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1 Le lundi 3 avril 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, la Chambre vous
7 rappelle que vous êtes tenu par la déclaration solennelle que vous avez
8 faite, à savoir, de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 Vous vous souvenez de cela ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 LE TÉMOIN: MM-079 [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'on est toujours au cours de
14 l'interrogatoire principal ?
15 M. WHITING : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Whiting.
17 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Interrogatoire principal par M. Whiting : [Suite]
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Pouvez-vous m'entendre et
20 me comprendre dans une langue que vous comprenez ?
21 R. Bonjour. Oui, oui, je peux.
22 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie qu'on
23 passe à huis clos partiel.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que l'on peut passer à huis
25 clos partiel ?
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
27 partiel.
28 [Audience à huis clos partiel]
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6 [Audience publique]
7 M. WHITING : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
8 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous décrire le bureau de M. Milan Martic,
9 s'il vous plaît ?
10 R. Ce n'était pas un grand bureau, il faisait à peu près 20 mètres carrés,
11 donc nous n'avions pas beaucoup d'espace lorsque nous nous sommes assis
12 autour de la table. En face de nous, M. Martic s'est assis, je crois qu'il
13 portait son uniforme de parade en quelque sorte, ce n'était pas un uniforme
14 de camouflage. Il portait une chemise blanche et une cravate.
15 Son bureau était situé entre deux piliers, en face de nous, et à côté de
16 lui se tenait un homme très grand en uniforme de camouflage, il était armé
17 d'un revolver et c'était un homme tellement grand qu'il nous fascinait
18 tous. Il se tenait derrière Milan Martic.
19 Q. Vous nous avez dit que vous étiez fasciné par cet homme. Quelle
20 impression vous a fait M. Martic à cette occasion ?
21 R. Qu'est-ce que je pourrais vous dire ? Tout ce qui s'est passé, cette
22 fouille au corps, la manière dont on nous a escortés à l'étage, la manière
23 dont ils nous l'ont présenté, par la suite, nous étions tous d'accord au
24 sein de notre groupe pour dire que Milan Martic voulait donner l'impression
25 qu'il contrôlait tout, qu'il devait donner son accord pour tout, qu'il
26 devait nous donner son autorisation pour que nous puissions faire notre
27 travail sur le territoire qu'il contrôlait. C'est un homme à qui on devait
28 obéir, en d'autres termes.
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1 Q. Qu'est-ce qui a été dit au sujet de cette réunion ou plus
2 particulièrement, que vous a dit Milan Martic ?
3 R. En premier lieu, Milan Martic nous a informés de la situation dans la
4 région, du nombre d'habitants, de la zone couverte par ces policiers, des
5 problèmes qui se posaient. Il nous a un peu expliqué le contexte. Puis, il
6 nous a informés de la situation politique, de la situation en matière de
7 sécurité sur ce même territoire. S'agissant du volet politique de la
8 situation, il a déclaré que le peuple serbe avait exprimé sa volonté de ne
9 pas vivre en Croatie et que les Serbes étaient unis dans leur demande,
10 qu'ils souhaitaient demeurer ensemble au sein de la Yougoslavie. Selon lui,
11 si les Serbes devaient continuer à vivre en Croatie, sous le contrôle d'un
12 gouvernement favorable aux Oustachi, le gouvernement de M. Tudjman, ils
13 représenteraient une minorité. Milan Martic a dit qu'il ne voulait pas que
14 la Krajina devienne un nouveau camp de concentration comme celui de
15 Jasenica pendant la Deuxième guerre mondiale. Il a dit que les Serbes de
16 Krajina voulaient vivre au sein d'un seul et même pays avec les autres
17 Serbes de Yougoslavie, y compris la Serbie, --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que le camp de concentration mentionné
19 n'était pas Jasenica, mais Jasenovac.
20 M. WHITING : [interprétation]
21 Q. Monsieur le Témoin, dans la réponse que vous venez de fournir, vous
22 avez décrit des propos tenus par Milan Martic à cette occasion, vous avez
23 utilisé à plusieurs reprises le terme Oustacha ou Oustachi. Est-ce que
24 Milan Martic a utilisé ce terme en parlant des autorités croates ?
25 R. Il n'a pas utilisé le terme Oustacha pour qualifier le gouvernement,
26 mais pour qualifier le système. Il a parlé du système oustacha, des
27 structures oustachi, des Oustachi. Il a dit que Tudjman était un ancien
28 général de la JNA qui avait permis à un certain nombre d'Oustachi bien
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1 connus de devenir membres de son gouvernement.
2 Q. Avez-vous parlé à M. Martic des discussions que vous aviez eues avec
3 les autorités croates ?
4 R. C'est lui qui parlait. Lorsqu'il nous a informés de la situation
5 générale, c'est lui qui monopolisait la conversation. Il a ajouté que le
6 peuple serbe avait exprimé sa volonté, son désir de créer une sorte de
7 région au sein de laquelle y vivraient tous les Serbes de Croatie et il a
8 précisé que cette région permettrait aux Serbes de protéger leurs intérêts,
9 parce qu'ils ne voulaient pas représenter une minorité en Croatie. Ils
10 voulaient vivre au sein d'un Etat unifié, l'Etat de Yougoslavie en
11 compagnie de tous les autres Serbes. M. Martic a parlé de la "Yougoslavie"
12 souvent, et les membres de notre groupe étaient quelque peu surpris
13 d'entendre cela, car il n'y avait aucun symbole yougoslave dans son bureau.
14 Il y avait des photographies de personnalités serbes qui avaient joué un
15 rôle important dans l'histoire comme la Saint-Sava sur calendrier. J'ai dit
16 : "Il n'y a rien de yougoslave ici." A quoi M. Martic a répondu : "Est-ce
17 que cela vous dérange ?" Nous n'avons rien ajouté à cela, nous n'en n'avons
18 plus parlé puisque après tout, nous menions une mission pacifique.
19 Un peu plus tard, le numéro 2 de notre groupe a décrit la mission qui nous
20 avait été confiée et il a dit que la veille nous avions eu une réunion au
21 ministère de l'Intérieur de Sibenik. Je m'excuse par avance si je sème la
22 confusion dans votre esprit, parce qu'à Sibenik, le "secrétariat" de
23 l'Intérieur était devenu le "ministère" de l'Intérieur. A l'époque, le
24 terme "secrétariat" était associé à Belgrade.
25 Toujours est-il que le chef de notre groupe a rapporté que nous avions
26 rencontré un adjoint du ministre croate qui nous avait informé de la
27 situation actuelle sur l'ensemble du territoire de la Croatie, et il avait
28 déclaré, entre autres, que leur principal problème était la Krajina et les
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1 Serbes qui y vivaient, plus particulièrement, les partisans de Martic. Pour
2 reprendre les propos tenus par le ministre adjoint, Martic avait mis en
3 place une espèce de force parallèle de police qui opérait de manière
4 indépendante sans respecter les lois de la Croatie. Le chef de notre
5 groupe, le numéro 2 sur cette liste, a expliqué tout cela à Martic. Il a
6 ajouté que le ministre adjoint croate avait proposé à Martic le poste de
7 secrétaire de l'Intérieur à Knin en échange d'une promesse de sa part selon
8 laquelle il s'engageait à respecter les lois en vigueur dans l'Etat croate.
9 Le chef de notre groupe a ajouté que l'armée nous aiderait ainsi que les
10 autorités croates car la position de notre groupe était que nous étions
11 chargés d'une mission officielle sur le territoire de la Croatie.
12 A ce moment-là, Martic nous a dit que pour ce qui est de la Région autonome
13 de Krajina, c'est à lui que nous devions demander de l'aide car si nous
14 devions nous rendre sur le terrain de notre propre chef, nous pourrions
15 avoir des problèmes. Il a insisté sur le fait que c'est lui qui était
16 responsable de notre sécurité sur le territoire de la Région autonome serbe
17 de Krajina.
18 Il s'agissait là d'une réunion préliminaire en quelque sorte dont le but
19 était de nous permettre de le rencontrer afin de lui décrire notre mission,
20 car nous étions censés rencontrer toutes les parties en conflit dans la
21 région afin d'empêcher des incidents. Voilà en gros ce qui s'est passé lors
22 de cette réunion. Si j'ai oublié quelque chose cela doit être un détail
23 sans grande importance. De nombreuses se sont écoulées depuis ces
24 événements.
