prétend dire la vérité.

14 Vous vous souviendrez que le Dr Gashi, lorsqu'on lui a posé la

15 question de nous parler de la prison. Il a cité de façon très précise et

16 claire qu'il ne s'est jamais rendu à la prison. Il n'y est jamais allé. Il

17 nous l'a dit. On vous a présenté un argument selon lequel, essentiellement

18 tous les témoins de l'Accusation, les témoins à charge, et particulièrement

19 le fait que le Dr Gashi ne s'est effectivement jamais rendu dans la prison.

20 C'est ce qui se trouve au compte-rendu d'audience à la page 5661.

21 Concernant l'interrogatoire principal de l'Accusation lorsqu'on lui a posé

22 la question : "Est-ce que vous vous êtes jamais rendu dans la prison de

23 Lapusnik ?" La réponse à la page 5631 était : "Non, jamais."

24 Maintenant, concernant ces témoins qui ont été présentés par

25 l'Accusation, leur argument concernant ces témoins, leur argument principal

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1 est le suivant : ils nous disent : Que tant et aussi longtemps que leur

2 témoignage se rapproche de notre théorie, de la théorie de le thèse de

3 l'Accusation, ils disent la vérité. Ce sont des diseurs de vérité.

4 Maintenant, concernant les incohérences qui peuvent se trouver dans leur

5 témoignage, à ce moment-là, il faut certainement les excuser et comprendre

6 en tenant compte d'un certain nombre de raisons. Maintenant, à savoir si le

7 Dr Gashi est effectivement allé à la prison avec le témoin L-64, il s'agit

8 d'un élément plutôt central concernant un certain nombre de questions, à

9 savoir, de ce qui s'est passé. Il faudrait savoir ce qui est fiable, et qui

10 choisissez-vous de croire, parce que si le témoin 64 dit la vérité et que

11 le Dr Gashi a menti ou est-ce le Dr Gashi qui dit la vérité et est-ce le

12 témoin L-64 qui ment. C'est l'un ou c'est l'autre.

13 Il ne s'agit pas ici d'une erreur. Il ne s'agit pas ici d'une question de

14 confusion non plus. Si l'un des deux ment concernant un élément qui est non

15 seulement un élément très important, mais un élément plutôt dramatique,

16 c'est-à-dire, un médecin qui se rend quelque part et dit : Je ne peux pas

17 vous prodiguer de soins, désolé. Je crois qu'à ce moment-là, s'ils étaient

18 prêts à mentir sur des choses aussi importantes, encore une fois je répète

19 ce qui a déjà été dit lors des présentations, lors des arguments présentés

20 préalablement, alors à ce moment-là, on a déjà dit que si un témoin mentir,

21 son témoignage doit être écarté.

22 J'ai remarqué qu'on vous a présenté un argument. On vous a suggéré

23 quelque chose concernant l'identification, c'est-à-dire que les témoins qui

24 n'ont pas pu identifier une personne se trouvant sur la planche

25 photographique - et je parle de la planche photographique dans laquelle ils

Page 7463

1 ont vu Shala - donc, ces personnes n'ont pas pu le faire, car ils étaient

2 traumatisées au point où ils n'étaient plus en mesure de fournir une telle

3 information, ou plutôt de faire une identification. Si nous examinons ce

4 qui se trouve derrière la question, lorsqu'on a posé au témoin la question

5 pour tirer une conclusion et lorsqu'on vous demande de tirer une

6 conclusion, à ce moment-là, on vous pose autre chose, car les conclusions

7 peuvent surgir lorsqu'on parle d'éléments de preuve circonstanciels. Les

8 conclusions se présentent lorsqu'il faut présenter les éléments

9 d'information qui vous permettent de tirer des conclusions à l'importance

10 de l'analyse eu égard à la preuve circonstancielle qui est reconnue par

11 cette juridiction et qui est reconnue également dans plusieurs juridictions

12 du monde. C'est que, si effectivement il y a deux explications

13 raisonnables, une qui nous mène à la culpabilité et l'autre qui mène vers

14 l'innocence ou vers la non culpabilité, vous devez la suivre, c'est-à-dire,

15 vous devez conclure de l'innocence de la personne. C'est le chemin à

16 prendre. Il n'y a qu'une raison pour ce faire. C'est que vous avez deux

17 idées en contradiction et si les deux éléments, si ces deux thèses

18 présentent des éléments de crédibilité, à ce moment-là, vous devez accorder

19 le doute raisonnable. C'est tout à fait une façon logique de fonctionner.

20 Je sais que vous savez de quoi je parle, car vous êtes juges, vous rédigez

21 des lois. Vous êtes en train de créer des lois présentement. Vous tenez

22 compte des éléments qui doivent être analysés. Vous savez de quelle façon

23 les éléments de preuve présentés doivent être analysés. Maintenant, que se

24 passe-t-il lorsque vous avez une variété de facteurs différents mis

25 ensemble ? Que faites-vous ? Je suis tout à fait certain que vous n'allez

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1 pas prendre un seul chemin. Vous allez analyser, vous allez choisir avec

2 beaucoup de précautions, vous allez examiner attentivement les éléments de

3 preuve fournis. Si vous avez les thèses que ces personnes auraient dû

4 informer, si elles n'arrivent pas à faire une identification négative, à ce

5 moment-là, vous leur accordez la crédibilité positive si vous avez un

6 doute. Vous dites que c'est parce que ces dernières ont été traumatisées

7 contrairement à une autre explication tout à fait plausible, et c'est que

8 ce n'était pas simplement lui, qu'il n'était pas là, que c'est pour cela

9 que l'on ne l'a pas identifié, parce que ce n'est pas un homme basané. Son

10 état de santé est tel que -- et j'en parlerai en détail un peu plus tard --

11 le genre d'activités qui ont été décrites ne sont pas le genre d'activités

12 qu'il aurait pu raisonnablement faire, il n'aurait pas raisonnablement pu

13 se livrer à de telles activités, eu égard à son état de santé. Je dis cela

14 dans le cas où vous n'accepteriez pas ce que l'on vous a di, et ce que nous

15 estimons être ce que c'est, car c'est la vérité.

16 Haradin Bala, est un homme malade, ayant vécu comme la plupart de ses

17 concitoyens. Il a été opprimé par les Serbes comme la plupart de ses

18 concitoyens, a entendu des coups de feu. Il vous a dit qu'il a voulu

19 prendre les armes pour aller se battre, car il a entendu des coups de feu

20 de la guerre. Les personnes lui ont dit de ne pas prendre les armes. Mais

21 l'une des choses qui est tout à fait cohérente avec la personnalité de

22 Haradin Bala, outre le fait qu'il est particulièrement têtu, c'est un homme

23 qui est malade. Vous avez un dossier médical fait par des autorités tout à

24 fait indépendantes, établissant que cet homme souffre déjà depuis déjà plus

25 d'une décennie d'ailleurs, a eu au moins trois ou cinq, dépendamment de la

Page 7465

1 façon dont vous interprétez le dossier médical qui a été versé sous pli

2 scellé, il a eu donc sinon pas trois, sinon pas cinq, mais alors trois

3 crises cardiaques. Il s'agit d'un homme relativement jeune. Il n'est âgé

4 que de 47 ans. Il a fait ce que chaque homme dans sa position aurait fait.

5 Il a emmené sa famille en lieu sûr à Nekovce. Ensuite, il a pris les armes.

6 Maintenant, pour se rendre à Nekovce de l'endroit où il vivait, - et nous

7 allons pouvoir le voir sur les cartes, - il a dû passer par le point de

8 contrôle de Komorane. Maintenant, il était impossible de se promener dans

9 la zone avec un fusil, bien sûr. Alors, après avoir emmené sa famille en

10 lieu sûr, il est allé chercher son arme à Lapusnik. Il est arrivé à

11 Lapusnik tout juste après les combats, et il y est resté pendant une

12 période assez courte. Il n'y a aucun doute, il n'y a aucune erreur, nous

13 sommes tout à fait d'accord pour dire que Haradin Bala était à Lapusnik;

14 c'est indubitable. La question qui se pose, est à quel moment y était-il et

15 combien de temps y est-il resté ?

16 Maintenant, la réponse à cette question, tout comme les éléments de

17 preuve ont pu le démontrer, c'est qu'il était à Lapusnik jusqu'au moment où

18 le commandant Kumanova ait quitté, qui était au mois au mai. Il est venu à

19 Lapusnik au cours de cette période. Il a été vu par Elmi Sopi. Il est notre

20 thèse qu'il a été vu à Lapusnik par le Dr Zeqir Gashi.

21 Il est très important de se rappeler que Zeqir Gashi n'était pas

22 prévu de venir témoigner en tant que témoin à charge. Une requête a été

23 présentée au mois de mars par l'Accusation, dans laquelle on a demandé de

24 permettre à ce témoin de se présenter au Tribunal afin de pouvoir déposer.

25 Car selon eux, il pouvait contester l'alibi présenté par M. Bala. Vous

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1 avez, bien sûr, sous les yeux, la déclaration de

2 M. Tucker. C'est une déclaration qui a été versée au dossier en tant

3 qu'élément de preuve sous la cote DB7. Dans cette déclaration, nous pouvons

4 voir l'entretien qui a eu lieu avec le Dr Gashi. Lors de cet entretien le

5 Dr Gashi, conformément à l'entretien des notes, à l'entretien du Dr Gashi,

6 c'est-à-dire, des notes que le Dr Gashi a prises, il était le directeur

7 d'une hôpital à Lapusnik au mois de mai, juin ou juillet 1998, car la

8 clinique a été fonctionnelle à partir du mois de mai ou juin.

9 Maintenant, M. Tucker nous dit que personne n'a vraiment remarqué à quel

10 moment le Dr Gashi a commencé sa pratique. Maintenant, prenons pour

11 hypothèse et essayons de comprendre pourquoi le Dr Gashi a été appelé par

12 l'Accusation de venir témoigner. L'on pourrait croire eu égard aux

13 discussions qui ont eu lieu dans cette procédure -- lors de cette procédure

14 pendant plusieurs mois, concernant le fait qu'il est tout à fait

15 déconseillé de poser des questions directrices, et que ceci n'était pas

16 approprié -- que cela ne devrait pas arriver, et si on n'avait pas posé des

17 questions directrices, cela ne serait pas arrivé. Parce qu'effectivement,

18 si effectivement cela aurait été le cas, l'information qui était précise et

19 solide tout comme le prétend l'Accusation, à ce moment-là, elle aurait été

20 aussi claire comme de l'eau de roche. Cette personne n'aurait pas répondu

21 suite aux questions directrices.

22 A la question 5 621 du compte rendu d'audience, à la

23 page 5 621, on lui pose la question : "Est-ce que vous saviez quelque chose

24 concernant le père d'Haradin Bala ?"

25 "Réponse : "Tout le monde à Drenica connaissait son père. Il était un

Page 7467

1 chanteur très connu de chants populaires.

2 "Question : Au cours du mois de juin et au cours du mois de juillet 1998,

3 est-ce que vous avez vu Haradin Bala à Lapusnik ?"

4 "M. Guy-Smith : Objection, question directrice. Le Procureur peut lui

5 demander la question à savoir quand il l'a vu, mais il est en train de lui

6 poser une question directrice à ce moment-ci.

7 "M. Whiting : Il est bien difficile, Monsieur le Président, …il n'a pas

8 terminé sa réponse. J'imagine que si je vous demandais de déduire s'il

9 s'agissait de culpabilité ou d'une innocence d'une personne, je crois qu'il

10 aurait certainement dit qu'il était innocent, car il aurait certainement

11 dit : il est bien difficile -- qu'il est difficile de poser une question

12 qui est adéquate et qui serait -- il est bien difficile d'obtenir la

13 réponse que je veux obtenir de ce témoin. C'est ce qu'il aurait dit. Mais

14 bon. Laissons les choses de côté. Et le Juge Parker a dit :

15 "Poursuivez. Si le tort est fait, il est déjà fait. --"

16 Alors, lorsqu'on a déjà sonné la clochette, on l'a sonnée. On ne peut plus

17 l'oublier. Donc, la question a déjà été posée.

