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1 Le jeudi 22 janvier 2004
2 [La Conférence de mise en état]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 32.
6 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Bonjour, Mesdames et
7 Messieurs. Je demanderais à Madame la Greffière, de citer le numéro de
8 l'affaire -- de l'audience.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour
10 Monsieur le Président, il s'agit de l'affaire IT-95-11-PT, le Procureur
11 contre Milan Martic.
12 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je demanderais aux deux
13 parties de se présenter.
14 L'Accusation.
15 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Du
16 côté de l'Accusation, Procureur responsable, Alex Whiting, accompagné de
17 Sabine Bauer, et assistante d'audience, Mme Lakshmie Walpita, quant à moi,
18 je m'appelle Hildegard Uertz-Retzlaff.
19 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Merci. Et du côté de la Défense.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je
21 m'appelle Predrag Milovancevic, avocat à Belgrade. Je défends Milan Martic,
22 et j'ai à mes côtés mon ami et confrère, Vuk Sekulic, assistant de la
23 Défense.
24 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je n'ai pas encore trouver le
25 bon bouton sur ma console, pour entendre l'anglais. Je demanderais aux
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1 interprètes de bien vouloir redire ce que vient de dire le conseil de la
2 Défense.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En effet, moi aussi, j'entends le
4 français sur tous les canaux. Les canaux 4, 5, et 6.
5 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Monsieur Martic, voulez-vous vous
6 lever un instant, je vous prie.
7 Monsieur Martic, comprenez-vous ce qui est dit dans une langue que vous
8 comprenez ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je comprends.
10 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Très bien, vous pouvez vous
11 asseoir. Nous sommes réunis ici pour une nouvelle Conférence de mise en
12 état et je tiens à informer chacun de l'état d'avancement de cette affaire.
13 Je commencerais par un certains nombre d'aspect spécifiques. D'abord, la
14 situation, du point de vue de la communication des pièces et la
15 communication, s'est poursuivie, si je ne m'abuse, en dépit de certaines
16 difficultés, annoncées ou, en tout cas, évoquées par le Conseil de
17 l'accusé, mais elle se poursuit à un rythme satisfaisant. J'espère, en tout
18 cas, et je suis confiant dans le fait que ce rythme se maintiendra à
19 l'avenir. J'invite quoi qu'il en soit chacun à faire preuve d'une certaine
20 compréhension. Je m'adresse ici aux deux parties, de façon à ce que cette
21 communication de pièces se poursuivent comme il se doit à l'avenir.
22 Il y a un autre aspect intéressant, qui, à mon avis, n'a pas encore été
23 abordé, en tout cas, jusqu'à une période récente, à savoir, la possibilité
24 de se mettre d'accord sur certains nombres de faits. Je sais que, très
25 récemment, des progrès ont été accomplis dans ce domaine et j'encouragerais
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1 les deux parties à prêter attention à cet aspect important de la procédure.
2 J'aimerais savoir maintenant, de l'une ou l'autre des parties, à des
3 éléments à évoquer à ce sujet. Oui, vous avez la parole, Madame.
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, lors de la
5 Conférence en application de l'Article 65 ter du règlement, nous nous
6 sommes occupés de savoir si les documents communiqués, jusqu'à présent,
7 corresponde bien à l'application de l'Article 66(A). J'ai vérifié auprès de
8 mes collègues. Nous avons appris, effectivement, à l'heure qu'il est tous
9 les documents de l'Article 66(A), à l'exception, bien sûr, des documents au
10 sujet desquels la Chambre de première instance a décidé qu'il convenait de
11 les communiquer plus tard. Bien entendu, de nouveaux témoins pourront
12 s'ajouter à liste initiale, et nous communiquerons les documents y afférant
13 immédiatement.
14 A l'heure actuelle, nous avons également communiqués les documents relevant
15 de l'Article 68, que nous avons pu découvrir jusqu'à présent, à l'exception
16 de quelques-uns de ces documents qui ont encore des restrictions relevant
17 de l'Article 70, mais, dès que ces restrictions seront levées, ces
18 documents seront communiqués également.
19 Nous nous sommes enquis de savoir si nous disposions de documents émanant
20 d'autres affaires, notamment des affaires impliquant des auteurs croates.
