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1 Le lundi 3 juillet 2006
2 [Jugement - article 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Au cours de la dernière audience, la Défense a présenté une requête orale
8 par laquelle elle demandait une prorogation de délai, souhaitant que la
9 présentation de ses moyens débute le 15 septembre. La Chambre a indiqué à
10 ce moment-là que cette demande serait examinée en temps voulu. Nous allons
11 en traiter maintenant.
12 Avant cette requête, la Défense en avait présenté une autre, demandant que
13 la présentation de ses moyens soit reportée à plus tard afin de permettre à
14 la Défense de se préparer comme il convient en vue de la présentation de
15 ses moyens. La requête, qui a été présentée oralement lors de la dernière
16 audience, reprenait en réalité les arguments avancés dans une requête
17 précédente. Pour qu'une requête soit présentée avec le même objet et pour
18 que la Chambre envisage de revoir une décision rendue précédemment, il est
19 important que tous les arguments pertinents soient présentés afin que la
20 Chambre puisse voir ce qu'il en est. Me Milovancevic a indiqué qu'il
21 suivait les instructions données explicitement par M. Martic. Selon la
22 Chambre, il ne s'agit pas d'un fait nouveau étant donné que la Défense agit
23 toujours selon les instructions données par M. Martic. Donc, la requête
24 précédente avait été présentée en application des instructions données par
25 M. Martic.
26 La Chambre rappelle à la Défense qu'elle a déjà fait preuve d'indulgence à
27 son égard et lui rappelle qu'elle est d'avis que les préparatifs de la
28 Défense ne doivent pas commencer à la fin de la présentation des moyens à
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1 charge, mais à partir du moment où la Défense reçoit des instructions de
2 son client. Partant, à ce stade, on ne saurait dire que c'est maintenant
3 que l'on va rechercher des témoins pour les interroger afin de les citer
4 éventuellement à comparaître dans le cadre de la présentation des moyens à
5 décharge. La Défense a déjà procédé au contre-interrogatoire de témoins à
6 charge. Nous comprenons que ces contre-interrogatoires ont eu lieu au nom
7 de M. Martic, et par ces motifs, la Chambre rejette la demande de
8 prorogation de délai demandée par la Défense.
9 Il nous reste maintenant à donner lecture de la décision concernant la
10 demande présentée en application de l'article 98 bis.
11 Nous allons lire ce texte très lentement de manière à permettre aux
12 interprètes de faire leur travail.
13 1 : La Chambre de première instance est réunie aujourd'hui afin de rendre
14 sa décision concernant les arguments oraux présentés par la Défense le 26
15 juin 2006, à laquelle elle demandait un acquittement. La Défense a demandé
16 que l'accusé soit acquitté de tous les chefs. L'Accusation a présenté ses
17 réponses le même jour, et s'était opposée à l'ensemble des arguments
18 avancés par la Défense.
19 2 : Aux termes de l'article 98 bis du Règlement, la Chambre de première
20 instance doit, par décision orale et après avoir entendu les arguments
21 oraux des parties, prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour
22 lequel il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de justifier une
23 condamnation. Il est important d'observer que cet article a été modifié en
24 2004 et s'intéresse maintenant aux chefs d'accusation plutôt qu'aux
25 charges, comme c'était le cas précédemment. La Défense n'a pas avancé
26 d'arguments concernant le critère qu'il convient d'appliquer en application
27 de l'article 98 bis. Toutefois, la Défense a fait valoir que :
28 "L'Accusation doit prouver la culpabilité de M. Martic au-delà de tout
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1 doute raisonnable à ce stade la procédure." En outre, à plusieurs reprises,
2 la Défense a présenté des allégations concernant des crimes commis par
3 d'autres parties au conflit. La Défense a également présenté de nombreux
4 arguments concernant la crédibilité des témoins à charge. A la lumière de
5 ces arguments, la Chambre estime qu'il est nécessaire de traiter du critère
6 applicable en application de l'article 98 bis.
7 3 : Le critère applicable s'agissant de tous les chefs d'accusation est de
8 savoir si les preuves, dans le cas où elles seraient admises, pourraient
9 amener un juge de faits raisonnable à déclarer l'accusé coupable de tous
10 les chefs d'accusation. Ce critère ne suppose pas une évaluation de la
11 culpabilité de Milan Martic à la lumière des preuves présentées lors de la
12 présentation des moyens à charge. Par conséquent, cette décision ne prend
13 pas en compte la crédibilité des témoins à charge ni le poids à accorder
14 aux éléments de preuve. L'évaluation faite par la Chambre de première
15 instance ne suppose pas une évaluation du poids ou des faiblesses des
16 différentes preuves contradictoires et autres qui ont été présentées devant
17 la Chambre.
18 4 : Par conséquent, les arguments présentés par la Défense à cet égard sont
19 rejetés, car ils dépassent le cadre de l'article 98 bis.
20 5 : La Chambre de première instance saisie de l'affaire Mrksic a récemment
21 rendu sa décision orale en application de l'article 98 bis. La Chambre
22 saisie de l'affaire susmentionnée a conclu que l'article, dans sa nouvelle
23 mouture, "n'exige pas la présentation de preuves susceptibles d'établir
24 chacune des allégations présentées ni chacune des formes de responsabilité
25 invoquées, à savoir la responsabilité pénale."
26 La Chambre de première instance Mrksic a conclu que s'il doit avoir
27 des preuves qui remplissent les critères requis s'agissant de chacun des
28 éléments constitutifs des infractions reprochées. Ces éléments peuvent être
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1 établis même si les preuves ne sont pas nécessairement suffisantes pour ce
2 qui est de chacune des allégations avancées dans l'acte d'accusation à
3 l'appui du chef reproché ou s'agissant de l'une ou plusieurs des formes de
4 responsabilité pénale sur laquelle se fonde l'Accusation."