18 La question était à savoir :

19 "Si vous avez vu Haradin Bala à Lapusnik ?"

20 Réponse. Oui.

21 Question. A quel moment est-ce que vous l'avez vu à Lapusnik ?

22 Réponse. Il est venu à la clinique une fois pour un examen médical.

23 Question. A quel moment est-il venu ?

24 Réponse. Quand il séjournait à Lapusnik.

25 Question. Pourriez-vous être plus précis ?

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1 Réponse. En juin et juillet 1998."

2 Voilà, très étrange réponse, n'est-ce pas ? C'est incroyable.

3 Voici un exemple de quelque chose que plusieurs avocats font. Les Juges les

4 réprimandent souvent. Pour faire ce genre de choses, c'est de témoigner.

5 Nous ne pouvons pas le faire. Ce n'est pas là la question. Ce n'est pas une

6 réponse tout à fait claire venant de témoin qui vous permet de déterminer

7 une question tout à fait relativement importante, une question qui est

8 plutôt au centre de ce débat, questions très importantes pour les deux

9 parties.

10 Je n'essaie pas de dire, pour veux être bien clair, que le

11 Dr Gashi a fait quoi que ce soit qui pourrait lui être reproché. Je veux

12 simplement dire, qu'en posant la question de la façon dont le Procureur a

13 posé la question, la valeur de l'affirmation, du fait que le Dr Gashi a vu

14 et vu Haradin Bala en juin et en juillet 1998, est tout à fait valable, ne

15 vaut rien. Plus particulièrement eu égard au fait, car nous savons qu'il

16 dirigeait une clinique et qu'il donnait de l'aide médicale. Il prodiguait

17 des soins aux personnes de Lapusnik au cours du mois de mai. Nous savons

18 ici que Haradin Bala s'était rendu chaque fois qu'il a pu à Lapusnik pour

19 pouvoir consulter un médecin à chaque fois qu'il ait pu le faire, non pas

20 seulement au cours des mois de l'été mais même avant. Il allait voir un

21 médecin pour obtenir -- pour avoir des médicaments de Ferat Sopi, l'homme

22 dont la maison se trouve à la clinique médicale du Dr Gashi. Ferat Sopi,

23 l'apothicaire, a donné des médicaments à M. Bala, des médicaments pour sa

24 condition, pour son état de santé, pour son problème de maladie cardiaque,

25 et ce, même avant 1998.

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1 Maintenant, au cours des mois de juin et de juillet, il a été vu par et

2 traité pour, dans la mesure où c'était possible, eu égard à son état de

3 santé par le Dr Selimi. Il s'agit de témoignage qui n'a jamais été

4 contesté, de témoignage très clair, de témoignage qui n'a pas été contredit

5 par personne. Le Dr Selimi vous a dit, qu'à plusieurs reprises il a vu

6 Haradin Bala. Il l'a examiné, et il a pu voir quel était son état de santé.

7 Il a entendu ses plaintes. Il a essayé de lui prodiguer des soins médicaux,

8 mais il s'agissait d'un patient cardiaque. Il prenait de la nitroglycérine

9 un médicament qui est utilisé lorsqu'on a des problèmes cardiaques. Ses

10 lèvres étaient bleues à une reprise, voulant dire qu'il n'avait pas

11 suffisamment d'oxygène dans son sang. Il a été emmené voir le médecin par

12 des personnes qui ont dû l'aider à se déplacer. Il n'était pas en mesure de

13 se déplacer tout seul; il faisait très chaud.

14 Le Dr Selimi nous a dit qu'il a dit a Haradin Bala : Ne faite que des

15 travaux très légers, et rentrez à la maison vous reposer." Ce qui est

16 surtout très important de noter, c'est quelque chose que le Dr Selimi nous

17 a dit, c'est qu'il avait déjà vu Haradin Bala à la télévision concernant

18 cette procédure. Il nous a dit qu'il s'était posé la question que fait-il

19 au Tribunal ? C'était mon patient. Je me souviens très bien. Il n'y avait

20 pas énormément de membres de l'UCK qui venaient me voir pour des problèmes

21 cardiaques. Oui, des membres de l'UCK venaient me voir pour je puisse

22 prodiguer des soins quant à leurs blessures, mais pas quant à une maladie

23 cardiaque.

24 Est-ce que le moment est opportun de prendre la pause, Monsieur le

25 Président.

Page 7470

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous prendrons la pause à ce

2 moment-ci. Nous reprendrons à 16 heures 05.

3 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

4 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy Smith, vous pouvez

6 poursuivre.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Le Dr Selimi a vu Haradin Bala pendant les

8 mois de juin et de juillet. Il l'a vu à un endroit où Haradin Bala n'aurait

9 pas pu se trouver, à Lapusnik. Personne, y compris Haradin ne peut se

10 trouver à deux endroits en même temps. Pendant les mois de juin et de

11 juillet, vous avez entendu de nombreux témoignages indiquant qu'il faisait

12 chaud. L'Accusation a commencé la présentation de ses moyens en décrivant

13 le terrain accidenté dans les montagnes qui se trouvaient autour de

14 Lapusnik. Le Dr Selimi lui-même, lors de sa déposition, a déclaré qu'il

15 était en bonne santé. Pourtant, cette année-là, au cours de l'été 1998, il

16 était difficile de supporter les conditions dans cette région. C'est un

17 sujet sur lequel je reviendrai plus tard.

18 Il a été suggéré, qu'Avdulla Puka, qui a déclaré que Haradin Bala était

19 resté lui dans son domicile à Javor, était perplexe, que la confusion

20 régnait dans son esprit étant donné qu'il ne pouvait pas se souvenir de ce

21 qu'il avait mangé la semaine passée. S'agissant des souvenirs de M. Puka au

22 sujet de la présence de M. Bala à son domicile, il reliait ses souvenirs au

23 fait, que chaque année, pendant des années, il faisait la même chose. Il

24 faisait les moissons au même moment. Pour ceux d'entre nous qui ont passé

25 quelque temps dans une ferme, il est bien connu que l'on ne peut pas faire

Page 7471

1 les moissons ni trop tôt, ni trop tard. M. Puka a associé la présence de M.

2 Bala à son domicile à une activité qu'il menait depuis des années. Personne

3 ne le conteste. Personne n'a laissé entendre que M. Puka mentait, qu'il se

4 trompait.

5 Skender Bylykbashi, là encore, lorsqu'il a déclaré avoir vu

6 M. Haradin Bala, a lié cet événement à d'autres éléments importants. Vous

7 vous souviendrez l'avoir entendu dire, que lorsque Haradin Bala venait, il

8 venait avec de la nourriture, avec de la farine.

9 M. Bylykbashi s'intéressait à cette farine, car grâce à celle-ci, il

10 pouvait nourrir son entourage. Il s'intéressait à cette farine. Personne

11 n'a contredit ses propos, personne ne les a contestés, et personne n'a

12 donné de raisons indiquant qu'on ne pouvait pas croire ses propos.

13 Ali Thaqi connaît Haradin Bala depuis toujours. Il nous a parlé de son état

14 de santé, de ses problèmes de santé. Nous avons des informations

15 indépendantes à ce sujet. Il nous a parlé d'autres éléments en rapport avec

16 le temps qu'il a passé avec Haradin Bala. Personne n'a contredit ses

17 propos, personne ne les a contestés non plus.

18 On vous dit pourtant que son alibi n'est qu'un tissu de mensonges. L-64 dit

19 la vérité. Ces personnes que je viens de mentionner ont menti. Ferat Sopi,

20 pour sa part, un homme âgé, un homme têtu, qui a ses convictions comme nous

21 avons pu tous nous en rendre compte, nous a raconté que le Dr Gashi avait

22 ouvert un dispensaire à son domicile. Il ne se souvenait pas de la date,

23 mais il se souvenait avoir travaillé avec le Dr Gashi, si je ne m'abuse,

24 pendant la fin du mois du mai. Il y a eu de nombreux échanges au sujet de

25 ce qui a été dit dans une conversation qui n'a pas été enregistrée,

Page 7472

1 conversation qui a eu lieu avec les représentants de l'Accusation. Il

2 s'agissait de savoir ce qu'il avait lu ou de ce qu'il n'avait pas lu dans

3 Koha Ditore. Pour ce qui est de l'exactitude de la déposition du Dr Gashi,

4 l'Accusation affirmait qu'il avait lu l'intégralité de cette déposition et

5 qu'elle était véridique. Voilà la déduction que vous devez tirer, mais on

6 ne sait toujours pas si l'homme a lu l'intégralité de la déposition en

7 question. Ferat Sopi n'a pas dit que cette déposition était entièrement

8 véridique. Il a dit qu'il y avait certains problèmes. L'article lui-même

9 qui a été versé au dossier et dont il a été question lors de son

10 interrogatoire, mentionne le mois de mai, et c'est en mai que le Dr Zeqir

11 Gashi administrait le dispensaire.

12 Je m'interromps quelques instants pour évoquer un autre sujet.

13 N'est-il pas surprenant de constater notamment à la lumière de la procédure

14 engagée, et compte tenu des difficultés que l'Accusation rencontrait

15 manifestement avec certains témoins, n'est-il pas surprenant que lorsqu'on

16 parle de l'entretien mené avec Ferat Sopi, un témoignage crucial pour ce

17 qui est de l'endroit et du moment où Haradin Bala se trouvait pendant la

18 période visée, notamment l'affirmation selon laquelle il ne se trouvait pas

19 à Lapusnik, n'est-il pas curieux que cet entretien n'ait pas été enregistré

20 sous forme sonore ou sous forme d'enregistrement vidéo, ainsi comme

21 d'autres témoins on pouvait le déclarer hostile.

22 Si on nous avait communiqué cela d'emblée, dès l'ouverture du procès, avant

23 que l'on assiste à tout ce qui a pu se produire ici, je ne ferais pas une

24 telle suggestion. Mais compte tenu de la manière dont un élément aussi

25 important comme cela a été suggéré par l'Accusation, un élément crucial

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1 aurait pu être ignoré, vous, en tant que juges du fait, vous auriez dû

2 avoir cet élément. Or, cet élément ne vous a pas été communiqué.

3 Pour que vous puissiez conclure que Haradin Bala, le 25 juillet, jour de la

4 chute de Lapusnik, a gravi la montagne en pleine chaleur pendant la journée

5 et a marché sur ce terrain accidenté, pour parvenir à cette conclusion, il

6 vous faut ignorer la déposition du

7 Dr Selimi. Il vous faut ignorer également la déposition du Dr Gashi à

8 propos de l'état de santé de Haradin Bala, car ce que vous a dit notamment

9 le Dr Selimi, c'est qu'à l'époque où il a vu Haradin Bala - là, je fais une

10 hypothèse - il a vu Haradin Bala, et Haradin Bala est rentré à Lapusnik et

11 a gravi la montagne, je peux vous dire que je ne crois à aucun mot de cela.

12 Il avait du mal à respirer, il avait du mal à se déplacer, il avait du mal

13 à marcher en pleine canicule. Vous avez entendu que ses problèmes étaient

14 chroniques chez lui.

15 Je vous demande ici de faire une déduction si vous choisissez de rejeter ce

16 que nous pensons avoir prouvé, à savoir qu'il ne se trouvait pas à

17 Lapusnik. Ceci ne fait aucun doute. Ceci a été établi au-delà de tout doute

18 possible. Il ne fait aucun doute que l'état de santé de Haradin Bala était

19 grave. Vous avez entendu des témoignages selon lesquels son état de santé

20 physique, à l'époque, était, je ne dirais pas fragile, mais en tout cas,

21 n'était pas bon. Il était incapable de faire ce qu'un homme de son âge ou

22 un homme plus âgé est en mesure de faire.