21 Nous nous sommes enquis de savoir si ces documents avaient été communiqués.
22 Nous avons communiqué 50 déclarations préalables dans ce cadre et nous
23 avons également communiqué huit CD-ROM, qui portent sur les forces opposées
24 également. Il s'agit, pour l'essentiel, des forces croates et des forces
25 musulmanes dans une certaine mesure également, donc tous les documents qui
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1 ont été évoqués ont fait l'objet de communication, s'agissant, en tout cas,
2 de ce qui a été dit à la Conférence relevant de l'Article 65 ter.
3 Entre-temps, j'ai également cherché, à savoir si nous n'avions pas
4 communiqué d'autres documents à une date ultérieure. M. Whiting a annoncé
5 une communication importante lors de la Conférence de mise en état, de
6 septembre de l'année dernière, et il l'a fait en toute bonne foi, mais il
7 ne savait pas ce que nous avons découvert depuis lors, à savoir qu'aucune
8 des mesures de protection n'avaient été mise en place, or, nous en avons
9 demandé. La requête a été acceptée en décembre de cette année, et nous
10 avons communiqué les documents y afférant.
11 Ces mesures de protection portent non seulement sur des déclarations qui
12 n'avaient pas encore été communiquées, mais également sur des parties
13 importantes des documents relevant de l'Article 68, qui, par exemple, sont
14 des documents relatifs à des témoins sensibles pour lesquels des
15 restrictions en application de l'Article 70, qui avaient été mises en place
16 et ont, entre-temps, été levées. Je pense que nous n'avons pas encore
17 rempli intégralité de nos obligations et, si nous avons pris un certain
18 retard, ce n'était pas de notre fait.
19 Nous aimerions également dire que nous avons pris des mesures pour mettre
20 au courant les conseils de la Défense du système informatique qui permet la
21 communication des pièces. Nous parlerons à la Défense du droit qu'elle à
22 accéder à ce système après la fin de la présente Conférence de mise en
23 état. Tout est en place, donc la Défense peut accéder à la base de données
24 directement.
25 Quant à l'accord sur un certain nombre de faits, cela n'a pas encore été
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1 réalisé. Nous nous sommes mis d'accord sur une réunion suite à la
2 Conférence relevant de l'Article 65 ter, au cours de laquelle l'Accusation
3 et la Défense se rencontreront, et elles se rencontreront par la suite plus
4 fréquemment que cela n'a été le cas jusqu'à présent. Je pense que nous
5 avancerons convenablement et que nous pouvons espérer terminer
6 l'établissement de cette liste de faits faisant l'objet d'un accord très
7 rapidement.
8 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci. Je suis très satisfait
9 de ce que vous me dites, s'agissant des progrès qui seront accomplis et qui
10 ont déjà commencé après la réunion en application de l'Article 65 ter. Je
11 voudrais savoir si le conseil a quelque chose à ajouter à ce qui a été fait
12 par la représentante du bureau du Procureur.
13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] S'agissant de ce que pense l'équipe de
14 la Défense, pour que tout soit bien compris au stade où nous en sommes,
15 Monsieur le Président, s'agissant de la communication en application de
16 l'Article 68, j'aimerais évoquer un problème particulier.
17 Il est important de ne pas perdre de vue d'un fait, qui a déjà été évoqué
18 lors de la dernière Conférence de mise en état en application de l'Article
19 65 ter. Ce fait est que le bureau du Procureur a déjà communiqué pas mal de
20 documents relevant de l'Article 68 à la Défense; cependant, ces documents
21 n'ont pas été triés. Il s'agit de centaines de milliers de pages de
22 documents, et mes collègues du bureau du Procureur ont déclaré qu'ils
23 n'avaient pas disposé d'un temps suffisant et de moyens suffisant pour
24 passer en revue l'ensemble de ces documents, et que c'est examen préalable
25 leur aurait pris deux ou trois ans.
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1 J'évoque ce sujet à l'heure actuelle, pas parce que ce fait n'est pas connu
2 des Juges de la Chambre, mais parce qu'il importe d'expliquer les problèmes
3 qui se posent également à la Défense dans son travail. Ces documents, qui
4 n'ont fait l'objet d'aucun tri préalable, ont été communiqués à la Défense
5 suite à un examen très rapide de leur contenu, et nous avons également reçu
6 des CD-ROM, ce qui nous contraint à examiner, un par un, chacun de ces CD-
7 ROM pour vérifier l'ensemble de ces documents page par page. Comme je l'ai
8 déjà dit, lors de la dernière Conférence de mise en état, Monsieur le
9 Président, et vous connaissez bien l'importance -- le nombre important de
10 documents que nous recevons.
