Page 6189
1 Le jeudi 13 juillet 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 23.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Jarcevic, je vous rappelle
7 que vous êtes toujours sous le coup de la déclaration solennelle que vous
8 avez faite hier, par conséquent, vous devez dire la vérité, toute la
9 vérité, rien que la vérité. Cela vous convient-il ?
10 LE TÉMOIN: SLOBODAN JARCEVIC [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Vous pouvez me faire confiance pour que
13 je respecte cette consigne.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jarcevic. Nous allons maintenant
18 continuer avec l'interrogatoire principal. Je vais vous rappeler encore une
19 fois qu'il faut faire attention à faire des pauses entre mes questions et
20 vos réponses pour les interprètes. Je sais que cela n'est pas toujours
21 facile, mais ce serait poli de notre part de permettre au service de
22 l'interprétation de faire son travail.
23 R. Oui, je le ferai.
24 Q. Hier, nous avions arrêté alors que nous parlions de la présence des
25 troupes régulières croates à Posavina, au nord de la Bosnie-Herzégovine,
26 dans la vallée de la rivière Sava. Vous avez expliqué qu'on rencontrait
27 beaucoup de problèmes car la seule voie de communication avait été bloquée,
28 ce qui faisait que plus rien ne pouvait passer depuis la Serbie et la
Page 6190
1 Yougoslavie en Krajina; est-ce exact ? Est-ce que c'est ce que vous avez
2 dit hier ?
3 R. Oui, je voudrais rajouter quelque chose. En plus, les gens dans la
4 Krajina n'avaient plus d'électricité.
5 Q. Vous avez hier décrit deux cas caractéristiques, deux exemples, que 12
6 bébés à Banja Luka, il s'agissait de la route qui traversait le couloir,
7 que ces 12 bébés sont morts car on ne pouvait pas obtenir des
8 approvisionnements, à savoir des incubateurs et de l'oxygène depuis
9 Belgrade et que les Nations Unies n'ont rien fait. Ensuite, vous avez
10 décrit un autre cas selon lequel un homme qui se trouvait à Knin, étant
11 donné le fait qu'on ne pouvait plus passer, n'a pas pu atteindre Belgrade
12 et obtenir une aide médicale. Dans ces conditions, je voudrais vous poser
13 une question. Est-ce que vous avez contacté la FORPRONU ? Vous avez dit que
14 vous avez contacté le conseil de Sécurité, mais que celui-ci n'a pas réagi.
15 Mais est-ce que le gouvernement de la Srpska Krajina, et en tant que
16 représentant de ce gouvernement, avez-vous contacté la FORPRONU concernant
17 ce problème ?
18 R. Je peux vous dire, Maître Milovancevic, je pourrais vous donner le nom
19 et le prénom de la personne qui a perdu son rein. C'était un journaliste
20 connu à Belgrade. Il habitait à Knin, il s'appelait Rade Matias. Il
21 travaillait pour le quotidien serbe très connu [imperceptible]. Nous sommes
22 intervenus auprès du Conseil de sécurité, cela a été fait à la fois par le
23 gouvernement de Yougoslavie et le gouvernement de la Serbie et nous, de
24 l'Association des Serbes de Bosnie-Herzégovine, de même que toute une série
25 d'organismes humanitaires, nous avons tous essayé d'intervenir mais il n'en
26 avait cure. Le Conseil de sécurité n'a pas permis à aucun vol de se
27 déplacer, ni hélicoptère, ni avion, et je vous rappellerais que c'était
28 parce que les Serbes étaient hors la loi, hors la loi internationale à
Page 6191
1 l'intérieur des républiques qui s'étaient séparées.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais vous demander, Monsieur le
3 Témoin, d'écouter de très près les questions qui vous sont posées, essayez
4 d'y répondre aussi brièvement que possible. Vous nous avez donné tout un
5 paragraphe en tant que réponse, vous n'avez toujours pas répondu à la
6 question. La question était très simple, et vous pouvez y répondre par oui
7 ou par non. Est-ce que le gouvernement de la Srpska Krajina a contacté la
8 FORPRONU concernant votre problème, oui ou non ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque le couloir a
10 été fermé, je n'appartenais pas encore au gouvernement de la République de
11 Srpska Krajina, c'est pour cela que j'ai expliqué les autres interventions
12 provenant d'autres entités. Evidemment, le gouvernement, que je n'avais pas
13 encore rejoint, est également intervenu auprès des responsables de la
14 FORPRONU à Knin.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre réponse simple, c'est je ne
16 faisais pas partie du gouvernement de la Republika Srpska Krajina à
17 l'époque. C'est cela la réponse à votre question.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci, vous avez tout à fait raison.
19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
20 Q. Concernant les opérations de combat à proprement parler, dans cette
21 région de Posavina à la frontière de la Bosnie-Herzégovine et de la
22 Croatie, on appelle en général ces opérations l'opération corridor, vous
23 avez dit que M. Martic y était présent. Savez-vous comment se fait-il que
24 les unités de la Srpska Krajina se sont rendues dans le territoire de la
25 Bosnie-Herzégovine pour participer à ces opérations de combat ?
26 R. C'était la conséquence normale et naturelle de ce qui arrivait
27 couramment aux personnes qui se trouvaient dans la Republika Srpska Krajina
28 et qui étaient extrêmement menacées à l'époque.
Page 6192
1 Q. Selon les informations que vous aviez, ce qu'avait le gouvernement
2 lorsque vous l'avez rejoint à la fin du mois d'octobre 1992, cette
3 opération s'est produite au mois de juin et juillet 1992, je le rappelle,
4 pouvez-vous nous dire quel était l'objectif de cette opération ? Est-ce que
5 vous avez pu le déduire ? Avez-vous une connaissance à ce sujet ?
6 R. L'objet de cette opération était de relier l'Etat de la Republika
7 Srpska Krajina et la population qui s'y trouvait, et les autres, pour
8 établir un lien avec le monde extérieur par la Yougoslavie, ce lien ne
9 pouvait pas être établi depuis les autres côtés parce qu'il y avait la
10 République de la Croatie qui se trouvait à ses autres frontières et qui
11 avait déjà expulsé 400 000 Serbes. Beaucoup de ces personnes s'étaient
12 réfugiées dans la République Srpska Krajina sans moyen de survie, sans
13 électricité, sans la possibilité de recevoir des soins médicaux. C'était
14 une situation horrifiante.
15 Puis-je rajouter, Maître Milovancevic, quelque chose ?
16 Q. Oui.
17 R. Je l'ai dit, il n'y a pas eu d'assistance ni provenant de la communauté
18 internationale, ni de qui que ce soit d'autre.
19 Q. Je pense que nous en avons terminé avec ce sujet-là, nous allons passer
20 à quelque chose d'autre.
21 Vous avez expliqué que la situation dans la République Srpska Krajina
22 ou plutôt dans les zones de protection des Nations Unies était très
23 difficile, qu'il n'y avait pas d'électricité, on était complètement isolé,
24 il y avait un siège et on était encerclé. Est-ce que vous savez si la
25 République Srpska Krajina a reçu de l'aide et de l'assistance de la Serbie
26 et de la Yougoslavie ?
27 R. Je vais vous dire, c'était comme suit : il y a eu énormément
28 d'aide humanitaire qui est arrivée depuis les pays européens et d'autres
Page 6193
1 pays, aussi à travers des organisations serbes se trouvant dans ces pays,
2 et également des organisations humanitaires de ces pays. Ils ont été
3 organisés de façon - non pas pour aider les Serbes - il s'agissait
4 d'organismes humanitaires, donc ils donnaient de l'assistance. Ce qui a été
5 un obstacle à cette aide c'était à la frontière hongroise, et en tant que
6 ministre, j'ai informé les Nations Unies de ce problème. Il y avait deux
7 méthodes qui étaient appliquées par les autorités douanières de la Hongrie.
8 Ils retenaient les camions à la frontière pour très longtemps ce qui avait
9 deux conséquences négatives. Les alimentations pourrissaient, de même pour
10 les médicaments, et ils faisaient en sorte qu'il soit impossible pour les
11 gens qui transportaient l'aide humanitaire de revenir faire leur travail à
12 temps en Allemagne, en France ou dans le pays où ils se trouvaient, la
13 Hollande ou autre. Ceci a réduit la quantité d'aide qui provenait pendant
14 la période qui a suivi et nous, à Knin, nous avons protesté très fortement
15 contre la République de Hongrie auprès de l'Union européenne et de l'OSCE.
16 Je vais vous donner un autre exemple les Slovènes également ont
17 empêché l'aide d'arriver aux Serbes et vous allez vous convaincre une fois
18 de plus que les Serbes étaient véritablement placés hors de la loi. Deux
19 personnes qui transportaient deux camions, des camions de nourriture qui
20 devaient aller en Krajina depuis la Suisse ont été arrêtées à la frontière
21 hongro-slovène et les responsables ont détruit les permis de travail
22 provenant de la Suisse de façon à ce que ces camionneurs ne pouvaient plus
23 revenir en Suisse. Grâce au fait que l'ambassade Suisse avait compris ce
24 qui s'était produit lorsque nous avons écrit depuis Knin, ils ont pu
25 émettre de nouveaux passeports pour ces personnes à travers la Yougoslavie,
26 et l'ambassade Suisse leur a donné de nouveaux visas pour rentrer et pour
27 pouvoir retourner en Suisse car leurs familles se trouvaient en Suisse.
28 Vous pouvez imaginer ce qui se passait.
Page 6194
1 Q. En plus de cette aide humanitaire y a-t-il eu des échanges humanitaires
2 en ce qui concerne la Serbie, la Yougoslavie entre la Krajina et la Serbie,
3 et vice versa ?
4 R. Beaucoup d'entreprises à l'intérieur de la Serbie ont aidé la Republika
5 Srpska Krajina et ont envoyé de la nourriture pour les gens, du bétail, des
6 médicaments. Je dois dire que le gouvernement de la Serbie, de même que le
7 gouvernement de la Yougoslavie ont également envoyé aide et assistance,
8 mais la plupart de l'assistance qui est rentrée dans la Republika Srpska
9 Krajina provenait de la Yougoslavie, car des relations étatiques avaient
10 été établies, il y avait un commerce, et il y avait une coopération
11 économique, c'était le type de coopération qui nous permettait de survivre
12 bien que nous n'ayons jamais pu regarder les chiffres, mais il semblerait
13 qu'il y avait un surplus commercial. Il y avait du commerce dans les deux
14 sens entre la Yougoslavie et la Krajina. La Krajina n'avait pas beaucoup
15 d'habitants, il n'y avait pas un marché très intéressant pour une économie,
16 même pour une économie comme l'économie yougoslave. Etant donné que la
17 Yougoslavie était très peuplée, tout ce que nous produisions et que nous
18 fabriquions était exporté en Yougoslavie. Premièrement, un million de tonne
19 de pétrole que nous avions à Mirkovac [phon] alors que la Serbie devait
20 importer son pétrole d'autres pays, car il était soumis au système des
21 sanctions.
22 Q. Vous voulez dire que l'économie de la République Srpska Krajina, les
23 branches de l'économie qui continuaient à fonctionner, exportait ses
24 produits en Serbie, et cetera. Un commerce tout à fait classique entre ces
25 deux pays.
26 R. Oui. C'est le cas, et très souvent, M. Martic ou le gouvernement
27 demandait une assistance financière à la Yougoslavie. Ils ne disaient
28 jamais dans les lettres que la Yougoslavie devait quelque chose à la
Page 6195
1 Krajina ou avait des dettes. Probablement l'argent qui rentrait en tant
2 qu'assistance en Krajina était moins que ce qui était dû du fait des
3 exportations provenant de la Krajina, de la Yougoslavie. Je vais vous
4 donner un exemple : nous au gouvernement avons décidé de vendre du pétrole
5 à 0,8 pfennig, la devise allemande à l'époque, alors qu'au niveau mondial
6 la Yougoslavie recevait des exportations semi légales de l'Europe de
7 l'ouest et des pays voisins, et devait payer ce pétrole au prix d'entre
8 deux et trois marks allemand.
9 Q. Monsieur Jarcevic, pour l'économie et les entreprises dans la Krajina,
10 est-ce qu'il y avait une possibilité pour celles-ci de coopérer avec
11 d'autres à part la Yougoslavie, étant donné le système des sanctions ?
12 R. Lorsque j'étais ministre, on a eu la visite d'entrepreneurs italiens
13 très souvent, parfois d'Allemands, c'étaient des gens qui voulaient entrer
14 en affaires avec nous, mais après avoir pris des informations de leurs
15 Etats et de leurs organes policières, ils abandonnaient cette idée car on
16 leur disait qu'il s'agissait d'une zone à haut risque, qu'on était sous le
17 système des sanctions tout comme la République fédérale de Yougoslavie. Je
18 pense qu'après la Résolution #815 cela l'a été et ensuite la Résolution
19 #871 de 1993, malheureusement et à la honte si on peut dire des Nations
20 Unies, ils avaient placé sous sanction le territoire qu'auparavant ils
21 protégeaient. C'est quelque chose qui a été l'objet des débats d'hommes
22 politiques et de juristes partout dans le monde et dans les différents
23 instituts universitaires.
24 Q. Merci. Nous allons maintenant passer à un autre sujet, le plan Vance et
25 la façon dont celui-ci a été appliqué. Selon ce plan, des troupes des
26 Nations Unies ont été déployées sur le territoire de la Yougoslavie, de la
27 Krajina, et ils étaient divisés en ce qu'on appelait les zones UNPA, les
28 zones protégées. Est-ce qu'on peut dire quelle était l'attitude des
Page 6196
1 autorités de la Srpska Krajina vis-à-vis du plan Vance et vis-à-vis de sa
2 mise en œuvre ?
3 R. Vous connaissez les conditions sous lesquelles le plan Vance a été
4 accepté, mais ce fut en fin de compte accepté, et notre homme politique, le
5 Dr Milan Babic, était opposé à l'adoption de ce plan et il était contre le
6 fait que les forces des Nations Unies soient déployées en République de
7 Srpska Krajina, car il ne pensait pas qu'ils allaient agir de façon
8 conforme vis-à-vis des deux côtés, à la fois les Serbes et les Croates. Le
9 Parlement est intervenu, le président de celui-ci, Mile Paspalj, fut l'un
10 des signataires du plan Vance, de même que la Yougoslavie et la Croatie.
11 Ensuite, le gouvernement de la République Srpska Krajina, ce qui était tout
12 à fait naturel, leur a demandé que l'armée soit déployée le long de la
13 frontière entre la Krajina et la Croatie, car il y avait des indications au
14 sein des Nations Unies que la Croatie allait violer l'accord et traverser
15 la frontière. Mais à New York, le plan ne fut pas accepté. Ils ont dit que
16 les Nations Unies allaient être déployées d'une façon très bizarre, selon
17 un schéma très bizarre, en tant que tache d'encre sur le papier. Il
18 s'agissait de territoires à l'intérieur de la Srpska Krajina qui étaient
19 très éloignés les uns des autres et qui se trouvaient dans ces villes.
20 Q. Pour les besoins de la clarté du compte rendu, vous avez parlé du fait
21 que l'armée devait être déployée le long de la frontière; de quelle armée
22 s'agit-il ?
