Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 21 février 2006

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting, vous pouvez

7 maintenant poursuivre et vous avez vos 13 dernières minutes.

8 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que la Chambre souhaite rappeler au

9 témoin sa déclaration ?

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, oui, très bien.

11 Monsieur Babic, comme d'habitude, nous souhaitons vous rappeler que vous

12 êtes tenu par la déclaration que vous avez prononcée et en vertu de

13 laquelle vous avez dit que vous allez dire la vérité, toute la vérité, rien

14 que la vérité.

15 LE TÉMOIN: MILAN BABIC [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Interrogatoire principal par M. Whiting : [Suite]

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Babic, est-ce que vous me

21 comprenez ?

22 R. Oui. Bonjour. Tout à fait.

23 Q. Monsieur Babic, en quoi consistait l'opération Eclair ?

24 R. L'opération Eclair était une intervention de la police militaire croate

25 et ce fut une intervention qui a eu lieu sur le territoire de la Slavonie

26 orientale qui était tenu par les Serbes et cela s'est passé au début du

27 mois de mai 1995.

28 Q. Savez-vous si quelque chose a précipité en quelque sorte l'opération

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1 Eclair ?

2 R. En fait, ce qui a précipité l'opération et il s'agit des raisons ou des

3 causes de cette opération, il s'agit des événements qui ont eu lieu sur

4 l'autoroute d'Okucani sur le territoire de la République de la Krajina

5 Srpska.

6 Q. Est-ce que vous pourriez nous relater lesdits événements ?

7 R. Ces événements se sont déroulés après une longue période de

8 négociations entre les représentants du gouvernement de la Croatie et le

9 gouvernement de la République de la Krajina Srpska auxquelles négociations

10 auxquelles j'ai participé. Ces négociations ont duré plusieurs mois et

11 portaient sur la normalisation des relations entre la République de la

12 Krajina Srpska et de la Croatie. Il s'agissait en fait d'établir le lien

13 entre les systèmes d'éduction d'eau, les systèmes électriques et il

14 s'agissait également d'ouvrir l'autoroute entre Zagreb et Belgrade. Il

15 s'agissait de l'ouverture des lignes ferroviaires et de ce genre de chose.

16 Après, en fait, ces pourparlers, une partie de l'accord a été concrétisée,

17 à savoir, l'ouverture de l'autoroute qui relie Belgrade à Zagreb et qui

18 passe par le territoire qui à l'époque était appelé la République de la

19 Krajina Srpska. Il s'agit de la Slavonie occidentale et d'une petite partie

20 de la Slavonie orientale. En fait, cette autoroute a fonctionné, donc, a

21 été ouverte jusqu'au mois de mai 1995, et après que cette autoroute

22 fonctionne normalement, des incidents se sont produits sur cette autoroute,

23 ce qui fait que l'autoroute a été fermée.

24 Q. Qui a fermé cette autoroute, dans la mesure où vous le savez ?

25 R. D'après les informations que je détiens, il s'agit du premier ministre,

26 de M. Martic, de -- il m'a été dit que des policiers et des personnes de la

27 région d'Okucani ont émis des ordres afin que l'autoroute soit fermée.

28 Q. Que s'est-il passé après la fermeture de cette autoroute ?

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1 R. Des négociations ont eu lieu afin d'envisager et de discuter de sa

2 réouverture. Toutefois, la Croatie a ouvert de force cette autoroute et il

3 y a eu une opération de la police militaire qui a, en fait, ouvert

4 l'autoroute et qui a investi la partie de la Slavonie orientale qui jusqu'à

5 présent avait été sous le contrôle des Serbes. Donc, cela s'est poursuit

6 pendant plusieurs jours, le 1er, le 2 et le 3 mai, en fait. Tout s'est

7 terminé, à ce moment-là.

8 Q. C'est ce à quoi on fait référence lorsque l'on parle de l'opération

9 Eclair ?

10 R. Oui, il s'agit effectivement de l'opération Eclair.

11 Q. A votre connaissance, est-ce que Milan Martic a fait quelque chose

12 après l'opération Eclair ?

13 R. Le deuxième jour de l'opération Eclair, il a ordonné le bombardement de

14 la ville de Zagreb et il s'agissait, en fait, de représailles pour

15 l'intervention de la Croatie en Slavonie orientale.

16 Q. Comment savez-vous qu'il en a donné l'ordre ?

17 R. Il l'a dit lui-même à la télévision. Il a dit lui-même qu'il avait

18 donné l'ordre.

19 Q. Monsieur Babic, je souhaiterais, en fait, que nous examinions la

20 conversation interceptée 593, je prie. Donc, il y a le début, en fait, dont

21 je ne vais pas tenir compte. Je commencerais juste par Nikolic et Milosevic

22 car, dans votre déclaration, vous avez dit avoir reconnu les voix de

23 Milosevic -- de Slobodan Milosevic et de Borisav Mikelic. Dans votre

24 déclaration, vous aviez fait référence à Borisav Mikelic; est-ce que vous

25 pourriez nous rappeler qui il était, à l'époque, en 1995 ?

26 R. A l'époque, Borisav Mikelic était le premier ministre de la République

27 de la Krajina Srpska.

28 Q. A cette époque-là, vous étiez vous-même au gouvernement. Vous étiez

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1 d'ailleurs le ministre des Affaires étrangères; est-ce exact ? Vous nous

2 l'avez dit un peu plus tôt lors de votre déposition.

3 R. Oui.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans quel gouvernement ? Le

5 gouvernement de la SAO, le gouvernement de la Krajina Srpska ?

6 M. WHITING : [interprétation] A cette époque-là, en 1995, il s'agit du

7 gouvernement de la République de la Krajina Srpska.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

9 M. WHITING : [interprétation]

10 Q. Est-ce que vous pourriez me dire combien de fois avez-vous eu

11 l'occasion de parler à Borisav Mikelic ?

12 R. Je lui parlais fréquemment. Je ne peux pas vous donner un chiffre

13 exact, mais sur une période de deux ans, je faisais partie du gouvernement

14 dont il était le premier ministre. Donc, je lui parlais souvent. Je lui

15 parlais quotidiennement, parfois.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de façon générale quelle est la

17 teneur de cette conversation ?

18 R. Pendant cette conversation, il parle de sujets relatifs aux événements

19 qui se sont déroulés en Slavonie occidentale, à savoir, l'ordre de Martic

20 pour que Zagreb soit bombardée, ces conséquences, ce qui s'est passé avant

21 cet événement. Il est question, en fait, de certaines questions telles que

22 la réunion du Conseil conjoint de la suprême défense entre la République de

23 la Krajina Srpska et de la Republika Srpska. Il y est également mention aux

24 problèmes du ministre de l'Intérieur et des préparatifs à une réunion de

25 l'assemblée de la République de la Krajina Srpska. Mais il faut savoir

26 qu'essentiellement, il s'agit des événements qui se sont déroulés en

27 Slavonie occidentale. Il est question également de cette opération Eclair

28 et du bombardement de Zagreb.

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1 Q. Je dois m'interrompre un petit moment parce que mon compte rendu a

2 disparu de mon écran. Donc, j'espère pouvoir le récupérer.

3 Alors, j'aimerais commencer à vous diffuser donc une séquence audio qui

4 commence à la page 2, de la version anglaise et à la page 2 de la version

5 B/C/S. Cela commence avec M. Mikelic qui dit : "C'est Boro à l'appareil."

6 Est-ce que vous voyez cela à la page 2 du document écrit ? Je m'excuse, je

7 m'excuse. Non, il me semble qu'il s'agit de la première page de la version

8 B/C/S. Cela commence à la fin de la première page de la version B/C/S.

9 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir le système

10 Sanction, je vous prie ? Je m'adresse à la régie. Cela commence par "Allo,

11 M. le Président."

12 [Diffusion de la cassette audio]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Allo, M. le Président.

15 "Milosevic : Oui, qu'est-ce qui se passe ?"

16 M. WHITING : [interprétation] Pour ce qui est de ces transcriptions, il se

17 peut que nous devions fournir les documents B/C/S à la cabine française.

18 Voilà, en fait, les interprètes ne doivent pas lire la transcription

19 anglaise et nous nous contentons d'entendre l'original.

20 La cabine française aura le document en B/C/S, ce que nous aurions

21 d'ailleurs dû de leur donner avant que nous ne commencions aujourd'hui, et

22 je m'excuse. Je dirais à l'intention de la cabine française que cela

23 commence au bas de la page 1.

24 L'INTERPRÈTE : Oui, merci.

25 [Diffusion de la cassette audio]

26 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

27 "Mikelic : Allo, M. le Président, qu'est-ce qui se passe ?

28 Milosevic : Oui, je regardais le rapport de la séance mixte du

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1 Conseil suprême de Krajisnik et de Karadzic. Ce n'est pas grave. Est-ce que

2 Babic et les autres y sont allés également, Mikelic ? Qu'est-ce tu dis ?

3 Débrouille-toi avec Babic et vois avec les autres personnes qui y seront.

4 Cela, c'est le résultat des caprices de Martic et de ce criminel de

5 Tudjman. Personne ne remet en question le manque de scrupules -- n'a remis

6 en question le manque de scrupules de Tudjman, même avant. Mais si nous

7 n'avions pas eu les caprices de Martic, la route -- l'autre n'aurait pas pu

8 en fait, faire preuve de son manque de scrupules. Les caprices de Martic

9 ont ouvert la route pour permettre à Tudjman qui n'a aucun scrupule d'agir

10 parce qu'en fait, il n'avait pas commencé avec cette histoire d'autoroute

11 s'il n'avait pas commencé à faire feu. L'autre n'aurait jamais osé, du fait

12 de la situation internationale. Il n'aurait jamais osé remettre une

13 question une décision qui a été prise et qui a été sanctionnée par les

14 Nations Unies à propos du régime en Slavonie occidentale."

15 [Fin de la diffusion de cassette audio]

16 M. WHITING : [interprétation]

17 Q. Monsieur Babic, dans cette séquence audio, Slobodan Milosevic dit :

18 "Personne n'a mis en doute le manque de scrupules de Tudjman même avant,

19 mais si nous n'avions pas eu les caprices de Martic, la route n'aurait pas

20 été ouverte et ne lui aurait pas permis de faire preuve de son manque de

21 scrupules. C'est le caprice de Martic qui a ouvert la route au manque de

22 scrupules de Tudjman parce que s'il n'avait pas fait ce qu'il a fait avec

23 l'autoroute, ce qu'il a fait et qui a commencé en fait les tirs, personne

24 n'aurait jamais osé faire quoique ce soit au vu de la situation

25 internationale. Personne n'aurait jamais osé remettre en question une

26 décision qui a été prise et sanctionnée par les Nations Unies à propos du

27 régime en Slavonie occidentale."

28 Qu'est-ce que cela signifie, d'après vous ?

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1 R. Il s'agit de provocations de la part de Martic et cela s'est passé

2 lorsque l'autoroute a été fermée. Il y a eu infractions de l'accord qui

3 avait été conclu entre le gouvernement de la Krajina et le gouvernement de

4 la Croatie sous les auspices ou la direction des Nations Unies. Les Nations

5 Unies qui étaient les garants de cet accord. Donc, il s'agit de

6 provocations. Il s'agissait d'une provocation que de fermer l'autoroute et

7 d'enfreindre l'accord international.

8 Q. Lorsque M. Milosevic dit : "S'il n'avait pas fait ce qu'il a fait avec

9 l'autoroute, ce qu'il a fait et qui a commencé les tirs, l'autre n'aurait

10 jamais osé," osez faire quoi, d'après vous ?

11 R. D'attaquer de façon militaire la Slavonie occidentale.

12 Q. Je vais vous diffuser une deuxième séquence audio qui commence à la

13 page 3 de la version anglaise à la page 2 du B/C/S. Cela commence par

14 Mikelic qui dit : "Martic était à Banja Luka hier."

15 Lorsque nous avons écouté cette séquence, Monsieur Babic, je vais

16 vous demander de l'écouter très, très attentivement pour voir si vous

17 pouvez me dire qui dit quoi dans cet extrait parce que le son n'est pas

18 très, très bon. Le son était meilleur à l'extérieur du prétoire, mais là

19 nous sommes obligés de passer par le système audio du prétoire et cela

20 n'est pas très toujours très audible. Je vais vous demander qui a dit quoi,

21 s'il s'agit de Milosevic ou de Mikelic.

22 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais maintenant, et je m'adresse à la

23 régie, que l'on passe le deuxième extrait.

24 [Diffusion de la cassette audio]

25 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

26 "Mikelic : Martic était à Banja Luka hier et il a fait une déclaration, il

27 a dit : "J'ai bombardé Zagreb à cause du peuple serbe de la Slavonie

28 occidentale.

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1 Milosevic : Oui, nous avons entendu cette déclaration mais il a dit que

2 c'était à cause de votre souffrance.

3 Mikelic : Il a dit qu'il a pris la décision de bombarder Zagreb, Karlovac,

4 Sisak. C'est un homme "quel homme intelligent pourrait être -- il faudrait

5 avoir honte d'un homme fou. Il se vantait de sa prouesse. C'est un homme à

6 propos duquel on pourrait dire : "Quel homme intelligent, et cetera, et

7 cetera."

8 [Fin de la diffusion de cassette audio]

9 M. WHITING : [interprétation]

10 Q. Monsieur Babic, dans cette séquence, l'un des deux hommes dit : "Il a

11 dit qu'il a pris la décision de bombarder Zagreb, Karlovac et Sisak. C'est

12 un homme," et je cite : "Quel homme intelligent a honte de ce qu'un homme

13 fou est fier ? Il parlait de sa prouesse." Est-ce que vous êtes en mesure

14 de nous dire qui des deux hommes dit cela dans cette séquence ?

15 R. J'écoutais les voix et je ne lisais pas le texte. Il semblerait qu'il y

16 ait une confusion parce que c'est tout -- c'est Milosevic qui l'a dit,

17 alors qu'ici il est dit Mikelic. Peut-être que vous voulez nous faire

18 écouter cela à nouveau. Je me suis écrit des petites notes parce que

19 j'étais en train d'écouter la séquence et je me suis rendu compte de ce qui

20 s'était passé, c'est Milosevic qui l'a dit. Nous avons entendu la

21 déclaration. Nous avons entendu la déclaration et il a dit : A cause de

22 votre souffrance, puis après il dit quelque chose de ce style puis après il

23 dit : Il a pris la décision de bombarder Zagreb. Zagreb, Karlovac et Sisak.

24 Je pense que c'est Milosevic qui parle, si vous voulez que je le répète ou

25 si vous voulez nous faire entendre cela à nouveau pour que je m'en assure.

26 Q. Nous allons entendre cela. La deuxième partie, il

27 dit qu'il a pris la décision de bombarder Zagreb, Karlovac. Je voudrais que

28 vous nous indiquiez qui parle lors de la deuxième partie.

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1 [Diffusion de la cassette audio]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Mikelic : Martic était à Banja Luka hier et il a fait une déclaration. Il

4 a dit, je cite : 'J'ai bombardé Zagreb pour le peuple serbe de la Slavonie

5 occidentale.'

6 Milosevic : Oui, nous avons entendu la déclaration mais il l'a dit que

7 c'est à cause de votre souffrance.

8 Mikelic : Il a dit qu'il a pris la décision de bombarder Zagreb, Karlovac,

9 Sisak. C'est un homme à propos duquel vous pourriez dire et je cite : 'Quel

10 homme intelligent a honte de ce qu'un homme fier ou de ce qu'un homme fou

11 serait fier d'avoir fait ?' Il parlait de ses exploits."

12 [Fin de la diffusion de cassette audio]

13 M. WHITING : [interprétation]

14 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire qui s'exprime lors de cette

15 deuxième partie, il a dit qu'il a pris la décision de bombarder Zagreb,

16 Karlovac et Sisak, c'est un homme et je cite : "Quel homme intelligent a

17 honte de ce qu'un homme fou serait fier d'avoir fait et il parlait de

18 connaissance exploit." Etes-vous en mesure de dire qui s'exprimait dans cet

19 extrait ?

20 R. Milosevic.

21 Q. Je vous remercie. Je vais maintenant vous diffuser une autre séquence

22 audio qui se trouve à la page 4 de la version anglaise et à la page 3 de la

23 version B/C/S. Cela commence par Milosevic qui dit : "A la séance de

24 l'assemblée sa démission devrait être exigée." Est-ce que vous l'avez

25 trouvée, Monsieur ?

26 R. Oui.

27 [Diffusion de la cassette audio]

28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

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1 "Milosevic : A la séance de l'assemblée, il faudrait que sa démission soit

2 exigée parce qu'il a commis les pires erreurs possibles. Si Karadzic et

3 Krajisnik veulent le couvrir, il n'a qu'à aller les voir. Qu'il aille les

4 voir à Pale et qu'il fasse office de bouffon de la cour pour eux. Il n'y a

5 pas d'autres méthodes. Je pense que vous devriez leur dire cela : Que

6 maintenant, c'est un criminel qui ne réfléchit pas et il réagit comme un

7 animal et non pas comme un homme. Hier, il a ordonné le bombardement de

8 Zagreb, même alors qu'il y a 7 000 personnes qui sont assiégées. Est-ce que

9 vous avez entendu ce qu'a dit Tudjman hier : 'Qu'ils attaquent et personne

10 ne coopéra.' Est-ce que vous voulez qu'ils fassent montre de leur pouvoir

11 quand pour dire la vérité, les questions les plus sensibles de mise en

12 vigueur de l'accord, portant sur la sécession des hostilités, doivent être

13 prises en considération ?"

14 [Fin de la diffusion de cassette audio]

15 M. WHITING : [interprétation]

16 Q. Monsieur Babic, dans cette séquence audio, M. Milosevic

17 dit : "C'est un criminel qui ne réfléchit pas. Il réagit comme un animal et

18 non pas comme un homme. Hier, il a ordonné le bombardement de Zagreb." De

19 qui parle-t-il, d'après vous ?

20 R. De Milan Martic.

21 Q. Puis, il fait référence à 7 000 personnes qui sont assiégées et à quoi

22 est-ce que cela fait référence d'après vous ?

23 R. Oui, il s'agissait de quelque 7 000 civils et soldats qui étaient

24 assiégés dans la région de Pakrac parce que l'armée et la police croate

25 avaient en quelque sorte coupé la voie de secours de la population et des

26 soldats vers Banja Luka sur le territoire de la Republika Srpska. Ils

27 étaient assiégés. Ils étaient dans ce siège, à l'intérieur du siège et

28 c'est les Serbes qui étaient assiégés par la police croate et les

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1 militaires.

2 Q. A votre connaissance, est-ce que vous savez si le bombardement de

3 Zagreb a eu des incidences pour ces personnes qui se trouvaient assiéger ?

4 Quelles furent les conséquences ?

5 R. Cela aurait pu engendrer des représailles croates et ces personnes

6 auraient pu être les victimes de cet événement.

7 Q. J'aimerais en dernier lieu, vous diffuser une séquence audio. Non, non,

8 pas en dernier lieu, puisqu'il y en a encore deux.

9 La quatrième séquence audio se trouve à la page 5 de la version anglaise et

10 à la page 5 de la version B/C/S. Cela commence par Milosevic qui dit : "Il

11 devrait être dit à votre assemblée."

12 R. Oui, je l'ai trouvée.

13 [Diffusion de la cassette audio]

14 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

15 "Milosevic : Que cela soit dit à votre assemblée. Que cela soit dit de

16 façon ouverte car il faut le dire. Que ce soit une condition pour eux. De

17 toute façon, vous avez dit que la nuit dernière, lorsque tout était prêt

18 pour que l'autoroute soit ouverte, que la Croatie a attaqué. Cela n'était

19 pas vrai. Lorsque toutes les conditions étaient prêtes pour que l'autoroute

20 soit ouverte, Martic a dit qu'il était absolument hors de question d'ouvrir

21 l'autoroute, ce qui fait qu'après la Croatie a attaqué et que Tudjman a dit

22 qu'il fallait absolument ouvrir l'autoroute."

23 [Fin de la diffusion de cassette audio]

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Dans cette séquence vidéo, Milosevic dit : "Lorsque tout était prêt

26 pour ouvrir l'autoroute, Martic a dit qu'il était hors de question d'ouvrir

27 l'autoroute. Après cela, la Croatie a attaqué et Tudjman a dit qu'il devait

28 ouvrir l'autoroute."

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1 Ceci fait référence à quoi, en tout cas d'après ce que vous

2 comprenez ?

3 R. J'ai déjà précisé qu'une fois que l'autoroute a été fermée, il y a eu

4 des négociations afin de procéder à la réouverture de cette autoroute. On

5 s'était déjà mis d'accord pour réouvrir l'autoroute. Ensuite, Martic a dit

6 : "Cela était hors de question et qu'il ne permettrait pas que l'autoroute

7 soit ouverte à nouveau." C'est cela dont il s'agit.

8 Q. Pour finir, la dernière séquence vidéo qui se trouve à la page 6 de

9 l'anglais et en bas de la page 4, en haut de la page 5, de la version

10 B/C/S. Au milieu de la page en anglais, Milosevic dit : "Il ne peut pas

11 enfreindre la constitution. Il a provoqué la moitié de tout ceci car il a

12 violé la constitution." Je crois que cela se trouve au bas de la page 4.