25 Q. Merci. Vous avez répondu de façon très détaillée. J'aurais quelques
26 questions à vous poser au sujet de ce que vous nous avez relaté. Plus
27 particulièrement, quelle a été la réaction de Martic, s'il en a eu une,
28 lorsque vous lui avez parlé de l'offre des autorités croates qui lui
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1 proposaient de devenir secrétaire de l'Intérieur à Knin en échange d'une
2 promesse de sa part selon laquelle il s'engageait à respecter les lois en
3 vigueur dans l'Etat croate ? Comment a-t-il réagi à cela ?
4 R. Au début, lorsqu'il nous a expliqué son rôle et ses fonctions,
5 lorsqu'il a dit que le peuple serbe ou les Serbes ne pouvaient pas vivre en
6 Croatie, lorsqu'il nous a dit qu'il était là pour protéger les Serbes et
7 pour organiser les activités de la police, il était manifeste que nous ne
8 pouvions pas nous attendre à une autre réponse de sa part. Il avait déjà
9 mis en place une force de police destinée à protéger les Serbes, parce que
10 ces derniers étaient menacés, c'étaient les Serbes qui étaient menacés, non
11 pas les Croates.
12 Q. Vous nous avez décrit les propos tenus par Milan Martic au sujet de la
13 situation sur le territoire de la Région autonome serbe de Krajina et de la
14 manière dont il vous avait présenté son rôle dans l'organisation de la
15 police. Est-ce que vous avez appris, à ce moment-là ou par la suite, si
16 Milan Martic contrôlait l'ensemble des forces de police de la SAO de
17 Krajina, ou seulement une partie ?
18 R. Oui. Il a déclaré qu'il avait organisé la police pour en faire une
19 force unie chargée de couvrir l'ensemble du territoire de la SAO de
20 Krajina. Je me souviens maintenant que nous avons fait une remarque
21 concernant le fait qu'il avait renvoyé plusieurs policiers d'appartenance
22 ethnique croate, à quoi il a répondu que tous les policiers pouvaient
23 continuer à servir au sein des forces de police tant qu'ils respectaient
24 les lois de la Yougoslavie. A l'époque, la Krajina ne disposait pas de ses
25 propres lois. Ce qui me paraissait assez étrange car même à l'époque où la
26 Yougoslavie existait encore, chaque république disposait de sa propre
27 législation, il y a des lois qui étaient en vigueur en Serbie mais qui ne
28 pouvaient pas être appliquées en Croatie et vice versa.
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1 En tout état de cause, il a dit que les officiers de police qui
2 souhaitaient respecter les lois de la Yougoslavie, qui étaient disposés à
3 respecter ces lois, pouvaient demeurer au sein des forces de police, mais
4 les policiers croates ne voulaient pas faire cela et c'est la raison pour
5 laquelle ils devaient partir. Ils devaient quitter le secrétariat de
6 l'Intérieur de Knin. Il a poursuivi en disant qu'il y avait une pénurie
7 d'effectifs que c'est la raison pour laquelle il était forcé d'organiser la
8 police de réserve à certains endroits.
9 Les réservistes avaient pour mission d'aider la population à
10 organiser sa défense dans les régions peuplées de Serbes. Sur le terrain,
11 c'était tout à fait impossible, car il y avait des villages serbes, des
12 villages croates, puis deux villages serbes, un village croate et on ne
13 savait pas vraiment de quel type d'organisation, en matière de défense, il
14 voulait parler. Peut-être qu'il voulait parler de gardes villageoises, de
15 barrages, de postes de contrôle comme nous l'avons vu par la suite sur le
16 terrain. Ceci a été organisé avec l'aide du secrétariat de l'Intérieur de
17 Knin. Voilà tout ce que nous savons à ce sujet.
18 Q. Je souhaite m'assurer que j'ai bien compris votre réponse. Vous avez
19 dit, lorsque je vous ai demandé si Martic contrôlait l'ensemble des forces
20 de police, vous avez répondu : "Il a dit qu'il avait organisé la police
21 comme une force unie chargée de l'ensemble de la SAO de Krajina". Pour être
22 sûr de bien vous comprendre, est-ce que vous dites que Milan Martic
23 contrôlait l'ensemble des forces de police de la SAO de Krajina ?
24 R. Oui.
25 Q. Je souhaiterais préciser autre chose, c'est peut-être que votre langue
26 a fourché, peut-être s'agissait-il d'une erreur d'interprétation. Vous nous
27 avez parlé du fait que Milan Martic souhaitait que les lois de la
28 Yougoslavie soient appliquées sur le territoire de la SAO de Krajina, et
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1 ensuite vous avez dit : "Cela nous a semblé étrange parce que même à
2 l'époque où la Yougoslavie existait, chaque république avait sa propre
3 législation et aucune loi en vigueur en Serbie ne pouvait être appliquée en
4 Croatie et vice versa". Est-ce que vous vouliez parler de la Serbie ou de
5 la Yougoslavie ?
6 R. Je vais essayer de m'expliquer plus clairement mais il me faudra peut-
7 être du temps pour vous répondre. La législation yougoslave était générale
8 et s'appliquait aux six républiques et aux deux provinces autonomes. Au
9 sein de ce cadre législatif, chaque république adoptait ses propres lois en
10 fonction de ses besoins et de ses intérêts. Qu'il s'agisse du Code pénal ou
11 d'autres textes de loi. Chaque république avait sa propre législation, ses
12 propres lois, tandis que la législation yougoslave constituait un cadre
13 législatif, il s'agissait en quelque sorte de lignes directrices. Il était
14 étrange d'entendre Martic parler de façon insistante de la Yougoslavie, des
15 intérêts yougoslaves et du fait que les Serbes voulaient rester au sein de
16 la Yougoslavie plutôt que de vivre en Croatie. Il utilisait indifféremment
17 les termes "Yougoslavie" et "Serbie" par moment, mais après que les autres
18 républiques aient fait sécession, il n'est resté que la Serbie et le
19 Monténégro et, à ce moment-là, nous avons compris ce qu'il voulait dire.
20 Q. Au cours de cette réunion, a-t-on parlé des barrages ?
21 R. Il me semble qu'au cours de cette réunion, il a été dit que les Serbes
22 allaient s'organiser de leur propre chef à certains endroits, là où ils
23 pensaient qu'ils étaient en danger. Il a dit que les forces serbes avec
24 l'aide de la police allaient organiser des gardes de nuit et mettre en
25 place des postes de contrôle sur les routes menant à des lieux peuplés par
26 les Serbes, c'est ce que nous avons vu se passer par la suite.
27 Il est vrai que les Croates ont organisé leurs propres gardes de leur côté
28 et mis en place des postes de contrôle dans les zones peuplées de Croates.
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1 Cela paraît bizarre car il y avait de nombreux endroits où la population
2 était mixte et il y avait beaucoup de barrages et de postes de contrôle.
3 Ces barrages étaient parfois constitués d'un tas de cailloux ou de signes
4 indiquant que les Croates ou les Serbes selon les cas n'étaient pas
5 autorisés à passer. Des deux côtés, on pouvait voir des policiers en
6 uniforme, certains étaient en tenue civile, mais tous étaient armés.
7 Lorsqu'ils nous ont vus arriver, ils ont essayé de jeter leurs armes dans
8 les buissons, la situation était un petit peu ridicule, car nous faisions
9 partie d'une farce.
10 Q. A cette réunion, a-t-il été question de la visite de certaines régions
11 en SAO de Krajina et sur ce qui devait y être fait ?
12 R. Oui. Martic lui-même a voulu que nous nous rendions aux endroits où la
13 crise était la plus importante, là où il y avait eu des incidents entre des
14 Serbes et des Croates, là où l'on s'attendait à ce que des incidents entre
15 Serbes et Croates éclatent à n'importe quel moment, à Kistaje, Rupe,
16 Cetinje et ailleurs. Il y avait également Benkovac et Obrovac. Mais au
17 début, j'étais responsable de Knin. Je ne suis allé à Benkovac qu'une fois
18 ou deux. Je ne peux pas vous dire grand-chose à ce sujet.