23 Souvenez-vous de cela. On vous a dit à plusieurs reprises, l'Accusation a

24 cherché à vous faire croire que c'est Haradin Bala qui frappait les gens.

25 Non pas une ou deux fois, on ne leur donnait pas une tape sur la main, mais

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1 là nous parlons de sérieux passages à tabac, 59 coups un moment donné,

2 c'est ce que nous a déclaré un témoin. Je vous demande de réfléchir à la

3 chose suivante : l'homme qui a fait cela, était-ce bien Haradin Bala ?

4 Comment Haradin Bala aura pu être capable physiquement de faire cela,

5 compte tenu de son état de santé, état de santé à propos duquel un certain

6 nombre de témoins ont parlé, qui vous ont raconté qu'il avait du mal à

7 respirer, qu'il avait du mal à se déplacer. Imaginez les efforts que cela

8 demande que de tenir un bâton si longtemps. Selon moi, il n'aurait pas pu

9 faire ce qu'on lui reproche.

10 Lors de notre déclaration liminaire, nous avons dit que nous ne pouvons pas

11 dire qu'il était incapable de le faire. Nous n'avons pas d'éléments de

12 preuve indiquant qu'il était incapable de faire cela. Cela étant, ce que

13 j'avance ici, c'est qu'il existe des éléments de preuve indirects clairs,

14 éléments de preuve à partir desquels vous pouvez tirer une déduction

15 objective et raisonnable. Vous pouvez tirer cette déduction sur la base des

16 éléments de preuve relative à son état de santé, dont ont parlé un certain

17 nombre de témoins. A l'époque et aujourd'hui encore, Haradin Bala n'était

18 pas capable de participer à ces activités qu'on lui reproche.

19 Je me permets de faire une petite digression, quelques instants. Vous

20 disposez des déclarations faites par deux hommes, les Témoins L-04 et L-06.

21 Ces déclarations, comme vous le savez, ont été communiquées après que les

22 personnes en question aient fourni des déclarations aux autorités serbes,

23 au sujet des expériences qu'ils avaient vécues.

24 La déclaration de L-04 a été faite le 1er octobre 1998. Elle porte la

25 cote P203 ou P204, me semble-t-il. Je regarde M. Younis afin de m'assurer

Page 7475

1 que ce que je dis est exact, et il me confirme qu'il s'agit de la pièce

2 P203.

3 Dans cette déclaration, L-04 a déclaré que Shala faisait partie des

4 personnes qui se trouvaient à cet endroit. Certaines personnes ne voulaient

5 pas reconnaître qu'elles avaient quoi que ce soit à voir avec les Serbes,

6 car c'état mal vu. Ce qui peut expliquer qu'un certain nombre de personnes

7 aient pu nier avoir fait des déclarations aux Serbes. Cela peut se

8 comprendre. Cela étant, ces déclarations bel et bien étaient faites et

9 versées au dossier pour que les Juges puissent les consulter. Au paragraphe

10 10, L-04 raconte la chose suivante, je cite :

11 "Après un mois passé en prison, la personne déclare avoir été sortie

12 de la pièce où elle se trouvait, en compagnie d'autres personnes. On leur a

13 ensuite placé un bandeau sur les yeux, et on les a conduites à bord d'un

14 véhicule à Kishna Reka, où se trouvaient d'autres personnes qui avaient été

15 enlevées par l'UCK. Les personnes enlevées ont été encerclées par huit

16 membres de l'UCK, qui portaient des uniformes de camouflage et étaient

17 masquées."

18 Nous savons que beaucoup de membres de l'UCK portaient des masques.

19 Ils portaient des masques afin qu'on ne les reconnaisse pas. Voici la

20 première information donnée au sujet de la libération de

21 L-04.

22 Quant à L-06, dont la déclaration, me semble-t-il, porte la cote

23 P204, il déclare à propos de sa libération, je cite : "Après un mois en

24 prison, la personne déclare qu'ils ont été emmenés sur le seuil de la

25 pièce, où ils étaient détenus. Des sacs ont été placés sur leurs têtes. On

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1 les a ensuite emmenés au village de Kishna Reka à Gllogovc, où les sacs ont

2 été enlevés. Ils ne donnent aucun nom et raconte qu'il a vu son frère et

3 d'autres personnes à cet endroit pour la première fois. Ce qui est

4 important, c'est de se souvenir qu'on a laissé entendre que l'une des

5 raisons pour laquelle ces personnes étaient réticentes à parler de cela,

6 c'est parce qu'elles ne voulaient pas donner d'information permettant de

7 conclure ou de supposer qu'elles avaient eu quoi que ce soit à avoir avec

8 les Serbes, et que ces personnes donc ne donneraient jamais le nom de

9 membres de l'UCK. Mais cet homme dit : 'A la fin de l'entretien, la

10 personne a identifié un certain nombre de membres de l'UCK responsables de

11 l'enlèvement' et il énumère ensuite un certain nombre de noms."

12 Le nom de "Shala" n'est pas mentionné, ni celui de "Haradin Bala."

13 Ce que nous savons c'est qu'il s'agissait d'une communauté relativement

14 petite. Nous avons entendu un certain nombre de témoignages dont celui de

15 L-96, qui parlait du fait qu'il y avait des rumeurs qui circulaient, que

16 les gens parlaient entre eux. Puis, on donnait des noms d'autres personnes.

17 Il s'agit d'associations plus que douteuses, sur lesquelles on ne peut pas

18 se fier. On nous demande de croire sur la base de ouï dire qu'une

19 information est précise et que c'est ainsi que le témoin en question a été

20 convaincu que Shala était en réalité Haradin Bala. Si l'on examine

21 attentivement et objectivement les éléments de preuve produit, ces derniers

22 établissent clairement qu'ils sont conjecturals et qu'ils ne sont

23 certainement pas suffisamment fiables pour démontrer au-delà de tout doute

24 raisonnable que M. Bala a pris part aux activités qu'on lui reproche.

25 La mémoire est une chose étrange et l'on cherche parfois, afin de surmonter

Page 7477

1 un traumatisme, nous le savons tous, il peut arriver que l'on tende à faire

2 des conclusions qui ne sont étayées par aucun élément de preuve concret.

3 Il est aisé de dire que nous avons prouvé notre thèse au-delà de tout doute

4 possible. C'est ce que l'Accusation vous répété à maintes reprises lors de

5 son réquisitoire. Ce qui doit vous faire réfléchir cependant, c'est que

6 l'Accusation ne prend pas en compte les informations indépendantes,

7 externes et objectives, qui pourraient jeter un doute sur les éléments

8 présentés. L'Accusation ne brosse pas un tableau d'ensemble et ne vous dit

9 pas d'examiner l'ensemble des éléments de preuve et des circonstances,

10 qu'en notre qualité de représentant de l'Accusation, nous devons vous

11 présenter de façon responsable. Ils ne vous disent pas : prenez en compte

12 ces domaines qui peuvent causer problème. S'il s'agit bien ici de trouver

13 la vérité, ce n'est pas ce que l'Accusation recherche. L'Accusation n'a pas

14 rempli la charge de la preuve. L'Accusation a évité les difficultés

15 éventuelles.

16 La raison pour laquelle elle a procédé ainsi, la raison pour laquelle

17 l'Accusation a cherché à ignorer ces difficultés c'est parce que, sur ces

18 points cruciaux, l'Accusation n'a pas réussi à prouver sa thèse au-delà de

19 tout doute raisonnable. L'opération est un échec car si l'on commence à

20 douter des médecins, et là je vous demanderai de bien vous rappeler de

21 chacun de ses témoins, imaginez-les dans cette antenne chirurgicale,

22 imaginez quelle tâche vous leur confieriez. Les infirmières, les

23 anesthésistes, les chirurgiens, imaginez-les tous dans le bloc opératoire.

24 Et imaginez que vous leur posez les questions que vous voulez leur poser

25 avant qu'ils ne se saisissent d'un scalpel et vous opèrent. Vous espéreriez

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1 un miracle et vous espéreriez qu'un autre traitement vous serait prodigué.

2 Haradin Bala est un homme simple. La tradition qui est la sienne est

3 quelque peu différente des autres personnes qui sont devant vous. Comme je

4 vous l'ai dit plus tôt, il semble au Kosovo avoir souffert de l'oppression

5 serbe. Il vous a dit lorsqu'il vous a parlé, qu'une erreur avait été

6 commise. Il vous a dit que lorsqu'il a entendu tout cela, cela le rendait

7 triste.

8 Je pense qu'à ce stade, les éléments de preuve fournis par l'Accusation

9 sont insuffisants et qu'ils ne permettent pas de prouver ce qu'ils

10 entendent prouver et que le verdict, par conséquent, que vous devriez

11 rendre dans cette affaire en toute objectivité, est celui de non coupable.

12 Je n'avais pas l'intention de faire des commentaires sur les questions

13 relatives au prononcé de la peine, et j'estime que c'est quelque chose, en

14 tant que plaideur, quelque chose d'inapproprié et d'assez gênant. Ceci me

15 préoccupe car en tant qu'avocat, je ne souhaite jamais renoncer à des

16 droits qui sont ceux de mon client. Donc, ce que j'ai à vous dire ceci : si

17 après avoir attentivement examiné tous les éléments de preuve, si après une

18 analyse de tous ces domaines à partir desquels on peut faire des

19 déductions, ce qui est peut-être l'endroit où vous allez passer beaucoup de

20 temps au cours de vos délibérations, et si vous décidez qu'il a pris part à

21 ces activités, tout ou en partie, bien évidement, à ce moment-là, vous

22 aurez un devoir à accomplir. Il vous a parlé de sa famille, il vous a dit

23 qui il était. J'ai commencé par dire que c'est un homme simple, qui est

24 sans doute - vous avez lu les rapports et les rapports médicaux - il est

25 vrai que le temps qu'il a à vivre est peut-être moins long que d'autres. Je

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1 ne sais pas combien de temps il a. Il a des troubles sur le plan médical,

2 le diagnostic complet n'a pas encore fait. Il a été traité en partie, mais

3 il y a autre chose et les différents dossiers médicaux ont permis de

4 vérifier cela.

5 Ce qu'il peut apporter et contribuer à un monde futur est quelque chose

6 qui, par ses propres termes, représente une société où tous les garçons et

7 les filles vont jouer ensemble. Ce ne sera pas un homme politique. Ce ne

8 sera pas quelqu'un qui sera assis à la table de négociations. Ce ne sera

9 pas quelqu'un qui va se lancer dans ce que d'autres êtres humains

10 remarquables ont fait et feront encore, mais il vivra sa vie jusqu'à la fin

11 de ses jours, ou de ce qu'il en reste. Il vivra de façon digne, sereine et

12 tranquille. Je ne pense pas qu'il se présentera devant aucun tribunal que

13 ce soit. Il ne serait pas ici aujourd'hui s'il n'avait pas entendu des

14 coups de feu, s'il n'avait pas décidé d'aller se battre aux côtés de son

15 peuple et faire plaisir à sa famille, s'il n'avait pas écouté les requêtes

16 de sa famille, Haradin tu es trop malade, tu es trop âgé, tu n'appartiens

17 pas à tout cela. Mais il ne l'a pas fait.

18 Quel que ce soit le choix qui sera le vôtre, je vous suggère que vous ne le

19 ferez pas et que vous ne devrez pas le faire après analyse faite. Ceci

20 correspond à une période peu importante, si pour autant il y a période à

21 pendre en compte.

22 Je vous remercie de m'avoir écouté. J'espère que les observations n'ont

23 blessé personne. J'espère que ce que je vous ai dit vous fournira un

24 fondement qui vous permettra d'envisager la tâche qui sera la vôtre

25 bientôt, à savoir de décider du sort de cet homme.

Page 7480

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Guy-Smith.

