Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 16 janvier 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 33.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelques questions administratives

6 avant que de commencer.

7 Tout d'abord, il y a des éléments dont j'aimerais discuter avec les parties

8 en présence. Il s'agit des faits admis. Parmi ces faits admis mentionnés à

9 l'occasion des propos liminaires en date du 13 décembre, il en est un qui a

10 été mentionné, et il me semble que c'est ce qui figure à l'acte

11 d'accusation, mais cela ne figurerait pas parmi les faits admis. J'aimerais

12 entendre les parties en présence et voir ce qu'elles ont à dire à ce sujet.

13 Tout d'abord, au paragraphe 67 de l'acte d'accusation, il est fait mention

14 d'un référendum en Croatie tenu en date du 19 mai 1991 et des déclarations

15 d'indépendance par la Croatie et la Slavonie à la date du 25 juin 1991. A

16 l'occasion de ses propos liminaires, il a été fait clairement état de ces

17 déclarations d'indépendance de la Croatie et de Slavonie. Maintenant, si

18 l'on se penche au compte rendu d'audience, page 301, paragraphes 1.7 à 11,

19 il me semble pouvoir tirer une conclusion logique qui serait celle de dire

20 qu'il n'y a pas de contestations entre les parties concernant le fait la

21 Croatie et la Slavonie aient déclaré leur indépendance le 25 juin 1991. Or,

22 dans les faits admis, il n'est question que de la date du 19 mai 1991, qui

23 est la date du référendum en Croatie, sans pour autant qu'il soit fait

24 référence du 25 juin 1991, date des déclarations d'indépendance en Croatie

25 et Slavonie.

26 De ce fait, le point de vue de cette Chambre de première instance est celle

27 de dire que de ce point de vue-là, les parties doivent se prononcer pour

28 nous dire si elles sont d'accord avec ces faits. Est-ce là un fait admis ou

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1 pas ? Parce que si l'on se penche sur ce qui constitue les faits admis, il

2 y est en effet dit que l'on est tombé d'accord pour dire que le 19 mai

3 1991, un référendum s'est tenu en Croatie, exception faite des localités où

4 la population a été majoritairement serbe dans la SAO de la Krajina,

5 concernant la proclamation de l'indépendance de la Croatie vis-à-vis de la

6 Yougoslavie. Ensuite, le 19 mai 1991, la Croatie a tenu un référendum où il

7 a été procédé à un vote concernant l'indépendance de cette république vis-

8 à-vis de la RSFY, et le 25 juin 1991, il y a eu déclaration de

9 l'indépendance de la Croatie et de la Slavonie vis-à-vis de la Yougoslavie.

10 Dans les propos liminaires, il est dit qu'en 1990 et 1991, sur le

11 territoire de l'ex-Yougoslavie, il y a eu éruption de mouvements

12 séparatistes tant en Croatie qu'en Slavonie. A la même date, le 25 juin

13 1991, la Croatie et la Slavonie auraient déclaré leur indépendance vis-à-

14 vis de la Yougoslavie.

15 Donc, serait-on en droit de dire qu'il y a un accord concernant ces faits

16 quoiqu'il n'y ait pas eu concordance formelle entre les parties ?

17 M. WHITING : [interprétation] Je crois que Monsieur le Président a tout à

18 fait raison. Je veux dire que nous sommes d'accord avec la Défense à ce

19 sujet.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic ?

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je m'excuse. Monsieur le Juge, nous

22 avons eu une communication écrite et verbale avec le bureau du Procureur à

23 ce sujet. Il est tout à fait incontestable de dire qu'à ces dates-là, la

24 Croatie et la Slavonie ont en effet proclamé leur indépendance.

25 Ce qui constitue un fait dont il découle une contestation juridique,

26 c'est de savoir si, à l'occasion de la déclaration de l'indépendance,

27 l'espace de la Yougoslavie était un espace vide, un espace mort ou était-ce

28 un Etat souverain avec mise en œuvre d'une constitution. Si c'était un Etat

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1 souverain et la Yougoslavie était un Etat souverain, membre des Nations

2 Unies, le seul sujet sur le plan juridique était cette Yougoslavie-là.

3 Donc, il convient de dire que cette déclaration de l'indépendance était

4 anticonstitutionnelle, étant donné que la constitution de la Yougoslavie

5 avait prévu la possibilité d'une sécession, mais suivant une procédure

6 réglementée par la constitution. Or, dans ce cas-ci, cela a été fait

7 anticonstitutionnellement. Et le fait que l'on ait tenu un référendum ne

8 donnait pas droit à ces deux républiques de faire une chose pareille sans

9 l'approbation des autres républiques et sans l'approbation des autres

10 territoires du reste de la Yougoslavie. La Défense tient à préciser une

11 chose : il n'est pas contesté le fait que ces deux républiques ont

12 communiqué cette décision telle que cela a été fait, mais cela a été

13 contraire au droit national et au droit international à ce moment-là. C'est

14 là le fondement de notre désaccord. Nous estimons que c'est là une question

15 des plus importantes tant sur le plan factuel que sur le plan du droit.

16 Merci.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Milovancevic.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour les besoins de l'affaire qui nous

20 concerne, nous constaterons que les parties sont tombées d'accord pour dire

21 qu'à la date indiquée, il y a eu déclaration de l'indépendance de la

22 Croatie et de la Slavonie.

23 Pour ce qui est de la constitutionalité, j'imagine que c'est là une

24 question dont il va être parlé à l'occasion de la présentation des éléments

25 de preuve. Je vous remercie.

26 Le point suivant qu'il convient de tirer au clair est le point suivant : à

27 l'occasion de ses propos liminaires, l'accusé a décrit le mouvement des

28 Serbes en Croatie, un mouvement vers l'indépendance, en disant quelque

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1 chose de ce genre : "Les Serbes en Croatie ont répondu à l'attitude du

2 gouvernement croate pour indiquer qu'ils avaient apporté leur soutien à la

3 sauvegarde de la Yougoslavie en tant qu'Etat fédéral avec des unités

4 fédérales. Les Serbes avaient réclamé une autonomie culturelle au sein de

5 la République de Croatie. Ici, il est question d'autonomie culturelle. En

6 cas de désintégration de l'Etat yougoslave, les Serbes de la Krajina

7 avaient réclamé qu'il soit appliqué le même principe pour ce qui est de

8 l'autodétermination des Croates et des Slovènes pour faire la même chose au

9 sein de la Krajina. Ils voulaient avoir les mêmes avantages et les mêmes

10 droits que le peuple en Croatie."

11 Si vous vous penchez sur la partie pertinente du paragraphe 4

12 concernant les faits admis, il y est dit : "Au final, la déclaration de la

13 souveraineté et de l'autonomie du peuple serbe indiquait qu'au cas où la

14 Yougoslavie demeurerait une fédération, les Serbes de Croatie réclameraient

15 une autonomie culturelle, mais au cas où la Yougoslavie deviendrait une

16 fédération à part, eux réclameraient une autonomie politique et

17 territoriale."

18 Or, cette dernière phrase n'est pas logique, parce qu'on dit : "Si la

19 Yougoslavie reste une fédération, les Serbes réclameraient une autonomie

20 culturelle." Puis on dit, si cela restait une fédération, ils demanderaient

21 une autonomie territoriale. Donc, il n'y a pas de logique, et j'aimerais

22 que les choses soient tirées tout à fait au clair.

23 Monsieur Whiting.

24 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, j'estime que vous avez

25 tout à fait raison. Je pense qu'il doit y avoir là une erreur de frappe. Je

26 ne sais pas ce que devait figurer ici, mais il est tout à fait certain que

27 dans la phrase où l'on dit "fédération," on aurait dû mettre autre chose.

28 Peut-être pourrions-nous vérifier cela pendant la prochaine pause et vous

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1 tenir au courant.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous allez le faire ?

3 M. WHITING : [interprétation] Oui, nous allons en prendre soin.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le point suivant --

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Juge.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je pourrais peut-être vous apporter une

8 explication. Les choses sont tout à fait claires. Si l'on gardait une

9 fédération, les Serbes de la Krajina réclamaient une autonomie culturelle.

10 Mais au cas où il y aurait création d'une confédération, parce qu'il y a là

11 une erreur probablement dans la frappe du texte, au cas où il y aurait

12 création d'une confédération, dans ce cas-là, les Serbes allaient demander

13 une autonomie territoriale. Mais si l'Accusation estime que cela est

14 contestable, nous pourrions nous pencher sur la question. Je crois que

15 c'est là que réside la substance des positions que nous avons exprimées,

16 mais nous pouvons en débattre si vous le voulez.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci pour cette clarification, Maître

18 Milovancevic. Je ne pense pas que cela soit une question contestée. Je

19 crois que la chose nécessitait juste un éclaircissement. Il me semble que

20 votre confrère de l'Accusation va proposer de se pencher sur la question

21 pendant la pause à venir. Alors, si vous êtes d'accord, il serait peut-être

22 bon qu'après cette pause-là, de nous dire s'il en est ainsi ou pas.

23 Etes-vous d'accord, Monsieur Whiting ?

24 M. WHITING : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

26 La question suivante se rapporte à l'interrogatoire des témoins experts.

27 Dans la décision du 13 janvier, la Chambre de première instance a estimé

28 qu'il devait se trouver au centre de l'attention les articles 92 bis(E) et

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1 94 bis, les témoins experts et les comptes rendus des témoignages

2 précédents en tant que documents à l'appui. Les Juges de la Chambre

3 aimeraient que l'on tire au clair quelle sera la procédure à suivre pour ce

4 qui est de l'interrogatoire des témoins experts étant donné que le tout

5 premier témoin expert va venir témoigner très prochainement. Une fois que

6 l'on sait qu'un témoin expert va venir témoigner, on va se servir d'un

7 rapport. Il a été demandé à ce que l'interrogatoire principal se limite aux

8 conclusions les plus pertinentes et qu'il convenait davantage de se centrer

9 sur les questions qui seront contestées ou qui prêteront à controverse,

10 donc les questions où le témoin expert sera censé apporter des

11 illustrations ou des éclaircissements. On a demandé, pour ce qui est des

12 documents présentés par les témoins experts, soit limité aux documents les

13 plus nécessaires pour ce qui est de ce qui a été prévu aux questions

14 figurant au point (2). Au point (4), il y a une procédure de contre-

15 interrogatoire, et la Défense pourra demander un versement au dossier de

16 documents, y compris ceux qui sont cités au rapport de l'expert, alors que

17 l'Accusation n'aurait pas demandé pas leur versement quant à elle. Il

18 s'agirait également de faire verser au dossier les conclusions qui

19 figuraient au paragraphe numéro (2) ci-dessus. Au point (5), les Juges de

20 la Chambre décideront de la recevabilité des documents une fois que le

21 témoignage du témoin expert sera terminé.

22 Etes-vous d'accord avec cet arrangement ?

23 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais vous proposer

24 de procéder de façon différente. Ce que l'Accusation voudrait faire, c'est

25 de faire en sorte que soient versés au dossier tous les documents sur

26 lesquels s'est fondé le témoin expert pour la rédaction de son rapport.

27 Nous estimons que cela constitue une bonne base pour ce qui est de la façon

28 de faire et cela constituera pour nous la meilleure des façons possibles de

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1 mettre à profit le temps des Juges de la Chambre. Nous n'allons pas nous

2 enterrer dans les documents. Ces documents vont tous être versés au dossier

3 et on va les parcourir rapidement.

4 Il y a à peu près 300 documents en question. Nous estimons que dans les

5 autres affaires qui ont été jugées devant ce Tribunal, il y ait des

6 documents qui ont été versés de la sorte. Tout d'abord, il est, par

7 exemple, question du tout premier témoin expert, et ce qui est crucial,

8 c'est qu'il s'agit d'un employé du bureau du Procureur. La Défense a déjà

9 contesté son impartialité. Alors je sais que cela va être réitéré dans le

10 contexte du versement de son rapport au dossier. Les Juges ont déjà rejeté

11 ce type de contestation. Cependant, il apparaît évident que ceci continue à

12 être contesté en dépit des conclusions adoptées par les Juges de la

13 Chambre.

14 Nous estimons qu'il est nécessaire pour les Juges de la Chambre

15 d'avoir à portée de la main tous les documents dont s'est servi le témoin

16 expert dans la rédaction de ce rapport afin que l'on puisse contrecarrer

17 toutes les contestations présentées par la Défense, notamment pour ce qui

18 est du manque d'objectivité ou d'impartialité de la part de ce témoin. Dans

19 ce cas de figure, ceci constituerait un point de grande importance.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Juste un moment pour que je

21 puisse répondre à ce que vous venez de dire.

22 M. WHITING : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est justement ce que redoutent

24 les Juges de la Chambre, ils redoutent d'être submergés par une

25 documentation très volumineuse, ce qui fait que les Juges devront chercher

26 dans les documents ce qui est pertinent et ce qui n'est pas pertinent. Nous

27 estimons que ceux qui préparent des thèses doivent être à même de dire,

28 s'agissant d'une conclusion tirée par un témoin expert : au numéro A ou au

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1 numéro B, il convient de savoir qu'il s'est référé à un document, disons le

2 document numéro C. Il n'appartient pas aux Juges de la Chambre de

3 rechercher les documents qui sont pertinents pour telle ou telle

4 conclusion. Il vous appartient à vous de dire quels sont les éléments qui

5 sont pertinents pour ce qui est des différentes conclusions.

6 Vous faites état de 300 documents. Or, si l'Accusation ne sait pas

7 elle-même quels sont les documents qui sont importants pour ce qui est des

8 conclusions tirées par le témoin expert et vous attendez à ce que les Juges

9 de la Chambre parcourent tous ces documents pour rechercher les éléments

10 pertinents, vous essayez, de façon contournée, à faire verser la totalité

11 de ces documents au dossier par la porte arrière. Les documents qui ont

12 servi au témoin expert de fondement pour ses conclusions doivent être cités

13 ou mises en évidence, et ce sont là les documents qui seront versés au

14 dossier. Or, si vous souhaitez procéder à un marquage à des fins

15 d'identification de certains documents, cela peut être fait, et la

16 recevabilité peut être débattue ultérieurement.

17 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Juge, mon intention n'avait

18 pas été de dire ce que vous venez de dire. Notre intention n'avait pas été

19 de procéder à la remise d'un paquet de documents aux Juges de la Chambre

20 afin que ceux-ci se dépatouillent avec. Il y a dans le rapport, des notes

21 de bas de page. Et il apparaît avec évidence quels sont les documents qui

22 sont pertinents et quels sont les documents sur lesquels le témoin expert

23 se fonde pour la présentation de ses conclusions. Bien entendu, nous

24 aimerions, à l'occasion de l'interrogatoire principal, nous référer

25 notamment et essentiellement aux documents les plus pertinents. Nous ne

26 voulons pas demander au témoin expert d'examiner chacun de ces documents

27 ici devant nous, parce que cela nous prendrait des journées et des

28 journées. Nous ne voulons pas demander au témoin, pour chaque document, en

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1 quoi ce document est important pour les conclusions qu'il a tirées, parce

2 qu'il y a quelque 300 documents. Ce serait une perte de temps pour les

3 parties en présence. Nous voulons qu'il soit débattu les documents les plus

4 importants.

5 Bien entendu, nous n'allons pas nous pencher sur la totalité des

6 conclusions qui figurent au rapport; parce que c'est un rapport assez long.

7 Etant donné les notes de bas de page, il se peut que les Juges de la

8 Chambre veuillent se pencher sur les différents documents auxquels s'est

9 référé le témoin expert pour tirer telle ou telle autre conclusion. Je ne

10 veux pas aller plus loin que cela.

11 La deuxième des choses que je voulais dire c'est qu'il y a toute une

12 série de témoins qui viendront témoigner au sujet desdits documents. Nous

13 estimons que la façon la plus rapide de procéder est celle de procéder au

14 versement des documents au dossier et de faire en sorte que les témoins

15 ultérieurs viennent commenter la totalité ou certains de ces documents.

16 La question du critère de recevabilité doit être à palier -- assez --

17 les documents ne sont pas contestés en tant que tel. Leur route anticipée

18 n'a pas été contestée. Ils font partie de la liste des pièces à conviction.

19 Ils ont été communiqués à la Défense et la Défense ne les a pas contesté

20 pour ce qui est de leur authenticité. Par conséquent, ces documents-là

21 devraient être versés au dossier étant donné que ce sont des documents sur

22 lesquels s'est fondé l'auteur du rapport expert.

23 Alors quel est le poids à accorder à ces différents documents à la fin,

24 c'est une toute autre question, et il dépendra des Juges de la Chambre du

25 poids à accorder aux différentes conclusions qui auront été tirées. C'est

26 une question qui sera tranchée en fin de course. Nous pouvons en parler à

27 l'occasion de l'interrogatoire du témoin expert et à l'occasion de nos

28 propos de clôture ainsi qu'à l'occasion de la présentation de toutes nos

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1 requêtes, toutes nos écritures. Notre attention n'avait pas été celle

2 d'ensevelir de façon non sélective les Juges de la Chambre avec un très

3 grand nombre de documents. Mais si nous demandons au témoin expert de nous

4 parler de chacun de ces documents, cela nous prendra trop de temps et c'est

5 la façon la plus rapide de procéder. Si nous procédons au versement de ces

6 documents au dossier, le témoin va parler de son rapport et il se passera à

7 la disposition des Juges de la Chambre pour répondre aux questions que les

8 Juges auront à poser au sujet de cette documentation.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une question que je vais vous poser au

10 sujet des points que vous avez soulevés : pourquoi ces documents auxquels

11 se référeront d'autres témoins, pourquoi ces documents ne pourront-ils pas

12 être versés au dossier au travers du témoignage de ces témoins-là et non

13 pas au travers du témoin expert ?

14 M. WHITING : [interprétation] Cela peut être fait, Monsieur le Président.

15 Je ne conteste pas le fait que cela puisse être fait de cette façon.

16 J'estimais qu'il serait plus rapide de verser au dossier ces documents afin

17 qu'ils soient disponibles à la totalité des parties en présence, ainsi qu'à

18 la totalité des témoins, afin qu'ils puissent les commenter. C'est ainsi

19 que l'on pourra trancher la question. Ce que je voudrais proposer de la

20 sorte c'est de procéder ainsi pour parcourir le plus rapidement possible le

21 témoignage du témoin expert.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez laisser

23 entendre que la rapidité de la façon de procéder est ce qui doit l'emporter

24 sur la procédure d'une manière générale ?

25 M. WHITING : [interprétation] Non. Ce que je voulais laisser entendre c'est

26 que la rapidité devait être prise en considération pour la procédure.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 [La Chambre de première instance se concerte]

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que la Défense souhaite dire

2 quelque chose ?

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense estime

4 que la position des Juges de la Chambre sur cette question-là se trouve

5 être tout à fait conforme à ce qui devrait constituer la pratique de ce

6 Tribunal. Pour ce qui est des documents de l'Accusation, dont il vient

7 d'être question de la part de mon confrère, je crois que cela ne devrait

8 pas être accepté. C'est une question que de savoir quelle est la valeur du

9 témoignage du témoin expert, parce que le témoin expert a des connaissances

10 que n'ont pas les Juges de la Chambre, donc il communique ses

11 connaissances. Il présente un point de vue ou des points de vue

12 professionnels et il doit présenter les différents éléments de preuve, à

13 savoir, des documents dont il s'est servi. Cela ne veut pas dire

14 automatiquement qu'il a à se prononcer au sujet de chacun des documents; ce

15 serait inutile. Mais le témoin expert doit dire quel est ce qu'il soutient

16 comme document et sur quoi il fonde ses différentes conclusions.

17 Cette proposition émanant de l'Accusation nous semble être enfin

18 traduire la volonté de se sécuriser vis-à-vis du contre-interrogatoire.