11 Il devrait être possible d'examiner chacun de ces documents à l'aide d'un
12 programme informatique. Je suppose que mes collègues du bureau du Procureur
13 l'ont, sans doute, fait; cependant, compte tenu du temps dont nous
14 disposons, ceci ne nous est, tout simplement, pas possible. Il s'agit ici
15 d'un acte d'accusation où l'existence d'une entreprise criminelle commune
16 est en cause. Un grand nombre de personnes et d'organismes sont en cause
17 également, et qui faisaient partie de ce qu'il est convenu d'appeler ici
18 cette entreprise criminelle commune, à laquelle M. Martic est présumé avoir
19 participé.
20 Nous parlons d'une période de cinq années et, si nous utilisons les
21 programmes informatiques disponibles, il ne nous sera pas possible de
22 mettre en place un nombre de critères suffisants pour permettre à la
23 Défense de tirer des conclusions précises.
24 Maintenant la question de savoir si nous avons reçu ou pas des documents à
25 décharge, nous ne pouvons répondre à cette question qu'en analysant
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1 l'ensemble des documents reçus, un par un, page par page, avant de nous
2 pencher sur cette question. La Défense, par conséquent, a fait preuve de la
3 meilleure volonté du monde dans l'examen de ces documents, page par page,
4 au cours des cinq ou six derniers mois, et nous nous sommes efforcés de
5 vérifier le contenu exact de tous ces documents. Mais le processus est
6 encore en cours. La communication en application de l'Article 68 ne peut
7 jamais s'achever une fois pour toutes. On examine les documents, mais il
8 est vraisemblable que de nouveaux documents apparaissent à un moment ou à
9 un autre, et la Défense est bien conscient de ce fait; cependant, il
10 importe de souligner, au stade où nous en sommes, que s'agissant de ce qui
11 a été dit lors de la dernière Conférence de mise en état, des retards ont
12 été pris, du point de vue de la communication des pièces, un retard de
13 trois mois et demi, en fait, et par rapport aux engagements pris à
14 l'origine par le bureau du Procureur. Lors de la Conférence en vertu de
15 l'Article 65 ter, nous avons reçu un certain nombre de documents
16 supplémentaires, donc le processus de communication est en cours. Tout va
17 bien de ce point de vue-là, mais, maintenant, la Défense doit passer en
18 revue l'ensemble de ces documents pour voir si certains peuvent être utiles
19 à la Défense de M. Martic.
20 Lors de la réunion relevant de l'Article 65 ter, les conseils de la Défense
21 ont souligné que ceci constituait potentiellement un problème. De quoi
22 s'agit-il ? Il s'agit du fait qu'il existe d'autres actes d'accusation
23 contre des généraux croates qui contiennent des allégations contradictoires
24 par rapport aux allégations retenues contre M. Martic. Nous avons, et je me
25 répète, un certain nombre -- un grand nombre de documents non triés, à peu
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1 près 400 pages au total, qui portent sur ces autres actes d'accusation. Je
2 soulève ce fait car les allégations de fait contenues dans ces actes
3 d'accusation sont tout à fait contradictoires aux allégations retenues
4 contre M. Martic. Ceci, en soi, peut être un fait à retenir à la décharge
5 de mon client et peut être utile à la Défense de M. Martic. C'est la raison
6 pour laquelle nous pensons qu'il est important que le bureau du Procureur
7 se penche sur ce problème avec tout le sérieux nécessaire.
8 En tout l'équipe de la Défense, on a fait tout ce qu'elle pouvait, tout ce
9 qui était en son pouvoir, donc de très grand efforts, pour examiner
10 l'ensemble des documents reçus dans l'intérêt de notre client, dans
11 l'intérêt de la Défense de M. Martic devant un tribunal. C'est tout ce que
12 j'avais à dire pour le moment, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
14 Je me rends bien compte que vous avez accompli un travail très important
15 pour surmonter les difficultés que vous avez rencontrées lorsque vous avez
16 accepté votre fonction, mais j'espère que vous continuerez à agir de même
17 et que vous parviendrez à terminer ce travail, notamment le travail de
18 prise en compte des documents relatifs aux autres affaires impliquant des
19 généraux, des membres de l'armée croate, puisque cela semble vous
20 préoccuper. Mais je ne pense pas que, compte tenu du rythme satisfaisant de
21 la communication des pièces comme nous constatons aujourd'hui, de nouveaux
22 problèmes puissent surgir à ce sujet. Je vous invite à poursuivre au même
23 rythme que jusqu'à présent. Je suis sur que vous parviendrez à surmonter
24 toutes ces difficultés.