5 La présente Chambre de première instance souscrit à l'opinion exprimée par
6 la Chambre Mrksic selon laquelle : "l'Accusation ne doit pas nécessairement
7 en fin de compte prouver l'une quelconque des formes de responsabilité
8 imputée pour que la Chambre prononce une déclaration de culpabilité pour ce
9 chef à la fin du procès."
10 La Chambre examinera donc les arguments présentés par les parties à la
11 lumière des observations faites précédemment concernant le critère
12 applicable en application de l'article 98 bis. Ce faisant, elle va procéder
13 à une évaluation de toutes les preuves versées au dossier de l'espèce.
14 6 : L'acte d'accusation dressé contre Milan Martic couvre la période allant
15 du mois d'août 1991 au 31 décembre 1995, lorsque ce dernier occupait
16 diverses positions au sein de la SAO de Krajina appelée par la suite
17 République de la Krajina serbe, ou RSK. Un accord a été conclu entre les
18 parties indiquant que la SAO de Krajina avait été mise en place le 21
19 décembre 1990. Selon les preuves tout au long de l'année 1991, la Défense
20 territoriale, appelée la TO, la police de la SAO de Krajina, de concert
21 avec l'armée populaire yougoslave, la JNA, se sont livrées à un conflit
22 armé avec la Défense territoriale croate, la police croate et la Garde
23 nationale croate sur le territoire de la SAO de Krajina, y compris dans des
24 endroits tels que Pakrac, Plitvice et Kijevo.
25 Environ un an plus tard, le 19 décembre 1991, l'assemblée de la SAO de
26 Krajina à Knin a proclamé la création de la République de la Krajina serbe,
27 la RSK. Ceci fait partie des faits admis en l'espèce.
28 Il y a eu de nombreux accords de cessez-le-feu qui ont été conclus ainsi
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1 que des accords concernant le retrait de la JNA du territoire de la Croatie
2 en 1991. Le plan Vance, qui a été signé par Slobodan Milosevic et Franjo
3 Tudjman, prévoyait la création de zones protégées par les Nations Unies, la
4 démilitarisation de la Krajina et le maintien de la paix et de la sécurité
5 afin de permettre le retour des réfugiés de toute appartenance ethnique.
6 Cependant, le plan Vance n'a jamais été véritablement mis en œuvre en SAO
7 de Krajina et le cessez-le-feu a fait l'objet de violations régulières.
8 Les positions occupées par Milan Martic, à savoir, ministre de l'Intérieur,
9 ministre de la Défense et commandant en second de la Défense territoriale
10 de la SAO de Krajina ont été établies dans le cadre des faits admis et ne
11 sont pas contestées.
12 Milan Martic a exercé au moins les postes de ministre de l'Intérieur,
13 commandant en second de la TO lors de la période d'existence de la RSK. Il
14 est également admis que le 25 janvier 1994, Milan Martic a été élu
15 président de la RSK. A cet égard, la Chambre renvoie au témoignage de
16 Veljko Dzakula, Reynaud Theunens, Charles Kirudja et Peter Galbraith.
17 7 : Milan Martic se voit reprocher tous les modes de participations prévus
18 à l'article 7(1) du Statut pour ce qui est de chacun des chefs de l'acte
19 d'accusation, et notamment, le fait d'avoir participé à une entreprise
20 criminelle commune dans sa forme élémentaire et dans sa forme élargie.
21 Milan Martic est également tenu responsable en sa qualité de supérieur
22 hiérarchique sur la base de l'article 7(3) du Statut pour chacun des chefs
23 figurant dans l'acte d'accusation.
24 8 : Il est allégué que le but de l'entreprise criminelle commune était le
25 transfert forcé d'une majorité de Croates, de Musulmans et autres non-
26 Serbes hors d'environ un tiers du territoire de la Croatie et de grandes
27 régions de la Bosnie-Herzégovine, afin que ces territoires soient intégrés
28 dans le cadre d'un état nouveau dominé par les Serbes. Il est allégué que
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1 ce but commun a été réalisé par la commission des crimes reprochés dans les
2 19 chefs de l'acte d'accusation, à savoir, violations des lois ou coutumes
3 de la guerre sanctionnées par l'article 3 du Statut et crimes contre
4 l'humanité sanctionnés par l'article 5 du Statut. A titre subsidiaire, il
5 est allégué que les crimes énoncés dans l'acte d'accusation, à l'exception
6 des crimes d'expulsion et de transfert forcé, étaient la conséquence
7 naturelle et prévisible de l'exécution de l'entreprise criminelle commune
8 et que Milan Martic avait conscience de ces crimes.
9 Il s'agit là de la forme élargie de l'entreprise criminelle commune.
10 Il est allégué que Milan Martic et de nombreuses autres personnes ont pris
11 part à cette entreprise criminelle commune en contribuant largement à la
12 mise en œuvre de son but commun.
13 9 : La Défense a fait valoir qu'aucune preuve n'avait été présentée
14 indiquant qu'il existait un plan oral ou écrit de cette entreprise
15 criminelle commune. Cependant, il est de jurisprudence constante au
16 Tribunal depuis l'arrêt Tadic rendu en 1999, que le but commun ne doit pas
17 nécessairement avoir été organisé ou formulé à l'avance. En conséquence,
18 l'Accusation n'est pas tenue de prouver l'existence d'un accord explicite
19 ou d'un plan officiel. En effet, le but commun peut se matérialiser
20 autrement et peut être déduit du fait qu'une pluralité de personnes ont agi
21 à l'unisson afin de réaliser une entreprise criminelle commune.
22 Il n'en reste pas moins que selon la Chambre d'appel saisie de l'affaire
23 Krnojelac, cet élément doit être identifié aussi précisément que possible
24 et lorsqu'il est déduit des preuves indirectes, il doit s'agir de la seule
25 déduction possible sur la base des preuves présentées.