19 Cela se trouve être injustifié à notre avis d'une part, et d'autre part, la

20 teneur et la recevabilité des constatations du témoin expert est une

21 question tout à fait dissociée de la question du critère d'admissibilité

22 des documents auxquels se réfère le témoin expert dont a parlé notre

23 confrère de l'Accusation. Ce sont là des questions tout à fait distinctes.

24 Nous estimons que les Juges de la Chambre ont adopté une position tout à

25 fait acceptable et correcte pour ce qui est de la façon de procéder avec

26 les témoins experts dans l'affaire qui nous intéresse.

27 Merci.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, M. Milovancevic. La

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1 Chambre a saisi l'occasion pour soulever cette question auprès des parties

2 pour que les parties puissent justement adapter leurs points de vue en

3 bonne et due forme. Nous n'allons pas rendre de décision maintenant, si

4 tant est que nous devions rendre une décision. Je pense, en fait, que le

5 témoin expert ne va pas être cité de suite, donc je pense que les parties

6 auront le temps de réfléchir à tout cela. Peut-être qu'avant de convoquer

7 le premier témoin expert justement, les parties pourront indiquer à la

8 Chambre ce qu'il en est et la Chambre pourrait à ce moment-là rendre une

9 décision si cela est nécessaire. Il appartient maintenant aux parties

10 d'envisager cette question.

11 J'aimerais, en fait, puisque nous sommes sur le point de citer à la

12 barre le premier témoin, que nous passions à huis clos partiel.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

14 le Président.

15 [Audience à huis clos partiel]

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24 [Audience publique]

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à nouveau en audience

26 publique, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, lors de la conférence

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1 préalable au procès, et juste avant les déclarations liminaires en

2 décembre, la Chambre avait soulevé un certain nombre de questions et avait

3 demandé aux parties d'essayer de trouver un accord à ce sujet. La Chambre

4 avait indiqué qu'elle vérifierait auprès des parties si cela avait été

5 fait. Je me disais que le moment était venu de faire le point de la

6 situation.

7 J'ai le grand regret de vous indiquer que nous n'avons absolument

8 fait aucun progrès à propos des questions que vous aviez soulevées. Ce

9 n'est pas que l'Accusation n'a pas essayé. Nous n'avons pas ménagé notre

10 peine.

11 Nous avons envoyé une lettre à la Défense le 2 janvier 2006, et dans

12 cette lettre nous demandions à la Défense si elle était en mesure de

13 marquer son accord avec les questions soulevées par la Chambre, et nous

14 avons reçu une réponse aujourd'hui seulement. En fait, nous demandions plus

15 précisément si la Défense pourrait accepter qu'il y ait un conflit armé en

16 Croatie lors de la période pertinente, à partir du mois d'août 1991

17 jusqu'au mois d'août 1995. La Défense a répondu qu'elle n'est pas en mesure

18 de marquer son accord avec ceci. Je ne ferais pas de remarque à ce sujet,

19 mais je me contente de vous indiquer quelle fut la réponse de la Défense.

20 La Chambre nous avait également demandé si nous pouvions nous mettre

21 d'accord à propos d'une liste de victimes dans cette affaire. Pour ce qui

22 est de l'Accusation, la méthode la plus efficace consisterait à ce que les

23 parties se mettent d'accord sur le témoignage des experts, témoignages qui

24 portent sur les victimes et qui identifient les victimes à partir

25 d'exhumations, et cetera, et cetera. C'est à cette fin que l'Accusation a

26 demandé à la Défense si elle pourrait marquer son accord avec le témoignage

27 des experts. La Chambre sait pertinemment qu'ils n'ont pas marqué leur

28 accord avec ces rapports et avec le témoignage, donc ils veulent procéder

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1 au contre-interrogatoire des trois experts. Conformément à l'article 94

2 bis, il n'est pas possible à l'Accusation de présenter ces rapports et de

3 demander l'admissibilité de ces rapports, ainsi que les témoignages sans

4 qu'il n'y ait contre-interrogatoire. L'article 94 bis ne l'autorise tout

5 simplement pas, et la Chambre a déjà rendu sa décision en la matière, donc

6 je ne vois pas comment nous pourrions obtenir de plus amples progrès.

7 La Chambre nous a également demandé si nous pouvions nous mettre d'accord à

8 propos des témoins MM16, 17 et 18. Nous avons demandé à la Défense si elle

9 était en mesure d'accepter le témoignage intercepté de ces témoins et

10 d'admettre que soient versées aux dossiers les conversations interceptées

11 pertinentes. Bien entendu, nous présenterons par la suite nos arguments à

12 propos de ce que cela signifie. La Défense a marqué son désaccord avec

13 cette idée, donc je pense que là encore, au vu du règlement, l'Accusation

14 doit demander que soient admis ces témoins. L'article 92 bis ne peut pas

15 véritablement être appliqué dans ce cas d'espèce, donc il va falloir que

16 nous convoquions ces témoins.

17 La Chambre a également demandé si les parties pourraient envisager

18 l'article 92 bis pour les témoins suivants : 28, 64 et 74. Le point de vue

19 de l'Accusation, après avoir considéré la suggestion présentée par la

20 Chambre de première instance, est, en fait, que nous devrions marquer notre

21 accord pour ce qui est du témoin 28 en vertu de l'article 92 bis. Nous

22 avons demandé à la Défense s'ils pourraient le faire.

23 Pour ce qui est des témoins 64 et 74, nous pensons que ces témoins

24 sont absolument essentiels et doivent être entendus viva voce par la

25 Chambre. Il faut savoir que ces deux témoins -- ou que le témoignage de ces

26 deux témoins va porter sur le bombardement de Zagreb. L'Accusation a

27 identifié trois autres témoins; le 68, le 72 et le 73 à propos du

28 bombardement de Zagreb, et nous pensons que là leurs témoignages pourraient

Page 339

1 être considérés comme recevables par le biais de l'article 92 bis. Nous

2 avons demandé si la Défense pourrait marquer son accord, et pour le moment

3 la Défense a indiqué qu'elle n'était d'accord avec aucune de ces

4 suggestions.

5 Je voudrais indiquer en fait que nous allons bientôt présenter une

6 requête en demandant pour ces quatre témoins, qu'ils soient admis au titre

7 de l'article 92 bis. Il s'agit du témoin 28, 68, 72 et 73. Je pense que

8 nous allons pouvoir déposer cette requête au cours des jours à venir.

9 En dernier lieu, Monsieur le Président, nous avons préparé un jeu de

10 cartes, et nous avions pensé que ce jeu de cartes serait utile pour la

11 Chambre de première instance, puisque nous pensons qu'un certain nombre de

12 témoins vont présenter des remarques à ce sujet. C'est quelque chose qui a

13 été fait par le passé, et nous avions pensé qu'il serait utile aux parties

14 ainsi qu'à la Chambre de pouvoir disposer de cartes essentielles qui se

15 trouvent dans un seul et même dossier, qui devienne une seule et même pièce

16 à conviction à laquelle on peut faire référence très facilement. Avec

17 l'autorisation de la Chambre, je voudrais maintenant vous montrer ce jeu de

18 cartes afin que la Chambre le consulte. De toute évidence, cela a déjà été

19 fourni à la Défense.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que tout cela nous soit

21 transmis, j'aimerais savoir ce qu'en pense la Défense.

22 Oui, à propos de ces cartes, Maître Milovancevic.

23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 Nous avons reçu les propositions du bureau du Procureur vendredi. Nous

25 avons étudié cela de très près. Il s'agit des documents qui sont censés

26 être utilisés lors de cette affaire ici, au sein de cette auguste

27 institution. Nous en avons parlé à l'Accusation, et si la Chambre de

28 première instance est intéressée, nous pouvons maintenant vous faire part

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1 de nos objections parce que nous pensons que ces cartes sont tout à fait

2 arbitraires. Vous ne pouvez pas, pour ce qui est de certaines municipalités

3 en Croatie, établir un recensement en indiquant qu'il y a une majorité de

4 population serbe sur la base du vote de 1990. De grâce, Monsieur le

5 Président, est-ce qu'il n'est pas élémentaire de dire que, pour ce qui est

6 de la composition ethnique des municipalités, cela est indiqué non pas à la

7 suite d'un scrutin ou d'une élection, mais cela peut être compris en

8 décrivant les municipalités ?

9 Nous n'avions pas l'intention de refuser cela de cette façon, mais

10 nous voudrions que les noms des cartes soient adaptés. Nous voudrions que

11 ces cartes soient aussi précises que possibles. Pour ce qui est de l'année

12 1991, 1992 et 1993, nous aimerions que les frontières soient bien

13 indiquées. J'ai des objections très, très précises, et je ne voudrais

14 surtout pas abuser de la patience de la Chambre de première instance à

15 propos de ces détails, mais nous considérons que cela est extrêmement

16 important. Je ne sais pas si vous avez ces cartes maintenant.

17 On nous a fourni une carte des Balkans occidentaux. Ce terme n'existe

18 absolument pas. Et il y a une carte de la République fédérative socialiste

19 de la Yougoslavie sans que les frontières ne soient indiquées de façon

20 précise. Donc, j'aimerais savoir à quoi cela ressemble ? S'il y a certains

21 pays sur la carte, il faudrait avoir une carte avec les frontières de la

22 Croatie, les frontières de la Serbie, de la Bosnie, et cetera, et cetera.

23 Mais ce que nous avons ce sont les contours de l'ex-Yougoslavie, et s'il

24 s'agit en fait de l'ex-Yougoslavie de la RSFY, membre des Nations Unies,

25 alors il faudrait indiquer quelles sont "les frontières de la Yougoslavie

26 pour 1991." Mais nous dire qu'il s'agit d'une carte des Balkans

27 occidentaux, cela peut susciter des conclusions qui pourraient être

28 extrêmement délicates dans cette affaire.

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1 Nous essayons de traiter tout cela au sérieux. Peut-être que cela ne

2 semble pas être sérieux, mais il s'agit d'une question extrêmement

3 délicate, et c'est pour cela que la Défense a présenté son point de vue de

4 façon très claire, et nous l'avons indiquée à nos collègues du bureau du

5 Procureur. Nous souhaitons leur être utile et nous leur avons indiqué

6 comment il faudrait qu'ils identifient et précisent ces cartes pour

7 qu'elles puissent être acceptées. Je pense que cela devrait pouvoir être

8 fait dans le cadre d'une conversation tout à fait normale. Je ne pense pas

9 qu'il soit judicieux de pointer un doigt accusateur de cette façon, mais je

10 pense que cela pourrait peut-être nous permettre de trouver une solution en

11 fin de compte.

12 Je vous remercie, Monsieur le Président.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous vous avons bien entendu, Maître

15 Milovancevic, et vous avez dit que le problème pourrait être réglé par

16 l'intermédiaire d'une discussion avec le bureau du Procureur afin d'essayer

17 de trouver les noms adéquats pour ces cartes. Au lieu de parler des Balkans

18 occidentaux, par exemple, il faudrait parler de la République fédérale de

19 Yougoslavie, ou quelles que soient les corrections qui doivent être

20 apportées d'ailleurs.

21 La Chambre vous recommande vivement d'essayer de trouver une solution à ce

22 problème afin de vous assurer que les cartes, avant qu'elles ne soient

23 transmises à la Chambre, soient absolument exactes. Et si les parties ne

24 sont pas en mesure de le faire, la Chambre devra rendre une décision

25 ultérieurement à ce sujet.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

28 Monsieur les Juges, j'aimerais parler de ce que mon collègue du bureau du

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1 Procureur a dit à propos des autres faits.

2 Nous pouvons marquer notre accord avec certains faits, mais nous ne

3 pouvons pas marquer notre accord avec d'autres faits; cela est impossible.

4 Pour ce qui est de notre désaccord avec la définition du conflit armé qui

5 nous a été présenté, nous avons rédigé ce que nous avons dû rédiger de

6 façon très, très précise et nous avons essayé d'être très précis du point

7 de vue factuel ainsi que du point de vue juridique.

8 Deuxièmement, en ce qui concerne les victimes, le bureau du Procureur est

9 d'avis que nous devrions nous mettre d'accord sur les victimes compte tenu

10 des conclusions dégagées par leurs experts. Nous serons en mesure de nous

11 mettre d'accord sur ce genre de chose seulement lorsque notre expert

12 médical aura terminé son travail, parce que nous avons des documents du

13 bureau du Procureur indiquant, par exemple, les noms des victimes, et

14 cetera, et dans ces rapports nous trouvons des détails relatifs à ces

15 victimes. Il faut savoir que ce rapport est truffé d'erreurs. Ce n'est pas

16 la peine d'agir de façon précipitée non plus. Nous devons véritablement

17 vérifier tout cela auprès de nos propres experts.

18 Pour ce qui est des déclarations de témoins, j'aimerais, Monsieur le

19 Président, dire quelque chose à ce sujet. Je souhaiterais que vous

20 compreniez bien ce que fait la Défense. Nous étions ici le 12 et le 13 et

21 nous sommes rentrés à Belgrade le 14 décembre. Depuis cette date, il y a eu

22 de nombreuses vacances, notamment les vacances de Noël et les jours fériés

23 du jour de l'An. La Défense a essayé de récupérer ce temps perdu et nous

24 avons essayé de faire en quelque sorte le ménage. Je ne vous parle pas des

25 tiroirs et des placards de nos bureaux. Je vous parle des documents écrits

26 dont nous disposons. Ces documents ont maintenant été emmenés à La Haye, et

27 il s'agit d'une demi-tonne de documents, de 230 classeurs. Nous n'avons pas

28 les moyens techniques d'établir un bureau ici. Je sais que cela n'est pas

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1 du ressort de la Chambre de première instance et ne l'intéresse

2 probablement pas, mais nous aimerions demander au greffier de nous aider.

3 Ce que nous voudrions dire, c'est que cela nous complique la vie. Il faut

4 que cela soit pris en considération. Il faut savoir qu'aujourd'hui nous

5 allons avoir un témoin, et nous avons tout le reste des documents que nous

6 avons emmenés de la Serbie qui se trouvent dans un dépôt ici.

7 Puis autre chose. Nous en sommes au tout début de cette affaire. Nous

8 verrons bien ce sur quoi nous pourrons nous mettre d'accord. Etant donné

9 que notre client est en détention, nous n'avons absolument aucun intérêt à

10 faire de l'obstructionnisme ou à ne pas travailler de façon rapide.

11 Je vous remercie.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milovancevic.

13 De toute évidence, à cette phase du procès, vous avez fait état de quatre

14 éléments. La Chambre de première instance avait demandé aux parties

15 d'essayer de conclure un accord, ce qui n'a pas été le cas. Donc, pour le

16 moment, l'Accusation doit commencer la présentation de ses moyens à charge

17 du mieux qu'elle le peut, et s'il y a un accord entre les parties, cela

18 nous permettra de faire un certain progrès.

19 Monsieur Whiting, je pense que vous pouvez maintenant faire entrer votre

20 témoin dans le prétoire.

21 M. WHITING : [interprétation] Nous allons faire entrer le premier témoin,

22 mais en attendant qu'il n'arrive, j'aimerais savoir quand est-ce que la

23 Chambre de première instance a l'intention d'avoir sa première pause.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]

25 M. WHITING : [interprétation] J'avais cru comprendre que l'on prenait une

26 pause au bout d'une heure et demie.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous avons maintenant une heure

28 d'audience -- non, parce que nous avons commencé à 14 heures 30, donc nous

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1 n'avons pas encore siégé pendant une heure. Nous aurons la pause à la fin

2 de cette heure et demie.

3 M. WHITING : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que nous pouvons demander au

6 témoin de prononcer la déclaration solennelle.

7 M. WHITING : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais

8 lorsque c'était l'autre Chambre de première instance, c'était le Président

9 qui demandait au témoin de prononcer la déclaration solennelle, donc je

10 m'excuse.

11 Est-ce que vous pouvez prononcer cette déclaration solennelle,

12 Monsieur.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

16 M. WHITING : [interprétation] Veuillez prendre place, je vous prie.

17 Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Faites donc.

19 LE TÉMOIN : VELJKO DZAKULA

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 Interrogatoire principal par M. Whiting :

22 Q. Monsieur, est-ce que vous m'entendez et me comprenez ?

23 R. Je vous comprends.

24 Q. Si à un moment donné vous ne m'entendez pas ou vous n'entendez pas

25 l'interprétation, n'hésitez pas à le dire de suite.

26 R. Je le ferai.

27 Q. Est-ce que vous pourrez décliner votre identité pour la Chambre de

28 première instance.

Page 345

1 R. Je m'appelle Veljko Dzakula.

2 Q. Quelle est votre date de naissance ?

3 R. Le 19 mars 1955.

4 Q. Etes-vous un Serbe de nationalité croate ?

5 R. Oui.

6 Q. A l'heure actuelle, vous vivez en Croatie ?

7 R. Oui.

8 Q. Avant la guerre, pourriez-vous nous dire quelle était votre profession.

9 R. J'ai un diplôme universitaire en sylviculture et je dirigeais une

10 entreprise de sylviculture en Croatie.

11 Q. Où est-ce que cette société se trouvait en Croatie ?

12 R. A Pakrac, en Slavonie occidentale.

13 Q. Est-ce que c'est le travail que vous aviez en 1990/1991 ?

14 R. Oui.

15 Q. Jusqu'à quand avez-vous occupé cette fonction ?

16 R. Jusqu'au 19 août 1991.

17 Q. Avant la guerre, est-ce que vous étiez membre de la Ligue des

18 Communistes ?

19 R. Oui, j'en faisais partie.

20 Q. Vous souvenez-vous du moment où le Parti démocrate serbe, communément

21 appelé SDS, a été créé en Croatie ?

22 R. Il a été créé en Croatie en février 1990.

23 Q. Où a-t-il été formé pour la première fois ?

24 R. A Knin.

25 Q. Qui étaient les dirigeants du SDS à Knin qui ont, dans un premier

26 temps, formé le SDS ?

27 R. Le président du parti était Raskovic. Il y avait également Macura,

28 Babic, ainsi que d'autres.

Page 346

1 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi tous les noms.

2 M. WHITING : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez des premières élections multipartites en

4 Croatie et vous souvenez-vous quand est-ce qu'elles ont eu lieu ?

5 R. Elles ont eu lieu pendant le printemps de 1990.

6 Q. Vous souvenez-vous du résultat électoral pour le SDS pendant cette

7 élection ?

8 R. Le SDS a remporté les élections à Knin, Benkovac, Gracac et Lopac.

9 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous vous êtes rallié aux rangs du SDS ?

10 R. Oui, à la fin du mois de mai 1990.

11 Q. Pourquoi êtes-vous devenu membre du SDS ?

12 R. Parce que nous voyions que le parti pour lequel les Serbes avaient voté

13 dans leur grande majorité, à savoir le SDP, était un parti qui ne suivait

14 pas véritablement de près les problèmes auxquels faisaient face les Serbes.

15 Nous avons pensé qu'il était important que les Serbes soient organisés afin

16 qu'ils puissent représenter leurs intérêts de façon plus facile et nous

17 pensions que cela était extrêmement important pour leur vie.

18 Q. Vous avez fait référence au SDP. Qu'est-ce que cela signifie ?

19 R. Le Parti du changement démocratique. La Ligue des Communistes a essayé

20 de se démocratiser de façon à devenir un nouveau parti, et ce parti

21 s'appelle toujours à l'heure actuelle SDP.