25 Un autre point que j'aimerais évoquer à présent, qui a rapport avec ce que
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1 vient de dire la conseil de la Défense, je vais parler du calendrier des
2 décisions rendues dans la présente affaire. Je viens d'entendre de votre
3 bouche, que vous pensiez pouvoir dans un avenir très proche consulter le
4 mémoire du procureur. En tout cas, avant la fin du mois d'avril, ceci
5 permettrait à la Défense de présenter elle-même son mémoire à peu près un
6 mois plus tard. J'invite les deux parties à respecter le calendrier, qui a
7 été établi à cet égard, afin que nous ne perdions pas de temps dans la
8 présente affaire, comme d'ailleurs dans toutes les autres affaires qui sont
9 jugées par ce tribunal.
10 Je sais que vous avez quelques difficultés particulières, en raison d'un
11 certains nombres de documents, un nombre important d'ailleurs que vous avez
12 demandé à plusieurs reprise au gouvernement croate. Je sais que vous avez
13 soumis à de nombreuses reprises des demandes, afin d'obtenir ces documents,
14 et je suppose que la meilleure solution pour le moment consiste à attendre
15 le résultat de vos demandes. Il pourrait s'avérer utile probablement que
16 vous vous adressiez au gouvernement croate, en lui spécifiant le nombre
17 précis de documents que vous cherchez à obtenir, en indiquant également où
18 ces documents pourraient se trouver, d'après vous.
19 Je ne sais si vous êtes d'accord avec cette proposition, si vous l'a jugé
20 aussi utile que je le fais moi-même, mais, sur la base de tout ce que j'ai
21 déjà dit, je crois qu'il est permis de penser que, si dans un mois à peu
22 près, vous n'avez obtenu aucune réponse satisfaisante, et si dans ce délai,
23 vous n'avez pas -- vous n'êtes pas parvenu a résoudre ce problème que vous
24 pose les autorités croates par rapport à vos demandes de documents, à ce
25 moment-là, il pourrait être question de soumettre une requête à la Chambre
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1 pour demander que les juges de cette Chambre interviennent officiellement
2 auprès des autorités croates afin d'obtenir ces documents. Je viens de
3 traiter de deux problèmes en même temps et je me demandais si l'Accusation
4 aurait quelque chose à ajouter sur ces deux points d'abord le calendrier,
5 si vous voulez bien.
6 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le calendrier pourra être respecté
7 par l'Accusation. Nous avons l'intention de déposer notre mémoire dans la
8 dernière semaine d'avril.
9 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je suis très heureux de
10 l'entendre. J'espère que le Conseil de la Défense pourra nous faire
11 connaître son avis également.
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président. La Défense a très
13 bien compris la proposition que vous venez de faire, qui est tout à fait
14 acceptable, mais elle comporte un problème pour la Défense. En effet, il
15 est impossible à la Défense de déterminer de quelque façon que ce soit où
16 se trouvent les documents dont vous avez parlé, qui sont des documents
17 militaires. Cela est le premier point. Actuellement, entre les mains des
18 autorités civiles, c'est le deuxième point, et ces documents portent sur
19 une période qui s'étend sur 12 ou 13 ans. Le document le plus ancien est
20 relatif à l'année 1990 et à l'année 1991, et le plus récent à l'année 1995.
21 Par ailleurs, dans trois des requêtes soumises au gouvernement croate au
22 cours de la deuxième quinzaine du mois d'août, c'est-à-dire, en date du 20
23 août de l'année dernière, du 6 octobre de l'année dernière et du 23
24 décembre de l'année dernière, puisqu'il y a eu trois requêtes. La Défense
25 s'était forcée, avec la plus grande précision, qu'il soit le contenu de ces
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1 documents en allant jusqu'à indiquer des dates.