23 R. Il s'agit de l'armée des Nations Unies qui était appelée la force de
24 protection. Ils étaient censés protéger le peuple de la Croatie, là d'où
25 venait le danger, car ils allaient finalement expulser 400 000 Serbes de
26 ces villes. En fin de compte, si vous le permettez, je vais rajouter
27 quelque chose. Cette expulsion et cette persécution des Serbes de la
28 frontière ne se limitaient pas simplement à la Srpska Krajina, cela devait
Page 6197
1 s'appliquer à toute la Croatie, mais en Krajina, les Serbes étaient la
2 majorité et ils se sont organisés et ont pu empêcher en 1991 leur expulsion
3 depuis la Croatie.
4 Q. Très bien, Monsieur Jarcevic, vous avez expliqué cet aspect-là. Selon
5 la résolution du Conseil de sécurité, les forces de la FORPRONU ont-elles
6 véritablement été déployées sous forme de tache d'encre à travers tout le
7 territoire qui était placé sous la protection des Nations Unies ?
8 R. Oui. Peut-être que pour cette Chambre il est important de savoir qu'il
9 avait été envisagé qu'avec l'arrivée des Nations Unies, l'armée populaire
10 yougoslave devait se retirer de la Krajina. Cette armée-là n'était pas
11 serbe à l'époque, comme elle a été décrite par l'Accusation, par contre, au
12 contraire, il s'agissait de soldats qui étaient de toutes appartenances
13 ethniques et de toutes les minorités ethniques de la Yougoslavie. Le
14 commandement de l'armée, très souvent, était représenté par des personnes
15 qui n'étaient pas Serbes, par exemple, le siège de Vukovar. Le commandant
16 de l'attaque de l'armée qui a attaqué Vukovar n'était pas serbe, mais
17 plutôt un croate --
18 Q. -- sous le plan Vance.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci de ralentir et d'attendre qu'il
20 y ait interprétation avant de poser la question suivante. Rappelez-vous de
21 ce que nous avons dit au témoin et tenez-vous le pour dit également, Maître
22 Milovancevic, à savoir ralentir.
23 Vous pouvez continuer.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez eu
25 raison de me le faire remarquer.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Bien entendu, rappelez-le moi autant que
27 fois que cela est nécessaire, car nous avons tendance à accélérer.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
Page 6198
1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
2 Q. D'après le plan Vance-Owen, l'artillerie lourde de la Défense
3 territoriale, à savoir les chars, les blindés, et cetera, il fallait les
4 mettre dans les hangars. Est-ce que ceci s'est effectivement produit ?
5 R. Le gouvernement de la République serbe de la Krajina a accepté ceci
6 sans aucun problème.
7 Q. Est-ce que la police de la République serbe de la Krajina, ou plutôt,
8 la police locale, tel que prévu par le plan Vance, est-ce qu'elle était
9 d'accord avec ceci ?
10 R. Oui, en effet. Mais j'ai dit hier que M. Vance avait fait une remarque
11 au ministre chargé des Affaires intérieures, Martic. Il a fait la remarque
12 en lui indiquant que beaucoup de membres de la police portaient des fusils
13 automatiques. M. Martic lui a expliqué qu'il s'agissait d'une pratique qui
14 respecte les critères internationaux, à savoir que 7 % des policiers
15 portaient ces fusils automatiques et que les besoins se présentaient pour
16 cela à cause de l'armée croate qui tuait quotidiennement les civils serbes
17 de la Krajina. Ici, il a aussi répété à M. Vance que : "Si l'armée des
18 Nations Unies est capable d'empêcher les souffrances de la population
19 serbe, dans ce cas, les policiers vont abandonner même les pistolets."
20 Q. Je vais vous poser la question suite à votre réponse, la question
21 suivante. Le fait que la police de la Republika Srpska Krajina portait des
22 fusils automatiques, était-ce le résultat de l'intention de M. Martic et du
23 gouvernement du RSK de court-circuiter le plan Vance ?
24 R. Non. Ils devaient le faire. Ils étaient responsables de la protection
25 des vies de la population, ils le faisaient tant bien que mal.
26 Q. Est-ce que vous savez quelles étaient les compétences de la police et
27 est-ce qu'ils avaient le devoir de maintenir la paix et l'ordre ? Est-ce
28 qu'on discutait de cela au sein du gouvernement de la RSK ?
Page 6199
1 R. Vous savez, les obligations de la police dans tout Etat se ressemblent.
2 Il n'y a pas de différence. En dépit de la situation de guerre, ces
3 obligations sont restées les mêmes en dépit des sanctions imposées par la
4 communauté internationale. Il s'agissait de protéger la population. Il
5 s'agissait d'une force de protection. Le nom en dit long sur la mission de
6 cette force. Puisque le commandant des Nations Unies ne protégeait pas la
7 population, il fallait bien que la police le fasse, en dépit du nom des
8 Nations Unies, à savoir les forces de la protection des Nations Unies.
9 Q. Vous, vous avez participé au gouvernement de la RSK. Est-ce que vous
10 savez quelle était la situation sur le terrain qui pouvait rendre le
11 travail de la police encore plus difficile quand il s'agissait de maintenir
12 l'ordre et la loi ?
13 R. A l'époque où j'ai été le ministre des Affaires intérieures, je peux
14 vous dire que la Croatie a fait 700 irruptions sur les territoires de la
15 RSK. Au cours de tous ces incidents, il y a eu des meurtres de policiers,
16 de soldats, mais le plus souvent, de policiers. Je suis toujours étonné au
17 jour d'aujourd'hui de voir qu'aucun acte d'accusation n'a été dressé contre
18 les hommes d'Etat ou les officiers croates contre ces intrusions.
19 Q. Monsieur Jarcevic, on a parlé de cinq offensives importantes croates
20 qui ont été menées contre cette zone protégée. Est-ce que c'est de cela que
21 vous parlez ?
22 R. Mais les cinq offensives, ce n'est presque rien, il y en a eu bien plus
23 que cela. C'est un petit exemple qui illustre les 700 irruptions dont j'ai
24 parlé.
25 Q. Pour que ce soit plus clair, en plus de ces cinq offensives d'envergure
26 qui ont eu lieu à des dates spécifiques, qu'est-ce que vous pouvez nous
27 dire des autres ?
28 R. Monsieur Milovancevic, je ne peux pas vous les énumérer toutes. Vous
Page 6200
1 savez, même les personnes qui étaient responsables de cela ne seraient pas
2 capables de le faire.
3 Q. Vous n'avez pas compris la question. Je vous ai posé une question au
4 sujet de ces cinq offensives.
5 R. [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, M. Jarcevic a
7 parlé de 700 irruptions de la police et de l'armée sur le territoire de la
8 RSK. Vous, vous parlez de cinq; de cinq quoi ? Parce que je ne vois pas où
9 le témoin a parlé de cela. Vous, en revanche, vous parlez de ces cinq
10 grandes offensives de la Croatie contre la région protégée; mais qui a
11 mentionné cela ?
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le
13 Président, je vais éclaircir cela. M. Jarcevic n'a pas dit qu'il y avait
14 700 policiers, il a dit qu'il y a eu 700 irruptions, 700 attaques contre le
15 territoire de la République serbe de la Krajina pendant la période où il
16 était le ministre de ladite entité et que la police et l'armée croates
17 avaient participé à ces attaques. Je lui ai demandé si ces 700 attaques
18 existaient parallèlement avec les cinq offensives qui ont été menées.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, c'est justement
20 ce que je viens de dire. Il a parlé de 700 attaques. J'ai utilisé le mot
21 que vous avez utilisé : intrusions. Vous, vous dites qu'il y en a eu cinq
22 d'importantes, donc cinq intrusions importantes. Mais qui a parlé de cinq
23 intrusions ? Il avait parlé de 700, le témoin a parlé de 700, et vous, vous
24 parlez de cinq intrusions sur le territoire. Je voudrais savoir qui a
25 vraiment mentionné cela ?
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, hier, le témoin a
27 parlé effectivement de cinq grandes offensives. Je fais une différence
28 entre les intrusions ou les attaques de plus petite taille, plutôt des
Page 6201
1 attaques individuelles, je fais la différence entre cela et cinq
2 importantes opérations militaires de grande envergure avec la participation
3 de l'aviation et des chars de l'artillerie. C'est pour cela que j'ai essayé
4 d'attirer l'attention du témoin sur la différence qui existe entre la
5 nature même de ces attaques.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Hier, le témoin a
7 mentionné cinq grandes offensives, vous auriez dû lui poser la question
8 comme suit : hier, vous avez mentionné cinq grandes offensives, je voudrais
9 savoir où elles se situent par rapport aux 700 intrusions sur le terrain
10 que vous mentionnez aujourd'hui. Dans ce cas-là, tout le monde aurait
11 compris de quoi il en était et sur quoi portait exactement votre question.
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.
13 Q. Monsieur Jarcevic, hier, vous avez mentionné cinq grandes offensives
14 contre le territoire qui était placé sous la protection des Nations Unies.
15 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous les énumérer ?
16 R. La première a eu lieu le 21 juin 1992, c'était quelques mois avant que
17 je ne commence à exercer une fonction au sein du gouvernement de la
18 Krajina. Mais j'ai eu accès à un rapport, c'est vraiment terrible de lire
19 ce rapport et de voir que 40 soldats serbes ont été massacrés carrément et
20 ensuite jetés dans une fosse. La veille, les officiers de la FORPRONU ont
21 demandé aux officiers du QG de la Krajina de ne pas tirer sur la frontière
22 parce que ce jour-là justement, ou cette semaine-là se tenait, dans une
23 ville voisine, à Sibenik, une espèce de journée d'enfants ou quelque chose
24 comme cela. Evidemment, nos officiers n'ont pas voulu provoquer des
25 incidents, et les Croates en ont profité; ils les ont surpris pendant
26 qu'ils dormaient pratiquement et ils les ont tous massacrés. Le 21 juin, il
27 y a eu ce massacre, ce massacre absolument incroyable contre un territoire
28 placé sous la protection des Nations Unies. Cependant, il y avait cette
Page 6202
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6203
1 résolution, la Résolution #762. C'est une résolution qui était censée
2 suivre ce qui se passe sur ce territoire-là. Dans le cadre de cette
3 résolution, à chaque fois on a demandé aux deux côtés de ne pas mener
4 d'autres actions ou attaques et quelque chose dans ce sens-là. Toujours
5 est-il que dans ces résolutions, on traite toujours de la même façon les
6 victimes et les bourreaux.
7 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais cette offensive, elle a eu lieu
8 où exactement ? Elle portait sur quel territoire ?
9 R. Sur le plateau de Miljevac, au sud de la Krajina, quelques kilomètres
10 loin de la côte et de la ville où se tenait ce festival, ce prétendu
11 festival d'enfants.
12 Q. Pourriez-vous nous parler des autres agressions importantes de grande
13 envergure et nous donner les dates ?
14 R. La suivante a eu lieu le 22 janvier 1993. A l'époque, j'étais déjà
15 membre du gouvernement de la RSK. Je vais ajouter quelque chose que j'ai
16 oublié de dire hier. Suite à une suggestion formulée par la FORPRONU, les
17 commissions croates et de la Krajina devaient se rencontrer à Obrovac pour
18 discuter du fonctionnement de la centrale électrique. Cependant, ce jour-
19 là, les Croates ont commencé une attaque, mais heureusement, notre
20 délégation n'était pas sur le chemin pour se rendre à cette réunion. Ils
21 n'étaient pas en train de traverser la région attaquée par les Croates. Ils
22 ont attaqué Ravni Kotari et aussi le territoire du pont de Maslenica.
23 D'après les informations que nous avons obtenues, les Croates ont tué à peu
24 près 700 ou 800 officiers et soldats. La plupart d'entre eux étaient des
25 civils, bien sûr, et ils ont même incendié un grand nombre de maisons et
26 endommagé même un monument historique, le monument historique datant du
27 XVIIe siècle, le monument de Stojan Jankovic. La FORPRONU, les
28 représentants des Nations Unies ont demandé, ont supplié le gouvernement de
Page 6204
1 la RSK de ne pas répondre de la même façon alors qu'il était capable de le
2 faire, parce qu'il y avait un grand nombre de volontaires de pays européens
3 appartenant même à d'autres nations de l'Europe qui étaient venus dans la
4 République serbe de la Krajina pour aider la Krajina serbe. Mais nous
5 n'avons pas fait cela, nous n'avons pas riposté, alors que nous aurions pu.
6 Q. Pour ne pas revenir là-dessus, je vais vous poser encore une petite
7 question. Au moment où a commencé cette deuxième offensive de l'armée
8 croate, est-ce qu'à ce moment-là, les armes de la RSK étaient placées,
9 verrouillées, gardées par la FORPRONU dans un dépôt, verrouillées,
10 enfermées dans un dépôt ?
11 R. C'est à ce moment-là que les forces serbes ont supplié les Nations
12 Unies de les laisser utiliser leurs chars et l'artillerie, de les sortir de
13 ces dépôts, autrement parce qu'ils avaient peur que les forces croates ne
14 s'emparent de Knin et Dieu sait ce qui serait arrivé. Même les forces de
15 l'ONU insistaient pour qu'on prenne ces armes.
16 Q. Est-ce que le Conseil de sécurité a condamné cette agression ? Est-ce
17 qu'il a demandé aux forces croates de s'arrêter ?
18 R. Oui. Ils ont effectivement condamné cette action, mais à nouveau ils
19 ont inclus cette phrase demandant aux deux côtés de s'abstenir de toute
20 riposte et toute opération militaire. Puisque nous avions déjà eu cette
21 expérience du plateau de Miljevac où on a demandé aux Croates de se
22 retirer, mais en réalité ils ne l'ont pas fait, c'est-à-dire ils se sont
23 retirés, mais ils ont laissé leurs policiers derrière. A ce moment-là, nous
24 avons demandé à l'ONU d'insister pour que toutes les forces croates se
25 retirent y compris les membres de l'armée qui étaient déguisés en portant
26 des uniformes de la police. Cela ne s'est pas produit malheureusement,
27 c'est un point sur lequel nous insistions tout le temps, que les policiers
28 aussi bien que les militaires se retirent de la région.
Page 6205
1 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelle était la prochaine grande
2 offensive des forces croates ?
3 R. On en a parlé. C'était le 8 septembre quand M. Knut Vollebaek,
4 l'adjoint au président de la conférence de négociations qui devait
5 normalement négocier un accord de paix, est venu demander qu'une conférence
6 ait lieu. A ce moment-là, on discutait d'un plan de paix. Un officier est
7 venu les informer que les forces croates avaient attaqué Krajina au niveau
8 de la poche de Medak dans la région de la Lika.
9 Q. Ce sont deux grandes offensives qui vont suivre, après cela les
10 opérations Tempête et Eclair. Nous en avons parlé ?
11 R. Oui.
12 Q. La prochaine question que je vais vous poser, c'est la question qui
13 porte sur les 700 irruptions de la police et de l'armée croates sur votre
14 territoire. A l'époque, vous étiez le ministre de la RSK et ceci a eu lieu
15 entre le mois d'octobre 1992 et le mois d'avril 1992. Il s'agissait
16 d'attaques qui étaient moins importantes, mais qui étaient menées en
17 respectant un certain rythme ?