22 Q. Vous avez également parlé des problèmes rencontrés par les Serbes.

23 Pourriez-vous nous dire, à votre avis, quels étaient ces problèmes ?

24 R. En premier lieu, les rassemblements tenus en vue des élections

25 rappelaient le passé, la Deuxième guerre mondiale. Puis, les hommes

26 politiques croates parlaient souvent de la surreprésentation des Serbes au

27 sein de la police, des entreprises, et cetera. Il y avait un certain nombre

28 de connotations négatives. En outre, la constitution a été modifiée, et ce

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1 parti ne semblait pas s'intéresser véritablement aux Serbes qui avaient

2 construit leur histoire en compagnie des Croates, et ne surveillait pas

3 suffisamment les problèmes rencontrés par la communauté serbe.

4 Q. Monsieur Dzakula, je souhaiterais à présent que nous parlions ensemble

5 des différentes fonctions que vous aviez occupées au sein du SDS, et par la

6 suite, dans la vie politique. Je souhaiterais que nous évoquions également

7 un certain nombre d'expériences que vous avez vécues en rapport avec cela.

8 Lorsque vous êtes devenu membre du SDS, est-ce que l'on vous a affecté une

9 fonction particulière ?

10 R. Tout d'abord, j'étais membre du conseil régional du SDS pour la

11 Slavonie occidentale. Par la suite, je suis devenu membre du conseil

12 régional, puis je suis devenu membre du conseil exécutif du parti pour

13 l'ensemble de la Croatie.

14 Q. Quand êtes-vous devenu membre du conseil régional du SDS ? Quand avez-

15 vous occupé ce poste pour la première fois ?

16 R. Je suis devenu membre du conseil régional dès le mois de juin 1990.

17 Q. Quand êtes-vous devenu président du conseil régional ?

18 R. Vers la fin de l'année 1990.

19 Q. Quand êtes-vous devenu membre du conseil exécutif du parti pour

20 l'ensemble de la Croatie ? Etait-ce au même moment, c'est-à-dire à la fin

21 de l'année 1990 ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Au départ, lorsque le SDS a été formé en Slavonie occidentale, le SDS,

24 s'occupait-il uniquement de la Slavonie occidentale ou recouvrait-il une

25 région plus vaste ?

26 R. A l'époque, le parti s'occupait de toute la Slavonie et de toute la

27 Baranja, jusqu'à Ilok et Kutina. Il recouvrait 14 ou 15 municipalités ou

28 villes. Par la suite, il y a eu une division entre la Slavonie occidentale,

Page 348

1 la Slavonie orientale et la Baranja.

2 Q. A quelle date, je vous prie ?

3 R. Cela s'est passé en 1991. Je pense que c'était au mois de mai. C'est à

4 ce moment-là que le conseil national de la Slavonie occidentale, de la

5 Baranja et du Srem occidental a été proclamé. Après cela, nous avons

6 proclamé la création de la Slavonie occidentale de façon à ne pas dépendre

7 de cet organe, ni de Goran Hadzic.

8 Q. Nous allons revenir là-dessus un peu plus tard.

9 Vous souvenez-vous qu'à la fin de l'année 1990, la SAO de Krajina a

10 été créée ?

11 R. Oui, je m'en souviens.

12 Q. Qui était le président de la SAO de Krajina au moment de sa création ?

13 R. Milan Babic.

14 Q. Ce n'est qu'en 1991 que le SAO de Slavonie occidentale a été créée,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui. Le 12 août 1991.

17 Q. Avant cela, est-il exact de dire que la SAO de Slavonie orientale, de

18 la Baranja et de la Srem a été créée ?

19 R. Oui, en juin 1991.

20 Q. Qui était le président de cette SAO ?

21 R. Goran Hadzic.

22 Q. Lorsque la SAO de Slavonie occidentale a été créée en août 1991, qui en

23 était le président ?

24 R. J'en étais le président.

25 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quelles municipalités étaient

26 incluses au sein de la SAO de Slavonie occidentale ?

27 R. Pakrac, Daruvar, Grubisno Polje, Podravska Slatina, des parties

28 d'Orahovica et Okucani. Avant cela, il ne s'agissait pas d'une

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1 municipalité, mais cela comprenait les villages entre Nova Gradisk et

2 Novska, et Okucani a été considérée également comme une municipalité.

3 Q. Vous avez mentionné Pakrac. Avant la création de la SAO de Slavonie

4 occidentale, Pakrac faisait-elle partie d'une autre SAO ?

5 R. La municipalité de Pakrac, le 18 ou le 21 février 1991, est devenue

6 partie intégrante de la SAO de la Krajina.

7 Q. Lorsque la SAO de la Slavonie occidentale a été créée, c'est devenu

8 partie intégrante de cette SAO, alors qu'auparavant, cette municipalité

9 faisait partie de la SAO de Krajina, n'est-ce

10 pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer de façon concise - car nous y

13 reviendrons plus tard - quelles étaient vos idées politiques en 1990 et

14 1991.

15 R. J'étais d'avis que toutes les questions et tous les problèmes qui se

16 posaient devaient être résolus par le dialogue. C'est pour cela qu'il y a

17 eu des problèmes avec Milan Babic au sein de parti. Des membres du conseil

18 régional du SDS de la Slavonie occidentale gardaient des contacts avec les

19 représentants des autorités de la République de Croatie, et cela nous était

20 reproché par le SDS de Knin. Les membres du -- le Pr Vojo Vukicevic, qui

21 était membre du conseil régional, est allé participer à des négociations à

22 Zagreb. Il a été critiqué pour cela, a dû quitter les rangs du parti et

23 quitter la Slavonie.

24 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres membres du SDS, d'autres personnes en

25 Slavonie occidentale qui se ralliaient à vos positions ?

26 R. Oui. Dusan Ecimovic, Obrad Ivanovic, Veljko Vukic, Milenko Miletic, des

27 gens de Kutina, Branko Popovic, Zivko Zagorac [phon] de Grubisno Polje. Ils

28 étaient majoritaires.

Page 350

1 Q. Vous avez mentionné d'autres dirigeants. Vous avez évoqué notamment le

2 nom de Milan Babic qui adoptait des positions différentes. Comment

3 décririez-vous ces positions ?

4 R. Il ne souhaitait absolument pas négocier avec Zagreb pour ce qui est

5 des différents points de vue qui avaient vu le jour. Il voulait couper tout

6 contact avec Zagreb et résoudre tous les problèmes au sein de notre

7 communauté.

8 Par exemple, il est arrivé que des Serbes de Vukovar viennent participer à

9 une réunion à Knin. Les Serbes du SDS de Knin les ont appelés des Oustacha

10 parce que le drapeau échiquier était hissé à Vukovar. Il y avait des points

11 de vue différents entre nous et les gens de Babic à Knin.

12 Q. Vous avez parlé de Babic. Pourriez-vous nous donner le nom d'autres

13 dirigeants qui ont adopté cette approche ?

14 R. Bosko Bozanic de Korenica, David Rastovic de Lapac, Djoko Vjestica. Je

15 ne me souviens pas de tous les noms, mais il y avait des gens de Knin, de

16 Benkovac, de Lapac, de Korenica, de Dalmatie, de Lika.

17 Q. Qu'en est-il de Milan Martic ? Quelle était sa position ? Est-ce qu'il

18 avait la même attitude que vous ou est-ce qu'il était en accord avec les

19 dirigeants de Knin que vous avez mentionnés ?

20 R. Lorsque Milan Martic a fait éruption sur la scène politique, il prônait

21 la même position que celle adoptée par Milan Babic, à savoir, l'absence de

22 toute négociation avec Zagreb. Il souhaitait résoudre toutes les questions

23 au sein de la Krajina.

24 Q. En juillet 1991, est-ce que vous avez créé un organe appelé le Forum

25 démocratique serbe ?

26 R. Oui. Début juillet 1991, à Lipik qui, à l'époque, faisait partie de la

27 municipalité de Pakrac.

28 Q. Pourriez-vous, je vous prie, dire aux Juges de la Chambre, quel était

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1 l'objectif du Forum démocratique serbe ?

2 R. Il y avait une division au sein du SDS de Croatie, il y avait le SDS de

3 Krajina, et le reste du SDS dans le reste du territoire croate. Nous

4 voulions renforcer cet organe grâce à l'apport d'intellectuels indépendants

5 de la République de Croatie qui souhaitaient une union, une harmonie, des

6 points de vue harmonisés au sujet des intérêts serbes en Croatie. Il

7 s'agissait de trouver des solutions par le biais d'un dialogue

8 démocratique. On pouvait voir que la guerre constituait une menace. Nous

9 avons reçu un apport important, un soutien important de la part des élites

10 intellectuels serbes à Zagreb et dans d'autres villes. C'est dans ce

11 contexte-là que la réunion s'est tenue. Nous avons essayé de promouvoir un

12 programme conjoint de dialogue avec la République de Croatie.

13 Q. Je crois vous avoir compris, mais je souhaiterais avoir des détails

14 supplémentaires. Vous avez dit qu'on pouvait voir que la guerre constituait

15 une menace. Est-ce que cette initiative par laquelle on a créé le Forum

16 démocratique serbe constituait en réalité une tentative visant à empêcher

17 la guerre ou est-ce qu'il s'agissait au contraire de pousser à la guerre ?

18 R. Bien, notre initiative visait à empêcher la guerre en présentant nos

19 positions, nos idées de façon à faire connaître auprès du public de

20 Croatie, qu'il s'agisse des Serbes et des Croates, faire savoir à tout le

21 monde qu'il y avait une solution pacifique et que nous devions la trouver.

22 Q. Quel rôle avez-vous joué dans la création du Forum démocratique serbe ?

23 R. Je faisais partie du comité directeur. J'étais un des organisateurs.

24 Nous n'avons pas pu tenir de réunion à Banija et Kordun comme nous l'avions

25 prévu. Cette réunion s'est tenue en Slavonie occidentale. Je me suis chargé

26 du soutien logistique. J'ai participé à des négociations à Zagreb et à

27 Belgrade avec d'autres membres du conseil, de façon à préparer cette

28 assemblée portant création du Forum démocratique serbe.

Page 352

1 Q. Vous avez dit que la réunion n'avait pas pu se tenir à Banija et à

2 Kordun comme cela avait été prévu. Pourquoi pas ?

3 R. Une lettre est arrivée. Mes amis de Zagreb l'ont reçue. Elle avait été

4 envoyée par le SDS de Krajina. Par cette lettre, on interdisait la tenue

5 d'une telle réunion sur le territoire de la SAO de Krajina. Cette réunion

6 devait être tenue ailleurs sur le territoire de la République de Croatie.

7 Ils disaient que les gens de la SAO de Krajina ne voulaient pas que cette

8 soi-disant réunion soit tenue en Krajina, car ils voulaient éviter tout

9 contact avec la Croatie fasciste. Ils nous ont fait savoir que si nous

10 souhaitions obtenir une telle réunion, cela devait se faire ailleurs et non

11 pas sur le territoire de la Krajina.

12 Q. Est-ce que vous avez communiqué cette lettre au bureau du Procureur il

13 y a deux jours dans le cadre de votre séance de récolement ?

14 R. C'est exact.

15 M. WHITING : [interprétation] Ce document a déjà été communiqué à la

16 Défense. Je souhaiterais que des copies soient à présent distribuées, y

17 compris au témoin, s'il vous plaît.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Faites donc.

19 M. WHITING : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, ce

20 document porte le numéro ERN04666700. Evidemment, comme nous ne l'avons

21 reçu que samedi dernier, ce document n'a pas été saisi dans le système

22 électronique d'administration judiciaire, si bien que nous n'avons pas pu

23 faire le nécessaire en vue de la déposition de ce témoin.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous souhaiteriez verser ce

25 document au dossier en tant que pièce à conviction de l'Accusation ?

26 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais son versement au dossier après

27 que le témoin aura identifié le document en question et l'aura examiné.

28 Q. Monsieur Dzakula, s'agit-il là de la lettre que vous avez communiquée

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1 au bureau du Procureur samedi dernier ?

2 R. Effectivement.

3 Q. Vous avez déclaré qu'il s'agissait d'une lettre émanant du Parti

4 démocratique serbe de Krajina, par laquelle on interdisait la tenue d'une

5 réunion organisée par le Forum démocratique serbe sur le territoire de la

6 Krajina. Cette lettre, par qui a-t-elle été signée ?

7 R. Par le Dr Ljubica Solaja, le président du SDS de Krajina.

8 Q. Quel est le rapport entre la personne que vous venez de nommer et Milan

9 Babic ?

10 R. C'était une proche collaboratrice. Elle n'aurait pas pu être présidente

11 du SDS de Krajina si elle n'avait pas été nommée par Milan Babic.

12 Q. Pourriez-vous donner lecture de l'avant-dernier paragraphe qui commence

13 ainsi : "Les attributs de ce forum." Il s'agit du Forum démocratique serbe.

14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes notent qu'ils n'ont pas ce document.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] "Les attributions de ce Forum démocratique

16 serbe ne correspondent pas à son rôle. Ce forum n'est pas démocratique, car

17 il ne vise pas à annuler la volonté démocratiquement exprimée par le peuple

18 serbe de ne pas vivre dans un Etat croate indépendant. Selon nous, par ces

19 motifs, il s'agit d'un organe destructif totalitaire et défaitiste. Cet

20 organe n'est pas serbe non plus car il travaille à l'encontre des intérêts

21 du peuple serbe."

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. Quand avez-vous reçu cette lettre, Monsieur Dzakula ?

24 R. Cette lettre a été -- on m'a informé qu'ils avaient reçu cette lettre

25 fin juin 1991.

26 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

27 dossier de ce document.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Des commentaires, Me Milovancevic ?

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Ce document est versé au

3 dossier.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document en question est versé au

5 dossier en tant que pièce à conviction numéro 1.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pièce à conviction

7 numéro 1. Merci.

8 M. WHITING : [interprétation]

9 Q. Monsieur Dzakula, qui d'autre a participé à la création du Forum

10 démocratique serbe ?

11 R. Parmi les membres fondateurs, il y avait Milorad Pupovac, Nikica

12 Vujnovic, Obrad Ivanovic, Nrenko Gacasa [phon], le défunt Vladimir Ivkovic,

13 Dusan Zelembaba, et le Pr Jovan Raskovic qui était président du SDS pour

14 l'ensemble du territoire de la Croatie. Il y avait Dusan Starcevic, Jovo

15 Opacic. Il était très important que nous ayons le président et les

16 dirigeants du SDS de Croatie. Nous avons également eu le soutien

17 d'intellectuels et de personnalités influentes en Croatie.

18 Q. Est-ce que vous avez essayé d'obtenir le soutien du gouvernement de

19 Croatie ou du gouvernement de Serbie pour cette initiative ?

20 R. Le comité directeur s'est rendu à Zagreb pour voir les autorités du

21 gouvernement de Croatie. Nous avons parlé au président Tudjman. Nous sommes

22 allés à Belgrade également. Nous avons eu des réunions avec Budin Bugotic

23 qui était vice-premier ministre de la République de Serbie. Ils ont écouté

24 ce que nous avions à dire mais personne ne nous a véritablement aidé. Puis,

25 nous avons publié un communiqué. Il y a eu un blocus des médias à Zagreb et

26 à Belgrade, si bien que nous n'avons pas obtenu le soutien que nous

27 espérions et auquel nous nous attendions.

28 Q. Vous avez mentionné le nom du conseil du président Tudjman.

Page 355

1 Aux fins du compte rendu d'audience, je souhaiterais que vous le répétiez

2 car cela n'a pas été consigné au compte rendu.

3 R. Lerotic. Je ne me souviens pas de son prénom.

4 Q. Cela suffira. Merci. Connaissez-vous un dénommé Jovo Vezmar ?

5 R. Oui, oui, je le connais.

6 Q. En 1991, quelle fonction occupait-il ?

7 R. C'était le chef de la police. C'était la personnalité la plus

8 importante au sein de la police de la municipalité de Pakrac. Je ne me

9 souviens pas de ses fonctions exactes.

10 Q. A un moment donné, l'avez-vous rencontré dans le contexte de la

11 création du Forum démocratique serbe ?

12 R. Oui. C'était en juin 1991.

13 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé à cette occasion ?

14 R. J'ai reçu une invitation de son frère, qui est maintenant décédé, par

15 laquelle je devais me rendre au village de Kraguj, à la salle des fêtes du

16 village pour m'entretenir avec les citoyens qui étaient rassemblés. Lorsque

17 je suis arrivé, il n'y avait que Jovo Vezmar. Cela faisait quelque temps

18 qu'il avait quitté la région et il était revenu. Nous nous sommes salués

19 très brièvement. Il m'a ensuite dit, C'est de ta faute. Tu es responsable

20 de la passivité de ces cinq municipalités et du fait que la guerre n'a pas

21 éclaté dans ces municipalités. Tu as 24 heures pour démissionner de ton

22 travail au sein de l'entreprise, de quitter tes fonctions politiques, de

23 partir de la municipalité de Pakrac, sinon, tu seras tué. Je lui ai demandé

24 deux fois s'il savait de quoi il parlait. Il m'a dit qu'il savait

25 parfaitement de quoi il parlait et que c'est ce que je devais faire.

26 Q. Qu'avez-vous fait ?

27 R. J'ai obtempéré. Le lendemain matin, j'ai appelé mon directeur,

28 Bjelovar. Je lui ai demandé si je pouvais prendre congé. Le lendemain

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1 matin, j'ai quitté Pakrac. Donc, j'ai partiellement obtempéré.

2 Q. Où êtes-vous allé ?

3 R. Je suis allé à Beograd pour faire rapport au président du SDS, le Pr

4 Jovan Raskovic. Je lui ai parlé de ce problème. Il m'a dit de me cacher

5 quelque part en Serbie, d'aller dans un village jusqu'à ce qu'il me

6 rappelle en Croatie.

7 Q. Où êtes-vous allé ?

8 R. Je suis allé dans le sud de la Serbie, à Vrnjacka Banja.

9 Q. Mais où est-vous allé en premier lieu ?

10 R. A Belgrade.

11 Q. Est-ce que vous êtes finalement retourné en Croatie ?

12 R. Oui. Dix ou 15 jours plus tard je suis rentré en Croatie.

13 Q. Que s'est-il passé à votre retour ?

14 R. Lorsque je suis rentré, j'ai rencontré mes amis du SDS. Nous avons

15 analysé la situation. La guerre avait déjà éclaté en Slavonie occidentale

16 et en Krajina. Nous avons tenu une session du conseil régional pour la

17 Slavonie occidentale. Nous avons proclamé la création de la SAO de Slavonie

18 occidentale le 12 août. Nous nous sommes organisés de manière à entamer des

19 négociations avec les autorités de Croatie pour empêcher la guerre.

20 Q. Est-ce à ce moment-là que vous êtes devenu président de la SAO de

21 Slavonie occidentale ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que vous avez eu une autre conversation avec Jovo Vezmar ?

24 R. Je l'ai revu le 18 août, dans la soirée. Deux de ses co-combattants

25 sont venus me chercher par la force. Ils étaient armés. Ils m'ont amené à

26 son quartier général. Il m'a dit qu'ils partaient en guerre dans la matinée

27 et que je devais décider si j'étais de leur côté ou non. Il m'a dit que si

28 j'essayais quoi que ce soit, je serais tué. J'ai été détenu jusqu'à

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1 l'après-midi du jour suivant, lorsque la première attaque contre Pakrac a

2 été terminée.

3 M. WHITING : [interprétation] Je pense que le moment est opportun pour

4 faire une pause.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

6 de 20 minutes. Merci.

7 --- L'audience est suspendue à 15 heures 58.

8 --- L'audience est reprise à 16 heures 22.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous rappelons le témoin qu'il est

10 astreint par la déclaration solennelle qu'il a faite au début de son

11 témoignage. Vous pouvez continuer.