2 Nous espérons que le fait d'avoir évoqué cette question, lors de présente
3 Conférence de mise en état, permettra d'obtenir plus efficacement une
4 réponse de la partie à laquelle nous nous sommes adressés. C'est la raison
5 précise pour laquelle nous parlons de cela en ce moment même. Nous
6 souhaitons faire savoir à la Chambre quels sont les problèmes rencontrés
7 par la Défense dans son travail, des problèmes qui créent des obstacles
8 objectifs a l'avancée du travail de la Défense car les documents dont nous
9 parlons sont d'une très grande importance. Je vous remercie.
10 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci beaucoup, Maître
11 Milovancevic. Je comprends bien ce que vous voulez dire, mais il serait
12 sans doute bon, pour le moment, de continuer à demander la fourniture des
13 ces documents. Comme vous le savez, le gouvernement a changé en Croatie
14 très récemment, puisque des élections se sont déroulées, il y a très peu de
15 temps. Il sera, sans doute, très utile de préciser au maximum les documents
16 que vous recherchez, la nature des documents que vous recherchez et de
17 spécifier si vous avez la moindre idée à ce sujet de l'endroit où ces
18 documents pourraient peut-être se trouver. Cela pourrait aider le nouveau
19 gouvernement à faire les efforts nécessaires pour les retrouver puisque ce
20 nouveau gouvernement reprend les affaires traitées comme elles l'ont été
21 par le gouvernement précédent. Je ne crois pas qu'il est d'autre moyen
22 d'aller dans le sens d'une solution de ce problème, c'est-à-dire, de
23 l'obtention d'une réponse positive pour vous.
24 Je pense qu'il n'y a aucune autre question que nous ayons invoqué
25 actuellement. Si ce n'est pas le cas, je vous prie de demander la parole,
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1 mais, si c'est le cas, je vous invite, une nouvelle fois, à faire connaître
2 aux Juges de la Chambre tous problèmes ou toutes questions que vous
3 aimeriez lui soumettre en rapport avec l'affaire à l'avenir. Madame le
4 Procureur, vous avez une question à invoquer ?
5 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci à
6 été évoqué par le juriste de la Chambre, lors de la Conférence de
7 l'application de l'Article 65 ter. Il a demandé quel serait le nombre
8 potentiel de témoins que nous avions l'intention de citer là-bas. Mme Bauer
9 a eu l'amabilité de préparer cette évaluation et, par conséquent, je
10 n'hésiterais pas à vous donner cette précision.
11 Nous avons une liste de 59 témoins potentiels au total, mais, s'agissant de
12 huit de ces témoins, nous n'avons pas encore décidé si nous allions,
13 effectivement, les entendre ou pas. Nous avons à prendre cette décision un
14 peu plus tard et certains d'ailleurs risquent de ne pas être disponibles.
15 Les 51 témoins, par conséquent, devraient être entendus avec certitude et
16 30 d'entre eux seront entendus de vive voix et 21 seront des témoins
17 relevant de l'Article 92 bis du règlement. Si vous le souhaitez, je peux
18 être plus précise si vous désirez des détails complémentaires.
19 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Pas pour le moment, merci. Je
20 ne pense pas que ceci soit particulièrement utile aujourd'hui. Je comprends
21 que vous parlez donc au total d'environ 60 témoins et que ces témoins
22 seront prévus dans le calendrier préparé par vos soins. Je vous remercie.
23 J'aimerais savoir si le conseil de la Défense a un commentaire ou une
24 proposition avant que nous mettions un terme à cette partie de la
25 Conférence de mise en état.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre
2 autorisation, la Défense aimerait évoquer un autre point relatif à cette
3 conférence, et qui concerne l'égalité des parties. J'aimerais appeler
4 l'attention de la Chambre sur le problème qui se pose à la Défense, à
5 savoir, la façon dont le Greffe traite la Défense de M. Martic.