26 Comme il sera démontré plus tard, la Chambre de première instance est
27 d'avis que les preuves présentées remplissent ce critère.
28 10 : Il existe des preuves selon lesquelles l'idée de créer un nouvel état
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1 qui inclurait des Serbes appartenant à toutes les anciennes républiques de
2 la Yougoslavie a été initialement envisagée par les autorités serbes de
3 Belgrade, notamment Slobodan Milosevic et Borislav Jovic. Cette idée a
4 ensuite été reprise en Croatie par les dirigeants de la SAO de Krajina, y
5 compris Milan Martic. Les preuves montrent que Milan Martic a dit au témoin
6 MM-079, lors d'une visite à Knin en mai 1991, que : "Les Serbes de Krajina
7 voulaient vivre au sein d'un seul pays avec tous les autres Serbes de
8 Yougoslavie, y compris de Serbie, et qu'en aucun cas le peuple serbe
9 n'accepterait de vivre en étant dirigé par les autorités Oustachi de
10 Croatie."
11 A cet égard, la Chambre renvoie au témoignage de Peter Galbraith, pages
12 3746 et 47; témoin MM-079, 3069 et 71; et Charles Kirudja, 4838 à 39.
13 11 : Les preuves indiquent que Milan Martic, au sein des fonctions qu'il
14 occupait dans la SAO de Kajina et la RSK, a coopéré étroitement avec le
15 ministère de l'Intérieur et le ministère de la Défense de Belgrade. Pour ce
16 qui est de sa responsabilité alléguée conformément à l'article 7(3), les
17 preuves indiquent que Milan Martic avait le contrôle effectif sur la police
18 et la TO de la SAO de Krajina ainsi que de la SVK. Milan Martic, pendant
19 toute la période couverte par l'acte d'accusation, a eu un contact étroit
20 avec les officiers du ministère de l'Intérieur de Belgrade, en particulier,
21 Franko Simatovic et Jovica Stanisic. De nombreuses réunions se sont tenues
22 avec Milan Martic et ses officiers à Belgrade et à Knin. La Chambre de
23 première instance a reçu un nombre considérable de preuves qui montrent que
24 le ministère de l'Intérieur de Belgrade a fourni un appui financier,
25 logistique et militaire à la SAO de Krajina et à Milan Martic. Un exemple
26 particulièrement marquant est celui du camp de formation de Golubic, juste
27 au nord de Knin, qui a été établi en 1991 par Milan Martic avec l'aide de
28 Dragan Vasiljkovic et Franko Simatovic. Il y a des preuves qui indiquent
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1 que le gouvernement de la SAO de Krajina a créé des unités de police
2 spéciale placées sous le contrôle du ministère de l'Intérieur et sous le
3 contrôle de Milan Martic. Il y a des preuves importantes qui montrent que
4 ces unités spéciales de la police ont été formées au camp de Golubic. Il y
5 a également des preuves qui indiquent que ces forces du ministère de
6 l'Intérieur ont participé à d'importantes opérations, telle que l'opération
7 Corridor, dans le but de prendre le contrôle "des territoires placés sous
8 les unités ou les autorités croates ou de Bosnie-Herzégovine et de mettre
9 en place une voie de communication directe avec la Serbie par la route."
10 De surcroît, ces unités étaient également actives à Bosanski Novi.
11 L'existence d'une coopération étroite entre Milan Martic et les autorités
12 de Belgrade est de surcroît étayée par l'existence de rapports qui
13 contiennent des informations sur les opérations et la situation dans la SAO
14 de Krajina qui ont été envoyés régulièrement au ministère de l'Intérieur de
15 Belgrade. Des preuves pertinentes à cet égard ont été fournies par Reynaud
16 Theunens à 703 et 797. Le témoin MM-003 à 1982, en 1982, 1992, 1995, 1996,
17 1988, 2003, 2041, 2134 et 2112 [comme interprété] et 2113 [comme
18 interprété], aux numéros suivants; Marko Miljanic au numéro 2959; Peter
19 Galbraith, 3756, 3757. Rade Raseta, pages 3921, 3922; le témoin MM-078, aux
20 numéros de page 4539 et 4547, pièces 38, 39, 469, 537, 698 et 707.
21 12 : Il y a des preuves qui montrent également que Milan Martic et d'autres
22 dirigeants serbes de la SAO de Krajina et de la RSK ont travaillé en
23 collaboration étroite avec les dirigeants de la Région autonome de la
24 Krajina en Bosnie-Herzégovine, la RAK. Hamdija Krupic a témoigné dans ce
25 sens pour dire qu'à l'ordre du jour des réunions organisées par les
26 municipalités de la Région autonome de la Krajina, était la création de
27 municipalités que l'on nommait serbes qui devaient être rattachées à la SAO
28 de Krajina afin de former un seul et même territoire. Veljko Dzakula a
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1 témoigné dans ce sens pour dire ce qui importait à Milan Martic lors de ces
2 sessions gouvernementales organisées dans la RSK était de "travailler pour
3 la reconnaissance et le rattachement des terres serbes, la Republika Srpska
4 et la Serbie."
5 La Chambre vous reporte à Hamdija Krupic à la page 2943 et Veljko Dzakula
6 aux pages 404 et 405.