12 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

13 Mais avant de continuer, j'aimerais vous informer de ce qui suit.

14 L'Accusation et la Défense se sont entretenues sur la question des faits

15 admis, les éléments qui demandaient éclaircissement. Il va falloir que nous

16 continuons cette discussion, et je crois pouvoir vous apporter une réponse

17 demain.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

19 M. WHITING : [interprétation]

20 Q. Monsieur Dzakula, avant que de prendre la pause tout à l'heure, vous

21 nous aviez parlé de la création du Forum démocratique serbe et de certaines

22 réactions à ce sujet datant de 1991. Est-ce que ce Forum démocratique serbe

23 existe encore de nos jours ?

24 R. Oui, il existe encore. Nous allons célébrer, cette année-ci, son

25 quinzième anniversaire.

26 Q. Est-ce que vous avez des fonctions au sein de ce Forum démocratique

27 serbe ?

28 R. Oui. Je suis président du conseil d'administration de ce Forum

Page 358

1 démocratique serbe.

2 Q. Est-ce que vous pouvez dire à l'attention des Juges de la Chambre ce

3 que celui-ci fait aujourd'hui. Quelle est sa fonction ?

4 R. Le SDF, c'est une organisation non gouvernementale qui n'a pas d'objet

5 lucratif, qui aide les réfugiés et qui leur apporte une aide juridique.

6 Nous avons des programmes humanitaires, sociaux à l'intention des personnes

7 âgées et des programmes de développement qui font que nous aidons les gens

8 à trouver du travail et à résoudre des questions existentielles pour ces

9 gens-là.

10 Q. Quelle est la corrélation entre le SDF et les autorités croates tant

11 pour ce qui est du niveau local et du niveau de la république ?

12 R. Au cours de ces quelques dernières années, nous avons une bonne

13 coopération avec le ministère de la Coopération, différents ministères du

14 gouvernement, le ministère de la Reconstruction, puis le ministère aux

15 Soins sociaux et à l'aide médicale. Puis, au niveau local, nous avons une

16 coopération avec les autorités municipales et les autotirés des provinces.

17 Puis, nous avons une coopération avec d'autres organisations

18 internationales.

19 Q. Comme quoi ?

20 R. Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit ?

21 Q. J'ai dit lesquelles organisations internationales ?

22 R. UNHCR, l'US Aid, l'OSCE et la Commission européenne notamment la

23 coopération que nous entretenons avec la plupart des ambassades des pays

24 européens.

25 Q. Combien de bureau le SDF a-t-il en Croatie ?

26 R. Nous avons 18 bureaux en République de Croatie.

27 Q. Est-ce l'une des organisations non gouvernementales des plus

28 importantes en Croatie ?

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1 R. C'est la plus grande et la plus ancienne.

2 Q. Revenons à l'année 1991. Vers la fin de 1991 et au tout début de 1992,

3 la République de la Krajina serbe, à savoir, la RSK a été créée. Avez-vous

4 occupé des fonctions à ce moment-là ?

5 R. Lors de la création de la RSK - je précise qu'il s'agissait de la date

6 du 26 février 1992 - et au devant de la Slavonie occidentale, j'ai fait

7 partie du gouvernement de la Krajina serbe. Il y avait la Slavonie

8 occidentale et la Krajina. Il y avait une assemblée commune des trois SAO,

9 des trois provinces autonomes serbes avec création d'un gouvernement

10 commun.

11 Q. Quelle a été la fonction que vous avez occupée au sein du

12 gouvernement ?

13 R. J'ai été vice-premier ministre de la République de la Krajina serbe

14 chargé de la l'économie, et notamment chargé des forêts.

15 Q. En votre qualité de vice-premier ministre, avez-vous assisté aux

16 sessions du gouvernement de la RSK ?

17 R. J'ai été présent à la plupart des sessions.

18 Q. Où ces sessions ont-elles eu lieu ?

19 R. Le plus souvent à Knin. Il y en a eu une ou deux qui se sont tenues en

20 Slavonie orientale et une seule en Slavonie occidentale vers la fin de

21 1992.

22 Q. Nous allons revenir à cette session qui s'est tenue en Slavonie

23 occidentale en 1992. Nous le ferons tout à l'heure. Dites-nous maintenant,

24 en février 1993, avez-vous continué à exercer vos fonctions de vice-premier

25 ministre de la RSK ?

26 R. En février, j'étais encore vice-premier ministre du gouvernement de la

27 RSK en 1992.

28 Q. Non, je m'excuse. Je vous ai posé la question pour 1993.

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1 R. C'est moi qui m'excuse. Oui, jusqu'au mois de mars 1993. C'est jusqu'au

2 mois de mars 1993 que j'ai été vice-premier ministre de ce gouvernement de

3 la RSK.

4 Q. Au cours de ce mois de février 1993, auriez-vous signé un texte qui

5 s'intitulait accord de Daruvar ?

6 R. Oui, le 18 février 1993. C'est un document qui a été signé à Doljani.

7 Il s'appelait l'accord de Daruvar, puisque le site de sa signature se

8 trouvait dans la municipalité de Daruvar.

9 Q. Je vous demanderais d'indiquer aux Juges de la Chambre de quel type

10 d'accord il s'agissait ?

11 R. C'était un accord entre les parties serbes et croates où nous avions

12 convenu de procéder par la voie pacifique de recourir aux dialogues pour

13 résoudre les problèmes communaux liés à l'eau, l'électricité, les voies de

14 communication. Il y avait également les contacts entre les différents

15 membres des familles de part et d'autre. Il a été fait preuve de bonne

16 volonté pour ce qui est de l'ouverture d'un dialogue entre la partie serbe

17 et la partie croate. Cela a été d'ailleurs le premier accord de ce type.

18 Q. Qui est-ce qui a négocié du côté serbe pour ce qui est d'aboutir à ces

19 accords-là ?

20 R. Il y avait Dusan Ecimovic, Mladen Kunic. Je ne peux pas me rappeler

21 deux autres noms. Ma mémoire vient de se bloquer. Enfin, nous étions au

22 total cinq. Je m'excuse, je n'arrive pas à me souvenir des autres noms.

23 Q. Fort bien. Je vous poserai la question de savoir si vous avez pu vous

24 souvenir de leurs noms. Si vous arrivez à vous en rappelez, dites-le nous

25 de vous-même, je vous prie.

26 Veuillez à présent nous indiquer qui est-ce qui négociait du côté croate ?

27 R. Du côté croate, il y avait Ivan Milas, en sa qualité de représentant du

28 gouvernement. Il y avait Josko Moric, adjoint du ministre. Il y avait des

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1 maires de Novska, Pakrac, Daruvar, Pakrac Polje, Slatina. Mais je n'arrive

2 plus à me souvenir de leurs noms et prénoms. C'était des gens qui n'étaient

3 pas très connus dans l'opinion publique d'une manière générale, dans

4 l'opinion publique politique. Je pense qu'il y en avait un qui portait le

5 nom de Kos, mais c'est le seul dont je me souviens.

6 Q. Y a-t-il eu des négociations pour ce qui était d'aboutir à cet accord,

7 et ces négociations ont-elles été faites dans le secret ou en public ?

8 R. Les préparatifs se sont faits dans le secret et la signature s'est

9 faite publiquement. Nous l'avons fait en plein jour. Nous avons informé nos

10 amis. Le président du Parlement de la Slavonie occidentale et du conseil

11 provincial en ont été informés également.

12 Q. Pourquoi les préparatifs ont-ils été effectués secrètement ?

13 R. Nous étions dans une situation assez délicate. Il y avait une guerre

14 qui battait, enfin qui faisait rage à Knin, non loin de Maslenica. Quelques

15 jours après, Goran Hadzic a donné l'ordre au commandant de l'armée de la

16 Krajina, au général Novakovic, de s'attaquer en Slavonie occidentale à

17 Novska et Gradiska. Pendant plusieurs jours, dans ces cadres-là, il y a eu

18 des ordres qui ont été donnés en ce sens, et nous avons été opposés à ces

19 attaques. Nous avons expliqué qu'il n'y avait pas de raison de se faire.

20 Nous avons dû signer par écrit que nous garantissions la paix afin qu'il

21 n'y ait pas de conflit.

22 Pour éviter une reprise de la guerre, le chef du secteur militaire

23 occidental, M. Fisher et le commandant de l'armée du secteur occidental, le

24 général Zabala [phon], nous ont proposé à moi et mes collaborateurs de

25 faire un pas de l'avant pour assurer l'entourage. Quand on dit entourage,

26 il s'agissait notamment de la partie croate pour ce qui est du début du

27 dialogue et d'une concertation relative à la normalisation de leurs

28 relations. Nous avons longuement réfléchi à la question, et nous avons pris

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1 la décision, dans un délai d'un jour - je vous précise que c'était un délai

2 assez long - qu'il y avait un risque pour la sécurité de nos citoyens, pour

3 sauver des vies et pour éviter une guerre. Cette guerre ne garantissait ni

4 la paix ni la vie de quiconque. C'est la raison pour laquelle nous avons

5 décidé moi-même et mes collaborateurs à moi de le faire.

6 Q. Si d'autres dirigeants au sein de la RSK avaient eu vent de cette

7 initiative, de cette initiative de Daruvar, l'auraient-ils appuyé ou pas ?

8 R. Non, ils ne l'auraient pas fait.

9 Q. Maintenant que vous venez de répondre à cette question, dites-nous à

10 quels dirigeants vous avez pensé, d'abord. Quels sont les dirigeants qui ne

11 l'auraient pas soutenu ?

12 R. Le président de la république, Goran Hadzic; Zdravko Zekic; le ministre

13 de la Défense, Spanovic, ne l'aurait pas fait; le ministre de la police, M.

14 Martic, ne l'aurait pas fait non plus sachant que le général Milakovic nous

15 donnait l'ordre de faire la guerre, d'attaquer. Ils étaient au courant de

16 cet ordre; ils ont dû l'appuyer. Je doute, qu'à ce moment-là, ils auraient

17 appuyé de notre part des négociations au même moment.

18 Q. Lorsque cet accord de Daruvar a été rendu public et signé en public,

19 vous est-il arrivé quelque chose concernant la position qui était la vôtre

20 au sein du gouvernement ?

21 R. Il y a eu une grande consternation au sein des autorités de la RSK.

22 Quelques jours plus tard, j'ai été suspendu de mes fonctions de vice-

23 premier ministre. M. Ecimovic qui était ministre au sein de ce

24 gouvernement, a également fait l'objet d'une suspension. Cela a été fait de

25 façon illicite, puisqu'il n'y avait que l'assemblée qui pouvait le faire.

26 Ils voulaient le faire rapidement pour nous empêcher de réaliser cet

27 accord.

28 Q. Qui est-ce qui vous a suspendu de vos fonctions, pour être concret ?

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1 R. Deux informations m'ont été communiquées. Le président de la

2 république, Goran Hadzic et M. Zecevic, le premier ministre. J'ai été

3 suspendu de mes fonctions de président du conseil régional, et mes

4 collaborateurs Dusan Ecimovic et Mladen Kulic en sa qualité de vice-

5 président de ce conseil régional de la Slavonie occidentale a été suspendue

6 lui aussi.

7 Q. Soyons tout à fait clair. Vous nous avez dit qu'on vous avait suspendu

8 de vos fonctions de président du conseil régional. Vous parlez du conseil

9 région du SDS ?

10 R. Non. Il y a eu ce conseil régional de la région serbe de la Slavonie

11 occidentale. Il y avait la Slavonie orientale et la Slavonie occidentale,

12 et il y avait des régions au sein des deux.

13 Q. Une fois que vous avez été suspendu de vos fonctions en 1993, avez-vous

14 occupé d'autres fonctions politiques ?

15 R. Le Parlement, après ces événements, a décidé de procéder à Pakrac et

16 Okucani à des élections. Nous avons profité de ce fondement légal pour

17 organiser des élections locales, et en mai 1993, au suffrage secret, j'ai

18 été élu président de l'assemblée municipale de Pakrac. J'ai exercé ces

19 fonctions jusqu'en automne 1993.

20 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé quelque chose en

21 septembre 1993 à vous-même ?

22 R. Oui. Le 21 septembre 1993, tôt le matin, j'ai été arrêté par l'adjoint

23 du ministre de la RSK, M. Krsta Zarkovic, qui est venu avec un groupe de la

24 police spéciale de Knin pour me priver de liberté à Knin.

25 Q. Vous avez décrit Krsta Zarkovic en disant que c'était un adjoint du

26 ministre. Ministre de quoi ?

27 R. Il était adjoint du ministre de la police.

28 Q. Il était l'adjoint de qui au juste ?

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1 R. Il était l'adjoint du ministre de l'époque, Milan Martic.

2 Q. Où avez-vous été arrêté ?

3 R. J'ai été arrêté dans une maison privée où je résidais, à Japaga non

4 loin de Pakrac en Slavonie occidentale.

5 Q. Savez-vous pourquoi cette unité de Knin est-elle venue en Slavonie

6 occidentale pour vous arrêter ?

7 R. Ils sont venus précisément parce qu'ils n'ont pas fait confiance à la

8 police locale pour se faire, parce que j'avais bénéficié d'une grande

9 autorité dans la région. C'est pourquoi ils ont fait venir des unités

10 d'ailleurs qui, je puis vous le dire, ont été fort bien armées.

11 Q. Vous dites qu'on vous a amené à Knin. Dites-nous d'abord si vous savez

12 pourquoi vous avez été arrêté ?

13 R. Ils ne m'ont rien dit du tout. Ils ont juste été brutaux. Ils m'ont mis

14 des menottes aux mains et ils m'ont emmené à Knin. Ensuite, ils m'ont dit

15 que j'étais un espion, que j'étais en train de briser la république, de

16 démanteler l'état. On m'a dit qu'une enquête allait être diligentée à mon

17 encontre.

18 Q. Qui est-ce qui a signé cette décision, si vous vous en souvenez ?

19 R. Le premier document a été signé par Aco Draca qui était un haut

20 responsable au ministère de la Police. Il était chef de la Sûreté de

21 l'Etat. Je ne sais pas s'il avait une fonction d'adjoint, mais je sais

22 qu'il était chargé de la Sûreté de l'Etat. C'est lui qui a signé l'ordre de

23 mon arrestation et l'ordre qui prévoyait une enquête policière à mon

24 encontre.

25 Q. Savez-vous nous dire quel a été le rapport entre Aco Draca et Milan

26 Martic à l'époque ?

27 R. Je ne connaissais pas leurs relations personnelles. J'imagine qu'au

28 sein du ministère, il ne pouvait pas y avoir quelqu'un à ces fonctions-là

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1 sans pour autant bénéficier du soutien du ministre, M. Martic.

2 Q. Savez-vous nous dire si Milan Martic avait eu vent de votre arrestation

3 ou peut-être y a-t-il participé lui-même ?

4 R. Il devait forcément le savoir. Il n'aurait pas pu y avoir arrestation

5 sans une approbation de sa part.

6 Q. Sur quoi vous fondez-vous pour le dire ?

7 R. Parce que personne n'oserait entreprendre chose pareille, parce qu'il

8 connaissait le rôle et l'importance que j'avais dans ma région. Il fallait

9 que quelqu'un de très puissant dans le gouvernement pour l'ordonner.

10 Zecevic lui-même a dit - parce que j'étais en bons termes avec lui - il a

11 dit qu'il ne pouvait rien faire, que cela s'était fait indépendamment de sa

12 volonté au sein du ministère de la Police -- ou plutôt, que c'était le fait

13 du ministre de la Police.

14 Q. Vous nous avez dit dans une réponse précédente que vous avez été accusé

15 du démantèlement de la république. Soyons précis. De quelle république

16 parlons-nous ?

17 R. De la République de la Krajina serbe.

18 Q. A-t-il été, à quelque moment que ce soit, précisé à l'occasion de votre

19 arrestation ou dans le courant de l'enquête, a-t-il été précisé pourquoi

20 l'on a jugé que vous aviez voulu briser cette RSK ?

21 R. Les gens qui m'ont interrogé ont estimé que le document en tant que tel

22 constituait un délit au pénal et que l'accord signé contribuait au

23 démantèlement. Ils ne l'ont même pas lu, ils ne l'ont pas cité. Mais ils

24 ont estimé que l'accord en tant que tel constituait un délit au pénal, qui

25 allait dans le sens de la sécession, et c'est là, l'insinuation qui a été

26 faite, et j'ai été suspecté d'un tel acte à l'occasion des interrogatoires.

27 Q. Quand vous parlez de l'accord, vous parlez toujours de l'accord de

28 Darovar, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui. Justement, je parle de cet accord de Daruvar.

2 Q. Vous nous avez indiqué qu'on vous a emmené à Knin. Qu'est-il arrivé à

3 Knin ?

4 R. A Knin, j'ai passé quatre jours en cellule d'isolement lors de la durée

5 de cette enquête policière. Il y a des inspecteurs qui m'ont menacé à

6 l'arme automatique qu'il valait mieux pour moi de dire tout ce que je

7 savais parce que la situation risquait d'être assez épineuse pour moi. Puis

8 ensuite, j'ai été emmené à Glina vers les locaux de la prison

9 départementale, et c'est là qu'une enquête a été entamée à mon égard.

10 Q. Savez-vous nous dire concrètement où est-ce qu'on vous a gardé à Knin ?

11 R. A Knin, j'ai été gardé dans la cave du poste de police, dans la ville

12 même, dans une cellule d'isolement.

13 Q. Combien de temps vous a-t-on gardé à Glina ?

14 R. On m'a gardé là-bas jusqu'au 3 décembre 1993. Il y a eu une

15 interruption de quelques heures à peine dans ma détention.

16 Q. Dites-nous ce qui s'est produit pendant cette interruption. Qu'avez-

17 vous à l'esprit du reste quand vous dites interruption ?

18 R. Pendant l'enquête, M. Mladen Kulic et moi-même, nous nous sommes

19 référés à l'immunité parlementaire que nous avions. Donc, ils n'avaient pas

20 le droit de nous arrêter avant que de lever cette immunité. Alors, le juge

21 d'instruction a décidé de nous faire remettre en liberté. Nous sommes

22 rentrés le 2 octobre 1993. Nous avons procédé à des échanges de véhicules

23 avec nos collègues. Des collègues qui sont venus nous voir ont été arrêtés,

24 et nous, à la traversée de la frontière entre la République serbe de la

25 Krajina et la Bosnie-Herzégovine, on a été une fois de plus arrêté à

26 Kostajnica et on nous a emmenés dans le poste de police de Kostajnica vers

27 une cellule d'isolement.

28 Au bout de quelques heures de détention, deux policiers en uniforme de

Page 367

1 camouflage de la police sont venus pour nous mettre des menottes, à Mladen

2 Kulic et à moi-même, sur les poignets, et ils nous ont emmenés vers Glina.

3 En traversant Petrinja, on a bifurqué pour aller vers la forêt, et là nous

4 avons d'abord été battus physiquement. Nous avons été piétinés et emmenés

5 ensuite à Glina où nous avons été mis en prison.

6 Donc, le tribunal nous a relâchés, et la police nous a interceptés, nous a

7 battus, nous a passés à tabac et nous a ramenés en prison.

8 Q. Ces deux policiers en uniforme de camouflage, savez-vous nous dire quoi

9 que ce soit à leur sujet ? Savez-vous nous dire à qui ils ont été

10 subordonnés, de quelle unité faisaient-ils partie ?

11 R. Je n'ai pas pu savoir leur identité, mais d'après la description que

12 j'en ai donné à Glina, ils faisaient partie du groupe à Silt. Silt, sur le

13 secteur de Banija, se trouvait être actif, très actif. Je ne connais pas

14 son nom. Je ne connais que son surnom, celui de Silt.

15 Q. Ce groupe-là, faisait-il partie de la police ou de l'armée ? De quelle

16 structure faisait-il partie ?

17 R. Cela faisait partie du ministère de la police. C'étaient des unités

18 spéciales du ministère de la police.

