Le Procureur c/ Pasko Ljubicic

Affaire n° IT-00-41-PT

DÉCISION RÉVISÉE

LE GREFFIER ADJOINT,

VU le Statut du Tribunal tel qu’adopté par le Conseil de sécurité en vertu de la résolution 827 (1993), et en particulier ses articles 17 et 21,

VU la Décision du 17 décembre 2004 (la « Décision du Greffe »), dans laquelle le Greffe a conclu que Pasko Ljubicic (l’« Accusé ») était partiellement indigent et qu’il était à même de contribuer au règlement des frais de sa défense à hauteur de 31 503 dollars des États-Unis d’Amérique (« dollars »),

VU les documents fournis à l’appui de la Décision du Greffe, déposés à titre confidentiel et ex parte, et en particulier l’Appendice I,

ATTENDU que le Greffe a, depuis le 15 décembre 2004, ajusté la formule utilisée pour établir la contribution d’un accusé au règlement des frais de sa défense, que l’application de la formule ajustée est plus à l’avantage de l’Accusé, et qu’il convient donc de déterminer à nouveau sa contribution,

REND la présente décision révisée, à laquelle est joint un Appendice I confidentiel et ex parte également révisé :

VU le Règlement de procédure et de preuve, tel qu’adopté par le Tribunal le 11 février 1994 et modifié ultérieurement (le « Règlement »), et en particulier ses articles 44 et 45,

VU la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense, telle qu’adoptée par le Tribunal le 28 juillet 1994 et modifiée ultérieurement (la « Directive »), et en particulier ses articles 6, 7, 8, 10, 11 A) et 18,

ATTENDU que, le 22 novembre 2001, Pasko Ljubicic (l’« Accusé ») a soumis une première déclaration de ressources par laquelle il demandait à bénéficier de l’aide juridictionnelle, au motif qu’il ne disposait pas de moyens suffisants pour rémunérer ses Conseils, et que le Greffe commette d’office Me Tomislav Jonjic, avocat à Zagreb, comme Conseil principal à sa défense,

ATTENDU que, le 5 décembre 2001, le Greffe a commis d’office Me Jonjic comme Conseil principal à la défense de l’Accusé à titre temporaire pour une période de 120 jours, et que, le 4 avril 2002, le Greffier a commis d’office Me Jonjic à titre permanent à la condition que l’Accusé fournisse au Greffe des documents financiers probants,

ATTENDU que, le 13 mars 2003, l’Accusé a soumis sa deuxième déclaration de ressources, et que le Greffe a ensuite présenté un rapport relatif à la situation financière de l’Accusé (Report on the Financial Status of the Accused) (le « Rapport du Greffe »), dans lequel le Greffe a conclu que l’Accusé était capable de contribuer au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU que, le 19 février 2004, l’Accusé a soumis au Greffe une troisième déclaration de ressources en application de l’article 7 C) de la Directive,

VU les documents fournis à l’appui de cette troisième déclaration de ressources, déposés à titre confidentiel et joints à la présente décision,

Méthode du Greffe

ATTENDU que, en mai 2004, le Greffe a adopté une nouvelle méthode conformément à l’article 8 de la Directive, afin de déterminer si l’accusé dispose de moyens suffisants pour rémunérer un conseil (la « Nouvelle méthode du Greffe »),

ATTENDU que la Nouvelle méthode du Greffe s’applique aux affaires portées devant le Tribunal après qu’elle a été adoptée et, au cas où elle serait financièrement plus à l’avantage de l’Accusé, aux affaires dans lesquelles le Greffe avait déjà déterminé le degré d’indigence de ce dernier selon la méthode précédente,

ATTENDU qu’il serait financièrement moins avantageux pour l’Accusé d’appliquer la Nouvelle méthode du Greffe à sa situation financière actuelle que d’appliquer la méthode précédente,

ATTENDU que la méthode du Greffe précédente avait été établie conformément à l’article 8 de la Directive, et qu’elle dispose que tous les actifs de l’accusé sont pris en compte, que les dépenses mensuelles moyennes du ménage de celui-ci sont alors déduites et qu’un barème de contributions raisonnables est appliqué au résultat afin de déterminer le degré d’indigence de l’accusé,

ATTENDU que les paragraphes B) et C) de l’article 8 de la Directive disposent que :

B) Pour déterminer si le suspect ou l’accusé a ou non les moyens de rémunérer un conseil, sont prises en considération les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, Sles pensions,C les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui, pour autant qu’il soit raisonnable de prendre ces ressources en considération.