2 Maître Topolski, vous avez la parole.

3 M. TOPOLSKI : [interprétation] Plaise les Juges de la Chambre. Vous allez

4 maintenant entendre le dernier argument de notre réquisitoire. En vous

5 souvenant des déclarations liminaires d'un dénommé Robert Jackson qui, à

6 l'époque, était un avocat et un collaborateur au sein de la cour suprême

7 des Etats-Unis. Lorsqu'il a prononcé ces mots, il était conseiller

8 principal de l'Accusation, il y a 60 ans devant le tribunal militaire de

9 Nuremberg, il a dit

10 ceci :

11 "Un avocat peut être confronté à un certain nombre de tâches absolument

12 extraordinaires lorsqu'il s'agit du réquisitoire, parfois il y a une très

13 grande disparité entre le temps approprié et les éléments dont il dispose."

14 D'après mes calculs, cela correspond à 87 jours d'audience, au cours

15 desquels vous avez entendu et reçu tout ceci sous forme orale et sous forme

16 écrite, ce qui correspond à un nombre très important d'éléments de preuve

17 dans le détail. Qu'allons-nous faire ? Et bien, nous allons tenter, peut-

18 être qu'il est un peu tôt pour le faire, de faire exactement ce que le juge

19 Jackson a décidé de faire, il y a 60 ans. Autrement dit, d'extraire, de

20 cette pléthore de détails, cette affaire et de vous présenter les éléments

21 de façon résumée, peut-être de parler d'éléments plus essentiels, d'établir

22 un plan au nom d'Isak Musliu.

23 Quel est notre objectif ? Notre objectif est triple : tout d'abord, nous

24 souhaitons mettre en exergue et vous fournir des commentaires sur ce que

25 nous considérons être les points forts pour et contre lui exposés dans les

Page 7481

1 mémoires en clôture de part et d'autre; deuxièmement, expliquer comment ce

2 jury composé de juristes, peut et doit constater que cette affaire portée

3 contre lui n'a pas abouti; troisièmement, de dire que cet échec est dû

4 parce que chaque chef d'accusation contenu dans cet acte d'accusation ne

5 comporte aucun élément de preuve à l'appui ou s'il existe pris en

6 particulier ou ensemble avec d'autres éléments de preuve, soit non fiable

7 ou souffre de faiblesse inhérente ou peut être contredit par d'autres

8 éléments de preuve. Ce qui rend l'ensemble de cette affaire contre Isak

9 Musliu biaisé de façon irréparable.

10 Il s'agit là d'allégations audacieuses, il est vrai mais justifiées d'après

11 nous. Il s'agit de gravir une montagne et nous allons voir comment.

12 Pouvons-nous plaider, et permettre de nous aider en ceci, quelques

13 remarques en guise d'introduction. Lorsqu'un juge anglais résumerait les

14 faits devant des jurés, lorsque l'Accusation a commencé au paragraphe 293

15 de parler du droit applicable dans leur section portant sur le droit et

16 l'application tel qu'il est illustré au paragraphe 26 des mémoires en

17 clôture conjoints à la Défense : "La charge et le critère de preuve est

18 quelque chose que vous connaissez," Article 21.

19 Vous devez être au courant de deux choses : d'abord, que les crimes

20 allégués ont réellement été commis; et deuxièmement, l'affaire contre qui

21 vous portez ces chefs d'accusation, et j'insiste là-dessus, est au-delà de

22 tout doute raisonnable que ces personnes sont responsables de ces crimes.

23 Comme nous sommes à la phase du réquisitoire dans cette juridiction-ci,

24 votre fonction en tant que Juges, représentants de loi et les faits, ainsi

25 que vos pouvoirs et vos devoirs de réglementer et de surveiller le

Page 7482

1 déroulement du procès au sens réel du terme, vous rendent, Madame,

2 Messieurs les Juges, jury composé de juristes, ce qui est quelque chose que

3 nous connaissons mal au Royaume-Uni, c'est quelque chose qui viendra. C'est

4 quelque chose que vous connaissez bien, vous qui venez de juridictions

5 différentes, bien sûr.

6 Mais vous n'êtes pas, comme on en a fait la remarque au cours des 87 jours

7 derniers, des débutants et amateurs, vous êtes des Juges professionnels.

8 Vous avez été nommé par la communauté internationale. En ce sens, vous avez

9 plusieurs tâches et, dans ce cas, votre tâche sera rendue plus difficile

10 que si vous étiez une des personnes faisant partie d'un jury profane de 12

11 personnes. Votre tâche est peut-être encore plus difficile et peut être

12 encore plus difficile pour vous de faire fi de la crainte et de la

13 suspicion qui pèsent sur vos épaules, puisqu'il vous incombe de faire

14 appliquer le critère et la charge de la preuve. Peut-être qu'il sera plus

15 difficile pour vous de démontrer qu'un accusé profane est ici devant un

16 public profane et que c'est à vous d'entendre les éléments de preuve, de

17 leur accorder du poids ou de ne pas leur accorder de poids et d'aller plus

18 loin. Des jurés ne peuvent recevoir que ce qu'un juge professionnel leur

19 permet d'entendre. Il exclut les éléments qui ne seront pas pertinents,

20 ceux qui n'ont pas d'incidence et ceux qui peuvent porter préjudice. Ce

21 jury-ci entend tout ou quasiment la totalité. C'est la raison pour laquelle

22 nous disons à quelqu'un qui nous écoute et aux accusés que la tâche vous

23 semblera peut-être plus difficile. C'est la raison pour laquelle le public

24 ou l'accusé aura besoin d'être rassuré que tout ceci sera fait avec les

25 garanties nécessaires d'équité et d'ouverture d'esprit jusqu'à la fin du

Page 7483

1 procès.

2 Du début à la fin, notre client, comme d'autres dans le box des accusés,

3 nous a fait part de ses craintes qui, pour notre client ainsi que d'autres

4 accusés, ont été calmées, ils s'en sont remis entre les mains des Juges de

5 cette Chambre, car en toute bonne foi ils pensaient placer leur avenir et

6 leur vie entre les mains de cette Chambre et ils ont estimé que cette

7 procédure est une procédure équitable. Messieurs les Juges, il s'agit

8 d'équité et non pas de faiblesse. Si la Chambre vient à décider ce que nous

9 estimons dans cette affaire contre Isak Musliu, qu'il devra, je suggère,

10 démontrer le sens exact et le vrai pouvoir que peut exercer le principe de

11 culpabilité, ceci ne peut être établi que si chacun d'entre vous en est

12 satisfait. Pour ce qui est de la jurisprudence et de l'historique de ce

13 Tribunal, on peut comprendre qu'un accusé reçoit ou donne un témoignage en

14 direct, c'est un principe inéluctable ici.

15 Si on évalue les éléments de preuve et qu'on les met en perspective cela

16 est fait de part et d'autre dans les mémoires de chacun. Tout d'abord, il

17 faut décider par rapport aux éléments de preuve qui vous sont présentés

18 lorsque vous abordez une question en particulier et vous ne pouvez tirer

19 vos déductions qu'à partir de cela. Vous devez évaluer les témoins, bien

20 sûr, des questions seront posées. Est-ce qu'ils sont venus vous aider pour

21 révéler la vérité ? Est-ce qu'ils sont venus mus par d'autres mobiles peut-

22 être moins satisfaisants ? Dans leur témoignage, est-ce qu'ils sont

23 influencés par d'autres ? Dans notre déclaration liminaire, nous vous avons

24 demandé de prendre en compte cette éventualité ou jusqu'à quel point en

25 tout cas, d'après la vieille école -- est-ce qu'il s'agit peut-être ici de

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1 régler des comptes pour certains ?

2 J'espère encore une fois que ceci pourra vous venir en aide. Lorsqu'il

3 s'agit de prendre en compte les éléments de preuve de ce trio que vous avez

4 considéré comme étant hostile, Buja, Behluli et Karpuzi, ou à considérer

5 qu'il s'agissait de prendre des déclarations préalables, nous pouvons le

6 résumer en deux phrases : nous ne les croyons par rapport au serment qu'ils

7 ont fait ici, il ne faut pas les croire du tout, ni donner foi à leur

8 déposition du tout.

9 Si on regarde les éléments qui permettent de corroborer les autres, nous

10 estimons que la seule façon de procéder, c'est de rechercher des éléments

11 de preuve par rapport à des témoins-clés 64 et 96 et sont totalement

12 indépendants.

13 Je souhaite passer à une catégorie d'éléments de preuve, celle de

14 l'identification propre à cette Chambre. Sur 28 paragraphes et 13 pages,

15 l'Accusation argue du fait que l'identification des témoins dans cette

16 affaire ainsi que les procédures adoptées pour obtenir ces identifications

17 sont fiables. A savoir s'ils avaient peut-être d'autres pensées après coup

18 et peut-être voulait changer d'avis concernant cette procédure que leur

19 attitude a pu changer.

20 Au paragraphe 151 de leur mémoire, les procédures et systèmes

21 d'identification utilisés pour toutes les identifications sont censés, je

22 cite : "Etre extrêmement fiables." Au paragraphe 152, ils sont décrits

23 comme étant, je cite : "Fiables." Au paragraphe 154, ils deviennent

24 "appropriés." La fiabilité pour l'Accusation semble être quelque chose qui

25 est défini comme suit : tout d'abord, les témoins ont entendu prononcer des

Page 7485

1 pseudonymes; ensuite, les témoins ont entendu quelle est la vrai identité

2 des accusés par le biais d'autres. L-04, par exemple, on lui a dit que

3 Qerqizi égale Musliu par Milaim Kamberi. Troisièmement, ils avancent en

4 toute confiance et fondés sur ce type de documents, et je les cite : "La

5 connaissance des victimes des pseudonymes de l'accusé au camp constitue un

6 élément de preuve irréfutable de sa présence à cet endroit-là."

7 Dans l'exemple que nous venons de donner la connaissance de

8 L-04 se fonde sur une déclaration par ouï-dire d'une source identifiée

9 qu'ils auraient pu citer à la barre, mais qu'ils n'ont pas cité à la barre,

10 ne peut pas, d'après nous, fournir un élément de preuve quel qu'il soit et

11 encore moins permettre une identification formelle de quelqu'un.

12 Par rapport à la question de la fiabilité, l'Accusation précise que les

13 victimes ont fourni "des descriptions très importantes, très précises et

14 très exactes." Ils font ici -- présentent un argument tout à fait audacieux

15 lorsqu'ils disent que : "Vojko Bakrac a décrit un homme qui correspondait à

16 la description de Musliu comme un homme d'une certaine corpulence, plus

17 petit en taille que le témoin, avec des cheveux plus foncés et portant la

18 barbe."

19 Je vais maintenant me pencher sur cet exemple pour essayer de comprendre ce

20 qu'a dit le témoin par la suite à propos de cet homme qui frappait Genov,

21 et qui correspond à la description de Musliu, au paragraphe 140 du mémoire

22 en clôture. Si vous repartez quelque 40 paragraphes, vous verrez que le

23 mémoire précise que cela correspond exactement à la description de Musliu.

24 Hier, dans la plaidoirie cela "se rapprochait pour beaucoup" de la

25 description de Musliu, et poursuit en disant, M. Bakrac, à la page 1 307.

Page 7486

1 "Question : Cette personne vous a-t-elle jamais dit quelque chose à propos

2 de ses études ou de sa formation ?

3 "Réponse :" - ceci est censé être Musliu - "Après quoi, il me dit qu'il

4 avait étudié à l'université. Il était allé à l'école PE et il connaissait

5 les arts martiaux."

6 Trois points, Messieurs les Juges, nous allons entendre parler de cela un

7 peu plus tard de L-64, nous allons en parler d'un autre homme qui

8 pratiquait le karate. Je vais garder le Tribunal ici, je vais maintenir le

9 suspense devant ce Tribunal.