13 M. WHITING : [interprétation] Si nous pouvions jouer cette séquence, s'il

14 vous plaît.

15 [Diffusion de la cassette audio]

16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

17 "Même Hitler n'a pas fait cela. Il a déchiré la Krajina. C'est un

18 fauteur de troubles dangereux. C'est un criminel. Il se vante du fait

19 d'avoir bombardé Zagreb. Il pense qu'il est intelligent. Il devrait en

20 avoir honte et c'est un fou. Il en est fier. Par conséquent, la première

21 chose à faire si vous voulez, c'est de réunir l'ensemble du conseil.

22 Deuxièmement, si vous voulez --"

23 [Fin de la diffusion de cassette audio]

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Monsieur Babic, dans cette dernière séquence vidéo Milosevic dit

26 : "Il se comporte comme un chien fou. Même Hitler n'a pas agi ainsi. Il a

27 déchiré la Krajina. C'est un fauteur de troubles dangereux et un criminel.

28 Il se vante d'avoir bombardé Zagreb. La chose dont un homme intelligent a

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1 honte, un homme lunatique comme lui est fier." D'après vous, de qui parle-

2 t-il dans cette séquence vidéo ?

3 R. De Milan Martic.

4 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que cette

5 conversation téléphonique interceptée peut recevoir une cote provisoire,

6 s'il vous plaît ?

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette écoute aura le numéro 593.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que je

9 n'ai pas vu la date de cette conversation. Je ne sais pas si quelque chose

10 s'est précisée à cet égard. Est-ce que nous pouvons le faire avant de

11 marquer cette pièce aux fins d'identification ? Sinon, par ailleurs, nous

12 nous ne opposons pas à ce que ce document soit enregistré sous une cote

13 provisoire, mais nous souhaiterions avoir une date pour qu'il n'y ait pas

14 de litiges par la suite.

15 M. WHITING : [interprétation] Je crois que je peux demander au témoin s'il

16 sait à peu près à quelle date cette conversation a eu lieu, compte tenu de

17 la teneur de cette déclaration. A ce moment-là, nous pourrons le verser

18 plus tard.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

20 M. WHITING : [interprétation]

21 Q. Monsieur Babic, étant donné les références citées dans cette

22 conversation, êtes-vous en mesure de nous dire environ à quelle date cette

23 conversation a eu lieu ?

24 R. Cela s'est peut-être produit le 3 ou le 4 mai, après le

25 1er ou le 2 mai. C'était peut-être le 3 ou le 4 mai. A ce moment-là, après

26 le bombardement de Zagreb qui a eu lieu le 2 mai. Cela s'est peut-être

27 passé le 2 mai également, car on parle du deuxième bombardement. Cela

28 aurait pu être le 2. Quoi qu'il en soit, c'est entre le 2 et le 4 mai.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelle année ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] 1995.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

4 M. WHITING : [interprétation]

5 Q. On fait de nombreuses références à une assemblée qui doit se réunir.

6 Vous souvenez-vous à peu près à quel moment cette assemblée s'est réunie ?

7 R. Il s'agit d'une date différente. C'est avant que cette conversation

8 n'ait lieu. La date est celle du 17 et du 18 mai 1995. Cette conversation a

9 eu lieu entre le 2 mai et le 17 mai 1995. Cela est certain.

10 M. WHITING : [interprétation] Merci. Est-ce que ceci peut être marqué aux

11 fins d'identification.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Tout à fait. La conversation

13 téléphonique interceptée, numéro 593 est enregistrée sous une cote

14 provisoire. Est-ce qu'on peut avoir un numéro de cote provisoire, s'il vous

15 plaît ?

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci est marqué aux fins

17 d'identification, numéro 233.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

19 M. WHITING : [interprétation] Il y a une question d'un Juge de la Chambre.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui. Monsieur Whiting, pardonnez-

21 moi, mais je ne comprends pas ce que le témoin a dit. Vous dites avoir posé

22 une question sur la date de la réunion de l'assemblée, qui est une date

23 différente, et vous dites que la conversation a eu lieu avant cette date,

24 le 17 et du 18 mai. Est-ce que vous pouvez faire la clarté là-dessus ?

25 M. WHITING : [interprétation] Oui, je crois que nous pouvons essayer de le

26 faire, Madame le Juge.

27 Q. Monsieur Babic, vous avez fait mention de cette assemblée. Quand s'est-

28 elle réunie, si vous vous en souvenez ?

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1 R. Le 17 et le 18 mai 1995.

2 Q. En vous fondant sur ce que vous avez pu lire dans cette transcription,

3 êtes-vous en mesure de nous dire si cette conversation a eu lieu avant ou

4 après la réunion de cette assemblée, le 17 et le 18 mai ?

5 R. Avant cette assemblée.

6 Q. Merci.

7 M. WHITING : [interprétation] J'espère que ceci éclaircit ce point.

8 Q. Monsieur Babi, eu égard à certaines conversations téléphoniques, j'ai

9 omis de vous poser cette question. Je souhaite donc vous poser cette

10 question à propos de toutes les conversations téléphoniques interceptées

11 que vous avez entendues au cours de votre déposition et à propos desquelles

12 vous avez parlé dans cette affaire-ci. La question porte sur l'ensemble des

13 écoutes téléphoniques. Les déclarations qui sont faites par les personnes

14 que l'on entend dans ces conversations, est-ce que ceci correspond à ce que

15 vous saviez des positions qu'elles occupaient à l'époque ?

16 R. Oui.

17 Q. Après avoir entendu ces écoutes et regardé les transcriptions, y a-t-il

18 quelque chose qui vous inciterait à mettre en doute l'authenticité des

19 écoutes dont vous avez parlé dans votre déposition, dans ce procès ?

20 R. Non.

21 Q. Monsieur Babic, je souhaite terminer par où nous avons commencé.

22 Autrement dit, je souhaite vous demander de dire, en utilisant vos propres

23 termes, de dire aux Juges de la Chambre ce dont vous aviez la charge en

24 1991. Vous avez plaidé coupable pour quoi ? Vous avez admis votre

25 responsabilité pour quoi ?

26 R. En 1991, j'ai succombé à la passion de la politique et à

27 l'ethnocentrisme. Je pensais qu'il était possible de réaliser les objectifs

28 fixés par Slobodan Milosevic, à savoir, de créer un seul et même Etat pour

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1 tous les Serbes. Je pensais que ceci était faisable en procédant à une

2 séparation ethnique sans affrontements, à commencer par une orientation du

3 système politique yougoslave qui consistait à dire que chaque municipalité

4 est une entité en soi, et que le principe d'autodétermination peut être

5 appliqué. J'ai usé de mon pouvoir politique. J'ai investi mon temps et mes

6 efforts dans l'organisation de la province autonome serbe de Krajina.

7 J'avais mes craintes personnelles et je ne faisais pas entièrement

8 confiance au gouvernement croate et j'ai partagé ceci avec le peuple de

9 Krajina et très ouvertement j'ai communiqué ma crainte aux personnes qui

10 vivaient à cet endroit-là. Par conséquent, j'ai attisé ce manque de

11 confiance ou cette méfiance. J'ai attisé ce sentiment de méfiance que

12 j'avais à l'égard du gouvernement. J'ai également contribué à la diffusion

13 de la haine entre les peuples et le peuple serbe envers l'Etat croate. Je

14 suis devenu un homme politique en vue en Krajina. J'ai occupé des postes

15 très importants en Krajina. J'ai gagné la confiance et j'ai créé des

16 institutions dans la province autonome serbe de la Krajina, j'ai créé ces

17 institutions.

18 Lorsque la guerre a commencé, je me suis rendu compte que la création

19 d'un grand Etat serbe était menée tambour battant par la force et que les

20 Croates étaient persécutés. J'ai gardé le silence et j'ai continué à

21 assumer mes fonctions qui étaient les miennes, des fonctions publiques.

22 J'avais l'occasion de prendre du recul, de donner ma démission, de me

23 retirer, mais je suis resté à mon poste et j'étais responsable et co-

24 responsable de tout ce qui s'est passé en Krajina.

25 Q. Merci.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Simplement une question, sur la

27 déclaration que vous venez de faire. Vous dites que vous,

28 M. Milan Babic, vous n'êtes pas responsable d'acte de violence contre

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1 quiconque hormis en tant que premier ministre de la SAO de la Krajina,

2 autrement dit, le poste que vous occupiez.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce que je dis est ceci : j'ai contribué

4 aux actes de violence en remplissant mes obligations, en créant des

5 institutions nouvelles, en mettant en place ces institutions, et ces

6 institutions étaient la Défense territoriale, j'ai pris la parole en

7 public, j'ai incité et convaincu le peuple serbe que de vivre dans un Etat

8 serbe distinct des Croates allait leur garantir leur sécurité, je suis

9 responsable de cela.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous poser la même question,

11 mais je vais la tourner différemment. A reprendre le terme que vous avez

12 utilisé, si vous étiez le dirigeant de la SAO de la Krajina, avez-vous

13 donné un quelconque ordre à quelqu'un de commettre un crime, de tuer

14 quelqu'un, de piller, de détruire des maisons ? N'avez-vous jamais donné ce

15 type d'ordre à quiconque ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, jamais.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

18 M. WHITING : [interprétation]

19 Q. Merci, Monsieur Babic. Je n'ai plus de questions à vous poser.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

21 Contre-interrogatoire, Maître Milovancevic ?

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Babic.

25 R. Bonjour, Monsieur.

26 Q. Je suis Me Milovancevic, je représente M. Milan Martic. Pour ce qui est

27 de notre Règlement de procédure et de preuve, nous sommes actuellement au

28 stade du contre-interrogatoire. Étant donné que nous parlons la même

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1 langue, je vous demande de bien vouloir marquer une pause entre ma question

2 et votre réponse de façon à aider les interprètes dans leur travail.

3 Est-ce que nous nous comprenons ?

4 R. Oui.

5 Q. Monsieur Babic, lorsque vous avez parlé de vous-même, vous avez dit que

6 vous êtes né en ex-Yougoslavie dans la République de Croatie; est-ce

7 exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, où vous êtes allé à l'école,

10 l'école élémentaire, l'école secondaire, où vous avez obtenu vos diplômes

11 de la fin du secondaire, et vous avez commencé à étudier à Belgrade ?

12 R. Je suis né dans le village de Kukar et je suis allé à l'école

13 élémentaire de Vrlika qui est à deux ou trois kilomètres de mon village

14 natal et j'ai terminé le lycée à Zemun. Ensuite, j'ai obtenu mon diplôme de

15 la faculté de médecine de Belgrade et j'ai obtenu mon diplôme en 1974.

16 Ensuite, j'ai étudié à l'école dentaire de Belgrade. J'ai terminé mes

17 études en 1980 et j'ai obtenu mon diplôme un an plus tard. J'ai obtenu mon

18 diplôme deux ans plus tard, pour être plus précis.

19 En 1988 et 1989, et 1990, j'ai pris des cours de médicine sociale à la

20 faculté de médecine de Sarajevo. Je n'ai pas obtenu mon master car j'ai

21 commencé à prendre part à la vie politique.

22 Q. Monsieur Babic, est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous avez

23 dit qu'en 1982, vous avez obtenu votre diplôme de dentiste ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous nous dire quand vous avez commencé à travailler ?

26 R. Oui. En 1982, lorsque j'ai élu domicile, mais j'ai ensuite changé, et

27 j'ai dû faire mon service militaire obligatoire et, ensuite, j'ai commencé

28 à exercer la profession de dentiste. C'était un poste provisoire, mais qui

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1 a duré un certain nombre d'années. Ensuite, j'ai obtenu un poste à durée

2 indéterminée comme un médecin au centre médical de Knin.

3 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, nous parler de votre lieu de

4 domicile après votre service militaire obligatoire ? Vous avez travaillé au

5 sein de quelle institution et où étiez-vous à ce moment-là ?

6 R. Bien, c'était dans la clinique ambulatoire de Djevrske et dans la

7 clinique ambulatoire de Vrlika et la clinique ambulatoire de Knin. J'ai

8 passé mon examen final au centre médical de Split.

9 Q. Quand avez-vous passé votre examen, vos derniers examens ?

10 R. Après mes études.

11 Q. Pourriez-vous nous citer l'année, si vous vous en souvenez ? Ce que je

12 veux dire.

13 R. En 1984.

14 Q. Pourriez-vous nous dire quand vous avez commencé à travailler à Knin au

15 centre médical de Knin ?

16 R. J'étais stagiaire et j'ai été employé et recruté par le centre médical

17 de Knin à partir du mois de septembre 1982 avec une interruption à cause de

18 mon service militaire, et ensuite, j'ai eu des postes provisoires, mais

19 j'étais toujours au centre médical de Knin.

20 Q. Quand êtes-vous devenu l'administrateur principal du centre médical de

21 Knin ?

22 R. Je suis devenu administrateur principal en exercice après la

23 liquidation de --

24 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous répéter la date s'il vous plaît ?

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

26 Q. Dans -- lorsque l'on lit votre curriculum vitae, vous avez également

27 dit que vous étiez membre de la Ligue des Communistes de Croatie, ce qui

28 signifie que vous étiez un membre de la Ligue des Communistes yougoslaves.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pardonnez-moi, mais l'interprète a

2 demandé au témoin de répéter la date. Vous dites : "Avoir été

3 administrateur principal en exercice après --" - qu'est-ce que vous voulez

4 dire - "-- liquidation de --"

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis devenu administrateur principal du

6 centre médical de Knin en 1989.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

8 Vous pouvez poursuivre, Maître Milovancevic.

9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur Babic, je vous ai déjà posé la question. Vous dites avoir été

11 un membre de la Ligue des Communistes de Croatie. Quand êtes-vous devenu

12 membre ?

13 R. Non, je ne suis pas devenu membre de la Ligue des Communistes de

14 Croatie. Je suis devenu membre de la Ligue des Communistes de Serbie en

15 1974. J'étais encore au lycée à Belgrade et une fois après avoir déménagé

16 en Croatie et j'ai commencé à travailler. J'ai transféré mes papiers du

17 comité central au comité municipal de Knin et c'est comme cela que j'ai

18 commencé à travailler pour la Ligue des Communistes de Croatie et c'est

19 comme cela que j'ai commencé à prendre part aux travaux de la Ligue des

20 Communistes de Croatie.

21 Q. Ai-je raison de dire que vous êtes devenu membre de la Ligue des

22 Communistes de Serbie ?

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un peu plus tôt, M. Babic a dit : "Je

24 ne suis pas devenu membre de la Ligue des Communistes de Croatie, mais je

25 suis devenu membre de la Ligue des Communistes de Serbie." Maintenant, il

26 dit : "En réalité, j'ai rejoint la Ligue des Communistes de Croatie et j'ai

27 commencé à prendre part à leurs travaux."

28 Etes-vous devenu membre de la Ligue des Communistes de Croatie à un moment

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1 donné ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

3 Je voulais simplement dire ceci. Je ne devenais pas membre pour la première

4 fois de la Ligue des Communistes car la Ligue des Communistes de Croatie

5 faisait partie de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Il s'agissait

6 simplement d'une procédure administrative. Il s'agissait tout simplement de

7 transférer mon dossier et c'est comme cela que je suis devenu membre de la

8 Ligue des Communistes de Croatie. Cela n'était pas la première fois que

9 j'étais membre de cette Ligue des Communistes.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Vous venez de parler des rapports entre la Ligue des Communistes de

12 Serbie et la Ligue des Communistes de Croatie et la Ligue des Communistes

13 de Yougoslavie. Pourriez-vous en quelques mots nous dire si la République

14 fédérative socialiste de Yougoslavie était un Etat socialiste, n'est-ce pas

15 ?

16 R. D'après la constitution, c'était un système socialiste et il y avait le

17 système d'autogestion. C'était l'apanage du système socialiste, le système

18 sociopolitique était fondé sur l'autogestion. Je crois que cela définit la

19 définition la plus précise qu'on puisse en donner.

20 Q. Est-ce que vous pourriez dire qu'en Yougoslavie jusqu'en 1990, le parti

21 au pouvoir était la Ligue des Communistes qui constituait le seul parti

22 politique, la seule organisation politique. Il y avait également l'alliance

23 socialiste et il y avait un syndicat et d'autres organisations, mais

24 c'était le seul parti politique. C'était un système avec un parti politique

25 unique ?

26 R. Il y avait une Ligue des Communistes de Yougoslavie qui comprenait la

27 Ligue des Communistes des différentes républiques. Il s'agissait d'un parti

28 qui appliquait les principes de la Fédération au sein du parti. Il y avait

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1 ces liens qui étaient dus à l'existence de cette Fédération entre les

2 différents partis et les différentes républiques à l'intérieur de Ligue des

3 Communistes de Yougoslavie.

4 Q. Merci, Monsieur Babic.

5 L manière dont le parti était structuré vous a-t-il permis de transférer

6 votre affiliation de la Ligue des Communistes de Serbie à la Ligue des

7 Communistes de Croatie. En réalité, il s'agissait d'une seule et même Ligue

8 des Communistes de Yougoslavie. C'est ce que vous avez dit avant, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui, exactement. C'est ce que j'ai dit.

11 Q. Vous souvenez-vous à quel moment vous avez officiellement rejoint la

12 Ligue des Communistes de communistes qui faisaient partie de la Ligue des

13 Communistes de Yougoslavie ?

14 R. C'est la même année au cours de laquelle j'ai commencé à travailler en

15 1982, dans le courant de l'automne.

16 Q. Est-ce que vous pourriez s'il vous plaît nous dire quel poste vous avez

17 occupé au sein du parti, au sein de la Ligue des Communistes de Croatie, de

18 l'organe du parti ?

19 R. J'étais un membre de l'organisation de base de la Ligue des Communistes

20 et je m'occupais dans le centre de -- je m'occupais particulièrement de

21 santé primaire à Knin jusqu'en 1989. Au cours de l'automne de cette année,

22 je suis devenu secrétaire de l'organisation de la Ligue des Communistes et

23 je m'occupais du centre de Santé primaire de Knin et je suis resté à ce

24 poste jusqu'au 17 février 1990, pendant quelques mois et autour de cette

25 date il y avait le congrès.

26 Q. Ai-je raison de dire que la Ligue des Communistes de Croatie, ainsi que

27 toutes les autres organisations des communistes dans les autres républiques

28 ou ligues affiliées avaient leur propre organisation au niveau municipal,

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1 au niveau des différentes sociétés, autrement dit, l'organe du parti, le

2 réseau des organes du parti était un réseau très étendu et que vous

3 apparteniez vous-même à la Ligue des Communistes de Knin, à l'endroit où

4 vous travaillez ?

5 R. Oui. Je pouvais soit appartenir à la Ligue des Communistes régionale ou

6 à la Ligue des Communistes qui était celle de la société. En général, on

7 appartenait à l'organisation de base, celle qui avait été mise en place

8 dans l'institution, le service dans lequel on travaillait. C'est la raison

9 pour laquelle j'étais membre de l'organisation de base de l'entreprise pour

10 laquelle je travaillais.

11 Q. Y avait-il des différences ou des restrictions ? Y avait-il -- est-ce

12 que l'on pouvait établir des différences sur une base ethnique ? Est-ce que

13 l'on pouvait différencier les membres de la Ligue des Communistes de

14 Croatie ? Ce que j'entends par là, c'est que dans ce type d'organisation,

15 est-ce que toute personne pouvait devenir membre, quelque soit son origine

16 ethnique, sa religion, et cetera ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous qui étiez Serbe, vous-même, vous êtes d'origine -- vous étiez

19 d'origine ethnique serbe -- vous êtes d'origine ethnique serbe. Quand vous

20 travailliez à Knin, vous étiez secrétaire de l'organisation du parti. A

21 l'endroit où vous travailliez, vous avez reçu une invitation vous demandant

22 de prendre part au Congrès de la Ligue des Communistes de Croatie qui a

23 lieu à la fin de l'année 1989. Ai-je raison de dire cela ? Est-ce ainsi que

24 les choses se sont passées ?

25 R. Je dois être plus précis au niveau de ma réponse. Il y a un certain

26 nombre de points que vous avez soulevés. Tout d'abord, j'ai été élu en tant

27 que délégué à ce congrès. Je ne sais pas si c'est que vous entendiez par

28 là. Avant cela, j'avais été élu secrétaire de l'organisation de base, ce

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1 qui signifie qu'au niveau des préparatifs du congrès, j'ai pris part à ces

2 préparatifs à ce moment-là. Je m'excuse mais quelle était votre question ?

3 Vous m'aviez posé d'autres questions, il me semble ?

4 Q. Vous explications suffisent, Monsieur Babic. En tant que membre de la

5 Ligue des Communistes de la Croatie, conformément à la procédure stipulée

6 par les Règlements du parti, vous avez été invité à aller au congrès et à

7 participer. C'est ce que vous avez fait, n'est-ce pas ?