19 Q. Lorsque vous êtes allé dans ces régions, est-ce qu'on a parlé de ce que
20 vous pourriez faire de votre propre initiative ou si vous deviez être
21 accompagné de quelqu'un ?
22 R. Non. Dans ces régions tenues par Martic, nous devions être accompagnés
23 par ses policiers pour notre propre sécurité et de façon à ce que nous
24 puissions évaluer la situation sur le terrain. C'est ce qu'il a dit.
25 Toujours est-il que nous ne sommes allés nulle part tout seuls, mais
26 lorsqu'il y avait des incidents entre les membres de la JNA et les
27 populations, nous n'informions pas Martic. Lorsque nous visitions des
28 villages et des hameaux peuplés de Serbes, nous ne passions pas par Martic
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1 car Knin n'était pas sur le chemin, il aurait donc fallu beaucoup de temps
2 pour retourner à Knin obtenir l'autorisation de la Martic et revenir dans
3 le village en question.
4 Mais pour ce qui est de Knin et en ce qui me concerne, je m'adressais
5 toujours d'abord au secrétariat pour y voir Martic ou l'un de ses hommes et
6 obtenir qu'il m'accompagne lors de mes visites.
7 Q. Est-ce que vous avez jamais pris contact avec un homme répondant au nom
8 de Milenko Zelenbaba ?
9 R. Oui.
10 Q. Qui était-il à l'époque, si vous le savez ?
11 R. Je ne sais pas quel était son titre officiel. Trois ou quatre fois, je
12 suis allé vers Cetinje, Kijevo avec lui. Nous essayions d'éviter de poser
13 trop de questions, mais en l'accompagnant, j'ai pu constater quel était son
14 rôle. Il me semblait qu'il était l'un des chefs de file à Knin, et je pense
15 qu'il s'occupait de Civljani et Cetinje, parce qu'il y avait un poste de
16 police là-bas. Je me suis rendu compte que les gens le connaissaient et
17 l'appelaient commandant, "komandir," donc il était très vraisemblable qu'il
18 soit le commandant du poste de police là-bas.
19 A trois occasions nous sommes allés ensemble sur le terrain pour essayer
20 d'apaiser les conflits entre Kijevo et Civljani, Cetinje, Vrlike, parce
21 qu'il y avait des barrages là-bas, nous y sommes allés et nous les avons
22 enlevés. Nous le faisions de jour, et la nuit, ils remettaient les
23 barrages. C'est ainsi que les choses se passaient au jour le jour.
24 Q. Monsieur, est-ce que vous savez quelle était la relation entre Milenko
25 Zelenbaba et Milan Martic ?
26 R. Je ne peux pas vous le dire parce que je ne les ai jamais vus ensemble,
27 mais il est très vraisemblable que Zelenbaba était subordonné à Milan
28 Martic, parce que chaque fois que je disais qu'il y avait un problème et
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1 que je devais m'y rendre, Zelenbaba recevait des ordres de son supérieur
2 Martic, ordre suivant lequel il devait m'accompagner sur le terrain.
3 Toutefois, personnellement, je n'ai pas pu me rendre compte de la relation
4 qu'ils avaient.
5 Pendant un moment, j'ai vu Zelenbaba. Puis ensuite, je ne l'ai plus vu en
6 uniforme au poste de police, donc je ne sais pas ce qui lui est arrivé plus
7 tard.
8 Q. A propos, vendredi, vous nous aviez décrit comment le ministère de
9 l'Intérieur, au niveau fédéral et au niveau de la république, était
10 organisé en un secteur de la Sûreté publique et de la Sûreté d'Etat. Est-ce
11 que vous savez si Milan Martic avait organisé le ministère de l'Intérieur
12 ou le secrétariat de l'Intérieur, devrais-je dire, à Knin de la même façon,
13 avec en quelque sorte une aile responsable de la Sécurité publique et une
14 autre responsable de la Sûreté d'Etat ? Est-ce que vous savez quoi que ce
15 soit à ce sujet ?
16 R. Pour ce qui est de la structure au sein du secrétariat, lors de
17 conversations avec mes collègues, nous nous disions, entre nous, que sur le
18 territoire de la SAO de la Krajina et à Knin, Martic avait également
19 organisé un service de sécurité. Ce sont mes collègues, qui se rendaient là
20 plus souvent que moi ou ceux qui étaient plus souvent en contact avec Milan
21 Martic, qui le disaient. Nous nous en parlions entre nous lorsque nous
22 regagnions notre base. Nous allions nous promener à l'extérieur de l'hôtel
23 pour justement parler des événements de la journée. Nous avions également
24 remarqué que les services de Sûreté de l'Etat de la Serbie avaient
25 participé à l'organisation des services de Sûreté d'Etat sur le territoire
26 de la Région autonome serbe de Krajina. Je dirais qu'à une ou deux
27 reprises, j'ai vu Stanisic à Knin, mais je ne l'ai vu qu'en passant, comme
28 cela.
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1 C'est quelque chose que j'ai vu lorsque je suis allé voir Branko Polizota.
2 Je l'ai fait, je crois, le troisième ou le quatrième jour de mon séjour à
3 Sibenik. Je suis allé le voir à Sibenik et il m'a dit qu'ils avaient des
4 informations suivant lesquelles, je cite ses propos : "Les services serbes
5 participaient à des activités au sein de la SAO de la Krajina." Ce qui en
6 fait signifie que nous utilisions toujours un sigle pour décrire ce
7 service. Branko Polizota m'a dit que la Serbie avait organisé le travail de
8 la Sûreté de l'Etat sur le territoire de la SAO de la Krajina. Dans un
9 premier temps je ne l'ai pas cru, mais plus tard, mes collègues de mon
10 groupe m'ont confirmé cela au fil de nos conversations, et j'ai moi-même vu
11 Stanisic à Knin à une ou deux reprises. Nous nous sommes salués comme cela.
12 Et je l'ai vu une deuxième fois.
13 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos
14 partiel, Monsieur le Président ?
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous pourrions à huis clos
16 partiel ?
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
18 le Président.
19 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, mais je ne peux rien voir sur mon
18 écran.
19 M. WHITING : [interprétation] Est-ce qu'on est en audience publique ?
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience
21 publique.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. On a déjà entendu
23 cela.
24 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie.
25 Q. Monsieur le Témoin, nous sommes maintenant en audience publique et je
26 vous prie de faire attention à des noms, de ne pas les mentionner,
27 lorsqu'il s'agit des régions où il y a eu des conflits et dont vous avez
28 parlé; dites-nous si vous étiez en mesure de voir quel était le rôle de la
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1 JNA par rapport à ces conflits ?
2 R. La JNA se trouvait à tous les points où on pouvait s'attendre à ce que
3 les conflits se produisent. Les unités de la JNA se trouvaient déjà dans la
4 région avec tout l'équipement nécessaire, dans toutes ces régions où les
5 crises pouvaient éclater. Notre tâche était de protéger les citoyens, les
6 uns et les autres. Nous n'avions aucune incidence sur l'armée pour
7 influencer le déploiement des unités de l'armée. Notre tâche était
8 uniquement de protéger les citoyens et pas du tout de les persuader de
9 rester dans la région ou de quitter la région.
10 Q. Monsieur le Témoin, je m'excuse, mais je n'étais peut-être pas assez
11 clair ou peut-être il y avait un problème d'interprétation. Je ne vous ai
12 pas demandé de me dire quel était votre rôle par rapport à la JNA, mais
13 plutôt ce que vous avez pu voir au moment où les conflits, dont vous avez
14 parlé, ont éclaté; est-ce que vous avez pu voir ce que la JNA faisait là-
15 bas, surtout par rapport à ces conflits ? Quel était le rôle que l'armée,
16 la JNA a joué dans ces conflits ?
17 R. Cela dépendait de la situation sur le terrain et cela dépendait de
18 l'endroit où cela se passait, et également de l'incident qui se produisait
19 entre les deux peuples. L'armée était entre les deux. Elle intervenait,
20 c'était au début.
21 Plus tard, on a bien vu cela, l'armée a commencé à jouer un très grand rôle
22 quand il s'agissait de dessiner les frontières de la Région autonome serbe
23 de Krajina, parce qu'il fallait bien, à l'époque, établir cette région.