7 13 : L'existence d'un but commun peut être déduite d'après la coopération
8 des unités militaires et des autorités civiles lorsqu'il s'agissait de
9 mener des opérations armées sur le territoire de la SAO de Krajina et de la
10 RSK. Milan Martic lui-même a reconnu plus d'une fois que la bonne
11 collaboration et la coordination entre l'armée et la police existaient. Il
12 y a des preuves qui indiquent qu'une mission conjointe était destinée à
13 réunir toutes les terres serbes en un seul et même territoire et que ces
14 réunions chargées de coordination se tenaient avec les dirigeants des
15 unités militaires et des unités de la police qui devaient être engagées
16 dans des opérations de combat communes. Plus précisément, nous avons des
17 preuves qui indiquent que Milan Martic a pris part à deux réunions avec le
18 9e Corps et lorsqu'il n'était pas présent, que des membres du ministère de
19 l'Intérieur lui rendaient compte de ce qui s'était passé. Les références
20 ici qui nous intéressent, entre autres, sont des références faites au
21 témoin MM-078 aux pages 4412 et 4442, et pièce 518. Le témoin MM-003, aux
22 pages 2022, 2023; Radoslav Maksic, aux pages 1165 à 1169, et pièce 692.
23 14 : Il y a des preuves qui permettent de déduire de façon raisonnable que
24 Milan Martic partageait l'intention des principaux auteurs des crimes
25 commis dans le but de réaliser le but commun de l'entreprise criminelle
26 commune. Il y a des preuves qui étayent la conclusion en vertu de quoi
27 Milan Martic était d'accord avec les déplacements de la population serbe
28 dans la région tel que c'est précisé à l'acte d'accusation. Pour ce qui est
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1 du retour prévu par la Croix-Rouge des victimes qui avaient été déplacées
2 de Skabrnja après l'attaque, Milan Martic, dans une lettre au commandant de
3 la FORPRONU de Zagreb, datée du 28 septembre 1992, a déclaré : "Je serai
4 obligé d'empêcher l'arrivée par la force sur le territoire de la République
5 serbe de Krajina."
6 Des déductions semblables peuvent être faites d'après les preuves qui
7 montrent que Milan Martic a parlé de la prise de contrôle de villages tels
8 que Kijevo, Saborsko et Skabrnja. Il s'agissait d'une victoire contre les
9 Croates. Par exemple, Milan Martic a déclaré que la mission de Skabrnja
10 était "de la nettoyer de la population croate." Et il décrit Saborsko comme
11 étant "une terre purement serbe." De surcroît, Milan Martic est décrit
12 comme ayant "partagé l'objectif de l'armée et de la police en vue de
13 rattacher les terres serbes et de nettoyer les régions croates qui les
14 gênaient, tous les civils croates et tous les Croates." Il y a des moyens
15 de preuve qui indiquent que Milan Martic visitait souvent les endroits où
16 se déroulaient les combats afin d'encourager le moral des gens sur place.
17 Pour ce qui est de l'attaque sur Skabrnja le 18 novembre 1991, Milan Martic
18 a déclaré que Goran Opacic, qui était membre de la police de Benkovac et
19 travaillait ainsi pour le ministère de l'Intérieur et était placé sous le
20 commandement de Martic, avait bien travaillé et avait terminé sa mission.
21 Les éléments pertinents à cet égard évoquent Veljko Dzakula, pages 404 et
22 405, le témoin MM-003, aux pages 2024, 2025, 2062, 2190, le témoin MM-079,
23 le 3112 et 113.
24 15 : Il y a d'importants moyens de preuve qui indiquent que des personnes
25 d'ethnicité non-serbe sur le territoire de la SAO Krajina/RSK et à Bosanski
26 Novi/Bosanska Kostajnica ont dû subir de terribles actes de terreur de
27 violence et ont été livrées à des traitements discriminatoires pendant la
28 période couverte par l'acte d'accusation.
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1 Il y a des preuves qui indiquent que l'objectif, entre autres, des unités
2 spéciales de la police était de terroriser la population non-serbe et de
3 les faire quitter le territoire. Ceci avait atteint un tel niveau qu'ils ne
4 pouvaient plus rester sur ces territoires, cela était devenu intenable. Les
5 comptes rendus indiquent qu'une conséquence de ces mesures coercitives a
6 été qu'un grand nombre de personnes ont quitté leurs maisons et sont
7 parties à bord d'autocars et en convoi organisé. Leur départ a été organisé
8 par des autorités pertinentes serbes et ils ont passé à bord de bus et de
9 convois dans les territoires de la SAO de Krajina, de Bosanski
10 Novi/Bosanska Kostajnica. La Chambre de première instance note qu'il semble
11 y avoir eu une coordination entre les autorités de la SAO Krajina, la RSK
12 et la RAK. Alors que ce déplacement qui a été la conséquence peut avoir été
13 décrit comme étant volontaire dans les documents officiels des autorités
14 serbes, il y a des preuves qui indiquent, qui permettre de conclure, que
15 l'intimidation et des menaces permanentes étaient telles que la population
16 non-serbe n'avait pas d'autre choix, et ne pouvait pas rester. Il y a des
17 éléments de preuve qui indiquent que Milan Martic savait ou a même
18 encouragé par ses allocutions dans les médias, le déplacement de la
19 population non-serbe des territoires de la SAO de Krajina et RSK. La
20 Chambre de première instance note les moyens de preuve du témoin MM-003,
21 aux pages 2190 à 91; John McElligott, 4595 à 96; Charles Kirudja à
22 INSECURITE; témoin MM-078, aux pages 4461, 4468, 4518 à 19, 4521, 4588 à
23 89, 4595 à 96, ainsi que les documents d'UNCIVPOL comme moyens de preuve.
24 La Chambre de première instance trouve qu'un juge de faits raisonnable
25 pourrait condamner Milan Martic aux termes des chefs d'Accusation 10 et 11.
