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1 Le jeudi 30 mars 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 LE TÉMOIN: MARKO MILJANIC [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaiterais mettre en garde le
9 témoin, pour vous dire Monsieur, que vous êtes toujours tenu par la
10 déclaration solennelle que vous avez prononcée hier. Vous aviez dit que
11 vous allez dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous en
12 remercie.
13 Maître Perovic ?
14 M. PEROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Contre-interrogatoire par M. Perovic : [Suite]
16 Q. [interprétation] Nous avons commencé le contre-interrogatoire hier, et
17 nous allons le terminer aujourd'hui, Monsieur Miljanic. Vous avez dit hier
18 qu'en septembre 1991, vous avez été nommé commandant de la Défense à
19 Skabrnja et que sous votre commandement à Skabrnja il y avait 242 personnes
20 qui étaient soit des volontaires, soit des policiers de réserve; est-ce
21 exact ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Vous avez mentionné le moment où le 2 octobre 1991, les femmes, les
24 enfants et les personnes âgées, et ce, en accord avec la cellule de Crise
25 de la municipalité, ont été évacués dans des autobus de Skabrnja; est-ce
26 exact ?
27 R. Oui, c'est exact.
28 Q. Vous avez dit que ces 242 hommes sont restés dans le village et que
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1 leur tâche consistait à protéger le village; est-ce exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous avez également dit qu'à cette époque, vous aviez 42 ans et que
4 vous étiez la personne la plus âgée ou vous étiez l'une des personnes les
5 plus âgées parmi toutes les personnes qui étaient restées pour protéger le
6 village; est-ce exact ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. J'aimerais préciser quelque chose : qui a mobilisé ces 242 hommes qui
9 sont restés dans le village ? Comment est-ce que cela s'est passé ? Comment
10 se fait-il qu'ils se soient retrouvés sous votre commandement ?
11 R. Ce n'était pas une véritable mobilisation. En tant que soldat, je sais
12 ce que signifie mobilisation et ce que cela représente. Tout simplement à
13 cette époque, le chef de l'administration de la police, M. Ivan Brzoja, a
14 envoyé des policiers de réserve qui étaient de Skabrnja. Il les a envoyés
15 pour qu'ils aillent à Skabrnja afin d'assurer la paix et la protection dans
16 le village. Les autres étaient des volontaires. Il ne s'agissait pas de
17 personnes mobilisées. Il ne s'agissait que de volontaires qui s'étaient mis
18 à disponibilité et qui avaient dit qu'ils seraient dans le village et
19 qu'ils le protégeraient.
20 Q. Merci. Vous avez dit qu'en moyenne leur âge, je parle de l'âge des
21 réservistes, était compris entre 30 et 35 ans; est-ce exact ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Est-ce que c'était les seuls qui étaient armés à Skabrnja ?
24 R. Il y avait peut-être quelques civils qui venaient de Zadar pour
25 s'occuper de leur bétail, voir ce qui advenait de leur bétail, pour voir
26 leur propriété. Il s'agissait de chasseurs. Ce que je veux dire, c'est que
27 ceux qui n'étaient pas chasseurs n'avaient pas d'armes.
28 Q. Je vous pose cette question parce que dans votre déclaration au
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1 tribunal de Zadar à la page 8, vous aviez dit qu'il y avait des personnes
2 âgées qui avaient des armes.
3 R. Oui, c'est ce que j'ai dit, c'est vrai.
4 Q. Vous voulez dire que vous vouliez parler des chasseurs qui venaient ?
5 R. Oui, les chasseurs. Tous les jours, il y avait des gens qui venaient de
6 Zadar parce qu'ils avaient des vaches, des chevaux, des moutons, leur
7 bétail, leurs biens, leur propriété, il fallait bien qu'ils donnent à
8 manger à leur bétail. A Skabrnja, il y avait des chasseurs. Il y avait
9 entre 25 et 30 chasseurs, pour l'essentiel il s'agissait de personnes
10 âgées.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous demanderais de ne pas oublier
12 d'attendre un petit moment pour attendre que le conseil de la Défense ait
13 fini de poser sa question, sinon les deux voix se chevauchent.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
15 M. PEROVIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur Miljanic, en tant qu'expert militaire, comment est-ce que vous
17 pourriez décrire ce groupe de 243 hommes, quelles étaient leurs
18 caractéristiques ?
19 R. Voilà ce que je dirais à leur sujet. Avant la guerre, sur le territoire
20 de l'ancienne Yougoslavie, il y avait une Défense territoriale. Je les
21 considérais comme des membres de la Défense territoriale, parce qu'à cette
22 époque, nous n'avions pas de structure militaire. C'est pour cela qu'ils
23 avaient les noms de l'armée populaire yougoslave. Donc nous avions des
24 escouades, des pelotons, des sections, des compagnies. Tout cela reprenait
25 les principes de la structure de la Défense territoriale.
26 Q. Ce groupe de 240 hommes pouvait être considéré comme un bataillon,
27 n'est-ce pas ?
28 R. Oui, mais avec les autres qui venaient des autres villages et que j'ai
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1 mentionné hier.
2 Q. Dans ces sept villages, vous aviez entre 730 à 740 hommes; est-ce
3 exact ?
4 R. Oui, plus ou moins. Les gens allaient et venaient, mais grosso modo je
5 peux dire que c'était le chiffre, oui.
6 Q. Je pense que nous devrions marquer un temps d'arrêt entre les questions
7 et les réponses pour que tout puisse véritablement être interprété.
8 Dans votre déclaration au bureau du Procureur, vous avez dit qu'à Skabrnja
9 vous aviez érigé deux barrages, l'un à l'entrée du village et l'autre au
10 milieu de Skabrnja sur la route qui va vers Biljane; est-ce exact ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Au niveau de l'un de ces postes de contrôle, vos hommes ont fait
13 prisonniers deux hommes de la JNA, il y en avait un qui s'appelait Dean
14 Brener et l'autre c'était un certain Jovanovic.
15 R. Non, ce n'est pas exact. Cela ne s'est pas passé au niveau du poste de
16 contrôle, cela s'est passé au-dessus du village, dans la forêt, au-dessus
17 des maisons. En fait, ils n'ont pas emprunté la route lorsqu'ils sont
18 arrivés. Ils passaient par la forêt.
19 Q. Mais est-ce que c'est exact qu'il s'agissait de leurs noms ?
20 R. Oui, il y avait Petar Sveljo, un policier, c'était la troisième
21 personne de ce groupe.
22 Q. Vos hommes vous ont amené ces hommes pour qu'ils soient interrogés ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 Q. Comment les avez-vous traités ?
25 R. Je les ai traités de façon tout à fait juste et équitable, en bonne et
26 due forme, et je le réitère.
27 Q. Combien de temps ont-ils passé avec vous ?
28 R. Environ deux heures et demie.
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1 Q. Et ensuite ?
2 R. Ensuite, ils ont été emmenés à Zadar.
3 Q. A qui ont-ils été remis là-bas ?
4 R. Des membres de la police sont arrivés, ils les ont emmenés, je ne sais
5 pas ce qui s'est passé plus tard à Zadar.
6 Q. Est-ce qu'il s'agissait de la police militaire du ZNG, du corps de la
7 Garde nationale ?
8 R. Je n'en suis pas entièrement sûr. Je n'en suis pas sûr. En fait, je ne
9 le sais pas. Je ne sais pas s'il s'agissait de policiers d'active ou de
10 membres du ZNG, je ne m'en souviens plus.
11 Q. Pendant cette période, est-ce que les membres de votre bataillon ont
12 fait d'autres prisonniers parmi les membres de la JNA, parmi les officiers
13 de la JNA ?
14 R. Oui, au-dessus du village, il y a deux ou trois soldats, je ne m'en
15 souviens pas. Je sais qu'il y en avait un qui venait de Varazdin. Donc il y
16 avait deux ou trois hommes, et les autres 80 soldats sont arrivés de leur
17 propre chef. Ils étaient armés. Ils nous ont donné leurs armes, et ils nous
18 ont dit qu'ils s'étaient enfuis de la JNA.
19 L'INTERPRÈTE : La question n'a pas été entendue par les interprètes.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez ralentir ?
21 L'interprète n'a pas entendu la question. Je sais que lorsque l'on pose des
22 questions, on veut aller vite en besogne et on peut être passionné, mais
23 j'aimerais quand même que vous puissiez ne pas parler trop rapidement. Je
24 vous en remercie, Maître Perovic.
25 M. PEROVIC : [interprétation] Je vais répéter la question.
26 Q. Comment est-ce que ces soldats ont été traités, les soldats dont vous
27 venez de parler maintenant ?
28 R. Ils ont été traités de façon tout à fait juste. Ils ont tous été
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1 envoyés à Zadar, tous.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [hors micro]
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cela ne s'est pas passé
4 en une seule journée. Cela s'est passé pendant ces dix ou 15 jours. Les
5 gens arrivaient. Parfois, il y avait un groupe de cinq. Parfois, il y avait
6 un groupe de sept, de dix. Enfin, quoi qu'il en soit, cela nous a donné un
7 total de 80 soldats environ. Je ne connais pas le chiffre exact.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et c'est de ces 80 soldats que vous
9 parlez maintenant ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en remercie.
12 Poursuivez, Maître Perovic.
13 M. PEROVIC : [interprétation]
14 Q. Dans votre déclaration auprès du tribunal de Zadar, vous avez dit à
15 l'époque que vos hommes avaient capturé plus de 50 officiers et soldats
16 ennemis; est-ce exact ?
17 R. Oui. C'est ce que j'ai dit à ce moment-là. Mais il y avait des éléments
18 de preuve. Ils sont arrivés -- ce sont eux qui sont venus en fait. Bon, je
19 l'ai écrit comme cela parce que, enfin, je ne sais pas en fait.
20 Q. A la même occasion, toujours au tribunal de Zadar, vous avez mentionné
21 une unité spéciale qui était placée sous le commandement d'un certain Djuro
22 Zupan qui est arrivée à Skabrnja. De quelle unité s'agissait-il ?
23 R. C'était une unité spéciale, un peloton d'une unité spéciale du MUP de
24 Zadar. Son commandant était Djuro Zupan. Cette unité est arrivée le 15 ou
25 le 16, et elle est restée là jusqu'au matin du 17. Et le matin du 17, elle
26 est partie de Skabrnja.
27 Q. Un petit moment. Il me semble que le Procureur a une objection.
28 Mme VALABHJI : [interprétation] En fait, ce n'est pas une objection. Je
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1 souhaitais tout simplement obtenir une référence. Il est question de la
2 déclaration ou d'un procès-verbal d'un tribunal à Zadar. Je souhaiterais
3 avoir la date de la déclaration, savoir de quelle déclaration il s'agit.
4 Merci.
5 M. PEROVIC : [interprétation] Je vais vous réponde de suite. C'est une
6 déclaration du 16 novembre. Non, je m'excuse du 5 octobre 1992. Les sujets
7 dont nous avons parlé se trouvent à la page 3. Puis-je poursuivre ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais est-ce que nous allons
9 pouvoir obtenir un exemplaire de ce document, Maître Perovic ?
10 M. PEROVIC : [interprétation] Oui, oui, bien sûr.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Vous n'avez pas de traduction
12 anglaise ?
13 M. PEROVIC : [interprétation] Je pense qu'il y a un exemplaire de la
14 traduction anglaise en annexe au document.
15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'une fois de plus, ils n'ont pas
16 reçu les documents de la part de la Défense.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous auriez des exemplaires
18 de votre document pour les interprètes ?
19 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai des exemplaires
20 de ce document et je pourrais les transmettre aux interprètes si cela est
21 utile.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous vous remercions de votre aide.
23 Merci.
24 M. PEROVIC : [interprétation] Il s'agit de la page 3 du paragraphe 5,
25 de la traduction anglaise.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Perovic. Nous
27 avons effectivement vu le paragraphe en question.
28 Poursuivez.
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1 M. PEROVIC : [interprétation] Puis-je poursuivre ?
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
3 M. PEROVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Miljanic, votre bataillon de Skabrnja, est-ce qu'il avait un
5 plan conjoint avec l'unité qui était commandée par Djuro Zupan ?
6 R. Non. Il n'y avait pas de plan de ce style. Nous avons essayé tout
7 simplement de parvenir à un accord oral.
8 Q. Un accord sur quoi ?
9 R. Parce qu'il fallait mener à bien des exercices de reconnaissance et
10 attaquer les blindés qui se trouvaient au-dessus de moi, à un ou deux
11 kilomètres à Veljane.
12 Q. Ce groupe de blindés, est-ce qu'il appartenait à l'armée populaire
13 yougoslave ?
14 R. Oui, à l'armée populaire yougoslave. J'ai d'ailleurs déjà indiqué que
15 M. Brener m'en avait informé.
16 Q. Toutefois, vous n'avez pas exécuté cette tâche parce que l'unité est
17 retournée à Zadar le lendemain ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Dans votre déclaration auprès du tribunal de Zadar, vous avez dit que
20 votre bataillon avait placé deux champs de mines autour de Skabrnja; l'un
21 au niveau du nord-est de Zadar où des tranchées ont été creusées et où des
22 mines antipersonnel et anti-blindés ont été posées. Combien de mines y
23 avaient-ils ? Est-ce que vous vous en souvenez, Monsieur Miljanic ?
24 R. Monsieur le Président, je pense que nous devons préciser cela. J'étais
25 en train d'improviser. Je fabriquais des mines en utilisant des explosifs.
26 Il y en avait plus d'une centaine. Je mettais des roches et des explosifs
27 parce que j'étais un expert en explosif et cela a été fait avec l'intention
28 d'empêcher toute incursion dans Skabrnja, parce que je savais ce qu'avait
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1 l'armée populaire yougoslave. Je n'avais peut-être que dix véritables mines
2 antichars. Les autres, c'étaient des mines ou des champs de mines de
3 fortune, improvisées, qui étaient fabriquées avec des explosifs qui étaient
4 utilisés à des fins commerciales. Je n'avais pas d'explosifs militaires.
5 Donc je ne pouvais pas utiliser d'autres choses. C'est ce que je voulais
6 vous dire à propos de ces mines.
7 Q. Pour ce qui est du nombre, est-ce qu'il y avait plus d'une centaine ?
8 Il semble que c'est ce que vous venez de dire.
9 R. Oui, oui. Je le pense parce que j'avais mis un kilo d'explosif dans
10 chacun. Donc, un kilo d'explosif et ensuite, je recouvrais cela de
11 cailloux.
12 Q. En tant qu'expert militaire, est-ce que vous pensez qu'il s'agit là
13 d'une grande quantité de mines ?
14 R. Non. Je ne le pense pas. Ce n'est pas une grande quantité. Je sais ce
15 qu'est un champ de mines. J'ai moi-même été blessé plus tard par une mine.
16 Je m'occupais de cela d'ailleurs dans l'armée populaire yougoslave. C'était
17 plus une question de soutien moral pour mes hommes qui n'avaient absolument
18 aucune idée de ce qu'était l'art de la guerre et la guerre.
19 Q. Lors de votre témoignage dans l'affaire Milosevic, vous avez mentionné
20 que même la JNA n'avait pas 1 000 mines.
21 R. La JNA avait des millions de mines. Elle avait des millions de mines.
22 Q. Est-ce que c'est ce que vous avez dit dans l'affaire Milosevic, vous
23 avez dit que la JNA n'avait pas mille mines ?
24 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne pense pas que j'aie dit cela. Peut-être
25 que c'est possible, peut-être que je l'ai dit.
26 Q. Vous avez également dit que cette ligne de défense n'aurait pu être
27 franchie par personne; est-ce exact ?
28 R. C'est ce que j'ai dit dans mes rapports - et je le répète - afin que
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1 cela soit un soutien moral pour mes 240 hommes qui ne voulaient pas quitter
2 le village, mais cela n'était pas vrai.
3 Q. D'après votre déclaration, Monsieur Miljanic, le deuxième champ de
4 mines se trouvait près de Gradina à Zemunik.
5 R. C'est vrai.
6 Q. Près de l'aéroport ?
7 R. Non, pas près de l'aéroport mais près de l'hôpital psychiatrique. Pas
8 vers l'aéroport. Non. Cela, c'est une direction différente.
9 Q. Est-ce que qu'il y avait un aéroport à Zemunik ?
10 R. Oui, entre Zadar et Zemunik. Ce champ de mines auquel vous faites
11 référence se trouve entre Skabrnja et Zemunik.
12 Q. Monsieur Miljanic, est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos du
13 bouclage de baraques de la JNA en Croatie cette année-là ?
14 R. Non. Je n'en sais rien parce que j'ai quitté ces casernes de mon propre
15 chef, de façon tout à fait digne et pacifique. J'ai dit au revoir à tout le
16 monde. Je ne me suis pas enfui; j'ai tout simplement dit que je ne
17 resterais pas là, et je suis tout simplement parti. Je ne sais absolument
18 rien de ce dont vous me parlez.
19 Q. Vous ne savez rien des casernes de Zadar et de Split ?
20 R. Non, non. Comme je vous l'ai dit, quand je faisais partie de la police,
21 je n'étais qu'un artificier.
22 Q. Monsieur Miljanic, est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos des
23 nombreux cas d'attaques d'officiers de la JNA ? Savez-vous quoi que ce soit
24 à propos des arrestations de la part de la police croate et de la
25 confiscation des armes à des officiers de la JNA ?
26 R. Monsieur le Président, je vivais dans un immeuble où n'habitait que du
27 personnel militaire. Je leur parlais tous les jours, nous conversions tous
28 les jours. Dans mon voisinage, personne n'a vécu ce genre d'expérience.
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1 Donc, je ne pense pas que cela soit vrai.
2 Q. Est-ce que vous savez que le 15 août 1991, l'état-major général de la
3 JNA a émis un ordre suivant lequel toutes les casernes de la JNA devraient
4 voir le siège levé, - laissez-moi terminer ma question - en fait, que les
5 unités qui se trouvaient sur le territoire qui n'étaient pas menacées
6 devaient lever le siège ?
7 R. Je le répète : je ne suis pas au courant. Je n'étais pas un membre du
8 commandement de la police de Zadar, je ne faisais pas partie de la cellule
9 de Crise. Je n'étais qu'un artificier au sein de l'administration de la
10 police de Zadar, et j'étais un inspecteur chargé de la pyrotechnique.
11 Q. Est-ce que Skabrnja était l'un des villages qui se trouvaient sur la
12 route que l'on devait empruntée pour aller à la caserne de Zadar et Sibenik
13 ?
14 R. Oui, c'est l'un des itinéraires, c'est l'une des routes que l'on peut
15 emprunter. Il y a une autre route qui arrive à Skabrnja, qui passe par
16 Benkovac, qui passe par Smiljcic, Gorni Zemunik, par l'aéroport, et ce,
17 jusqu'à Crni. L'armée, elle pouvait se déplacer en toute liberté sur cette
18 route; elle ne devait pas passer par Skabrnja. D'ailleurs, personne ne
19 passait par Skabrnja parce que cela n'était pas nécessaire.
20 Q. Oui, mais Skabrnja était sur l'un des itinéraires ?
21 R. Oui, oui, c'était sur l'une de ces routes, effectivement. Oui, oui, il
22 y avait une route. Comme je l'ai déjà dit hier, M. Ratko Mladic qui avait
23 l'habitude d'emprunter cet itinéraire. D'ailleurs, il est passé là plus de
24 dix fois dans son véhicule, sans aucune escorte.
25 Q. Monsieur Miljanic, hier ainsi que lors d'une de vos déclarations
26 préalables, vous avez dit que du point de vue militaire, Skabrnja n'avait
27 aucune importance.