8 R. Je n'ai pas été invité au congrès. Cela c'est une première chose. A

9 propos de ce congrès, c'était le dernier congrès de la Ligue des

10 Communistes de la Croatie. Une nouvelle procédure a été introduite pour les

11 gens qui allaient au congrès. Avant la procédure était comme suit : la

12 Conférence municipale de la Ligue des Communistes de la commune nommait les

13 délégués de sa communauté qui allaient participer au congrès. Mais pour la

14 première fois pendant ces élections, il a été déclaré que les délégués au

15 Congrès de la Ligue des Communistes de la Croatie devraient être élus à la

16 suite d'un vote général pour ce qui est de savoir qui, parmi les membres du

17 parti, allaient se rendre au congrès.

18 Pour ce qui est de la municipalité de Knin, il y avait quelque 3 700

19 membres de la Ligue des Communistes en Croatie et mon nom a été présenté

20 par l'organisation de base. Mon nom a été ajouté à cette liste et cette

21 liste a été distribuée lors des élections générales, et c'est ainsi que

22 j'ai été élu parmi les six délégués. C'est ainsi que j'ai été élu.

23 Q. Parmi les six délégués qui représentaient les 3 700 membres de la Ligue

24 des Communistes à Knin, vous êtes allé participer au Congrès du parti qui

25 se tenait où ?

26 R. A Zagreb, sur le site des expositions.

27 Q. Est-ce que quelque chose de particulier s'est passé à ce congrès,

28 d'après vous ?

Page 1693

1 R. Deux choses importantes ont eu lieu. Premièrement : la décision prise

2 par le congrès d'introduire le système multipartite dans la politique

3 croate. Puis, deuxième chose importante : la décision statutaire relative à

4 l'organisation même de la Ligue des Communistes de Croatie et de la Ligue

5 des Communistes de Yougoslavie qui était la suivante : il a donc été

6 décidé, pendant ce congrès, que la Ligue des Communistes de Yougoslavie

7 constituait le rassemblement, le regroupement des différentes ligues de

8 communistes au niveau des républiques. Autrement dit, il a été décidé que

9 la Ligue des Communistes de Croatie n'était pas une partie intégrante de la

10 Ligue des Communistes yougoslaves, mais que la Ligue des Communistes

11 yougoslaves se composait en tant qu'entité, d'un tout qui regroupait les

12 différentes ligues communistes des différentes républiques.

13 Q. Cette décision de la Ligue des Communistes de Croatie, décision prise

14 hors congrès, était-elle synonyme de destruction, démantèlement de la Ligue

15 des Communistes yougoslaves en tant qu'organisation unifiée et est-ce

16 qu'elle permettait l'indépendance complète de la Ligue des Communistes de

17 Croatie ?

18 R. D'une certaine façon, oui. Ce n'était pas un démantèlement mais la

19 création de nouveaux rapports internes au sein de la Ligue des Communistes

20 yougoslaves qui se transformaient en organisation fédérative regroupant les

21 différentes ligues communistes au niveau des républiques. Les délégués

22 serbes au congrès ont également voté pour cette mesure. Je crois me

23 rappeler que 25 % de Serbes participaient à ce congrès.

24 Q. Etiez-vous favorable à cette décision ?

25 R. Non. Je faisais partie de la minorité qui a voté pour le maintien d'une

26 Ligue des Communistes yougoslaves unifiés, autrement dit, pour un maintien

27 des dispositions statutaires existantes, sans modification.

28 Q. La Ligue des Communistes de Croatie, puisque la Ligue des Communistes

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1 yougoslaves avait son propre statut, je vous demande dans ces conditions si

2 la Ligue des Communistes de Croatie était habilitée à rendre une telle

3 décision ? Est-ce que cette décision pouvait être légitime sur le plan

4 statutaire ?

5 R. Je ne suis pas un expert des questions statutaires mais pour autant que

6 je l'ai compris, cette proposition et cette décision étaient statutaires

7 même si je n'étais pas d'accord avec cette décision. Mais je vous répète

8 que je ne suis pas en mesure d'interpréter en tant qu'expert les

9 différentes dispositions du statut.

10 Q. Pouvez-vous nous donner les raisons qui vous ont poussé à vous opposer

11 à cette décision, à savoir que la Ligue des Communistes de Croatie devienne

12 autonome et qu'en tant qu'entité autonome, elle constitue une composante de

13 la Ligue des Communistes yougoslaves ?

14 R. J'ai vu dans cette décision la domination d'un élément national sur les

15 autres, une démarche nationaliste, une démarche fondée sur l'appartenance

16 ethnique au sein de la Ligue des Communistes de Croatie. Comment est-ce que

17 je pourrais le dire ? J'ai vu dans cette mesure, un élément

18 d'ethnocentrisme de la part de la Ligue des Communistes de Croatie. Puisque

19 le parti détenait toujours le pouvoir, ceci devait nécessairement avoir des

20 conséquences sur le fonctionnement de la Fédération ou en tout cas sur le

21 fonctionnement de la République socialiste fédérale de Yougoslavie.

22 Q. Quelles pouvaient être ces conséquences au niveau de la Fédération ? De

23 quelle façon est-ce qu'au niveau fédéral cela pouvait influencer la

24 situation d'après vous ?

25 R. Dans le sens où depuis longtemps dans l'opinion croate, bien sûr, nous

26 parlons ici de la Ligue des Communistes de Croatie mais dans l'opinion, de

27 façon générale, depuis 1971, existait un courant nationaliste ou

28 ethnocentré [phon] qui était favorable à la confédéralisation [phon] des

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1 rapports au sein de la République socialiste fédérale de Yougoslavie.

2 C'était un courant qui avait sa propre interprétation de la constitution

3 yougoslave. En effet, il était stipulé dans la constitution yougoslave que

4 la République socialiste fédérale de Yougoslavie se composait d'un certain

5 nombre de républiques, à savoir, de six républiques et des peuples,

6 autrement dit, des nations. Toutes les nations étaient considérées comme

7 composantes de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Je veux

8 parler des Slovènes, des Croates, des Musulmans, des Serbes, des

9 Monténégrins et des Macédoniens. J'espère n'avoir oublié personne.

10 En tout cas, je suis en train de parler de ce courant ou de cette

11 faction, qui existait au sein de la Ligue des Communistes de Croatie dont

12 l'interprétation de la constitution était un peu différente, puisqu'il la

13 considérait comme scellant l'unification des républiques, l'unité des

14 républiques et des nations et nationalités au sein d'une République

15 socialiste fédérale yougoslave. Bien sûr, cette position, qui a été mise en

16 question à une certaine époque, et cela a d'ailleurs donné lieu à des

17 débats assez acharnés, mais, en tout cas, elle était tout à fait différente

18 de l'interprétation de domination, de position prédominante qui existait

19 également au sein de la Ligue des Communistes yougoslaves et dans d'autres

20 républiques selon laquelle le droit de créer une Fédération et de s'unir

21 avec un pays dénommé Yougoslavie avait été épuisé et qu'il fallait qu'il y

22 ait une nouvelle évaluation de la situation.

23 Je pense que j'ai été clair. J'espère que je n'ai pas besoin de m'expliquer

24 davantage.

25 Q. Merci, Monsieur Babic. Vous nous avez expliqué cela dans beaucoup de

26 détails.

27 Ce courant nationaliste au sein de la Ligue des Communistes de Croatie,

28 vous dites qu'il existait depuis 1971 et qu'il essayait d'agir sur le plan

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1 politique, au niveau de la Yougoslavie, en tant que tel. Est-ce que le

2 mouvement de masse qui a existé en 1971 représentait ce courant ?

3 R. Ce courant a été vaincu en 1971 par l'intervention de Josip Broz Tito

4 et en Croatie depuis 1971 et jusqu'en 1979, ou plutôt, non. Jusqu'à la fin

5 de 1989, un courant plus modéré l'a emporté qui s'est exprimé au Congrès de

6 1989 en soulevant, pour la première fois, cette question déjà apparente

7 depuis 1971, mais au Congrès de 89, elle a été soulevée d'une façon moins

8 extrémiste, moins nationaliste que durant le mouvement connu sous le nom de

9 "maspok" en 1971 et, bien sûr, vous connaissez la signification du terme

10 "maspok".

11 Q. Puisque vous venez d'évoquer ce mouvement de masse, mouvement "maspok"

12 comme on l'appelait, pouvez-vous rapidement nous dire en quoi il

13 consistait ?

14 R. C'était la politique mise en œuvre par la direction de la Ligue des

15 Communistes de Croatie, Kucar, Miko Tripalo et d'autres qui ont emporté

16 l'adhésion d'un certain nombre d'organisations nationalistes de Croatie et

17 qui était favorable à la confédéralisation de Yougoslavie. Ce mouvement

18 préconisait l'indépendance de la Croatie dans le même élan, et finalement

19 demandait que la Croatie devienne membre des Nations Unies. Voilà jusqu'où

20 allait ce mouvement, s'agissant des transformations qu'il exigeait au

21 niveau des relations existantes au sein de la Yougoslavie.

22 Q. Si je vous ai bien compris, ce mouvement date de 1971, et à l'époque la

23 direction de la Croatie demandait l'indépendance de la Croatie et son

24 adhésion en tant que membre des Nations Unies; c'est bien cela ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous avez dit que cette exigence a été rejetée par Josip Broz Tito.

27 Est-ce qu'il était président de la Yougoslavie et président de la Ligue des

28 Communistes de la Yougoslavie à l'époque ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était l'appartenance ethnique de Josip

3 Broz Tito ?

4 R. Chacun savait qu'il était Croate, même si toutes sortes de choses ont

5 été écrites à son sujet et au sujet de son appartenance ethnique dans la

6 presse de Belgrade mais nous pensions qu'il était Croate.

7 Q. Pouvez-vous nous dire comment Josip Broz Tito a anéanti ce courant

8 politique de 1971, qui déjà en 1971 réclamait l'indépendance de la Croatie

9 et son adhésion aux Nations Unies ?

10 R. Il a convoqué une réunion à Karadjordjevo, à laquelle participaient

11 tous les dirigeants politiques de l'époque. Je ne sais plus le nom de tous

12 ces participants. Il a changé la direction politique de la Croatie, et tant

13 qu'il y était, il a entamé de grandes manœuvres sur le territoire de la

14 Croatie, manœuvres mises en œuvre par l'armée à l'époque.

15 Q. Ces manœuvres, cette opération de manœuvres s'est-elle appelée Liberté

16 1971 ?

17 R. Oui.

18 Q. Cette exigence de séparation de la Croatie par rapport à la Yougoslavie

19 en 1971 s'est terminée par le limogeage des dirigeants croates de l'époque

20 et en 1974, l'adoption d'une nouvelle constitution yougoslave, n'est-ce

21 pas, Monsieur Babic ?

22 R. Oui. A une nuance près, à savoir qu'entre-temps des amendements à la

23 constitution ont été adoptés, entre 1971 et 1974, un certain nombre

24 d'amendements constitutionnels ont été votés et l'adoption de la nouvelle

25 constitution en 1974 n'a servi qu'à légaliser ces amendements déjà votés et

26 a donné forme, de façon définitive, aux nouveaux rapports liant les

27 républiques de la République socialiste fédérale de Yougoslavie entre

28 elles, ce qui finalement a transformé le pays qui, jusque-là, était une

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1 Fédération, en Confédération dans les faits.

2 Q. Merci, Monsieur Babic.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que

4 l'heure de la pause est arrivée, si cela vous convient.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Milovancevic.

6 Nous allons faire la pause et reprendre à 11 heures moins quart, 10 heures

7 45.

8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 17.

9 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nos excuses pour ce léger retard.

11 Maître Milovancevic, à vous.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Babic, le sujet sur lequel nous nous sommes arrêtés était la

16 nouvelle constitution, enfin la constitution nouvellement votée en 1984, et

17 vous avez dit que par cette constitution, la Yougoslavie devenait dans les

18 faits une Confédération; ceci est-il exact ?

19 R. La République socialiste fédérative de Yougoslavie était toujours

20 officiellement une Fédération, mais compte tenu de la nouvelle

21 structuration, des rapports entre les républiques et les provinces en 1974,

22 du fait du vote -- de l'adoption de la nouvelle constitution, ceci a été

23 modifié. Nous pouvons dire en fait que le mouvement croate de 1971 a été

24 vaincu, battu, mais que les exigences de ce mouvement ce sont trouvées

25 inscrites dans la nouvelle constitution et la Yougoslavie est, en fait,

26 devenue une Confédération compte tenu de la teneur de cette nouvelle

27 constitution.

28 Q. Vous avez dit que les dirigeants politiques de la Croatie en 1971 ont

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1 été battus sur le plan politique puisque Josip Broz Tito a limogé ces

2 dirigeants politiques en sa qualité de président de la Yougoslavie.

3 Pourriez-vous nous donner certains noms bien connus de dirigeants de 1971 ?

4 R. Bien. J'en ai déjà parlé. Savka Dabcevic Kucar et Miko Tripolo étaient

5 deux dirigeants politiques bien connus dont le premier dirigeait la Ligue

6 des Communistes de Croatie.

7 Q. Merci, Monsieur Babic. Pero Pirker, vous le connaissez ?

8 R. Oui.

9 Q. Ivan Zonimir Cicak et Drazan Budisa ?

10 R. Budisa et Cicak étaient étudiants à l'époque. Ils ne faisaient pas

11 encore partie -- ils n'étaient pas membres du parti. Je crois que l'un

12 d'entre eux étudiait la théologie, si je ne m'abuse. Je n'en suis pas sûr,

13 mais je pense qu'ils n'étaient pas encore membres du parti, mais je n'en

14 suis pas sûr.

15 Q. Ce mouvement pour l'indépendance de la Croatie en 1971, ce mouvement

16 dont vous venez de parler, concernait-il uniquement des permanents du

17 parti ? Ou avez-vous entendu parler de Stjepan Mesic, de Franjo Tudjman, de

18 Janko Bobetko, comme faisant partie de ce mouvement ?

19 R. Le maspok illustrait, en fait, un mouvement social beaucoup plus large

20 qui existait dans la Croatie à l'époque. La Ligue des Communistes de

21 Croatie était un des éléments de ce mouvement. Je ne pourrais pas vous

22 parler en détail des rapports internes au sein de ce mouvement, mais, en

23 tout cas, la Ligue des Communistes de Croatie en faisait partie et diverses

24 organisations également en faisaient partie. Matica Hrvatska était

25 l'organisation la plus extrémiste au sein de ce mouvement. D'ailleurs, le

26 mouvement en tant que tel est lié de façon inhérente à cette organisation

27 Matica Hrvatska, la patrie croate. Maintenant, les noms de chacun des

28 représentants, je ne m'en souviens pas.

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1 Q. Merci, Monsieur Babic. Dans les années 1970, Franjo Tudjman, celui qui

2 devait devenir plus tard président de la République de Croatie, a-t-il été

3 condamné et a-t-il purgé une peine de prison ?

4 R. J'en ai entendu parler quand Tudjman est devenu chef du HDZ et candidat

5 à la présidence, ou plutôt quand il est devenu président de la Croatie. Un

6 homme qui a participé à la condamnation de Tudjman m'a parlé de cela. Mais

7 je n'étais pas au courant en 1971.

8 Q. Savez-vous de quand date ce jugement ? Des années 1970, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, le jugement a été prononcé dans ces années-là, mais j'ai entendu

10 parler de ce que je viens de vous dire dans les années 1990.

11 Q. Avez-vous entendu parler du fait que Stjepan Mesic qui devait devenir

12 président de la Croatie, et qui était président d'une municipalité à

13 l'époque a été condamné pour nationalisme et à une peine de prison dans les

14 années 1970 ?

15 R. Je ne sais pas quelles étaient ses fonctions exactes à l'époque, mais

16 je sais qu'il a purgé une peine de prison à Stara Gradiska.

17 Q. Le général Janko Bobetko, chef d'état-major de l'armée croate, dans la

18 période 1991-1995, a-t-il été limogé, mis à la retraite en 1971 et a-t-il

19 eu des problèmes en raison de ses idées nationalistes croates ?

20 R. Non.

21 Q. Nous utilisons l'expression "maspok", pouvez-nous dire si ceci

22 représente l'abrégé de deux mots, "massive no pokret" -- "massiveni

23 pokret" ? Savez-vous s'il existait une autre expression pour désigner le

24 même mouvement, à savoir, printemps croate - je parle du mouvement en

25 1971 ?

26 R. Oui.

27 L'INTERPRÈTE : Note : "Massiveni pokret" signifie mouvement de masse.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

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1 Q. Savez-vous, Monsieur Babic, quels sont les détails de ce qui s'est

2 passé en 1971 sur un monde de Bosnie-Herzégovine ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé à ce moment-là ?

5 R. Je peux vous rapporter ce que j'ai lu dans la presse, et je peux vous

6 dire ce qui s'est passé dans la région où j'habitais.

7 Q. Faites-le, je vous prie.

8 R. Bien. Cette année-là, selon ce que rapportait la presse, un groupe

9 d'émigrants croates, Oustachi - comme on les appelait - a pénétré par

10 effraction dans un camion citerne, ou en tout cas, dans un véhicule

11 motorisé pour se rendre en Yougoslavie ? Des hommes sont montés à bord et

12 sont arrivés jusqu'à une montagne, un mont Radusa situé à l'ouest de

13 Bosnie-Herzégovine. Ils avaient pour objectif de lever une armée de

14 rebelles contre la Yougoslavie et comme je me trouvais dans mon village

15 natal, à l'époque. Je sais que la police s'est mise en mouvement, qu'un

16 certain de ces hommes a été arrêté, qu'un nombre assez important d'ailleurs

17 de personnes a été arrêté et mis en prison. Voilà ce qui s'est passé.

18 Q. Merci, Monsieur Babic. Est-ce que je me tromperais en disant que sur 19

19 membres du groupe participant à cette opération, 18 ont été liquidés ? Que

20 les forces de l'armée et de la police yougoslave ont subi 25 morts, ce qui

21 a constitué une grande tragédie à l'époque.

22 R. Oui, c'était à peu près cela. A peu près, d'après les informations dont

23 je dispose.

24 Q. Vous rappelez-vous l'assassinat de l'ambassadeur Rolovic à Stockholm,

25 capitale de la Suède. Il était ambassadeur yougoslave et il a été tué en

26 1971. Pouvez-vous nous dire qui était l'auteur de ce meurtre ?

27 R. Je me souviens que j'étais à l'école de Zvezdana, à cette époque-là, et

28 que notre école a été chargée du dépôt de fleurs à l'enterrement de

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1 l'ambassadeur Rolovic au cimetière -- au nouveau cimetière de Belgrade.

2 C'est un représentant de l'immigration croate dont je ne me rappelle pas le

3 nom qui était l'auteur de ce meurtre. En tout cas, je sais qu'il a été

4 arrêté et emprisonné en Suède.

5 Q. Les deux assassins étaient-ils Miro Barisic et Ajdjelko Brajkovic ?

6 R. Oui. Je me souviens de Barisic, mais je me rappelle le deuxième nom qui

7 ne me dit rien.

8 Q. Est-ce que ces hommes avaient fait irruption dans l'ambassade

9 yougoslave de la capitale suédoise ? Ont-ils assassiné l'ambassadeur en lui

10 tirant une balle dans la bouche ? Est-ce que vous vous rappelez de cela ?

11 R. Oui. Je me souviens que l'événement était décrit dans ces termes.

12 Q. Est-il permis de dire, est-il exact que ce terroriste Oustachi, Miro

13 Barisic, s'est enfui, est allé entraîner des Unités spéciales qu'il

14 formaient aux arts martiaux et qu'en 1991, il a rejoint la police croate et

15 a été tué par des paysans serbes sur un barrage ?

16 R. Je sais qu'il s'est enfui de Suède, mais je ne sais pas où il est

17 allé ? Je sais qu'il a été tué en 1991 sur la ligne qui opposait sur le

18 front séparant la police de Krajina et la police croate. J'ai entendu

19 parler de cela. Je sais que des personnes emprisonnées m'ont demandé si je

20 savais qui avait tué cet homme ? Je n'ai pas su répondre à cette question

21 et je ne peux donc pas répondre à votre question non plus.

22 Q. Qui est cet homme qui au sien d'un quartier pénitentiaire vous a

23 interrogé à ce sujet ?

24 R. Mladen Naletelic, surnommé Tuta, m'a posé cette question.

25 Q. Pouvez-vous nous dire qui est cet homme et comment il se fait qu'il se

26 trouve ici, en ce moment ?

27 R. Je l'ai rencontré au quartier pénitentiaire. C'est un Croate de

28 Herzégovine.

Page 1703

1 Q. Donc, il est mis en accusation par ce Tribunal. Est-ce que vous parlez

2 de cet homme-là ?

3 R. Oui.

4 Q. Le défunt Miro Barisic, responsable de l'attentat qui a tué

5 l'ambassadeur yougoslave est-il mort alors qu'il était policier croate,

6 membre de la police de Franjo Tudjman, en 1991 ?

7 R. Je ne serais pas capable de répondre à cette question. Je ne sais pas.

8 Q. Était-il du côté serbe ou du côté croate ?

9 R. Je suppose qu'il était du côté croate, mais je ne suis absolument pas

10 au courant de l'événement responsable de sa mort.