18 R. Oui. Il s'agissait de quelque chose de très particulier. On peut
19 caractériser cela comme une guerre d'information.
20 Q. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agissait ?
21 R. Les Croates avec leurs soldats emmenaient aussi bien les diplomates que
22 les caméras de la télé et les journalistes. Ensuite, à partir d'un point,
23 ils attaquaient nos positions, les nôtres ripostaient et ceux qui
24 observaient tout cela ne pouvaient entendre que les tirs venant de notre
25 côté. Ensuite, dans le monde, on disait que les Serbes avaient violé le
26 cessez-le-feu, attaqué le territoire croate, et cetera. Même à un moment
27 donné, le Conseil de sécurité a été informé de cela par l'ambassadeur russe
28 Vitaly Churkin. C'est justement dans son bureau que le 29 mars 1994, nous
Page 6206
1 avons signé un accord. Il était complètement partial, il était toujours
2 prêt à privilégier la politique croate.
3 Q. Monsieur Jarcevic, les attaques menées par les forces de l'armée croate
4 sur le territoire placé sous la protection de l'ONU, est-ce que le
5 gouvernement de la République de Krajina a informé la FORPRONU de ceci ?
6 Est-ce que la FORPRONU était au courant de ce qui se passait ?
7 R. Oui. Nous en avons, à chaque fois, informé la FORPRONU, le Conseil de
8 sécurité et même les ambassades à Belgrade. Il y a eu deux attaques qui ont
9 été particulièrement différentes puisque l'armée serbe a pris un citoyen
10 britannique et un citoyen hollandais qui faisaient partie de l'armée
11 croate.
12 Q. Vous voulez dire qu'il y avait des mercenaires là-bas ?
13 R. C'étaient soit des mercenaires, soit autre chose, mais je ne saurais
14 pas répondre à cette question.
15 Q. Très bien. Pourriez-vous me dire, par rapport à tout ce qui s'est
16 passé, quelle était l'attitude des autorités de la République serbe de la
17 Krajina vis-à-vis de la FORPRONU ? Est-ce que ces rapports étaient bons ou
18 est-ce qu'ils n'étaient pas bons justement parce que les Serbes n'étaient
19 pas respectés par la FORPRONU ?
20 R. Je pense que ces rapports étaient excellents, peut-être pas toujours du
21 côté de la FORPRONU. C'est un point assez intéressant parce que vous savez
22 j'ai eu une réunion avec un expert du droit international qui a été amené
23 du Canada. Une fois, j'ai discuté avec cette personne parce que justement
24 les membres de la FORPRONU étaient là, ils ne payaient pas leur loyer, la
25 nourriture, l'électricité et ils restaient dans les hôtels, et cetera, sans
26 payer quoi que ce soit. Vous savez ce qu'ils disaient ? Ils disaient que
27 c'est le territoire croate et qu'ils allaient payer cela au gouvernement
28 croate. Nous avons continué à écrire des lettres, et cetera, parce que nous
Page 6207
1 demandions que ce qu'ils nous devaient nous soit payé. C'est à ce moment-là
2 qu'une grande juriste est venue du Canada. Elle est venue discuter avec
3 moi, c'était une dame qui s'appelait MacDonald. Elle a ouvert ce bouquin et
4 elle a dit : "Vous ne pouvez pas demander que les représentants des Nations
5 Unies paient pour cela puisque vous n'êtes pas un pays reconnu par l'ONU."
6 Je l'ai interrompue et j'ai dit : "Ecoutez, Madame, la Chine à un moment
7 donné n'était pas membre des Nations Unies. Est-ce que vous auriez été
8 capable de manger, de vivre en Chine, à Taïwan, par exemple, sans payer
9 parce que c'était un pays qui n'était pas reconnu par les Nations Unies à
10 l'époque ? Est-ce que vous pourriez rester dans un hôtel sans payer quoi
11 que ce soit ? Elle était un peu prise par surprise et elle n'a pas répondu,
12 elle a fermé son dossier et elle est partie sans répondre quoi que ce soit.
13 Elle ne s'est pas excusée non plus. Cependant, la FORPRONU a continué à ne
14 pas payer, à ignorer complètement les factures. A un moment donné, je me
15 souviens à Topusko les soldats de la FORPRONU ont mangé, comme tous les
16 jours d'ailleurs, à ce moment-là le directeur de l'hôtel est sorti et il a
17 dit que ce jour-là, il n'y aurait pas de nourriture tant qu'ils n'auraient
18 pas payé leurs factures. Effectivement, une heure plus tard, l'argent est
19 arrivé de Zagreb par hélicoptère et ils ont payé ce qu'ils devaient.
20 Si vous voulez, je vais vous citer un autre exemple. Il y avait pas mal de
21 soldats venant du Kenya, ils ont appris un petit peu à parler le Serbe, ils
22 nous racontaient toujours une petite histoire qui faisait référence à la
23 période où ils étaient encore des esclaves aux XVIIIe et XIXe siècles, les
24 esclaves des Européens, et ils disaient : "Moi, je suis noir; toi, tu es
25 Serbe, c'est la même chose. Cela revient au même."
26 Q. Est-ce que vous voulez dire que ni la population, ni les autorités de
27 la Republika Srpska Krajina n'ont jamais eu quoi que ce soit contre la
28 FORPRONU et qu'au contraire il était de leur intérêt de les avoir là et de
Page 6208
1 coopérer avec eux ?
2 R. Oui, effectivement. Puisque de toute façon, toutes ces choses-là se
3 sont réglées par la suite, ils ont commencé à payer leurs factures et nous
4 avons compris qu'il était dans notre intérêt qu'ils soient là et eux, ils
5 ont compris aussi que cet argent allait servir à nourrir la population,
6 soigner les malades, et cetera.
7 Q. C'était la guerre, n'est-ce pas, Monsieur Jarcevic ? Vous parlez des
8 conditions de guerre. Vous parlez de 700 attaques armées, qu'il s'agisse de
9 petites et de grandes attaques plus ou moins importantes, à part les cinq
10 offensives de grande envergure qui ont eu lieu en Srpska Krajina. Pendant
11 cette période-là, est-ce que le gouvernement de la République serbe de la
12 Krajina a jamais discuté
13 des mesures discriminatoires éventuelles à prendre contre les populations
14 non-serbes de la Krajina ?
15 R. Non. Vous savez, le gouvernement était vraiment motivé pour protéger
16 les Croates qui sont restés dans le territoire de la République serbe de la
17 Krajina. Il y avait effectivement des Croates qui habitaient à Lika. Vous
18 savez, c'était très difficile d'empêcher les gens de se venger. Il y avait
19 des gens qui ont perdu les siens à Zagreb, à Split, à Zadar. C'était très
20 difficile d'empêcher les actes de vengeance.
21 C'est vrai qu'il y a eu des crimes individuels commis contre la
22 population croate, mais c'était vraiment des cas isolés qui n'étaient
23 jamais couverts par la police de la Krajina, par les autorités de la
24 Krajina. C'est là que se trouve la différence entre le comportement du
25 gouvernement de la Krajina et du gouvernement croate parce que le
26 gouvernement croate couvrait ces crimes alors que le gouvernement de la
27 Krajina n'a jamais couvert de tels crimes. Je vais vous dire quelque chose
28 qui va vous surprendre. Cela va vraiment vous surprendre. C'est un document
Page 6209
1 que vous allez probablement pouvoir examiner. C'est un document émanant de
2 la cour constitutionnelle croate datant de l'année dernière où une famille
3 serbe qui habite en Dalmatie a porté plainte, on y voit le procès-verbal
4 d'une session de travail du gouvernement croate où l'on dit à un point, on
5 parle de l'année 1991-1992, les policiers, les soldats et les citoyens
6 tuent les Serbes. C'est quelque chose qui ne s'est jamais produit dans la
7 République serbe de la Krajina.
8 Q. Monsieur Jarcevic, est-ce que vous avez entendu parler de certains
9 crimes -- les villages de Skabrja, Saborsko, Kruska, Kostajnica, Nadin,
10 Dubica. Est-ce que vous avez entendu parler de cela ? Est-ce que vous en
11 parliez lors de réunions du gouvernement ? Est-ce que vous avez reçu des
12 rapports à ce sujet ?
13 R. Oui. Nous avons effectivement parlé de cela. J'ai envoyé une lettre au
14 Conseil de sécurité, j'ai essayé d'expliquer la situation en illustrant mes
15 rapports de ces crimes. Par exemple, il y a eu un conflit entre les
16 séparatistes croates, l'armée croate si vous voulez et l'armée populaire
17 yougoslave qui, à l'époque, n'était pas encore l'armée serbe, parce que
18 cette armée est restée l'armée yougoslave jusqu'au moment où elle ne se
19 retire de la Krajina. Même si les dirigeants étaient vraiment tous des
20 Croates, la plupart était des Croates. Vous aviez le premier ministre Ante
21 Markovic, le ministre des Affaires intérieures Loncar, un Croate aussi, le
22 chef d'état-major s'appelait Yougoslave, mais sa mère était Croate alors
23 que son père était Serbe, je veux bien, Veljko Kadijevic. Le commandant de
24 l'aviation, c'était un Croate, le général Jurjevic. L'armée qui se battait
25 à Vukovar, le commandant de cette armée c'était un Macédonien.
26 Il ne faut pas faire l'amalgame entre cette armée et les dirigeants
27 serbes et la terre serbe. C'était une armée yougoslave, complètement
28 yougoslave, et le gouvernement yougoslave était compétent pour tout le
Page 6210
1 territoire de l'ex-Yougoslavie. Peu importe si l'on considérait que la
2 Croatie et la Slovénie à l'époque étaient déjà indépendantes, oui ou non.
3 Si vous me posez une question au sujet de la Skabrnja, je peux vous dire
4 que là il s'agissait de l'armée populaire yougoslave, et ces crimes ne
5 devraient pas être liés avec les dirigeants serbes. De toute façon, je
6 dirais que les officiers yougoslaves, leur part de responsabilité dans ces
7 crimes est moindre que la part de responsabilité des officiers croates.
8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais intervenir puisque vous
9 êtes en train de terminer de répondre à la question posée. Vous avez dit
10 auparavant que le gouvernement était vraiment voué à la protection des
11 Croates qui sont restés en Krajina. Vous vous souvenez avoir dit cela ?
12 Vous avez dit cela il y a pas longtemps.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vous ai pas du tout compris. Madame,
14 excusez-moi, personne ne m'a donné votre nom de famille.
15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'accepte votre excuse. Vous avez
16 dit tout à l'heure que le gouvernement de la RSK disposait des mesures
17 extrêmement strictes portant sur la protection des Croates qui étaient
18 restés dans la Krajina. C'est comme cela que je vous ai compris tout à
19 l'heure. Vous avez dit cela en répondant à une question posée par Me
20 Milovancevic. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Puisque vous vous souvenez de
23 cela. Est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient ces mesures qui
24 ont été mises en place pendant la période pertinente pour l'acte
25 d'accusation pour protéger les Croates qui étaient restés dans la Krajina ?
26 Quelles étaient les mesures spécifiques et concrètes prises par votre
27 gouvernement que vous avez mises en place pour mettre en œuvre cette
28 politique ?
Page 6211
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Nom de Dieu, pour nous, tous les citoyens de
2 la République serbe de la Krajina étaient égaux.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous interrompre ?
4 Je vous prie de bien vouloir utiliser un langage approprié à ces lieux. Ce
5 n'est pas la peine d'évoquer le nom de Dieu. Je ne dis pas que c'est une
6 insulte, mais ce n'est tout simplement pas approprié.
7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous devriez vous rappeler du fait
8 que vous avez dit que le gouvernement était voué à protéger ces Croates.
9 C'est ce que vous avez dit. Je remercie, Monsieur le Président, de
10 l'observation qu'il vient de faire.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup. Je ne souhaitais pas insulter
12 qui que ce soit. Lorsque l'on dit "nom de Dieu" en Serbe c'est peut-être
13 beaucoup plus faible que l'équivalent en anglais, mais je ne vais plus
14 répéter cela.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre à votre question maintenant.
17 Ce que j'ai dit, Madame, est la chose suivante : le gouvernement de la
18 République de Krajina serbe n'a pas pris de mesures à l'encontre des
19 membres de quelque groupe ethnique ou de quelque nation que ce soit. Je ne
20 souhaite pas dire que la population n'a pas ressenti ou manifesté une
21 certaine animosité à l'encontre des Croates qui vivaient parmi eux. Je peux
22 vous donner l'exemple de M. Martic qui, lorsqu'il était président, s'est
23 adressé directement à la cour afin que l'on mène des enquêtes ou une
24 enquête plutôt sur le meurtre de plusieurs Croates et deux Hongrois à
25 Baranja. Je ne connais pas les détails, mais je crois que la cour a
26 condamné les auteurs de ces crimes à 20 ans de prison. Ceci montre bien que
27 le gouvernement tenait compte de cela et veillait à ce que cela ne
28 reproduise pas. Je vais vous donner un exemple contraire. A Sisak, par
Page 6212
1 exemple, 600 Serbes ont été tués en 1991 et jusqu'à aujourd'hui ni le
2 gouvernement croate ni les institutions internationales n'ont tenu qui que
3 ce soit responsable pour ces crimes.
4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais vous interrompre. Vous ne
5 nous avez toujours pas dit ce que je vous ai demandé, mais le Président me
6 rappelle qu'il faut procéder à une pause maintenant, donc je vais traiter
7 de cela tout à l'heure.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je suppose que le moment est
9 opportun pour prendre une pause. Nous allons revenir ici à 11 heures moins
10 le quart.
11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.
12 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Madame le Juge.
14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ma première demande auprès de vous
15 est de me dire de quelle manière faut-il prononcer votre nom de manière
16 appropriée.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Jarcevic, ce qui correspond à un bouc, en
18 traduction.
19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Je souhaite que vous me
20 disiez la chose suivante. Dans votre réponse, vous avez dit qu'en réalité,
21 il n'y avait pas de mesures spécifiques prises par le gouvernement de la
22 RSK, sauf qu'il n'y avait pas de discrimination à l'encontre des Croates.
23 Ai-je bien compris vos propos ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas vraiment expliqué en ce qui
25 concerne le gouvernement de la RSK. Dans la situation dans laquelle le
26 gouvernement de la RSK et la population se sont retrouvés, si la même chose
27 était arrivée dans un autre Etat et au sein d'une autre population, je
28 suppose que cela aurait été bien plus grave, à la fois pour la population
Page 6213
1 majoritaire et pour la population minoritaire.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Nous nous en tiendrons
3 à cela. Une autre question me travaille. Je m'intéresse à tout ce qui a été
4 dit dans cette affaire, mais de temps en temps, certains points sont plus
5 présents dans mon esprit que d'autres.
6 Vous avez fait référence à l'armée yougoslave, à l'armée de la
7 Yougoslavie; est-ce qu'il y avait une armée de la RSK ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous parlez de l'année 1991, il faut savoir
9 que l'armée de la RSK était seulement en cours de constitution.
10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pendant l'existence de la RSK,
11 jusqu'en 1995, par exemple, aviez-vous une armée de la RSK à quelque moment
12 que ce soit depuis la création de la RSK ? Je suppose que vous savez de
13 quoi je parle lorsque je dis la RSK ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 19 novembre 1991, la RSK a été proclamée et
15 elle disposait de son armée jusqu'à la fin.