26 16 : Il y a des moyens de preuve qui indiquent qu'au début de 1991,
27 des attaques ont été lancées contre de nombreux villages croates qui se
28 trouvaient sur le territoire de la SAO de Krajina. Ces attaques semblent
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1 avoir été tous suivies le même schéma. La police de la SAO de Krajina et la
2 RSK ont participé directement à ces attaques, accompagnée des unités de la
3 JNA et de la TO. Le but de ces attaques était de faire déplacer la
4 population non-serbe des régions attaquées. Des civils ont été tués,
5 détenus, chassés ou forcés à partir. Il y avait une destruction générale
6 des maisons, des édifices religieux dans les régions attaquées qui ont été
7 incendiés, pilonnés, ou par ailleurs détruits. Il y a également des moyens
8 de preuve qui indiquent qu'il y a eu des pillages et des cambriolages de
9 toutes sortes par les forces attaquantes. Des moyens de preuve pertinents
10 eu égard à ces attaques et à ces massacres qui s'en sont suivis à ces
11 pilonnages et destruction de biens ont été fournis par Aernout van Lynden,
12 Ana Bicanic, Ana Kesic, Ante Marinovic, Anton Blazevic, Bosko Brkic, Jasna
13 Denona, Josip Josipovic, Jure Vukovic, Luka Brkic, Marica Vukovic, Marko
14 Miljanic, Marko Vukovic, Mijo Cipric, Neven Segaric, Tomislav Kozarcanin,
15 Tomislav Segaric, Vlado Vukovic, témoin MM-003, témoin MM-022, témoin MM-
16 036, témoin MM-037, témoin MM-038, témoin MM-078, témoin MM-083, pièce 507.
17 La Chambre de première instance estime que tout juge de faits pourrait
18 raisonnablement condamner Milan Martic aux chefs 2, 4, 12 et 14 [comme
19 interprété].
20 17 : Il y a des preuves qui indiquent que des personnes d'ethnicité
21 non-serbe ont été détenues dans divers centres de détention sur l'ensemble
22 du territoire de la SAO de Krajina et de la RSK. Parmi ces derniers, la
23 prison de Knin, le vieil hôpital de Knin, également connu sous le nom de
24 prison de Martic, et le poste de police de Tova-Korenica. A ces endroits,
25 les détenus ont fait l'objet d'actes de violence physique et mentale, ce
26 que l'on peut à juste titre décrire comme étant la torture, le traitement
27 cruel, et actes inhumains. La Chambre de première instance fait référence
28 particulièrement à la déposition de Luka Brkic, pages 3226 à 27,
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1 3266, 3268 à 73, 3279 à 85, 3439; Mladen Loncar à page 5435; le témoin MM-
2 079, pages 3099, 3102 à 103; Vlatko Vukovic, pages 2524 à 2525, 2670, 2671;
3 Stanko Erstic à la pièce 3497 [comme interprété], pièce 3492 [comme
4 interprété]. La Chambre de première instance estime que tout juge de faits
5 raisonnable peut condamner Milan Martic des chefs 5 à 9.
6 18 : Pour ce qui est des chefs 15 à 19, qui allèguent la
7 responsabilité pour le pilonnage de Zagreb le 2 et 3 mai 1995, il y a des
8 preuves qui indiquent que Milan Martic a ordonné le pilonnage à ces deux
9 dates en se servant d'un système du lance-roquettes Orkan. Les preuves à
10 cet égard nous viennent du témoin MM-003, 2043 à 44, et pièces 97, 98 et
11 388. Il y a également des preuves qui indiquent que ces incidents de
12 pilonnage ont provoqué un bon nombre de pertes en vie humaine du côté des
13 civils. Des preuves à cet égard comprennent Branko Lazarevic, Sanja Bintic
14 à page 5647 à 5674; Mina Zunac à
15 5819 à 5822; Vaseljka Gromoja, 5781; Ivan Mikulcic, 5598 à 5599; Sanja
16 Risovic à 5582 à 5584; les pièces 388, 799 et 802. La Chambre de première
17 instance estime que tout juge de faits raisonnable pourrait condamner Milan
18 Martic au titre des chefs d'accusation 15 à 19.
19 19 : Le chef d'accusation numéro 1 de l'acte d'accusation condamne
20 Milan Martic pour sa responsabilité pénale individuelle pour persécution,
21 conformément à l'article 5(A) du statut. La Chambre de première instance a
22 estimé que tout juge de faits raisonnable peut condamner Milan Martic au
23 titre des autres chefs. La Chambre de première instance estime que ceci
24 s'applique également au chef d'accusation numéro 1.
25 20 : Il y a des preuves qui permettent de conclure que dans ses
26 formes simples élargies, pour les besoins de l'article 98 bis, la Chambre
27 de première instance peut conclure que tout juge de faits raisonnable peut
28 condamner Milan Martic au titre de tous les chefs de l'acte d'accusation.
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1 21 : En résumé, il n'y a aucun fondement sur lequel la Chambre de
2 première instance pourrait rendre un acquittement, conformément à l'article
3 98 bis.
4 Mme le Juge Nosworthy a apporté à mon attention le fait qu'au
5 paragraphe 14, où j'ai fait référence au témoin MM-003, à 2024 à 2025, j'ai
6 également parlé de 2026, et cela devrait être 2062. Je vous demande de bien
7 vouloir apporter la correction nécessaire.
8 Merci.
9 Donc, je pense que nous en avons terminé pour aujourd'hui, à moins qu'il y
10 ait questions d'intendance. Maître Milovancevic, vous avez la parole.
11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La Défense aimerait soulever un point
12 qui concerne plus particulièrement cette décision orale que nous venons
13 d'entendre de la Chambre de première instance, conformément à l'article 98
14 bis. C'est la première fois que la Défense connaît la position de la
15 Chambre de première instance eu égard à chaque chef d'accusation de l'acte
16 d'accusation. Cette décision a été rendue conformément à l'article 98 bis.