10 Référence est faite à une université et à une école PE, ici, ceci ne

11 correspond pas à Isak Musliu. Il s'agit ici du même Musliu qui, vous vous

12 souviendrez, d'après le récit d'autres, portait habituellement un masque et

13 semble ici fournir une biographie personnelle à quelqu'un qui pourrait

14 l'identifier. Nous estimons qu'il ne s'agit pas là d'une description qui

15 correspond à Isak Musliu, ou quelque chose sur lequel vous puissiez vous

16 fonder qui soit suffisamment fiable, qui vous permette d'en déduire qu'au-

17 delà de tout doute raisonnable, il a été identifié formellement comme étant

18 Isak Musliu et étant personne d'autre.

19 L'Accusation avance que L-96 fait une identification formelle d'Isak

20 Musliu, je cite : "Dans des conditions extrêmement favorables." Il ne le

21 fait pas. Il reconnaît de façon affirmative Musliu, un homme qu'il dit

22 avoir connu. Musliu décide d'enlever son masque devant quelqu'un qui le

23 connaît, mais cela c'est quelque chose que je dis en passant.

24 Ensuite, il poursuit en disant qu'ils font une déclaration à couper le

25 souffle lorsqu'ils disent à propos de L-96 : "Il n'y a aucune raison pour

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1 qu'ils ne disent pas la vérité lorsqu'il a vu Musliu à la prison."

2 Bien, nous allons voir s'il n'y a pas de raisons ici avancées.

3 Ensuite, l'Accusation précise que les procédures, et les planches

4 photographiques sont fiables si elles sont correctement préparées et

5 utilisées. Je souhaite ici faire six remarques à propos de cet argument-là.

6 Premièrement, est-ce que nous pouvons, avec tout le respect que nous devons

7 à la Chambre, demander à ce que la Chambre se souvienne du contre-

8 interrogatoire de Kereakes pour pouvoir commencer à évaluer cette

9 proposition-là; deuxièmement, pouvons-nous rappeler à la Chambre que

10 l'identification est quelque chose qui doit être traitée avec la plus

11 grande précaution, ce que nous faisons nous même, car nous estimons que

12 l'on peut être très prudent. Et au niveau du jugement rendu dans Kunarac et

13 consorts, je cite : "Bon nombre de difficultés liée au processus

14 d'identification dues aux écarts de la perception humaine et de la mémoire

15 de l'homme." Comme dira un juge anglais : "Deux peuvent être aussi

16 convaincants et aussi erronés, et des erreurs peuvent également se glisser

17 dans la mémoire de quelqu'un, même si c'est un ami proche, ou même si c'est

18 un parent proche." Nous demandons, par conséquent, à la Chambre de première

19 instance de faire très attention, d'être très prudente en évaluant cette

20 catégorie d'élément de preuve. Nous vous recommandons le rapport de M.

21 Wagenaar ainsi que ses règles. Nous estimons qu'elles sont à la fois

22 modestes et censées.

23 Nous vous rappelons au sixième point, à ce Tribunal, de façon

24 générale, pour ce qui est de soi-disant identifications d'Isak Musliu, que

25 notre position est comme suit : Il n'a été identifié que parce qu'il a été

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1 reconnu par L-26. Il n'a été identifié par personne d'autre. Il n'a pas été

2 identifié par L-12. On l'a choisi parmi les photographies sur une plage

3 photographique par L-64, ce qui ne surprend personne. Un homme de l'UCK qui

4 le connaissait. L-04 l'a ensuite confronté avec l'image de Kereakes, qui a

5 utilisé cette planche pour U1. Je crois que celle-ci manque, et il a dit :

6 cela me ressemble, mais je n'en suis pas tout à fait certain.

7 Isak Musliu se trouve dans une position tout à fait unique dans ce

8 procès. Il n'y a pas eu d'identification de cet homme par quiconque, et

9 tout ce qu'il y a c'est, semble-t-il, une reconnaissance faite par L-96.

10 L'Accusation pour finir et de façon assez inhabituelle avance au paragraphe

11 157 de son mémoire que l'identification devant le box des accusés, et je le

12 cite encore une fois : "Fournit des éléments qui concordent avec les autres

13 éléments de preuve indiquant la présence de l'accusé dans la prison."

14 Deux points : si cela doit comprendre Isak Musliu, il n'y a pas eu

15 d'identification dan le prétoire de cet homme. Je dois vous le rappeler,

16 cela ne peut être pas très surprenant. Deuxièmement, l'Accusation dans son

17 argument, il faut la comparer à la jurisprudence de ce Tribunal, et je vous

18 cite un autre exemple dans l'affaire Tadic, où le Tribunal a clairement

19 indiqué qu'on ne se reposait sur cela, autrement dit, l'identification dans

20 le box des accusés, pour évaluer la crédibilité de chaque témoin.

21 L'évaluation de la crédibilité s'est fait de façon tout à fait indépendante

22 et séparée.

23 Pour poursuivre dans le même paragraphe, au paragraphe 154 [comme

24 interprété] de leur mémoire en clôture, ils font une autre affirmation très

25 inusitée. Ils disent : c'est quelque chose que nous avons déjà soulevé de

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1 temps en temps dans le cadre de notre contre-interrogatoire. Et ils disent,

2 et je cite : "Les victimes ont un intérêt particulier à s'assurer que les

3 vraies personnes responsables et non pas seulement les personnes qui se

4 trouvent au Tribunal soient tenues responsables des crimes faits. Cela vaut

5 pour chacun des témoins qui a témoigné, c'est-à-dire chaque témoin qui a

6 témoigné aurait attiré l'attention de la Chambre si les mauvaises personnes

7 étaient assises dans le box des accusés."

8 Je n'ai que deux commentaires à fournir : Agim Murtezi. Pas un seul

9 témoin que nous avons demandé n'a entrepris des démarches pour dire qui que

10 ce soit dans le monde qu'un homme faussement accusé se trouvait ici dans ce

11 box des accusés. Le désastre tragique d'une mauvaise identification a donc

12 eu lieu ici, en l'espèce, dans l'affaire d'un homme innocent, Agim Murtezi,

13 accusé faussement. Il ne peut y avoir une meilleure façon de conclure nos

14 arguments sur ce sujet très important que d'évoquer encore une fois le

15 fantôme d'Agim Murtezi, qui se représente à nous et qui frappe à la porte

16 et qui a dit : je vais fournir l'identité de la personne plus tard.

17 Des pratiques et des procédures adoptées concernant les difficultés

18 d'identification, tel que nous l'avons vu dans le cas ici dans un cas

19 général et dans le cas de Musliu, je dois dire que l'identification n'a été

20 ni fiable, ni adéquate, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'identification.

21 Cela conclut nos représentations, Monsieur le Président, Monsieur,

22 Madame le Juge. Il s'agira de questions que vous allez devoir aborder dans

23 le cadre des débats que vous aurez à faire et je vous prierais de tenir

24 cela en compte. Je voudrais dire merci. Il y a trois accusés ici devant

25 vous. Il y a trois procès séparés selon nous, entendus ensemble, car il y a

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1 eu un souci d'économie, bien sûr. Il s'agit néanmoins de trois procès

2 séparés, de trois accusés qui se trouvent devant vous. Il ne faudrait pas

3 décider de la culpabilité de l'un ou de l'autre en comparant les trois

4 accusés. Les verdicts doivent être prononcés quant à eux.

5 Eu égard aux arguments déjà présentés par Me Mansfield, et eu égard

6 au document que nous avons déjà présenté, que vous avez déjà reçu, je

7 souhaitais parler du conflit armé et des crimes contre l'humanité. Je suis

8 bien heureux de ne pas devoir le faire. Toutefois, je voudrais dire quelque

9 chose sur le conflit armé, juste ajouter un point. Je souhaiterais rappeler

10 les Juges de la Chambre que lorsqu'on parle du conflit, il s'agit des chefs

11 d'accusation 2, 4, 6, 8 et 10.

12 Les forces de l'ex-Yougoslavie et le pouvoir de l'armée yougoslave,

13 tels que présentés par l'Accusation dans leurs arguments, nous parlent des

14 forces de la RFSY. Ils disent qu'on peut comprendre qu'il y a eu une menace

15 posée par l'armée de la RFSY et beaucoup d'éléments de preuve ont été

16 présentés pour parler de l'intensité du conflit.

17 La même chose vaut pour le déploiement des forces armées, et cela

18 nous suggère encore une autre chose tout à fait autre. C'est qu'il y a eu

19 une autre raison de combattre contre les forces de l'UCK pendant la période

20 qui vous intéresse. Nous souhaiterions dire que les forces de la RFSY

21 étaient très présentes et étaient très fortes. Au cours de l'été et de

22 l'automne et de l'hiver 1998. Nous souhaiterions ajouter qu'il s'agissait

23 d'un nettoyage ethnique du Kosovo. C'est la raison peut-être pour laquelle

24 ces forces de la RFSY avaient été déployées, pour justement mener à bien

25 leur mission de nettoyage ethnique, qui était leur mission principale, à la

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1 fin du printemps et à l'automne. L'Accusation a parlé de l'UCK, des

2 "terroristes" qui étaient les membres de l'UCK. C'est la raison pour

3 laquelle ils se sont formés, pour combattre ces forces de la RFSY.

4 Pour ce qui est des crimes contre l'humanité, je parle des chefs

5 d'accusation 1, 3, 5, 7 et 9. Encore une fois, je souhaiterais que l'on

6 rappelle la définition des crimes contre l'humanité. Il serait sans doute

7 utile de se rappeler de cette définition, et je vais vous citer ce qui a

8 été dit en l'affaire Tadic : "Les crimes contre l'humanité sont des crimes

9 qui par leur ampleur et par leur caractère sauvage ou parce qu'un très

10 grand nombre de crimes ont été commis, ou par le fait qu'un schéma

11 semblable a été utilisé," et encore je parle maintenant des mots

12 principaux, "qui ont mis en danger la communauté internationale, ou qui ont

13 choqué la conscience de l'humanité."

14 Voici là les mots-clés. Vous vous rappellerez du nombre de personnes

15 disparues en l'espèce. Ils sont beaucoup plus grands que 300. Il faut

16 comparer ce nombre avec des dizaines, des centaines de milliers d'Albanais

17 Kosovars qui avaient été dé localisés et pire. Lorsqu'on parle encore des

18 crimes contre l'humanité, je souhaiterais ajouter un autre point, quelque

19 chose qui été mis à l'écart par l'Accusation plus d'une fois, et si je puis

20 dire dans les arguments très forts présentés par M. Whiting. Suzanne

21 Ringaard Petersen a produit les rapports de l'OSCE et là, et je répète,

22 elle a parlé de l'existence et des opérations d'éléments malfrats. C'était

23 leur témoin et non pas le nôtre. Elle a dit que l'UCK, dans son rapport,

24 trouvait bien difficile de contrôler car il y avait des vengeances

25 personnelles, et d'autres si vous vous rappelez, Monsieur le Président, il

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1 s'agit du paragraphe 400 dans le mémoire en clôture de la Défense.

2 Nous avançons que si l'on examine la signification qui a été utilisée

3 dans la jurisprudence de ce Tribunal lorsqu'on parle du crime systématique,

4 dans l'affaire Akajezu [phon] par exemple, de crime généralisé et

5 systématique, où nous pourrions peut-être parler de l'arrêt Blaskic, par

6 exemple, lorsque l'Accusation a également évoqué ce genre de choses.

7 Le statut de la CPI, de façon intéressante, parle d'une politique,

8 cela est bien important, et bien différent. Pour ce qui vous concerne, il

9 semblerait qu'alors qu'il ne s'agit pas d'une condition requise pour parler

10 de crimes contre l'humanité, il parle d'une politique. Il s'agit d'une

11 composante nécessaire mais non pas essentielle, nécessaire et importante.

12 Pour nous, cela représente la même chose et c'est la raison pour laquelle

13 nous avançons qu'il faudrait donner un poids, il faudrait prendre cette

14 définition; si c'est une définition que vous êtes prêts à accepter, que

15 l'on devrait choisir une politique qui mène les choses plus loin que

16 simplement des actes de terrorisme et non des cas isolés et non coordonnés.

17 Il y a un contraste que l'on peut voir dans cette affaire pour démontrer

18 d'une part l'absence et d'autre part l'absence de genre de politique dont

19 nous avons déjà fait référence.