24 Nous avons vu cela sur le terrain. Si un conflit a éclaté entre deux
25 villages et les barrages ont été érigés, et tout de suite après l'armée est
26 arrivée pour établir son point de contrôle. C'était entre Kosovo Polje et
27 Drnis, par exemple. Au début, les Croates, à la sortie de Drnis, les
28 Croates avaient leur point de contrôle et leur barrage. La police a
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1 contrôlé tout le monde à la sortie de Drnis et plus loin, entre 100 et 200
2 mètres plus loin se trouvait le barrage des volontaires croates ou comme on
3 les appelait ZNG, les membres du rassemblement de la Garde nationale
4 croate. Ils étaient cachés et ils ont gardé la frontière. A 300 ou 400
5 mètres se trouvait un barrage serbe.
6 Je dis qu'au début qu'au début il n'y avait pas de [incompréhensible]
7 de l'armée, mais plus tard, quand au niveau politique et au niveau
8 territorial la Région autonome serbe de Krajina a commencé à se développer,
9 c'est à ce moment-là que l'armée a commencé à ériger les barrages. Ces
10 barrages militaires n'étaient pas des barrages typiques, conventionnels.
11 L'armée a mis les tentes pour contrôler l'entrée dans la région et la
12 sortie de la Région autonome serbe de Krajina et a enregistré toutes les
13 personnes et tous les véhicules qui passaient la frontière. A d'autres
14 endroits, l'armée a joué aussi un rôle dans l'établissement des frontières.
15 Et on a vu vers la fin de notre mission, que l'armée a déjà commencé à
16 établir les frontières de la Région autonome serbe de Krajina. Est-ce que
17 c'était pour vraiment établir les frontières ou pour protéger le peuple
18 serbe ? Je ne peux pas vous dire, mais d'une certaine façon, l'armée a
19 participé à l'établissement des frontières, bien que sur le territoire de
20 la Croatie et de la SAO Krajina, il y ait eu des points de contrôle
21 militaire, des unités militaires, par exemple, au-dessus de Rupe. Il
22 s'agissait d'une élévation où se trouvaient les membres de l'armée avec de
23 l'équipement militaire, de combat.
24 Q. Dans votre réponse, lorsque vous avez parlé du fait que l'armée montait
25 les tentes et érigeait les points de contrôle, vous avez dit que cette
26 activité a duré plusieurs mois, que c'est ainsi qu'ils ont participé à
27 établir les frontières de la SAO Krajina, et vous avez dit encore : "Vers
28 la fin de notre mission." Est-ce que vous avez dit plusieurs mois, et si
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1 oui, à quels mois vous avez pensé ?
2 R. Je ne pourrais pas dire quels mois. Au début, il y avait des points de
3 contrôle, mais c'étaient des points de contrôle qui consistaient en un seul
4 véhicule, par exemple, avec un officier ou un sous-officier. Il s'agissait
5 des points de contrôle mobiles en quelque sorte. Plus tard, c'étaient des
6 points de contrôle fixes, bien situés à un endroit avec des armes et de
7 l'équipement avec des soldats, avec des tentes ou les soldats, et cetera.
8 Je vous parle de la situation -- l'ordre, quel était l'ordre de ma
9 mission. Je ne peux pas vous parler de la situation qui prévalait dans les
10 mois après mon départ de la région parce que pendant que j'étais dans la
11 région je ne pouvais pas voir tout cela.
12 Q. C'est ce que je voulais tirer au clair.
13 Maintenant, je veux vous poser des questions concernant les points de
14 contrôle serbes ou les barrages serbes. Pouvez-vous nous dire comment cela
15 se passait ? Qui étaient les gens qui se trouvaient aux barrages du côté
16 serbe ?
17 R. Aux barrages principalement, il s'agissait des gens des villages. Il y
18 avait avec les villageois des policiers en uniforme, il s'agissait de la
19 police régulière. Aux points de contrôle principaux, à Civljani par
20 exemple, il y avait des policiers serbes en uniforme de camouflage.
21 Ensuite, entre Drnis et Kosovo Polje où se trouvait un important point de
22 contrôle tenu par les Serbes, à ce point de contrôle, il y avait pour la
23 plupart des membres de la police en uniforme. Nous avons pu voir que
24 certains de ces uniformes étaient des uniformes réguliers et les autres
25 étaient les uniformes qui ont été prêtés aux villageois, à cette
26 population, parce que ces uniformes n'étaient pas coupés, par exemple, sur
27 leur mesure. On voyait bien qu'on leur a donné ces uniformes et que ces
28 uniformes appartenaient aux autres.
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1 Notre véhicule, on pouvait le voir de loin et, à ce moment-là, les
2 réservistes s'écartaient pour que les autres apparaissent pour dire qu'ils
3 défendaient le peuple serbe. Nous faisions semblant de ne pas faire
4 attention à cela parce que la situation ne nous permettait pas de se
5 comporter de façon différente.
6 Q. Monsieur, est-ce que vous avez vu des affiches ou des symboles sur ces
7 barrages serbes ?
8 R. Au début, surtout autour des villages de la région de Skradin, il y
9 avait des barrages serbes et il y avait des pancartes qui étaient plantées
10 à côté des points de contrôle sur lesquelles figuraient les inscriptions
11 "Vive le peuple Serbe", "Nous sommes unis", "Vive la SAO de Krajina", "Vive
12 Martic" et il y avait des croix aussi sur ces pancartes et différentes
13 sortes de slogans, mais c'était tout près des hameaux où ces points de
14 contrôle ont été tenus par les villageois eux-mêmes, peut-être avec l'aide
15 de la police de Martic. Par exemple, sur les routes à Kosovo Polje, il n'y
16 avait pas de tels points de contrôle parce que la circulation était dense.
17 Autour de Bratiskovac, Skradin et Kistanje, c'est là que l'on pouvait
18 trouver le plus de ces pancartes avec ces inscriptions.
19 Q. Témoin, à ces barrages, est-ce que vous avez parlé avec les membres de
20 la police de Martic sur la possibilité d'enlever ces barrages ?
21 R. C'était dans le cadre de notre mission de parler aux villageois et nous
22 leur disions que ce n'était pas légal, ces barrages et qu'il fallait bien
23 vivre avec les Croates. Du côté de la police, il y avait également des
24 policiers qui portaient des brassards sur leur manche gauche, des symboles
25 et des inscriptions : "Police de Martic." Ils nous disaient qu'ils
26 essaieraient de persuader la population de continuer à vivre normalement,
27 mais dès que nous partions, ils faisaient comme avant.
28 Q. Vous nous avez dit avant qu'à une occasion, vous êtes allé à Benkovac
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1 et à Obrovac. S'il vous plaît, dites-nous ce que vous avez vu à Benkovac et
2 à Obrovac et qu'est-ce que vous avez vu là-bas ?
3 R. A cette occasion-là, j'étais accompagné de mon chef, dont le nom figure
4 au numéro 2, parce que je ne connaissais pas le terrain. Bien entendu, il
5 avait son propre chauffeur et sa propre escorte. Donc, nous étions quatre
6 dans la voiture.
7 Dès que nous sommes arrivés dans le centre du village, nous sommes sortis,
8 nous nous sommes rendus au poste de police où se trouvaient plusieurs
9 policiers avec qui nous avons parlé des problèmes qui se posaient. Ils
10 n'ont pas voulu débattre de cela, ni évoquer les véritables problèmes qui
11 se posaient sur le terrain. Ils nous demandaient de nous adresser à Martic.
12 Nous avons ensuite vu que l'inscription sur le bâtiment avait été enlevée
13 et modifiée. Les habitants voulaient ainsi montrer que c'était eux qui
14 avaient le pouvoir, qu'ils avaient leurs propres autorités et leurs propres
15 organes. Les policiers n'ont pas voulu discuter avec nous, mais nous avons
16 insisté et nous avons continué à poser des questions sur la situation sur
17 le terrain, mais ils ont éludé nos questions en me renvoyant à Martic et en
18 nous disant que c'est lui qui informerait de la situation sur le terrain.
19 La même chose est arrivée à Obrovac et à Benkovac. J'y suis allé deux fois
20 mais c'était une perte de temps, nous n'avons rien pu faire.