17 C'est quelque chose qui devrait aider la Défense pour le reste de la
18 procédure.La Défense aimerait indiquer que lors de sa décision orale, la
19 Chambre de première instance a cité un certain nombre de déclarations de
20 témoins et leurs dépositions. La Défense estime qu'il est très difficile
21 d'évaluer de tels moyens de preuve lorsque nous n'avons pas de position
22 définitive eu égard à Milan Babic. La pertinence et la véracité des
23 dépositions des témoins cités par la Chambre de première instance est peut-
24 être quelque chose que la Défense n'a pas évalué de façon précise et exacte
25 lorsque nous ne connaissons pas, par exemple, le statut du témoignage de
26 Milan Babic. Par conséquent, nous nous devons de nous conformer aux
27 décisions rendues par la Chambre de première instance, y compris la
28 décision qu'elle rendra sur le début de la présentation des moyens à
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1 décharge.
2 Nous aimerions attirer l'attention de la Chambre sur ce dernier point. Nous
3 avons reçu des instructions de M. Martic et pour nous, ces instructions
4 sont exécutoires. La Défense aimerait informer les Juges de la Chambre du
5 contenu écrit de ces instructions que nous avons reçues de M. Martic. Ces
6 dernières ont été traduites, et nous avons fait un certain nombre de
7 photocopies que nous pouvons mettre à la disposition de la Chambre de
8 première instance et de l'Accusation. Nous sommes dans une situation où
9 nous devons prévoir notre travail et nous préparer, mais nous ne savons pas
10 exactement quel moyen de preuve de l'Accusation sera retenu. C'est la
11 situation à laquelle nous devons faire face maintenant, au début de la
12 présentation des moyens à décharge. L'ensemble de la position de
13 l'Accusation se fonde sur la déposition du témoin Babic. Que ce soit des
14 questions de faits ou de droit, elle se fonde sur sa déposition. Bien que
15 le statut de sa déposition ne soit pas encore réglé, la Chambre de première
16 instance a adopté cette décision malgré cela. Nous nous trouvons dans une
17 position où la situation, au plan juridique, n'est pas tout à fait claire.
18 Nous ne savons pas quelle partie de la déposition sera retenue et quelle
19 partie ne le sera pas, et nous devons continuer à travailler malgré cela.
20 Bien évidemment, nous devons nous conformer à la décision rendue par
21 la Chambre de première instance. Mais cela signifie qu'il y a un conflit
22 d'intérêt avec l'accusé ici. Si nous devons continuer à travailler dans de
23 telles circonstances -- ou ce serait illogique de continuer à travailler
24 ainsi. M. Martic a souhaité que nous ne commencions pas la présentation des
25 moyens à décharge avant d'être tout à fait prêts. C'est ce que M. Martic
26 nous a demandé. Nous avons une situation au plan juridique et au plan des
27 faits qui est tout à fait nouvelle. La Chambre de première instance a
28 estimé les moyens présentés par l'Accusation, et bien qu'ils reprennent
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1 tous les chefs d'accusation dans l'acte d'accusation, nous ne savons pas
2 quel élément de preuve sera retenu.
3 Nous demandons encore une fois à la Chambre de première instance de
4 revoir sa position et de comprendre la situation dans laquelle se trouve la
5 Défense. Sa situation s'en trouve entièrement modifiée depuis hier. C'est
6 la première fois que nous savons un petit peu maintenant quelle est la
7 position de la Chambre de première instance sur l'état des dépositions
8 jusqu'au jour d'aujourd'hui. La Défense est censée se mettre à travailler
9 contrairement aux instructions fournies par notre client, ce qui va à
10 l'encontre des intérêts de notre client. On ne peut trouver une solution à
11 ceci que si la Défense se retire. Mais je ne pense pas que ce soit une
12 solution intéressante. Aucune équipe de la Défense ne veut travailler
13 contre les intérêts de son client et contrairement aux instructions de son
14 client. Notre client nous a fourni des instructions par écrit, nous vous
15 les avons fournies, nous estimons que ces raisons sont tout à fait
16 raisonnables et logiques, et contrairement aux instructions de notre
17 client, si nous poursuivions, je crois que ce serait lui porter préjudice.
18 Cette équipe de la Défense travaille depuis trois ans déjà sur cette
19 affaire. Nous avons déployé beaucoup d'effort, beaucoup d'énergie, et
20 depuis le début du procès, nous sommes ici tous les jours, depuis cinq
21 mois, présents dans ce prétoire, et nous estimons qu'étant donné les
22 conséquences au niveau des faits et au niveau juridique, nous lançons cet
23 appel auprès de la Chambre de première instance et nous estimons que c'est
24 entièrement justifié. J'espère que nous allons recueillir une certaine
25 compréhension de votre part.
26 Avec votre permission, je vais maintenant vous remettre les
27 instructions que nous avons reçues de M. Martic.
28 Est-ce que M. l'Huissier peut nous aider, de façon à ce qu'on puisse
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1 en remettre une copie à --
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Avant que vous nous
3 remettiez ce document, est-ce que je puis dire quelque chose, s'il vous
4 plaît et vous interrompre ? Maître Milovancevic, je dois vous dire que tout
5 cela me paraît très peu orthodoxe. A ma connaissance, cela n'a jamais été
6 fait jusqu'à présent. En principe, la Chambre ne doit pas avoir
7 connaissance d'instructions émanant de votre client, car ces éléments
8 d'information sont considérés généralement strictement confidentiels et
9 s'inscrivent dans le cadre des rapports privilégiés entre un avocat et son
10 client. Dans certains cas, l'accusé peut donner son consentement, mais il
11 n'est pas habituel de communiquer les instructions d'un accusé au bureau du
12 Procureur. Il s'agit d'une règle d'or dans la pratique judiciaire. Il en va
13 là de vos obligations à l'égard de votre client. Est-ce que votre client a
14 été informé des conséquences du type de démarche que vous envisagez de
15 choisir ? Est-ce que vous pourriez me dire, Maître Milovancevic, ce qu'il
16 en est ? Et après avoir entendu votre réponse, j'aimerais également savoir
17 quelle est la position du bureau du Procureur à cet égard ?