16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous êtes en train de parler de
17 l'armée yougoslave, vous étiez en train de parler de l'armée yougoslave au
18 cours de votre déposition. Mais cette armée yougoslave se référait à quel
19 territoire ? Est-ce qu'il est possible de faire une distinction entre elle
20 et l'armée de la RSK ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée de la République fédérale de la
22 Yougoslavie avait été déployée sur tout le territoire de la République
23 fédérative socialiste de Yougoslavie en 1991.
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Attendez. Quels étaient les
25 territoires couverts par l'armée yougoslave ou de la Yougoslavie dont vous
26 avez parlé ? C'est la réponse qui m'intéresse, par opposition à l'armée de
27 la RSK.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur la base de la résolution du Conseil de
Page 6214
1 sécurité stipulant que les lois yougoslaves s'appliquent sur le territoire
2 placé sous la protection des Nations Unies, le moment du retrait de la JNA
3 était prévu aussi. Les documents indiquant cela existent, ceci est reflété
4 également dans la correspondance entre l'état-major général de la JNA et la
5 FORPRONU. Je pense que les dernières unités de la JNA se sont retirées de
6 la partie orientale de la République serbe de Krajina, si je ne me trompe,
7 en septembre 1992. Les officiers de la FORPRONU avaient accepté cela et se
8 tenaient au courant de ce processus.
9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Jarcevic, je vais essayer
10 de m'exprimer de façon un peu plus claire, car visiblement, je ne suis pas
11 en train de réussir à vous indiquer clairement quelle est la nature de la
12 déposition qui m'intéresse. Est-ce que vous acceptez qu'il y avait une
13 armée appelée l'armée croate ? Peut-on avoir une réponse de vous pour le
14 compte rendu d'audience, oui ou non ? Je vous parle de la période dont je
15 vous ai parlé. Depuis la création de la RSK jusqu'en 1995, est-ce que
16 l'armée croate existait au cours de cette période ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais vous poser la question
19 suivante : au cours de cette période, vous acceptez que l'armée de la RSK
20 existait également ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Le Président vient d'attirer mon
23 attention sur le fait que j'ai été annoncée dans le compte rendu d'audience
24 comme le Juge Moloto, ce qui me flatte, mais ce qui n'est pas exact.
25 Je vais poser ma question suivante. Lorsque vous parlez de l'armée
26 yougoslave, est-ce que vous pouvez nous dire quels étaient les territoires
27 couverts par cette armée, compte tenu du fait que l'armée croate tout comme
28 l'armée de la RSK existaient ?
Page 6215
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, voici ma réponse. L'armée de la
2 République fédérale de Yougoslavie se trouvait sur le territoire de la RSK,
3 conformément à un accord passé avec la FORPRONU. La FORPRONU et l'armée
4 yougoslave s'étaient mises d'accord sur le rythme et les temps de son
5 retrait de la RSK. Le gouvernement de la RSK à Knin n'avait aucune
6 influence là-dessus.
7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Jarcevic, ce n'est
8 pas l'histoire qui m'intéresse. Je souhaite simplement savoir ce à quoi
9 correspondaient les composantes de cette armée, puisque vous avez dit au
10 cours de votre déposition que l'armée croate et l'armée de la RSK
11 existaient pendant cette même période. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir
12 et que vous nous disiez exactement quels étaient les territoires que
13 l'armée yougoslave représentait, si vous voulez, ou recouvrait. Je ne
14 savais pas que j'étais si peu douée pour communiquer.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, je ne vous comprends pas du
16 tout.
17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que l'armée
18 yougoslave représentait la Croatie, à l'époque ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, je ne comprends pas cette
20 question, puisque l'armée croate était une armée créée de manière
21 anticonstitutionnelle. La Croatie a fait sécession de la Yougoslavie de
22 manière anticonstitutionnelle et elle avait créé son armée qu'elle avait
23 armée dès avant la proclamation de l'indépendance avec le soutien des Etats
24 européens. Les dirigeants yougoslaves ont omis de placer cela à l'ordre du
25 jour des discussions menées devant l'ONU et l'OSCE et d'autres institutions
26 internationales. Il existe des documents indiquant que le ministre des
27 Affaires étrangères n'a rien fait et que la communauté internationale n'a
28 rien fait au sujet du fait que la Croatie s'armait avec l'aide de la
Page 6216
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6217
1 Hongrie depuis longtemps et qu'elle formait des formations paramilitaires.
2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je pense que je ne peux pas
3 insister de manière supplémentaire. Pour le moment, je vais m'en tenir là.
4 Je ne sais pas si le Président, le Juge Président ou mon confrère le Juge
5 Hoepfel ou le conseil de la Défense, Me Milovancevic, pourrait essayer
6 d'obtenir la réponse du témoin, conformément à ce à quoi je m'attends.
7 Merci beaucoup.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose que ma consoeur souhaite
9 que je poursuive des questions à ce sujet.
10 Monsieur Jarcevic, s'il vous plaît, ne nous parlez pas de la FORPRONU ni
11 des Nations Unies et leur résolution. Veuillez simplement répondre à ma
12 question. Je crois que mon éminente consoeur souhaite obtenir de vous la
13 chose suivante : lorsque vous parlez de la JNA, c'est-à-dire l'armée
14 yougoslave, il s'agit d'une armée qui, d'après vous, représentait quelle
15 république et quelle province de Yougoslavie ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous n'avez pas indiqué
17 la période qui vous intéresse.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La période qui avait été mentionnée
19 par le Juge Nosworthy.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il est question de l'année 1990-1991,
21 l'armée populaire yougoslave était dans des casernes dans chaque
22 république, c'est là qu'elle a subi des attaques, une agression,
23 conformément au document des Nations Unies qui l'ont constatée. Elle a été
24 attaquée par des formations paramilitaires de Slovénie et de Croatie et par
25 la suite également de la Bosnie-Herzégovine.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Jarcevic, je vous ai demandé
27 de ne pas mentionner les Nations Unies ni les résolutions. Je vous demande
28 la question suivante : du point de vue de l'Etat fédéral yougoslave et non
Page 6218
1 pas du point de vue des Nations Unies et de votre point de vue, vous, en
2 tant que ministre au sein de la RSK, quels étaient les territoires que
3 l'armée yougoslave représentait ou par rapport auxquels elle était
4 compétente ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit,
6 l'armée yougoslave se trouvait dans toutes les républiques et s'est retirée
7 à des moments différents de la Slovénie et du territoire de la Croatie et
8 du territoire de la RSK et, à un moment donné, de la Bosnie-Herzégovine.
9 Elle se retirait vers des régions qui, par la suite, sont devenues la
10 République fédérale de Yougoslavie, autrement dit, la Serbie-et-Monténégro.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Maître Milovancevic ?
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Afin d'éviter tout malentendu, Monsieur Jarcevic, la JNA était l'armée
14 de l'Etat fédéral de Yougoslavie qui s'appelait, en 1990 et 1991, la
15 République fédérative socialiste de Yougoslavie, que l'on appelait la RSFY
16 pour abréger. Est-ce qu'en Yougoslavie, en 1990 et 1991, mis à part la JNA
17 qui était une puissance armée fédérale, est-ce qu'une des républiques ou
18 plusieurs avaient leur propre armée --
19 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai l'impression que le
20 conseil souhaitait répondre à la question plutôt que de poser une question,
21 c'est la raison pour laquelle je fais objection.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Avez-vous entendu cela, Maître
23 Milovancevic ?
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais
25 reformuler ma question afin d'éviter que ma question soit mal comprise de
26 quelque manière que ce soit, avec votre permission, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une question de
28 malentendu, mais le problème est que vous avez posé une question
Page 6219
1 directrice. Ne placez pas de mots dans la bouche du témoin. Je vais --
2 permettez-moi de parler -- de terminer. Posez votre question, et nous
3 allons obtenir une réponse du témoin, mais veuillez ne pas suggérer la
4 réponse au témoin. Il s'agit de votre témoin, et vous ne pouvez pas faire
5 ceci avec lui. Ceci peut être fait lors du contre-interrogatoire.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.
7 Q. Monsieur Jarcevic, dites-moi si l'armée populaire yougoslave était une
8 force armée fédérale.
9 R. Oui, suivant la constitution.
10 Q. Est-ce que, mis à part la JNA, les républiques pouvaient disposer de
11 leur propre armée ?
12 R. Non. Elles ne pouvaient pas avoir leur armée, mais elles pouvaient
13 disposer de la Défense territoriale, qui n'était pas une armée, mais une
14 organisation de soutien à la JNA.
15 Q. Est-ce qu'en vertu de la constitution yougoslave, les forces armées
16 fédérales étaient unifiées et constituées de la JNA et de la Défense
17 territoriale ?
18 R. Oui. C'était le cas et c'est que j'ai essayé d'expliquer.
19 Q. Merci. Le plan Vance, et nous allons y revenir, prévoyait le retour des
20 personnes déplacées. Vous en avez parlé quelque peu hier. Monsieur
21 Jarcevic, est-ce qu'à quelque moment que ce soit la République serbe de
22 Krajina, le gouvernement de la RSK et notamment M. Martic en tant que
23 ministre de l'Intérieur et par la suite en tant que président de la RSK,
24 est-ce qu'ils ont jamais empêché le retour de la population croate, car ils
25 les haïssaient, car il s'agissait d'un ennemi ou pour quelque raison que ce
26 soit ?
27 R. Ni moi, ni nous, ni Martic comme président, nous ne l'avons jamais
28 fait. Nous disions qu'il fallait absolument rendre possible en même temps
Page 6220
1 le retour des Serbes expulsés.
2 Q. Est-ce que ce que vous venez de dire veut dire que tout ce que vous
3 souhaitiez obtenir, c'était la réciprocité et le traitement égal de la
4 population serbe et croate ?
5 R. Oui, le traitement égal, sachant que le nombre des Serbes expulsés
6 était bien supérieur à celui des Croates expulsés.
7 Q. Merci. Vous avez parlé de cinq grandes offensives et du fait que le
8 Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté des résolutions condamnant ces
9 offensives. Est-ce que la République de Croatie, en tant que membre des
10 Nations Unies, a jamais été sanctionnée ou punie par les Nations Unies en
11 raison de telles offensives ?
12 R. Elle n'a jamais subi de conséquence, et c'est le seul Etat dans le
13 monde qui a occupé une zone placée sous la protection de l'ONU et qui a
14 attaqué une telle zone.
15 Q. Vous avez dit hier que la République serbe de Krajina, ou plutôt, sa
16 population, suite à ces opérations, était forcée de quitter la Croatie. Il
17 s'agissait du départ de centaines de milliers de personnes. Est-ce que
18 cette population, aujourd'hui, au bout de 11 ans après son expulsion, peut
19 retourner sur le territoire de la Croatie ?
20 R. Les conditions lui permettant de rentrer ne sont pas réunies et je
21 souhaite répéter maintenant que la Croatie est le seul pays après la
22 Deuxième Guerre mondiale qui a placé l'ensemble d'une population dans le
23 statut de hors-la-loi, car les biens mobiliers et immobiliers des familles
24 serbes ont été confisqués.
25 Q. Monsieur Jarcevic, il y a trois jours, le 150e anniversaire de la
26 naissance de Nikola Tesla, un scientifique de renommée mondiale, a été
27 célébré dans le village serbe de Smiljane, près de Gospic. A Gospic, il y a
28 trois jours, le président de la République de Serbie y est allé afin de
Page 6221
1 célébrer cet événement et afin d'y rencontrer le président croate Stipe
2 Mesic. Le président de la Serbie a été étonné de voir, et ceci a été
3 transmis par les médias, que des milliers de villages serbes en Croatie
4 n'ont toujours pas l'électricité 11 ans après les événements. Est-ce que
5 vous pouvez nous dire quelque chose à ce sujet ?
6 M. WHITING : [interprétation] Objection. Tout d'abord, il s'agit d'une
7 question suggestive, et deuxièmement, je ne vois pas la pertinence.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la pertinence de cela et
9 pourquoi est-ce que vous posez une question directrice ?
10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne souhaitais pas poser une question
11 directrice, mais quant à la pertinence, elle est liée aux allégations
12 contenues dans l'acte d'accusation dressé par l'Accusation en raison de
13 l'opération Tempête, à l'encontre des trois co-accusés, où il est question
14 des efforts systématiques déployés par une partie de l'Etat croate afin
15 d'expulser la population et d'empêcher le retour de la population. Ce qui
16 m'intéresse est de savoir si M. Jarcevic, qui est au courant de la
17 situation, sait qu'aujourd'hui 11 ans après la guerre les autorités croates
18 n'ont pas connecté l'électricité dans les villages serbes pour leur rendre
19 la vie possible. Nous sommes au XXIe siècle et les gens vivent dans le noir
20 sans électricité puisque les autorités croates n'ont pas voulu les
21 connecter.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La déposition entendue jusqu'à présent
23 est que la population serbe refusait de rentrer, pourquoi connecter
24 l'électricité dans des maisons qui sont vides ? Nous décidons que la
25 question est sans pertinence et nous ne l'admettons pas.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense
27 n'a plus de questions pour ce témoin. Je vous remercie.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
Page 6222
1 Monsieur Whiting.
2 Contre-interrogatoire par M. Whiting :
3 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur. Je m'appelle Alex Whiting. Comme
4 vous avez pu le constater sans doute, je suis l'un des Procureurs dans
5 cette affaire.
6 R. Bonjour, je ne savais pas que vous étiez le Procureur. Je suis content
7 de vous rencontrer et j'espère que nous allons nous entendre.
8 Q. Moi aussi. Je pense que quelque chose qui pourrait nous aider à nous
9 entendre c'est si vous vous concentrez avec beaucoup d'attention sur les
10 questions que je vais vous poser et que vous y répondiez de manière aussi
11 succincte et aussi précise que possible.
12 Comprenez-vous ?
13 R. Tout à fait.
14 Q. Monsieur, hier, vous avez témoigné, il s'agit de la page 64 du compte
15 rendu d'audience, que M. Martic n'avait jamais exprimé, je vous cite : "De
16 la haine vis-à-vis de quelque groupe ethnique ou religieux que ce soit et
17 ce fut également mes propres points de vue. C'est ainsi que nous nous
18 sommes très bien entendus."
19 Est-ce que vous vous souvenez d'avoir dit cela hier ?
20 R. Oui, tout à fait, Monsieur Whiting.
21 Q. Vous-même et M. Martic partagiez les mêmes points de vue à l'époque,
22 n'est-ce pas ? A l'époque où vous étiez ministre des Affaires étrangères de
23 la RSK ?
24 R. Oui. Nous continuons à avoir les mêmes points de vue aujourd'hui aussi.
25 Q. Pendant que vous étiez ministre des Affaires étrangères de la RSK, vous
26 avez, à plusieurs reprises, utilisé un langage très extrême alors que vous
27 parliez des Croates et des Musulmans; est-ce exact ?
28 R. Seulement lorsqu'il s'agissait des Etats des Musulmans et des Croates.
Page 6223
1 Ils étaient brutaux vis-à-vis de la population serbe et je maintiens ceci
2 aujourd'hui.