11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi, mais avant que vous

12 ne poursuiviez, Maître Milovancevic, je vous demande est-ce que ce terme,

13 "d'Oustachi," que vous venez d'utiliser en parlant du terroriste, Miro,

14 était-il employé dans le même sens dans votre question précédente ?

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Madame la Juge.

16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

18 Q. Après ce bref rappel des événements de 1991 qui sont déjà lointains,

19 j'ai une autre question encore à votre intention, Monsieur Babic. Avez-vous

20 un souvenir ou des informations au sujet d'un autre mouvement croate assez

21 semblable -- d'un autre mouvement assez semblable à ce mouvement croate

22 mais qui s'est exprimé en Slovénie avant 1991 ? Est-ce que vous avez des

23 informations au sujet de ce qu'il est convenu d'appeler le scandale

24 routier ? Est-ce que vous en avez entendu parler ?

25 R. Non. Je n'ai pas suffisamment d'informations pour en parler

26 aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui s'est passé avant 1971, en Croatie -- ou

27 plutôt en Slovénie.

28 Q. Vous avez dit que les principaux dirigeants politiques de Croatie qui

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1 préconisaient l'entrée de la Croatie aux Nations Unies, en 1971, ont été

2 limogés par Josip Broz Tito, à l'époque ?

3 R. Oui. Les principaux représentants politiques ont été limogés.

4 Q. Vous nous avez également dit que malgré ce remplacement à leurs postes

5 des principaux dirigeants politiques de Croatie et malgré les amendements à

6 la constitution, en 1974, des changements très importants sont intervenus

7 au niveau de l'Etat de Yougoslavie en tant que tel, Etat de Yougoslavie qui

8 était une Fédération, mais s'est transformé peu à peu en Confédération ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que j'ai tort ? Non, je vais reformuler ma question. Est-ce que

11 les auteurs principaux de la nouvelle constitution de 1974 était le

12 Slovène, Edvard Kaldelj, et le Croate, Vladimir Bakaric, ainsi que Josip

13 Broz Tito, en personne, bien entendu, un Croate qui était président de la

14 Yougoslavie à l'époque ?

15 R. Oui. Mais il y avait aussi tous les dirigeants politiques de Serbie, de

16 Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de Macédoine, de toutes les républiques.

17 En d'autres termes, il aurait été impossible de modifier la constitution

18 sans que tous les représentants politiques soient d'accord.

19 Q. Vous avez dit qu'après tous les événements dont je viens de parler, à

20 la fin de 1989, vous avez assisté au Congrès de la Ligue des Communistes de

21 Croatie ou de nouvelles thèses ont été défendues s'agissant de la situation

22 de ce parti. Est-ce que ces nouvelles thèses de 1989 reprenaient les thèses

23 développées en 1971 ? Est-ce que c'est comme que vous avez compris les

24 choses ?

25 R. Non. J'ai déjà dit que personnellement, j'ai vu dans ces conceptions de

26 l'ethnocentrisme. C'est un terme modéré que j'ai utilisé au sein de la

27 Ligue des Communistes de Croatie, mais cela ne s'est pas exprimé de la même

28 façon qu'en 1971.

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1 Q. En 1989, date à laquelle s'est déroulé ce Congrès de la Ligue des

2 Communistes de Croatie, est-ce que depuis le mois de février déjà, de cette

3 année-là ? Est-ce que depuis février 1989, l'Union démocratique croate

4 existait déjà, le HDZ ?

5 R. Je ne sais pas exactement à quel moment l'Union démocrate croate a été

6 créée, mais ce que je sais c'est qu'après le congrès, après les changements

7 intervenus au niveau de la législation croate au début de 1990, c'est l'un

8 des premiers partis qui a été créé dans le cadre de la mise en œuvre d'un

9 nouveau système politique pluripartite en Croatie suite au Congrès de la

10 Ligue des Communistes de Croatie. Je ne sais pas à quel moment ce parti a

11 été créé exactement. Est-ce que c'était en février ou à une date ? Cela je

12 ne le sais pas

13 Q. Lors d'une réunion de l'Union démocrate croate, M. Tudjman qui a

14 assisté à cette réunion, les 24, 25 février 1990, c'était l'assemblée

15 constituante du HDZ a déclaré que cette organisation avait commencé à

16 opérer en février 1989, et qu'au moment du congrès il est devenu une

17 organisation politique à part entière enregistré en tant que tel. Est-ce

18 que le HDZ était déjà enregistré avant cette date ?

19 R. Il n'aurait pas pu être enregistré avant le congrès, car les

20 changements législatifs étaient indispensables pour permettre son

21 enregistrement, l'enregistrement de nouveaux partis. Donc le parlement

22 devait voter de nouvelles lois pour que de nouveaux partis puissent

23 enregistrer. Est-ce que ceci répond à votre question ?

24 Q. Merci, Monsieur Babic. Pouvez-vous nous dire à quel moment, la loi

25 permettant, le multipartisme dans la vie politique croate a été voté ?

26 R. Soit fin 89 soit début 90, mais au début de 1990, ce système

27 fonctionnait déjà, et d'ailleurs la date des élections avait été fixée

28 pendant le congrès, si je ne me trompe pas pendant le Congrès de la Ligue

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1 des Communistes de Croatie, c'est-à-dire, avant même la mise en œuvre de la

2 procédure résultant des transformations législatives. Donc la date des

3 premières élections multipartites en Croatie avait déjà été fixée, avait

4 donné d'ailleurs lieu à des débats assez animés où il avait été question de

5 la possibilité que cette date soit prématurée. Je sais d'ailleurs que le

6 Parti de Zagreb s'était opposé à l'organisation des élections à cette date

7 qu'il considérait prématurée, c'est ce qui a inscrit toute cette discussion

8 dans ma mémoire.

9 Q. A ce moment-là, une nouvelle loi est votée qui permet le multipartisme

10 politique en Croatie et après le vote de cette nouvelle loi de nombreux

11 partis voient le jour en Croatie. Pouvez-vous nous donner les noms de ces

12 différents partis et les noms de leurs dirigeants ?

13 R. Bien, après le congrès, une nouvelle loi a été votée et les élections

14 ont eu lieu en avril/mai de cette année-là. Dans cette période, la Ligue

15 des Communistes de Croatie a adopté de nouvelles dénominations - elle s'est

16 appelée le Parti démocratique du changement, SDP - puis, il y a l'Union

17 démocratique croate qui a été créée ou enregistrée en tant que tel;

18 ensuite, le Parti démocratique croate, le Parti démocratique serbe, le

19 Parti démocratique indépendant yougoslave, puis, il y avait Boro Mikelic

20 qui dirigeait le Parti socialiste croate, et le Conseil socialiste du

21 Peuple travailleur a été rebaptisé pour devenir le nouveau Parti socialiste

22 croate. Mais je ne sais pas à quel moment cela s'est fait exactement et je

23 ne sais pas si j'ai oublié peut-être un parti ou deux.

24 Q. Cela suffira. Merci, Monsieur Babic. Nous avons parlé de certaines

25 personnalités politiques comme Savka Dabcevic, Miko Tripalo, et M. Tudjman

26 également. Est-ce que Savka Dabcevic était dirigeant d'un autre parti en

27 1990 ?

28 R. Oui. Je cherche le nom de ce parti. Je ne me souviens plus exactement

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1 du nom de ce parti. Est-ce que c'est un parti qui faisait partie du Parti

2 démocratique croate au côté des frères Vaselica ou est-ce que c'était un

3 parti indépendant ? Je ne m'en souviens plus.

4 Q. Miko Tripalo était-il membre de ce nouveau parti ?

5 R. Oui.

6 Q. M. Budisa, a-t-il créé un parti ou a-t-il adhéré à un parti ? Drazen

7 Budisa ?

8 R. Oui. Je ne me rappelle pas le nom de son parti. Je ne sais plus si ce

9 parti est devenu tout de suite le Parti libéral croate - son nom

10 ressemblait un peu à cela - ou est-ce que c'était Parti libéral démocrate,

11 comme on l'a appelé plus tard, je ne sais plus.

12 Q. Il est d'une notoriété publique, M. Franjo Tudjman est devenu le

13 premier président de l'Union démocrate croate et il n'y a aucun litige à ce

14 sujet.

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. M. Stipe Mesic était également un membre important de ce parti ?

17 R. Oui, oui, il était membre du HDZ. Oui, il était juste un homme

18 politique au sein de ce parti.

19 Q. Oui, au sein du HDZ, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que nous pourrions dire de façon très générale que toutes les

22 personnes qui avaient des problèmes du fait du nationalisme croate en 1971

23 et qui ont été congédiées de la politique, ce sont tous -- ont tout

24 simplement réapparu, ont refait leur rentrée en 1990 comme des dirigeants

25 de nouveaux partis très connus en Croatie ?

26 R. Oui. Ce que je sais c'est que ces personnes ont effectivement disparues

27 en 1971 et ont refait surface en 1990, toutes ces personnes, à l'exception

28 d'une personne, Cicak, qui était membre d'une organisation non

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1 gouvernementale.

2 Q. Monsieur Babic, nous parlions de ce printemps croate ou de ce

3 soulèvement de masse, donc, ce maspok qui s'est produit en 1971. En 1971,

4 est-ce que cette option politique avait un impact sur la population

5 croate ? Comment est-ce que les gens percevaient cela ? Comment est-ce que

6 vous, vous l'avez perçu en 1971 ?

7 R. L'année 1971 a été responsable de beaucoup de tension ethnique et de

8 quelques regroupements politiques. J'ai déjà mentionné le fait que certains

9 nationalistes croates et certaines personnes qui préconisaient

10 l'indépendance de l'Etat croate se sont ralliées autour de Prosvjeta et,

11 par ailleurs, les Serbes se sont ralliées autour d'une autre institution.

12 Ces deux institutions étaient officiellement des organisations culturelles,

13 des sociétés d'armée, à cette époque-là et elles ont promu, en fait, les

14 idées politiques, ce qui fait qu'il y a eu -- cela a engendré beaucoup de

15 méfiance. Cela n'a fait qu'augmenter la crainte qui régnait parmi les

16 Serbes, notamment, après l'année 1972. Je pense également à l'infiltration

17 d'un groupe terroriste que nous avons mentionné, puis, il y a cette idée de

18 l'Etat indépendant de la Croatie, qui a commencé véritablement à prendre

19 corps dans la société croate et le public -- l'homme du public, l'homme de

20 la rue en Croatie a également contribué à cette crainte et ce sont des

21 conséquences qui ont été nuisibles pour la société et qui sont restées dans

22 cette société.

23 Q. Vous avez mentionné certaines appréhension en 1971, 1972, qui avait

24 peur et de quoi avait-il peur ?

25 R. Je parle de la crainte, de l'appréhension qui régnait parmi les Serbes.

26 Parce que cela j'ai pu le remarquer dans la région où je me trouvais en

27 1971. En 1971, les Serbes avaient peur. Ils ne savaient pas quelle était

28 l'importance de ce groupe d'immigrants, ce groupe qui procédait à cette

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1 infiltration, et les Serbes avaient peur. Ils craignaient pour leurs vies.

2 Q. Monsieur Babic, cette option politique, cette option de l'indépendance,

3 et cette option qui consiste également à quitter la Fédération yougoslave,

4 et qui consistait à demander à ce que la Croatie devienne membre des

5 Nations Unies, est-ce que cela a créé également des craintes parmi la

6 population serbe ? Est-ce qu'il y a eu des réactions à cela ?

7 R. Je n'en sais rien. Je ne serais pas en mesure de définir la peur, mais

8 je dirais qu'il y a eu un contre mouvement, un mouvement politique qui

9 puise ses origines dans cette société culturelle serbe appelée "Prosvjeta."

10 C'était une réaction car il y a eu en quelque sorte une escalade des points

11 de vue politiques et tout cela se fondait sur l'appartenance ethnique. Je

12 pense que c'est ainsi que l'on peut au mieux décrire les relations qui

13 existaient à l'époque.

14 Q. Je vous remercie. A ce Congrès de la Ligue des Communistes en Croatie

15 en 1989, pourquoi avez-vous voté contre la décision prise par la Ligue des

16 Communistes de la Croatie qui souhaitait devenir indépendante et vous avez

17 fait partie des quelques rares personnes qui ont voté contre cette

18 décision ?

19 R. J'ai dit qu'il y avait deux décisions qui avaient été présentées. J'ai

20 voté pour le système multipartite, mais j'étais contre la deuxième décision

21 parce que je pensais que la Ligue des Communistes avait encore une certaine

22 importance dans notre société, que c'était le parti qui dirigeait et que ce

23 parti resterait le parti qui dirigerait, même après les élections

24 multipartites, et ce, pendant un certain temps. Puis, il y avait ce danger

25 imminent, à savoir, une nouvelle option politique aboutirait à une

26 séparation et à une désintégration des républiques et de la Yougoslavie.

27 C'était ce que j'avais présent à l'esprit, à ce moment-là, et c'est pour

28 cela que j'ai voté pour l'ancienne décision constitutionnelle, la première

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1 en quelque sorte qui a été mise aux voix.

2 Q. Vous avez dit que vers la fin de l'année 1989, une nouvelle loi

3 relative à l'organisation multipartite de l'Etat a été adoptée et que les

4 premières élections multipartites ont été convoquées et ce, pour le mois

5 d'avril 1990; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire quelle était à l'époque la

8 situation politique en Croatie ? Comment s'est déroulée la campagne

9 électorale avant les premières élections multipartites, notamment pour ce

10 qui est de la population serbe de Croatie ?

11 R. En Croatie, la campagne électorale a commencé en 1989 et s'est

12 intensifiée. L'élément principal de l'ordre du jour était quelque chose qui

13 dépassait en quelque sorte les frontières de la Croatie. Il s'agissait en

14 d'autres termes des incidents au Kosovo et de la commémoration du 606e

15 anniversaire de la bataille de Kosovo. Cela a véritablement polarisé la

16 société en Croatie. Le premier mouvement a été un mouvement syndical de la

17 Croatie qui s'est rallié aux mineurs de Trepca, alors que les membres

18 serbes des syndicats, dans certaines entreprises, préconisaient une option

19 politique qui était présentée par la Serbie pour le Kosovo. Dès l'année

20 1989, cela est devenu un sujet particulièrement brûlant d'actualité et

21 important. Au début de l'année 1990 et pendant la campagne, qui a débouché

22 sur les élections multipartites, cela faisait partie des questions les plus

23 importantes. Bien entendu, les partis politiques, qui ont été établis au

24 début des années 90 et qui ont eu voix au chapitre pendant la campagne

25 politique et qui étaient présents dans l'arène politique et ce, jusqu'aux

26 deuxièmes élections de mai 1990, préconisaient tous des changements, des

27 mutations politiques. Il y avait en quelque sorte une véritable concurrence

28 au niveau des idées politiques présentées par ces partis.

Page 1711

1 Q. Pour ce qui est de ces événements au Kosovo, et comme vous l'avez dit,

2 le soutien des syndicats croates aux revendications des Albanais au Kosovo,

3 est-ce que cela a commencé en 1989 ou est-ce que cela a commencé plus tôt ?

4 Est-ce que vous disposez d'information à ce sujet ?

5 R. Quand est-ce que cela a commencé exactement ? Toujours est-il que tout

6 cela s'est intensifié en 1980, je pense -- en 1990, je pense, en février,

7 lorsque le mouvement syndical s'est rallié au mouvement de grève des

8 mineurs de la mine de Trepca. Ce furent les syndicats de la Croatie qui

9 leur ont apporté leur soutien, alors que les Serbes ont apporté leur

10 soutien à la direction politique de la Serbie vers les mineurs et vers le

11 Kosovo. Il y a eu de grands rassemblements, des rassemblements de soutien à

12 Knin, à Lapac, et il faut savoir qu'en même temps, la Fédération du

13 mouvement syndical de la Croatie et de la Slovanie, me semble-t-il,

14 faisaient des collectes en faveur des mineurs de la mine de Trepca. Je m'en

15 souviens et je me souviens de ce phénomène de polarisation, qui est

16 véritablement apparu à ce moment-là. Je me souviens de ces affrontements

17 politiques.

18 Q. Ces mineurs à Trepca, Monsieur Babic, est-ce qu'ils étaient

19 d'appartenance ethnique albanaise ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce qu'ils faisaient la grève parce qu'ils voulaient obtenir de

22 meilleures conditions de travail, ou est-ce qu'ils avaient d'autres

23 revendications ?

24 R. Je pense que cela se situait dans le contexte des revendications

25 politiques au Kosovo, qui avaient été présentées depuis de nombreuses

26 années. Il y a eu, à ce moment-là, une escalade. Je ne peux pas vous donner

27 le moment exact où cela s'est passé, mais il y a eu des manifestations

28 d'étudiants, des manifestations du grand public, des travailleurs, qui

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1 voulaient que le Kosovo soit proclamé en tant que république. Il y a eu une

2 intervention de la part des autorités fédérales, un détachement fédéral de

3 la police a été établi là-bas. Je le sais parce qu'il y a des policiers de

4 la Croatie qui se sont rendus là-bas et qui faisaient partie de ce

5 détachement qui a contrôlé la situation sur le terrain. Je ne peux pas vous

6 donner la période exacte à laquelle cela s'est passé. J'en ai tout

7 simplement entendu parler dans les médias et j'ai suivi cela un peu de

8 loin.

9 M. WHITING : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre, Monsieur le

10 Président, mais j'aimerais obtenir une précision à propos de l'année. Parce

11 qu'en réponse à une question précédente, il s'agit de la ligne 19, il se

12 peut qu'il y ait eu un problème d'interprétation, mais il est question de

13 1980, alors que lors des réponses précédentes, il s'agissait de l'année

14 1990. Je pense que l'on pourrait peut-être préciser l'année dont il s'agit.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous êtes en mesure de le

16 faire, Maître Milovancevic ? Pouvez-vous préciser cela ?

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur Babic --

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'allais juste vous poser une

20 question. Quand est-ce que nous allons aborder la période pertinente à

21 cette affaire ? Parce que nous avons étudié des thèmes et nous avons parlé

22 de l'histoire à partir de 1971 et il me semble que cela ne fait pas partie

23 de la période précisée par l'acte d'accusation. Je ne sais pas quand est-ce

24 que vous envisagez parler de cette période. Vous pourriez peut-être

25 préciser cela à notre intention ?

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais

27 justement arriver à cette période par l'entremise des réponses du témoin.

28 Q. Mais précisons cela, Monsieur Babic. Ces protestations de mineurs

Page 1713

1 albanais à Trepca, quand est-ce que cela s'est passé ? Dans le compte rendu

2 d'audience, l'année précise ne figure pas. Est-ce qu'il s'agit de 1980 ou

3 de 1990 ?

4 R. Je pense que cela s'est passé en 1988 jusqu'au début du mois de février

5 1989. Je ne peux pas vous le dire exactement. Tout ce que je sais c'est

6 qu'en février 1989, il y a eu une intensification des différentes réactions

7 de la société du fait de cet événement. C'est tout ce que je sais.

8 Q. J'aimerais juste vous poser une autre question à propos de ce sujet.

9 Vous avez dit qu'à l'époque les Albanais au Kosovo demandaient une

10 république, que les autorités fédérales sont intervenues et vous avez

11 également admis que la Slovanie et la Croatie ont apporté leur soutien à

12 cette demande d'indépendance. Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit ?

13 R. Non. J'ai dit que les syndicats croates et slovènes ont organisé des

14 collectes d'aide pour les mineurs qui faisaient la grève dans ces mines à

15 Trepca. Il y a eu ce mouvement de la part des syndicats croates et ensuite

16 le syndicat d'une usine, à Knin, a réagi, a condamné les syndicats croates

17 qui avaient apporté son soutien aux mineurs. Cela s'est passé en février

18 1989. Puis, il y a eu un affrontement social en Croatie du fait de ces

19 événements.

20 Q. Etant donné qu'il s'agit d'événements politiques qui n'ont pas

21 véritablement trait à cette affaire, j'aimerais quand même vous poser une

22 question brève. Qu'en est-il des revendications présentées par les mineurs

23 de Trepca, qui étaient dans les mines ? Est-ce qu'il s'agissait de

24 revendications politiques ou est-ce qu'ils vous exigeaient de meilleures

25 conditions de travail ?

26 R. Je ne peux pas vous fournir une réponse précise en la matière.

27 Q. Merci, Monsieur Babic.

28 Lorsque vous avez répondu aux questions de l'Accusation ainsi que

Page 1714

1 lors des réponses que vous avez apportées, vous avez dit qu'après le

2 Congrès de la Ligue des Communistes de la Croatie en 1989, auquel vous avez

3 participé, au début de l'année 1990, vous avez entendu parler d'un Parti

4 démocratique serbe; est-ce exact ?

5 R. Oui. A la télévision de Belgrade. Je pense que cela s'est passé le jour

6 de la Saint-Sava, le 27 janvier. J'ai vu l'académicien Raskovic, qui

7 faisait une déclaration après un rassemblement à Donji Lapac; il a annoncé

8 qu'un parti serbe serait constitué. Il n'a pas mentionné le nom de ce

9 parti, mais il a dit qu'il s'agirait d'un parti.