21 Q. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé exactement au poste de police
22 de Benkovac et au poste de police d'Obrovac ? Vous nous avez dit que les
23 inscriptions avaient été modifiées, que pouvait-on lire sur ces nouvelles
24 inscriptions ?
25 R. Nous n'étions pas présents lorsque ces modifications ont eu lieu, mais
26 on voyait les traces des panneaux précédents car le panneau précédent était
27 plus grand, donc on voyait une certaine décoloration et la nouvelle
28 inscription était "OUP," il s'agissait de l'organe du ministère de
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1 l'Intérieur et ensuite on pouvait lire "SAO de Krajina."
2 Q. Merci. Pourrait-on passer à huis clos partiel, s'il vous plaît ?
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Que l'on passe à huis clos
4 partiel.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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8 (expurgé)
9 (expurgé)
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13 Page 3099 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
4 Monsieur Whiting, vous pouvez poursuivre.
5 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Pourriez-vous nous dire ce que Milan Martic a dit au sujet des
7 prisonniers ?
8 R. Après que nous lui ayons dit que Vukosic avait déclaré que les Croates
9 étaient disposés à procéder à un échange de prisonniers et après que nous
10 lui ayons dit qu'il devrait accepter cela, il s'est aussitôt opposé à cette
11 proposition. Il a dit qu'ils étaient tous membres de la Garde nationale
12 croate, qu'ils avaient été arrêtés alors qu'ils portaient des armes aux
13 barrages et sur les lignes et qu'ils soutenaient les Oustachi et les
14 Croates. Il voulait démontrer qu'ils étaient coupables, qu'ils avaient été
15 faits prisonniers alors qu'ils étaient armés et en tant que membres de la
16 Garde nationale croate.
17 Q. Est-ce qu'il vous a dit ce qu'il adviendrait de ces prisonniers ?
18 R. Ce jour-là, sa réponse a été négative. Il a dit que ces personnes
19 seraient traduites en justice devant un tribunal yougoslave en tant que
20 membres de la Garde nationale croate et en tant que combattants au sein
21 d'unités paramilitaires croates. Ce jour-là, il n'a pas accepté que l'on
22 procède à un échange de prisonniers.
23 Q. Quelle a été votre réaction lorsqu'il vous a dit que ces personnes
24 seraient traduites devant un tribunal yougoslave ?
25 R. Nous lui avons répondu que ces personnes ne pouvaient pas être
26 traduites devant un tribunal yougoslave, seulement devant un tribunal
27 croate ou devant un tribunal d'une autre république, pas devant un tribunal
28 yougoslave. Ces personnes pouvaient être jugées devant un tribunal serbe.
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1 Mais comme la Yougoslavie n'avait pas ses propres lois; elle n'avait pas
2 ses propres tribunaux en tant que fédération. Ce sont les républiques qui
3 avaient leurs propres tribunaux.
4 Q. Qu'a-t-il répondu à cela ?
5 R. Il a dit qu'en tout état de cause ces personnes seraient jugées parce
6 qu'elles étaient membres de la Garde nationale croate, elles avaient porté
7 des armes et s'étaient trouvées aux barrages et sur les lignes au moment de
8 leur arrestation, il a rejeté toute possibilité d'échange de prisonniers.
9 Ni Vukosic ni Martic n'ont parlé du nombre de prisonniers concernés. Il
10 aurait dû s'agir d'un échange tous pour tous. Nous ne savions même pas
11 combien de prisonniers se trouvaient de part et d'autre.
12 Q. Est-ce que vous avez jamais parlé à M. Martic de l'endroit où les
13 prisonniers étaient détenus ?
14 R. Oui, parce que Vukosic nous avait dit qu'il n'existait aucune prison,
15 ni aucun lieu de détention à Knin. Nous lui avons demandé où il détenait
16 ces prisonniers. Il a répondu qu'il existait plusieurs endroits où les
17 prisonniers pouvaient être détenus conformément aux lois et aux règles en
18 vigueur en temps de guerre. Nous n'avons pas insisté pour qu'il nous montre
19 ces endroits et il n'a pas exprimé le souhait de nous laisser voir ces
20 prisonniers non plus.
21 Q. Le lendemain, avez-vous rencontré la personne qui porte le numéro 10
22 sur la liste ?
23 (Expurgé)
24 (Expurgé)
25 (Expurgé)
26 (Expurgé)
27 (Expurgé). Il
28 a insisté pour que nous essayions de nouveau, que nous essayions d'obtenir
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1 que cet échange ait lieu. Il avait peur pour la vie des prisonniers et
2 s'inquiétait des conditions dans lesquelles ces prisonniers étaient
3 détenus, car d'après ses informations, il n'y avait pas de lieux de
4 détention appropriés à Knin. Il avait peur que ces prisonniers puissent
5 faire l'objet de mauvais traitements de la part des policiers de Martic.
6 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais que l'on procède à une
7 expurgation du compte rendu d'audience. Il s'agit de la phrase figurant à
8 la ligne 2 de la page 42. La phrase commençant par les mots : "Le
9 lendemain."
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La phrase commençant par le mot "Le
11 lendemain," située à la ligne 2 de la page 42 sera supprimée du compte
12 rendu.
13 M. WHITING : [interprétation]
14 Q. Après cela, avez-vous eu d'autres rencontres avec Milan Martic sur ce
15 sujet ?
16 R. Le lendemain de notre réunion avec le numéro 10, le lendemain de cette
17 réunion, nous sommes retournés voir Milan Martic. J'y suis retourné avec le
18 numéro 4 pour parler de cette question. Martic ne se trouvait pas dans son
19 bureau, si bien que nous avons dû attendre. Certains de ses hommes nous ont
20 dit qu'il ne serait pas disponible ce jour-là, qu'il avait beaucoup de
21 choses à faire. Nous avons profité de notre temps libre pour faire le tour
22 de la ville de Knin, nous sommes donc repartis sans avoir fait ce que nous
23 devions faire.
24 Q. Avez-vous finalement revu Milan Martic pour parler avec lui de cette
25 question ?
26 R. Oui. Le lendemain de cette visite qui n'avait pas abouti. Je suis
27 retourné le voir en compagnie de la personne portant le numéro 4, et à
28 cette occasion nous avons trouvé Martic dans son bureau. La personne
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1 portant le numéro 2 nous avait donné l'autorisation de présenter nos
2 demandes de façon plus ferme et d'insister auprès de Martic. C'est ce que
3 nous avons fait. Nous avons réussi à convaincre Martic de donner son accord
4 pour cet échange, auquel il était d'abord opposé. Il a finalement dit :
5 "Très bien. Organisons cet échange." Il a nommé quelqu'un avec qui nous
6 avons dû nous mettre d'accord pour ce qui est des détails techniques
7 relatifs à cet échange de prisonniers.
8 Q. L'échange en question a-t-il eu lieu par la suite ?
9 R. Oui, le lendemain. La veille de l'échange nous nous étions mis d'accord
10 sur l'heure et la manière dont l'échange aurait lieu.
11 J'ai peut-être déclaré plus tôt que cet échange avait eu lieu aux environs
12 de midi, mais je me souviens maintenant que c'était à 16 heures, car
13 maintenant je peux faire le lien avec des événements qui ont eu lieu après
14 l'échange.
15 Nous avons convenu que l'échange se déroulerait à 16 heures à Kosovo
16 Polje. Ils devaient agiter un drapeau blanc au-dessus du poste de contrôle
17 tenu par les policiers de Martic et de notre côté, nous devions également
18 agiter un drapeau blanc au-dessus du poste de contrôle tenu par les unités
19 de la police croate.
20 Q. Combien de prisonniers ont été échangés ce jour-là ?
21 R. Ce jour-là, une heure et demie ou deux heures avant l'échange, la
22 personne portant le numéro 4 et moi-même avons pris avec nous deux
23 prisonniers, et la personne portant le numéro 10 avait deux autres
24 prisonniers dans sa voiture. Nous sommes ensuite partis en direction de
25 Drnis, ou plutôt, en direction du lieu convenu pour l'échange à Kosovo
26 Polje. Je me souviens que nous avons parlé en chemin, et l'un des
27 prisonniers a déclaré qu'il s'appelait Plavso. Je me suis entretenu avec
28 lui. Il a dit qu'il était né à Knin. L'autre était originaire d'un village
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1 situé dans les environs. Je ne me souviens plus du nom de ce village.