3 Q. Nous allons examiner un certain nombre de ces déclarations. Je vous
4 demanderais de vous reporter au numéro 02150847, s'il vous plaît. Vous
5 allez maintenant pouvoir examiner une lettre que vous avez vous-même écrite
6 et que vous avez lue à voix haute pendant la séance de l'assemblée de la
7 Republika Srpska, le 11 septembre 1993. Vous l'avez écrite à Alexa Buha --
8 R. Oui, je connais ce document.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé, mais nos écrans n'affichent
10 pas ce dont vous parlez.
11 M. WHITING : [interprétation] Oui. Moi aussi, j'ai le même problème.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi. Mon ordinateur est également
13 confronté à ce même problème, je n'ai pas d'image.
14 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi, mais il y a du B/C/S
15 des deux côtés, à la fois du côté anglais et du côté B/C/S.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur
17 Whiting.
18 M. WHITING : [interprétation] Merci.
19 Q. Monsieur Jarcevic, vous voyez cette lettre, vous la reconnaissez ?
20 R. Oui, bien entendu. C'est moi qui l'ai écrite, pas de problème.
21 Q. Vous avez écrit ces mots ?
22 R. J'ai écrit chacun de ces mots.
23 Q. Je voudrais que vous examiniez le bas de la page 1 de la version
24 anglaise, page 2 de la version en B/C/S. Je ne vais pas lire l'ensemble de
25 la lettre, mais je voudrais vous lire un passage. Il se trouve à peu près
26 au milieu de la page B/C/S. Si vous descendez un peu. Voilà. A peu près là.
27 Dans la version anglaise cela commence en bas et cela dit la chose
28 suivante. Vous l'avez écrite pendant que vous étiez ministre des Affaires
Page 6224
1 étrangères, n'est-ce pas ? Ministre des Affaires étrangères de la RSK ?
2 R. Oui, c'est exact.
3 Q. Vous avez adressé cette lettre afin que celle-ci soit lue à voix haute
4 pendant l'assemblée de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine; c'est
5 exact ?
6 R. Oui. C'est ce qui s'est passé, cette lettre a été lue, n'est-ce pas à
7 votre connaissance ?
8 R. Oui.
9 Q. Nous allons maintenant regarder ce que vous avez indiqué dans votre
10 lettre : "La Croatie attend que les Serbes de la Republika Srpska
11 s'entretuent ou qu'ils se préoccupent d'eux-mêmes de façon que la Croatie
12 puisse remplir les fosses avec des femmes, des enfants et de vieilles
13 personnes serbes. Nous ne devons pas commettre aujourd'hui la même erreur
14 que nous avons commise tant de fois. Les chevaliers serbes doivent se
15 trouver sur les frontières serbes. Le mécréant qui pensait et qui a appris
16 depuis son enfance qu'il fallait exterminer le peuple serbe ne doit pas
17 mettre le pied sur la terre serbe. Trop de nos terres nous ont été enlevées
18 pendant ce siècle pour que nous puissions nous permettre de sacrifier un
19 seul mètre actuellement."
20 Dans ce petit passage que je viens de lire, le mécréant dont vous parlez
21 qui a appris depuis son enfance qu'il fallait exterminer le peuple serbe,
22 il s'agit du peuple serbe, n'est-ce pas ? C'est d'eux que vous parlez ?
23 R. Tout ce que je dis que c'est qu'à travers les manuels scolaires
24 beaucoup avait dit qui était à l'origine de la haine vis-à-vis des Serbes,
25 qui a donné lieu à cette haine, c'est vrai. J'ai écrit deux ou trois livres
26 à ce sujet depuis cette époque-là, je n'ai pas besoin de retirer une seule
27 phrase de ce texte que vous venez de lire. Je vous peux vous expliquer
28 quelle était la situation qui existait à l'époque. Je suis sûr que la
Page 6225
1 Chambre n'est pas au courant. Avec la permission de la Chambre, j'aimerais
2 l'expliquer.
3 Q. Monsieur, veuillez vous contenter de répondre à mes questions, s'il
4 vous plaît. Le mécréant dont vous parlez dans cette lettre c'est le peuple
5 croate, parce que ce sont eux qui, selon vous, ont appris depuis leur
6 enfance à travers les manuels scolaires qu'il fallait exterminer les Serbes
7 de façon que le mécréant ici est le peuple croate, n'est-ce pas ?
8 R. L'Etat croate, Monsieur, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure quand
9 vous m'avez posé la question. L'Etat croate a commis des actes terribles
10 contre les Serbes.
11 Q. Je ne vous demande pas -- est-ce que vous êtes en train de nous dire
12 que l'Etat croate et le peuple croate utilisaient des manuels scolaires
13 différents ?
14 R. Il n'y aurait pas eu le mal qu'il y a eu --
15 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que le peuple croate et
16 l'Etat croate utilisaient les mêmes manuels scolaires ?
17 R. L'Etat croate publiait et émettait ses manuels scolaires, il les
18 donnait à ses habitants. C'était Ante Starcevic, un raciste qui a dit que
19 ces manuels scolaires était le père de l'Etat croate. Il a dit que les
20 Serbes devraient être exterminés et que le bétail devait être exterminé.
21 Q. Ce que vous êtes en train de dire pour que nous soyons sûrs, c'est
22 qu'on avait appris au peuple croate à travers ces manuels scolaires depuis
23 leur enfance qu'il fallait exterminer les Serbes; est-ce que c'est ce que
24 vous dites dans ce passage ?
25 R. J'ai été clair. Le père de l'Etat croate, dans les manuels croates
26 utilisés dans les écoles primaires et élémentaires, a dit que les Serbes
27 devaient être exterminés. Si vous lisez ce que dit le père de l'Etat
28 croate, il a dit que la race devrait être exterminée.
Page 6226
1 Q. Est-ce que vous essayez de faire dans ce passage -- il me semble que ce
2 que vous essayez de faire c'est que le peuple serbe soit effrayé par le
3 peuple croate. Ce n'est pas cela le but de ce passage ?
4 R. Ils ont peur de l'Etat croate et je n'ai pas dit qu'ils avaient eu peur
5 du peuple croate, mais j'ai dit que l'Etat avait préparé la population pour
6 ce mal, qu'il avait commis ce mal à plusieurs reprises pendant le XXe
7 siècle.
8 Q. Si vous dites que l'Etat préparait la population à ce mal, n'est-ce pas
9 la même chose que de dire que le peuple serbe devrait avoir peur du peuple
10 croate, n'est-ce pas cela ce que vous êtes véritablement en train de dire,
11 Monsieur ?
12 R. Monsieur, le peuple croate n'avait pas peur. Il croyait que les
13 événements n'allaient pas se répéter, ceux qui avaient eu lieu pendant la
14 Deuxième guerre mondiale, malheureusement c'est ce qui s'est passé et les
15 manuels scolaires ont eu une énorme influence à la fois sur les individus
16 et de façon collective. On ne peut pas dire le contraire. Si vous prenez un
17 seul de ces manuels scolaires croates vous allez voir qu'il est écrit que
18 la race serbe doit être exterminée. Je suis très content que --
19 Q. Je dois vous interrompre parce que vous ne répondez pas à ma question.
20 Si vous dites que l'Etat prépare la population pour le mal, ce n'est pas la
21 même chose ? Est-ce la même chose que de dire que le peuple serbe devrait
22 avoir peur du peuple croate ? Oui ou non ?
23 R. Je vous répète, l'Etat croate et je ne vais pas répondre à votre
24 question d'une façon différente. Je sais qu'il y a parmi le peuple croate
25 des individus bons, tout comme chez le peuple serbe. Il y a des bons et des
26 mauvais. Mais lorsque l'Etat et l'église mènent la population vers une
27 certaine direction, c'est cela qui se produit.
28 Q. A chaque fois que vous parlez de ce qui s'est passé pendant la Deuxième
Page 6227
1 Guerre mondiale, à la fois à l'époque et maintenant ici aujourd'hui n'est-
2 ce pas la même chose que vous essayez d'obtenir, à savoir que le peuple
3 serbe ait peur du peuple croate ? Ce n'est pas cela votre but, Monsieur ?
4 R. Cher Monsieur, est-ce que votre peuple à vous n'aurait pas peur des
5 camps de concentration, des camps de la mort en Croatie car à part
6 l'Allemagne, c'est le seul pays où il y a eu des camps de la mort, des
7 camps de concentration pour les Serbes, les Tziganes et les Juifs, on ne
8 peut pas le nier.
9 Q. Je vais conclure que ce que vous nous dites là, c'est de dire qu'en
10 fait c'est ce que vous vouliez faire, faire en sorte qu'ils aient peur, et
11 c'est ce que vous continuez à faire aujourd'hui, n'est-ce pas ?
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Milovancevic ?
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] L'Accusation présente ses points de vue
15 et ses positions comme étant ce que le témoin aurait dit. Le témoin a
16 répondu. Maintenant, si l'Accusation est satisfaite de la réponse ou pas,
17 bien c'est leur affaire. Mais ils ne peuvent pas faire des commentaires sur
18 le témoin, ensuite en déduire une signification que le témoin n'a pas
19 affirmé. Il peut continuer évidemment avec son contre-interrogatoire.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting ?
21 M. WHITING : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin ait répondu à
22 ma question et s'il l'a fait, il l'a fait de manière simplement rhétorique.
23 C'est tout ce que je voulais essayer de faire savoir. Ce que j'ai essayé de
24 faire, c'est de lui demander confirmation ou infirmation de ce que
25 j'affirmais.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous entendez, Maître Milovancevic ?
27 On demande au témoin de commenter s'il est d'accord ou non avec
28 l'interprétation de sa réponse.
Page 6228
1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si l'Accusation
2 s'attend à un commentaire de la part du témoin, il doit lui poser la
3 question, mais il ne doit pas lui-même faire le commentaire en prétendant
4 que c'est ce qu'a dit le témoin.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne comprends pas très bien ce que
6 vous voulez dire. Je suis désolé. Il faut comprendre qu'il s'agit d'un
7 contre-interrogatoire. Ce n'est pas l'interrogatoire principal, je ne
8 comprends pas très bien ce que vous entendez par là. Dans un contre-
9 interrogatoire, il est légitime pour celui qui l'effectue de faire des
10 propositions au témoin et demander au témoin de faire un commentaire là-
11 dessus. C'est ce que j'ai essayé de vous encourager à faire pendant que
12 vous-même vous faisiez le contre-interrogatoire. Je ne suis pas sûr de bien
13 vous comprendre.
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président. Oui, je suis
15 d'accord avec ce que vous venez de dire. Je pense à peu près la même chose.
16 J'ai fait une objection parce qu'après avoir entendu la réponse du témoin,
17 il a pris le sens et la signification de ce témoin, l'a reformulé et a dit
18 : "Donc, j'en déduis que vous dites ceci et cela."
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Car le témoin au lieu de répondre à la
20 question a posé une question. Ce n'est pas au témoin de poser des questions
21 dans cette Chambre ou devant un quelconque tribunal. C'est au témoin de
22 répondre aux questions. S'il pose une question rhétorique, celui qui fait
23 le contre-interrogatoire essaie de trouver le sens de la question qui est
24 posé par cette question rhétorique et invite le témoin à dire est-ce que je
25 vous ai bien compris ? Sinon, d'expliquer ce qu'il a voulu dire.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, c'est exactement de cela que je
27 parle, Monsieur le Président Moloto, mais l'Accusation a posé au témoin la
28 question de savoir s'il était d'accord avec ces conclusions.
Page 6229
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien entendu qu'il a posé cette
2 question. Il vous a dit, en réagissant à votre objection -- j'ai en fait
3 dit à la fin : est-ce exact ? C'est au témoin, à ce moment-là, de dire oui
4 ou non. C'est contenu dans le compte rendu d'audience. Si vous voulez le
5 voir, on peut le vérifier.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 M. WHITING : [interprétation] Puis-je continuer.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Continuez, objection rejetée.
9 M. WHITING : [interprétation] Merci.
10 Q. Monsieur Jarcevic, encore une dernière fois, je vous pose la question.
11 En fait, lorsque vous avez évoqué ce qui s'est passé pendant la Deuxième
12 Guerre mondiale à l'époque et lorsque vous l'évoquez ici aujourd'hui devant
13 la Cour, est-ce que vous essayez de faire en sorte que le peuple serbe ait
14 peur du peuple croate ? J'aimerais bien avoir une réponse directe de votre
15 part à cette question.
16 R. Je ne veux pas accuser tout le peuple croate. Par votre question, c'est
17 ce que vous essayez de me faire faire. Je ne le ferai pas. Mais j'accuse
18 l'Etat croate, je lui reproche cela parce que c'est lui qui avait les
19 manuels scolaires qui pouvaient donner lieu à ces mots. C'est ce que j'ai
20 dit dans mon texte.
21 Q. Le langage contenu dans cette lettre était quelque chose qui était très
22 courant dans les médias serbes officiels à l'époque de 1991, 1992 et 1993,
23 n'est-ce pas ? Ces mots pouvaient se trouver dans les médias serbes
24 officiels à l'époque, n'est-ce pas ?
25 R. Monsieur, on peut trouver un langage de ce type dans les œuvres
26 scientifiques ou historiques qui éclairent la période de la persécution
27 serbe et les massacres des Serbes.
28 Q. Je ne vous ai pas posé de questions concernant les œuvres historiques
Page 6230
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6231
1 et scientifiques, je vous ai simplement posé la question à propos des
2 médias serbes officiels. Merci de vous concentrer sur mes questions et d'y
3 répondre. Ce type de langage était-il assez courant dans les médias serbes
4 officiels dans les années que j'ai mentionnées, 1991, 1992 et 1993; est-ce
5 exact ?
6 R. Oui, mais si je puis me permettre de rajouter quelque chose, ce langage
7 n'était pas vraiment comparable, en termes de toxicité, à celui qui était
8 utilisé des côtés musulman et croate. Je peux vous donner plusieurs
9 exemples.
10 Q. Me Milovancevic vous posera peut-être des questions à ce propos, mais
11 pour l'instant, j'ai d'autres questions. Vous nous avez dit que vous avez
12 fait cette déclaration pendant que vous étiez ministre des Affaires
13 étrangères, donc à une époque où vous essayiez de négocier la paix avec la
14 Croatie; est-ce exact ?
15 R. Oui.
16 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on faire verser
17 ce document au dossier et lui donner un numéro ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, on peut accepter ce document.
19 Pouvez-vous lui attribuer un numéro ?
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 861.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
22 M. WHITING : [interprétation] Merci.
23 Q. Je voudrais vous poser des questions concernant votre approche pendant
24 les négociations. Pendant votre déposition, pendant le contre-
25 interrogatoire, vous en avez parlé, vous avez passé en revue une série de
26 négociations qui se sont déroulées avec les Croates. Maintenant, je vais
27 vous poser une première question. Est-ce vrai de dire qu'un des obstacles
28 majeurs à toutes les négociations qui se sont déroulées avant que vous ne
Page 6232
1 deveniez ministre des Affaires étrangères et après cela était le fait que
2 vous et d'autres dirigeants serbes n'aviez pas voulu accepter une solution
3 qui donnait aux Serbes l'autonomie en RSK, car vous insistiez toujours et
4 encore sur le fait d'avoir votre propre Etat de la RSK, que la RSK devienne
5 une nation séparée ? Cela ne constituait-il pas un obstacle majeur pour la
6 négociation d'une paix ?