19 Q. Savez-vous nous dire à qui ils ont été subordonnés en leur qualité

20 d'unité spéciale ?

21 R. Toutes ces unités de la police, celle-ci comprise, étaient placées sous

22 les ordres du ministre de la police à l'époque, M. Milan Martic.

23 Q. Lorsqu'on vous a emmené à Glina, est-ce qu'on vous a ramené dans la

24 même cellule que celle où vous avez été tenu auparavant ?

25 R. M. Kulic et moi avons été placés dans des cellules d'isolement pendant

26 quelques jours. Puis ensuite, ils nous ont fait regagner nos cellules à

27 nous.

28 Q. Ces cellules se trouvaient dans la même prison que celle où vous avez

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1 été détenu auparavant ?

2 R. Oui.

3 Q. Samedi, pendant les préparatifs de votre témoignage, vous souvenez-vous

4 de nous avoir fourni un deuxième document qui se trouve être en corrélation

5 avec cet épisode ? Vous en souvenez-vous ?

6 R. Oui, je m'en souviens.

7 M. WHITING : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, c'est un

8 document qui a également été communiqué à la Défense. Je vais demander

9 l'aide de M. l'Huissier pour qu'il soit procédé à la distribution de celui-

10 ci. Le document porte une référence ERN qui est le 04666768 jusqu'à 6769.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qu'un ERN ?

12 M. WHITING : [interprétation] Ecoutez, il se trouve que nous utilisons

13 tellement de cigles que je ne sais plus ce à quoi cela correspond. Mais

14 peut-être que quelqu'un pourra me prêter main-forte en la matière. Il

15 s'agit du numéro d'immatriculation du document en quelque sorte. Parce

16 qu'il faut savoir que tous les documents qui arrivent dans ce bâtiment se

17 voient octroyer un numéro ERN. C'est un numéro qui est absolument unique et

18 c'est le seul document dans ce bâtiment qui aura le numéro ERN en question.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

20 M. WHITING : [interprétation]

21 Q. Monsieur Dzakula, est-ce que vous avez maintenant ce document ?

22 R. Oui.

23 Q. Quelle est la date dudit document ?

24 R. Oui, il comporte la date du 18 octobre 1993.

25 Q. Qu'est-ce que ce document ?

26 R. Il s'agit d'une décision pour proroger notre détention, tout comme cela

27 s'est passé dans notre cas dans la prison à Glina. C'est un document qui a

28 cours pendant 15 jours pendant que l'enquête a lieu. Il s'agit d'un

Page 369

1 document que j'ai réussi à conserver. Il s'agit de la prorogation du

2 maintien en détention en attendant le résultat de l'enquête.

3 Q. Je voudrais maintenant attirer votre attention sur la deuxième page du

4 document. Cela correspond également dans la traduction anglaise à la page

5 numéro 2 --

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je peux me permettre de vous

7 interrompre. Est-ce que l'on ne devrait pas, dans un premier temps,

8 authentifier le document, et ensuite le verser au dossier, avant que des

9 questions ne soient posées à propos de la teneur du document ?

10 M. WHITING : [interprétation] Oui, oui. C'est ce que nous allons

11 certainement faire.

12 Q. Comment est-ce que vous avez obtenu ce document ?

13 R. C'est au tribunal que l'on m'a donné ce document, soit le 18 octobre ou

14 peut-être un ou deux jours avant cette date. On m'a indiqué que ma

15 détention avait été prolongée jusqu'à la date du 18 novembre de la même

16 année.

17 Q. Qui est l'auteur du document ? D'où vient ce document ?

18 R. C'est un document qui a été émis par le tribunal de Glina.

19 Q. Et plus précisément par le président de la chambre, Avdaj Popov ?

20 R. Il était le président de la chambre qui a rendu cette décision.

21 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que ce

22 document soit versé au dossier, je vous prie.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] [hors micro] Ce document sera versé au

24 dossier. Ce sera la pièce à conviction numéro 2.

25 M. WHITING : [interprétation]

26 Q. J'aimerais attirer votre attention sur la deuxième page du document. Il

27 s'agit du quatrième paragraphe pour vous. Pour ce qui est de la version

28 anglaise, il s'agit de la deuxième page et du cinquième paragraphe. C'est

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1 un paragraphe qui commence comme suit : "Conformément au code pénal." Je

2 souhaiterais que vous nous donniez lecture de ce paragraphe, Monsieur.

3 R. "Conformément au code pénal, les auteurs du crime qui menace

4 l'intégration territoriale, et plus précisément l'article 116, paragraphe

5 1, ainsi que l'article 139, paragraphes 3 et 2 du code pénal yougoslave, en

6 fonction de ce code pénal, la peine de mort peut être prononcée. Pour ce

7 qui est de ce cas d'espèce, étant donné que l'état de guerre a été déclaré

8 le 22 janvier 1993 et qu'il est toujours en vigueur, il s'agit d'une

9 qualification juridique du délit en vertu de l'article 139, paragraphes 3

10 et 2, ainsi que de l'article 116, paragraphe 1 du code pénal yougoslave."

11 Q. Je vous remercie. Vous pouvez mettre de coté ce document.

12 Je crois que vous avez dit, un peu plus tôt, que vous aviez été

13 finalement mis en liberté le 3 décembre 1993. Qu'est-il advenu après votre

14 mise en liberté ?

15 R. Le 3 décembre, lorsque nous avons été mis en liberté, je rentrais chez

16 moi alors que j'ai été appréhendé de nouveau. Cela s'est passé à Donji

17 Caglic dans la municipalité de Pakrac, en Slavonie occidentale. J'ai été

18 détenu pendant deux ou trois heures. J'ai été interrogé, j'ai à nouveau été

19 mis en liberté, et on m'a autorisé à regagner mon domicile.

20 Le lendemain, mes amis m'ont informé, Ecimovic et Kulic qui se trouvaient à

21 Okucani, que le ministre de la police, Milan Martic, avait délivré un

22 mandat d'arrêt à nouveau contre nous. Tous deux ont réussi à s'échapper

23 vers la Serbie. Je n'ai pas pu quitter la Slavonie occidentale. Lorsque mes

24 amis m'en ont informé, c'était déjà trop tard. J'ai pu me cacher. Je me

25 suis caché pendant 50 jours en Slavonie occidentale, dans un abri privé,

26 afin d'éviter d'être appréhendé de nouveau et d'être détenu à nouveau.

27 Q. Qu'avez-vous fait ? Où vous êtes-vous rendu après ces 50 jours ?

28 R. Lorsque je suis sorti de ma cachette, mes amis sont revenus de Belgrade

Page 371

1 et ils m'ont dit que nous devrions ensemble nous rendre à Belgrade afin de

2 prendre la parole à Studio B pour relater à nos concitoyens ce qui se

3 passait. Je n'ai pas aimé cette idée, car j'ai dit qu'il était beaucoup

4 trop prématuré pour s'exprimer en public. Mais toutefois, au vu de leurs

5 insistances, je les ai accompagnés à Belgrade. Et le 3 décembre 1994 à

6 Belgrade, j'ai pris la parole dans le Studio B. Il s'agissait d'une chaîne

7 de télévision indépendante. C'était une émission qui était diffusée très

8 tard la nuit. Cela a duré environ une heure, une heure et demie, et j'ai

9 relaté ce qui se passait dans la RSK.

10 Q. Avant que vous ne nous donniez des précisions, est-ce que vous pourriez

11 dire à la Chambre ce qu'était le Studio B ?

12 R. Le Studio B était la seule chaîne de télévision indépendante à

13 Belgrade. On ne pouvait pas recevoir cela dans toute la Serbie parce que la

14 portée de la diffusion de cette chaîne de télévision était limitée, mais

15 c'est une télévision qui apportait des informations indépendantes à propos

16 des événements à l'intérieur de la Serbie et l'extérieur, et par exemple,

17 dans la République de la Krajina serbe. Ce n'était pas une chaîne de

18 télévision contrôlée par l'Etat.

19 Q. Lorsque vous dites qu'il s'agit d'une chaîne "indépendante," vous

20 voulez dire indépendante de l'Etat ?

21 R. Oui, tout à fait.

22 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui se passait dans la

23 République de la Krajina serbe. Est-ce que vous pourriez être un peu plus

24 précis. De quoi avez-vous parlé à ce moment-là ?

25 R. Nous avons parlé de la guerre, de l'exode des Serbes de la Slavonie

26 occidentale. Nous avons parlé des commandants de la Défense territoriale

27 qui menaient cette guerre. Nous avons parlé de l'accord Daruvar, qui était

28 le sujet principal de conversation. Nous avons expliqué ce dont il

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1 s'agissait. Nous avons parlé des sanctions dont nous avions été victimes,

2 de notre arrestation, de notre détention. Je me souviens que j'avais dit

3 que la Krajina pourrait être sauvée par la sagesse et non pas par les

4 armes, mais qu'il faudrait plutôt, au lieu de livrer la guerre, essayer

5 d'engager le dialogue. Voilà ce dont nous avons parlé.

6 Q. Avez-vous parlé de Milan Martic ou de Milan Babic ?

7 R. Oui. J'ai mentionné Milan Babic ainsi que Milan Martic, entre autres,

8 lors de cette émission télévisée. J'ai dit qu'ils étaient intolérants,

9 qu'ils n'étaient absolument pas partisans du dialogue, de la négociation,

10 qu'ils nous avaient arrêtés, et cetera, et cetera. J'ai dit également

11 qu'ils étaient extrêmement étroits d'esprit.

12 Q. Qu'entendez-vous par cela ?

13 R. Ils aimaient s'entendre parler. Ils pensaient que la vérité était leur

14 vérité. Ils ne voulaient absolument pas négocier avec la Croatie. Ils

15 voulaient qu'il y ait une frontière, qu'il s'agissait d'un fait accompli,

16 et que toute personne, d'après eux, qui envisageait des négociations avec

17 la Croatie était un espion. Ils ont utilisé différents termes d'ailleurs

18 pour faire référence à ce genre de personne.

19 Q. Vous avez utilisé le mot "intolérants". Qu'entendez-vous exactement par

20 cela ? Dans quelle mesure est-ce qu'ils étaient intolérants ?

21 R. Ils étaient absolument impulsifs. Ils cherchaient maille à partir avec

22 tout le monde. S'il y avait un point de vue qui était exprimé qui n'était

23 pas du tout le leur, tout de suite cela annonçait le conflit avec cette

24 personne.

25 Q. Est-ce que quelque chose vous est arrivé le lendemain de cette émission

26 télévisée ?

27 R. Le lendemain, Dusan Ecimovic, mon ami, et moi-même, nous nous

28 promenions dans Belgrade. Nous parlions de cette émission télévisée. Près

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1 du centre de théâtre yougoslave, en plein centre de Belgrade, quatre hommes

2 assez costauds en habits civils se sont approchés de nous. Ils m'ont saisi

3 par le bras. Ils nous ont dit qu'ils avaient une voiture garée et ils ont

4 dit qu'il fallait que j'aille avec eux. Ils n'ont pas voulu me montrer

5 leurs papiers d'identité. Ils n'ont pas dit qui ils étaient. J'ai refusé

6 d'entrer dans la voiture avec eux.

7 Il s'en est ensuivi une altercation; cela a duré quelques dix à 15 minutes.

8 Nous en sommes venus aux mains. Ils m'ont passé à tabac. Ils ont déchiré

9 mes vêtements, et ils ont utilisé une espèce de vaporisateur et ils m'ont

10 frappé. Nous sommes tous tombés par terre. Ils m'ont passé des menottes aux

11 mains. Ils m'ont mis ma chemise et mon pull-over par-dessus la tête. Ils

12 m'ont forcé à rentrer dans la voiture, et tout cela s'est passé en plein

13 jour. Ils m'ont emmené dans le parking. Je ne pouvais pas voir exactement

14 où puisque j'avais mes vêtements sur la tête. Dans ce parking, ils m'ont

15 passé à tabac avec leurs crosses de fusil.

16 Après cela, ils m'ont mis dans une autre voiture, et il y avait des civils

17 également. D'après leurs conversations, j'ai compris qu'il s'agissait de

18 policiers de la Slavonie orientale. Ils ont dit qu'ils appartenaient à la

19 police de la République de la Krajina serbe, au ministère. En chemin ils

20 m'ont encore passé à tabac et ils m'ont dit : Tu veux négocier avec les

21 Oustachis alors que nous sommes en guerre avec eux. Nos frères sont en

22 train de mourir, et toi tu veux négocier. Ils m'ont ramené à Knin en

23 passant par la Bosnie et ils m'ont enfermé dans le sous-sol du poste de

24 police. J'ai passé quatre jours là. J'étais tout seul. La nuit, je les

25 entendais frapper et passer à tabac des personnes dans d'autres pièces. Je

26 ne sais pas qui étaient ces personnes, mais j'entendais leurs gémissements,

27 j'entendais les coups qui tombaient.

28 Le lendemain matin ou peut-être vers 13 heures, deux hommes portant

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1 l'uniforme de camouflage sont arrivés et ils m'ont fait sortir par la porte

2 de l'arrière. Ils m'ont mis dans une Lada Niva, ils m'ont conduit jusqu'à

3 un bois, un bois qui se trouvait dans une zone résidentielle, ils m'ont

4 laissé dans la voiture avec un fusil automatique et une bouteille de vin

5 rouge. Puis, ils sont allés dans la maison qui se trouvait tout près et ils

6 sont revenus une demi-heure plus tard. Peut-être qu'ils pensaient que

7 j'allais prendre le fusil.

8 Plus tard, j'ai appris qu'ils m'avaient emmené dans le village de Nebljuse

9 à Lika, près de la frontière avec la Bosnie. En chemin, ils m'ont insulté,

10 ils m'ont frappé, et lorsque nous sommes arrivés à Nebljuse, ils m'ont

11 emmené dans une maison et ils m'ont parlé jusqu'au lendemain matin en me

12 disant que j'étais un traître, que j'étais un espion, qu'ils allaient me

13 régler mon compte, et ils m'ont détenu dans cette maison, dans cette prison

14 privée en quelque sorte, pendant dix jours.

15 Q. Est-ce que vous avez été obligé de faire une déclaration lors de cette

16 détention ?

17 R. La veille du dernier jour, j'avais le visage tout contusionné. Ils sont

18 venus maquiller un peu mon visage. Ils m'ont donné une liste de questions

19 et de réponses. J'étais censé lire les réponses. Ils allaient me filmer et

20 utiliser cela à mon encontre. J'ai vu cet homme qui s'appelait Tesla, qui

21 m'interrogeait pour la deuxième fois d'ailleurs, et il m'a dit, Seul Dieu

22 et moi savons où tu te trouves et comment cela va se terminer. Donc, j'ai

23 lu ce qu'ils avaient rédigé sur ce papier, parce que je pensais que c'était

24 peut-être la voie la plus facile pour moi. J'en avais assez de tous ces

25 sévices.

26 Le lendemain, ils m'ont ramené à la prison de Glina en voiture, et

27 j'y ai encore passé une dizaine de jours.

28 M. WHITING : [interprétation] Si vous pouviez juste m'accorder un

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1 petit moment, je vous prie.

2 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

3 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais maintenant montrer au témoin la

4 carte 01131342. Cela va être montré par mode électronique puisque l'on me

5 dit qu'avec les cartes, il vaut mieux utiliser ce système. Donc, si l'on

6 pouvait montrer au témoin un exemplaire de cette carte sur le

7 rétroprojecteur et si l'on pouvait donner à la Chambre un exemplaire

8 également. Je ne sais pas si le conseil de la Défense a besoin d'un

9 exemplaire également.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que vous pourriez leur

11 proposer un exemplaire.

12 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi ?

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Offrez-leur un exemplaire.

14 M. WHITING : [interprétation] Oui. J'aurai également besoin dudit

15 exemplaire.

16 Pour voir ce que le témoin inscrira sur le rétroprojecteur, je pense qu'il

17 faut que vous appuyiez sur le bouton intitulé "computer evidence," et ainsi

18 vous verrez ce que le témoin inscrit sur le rétroprojecteur.

19 Q. Monsieur Dzakula, est-ce que vous avez déjà vu cette carte auparavant,

20 carte dont le numéro est 01131342 ?

21 R. Oui, je l'ai déjà vue.

22 Q. Qu'est-ce que cette carte nous montre ? Et plus précisément, qu'est-ce

23 qui se trouve en orange sur cette carte ?

24 R. La couleur orange délimite le territoire placé sous le contrôle des

25 autorités serbes de la République de la Krajina serbe.

26 Q. Pourriez-vous prendre, je vous prie, un marqueur et inscrire un "A" sur

27 la région qui a été, dans un premier temps, connue sous le nom de SAO

28 Krajina.

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1 R. Oui. La SAO Krajina, voilà où cela se trouvait.

2 M. WHITING : [interprétation] Oui, mais je ne le vois pas. Je m'excuse. Je

3 vous ai induit en erreur. Il faut appuyer sur le bouton "video evidence" et

4 non pas sur le bouton "computer evidence". Parce que si vous appuyez sur le

5 bouton "computer evidence," vous voyez le document envoyé par affichage

6 électronique. Mais si nous voulons voir ce qu'il a inscrit sur le

7 rétroprojecteur, il faut que vous appuyiez sur le bouton "video evidence."

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il pourrait reprendre ce

9 qu'il était en train d'inscrire ?

10 M. WHITING : [interprétation] Oui.

11 Q. Est-ce que vous pourriez nous montrer où vous avez apposé ce "A" qui

12 correspond à la SAO Krajina.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Est-ce que vous pouvez apposer un "B" au niveau de la SAO Slavonie

15 occidentale.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Q. Et un "C" pour la SAO Slavonie orientale, Baranja, et Srem occidental.

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre lors

20 de votre interrogatoire, mais peut-être qu'il serait utile qu'il nous

21 montre les limites du territoire qui correspond à "A," au territoire "B,"

22 et au territoire "C," juste pour que nous puissions voir quels sont les

23 contours des territoires en question.

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Monsieur Dzakula, est-ce que vous pourriez faire cela ? Est-ce que vous

26 pourriez nous montrer les limites des territoires "A," "B" et "C" ?

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Selon sa compréhension.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais commencer par le "C". Voilà la

Page 377

1 frontière.

2 M. WHITING : [interprétation]

3 Q. Monsieur Dzakula, dans un premier temps, il faudrait que M. l'Huissier

4 déplace un peu la carte pour que le "C" se trouve au milieu. Parce que

5 sinon, nous ne le voyons pas.

6 Monsieur Dzakula, est-ce que vous pourriez, à l'aide de votre stylo, tracer

7 une ligne pour délimiter la zone qui correspond au territoire "C," à

8 savoir, la SAO de la Slavonie orientale, de la Baranja et du Srem

9 occidental. Est-ce que vous pouvez le faire ?

10 R. La frontière coïncide avec la frontière qui est indiquée sur la carte.

11 Si vous le souhaitez, je peux tout à fait tracer cela. Cela correspond plus

12 ou moins à la frontière de la SAO de la Slavonie orientale, de la Baranja

13 et du Srem occidental.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une seconde. Permettez-moi de vous

15 interrompre. Vous ne nous montrez pas le territoire. Vous nous montrez tout

16 simplement une frontière. Nous, nous aimerions voir quel est le périmètre

17 de cette région.

18 M. WHITING : [interprétation]

19 Q. Monsieur Dzakula, est-ce que vous pourriez finir de tracer toute la

20 frontière pour nous montrer l'ensemble du périmètre de cette SAO.

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. Est-ce que vous pourriez faire la même chose pour la SAO Slavonie

23 occidentale.