20 En prenant les arguments présentés par l'Accusation, il faudrait les

21 comparer et les examiner de près par vous-mêmes. D'une part, l'UCK et je

22 vais vous parler des forces serbes. Je me réfère comme les forces serbes,

23 c'est donc l'instrument de l'Etat serbe, et nous aimerions dire que les

24 rangs ont été contaminés par les personnalités comme Jasevic et les autres.

25 Vous pouvez les finir comme vous voulez mais si l'on prend le

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1 document 92 bis, vous, encore une fois, pourrez revoir la déclaration du

2 témoin K-05. C'est là que vous verrez l'existence d'une politique. Ils

3 trouveront une pratique de mise à bien de crimes contre l'humanité. DM II,

4 le rapport de la MCCE, par exemple, il y a eu un incident le 4 août 1998,

5 les forces de la police serbe, les policiers, incendiaient les maisons

6 albanaises. Pour quelles raisons on incendie la maison de quelqu'un ? On

7 brûle la demeure de quelqu'un pour les chasser de cette maison, pour les

8 purger, pour purifier ethniquement votre monde d'eux. C'est la raison pour

9 laquelle, lorsque vous brûlez la maison de quelqu'un, vous le faites,

10 c'était la politique qui était pratiquée. Nous avançons que c'est une

11 comparaison que nous pouvons faire dans le cas présent, que l'on peut

12 parler ainsi.

13 Je passe maintenant à d'autres aspects de la présentation des

14 arguments de l'Accusation. Je souhaiterais parler maintenant des éléments

15 de preuve présentés par l'Accusation concernant Isak Musliu. Maintenant

16 avant de nous tourner sur cela, je souhaiterais néanmoins soulever un

17 point, un seul point concernant l'acte d'accusation. Les Juges de la

18 Chambre auront certainement déjà remarqué et avec beaucoup d'intérêt sans

19 doute qu'il n'a jamais été allégué de façon séparée, dans aucun chef

20 d'accusation, de cet acte d'accusation auquel Isak Musliu a plaidé, ou

21 qu'il aurait accusé de meurtre dans la montagne de Berisa. Je parle des

22 chefs d'accusations 9 et 10. Il n'a jamais été accusé de ces meurtres ni

23 dans l'acte d'accusation ni ailleurs.

24 Examinons, je vous prie, avec votre permission, avant la prochaine

25 pause, le premier endroit où apparaît M. Isak Musliu. Monsieur le

Page 7494

1 Président, j'essaye d'en arriver à cela, c'est-à-dire si vous voulez

2 examiner le transcript de ma présentation plus tard, vous pourrez peut-être

3 examiner le mémoire de l'Accusation et de voir de quelle façon nous avons

4 répondu à chacun de leurs intitulés. Vous saurez notre réponse. C'est-à-

5 dire que nous avons répondu à chaque point dans notre mémoire en clôture

6 écrit. Vous allez pouvoir comparer et obtenir une réponse à plusieurs

7 points de l'Accusation.

8 Lorsque l'Accusation parle des autres responsabilités de Limaj, ils

9 ont parlé dans leur mémoire, de sa responsabilité. Je souhaiterais

10 souligner deux choses. Alors ici ils citent un paragraphe du journaliste

11 Isak Musliu, paragraphe 22, et ils se servent de ce paragraphe dans leur

12 thèse de l'appui d'une structure de l'UCK lorsque Musliu parle de

13 formation, "de missions désignées et de pseudonymes." Ils disent, il est

14 tout à fait apparent au paragraphe 22, c'est ce qu'ils disent que : "déjà à

15 l'époque, au mois d'avril 1998, Limaj était connu sous le nom de Celiku."

16 Je souhaiterais inviter les Juges de la Chambre à se pencher sur le

17 transcript, à l'examiner, peut-être pas maintenant mais plus tard et de

18 lire les pages entre 502 et 505. Je souhaiterais également inviter les

19 Juges de la Chambre, s'ils croient qu'il y a quelque confusion que ce soit

20 à la citation de l'Accusation de ce journal, d'examiner le journal même qui

21 a été versé au dossier sous la cote P4. Vous verrez que ce journal n'est

22 pas un simple journal que chacun d'entre nous pourrait avoir dans sa poche,

23 mais il s'agit d'un journal qui revient sur des éléments passés, les

24 éléments présents. L'Accusation cite des passages de sorte à ce que vous

25 aurez des citations qui ne suivent pas l'ordre chronologique.

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1 Vous avez des citations du 11 juin, vous avez des citations d'une

2 autre date du 2 juin. Vous verrez que M. Lehtinen, lorsqu'il a déposé a

3 fait des commentaires sur ce journal, au tout début de ce procès. Il vous a

4 dit ces choses que je viens de vous dire mais au paragraphe 22 du mémoire

5 en clôture de l'Accusation, il cite qu'il est tout à fait clair, il est

6 tout à fait apparent. Mais nous souhaiterions dire que non, pas tout à

7 fait. Outre l'affirmation faite avec certitude qu'il n'y a pas de base qui

8 pourrait nous inciter à prendre ce journal comme un élément de preuve.

9 Je souhaiterais également faire un commentaire concernant une phrase

10 qu'a dit M. Lehtinen. C'était dans ce journal, on voyait que le 6 août

11 1998, on a créé la 121e Brigade, et il a été dit qu'il s'agissait d'une

12 structure qui existait déjà.

13 Nous aimerions dire que des éléments de preuve qui proviennent des

14 témoins de l'UCK, qui sortent de Crosland et Churcher, la formation de

15 brigades et leur développement s'est fait en réponse à des défaites très

16 importantes subies au mois de juillet et de défaites importantes qui ont

17 été identifiées au sein de la structure de l'organisation avant le mois de

18 juillet. Les composantes auraient pu exister, mais la structure, selon

19 nous, n'existait pas jusqu'à la période qui a suivi le mois d'août. Je

20 voulais faire une analogie en me servant du sport du cricket, mais ce n'est

21 peut-être pas une analogie tout à fait exacte. Je suis un Britannique. Je

22 voulais faire un exemple de cricket, mais je vais utiliser l'analogie du

23 football. Le coach peut avoir des joueurs dans son équipe mais les joueurs

24 de l'équipe n'avaient pas été choisis de jouer pour ce qui est de la

25 période après le mois d'août.

Page 7496

1 Monsieur le Président, aimeriez-vous que l'on prenne une pause maintenant

2 ou plus tard ?

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien, nous pourrions peut-être prendre

4 une pause maintenant, comme vous voulez.

5 M. TOPOLSKI : [interprétation] Pourrait-on prendre une pause maintenant, à

6 ce moment-ci ?

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons reprendre nos

8 travaux à 17 heures 50.

9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 26.

10 --- L'audience est reprise à 17 heures 53.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, allez-y.

12 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je souhaiterais formuler un commentaire et

13 apporter deux corrections. Mon commentaire est le suivant, je n'ai pas été

14 tout à fait clair, je souhaite préciser qu'il s'agissait du journal d'Isak

15 Musliu. Toutes les entrées dans ce journal sont en rapport avec l'année

16 1999. Son journal porte la cote P23 et non pas P24. Ceci est important.

17 Bien entendu, je ne voulais pas dire par là, que le conflit armé ne

18 s'appliquait qu'aux chiffres impairs des chefs d'accusation, mais à

19 l'intégralité de l'acte d'accusation en question.

20 Je souhaite parler d'une autre rubrique dans le mémoire en clôture de

21 l'Accusation, intitulée "L'UCK à Lapusnik." D'après les éléments de preuve,

22 arrivant à Lapusnik en provenance de différentes villes et villages, des

23 groupes d'hommes sont arrivés. Ils n'étaient pas coordonnés entre eux, et

24 il n'y avait pas de dirigeants directs de ces groupes. Dans la décision

25 rendue par la Chambre concernant la demande présentée eu égard au témoin

Page 7497

1 Behluli, afin d'essayer de résumer la position de ce témoin, la Chambre à

2 la page 2 740 du compte rendu d'audience, ce témoin avec l'accord de

3 l'Accusation a décrit la position avant la formation des brigades de la

4 façon suivante : "Il s'agissait de petits groupes de volontaires ou

5 d'antennes qui opéraient isolés les uns des autres ou dans le cadre

6 d'actions concertées par accord mutuel."

7 Nous pensons que cela décrit correctement la situation, certainement en ce

8 qui concerne le printemps et le début de l'été 1998. L'Accusation, bien

9 entendu, cherche à vous faire croire que l'UCK était bien plus organisée et

10 structurée que cela. Parmi ces groupes qui se sont retrouvés à Lapusnik, il

11 y en avait un dont faisait partie L-64, ainsi que Fadil Kastrati. Ils ont

12 été conduits à Lapusnik par Alushani et son groupe Zari [phon]. D'après L-

13 64, il semblerait qu'il s'agisse du même groupe. Certains des membres de ce

14 groupe étaient chargés des escortes.

15 L'Accusation avance que le 9 mai a marqué la création définitive de l'UCK à

16 Lapusnik, son installation à cet endroit. Ce qui, d'après nous, comme

17 l'indique l'évolution des combats au cours des semaines qui ont suivi,

18 n'est pas vrai. Pendant 12 semaines, ils ont essuyé des défaites. Il ne

19 s'agissait plus de coups de main, d'après l'Accusation, mais du contrôle

20 d'une zone stratégique importante. L'Unité Celiku 3 est née, des positions

21 de combat ont été établies. Comme le montrent certains registres, il y a eu

22 création d'unités, un QG a été mis en place, des barrages routiers ont été

23 érigés, ainsi de suite. La source principale de ces informations, c'est le

24 Témoin L-64 qui n'est ni honnête, ni véridique. Il a produit des registres,

25 il a parlé du fait qu'il avait creusé des tranchées, mis en place des

Page 7498

1 positions de tir, il a parlé du QG. Il a parlé, mais il n'était pas le

2 seul, il a parlé des règlements. Il a également évoqué le pouvoir qu'avait

3 Musliu de prendre des mesures disciplinaires, et ainsi de suite.

4 Il y a également la source que constitue, Ruzhdi Karpuzi, un témoin déclaré

5 hostile par la Chambre. Karpuzi vous a dit dans le contre-interrogatoire

6 dont il a fait l'objet, qu'il avait reçu un uniforme en décembre 1998. Il

7 est arrivé à Lapusnik par tracteur et à pied; il vous a indiqué sur une

8 carte des positions; il vous a dit que Voglushi avait été élu l'un des

9 chefs et Qerqiz.

10 "Nous avons demandé à Voglushi qu'il soit notre dirigeant. Qerqiz n'a

11 pas été élu en tant que seul et unique commandant de Lapusnik," a-t-il dit.

12 J'ai essayé de mon mieux lors du contre-interrogatoire de contester cela.

13 "Question : Je vous soumets la proposition suivante : Qerqiz a été proposé

14 pour devenir le chef de l'une des unités de Lapusnik ?

15 "Réponse : Vous avez raison, il se trouvait à la position numéro 1.

16 "Question : Qui était son chef là-bas ?

17 "Réponse : Zogi, surnommé Mjeshtri. Il a gardé des registres concernant les

18 soldats."

19 Il a dit, contrairement à L-64, qu'il gardait des registres concernant les

20 prisonniers. Qerqizi a chanté dans l'oda de la propriété; ce qui devrait

21 jouer en faveur de Musliu, venant d'un témoin hostile à l'Accusation. Mais

22 c'est à vous de décider de cela.

23 Ce témoin ne s'est rendu à aucun autre endroit de la propriété,

24 hormis l'oda. L'Accusation voudrait vous faire croire que tous ceux qui

25 entraient dans cette enceinte savaient ou devaient savoir ce qui s'y

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1 passait. Dans sa demande en vue de considérer le témoin comme hostile,

2 l'Accusation a évoqué quatre points. Les points en question concernaient la

3 cérémonie de prestation de serment et le fait que M. Limaj était un chef;

4 le fait que Limaj avait été vu à Lapusnik; le fait qu'on l'appelait Celiku;

5 il est également question de Shala.