6 Lors de la dernière Conférence relevant de l'Article 65 ter, nous avons été
7 informés par M. Harhoff, et je suppose qu'il reliait au point de vue des
8 Juges de la Chambre, que la présente affaire a été considérée comme une
9 affaire particulièrement importante. Indépendamment de ce fait, les faits,
10 contenus dans l'acte d'accusation contre M. Martic, s'étendent sur une
11 période de cinq ans et la position de M. Martic, en tant que président de
12 la République de Krajina, est un point essentiel dans cet acte
13 d'accusation, ainsi que le territoire dont il était responsable, et qui
14 s'étendait sur deux états différents. Cette complexité est encore accrue
15 par le fait que la présente affaire est en rapport avec des charges
16 retenues dans d'autres affaires, à savoir, cette charge d'existence d'une
17 entreprise criminelle commune, et que de nombreux organismes sont censés
18 avoir participés à cette présumé entreprise criminelle commune, accusé de
19 la commission d'un certain nombre de crimes. Pourquoi parlons-nous de cela
20 en ce moment ? J'espère que la chose est évidente, mais, en tout cas, la
21 Défense estime que nous devrions bénéficier d'une très bonne compréhension
22 de la part du bureau du Procureur. Afin de bénéficier de chances égales,
23 d'accomplir notre travail de façon satisfaisante pour qu'il ait cette
24 égalité entre les parties.
25 Nos exigences minimales consistent à demander que les mêmes droits soient
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1 octroyés à la Défense par rapport aux droits dont bénéficiaient nos amis et
2 collègues du bureau du Procureur afin que notre affaire soit traitée de la
3 même façon que d'autres affaires déjà jugées par ce Tribunal. En tant
4 qu'équipe de la Défense, Monsieur le Président, nous avons commencé notre
5 travail avec un déficit de 800 heures à peu près par rapport à des
6 situations similaires dont d'autres affaires, et par rapport au bureau du
7 Procureur qui dispose d'un grand nombre d'enquêteurs et d'un grand nombre
8 de représentants sur le terrain. L'ancienne équipe de la Défense avait
9 utilisé les heures à sa disposition, mais, en tout cas, la présente équipe
10 n'est pas en mesure de se passer de ces heures. Nous avons déjà expliqué
11 cela dans des documents très étayés que nous avons soumis aux Juges de la
12 Chambre. Le document, dont je parle, indique qu'en tant que membre de la
13 nouvelle équipe de défenseurs, nous n'avons obtenu aucun autre document à
14 part les documents essentiels déjà reçus par le passé.
15 Nous vous remercions de votre attention, Monsieur le Président, et la
16 raison, pour laquelle nous vous adressons à vous aujourd'hui, n'a
17 aucunement pour but de vous demander une -- n'a aucun autre but que de vous
18 demander d'accorder à la Défense la même compréhension de la part du bureau
19 du Procureur que celle qui est accordée dans toutes les affaires
20 importantes jugées par ce Tribunal.
21 Nous souhaitons bénéficier d'un nombre d'heures suffisant par accomplir
22 notre travail de façon satisfaisante et nous avons reçu aujourd'hui une
23 décision du Greffe, qui nous accorde 400 heures supplémentaires pour cette
24 équipe de Défense et 500 heures pour le travail de nos enquêteurs. Nous ne
25 remettons pas en cause le nombre d'heures, en tant que tel, mais le fait
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1 que la Défense n'a jamais demandé un nombre précis d'heures
2 supplémentaires. M. Martic a droit à un procès équitable et il est
3 fondamental que la Défense puisse travailler dans de bonnes conditions.
4 Compte tenu des difficultés qui sont les nôtres, ceci n'est tout simplement
5 pas possible. La Défense estime que l'action du bureau du Procureur nous
6 met dans une situation très inconfortable.
7 Je prendrais la liberté de vous rappeler, Monsieur le Président, que
8 l'équipe de Défense se compose de cinq membres. Au moins de deux mois, nous
9 avons déjà utilisé les heures supplémentaires qui nous ont été accordées.
10 Je n'entrerais pas dans le calcul précis de ces heures, mais, en tout cas,
11 nous sommes pratiquement parvenu à la date limite pour la rédaction de
12 notre mémoire préalable au procès. La Défense se trouve toujours confronté
13 à des problèmes importants qui rendent son travail difficile et nous
14 n'avons pas d'autres possibilités que de remettre à plus tard certaines
15 choses qui devraient être faites maintenant, ce qui porte préjudice à
16 l'égalité des choses, des deux parties au cours de ce procès. Nous ne
17 souhaitons pas abuser de votre temps aujourd'hui, Monsieur le Président,
18 mais j'espère que vous comprenez quelle est la nature exacte du problème
19 qui se pose à nous.