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et
19 Monsieur les Juges, la manière dont la Défense communique avec son client,
20 M. Martic, est par voie orale généralement. Au cours des trois années qui
21 viennent de s'écouler, nous avons choisi de communiquer de cette manière.
22 Ainsi, la Défense est venue avant l'ouverture du procès une fois par mois
23 afin de rendre visite à
24 M. Martic au quartier pénitentiaire, et c'est là que toutes les
25 instructions ont été données oralement par M. Martic.
26 La situation que vous venez de décrire, Madame le Juge, est tout à
27 fait exacte. Toutefois, nous nous trouvons dans une position plus que
28 délicate. Notre client nous a présenté une demande qui nous lie les mains
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1 en quelque sorte pour ce qui est du travail à venir. Nous devons faire
2 comprendre notre position à la Chambre, et c'est la raison pour laquelle
3 nous avons choisi cette solution radicale. Selon les instructions que nous
4 avons reçues, qui ont été couchées sous papier, nous devons suivre ces
5 instructions de façon stricte. Mais si vous pensez que cela est contraire à
6 la jurisprudence du Tribunal, nous allons retirer notre demande. Nous
7 souhaitions simplement informer en détail la Chambre des problèmes cruciaux
8 rencontrés par la Défense. En tant qu'équipe de la Défense, nous nous
9 trouvons dans une situation tout à fait délicate. En effet, les
10 instructions de notre client sont tout à fait raisonnables. Elles ne sont
11 pas nombreuses. Elles correspondent parfaitement au calendrier envisagé par
12 la Chambre. Par ailleurs, nous sommes tenus de respecter toutes les
13 décisions rendues par la Chambre, et c'est ce que nous avons fait jusqu'à
14 présent.
15 Nous faisons de notre mieux à ce stade. Nous ne voulons pas que vous
16 pensiez que nous sommes négligents et que nous tirons des conclusions
17 erronées des instructions de notre client. Les instructions de notre client
18 ne portent pas sur l'essence de la présentation des moyens à décharge. Il
19 s'agit de ce qu'il convient de faire avec les différents moyens de preuve.
20 En fait, nous n'allons pas à l'encontre des intérêts de l'accusé. Nous ne
21 bafouons pas ses droits et nous ne communiquerons pas non plus les
22 informations confidentielles que nous avons partagées avec lui. Il s'agit
23 là du calendrier futur des dates butoir à respecter, et notre client nous a
24 donné quelques instructions à cet égard. Nous souhaitons que vous preniez
25 connaissance de ces instructions et c'est la raison pour laquelle nous vous
26 avons présenté cette requête. Nous voulions simplement vous exposer la
27 position de la Défense sur ce point.
28 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une requête
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1 ou d'instructions ? Vous avez utilisé ces deux termes, comme je peux le
2 constater.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et
4 Monsieur les Juges, je viens d'examiner de nouveau le texte. Je vois que M.
5 Martic utilise les termes suivants. Il nous donne des instructions en tant
6 que client. Il a dit dans ce texte qu'il s'agit d'un ordre écrit. J'ai
7 utilisé le terme instructions au sens large. En fait, il s'agit de ses
8 instructions pour l'équipe de la Défense.
9 J'ai omis de mentionner un autre point, à savoir, le fait que M.
10 Martic nous a prié de le tenir informer de cela, et que tous les canaux de
11 communication doivent être ouverts. Il a insisté là-dessus. Nous n'avons en
12 aucune manière mis à mal les rapports privilégiés entre avocat et client.
13 Il est simplement important à nos yeux pour la Chambre et pour la suite du
14 procès de s'assurer que la Chambre comprenne pleinement la situation dans
15 laquelle se trouve la Défense.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mme le Juge Nosworthy voulait
17 entendre la position de l'Accusation sur ce point.
18 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis
19 reconnaissant à la Chambre de soulever cette question. Notre position est
20 la suivante : ceci effectivement n'est pas habituel, même si rien
21 effectivement n'empêche l'accusé, ni la Défense de communiquer ces
22 informations à la Chambre ou au bureau du Procureur. Pour ce qui est de la
23 sagesse de la chose, c'est une autre question. Mais je pense qu'il est
24 important, avant de faire cela -- peut-être que la Défense en a déjà parlé
25 et je n'ai pas bien compris. Mais au compte rendu, il est clairement
26 indiqué que d'après la Défense, l'accusé a donné ces instructions. Donc,
27 une fois que ces instructions sont communiquées à la Chambre et à
28 l'Accusation, on peut traiter ces instructions comme on le juge nécessaire.
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1 Le conseil dit qu'il s'agit uniquement du calendrier, mais s'il y a
2 d'autres éléments là-dedans qui deviennent pertinents par la suite, si ces
3 éléments sont communiqués, je pense que l'accusé doit être informé de
4 toutes les conséquences. L'accusé est présent dans ce prétoire, mais par
5 prudence, peut-être que la Chambre pourrait demander à l'accusé s'il a
6 consenti à la communication de ce document.
7 Puisque j'ai la parole, je tiens à dire la chose suivante. Je ne sais
8 pas en quoi la communication de ces instructions peut aider la Chambre ou
9 le bureau du Procureur. Cela ne fait pas avancer le procès. L'accusé peut
10 noter sur le papier les instructions ou les ordres qu'il veut donner à ces
11 avocats et il peut contester le calendrier. Je ne vois pas très bien en
12 quoi cela fait avancer les choses que de communiquer ce document.