24 R. La SAO de la Slavonie occidentale correspondait plus ou moins à ceci…

25 Q. Nous allons en terminer avec cet exercice, mais j'aimerais vous poser

26 une question. Vous venez de dessiner cette région. Vous voyez qu'il y a une

27 région qui est hachurée et l'autre qui est en orange. Est-ce que vous savez

28 si ces deux secteurs différents correspondent à quelque chose ? Est-ce

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1 qu'il y a une différence entre ces deux secteurs ?

2 R. La différence de couleur signifie ce qui suit : ce qui est en orange

3 était placé sous le contrôle des autorités de la République de la Krajina

4 serbe. Pour ce qui est de la partie hachurée, il s'agit d'un secteur qui se

5 trouvait sous le contrôle des autorités de la République de la Croatie,

6 parce qu'il faut savoir qu'en termes militaires, cela était tombé.

7 Q. Quand est-ce que cela s'est passé ? Quand est-ce que cette partie est

8 tombée et est passée à la Croatie ?

9 R. Cela s'est passé par étapes. Dans un premier temps, le 15 octobre, nous

10 avons eu la région autour de Grubisno Polje. Ensuite, le 15 novembre, la

11 région de Daruvar. Puis plus tard, vers le 15 décembre, la région près de

12 Podravska Slatina et Pozega. Ce qui est en orange est ce qui restait après

13 le 24 décembre 1991.

14 Q. Donc, toutes les dates que vous venez de donner, 15 octobre, 15

15 novembre, 15 décembre, ce sont toutes des dates qui correspondent à l'année

16 1991 ?

17 R. Oui. Il s'agissait toujours de l'année 1991.

18 Q. La zone en orange pour la Slavonie occidentale, là où vous avez mis le

19 "B," jusqu'à quand est-ce que cette zone est restée sous le contrôle de la

20 RSK ?

21 R. Cela est resté placé sous le contrôle de la RSK jusqu'au 24 mai 1995.

22 Q. Merci. Pourriez-vous donc terminer cela et dessiner une frontière

23 autour de la SAO de la Krajina.

24 R. Voilà, la frontière de la SAO de la Krajina en août et en septembre

25 1991, parce que la frontière a été modifiée. D'abord, c'était cela, puis

26 ensuite elle a été modifiée. Donc, là maintenant, je délimite la frontière

27 définitive. Voilà pour ce qui est de la SAO de la Krajina. Je suis en train

28 de vous dessiner cela dans la mesure où je le peux.

Page 379

1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi d'interrompre, Monsieur

2 Whiting. Je m'excuse de vous interrompre à nouveau. Mais je pense qu'il

3 faudra que tout cela soit affiché sur le système électronique pour que les

4 inscriptions apposées par le témoin puissent faire partie par la suite du

5 dossier, parce que ce qu'il est en train de faire maintenant, cela ne va

6 pas être consigné.

7 M. WHITING : [interprétation] Je me proposais de verser ce document au

8 dossier. Je pense qu'il peut tout à fait être affiché de façon

9 électronique. Mais ce n'est pas la peine de refaire cela pour l'affichage

10 électronique.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous vous en souvenez alors.

12 M. WHITING : [interprétation] Je m'en souviendrai, Monsieur le Président.

13 Q. Je sais que c'est une carte qui est extrêmement petite et qu'il est

14 très difficile de lire cette carte, mais je ne sais pas si vous pourriez

15 avoir un stylo à la mine un peu moins épaisse. Parce que j'aimerais savoir,

16 dans un premier temps, si vous êtes en mesure de trouver Knin, puisque nous

17 allons parler maintenant de villes et de villages ?

18 R. [aucune interprétation]

19 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 1 à côté du cercle que vous

20 venez de dessiner ?

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. Est-ce que vous pouvez trouver Pakrac ?

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 2 à côté de Pakrac.

25 R. [Le témoin s'exécute]

26 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de trouver Glina sur cette carte.

27 R. [Le témoin s'exécute]

28 Q. Pourriez-vous y mettre le chiffre 3.

Page 380

1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Là, ce sera peut-être un peu plus difficile. Nebljuse, est-ce que vous

3 êtes en mesure de trouver Nebljuse ou l'endroit approximatif où se trouvait

4 Nebljuse ?

5 R. Voilà, cela se trouvait à peu près ici.

6 Q. Est-ce que vous pouvez mettre le chiffre 4 ?

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Vous avez fait référence à Kostajnica et vous nous avez dit que vous y

9 avez été détenu. Est-ce que vous voyez cela sur la carte ?

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Est-ce que vous pourriez peut-être apposer le chiffre 5, je vous prie.

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, dans un premier temps,

14 je dirais qu'il y a une version plus large de cette carte qui sera mise à

15 votre disposition. Cela sera peut-être plus lisible. Mais je pense que ces

16 inscriptions sont claires. Elles sont tout à fait lisibles sur cette carte.

17 J'en ai terminé avec l'examen de cette carte et je suis disposé à verser

18 cela au dossier, à moins que la Chambre n'ait des questions à poser à

19 propos des endroits indiqués sur cette carte et des informations fournies

20 par cette carte.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, nous n'avons pas de questions

23 pour le moment.

24 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons donc verser

25 cela au dossier.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est un document qui sera versé au

27 dossier et ce sera la pièce à conviction numéro 3.

28 M. WHITING : [interprétation] Nous pouvons retirer cette carte du

Page 381

1 rétroprojecteur. Merci.

2 Pour être tout à fait clair, la version annotée par le témoin sera scannée

3 et versée au dossier. Il sera désormais disponible en tant que pièce à

4 conviction.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous prie de bien vouloir indiquer

6 qu'il s'agit de la pièce à conviction numéro 3 quand ce document sera

7 scanné.

8 M. WHITING : [interprétation] Ce document a déjà été versé au dossier sous

9 la cote numéro 3.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce sera --

11 M. WHITING : [interprétation] Nous allons nous en occuper.

12 Q. Monsieur Dzakula, parlons à présent du mois de mai 1995. Vous avez

13 évoqué une date en mai 1995 à laquelle la SAO de Slavonie occidentale est

14 tombée aux mains des forces croates. Quelle opération menée par les Croates

15 a abouti à ce résultat ?

16 R. Tout d'abord, je souhaiterais apporter une petite correction. Il ne

17 s'agissait pas de la SAO de Slavonie occidentale. Il s'agissait d'une

18 région. L'opération a commencé le 1er mai 1995. Cette opération a été

19 précédée par le blocage des routes principales, ensuite il y a eu un

20 pilonnage. Le canton de Pakrac où je me trouvais a été encerclé pendant

21 trois jours, et la dernière offensive a été menée le 4 août -- excusez-moi,

22 je suis désolé, je voulais parler du 4 mai 1995. Puis, ce secteur s'est

23 trouvé entre les mains de l'armée et de la police croate, Okucani est tombé

24 dès le premier jour.

25 Q. Savez-vous quel était le nom de l'opération menée le 1er mai 1995 ?

26 R. Oui. Il s'agissait de l'opération Eclair; elle est très connue. Cette

27 opération a duré quatre jours.

28 Q. Lorsque vous m'avez corrigé à juste titre, lorsque j'ai formulé ma

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1 question, vous avez dit qu'il ne s'agissait pas de la SAO de Slavonie

2 occidentale, mais d'une région. Est-il exact de dire qu'il s'agissait de la

3 région autrefois connue sous le nom de SAO de Slavonie occidentale, mais

4 qui en 1995 --

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, je pense que vous

6 témoignez à la place du témoin. Pourquoi est-ce que vous ne lui demandez

7 pas tout simplement de quelle région il s'agissait.

8 M. WHITING : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je

9 m'efforçais d'apporter une précision.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Laissez le témoin préciser cela, je

11 vous prie, Monsieur Whiting.

12 M. WHITING : [interprétation] Très bien.

13 Q. Monsieur Dzakula, pourriez-vous nous dire pourquoi il s'agissait d'une

14 région ?

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ou plutôt de quelle région s'agissait-

16 il ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de la région de Slavonie

18 occidentale qui faisait partie de la République serbe de Krajina. La région

19 de Slavonie occidentale a été reprise de l'ancienne SAO de Slavonie

20 occidentale au moment où les trois SAO se sont rassemblées au sein d'un

21 Etat appelé la Krajina serbe. Puis le qualificatif "autonome" a été

22 abandonné. Il ne s'agissait plus de la Région autonome serbe, mais de la

23 Région serbe faisant partie de la SAO de Krajina.

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Merci. Vous est-il arrivé quelque chose lors de cette opération

26 Eclair ?

27 R. J'ai partagé le sort de 1 500 autres hommes qui ont été arrêtés à la

28 suite de cette opération et mis en détention dans différentes prisons. Il y

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1 avait plusieurs prisons, car tout le monde ne pouvait pas être emmené au

2 même endroit. J'ai été conduit, pour ma part, au poste de police de Pakrac,

3 et le lendemain j'ai été emmené à Bjelovar pour y être interrogé.

4 Q. Qui vous a arrêté ?

5 R. La police croate m'a arrêté et m'a conduit à bord d'un véhicule blindé

6 de transport de troupes au poste de police.

7 Q. Vous a-t-on dit pourquoi vous aviez été arrêté ?

8 R. A ma grande surprise, à cette occasion, le commandant de la police, M.

9 Nikola Jukanec, avec qui je m'étais entretenu pendant l'opération Flash.

10 C'est là que je l'avais rencontré. Au moment de l'arrestation, il m'a dit :

11 Je suis désolé, mais j'ai reçu des ordres de Zagreb. On m'a ordonné de vous

12 menotter, de vous arrêter. C'est ce qu'il a fait. Puis, il m'a conduit au

13 poste de police.

14 Q. Savez-vous pourquoi il était désolé ?

15 R. Je pense qu'il n'était pas d'accord avec ce type de mission. Il était

16 conscient du rôle que j'avais joué pendant toute cette période. Il savait

17 que pendant les négociations, pendant l'opération Eclair, nous avons sauvé

18 la vie de nombreuses personnes. Grâce à nous, beaucoup de gens n'ont pas

19 été tués. Si cet accord n'avait pas été conclu, beaucoup plus de personnes

20 auraient perdu la vie. Je pense que n'importe quelle personne saine

21 d'esprit est prête à accepter cela.

22 Q. Pendant combien de temps avez-vous été détenu ?

23 R. 24 heures.

24 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

25 R. Après cela, on m'a ramené au poste de police de Pakrac, où mes amis

26 m'arrêtaient, Obrad Ivanovic et Miroslav Grozdanic. Il y avait quelques

27 ministres du gouvernement de la République serbe de Krajina, et nous avons

28 parlé de ce qui s'était passé. Nous avons émis des protestations. Beaucoup

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1 d'hommes avaient été arrêtés. Pour certains d'entre eux, nous ne savions

2 pas où ils étaient détenus. Vers 22 heures, trois d'entre nous ont été

3 emmenés escortés par une patrouille de police au poste de commandement de

4 Josko Moric. Ils nous ont emmenés sur un point élevé. Ils nous ont laissés

5 tout seul à cet endroit. Il y avait des véhicules qui circulaient dans

6 trois directions.

7 Nous ne savions pas ce qui se passait. C'est d'abord avec un blindé de

8 transport de troupes des Nations Unies qui nous a trouvés. Les soldats se

9 sont jetés sur nous pour nous protéger. Nous ne savions pas ce qui se

10 passait. Mais par la suite, nous nous sommes rendus compte, qu'en

11 provenance des deux autres directions, il y avait des Croates. Nous ne

12 savions pas si c'était les forces spéciales de la police ou l'armée. Ils

13 demandaient que nous nous rendions. Ils hurlaient pour que nous trois, et

14 surtout moi, nous nous rendions.

15 Le chef du secteur des Nations Unies qui avait emmené avec lui ces

16 soldats nous a ramenés au poste de police et m'a dit : Vous devez tous les

17 trois passer la nuit au poste de police, sinon ces gens vont vous éliminer,

18 car ils ne veulent pas que vous fassiez partie du paysage. Ils ont assuré

19 notre sécurité pendant quelques jours. Je veux parler des soldats des

20 Nations Unies. Ils ont également ordonné aux policiers croates de se

21 trouver à proximité de façon à ce que les extrémistes ne viennent pas trop

22 près de nous et ne nous fassent rien.

23 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

24 R. Nous sommes restés à Pakrac. Nous avons poursuivi les négociations

25 relatives à la normalisation des relations. Ce soir-là, nous sommes allés

26 chez mon ami. Il y avait des gardes. Nous avons eu des contacts avec nos

27 concitoyens, également avec des représentants de la communauté

28 internationale de façon à ce que les gens qui veulent rester puissent se

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1 voir garantir une certaine forme de sécurité, de liberté de circulation de

2 façon à pouvoir obtenir les papiers nécessaires. Ceux qui voulaient partir,

3 en revanche, devaient être autorisés à le faire. Des convois devaient être

4 mis en place, et tout cela devait se faire par le biais du HCR.

5 Q. Revenons en 1990. A l'été 1990, s'est-il passé quelque chose de

6 particulier à Srb ?

7 R. Oui. Il y a eu un grand rassemblement de Serbes originaires de

8 nombreuses régions de la République de Croatie. Certains -- selon les

9 estimations, il y avait environ entre 250 000 et 300 000 personnes

10 rassemblées. J'étais là moi aussi. Il s'agissait d'un rassemblement très

11 impressionnant. Il y avait Jovo Raskovic, Milan Babic et d'autres personnes

12 qui ont pris la parole. On a proclamé l'autonomie culturelle à cette

13 occasion-là. C'est également à cette occasion que le Conseil national serbe

14 a été élu. Le Dr Milan Babic a été proposé par Jovo Raskovic. Il n'y a pas

15 eu véritablement de vote. Tout cela a été fait par acclamation. Beaucoup

16 pensait que Milan Babic devait être président du conseil. Jovo Raskovic

17 était président du parti, et il ne voulait pas occuper trop de fonctions.

18 Il voulait partager le pouvoir avec d'autres personnes.

19 Q. Est-ce qu'il y a eu plus tard des tensions entre Milan Babic et Jovan

20 Raskovic ?

21 R. Chacun a suivi sa voie. Il y a eu des tensions. Jovan Raskovic a été

22 qualifié de mou. Milan Babic n'était pas un concurrent digne de ce nom par

23 rapport à Jovan Raskovic. Donc, il a créé le SDS de Krajina en tant que

24 subdivision du SDS. Et le reste du SDS qui est en majorité, en grande

25 majorité, s'est désormais occupé de la République de Croatie. Milan Babic a

26 pris la suite et a créé le SDS de la SAO de Krajina. Il a proclamé la

27 création du SDS de Krajina auquel beaucoup de personnes se sont ralliées.

28 Q. Quand y a-t-il eu cette scission, cet affrontement entre Milan Babic et

Page 386

1 Jovan Raskovic ?

2 R. Juste après les événements de Srb, car manifestement, Milan Babic a

3 commencé à se sentir très important et très puissant. Jovan Raskovic le

4 dérangeait car il voulait le poste de président du conseil. Jovan Raskovic

5 n'avait pas le temps pour ce type de conflit personnel. Il voulait

6 organiser comme il se doit le parti. Il voulait qu'il y ait autant de

7 collaborateurs raisonnables et normaux autour de lui que possible. Il ne

8 voulait pas perdre de temps là-dessus.

9 Q. Pouvez-vous nous dire quand vous avez entendu parler de Milan Martic

10 pour la première fois ?

11 R. Pour ce qui est du nom de Milan Martic, je l'ai entendu pour la

12 première fois en août 1990 lorsque les premières barricades ont été érigées

13 dans le secteur de Knin. On a rapidement appris après cela que l'inspecteur

14 de police, un commandant des forces de police, je ne sais pas exactement

15 quel poste il occupait à l'époque, avait ordonné et organisé la mise en

16 place de ces barrages routiers. Dans la région, les médias ont parlé en

17 disant qu'on le pressentait comme un nouveau héros des Serbes, qui avaient

18 le pouvoir et la force de s'opposer aux institutions de la République de

19 Croatie qui ne pouvaient plus fonctionner dans la région où elles se

20 trouvaient.

21 Q. Est-ce que lui-même est apparu dans les médias ?

22 R. Oui, à la télévision également. Je me souviens de la déclaration qu'il

23 a faite selon laquelle ces hommes, ces policiers n'obéiraient plus

24 désormais à la police de Zagreb, qu'il s'agissait de la police populaire,

25 qu'ils n'avaient rien à voir avec eux. Milan Martic a confirmé cet état de

26 fait. Il a été tout à fait clair et sans équivoque.

27 Q. Lorsqu'il parlait de la police populaire qui n'obéirait plus à Zagreb

28 désormais, savez-vous de quelle région il parlait ?

Page 387

1 R. Je pense qu'il s'agissait à l'époque de cinq ou six municipalités;

2 Benkovac, Knin, Lapac, Gracac, Korenica. C'était au début. Par la suite,

3 cela s'est étendu.

4 Q. Quel était l'objectif de la mise en place de ces barrages ? Que savez-

5 vous à ce sujet ?

6 R. Il s'agissait de mettre en place des barrages routiers de façon à ce

7 que les forces croates ne puissent plus entrer sur ce territoire, les

8 forces croates qui voulaient rétablir l'ordre. Il s'agissait de laisser à

9 l'extérieur tous ceux qui n'étaient pas les bienvenus, tous ceux qui

10 avaient d'autres idées, d'autres intentions. Il s'agissait en tout cas --

11 ou plutôt, ces mesures étaient avant tout dirigées contre la police de la

12 République de Croatie de façon à ce qu'elle ne puisse plus rétablir le

13 contrôle dans ce secteur.

14 Q. Quel était le secteur couvert par ces barrages routiers ?

15 R. A l'époque, je pense qu'il s'agissait de la municipalité de Knin, des

16 municipalités de Benkovac, Gracac, Lapac, Korenica. Je ne sais plus s'il y

17 avait également Obrovac. C'était au début. Par la suite, ces barrages se

18 sont étendus à Banija et à Kordun.

19 Q. Vous avez parlé des médias. Vous avez parlé de la manière dont les

20 médias décrivaient Martic et de ses apparitions dans les médias. De quels

21 médias voulez-vous parler ?

22 R. Des médias de Zagreb et de Belgrade. S'il s'agissait des médias de

23 Zagreb, on présentait ces gens comme des terroristes. Les Serbes étaient

24 qualifiés de gangs chetniks. Lorsqu'il s'agissait des médias de Belgrade

25 qui faisaient état de la situation, ils parlaient des héros serbes qui

26 osaient agir, qui étaient courageux. Cela dépendait. La manière dont la

27 situation était décrite dans les médias variait en fonction, selon qu'il

28 s'agissait des médias serbes ou des médias croates.

Page 388

1 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

2 M. WHITING : [interprétation]

3 Q. Monsieur Dzakula, je souhaiterais vous montrer une séquence vidéo. Il

4 faut pour cela que nous passions au système d'affichage électronique

5 Sanction. Il s'agit d'une séquence vidéo portant la référence V000-3862.

6 Avant que nous ne visionnions cette séquence vidéo, je souhaiterais que

7 l'on distribue une traduction de cette séquence vidéo qui va également

8 apparaître à l'écran de façon synchronisée. Il s'agit d'une séquence vidéo

9 utilisée lors de la déclaration liminaire de l'Accusation.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous voulez que l'on passe à quel

11 système ?

12 M. WHITING : [interprétation] Au système Sanction. Je m'adresse à la régie

13 technique. Si vous appuyez sur le bouton "video evidence" -- ou plutôt

14 "computer evidence," excusez-moi. Tout cela est nouveau pour nous. Donc, si

15 vous passez à "video evidence," cette séquence vidéo sera diffusée, et nous

16 devrions la voir apparaître sur l'écran.