7 R. Non.
8 Q. Non, parce qu'il ne s'agissait pas d'un obstacle ou parce que ce
9 n'était pas l'objectif des dirigeants serbes de la RSK ?
10 R. L'objectif des dirigeants de la RSK était d'obtenir l'autonomie en
11 Croatie, mais la partie croate n'a jamais voulu l'accepter. Si cela avait
12 été le cas, il n'y aurait pas eu de guerre. Vous vous souvenez que les
13 Serbes voulaient l'autonomie culturelle. Mais cela non plus, ils n'ont pas
14 pu l'obtenir.
15 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que lorsque vous étiez
16 ministre des Affaires étrangères après 1992, vous et les autres dirigeants
17 de la RSK auriez accepté l'autonomie et n'auriez pas insisté pour avoir un
18 Etat séparé ? Est-ce que vous comprenez la distinction que j'essaie de
19 faire ?
20 R. L'autonomie représente le fait que le peuple ait le statut d'Etat du
21 peuple qui se veut autonome. Ceci nous avait été enlevé par un amendement
22 en 1990 à la constitution, et les Croates n'ont jamais été d'accord pour
23 nous restituer notre souveraineté de la façon dont nous en avions joui en
24 Yougoslavie. C'était un obstacle majeur.
25 Q. Je vais vous interrompre parce que je voudrais --
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, avant de
27 continuer, page 44, ligne 19, il est dit : je comprends que les Serbes
28 demandaient une autonomie culturelle après avoir parlé de l'autonomie
Page 6233
1 complète, et j'ai vu que l'interprète s'était corrigée. Est-ce qu'on
2 pourrait clarifier cette affaire ?
3 L'INTERPRÈTE : L'interprète note que le témoin avait parlé d'autonomie
4 culturelle.
5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [aucune interprétation]
6 M. WHITING : [interprétation] Merci, Madame le Juge.
7 Q. Monsieur Jarcevic, je voudrais faire la différence entre une autonomie
8 et un Etat séparé. L'autonomie représenterait les droits des Serbes sur le
9 territoire de la RSK, mais qui resterait au sein de l'Etat croate. Un Etat
10 à part voudrait dire que la RSK deviendrait un Etat séparé par rapport à la
11 Croatie. Maintenant que nous avons fait cette distinction, n'est-il pas
12 exact que ce qui a empêché, qui a toujours empêché la paix avec la Croatie
13 était le fait que vous et les dirigeants serbes de la RSK, vous insistiez
14 toujours pour avoir un Etat séparé et vous n'étiez pas prêts à accepter une
15 forme d'autonomie; est-ce exact ?
16 R. Monsieur Whiting, vous savez, nous posions nos demandes au maximum.
17 Vous savez, les deux côtés, quand ils commencent à négocier, ils demandent
18 le maximum, et ensuite on commence à négocier, à lâcher du lest des deux
19 côtés. Les Croates ne nous ont jamais laissé faire cela. Au cours de leurs
20 négociations, ceci n'était jamais le cas, toutes les négociations, qu'elles
21 aient eu lieu à partir de Knin jusqu'à Oslo et Londres.
22 Q. Vous, les Serbes, vous n'auriez jamais accepté l'autonomie, n'est-ce
23 pas ? Ce que vous vouliez, c'était votre Etat, n'est-ce pas ?
24 R. Mais non, vous n'avez absolument pas raison. Je vous ai dit que Redman
25 et Churkin ont demandé qu'on signe l'accord d'Erdut. Après cela, l'Etat
26 croate devait devenir un Etat entier, mais qu'à l'intérieur, il devrait y
27 avoir deux parties de cet Etat du point de vue national. L'Etat croate a
28 refusé cela. Vous savez quelles sont les autorités du point de vue
Page 6234
1 national, d'une Russie et d'une Amérique, et c'est sous leurs auspices que
2 cet accord s'était fait.
3 Q. Nous allons examiner en effet cet accord, l'accord d'Erdut, plus tard.
4 Nous allons bien voir qu'il n'en est rien de ce que vous venez de décrire
5 dans cet accord. Mais pour l'instant, je vais vous demander d'examiner le
6 document 02108173. Oui, c'est bien l'article en question, je vous remercie.
7 Monsieur, voyez-vous cet article ? Il s'agit d'un journal en date du 14 et
8 15 janvier 1993. On peut lire la réaction de Slobodan Jarcevic, le ministre
9 des Affaires extérieures. Je vais vous donner lecture de quelques
10 paragraphes de cet article. Tout d'abord, au début, on peut lire, et je
11 cite : "J'espère que le monde va comprendre que tout le mal qui est arrivé
12 dans l'ex-Yougoslavie est venu de la Croatie et d'une création musulmane
13 artificielle qui ont tous les deux commencé la guerre dans le désir de
14 détruire le peuple serbe." Est-ce que vous avez dit cela ?
15 R. Oui. Je pense exactement la même chose au jour d'aujourd'hui puisque
16 vous pouvez voir dans quelle mesure j'avais raison.
17 Q. [aucune interprétation]
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. Mais qu'est-ce que vous voulez dire par cette création musulmane
20 artificielle ?
21 R. Merci de m'avoir posé cette question. Le peuple musulman, c'est un
22 peuple serbe qui a adopté la foi musulmane parce qu'il était forcé de le
23 faire par les Turcs. L'Austro-Hongrie et l'Allemagne faisaient tout cela
24 par les manuels, même si vous, vous dites que les manuels n'influencent
25 aucunement les jeunes générations. C'est pour cela qu'ils se sont éloignés
26 de l'arbre serbe et c'est pour cela que je maintiens et dis que c'est un
27 Etat artificiel, parce qu'ils ont créé leur Etat artificiel sur ce qui
28 était, avant, la terre serbe. Vous me dites de ne pas revenir sur
Page 6235
1 l'histoire, mais c'est l'histoire qui décrit tout. Mais les grands pays
2 avaient une influence différente dans les Balkans que l'influence dont ils
3 jouissaient dans leurs colonies en Afrique, par exemple, et ailleurs. Vous
4 devez le savoir, vous n'êtes pas sans le savoir, Monsieur, parce que vous
5 êtes sans doute Britannique, si je ne m'abuse.
6 Q. Un petit peu plus loin dans le texte, j'espère que vous allez voir cela
7 en B/C/S, on peut lire que Jarcevic a répété le point de vue qu'un Etat
8 monstre qui existait déjà dans le passé a été à nouveau créé sur le
9 territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine.
10 C'est quoi cet Etat monstre dont vous parlez ?
11 R. Monsieur Whiting, merci de m'avoir posé cette question. Je vais répéter
12 ce que j'ai dit, et d'ailleurs, je maintiens ce point de vue. La Bosnie-
13 Herzégovine telle qu'envisagée ne peut pas fonctionner. C'est un Etat
14 monstre. Je vais vous dire pourquoi. C'est un Etat qui ne peut pas avoir de
15 manuels communs, ne peut pas avoir un drapeau commun, ne peut pas avoir des
16 armoiries communes. La langue serbe, on lui a donné encore deux ou trois
17 autres noms, alors que ce n'est rien d'autre que la langue serbe. Regardez,
18 il y a quelques jours, les Croates en Herzégovine ont dressé un monument,
19 et les Musulmans ont dit que c'était le monument pour les criminels. Celui
20 qui va être le héros pour les Croates, il va être un criminel pour les
21 Musulmans. Comment voulez-vous que fonctionne un Etat semblable ? C'est
22 pour cela que j'appelle cela un Etat monstre. Je maintiens ce que j'ai dit.
23 Vous savez, je suis né en Bosnie. Je connais très bien les circonstances
24 dans ces terres. Je sais très bien ce qui se passe là-bas. Je le sais mieux
25 que d'autres.
26 Q. Je vais encore vous poser quelques questions, mais si vous ne me
27 remerciez -- si vous arrêtez -- si vous cessez de me remercier à chaque
28 question que je vous pose, je pense que nous allons gagner un tout petit
Page 6236
1 peu de temps. Ce sera toujours cela de gagné. Ce n'est pas nécessaire. Un
2 tout petit peu plus loin dans le texte, je vous cite : "En jugeant le tout,
3 qu'il s'agisse de la fédération ou de la confédération de la Croatie telles
4 qu'envisagées pour la RSK, ce n'est pas acceptable pour nous." Ensuite,
5 vous dites, et on parle de lui, et en fait, on parle de vous, là, je pense
6 : "La RS, la Republika Srpska et la RSK doivent avoir leur propre Etat.
7 C'est impossible de ne pas donner au peuple serbe le droit à
8 l'autodétermination, a dit Jarcevic." C'est un exemple qui illustre bien
9 que vous, à l'époque, en tant que ministre des Affaires extérieures de la
10 RSK, vous concéderiez que la RSK devait être un Etat séparé et qu'une
11 fédération ou une confédération avec la Croatie n'étaient pas acceptables.
12 Etait-ce votre point de vue à l'époque ?
13 R. Mais je le pense au jour d'aujourd'hui. Moi, je ne pouvais pas oublier
14 ce qui avait été décidé quand j'avais trois ans seulement, le 29 et le 30
15 septembre 1945, lors du congrès des Serbes à Zagreb.
16 Q. Vous avez répondu à la question. Merci. Je vais poser une autre
17 question. Pourquoi vous, en tant que ministre des Affaires étrangères de la
18 RSK, pourquoi vous insistez sur l'existence d'un Etat séparé de la
19 Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine ? Pourquoi c'est dans votre
20 intérêt ?
21 R. Parce que nous avions des liens très proches avec cet Etat. Evidemment
22 que nos points de vue étaient semblables, et nos rapports aussi étaient
23 bons. Vous savez, 64 % des terres appartenaient sur le cadastre aux Serbes,
24 et les décisions cruciales concernant ces terres ne pouvaient pas être
25 prises par les membres appartenant à d'autres communautés religieuses. Ce
26 sont les propriétaires qui devaient prendre les décisions concernant ces
27 terres, parce que comme vous le savez, la propriété privée, c'est un
28 concept sacré dans le monde entier.
Page 6237
1 M. WHITING : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de
2 cette pièce, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette pièce a été versée. Pourriez-
4 vous lui attribuer une cote ?
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document 862.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
7 M. WHITING : [interprétation] Merci.
8 Q. Monsieur Jarcevic, hier, à la page 41 du compte rendu d'audience, vous
9 avez dit que le gouvernement, et là vous faisiez référence au gouvernement
10 de la RSK, n'a pas rejeté, je vous cite, "une seule proposition venant de
11 médiateurs internationaux. Nous avons accepté toutes les propositions qui
12 ont été négociées avec les Croates."
13 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?
14 R. Oui.
15 Q. Ce n'est pas exact, n'est-ce pas ? Ce n'est pas vrai. En réalité, vous
16 n'avez pas accepté les propositions qui auraient donné de l'autonomie aux
17 Serbes de la RSK, parce que ce que vous vouliez, c'était votre propre Etat,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Je vous l'ai dit, c'était notre demande à leur maximum. Aujourd'hui,
20 même si nous devions nous asseoir côte à côte avec les Croates pour
21 négocier avec eux, cela serait notre point de départ, parce qu'en 1945,
22 nous avions notre Etat.
23 Q. Monsieur, ce serait votre point de départ et point de clôture, n'est-ce
24 pas, puisque vous n'avez jamais fait d'écart par rapport à cette
25 proposition ?
26 R. Monsieur, comment voulez-vous qu'il y ait un écart alors que l'on a
27 chassé 400 000 personnes des villes Croates ? Comment accepter un tel
28 Etat ? Est-ce que vous, vous accepteriez de vivre dans un tel Etat ?
Page 6238
1 Q. La vérité est que vous n'avez jamais fait d'écart par rapport à cette
2 position, vous insistiez toujours, depuis toujours pour avoir un Etat, et
3 c'est cela qui empêchait la paix.
4 R. Nous avions notre Etat en 1945, je le répète, je l'ai dit. Ce n'est pas
5 un fait nouveau.
6 Q. Je vais vous demander d'examiner la pièce 02107500, s'il vous plaît.
7 M. WHITING : [interprétation] Pourriez-vous s'il vous plaît agrandir la
8 partie haute de la page, tout en haut de la page ?
9 Q. C'est le journal Glas Srpski en date du 15 février 1993. Hier, vous
10 avez déposé au sujet d'un voyage à New York aux mois de janvier et février
11 1993, et cet article rapporte les déclarations faites par votre délégation
12 avant le départ. On peut y lire : "La délégation de la République de Serbe
13 de la Krajina doit partir mardi." Ensuite, on énumère les membres de la
14 délégation, et vous y êtes.
15 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais examiner la deuxième page en
16 anglais, s'il vous plaît. En B/C/S, c'est à droite de l'article.
17 Q. On peut y lire comme suit : "De plus, comme vous le savez, nous avons
18 récemment refusé la déclaration de M. Owen qui a dit que nous allions à ces
19 négociations pour créer une espèce de coexistence et d'autonomie au sein de
20 la République de Croatie. Ce n'est pas pour cela que nous y allions,
21 justement. Nous y allons pour refuser constamment ces deux mots-là, la
22 coexistence et l'autonomie."
23 Est-ce que vous avez dit cela ? Est-ce que votre délégation a dit cela ?
24 Est-ce que vous maintenez cela ?
25 R. Non, ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est Bojo Martinovic qui l'a dit,
26 c'est bien écrit ici. Il était le conseiller au sein du gouvernement de la
27 République serbe de la Krajina. En réalité, il était le conseiller du
28 premier ministre Rajko Zecevic. Cela étant dit, mais je n'exclus pas la
Page 6239
1 question posée, vous savez, quand vous partez en négociation, vous partez
2 avec les demandes au maximum, et il faut les faire connaître dans la
3 presse. Il n'y a rien de bizarre là-dedans.
4 Q. Cette déclaration reflétait le point de vue de la délégation dont vous
5 faisiez partie; est-ce que vous dites cela ?
6 R. Oui. Evidemment, il fallait avoir des demandes maximales qu'il
7 s'agissait de présenter à la presse, aux médias. D'ailleurs, ce sont les
8 demandes que nous avons formulées à partir du moment où nous nous sommes
9 assis autour de la table de négociations à New York.
10 Q. Quand hier, quand vous avez dit que votre gouvernement n'a pas rejeté
11 une seule proposition formulée par les médiateurs internationaux, ceci ne
12 correspondait pas à la vérité, n'est-ce pas ? Puisqu'ici, on voit bien un
13 document où l'on indique que votre délégation avait rejeté une proposition
14 formulée par les médiateurs internationaux.
15 R. Vous ne m'avez pas du tout compris, Monsieur, et je vais vous expliquer
16 pourquoi. Nous avons accepté toutes les propositions pour négocier, mais
17 cela ne veut pas dire que nous avons accepté les nuances et les opinions
18 des représentants de la FORPRONU.
19 Q. Qu'en est-il des propositions faites par M. Owen ? Vous les avez
20 refusées, n'est-ce pas ? D'ailleurs, c'est bien dit dans l'article, c'est
21 ce qu'on peut lire dans l'article.