20 J'ajouterais une phrase encore, Monsieur le Président, si vous me
21 permettez. La Défense a assumé un certain nombre des devoirs du bureau du
22 Procureur à sa place. Nous trions les documents qui nous ont été fournis et
23 nous continuons à le faire, Monsieur le Président. En effet, la présente
24 affaire mérite, à mon avis, un nombre d'heures supplémentaires. Ce n'est
25 pas ce que nous demandons aujourd'hui. Nous demandons simplement de
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1 bénéficier d'un minimum d'égalité des choses, c'est-à-dire, d'être placé
2 dans des conditions d'égalité par rapport à la partie adverse. Ceci
3 permettrait à la Défense d'accomplir son travail de préparation de façon
4 satisfaisante et effective. Merci, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
6 Soyez assuré que nous sommes conscients du problème qui s'oppose à vous de
7 ce point de vue, mais, même si l'affaire est très importante pour ce
8 Tribunal, elle comporte un certain nombre d'audiences et de travaux
9 préparatoires qui relèvent de l'administration, et il ne nous appartient
10 pas de rendre des décisions à ce sujet. Ce n'est pas la compétence de cette
11 Chambre de rendre des décisions à ce niveau-là, par rapport aux dépenses et
12 aux autres aspects matériels de l'affaire.
13 Soyez assuré que nous sommes conscients de ce que vous avez déjà dit, mais
14 je propose que vous essayiez de composer avec le Greffe pour trouver une
15 solution. Dans la présente affaire, il importe qu'une solution soit
16 trouvée, et il faudra peut-être une décision plus tard. Mais on m'a dit
17 récemment que vous n'aviez pas encore modifié le niveau de vos dépenses et
18 que vous avez reçu des moyens supplémentaires récemment. Je pense que cela
19 devrait suffire pour le moment, mais soyez assuré que cette question, ainsi
20 que toutes les autres dont vous avez traitées jusqu'à présent au cours de
21 la présente Conférence de mise en état, bénéficient de toute l'attention
22 des Juges de la Chambre et vous pourrez vous adresser à nouveau à la
23 Chambre le cas échéant.
24 Parlons maintenant de l'accusé. Monsieur Martic, j'aimerais, si vous voulez
25 bien, que vous nous informiez de votre état de santé physique et mental.
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1 Avez-vous le moindre problème à cet égard.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dieu merci, je suis en bonne santé y compris
3 psychologiquement, mais, en tant qu'homme qui se considère innocent, et
4 c'est la manière dont je me sens, j'espère que je peux faire un commentaire
5 au bout des 21 mois que j'ai passé en détention. J'ai un commentaire d'une
6 minute et une question relative à la durée de ma détention.
7 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Oui, j'allais justement vous
8 poser la question concernant les conditions de votre détention, si ceci est
9 acceptable de votre point de vue, et est-ce que vous êtes mécontent de
10 quelque chose. Si tel est le cas, veuillez nous en informer.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite parler de choses relatives au
12 procès lui-même, et la durée de mon intervention serait d'une minute et
13 demie à deux minutes.
14 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] En ce qui concerne tous les
15 aspects techniques de l'affaire, je pense qu'il vaut mieux que votre
16 conseil s'en occupe, à moins que pour une quelconque raison vous n'ayez pas
17 suffisamment de confiance en votre conseil. Je pense que ceci n'est pas le
18 cas probablement, mais je pense que vous avez, et vous aurez, l'occasion de
19 rencontrer votre conseil, de lui parler librement et de préparer, de
20 manière appropriée, votre procès devant ce Tribunal.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai absolument confiance en mes conseils, mais
22 là aussi il y a eu des problèmes parce que, mis à part mon premier conseil,
23 M. Milovancevic, les autres conseils ne peuvent même pas aller me voir. Si
24 vous ne me permettez de faire un commentaire, j'ai une question. Est-ce
25 qu'il est possible, ou que ce soit dans ce monde, sauf ici, d'avoir une
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1 détention de durée illimitée ? Ceci n'existe même pas dans des pays
2 sauvages, en Afrique, en Asie. L'acte d'accusation contre moi a été dressé
3 il y a neuf ans, et comment se peut-il que l'Accusation ne soit pas encore
4 prêt d'assumer ses responsabilités pour étayer ses positions selon l'acte
5 d'accusation ?