C) Il peut également être tenu compte des signes extérieurs de richesse du suspect ou de l’accusé ainsi que des biens, meubles ou immeubles, dont il a la jouissance, et du fait qu’il en tire ou non un revenu.

ATTENDU que l’Accusé a une épouse et une fille qui résident en Bosnie-Herzégovine (« B-H »),

ATTENDU en outre que le Greffe considère que l’épouse et la fille de l’Accusé sont des personnes vivant habituellement avec celui-ci au sens de l’article 8 B) de la Directive puisque l’Accusé n’a fourni aucune preuve qu’il n’habiterait pas avec elles s’il n’était pas en détention,

ATTENDU que le Greffe reconnaît qu’en application du régime de la communauté de biens en B-H, où l’Accusé et son épouse se sont mariés, tout actif acquis grâce au travail de l’un ou l’autre des conjoints durant la vie conjugale constitue un bien commun et peut donc être pris en considération dans le calcul de la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU qu’aux fins de calculer le degré d’indigence de l’Accusé, le Greffe a pris en ligne de compte, conformément à l’article 8 de la Directive, les actifs que possèdent actuellement l’Accusé et son épouse, à savoir leurs revenus et comptes bancaires, leurs biens immobiliers, y compris une maison en Croatie – ainsi que son mobilier –, un terrain et un appartement en B-H, et une automobile,

Revenus et comptes bancaires

ATTENDU que, selon l’article 8 B) de la Directive, peuvent être inclus parmi les ressources de l’accusé ses revenus directs et ses actifs ainsi que ceux de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que l’Accusé ne perçoit aucun salaire et a reçu une aide financière sporadique depuis qu’il est détenu,

ATTENDU que l’Accusé dispose d’un compte bancaire au Quartier pénitentiaire des Nations Unies (le « Quartier pénitentiaire ») dont les ressources sont en partie constituées d’indemnités, versées à l’Accusé par l’Organisation des Nations Unies, qui ne peuvent être considérées comme étant un revenu visé par l’article 8 B) de la Directive,

ATTENDU que, au jour de la présente décision, le solde du compte bancaire de l’Accusé est négligeable,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé travaille et perçoit un salaire mensuel,

ATTENDU qu’est inclus parmi les ressources de l’Accusé, le total des revenus à percevoir par celui-ci, son épouse et sa fille à compter de la date de la présente décision et jusqu’au terme de la période durant laquelle il est prévu que l’Accusé devra être représenté devant le Tribunal international,

Biens immobiliers

ATTENDU que le Greffe peut inclure parmi les ressources de l’accusé tout bien immobilier appartenant à celui-ci, à son conjoint ou aux personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire en titre d’une maison en Croatie dont il peut céder une partie en location, bien que le Greffe n’ait obtenu aucune preuve de son intention de prendre une telle disposition à l’avenir,

ATTENDU que l’Accusé et son épouse sont propriétaires de meubles dans cette maison en Croatie,

ATTENDU que la valeur du mobilier se trouvant dans les biens immobiliers que possède l’accusé peut être exclue de ses ressources à moins qu’elle n’excède ses besoins raisonnables et ceux de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que le mobilier de la maison que possède l’Accusé en Croatie n’excède pas les besoins raisonnables de celui-ci, de son épouse et de sa fille, de sorte qu’il n’est pas pris en ligne de compte dans le calcul de la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire en titre d’un terrain dont il a hérité en B-H,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé est propriétaire en titre d’un appartement en B-H où elle réside actuellement avec la fille de l’Accusé,

ATTENDU que, puisque l’épouse de l’Accusé est devenue propriétaire dudit appartement à la suite d’une donation par les frères et le beau-frère de l’Accusé, le Greffe considère que l’appartement et son contenu n’entrent pas dans le champ d’application du régime de la communauté de biens auquel sont soumis l’Accusé et son épouse,