22 R. Bien, Monsieur Whiting, je vous ai dit que nous n'étions pas d'accord
23 avec les points de vue exprimés par les représentants de la FORPRONU et des
24 Nations Unies, mais nous avons accepté de négocier à chaque fois. Nous
25 avons accepté toutes les propositions de négociations, c'est de cela que je
26 parlais. Mais évidemment que nous n'avons pas, à chaque fois, accepté les
27 points de vue formulés par M. Owen.
28 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser cette
Page 6240
1 pièce ? Je voudrais demander une cote.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Cette pièce a été versée au
3 dossier. Peut-on lui attribuer une cote ?
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du document 863.
5 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, moi aussi.
7 M. WHITING : [interprétation]
8 Q. Je vais parler par la suite des négociations et des différentes
9 négociations auxquelles vous avez pris part, mais pour l'instant, je
10 voudrais parler de la situation telle qu'elle était dans la RSK au moment
11 où vous y êtes arrivé pour prendre le poste de ministre des Affaires
12 extérieures au mois d'octobre 1992. Vous avez dit qu'au cours d'une des
13 premières réunions que vous avez eues avec M. Martic, il vous a dit qu'il
14 avait dit à Cyrus Vance que la raison pour laquelle la police gardait des
15 fusils dans la RSK était à cause des attaques perpétrées par les Croates.
16 Est-ce que vous vous souvenez de cela ? C'est aux pages 35 et 36 du
17 transcript.
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce que Martic vous a dit qu'il avait déjà dit cela au général de la
20 FORPRONU, Satish Nambiar, au mois de juillet 1992, que le général Nambiar
21 avait fermement rejeté son argument ? Est-ce qu'il vous a dit cela ?
22 R. Non. Je n'étais pas du tout informé de cette discussion qui aurait eu
23 lieu entre ce général et M. Martic.
24 Q. Bien. Je vais vous demander d'examiner rapidement la pièce 574 pour
25 voir si cela rafraîchit votre mémoire.
26 M. WHITING : [interprétation] Il y a un problème d'interprétation. Nous
27 recevons la traduction en B/C/S sur le canal anglais. Le témoin aura du mal
28 à suivre, peut-être.
Page 6241
1 Q. Monsieur, c'est un mémorandum qui a été versé au dossier déjà, en
2 l'espèce, venant du général Nambiar, où il relate la réunion qu'il a eue
3 avec Milan Martic le 29 juillet 1992. Je vous prie de bien vouloir examiner
4 le deuxième paragraphe. Je ne vais pas vous lire l'intégralité de ce
5 paragraphe, mais en somme, dans ce paragraphe, au niveau du petit A et
6 petit B --
7 M. WHITING : [interprétation] Le Greffier, essayez, s'il vous plaît, de
8 montrer cela au témoin.
9 Q. Le général Nambiar raconte que M. Martic justifie le maintien d'une
10 milice d'un certain nombre, et sur le petit B, on peut lire qu'il souhaite
11 -- qu'il insiste pour que les membres de la milice aient des fusils pour se
12 protéger des Croates. Au niveau du troisième paragraphe, vous allez voir la
13 réponse du général Nambiar qui dit : dans ma réponse, j'ai expliqué que
14 nous insistions pour continuer la démilitarisation et que les forces de la
15 police portent uniquement des pistolets avec le but de maintenir la paix et
16 de revenir à une vie normale dans la région le plus rapidement possible.
17 J'ai renouvelé mon point de vue, à savoir que le Conseil de sécurité
18 n'allait pas approuver un quelconque changement au niveau du plan Vance-
19 Owen. Quant à lui, il a insisté qu'il allait aider la FORPRONU en donnant
20 l'ordre pour un désarmement immédiat et un démantèlement de la milice des
21 frontières, et la milice spéciale devait faire en sorte que toutes les
22 armes autres que les armes du service soient remises au contrôle de la
23 FORPRONU.
24 Maintenant que vous avez vu ce document, est-ce que M. Martic
25 -- est-ce que vous vous souvenez si M. Martic vous a dit cela ? Est-ce
26 qu'il vous a dit cela ? Est-ce qu'il vous a raconté ce qui s'est passé en
27 1992, qu'il avait déjà fait cette proposition à la FORPRONU et qu'elle
28 avait été rejetée ?
Page 6242
1 R. Vous voyez très bien qu'il n'y avait pas de compréhension par rapport à
2 la situation dans laquelle se trouvait la population serbe dans la RSK. Si
3 les forces de l'ONU avaient fait quoi que ce soit pour protéger la
4 population serbe des forces croates, évidemment qu'on aurait remis toutes
5 les armes. Le plan Vance ne pouvait pas être mis en place, mis en œuvre à
6 cause des activités des forces croates. Ces fusils automatiques, c'était
7 juste le sommet de l'iceberg. C'était juste une chose en plus.
8 Q. Je vais vous poser encore une seule question. Est-ce que vous pensez
9 qu'à partir du moment où on a dit à M. Martic au mois de juillet que sa
10 position n'était pas correcte, qu'elle n'allait pas être acceptée, est-ce
11 que vous pensez qu'il a eu raison de n'avoir rien fait au mois de novembre
12 1992 pour respecter le plan Vance, alors qu'il savait que sa position avait
13 été déjà rejetée une fois ? Est-ce que vous pensez -- est-ce que vous
14 approuvez cela ?
15 R. Je l'approuve. Je pense qu'il avait raison parce que personne d'autre
16 ne voulait protéger les Serbes, la population serbe, pas, en tout cas,
17 conformément au plan Vance.
18 Q. Monsieur, vous n'avez pas -- vous avez répondu à la question.
19 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais demander que l'on fasse une pause
20 maintenant.
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je voudrais, Monsieur Whiting,
22 entendre la question que vous avez posée à l'origine, à savoir si M. Martic
23 lui a dit au début, quand il est arrivé à son poste, que son plan avait
24 déjà été rejeté une fois, parce qu'il n'a pas répondu.
25 M. WHITING : [interprétation] Je vais lui poser la question.
26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons prendre une pause
28 maintenant et reprendre nos travaux à 12 heures 30.
Page 6243
1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 05.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.
4 M. WHITING : [interprétation]
5 Q. Monsieur Jarcevic, quand vous êtes arrivé et quand vous êtes devenu le
6 premier ministre de la RSK au mois d'octobre 1992, vous souvenez-vous si M.
7 Martic vous a dit qu'il avait déjà eu une dispute avec le commandant de la
8 FORPRONU concernant le fait que les policiers avaient des armes, des
9 fusils, et que son point de vue a été rejeté.
10 R. Monsieur Whiting, évidemment que je suis au courant du problème. Ceci
11 figurait dans notre plan Vance-Owen, c'est vrai, mais à cause de
12 l'agression croate malheureusement ceci n'a pas pu être mis en place.
13 Q. Monsieur, vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question était de
14 savoir quand vous êtes arrivé et quand vous êtes devenu le ministre des
15 Affaires étrangères de Radovan Karadzic en 1992, vous nous avez dit que
16 vous avez eu cette réunion avec M. Martic et il avançait l'argument, cet
17 argument de Cyrus Vance au sujet de la question de savoir pourquoi les
18 forces serbes dans la RSK devaient maintenir leurs canons d'après le plan
19 Vance. Veuillez écouter ma question et y répondre. Ma question est la
20 suivante : est-ce qu'à cette époque-là, M. Martic vous a dit qu'il avait
21 déjà avancé cet argument au commandant de la FORPRONU, en juillet 1992 et
22 que ceci avait été rejeté ?
23 R. J'ai dit que M. Martic ne m'avait pas informé de cette conversation
24 avec Satish Nambiar. Je l'ai dit avant la pause.
25 Q. En fait, vous n'étiez pas entièrement informé des événements qui
26 s'étaient produits avant votre arrivée. C'est clair maintenant vous
27 l'acceptez.
28 R. Monsieur Whiting, bien sûr que je n'étais pas au courant de tous les
Page 6244
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6245
1 détails et de tous les événements qui se sont déroulés avant mon arrivée,
2 et probablement encore aujourd'hui je ne sais pas tout ce qui s'est passé
3 même pendant que j'étais ministre. C'est normal. C'est humain.
4 Q. Je vais revenir maintenant au sujet du plan Vance et de la
5 démilitarisation. N'est-il pas vrai de dire que dès le début de la mise en
6 œuvre du plan Vance en 1992, les forces serbes en RSK ont refusé de se
7 plier aux demandes de démilitarisation, n'est-ce pas ?
8 R. Les forces serbes ont accepté la demande de démilitarisation et comme
9 je l'ai dit ils ont mis les armes lourdes sous une double clé. C'était
10 l'élément le plus important de la démilitarisation.
11 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, qu'ils n'ont pas accompli à
12 100 % leurs obligations par rapport à la démilitarisation ? Ils ne l'ont
13 pas fait dès le début et ils ne l'ont jamais fait ensuite, n'est-ce pas ?
14 R. Je ne sais pas ce que vous souhaitez obtenir de moi. La démilitarisation
15 dans le sens de placer les armes lourdes sous le verrou a été effectuée.
16 D'après le plan Vance, l'armée de la RSK n'était pas englobée par ce plan,
17 mais ce plan n'avait pas prévu non plus une agression croate dans les zones
18 protégées par les Nations Unies. Les deux événements ont été liés. Le
19 peuple serbe a dû se défendre car il n'y avait pas d'autres protecteurs ni
20 défenseurs. Je ne comprends pas pourquoi encore aujourd'hui, on a du mal à
21 comprendre les souffrances du peuple serbe.
22 Q. Monsieur, encore une fois, veuillez vous consacrer sur ma question et
23 répondre à ma question. Etes-vous d'accord pour dire que la
24 démilitarisation impliquait qu'il fallait rendre toutes les armes, sauf les
25 armes légères ?
26 R. Oui.
27 Q. Au sein de la RSK, ceci n'a jamais été respecté, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, car la paix n'a jamais été établie, n'a jamais régné.
Page 6246
1 Q. N'est-il pas vrai également, Monsieur, que la démilitarisation
2 prévoyait que toutes les forces, sauf la police, soient écartées, ceci non
3 plus n'a jamais été respecté, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Je peux vous dire la chose suivante. Les forces de l'armée de la
6 République serbe de Krajina existaient, mais ne disposait pas d'armes
7 lourdes. Je ne sais pas comment vous voulez que le peuple se défende de
8 l'agression croate sans armée. Il n'y a pas eu d'autres solutions proposées
9 par les Nations Unies, même s'ils l'avaient promis par le biais du plan
10 Vance.
11 Q. Examinons un document, s'il vous plaît. Il s'agit du document 00242533.
12 Il s'agit du rapport du secrétaire général en date du 28 septembre 1992
13 concernant les événements qui se sont déroulés en Croatie et ce qui se
14 passait à l'époque en Croatie. Puisque ce rapport a été émis seulement un
15 mois avant que vous n'ayez pris fonction, je suppose que vous êtes au
16 courant de cela. Il s'agit de la pièce 75, excusez-moi je ne l'avais pas
17 dit. Je pense encore une fois que nous devrons changer l'ordre.
18 Apparemment, nous n'avons pas la traduction de ce document. Je vais vous le
19 lire. Monsieur, vous allez bien ?
20 R. Ai-je l'air aussi misérable ? Je me sens bien, merci.
21 Q. Excusez-moi, j'avais l'impression que vous étiez en train de soupirer.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement vous aviez l'air
23 pas en forme tout à l'heure, ne m'interrompez pas, s'il vous plaît. Si vous
24 ne sentez pas bien, nous devons tenir compte de cela et vous accordez une
25 pause. Vous avez pris cela à la légère, mais pour nous c'est sérieux. Vous
26 sentez-vous bien, Monsieur ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me sens bien. Effectivement, je suis un peu
28 ému, simplement en raison du fait qu'il m'est difficile d'accepter que le
Page 6247
1 monde ne comprenne toujours pas la situation dans laquelle nous nous sommes
2 retrouvés. Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais survivre.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Etes-vous en mesure de continuer ce
4 contre-interrogatoire ou est-ce que vous préférez que l'on procède à une
5 brève pause ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas besoin de pause. Nous pouvons
7 poursuivre. Merci.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Merci,
9 Monsieur Whiting.
10 M. WHITING : [interprétation] Merci.
11 Q. Je vais simplement ajouter que si à un moment donné vous ressentez des
12 difficultés, veuillez nous le dire, et nous allons nous interrompre.
13 R. Merci beaucoup. Je vais vous le dire.
14 Q. Si vous examinez la page de ce document, encore une fois il s'agit de
15 la pièce à conviction 75. Ce qui m'intéresse c'est le paragraphe 4, je vais
16 simplement lire. Tout d'abord, est-ce que vous vous souvenez -- je sais que
17 nous n'avons pas de version dans votre langue, mais est-ce que vous vous
18 souvenez avoir vu ce document lorsque vous avez pris vos fonctions en tant
19 que ministre des Affaires étrangères au sein de la RSK, que ce rapport
20 avait été émis un mois auparavant par les Nations Unies ? Est-ce que vous
21 vous en souvenez ?
22 R. Monsieur Whiting, croyez-moi, il va falloir que je vous explique
23 quelque chose avec votre permission.
24 Q. Si vous pourriez, s'il vous plaît, simplement --
25 R. Cela concerne --
26 Q. Non, veuillez répondre à ma question, s'il vous plaît, et me dire si
27 vous vous souvenez avoir reçu ce rapport au moment où vous avez pris vos
28 fonctions en tant que ministre des Affaires étrangères de la RSK ? Oui ou
Page 6248
1 non.
2 R. Je ne m'en souviens pas.
3 Q. Très bien. Examinons maintenant le paragraphe 4, où il est écrit comme
4 suit -- tout d'abord il est question de deux phases de la démilitarisation
5 qui avance bien, puis il est dit : "Cependant, la démilitarisation complète
6 des zones placées sous la protection de l'ONU ont été reportées en raison
7 de la violation du plan de l'ONU mentionnée dans mon rapport le 27 juillet.
8 Il s'agit de la création des nouvelles forces de milice serbes qui
9 s'appelle parfois forces spéciales de la police, parfois la police de la
10 frontière, les brigades de police à fins multiples constituées des anciens
11 membres de la JNA, de la Défense territoriale et des éléments irréguliers."
12 Tout d'abord, ceci est vrai, n'est-ce pas, Monsieur Jarcevic ?
13 R. Oui, effectivement, c'est ainsi que les armées ont été créées dans
14 toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie, y compris la Bosnie-
15 Herzégovine. Ils étaient tous, pour la plupart au moins, précédemment des
16 soldats et des officiers de la JNA.
17 Q. Le fait de maintenir ces forces avec leurs armes en RSK constituait une
18 violation dès le début du plan Vance, n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Le plan Vance était violé de tous les côtés.