28 R. C'est vrai. Skabrnja n'avait aucune importance militaire. Il n'y avait
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1 pas de bases militaires, il n'y avait pas de cibles militaires là-bas, il
2 n'y avait pas de fortifications militaires, il n'y avait pas -- enfin, cela
3 n'avait aucune importance stratégique. Je pense que Skabrnja a été choisi
4 comme cible politique.
5 Q. Je vous pose la question en tant qu'expert militaire. J'aimerais savoir
6 si afin de parvenir à un objectif politique, il est nécessaire de soulever
7 une force d'un millier de personnes travaillant dans l'infanterie, avec 28
8 blindés, avec toute une préparation d'artillerie, avec l'aviation, des
9 hélicoptères. Vous en avez parlé d'ailleurs.
10 R. Premièrement, je vous dirais que je ne suis pas un expert; je n'étais
11 qu'un officier subalterne de la JNA. Donc, je n'étais pas un expert
12 militaire important, mais j'étais l'un des commandants les moins gradés de
13 la JNA, qui accomplissait sa mission. Donc, j'étais un commandant
14 subalterne. Puis, il faut savoir que la propagande a joué un rôle
15 important. C'est pour cela d'ailleurs qu'une force si importante d'unités
16 paramilitaires, d'armée, de police a été mobilisée pour attaquer un
17 village, tout simplement pour faire une démonstration de force et pour
18 montrer que c'était le sort qui attendait de nombreuses personnes. C'est
19 mon opinion en tant qu'ancien officier subalterne, parce que je ne vois
20 aucune autre raison qui expliquerait une attaque menée à bien par un
21 effectif aussi nombreux, attaque menée à bien contre un village habité
22 par 2 000 personnes seulement.
23 A Skabrnja, tout le monde était natif de Skabrnja soit le ZNG, soit la
24 police spéciale, soit les Chemises noires, comme on nous appelait de façon
25 provocatrice à la radio. Il n'y avait pas d'Oustachi ou d'unités oustachi;
26 il n'y avait que des gens du cru. Moi-même, je suis natif de Skabrnja et
27 j'y habite encore de nos jours.
28 Q. Vous avez dit que la route pouvait être empruntée par la JNA parce que
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1 le colonel Mladic l'a utilisée.
2 R. Oui.
3 Q. Où allait le colonel Mladic ? Quel était son but ?
4 R. Je ne sais pas quel était son but. J'ai appris plus tard à la police
5 que M. Ratko Mladic allait négocier à l'hôtel Kolovare parce qu'il y avait
6 Dean Brener, qu'il avait échangé contre des Croates. Je ne sais pas
7 d'ailleurs s'il s'agissait de soldats, de civils ou des policiers. Voilà ce
8 que je sais.
9 Q. Est-ce que la Communauté européenne est intervenue dans ces
10 négociations, a joué le rôle de médiateur ?
11 R. Je n'en sais rien. Je n'étais pas à Zadar à l'époque.
12 Q. Est-ce que c'est la raison pour laquelle à ce moment-là le colonel
13 Mladic a pu emprunter cette route ?
14 R. Non. Il pouvait voyager ou se déplacer tout à fait normalement pendant
15 cette période. Depuis l'aéroport de Zemunik, il faut savoir que du
16 combustible était amené chaque jour en direction de Benkovac. Il y avait
17 des camions qui passaient, des remorques, des semi-remorques qui passaient
18 normalement, sans aucun obstacle. Il n'y avait pas d'obstacle pour la
19 circulation routière.
20 Q. Est-ce que vous savez que le 22 septembre 1991, un accord a été conclu
21 en vertu duquel toutes les garnisons et casernes de la JNA devaient voir
22 leur siège levé ?
23 R. Je n'en sais rien. Personne ne m'a informé de cela. De toute façon, il
24 n'y avait pas de casernes à Skabrnja.
25 Q. A Skabrnja non, mais à Zadar il y avait un grande caserne.
26 R. Il y en avait 14, et non pas une seule caserne à Zadar.
27 Q. A Sepurine, j'ai effectué mon service militaire à l'époque. C'est pour
28 cela que je le sais.
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1 R. Je travaillais tout près de l'hôpital.
2 Q. A part cet accord, est-ce que vous savez si les casernes à Zadar ont
3 été sous le feu des armes des formations armées croates ?
4 R. Je ne le savais pas parce que je n'y étais pas. Tout près de la gare
5 j'ai un appartement, mais je n'y habitais pas. J'y revenais uniquement pour
6 me changer. C'était tout.
7 Q. Vous n'étiez pas au courant de cela ?
8 R. Non, pas du tout.
9 Q. Vous n'étiez pas au courant non plus de 11 membres de la JNA qui,
10 durant ces attaques, ont été tués ?
11 R. Non. Parce que je n'étais pas à Zadar, à l'époque. J'étais à Skabrnja.
12 Q. Vous avez dit que le 18 novembre 1991, l'attaque contre Skabrnja a
13 commencé, et cela a commencé à 7 heures 30 dans la matinée.
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Vous avez dit que jusqu'à 11 heures 30, vous teniez bon et que c'est à
16 cette heure-là que la ligne a été percée, la ligne qui a été tenue par le
17 1er Peloton de la 1ère Compagnie.
18 R. C'est exact.
19 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur Miljanic, si ce jour-là, vers 11 heures,
20 dans votre quartier général, est arrivée une unité d'à peu près d'une
21 vingtaine de membres du rassemblement de la Garde nationale armés de
22 roquettes antichars, et que vous les avez déployés à Razovljeva Glavica
23 pour tirer sur les chars ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Vers 13 heures, on vous a informé que la ligne de défense a été percée
26 dans la direction de Marinovci.
27 R. Je dois corriger cela parce que je ne peux pas répondre. Il y avait une
28 vingtaine de membres du rassemblement de la Garde national avec à peu près
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1 sept roquettes. Mais tout simplement, ils ne pouvaient pas effectuer leurs
2 tâches, ils ne pouvaient ou ils n'avaient pas assez de courage pour le
3 faire. C'est pour cela qu'ils sont partis. Donc, il n'y avait pas d'attaque
4 sur les chars, parce que ce n'était pas possible.
5 Q. Est-ce qu'il y avait un ordre pour qu'on attaque ces chars ?
6 R. Oui. C'est moi qui a donné cet ordre.
7 Q. Vous avez déclaré que ce jour-là, un camion de la JNA chargé de
8 munitions a explosé.
9 R. Oui.
10 Q. Au moment de l'explosion, est-ce que ce camion se trouvait à Skabrnja ?
11 R. Non. Le camion se trouvait au-dessus de Skabrnja sur la route reliant
12 Zemunik et Biljane. Il était sur la route au-dessus de ma maison. C'était
13 la route menant à Benkovac.
14 Q. Est-ce que vous savez quelle était la cause de l'explosion du camion ?
15 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas si on a tiré sur ce camion, parce qu'il
16 suffisait d'une seule balle pour qu'un camion chargé de munitions explose.
17 Il y avait peut-être un obus qui a été tiré sur le camion, mais là, je ne
18 peux pas vous dire avec certitude quelle était la cause de l'explosion du
19 camion.
20 Q. Etait-il possible que l'un des membres de votre bataillon aurait tiré
21 sur le camion ?
22 R. C'est possible. Des tirs de mitraillette, par exemple, auraient pu
23 provoquer une explosion.
24 Q. Monsieur Miljanic, hier, vous avez mentionné concernant la conversation
25 que vous avez entendue ayant trait au camion chargé de munitions, que vous
26 avez reconnu la voix du général Mladic, parce qu'à un moment donné, vous le
27 rencontriez à Knin à l'époque, c'est-à-dire, pendant que vous étiez
28 toujours un membre de la JNA, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui. M. Ratko Mladic, je l'ai rencontré probablement, mais je n'ai
2 jamais échangé un seul mot avec lui parce qu'il n'était pas mon commandant.
3 Mais je l'ai reconnu. Je l'ai reconnu parce qu'il apparaissait souvent sur
4 la télévision. C'est probablement pour cela que j'ai pu le reconnaître.
5 Q. Vous étiez en mesure de reconnaître sa voix ?
6 R. Oui, j'étais en mesure de reconnaître sa voix. Je l'ai reconnue.
7 Q. Vous nous avez dit qu'au mois de mai 1991, vous avez quitté la JNA.
8 R. Au mois de mai 1991, j'ai demandé de quitter la JNA, et au mois de
9 juin, j'ai quitté la JNA. J'ai attendu pendant un mois pour que tout soit
10 réglé.
11 Q. Concernant cela, Monsieur Miljanic, saviez-vous que Ratko Mladic, au
12 mois de juillet 1991, a été muté à Knin, il a été muté de Macédoine à
13 Knin ?
14 R. Non.
15 Q. Donc, c'était deux mois entiers après que vous aviez quitté la JNA.
16 R. Probablement. C'était deux mois après cela. Parce que j'ai dit qu'au
17 mois de juin, j'ai quitté la JNA, et au mois de mai, j'ai demandé de
18 pouvoir quitter la JNA, et je suis venu à Knin pour la passation des
19 fonctions. Je suis arrivé dans la caserne.
20 Q. Est-ce que vous avez rencontré M. Mladic ? Je dois vous poser cette
21 question.
22 R. Je pense que oui, que je l'ai rencontré.
23 Q. Vous pensez que vous l'avez rencontré ?
24 R. Oui, je le pense.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Perovic, est-ce que le témoin a
26 dit hier qu'il avait reconnu la voix de M. Mladic parce qu'il l'a vu parler
27 à la télévision ? Il y avait une autre personne qu'il connaissait, je ne
28 peux pas me souvenir de son nom.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Tripko Cecovic.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Si je me souviens bien, c'est ce
3 qu'il a dit hier.
4 M. PEROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaie de ne pas
5 provoquer des confusions. Si le témoin a quitté l'armée au mois de mai et
6 que Mladic a été muté de Macédoine à Knin au mois de juillet de la même
7 année, la question qui se pose est la suivante : est-ce que le témoin a eu
8 la possibilité de le rencontrer ? Est-ce que cela était possible, parce
9 qu'il a dit qu'il l'a rencontré. Le témoin a répondu qu'il pensait qu'il
10 l'avait rencontré. Est-ce que je peux poursuivre ?
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre.
12 M. PEROVIC : [interprétation]
13 Q. Le 18 novembre, dans la soirée, vous êtes allé à Zadar pour demander de
14 l'aide, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Le même soir, vous êtes rentré à Skabrnja au poste de commandement de
17 réserve ?
18 R. Non, ce n'était pas dans la soirée du 18; c'était dans la matinée du
19 19, du 19 dans la matinée.
20 Q. Vous avez dit que du 18 au 19 novembre, dans cette nuit-là, vous aviez
21 une moitié de Skabrnja entre vos mains.
22 R. Oui. La nuit était tombée et les chars, comme il s'agissait de vieux
23 chars, ces chars-là ne pouvaient plus tirer. Ils ont été tous garés au
24 centre du village et toute activité de combat a cessé, toute activité de
25 combat de la JNA.
26 Q. Quand est-ce que vous vous êtes retirés du village ?
27 R. C'était dans la matinée vers 5 heures à peu près, le 19 novembre. Ceux
28 qui sont restés vivants, bien sûr.
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1 Q. Hier, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'égalité d'armes entre vous et
2 la JNA.
3 R. C'est exact.
4 Q. Pourriez-vous m'expliquer à moi et à la Chambre comment dans une telle
5 situation vous avez réussi, pendant 24 heures, à tenir une moitié de
6 Skabrnja entre vos mains ?
7 R. C'était parce que tout homme qui défend son foyer, sa maison et qui
8 voit que sa mère, son père, sa sœur ou sa femme ou sa grand-mère de 80 ans
9 sont tués, il fait de son mieux. Il ne veut pas se rendre. Surtout, ceux
10 qui ont été arrêtés non pas par les membres de la JNA mais par les membres
11 des formations paramilitaires, tous ont été massacrés. Je peux vous parler
12 plus de cela si vous voulez. Tout un chacun, qui défend son foyer -- mes
13 hommes de Skabrnja n'ont pas attaqué un village serbe ou des positions
14 serbes, mais ils ont défendu leur foyer, et ils ont été tués sur le seuil
15 de leurs maisons. Moi aussi j'ai tout fait pour arrêter cela.
16 Q. Monsieur Miljanic, hier vous avez dit que ceux qui ont été arrêtés par
17 la JNA étaient chanceux. Je dois en conclure que la JNA ne commettait pas
18 de crimes; ai-je raison pour dire cela ?
19 R. Monsieur le Président, compte tenu du fait qu'il s'agit de situations
20 dramatiques, j'en ai parlé avec mes proches, avec ma mère, avec mes cousins
21 qui sont restés en vie. Ils m'ont dit -- je ne l'ai pas vu et je ne peux
22 pas vous dire, Messieurs les Juges, que je l'avais vu. Parce que si je
23 l'avais vu, je ne serais plus là aujourd'hui. Ceux que l'armée a capturés
24 ont été escortés pour monter à bord des camions et ils ont été sauvés. Mais
25 derrière les unités de la JNA marchaient les formations paramilitaires et
26 ils liquidaient tout ce qui bougeait. C'est ce que j'ai appris lors de la
27 conversation avec mes proches et avec les villageois. Je répète devant
28 cette Chambre que je n'ai pas vu cela, parce que j'étais en train d'essayer
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1 de défendre le village, de repousser l'attaque, mais je n'ai pas réussi à
2 le faire.
3 Q. Monsieur Miljanic, je ne voudrais pas vous poser de questions
4 concernant les crimes commis à Skabrnja, parce que vous avez dit que vous
5 n'étiez pas témoin oculaire de ces crimes. Mais je voudrais vous demander
6 la chose suivante : vous avez mentionné à plusieurs reprises un certain
7 Radmanovic, ensuite Goran Opacic, surnommé Klempo, ensuite Mirko Draca,
8 ensuite Zorana Banic et son époux Bozo. Concernant cela, pouvez-vous me
9 dire si ces personnes se connaissaient ou se trouvaient dans une relation
10 quelconque ou il s'agissait de personnes qui ne se connaissaient pas les
11 uns les autres ?
12 R. Je ne peux pas vous répondre à cette question parce que je ne le savais
13 pas. Zorana Banic, par exemple, je la connaissais très bien. Je la
14 connaissais parce qu'elle était infirmière et s'occupait de ma mère à un
15 moment donné en tant qu'infirmière. Je ne connaissais pas son époux par
16 contre.
17 Ce Radmanovic, je le connaissais parce qu'il travaillait avec moi dans la
18 JNA. Il s'appelait Pero Radmanovic. Il est venu dans ma maison à plusieurs
19 reprises en tant qu'invité.
20 Goran Opacic, surnommé Klempo, je le connaissais de vue de Zadar.
21 Donc certaines personnes je les connaissais, et certaines autres non.
22 Q. Ma question, la façon dont je l'ai posé, avait pour but de tirer au
23 clair si les gens qu'on a mentionnés étaient liés les uns les autres. Est-
24 ce qu'ils faisaient partie d'un groupe ou ils opéraient de façon
25 individuelle ?
26 R. Monsieur le Président, les formations et les relations entre ces gens,
27 je n'en savais rien. Je répète : avant cela, je ne les fréquentais pas
28 parce qu'on travaillait dans des sections différentes, et après que j'ai
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1 quitté la JNA, je n'étais pas au courant de cela, de toutes les formations
2 nouvellement établies, ni où se trouvaient ces gens-là, où ils ont été
3 déployés, et cetera.
4 Q. J'ai encore une question, Monsieur Miljanic, à vous poser.
5 Pratiquement, aujourd'hui non plus, vous ne savez avec certitude absolue
6 qui a tué votre père.
7 R. Je disposais de certaines indications en me renseignant auprès de
8 différentes gens, et même j'ai reçu des coups de téléphone de gens qui me
9 disaient qui a tué mon père, mais je ne peux pas dire aujourd'hui avec
10 certitude devant cette Chambre, qui a massacré mon père parce que je ne le
11 sais. Ma mère disait une chose, l'épouse de mon feu frère disait une autre
12 chose, mes amis disaient une troisième chose et les enfants qui ont été
13 capturés disaient toute une autre chose. Je ne peux pas vous dire avec
14 certitude aujourd'hui qui a massacré mon père.
15 Q. Monsieur Miljanic, je n'ai plus de questions pour vous. Je vous
16 remercie de nous avoir fourni les réponses à mes questions.
17 M. PEROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai fini avec mon
18 contre-interrogatoire.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Perovic.
20 Madame Valabhji, vous avez la parole.
21 Mme VALABHJI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 Nouvel interrogatoire par Mme Valabhji :
23 Q. [interprétation] Monsieur Miljanic, hier, au cours du contre-
24 interrogatoire, vous avez mentionné que vous avez été nommé commandant de
25 la Défense de sept villages, et qu'il y avait à peu près 700 personnes qui
26 étaient sous votre commandement. Pouvez-vous nous donner une idée de
27 l'étendue de la région en question ou du diamètre de la région en question
28 qui couvrait ces sept villages ?
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1 R. Lorsque j'ai mentionné ces sept villages, il s'agissait
2 approximativement d'un tiers du territoire de la municipalité de Zadar, au
3 cœur de Ravni Kotari, au milieu de cette région-là. C'était à peu près 34
4 kilomètres de ligne droite où ont été déployées ces 730 jusqu'à 740
5 personnes. Il ne s'agissait que de volontaires, des gens qui ne faisaient
6 pas partie de l'armée croate ni de rassemblement de la Garde nationale. Ils
7 étaient membres de l'effectif de réserve de la police et les villageois. Il
8 s'agissait, je répète, de l'organisation de principe territorial, basé sur
9 le principe territorial afin d'organiser la défense de tous ces villages.
10 Q. Je vous remercie. La Défense vous a également posé des questions ayant
11 trait aux armes dont vous disposiez, vous et vos hommes à Skabrnja. Je vous
12 pose la question suivante : disposiez-vous d'aéronefs, d'avions à
13 Skabrnja ?
14 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous n'avions rien. En tant
15 que militaire, quand on m'a envoyé là-bas, et c'est ce que j'ai dit hier,
16 on m'a envoyé pour que j'y reste trois jours parce que personne ne voulait
17 y aller pour organiser la défense avec ces hommes. Je l'ai accepté et nous
18 n'avions rien là-bas. Absolument rien, non plus d'avions, non plus de
19 chars, non plus de canons, rien. Nous n'avions rien. C'était le peuple sans
20 rien parce que mon ancienne JNA, parce que j'ai dit que j'étais membre de
21 la JNA et, Monsieur le Président, j'ai été un membre honnête de la JNA,
22 c'est la JNA qui a désarmé la Défense territoriale de la République de
23 Croatie. Avant cela, elle a pris les armes à la Défense territoriale parce
24 qu'avant la guerre une Défense territoriale importante avait été formée,
25 une Défense territoriale sur le territoire de toute la Yougoslavie. Toutes
26 les républiques avaient sa propre Défense territoriale. Toutes les villes
27 en ex-Yougoslavie disposaient de brigades de la Défense territoriale et ces
28 armes ont été gardées par le secteur civil dans toutes les villes de l'ex-
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1 Yougoslavie. La JNA, au début de l'année 1991, a pris les armes de la
2 Défense territoriale pour les garder dans ses entrepôts et la Défense
3 territoriale a été démantelée sur le territoire de la République de
4 Croatie. Une fois que j'ai compris cela, j'ai quitté la JNA, cette même JNA
5 dont j'ai été membre pendant 22 ans, et je suis parti au ministère de
6 l'Intérieur pour faire mon travail, le travail pour lequel j'ai été formé.