2 Q. Il y avait donc quatre prisonniers, côté croate, contre combien de
3 prisonniers du côté serbe ont-ils été échangés ?
4 (Expurgé)
5 (Expurgé)sur les lieux, ou plutôt, je m'excuse. La personne numéro 4 et moi
6 même avons emmené ces deux personnes, et comme il y avait une certaine
7 distance qui séparait le poste de contrôle tenu par les Croates et du poste
8 de contrôle tenu par les Serbes, nous nous sommes arrêtés à mi-chemin entre
9 ces deux postes de contrôle. Puis, les policiers de Martic ont fait venir
10 quatre personnes vêtues de tenues civiles. Nous avons salué les policiers
11 de Martic, tout le monde était très poli.
12 M. WHITING : [interprétation] Pourrait-on supprimer du compte rendu
13 d'audience la première ligne.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La première ligne, figurant à la ligne
15 2, page 44 du compte rendu d'audience se sera supprimée.
16 M. WHITING : [interprétation]
17 Q. Après cette échange de prisonniers, avez-vous eu l'occasion de parler
18 avec l'un quelconque des prisonniers qui avait été détenu à Knin et qui
19 venait d'être libéré ?
20 R. Plus tard, nous avons fait monter deux prisonniers, à bord de la
21 voiture où se trouvaient mon collègue et moi-même et deux autres
22 prisonniers ont accompagné la personne numéro 10. Nous les avons conduits à
23 Drnis, au poste de police. En route, j'ai demandé à l'un des hommes d'où il
24 était originaire. Il m'a répondu qu'il était Croate, originaire de Knin,
25 qu'il avait été arrêté deux jours plus tôt devant sa maison.
26 Q. L'homme qui va a dit qu'il avait été arrêté deux jours plus tôt devant
27 sa maison, quel âge avait-il ? Savez-vous quel âge il avait ?
28 R. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps en chemin. La route faisait
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1 moins d'un kilomètre. Tout ce que cet homme a dit c'est qu'il avait été
2 arrêté deux jours plus tôt devant sa maison et qu'il n'avait jamais été
3 membre d'une quelconque unité croate. Il a soulevé son tee-shirt et m'a
4 montré les traces de coups et de sévices qu'il avait subis entre les mains
5 des hommes de Martic à la prison. Il a dit qu'ils avaient été détenus au
6 sous-sol du bâtiment du SUP.
7 Q. Est-ce qu'il a remonté son tee-shirt ? Est-ce que vous avez pu voir
8 quoi que ce soit ?
9 R. Oui. J'ai vu des ecchymoses sur son dos. Il m'a dit qu'il avait été
10 frappé par les policiers de Martic.
11 Q. L'autre prisonnier qui avait été libéré, vous a-t-il dit quoi que ce
12 soit ?
13 R. Non. La route a été très brève, moins d'un kilomètre. Nous n'avons pas
14 passé beaucoup de temps ensemble. Plus tard, nous avons appris, car les
15 deux parties nous cachaient la vérité. La personne portant le numéro 10
16 nous a appris par la suite qu'il savait qu'il y avait trois prisonniers,
17 non pas quatre. Lorsque nous sommes allés voir la personne numéro 10 le
18 lendemain pour lui parler de l'échange, il a répondu : "Je n'avais pas
19 connaissance de ce quatrième homme. Je savais qu'il y en aurait trois". Je
20 lui ai dit : "Pourquoi vous ne nous l'avez pas dit ?" Il a répondu : "Si je
21 vous l'avais dit, j'aurais dû vous dire combien il y en avait".
22 Q. Est-ce que l'un des prisonniers, qui se trouvait à bord de votre
23 voiture, vous a parlé des conditions dans lesquelles ils avaient été
24 détenus ?
25 R. Ce même prisonnier m'a dit qu'il avait été détenu au sous-sol du
26 bâtiment, que les conditions de détention étaient très mauvaises, qu'on lui
27 avait donné des sandwichs, qu'il était interrogé tous les jours. La
28 conversation a duré cinq ou six minutes tout au plus, le temps de nous
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1 rendre au poste de police de Drnis où nous avons laissé ces prisonniers.
2 Q. Est-ce que la personne numéro 10 vous a dit quoi que ce soit au sujet
3 des deux autres prisonniers, au sujet de ce qu'ils avaient dit ? Vous a-t-
4 il parlé de ce qu'il avait vu ?
5 R. Il ne m'a rien dit. Il ne voulait partager la moindre information avec
6 nous.
7 Q. Avez-vous appris quoi que ce soit au sujet de ce qu'il était advenu des
8 autres prisonniers, des conditions dans lesquelles ils avaient été détenus,
9 de l'endroit où ils avaient été détenus ? Savez-vous de qui leur est arrivé
10 au cours de leur détention ?
11 R. Le lendemain, lorsque nous sommes allés voir le numéro 10, il pensait
12 que nous savions où Martic détenait les prisonniers. Il nous a demandé si
13 nous avions vu la pièce en question. Nous avons répondu par la négative. Il
14 a dit : "Les conditions sont insupportables, c'est un sous-sol, c'est sale.
15 Je ne sais pas comment il a réussi à faire de cette pièce un lieu de
16 détention car les conditions sont vraiment très mauvaises." C'est tout ce
17 qui a été dit à ce sujet.
18 Q. Alors que vous vous trouviez dans cette région, pendant environ un
19 mois, avez-vous rencontré Milan Babic ?
20 R. Non. Pas en tant que groupe. Un jour, alors que je faisais une visite
21 du terrain avec le numéro 2, accompagné d'un chauffer et d'une personne
22 chargée de la sécurité, à Knin nous avons pris la direction de Sinj, la
23 ville natale de Milan Babic. Le numéro 2 a dit qu'il serait bon que nous
24 allions le voir afin de parler de la situation.
25 Nous avons trouvé sa mère qui nous a dit qu'il n'était pas là. Nous avons
26 demandé à plusieurs voisins qui ont confirmé qu'il n'était pas là et que
27 cela faisait deux jours qu'il n'était pas là. Nous sommes repartis sans
28 l'avoir vu. Le numéro 2 ne m'a pas vraiment dit quel était le but de ce
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1 voyage.
2 Q. Une dernière question avant la pause. Pouvez-vous nous dire pourquoi
3 vous n'avez pas essayé de rencontrer de façon officielle Milan Babic comme
4 vous avez rencontré Milan Martic ?
5 R. Milan Babic était un homme politique. Nous étions pour notre part, des
6 employés des organes de sécurité du ministère de l'Intérieur. (Expurgé)
7 (Expurgé)
8 (Expurgé)
9 (Expurgé)
10 (Expurgé)
11 (Expurgé).
12 M. WHITING : [interprétation] L'heure est venue de faire la pause. Par
13 précaution, je propose que l'on supprime du compte rendu d'audience la
14 deuxième phrase de la réponse du témoin : "Nous étions membres".
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] "Nous étions membres ?"
16 M. WHITING : [interprétation] C'est ainsi que commence cette phrase. Il
17 est inutile de supprimer le reste.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.
19 Je demanderais qu'on supprime du compte rendu d'audience la phrase
20 commençant par "Nous étions membres" qui figure dans la dernière réponse du
21 témoin, ligne 6, page 47.
22 M. WHITING : [interprétation] Je pense que l'heure est venue de faire la
23 pause.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.
25 Nous allons suspendre l'audience et reprendre à 12 heures 30.
26 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
27 --- L'audience est reprise à 12 heures 34.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.
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1 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Q. Nous sommes toujours en audience publique, Monsieur, donc je vous
3 demanderais d'utiliser votre feuille de papier lorsque vous devrez faire
4 référence à des noms.
5 Je vais maintenant aborder un nouveau thème. Est-ce qu'à un moment donné
6 des réfugiés ont commencé à arriver à Sibenik ?
7 R. Oui, malheureusement. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais
8 cela s'est passé vers le 10 juin.
9 Q. Que s'est-il passé ce jour-là ? Qu'avez-vous vu ?
10 R. Ce matin-là, lorsque je suis sorti de ma chambre d'hôtel et lorsque je
11 suis descendu vers le hall de l'hôtel, j'ai vu un grand nombre de personnes
12 qui étaient habillées de façon étrange, qui portaient des sacs, des
13 valises, des sacs en plastique. Certains d'entre eux se trouvaient dans le
14 hall de l'hôtel.