17 [Diffusion de cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

19 "Milan Martic : Bien, dites dans votre reportage qu'il s'agit de la

20 police populaire, que cette force de police protège le peuple [inaudible]

21 et lutte contre les autorités croates qui nous font du mal. Dites cela

22 clairement. Dites que Mile Martic, celui qui [inaudible], c'est moi. Dites

23 que moi, l'inspecteur Martic, a dit qu'il s'agissait de la police

24 populaire, qu'il n'écoute pas le gouvernement croate mais seulement sa

25 population. Voilà, le chef n'est pas là. Il est absent, et vous ne pourrez

26 pas entrer en contact avec qui que ce soit d'autre.

27 La journaliste : Cette conversation a eu lieu devant l'entrée du

28 poste de police, accompagnée des insultes habituelles et des conseils selon

Page 389

1 lesquels nous devons partir pour notre propre sécurité. Nous avons quitté

2 Knin alors que c'était un jour paisible de marcher."

3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

4 M. WHITING : [interprétation]

5 Q. Monsieur Dzakula, avez-vous pu suivre l'intégralité de cette séquence

6 vidéo ou est-ce que vous voulez que nous la diffusions de nouveau ?

7 R. Je l'ai suivie.

8 Q. Est-ce que vous avez reconnu la personne qui s'exprimait au début de la

9 séquence vidéo ?

10 R. J'ai reconnu la voix, et par la suite, j'ai reconnu le visage de Milan

11 Martic.

12 Q. Est-ce que cela ressemble aux émissions diffusées par les médias

13 concernant M. Martic, dont vous avez parlé un peu plus tôt et qui ont été

14 diffusées en août 1990, septembre 1990 ?

15 R. Oui.

16 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

17 dossier de cette séquence vidéo. Je suppose qu'il faudrait également verser

18 au dossier la transcription.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Comment appelez-vous le

20 support ? S'agit-il d'un DVD ou d'un CD-ROM ?

21 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas s'il s'agit d'un DVD ou d'un

22 CD.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le CD est un support audio. Sur un

24 DVD, il y a également des images.

25 M. WHITING : [interprétation] Donc, je suppose que c'est un DVD.

26 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On me dit qu'il s'agit d'une séquence

28 vidéo. Donc, cette séquence vidéo est versée au dossier.

Page 390

1 M. WHITING : [interprétation] Très bien. Excusez-moi.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Cette pièce est versée au

3 dossier, accompagnée de sa transcription. Je pense qu'il faudrait ajouter

4 la mention A ou -- d'après mon expérience, il devrait s'agir de la pièce à

5 conviction A et non pas de la pièce à conviction numéro 4. Est-ce ainsi que

6 les choses fonctionnent au Tribunal ?

7 M. WHITING : [interprétation] Non. Normalement, nous accordons la cote

8 suivante.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a donc pas de différence entre

10 les documents et les autres pièces ?

11 M. WHITING : [interprétation] Non.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. La séquence vidéo en

14 question est versée au dossier en tant que pièce à conviction numéro 4,

15 accompagnée de sa traduction en anglais, qui portera la cote numéro 5.

16 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur Dzakula, dans le cadre de votre déposition, vous avez

18 mentionné le nom de plusieurs dirigeants serbes de Croatie qui ont adopté

19 des positions différentes des vôtres en 1990. Après le mois d'août 1990 et

20 pendant l'année 1991, est-ce que ces dirigeants ont parlé d'une éventuelle

21 menace de la part de la Croatie ?

22 R. Oui, ils en ont parlé effectivement. Ils profitaient de tous les

23 rassemblements au cours desquels on parlait mal des Serbes - et c'est vrai

24 qu'on parlait mal des Serbes - qu'ils étaient surreprésentés au sein de la

25 police et dans les entreprises. On disait que les Serbes ne devaient pas

26 jouer de rôle politique. Tout cela leur a rappelé l'Etat indépendant de

27 Croatie pendant la Deuxième guerre mondiale. Ils disaient que ce qui

28 attendait les Serbes, c'était la même chose que ce qui s'était déjà passé

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1 en 1941, 1942 et 1943. C'est la raison pour laquelle ils ont évité tout

2 contact et ont mis fin à tout contact avec les autorités croates.

3 Q. Qui était ces dirigeants qui s'exprimaient ainsi en 1990 et 1991 ?

4 R. Il y avait d'abord Milan Babic, Djoko Vjestica, Marko Dobrijevic, Dali

5 Djurastovic [phon] de Lapac, Bosko Bozanic de Korenica. C'était eux les

6 plus influents, les plus importants, ceux qui s'exprimaient.

7 Je vois au compte rendu d'audience qu'on peut lire Stipovac. C'est

8 une erreur. Il s'agit, en réalité, de Stikovac.

9 Q. Merci.

10 A votre avis les menaces croates dont parlaient ces dirigeants

11 serbes, étaient-elles réelles ou exagérées ?

12 R. C'était exagéré. Il n'y avait aucune menace concrète selon laquelle on

13 risquait des meurtres ou des massacres. Toutes sortes d'images étaient

14 utilisées pendant ces rassemblements. S'il y avait entre 300 et 500

15 personnes, il y avait toujours parmi eux des gens avec des symboles

16 oustachi. C'est ainsi que l'on intimidait les gens, parce que tout cela

17 était diffusé à la télévision et ainsi de suite.

18 Q. Lorsque vous dites cela était diffusé à la télévision, de quelle

19 télévision voulez-vous parler, de quelle chaîne de télévision ? Vous nous

20 avez déjà parlé de la manière dont un des événements était décrit d'une

21 façon ou d'une autre en fonction de la chaîne de télévision.

22 R. Nous parlons ici de la télévision serbe de Belgrade qui diffusait des

23 reportages sur les rassemblements du HDZ et d'autres rassemblements en

24 Croatie. Lorsqu'il y avait un certain nombre de personnes qui arboraient

25 ces symboles, ils s'intéressaient surtout à cela. Si bien que l'on avait

26 l'impression que c'était la majorité des personnes rassemblées. Ils se

27 servaient également de déclarations faites par Tudjman, du fait qu'il était

28 fier que sa femme ne soit pas serbe ou juive. Il s'agissait de déclarations

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1 virulentes, insultantes. Ils ont interprété cela comme un message négatif

2 envoyé à la Serbie.

3 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de dire si cette déclaration émanait des

4 hommes politiques au sujet des menaces ou s'agissait-il des médias serbes

5 et est-ce que cela a eu un effet sur la population serbe ?

6 R. Tout cela a suscité la peur et l'angoisse parmi la population serbe,

7 car les gens avaient l'impression que l'ancien Etat indépendant de Croatie

8 était de retour.

9 M. WHITING : [interprétation] Je pense qu'il est peut-être temps de faire

10 la pause.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

12 d'au moins 30 minutes. Nous reprendrons à 18 heures 15.

13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 48.

14 --- L'audience est reprise à 18 heures 17.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une fois de plus, je vous rappelle que

16 vous êtes encore sous le coup de votre déclaration solennelle, Monsieur

17 Dzakula.

18 M. WHITING : [interprétation]

19 Q. Monsieur Dzakula, en 1990, avez-vous assisté à une réunion à Belgrade

20 avec Jovic et Milosevic ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous souvenez-vous de la date en 1990 ?

23 R. Je crois que c'était vers la fin de 1990, peut-être le mois de novembre

24 ou le mois de décembre. Il s'agissait d'un groupe de Serbes de Croatie qui

25 sont allés rencontrer Jovic et Milosevic. C'était une réunion.

26 Q. Qui est-ce qui est allé à cette réunion, s'agissant des Serbes de

27 Croatie ?

28 R. Il y a eu des Serbes de Knin, de Gracac, de Benkovac, puis de Lika. Il

Page 393

1 y en avait quelques-uns de la Banija et de la Slavonie occidentale.

2 S'agissant de la Slavonie occidentale, il n'y avait que moi -- et pardon,

3 et Veljko Vukic aussi.

4 Q. Combien de Serbes ont été présents à cette réunion ?

5 R. Nous étions une trentaine à mon avis.

6 Q. Pourquoi ces gens-là ont-ils été choisis précisément pour assister à

7 cette réunion ?

8 R. Je ne sais pas qui est-ce qui a fait le choix et je ne sais pas qui

9 est-ce qui a convoqué cette réunion. Mais Veljko Vukic, qui se trouvait

10 être membre du comité régional du SDS pour la Slavonie occidentale -- ou

11 plutôt, la Slavonie entière, bien, quand j'ai ouï-dire qu'il allait y avoir

12 une réunion, je suis allé moi aussi pour avoir une idée de ce qui allait y

13 être dit. On nous avait précisé qu'il serait bon de présenter nos

14 expériences et de faire part des problèmes auxquels nous étions confrontés.

15 Q. Mais de quoi a-t-il été question à cette réunion ? Quel en a été

16 l'objectif ?

17 R. Une fois arrivé, j'ai vu, d'après ce que les gens qui ont pris la

18 parole ont dit, qu'il s'agissait de présenter leur façon de voir les

19 événements en Croatie. C'est Mlinar de Benkovac qui a parlé, parce qu'il a

20 fait l'objet d'un incident à Benkovac. Puis, il y a eu un bon nombre de

21 personnes qui ont pris la parole. Ils ont été plutôt euphoriques. Ils ont

22 parlé de leurs peurs, de leurs femmes et de leurs enfants qui pleuraient.

23 Ils ont dit cela chez Jovic, puis ensuite chez Milosevic. Mais j'ai vu

24 aussi que ce qu'ils disaient ne correspondait pas à la vérité vraie, du

25 moins pour ce qui est des régions d'où ils venaient. Puisque la majorité de

26 la population était serbe là-bas, et là, les choses ne se passaient pas

27 comme ils le disaient.

28 A un moment donné, j'ai réussi à prendre la parole, et il était difficile

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1 de prendre la parole puisque tout le monde voulait parler à la fois. J'ai

2 dit que je n'étais pas tout à fait d'accord avec leurs dires à eux et quoi

3 qu'il soit difficile d'être serbe à Knin, à Gracac, et cetera, je dirais

4 mais il est encore plus difficile de l'être à Zagreb, Kutina, Novska et

5 autres localités où ils sont minoritaires. J'ai dit qu'eux devraient être

6 transportés par des blindés de transport de troupes pour aller au travail.

7 Alors, j'ai dit que point n'était nécessaire d'être aussi euphorique. Puis,

8 j'en suis arrivé à être attaqué par des compatriotes. Ils m'ont dit mais

9 qu'est-ce que je racontais, pourquoi est-ce que je me comportais de la

10 sorte. Je voulais que les choses soient ramenées vers une saine normalité

11 et je ne voulais pas que l'on fasse tout ce vacarme comme ils le faisaient.

12 Je n'ai pas réussi dans mes desseins, mais j'ai réagi quand même.

13 Q. Vous nous avez dit que certaines de ces personnes, Djoko Vjestica et

14 autres, ont parlé de la peur des enfants, des femmes qui pleuraient. Est-ce

15 que vous pouvez étoffer quelque peu votre propos pour ce qui est de ce

16 qu'ils ont relaté au sujet notamment de ce qui leur faisait peur ?

17 R. Par exemple, Mlinar est venu là-bas. On est au courant de l'incident.

18 Il avait une cicatrice sur le cou. Les médias avaient dit que des

19 extrémistes croates avaient essayé de l'égorger. Par la suite, il a été

20 prouvé qu'il l'avait fait lui-même pour attirer l'attention d'autrui sur

21 soi. Il n'y a pas eu d'incident où l'on aurait cherché à l'égorger. Il y a

22 probablement eu des menaces, alors ils ont parlé de la peur des femmes, de

23 leurs épouses, pour ce qui était de se voir tués et chassés de là-bas, et

24 ils demandaient de la protection. Tout ceci était dit dans ce sens-là.

25 Q. Donc, il était question de Serbes qui avaient peur.

26 R. Oui, il a été question de Serbes qui avaient peur.

27 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires, de qui avaient-ils

28 peur ?

Page 395

1 R. Ils avaient peur de la nouvelle politique croate, de la police, de leur

2 armée. J'ai réagi de façon normale parce que je ne pouvais pas accepter

3 qu'à Srb, Knin, Gracac et autres où les Serbes étaient à 70 ou 80 % se

4 sentent plus menacés qu'à Zagreb, Varazdin [phon], Bilovar [phon], Sisak

5 [phon] ou Karlovac, où ils étaient minoritaires et où ils avaient

6 certainement beaucoup plus de problèmes que cela. Donc, ce qu'ils disaient

7 c'étaient des histoires qui venaient du gré de ceux qui le racontaient.

8 J'aurais plutôt compris les Serbes, qui viendraient de milieux, les

9 extrémistes croates étaient au pouvoir. Ceux qui voulaient présenter les

10 choses ainsi le faisaient comme bon leur semblait pour tirer un avantage ou

11 profit pour eux-mêmes. C'est eux qui faisaient peur aux gens pour ce qui

12 était de ce qui risquait de leur arriver. C'est donc de là que se trouvait

13 la différence entre notre politique et la leur. Nous voulions, nous,

14 essayer de résoudre les choses, de nous approcher des gens, de discuter

15 avec eux plutôt que de relever, de rehausser les tensions.

16 Q. Est-ce que Milan Babic était présent à cette réunion ?

17 R. Non. Il préférait être seul pour se donner plus d'importance. Pour lui,

18 ce type de réunion avait moins d'intérêt. Mais il avait des collaborateurs

19 à lui qui étaient présents.

20 Q. Après cette réunion avec Jovic, il y en a eu une autre avec Milosevic,

21 ou est-ce que cela s'est produit à une même réunion ?

22 R. Dans mon exposé, j'ai regroupé le tout. Ce que j'ai dit, je l'ai dit

23 chez Milosevic, parce que chez Jovic, je n'ai même pas réussi à prendre la

24 parole puisqu'ils se faisaient la compétition entre eux pour prendre la

25 parole. Une fois arrivé chez Milosevic, j'ai réussi à prendre la parole.

26 Q. En 1990, après le mois d'août de 1990 jusqu'en 1991, quel a été, dites-

27 nous, la relation entre Milan Babic et Milan Martic, d'après ce que vous en

28 savez vous-même ?

Page 396

1 R. D'après ce que j'ai ouï-dire, ils s'entendaient bien. Ils ne se

2 contredisaient pas. Mais je pense que l'un ne se mêlait pas des tâches de

3 l'autre. Babic avait son discours politique, Martic lui avait ses activités

4 propres. Je n'ai pas entendu parler d'incidents ou d'étincelles entre eux.

5 Je ne voyais que Babic pour ma part. Je ne les ai jamais vus ensemble. Je

6 n'ai rencontré que Babic mais pas Martic.

7 Q. Avant 1990, avant les événements de cette année-là, d'après ce que vous

8 en savez, veuillez nous dire de quelle façon la police se trouvait être

9 organisée ?

10 R. Elle avait ses effectifs actifs, ses effectifs de réserve, d'après ce

11 que j'en sais. La police était organisée par municipalité. Il n'y avait pas

12 de provinces. Il y avait des municipalités ou des communautés d'intérêt

13 municipal. Je crois que c'est ainsi que cela s'appelait. Ils avaient un

14 secrétariat, non pas un ministère. Il y avait un secrétariat de la

15 république, des secrétariats municipaux, et il y avait une police d'active

16 et une police de réserve.

17 Q. Après -- ou plutôt vers le mois d'août 1990 et après cette période-là,

18 seriez-vous nous dire de quelle façon Milan Martic a commencé à organiser

19 la police ?

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur Whiting, le

21 témoin ne nous a rien dit au sujet d'une organisation quelconque

22 d'effectuée de la part de M. Martic. Vous êtes en train de laisser entendre

23 que M. Martic avait organisé quelque chose.

24 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis en train

25 d'enchaîner sur ce qu'il a été déjà dit au sujet de la police populaire à

26 Benkovac, Obrovac, Lapac et autres. Mais je peux reformuler ma question.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous prie de le faire, puisque

28 vous ne l'avez pas placé en corrélation avec ce qui a été dit auparavant.

Page 397

1 M. WHITING : [interprétation]

2 Q. Monsieur Dzakula, vous nous avez dit que Milan Martic, après août 1990,

3 avait parlé d'une police populaire. Vous souvenez-vous d'avoir parlé de

4 cela ?

5 R. Oui, en effet.

6 Q. Je vous ai alors demandé à quelles municipalités Milan Martin s'était

7 référé lorsqu'il avait parlé de la police populaire ?

8 R. Je crois qu'il avait parlé des quatre ou cinq municipalités telles que

9 Knin, Benkovac, Gracac, Lapac et Korenica.

10 Q. Savez-vous nous dire ce qui s'est passé au sujet de la police dans ces

11 municipalités, et précisez-nous la période ?

12 R. Ce que je sais, c'est qu'il y a eu des formes de mobilisation parce

13 qu'il a été placé des barricades. J'ai entendu dire qu'un certain nombre de

14 personnes avait quitté la police, et il était normal qu'un autre --

15 d'autres effectifs soient recrutés pour remplacer ceux qui étaient partis.

16 Mais je n'ai pas eu une connaissance directe de ce qui s'est passé, les

17 détails; je n'ai fait qu'en entendre parler.

18 Q. Avez-vous entendu dire qui est-ce qui est parti de la police et qui

19 est-ce qui a commencé à en faire partie dans les municipalités dont il est

20 question ici ?

21 R. Par la suite, j'ai entendu de la part de Mirko Raskovic qu'il faisait

22 partie des personnes qui avaient quitté les forces de police. Il a dit

23 qu'il n'était plus d'accord avec Martic. Mais il y a également des Croates

24 qui ont quitté les forces de police et des Serbes ont alors été recrutés

25 pour faire en sorte que les effectifs soient les mêmes.

26 Q. Savez-vous si Milan Martic avait un rôle ou a joué un rôle - je pense à

27 ce qui s'est passé avec ces forces de police dans ces municipalités à

28 l'époque, donc après le mois d'août 1990 ?

Page 398

1 R. D'après ce que j'ai ouï-dire, ce n'est pas -- je n'ai pas une

2 connaissance directe de ceci. J'ai entendu dire qu'il avait une autorité

3 absolue parmi la police pour ce qui était de la nomination des policiers.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre,

5 Monsieur Whiting, mais le témoin vient de nous parler de ce dont il a

6 entendu parler et non pas de ce qu'il a observé. Il ne s'agit pas

7 d'information directe ou de connaissance directe. Il a dit, il l'a dit

8 clairement d'ailleurs - je m'excuse de vous le redire, mais il a dit :

9 "D'après ce que j'ai ouï dire, et je n'avais pas une connaissance directe

10 de cela. J'ai entendu dire qu'il avait une autorité absolue parmi la

11 police."

12 Alors, est-ce que vous allez lui demander de qui il tenait cela ?

13 M. WHITING : [interprétation] Oui, j'allais lui demander, Monsieur le

14 Président, quelles étaient ses sources. Il y aura d'autres témoins qui vont

15 parler de ceci.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, parce que cela fait quasiment une

17 page que nous l'entendons dire qu'il avait entendu parler de ceci, qu'il

18 n'avait pas entendu parler de cela. Il ne s'agit absolument pas de

19 connaissance directe de ces événements.

20 M. WHITING : [interprétation] Je comprends tout à fait, Monsieur le

21 Président.

22 Q. Monsieur Dzakula, vous venez d'entendre, je suppose, l'intervention de

23 M. le Président. A propos de ce que vous nous indiquez, est-ce que vous

24 étiez en train de nous dire ce que vous aviez entendu dire à propos de

25 Milan Martic en 1991 ? Est-ce que vous pourriez nous dire de qui émanait

26 cette information ?

27 R. On entendait par les médias que certaines personnes partaient, que

28 d'autres étaient recrutées et que les forces de réserve étaient mobilisées.