7 Je souligne encore une fois devant la Chambre, que je n'ai pas provoqué par
8 mon comportement ou par le comportement de mes hommes, cette colère qui
9 s'est déversée sur Skabrnja. Je ne sais pas qui était à l'origine de cela.
10 Mme VALABHJI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Miljanic. Je
11 n'ai plus de questions à poser à ce témoin.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Madame Valabhji.
13 Questions de la Cour :
14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Dans le compte rendu du 5 octobre
15 1992, que vous avez signé, est-ce que dans ce procès-verbal, vous avez dit,
16 je cite : "On m'a envoyé pour organiser la défense de Skabrnja et de
17 Zemunik Gornji, mais compte tenu du fait que la plupart de la population de
18 ce village était Serbe, cela consistait à organiser la défense dans le
19 hameau d'Istok qui était peuplé complètement par les Croates. Etes-vous
20 d'accord pour dire que vous avez dit cela et que vous avez signé cette
21 déclaration au moment où vous avez donné votre déclaration le 5 octobre
22 1992 ?
23 R. Oui, c'est vrai.
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] La défense de Skabrnja dont vous
25 avez parlé hier ici au cours de votre témoignage, est-ce que cela ne
26 concerne que le hameau d'Istok ou Skabrnja en entier ? Pouvez-vous nous
27 parler de cela aujourd'hui, lorsqu'on compare votre déclaration que vous
28 avez donnée à l'époque, parce que vous avez dit qu'il ne s'agissait que de
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1 l'organisation de la défense du hameau d'Istok.
2 R. Il s'agit du hameau qui est un hameau tout près de Skabrnja, un hameau
3 voisin qui faisait partie de la partie orientale de Gornji Zemunik où passe
4 la route principale entre Smiljcic, la base aérienne, et Zadar, et c'est
5 peuplé par les Serbes. Dans la partie orientale, il y a peu de Croates.
6 Avant la guerre, ils avaient une école commune, ensuite les magasins, et
7 cetera. Tout cela, tout ce que j'ai dit se rapporte exclusivement à
8 Skabrnja. Dans la partie orientale de Gornji Zemunik, il y avait deux
9 pelotons qui étaient composés des gens de Gornji Zemunik qui faisaient
10 partie de cette formation de 730 personnes que j'ai mentionnées. Au début,
11 je suis arrivé pour m'occuper de Skabrnja et de Gornji Zemunik, pour
12 rétablir l'ordre. C'est tout.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez mentionné que vous avez
14 envoyé 80 hommes qui étaient partis de la JNA, que vous les avez envoyés à
15 Zadar. Qu'est-ce qui se passait à Zadar ? Qu'est-ce qu'il y avait à Zadar
16 et où est-ce que vous avez envoyé ces
17 hommes ?
18 R. Je vais expliquer. A Zadar, à l'hôtel Kolovare, il y avait un centre
19 d'accueil. Dans cet hôtel, tous les réfugiés de la JNA arrivaient. Il en
20 avait qui étaient armés, il y en avait d'autres qui n'avaient pas d'armes.
21 Il s'agissait d'une situation chaotique. Eux, ils recevaient des vêtements
22 civils grâce à la Croix-Rouge. On leur donnait de l'argent pour qu'ils
23 puissent s'acheter des billets pour aller en Macédoine, en Slovénie, en
24 Serbie, au Kosovo ou en Croatie, n'importe où sur le territoire de l'ex-
25 Yougoslavie, et ils partaient. Il y en avait qui donnait un fusil ou un peu
26 de munitions, des balles. Tout simplement, ils partaient, ils fuyaient, des
27 gens de toute appartenance ethnique. Au bureau de la Croix-Rouge de Zadar,
28 il y a un registre dans lequel toutes ces personnes ont été enregistrées.
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1 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pouvez-vous dire qui a tué les
2 policiers à Berevo [phon] ou quelque chose comme cela ? Est-ce qu'il
3 s'agissait de Serbes ou de Croates ? Dans quelles circonstances ces
4 policiers ont-ils été tués ?
5 R. Je ne comprends pas votre question.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Au cours de votre témoignage, vous
7 avez dit qu'il y avait plusieurs policiers qui ont été tués dans un
8 endroit, si j'ai bien prononcé le nom, qui s'appelait Borovo ou Berevo ?
9 R. Borovo. C'était Borovo, j'ai compris, oui.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Maintenant dites-moi, si vous le
11 savez qui a tué ces policiers et dans quelles circonstances ?
12 R. Madame le Juge, Borovo se trouve près de Vukovar. Cela se trouve à
13 quelque 400 kilomètres par rapport à cette région, et je ne sais pas qui
14 les a tués. Cela a été diffusé à la télévision. Même aujourd'hui je peux me
15 rappeler cette image. C'était les policiers à Borovo, il y avait les
16 membres de la JNA qui étaient autour de ces policiers. C'est tout ce que
17 j'ai vu à la télévision, et c'est tout ce que je peux vous dire là-dessus.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Lorsque vous avez appris que les
19 gens de ce hameau avaient été tués, et lorsqu'on vous a dit qu'on les a
20 fait sortir l'un après l'autre, pouvez-vous nous dire ce que cela
21 signifiait ?
22 R. Madame le Juge, à ce moment-là, je ne savais plus quoi faire, je
23 voulais me suicider. Après avoir vécu tout cela, après avoir vu tout cela,
24 après avoir vu que mes hommes ont été tués, j'avais envie de prendre mon
25 pistolet et de me suicider. Les autres m'ont dit : "Marko, ne fait pas
26 cela, peut-être que tout cela s'arrêtera." A ce moment-là, j'avais vraiment
27 envie de me suicider, parce que, Monsieur le Président, même aujourd'hui
28 personne ne me trouve coupable, ni mes villageois, ni personne d'autre.
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1 J'ai fait tout ce que je pouvais de façon correcte et honnête. Mais même
2 aujourd'hui, j'ai tout cela sur ma conscience, c'est-à-dire, la mort de mes
3 cousins, de mes parents, de mon frère et même cette femme âgée de 97 ans
4 qui était handicapée qui a été tuée, et les autres qui ont été écrasés par
5 les chars. A l'institut médico-légal, il y avait des cadavres qui ont été
6 complètement écrasés avec des extrémités arrachées. Après ce témoignage,
7 Monsieur le Président, il faut que je vous dise qu'il me faudra un mois
8 pour récupérer, pour me remettre. Même si je suis un militaire chevronné,
9 même si j'ai tout vu dans ma carrière de militaire, il m'est difficile d'en
10 parler parce que je ne pensais pas que je verrais tout cela un jour. Je
11 n'accuse personne. Tout ce que je fais, c'est de présenter les faits. Je ne
12 sais pas qui est coupable.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez dit que l'armée était
14 passée par là, et qu'ensuite, les vautours étaient arrivés. Je crois
15 comprendre que lorsque vous parlez de vautours, de rapaces, vous voulez
16 parler des paramilitaires, n'est-ce pas ?
17 R. Vous avez raison. Je ne sais pas quelle était leur composition.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce qu'on vous a relaté comment
19 ces personnes étaient habillées ?
20 R. Je ne sais rien. Je n'en sais rien. Je n'ai vu personne.
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez mentionné qu'à 14
22 heures, il y avait des civils qui se trouvaient autour des blindés et qui
23 vous ont empêché de tirer. Est-ce que vous savez comment ils s'étaient
24 retrouvés autour des blindés ?
25 R. Personnellement, je ne l'ai pas vu, si ce n'est ces blindés et ces
26 civils. Lorsque j'ai parlé à ces gens, ils ont dit qu'ils étaient en train
27 de sortir des caves et des sous-sols, qu'ils avaient peur et ils avaient
28 utilisé les blindés. Ils avaient peur que si quelqu'un tire sur les
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1 blindés, ils les utiliseraient comme boucliers humains. Je ne sais pas qui
2 a fait cela, la JNA ou les paramilitaires. Je ne sais pas. Lorsqu'ils sont
3 arrivés dans le centre du village, vers 14 heures, j'avais véritablement
4 l'intention de détruire au moins un blindé avec une lance-roquettes. Mais
5 lorsque j'ai vu ces civils, je me suis retiré et je ne voulais pas tirer.
6 J'avais mis un obus, là, je voulais tirer, mais j'avais peur que tout le
7 monde soit tué. Très heureusement, tous ces gens ont survécu. La plupart
8 d'ailleurs de ces personnes habitent encore à Skabrnja. Les gens qui se
9 trouvaient là quand je n'ai pas tiré, qui c'est qui les a sauvés, ce qui
10 s'est passé par la suite; cela, je n'en sais rien.
11 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous avez dit que 15 ou 16
12 personnes faisant partie de ce groupe de 242 personnes ont été tuées,
13 d'après ce que j'ai compris, et que 14 ont été faites prisonnières. Qu'est-
14 il advenu des autres ?
15 R. Ce jour-là ainsi que les deux ou trois jours suivants, je ne
16 connaissais pas le nombre des personnes qui avaient été tuées. Je ne le
17 savais pas. Je ne savais pas si mon père était mort ou s'il était vivant ou
18 s'il s'était caché quelque part ou s'il avait été arrêté. Je ne savais pas
19 si mon frère était mort ou s'il avait été arrêté. Je courais à gauche, à
20 droite, pour essayer d'avoir des informations. Ma mère, qui a aujourd'hui
21 85 ans, cherchait son fils aussi. Elle a vu ce qu'il était arrivé à son
22 mari et elle a dit : Oui, ils l'ont tué. Mais elle ne l'a su que quelques
23 jours plus tard. Elle a dit : Ils ont tué ton père, des choses de ce genre.
24 Pour les autres, je ne savais rien. Je ne savais pas qui avait été tué ou
25 ce qui s'était passé; je savais seulement ce qu'il était advenu des
26 personnes qui avaient été tuées juste à côté de moi.
27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci. Vous avez parlé de Petar
28 Radmanovic. Quelle était son appartenance ethnique ?
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1 R. Serbe.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] M. Miljus - excusez-moi si je
3 prononce mal son nom - celui qui a mené l'enquête, quelles étaient ses
4 fonctions au sein de la police de Benkovac, et quelle était son
5 appartenance ethnique ?
6 R. Je n'ai connu M. Miljus que très peu. Je ne le connaissais pas
7 personnellement. Je l'ai simplement vu quand on était à Zadar. Je
8 n'affirmerais pas que c'est lui qui a mené l'enquête sur place, mais
9 simplement, il y a un document qui a été saisi pendant l'opération Tempête
10 où on trouve des photographies de tous ces massacres. Sur ce document
11 figure le sceau de la police de Benkovac avec juste en dessous du sceau la
12 signature de Dragan Miljus. Je pense que c'était un Serbe, mais je n'en
13 suis pas sûr. Je ne sais pas avec quelle certitude quelle était son
14 appartenance ethnique. J'ai entendu des gens dire qu'il était technicien,
15 spécialiste des enquêtes criminelles au sein de la police, mais je n'en
16 suis pas sûr.
17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Voilà ma dernière question à votre
18 intention : de quelle municipalité fait partie Saborsko ?
19 R. Je ne sais pas. Je ne suis jamais allé à Saborsko. Saborsko se trouve à
20 Gorski Kotar. Je n'y suis jamais allé, donc je ne sais pas.
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi, j'aurais dû dire
22 Skabrnja. Je vous prie de m'excuser.
23 R. Skabrnja faisait partie de la municipalité de Zadar. Skabrnja est une
24 partie de la municipalité de Zadar. Enfin, c'était le cas à l'époque.
25 Aujourd'hui, Skabrnja est une municipalité à part entière. Mais pendant la
26 guerre, Skabrnja faisait partie de la municipalité de Zadar.
27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Miljanic.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Miljanic, vous avez dit que
2 le 2 octobre 1991, après l'attaque, des habitants ou des gens ont été
3 évacués du village de Skabrnja. Vous vous rappelez avoir dit cela ?
4 R. Oui, c'est la vérité.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qui a évacué ces personnes ?
6 R. La Croix-Rouge, la Croix-Rouge de Zadar.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Elles ont été évacuées, transférées à
8 quel endroit, si vous le savez ?
9 R. A Dugi Otok et à Otok Ugljan, qui se trouve à une quinzaine de
10 kilomètres de Zadar dans la direction de la mer et de l'Italie. Puisqu'on a
11 Zadar, puis au large, on a des îles. On les a transférées sur ces îles à
12 bord d'un bac, et on les a logées dans des hôtels qui se trouvaient sur ces
13 îles.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Combien de temps ces personnes sont
15 restées à ces endroits ?
16 R. Jusqu'au 5 novembre, date de la signature du cessez-le-feu de La Haye.
17 Je n'étais pas au courant, mais c'est le chef de la police de Zadar, M.
18 Ivan Brzoja, qui me l'a appris en disant les mots suivants : Tout le monde
19 rentre. Un cessez-le-feu, une trêve a été signée à La Haye par la JNA - je
20 ne sais même pas qui d'autre - je ne sais pas qui d'autre a signé ce
21 document. En tout cas, il a été signé à La Haye. J'ai reçu des ordres
22 écrits selon lesquels tous les civils devaient rentrer dans le village.
23 Voilà ce qui s'est passé.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsque ces personnes sont revenues le
25 5 novembre, elles sont revenues à Skabrnja; c'est bien cela ?
26 R. Oui, dans leurs villages, dans leurs maisons.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Suis-je en droit de comprendre, que
28 d'après ce que vous dites, lorsque l'attaque a repris le 18 novembre,
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1 toutes ces personnes étaient de nouveau dans le village ?
2 R. Pas le 8 novembre mais le 18 novembre. Le 8, il ne s'est rien passé;
3 tout était calme. C'est le 18 que cela a recommencé. A partir du 5, c'est-
4 à-dire, à partir de la date de la signature de la trêve de La Haye et
5 jusqu'au 18, tout a été très tranquille.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, d'accord, d'accord. Mais le 18,
7 la violence a éclaté de nouveau ?
8 R. Il y a eu une attaque, oui, une attaque.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question que je vous posais était
10 simplement la suivante: les personnes qui avant cela avaient été évacuées
11 et avaient été transférées sur l'île étaient de retour dans le village au
12 moment où l'attaque a repris le 18 novembre. Est-ce que j'ai raison de dire
13 cela ?
14 R. Oui, oui. Elles ont été renvoyées le 5, ces personnes.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Dans votre déposition, vous
16 faites référence à des gens qui ont été tués l'un après l'autre dans votre
17 hameau. Est-ce que vous parliez de Skabrnja en parlant de ce hameau ?
18 R. Oui, Skabrnja. Pour les autres villages, je ne sais pas ce qui s'est
19 passé. Mais le malheur qui a frappé mon village Skabrnja, je suis au
20 courant.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Dans votre déposition, en
22 répondant aux questions de l'Accusation et de la Défense, vous avez parlé
23 de paramilitaires dont vous avez dit qu'ils assassinaient des gens un peu
24 partout. Ce matin, au cours du contre-interrogatoire, vous avez dit que ce
25 n'était pas la JNA, mais des membres de ces unités paramilitaires qui
26 avaient massacré les gens. Quel était le nom de cette unité paramilitaire ?
27 R. Monsieur le Président, je ne saurais le définir, très franchement. Est-
28 ce que c'était la Défense territoriale ? Est-ce que c'était la police de la
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1 SAO de Krajina ? Je ne sais pas. D'après les rumeurs qui circulaient,
2 d'après ce que disaient les gens qui ont vu tout cela, ces hommes étaient
3 tous masqués. Il y avait même des jeunes garçons de 12 ou 13 ans. Ma mère,
4 par exemple, pour vous donner un exemple concret, c'est un garçon de 13 ans
5 qui l'a frappée avec la crosse de son fusil. A quelle formation il
6 appartenait, je n'en sais rien. Je vais vous dire une chose. Même en tant
7 de guerre, le téléphone existe. Quand j'étais de service, j'ai reçu toutes
8 sortes d'appels où on me traitait de tous les noms. On me disait que
9 j'étais Oustachi. Je ne sais pas qui étaient les Oustachi. Je n'étais pas
10 né à l'époque. Même mon père n'a pas participé à la Seconde Guerre
11 mondiale. Il était très jeune à l'époque. Il avait 14 ans. Je n'ai pas la
12 moindre idée de ce qui s'est passé à cette époque-là. Je répète devant
13 cette honorable Chambre de première instance, que j'ai tout fait pour que
14 jamais des horreurs pareilles ne surviennent, mais je ne suis pas parvenu.
15 Voilà ce que je voulais dire.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Miljanic, la Chambre compatit
17 et partage les sentiments difficiles qui sont les vôtres. Je vous demande
18 simplement encore un instant de patience, car nous avons besoin de vous
19 poser des questions. Savez-vous si les membres de cette unité de
20 paramilitaires portaient un uniforme particulier ?
21 R. D'après ce que je sais - et je dis bien d'après ce que je sais - ces
22 hommes portaient exclusivement les anciens militaires de l'armée populaire
23 yougoslave. Au cours des actes dont j'ai parlé, qui d'entre eux portaient
24 l'uniforme d'une seule couleur et qui d'entre eux portaient l'uniforme de
25 plusieurs couleurs, l'uniforme de camouflage, je ne sais pas. Parce que
26 dans le chaos qui régnait à ce moment-là, je n'avais pas la possibilité de
27 le déterminer. Je ne parle que de ce que j'ai vu de mes yeux. D'après des
28 soldats de la JNA qui ont fui l'armée, ces hommes m'ont dit, en toute
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1 responsabilité, qu'on leur avait dit de faire attention, parce qu'il y
2 avait - ce sont les mots qu'ils ont utilisés - des Chetniks qui étaient
3 venus prendre leurs places au sein de la JNA, et qu'ils n'allaient pas
4 pardonner. Je ne sais pas ce qu'on avait fait qu'ils ne pouvaient pas
5 pardonner, mais voilà ce qu'il a dit : Faites attention, il y a des
6 Oustachi qui arrivent. Je me suis dit, ce sont des histoires, enfin
7 j'espérais. C'était notre village, et cetera. Mais personnellement de mes
8 yeux, je n'ai vu personne en particulier. Parce que voilà, la situation
9 était comme cela.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Miljanic.
11 Nous allons maintenant faire une pause et nous reprendrons nos travaux à
12 onze heures moins quart.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 17.
14 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Miljanic, juste avant la
16 pause, vous disiez que ces paramilitaires étaient appelés Chetniks. D'après
17 vous, qu'étaient-ce exactement que les "Chetniks" ?
18 R. D'après ce que j'ai pu lire, parce que depuis ma naissance et jusqu'à
19 ce moment-là, je n'avais jamais rencontré de Chetniks, mais j'ai lu que les
20 Chetniks faisaient partie de certaines unités particulières qui se
21 composaient de Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale, des Serbes qui
22 avaient leur propre idéologie et leur commandant. C'était peut-être quelque
23 chose qui ressemblait à l'armée d'un parti, comme de l'autre côté sans
24 doute les Oustachi que je ne connaissais pas non plus, mais j'ai lu aussi
25 ce qu'on disait des Oustachi du côté croate. Je pense que c'était
26 probablement cela, c'est-à-dire des unités particulières qui faisaient la
27 guerre pour une nation particulière.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Vous avez dit que certains de
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1 ces paramilitaires portaient un uniforme de couleur unie, et d'autres, un
2 uniforme de camouflage. Ces uniformes de couleur unie dont vous avez parlé,
3 étaient-ils différents des uniformes que portaient les hommes de la JNA ?