10 Q. Est-ce que la constitution de ce genre de parti a été annoncée par M.

11 Raskovic à un moment où une loi existait déjà, qui permettait de créer

12 différents partis politiques ?

13 R. Oui.

14 Q. Ce Parti démocratique serbe, qui a été établi sur le territoire de la

15 République de la Croatie de l'époque de Yougoslavie, est-ce qu'il a été

16 enregistré conformément à la législation croate et à la législation

17 fédérale ?

18 R. Oui. Dans un premier temps conformément à la législation croate et,

19 quelques mois plus tard, ce parti a été enregistré auprès du secrétariat

20 fédéral responsable de la Justice, qui justement s'occupait de ce genre

21 d'affaires.

22 Q. Est-ce que cela signifie qu'une décision a été adoptée par une autorité

23 pertinente de la République de la Croatie ? Je pense qu'il s'agissait

24 probablement du ministère de la Justice et en ce sens est-ce que le Parti

25 démocratique serbe a été enregistré conformément au programme qui faisait

26 état de ces objectifs politiques ?

27 R. Oui. Ce parti a été enregistré.

28 Q. D'après cette décision, est-ce que le Parti démocratique serbe pouvait

Page 1715

1 fonctionner sur le territoire de toute la Croatie et sur le territoire de

2 toute la Yougoslavie ?

3 R. Oui.

4 Q. Cette possibilité d'activité politique pour le Parti démocratique serbe

5 émanait, dans un premier temps, de la décision prise par les autorités

6 croates pertinentes, qui avaient indiqué qu'elles pouvaient fonctionner sur

7 le territoire de la Croatie et par ailleurs, il était enregistré au niveau

8 fédéral par les autorités appropriées à Belgrade ?

9 R. Oui. Cela ne s'est fait au même moment. Cela s'est fait un peu plus

10 tard. Mais, oui.

11 Q. J'ai dit en même temps de façon théorique. J'espère que nous nous

12 comprenons.

13 R. Oui.

14 Q. Avez-vous eu la possibilité de voir ce document relatif à l'inscription

15 du Parti démocratique serbe ? Ce document du ministère de la Justice et de

16 l'administration de la République de Croatie, et qu'est-ce qui est énoncé

17 dans ce document ? Quels sont les objectifs du parti ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous pouvez nous le dire ? Est-ce que vous pouvez nous dire

20 de façon générale ce qui faisait l'objet de cette décision ?

21 R. Dans cette décision, il y a deux ou trois phrases qui portent sur le

22 programme de ce parti. Il faudrait que je le répète. Je peux le répéter

23 mais peut-être que je peux vous le dire de ma façon. Après tout, j'ai donné

24 un document. Ces informations se trouvent dans ce document et c'est là où

25 l'on peut trouver des précisions à ce sujet.

26 Q. Est-ce qu'il est indiqué dans ce document --

27 M. WHITING : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, je me

28 demande si Me Milovancevic va montrer le document au témoin pour qu'il

Page 1716

1 puisse faire des remarques si telle est l'intention en tout cas ?

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic ? Est-ce que vous

3 allez montrer au témoin le document dont vous souhaitez parler? Il serait

4 utile que vous le montriez également à votre confrère de l'Accusation ainsi

5 qu'à la Chambre.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est tout à fait

7 possible. J'ai utilisé la déclaration du témoin, déclaration qu'il a faite

8 le 31 janvier 2006. A la page 2 de cette déclaration, à l'intercalaire 2,

9 vous avez une synthèse en quelque sorte du texte de cette décision. Je

10 pensais que présenter l'intégralité du document serait peut-être une perte

11 de temps. C'est pour cela que je ne voulais pas présenter le document. Je

12 ne pense pas d'ailleurs, que ce qui se trouve dans ledit document, porte à

13 polémique. Le témoin devrait savoir ce qu'il a dit dans sa déclaration et

14 devrait savoir quelle est la teneur de document. Je ne pense pas qu'il soit

15 nécessaire de trouver le document. Bien entendu, si cela est nécessaire, je

16 peux le faire.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous pouvez le

18 faire vous-même sans pour autant parler de façon précise du document mais

19 si vous voulez que le témoin fasse des remarques à propos de la teneur du

20 document, alors il va falloir que nous sachions quel est le document que

21 vous avez l'intention de verser au dossier. Il va falloir que vous le

22 montriez au témoin. Il va falloir que vous le montriez au reste des

23 personnes qui se trouvent ici, dans cette affaire.

24 Si toutefois vous n'avez pas l'intention de verser ce document au

25 dossier, vous pouvez toujours poser des questions au témoin. Nous verrons

26 ce dont le témoin pourra se souvenir, ou nous verrons si le témoin pourra

27 se souvenir de ce qu'il a dit.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

Page 1717

1 Q. Monsieur Babic, est-ce que vous vous souvenez de ce qui est dit en

2 principe, il s'agit de cette décision relative aux objectifs du parti

3 politique, est-ce que cette inscription a été autorisée ?

4 R. Le Parti démocratique serbe préconise l'introduction d'un système

5 multipartite, d'une société avec économie de marché, préconise également la

6 liberté de paroles, d'assemblées, l'importance à la primauté du droit et il

7 était également question des relations fédérales au sein de la Yougoslavie

8 et de la régionalisation. Voilà ce qui est dit à propos, de façon abrégée,

9 dans cette décision. Je ne sais pas si tout cela a été énoncé dans la

10 décision à proprement parler, mais il s'agit des principes de base du

11 programme du parti tel que cela est indiqué dans la décision.

12 Q. Je vous remercie de cette explication, Monsieur Babic.

13 Il s'agit de la pièce à conviction 138 qui fait partie du dossier. Je ne

14 pense pas que ce soit nécessaire de présenter cela. Autant que je m'en

15 souvienne, je pense que votre citation est exacte. Toutefois, j'aimerais

16 vous poser une question : vous avez participé à la réunion fondatrice de ce

17 parti, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous en avez expliqué les raisons. Vous avez expliqué pourquoi vous

20 avez participé à ces réunions et vous avez expliqué comment vous êtes

21 devenu une personnalité importante de ce parti. Est-ce que vous pourriez

22 nous dire quelles sont ces questions qui étaient si essentielles pour les

23 Serbes qui résidaient en Croatie ? De quoi s'est occupé le parti ?

24 R. J'ai déjà mentionné trois questions principales, trois raisons. La

25 démocratisation de la société, à proprement parler, à savoir,

26 l'introduction d'un système de parti, d'un système multipartite,

27 l'introduction d'une économie de marché, la primauté du droit, la légalité,

28 et cetera, et cetera. Tout cela faisait partie de la démocratisation de la

Page 1718

1 société et il s'agissait en quelque sorte d'échapper à l'héritage du

2 communisme ou à s'en débarrasser. Puis, il y avait également une autre

3 question, la protection des intérêts nationaux serbes en Croatie.

4 Troisièmement -- la troisième question était la question de la

5 régionalisation. Le parti prônait la régionalisation et, étant donné que

6 j'appartenais ou je devenais d'une région où les Serbes représentaient la

7 population majoritaire le programme du parti satisfaisait mon point de vue

8 politique et mon évaluation qui fait que le parti connaîtrait le succès

9 avec ce type de programme dans la région de Knin qui était la région où je

10 vivais.

11 Q. Merci, Monsieur Babic.

12 Ce sont les raisons pour lesquelles vous êtes devenu membre de ce

13 parti, puis, ensuite, à la suite de la tournure qu'ont pris les événements

14 et de certaines circonstances, vous êtes devenu l'un de ces responsables,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Avant vous étiez membre de la Ligue des Communistes de la Croatie, est-

18 ce que vous pourriez nous dire si au sein de la Ligue des Communistes de la

19 Croatie et au moment où vous avez adhéré à ce nouveau parti politique, est-

20 ce que vous avez jamais fait montre de point de vue nationaliste, ou est-ce

21 que vous avez jamais manifesté un certain sentiment de haine ? Est-ce que

22 vous aviez ce genre de sentiment ?

23 R. Non.

24 Q. Le programme de ce parti, qui a été vérifié par une autorité de la

25 république qui a inscrit ce parti, est-ce que ce programme contenait des

26 éléments extrémistes, ou est-ce qu'il y avait des éléments nationalistes

27 qui n'étaient pas autorisés ou des idées qui vous auraient apparu non

28 démocratique à l'époque ?

Page 1719

1 R. Non.

2 Q. Vous avez dit que l'une des questions que ce parti était censé étudié

3 était la question de la population serbe en Croatie. Est-ce que vous

4 pourriez nous dire brièvement, si la République de la Croatie à l'époque

5 qui faisait partie de la Fédération yougoslave, est-ce que vous pourriez

6 nous dire quelle était dans cette république la population serbe ou le

7 pourcentage de la population serbe en Croatie ?

8 R. Le dernier recensement remontait à 1981 donc je vais vous donner des

9 chiffres approximatifs. La Croatie avait quelque 4,5 millions d'habitants.

10 Un peu plus peut-être sur ce chiffre de 4,5 millions d'habitants, il y

11 avait environ 12 % de Serbes, un peu plus, que 12 %. Il y avait quelque

12 pourcentage de Yougoslave et autres, autres nationalités et autres nations,

13 comme on les appelait à l'époque, si votre question porte sur la

14 composition ethnique de la population et de la Croatie.

15 Q. C'est justement ce que j'entendais par cette question, Monsieur Babic.

16 Donc, vous avez pour la structure de la population de la République

17 yougoslave de la Croatie, les Serbes représentaient

18 12 %; est-ce que vous pouvez vous souvenir du chiffre exact ? Bon, je ne

19 vais pas insister pour que vous vous souveniez de tous les chiffres

20 précisément ?

21 R. Je pense qu'il y avait quelque 530 000, ils étaient 530 000 peut-être

22 un peu -- enfin, un peu plus que 500 000.

23 Q. Pourriez-vous nous dire puisque nous en avons déjà parlé, où les Serbes

24 de Croatie vivaient, question de territoire -- sur quelques parties du

25 territoire vivaient-ils et, ensuite, nous parlerons des villes ?

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de répondre à cette question, je

27 souhaite préciser un point. Plus haut à la ligne 13, la réponse qui

28 commence à la ligne 13, M. Babic dit que les Serbes représentaient 12 %

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1 voire peut-être un peu plus de la population. Ensuite un petit pourcentage

2 de Yougoslaves. Bien, alors les Yougoslaves constituent-ils un groupe

3 ethnique ou est-ce que le terme yougoslave décrit l'ensemble de la

4 population ? Parce qu'ensuite vous dites les Yougoslaves et autres,

5 d'autres nationalités et d'autres nations, comme cela s'appelait à

6 l'époque. Est-ce que vous vouliez parler de la composition ethnique de la

7 Croatie ?

8 Pourriez-vous préciser cela, s'il vous plaît ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. D'après les Règles de déclaration,

10 différentes catégories avaient été mises en place, j'entends lorsqu'il

11 fallait décliner son appartenance ethnique. Donc, il y avait une liste de

12 nations et de nationalités qui figuraient en regard de certains chiffres,

13 lorsqu'il s'agissait de faire un recensement, donc, lorsqu'il s'agissait de

14 traiter ces données statistiques, il fallait inscrire son nom dans une

15 case, mais on pouvait en même temps lors du recensement se déclarer de

16 façon différente. Vous pouviez dire que vous étiez Croate, Serbe, Slovène,

17 et cetera.

18 Ensuite, il y avait la question qui portait sur la nation ou les

19 nationalités ou groupes ethniques pour les Italiens, par exemple, les

20 Hongrois, les Albanais, et cetera. Ensuite, pour cela, il s'agissait des

21 nations et des nationalités. Ensuite, vous pouviez vous déclarez dans une

22 catégorie à part. Les gens qui ne remplissaient pas la déclaration en

23 fonction d'une appartenance ethnique ils pouvaient remplir une autre

24 catégorie. Ceux qui disaient appartenir à une région, par exemple, un

25 Dalmatien, un Bosniaque, et cetera, sans que cela fasse partie d'une

26 catégorie nationale, un Slavonien ou autre chose.

27 Ensuite, il y avait une autre catégorie qui était la catégorie

28 yougoslave, donc, vous pouviez remplir votre déclaration en décrétant que

Page 1721

1 vous étiez yougoslave, et c'était toujours une question très intéressante.

2 Il y a une affiliation nationale ou régionale. Je ne peux pas vous donner

3 une définition très précise car on pouvait remplir cette déclaration en

4 déclarant qu'on était soit qu'on relevait d'une nationalité soit d'une

5 région. Il y avait des gens qui étaient des gens issus de mariage mixte,

6 par exemple, les enfants étaient issus de mariage mixte. Certaines

7 personnes ne souhaitaient pas déclarer leur nationalité et ne souhaitaient

8 pas insister sur leur nationalité ou leur appartenance ethnique. Dans ces

9 cas-là, ils pouvaient faire la déclaration en insistant sur le sens

10 politique et en disant qu'ils étaient yougoslaves. Il y avait la question

11 de la nationalité. Il y avait la question qui consistait à dire qu'on

12 appartenait à la nation yougoslave. Pardonnez-moi, j'ai pris beaucoup de

13 temps.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Babic. L'autre

15 question qui est une question qui vous a été posée par

16 Me Milovancevic. Il y avait des Serbes en Croatie qui vivaient en Croatie.

17 En terme de territoire, où est-ce que vous avez oublié la question de Me

18 Milovancevic ?

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Oui, telle était ma question.

21 R. Si vous souhaitez faire un commentaire, parlons des régions et des

22 municipalités ou des régions plus grandes. Vous souhaitez que je donne une

23 réponse générale.

24 Q. Monsieur Babic, pour essayer de nous interrompre l'un et l'autre,

25 simplement en raison des interprètes pour que nous ne chevauchions pas;

26 sinon, ils aillent avoir des difficultés à tout traduire.

27 D'après la constitution yougoslave les membres de toutes les nationalités

28 ou de tous les groupes ethniques vivant sur le territoire de la Yougoslavie

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1 étaient divisés en nation ou minorité nationale? L'appellation ou le terme

2 utilisé pour décrire ces minorités nationales étaient utilisés, c'était le

3 terme de minorité nationale utilisé dans un sens différent. Vous en avez

4 parlé il y a quelques instants.

5 R. Oui. La population était divisée en membres de différentes nations,

6 nations prépondérantes en Yougoslavie, ensuite, les différentes

7 nationalités et on parlait d'unité nationale et ont parlé de membres

8 appartenant à des groupes ethniques qui n'appartenaient à aucune des deux

9 catégories.

10 Q. Merci. Monsieur Babic, cela nous suffit. Je vous ai posé la question

11 pour que la Chambre de première instance puisse comprendre une des

12 particularités de la constitution yougoslave, à savoir ceci : qui était les

13 nations -- ou quelles nations composaient la Yougoslavie, Narodi ?

14 R. Conformément à la constitution, les nations en Yougoslavie étaient les

15 Croates, les Musulmans, les Serbes, les Monténégrins et les Macédoniens.

16 Q. Tous les autres étaient -- toutes les autres personnes relevaient du

17 terme de nationalité ou étaient synonymes de nationalités -- de minorités

18 nationales. Est-ce qu'on pouvait dire cela ?

19 R. Non. Tout le monde ne relevait pas de la catégorie minorité nationale.

20 Il y avait --

21 Q. Merci, Monsieur Babic.

22 R. Il y avait deux catégories, en réalité, celle des nationalités et celle

23 de groupes ethniques.

24 Q. Conformément à la constitution, il y avait les nations yougoslaves --

25 la nation yougoslave, la nation serbe, la nation croate, la nation slovène;

26 les Yougoslaves, avaient-ils une nation, d'après la constitution ?

27 R. J'ai essayé d'expliquer le concept de yougoslave. Est-ce que vous

28 souhaitez que je répète cela ?

Page 1723

1 Q. Non. Cela nous suffit, Monsieur Babic. Nous avons abordé la question

2 des régions en Croatie habitées par des Serbes. De quelle région

3 s'agissait-il ? Mais avant d'aborder cette question-là, je souhaite vous

4 poser une autre question. Conformément à la constitution, les Serbes

5 représentaient-ils une nation avant 1992 ?

6 R. Oui.

7 Q. J'entends par là au niveau constitutionnel du terme, à savoir que

8 l'Etat était un Etat et il y avait un Etat, l'Etat du peuple croate ou la

9 nation croate. Il y avait un Etat du peuple serbe en Croatie.

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite

11 intervenir. A la ligne 14, lorsque la nation serbe jusqu'en 1990 -- 1992,

12 cela n'est pas 1992, mais 1990. C'est la date à laquelle la constitution

13 croate a été amendée. Je voulais simplement que ceci soit précisé.

14 Q. Les Serbes vivaient en Croatie puisque c'était leur république et les

15 Serbes constituaient une nation, tout comme les Croates constituaient une

16 nation, d'après la constitution croate; est-ce exact, Monsieur Babic ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous nous décrire les régions dans les grandes villes ou

19 lignes -- les municipalités habitées par des Serbes au sein de la

20 République Croate, où vivaient-ils en tant que nation ?

21 R. Les Serbes étaient dissimulés sur l'ensemble de la république. Il

22 s'agissait de la République socialiste de Croatie, mais ils étaient

23 majoritaires au nord de la Dalmatie, dans la partie orientale de Lika, à

24 Kordun, dans la Banija, pour ces régions-là, et en Slavonie occidentale,

25 alors que dans d'autres régions, par exemple, ils représentaient une partie

26 importante de la population.

27 Q. Les Serbes de Croatie vivaient-ils en 1990 dans des villes croates,

28 faisaient-ils partie de la population urbaine ?

Page 1724

1 R. Bien. A Zagreb, ils représentaient 6 %, par exemple, à Rijeka, Split,

2 Dubrovnik, ce genre de pourcentage là, 5 a 6 %. Oui, ils vivaient dans les

3 grandes villes.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pardonnez-moi, Maître

5 Milovancevic, mais avant de poursuivre, je souhaite poser une question au

6 témoin.

7 Des personnes qui se trouvaient dans les différentes républiques, les six

8 républiques, les Croates, et les Macédoniens, les Slovènes, et cetera,

9 avaient-ils un sentiment d'identité nationale ? Est-ce qu'ils se sentaient

10 yougoslaves puisqu'ils faisaient partie de la Fédération yougoslave ? Cette

11 idée existait-elle ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] L'identité yougoslave n'était pas une identité

13 ethnique ou nationale. C'était une identité politique, il s'agissait de

14 citoyens qui faisaient partie d'un même Etat.

15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Comment se sentaient-ils ? Est-ce

16 que cela faisait partie de leur identité, c'est cela que vous dites ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Cela ne représentait pas une identité

18 nationale, le fait d'appartenir à la Yougoslavie ne permettait pas d'avoir

19 une identité nationale.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Donc, il y avait un groupe

21 distinct connu sous le nom de "yougoslaves", il s'agit d'un groupe distinct

22 pour certaines personnes qui n'appartenaient pas à d'autres groupes ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président --

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Oui. C'est difficile. Je dois le

25 reconnaître, d'après la description qui a été donnée ici, s'il y a que moi

26 qui ai des difficultés avec cela.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Il y a deux catégories dans laquelle on

28 pouvait se dire "yougoslave". On pouvait se dire "yougoslave" dans le sens

Page 1725

1 de l'appartenance nationale ou quelque chose de semblable, et en

2 Yougoslavie, ceci est représenté dans les recensements 4 à 5, 6 % de la

3 population. C'étaient les personnes qui lorsqu'elles remplissaient la

4 déclaration du recensement se disaient "yougoslaves". Ceci correspondrait à

5 une appartenance nationale. En Croatie, cela représentait 6 ou 7 % de la

6 population; 6 à 7 % de la population se disait "yougoslave", autrement dit,

7 quelque chose que l'on pourrait considérer comme une catégorie nationale.

8 Mais cela n'était pas reconnu comme nation ou nationalité aux termes de la

9 constitution.

10 Je vais essayer de vous l'expliquer peut-être un peu mieux. Si quelqu'un se

11 disait "yougoslave", cette personne ne souhaitait pas s'afficher comme

12 étant membre d'une de ces six nations. Si vous voulez, c'est la meilleure

13 explication que je puisse vous donner.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Babic, nous étions en train de parler de la constitution de

16 1974, et vous avez dit qu'on parlait de Confédération au niveau de la

17 constitution. Pour la Chambre de première instance, c'est difficile; c'est

18 difficile pour nous qui vivons dans un pays différent. C'est difficile de

19 comprendre cela parce qu'aux Etats-Unis, un Américain est un Américain,

20 alors qu'en Yougoslavie, on pouvait être Serbe, Croate, Macédonien,

21 Musulman, Monténégrin, et ce, conformément à la constitution. Mais

22 Yougoslave, un Yougoslave où la Yougoslavie ne représentait pas une nation;

23 est-ce que ceci peut vous aider ?

24 R. Bien. Je sais qu'il y a deux types de nation. Si j'utilise le terme

25 scientifique ou le terme utilisé par les milieux universitaires, il y a un

26 type français et un type américain en Europe, par exemple. Lorsque la

27 citoyenneté est synonyme de nationalité en Europe par exemple, lorsque vous

28 avez des Italiens, des Serbes, des Croates, et cetera, quelque chose qui

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1 est différent du concept américain qui est un concept de nation différent.