Page 399

1 Les médias en parlaient. Puis, il y a des personnes qui m'en ont parlé

2 lorsque j'ai été à Belgrade également. Ces personnes m'ont parlé de la

3 formation de la police de la SAO de la Krajina. Ils m'ont également dit qui

4 se trouvaient dans cette région.

5 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quoi que ce soit à propos de ces

6 personnes avec qui vous vous êtes entretenu à Belgrade ?

7 R. Il s'agissait de personnes qui n'étaient pas d'accord avec la politique

8 de Milan Babic et de Milan Martic. Par exemple, Zdravko Zecevic qui était

9 dissident à l'époque, et qui, ensuite, a épousé cette option, est devenu le

10 premier ministre. Il y avait également Sergej Veselinovic qui était une

11 autre personne, et qui, par la suite - en fait, ces personnes ont changé

12 leurs points de vue.

13 Q. Vous venez d'identifier deux personnes, Zecevic et Zelinovic. Quel

14 était leur lien avec la Krajina ? Pour commencer, est-ce qu'il y avait un

15 lien entre eux et la Krajina ? Quelle était en quelque sorte la source de

16 leur information ?

17 R. Zecevic était de Benkovac et Veselinovic était d'Obrovac. Ils étaient

18 au SDS avec Jovan Raskovic, et ils ne faisaient pas partie du SDS de Milan

19 Babic, du SDS, de la SAO du SDS de Milan Babic. Il s'agissait de la SAO de

20 la Krajina pour ce qui est du territoire. Mais pour ce qui est de leur

21 point de vue, ils se ralliaient plutôt au point de vue de Jovan Raskovic

22 qu'au point de vue de Milan Babic pour ce qui est du SDS.

23 Q. Est-ce que les points de vue de ces deux personnes ont changé par la

24 suite ?

25 R. Oui. Ils ont ensuite changé d'avis. Cela a commencé pendant l'année

26 1992.

27 Q. Vous avez dit précisément que vous aviez entendu dire que Milan Martic

28 disposait de l'autorité absolue pour ce qui était de nommer les policiers.

Page 400

1 Est-ce que vous vous souvenez de qui venait cette information ?

2 R. Si vous parlez de l'année 1991, il s'agit des deux hommes que je viens

3 de mentionner. Et si vous entendez les années suivantes, je l'ai vu lorsque

4 nous étions en séance gouvernementale.

5 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous avez vu par la suite ?

6 R. Par la suite, lors des sessions gouvernementales, lorsqu'il était

7 question de nommer les gens dans les forces de police, d'affecter des

8 personnes et pour ce qui était -- qu'il s'agissait d'adjoint au ministre ou

9 de chefs de police dans les municipalités, rien ne pouvait être fait sans

10 l'aval de Martic. Krsta Zarkovic a été nommé adjoint au ministre pour la

11 Slavonie occidentale. Il était en quelque sorte la personne principale qui

12 s'occupait du recrutement au sein du ministère de la Police.

13 Q. Lorsque vous nous dites que ce que vous avez vu lors que ces séances

14 gouvernementales, de quelle période parlez-vous ?

15 R. Il s'agissait de l'année 1992, et ce, du mois de

16 février 1992 jusqu'au mois de février 1993. Il s'agissait de cette année-

17 là.

18 Q. N'avez-vous jamais vu Milan Martic s'adresser ou parler à des

19 subordonnés ?

20 R. Oui. Une fois, j'étais à une séance gouvernementale, je ne sais pas qui

21 est arrivé, mais on pouvait voir que c'était lui qui avait l'autorité, que

22 c'était à lui que l'on obéissait, que c'était ses ordres que l'on

23 respectait. Si quelqu'un ne respectait pas un de ses ordres ou n'obéissait

24 pas à un de ses ordres, il pouvait être assez brutal. Il était courroucé.

25 Il disait que cette personne -- enfin, il menaçait la personne d'être

26 remplacée, et cetera, et cetera.

27 Q. Vous venez de parler de cette occasion. Quand est-ce que cela s'est

28 passé ?

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1 R. Cela s'est passé pendant l'année 1992. Je savais qu'il y avait des

2 problèmes avec la police en Slavonie orientale. Je ne sais plus de qui il a

3 été question, mais il faut savoir que dans la -- il s'agissait de la partie

4 inférieure de Lika et de la Dalmatie. Je suppose que quelqu'un voulait

5 nommer son propre chef de police, et cela, il ne l'a pas autorisé.

6 Q. Pour revenir à l'année 1991 une fois de plus, est-ce qu'il a été

7 question dans les médias du rôle de Milan Martic et du rôle qu'il jouait

8 auprès de la police dans les municipalités dont nous avons parlé, donc dans

9 le secteur dont nous avons parlé ?

10 R. Dans les médias croates et serbes, il faut savoir que son nom, le nom

11 de Milan Martic, était souvent mentionné. La police de Martic par-ci, la

12 police de Martic par-là. C'était mentionné très, très, très souvent.

13 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de vous souvenir aujourd'hui d'éléments

14 précis qui auraient été mentionnés à propos du rôle qu'il a joué au sein de

15 cette police ?

16 R. Vous voulez dire en 1991 ?

17 Q. Oui.

18 R. Je pense qu'il a été question d'opérations militaires en Dalmatie. Je

19 pense qu'il a également été mentionné que la police de la SAO de la Krajina

20 et que l'armée avait commis un crime à Skabrnja. Il a également été dit que

21 cela s'était passé également en Dalmatie, à Banja, à Kostanica. Je ne me

22 souviens pas du nom des villages, mais je sais que cela a été présenté par

23 les médias croates, ainsi que les actions, les mesures de la police de la

24 SAO de la Krajina, de l'armée, de la JNA, qui était appelée l'armée Jugo-

25 communiste, l'armée serbo-chetnik et autres choses de ce style.

26 Q. Je vais vous demander -- dans un petit moment, je vais vous poser

27 d'autres questions à propos de ce que vous avez entendu dire sur ces crimes

28 en 1991. Pour le moment, j'aimerais savoir si - en fait, j'enchaîne à la

Page 402

1 suite de votre réponse à la question que j'avais posée - j'aimerais savoir

2 si en 1991 vous avez entendu, par le biais des médias, une description du

3 rôle de Martic dans les municipalités autour de Knin, Benkovac, Obrovac,

4 dans toutes ces municipalités.

5 R. Tout ce que j'ai entendu dire, c'est qu'il avait organisé la police de

6 la SAO de la Krajina, et qu'il l'avait créée et organisée. Lorsque je dis

7 "il," je fais référence à M. Martic.

8 Q. Est-ce qu'il s'agissait des médias croates, des médias serbes ou des

9 deux ?

10 R. Il s'agissait des deux. Les médias croates en parlaient de façon

11 négative, avec une connotation négative, et les médias serbes en parlaient

12 comme d'une action vaillante de la part d'un héros. Il y avait des articles

13 élogieux qui étaient écrits à son sujet, parce qu'il damait le pion à la

14 police croate. Les médias croates le montraient sous un jour beaucoup moins

15 favorable. Il en parlait comme de renégats, de rebelles, et cetera.

16 Q. Est-ce que vous savez si Milan Babic n'a jamais assuré -- eu le

17 contrôle de la police dans la SAO de la Krajina ?

18 R. D'après ce que j'ai entendu dire, non. Connaissant Milan Martic comme

19 je le connaissais, je pense que Babic était absolument -- n'était

20 absolument pas en mesure d'assurer ce genre de contrôle car Babic

21 s'occupait de politique et Martic de la police.

22 Q. Puisque cela est important, j'aimerais vous demander de développer un

23 peu cette idée. Vous dites : "Connaissant Milan Martic comme je le

24 connaissais." Qu'est-ce que vous saviez de lui pour pouvoir avancer ce que

25 vous venez de dire à son sujet ?

26 R. Dans la mesure où j'ai pu apprendre à le connaître lors des séances

27 gouvernementales, M. Martic n'a jamais autorisé que quiconque s'immisce

28 dans son travail. Il était d'avis qu'il était parfaitement compétent, qu'il

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1 pouvait organiser, qu'il pouvait donner ses ordres. Il choisissait ses

2 propres associés. C'est ainsi qu'il a formé la police. Il n'autorisait

3 aucun homme politique à lui présenter, par exemple, des suggestions ou à

4 intervenir dans ce qu'il faisait.

5 Plus tard, j'ai vu qu'en Slavonie occidentale, il avait remplacé des

6 personnes. Il a fait venir de Knin un homme qui s'appelait Veselinovic.

7 Cela prouvait qu'il avait cette autorité, ce contrôle absolu. Il n'a

8 demandé à personne en Slavonie occidentale qui devrait être nommé. Il s'est

9 contenté de venir cet homme qui répondait au nom de Veselinovic, qui venait

10 d'une autre région.

11 Q. Lorsque vous dites que vous avez appris à le connaître lors des

12 séances gouvernementales, de quel gouvernement s'agissait-il, et de quelle

13 période ?

14 R. Lors des séances gouvernementales de la République de la Krajina

15 serbe. Pour ce qui est de la période il s'agissait du mois de février 1992

16 au mois de février 1993.

17 Q. L'incident dont vous venez de parler lorsqu'il a fait venir cet

18 homme appelé Veselinovic en Slavonie occidentale, quand cela a-t-il eu

19 lieu ?

20 R. C'est arrivé plus tard, en 1995 je pense. Vaso Ostolucanin a été

21 remplacé. Il faisait partie des forces de police. Veselinovic est venu le

22 remplacer. C'est Vaso Ostolucanin qui m'en a parlé. Nous étions amis, nous

23 nous connaissions bien. Il était proche de nos points de vue et sans doute

24 qu'il ne correspondait pas aux idées politiques défendues par la République

25 serbe de Krajina à l'époque. C'est pour cela qu'il a été remplacé.

26 Q. Vous avez parlé de ces séances gouvernementales et de vos expériences.

27 Vous parlez de la période située entre février 1992 et février 1993. Là

28 encore, s'est-il passé quelque chose en février 1993 ou vers cette date qui

Page 404

1 aurait eu une incidence sur votre participation aux séances

2 gouvernementales ? Vous nous en avez déjà parlé, mais je souhaiterais

3 simplement avoir quelques éclaircissements de votre part à ce sujet, de

4 façon à ce que tout soit clair au compte rendu d'audience.

5 R. En 1993, au mois de février plus précisément, juste avant que je sois

6 remplacé, l'accord de Daruvar avait été conclu. Je ne me souviens pas de

7 quoi que ce soit de plus pour le moment à ce sujet.

8 Q. S'agissant des séances gouvernementales tenues à l'époque, pouvez-vous

9 nous dire quelque chose ?

10 R. J'ai cessé d'y participer après le mois de février 1993.

11 Q. D'après vos observations, quelle était la réputation de Milan Martic ?

12 Vous nous avez un peu parlé de lui, mais pourriez-vous nous dire davantage

13 au sujet de sa réputation ?

14 R. C'était un homme très apprécié au sein du gouvernement et parmi les

15 Serbes de la région. Après la création du corridor de Posavina, il a été

16 promu. On le considérait de façon favorable en Republika Srpska et en

17 République serbe de Krajina. Je pense qu'après cela, il disposait d'une

18 autorité absolue au sein du gouvernement, autorité qu'il avait obtenue

19 pendant l'année 1992, et tout le monde l'écoutait. Tout le monde écoutait

20 ce qu'il avait à dire, le premier ministre, le président de la république,

21 les ministres, les ministres adjoints, tout le monde l'écoutait.

22 Q. Au cours de l'année 1991 et de l'année 1992, et je vous inviterais à

23 être précis dans votre réponse, qu'avez-vous constaté dans l'attitude de

24 Milan Martic au sujet de la Croatie ?

25 R. Il avait des vues très arrêtées. Il ne considérait pas que la Croatie

26 était sa patrie; il s'agissait d'une Krajina serbe. Il n'était pas

27 favorable aux négociations avec l'Etat, un Etat qui avait mené une telle

28 politique. Il pensait que nous devions œuvrer en faveur de la

Page 405

1 reconnaissance et de la réunion des territoires serbes de la Republika

2 Srpska, de Serbie, et cetera.

3 Q. D'après ce que vous avez pu constaté, quand a-t-il adopté ces points de

4 vue ?

5 R. Dès le moment où je l'ai rencontré, c'était en février 1992, à partir

6 de ce moment-là, et j'ai pu voir ce qui était dit lors des séances

7 gouvernementales. A l'ordre du jour, on parlait d'abord de la situation

8 politique, et il exprimait son point de vue sur la Croatie. J'ai compris

9 quelles étaient ses positions sur les diverses activités qui devaient être

10 entreprises.

11 Q. Savez-vous si Milan Martic envisageait que les Croates qui habitaient

12 dans les zones serbes de Krajina puissent habiter quelque part ?

13 R. Je ne pense pas. Nous avons assisté à une session gouvernementale

14 concernant le retour des réfugiés, nos points de vue étaient différents.

15 Nous avons parlé de la démilitarisation envisagée par le plan Vance. Martic

16 était défavorable à la démilitarisation et au retour des réfugiés, et

17 c'était le point de vue partagé par la majorité des membres du

18 gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous avons eu une session

19 gouvernementale en 1992, fin 1992, à ce sujet. C'était en Slavonie

20 occidentale, et cette séance était consacrée à ce sujet tout particulier,

21 et il s'agissait de voir s'il serait possible d'envisager le retour des

22 Croates. Les Croates quittaient le secteur de Benkovac et d'Obrovac. Je

23 pense qu'il y avait des Croates qui étaient restés à Knin seulement. En

24 1991, lorsque la guerre faisait rage, il y a eu des gens tués, d'autres qui

25 sont partis. Pendant l'année 1992, ils ont quitté la Krajina pour aller en

26 Croatie. Il y a eu des échanges organisés au poste de contrôle tenu par les

27 soldats des Nations Unies.

28 Q. Je souhaiterais vous poser des questions plus précises à ce sujet.

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1 Tout d'abord, vous avez parlé du plan Vance. De quoi s'agit-il ?

2 R. Le plan Vance était un accord qui a été signé le 2 janvier 1992. Cet

3 accord appliquait un cessez-le-feu et le déploiement des troupes des

4 Nations Unies dans les zones touchées par la guerre. Nous l'avons adopté au

5 mois de mars et en avril 1992 lors d'une assemblée de la RSK, et c'est à

6 cette occasion-là que ce plan a été accepté. Ce plan devait être mis en

7 œuvre.

8 L'un des points importants était la démilitarisation du secteur. En

9 d'autres termes, les fusils à canon long et les armes lourdes devaient être

10 entreposés dans des dépôts avec deux clefs. Ces clefs étaient détenues par

11 des représentants des Nations Unies, la police et l'armée de la RSK. Seuls

12 des fusils à canon court pouvaient être portés, c'est-à-dire que les

13 policiers pouvaient avoir ces pistolets à leurs ceinturons, et il y a eu un

14 affrontement très important à ce sujet.

15 M. Martic bénéficiait du soutien du président de la république. Il ne

16 voulait pas respecter la démilitarisation, si bien que les gens

17 continuaient à porter des armes lourdes ou à canon long en SAO. Seule la

18 SAO de la Slavonie occidentale a procédé à la démilitarisation pendant

19 l'année 1992. Le 2 septembre 1992, Marrack Goulding est venu à Okucani pour

20 nous féliciter. Il s'est rendu dans d'autres régions de la SAO de Krajina

21 en Slavonie orientale et dans la SAO de Krajina. Excusez-moi. La

22 démilitarisation n'a jamais eu lieu parce que M. Martic et ses

23 collaborateurs au sein du ministère de la Défense pensaient que la Krajina

24 ne pourrait être protégée que par les armes et défendue de cette manière et

25 que la démilitarisation ne pouvait pas être mise en œuvre.

26 Q. Je souhaiterais enchaîner sur le sujet de la démilitarisation. Tout

27 d'abord, aux termes du plan Vance, quel secteur était censé être

28 démilitarisé ?

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1 R. Toute la région touchée par la guerre qui se trouvait derrière Zadar;

2 j'ai indiqué cela sur la carte. C'est là que les troupes des Nations Unies

3 devaient être déployées en Slavonie orientale, en Slavonie occidentale et

4 dans la partie de la Krajina qui faisait partie de la RSK.

5 Q. Dans le cadre de cette démilitarisation, que devait-il advenir de

6 l'armée yougoslave connue à l'époque sous le nom de JNA ?

7 R. La JNA, ou plutôt l'armée de la RSK, devait être totalement désarmée.

8 Tout ce qui était armes lourdes, canons, chars, obusiers, je n'ai pas

9 beaucoup de connaissances à ce sujet, toutes ces armes, toutes ces pièces

10 d'armement devaient être entreposées dans des dépôts comme convenu, aussi

11 loin que possible des zones de conflit. Les soldats devaient porter des

12 tenues civiles, seuls les policiers pouvaient porter un uniforme, et des

13 armes à canon court. Ceci a été mis en œuvre seulement en Slavonie

14 occidentale, c'est là que les soldats portaient des tenues civiles et c'est

15 là qu'ils ont été désarmés, et toutes les armes lourdes ont été

16 confisquées.

17 Q. Est-ce que le plan Vance prévoyait quoi que ce soit au sujet des

18 réfugiés ?

19 R. Le point suivant concernait le retour des réfugiés. Etant donné que

20 nous avions mis en œuvre la démilitarisation de la Slavonie occidentale,

21 nous exercions des pressions de façon à entamer le retour des réfugiés. Et

22 nous sommes parvenus à un accord à Pakrac. Les Croates qui avaient fui

23 devaient revenir. Il y avait une autre partie de Pakrac qui se trouvait

24 sous le contrôle militaire croate, et les Serbes pouvaient y revenir

25 également. C'était là notre projet. Mais cela n'a pas été mis en œuvre et

26 cela n'a jamais été traduit dans les faits.

27 Q. Vous avez parlé de cette session spéciale gouvernementale tenue fin

28 1992. Où s'est-elle tenue ?

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1 R. A Vrbovljani, un village situé près d'Okucani. A l'ordre du jour, il y

2 avait le retour des réfugiés en raison des pressions exercées par la

3 Slavonie occidentale, et c'est la raison pour laquelle on a tenu cette

4 séance gouvernementale à cet endroit. Le premier ministre, la plupart des

5 membres du gouvernement, sont venus d'abord à Okucani. C'est là qu'il y a

6 eu des pourparlers. Et d'après ce que j'ai pu apprendre, ils avaient déjà

7 convenu que notre position ne devait pas être adoptée, à savoir que les

8 réfugiés ne devaient pas être autorisés à rentrer. I y a eu un débat très

9 virulent lors de cette séance gouvernementale.

10 Q. Excusez-moi, je dois vous interrompre quelques instants. Comment avez-

11 vous appris que cette proposition ne devait pas être adoptée comme elle

12 avait été convenue ?

13 R. C'est Stevo Bogic, le vice-premier ministre, originaire de Slavonie

14 orientale, qui me l'a dit. Nous étions très proches, et il était désolé que

15 je ne bénéficie d'aucun soutien. Il m'a dit : Tu resteras tout seul. Tu

16 n'auras pas de soutien pour ce qui est du retour des Serbes en Slavonie

17 occidentale. Dans la mesure du possible, je vais t'aider, mais tu n'auras

18 pas de soutien. C'était à Okucani, et voilà les informations qu'il m'a

19 communiquées cinq minutes avant le début de la séance gouvernementale en

20 question.

21 Q. Je souhaiterais vous poser quelques questions supplémentaires au sujet

22 de ce qui s'est passé lors de cette séance gouvernementale, mais --

23 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que nous

24 arrivons à la fin de l'audience.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement. L'audience est levée.

26 Nous reprendrons nos travaux demain à 14 heures 15.

27 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 17 janvier

28 2006, à 14 heures 15.