4 R. Non, c'étaient les uniformes de couleur unie vert olive, ce qu'on
5 appelait les uniformes SSMB qui était l'uniforme des soldats de l'armée
6 populaire yougoslave, c'est-à-dire l'uniforme que j'ai porté moi aussi
7 avant. Quant aux autres uniformes dont j'ai parlé, en particulier les
8 uniformes de camouflage, ils étaient ceux d'unités d'élite, donc des unités
9 spéciales. En tout cas, c'est ce qui se passait tant que j'ai été membre
10 d'une unité de l'armée populaire yougoslave. Parce qu'après l'armée
11 populaire yougoslave était liée avec la Défense territoriale, donc il est
12 possible que ces uniformes de la JNA soient restés après le départ des
13 hommes qui les portaient et qu'ils aient été utilisés par les gens qui les
14 ont trouvés à un certain moment.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez également dit dans votre
16 déposition hier, que toutes les personnes qui ont été faites prisonnières
17 ont été tuées. Mais avez-vous une idée des nombres ?
18 R. Je répète ce que j'ai déjà dit. Je ne sais pas qui a été tué quand, ni
19 combien de personnes ont été tuées. Je répète que le premier jour il est
20 resté 25, 26, 27 civils à Skabrnja, je ne sais pas exactement combien, mais
21 en tout cas c'est le nombre qui est resté en vie après l'occupation de
22 Skabrnja. Ils sont restés vivants jusqu'au mois de février 1992, date à
23 laquelle tout le monde a été tué. Par la suite, on a retiré leur corps
24 d'une fosse commune qui se trouvait dans le centre du village. Mais qui a
25 tué ces personnes et qui a enterré les cadavres, je ne le sais pas. Mais
26 après 1995, il y a eu exhumation de cette fosse commune dans laquelle on a
27 trouvé 27 cadavres de civils surtout et le cadavre d'un soldat. Donc le
28 cadavre d'un soldat et d'au moins 25, 26 civils.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'attaque a eu lieu le 18 novembre
2 1991. Avez-vous une idée du nombre de personnes et je parle de civils qui
3 ont été tués ce jour-là ?
4 R. Je ne le sais que par la rumeur, parce que je n'ai pas vu cela de mes
5 yeux, je le répète. Mais il y avait ma mère et il y avait d'autres
6 personnes. A ce moment-là mon père a été tué ainsi que d'autres personnes.
7 Je sais que ce jour-là, dans cet endroit à l'entrée de Skabrnja, une
8 vingtaine de civils a été tué. Je n'en connais pas le nombre exact mais je
9 dirais une vingtaine de civils. Parmi ces personnes, la personne la plus
10 âgée avait 96 ans, c'était Grgica Segaric, une voisine qui habitait la
11 maison juste après la mienne. Elle avait eu une attaque cérébrale. Elle
12 était grabataire et ils sont arrivés, ils l'ont tuée. Son corps a ensuite
13 été emmené à l'institut médico-légal. Ma mère m'a dit qu'elle avait vu ces
14 hommes tuer mon père ainsi que d'autres personnes, mais je n'étais pas
15 présent moi-même.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je remarque que vous avez agité une
17 feuille de papier. Ce n'est pas la première fois que vous vous êtes emparé
18 de cette feuille de papier. Est-ce que c'est une feuille de papier que vous
19 souhaitez montrer à la Chambre ?
20 R. Monsieur le Président, ce document c'est celui qui a été établi à
21 l'institut médico-légal et qui a été traduit en anglais. C'est Médecins
22 sans frontières qui est l'auteur de ce document après les massacres de
23 Skabrnja et de Nadin. Mes collègues policiers m'en ont remis un exemplaire,
24 ceux qui se sont occupés de toute cette tragédie et j'en ai donné un
25 exemplaire au bureau du Procureur ici. Si cela peut l'intéresser. J'ai en
26 également un exemplaire devant moi, ce document contient des photographies
27 qui sont vraiment terribles et entre autres celles de mon père et d'autres
28 personnes du village. Vous y verrez également des photographies des membres
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1 de l'OSCE qui agissaient en tant qu'observateurs au moment des autopsies à
2 la morgue. Je peux vous remettre ce document si vous le souhaitez, Monsieur
3 le Président, Madame, Messieurs les Juges.
4 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai effectivement
5 un exemplaire de ce document en ma possession qui m'a été remis par le
6 témoin. Je pensais que ce document pourrait être discuté plus en détail par
7 le biais d'un autre témoin qui sera entendu plus tard sur le sujet des
8 exhumations et du travail des responsables de médecine légale. Mais si vous
9 le souhaitez, je peux remettre aux Juges un exemplaire de ce document tout
10 de suite.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez également un
12 exemplaire pour la Défense ?
13 Mme VALABHJI : [interprétation] Ce document-ci, Monsieur le Président, est
14 un document couleur. La Défense dispose d'un exemplaire de ce document qui
15 lui a été communiqué par nous. Peut-être la Défense n'a-t-elle pas ce
16 document sous la main à l'instant même, mais j'ai un exemplaire noir et
17 blanc à son intention si vous le jugez utile. Voilà, cet exemplaire que je
18 remets à M. l'Huissier est un exemplaire noir et blanc.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Perovic, vous avez une
20 objection à ce que les Juges tiennent compte de ce document ?
21 M. PEROVIC : [interprétation] Non, je n'ai pas d'objection à ce que les
22 Juges prennent connaissance de ce document.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Perovic.
24 Ce document doit-il être versé au dossier ou est-ce qu'il serait préférable
25 d'attendre le témoin dont a parlé Mme Valabhji à l'instant ?
26 M. PEROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ce serait
27 la meilleure solution, je parle de ce qu'a proposé l'Accusation.
28 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, ce serait parfait
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1 que ce document soit versé au dossier immédiatement. Ensuite, il pourra
2 servir de base à la discussion qui en sera faite par un autre témoin qui
3 pourra y faire référence. Cela ne pose aucun problème.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La raison pour laquelle j'ai posé la
5 question que j'ai posée, c'est que M. Miljanic a agité ce document pour la
6 deuxième fois, donc je pensais que c'était un document que le témoin
7 souhaitait porter à la connaissance de la Chambre.
8 Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de ce document, Monsieur
9 Miljanic ? Est-ce que vous n'avez rien contre que ce document soit discuté
10 par un autre témoin plus tard ?
11 R. Monsieur le Président, la proposition que vous venez de faire me sied
12 tout à fait. Je ne suis tout de même pas très versé dans toutes ces
13 questions, je pense qu'il serait préférable que ce soit un spécialiste qui
14 en parle plus tard.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En tout état de cause si l'Accusation
16 décide de verser ce document au dossier par le biais d'un autre témoin, la
17 Chambre en prendra connaissance à ce moment-là. Cela vous convient ? Merci
18 beaucoup.
19 Savez-vous pourquoi Petar Radmanovic vous a provoqué comme il l'a fait
20 selon les explications que vous avez fournies hier ?
21 R. Je ne vois absolument pas la moindre raison à cela. Nous étions amis. Il
22 est venu au moins dix fois chez moi à la maison, même plus que cela,
23 souvent. Il était de Gornje Biljane, le village voisin. Je n'ai vraiment
24 pas trouvé la moindre raison qui aurait justifié qu'il soit si fâché, si
25 aigri à mon égard. Je n'ai pas du tout compris pourquoi il m'a dit tout
26 cela qu'il m'a dit.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Hier vous avez parlé de M. Opacic,
28 policier de la Région autonome serbe de Krajina. Vous vous rappelez avoir
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1 parlé de lui.
2 R. C'est quelque chose que j'ai entendu d'autres personnes, de tierces
3 personnes, mais je le connaissais avant la guerre à Zadar, mais enfin pas
4 très bien. Je rencontrais de temps en temps M. Opacic, je le connaissais de
5 vue. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Je sais simplement qu'il a
6 quitté la police de Zadar. A quel moment, je ne sais pas. Pour aller où et
7 remplir quelle fonction, je ne sais pas, mais d'après des renseignements
8 que j'ai reçus personnellement, il est probable qu'il ait été commandant
9 d'un peloton ou d'une compagnie, enfin je ne sais pas exactement ce qu'il a
10 commandé. Mais en tout cas quand Radmanovic m'a appelé à la radio, des
11 civils qui le connaissaient mieux que moi ont dit : "Voilà, c'est lui, et
12 voilà ce qu'il fait." Mais je ne sais pas si c'est vrai ou pas. Et le rôle
13 qu'il a pu jouer dans tous ces événements, vraiment je ne le connais pas.
14 Je ne saurais répéter ce que j'ai entendu de la bouche d'une personne qui
15 l'avait elle-même entendu de la bouche d'une, deux ou trois autres
16 personnes avant.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais j'entends la description que vous
18 faites de M. Opacic, voilà ce que je souhaiterais savoir : j'aimerais
19 savoir, si à votre connaissance, la police de la SAO de la Krajina a
20 participé avec la JNA a cette opération.
21 R. C'est vrai. Je répète, Monsieur le Président, que du fait de mon
22 expérience en tant que soldat et policier, je sais qu'ils y ont participé,
23 parce que c'était tous des voisins. C'étaient des gens qui venaient à
24 Skabrnja en leur capacité officielle. Ils faisaient partie de l'ancienne
25 police. Plus tard, tout cela a changé en Croatie et ailleurs. Ils ne
26 s'appelaient plus la Milicija mais la Policija. Les habitants de Skabrnja
27 connaissaient ces gens, parce qu'ils faisaient tous partie du poste de
28 police de Zadar. Ces gens avaient été employés de ce poste de police. Je ne
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1 les ai pas vus personnellement. De toute façon, si je les avais vus, je ne
2 serais pas ici vivant de nos jours.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que je vais devoir répéter ma
4 question, parce que je ne pense pas vous avoir bien compris. Est-ce que
5 vous répondez par l'affirmative, à savoir, il y avait des policiers de la
6 Région autonome serbe de la Krajina ?
7 R. Oui.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
9 R. Oui.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il y a eu une enquête qui a été menée
11 à bien par M. Miljus, et ce, au nom de l'administration de la police. De
12 quelle administration de la police vous parlez, et en quel nom cette
13 enquête a été diligentée ?
14 R. Il y a un sceau, un cachet dans cette analyse, parce que c'est toujours
15 une analyse qui est menée à bien. Alors, ce qui est écrit, c'est "Poste de
16 police de Benkovac." Cela montre pour quelle police travaillait M. Miljus.
17 Qu'ils aient mené à bien une enquête ou non, je n'en sais rien. Mais ce
18 rapport ou cette étude comportait un cachet sous la photo, et c'est là que
19 l'on voyait qu'il était écrit "Poste de police de Benkovac." Cela faisait
20 partie de la SAO de la Krajina. Benkovac a fait partie de la SAO de la
21 Krajina tout le temps.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que vous
23 pouvez nous dire ce qu'est un artificier ? Que fait quelqu'un chargé de la
24 pyrotechnique ?
25 R. Toutes les polices ont leurs artificiers. Ce sont les gens qui nous
26 fouillent lorsque nous entrons dans ce Tribunal afin de voir si nous
27 portons un explosif ou un dispositif à explosif. Dans les aéroports,
28 également dans les colis. Tout cela est examiné par les artificiers.
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1 J'étais le chef de ce département au sein de l'administration de la police
2 de Zadar. J'avais six artificiers qui faisaient cela tous les jours. Il y
3 avait autre chose que nous faisions également, parce que à cette époque-là,
4 l'armée croate ne disposait pas de ses propres artificiers. Tout obus qui
5 tombait et qui n'explosait pas, nous devions le récupérer avec mes hommes
6 et nous devions le désamorcer, le détruire. J'étais l'expert pour les
7 explosifs. Je faisais également de la protection contre sabotage, à savoir,
8 la protection contre le terrorisme. C'est ce qui est fait par tous les pays
9 et par toutes les polices de monde. Voilà ce que je faisais.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je vais peut-être
11 vous poser une question à laquelle il sera difficile de répondre. Je vous
12 demanderais de le faire dans la mesure du possible.
13 Est-ce que vous êtes en mesure de nous décrire l'intensité ou l'envergure,
14 la portée de la destruction occasionnée dans le village de Skabrnja ? Est-
15 ce que tout le village a été détruit ou est-ce que seulement une partie du
16 village a été détruit ? Est-ce que vous pouvez nous donner des chiffres ?
17 R. Pendant que nous étions à Skabrnja, jusqu'au 19 novembre, il y avait un
18 certain nombre de maisons à Skabrnja qui avaient été détruites. Des
19 bâtiments tels que, par exemple, l'église et l'école, parce qu'il faut
20 savoir que les avions de l'armée populaire yougoslave larguaient des bombes
21 à fragmentation sur Skabrnja. Ce sont des bombes d'ailleurs qui sont
22 interdites par la convention de Genève. Ces bombes à fragmentation,
23 lorsqu'elles tombent, elles laissent derrière elles, dans leurs sillages de
24 petites bombes. Ce qui fait, qu'à cette époque-là, 30 à 40 % des foyers
25 avaient été détruits.
26 Plus tard, je suis entré dans Skabrnja avec la FORPRONU en 1994. La
27 FORPRONU m'a autorisé à les accompagner. Ils faisaient partie du Bataillon
28 canadien. Ils m'ont emmené avec eux. A cette époque-là, 80, pour ne pas
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1 dire 90 % de Skabrnja pour ne pas dire 95 % de Skabrnja avait été détruit.
2 Lors de l'enquête, j'ai donné les noms des maisons ainsi que la catégorie
3 des dégâts occasionnés. Première catégorie, deuxième, troisième, quatrième.
4 C'est un classement qui a été effectué après la libération, ce qui fait que
5 les maisons qui avaient été détruites pendant la guerre ont pu être
6 reconstruites. La plupart des maisons entraient dans la cinquième catégorie
7 du classement, ce qui signifie qu'elles avaient été complètement rasées.
8 Cela n'était d'ailleurs le fruit de largage de projectiles et d'obus, mais
9 plutôt, cela venait du fait que des explosifs avaient été posés et que les
10 maisons avaient explosé.
11 L'église, par exemple, elle a été détruite jusqu'aux fondations. Nous
12 en avons maintenant construit une nouvelle. Tous les bâtiments importants
13 de Skabrnja avaient été détruits. Il y avait trois églises à Skabrnja. La
14 principale avait été complètement détruite. Les deux autres avaient été
15 très, très, très sérieusement endommagées. Tout avait été soit endommagé,
16 soit détruit. Il y avait un petit nombre de bâtiments qui tombaient dans la
17 première catégorie des dégâts, ce qui signifie qu'ils pouvaient être
18 réparés et qu'on pouvait y habiter. Voilà la situation qui prévalait à
19 Skabrnja. Pour ce qui est de savoir qui a détruit ces maisons et pourquoi,
20 je n'en sais rien.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez mentionné le fait que
22 des bombes à fragmentation ont été utilisées. Est-ce que je dois comprendre
23 que "les bombes à fragmentation" dont vous parlez sont des bombes, tout un
24 ensemble de bombes qui sont larguées, sans pour autant qu'une cible précise
25 soit ciblée ?
26 Je vous vois hocher du chef. J'aimerais que vous nous indiquiez ce
27 que ce hochement de tête signifie, parce que malheureusement, si vous
28 hochez du chef, le compte rendu d'audience ne va pas répertorier cela.
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1 R. C'est vrai. Des bombes à fragmentation, je les ai vues pour la première
2 fois en 1991 lorsqu'elles ont été utilisées. Elles étaient transportées à
3 bord d'avions. Vous avez 240 bombes plus petites, qui se trouvent dans une
4 sorte de cartouche, 40 % explose dès qu'il y a impact avec le terrain, mais
5 les 60 autres % ne sont pas activées. Elles tombent sur une surface
6 comprise qui fait 200 sur 50 mètres. Elles sont utilisées après pour
7 détruire ou pour tuer les êtres humains, les animaux, et cetera. Il s'agit
8 d'armes terroristes. Ces bombes ont été jetées sur Skabrnja à partir
9 d'avions et cela a été mentionné dans la presse, à la télévision. Il y a
10 des observateurs européens qui sont venus photographier cela en 1991, avant
11 la chute de Skabrnja. Voilà ce que je voulais dire.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand est-ce que Skabrnja est tombé
13 exactement ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
14 R. Le 19 novembre.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur
16 Miljanic. J'aimerais savoir, Madame Valabhji, si vous avez des questions à
17 poser à la suite des questions qui ont été posées par les Juges ?
18 Mme VALABHJI : [interprétation] J'ai juste une précision, Monsieur le
19 Président. Je me demandais si nous pourrions montrer au témoin la pièce à
20 conviction versée au dossier, 270, cela à la suite des questions qui ont
21 été posées sur l'enquête de Benkovac afin de voir s'il reconnaît ce
22 document.
23 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Valabhji :
24 Q. [interprétation] Est-ce que cela est affiché maintenant ? Est-ce
25 que nous pouvons passer à la page 3. Monsieur, est-ce que vous voyez la
26 page 3 de ce document sur votre écran ? Est-ce que nous pourrions voir la
27 page 4.
28 R. Oui, oui, je le vois. Je vois qu'il est écrit, document relatif à une
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1 inspection sur le terrain. C'est le document de Benkovac.
2 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document ?
3 R. Oui. C'est le document de l'inspection et de l'enquête. Ce cachet se
4 trouvait apposé en dessous de chaque photographie. C'est justement le genre
5 de document photographique qui est compilé par un poste de police.
6 Mme VALABHJI : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Maître Perovic ?
8 M. PEROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai que quelques
9 questions à poser.
10 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Perovic :
11 Q. [interprétation] Monsieur Miljanic, aujourd'hui, les Juges vous ont
12 posé des questions, et vous avez expliqué que les paramilitaires qui ont
13 suivi la JNA et qui ont commis des crimes étaient des groupes constitués de
14 personnes que vous ne connaissiez pas. Vous ne saviez pas non plus comment
15 ils étaient habillés parce que vous ne les avez pas vus. J'aimerais
16 terminer ma question. Un peu plus tard, lorsque M. le Juge Moloto vous a
17 posé une question à ce sujet, vous avez répondu que certains des témoins
18 oculaires, vous avez dit que ces personnes portaient des masques, et que
19 d'après ce que savez, ils portaient des vieux uniformes militaires qui
20 avaient, auparavant, appartenus à la JNA, mais que vous n'étiez pas en
21 mesure de confirmer ce fait parce que vous ne les avez vus pas
22 personnellement. En dernier lieu, dans votre déclaration fournie au
23 tribunal de Zadar, à la page 6, au troisième paragraphe, vous avez dit que,
24 et je cite : "Je n'ai pas été en mesure de reconnaître aucun de ces
25 Chetniks parce qu'ils avaient de la peinture noire sur leurs visages.
26 Certains avaient mis des collants ou des chaussettes sur leurs têtes et
27 certains avaient des rubans blancs sur leurs épaules."
28 R. Je n'ai pas dit cela.
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1 Q. C'est la déclaration au tribunal de Zadar. Cela se trouve à la page 6,
2 paragraphe 3. Laissez-moi terminer ma question. Il me semble qu'il y a
3 trois réponses. Vous avez fourni une réponse à
4 Mme le Juge Nosworthy. Vous avez fourni une autre réponse au Président de
5 la Chambre, M. Moloto, puis il y a cette réponse au tribunal de Zadar. Il y
6 a quand même certaines divergences dans ces déclarations.