2 Je ne peux pas -- c'est la meilleure explication que je puisse vous donner.

3 Q. Nous avons encore une minute, Monsieur le Président. Peut-être que nous

4 pouvons en terminer avec ce sujet. Ma dernière question, lorsqu'il s'agit

5 d'un recensement de la population, porte sur le recensement de la

6 population. Donc, pour ce qui est des habitants dans chaque république

7 yougoslave, les citoyens avaient la possibilité de se dire -- ou de dire à

8 quelle nation ils appartenaient, qu'ils soient Serbes, Croates, Slovènes,

9 Macédoniens, et cetera. Mais ils avaient également la possibilité de ne pas

10 se déclarer de cette façon-là et ils pouvaient dire "yougoslave". Lorsque

11 vous avez parlé de cette catégorie de personnes, du recensement de la

12 population, est-ce terme-là que vous aviez à l'esprit dans ce sens-là ?

13 R. Oui.

14 Q. Je ne pense pas qu'il soit utile de continuer à parler de ce terme-là.

15 Comme l'heure de la pause est arrivée, il serait peut-être bien de faire la

16 pause maintenant.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne peux qu'être d'accord avec vous.

18 --- L'audience est suspendue à 12 heures 01.

19 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

22 Q. Avant la pause, Monsieur Babic, nous avons parlé de la composition

23 nationale de la République de Croatie -- la République yougoslave de

24 Croatie, en 1990, et vous nous avez dit qu'après le Congrès de la Ligue des

25 Communistes de Croatie, qui s'est tenu en 1989 ou à la fin de l'année 1989,

26 que vous avez rejoint le Parti démocratique serbe. Pourriez-vous nous dire

27 quelle est la raison politique qui vous a poussé à prendre cette mesure et

28 quitter la Ligue des Communistes de Croatie pour rejoindre le Parti

Page 1727

1 démocratique serbe ?

2 R. Je crois avoir déjà évoqué cette question-là. Tout d'abord, le

3 programme du parti était en faveur d'une démocratisation de la société. Ce

4 qui signifie que nous devons nous écarter de notre passé, nous éloigner de

5 notre passé communiste et introduire un système de pluralisme politique

6 avec une économie de marché et cetera. Donc, je ne vais pas en énumérer

7 tous les aspects.

8 La deuxième raison était parce que le parti dans son programme envisageait

9 de protéger les Serbes de Croatie qui étaient majoritaires dans la région

10 de Knin.

11 Ceci est ma troisième raison. Je souhaitais pouvoir contribuer au

12 développement de ces régions, donc, étant donné que le parti avait affiché

13 un tel programme politique et afin de pouvoir apporter mon aide à cette

14 région, j'ai décidé de rejoindre ce parti. Voilà les trois raisons qui

15 m'ont poussé à le faire.

16 Q. Vous nous avez également dit que la Ligue des Communistes de Croatie --

17 vous nous avez également parlé de la Ligue des Communistes de Croatie et

18 vous avez assisté à leur dernier congrès qui s'est tenu au mois de décembre

19 1989. Lors de ce congrès, une décision a été prise d'adopter un système

20 multipartite ou, en tout cas, de tenir des élections multipartites et de

21 fixer la date. Vous ne pouviez pas, à ce moment-là, vous battre en faveur

22 d'une démocratisation en restant simplement membre de la Ligue des

23 Communistes de Croatie, par exemple ?

24 R. J'ai déjà indiqué qu'elles étaient mes raisons et pourquoi j'ai rejoint

25 le Parti démocratique serbe.

26 Q. La Ligue des Communistes de Croatie, qui a changé son nom et qui est

27 devenue le Parti démocratique du changement - c'était la nouvelle

28 appellation de ce parti, la Ligue des Communistes de Yougoslavie et le

Page 1728

1 Parti du Changement démocratique - est-ce que ce parti tenait compte des

2 intérêts serbes en Croatie et les intérêts du peuple serbe en Croatie ?

3 R. Ce parti-là ou plutôt ce parti était derrière tout. C'est ce que nous

4 disions à l'époque. L'année précédente, les élections multipartites avaient

5 été menées afin d'introduire les changements et le nom. Il y a un terme qui

6 a été utilisé "ethno-philitisme" [phon] ou, en tout cas, c'était un parti a

7 tendance croate. C'est le nom qui a été donné au parti qui ébranlé la

8 population serbe à l'époque.

9 Q. Vous avez dit que ce parti, au cours de cette année-là - est-ce que

10 vous avez pensé à l'année 1989 - avait décidé de faire des changements au

11 plan linguistique. Comment est-ce que cela pouvait se faire et, en

12 substance, que représentaient ces changements ?

13 R. J'ai déjà dit que le parti était derrière tout cela parce que c'était

14 le parti au pouvoir. C'était le parti au pouvoir au sein de l'assemblée

15 croate, le Sabor. J'en ai déjà parlé. L'assemblée croate a introduit le

16 parlement, a introduit des changements au niveau linguistique, au niveau

17 des termes utilisés, et c'était le parti qui était derrière cela.

18 Q. Le Sabor, en somme, était l'assemblée croate, en d'autres termes ?

19 R. Oui, c'est cela. Ce serait l'équivalent serbe ou, en tout cas, c'est

20 une expression utilisant le serbo-croate ou en croate.

21 Q. Quelles modifications ont été apportées à la langue ? De quels

22 changements s'agissait-il ?

23 R. Comme je l'ai dit, l'intitulé de la langue elle-même. La langue était

24 une langue que l'on appelait croato-serbe. C'est le terme officiel qui a

25 été utilisé, croato-serbe en Croatie et telle était l'appellation utilisée

26 à ce moment-là. Le premier changement au niveau du nom -- le premier

27 changement du nom est advenu lorsque la Ligue des Communistes de Croatie

28 était au pouvoir en 1989. Mais il a, également, eu des changements lorsque

Page 1729

1 le HDZ a été créé dans les années 1990. Donc, les premiers changements ont

2 été introduits au niveau de langue elle-même ou l'intitulé de la langue.

3 C'était un petit peu inhabituel et on l'a dit, à ce moment-là, qu'en

4 Croatie, la langue littéraire croate que l'on appelle, soit la langue

5 croate, soit la langue serbe utilisée alors, devait être officiellement

6 utilisée. Telle était la manière dont cela a été formulé. Autrement dit, il

7 fallait renommer la langue et c'est ce qu'on pouvait appeler une

8 croatisation de la langue, à la fois, pour les Serbes et les Croates. Mais

9 cela répondait aux normes de la langue car bon ou mal, si on parlait de

10 langue serbe, cela englobait la langue croate. Si quelqu'un parlait la

11 langue croate, cela englobait la langue serbe aussi.

12 Donc, pour ce qui est de la langue littéraire croate, c'est quelque

13 chose qui devait être débattue car on voulait savoir quelles incidences

14 ceci aurait au plan politique et sur d'autres plans. Donc, cette situation

15 a été débattue avant les élections multipartites.

16 Q. Cette question de langue -- cette question linguistique était-ce avant

17 tout une question politique ou non ?

18 R. Oui. C'était surtout une question politique et, ensuite, une question

19 linguistique car la langue avait été rebaptisée et des changements au plan

20 lexicologique ont été introduits. Par exemple, on a introduit des

21 dialectes, des dialectes croates ou des termes archaïques de l'ancienne

22 langue croate. Je ne suis pas linguiste, moi-même, je ne peux pas tout vous

23 expliquer dans le détail, mais je dois vous dire qu'il s'agissait surtout

24 d'une mesure politique, mais d'une mesure linguistique.

25 Q. Vous avez dit qu'avant 1989, dans la République yougoslave de Croatie,

26 la langue officielle était le croato-serbe. Est-ce que ceci a un quelconque

27 lien avec le fait que la constitution croate en Croatie laissait entendre

28 qu'hormis le peuple croate, il y avait également des Serbes; en d'autres

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1 termes, les Serbes étaient un peuple reconnu par la constitution et qu'ils

2 avaient leur propre langue ? Est-ce qu'il y a un lien avec cela ou pas ?

3 R. Oui. Mais un lien peut ténu. La langue a été rebaptisée parce que

4 c'était une langue qui était parlée par les Croates, les Serbes, les

5 Musulmans et les Monténégrins. C'était le terme technique qui définissait

6 la langue au niveau linguistique. Au niveau de la littérature, ce terme a

7 été utilisé pour décrire la langue en Croatie, en Serbie, au Monténégro, en

8 Bosnie-Herzégovine. Il y avait différentes associations linguistiques

9 possibles. En Croatie, cela s'appelait croato-serbe; en Serbie, on appelait

10 cela le serbo-croate, et en Bosnie-Herzégovine on appelait cela le serbo-

11 croate ou croato-serbe. Tout cela pour dire que c'était la langue des

12 Croates, des Musulmans et des Monténégrins. C'était une seule et même

13 langue. C'est dans ce sens-là que ce terme a été usité pour pouvoir établir

14 un lien entre la langue et les peuples en question. En Croatie, pour ce qui

15 est de l'existence des Serbes et des Croates comme peuples cités dans la

16 constitution, ceci a un lien indirect avec le nom donné à la langue mais

17 c'est une question à part.

18 Q. Avant 1989, la langue en Croatie était la langue croato-serbe, et après

19 les changements qui ont été introduits en 1989, la langue officielle était

20 alors la langue croate littéraire. Ce qui signifie que la langue serbe

21 n'était plus utilisée ou reconnue officiellement.

22 R. Non. En 1989, comme je vous l'ai déjà expliqué, une phraséologie un peu

23 particulière a été utilisée.

24 Q. Nous n'allons pas trop nous y pencher.

25 R. Il y a eu un premier changement au niveau du libellé, au niveau du nom,

26 et en 1990, sous le HDZ, le terme serbe a été complètement biffé et

27 lorsqu'on parlait de langue, le nom serbe ne figurait plus. Je crois que

28 c'est là que vous souhaitiez que j'évoque.

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1 Q. Au niveau de ce deuxième changement, lorsqu'on parlait de langue, le

2 terme de serbe n'a plus été utilisé, c'est quelque chose qui a mis en place

3 par le HDZ ?

4 R. C'était au mois de juin, ou plutôt du mois de juillet 1990. Ceci a fait

5 partie du projet d'amendements de la constitution croate.

6 Q. Ceci s'est passé après les premières élections multipartites en Croatie

7 en 1990 ?

8 R. Oui.

9 Q. Au cours des premières élections multipartites en 1990, était-ce le HDZ

10 qui a gagné ces élections ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-il exact de dire que le HDZ avait 41 % des voix lors des élections

13 multipartites, mais à cause d'un système fondé sur la majorité il a obtenu

14 la majorité des sièges au parlement croate; est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-il de dire que le président du HDZ, M. Franjo Tudjman est devenu le

17 président de la République de Croatie aussi ?

18 R. Oui, il est devenu président de la présidence de la République de

19 Croatie, ce qui signifie qu'il était le chef de l'Etat.

20 Dans le sens où vous me posez la question, oui, c'est exact.

21 Q. Non seulement la langue croate a été introduite et présentée comme la

22 seule langue officielle en Croatie, y a-t-il eu d'autres changements, eu

23 égard au statut du peuple serbe en Croatie ?

24 R. Oui.

25 Q. Pouvez-vous nous en parler, s'il vous plaît ? Pouvez-vous nous parler

26 de ces changements ?

27 R. Il y a eu quelques changements qui ont eu une conséquence directe ou

28 indirecte sur le peuple serbe en Croatie. Parmi ces changements, il y a eu

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1 l'abolition de l'assemblée des municipalités, qui a été interprétée comme

2 une attaque visant à minimiser les droits des Serbes, bien que façon

3 directe cela n'avait pas été l'intention. Néanmoins, l'assemblée a constaté

4 que telle était la conséquence de ce changement. Vous avez déjà évoqué les

5 changements du nom de la langue, et la nature constitutive du peuple serbe

6 a également été changée et le statut des Serbes a changé puisqu'à partir de

7 ce moment-là, on a considéré qu'il s'agissait d'une minorité nationale.

8 L'Etat, à ce moment-là, a introduit différents symboles qui devaient être

9 utilisés afin de souligner l'appartenance ethnique et insister sur les

10 symboles croates, le changement du nom de la république, qui n'a pas eu de

11 conséquence directe sur les relations interethniques. Le terme de

12 "socialiste" n'a plus fait partie du nom de l'Etat, ce n'était plus un Etat

13 socialiste parce que ceci était conforme aux réformes qui avaient été mises

14 en place. Les projets d'amendements à la constitution ont été proposés vers

15 la fin du mois de juin, début du mois de juillet 1990. Finalement tout

16 avait été mis en œuvre pour que la nouvelle constitution soit adoptée en

17 décembre 1990, la nouvelle constitution de la Croatie, c'est-à-dire.

18 Q. Vous avez parlé très en détail de ces changements, Monsieur Babic, et

19 vous avez dit entre autres, que des symboles

20 mono ethniques, représentant l'Etat croate, ont été introduits à ce moment-

21 là. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?

22 R. Le drapeau à damier a été introduit et le damier était le terme, qui

23 était utilisé pour représenter les armoiries historiques croates qui,

24 jusqu'à présent, étaient une partie des armoiries de la République de la

25 Croatie, sur lesquelles figuraient également l'étoile à cinq pointes.

26 Toutefois, après ces changements, le damier n'a plus que figuré tout seul,

27 sans aucune addition, et cela représentait un symbole historique de l'Etat

28 croate et du peuple croate. Toutefois, cela a provoqué des discussions à la

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1 fois chez les Croates et chez les Serbes car d'aucun se demandait quelle

2 était la signification de ce damier.

3 Q. Est-ce que ce damier a des liens avec l'Etat indépendant de la Croatie,

4 qui a existé entre les années 41 et 45, et que signifiait-il alors ?

5 R. Comme je l'ai dit, cela a provoqué des discussions et cela a évoqué

6 l'Etat indépendant de la Croatie au moment où un symbole semblable était le

7 symbole de l'Etat indépendant de la Croatie. Il y a eu de nombreuses

8 discussions parmi la population en Croatie car les gens se demandaient quel

9 était le symbole de l'Etat indépendant de la Croatie et quel était le

10 symbole de la République de la Croatie. Il s'agissait de la répartition des

11 carreaux, les carreaux rouges et les carreaux blancs, ainsi que la

12 configuration générale du damier ou de la disposition.

13 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quel était l'objectif politique

14 principal du parti dirigé par M. Tudjman ?

15 R. C'était la démocratisation de la société, le fait que l'on se détachait

16 du passé communiste, enfin la rupture avec le passé communiste, ainsi que

17 les objectifs politiques nationalistes et expansionnistes.

18 Q. A votre avis quel était l'objection nationaliste et qu'est-ce qu'il

19 signifiait ?

20 R. En règle générale, cela signifiait ce qu'on appelait la croatisation

21 [phon] de tout, de toutes les institutions d'Etat ou publiques qui ont

22 commencé à être appelées Croates, non pas pour ce qui est de la République

23 de la Croatie en tant que telle mais c'était plutôt une façon de se

24 positionner du point de vue ethnique. Nous avons déjà parlé de la

25 structure, des changements de noms et de l'introduction d'une "nouvelle

26 langue" en quelque sorte, dans le jargon politique, et dans la langue de la

27 société, puis, il y avait également tout un nouveau programme politique et

28 il s'agissait de la création d'une Confédération et en dernier ressort, de

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1 la création d'un Etat indépendant pour la Croatie. Au moins, durant la

2 campagne électorale du président du parti, M. Tudjman, cet Etat aurait dû

3 incorporer des parties de la Bosnie-Herzégovine.

4 Q. Maintenant que vous avez fait référence à la Bosnie-Herzégovine et à

5 l'objectif politique relatif à la Bosnie-Herzégovine, j'aimerais vous dire

6 que nous reviendrons sur cet élément un peu plus tard, mais j'aimerais vous

7 poser la question suivante : pour résumer ce qui s'est passé en un laps de

8 temps assez court pendant le premier semestre de l'année 1990, est-ce que

9 vous pourriez dire que les changements constitutionnels signifiaient que

10 les Serbes ont perdu leur statut de nation en Croatie, ont perdu leur

11 langue et ont perdu la possibilité d'organiser leur assemblée de

12 municipalités qui avait existé au vu de la constitution jusqu'à ce moment-

13 là, et est-ce que cela signifie qu'ils ont perdu leurs symboles et qu'ils

14 ont dû accepter les symboles croates et le symbole croate principal était

15 le même damier qui était le symbole de l'Etat indépendant de la Croatie qui

16 a été l'endroit où ont été exécutés de nombreux Serbes pendant la Deuxième

17 guerre mondiale ?

18 R. Oui. J'ai déjà parlé de ce damier qui reprenait le dessin, le symbole

19 utilisé pendant la Seconde guerre mondiale sous l'Etat indépendant de

20 Croatie. Mais l'explication donnée, c'est que le damier oustachi démarrait

21 ré par un champ blanc, alors que le véritable damier, celui qui était issu

22 de l'histoire, commençait par un champ rouge. Je répondrai à cette question

23 par oui, avec cette petite réserve.

24 Q. Est-ce que toutes ces modifications intervenues dans la vie politique

25 de Croatie et qui avaient une incidence sur le peuple serbe de Croatie,

26 est-ce qu'elles ont été annoncées par la phrase prononcée par M. Tudjman,

27 lors de la réunion de l'assemblée constituante de l'Union démocratique

28 croate, le HDZ, lorsqu'il a dit, et je cite : "L'Etat indépendant de

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1 Croatie, cette création fantoche, fasciste qu'a été la Croatie, n'a pas été

2 seulement un Etat croate et un Etat fasciste criminel, mais également

3 l'expression de l'évolution historique du peuple croate." Est-ce que vous

4 vous rappelez de cette phrase ?

5 R. Oui, Tudjman a prononcé cette phrase.

6 Q. Les changements constitutionnels intervenus par le biais des

7 amendements à la constitution croate ont-ils été approuvés par le peuple

8 serbe de Croatie, ou est-ce que les Serbes de Croatie les ont rejetés ?

9 R. Les représentants politiques des Serbes de Croatie ont rejeté ces

10 amendements, et leur opposition a été soutenue par l'ensemble des électeurs

11 serbes lors du plébiscite.

12 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle façon s'est exprimée cette opposition

13 des représentants du peuple serbe de Croatie ?

14 R. D'abord, il y a eu des rassemblements politiques qui ont débattu de ces

15 projets d'amendements constitutionnels. Il y a eu un débat public au niveau

16 des représentants des municipalités où les Serbes représentaient la

17 majorité. Cette question également a été débattue au parlement où d'autres

18 personnalités en ont discuté et les représentants politiques serbes les ont

19 rejetés. Puis --

20 Q. Cela suffira, Monsieur Babic. Nous reprendrons ces sujets un peu plus

21 tard. J'aimerais maintenant vous poser d'autres questions. Excusez-moi de

22 vous interrompre.

23 La modification de la constitution, réalisée à l'époque, a-t-elle

24 suivi une procédure déterminée ? Est-ce que des amendements ont été votés

25 au fur et à mesure, et est-ce que ces amendements à la constitution ont été

26 votés dans le respect de la constitution de la République de la Croatie ?

27 Je parle de l'année 1990.

28 R. Si nous parlons de la légalité des amendements à la constitution, je

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1 répondrai, oui. Mais de façon générale, du point de vue des principes

2 inclus dans la constitution, ma réponse sera négative.

3 Q. Quels étaient les principes introduits dans la nouvelle constitution

4 qui étaient contraires à la constitution ?

5 R. Je reprendrai la conclusion à laquelle sont parvenus les représentants

6 politiques des Serbes à l'époque. Ils estimaient que de cette façon il y

7 avait, au niveau constitutionnel, domination d'un peuple constitutif sur un

8 autre peuple constitutif et que c'était en soi une violation de la

9 constitution.

10 Q. Cette domination dont vous parlez, est-ce qu'elle s'est incarnée dans

11 des symboles clairs, des symboles liés au passé ? Comme par exemple,

12 l'introduction du damier et de nouveaux slogans, l'emploi de nouveaux

13 termes, de nouveaux mots.

14 R. Oui. J'ai déjà parlé du damier. J'ai dit que l'interprétation de ce

15 damier a été vivement discutée parmi les Serbes avec des interprétations

16 diverses et que ces différences d'interprétation ont été reprises par les

17 médias serbes. Le damier était considéré comme le symbole de l'Etat

18 oustachi et les Serbes, peu à peu, ont fait, de cette interprétation du

19 damier, la leur. Par ailleurs, je vous ai parlé de ce que tout cela

20 représentait. Je vous ai également dit ce qui était représenté sur ce

21 damier, qui était le blason de la République socialiste de Croatie. En soi,

22 il était le blason de la République socialiste de Croatie. C'était un

23 blason historique et ce n'était pas un symbole oustachi dans la mesure où

24 il y avait interversion de la couleur des champs que l'on trouvait au début

25 du damier. Ce que j'essaie de vous dire, en ce moment, c'est quelle a été

26 la réaction des Serbes. Les Serbes ont considéré que ce damier était lié à

27 l'Etat indépendant de Croatie de la Seconde guerre mondiale et c'est ainsi

28 que leurs médias l'ont représenté.