6 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous
7 plaît, parce que les interprètes ont du mal à vous suivre. Vous avez dit
8 que vous avez eu quelques problèmes concernant vos rapports avec votre
9 conseil. Dites-nous, s'il vous plaît, quels sont ces problèmes, et nous
10 allons voir s'il est dans la compétence de cette Chambre de rectifier cela.
11 Veuillez nous relater les problèmes que vous souhaitez régler maintenant.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être vous m'avez mal compris. Moi, je fais
13 absolument confiance en mon conseil de la Défense. Là, il n'y a aucun
14 problème, absolument. Mais le problème que j'ai, c'est le fait que les co-
15 conseils n'ont pas le droit de venir me voir. L'assistant juridique ne peut
16 pas venir me voir. Le co-conseil, je n'ai même pas eu l'occasion de le
17 voir. Je fais confiance en mon conseil. Vous avez mal compris mes propos.
18 Mais ma question concerne l'Accusation. Comment se fait-il qu'ils ne
19 puissent toujours pas étayer les faits contenus dans l'acte d'accusation
20 qu'ils ont dressé, il y a neuf ans déjà ? Bien sûr, cet acte d'accusation a
21 été élargi et modifié de toutes sortes de manières et je suis presque
22 coupable devant les Croates parce qu'il n'y a pas eu suffisamment de pluie,
23 et il y avait une période de sécheresse chez eux.
24 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Je vois maintenant que le
25 problème est peut-être plus important que ce que vous disiez au début,
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1 c'est-à-dire, ceci concerne vos rapports avec le co-conseil que vous n'avez
2 toujours pas vu. Vous voulez vous asseoir, Monsieur Martic.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais bien entendre la réponse. Je n'ai
4 pas reçu la réponse à ma question de savoir combien de mois ou d'années
5 encore est-ce que je dois attendre le début du procès. Je n'ai pas peur de
6 ce procès. Au contraire, je aimerais que cela commence au plus vite, mais
7 je voudrais demander combien de mois encore faut-il que j'attende ou
8 s'agit-il des siècles ?
9 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] Oui, vous pouvez vous
10 asseoir. C'est une question
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
12 M. LE JUGE MARTIN-CANIVELL : [interprétation] -- naturelle de votre part.
13 Vous voulez savoir combien de temps encore il vous faudra attendre jusqu'à
14 la décision. Comme vous l'avez entendu, nous étions en train de discuter de
15 la possibilité de commencer cette affaire devant le Tribunal. Peut-être
16 nous avons dit que le mémoire de l'Accusation pourrait être signé avant la
17 fin du mois d'avril et puis, vous avez également entendu que le bureau du
18 Procureur a assuré de Tribunal du fait qu'il pouvait respecter les délais
19 proposés. Donc cela est un point.
20 Ensuite, votre conseil a dit que, lui aussi, il pourrait être prêt un mois
21 plus tard pour présenter le mémoire de la Défense, qui doive être soumis
22 juste avant le début du procès. Ceci dépendra, bien sûr, aussi du temps
23 qu'il nous faudra pour entendre les 51 témoins dont nous avons peut-être
24 déjà entendu huit. Nous devrons décider de la question de savoir quand nous
25 pouvons les entendre.
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1 Vous savez, nous avons deux préoccupations : Nous souhaitons avoir un
2 procès équitable. Nous allons essayer d'entendre votre position, de manière
3 équitable, par ce Tribunal et vous devez également comprendre que nous
4 allons empêcher tous les délais non nécessaires. Nous sommes en train de
5 vous assurer un procès équitable et rapide. Malheureusement, il va falloir
6 attendre un peu, mais soyez sûr que nous n'essayons pas du tout d'empêcher
7 ce genre de procédure.
8 Je suis très heureux d'attendre de votre part que vous faites absolument
9 confiance en votre conseil. C'est très important. C'est un point
10 extrêmement important et il est important pour vous d'avoir la possibilité
11 de bénéficier de la Défense, conformément à mes exigences et au règlement.
12 C'est très important, et nous avons pris note de cela. A moins que vous
13 ayez d'autres points à soulever, je souhaite ainsi terminer cette
14 Conférence de mise en état. Je vous remercie. Je remercie les parties de
15 leur attention et de votre présence, et je remercie également les membres
16 du Greffe et les interprètes. La réunion est terminée.
17 --- La Conférence de mise en état est levée à 15 heures 17.
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