7 R. Ce que je dis - et je m'en tiens à ce que j'ai dit - j'ai dit que je
8 n'avais vu personne. Si ma mère me dit qu'elle a reconnu M. Desimir Ivanez,
9 membre de la Milicija de la République autonome serbe de la Krajina, je la
10 crois. Un autre homme l'a appelé. Il a répondu en disant : "Si tu dis mon
11 nom encore une fois, je vais te tuer comme un chien." Je n'ai pas vu cela
12 moi-même, mais ma mère me l'a narré. Je le connaissais personnellement,
13 Desimir Ivanez.
14 Pour ce qui est des rubans blancs, je les ai vus, parce qu'ils les avaient
15 lorsqu'ils sont arrivés à l'école. Qui portaient des rubans blancs, je n'en
16 sais rien. Je devais détruire ce char. J'ai vu qu'ils avaient des rubans
17 blancs sur leur épaule gauche, mais je ne les connaissais pas. Je ne peux
18 pas confirmer à l'intention de la Chambre que telle ou telle personne était
19 présente là.
20 Q. Puis-je en conclure que vous n'êtes pas en mesure d'identifier les
21 hommes que vous avez décrits comme étant des paramilitaires ?
22 R. Je ne peux pas confirmer ceci parce que je ne l'ai pas vus moi-même.
23 Mais je peux croire ma mère et je peux croire les membres de ma famille.
24 Ceci étant, je ne peux dire que ce que je sais.
25 Q. Merci.
26 Une autre question : vous avez dit qu'à Skabrnja, tout a été paisible
27 entre le 5 et le 18 novembre; est-ce exact ?
28 R. Oui.
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1 Q. J'aimerais vous poser une question à ce sujet; pourquoi est-ce que le
2 16 novembre, vous planifiez une action, une opération avec une unité
3 spéciale du MUP de Croatie sous le commandement d'un dénommé Djuro Zupan ?
4 Pourquoi est-ce que vous aviez prévu avec eux de détruire le groupe de
5 chars de la JNA à Veljun --
6 R. A Veljane.
7 Q. A Veljane, si la situation était paisible et pacifique, comme vous
8 l'avez dit à l'époque ?
9 R. Premièrement, je n'ai pas planifié cela, parce que Djuro Zupan est
10 arrivé à Skabrnja sans que je le sache. J'avais passé un accord verbal avec
11 lui, et ce, pour une raison très, très simple, pour une raison très
12 importante. Parce que, je le répète, les soldats fuyaient de la JNA,
13 quittaient la JNA. Ils m'avaient dit que tous les équipages de blindés -
14 parce qu'ils partaient d'unités de blindés - tous les équipages de blindés
15 étaient composés de volontaires de la Serbie et de gens du cru, et qu'ils
16 allaient m'attaquer. J'ai voulu empêcher cela. D'ailleurs, je n'ai pas
17 réussi.
18 Q. Merci.
19 M. PEROVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à
20 poser, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Perovic.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 Questions supplémentaires de la Cour :
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que vous êtes en
25 mesure d'expliquer à la Chambre de première instance le sens de ces rubans
26 blancs ? Qu'est-ce que cela signifiait ?
27 R. Oui. C'est ce qu'on fait pendant la guerre afin que vous ne tuez pas
28 vos propres soldats lorsque la visibilité est très limitée, lorsqu'il y a
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1 des feux, lorsqu'on ne peut pas entendre une voix, lorsqu'il y a de la
2 fumée. Certains utilisent des rubans blancs comme caractéristique, d'autres
3 utilisent une autre couleur, cela dépend de l'unité, bien sûr. C'est ainsi
4 qu'ils se reconnaissaient les uns les autres pour ne pas s'infliger des
5 pertes mutuellement.
6 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ma question suivante sera comme
7 suit : qui portaient ces rubans blancs ? Est-ce que vous pouvez nous le
8 dire ?
9 R. Je pense personnellement que c'est une action qui avait été orchestrée
10 conjointement par la JNA avec l'état-major de la Défense territoriale de la
11 Région autonome serbe de la Krajina ou avec je ne sais pas qui d'ailleurs.
12 Je pense que cette coordination a probablement existé parce qu'ils étaient
13 ensemble. Toutes les unités ont attaqué, à un moment donné, dans un endroit
14 déterminé. Mais ce n'est pas seulement ce que faisait l'ex-JNA. Cela se
15 fait même de nos jours en temps de guerre. C'est un signe distinctif qui
16 est apposé pour que les gens ne se massacrent pas les uns les autres. C'est
17 comme cela qu'on se reconnaissait, qu'ils se reconnaissaient. Nous n'avions
18 pas d'uniformes à l'époque, nous portions des habits civils. J'étais le
19 seul à avoir un uniforme de police complet ainsi que quelques autres
20 hommes.
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse de cette procédure peu
23 habituelle. J'aimerais savoir s'il y a des questions que vous souhaitez
24 poser à la suite des questions posées par Mme le Juge Norsworthy. Madame
25 Valabhji ?
26 Mme VALABHJI : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Perovic ?
28 M. PEROVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
2 Monsieur Miljanic, je vous remercie. Nous vous remercions d'être venu
3 témoigner. Tout le monde a pu vous poser toutes les questions qu'ils
4 souhaitaient vous poser. Vous pouvez maintenant disposer et quitter le
5 prétoire. Merci.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
7 Juges, je vous remercie. Ce fut un plaisir pour moi que de dire la vérité à
8 cette Chambre de première instance.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
10 [Le témoin se retire]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Valabhji ?
12 Mme VALABHJI : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin
13 suivant sera interrogé par ma collègue, Mme Richterova.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Richterova.
15 Mme VALABHJI : [interprétation] Puis-je avoir la permission de la
16 Chambre pour quitter le prétoire, pour me retirer ?
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous vous retirez de l'affaire
18 ou du prétoire ?
19 Mme VALABHJI : [interprétation] Non, non, du prétoire.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous êtes tout à fait autorisée
21 à quitter le prétoire.
22 Mme VALABHJI : [e interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
24 Avant que le prochain témoin ne comparaisse, je souhaiterais aborder
25 quelques questions d'intendance.
26 Apparemment, le Greffe a un problème, un problème de personnel
27 demain. Ce qui fait qui nous demande d'apporter quelques modifications à
28 notre audience de demain. On nous demande de siéger de 9 heures à 10 heures
Page 2937
1 20 ou plutôt, à un moment donné, le Greffier d'audience devra faire quelque
2 chose hors de ce prétoire. Personne ne sera là pour le remplacer et la
3 seule solution sera de siéger de 9 heures à 10 heures 20, et de siéger à
4 nouveau à 10 heures 50, de faire une pause à midi 10 au lieu de midi parce
5 qu'à midi 10, il faudra qu'il se rende ailleurs. Ensuite, nous aurons cette
6 pause jusqu'à 12 heures 40. Ensuite, nous reprendrons de 12 heures 40 à 13
7 heures 45 comme d'habitude. Est-ce que cela convient à tout le monde ?
8 Qu'en est-il de l'Accusation ?
9 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Aucun problème.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et vous, Maître Milovancevic ?
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous sommes d'accord, Monsieur le
12 Président.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je sais que j'ai certainement pris les
14 Juges au dépourvu, mais je vous remercie. Nous siègerons d'après l'horaire
15 que je viens d'indiquer pour demain matin. Madame Richterova.
16 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation
17 appelle M. Hamdija Krupic.
18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
19 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin
20 allait bénéficier de mesures de protection mais hier, il a informé le
21 bureau du Procureur qu'il pourrait témoigner en audience publique, sans
22 aucune des mesures de protection.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame Richterova.
24 Est-ce que le témoin peut, je vous prie, prononcer la déclaration
25 solennelle ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
27 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
28 LE TÉMOIN: HAMDIJA KRUPIC [Assermenté]
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1 [Le témoin répond par l'interprète]
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Vous pouvez
3 prendre place, Monsieur Krupic.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Richterova, vous avez la
6 parole.
7 Interrogatoire principal par Mme Richterova :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, pouvez-vous suivre la
9 procédure dans la langue que vous comprenez ?
10 R. Bonjour à vous. Je peux suivre la procédure dans la langue que je
11 comprends.
12 Q. Déclinez-nous, s'il vous plaît, votre identité.
13 R. Je m'appelle Krupic Hamdija.
14 Q. Monsieur Krupic, est-ce que vous avez fait une déclaration, en fait
15 deux déclarations; la première le 22 août 1999 et la deuxième, le 19
16 juillet 2001 [comme interprété].
17 R. Oui.
18 Q. Par rapport à la première déclaration que vous avez faite le 22 août
19 1999, le 10 novembre 2001, est-ce que vous avez eu l'occasion de parcourir
20 cette déclaration en présence d'une personne représentant le Tribunal et
21 est-ce que vous avez par la suite signé une déclaration, la déclaration
22 attestant que c'était vrai ?
23 R. Oui.
24 Q. Lorsqu'il s'agit de la déclaration que vous avez faite le 19 juillet
25 2000, le 29 mars 2006 et c'était hier, est-ce que vous avez examiné votre
26 déclaration en présence d'un représentant du Tribunal et signé une
27 déclaration attestant que cette déclaration que vous avez examinée était
28 exacte ?
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1 R. Oui.
2 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, les déclarations
3 du témoin, M. Krupic, ont été versées au dossier par la décision de la
4 Chambre de première instance datant du 16 janvier 2006, conformément à
5 l'article 92 bis. Comme c'est indiqué dans cette décision, nous avons fait
6 des expurgations dans ses déclarations. Nous avons déjà donné des
7 exemplaires de ces déclarations au conseil de la Défense, et j'ai des
8 exemplaires pour vous, Monsieur le Juge, si vous voulez suivre cela.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
10 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je voudrais que ces deux déclarations
11 soient versées au dossier et qu'une cote leur soit accordée.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'était encore fait ?
13 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Non, pas de façon officielle.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De façon officielle, très bien.
15 Je prie que ces déclarations soient versées au dossier, et qu'on leur
16 accorde une cote en tant que pièce à conviction.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction portant la
18 cote 279.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais nous avons deux
20 déclarations. Nous avons besoin d'avoir deux cotes. Peut-être pour la
21 déclaration du 22 août 1999, la cote pourrait être 279 et pour la
22 déclaration du 19 juillet 2000, la cote 280.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, la pièce à conviction portant la
24 cote 280, c'est la deuxième déclaration.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
26 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, conformément à
27 l'article 92 et des déclarations faites par le témoin, je vais lire le
28 résumé de ces déclarations, après quoi je poserai des questions avant le
Page 2940
1 contre-interrogatoire du conseil de la Défense.
2 Avant de commencer à lire le résumé, je voudrais attirer l'attention
3 de la Chambre à la pièce à conviction 23 dans la collection. C'est à la
4 page 21 où vous allez voir Bosanski Novi, ville de laquelle le témoin
5 témoignera. C'est par rapport au quadrillage à C3 et vous allez voir
6 d'autres endroits qu'il va mentionner dans sa déclaration.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bosanski Novi ?
8 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Bosanski Novi, oui.
9 Maintenant, je vais commencer la lecture de résumé.
10 Le témoin est un Musulman de Bosnie qui a vécu à Bosanski Novi et il y a
11 travaillé en tant que policier. D'après le recensement de la population, il
12 y avait une majorité de Serbes qui vivaient dans la municipalité de
13 Bosanski Novi où se trouvait une caserne de la JNA avant l'éclatement de la
14 guerre en Croatie. Pourtant, cette unité a quitté la caserne avant le
15 commencement de la guerre et a été transférée en Croatie et l'unité de la
16 Défense territoriale et les réservistes de la JNA sont entrés dans la
17 caserne. Le commandant était Kosta Djukic.
18 Le SDS a gagné les élections dans la municipalité de Bosanski Novi. Le
19 témoin a dit qu'il avait assisté à au moins une des réunions du SDS où le
20 maire de Bosanski Novi, un Serbe qui s'appelait Radomir Pasic, a parlé. M.
21 Pasic a utilisé des mots durs, disant que les Serbes étaient menacés par
22 les Oustachi et que les Serbes devaient se défendre.
23 Après les élections, Djuro Umicevic, un Serbe, est devenu ou a
24 continué à être chef de la police. Selon le témoin, il était correct dans
25 son comportement parce qu'il supportait l'idée des forces serbes unifiées,
26 les forces de la police unifiées.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je vous interrompre ? Vous
28 avez dit après les élections, il y avait un Serbe, Djuro Umicevic --
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1 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je m'excuse. Oui, j'ai dit un Serbe
2 nommé Djuro Umicevic est devenu chef de la police, Djuro Umicevic.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est cela Umicevic. Vous
4 pouvez continuer.
5 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Umicevic a été tué durant le conflit
6 entre les Serbes dans un café à un moment donné au mois de février ou mars
7 1992. Après les élections, la coopération entre le SDS et le SDA - le SDA
8 était le parti politique musulman - cette coopération était bonne.
9 Pourtant, une fois la guerre commencée en Croatie et une fois que les
10 Musulmans ont refusé d'être mobilisés pour combattre en Croatie, les
11 tensions sur le plan ethnique sont devenues plus palpables. C'est là que
12 les forces de police de réserve ont été mobilisées. Le témoin a dit qu'au
13 début de la guerre en Croatie, il y avait beaucoup de propagande diffusée
14 pour que les tensions entre les Serbes et les Musulmans augmentent.
15 Les chemins de fer, les rails de chemin de fer devaient être
16 sécurisés parce qu'il y avait des explosions et des portions des rails ont
17 été dynamitées. Cela a commencé avec la révolution des bûches à Knin, et
18 certaines choses se sont passées dans la municipalité de Bosanski Novi.
19 Vers la fin de l'année 1991 ou vers le début de l'année 1992, les
20 maisons et les magasins des Musulmans ont commencé à être la cible des
21 attaques aux explosifs. Les Serbes dans la municipalité ont obtenu des
22 armes de façon ouverte et publique. Le témoin a dit que la séparation des
23 forces de police a commencé à Bosanska Krupa et Hrvatska Kostajnica. Après
24 que Hrvatska Kostajnica soit tombé entre les mains des Serbes, le témoin
25 était présent au moment où les membres du MUP de la Croatie ont traversé le
26 pont. Ces policiers ont été désarmés. Leurs armes ont été amassées à un
27 endroit et les Serbes de Bosnie locaux ont pris leurs armes. Le témoin a
28 dit que les membres de la police spéciale de Knin étaient présents durant
Page 2942
1 ce désarmement. A un moment donné, vers la fin de 1991 et au début de 1992,
2 une unité spéciale de Banja Luka appelée les Bérets verts est arrivée à
3 Bosanski Novi. Ils portaient des uniformes de camouflage vert et portaient
4 les bérets rouges. Ils disaient que leur mission était de désarmer les
5 extrémistes appartenant à tous les groupes ethniques. Mais en fait, ils ont
6 procédé au désarmement uniquement des Bosniaques. Le témoin dit que
7 certains gens ont été arrêtés et là il a pensé aux Musulmans. Ces gens ont
8 été emmenés à Gradiska, à Cerkezovac en Croatie.
9 Après la mort d'Umicevic, le chef de la police, un autre Serbe s'appelant
10 Dejan Samara, est arrivé de Banja Luka. Sa tâche était de procéder à la
11 séparation de la police en se fondant sur l'appartenance ethnique des
12 policiers et de forcer tout le monde de porter des insignes serbes. En même
13 temps, les Serbes ont pris le pouvoir dans la municipalité de Bosanski
14 Novi.
15 Le 15 avril 1992, tous les policiers ont été convoqués et on leur a
16 demandé d'être loyaux aux autorités serbes. Le témoin a refusé cela. Les
17 Serbes ont obtenu des uniformes de camouflage qui avaient des insignes
18 serbes sur les épaulettes, c'étaient les mêmes uniformes portés par la
19 police spéciale à Belgrade.
20 Le témoin a quitté la municipalité au mois de mai 1992, et il est
21 revenu seulement après la fin de la guerre. Les endroits qu'il a visités
22 après la guerre étaient détruits. Toutes les mosquées dans ces endroits ont
23 été détruites, et il dit qu'aucune des maisons musulmanes ou des locaux
24 appartenant aux Musulmans n'étaient intacts.
25 J'en ai fini avec la lecture du résumé. Maintenant, je voudrais poser
26 quelques questions au témoin.
27 Q. Monsieur Krupic, pouvez-vous aider les Juges en leur disant à quelle
28 distance se trouve Bosanski Novi par rapport à la Croatie.
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1 R. C'est seulement la rivière Una qui les sépare. La ville de Dvor sur Una
2 se trouve à quatre kilomètres par rapport à Bosanski Novi.
3 Q. Quelle est la communication entre ces deux villes ?
4 R. Entre ces deux villes, il y a un pont qui enjambe la rivière Una.
5 Q. Pouvez-vous nous dire comment la guerre en Croatie, quelle incidence la
6 guerre en Croatie avait-elle sur la vie à Bosanski
7 Novi ?
8 R. Les membres des forces serbes portaient des armes à canon long à
9 Bosanski Novi. Tous les soirs, ils tiraient dans les rues de la ville comme
10 il s'agissait de la ligne de front. C'étaient les Serbes de Bosanska
11 Krajina, qui étaient membres des unités de la Défense territoriale.
12 Q. Pour autant que vous en sachiez, dites-nous s'il y avait là-bas des
13 groupes armés venus de la Krajina croate ?
14 R. De la Krajina croate arrivaient quotidiennement, en traversant le pont
15 à Bosanski Novi, les gens en état d'ébriété, après quoi, ils tiraient dans
16 la ville. Parmi eux se trouvait le feu chef de la police.
17 Q. Est-ce que vous étiez en mesure d'identifier ces groupes armés qui sont
18 venus de la Krajina croate ?
19 R. Il y a avait des membres de la TO, de la Défense territoriale de la
20 Krajina serbe, de la police de Martic et des membres actifs de l'armée
21 pendant que les membres de l'armée étaient sur le territoire de Cerkezovac.
22 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait des membres de la police de Martic
23 là-bas. Comment saviez-vous qu'il s'agissait des membres de la police de
24 Martic ?
25 R. Ces gens ont été appelés les membres de la police de Martic, d'après
26 Martic. Je ne pense pas aux policiers d'active. Il s'agissait que des gens
27 qui ont été spécialement formés pour intimider la population non-serbe et
28 pour mener des attaques terroristes.
Page 2944
1 Q. Savez-vous où ils ont été formés ou entraînés ?
2 R. D'après que j'en sache, à Knin.
3 Q. Vous avez dit que vous les voyiez souvent à Bosanski Novi. Qu'est-ce
4 qu'ils portaient comme vêtements ?
5 R. Principalement des ceinturons blancs et des uniformes de camouflage.
6 Souvent, on les voyait participer aux pillages au moment où les membres du
7 MUP de Croatie se sont rendus à Bosanska Kostajnica.
8 Q. A part les pillages, quoi d'autre, ou pour autant que vous en sachiez,
9 ils ont fait sur le territoire de Bosanski Novi ?
10 R. Pour autant que j'en sache, ils ont jeté un engin explosif sur la
11 maison du journaliste Safic. Il y avait trois hommes en uniforme de
12 camouflage avec des ceinturons blancs. Cela voulait dire qu'ils
13 appartenaient à la police de Martic. Ce journaliste, il était un
14 journaliste indépendant, qui faisait des reportages de façon impartiale de
15 la ligne de front de la Région autonome serbe de Krajina. Ensuite, un autre
16 engin a été jeté, a été lancé sur le magasin d'un fleuriste à Bosanski
17 Novi.
18 Q. Est-ce que quelqu'un a été identifié comme étant la personne qui a
19 lancé cet engin explosif, et est-ce que quelqu'un a été accusé d'avoir fait
20 cela ?