Page 1737

1 Q. Nous avons déjà parlé de M. Franjo Tudjman, présent à l'assemblée

2 constituante de l'Union démocratique croate, HDZ, en février 1990, et de ce

3 qu'il avait dit de l'Etat indépendant de Croatie comme étant une

4 conséquence historique de l'histoire du peuple croate. Est-ce que vous

5 savez si les personnalités de l'immigration oustachi les plus connues, qui

6 avaient passé pas mal de temps à l'étranger, après leur expulsion et leur

7 interdiction de rentrer en Yougoslavie, est-ce que de tels représentants

8 étaient présents à cette assemblée constituante ?

9 R. Je crois que nous parlons ici du HDZ de façon générale à l'époque, et

10 pas seulement de l'assemblée constituante du HDZ, en tout cas, pas sur le

11 plan officiel. Le parti existait déjà mais c'était la première grande

12 réunion du HDZ, réunion publique. Je ne sais pas qui y a assisté. Mais dans

13 les médias, il a beaucoup été question des immigrants réfugiés politiques à

14 l'étranger qui, jusque-là, n'avaient pas le droit de rentrer en Yougoslavie

15 et qui étaient présents à cette grande réunion publique, mais je ne sais

16 pas qui étaient ces immigrants.

17 Q. Merci, Monsieur Babic. Lors de la mise en œuvre de ces amendements

18 constitutionnels, je parle de ceux qui concernaient le statut des Serbes,

19 le statut national des Serbes en Croatie, les Serbes ont soumis des

20 objections à ces amendements, et se sont opposés à ces modifications au

21 sein de la République de Croatie, n'est-ce pas ?

22 R. Ces amendements ont été rejetés parce qu'ils étaient perçus comme

23 violant la constitution et les droits du peuple serbe à demeurer un peuple

24 constitutif en Croatie.

25 Q. Je ne sais pas si nous nous sommes bien compris, Monsieur Babic. Je

26 vous posais simplement la question suivante : lorsque ces amendements à la

27 constitution ont été proposés au vote, est-ce que les Serbes ont soumis des

28 contre amendements et que s'est-il passé à ce moment-là ?

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1 R. Il y a eu rejet des amendements par eux, et des propositions qui ont

2 été rejetées par la Commission préparatoire à la nouvelle constitution de

3 Croatie. Ces propositions étaient de deux types. Les uns avaient à voir

4 avec les points à l'ordre du jour du débat relatifs à l'amendement de la

5 constitution. Tout ceci se passait à l'automne 1990. Puis, il y avait une

6 autre proposition qui projetait d'établir une région autonome ou un

7 district autonome de Krajina en Croatie qui a été rejeté par le parlement

8 croate.

9 Q. Il faut que nous comprenions bien quel est l'objet du débat en ce

10 moment. Pouvez-vous nous dire quel est le principe fondamental qui se

11 trouve au cœur de la constitution fédérale yougoslave à partir de 1990 ?

12 Qui est à la tête de l'Etat fédéral de la Fédération ? Il y a les

13 républiques et il y a un certain nombre d'organes officiels au sein des

14 Fédérations, n'est-ce pas ?

15 R. Il y a l'assemblée, la présidence de la RSFY, le Conseil exécutif

16 fédéral.

17 Q. C'est à cela que je pensais, Monsieur Babic. Merci. Bien, que pourriez-

18 vous dire de la présidence de la RSFY et pour vous poser la question plus

19 simplement : est-ce que la direction de l'Etat était collective ?

20 R. Oui.

21 Q. Pouvez-vous nous dire qui était membre de la présidence de cette

22 direction collective de l'Etat en 1990 ? Je ne vous demande pas le nom de

23 ces personnes, mais les structures qu'elles représentaient ?

24 R. Bien. D'abord il y avait un représentant de chaque république et un

25 représentant de chaque province autonome.

26 Q. Combien de républiques y avait-il en Yougoslavie en 1990 ?

27 R. Six.

28 Q. Combien de membres comptaient la présidence yougoslave ?

Page 1739

1 R. Huit.

2 Q. Pouvez-vous nous dire comment il se fait que six républiques avaient

3 huit représentants à la présidence ?

4 R. J'ai déjà dit que toutes les républiques, que chaque république avait

5 un membre à la présidence, et il y avait aussi les deux provinces

6 autonomes, le Kosovo et la Vojvodine qui avaient chacune un membre.

7 Q. Ces deux provinces du Kosovo et de la Vojvodine se -- avec quel statut

8 en vertu de la constitution yougoslave de 1974 ?

9 R. Elles faisaient partie du territoire de la Serbie, mais avaient un

10 statut -- double sur le plan constitutionnel. Elles étaient aussi bien

11 intégrées -- elles faisaient partie intégrante -- aussi bien de la Serbie

12 que de la Fédération.

13 Q. Au terme de la constitution de 1974, la République de Serbie était

14 membre de la Fédération yougoslave, mais avait en son sein une province

15 autonome qui jouissait d'un degré élevé, d'un pouvoir élevé, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu'une autre République yougoslave avait une province autonome

18 sur son territoire ?

19 R. Non.

20 Q. Dans la déposition que vous avez faite jusqu'à présent, vous avez

21 souvent parlé d'un certain nombre de régions de l'ex-République yougoslave

22 de Croatie, notamment, la Dalmatie, Kordun, la Lika, la Slavonie, Baranja,

23 et vous en avez même montré les frontières sur une carte, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que l'une quelconque de ces régions avait un statut d'autonomie

26 comparable à celui de la Vojvodine et du Kosovo ?

27 R. Non.

28 Q. La Vojvodine et le Kosovo qui, selon la constitution yougoslave,

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1 faisaient partie de la Serbie, avaient-elles leur part dans l'élection du

2 président de la présidence yougoslave, autrement dit, en l'absence d'accord

3 de la part des représentants de Vojvodine et du Kosovo, était-il possible

4 d'élire le président de la présidence ?

5 R. Vous avez posé la question en la centrant sur le processus électoral.

6 Je n'ai pas de certitude à cet égard, mais ce que je peux vous dire -- je

7 n'ai pas de certitude que -- cela ait quelque chose à voir avec un

8 processus électoral. En effet, les membres de la présidence étaient élus

9 par l'assemblée de la Fédération jusqu'à l'adoption de la nouvelle

10 constitution serbe en 1990. Alors, je ne sais pas exactement ce que vous

11 aviez à l'esprit lorsque vous avez posé votre question. A quelle période

12 faisiez-vous référence ?

13 Q. Vous avez parlé du Kosovo et de la Vojvodine et dit que ces deux

14 provinces faisaient partie de la Serbie et étaient membres de la Fédération

15 yougoslave également. Elles avaient leur propre membre à la présidence

16 yougoslave, n'est-ce pas ?

17 R. Oui. Mais c'était la chambre des républiques et des provinces, mais

18 elles siégeaient au sein de la chambre des républiques et des provinces de

19 l'assemblée fédérale.

20 Q. Est-il exact que le représentant du Kosovo qui était Albanais de

21 souche, Fadil Hodza, était président de la présidence yougoslave dans les

22 années 1980 ?

23 R. Oui. Pendant un mandat.

24 Q. Pouvez-vous nous dire comment cela s'est -- comment cela s'est passé ?

25 Sur huit membres de la présidence, il y en avait un qui devenait président

26 de la présidence. Est-ce que c'était bien le mécanisme appliqué ?

27 R. Il existait des Règles de procédure, un protocole qui régissait les

28 rotations à la présidence parmi les membres de la présidence. A chaque

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1 rotation, l'un d'entre eux devenait vice-président dans un ordre déterminé,

2 par exemple, une année donnée, l'un des membres de la présidence devenait

3 président de la présidence; et un autre membre de la présidence parmi les

4 membres restant devenait vice-président de cette même présidence. Tout cela

5 sur la base d'un système de rotation. Donc, à chaque année, un des membres

6 de la présidence occupait les fonctions de président de la présidence.

7 Q. J'aimerais que cette question soit tout à fait claire. En 1990 et avant

8 cette année-là, la Slovénie a-t-elle eu un membre au sein de la

9 présidence ? Si oui, qui était-il ?

10 R. Oui. La Slovénie avait un membre à la présidence, mais je ne me

11 souviens pas de son nom.

12 Q. Bien. Qu'en était-il de la Croatie, est-ce qu'elle avait un membre au

13 sein de la présidence yougoslave ?

14 R. Oui.

15 Q. Qui était qui ?

16 R. Quand ? En 1990 ?

17 Q. Oui, je pense que c'était M. Mesic.

18 R. Oui. Cela a d'abord été Stipe Mesic. Il a été le premier -- il était le

19 premier ministre et, en 1990 - mais je ne sais pas exactement à quelle date

20 - la Croatie a changé de représentant au sein de la présidence. C'est

21 Suvar, Stipe qui a été remplacé par Mesic, à ce moment-là.

22 Q. Qu'en est-il des autres républiques et des deux provinces autonomes,

23 est-ce qu'elles avaient leur propre membre au sein de la présidence

24 yougoslave ? Au sein des huit membres qui élisaient leur président de la

25 présidence; c'est bien cela ?

26 R. Oui.

27 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie de

28 m'excuser, mais je crois comprendre que cette question a déjà été posée à

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1 plusieurs reprises.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que vous

3 avez quelque chose à répondre ? Il semble que nous tournions en rond autour

4 du même point depuis pas mal de temps, vraiment pas mal de temps.

5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaie

6 simplement d'obtenir du témoin une réponse à la question de savoir si les

7 dispositions de la constitution permettaient à chacune des républiques,

8 membre de la Fédération yougoslave, d'accéder à la présidence de la

9 présidence, donc, d'avoir un représentant exerçant les fonctions de

10 président de la présidence, bien entendu, au moment où le tour de cette

11 république venait. Voilà de quoi le témoin parlait dans ses réponses.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette question peut obtenir une

13 réponse en une phrase très courte. Vous avez déjà posé cette question il y

14 a quelques instants et le témoin vous a dit qu'il y avait un système de

15 rotation dans lequel chaque république à son tour voyait son représentant

16 exercé les fonctions de président de la présidence. Vous l'avez même

17 interrogé au sujet du Kosovo qui à l'époque était une province autonome et

18 il a dit oui, le Kosovo avait la possibilité d'être -- de voir son

19 représentant exercé les fonctions de président de la présidence. Donc, je

20 crois que vous posez cette question dans une phrase très courte et obtenir

21 une réponse simple. Nous sommes très loin de l'acte d'accusation d'ailleurs

22 en ce moment. Nous refaisons l'histoire de l'ex-Yougoslavie et, compte tenu

23 du temps très court qui nous est imparti, je souligne que nous sommes en

24 train de tourner en rond. N'oubliez pas que la déposition de ce témoin ne

25 doit plus durer que deux jours encore.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec le respect

27 que je vous dois, la Défense essaie simplement d'obtenir une réponse à la

28 question, compte tenu de la thèse avancée par l'Accusation dans ce domaine.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Posez votre question au témoin. Posez-

2 là.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais faire

4 de commentaires au sujet des allégations avancées par l'Accusation qui se

5 fondent sur la situation politique yougoslave. Mais les questions que j'ai

6 posées avaient pour but d'obtenir des réponses dans ce domaine bien

7 particulier, mais vous venez d'intervenir d'une façon qui a créé une

8 certaine confusion dans mon esprit. Jusqu'à présent, nous n'avons pas été

9 informés de la longueur du contre-interrogatoire de ce témoin. Ce témoin

10 est le plus important témoin de l'Accusation et il a été interrogé quatre

11 jours entiers. Je pense que les deux jours restants dont vous venez de

12 parler ne sont absolument pas suffisants par la Défense. Donc, puisque la

13 Défense a de nombreuses questions importantes à poser à ce témoin, nous

14 n'en sommes qu'à l'introduction. Ces deux jours ne suffiront pas.

15 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrais

16 intervenir, si vous le permettez. Puisque j'allais discuter de cela avec le

17 conseil de la Défense après la fin de l'audience et essayer de ne pas

18 utiliser le temps des audiences pour discuter de cette question, mais le

19 président de la Chambre vient d'évoquer le fait que la fin de l'audition de

20 ce témoin était normalement prévue à la fin de cette semaine, c'est-à-dire,

21 le 3 mars. Mais nous prévoyons la possibilité de prolonger cette déposition

22 avec une interruption d'une semaine. Donc, nous nous demandons si -- et

23 maintenant la Défense évoque la possibilité d'un prolongement du contre-

24 interrogatoire qui pourrait lui être nécessaire. Donc, j'allais interroger

25 le conseil de la Défense à ce sujet, soulever cette question avec lui, en

26 discuter avec lui pour voir si un jour ou deux de contre-interrogatoires

27 supplémentaires permettraient d'en finir avec ce contre-interrogatoire.

28 Mais je pense que jusqu'à présent le contre-interrogatoire se perd un petit

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1 peu dans des zones assez éloignées des centres d'intérêts principaux et

2 c'est à la Chambre, bien sûr, qu'il appartient de traiter de cette

3 question.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense, Monsieur Whiting, que si ce

5 que vous proposez devait se faire, cela créerait un précédent à savoir si

6 vous demandez que le témoin reste un peu plus longtemps que prévu. Il faut

7 que cela se fasse par voix de requête, n'est-ce pas ?

8 M. WHITING : [interprétation] J'allais l'intention de soumettre une

9 requête. Je m'en occupe, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Donc, il n'est pas besoin

11 d'en discuter en dehors du prétoire avec la Défense ou avec les Juges de la

12 Chambre. Vous pouvez simplement présenter votre requête. Bien sûr, vous

13 pouvez en discuter avec la Défense pour déterminer quelle prolongation sera

14 nécessaire. Mais c'est tout.

15 M. WHITING : [interprétation] C'est l'intention que j'avais.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Sur le deuxième point,

17 c'est la première fois que les Juges de la Chambre indiquent qu'un

18 interrogatoire s'écarte un peu des points les plus importants. Nous

19 essayons de faire en sorte que Me Milovancevic revienne aux questions les

20 plus importantes dans la présente affaire. Je vous dis, encore une fois,

21 Maître Milovancevic que c'est nécessaire. Je ne veux pas vous limiter dans

22 votre contre-interrogatoire, mais je pense qu'il est très important de

23 rester pertinent. Dans la dernière période de votre contre-interrogatoire,

24 il y a manque de pertinences du point de vue des dates évoquées puisque

25 nous avons parlé de 1971, c'est-à-dire, 20 ans avant la période retenue

26 dans l'acte d'accusation. Maintenant, nous parlons de la constitution et de

27 la présidence de la RSFY, ce témoin a dit en une phrase qu'il existait un

28 système de rotation permettant à chacune des républiques et des provinces

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1 autonomes qui étaient au nombre de deux d'obtenir la possibilité d'être

2 représentées à la présidence de la présidence. Je ne suis pas sûr que nous

3 ayons besoin de quoique ce soit d'autres. Mais si vous estimez que d'autres

4 éléments sont nécessaires, n'hésitez pas à interroger le témoin mais

5 faites-le le plus rapidement possible.

6 Je vous remercie.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je tiendrais compte de ce que vous venez

8 de dire, Monsieur le Président. Je m'en tiens toujours à ce que vous dites.

9 J'ai le plus grand respect pour les propos émanant de vous. Je souhaitais

10 simplement dire que la Défense s'est efforcée d'aborder un élément qui est

11 de la plus haute pertinence à savoir les efforts déployés pour détruire la

12 Yougoslavie qui, en 1990, était la seule entité reconnue sur le plan

13 international. Ces efforts n'ont pas commencé en février 1989, mais bien

14 avant cette date, une vingtaine d'années. Donc, ce qui se passait en 1990,

15 n'était que la dernière étape d'un long processus où il importe au plus

16 haut point de déterminer les rôles des différents protagonistes impliqués,

17 leurs véritables objectifs et leurs objectifs cachés afin de conclure sur

18 la réalité de ce qui s'est passé, à ce moment-là, dans la vie politique de

19 la Yougoslavie. Je regrette d'avoir imposé à la Chambre de première

20 instance un nombre aussi important de faits relatifs à une période

21 antérieure à celle qui est évoquée dans l'acte d'accusation, mais c'est une

22 période qui a scellé le début des événements et ont conduit à l'explosion

23 de 1991. Tout au long des débats ici, nous parlons de la Croatie, de la

24 JNA, de son rôle en tant qu'agresseur et la Défense s'efforce simplement de

25 mettre l'accent sur un détail important, à savoir que la seule entité

26 légitime sur le plan légal au niveau international, en 1990, était la

27 République fédérative socialiste de Yougoslavie. La Yougoslavie était le

28 seul sujet en droit international à l'époque. Pour comprendre ce qui se

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1 passait et les causes réelles qui ont conduit aux conséquences et aux

2 effets que nous connaissons, je suis entré dans le détail de ces événements

3 préalables de façon à ce que les Juges puissent avoir une image globale de

4 la situation.

5 Puis-je poursuivre ?

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous êtes allé dans le détail de façon

7 très approfondie mais sans nous dire ce que Martic faisait entre 1991 et

8 1990. Or, les Juges de la Chambre sont ici pour s'occuper de M. Martic.

9 Nous n'avons pas entendu un mot à son sujet quant à ce qu'il faisait

10 éventuellement depuis 1971. Mais veuillez poursuivre, Maître Milovancevic.

11 Reprenez votre contre-interrogatoire.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes en

13 contre-interrogatoire et quant au rôle de M. Martic dans la période en

14 question, la Défense a un autre objectif que de déterminer son rôle dans

15 cette période. Elle s'efforce de décrire cette période qui a conduit aux

16 événements ultérieurs. Nous ne faisons que répondre réagir aux questions

17 posées par l'Accusation au cours de l'interrogatoire principal. Je vais

18 reprendre le cours de mes questions.

19 Q. Monsieur Babic, est-ce que la dernière conséquence de la décision

20 d'enlever aux Serbes leur statut de Nation et de peuple constitutif dans la

21 constitution croate a eu des effets sur le plan légal ?

22 R. Que voulez-vous dire ? Il y a deux questions dans votre question, me

23 semble-t-il ?

24 Q. Je vais essayer d'être plus précis. Vous dites que le parlement croate

25 a adopté les amendements à la constitution, rejetant de ce fait -- enlevant

26 de ce fait, aux Serbes leur statut de peuple constitutif, de nation au sein

27 de la Croatie, n'est-ce pas ?

28 R. J'ai été très précis. J'ai dit que le 25 juillet 1991, le parlement

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1 croate a adopté les amendements constitutionnels proposés et qu'au mois de

2 décembre, je ne me rappelle le jour exactement, mais je crois que c'était

3 le 23 décembre lorsque la nouvelle constitution de la République de Croatie

4 a été votée, les Serbes ont cessé d'être traités en tant que peuple

5 constitutif, en tant que nation mais ont été réduits au statut de minorité

6 nationale. J'espère avoir bien répondu à votre question.

7 Q. Le droit à l'expression politique et le statut de la Croatie en tant

8 que membre de la Fédération yougoslave permettait-il à la Croatie d'enlever

9 aux Serbes ce droit en tant que peuple constitutif et de les réduire à une

10 minorité nationale ? Je parle du droit à l'expression politique.

11 R. Cette question a donné naissance à un débat qui a commencé en avril,

12 mai 1991. Je pense que c'est à cela que vous faites référence, en tout cas,

13 à la question. Merci.

14 R. Le statut d'Etat a été discuté et a fait l'objet d'un accord entre les

15 présidents des républiques qui se sont réunis dans le cadre de la crise qui

16 se développait à cette époque-là. Mais pouvez-vous me dire de quelle

17 période vous parlez exactement ?

18 Q. Nous reviendrons là-dessus. Monsieur Babic, vous avez dit que le Parti

19 démocratique serbe a commencé à débattre des questions d'une importance

20 vitale pour la population serbe de Croatie et vous avez ajouté en parlant

21 de cela que les amendements de la constitution croate ont été rejetés par

22 les Serbes de Croatie, n'est-ce pas ? Quand est-ce qu'ils ont rejeté ces

23 amendements ?

24 R. Lors d'une session du parlement croate ou plutôt de l'assemblée du

25 peuple serbe de Croatie, qui s'est tenue le 25 juillet 1991, ces

26 amendements ont été rejetés dans le cadre d'un débat sur la

27 constitutionnalité de ces amendements pour les Serbes de Croatie. J'espère

28 avoir répondu à votre question.

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1 Q. Est-ce que cette réunion a eu lieu le 25 juillet et s'est-elle tenue

2 dans la ville de Srb ? Je vous demande également qui a assisté à cette

3 réunion et quelles ont été les décisions prises par cette réunion de

4 l'assemblée ?

5 R. 100 000 Serbes de la République de Croatie, donc des habitants serbes

6 du territoire croate ont participé à la réunion -- à cette réunion de

7 l'assemblée. Quelle était votre deuxième question ?