6 Par conséquent, la demande présentée par l'Accusation n'avait rien à voir

7 avec ce que le témoin avait dit jusque là au sujet de Musliu, ni au sujet

8 de la structure ou de l'organisation, ce qui a été évoqué lors du contre-

9 interrogatoire mené par la Défense.

10 Karpuzi sur ce point est crédible. Pour le reste des éléments de preuve à

11 charge sur ce point, il faut considérer également la déposition de L-64.

12 Soyons tout à fait clairs. Il y avait effectivement des tranchées et des

13 positions de tir, bien entendu; il y avait des registres, bien sûr; des

14 journaux; il y avait un endroit ou plusieurs endroits appelés QG; à un

15 certain moment, des sanctions disciplinaires ont été prises, nous avons

16 évoqué ce sujet lors du contre-interrogatoire de L-64. Cela étant, nous

17 avançons qu'il n'y a aucun élément de preuve solide ou fiable indiquant que

18 Musliu a participé à des activités permettant de prouver qu'il occupait la

19 position suggérée par l'Accusation. Quelle est cette position ?

20 L'Accusation affirme maintenant, je souligne "maintenant" qu'il était le

21 commandant à Lapusnik et au camp. Voilà à présent la théorie de

22 l'Accusation. Ce qui m'amène logiquement à la rubrique suivante évoquée

23 dans le mémoire en clôture : "Le camp de Lapusnik."

24 Là, on invoque quatre points à l'appui de la thèse selon laquelle il

25 existait véritablement un camp à Lapusnik. Les témoins ont reconnu

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1 l'endroit, le secteur. Des documents ont été retrouvés après le mois de

2 juillet, après le 26 juillet. Parlons de Jasevic et de la déposition de

3 Buja au sujet de L-07.

4 Au paragraphe 29 du mémoire préalable au procès de la Défense, nous

5 avons exposé notre position de façon tout à fait claire. Notre position n'a

6 pas changé depuis. Notre devoir, et nous l'avons rempli, a été de tester,

7 d'examiner la thèse de l'Accusation. Nous n'avons pas changé de position

8 depuis. S'il existait un tel endroit, il n'en reste pas moins qu'Isak

9 Musliu n'a pas été impliqué là-dedans.

10 Le rôle des accusés à Lapusnik et dans le camp. Nous allons diviser les

11 arguments en deux sur ce point. Le rôle de commandement et la

12 responsabilité individuelle. Je parlerai d'abord du rôle de commandement.

13 La théorie consiste à dire que Musliu était commandant subordonné à Limaj.

14 L'Accusation affirme au paragraphe 117, que personne n'a contesté, que

15 Musliu était le commandant Celiku 3 à Lapusnik. Compte tenu de la

16 déposition de M. Limaj sur ce point, je n'ai pas l'intention de contester

17 cela. Ce qu'il convient de mettre en doute, en revanche, c'est le fait que

18 Musliu était le commandant de Lapusnik alors qu'il n'était qu'un commandant

19 parmi d'autres. Il y avait plus d'une unité à Lapusnik et dans les

20 environs. Selon nous, il n'y avait pas de commandant de l'ensemble de ces

21 unités, et il n'y avait pas de commandant du nom de Qerqizi chargé du

22 contrôle global de ces villages. J'espère avoir été clair.

23 L'Accusation n'a pas évoqué ce point dans son réquisitoire. Pour notre

24 part, nous nous reposons sur la description faite par Musliu de son rôle

25 dans un entretien très important, daté du 24 mai 2001. Selon l'Accusation,

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1 il s'agit d'un tissu de mensonges. Selon nous, ce n'est pas le cas.

2 Pourquoi considérons-nous que cet entretien est "extrêmement important" ?

3 Je vais vous dire pourquoi.

4 Musliu a été interrogé en tant que témoin et non pas en tant que

5 suspect. Il était seul, sans avocat, et cet entretien a eu lieu presque

6 deux ans avant son arrestation. Nous vous invitons à tirer les six

7 conclusions suivantes au sujet de cet entretien.

8 Premièrement, lorsqu'il a été interrogé, il n'y avait aucune raison de

9 penser qu'il était soupçonné. Deuxièmement, à l'époque où l'entretien a été

10 mené, il était policier en exercice. Il devait bien se rendre compte de

11 l'importance de cet entretien et des questions qui lui étaient posées.

12 Troisièmement, vous pouvez tout à fait conclure qu'à ce stade, il ne savait

13 rien du droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne le

14 conflit armé ou les crimes contre l'humanité. Il ne savait rien là-dessus,

15 et il n'avait aucune raison de ne pas être sincère au sujet des positions

16 qu'il occupait. Quatrièmement, il n'aurait pas pu savoir, à ce moment-là,

17 que quatre ans plus tard, le bureau du Procureur de ce Tribunal chercherait

18 à faire de lui un commandant. Cinquièmement, il n'était pas

19 particulièrement vigilant. Il n'avait aucune raison d'être sur ses gardes à

20 ce moment-là. Sixièmement, vous pouvez en conclure par conséquent que dans

21 cet entretien, son récit est honnête et véridique. Dans l'une des réponses

22 qu'il donne, il affirme qu'il était chef d'équipe, un chef parmi d'autres.

23 Il dit qu'il n'était pas le commandant de cet endroit, qu'il y avait

24 d'autres unités et d'autres commandants.

25 Sur quoi se fonde l'Accusation pour affirmer que Musliu était le

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1 commandant ? Les dépositions de L-64, un registre trouvé à la position

2 numéro 1, où il est fait mention d'une visite de l'ambassadeur Hill et où

3 on fait état du commandant Qerqiz à 4 heures, le 26 juin 1998, le

4 témoignage du Dr Gashi et le fait que Fatmir Limaj a déclaré qu'il était

5 commandant de Celiku 3. Pris ensemble, affirme l'Accusation, ces éléments

6 sont solides et indiquent qu'il était le commandant. Parlons-en de façon

7 plus détaillée.

8 L-64 affirme qu'il ne savait pas si Qerqizi avait arrêté qui que ce soit,

9 ou donné des ordres en ce sens, mais il a vu qu'il pouvait entrer dans le

10 camp de prisonniers. Il l'a vu à deux ou trois reprises rentrer dans ce

11 camp. Je vous renvoie à la page 4847 du compte rendu d'audience, il dit :

12 "Mon opinion à son sujet était qu'il était commandant. Je ne sais pas

13 qu'il était responsable de la prison, ou qu'il y exerçait les moindres

14 responsabilités, mais il était commandant et il occupait une position

15 hiérarchique et supérieure à celle des soldats qui s'y trouvaient. C'est la

16 vérité."

17 L-96 a lui aussi parlé de la participation de Musliu aux activités du camp.

18 Ramiz Qeriqi a déclaré à la page 3 595 du compte rendu, je cite : "Musliu

19 aurait pu être commandant de section, chargé de 20 soldats tout au plus.

20 C'est possible. Je ne sais pas exactement. Il était commandant de section."

21 Fadil Kastrati, lorsqu'il a demandé l'autorisation de quitter Lapusnik en

22 juin ou en juillet, ne savait pas à qui s'adresser. Lorsque finalement il

23 s'est adressé à Qerqiz, il s'agissait plutôt d'une conversation, d'une

24 consultation dans le cadre de laquelle Qerqiz lui a donné cette

25 autorisation. Je vous renvoie aux pages

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1 2 610 et 2 611 du compte rendu.

2 Byslym Zyrapi s'est rendu à Lapusnik en mai ou en juin. Lors de l'une

3 de ses visites, il a dit que le commandant de Lapusnik s'était présenté.

4 Comment s'appelait-il ? Voglushi. Page 6 826 du compte rendu d'audience.

5 Bien entendu, l'Accusation n'en parle pas du tout.

6 Shukri Buja a dit qu'il y avait un commandant pour chaque unité.

7 Voulait-il dire par là que Qerqiz ou Voglushi étaient responsables de

8 Lapusnik ? Ceci est quelque peu ambigu. En tout état de cause, toutes les

9 affaires que Buja devait régler, il les a réglées avec Voglushi. Il a été

10 clair sur ce point. En revanche, il n'a pas été très clair sur la question

11 de savoir qui commandait.

12 Pourtant, l'Accusation, sans vergogne, dans son mémoire en clôture et dans

13 son réquisitoire, affirme que Voglushi Alushani était commandant en second,

14 et que certains le considéraient comme un chef. Je ne sais pas quels

15 éléments de preuve étayent cette thèse.

16 Quant au registre de la position 1 et de la visite effectuée par

17 l'ambassadeur, je souhaiterais dire la chose suivante : la provenance de ce

18 registre et de son exactitude n'ont pas été suffisamment établies par

19 l'Accusation. Aucun élément de preuve n'a été présenté quant aux questions

20 de savoir d'où venait ce document, de quand il datait, dans quelles

21 circonstances cette entrée a été mentionnée dans le registre ? Rien n'a été

22 présenté. Le Dr Gashi a dit, que selon lui, Qerqiz était le chef de l'UCK à

23 Lapusnik. Lors du contre-interrogatoire, il a reconnu qu'il n'avait aucune

24 connaissance directe sur la question de savoir qui commandait l'UCK.

25 Enfin, il s'agit d'un point particulièrement important.

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1 M. Limaj a été tout à fait clair dans ses propos, lorsqu'il a affirmé que

2 M. Musliu était le commandant de Celiku 3 ou qu'il l'était devenu à un

3 moment donné. Il a par ailleurs clairement affirmé, qu'il y avait d'autres

4 unités à Lapusnik et dans les environs; Guri et Pellumbi. Lors de la

5 bataille menée le 25 juillet, M. Limaj vous a dit, à la page 6 539 du

6 compte rendu d'audience, qu'il y avait des éléments des unités de Celiku 1

7 et 2 qui avaient participé au combat également.

8 Donc, qu'en est-il du rôle de commandant joué par Musliu que ce soit

9 à Lapusnik ou dans le camp ? Nos commentaires et nos arguments à ce sujet

10 sont exposés en détail dans les paragraphes 1 008 à 1 035 de notre mémoire

11 en clôture. Aucun des témoins que nous n'avons mentionnés n'affirment que

12 Musliu était le commandant responsable de crimes commis au sein d'une

13 prison ni qu'il était responsable de cette prison ou qu'il commandait les

14 soldats se trouvant dans cette prison. Les seuls témoins, selon nous, qui

15 tiennent les propos différents sont les témoins L-96 et L-64.

16 Qu'affirme L-96 ? Il affirme que Musliu a dit à Murrizi de lier ses mains.

17 L-96 n'était pas bien sûr du rôle joué par Musliu ou de son autorité de

18 commandement. Selon nous, compte tenu de l'appel interjeté par Josipovic,

19 l'un des appelants dans l'affaire Kupreskic, paragraphes 354 à 357 de

20 l'arrêt Kupreskic, même si la Chambre était tentée d'accepter comme étant

21 vrai les propos de L-96 sur ce point, nous pensons que des instructions

22 aussi simples qui auraient pu être données à une personne de grade égal ou

23 à un subordonné, ne constitue pas des éléments de preuve d'un commandement

24 exercé de jure ou de facto.

25 L-64 a reconnu, lors du contre-interrogatoire, qu'il ne savait rien au

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1 sujet de la structure de commandement. Il a dit : "Je connaissais certains

2 noms, mais je ne savais quel était le grade de ces personnes." Page 4 708

3 du compte rendu.

4 Puis, venons-en à l'incident évoqué par L-64 et utilisé par l'Accusation

5 dans son mémoire en clôture pour étayer la thèse selon laquelle Musliu

6 avait le pouvoir de prévenir ou de punir des crimes, pouvait renvoyer un

7 homme chez lui parce qu'il souffrait de problèmes de reins car il buvait de

8 la bière, même si cela est vrai, nous affirmons que L-64 utilise cet

9 incident pour dissimuler le fait que lui-même a été désarmé. Ceci ne doit

10 pas être considéré comme une preuve du pouvoir exercé par Musliu de

11 prévenir ou de punir des agissements criminels, notamment ceux qui lui sont

12 reprochés dans l'acte d'accusation.