Automobile

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé est la propriétaire en titre d’une automobile achetée neuve en 2001, et qu’en application du régime de la communauté de biens en B-H ladite automobile est considérée comme un bien commun puisqu’elle a été acquise pendant la vie conjugale,

La formule

ATTENDU que les actifs devant être inclus dans le calcul de la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense sont la maison en Croatie et son mobilier, le terrain en B-H et l’automobile, et que seul le salaire de l’épouse de l’Accusé peut être pris en compte en tant que revenu,

ATTENDU que, dans le cadre de la méthode qu’il appliquait précédemment, le Greffe a mis au point une formule qui a pour but de faire en sorte que l’accusé partiellement indigent contribue au règlement des frais de sa défense en payant un certain nombre d’heures de travail, proportionnellement à ses revenus et sans épuiser les ressources de son ménage. Le Greffe est d’avis que la contribution de l’accusé au règlement des frais de sa défense ne doit ni entraîner l’épuisement de ses ressources liquides et autres actifs ni priver de ressources les personnes qui sont à sa charge. La formule est la suivante :

CAV + S(NI – AE x M - EE) x TC  
4
 
________________________ = D
T
 

où :

CAV est la valeur totale des actifs dont disposent l’accusé et les membres de sa famille vivant habituellement avec lui.

NI représente les revenus mensuels des membres de la famille de l’accusé vivant habituellement avec lui.

AE représente les dépenses mensuelles moyennes par personne dans un ménage de quatre personnes en Croatie, d’après les statistiques officielles. Ces dépenses comprennent les frais de nourriture et de boisson, de logement, de transport, de communication, d’habillement, d’enseignement, de culture, d’hygiène et de santé.

M est le nombre de membres du ménage de l’accusé, ce dernier y compris.

T représente l’estimation du nombre de mois pendant lesquels il est prévu que l’accusé devra être représenté devant le Tribunal, à compter de la date à laquelle il a présenté sa demande d’aide juridictionnelle.

D est le montant mensuel des ressources dont disposera l’accusé pendant la période durant laquelle il est prévu qu’il devra être représenté devant le Tribunal.

Un barème de contributions raisonnables est ensuite appliqué, sur le modèle des tranches d’imposition, aux ressources disponibles mensuelles ainsi calculées, afin de déterminer la contribution mensuelle de l’accusé au règlement des frais de sa défense. Ce barème est le suivant :

Ressources disponibles mensuelles en euros Pourcentage des ressources disponibles à affecter aux frais de la défense pour une période donnée (pourcentage)

0 - 1 000

10
1 001 – 5 000 20
5 001 – 10 000 30
supérieures à 10 000 40

Contribution de l’Accusé

ATTENDU qu’en application de la méthode exposée plus haut, l’Accusé doit contribuer au règlement des frais de sa défense à hauteur de 20 % de ses ressources disponibles mensuelles,

DÉCIDE, compte tenu de ce qui précède et en conformité avec l’article 11 A) ii) de la Directive, que l’Accusé contribuera au règlement des frais de sa défense à hauteur de 29 221 dollars, ce qui représente sa contribution totale pour le reste de la période pendant laquelle il devra être représenté devant le Tribunal,

DÉCIDE, en outre, qu’à l’exception de la contribution de l’Accusé à hauteur de 29 221 dollars, le Tribunal prendra en charge les frais visés aux articles 22, 26 et 27 de la Directive,

Commission d’office des Conseils

ATTENDU que, d’après les informations reçues par le Greffe, l’Accusé est partiellement indigent et a les moyens de contribuer au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU, en outre, que l’Accusé a droit à une défense efficace devant le Tribunal international,

DÉCIDE, compte tenu de ce qui précède, sans préjudice des dispositions de l’article 18 de la Directive et en application de son article 11 A) i), de confirmer la commission d’office à titre permanent de Me Tomislav Jonjic et Mme Nika Pinter, respectivement comme Conseil principal et Coconseil à la défense de l’Accusé, à compter de la date de la présente décision.

 

Le Greffier adjoint
___________
John Hocking

[Sceau du Tribunal]

Le 28 février 2005
La Haye (Pays-Bas)