21 R. Ce n'était pas possible, parce qu'à l'époque, il y avait une sorte de
22 vacuum quant au pouvoir. Les organes d'autorité et la police régulière ne
23 pouvaient pas fonctionner comme il fallait, parce que la situation était
24 dangereuse, on aurait risqué nos vies.
25 Q. Vous avez mentionné leurs uniformes. Pouvez-vous nous dire et dire à la
26 Chambre quelles sortes d'armes portaient les membres de ce groupe ?
27 R. Principalement, ils portaient des fusils automatiques et des pistolets.
28 Il y avait une autre unité, unité des Bérets rouges, qui portaient des
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1 armes de petit calibre; des armes MK.
2 Q. Vous avez mentionné qu'on les appelait membres de la police de Martic à
3 cause de Martic. Est-ce que vous connaissiez Milan Martic en 1991 ?
4 R. Non, pas en personne. Je l'ai vu vers la fin de l'année 1991 et au
5 début de 1992 lorsqu'il passait par les rues de Bosanski Novi. Je sais
6 qu'il descendait au restaurant Libertas à Bosanski Novi. Je l'ai vu au
7 moment où il a été libéré à Otoka et au moment où il a été emmené au poste
8 de police à Bosanski Novi.
9 Q. Vous avez dit que quand il avait été libéré d'Otoka, pouvez-vous nous
10 dire quand cela était à peu près ?
11 R. Je ne saurais pas vous dire exactement quand, mais je pense que c'était
12 vers la fin de l'année 1991 et du début 1992, parce que le chef de la
13 police était toujours Umicevic. Martic a été retenu à Bosanska Otoka, et
14 après que M. Abdo Habib, adjoint au ministre de l'Intérieur, était
15 intervenu, il a été amené au poste de police à Bosanski Novi où il se
16 trouvait au même bureau avec le chef de la police, Umicevic. Après cela,
17 Mile Grbic, le propriétaire du restaurant Libertas est arrivé, et M. Martic
18 a été transféré jusqu'au petit stade de football se trouvant devant une
19 école, après quoi, on l'a fait monté à bord d'un hélicoptère. Après cela,
20 je ne sais pas dans quelle direction il a été emmené.
21 Q. Vous avez mentionné que vous avez vu Milan Martic s'arrêter au
22 restaurant Libertas. Est-ce qu'il s'est rendu dans ce restaurant seulement
23 une fois ou à plusieurs reprises ?
24 R. Je pense qu'il s'est rendu dans ce restaurant à plusieurs reprises,
25 parce qu'il était le seul des citoyens de la municipalité. Au moment où
26 Martic a été transféré d'Otoka au poste de police de Bosanski Novi, le
27 propriétaire de ce restaurant Libertas est arrivé pour le voir.
28 Q. Toujours concernant le restaurant, dites-nous si vous savez qui il a
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1 rencontré dans ce restaurant ?
2 R. Je ne peux pas vous énumérer les noms, mais je sais, compte tenu du
3 fait que j'étais le chef du secteur des patrouilles à Bosanska Novi, que ce
4 restaurant était souvent fermé à clé le soir, et qu'il y avait beaucoup de
5 clients dans ce restaurant. Il y avait des membres du SDS qui fréquentaient
6 ce restaurant, ainsi que des membres de l'ancienne JNA et des gens de Knin.
7 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait des gens du commandement de la Région
8 autonome serbe de Krajina. Pouvez-vous nous énumérer des noms ?
9 R. Je ne peux pas vous donner de noms, parce que je ne les connaissais
10 pas, excepté Kosta Djukic que je connaissais, parce qu'il était le
11 militaire d'active, et son fils travaillait au poste de police où je
12 travaillais. Il travaillait au centre des transmissions au poste de police.
13 Djukic était commandant à Cerkezovac, la garnison à Cerkezovac.
14 Q. Est-ce que dans ce restaurant se trouvaient parfois des leaders serbes
15 de Bosanski Novi ?
16 R. Oui. Tous les soirs, les extrémistes du SDS de Bosanski Novi étaient
17 là-bas. Lorsque j'étais de service, je notais des numéros de plaque
18 d'immatriculation des voitures garées devant le restaurant parce que la
19 porte du restaurant était fermée à clé. Je ne pouvais pas y entrer. A
20 l'époque, je n'avais confiance en personne.
21 Q. Sur la base des plaques d'immatriculation de ces voitures, vous avez pu
22 identifier les personnes qui étaient dans le restaurant ?
23 R. On savait cela. Par exemple, Stole Skundric qui était commerçant à
24 Bosanski Novi, et mon voisin, pendant la guerre, il a été nommé commandant
25 de la Défense de la ville. Tous les soirs, il sortait du restaurant, après
26 une fois finies les conversations qui ont été menées dans ce restaurant.
27 Q. Vous avez dit qu'au moins à une occasion vous avez vu Milan Martic.
28 Avez-vous vu ou avez-vous appris que quelqu'un d'entre les leaders de la
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1 Krajina y était présent ?
2 R. Feu Milan Babic y était à Bosanski Novi. On pouvait le voir se promener
3 dans les rues de Bosanski Novi.
4 Q. Est-ce que vous savez quelle était la relation entre les leaders serbes
5 de Bosanska Krajina et les leaders de la Krajina croate ?
6 R. A l'époque, je pense qu'il s'agissait d'une seule Krajina, parce que la
7 population serbe qui faisait partie de la Défense territoriale était
8 ensemble pendant la guerre avec les membres de la Région autonome serbe de
9 Krajina. Matériellement, sur le plan organisationnel, ils étaient reliés.
10 Ils parlaient de l'établissement des municipalités serbes lors des réunions
11 de l'assemblée de la Région autonome serbe de Krajina pour être fusionnées
12 à cette Région autonome. Mais à l'époque, il n'y avait aucune différence
13 entre la région de Banja Luka, c'est-à-dire, la Krajina en Bosnie et la
14 Région autonome serbe de Krajina. Il n'y avait pas de frontières entre ces
15 deux Krajina.
16 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez vu les policiers du
17 MUP de Hrvatska Kostajnica traversant le pont. Dites, quand Hrvatska
18 Kostajnica est tombée ?
19 R. Je ne saurais pas vous dire exactement, mais je pense que c'était au
20 début de 1991 et au début de 1992. Les représentants du syndicat
21 indépendant du MUP de la république se trouvaient à Bosanska Krupa où la
22 police a été divisée. En rentrant de Bosanska Krupa, ils sont arrivés
23 jusqu'à moi à Bosanski Novi, parce que j'étais membre du syndicat de la
24 république, de la police. Nous avons appris que les membres du MUP de
25 Hrvatska Kostajnica se sont rendus à Bosanska Kostajnica. En même temps,
26 j'ai amené leur représentant du syndicat de la république et la délégation
27 pour voir comment c'était. Une fois arrivée à Bosanska Kostajnica, nous
28 avons vu la scène suivante. Il faisait déjà nuit et les membres du MUP de
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1 Croatie traversaient le pont l'un après l'autre. A droite par rapport au
2 pont, ils jetaient leurs armes à canon long et des pistolets. Les policiers
3 Ivanovic ou Popovic. Parce qu'Ivanovic Goran les a menés dans une salle qui
4 était peut-être une salle de cinéma ou de culture, la maison de la culture,
5 où ils leur ont pris des bijoux en or et de l'argent. Le lendemain, ces
6 policiers de la République de Croatie ont été transférés à bord de bus en
7 camp de Manjaca.
8 Q. Vous avez dit que les hommes de Martic étaient présents. Quel était
9 leur rôle ?
10 R. Leur rôle était d'accueillir ces membres du MUP de la Croatie et les
11 fouiller. Il y avait les membres de la police civile de Bosanski Novi sur
12 place, et j'ai vu mes collègues. Il y a le feu, chef de la police
13 également. Il ne faisait rien. C'était la police de Martic qui a pillé ces
14 gens-là.
15 Ces policiers de Croatie, et ce qui est très important de dire là, je
16 pense qu'à peu près 300 policiers se sont rendus en jetant leurs armes sur
17 une pile. Les volontaires serbes les prenaient tout de suite et foutaient
18 le camp au QG de la Défense territoriale à Bosanski Novi, par la suite. Il
19 n'y avait qu'une dizaine d'armes qui ont été apportées.
20 Q. Monsieur Krupic, les interprètes n'ont pas entendu certains noms. Vous
21 avez mentionné les noms de certains de vos collègues, des policiers de
22 Bosanski Novi, qui étaient présents. Vous avez dit leurs noms, mais nous
23 n'avons pas pu saisir leurs noms.
24 R. Predojevic Ljubomir, Baskot Zoran, et le feu chef de la police,
25 Umicevic. Il y avait encore des membres de la police civile de Bosanski
26 Novi, mais je ne peux pas me souvenir de leurs noms. J'étais en civil.
27 Q. Lorsque vous avez dit que les policiers croates ont été amenés à
28 Manjaca à bord de bus, au moment où on les a fait monter à bord de bus,
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1 est-ce que la police de Martic se trouvait toujours sur place ?
2 R. Je ne le sais pas, parce que cette nuit-là, avec mes collègues du MUP
3 de la république, je suis rentré à la maison. Mais le lendemain, vers 10 ou
4 11 heures, j'ai vu les bus passant par Bosanski Novi dans la direction de
5 Kostajnica.
6 Q. J'ai l'impression que vous n'avez pas exactement répondu à ma question
7 quand je vous ai demandé quel était le rôle exact joué par les hommes de
8 Martic dans toute cette opération. Excusez-moi, je reformule, le rôle joué
9 par la police de Martic ?
10 R. Le rôle de la police, comme toujours, c'était de capturer et de
11 fouiller ces hommes du MUP de Croatie, qui s'étaient rendus.
12 Q. Avez-vous vu de quelle façon ont été traités ces policiers croates ?
13 R. C'était la nuit. Je ne l'ai pas vu personnellement. Mais le lendemain,
14 mon collègue, Predojevic, m'a dit à moi et à tous ceux qui se trouvaient
15 là, qu'on leur a pris tout ce qu'ils avaient sur eux, c'est-à-dire, leur
16 argent, leurs bijoux. On leur a tout volé.
17 Q. Merci, Monsieur Krupic.
18 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'en ai terminé de mon interrogatoire
19 principal, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame Richterova.
21 Monsieur Krupic, l'heure de la pause est arrivée, nous reprendrons à 12
22 heures 30, je vous demande d'être dans le prétoire à cette heure-là.
23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je vous
26 rappellerais avant que vous ne repreniez la parole, que compte tenu de la
27 décision rendue dans le cadre de l'application de l'article 92 bis, le
28 témoin qui se trouve ici n'est censé être contre-interroger que sur les
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1 questions relatives aux Bérets rouges. Vous pouvez procéder.
2 Contre-interrogatoire par M. Milovancevic :
3 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je suis le conseil de la Défense
4 de Milan Martic. Je m'appelle Predrag Milovancevic. L'heure est venue à
5 présent de la phase de votre audition qui s'appelle contre-interrogatoire.
6 Je vais vous poser les questions qui sont considérées comme d'une certaine
7 importance par la Défense. Je vous demanderais, je vous prie, de bien
8 vouloir ménager une pause entre la fin de mes questions et le début de vos
9 réponses pour faciliter le travail des interprètes.
10 Vous avez confirmé aujourd'hui avoir fait deux dépositions devant les
11 représentants du bureau du Procureur. Par ailleurs, vous avez répondu
12 aujourd'hui à une série de questions qui vous ont été posées par
13 l'Accusation. Les questions, dont vous avez parlé aux représentants du
14 bureau du Procureur pendant votre déposition, figurent-elles dans vos
15 déclarations écrites ?
16 R. Oui.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense a un
18 problème dont je tiens à informer la Chambre. De 80 à
19 90 % des réponses fournies par le témoin oralement ici aujourd'hui ne
20 figurent pas dans ses dépositions écrites. Ce sont des éléments que la
21 Défense a entendus pour la première fois dans ce prétoire ce matin. Or,
22 l'accusé a le droit d'être informé pleinement des accusations formulées à
23 son encontre et de la teneur d'une déposition.
24 Nous sommes face à un vrai problème. Pratiquement toutes les
25 questions qui ont fait l'objet des réponses du témoin au cours de
26 l'interrogatoire principal portaient sur des faits et des affirmations qui
27 ne figurent pas dans ses déclarations écrites. La Défense estime que ceci
28 est un problème sérieux.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'Accusation a-t-elle quelque
2 chose à dire ?
3 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec Me
4 Milovancevic. Le témoin, au cours de la séance de récolement hier, a parlé
5 d'un certain nombre de choses qu'il abordait pour la première fois. J'ai
6 rédigé une feuille d'information suite à la cela que j'ai envoyée à la
7 Défense. L'Accusation est d'avis qu'il conviendrait d'autoriser la Défense
8 à contre-interroger le témoin sur la base de ces nouveaux renseignements
9 obtenus hier.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, évidemment
11 vous êtes en droit d'interroger le témoin sur les questions évoquées
12 aujourd'hui pendant l'interrogatoire principal qui viendront s'ajouter aux
13 questions portant sur les Béret rouges.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Mais avant cela, Monsieur le Président,
15 je tiens à informer la Chambre que le 29 mars 2006, nous avons reçu un
16 document de l'Accusation qui comporte trois courtes phrases. Ces trois
17 phrases courtes sont présentées comme des éléments d'information nouveaux
18 par rapport au contenu de la déclaration écrite préalable du témoin.
19 Cependant, le témoin a oralement évoqué toute une série de faits nouveaux
20 que la Défense entendait pour la première fois. Dans cette situation, je
21 demande à la Chambre l'autorisation d'interroger le témoin au sujet de
22 toutes ces questions, je ne voudrais pas qu'il y ait le moindre mal entendu
23 à ce sujet. Je ne voudrais pas prêter le flanc à une quelconque critique
24 d'infraction par rapport à la décision rendue par la Chambre, Monsieur le
25 Président, s'agissant des questions que je peux aborder au cours du contre-
26 interrogatoire.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Maître Milovancevic, comme la
28 Chambre vient de l'indiquer, vous êtes autorisé à contre-interroger le
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1 témoin sur toutes questions évoquées au cours de l'interrogatoire principal
2 par l'Accusation ce matin. Toutes ces questions s'ajoutent à celles que
3 vous êtes en droit d'aborder dans votre contre-interrogatoire en rapport
4 avec les Bérets rouges.
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Milovancevic.
7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur le Témoin, l'Accusation aujourd'hui a donné lecture d'un
9 résumé de votre déposition dans laquelle un élément figure entre autres.
10 J'aimerais savoir si la source de cet élément d'information vient bien de
11 vous. Il s'agissait de la composition ethnique de la population de Bosanski
12 Novi. L'Accusation, dans la lecture de ce texte, a déclaré qu'il n'y avait
13 qu'une faible majorité de Serbes à Bosanski Novi. Est-ce vous qui avez dit
14 cela aux représentants du bureau du Procureur ?
15 R. J'ai probablement dit dans ma déclaration que les Serbes étaient plus
16 nombreux que les autres. Selon le recensement de 1990, ou 1991, il y avait
17 37 % de Bosniens, 0,05 % de Croates et 0,05 % d'autres groupes ethniques.
18 Le reste de la population se composant de Serbes. Je parle de la
19 municipalité bien entendu.
20 Q. Vous venez de dire que 37 % de la population était composée de
21 Bosniens, alors que dans votre déclaration écrite nous lisons le
22 pourcentage de 34 %. Qu'est-ce qui est exact, 34 ou 37 % ?
23 R. Cela dépend un peu de la façon dont on voit les choses, parce que ceux
24 qui se sont déclarés Yougoslaves inclus un certain nombre de Musulmans,
25 alors 34 ou 37 %, à mon avis de toute façon, ce n'est pas très différent.
26 Q. Suis-je en droit de dire s'agissant du pourcentage de Musulmans, de
27 Croates et de Yougoslaves dans cette population que quelle qu'ait été ce
28 pourcentage, il y avait en tout cas 60 % de Serbes à Bosanski Novi ?
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1 R. Oui, je pense que c'est cela.
2 Q. Merci. Dans votre déclaration écrite, nous lisons que les élections
3 multipartites ont été organisées à Bosanski Novi, et que deux partis
4 existaient à Bosanski Novi, deux partis importants, à savoir le SDA, Parti
5 de l'Action démocratique dirigé par Alija Izetbegovic, et le SDS, Parti
6 démocratique serbe; c'est bien cela ?
7 R. Oui, mais le SDA n'était pas uniquement le parti d'Alija Izetbegovic,
8 c'était le parti du peuple musulman.
9 Q. Merci. Dans votre déclaration écrite, nous lisons que selon un accord
10 existant précédemment, ce sont ces deux partis qui ont nommé les
11 personnalités importantes de la municipalité; c'est bien cela ?
12 R. Oui, sur la base des résultats des élections.
13 Q. Dans votre déclaration écrite, nous lisons que le chef du SUP de
14 Bosanski Novi, suite à une initiative prise par le SDA, a choisi pour ce
15 poste le Serbe Umicevic ?
16 R. Umicevic.
17 Q. Oui, Umicevic.
18 R. Si la Chambre m'y autorise, je pense que ceci mérite quelques mots
19 d'explication complémentaire.
20 Q. Apparemment, vous avez parlé de cela dans votre déclaration écrite,
21 celle que nous avons ici, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Est-il exact que c'est un certain Ceric dont le nom a été
24 proposé par le SDA pour le poste de chef de la police ?
25 R. Oui.
26 Q. Le SDA, c'est bien le Parti de l'Action démocratique, le parti dont
27 vous dites qu'il représentait la population musulmane, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. Encore une fois, je vous demande le respect des ces pauses entre la fin
2 de mes questions et le début de vos réponses.
3 Dans votre déclaration écrite, nous lisons qu'au début le SDS
4 faisait tout ce qu'il faisait sur la base d'accords avec le SDA. Donc le
5 SDS, Parti démocratique serbe agissait au début sur une base constante
6 d'accords avec le SDA, Parti de l'Action démocratique à Bosanski Novi,
7 n'est-ce pas ?
8 R. Au début, oui, c'est exact.
9 Q. Répondant aux questions du Procureur, vous avez dit qu'au début de la
10 guerre en Croatie la situation se dégradait. Dans votre déclaration écrite,
11 nous lisons que les Musulmans ont refusé de se mobiliser pour participer à
12 la guerre en Croatie et que c'est à ce moment-là que des tensions ont
13 commencé à se développer s'agissant des rapports interethniques. Avec cette
14 phrase, vous pensiez à la population musulmane de Bosanski Novi ou à
15 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, et je vous demande par ailleurs où ces
16 tensions se sont développées ?
17 R. Je pensais à l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, mais plus
18 spécialement à Bosanski Novi. Quand les Musulmans ont refusé d'aller se
19 battre en Croatie, ces tensions ont commencé à se développer. Ils ont
20 refusé d'obtempérer aux instructions venant des Serbes.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait répéter
22 la fin de sa phrase.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que les tensions ont commencé à se
24 développer partout en Bosnie-Herzégovine. Par contre, je suis au courant de
25 cela plus précisément pour Bosanski Novi. Cela a commencé au moment où les
26 Musulmans ont refusé d'être incorporés en tant que réservistes dans
27 l'ancienne JNA et quand ils ont refusé d'aller se battre en Croatie.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
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1 Q. Quand vous répondiez à ma question pour la première fois, est-ce que
2 vous avez dit que la population musulmane de Bosnie-Herzégovine était
3 censée faire ce qu'elle avait à faire sur instruction de Sarajevo ?