13 En quelques mots, pour terminer, je souhaite dire que je suis assez
14 choqué d'entendre la Défense dire que la Chambre a déjà exposé ses
15 conclusions dans sa décision 98 bis. En fait, il s'agit simplement du
16 critère à appliquer dans le cadre de la requête présentée en application de
17 l'article 98 bis. Il ne s'agit pas de conclusions de la Chambre sur le
18 procès. La Chambre n'a attiré aucune conclusion sur la base des preuves
19 présentées à ce jour. Rien n'a changé. La Défense ne cesse de parler de
20 Milan Babic. Corrigez-moi si je me trompe, mais je ne pense pas que la
21 Chambre ait mentionné, ne serait-ce qu'une seule fois, le nom de Milan
22 Babic dans sa décision, donc rien n'a changé.
23 Il me semble que deux choix se présentent à l'accusé. La Chambre a rendu sa
24 décision et a prévu un calendrier. Soit l'accusé décide de commencer la
25 présentation de ses moyens, soit la Défense souhaite en rester là et
26 présenter ses plaidoiries en vue d'un jugement final. Selon nous, il n'y a
27 pas de troisième voie. D'après l'Accusation, la Défense risque d'être
28 accusée pour outrage en application de l'article 77, et en application de
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1 l'article 73(D), qui concerne les requêtes abusives. Merci.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je vais tout
4 d'abord vous dire que le point que vous venez de soulever
5 -- vous pouvez vous asseoir. Vous pouvez vous asseoir, Maître Milovancevic.
6 Le point que vous venez de soulever est quelque chose sur quoi la Chambre
7 de première instance a déjà rendu une décision. Encore une fois, ce matin
8 la Chambre de première instance avait décidé avant d'ouvrir ou de commencer
9 l'audience d'aujourd'hui, est un point que vous avez déjà soulevé, estime
10 la Chambre. A chaque fois, vous le présentez de façon différente, mais cela
11 ne change rien. Il s'agit toujours du même point que vous soulevez, et je
12 crois qu'il est important que la Défense se souvienne que si vous souhaitez
13 que la Chambre de première instance revoie sa position, il faut que vous
14 lui présentiez de nouveaux faits. Vous dites que c'est fou de donner cet
15 ordre et que c'est de la folie de rendre cette ordonnance. Si vous ne
16 présentez pas de nouveaux faits, présentez-vous en appel. Il y a des
17 procédures qui existent et qui peuvent être appliquées par les deux
18 parties. Je souhaite simplement vous avertir du fait que vous reparlez
19 toujours de la même chose. Il s'agit d'un abus de procédure et d'outrage au
20 Tribunal. Dans ce cas, c'est très proche de ces deux situations-là. Je
21 souhaitais simplement vous dire qu'il est vrai que, comme l'a dit
22 l'Accusation, dans la décision 98 bis, l'Accusation n'a pas fait référence
23 à Babic.
24 Quel que soit le statut de la déposition de Babic, c'est une décision qui
25 sera rendue par la Chambre d'appel et cela a été renvoyé devant la Chambre
26 d'appel. C'est la Chambre d'appel qui en décidera. Cela ne signifie pas
27 pour autant qu'il n'y a pas d'autres dépositions au niveau du compte rendu.
28 Nous pouvons, de toute façon, poursuivre ce procès tel qu'il est en l'état.
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1 Bien évidemment, si la Chambre d'appel décide en faveur de la Défense,
2 alors la Défense n'aura pas subi de préjudice; au contraire. Elle a
3 toujours l'obligation de poursuivre le procès. Je dois vous dire qu'il se
4 peut que ce soit dans votre intérêt et dans l'intérêt de votre client de
5 l'avertir du fait que cette Chambre, comme toute autre chambre, applique
6 des règlements de procédure et lorsqu'une ordonnance est rendue, cette
7 ordonnance est rendue afin qu'elle soit appliquée, et si votre client
8 répond en disant quelque chose, je dois lui signaler que cela n'intimide
9 absolument pas les Juges de la Chambre. Au lieu de cela, il est proche de
10 l'outrage au Tribunal et je souhaite le lui dire.
11 Alors, soit il est disposé à appliquer l'ordonnance qui a été rendue, soit
12 il cesse et il ne pourra pas présenter ses moyens.
13 Cette Chambre ne va pas être rançonnée par un accusé. Nous avons été très
14 indulgents au cours de ce procès lorsque nous avons estimé que cela était
15 justifié. Je ne pense pas que cette Chambre, à ce stade, ne voit aucun
16 fondement à cette application de prorogation. Rien n'empêche la Chambre de
17 première instance d'examiner la requête alors que ce procès continue. Vous
18 entendrez en temps utile le jugement rendu par la Chambre d'appel dès que
19 possible, mais le procès doit se poursuivre. Je dois dire simplement,
20 j'espère que c'est la dernière fois que la Chambre est saisie de cette
21 demande, à savoir, la prorogation de la présentation des moyens à décharge.
22 Avant de m'arrêter, je souhaite consulter mes consoeurs et confrères.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma consoeur m'a rappelé de vous dire
25 quelque chose, quelque chose qui me semblait tout à fait évident que je
26 n'ai pas jugé utile de vous dire, mais vous devez bien sûr préparer votre
27 défense et envisager l'intégration de la déposition de Milan Babic. Cela
28 est l'envers du décor, et bien sûr, à ce moment-là, la Défense aura relevé
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1 dans ces cas-là de cette obligation, mais c'est quelque chose que vous
2 savez depuis le premier jour du procès déjà. Je souhaite simplement vous
3 rappeler que j'espère que c'est la dernière fois que nous sommes saisis de
4 cette demande de prorogation avant le début de la présentation des moyens à
5 décharge.
6 Par conséquent, l'audience est levée.
7 --- L'audience est levée à 10 heures 08 et reprendra le vendredi 7 juillet
8 2006, à 9 heures 00.
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