15 Q. Est-ce que vous avez appris qui étaient ces gens ?
16 R. Je suis allé près de la réception et j'ai demandé au responsable des
17 réceptionnistes, un homme répondant au nom d'Ivica, qui ils étaient. Je
18 n'avais pas pensé qu'il s'agissait de réfugiés. J'ai juste demandé qui
19 étaient ces gens, est-ce qu'ils sont descendus à l'hôtel et c'est alors que
20 cet homme m'a répondu que ces gens étaient des Croates, des réfugiés de
21 Knin et de cette région. Il m'a dit qu'un grand nombre de ces personnes
22 allaient être logées à l'hôtel et il m'a parlé du nombre de 600 personnes,
23 alors que les autres seraient logées dans d'autres hôtels ou séjourneraient
24 auprès de membres de leurs familles. Mais il m'a dit que tous les Croates
25 avaient quitté ce qu'on appelait la SAO de la Krajina.
26 Q. Monsieur, est-ce que vous avez eu ce jour-là ou le lendemain peut-être,
27 une conversation avec la personne qui correspond au numéro 10 sur votre
28 liste ?
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1 R. Je rencontrais la personne numéro 10 quotidiennement, un bureau nous
2 avait été attribué dans le bâtiment du ministère de l'Intérieur de la
3 Croatie, et soit nous nous rencontrions alors que nous allions vers ce
4 bureau ou nous nous mettions d'accord pour prendre un café ensemble. Je ne
5 sais pas si après l'arrivée des réfugiés nous leur avons parlé ensemble,
6 mais j'ai parlé moi aux réfugiés seul. Je leur ai posé des questions et je
7 leur ai demandé pourquoi ils s'étaient enfuis et je leur ai demandé qui ils
8 fuyaient. J'avais l'impression que si nous travaillions individuellement
9 les gens nous accuseraient de prendre partie pour l'un ou l'autre camp.
10 Le lendemain, j'ai rencontré la personne numéro 10, je l'ai rencontrée
11 justement à ce sujet et moi-même ainsi que la personne numéro 3, nous nous
12 sommes rendus à l'endroit où séjournait la personne numéro 10, nous sommes
13 allés là pour parler de ceci.
14 Q. Que vous a dit la personne numéro 10 si tant est qu'il vous ait dit
15 quoi que ce soit à propos de ces réfugiés ?
16 R. Il nous a informés qu'il y avait un grand nombre de réfugiés, de
17 réfugiés croates, qui venaient de la Région de la SAO Krajina. Il nous a
18 dit que toutes les personnes qui étaient en état de le faire étaient
19 parties de cette région et que seules les personnes âgées étaient restées
20 en Krajina, donc des personnes qui ne voulaient pas quitter leurs
21 domiciles. Il nous a dit qu'il y avait environ 600 réfugiés qui avaient été
22 hébergés dans notre hôtel et qu'il y avait également d'autres réfugiés
23 hébergés dans d'autres hôtels et il nous a dit également qu'il y avait
24 d'autres réfugiés qui avaient été hébergés dans des maisons de
25 particuliers. Il nous a dit que les autorités croates allaient avoir ce
26 problème avec Martic et avec la SAO de Krajina, parce que comme l'a avancé
27 ou dit la personne numéro 3, tout cela était la conséquence des crimes
28 commis par Martic et sa force de police.
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1 Q. Est-ce que la personne numéro 10 vous a dit pourquoi ces réfugiés
2 croates avaient quitté la Région de la SAO Krajina ?
3 R. Il nous a parlé de certains cas d'expulsion. Il nous a narré que
4 certaines personnes avaient des problèmes avec la police de Martic, que ces
5 personnes avaient été rouées de coups. Il a également indiqué que d'autres
6 personnes avaient eu leur bétail empoisonné, leurs biens dévastés. Puis
7 ensuite, il nous a suggéré de prendre langue avec les réfugiés pour
8 entendre ce qu'ils avaient à dire, et cela semblait effectivement la
9 meilleure idée, parce que nous ne pouvions pas ignorer ni connaître les
10 problèmes des réfugiés. L'un de mes collègues et moi-même avons décidé
11 d'interroger les réfugiés pour savoir pourquoi ils avaient quitté leurs
12 foyers.
13 Q. Avant que cela ne se passe, est-ce que vous avez eu une réunion avec
14 Milan Martic pour lui parler de ces réfugiés ?
15 R. Non. Je n'ai pas eu de réunion.
16 Q. N'avez-vous jamais eu une réunion avec Milan Martic et ne lui avez-vous
17 jamais parlé de ces réfugiés ?
18 R. Oui, oui. Après avoir interrogé les réfugiés, la personne numéro 3, la
19 personne numéro 11 et moi-même avons eu cette réunion avec les réfugiés
20 dans la salle de conférence de l'hôtel où nous étions descendus.
21 Q. Alors, procédons par ordre. Nous allons d'abord parler de cette réunion
22 que vous avez eue avec les réfugiés puis ensuite, je vous poserai des
23 questions à propos de votre réunion avec Milan Martic. Pour ce qui est de
24 la réunion avec les réfugiés, c'est une réunion qui a eu lieu dans la salle
25 de conférence de l'hôtel; est-ce que vous pourriez nous décrire ce qui
26 s'est passé lors de cette réunion ?
27 R. Etant donné que la personne numéro 10 ainsi que la personne numéro 11
28 ont organisé et préparé cette réunion avec les réfugiés, on nous avait dit
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1 que cette réunion allait avoir lieu ce jour-là ou le lendemain d'ailleurs,
2 peut-être vers 15 ou 16 heures dans la salle de conférence de cet hôtel.
3 Q. Combien de réfugiés sont venus à cette réunion, d'après vous ?
4 R. Bien, 350 ou 400 personnes sont venues à cette réunion. Je ne peux que
5 supposer que cela correspondait au nombre de personnes, parce que c'était
6 le nombre de personnes qui pouvaient entrer dans cette salle. La plupart de
7 ces personnes étaient jeunes, certains avaient leurs enfants avec eux parce
8 qu'il n'y avait personne qui aurait pu les garder.
9 Q. Est-ce que des réfugiés ou certains des réfugiés vous ont relaté ce qui
10 leur était arrivé ?
11 R. Oui, ils l'ont fait. La personne numéro 3 était censée être la personne
12 qui devait en quelque sorte présider la réunion. Toutefois, les réfugiés
13 ont insisté pour que ce soit moi qui joue ce rôle. Un certain nombre de ces
14 personnes nous ont narré les différentes raisons qui les avaient poussées à
15 fuir la région, essentiellement Knin, parce que la plupart étaient de Knin.
16 Dans un premier temps, sept ou huit jeunes gens, qui avaient la trentaine,
17 ont enlevé leurs vêtements, nous ont montré les traces des coups et ils
18 nous ont expliqué que la force de police de Martic leur avait fait subir
19 ces sévices. J'ai vu les ecchymoses sur leurs corps, mais je n'ai pas
20 véritablement pu beaucoup les aider à ce moment-là, si ce n'est que je leur
21 ai conseillé d'essayer d'obtenir, devant les tribunaux, une compensation.
22 Q. Témoin --
23 R. Ils ont répondu à cela que la situation qui prévalait était une
24 situation de guerre.
25 Q. Vous avez dit que sept ou huit jeunes gens avaient ôté leurs vêtements.
26 Est-ce qu'ils ont enlevé tous leurs vêtements, une partie de leurs
27 vêtements ?
28 R. Certains étaient torse nu, d'autres se sont contentés de remonter leurs
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1 chemises, parce que c'était l'été, il faisait chaud. Cela nous a suffi
2 pour voir qu'ils avaient été roués de coups, qu'ils avaient des ecchymoses
3 sur leurs corps.
4 Q. Vous nous avez parlé de sept ou huit personnes; est-ce qu'il s'agissait
5 d'hommes ?
6 R. Oui, c'étaient tous des hommes.
7 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où vous avez vu ces traces de coups,
8 ces ecchymoses sur leurs corps ?
9 R. Surtout au-dessus de la taille, au niveau du dos ainsi qu'au niveau des
10 membres supérieurs, au niveau des bras, au-dessus du coude.