4 R. Oui.
5 Q. Pourriez-vous nous dire quand vous parlez de consignes ou
6 d'instructions venant de Sarajevo, est-ce que ces consignes leur
7 demandaient de ne pas accepter la mobilisation ?
8 R. C'est le président de la Bosnie-Herzégovine de l'époque, M. Alija
9 Izetbegovic, qui s'était exprimé dans les médias.
10 Q. Il avait parlé par la voie des médias. Il était président de la
11 présidence de Bosnie-Herzégovine, qu'a-t-il dit à ce moment-là ?
12 R. Il a dit que les Musulmans n'avaient pas pour devoir d'accepter d'être
13 versés dans les rangs des réservistes, car la guerre qui se menait n'était
14 pas la guerre des Musulmans.
15 Q. Je vous pose ces questions parce qu'elles sont en rapport avec ce que
16 vous avez décrit de la situation à Bosanski Novi, puisque vous avez dit que
17 c'était cela qui avait provoqué la dégradation de la situation. Savez-vous
18 qui a proclamé la mobilisation à ce moment-là, et pourriez-vous nous dire à
19 peu près à quel moment ceci s'est passé, au moins au cours de quel mois ?
20 R. Je ne sais pas qui a proclamé la mobilisation et celle-ci a commencé en
21 1991, en 1990 ou 1991. Les Musulmans qu'on appelle aujourd'hui les Bosniens
22 ont obtempéré à l'ordre de mobilisation jusqu'au moment où le président de
23 l'Etat, M. Alija Izetbegovic, a exprimé ses positions sur ce sujet. Par la
24 suite, l'Etat de Bosnie-Herzégovine a été reconnu en tant qu'Etat
25 indépendant, donc ils n'avaient plus pour devoir d'obtempérer à ces
26 consignes.
27 Q. Toute votre déposition a un rapport direct avec le début de la guerre
28 en Croatie en 1991. Dans votre déposition écrite, vous dites que lorsque la
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1 guerre a commencé en Croatie, les Musulmans ont refusé la mobilisation
2 destinée à assurer leur participation à cette guerre. Alors, pourriez-vous
3 nous dire si l'ordre de mobilisation concernait tous les hommes en âge de
4 porter les armes sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine,
5 indépendamment de leur appartenance ethnique et si seules les autorités
6 fédérales avaient le pouvoir de proclamer cette mobilisation ?
7 R. Oui. Les gens ont reçu l'ordre de mobilisation, mais quand ils sont
8 arrivés à l'endroit qui leur avait été fixé dans cet ordre de mobilisation,
9 ils ont pratiquement tous décidé de rentrer chez eux parce qu'ils sont
10 arrivés dans des endroits où tout était très désorganisé.
11 Q. Vous avez dit que les Musulmans avaient refusé la mobilisation destinée
12 à les faire participer à la guerre en Croatie et que c'est à ce moment-là
13 que les tensions interethniques se sont développées. Mais pour Bosanski
14 Novi, quelle était la nature de ces tensions interethniques, elles
15 opposaient qui et qui ?
16 R. Il s'agissait de tensions ethniques dans la mesure où les Serbes ont
17 commencé à jeter un regard un peu méprisant sur les Musulmans en raison de
18 leur refus de participer à leurs côtés à la guerre en Croatie. Sur tout le
19 territoire de la municipalité, la situation est devenue catastrophique. Les
20 membres des forces en question avaient tendance à boire beaucoup trop et à
21 faire usage de leurs armes à feu. Il leur arrivait même de tirer sur les
22 lieux de culte y compris pendant les services religieux comme, par exemple,
23 un enterrement de Musulmans. Donc la vie en ville est devenue tout
24 simplement impossible.
25 Q. Vous êtes en train de parler de la situation qui a fait suite à la
26 mobilisation. Est-ce que vous avez évoqué la situation qui présidait quand
27 la population musulmane a refusé d'obtempérer à l'ordre de mobilisation
28 suite aux propos prononcés par Alija Izetbegovic s'agissant de la guerre
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1 qui se menait tout près de là dans la République de Croatie et de
2 l'acceptation par les Serbes de cet ordre de mobilisation ? Est-ce bien de
3 cette situation que vous êtes en train de parler ?
4 R. Oui.
5 Q. Dans votre déposition écrite, on peut lire qu'à l'époque, pendant cette
6 période de mobilisation, il se trouvait des réservistes de l'armée aux
7 postes de contrôle, ainsi qu'un ou deux policiers de la police régulière.
8 C'est bien cela, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. J'étais là d'ailleurs. Je peux en témoigner.
10 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la nature des postes de contrôle qui
11 ont été érigés et à quel moment ils l'ont été ?
12 R. Il s'agissait de postes de contrôle organisés et mis en place par les
13 membres des forces armées, à savoir, la Défense territoriale et la police
14 d'active, et ceci dès 1991. En fait, il y avait aussi des représentants
15 isolés de la SAO de Krajina qui venaient à ces postes de contrôle de
16 Bosanski Novi de temps en temps. Quant à savoir qui a mis en place ces
17 postes, je ne le sais pas. Cela s'est probablement fait sur la base d'un
18 accord entre la police et l'armée.
19 Q. Pour que nous comprenions bien de quelle période vous êtes en train de
20 parler, vous parlez n'est-ce pas, de la période du début de la guerre en
21 Croatie ? Vous dites que c'est à ce moment-là que les postes de contrôle
22 ont vu le jour. Pourriez-vous nous donner au moins un cadre temporel
23 approximatif. Est-ce que cela s'est passé en 1991 ?
24 R. En 1991, quand la route Zagreb-Sarajevo a été bloquée, des policiers
25 d'active et de réserve sont arrivés des municipalités voisines. Nous avons
26 commencé des postes de garde au niveau des voies ferrées, dans le cadre de
27 ces postes de contrôle conjoints qui étaient surveillés par des civils et
28 des militaires.
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1 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que ces postes de contrôle
2 dont vous parlez ont existé sur le territoire de la municipalité de
3 Bosanski Novi et est-ce qu'il s'agissait de postes de contrôle où des
4 hommes montaient la garde sur la base d'un accord conclu entre les
5 structures civiles et militaires ?
6 R. Oui. C'est exactement cela.
7 Q. La JNA était-elle la représentante des autorités militaires dont vous
8 avez parlé, si vous le savez ?
9 R. Je ne sais pas.
10 Q. Dans votre déclaration écrite, en parlant de la police, vous dites qu'à
11 cette époque-là les forces réservistes de la police ont été mobilisées et
12 que chaque village avait un poste de police. Ceci correspond-il bien à la
13 réalité de l'époque ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous avez parlé du problème posé par la mobilisation. Vous avez dit que
16 les Musulmans avaient refusé l'ordre de mobilisation alors que les Serbes
17 l'avaient accepté et tout ce que vous avez dit concernait la situation à
18 Bosanski Novi. Alors, je vous demande encore une fois de nous dire où se
19 trouve Bosanski Novi ?
20 R. Bosanski Novi se trouve dans l'Etat de Bosnie-Herzégovine, dans ce
21 qu'on appelle aujourd'hui la Republika Srpska.
22 Q. En 1991, est-ce que la Bosnie-Herzégovine était une des unités
23 constitutives de la Fédération yougoslave ?
24 R. En 1991 ?
25 Q. Oui.
26 R. Oui.
27 Q. A l'époque en 1991, la Croatie était-elle également comme toutes les
28 républiques une partie constitutive, une unité fédérale constitutive de la
Page 2959
1 Yougoslavie ?
2 R. Oui, jusqu'à la déclaration de son indépendance.
3 Q. Lors de la proclamation de son indépendance, est-ce que cette dernière
4 a provoqué la guerre en Croatie ?
5 R. Probablement, oui.
6 Q. Vous avez déclaré que Bosanski Novi était à la frontière même de la
7 Croatie et de la Bosnie, donc de deux républiques yougoslaves. Est-ce que
8 ceci est exact ? Vous avez dit également que ces deux républiques étaient
9 séparées par un pont ?
10 R. A la frontière entre deux ex-Républiques de la Yougoslavie, à savoir,
11 la Bosnie-Herzégovine et la Croatie.
12 Q. Je vous prie de m'excuser. Je parlais de 1991, en tout cas.
13 R. Oui.
14 Q. Quand vous parlez de la mobilisation, mobilisation qui a concerné tous
15 les réservistes de la police de Bosanski Novi et de Bosnie de façon plus
16 générale à cette époque-là, en 1991, vous dites dans votre déclaration
17 écrite - et vous l'avez confirmé oralement aujourd'hui - qu'il y a eu des
18 émissions à la radio et toutes sortes de propagandes qui n'ont fait que
19 développer les tensions. Est-ce que vous pensez qu'au nombre de questions
20 abordées dans cette émission de radio, il y avait des émissions concernant
21 Tudjman ? Que pensez-vous des Oustachi ? Est-ce que vous avez bien parlé de
22 cela dans votre déclaration ?
23 R. Oui. Il y avait une émission du matin qu'on écoutait pendant qu'on
24 prenait son café, et qui était dirigée par un journaliste de la radio de
25 Bosanski Novi, qui parlait de tout cela.
26 Q. Est-ce que vous savez ce qui s'est passé à cette époque-là sur le
27 territoire de la république voisine de Croatie ?
28 R. Oui, je le sais. Il y a eu affrontement armé entre des membres de la
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1 Défense territoriale de la SAO de Krajina, des policiers, des membres
2 d'active de la JNA et certains représentants de la Défense territoriale de
3 Bosnie-Herzégovine d'une part, et les forces armées de la République croate
4 de l'autre.
5 Q. Vous avez dit il y a un instant que la République de Croatie était une
6 unité de la fédération et que la Bosnie-Herzégovine était également une
7 unité fédérale à l'époque. Alors, il y avait cette frontière entre ces deux
8 unités constitutives de la fédération, à savoir, la Bosnie et la Croatie.
9 Est-ce qu'il existait au niveau de cette frontière physique un poste de
10 contrôle quelconque ou était-ce simplement une frontière administrative ?
11 R. C'était simplement une frontière administrative à l'époque.
12 Q. Vous avez parlé du début des tensions interethniques au sujet
13 desquelles vous avez établi un lien entre elles et les problèmes liés à la
14 mobilisation et à la guerre en Croatie. Vous avez dit que des réservistes
15 étaient présents tous les soirs à Bosanski Novi, qu'ils tiraient des coups
16 de feu en l'air et qu'il était difficile de les maîtriser. C'est bien ce
17 que vous avez dit ?
18 R. Oui.
19 Q. Ces réservistes qui avaient accepté l'ordre de mobilisation, étaient-
20 ils des soldats de la JNA ?
21 R. Ces réservistes étaient hiérarchiquement dépendants de la JNA à
22 l'époque, mais ils étaient placés sous le commandement de la Défense
23 territoriale locale.
24 Q. Au moment où ces réservistes ont fait leur apparition, ont-ils pris
25 place dans ces postes de contrôle dont vous avez parlé également, ceux qui
26 étaient dirigés par l'armée et la police ?
27 R. Oui.
28 Q. Ces postes de contrôle conjoints ont-ils été en mesure de remplir leurs
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1 fonctions ? D'abord, veuillez nous décrire la fonction de ces postes de
2 contrôle.
3 R. Ils avaient pour fonction de fouiller les véhicules et les personnes
4 qui passaient par là et de vérifier les papiers d'identité. A l'époque,
5 c'était une tâche impossible à mener à bien. Je l'ai vu de mes yeux.
6 J'étais là quand une colonne de réservistes est arrivée de Loznica, et que
7 des milliers ou des millions de coups de feu ont été tirés. Il leur
8 arrivait de tirer aussi sur des lieux de culte. C'était véritablement
9 chaotique.
10 Q. Est-ce que vous êtes en train d'essayer de dire que ces militaires et
11 ces policiers qui se trouvaient au poste de contrôle n'étaient absolument
12 pas en mesure d'assurer leur mission dans cette situation très compliquée ?
13 R. En effet, ils ne pouvaient pas le faire.
14 Q. Vous avez dit, il y a quelques instants, que le pont séparant Dvor Na
15 Uni qui se trouve d'un côté de la rivière Una en Croatie, donc dans la
16 République de Croatie de l'époque, et Bosanski Novi qui se trouve de
17 l'autre côté du pont dans la République voisine, vous avez dit que des
18 groupes d'hommes en arme traversaient ce pont et tiraient des coups de feu
19 en l'air pour fêter diverses occasions. Vous avez dit que ces hommes
20 étaient des membres de la Défense territoriale et des membres de la police
21 de Martic ainsi que des soldats d'active. C'est bien ce que vous avez dit ?
22 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. L'un des policiers en question a d'ailleurs
23 tué le chef.
24 Q. Quand vous parlez du fait que le chef a été tué, est-ce que vous parlez
25 de M. Umicevic ?
26 R. Oui, je parle de lui.
27 Q. L'auteur de l'assassinat de M. Umicevic, a-t-il été arrêté par la
28 suite ?
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1 R. Il a été arrêté le jour même et emmené à Banja Luka. Son nom est Nikola
2 Krneta.
3 Q. Dans la deuxième déposition écrite que vous avez faite au bureau du
4 Procureur, vous dites que vous avez quitté votre travail ce jour-là, que
5 vous avez été appelé par le responsable de service, que vous êtes allé sur
6 les lieux et que dans le café où tout cela s'était passé, vous avez pu
7 établir qu'Umicevic avait pris place dans ce café, que des coups de feu ont
8 été tirés et que ce Nikola Krneta, un policier militaire, a tué Umicevic
9 avant d'être arrêté.
10 R. Oui.
11 Q. Que lui est-il arrivé après ?
12 R. Oui. C'est bien ce que j'ai dit. Le chef a entendu qu'il y avait des
13 troubles à l'ordre public dans ce café. Puisqu'il habitait tout près et
14 qu'il était en train de rentrer chez lui, il est allé voir ce qui se
15 passait. Il a trouvé sur place le propriétaire du café. Il s'est assis à
16 une table, a parlé avec le propriétaire du café. Cet homme dont le nom est
17 Krneta est arrivé et a tiré une rafale de coups de feu directement dans la
18 tête du chef avant d'être appréhendé et amené à Banja Luka. Ensuite, je ne
19 sais pas ce qu'il est advenu de lui. Le propriétaire du café a été
20 également arrêté. Le lendemain j'ai pu constaté qu'on l'avait relâché.
21 Q. Suis-je en droit de dire, parlant du chef Umicevic, que c'était un
22 Serbe qui dirigeait la police de Bosanski Novi et qu'il a été tué par des
23 coups de feu tirés par Krneta qui était membre de la police militaire,
24 également Serbe; c'est bien cela ?
25 R. Oui.
26 Q. Merci. Vous avez parlé du chaos en ville et de la possibilité pour la
27 police de ramener l'ordre dans cette situation et vous avez évoqué, à ce
28 moment-là, des hommes en arme qui traversaient le pont provenant des zones
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1 de guerre de la Croatie voisine. Ensuite, vous avez parlé de la police de
2 Martic. Ces hommes qui faisaient partie de la police de Martic, comment
3 étaient-ils habillés ?
4 R. A Bosanski Novi, on sait qui faisait partie de la police de Martic. Ces
5 hommes portaient des uniformes de camouflage avec des ceinturons blancs et
6 des baudriers blancs. Parmi eux, ils se trouvaient des hommes qui avaient
7 commis des actes de délinquance dans la période antérieure.
8 Q. Comment savez-vous que ces hommes portant un uniforme de camouflage
9 faisaient partie de la police de Martic ?
10 R. Ce n'était pas écrit sur leurs fronts qu'ils faisaient partie de la
11 police de Martic, mais tout le monde au poste de police savait qui faisait
12 partie de la police de Martic.
13 Q. Pouvez-vous nous expliquer qui étaient ces hommes de la police de
14 Martic ?
15 R. On parle de police, mais je ne parle pas de la police régulière. Les
16 membres de la police régulière étaient des gens très bien. En 1990, 1991 -
17 je ne saurais préciser la période - en tout cas, c'était des hommes qui
18 avaient été formés, entraînés et qui avaient suivi un entraînement spécial
19 à Knin. C'étaient des hommes qui avaient été entraînés à des tâches
20 spéciales. Je sais qui étaient les hommes venant de Bosanski Novi. En tout
21 cas, parmi les hommes de la police de Martic, il y en avait qui étaient
22 enclin à commettre des actes de délinquance.
23 Q. Monsieur le Témoin, vous dites que ces hommes qui avaient été entraînés
24 venaient du territoire de la municipalité de Bosanski Novi. Pouvez-vous
25 nous dire qui les avait envoyés subir leur entraînement à Knin puisque vous
26 dites que c'est ce qui s'est passé ?
27 R. Ils n'étaient pas uniquement originaires du territoire de Bosanski
28 Novi; ils étaient originaires de plusieurs municipalités de la Krajina
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1 bosniaque. Ces hommes ont probablement été rassemblés sur l'initiative du
2 SDS, parce que quand le SDS est venu au pouvoir, il s'est mis à transformer
3 les structures de la police de réserve de Bosanski Novi et des gens qui
4 n'auraient jamais dû être choisis pour les fonctions pour lesquelles ils
5 ont été nommés, ont été placés à ces poste. Donc, ils choisissaient les
6 gens qui leur plaisaient.
7 L'INTERPRÈTE : Est-ce que les personnes peuvent parler plus lentement, s'il
8 vous plaît. Merci.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, mais les interprètes se
10 plaignent à l'égard de vous deux, Maître Milovancevic, et Monsieur le
11 Témoin. Veuillez, je vous prie, Monsieur le Témoin, quand le conseil de la
12 Défense vous a posé une question, attendre un petit instant avant de
13 commencer votre réponse. Vous, Maître Milovancevic, quand vous avez entendu
14 la réponse, veuillez attendre un petit instant avant de reposer votre
15 question suivante.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que ces hommes que vous
18 appelez les membres de la police de Martic, est-ce que ces hommes étaient
19 de diverses municipalités de Bosnie, donc des gens qui habitaient dans la
20 région, en gros ?
21 R. Il y en avait parmi eux. Je ne sais pas s'ils venaient de la SAO de
22 Krajina, mais ils venaient de plusieurs municipalités de la Krajina
23 bosniaque.
24 Q. Vous dites qu'ils portaient un uniforme de camouflage et que ce n'était
25 pas écrit sur leurs fronts qu'ils appartenaient à la police de Martic. Vous
26 avez dit qu'on ne parlait d'eux que dans des rumeurs. Qu'est-ce que vous
27 appelez exactement la police de Martic ?
28 R. Il y en a parmi eux que je connaissais personnellement. J'en
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1 connaissais d'ailleurs pas mal. Je me souviens d'un certain Goran Ivanovic
2 ou Popovic. Je suis sûr à 100 % qu'il faisait partie de la police de
3 Martic.
4 Q. Que voulez-vous dire par là ? Vous savez qu'il avait suivi
5 l'entraînement dont vous parlez et qu'il portait l'uniforme que vous avez
6 décrit ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci. Répondant aux questions de l'Accusation au sujet des membres de
9 la police de Martic qui traversaient le pont, vous avez déclaré qu'ils
10 portaient un uniforme de camouflage avec un ceinturon blanc, et qu'ils se
11 sont livrés à des actes de pillage; c'est bien cela ?
12 R. J'ai dit qu'ils ont participé à des actes de pillage au moment où les
13 policiers de la République du MUP, de la République de Croatie se sont
14 rendus.