8 Q. Y avait-il des représentants politiques des Serbes de Croatie à cette

9 réunion de l'assemblée ?

10 R. Oui. Ils représentaient le Parti démocratique indépendant yougoslave.

11 C'était -- il y avait aussi des représentants de l'église orthodoxe serbe

12 et des particuliers serbes, bien entendu.

13 Q. Tout cela se passait le 25 juillet 1990, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Parce qu'au compte rendu d'audience en anglais, je lis la date de 1991,

16 donc il faut qu'une correction soit apportée à la date.

17 R. En effet.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quelles ont été les principales décisions

19 prises ? Quelle a été la déclaration adoptée à l'issue de cette réunion ?

20 R. La déclaration adoptée rejette les projets d'amendement constitutionnel

21 proposé en Croatie qui relégueraient les Serbes de Croatie comme un peuple

22 égal à tous les autres sur le territoire de la République croate. Dans

23 cette déclaration, il est confirmé également que les amendements

24 constitutionnels, relatifs à la suppression de l'assemblée des

25 municipalités, sont rejetés; aussi, cette déclaration évoque également les

26 suppositions qui y sont faites sur les relations entre les différentes

27 républiques à l'avenir. Il est dit, par conséquent, sur ce point qu'à

28 l'avenir, si la Yougoslavie demeure une Fédération, le peuple serbe demande

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1 son autonomie territoriale. Elle demande la création d'une Confédération

2 d'Etat au sein de laquelle le peuple serbe jouirait d'une autonomie

3 déterminée sur le territoire de la République de Croatie. Mais vous avez le

4 texte de la déclaration. Si vous souhaitez que nous en discutions plus en

5 détail, vous pouvez la citer.

6 Q. Oui. C'est une bonne idée de placer le texte de cette déclaration sur

7 le rétroprojecteur de façon à ce qu'on puisse la voir sur les écrans,

8 déclaration sur la souveraineté et l'autonomie du peuple serbe en date du

9 25 juin 1990, qui a pour numéro de -- numéros ERN 02141952 et 02141953. Je

10 crois savoir qu'il s'agit de la pièce à conviction 141.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voudriez

12 -- que vous souhaitez avoir cela sous le rétroprojecteur ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, est-ce que nous pourrions

15 placer ce document sur le rétroprojecteur ? On vient de me dire qu'il

16 pourrait être affiché par mode électronique.

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction 141

18 et je pense, effectivement, que nous pouvons l'avoir par affichage

19 électronique. Nous avons la déclaration sur notre écran.

20 Q. Est-ce que vous pourriez peut-être nous donner lecture de ce qui est

21 dit ? C'est en B/C/S ou en langue serbe ? Il y a une version anglaise

22 également. Alors, est-ce que vous pouvez nous donner lecture de la première

23 partie ?

24 R. "Au sein des frontières de la République socialiste de la Croatie qui

25 est l'Etat du peuple également qui vit dans la République socialiste de la

26 Croatie, la nation serbe sur la base de ses caractéristiques géographiques

27 historiques sociales et culturelles est une nation souveraine avec tous les

28 droits stipulés par la souveraineté des nations."

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1 Vous voulez que je continue ma lecture.

2 Q. Non, nous allons nous arrêter pour un petit moment. Pour ce qui est de

3 ce premier paragraphe, donc, de l'article 1, paragraphe premier, est-ce

4 qu'il s'agit d'une référence au peuple serbe qui se trouve dans les

5 frontières de la Croatie ? Cela n'est pas -- cela -- il n'y pas de litige à

6 ce sujet ? Il s'agit des Serbes qui vivent au sein des frontières de la

7 République de la Croatie, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Alors, est-ce que vous pouvez poursuivre cette lecture, je vous prie,

10 le paragraphe suivant.

11 R. "Le peuple serbe de la République socialiste de Croatie a

12 -- ou jouit du droit à vivre en communauté avec la population croate, ou de

13 façon indépendante à établir de nouveaux liens avec la Yougoslavie s'ils

14 devaient décider de choisir soit une organisation fédérative ou une

15 organisation d'Etat confédéral."

16 Q. Paragraphe suivant, je vous prie.

17 R. "Dans des situations, alors, des nations peuvent faire sécession, mais

18 pas les Etats, donc, les nations peuvent faire sécession, mais pas les

19 Etats."

20 Q. Merci, Monsieur Babic. Ces citations de la déclaration relative à

21 l'autonomie du peuple serbe, est-ce que ce sont des citations qui sont

22 conformes aux dispositions de la constitution croate et de la constitution

23 yougoslave ? Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans ce texte qui serait

24 contraire aux droits positifs yougoslaves ?

25 R. J'en ai déjà parlé. J'ai déjà dit que les Serbes et les représentants

26 politiques serbes de l'époque interprétaient les principes de la

27 constitution croate, et ce, en conformité avec ces principes. Alors, pour

28 ce qui est des principes et du concept de savoir qui avait le droit de

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1 faire sécession, à savoir, est-ce qu'il s'agissait des républiques ou du

2 peuple, c'est une question qui a été débattue à l'époque. Les Serbes ont

3 accepté ce concept préconisé par Milosevic et le Parti socialiste, ainsi

4 que la direction de la Serbie qui s'est réunie en septembre. Cela a été

5 exposé par quelqu'un - dont l'interprète n'a pas saisi le nom - à savoir

6 qu'il s'agissait des nations qui avaient le droit à l'autodétermination

7 quelque soit leur -- les frontières de la république, et cela avait trait à

8 cette disposition particulière à ce concept et au fait qu'il ait été

9 accepté.

10 Q. Est-ce que vous pouvez nous donnez lecture du paragraphe 2 de la

11 déclaration ?

12 R. "Sur la base de sa souveraineté, le peuple serbe en Croatie a le droit

13 à l'autonomie. Les caractéristiques ou le fond de cette autonomie dépendra

14 de la configuration fédérale ou confédérale de la Yougoslavie dans des

15 conditions d'un Etat fédéral. Le peuple serbe aura le droit, et ce, de

16 façon -- sans obstacle et sans limite, le droit à utiliser la langue

17 littéraire serbe de façon officielle et de façon privée et d'avoir

18 l'alphabet cyrillique dans les écoles ainsi que des programmes scolaires

19 serbes." Le texte, en fait, se termine là parce que je ne vois plus rien

20 sur mon écran.

21 Q. Est-ce que vous pouvez, je vous prie, prendre la page suivante du même

22 document.

23 R. Cela continue. "Les associations culturelles -- ou les institutions

24 culturelles et politiques, les entreprises, la presse et la radio et

25 télévision serbe, une organisation de ce type d'autonomie peut être mis en

26 œuvre seulement par le truchement d'autogouvernements municipaux, notamment

27 dans les municipalités où les Serbes représentent la majorité, et en

28 établissant des liens avec ces municipalités au sein des communautés dans

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1 les conditions d'un Etat de Confédération -- et d'autonomie politique et

2 territoriale."

3 Q. Merci, Monsieur Babic. Dans ce deuxième alinéa de la déclaration.

4 D'après ce qui vient d'être dit, est-ce que la population ou le peuple

5 serbe en Croatie est appelé à jouir de ses droits constitutionnels qui

6 existaient jusqu'à ce moment-là et qui existaient pour eux en tant que

7 nation ?

8 R. Oui.

9 Q. Au paragraphe 2, alinéa 2, est-ce que nous voyons quels sont les droits

10 du peuple serbe dans le cadre d'un scénario d'Etat fédéral. Est-ce que

11 c'est ce qui est stipulé ?

12 R. Oui. Ce sont les droits qui sont requis ou qui sont exigés pour que ces

13 droits puissent être concrétisés. Oui.

14 Q. Pour ce qui est de ces droits, des droits qui sont mentionnés au

15 paragraphe 2, le droit à utiliser la langue littéraire serbe, le droit à

16 utiliser l'alphabet cyrillique, le droit à avoir des écoles ou des

17 programmes scolaires serbes, et avoir des écoles ou des programmes

18 scolaires serbes et avoir des écoles serbes, le droit avoir des

19 institutions politiques, culturelles, le droit avoir leurs propres

20 entreprises, leurs presses, et la radio télévision serbe. Est-ce que ce

21 sont des droits dont jouissait la population serbe à l'époque en Croatie ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que le peuple serbe pouvait véritablement bénéficier de ces

24 droits sur la base d'auto gouvernement municipaux tels qu'ils sont établis

25 au paragraphe 3, notamment, dans les municipalités où les Serbes

26 représentaient la majorité et pour ce qui est du lien établit avec les

27 municipalités en une communauté ?

28 R. Oui. C'était la meilleure façon pour pouvoir jouir de ces droits.

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1 Q. Ces requêtes, ces deux demandes, ces exigences, il s'agit de droits de

2 l'homme démocratique et fondamentaux, ce sont des droits sur lesquels ont

3 insisté la population serbe à un moment donné où les amendements à la

4 constitution croate était sur le point d'être adoptés, et à un moment où

5 les Serbes étaient barrés de la constitution, à un moment où la langue

6 serbe était rejetée de la constitution, et à au moment où les gouvernements

7 locaux n'étaient plus possibles, n'avaient plus de citer par le biais de la

8 communauté des municipalités, parce qu'eux également, ils étaient écartés

9 ou évincés de la constitution.

10 R. Oui.

11 Q. A l'alinéa 2, est-ce qu'il est question d'autonomie ? Ensuite, il y a

12 deux options qui sont stipulées, l'une de ces variantes serait au sein d'un

13 Etat fédéral et la deuxième possibilité se place dans un Etat de

14 Confédération ?

15 R. Oui. Ce sont les possibilités, les solutions envisagées et les

16 conditions, parce que des solutions de ce type faisaient déjà l'objet de

17 discussions dans l'ensemble de la Yougoslavie.

18 Q. Vous avez dit que la direction de la Croatie dirigée par Franjo Tudjman

19 parlait d'une configuration de Confédération pour la Yougoslavie ou vous

20 parlez d'une Croatie indépendante; est-ce que cela est exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Au dernier paragraphe de cette déclaration relative à la souveraineté,

23 à l'autonomie du peuple serbe, ou il s'agit du dernier alinéa du paragraphe

24 2, il est dit, n'est-ce pas, que dans le cadre d'un Etat confédéral, le

25 peuple serbe en Croatie aurait le droit à une autonomie territoriale

26 politique; est-ce bien ce qui est indiqué ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que ce dernier paragraphe est une réponse aux possibilités

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1 politiques éventuelles auxquelles aspiraient les nouveaux dirigeants de la

2 Croatie à savoir des amendements constitutionnels dont nous avons parlé ?

3 R. Oui.

4 Q. Aux alinéas 3, 4 et 5 de cette déclaration, portant sur l'autonomie et

5 la souveraineté du peuple serbe, est-ce qu'il est indiqué qui devrait être

6 le représentant politique du peuple serbe en Croatie ?

7 R. Oui.

8 Q. Ces représentants politiques du peuple serbe en Croatie, est-ce qu'ils

9 se trouvent à l'assemblée ou Sabor serbe ou est-ce que -- conformément à

10 cette déclaration, est-ce qu'il s'agit du Sabor serbe ou de l'assemblée ?

11 R. Oui.

12 Q. Au paragraphe 4 de la déclaration, est-ce qu'il est dit que le conseil

13 national serbe a le droit d'organiser un plébiscite à l'intention du peuple

14 serbe pour qu'il puisse indiquer leur point de vue sur toutes les questions

15 représentant l'intérêt vital à leurs positions en Croatie et en Yougoslavie

16 ainsi qu'à propos d'autres questions qui ont à voir avec la mise en œuvre

17 de la souveraineté serbe et de l'autonomie serbe ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que le paragraphe 6 de cette déclaration stipule que cette

20 assemblée serbe, le Sabor serbe, lors de la sa séance a Srb, le 25 juillet

21 1990, a proclamé nul et non advenu pour le peuple serbe en Croatie tous les

22 amendements juridiques et constitutionnels qui niaient leur souveraineté en

23 tant que nation et qu'il diminuait leur droit à l'autonomie ?

24 R. Oui.

25 Q. Oui. Jusqu'à cette époque-là, est-ce que le Sabor ou l'assemblée croate

26 avait déjà rejeté tous les amendements serbes ?

27 R. Non. Ce jour-là l'assemblée s'est réunie à Zagreb le même jour.

28 Q. Le même jour, le jour où l'assemblée s'est réunie à Zagreb, quel fût le

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1 sujet de discussion ?

2 R. Bien. Ce fut l'adoption des amendements constitutionnels. Cela se

3 trouvait à l'ordre du jour. Mais voilà ce que je souhaiterais dire : ce fut

4 une réaction à la réunion du parlement croate qui souhaitait adopter les

5 amendements à la constitution dont nous discutons ici.

6 Q. Est-ce que nous pouvons dire qu'en adoptant cette déclaration les

7 représentants du peuple serbe en Croatie ont juste essayé d'écarter les

8 conséquences négatives qui auraient émané d'un changement dans la

9 constitution croate ?

10 R. Oui, ou plutôt laissez-moi être plus précis. Ils voulaient protéger

11 leur droit conformément aux principes de la constitution qui était en

12 vigueur jusqu'à cette époque-là.

13 Q. Merci, Monsieur Babic. Est-ce que, dans la déclaration au paragraphe 7,

14 il est indiqué que le peuple serbe en Croatie ne souhaite faire rien

15 d'autre que d'affirmer le droit dont jouissent les autres nations modernes

16 en Europe, et ce, depuis un certain temps ?

17 R. Oui.

18 Q. Cette assemblée de Serbes ou à Srb plutôt, je pense à son modus

19 operandi; est-ce qu'il y a eu -- de la part des participants, eu un

20 comportement nationale extrémiste, ou est-ce que vous pensez qu'il

21 s'agissait tout simplement d'une lutte pour obtenir leurs droits nationaux

22 essentiels ?

23 R. Vous m'avez posé deux questions. Cela ne représentait pas

24 -- ne constituait pas un comportement nationaliste extrémiste, mais plutôt

25 tel que cela a été vu par l'homme de la rue ou plutôt comme je l'interprète

26 également. En fait, il s'agissait de l'autre moitié du parlement de Croatie

27 parce qu'il y avait la moitié -- bon, ce n'était peut-être pas exact au

28 chiffre près, mais il y avait la moitié qui était en session à Zagreb, à ce

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1 moment-là, et il s'agissait de l'autre moitié qui était composée de Serbes.

2 Q. Qu'en est-il du Conseil national serbe ? Il s'agissait de l'organe

3 exécutif du Sabor croate, de l'assemblée croate, donc, est-ce qu'il a agi

4 conformément au paragraphe 4 de cette déclaration, à savoir, est-ce qu'il

5 organisait un plébiscite pour le peuple serbe en Croatie par le truchement

6 duquel toutes les questions pertinentes seraient posées à propos de leur

7 statut ?

8 R. Oui.

9 Q. Quand est-ce que cela a été fait et comment cela a été fait ?

10 R. Le Conseil national serbe a été élu par l'assemblée à Srb et il a été

11 constitué le 31 juillet 1991 lors de sa première séance, je pense qu'une

12 décision fût être prise afin que soit organisé un référendum. En fait, la

13 base juridique de ce référendum n'a pas été précisée. Il était juste

14 indiqué qu'un plébiscite ou un référendum pour le peuple serbe serait

15 organisé et jusqu'à, en fait, que ce soit établi la base juridique pour

16 organiser ce dit plébiscite. Lors de sa deuxième réunion, le Conseil

17 national serbe à Dvar Na Uni a adopté une décision, le 16 août, pour que ce

18 référendum qui avait annoncé ou ce plébiscite soit mené à bien conformément

19 à la constitution de la Croatie et la Yougoslavie conformément aux lois

20 pertinentes et que cela ne s'appellera pas un référendum mais cela serait

21 appelé une expression de points de vue conformément à la constitution

22 croate.

23 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que le peuple serbe, en

24 Croatie, a exprimé son point de vue de cette façon ?

25 R. Du 17 août 1990 jusqu'au 2 septembre 1990.

26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi. Je souhaiterais poser

27 une question et, lors de votre réponse précédente, Monsieur Babic, vous

28 avez parlé du 31 juillet 1991, mais je suppose qu'il s'agit de l'année

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1 1990, n'est-ce pas ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je voulais dire 1990. D'ailleurs pour les

3 autres réponses, pour l'autre réponse, je dirais que j'ai dit du 19 août

4 1990 jusqu'au 2 septembre 1990. Alors que sur l'écran, je vois que figure

5 une autre date, la date du 17 août.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

7 Q. Donc, le plébiscite fût organisé et quelle a été la participation

8 électorale à ce plébiscite et quels ont été les points de vue exprimés par

9 la population ?

10 R. Alors, je dirais pour décrire la participation électorale qu'elle a été

11 de quasiment, 100 %, ce qui signifie qu'un très grand pourcentage de

12 personnes a exprimé sa voix. Le plébiscite -- ou plutôt cette expression de

13 vue a été organisée sur le territoire de la Croatie, en Yougoslavie et à

14 l'étranger. Ce qui signifie que les Serbes de Croatie qui ne vivaient même

15 pas en Croatie, à l'époque, ont voté également. Puis, il y avait des

16 interprétations parce que parfois d'aucuns se sont demandés si la

17 participation n'avait pas été supérieure à 100 %. Un grand nombre de Serbes

18 sont venus exprimer leurs points de vue et 99 % des personnes qui ont voté

19 dans le cadre de ce référendum se sont exprimées en faveur de l'autonomie.

20 Q. Donc, le peuple serbe, en Croatie, qui a participé à ce référendum,

21 est-ce que ce peuple serbe a exprimé son point de vue à propos de

22 l'autonomie en Croatie ?

23 R. Oui.

24 Q. Au mois de décembre 1990, le Conseil national serbe, à la présidence

25 provisoire des municipalités de Dalmatie et de Lika, ont-elles proclamé la

26 Région autonome de la Krajina serbe et ont adopté le statut de la Krajina ?

27 R. Oui.

28 Q. Cette Région autonome serbe de Krajina, d'après ce statut et la

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1 décision de proclamation, est-ce défini -- cette région autonome prend-elle

2 la forme d'une autonomie territoriale à l'intérieur de la République

3 croate ?

4 R. Oui.

5 Q. Peut-on dire que le Conseil national serbe est un organe exécutif de

6 l'assemblée serbe, organe provisoire et que les Serbes attendaient les

7 résultats du plébiscite et que, par conséquent, il set parvenu à une

8 décision sur la création de la Région autonome serbe de la Krajina comme

9 faisant partie intégrante de la République de Croatie; autrement dit,

10 jouissant d'une autonomie à l'intérieur de la Croatie ? Autrement dit, il

11 respectait la volonté politique du peuple serbe.

12 R. Le Conseil national serbe n'a fait que proclamer cette décision à

13 laquelle nous étions parvenus, c'est-à-dire que les assemblées des

14 municipalités, qui constituaient les municipalités de la Dalmatie du Nord

15 et de Lika, donc, elles ont ceci a été rebaptisées Région autonome serbe de

16 la Krajina. Ce n'est pas le Conseil national qui est parvenu à cette

17 décision. Ils ont simplement proclamé que les municipalités confirmaient ce

18 statut et que la Région autonome de la Krajina a été créée et faisait

19 partie intégrante de la République de Croatie.

20 Q. Très bien, Monsieur Babic. Je vous remercie pour votre réponse. Je

21 crois qu'il est tant de lever l'audience. Il est maintenant 13 heures 45.

22 Nous reprendrons cette audience lorsque les Juges de la Chambre nous le

23 dirons.

24 M. WHITING : [interprétation] C'est un problème secondaire, mais je

25 souhaite simplement soulever cette question. Je me demande si les Juges de

26 la Chambre pourraient dire au conseil de la Défense de ne pas toujours dire

27 au témoin : "C'est tout à fait exact," toutes les fois qu'il réponde.

28 Toutes les fois que le témoin répond, le conseil de la Défense dit : "Oui,

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1 c'est exact, Monsieur Babic." Si on peut simplement empêcher de le -- si on

2 peut l'empêcher de présenter un argument aussi subjectif.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien que ceci fasse, effectivement,

4 l'objet d'un argument, ceci se fait l'écho de l'enregistrement de la

5 procédure et ce n'est pas acceptable, Maître Milovancevic. C'est quelque

6 chose qui doit être découragée dans ce genre de prétoire. Je ne sais pas

7 pourquoi vous faites cela --

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Écoutez, j'accepte tout ce que vous

9 venez de me dire, mais, avec tout le respect que je vous dois, je vais vous

10 fournir une explication car le témoin m'a corrigé et ma question ne

11 correspondait pas exactement à sa réponse. Donc, j'ai confirmé ses dires et

12 je ne souhaitais pas, par conséquent, influencer le témoin d'une manière ou

13 d'une autre. Mais je tiendrai compte des instructions des Juges de la

14 Chambre, bien entendu.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Milosevic.

16 L'audience est levée et nous reprendrons le 2 mars, à 14 heures 15, à la

17 salle d'audience numéro I, ce prétoire.

18 L'audience est levée.

19 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le jeudi 2 mars 2006,

20 à 14 heures 15.

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