11 Q. Alors, après que ces sept ou huit jeunes gens vous ont montré leurs
12 ecchymoses, est-ce que les autres réfugiés vous ont raconté ce qui leur
13 était arrivé ?
14 R. D'autres réfugiés nous ont relaté leurs histoires. J'avais les notes
15 que j'avais prises lors d'une réunion, notes que j'ai utilisées plus tard
16 pour rédiger mon rapport. Ils nous ont dit que les Serbes et que les hommes
17 de Martic avaient détruit leurs vergers. Un ou deux ont dit également que
18 leurs volailles et leurs cochons avaient été empoisonnés. D'autres encore
19 ont dit qu'ils étaient les voisins de Martic, qu'ils avaient des relations
20 avec lui et avec sa famille, mais que récemment, lorsqu'ils leur
21 demandaient son aide, il leur répondait en disant qu'ils ne devraient pas
22 s'attendre à avoir de l'aide, et que s'ils pouvaient respecter les lois de
23 la SAO de la Krajina, ils pouvaient rester, mais s'ils ne pouvaient pas le
24 faire, ils pouvaient partir, qu'il n'y avait pas de place pour eux là-bas.
25 Q. Est-ce que les réfugiés vous ont parlé de ce qui s'était passé entre
26 eux et la police de Martic ?
27 R. Certains d'entre eux ont dit qu'ils avaient rencontré Martic lui-même,
28 que ses hommes les avaient frappés. Oui, il y a eu des personnes qui nous
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1 ont raconté cela. Il y avait énormément de monde à cette réunion, et tout
2 le monde parlait en même temps. Ils voulaient tous raconter ce qui leur
3 était arrivé. Nous essayions de prendre des notes de façon très rapide,
4 d'une façon un peu désespérée aussi et en même temps nous essayions de
5 savoir ce qui s'était passé véritablement.
6 Q. Est-ce que les réfugiés vous ont relaté ce qui était advenu de leurs
7 domiciles ?
8 R. Oui. Plusieurs personnes ont dit que leurs maisons avaient été
9 incendiées par les hommes de Martic. Ils ont dit qu'il s'agissait d'un acte
10 de revanche parce qu'ils étaient Croates et parce qu'ils ne voulaient pas
11 vivre dans la SAO de la Krajina et qu'ils maintenaient qu'ils étaient des
12 citoyens de la Croatie, et cetera.
13 Q. Est-ce que certaines de ces personnes vous ont parlé de ce qui s'était
14 passé lorsque la police de Martic était venue dans leurs maisons ?
15 R. Oui. Il y a eu ce genre de situations. Plusieurs personnes ont dit que
16 la police de Martic avait, en quelque sorte, fait du porte à porte pour
17 indiquer à ces personnes qu'elles devaient quitter Knin, à savoir qu'elles
18 devaient quitter la SAO de la Krajina.
19 Q. Qu'est-il advenu des notes que vous avez prises lors de cette réunion ?
20 R. Etant donné que c'était moi qui présidait en quelque sorte cette
21 réunion avec mon collègue numéro 3, nous avons rédigé notre rapport le même
22 jour, c'est un rapport qui comportait trois pages, il me semble, et nous
23 l'avons présenté ce rapport à la personne numéro 2, qui était censée
24 transmettre ce rapport à notre gouvernement à Belgrade. Je ne sais pas ce
25 qu'il est advenu plus tard de ce rapport parce que ma mission consistait à
26 présenter ce rapport, à le transmettre. J'ai demandé que l'on me tienne
27 informé et il m'a dit qu'il avait dû se rendre au QG de l'armée et qu'il
28 avait envoyé ledit rapport à Belgrade à partir de ce QG. Je ne sais pas ce
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1 qui a fini par être envoyé. Je ne sais pas si des amendements ont été
2 apportés au rapport que nous avions rédigé. Nous avions écrit ce rapport de
3 façon manuscrite parce que nous n'avions pas de matériel et nous l'avons
4 signé.
5 Q. Après que vous ayez rédigé ce rapport et que vous l'ayez présenté,
6 qu'est-il advenu des notes que vous aviez prises lors de la réunion ?
7 R. Nous étions tous armés de blocs-notes et de crayons lorsque nous nous
8 rendions à ces réunions. Non pas seulement la réunion avec les réfugiés,
9 mais pendant tout mon séjour à Knin, j'ai constamment pris des notes dans
10 ce bloc-notes que j'ai pris avec moi lorsque je suis reparti à Belgrade. Je
11 l'ai utilisé plus tard également lorsque je suis allé à Baranja et en
12 Slavonie, et plus tard lorsque je suis allé à Dobjoj. Il s'agissait d'un
13 bloc-notes où étaient répertoriées des notes officielles qui étaient
14 confidentielles et qui se trouvaient dans mon bureau à Belgrade jusqu'au
15 moment où le bâtiment a été investi par le secrétariat de l'Intérieur de la
16 république. Là, j'ai perdu tout mon bureau y compris tout ce qui se
17 trouvait dans mon bureau et notamment y compris ce bloc-notes. J'ai
18 également perdu tous mes objets personnels, tout ce qui se trouvait dans
19 mes tiroirs.
20 Q. Après cette réunion que vous avez eue avec les réfugiés, est-ce que
21 vous avez eu une réunion avec Milan Martic ?
22 R. Oui. Le lendemain, tel que convenu avec la personne numéro 2 -- en
23 fait, je pense que c'était avec la personne numéro 3, mais je n'en suis pas
24 absolument sûr. Nous sommes allés voir Martic. Il me semble que j'y suis
25 allé avec la personne numéro 3 parce que nous nous étions rendus à la
26 première réunion ensemble.
27 Q. Est-ce que vous avez parlé des réfugiés qui étaient arrivés à Sibenik à
28 Milan Martic ?
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1 R. Oui. Ce jour-là, Milan Martic nous a reçus et nous lui avons parlé dans
2 son bureau, nous avons abordé le sujet des réfugiés qui était le sujet
3 essentiel que nous avons soulevé ce jour-là.
4 Q. Qu'a-t-il dit à propos de ces réfugiés ?
5 R. Nous avons d'abord parlé des problèmes et des raisons cités par les
6 réfugiés, la raison pour laquelle ils avaient quitté leurs domiciles. Ce
7 que les réfugiés m'ont dit, je l'ai transmis à Martic.
8 Q. Quelle a été sa réaction ?
9 R. Sa réaction d'abord a été de rejeter tout cela et il a dit que ce
10 n'était pas vrai. Il disait que les mères, les sœurs, les frères, les
11 pères, qui faisaient partie des ZNG et des formations oustachi, c'est-à-
12 dire qui étaient du côté croate et contre les Serbes, il disait qu'au moins
13 un membre de leur famille était dans ces unités et qu'ils ne voulaient pas
14 observer les lois de la SAO de Krajina et que tous étaient pro-oustachi et
15 contre les Serbes.
16 Q. Permettez-moi de vous poser cette question : avez-vous dit que vous
17 aviez vu des blessures ou des coups sur les corps de ces réfugiés ? Si oui,
18 quelle a été sa réaction ?
19 R. Oui. Il a dit qu'ils s'étaient probablement blessés eux-mêmes. Ensuite,
20 il a dit que la police de Martic ne passait à tabac personne sans raison.
21 Lorsque j'ai parlé de potagers qui ont été détruits, il a dit : "Ce sont
22 eux-mêmes qui ont fait cela." Quand j'ai mentionné des maisons incendiées,
23 il m'a répondu : "Ils n'ont incendié que des maisons des leaders des ZNG,
24 des membres du rassemblement de la Garde nationale croate."
25 Quand je lui ai dit que les uns les autres vivaient ensemble, il m'a dit
26 que : "Ce sont que leurs histoires et qu'ils doivent obéir aux lois de la
27 SAO de Krajina, et que quiconque voulait rester dans la région doit
28 respecter ces lois." Il a dit qu'ils n'ont pas voulu obéir à ses lois et
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1 que, par la suite, ils étaient partis.
2 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut
3 aller à huis clos partiel ?
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on aller à huis clos partiel ?
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
6 partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
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15 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mardi 4 avril 2006,
16 à 9 heures 00.
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