13 L-64 a également affirmé que Musliu avait le pouvoir de libérer des

14 prisonniers. Nous n'avons vu aucune preuve émanant d'anciens prisonniers ou

15 de membres de l'UCK étayant le rôle que Musliu jouait en matière de

16 libération, rien en dehors de L-64, rien pour confirmer ou corroborer L-64

17 sur ces points. Nous ne pouvons pas -- aucune déclaration de culpabilité ne

18 sera être prouvée sur la base du témoignage de L-64. Voilà ce qu'il en est

19 du commandement.

20 A propos de la responsabilité individuelle. Des preuves relatives à la

21 participation de Musliu dans le fonctionnement du camp ont été apportées

22 par L-64 et L-96. Des preuves relatives aux sévices physiques qui auraient

23 été commis par M. Musliu, ont été apportées par les témoins L-06, L-12, L-

24 96 ainsi que par les Bakrac. Je n'évoquerai pas les allégations de meurtre

25 des cinq personnes du camp.

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1 Nous pensons qu'il vaut mieux s'en tenir au sujet par ordre

2 chronologique, tels qu'ils sont évoqués dans les mémoires en clôture de

3 l'Accusation. Par conséquent, je vais parler de la participation à ces

4 meurtres tels qu'allégués. Et parlons des crimes commis au camp. Nous

5 espérons que cela plus facile de comprendre nos arguments.

6 Rubrique suivante dans le mémoire en clôture de l'Accusation, les

7 preuves relatives à l'identification. J'en ai parlé. Je n'ai rien à ajouter

8 là-dessus. Donc, je vais passer à la rubrique suivante."La politique menée

9 par l'UCK afin de prendre pour cible les collaborateurs." J'ai parlé déjà

10 de la politique appliquée dans le contexte des crimes contre l'humanité.

11 Cette rubrique, "La politique de l'UCK aux fins de prendre pour cibles les

12 collaborateurs." Vous vous souviendrez certainement dans cette affaire,

13 qu'il ne s'agit pas d'une affaire ici contre l'UCK. Je vais poursuivre. En

14 acceptant qu'une partie belligérante a la capacité de traiter les questions

15 de menaces à sa sécurité, l'Accusation insiste sur le fait qu'une telle

16 conduite doit être régie par le droit international humanitaire dans un

17 conflit armé. On ne peut pas ne pas être d'accord avec cela.

18 Les preuves de Safiulin le journaliste russe, démontre que jusqu'au

19 moment des mauvais traitements, et pis encore, d'un membre de son parti, la

20 conduite de cette équipe de caméramans, ce jour-là, en temps de guerre ou

21 dans une zone de guerre, frôlait l'imprudence délibérée, justifiant le fait

22 qu'il soit au cœur même de la -- ou à l'intérieur même -- au centre de la

23 zone de guerre qu'ils étaient aient été arrêtés, détenus et interrogés.

24 Bien sûr, je n'ai rien dit qu'ils avaient l'intention ici, en réalité,

25 d'excuser ou d'expliquer ce qui s'est passé et de savoir ce qui est advenu

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1 de son interprète. Bien sûr, que non. Mais nous suggérons de même qu'on

2 pouvait être arrêtés à des barrages routiers, on pouvait être fouillés à un

3 barrage routier. On ne peut pas s'opposer à cela. La question-clé, bien

4 évidemment, est de savoir si une politique avait été mise en place aux fins

5 de prendre pour cibles les collaborateurs, et si Musliu a joué le rôle

6 qu'on lui impute dans sa mise en œuvre.

7 Messieurs les Juges, M. Krasniqi était, à première vue, une

8 personnalité importante au sein de l'UCK et un témoin important dans ce

9 procès. Vous vous souviendrez peut-être, et vous serez peut-être d'accord

10 pour dire que c'est un homme intelligent, un homme qui s'exprimait bien, un

11 homme, qui je dois dire, souhaitait véritablement se présenter d'une

12 certaine façon devant le Tribunal. Oui, peut-être qu'à certains moments,

13 c'est à vous d'en décider. Peut-être qu'il était quelquefois quelque peu

14 arrogant, qu'il avait tendance à rejeter les choses d'emblée, et qu'il,

15 dans certains cas, était assez insensible lorsqu'il s'agissait de parler

16 des questions de collaboration. Sa définition des collaborateurs comme

17 étant des recrues, des services de Sûreté serbes, comme il l'a dit, "qui

18 servaient le régime serbe violent," justifiait à ses yeux ces

19 interrogatoires, ses détentions, et dans les cas extrêmes, bien évidemment

20 leur exécution.

21 Il a donné un témoignage tout à fait clair et sans équivoque pour indiquer

22 que cela ne faisait pas partie de la politique de l'UCK que d'enlever, de

23 torturer ou d'exécuter les personnes innocentes. Ce sont des preuves que

24 nous souhaitions que vous acceptiez, et nous arguons du fait qu'une telle

25 politique n'existe pas. Si par rapport au communiqué fourni par Krasniqi,

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1 et en guise de preuve que ceci a échoué, nous demandons à la Chambre de

2 faire attention et d'être très prudents quant aux déductions qui pourraient

3 être faites à partir de déclarations qui lancent des confettis de part et

4 d'autre. La première perte dans une guerre est quelque chose -- la première

5 perte en homme est la vérité. Ceci vous aidera peut-être lorsque vous vous

6 souviendrez de cette maxime.

7 Je vais maintenant parler de la rubrique suivante présentée par

8 l'Accusation, le point de mire de ce Tribunal: les crimes commis au camp,

9 la différente -- son comportement allégué ici contre M. Musliu en tant que

10 responsable à la fois comme commandant et comme auteur. Nous allons essayer

11 de mettre ne exergue la position de l'Accusation, et nous ferons des

12 commentaires nous-mêmes en présentant nos propres arguments pour vous

13 permettre évidemment de les comparer.

14 Les enlèvements et le reste. Commençons d'abord par cela, s'il vous plaît.

15 Une partie de l'entreprise -- faisant partie de l'entreprise criminelle

16 commune. Il n'est pas suggéré, il n'y a aucun élément permettant de

17 suggérer que Musliu a pris personnellement à cela. C'est intéressant, nous

18 remarquons. Mais étant donné que d'autres qui détenaient des positions

19 d'autorité et de responsabilité, eux, ont pris part à cela. Il est curieux

20 de constater du moins que s'il était tellement concerné par cela, il n'y a

21 pas une trace de preuve qui place Musliu près de, ou en tous cas, ayant

22 pris par de près ou de loin à un acte d'enlèvement.

23 Les conditions de détention. L-04 a parlé de Qerqizi qui enlevé Ademi et

24 Ahmeti en laissant deux Serbes sur place. Je n'ai pas demandé à ce qu'un

25 pseudonyme -- qu'une liste de pseudonymes soit affichée à l'écran, parce

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1 que lorsqu'on parle de ce groupe de témoins, il est parfois utile de se

2 rappeler qui est qui.

3 L-04 ne connaissait pas leurs noms de ces deux hommes qui ont enlevé Ademi

4 et Ahmeti. On lui a ensuite posé la question, - et moi je le pense, - et

5 c'est l'argument que je vous présente, c'est le pire exemple de toutes

6 questions suggestives. Maintenant, M. Cayley, il est parti maintenant.

7 Donc, je peux en parler :

8 "Est-ce Qerqizi qui a enlevé les deux Serbes ?"

9 Et prévenu par vous, Monsieur le Juge, je vous ai demandé de faire plus

10 attention. La réponse inévitable en guise de confirmation a été donnée par

11 le témoin. Ces hommes sont morts, a-t-on dit, aux mains d'Isak Musliu, sans

12 autres éléments de preuve, sans autres actes commis par lui. Nous

13 reviendrons sur la question du meurtre plus tard.

14 Interrogatoire et la rubrique suivante. Ici, il est allégué que Musliu

15 était personnellement et directement impliqué ici. Nous allons voir ce que

16 le témoin pertinent avait à dire un peu plus tard dans le détail sur cette

17 question-là. Un commentaire, néanmoins, si vous me le permettez, sur les

18 éléments de preuve présentés par l'Accusation et une recommandation quant à

19 leur utilisation en matière de corroboration. Un exemple important.

20 D'après nous, Vojko Bakrac a parlé de l'interrogatoire de Stamen Genov par

21 Musliu qui parlait de lui où l'a appelé un sergent, ou l'appelé sergent.

22 C'est ce que l'Accusation utilise pour dire qu'il y a ici un élément de

23 preuve incriminant. Qu'invoque t-il ici ? Genov et sa déclaration qui a pu

24 être retrouvée, décrit son travail comme un médecin qui, au sein de la JNA,

25 médecin de la JNA. Cela est leur argument. Qu'il s'agit là de quelque chose

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1 qui corrobore ce qui a été déjà dit par rapport à l'identification de cet

2 homme, et que cet homme est celui qui a battu Genov. Il ne s'agit

3 absolument pas de corroboration ici, d'après nous. Il s'agit encore moins

4 de démontrer la participation de Musliu à cela.

5 Les passages à tabac et autre exactions. Genov -- le passage à tabac de

6 Genov est décrit ici et ressort du reste. Nous avons parlé de la critique

7 de l'Accusation, de leur position à cet égard, lorsqu'ils disaient cela

8 "correspondait à la description de Musliu." Ensuite, dans le même souffle,

9 il parle de Musliu. C'est ce que nous avançons ici. Il s'agit ici d'une

10 joute verbale que l'on fait devant un prétoire, et c'est de la pire sorte

11 de rhétorique de ce type. L'accusé est accusé de meurtre, et tout ce qu'il

12 peut faire, c'est dire qu'il correspond à la description de l'homme qui a

13 torturé. Cela est purement et simplement insuffisant.

14 Assassinat. C'est lui qui, de sa main, est accusé d'avoir tué des personnes

15 qu'il connaissait, qui sont sur la liste. Maintenant, nous avons Sinica

16 Blagojevic. En toute confiance, si on prend le cas d'Ademi et Ahmeti, par

17 exemple, l'Accusation affirme qu'ils ont prouvé au-delà de tout doute

18 raisonnable, qu'ils ont été assassinés après avoir été enlevés dans

19 l'étable par Isak Musliu. Ils vont encore plus loin. En réalité, ils

20 avancent qu'ils ont été assassinés par Isak Musliu. Nous allons revenir sur

21 la question du meurtre un peu plus tard.

22 Regardons maintenant les arguments en réponse que nous avons fournie. La

23 responsabilité de Musliu, conformément à l'Article 7(1) par rapport au

24 meurtre. Nous allons remonter dans l'acte d'accusation pour la dernière

25 partie aujourd'hui.

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1 Les chefs d'accusation 7, 8; torture, actes inhumains, traitements

2 cruels, emprisonnement et traitements cruels, chef d'accusation 1 et 2.

3 Messieurs, Madame, Messieurs les Juges, je ne vais pas terminer

4 aujourd'hui. Si vous estimez avoir entendu trop d'arguments aujourd'hui, je

5 peux tout à fait m'arrêter. Je retrouverai un autre moment pour continuer.

6 Je comprends fort bien qu'il est difficile d'écouter -- entendre la même

7 voix, même si cette voix est une belle voix.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, avez-vous pensé au

10 temps dont vous aurez besoin encore ?

11 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je n'aurai pas terminé ce soir, mais

12 j'aurais terminé lors de la première séance demain même si je m'arrête

13 maintenant.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette invitation est tellement

16 tentante.

17 M. TOPOLSKI : [interprétation] C'est ce que je pensais.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience et

19 reprendre demain 14 heures 15.

20 --- L'audience est levée à 18 heures 33 et reprendra le jeudi 1er septembre

21 2005, à 14 heures 15.

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