15 Q. Nous viendrons à ce sujet plus tard. Ma question suivante est la
16 suivante : répondant à une question de l'Accusation, vous avez dit qu'outre
17 des actes de pillages et de vol, ils ont également lancé des explosifs sur
18 la maison d'un journaliste avant de pénétrer dans cette maison et que ces
19 actes ont fait deux victimes dont vous affirmez qu'il s'agit de Musulmans.
20 R. J'ai dit qu'ils avaient jeté des explosifs pas à l'intérieur de la
21 maison mais dans un magasin de fleurs qui se trouvait non loin de là. J'ai
22 parlé du domicile d'un journaliste en disant que ces hommes avaient
23 également pillé une boutique de fruits et légumes dont le propriétaire
24 était Ibramhim Dautovic.
25 Q. Dans votre deuxième déposition écrite, vous avez décrit tous ces
26 incidents, et en particulier l'incident lié à ces hommes qui ont jeté un
27 explosif. A ce sujet, vous dites en page 3 de votre deuxième déposition
28 écrite, celle du 19 juillet, vous dites : "Une grenade a été lancée contre
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1 la maison de Zarif Safic." Vous dites que vous étiez de service et vous
2 dites : "Je suis allé sur place et j'ai trouvé des restes de cet explosif.
3 Trois Chetniks en uniforme ont été vus en train de lancer cette grenade. Je
4 ne me rappelle pas le nom des témoins oculaires. Ce crime n'a jamais été
5 résolu."
6 C'est ce que vous avez dit aux représentants du bureau du Procureur.
7 Aujourd'hui, en répondant aux questions de l'Accusation, vous avez déclaré
8 que des policiers de Martic avaient lancé un explosif sur cette maison.
9 Laquelle des deux versions correspond à la réalité ?
10 R. Peut-être que l'emploi par moi du terme "Chetniks" était un lapsus. En
11 tout cas, ce sont des hommes qui étaient au volant d'un véhicule qui est
12 passé à côté de cette maison, et il y a eu jet d'une grenade qui provenait
13 de ce véhicule.
14 Q. Monsieur le Témoin, vous témoignez ici sous serment. Vous avez parlé de
15 policiers membres de la police militaire, vous avez dit que vous aviez vu
16 un véhicule qui circulait, et répondant aux questions de l'Accusation, vous
17 avez déclaré que ces hommes étaient membres de la police de Martic. Est-ce
18 que vous distinguez entre les deux choses ?
19 R. L'unité de Martic était une unité spéciale qui avait été détachée
20 auprès du commandement de l'armée et qui remplissait les mêmes fonctions.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous
22 pourriez répéter la fin de votre réponse. Vous avez dit :
23 "Ils menaient à bien --." Pourriez-vous terminer cette phrase ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'était la police de Martic,
25 compte tenu de ce qu'on nous a dit, de la façon dont on nous a décrit les
26 personnes et la voiture à partir de laquelle la grenade avait été lancée. A
27 l'époque, il était un peu difficile de savoir exactement de quelle police
28 il s'agissait. En tout cas, tous ces hommes à l'époque étaient sous le
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1 commandement de la JNA, les uns comme les autres.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
3 Q. Vous dites qu'il s'agissait de policiers militaires, vous dites que
4 vous pensez qu'ils relevaient de la police de Martic. Vous dites également
5 qu'il était difficile de déterminer qui dépendait de quoi à l'époque. Vous
6 dites que vous ne vous rappelez pas le nom des auteurs de ce crime. Vous
7 ajouter que ce crime n'a jamais été résolu. Ensuite, répondant aux
8 questions de l'Accusation dans le prétoire, vous affirmez savoir qu'il
9 s'agissait d'hommes appartenant à la police de Martic.
10 R. Etant donné les éléments d'information que j'ai reçus quand je me suis
11 trouvé sur place, il est absolument incontestable qu'il s'agissait de
12 membres de la police de Martic. Pas mal de temps s'est écoulé depuis, et je
13 ne me rappelle pas aujourd'hui tous les détails.
14 Q. Vous avez décrit les hommes de la police de Martic comme étant des
15 hommes qui portaient un uniforme de camouflage et qui avaient un ceinturon
16 blanc. Dans votre deuxième déposition écrite au bureau du Procureur, en
17 page 3, paragraphe 5, vous dites en corrigeant votre déposition préalable,
18 je cite: "Dans le paragraphe 7 de la page 5, j'ai dit que des forces
19 militaires spéciales sont arrivées de Banja Luka pour désarmer ces
20 extrémistes. Ce groupe de militaires spéciaux était les Bérets rouges
21 venant de Banja Luka. Il a été dit que c'étaient les membres d'un groupe
22 d'élites, et qu'avec nous, ils allaient régler tous les problèmes qui se
23 posaient en ville. Mais cette unité n'a rien fait. La situation n'a fait
24 qu'empirer." C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. Etes-vous au courant du fait que les membres de la police militaire de
27 la JNA de l'époque avaient un uniforme qui comportait un ceinturon blanc,
28 de couleur blanche ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dans votre déposition orale, en réponse aux questions de l'Accusation,
3 vous avez déclaré qu'une tentative de création d'un regroupement des
4 municipalités avait eu lieu, et qu'elle visait à établir une jonction avec
5 la Krajina de Croatie mais que cette tentative n'a pas été couronnée de
6 succès à Bosanski Novi. C'est bien ce que vous avez dit ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous avez dit qu'au début, à Bosanski Novi, le SDS et le SDA
9 s'entendaient sur tout ce qu'il convenait de faire dans cette ville, n'est-
10 ce pas, et qu'ensuite, des problèmes sont apparus plus tard ?
11 R. Oui.
12 Q. S'agissant de ces deux explosifs qui ont été lancés sur une maison et
13 sur un commerce appartenant à des Musulmans, vous avez bien dit, n'est-ce
14 pas, que ces deux actes avaient été commis fin 1991 ou début 1992. Dans
15 votre déposition écrite, vous dites que les autorités de la ville avaient
16 combattu, avaient fait front et avaient exprimé publiquement leur désaccord
17 par rapport à ces incidents.
18 R. Oui, j'ai probablement dit cela. Les autorités jouaient un rôle assez
19 peu clair à l'époque, faisaient preuve de pas mal d'hypocrisie.
20 Q. Quand vous dites que les autorités se sont publiquement prononcées
21 contre ces attentats, pouvez-vous nous dire ce que vous avez à l'esprit ?
22 Est-ce que les pouvoirs locaux ont publié un communiqué condamnant ces
23 attentats ?
24 R. Je ne sais pas s'il y a eu publication d'un communiqué, mais il y a eu
25 condamnation publique de ces actes.
26 Q. Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire exactement par ces
27 mots, quand vous dites condamnation officielle ou publique de ces actes ?
28 Que voulez-vous dire exactement ?
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1 R. Je veux dire que les pouvoirs locaux ne se sont jamais déclarés
2 publiquement favorables à de tels attentats ou à des actes entraînant la
3 destruction de propriété. Mais on sait bien ce qu'il en était en arrière-
4 plan, dans les coulisses. On sait que le SDS était derrière tout cela.
5 Q. Est-ce que ce que vous dites maintenant est identique à ce que vous
6 avez déclaré et qui est consigné dans votre déposition écrite au bureau du
7 Procureur; la première des deux en 1999, à savoir que c'est la cellule de
8 Crise du SDS qui était à l'origine de ces attentats ?
9 R. Oui, je pense.
10 Q. Toutefois, dans le correctif que vous avez apporté à votre première
11 déposition écrite, vous expliquez aussi que ce propos de votre part n'était
12 qu'une hypothèse, qu'une conjecture, n'est-ce
13 pas ?
14 R. Il est possible que j'aie dit cela.
15 Q. Dans le dernier paragraphe de votre déclaration, de votre deuxième
16 déclaration du 19 juillet 2000, vous avez corrigé la chose suivante : "Au
17 sixième paragraphe, à la page 4, j'ai mentionné qu'un groupe paramilitaire
18 s'appelant Suha Rebra ou les Cottes sèches a fait quelque chose pour la
19 cellule de Crise." Vous dites : "J'ai dit cela parce qu'ils portaient des
20 uniformes de camouflage et ils portaient des fusils. J'ai pu supposer
21 qu'ils opéraient pour le compte de la cellule de Crise, parce que si le
22 leader d'un groupe avait été emprisonné pour un crime, il aurait été
23 immédiatement relâché par la suite." Est-ce que vous avez dit cela ?
24 R. Oui.
25 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse, mais
26 je veux dire que quand la Défense se rapporte à une déclaration préalable
27 du témoin, peut-être que le témoin pourrait avoir cette déclaration sous
28 les yeux pour pouvoir confirmer qu'il a vraiment dit cela.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous également nous indiquer
2 la page de la déclaration à laquelle se trouve le passage en question et
3 nous donner un exemplaire de la déclaration.
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
5 Q. La dernière question que je vous ai posée, Monsieur le Témoin,
6 concernait la fin de la deuxième page, au début de la troisième page de
7 votre déclaration du 19 juillet 2000. Il s'agit de la deuxième déclaration
8 que vous avez faite au bureau du Procureur. Il y est question d'un groupe
9 paramilitaire Suha Rebra ou en traduction en français les Cottes sèches.
10 Dans cette partie de votre déclaration, vous avez dit, je
11 cite : "J'ai supposé qu'ils travaillaient pour le compte de la cellule de
12 Crise, en s'appuyant sur ce que je viens d'expliquer. Bien sûr, je ne
13 savais quels ordres ils recevaient. Mais il était évident, que derrière
14 eux, il y avait le SDS." Est-ce que vous avez dit cela dans votre
15 déclaration ?
16 R. Oui.
17 Q. A la fin de ce paragraphe où il est question de Suha Rebra - et c'est
18 la déclaration du 19 juillet 2000 - vous dites que vous avez également
19 mentionné que : "Les Serbes avaient tué le commandant de ce groupe, Petic,
20 parce qu'il n'était plus sous leur contrôle. J'ai entendu parler de cela,
21 mais je ne me souviens pas qui m'a dit cela. Il a été tué au cours de
22 l'année 1994." Avez-vous déclaré cela ?
23 R. Oui. Lui, il a été tué.
24 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, est-
25 ce que vous avez dit qu'il a été tué au cours de l'année 1994, à un moment
26 donné de l'année 1994 ?
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
28 Q. Mme Richterova demande, si dans votre déclaration, vous avez dit qu'il
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1 avait été tué au cours de l'année 1994, en été.
2 R. C'était en été 1994, oui.
3 Q. Dans votre déclaration que vous avez faite en 1999 au bureau du
4 Procureur, cette unité s'appelant Suha Rebra. Vous l'avez décrite comme
5 étant un groupe de criminels qui opéraient pour le compte du SDS, qui
6 portaient des vêtements civils, plus tard, ils portaient des uniformes vert
7 olive et lorsque le SDS ne pouvait plus contrôler Petic, c'est les
8 policiers serbes qui l'ont tué. Est-ce que vous avez déclaré cela ?
9 R. Oui.
10 Q. A l'annexe de votre déclaration, vous avez dit que ces gens portaient
11 des uniformes de camouflage, mais dans votre déclaration, la première
12 déclaration, vous avez dit qu'ils portaient des uniformes vert olive, et à
13 la fin, vous dites que ces gens pour lesquels vous dites qu'ils étaient
14 criminels, qu'ils ont été tués par les policiers serbes. En même temps,
15 vous expliquez, vous dites que vous avez supposé qu'ils travaillaient pour
16 le compte du SDS. Est-ce que tout cela se fonde sur vos hypothèses ?
17 R. Non. Ce groupe de criminels s'appelant Suha Rebra dont le chef était
18 Petic Miroslav, surnommé Titin, au début, comme tous les autres membres de
19 la TO de Bosnie-Herzégovine, portaient un uniforme vert olive, et ils
20 partaient au front en Croatie pour piller. Ils amenaient à bord des
21 véhicules différents objets, du bétail aussi, entraient dans la ville. Ils
22 tiraient des coups de feu. Ils buvaient dans des cafés et ce même groupe,
23 au cours de la guerre, a tué plusieurs centaines de civils sur le
24 territoire de la municipalité de Bosanski Novi en 1992. Entre autres, Hotic
25 Husein a été tué. Il était inspecteur du SUP, c'est-à-dire, du MUP à
26 Bosanski Novi.
27 L'INTERPRÈTE : [interprétation] L'interprète n'a pas entendu la date de son
28 meurtre.
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
2 Q. Est-ce que vous savez sous quelles circonstances la police serbe a tué
3 cet homme en 1994 ? Etiez-vous présent sur place ?
4 R. Non. J'ai entendu parler qu'il a été tué. Même aujourd'hui, sur le
5 pont, il y a une plaque commémorative, sur le pont entre Dvor Na Uni et
6 Bosanski Novi. A l'époque, j'étais à Travnik, en Bosnie centrale.
7 Q. Vous êtes sûr que la police serbe l'a tué ?
8 R. Il a été tué au point de contrôle sur le pont à Bosanski Novi, mais je
9 ne sais pas s'il a été tué par un policier d'active ou de réserve.
10 Q. Dans votre déclaration, vous avez mentionné l'arrivée de
11 M. Martic à Bosanski Novi, et vous avez mentionné que c'était après
12 l'événement survenu à Otoka; est-ce vrai ?
13 R. Oui.
14 Q. Lorsque vous mentionnez Otoka, est-ce qu'il s'agit de l'événement où M.
15 Martic a été retenu à Otoka sur un point de contrôle où il a été arrêté, et
16 après quoi, il a été libéré ?
17 R. Oui. Il s'agit de Bosanska Otoka.
18 Q. Vous avez dit qu'Abdo Habib était intervenu pour que
19 M. Martic soit libéré. Quelle fonction occupait-il à l'époque en Bosnie-
20 Herzégovine ?
21 R. Je pense qu'il était ministre ou ministre adjoint de l'Intérieur.
22 Q. Vous avez dit que M. Martic, au moment où il a été libéré, a été amené
23 à bord d'un véhicule d'autocar à Bosanski Novi.
24 R. J'ai entendu parler de cela. Quand il a été au bureau du feu chef de la
25 police, je suis arrivé dans le même bureau, au bureau du chef de la police.
26 Q. Pouvez-vous nous décrire cela, c'est-à-dire, si M. Martic avait des
27 blessures, par exemple ?
28 R. Je pense que non.
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1 Q. Dans cette affaire, nous avons pu entendre les déclarations selon
2 lesquelles M. Martic a été transféré de l'autocar à Bosanski Novi à bord
3 d'un hélicoptère. Pouvez-vous être sûr que c'était à bord d'un véhicule
4 qu'il est arrivé à Bosanski Novi ?
5 R. Je pense qu'il est arrivé à bord d'un véhicule jusqu'au stade, jusqu'au
6 petit stade de football qui se trouvait devant l'école.
7 Q. Vous avez mentionné un restaurant à Bosanski Novi dans lequel
8 arrivaient, venaient les leaders du SDS. Vous avez dit que le propriétaire
9 du restaurant est arrivé pour voir Martic au moment où il a été libéré et
10 amené à Bosanski Novi.
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Est-ce qu'après cela vous avez revu M. Martic dans le même restaurant ?
13 R. Non, après cela, non.
14 Q. Vous avez dit que M. Babic, qui était premier ministre de la Région
15 autonome serbe de Krajina, est venu également à Bosanski Novi et qu'il
16 avait déambulé là; est-ce exact ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Vous avez dit que cela s'était passé en 1991, et que la frontière entre
19 la République yougoslave de la Bosnie-Herzégovine et la Croatie était une
20 frontière administrative et qu'on pouvait circuler tout à fait librement
21 entre les deux.
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Est-ce que vous pensez qu'il n'est pas peut-être étrange ou saugrenu
24 que quelqu'un franchisse un pont dans un sens ou dans un autre ?
25 R. Je pense que cela est tout à fait naturel. Cela s'est passé lorsque la
26 guerre avait commencé, avait éclaté en Croatie. La Croatie était déjà un
27 Etat indépendant.
28 Q. Quand est-ce que vous avez dit que la guerre avait commencé en
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1 Croatie ?
2 R. En 1991. Je ne connais pas la date exacte.
3 Q. Avez-vous entendu ou savez-vous quand est-ce que la Croatie a été
4 reconnue comme Etat indépendant ?
5 R. J'ai entendu dire quand est-ce que cela avait été reconnu.
6 Q. Quand est-ce que cela s'est passé ?
7 R. Je ne connais pas la date exacte. C'était soit en 1990, soit 1991.
8 Q. En tant que policier, vous avez dit que la Croatie était indépendante
9 et ne faisait plus partie de la Yougoslavie. Sur quoi vous fondez-vous pour
10 dire cela ?
11 R. La Croatie a proclamé son indépendance. Elle a été reconnue par les
12 Nations Unies. Donc, c'est devenu un Etat indépendant, tout comme l'a fait
13 la Bosnie-Herzégovine.
14 Q. Est-ce que vous savez que la Croatie a été admise aux Nations Unies en
15 mai 1992 ?
16 R. Je n'en sais rien, mais je sais que le Parlement de la République de la
17 Croatie avait déclaré l'indépendance avant cela.
18 Q. Est-ce que vous savez qui était Ante Markovic à l'époque en 1991 ?
19 R. Oui, je le sais très bien.
20 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre qui était cet
21 homme ?
22 R. Le premier ministre de l'ex-Yougoslavie.
23 Q. Est-ce que vous savez que sur la demande du Conseil exécutif fédéral, à
24 savoir, le gouvernement de la Yougoslavie qui était dirigé par ce dénommé
25 Ante Markovic, le tribunal ou la cour constitutionnelle de la Yougoslavie a
26 adopté une décision le
27 16 août 1991. Cette décision consistait à annuler toutes les décisions de
28 la Slovénie et de la Croatie relatives à la sécession comme ou parce
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1 qu'elles étaient anti-constitutionnelles ? Est-ce que vous le saviez ?
2 R. Non, je ne le savais pas.
3 Q. Lorsque vous décrivez cette situation à propos du restaurant, vous avez
4 dit que vous veniez souvent à ce restaurant, que vous vous trouviez devant
5 le restaurant, que vous avez vu que la porte en était fermée et que vous
6 avez écrit, noté les numéros de plaque d'immatriculation des voitures. Est-
7 ce que c'est ce que vous avez déclaré ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous avez également déclaré avoir vu un officier de la JNA qui venait à
10 ce restaurant, qui était commandant de la garnison de Cerkezovac et qu'il
11 est resté là jusqu'à ce que le restaurant ferme; est-ce que cela est
12 exact ?
13 R. Oui, c'est exact. Il y avait plusieurs officiers et politiciens que je
14 connaissais. Je connaissais, par exemple, personnellement Kosta Djukic.
15 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si les partis à Bosanski Novi avaient
16 leurs propres QG ? Est-ce que le SDS avait son siège et est-ce que le SDA
17 avait son siège ?
18 R. Ils avaient des bureaux, mais les hommes politiques se réunissaient
19 dans ce restaurant. Lorsque les hommes politiques et les officiers
20 militaires se retrouvaient dans ce restaurant la porte en était fermée et
21 les autres n'avaient pas accès au restaurant.
22 Q. Est-ce que vous étiez un membre du SDS ?
23 R. Non, je ne l'ai jamais été.
24 Q. Alors comment se fait-il que vous connaissez les raisons qui poussaient
25 le restaurant à fermer ?
26 R. Je ne connaissais pas la raison de la fermeture du restaurant. Un
27 restaurant est un endroit public et tout le monde doit y avoir accès.