20 Q. Examinons maintenant le paragraphe 34 qui figure à la page 11 de ce
21 document. Je vais lire le début de ce paragraphe et vous poser la même
22 question. Il y est dit : "La cause principale de la détérioration de la
23 situation dans les zones placées sous la protection de l'ONU depuis fin
24 juillet se trouve dans la décision des autorités de Knin de créer de
25 nouvelles forces paramilitaires. Cette action n'est pas conforme à la
26 démilitarisation des zones protégées par l'ONU et constitue une violation
27 flagrante du plan de l'ONU. Les dégâts occasionnés sont d'autant plus
28 grands en raison du comportement illégal et cruel de ces dites unités de la
Page 6249
1 police. Malgré la vigilance de la FORPRONU, ils ont ravivé certaines des
2 caractéristiques du comportement serbe les plus problématiques manifestées
3 au cours de la guerre en Croatie, y compris le 'nettoyage ethnique' et ils
4 ont créé des conditions de faire régner l'anarchie, notamment dans le
5 secteur est."
6 N'est- il pas vrai, Monsieur, que la situation qui existait lorsque vous
7 êtes devenu ministre des Affaires étrangères de la RSK en octobre 1992
8 ressemblait à cela ?
9 R. Monsieur Whiting, ce qui est dit dans ce document est vrai. Cependant,
10 la situation en Krajina n'a pas été décrite de manière exacte.
11 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, que les forces paramilitaires qui ont été
12 décrites ici ont commis des violations flagrantes du plan de l'ONU ? Je
13 pense que vous avez déjà accepté cela, n'est-ce pas ?
14 R. Il n'est pas vrai de dire qu'il s'agit là des formations
15 paramilitaires. Si le même document ne dit pas la même chose au sujet des
16 forces croates, qui étaient elles aussi paramilitaires.
17 Q. Peu importe le terme paramilitaire ou pas. Il est vrai, n'est-ce pas,
18 que les forces créées par les autorités de Knin avaient violé le plan de
19 l'ONU ? Je pense que vous aviez déjà accepté cela auparavant, n'est-ce pas
20 ?
21 R. Ecoutez, je ne serais pas d'accord pour dire que c'est ainsi que l'on
22 violait le plan Vance, car le plan Vance ne régulait pas la question de
23 savoir comment il fallait utiliser et déployer l'armée en Croatie et en
24 République serbe de Krajina. La seule chose qui était dite était que les
25 forces devaient être désarmées en République serbe de Krajina et le
26 gouvernement l'a effectué en plaçant les armes lourdes sous le verrou
27 double.
28 Q. Je ne vais pas revenir à la question du désarmement, puisque vous avez
Page 6250
1 déjà répondu à ces questions. Nous allons parler de la deuxième partie de
2 ce paragraphe. Il est vrai, n'est-ce pas, que les unités de la police de la
3 RSK ont agi d'une manière illégale et cruelle, n'est-ce pas, comme ceci est
4 indiqué dans ce rapport ? C'est vrai, n'est-ce pas ?
5 R. Il n'est pas exact qu'ils se comportaient de manière cruelle ni qu'ils
6 procédaient au nettoyage ethnique. Je ne suis pas d'accord avec cela tout
7 simplement car un tel plan n'existait pas au sein du gouvernement de la
8 RSK.
9 Q. Nous y reviendrons. Au paragraphe 35, il est dit : "Il est
10 particulièrement grave de noter que la situation en matière de sécurité qui
11 se détériore rend impossible à la FORPRONU et au HCR de commencer des
12 programmes importants pour le retour des réfugiés et des personnes
13 déplacées chez eux."
14 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, Monsieur, que le refus des autorités de la
15 RSK de respecter la démilitarisation a rendu impossible aux réfugiés de
16 revenir en RSK; n'est-ce pas vrai ?
17 R. Ce n'est pas vrai car on ne mentionne pas le problème principal lié au
18 retour des Serbes qui avaient été expulsés en nombre bien plus élevé. C'est
19 la défaillance de ce document qui montre clairement quelle était l'attitude
20 de l'ONU envers les Serbes par opposition à l'attitude envers les Croates.
21 Pourquoi n'ont-ils pas enregistré l'expulsion des Serbes ?
22 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, Monsieur, pour dire que les
23 autorités de Knin n'ont jamais créé de condition en RSK permettant aux
24 réfugiés de rentrer en RSK ? Est-ce que vous êtes d'accord ?
25 R. Oui, en raison des sanctions et en raison du manque de
26 réciprocité.
27 Q. Je souhaite que l'on examine un autre rapport qui a été émis lorsque
28 vous étiez ministre des Affaires étrangères de la RSK. Il s'agit du numéro
Page 6251
1 00241473. La date est le 24 novembre 1992.
2 M. WHITING : [interprétation] Je souhaite que l'on examine le paragraphe
3 11, à la page 3 en anglais. Je ne suis pas sûr quelle est la page en B/C/S.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je n'ai que cela.
5 M. WHITING : [interprétation]
6 Q. Je vais vous demander de vous concentrer sur le paragraphe 11.
7 M. WHITING : [interprétation] En anglais, si l'on peut retrouver la page 3.
8 Q. Dans le paragraphe 11 qui s'enchaîne sur le paragraphe suivant, il dit
9 : la démilitarisation a été empêchée par ledit gouvernement de la
10 République serbe de Krajina. Ensuite, il a expliqué de quelle manière ces
11 autorités ont remplacé la JNA et la TO par les forces de milice serbe en
12 utilisant des pièges de type différent. C'est vrai, n'est-ce pas ? Ceci est
13 conforme à ce qui s'est passé; d'après vos informations, les forces de la
14 JNA et de la Défense territoriale sont simplement devenues les forces de la
15 Milicija serbe ?
16 R. Il y a trois questions. Dans ma réponse, j'ai dit que c'est ainsi que
17 l'on créait également l'armée croate et slovène. Toutes ces armées ont été
18 crées à la base des officiers et des soldats de la JNA. Mais permettez-moi
19 une chose. Il est dit ici : le gouvernement de la République serbe de
20 Krajina à Knin, entre guillemets, ce qui veut dire que le Conseil de
21 sécurité ne nous a pas reconnus en tant que gouvernement. Ils l'ont fait
22 seulement au moment où il fallait signer le plan Vance, donc ceci reflète
23 l'approche deux poids, deux mesures qui nous était réservée.
24 Q. [aucune interprétation]
25 R. Tantôt on était reconnus, tantôt pas.
26 Q. Monsieur, ceci n'est pas la première fois aujourd'hui que vous dites
27 que la République serbe de Krajina n'a jamais été reconnue en tant qu'Etat
28 par quelque pays que ce soit du monde ni par les Nations Unies. Vous le
Page 6252
1 savez, n'est-ce pas ?
2 R. Mais d'après la charte de l'ONU, il existe des Etats qui ne sont pas
3 reconnus. Ceci est connu, et vous le savez vous-même.
4 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Vous avez continué à répondre en
5 parlant de la Croatie et de la Slovénie. Or, ma question portait sur la
6 RSK, et la question est de savoir s'il n'est pas vrai que la JNA et les
7 forces de la Défense territoriale ont simplement reçu d'autres noms et
8 parfois de nouveaux uniformes, et elles ont commencé à être appelées les
9 forces de Milicija et elles ont été maintenues au sein de la RSK. N'est-il
10 pas vrai que ceci s'est passé conformément à ce document ?
11 R. Ceci est normal puisque ces gens-là sont nés dans cette région et ils
12 sont restés chez eux.
13 M. WHITING : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le paragraphe
14 12 ? Il est à l'écran. Peut-être que nous pouvons l'agrandir en anglais, et
15 la partie qui nous intéresse est à la fin du paragraphe 12, je suppose que
16 cela va être la page suivante en B/C/S. Si vous pouvez agrandir un peu le
17 paragraphe 12 dans la version en anglais, peut-être il sera plus facile de
18 lire ainsi. Très bien. Il va falloir que l'on fasse plus d'efforts.
19 Q. Dans le paragraphe 12, il est écrit : "Mes représentants ont insisté
20 pour que le Conseil de sécurité continue à considérer les autorités de
21 Belgrade responsables pour la mise en œuvre du plan de paix, ce qu'ils
22 avaient accepté auparavant. Apparemment, il est évident que les autorités
23 de Belgrade pourraient, si elles le décidaient, prendre des mesures afin de
24 persuader les autorités serbes locales, notamment à la lumière de la
25 dépendance économique importante d'une grande partie des zones protégées
26 par les Nations Unies de la RFY." Il est vrai, n'est-ce pas, que Belgrade
27 aurait pu influencer la RSK à l'époque sur ce sujet ? Vous êtes d'accord ?
28 R. Pas entièrement. Mais ce que je pourrais dire, c'est qu'il s'agissait
Page 6253
1 là des relations les plus étroites existant entre les deux pays.
2 Q. [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez de quels pays ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] La République serbe Krajina était un Etat, et
5 son caractère d'Etat découle de l'année 1630. Mais vous ne me permettez pas
6 de le mentionner. Leurs fonctions, les fonctions d'Etat au sein de la RSK
7 sont bien plus anciennes que celles en Serbie.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre à ma
9 question ? Quels deux pays ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] La République fédérale de Yougoslavie et la
11 République serbe de Krajina.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
13 M. WHITING : [interprétation]
14 Q. Monsieur, nous allons maintenant prendre l'exemple de votre situation.
15 Vous êtes devenu ministre des Affaires étrangères de la RSK; cependant,
16 vous n'aviez pas de liens auparavant avec la RSK, vous avez été recommandé
17 pour ce poste par les Serbes en Bosnie. Belgrade vous payait, et vous aviez
18 votre bureau à Belgrade.
19 R. C'est exact.
20 Q. Ceci est un peu différent par rapport à la situation où l'on a deux
21 Etats différents, n'est-ce pas ?
22 R. C'est exact. Je l'ai expliqué dans le détail, hier. Maintenant, vous
23 voulez diviser le peuple serbe selon les provinces ou par quelque chose de
24 ce genre. Les terres serbes, pour moi, se trouvent dans la République serbe
25 de la Krajina, en Serbie et en Bosnie. Il s'agit là de terres serbes, et la
26 République fédérale de Yougoslavie, l'ancienne Yougoslavie était des zones
27 habitées par des Serbes.
28 Q. Mais vous n'êtes pas en désaccord avec ce que j'ai dit tout à l'heure,
Page 6254
1 à savoir qu'étant donné ces liens étroits, quelle que soit leur nature,
2 Belgrade aurait pu exercer pas mal d'influence sur les autorités locales
3 serbes à cette époque en 1992; est-ce exact ?
4 R. Nous avons écouté leurs opinions, les opinions de notre allié et il y
5 avait des relations normales entre deux Etats.
6 Q. Je crois que vous nous avez dit, n'est-ce pas, que c'est quelque chose
7 de plus proche que deux Etats, c'est un peu plus comme un seul Etat ?
8 R. Vous savez, les mesures qui ont été prises par les Nations Unies contre
9 les deux nous ont rapprochés davantage, davantage qu'avant, ce qui est
10 quelque chose de tout à fait naturel.
11 M. WHITING : [interprétation] Pourrait-on faire accepter -- verser ce
12 document au dossier ?
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est le cas. Veuillez lui
14 attribuer une cote.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote 864.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
17 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Q. Je voudrais maintenant que nous examinions un rapport provenant des
19 Nations Unies. Celui-ci concerne les droits de l'homme dans le territoire
20 de l'ancienne Yougoslavie. Ce document porte le numéro 02191193 daté du 17
21 novembre 1992. Plus tôt aujourd'hui, il s'agit de la page 21 du compte
22 rendu d'audience d'aujourd'hui, vous avez dit que toute activité
23 criminelle, toute discrimination contre les Croates à l'intérieur de la RSK
24 n'avait pas été organisée par le gouvernement. Vous vous souvenez d'avoir
25 déposé en ce sens ?
26 R. Oui, c'était comme cela que cela s'est produit.
27 Q. Mais ce n'est pas vrai. Nous allons regarder le paragraphe 78 de ce
28 document, à la page 25.
Page 6255
1 Il est dit, au paragraphe 78, que dans le secteur sud, une partie de la
2 soi-disant République de la Krajina, les autorités locales pratiquaient la
3 discrimination. Les tribunaux ne fonctionnent toujours pas convenablement
4 et les processus d'enquête de la police locale, dans l'opinion des
5 responsables de la FORPRONU, ont quasiment cessé d'exister.
6 Il s'agit là d'une source de grandes préoccupations pour le personnel des
7 Nations Unies qui rassemble les éléments de preuve concernant des meurtres,
8 des vols, des pillages et d'autres formes de violence criminelle très
9 souvent liées à un nettoyage ethnique. Là où selon leur mandat, de tels
10 moyens de preuve sont transférés aux autorités locales, ces derniers sont
11 hésitants, hésitent avant de prendre des mesures, et parfois sont
12 ouvertement non coopératifs.
13 Au paragraphe 79, il est dit : beaucoup de personnes veulent désespérément
14 fuir la zone; cependant, avant de recevoir l'autorisation des autorités
15 locales, ces personnes sont très souvent obligées de signer une déclaration
16 selon laquelle leur départ est volontaire, ce qui sème la confusion en ce
17 qui concerne le statut juridique de leurs biens et en même temps efface
18 tout moyen de preuve concernant le nettoyage ethnique. C'est vrai, n'est-ce
19 pas ? C'était cela la situation en RSK en novembre 1992, à l'époque où vous
20 étiez ministre des Affaires étrangères de la RSK ?
21 R. Monsieur Whiting, je vais prendre la liberté de dire que je ne suis pas
22 d'accord avec -- je ne fais pas confiance à chacun des rapports soumis par
23 le Conseil de sécurité sous la forme de ces documents. Je vais vous donner
24 un exemple. En 1992, lorsque je suis devenu ministre, Nambiar a parlé lors
25 d'une conférence de presse à Belgrade concernant certains poulets qui
26 avaient été volés dans une certaine partie de la Krajina sans parler du
27 tout de meurtres de certains Serbes par des Croates. Ces Serbes ont été
28 tués dans le champ où ils travaillaient. Maintenant, pourquoi ce type de
Page 6256
1 cas-là n'a jamais été documenté dans ces documents ? Certains de ces cas
2 étaient bien pires que celui qui est mentionné ici. En ce qui concerne le
3 sud, il y a des éléments de preuve effectifs, et ils vont vous être
4 montrés, montrant que ceux qui ont pris des mesures contre les Croates ont
5 été arrêtés et punis. Il est dit qu'ils étaient hésitants. Mais dans de
6 telles circonstances, il n'y avait pas d'approvisionnement, pas
7 d'électricité; comment pouvaient-elles, ces agences, fonctionner
8 convenablement ?
9 Q. A la fin de votre question, il semblait -- vous donniez l'impression
10 d'être d'accord avec le fait que les autorités ne fonctionnaient pas
11 convenablement et qu'elles ne répondaient pas à ces problèmes. Vous êtes
12 d'accord pour dire que c'est ce qui se passait, comme décrit dans le
13 document, n'est-ce pas ?
14 R. J'ai dit qu'ils ont été arrêtés, Monsieur. C'est que j'ai dit.
15 Q. Ensuite, vous avez dit qu'ils étaient lents à réagir, mais dans de
16 telles circonstances où il n'y avait pas d'approvisionnement ni
17 d'électricité, comment ces agences pouvaient-elles fonctionner
18 convenablement ? Vous donnez l'impression que vous voulez justifier le fait
19 que les autorités de la RSK n'étaient pas à même de répondre et de traiter
20 des problèmes qui se posaient en RSK en termes de nettoyage ethnique; est-
21 ce exact ?
22 R. J'ai dit que des arrestations ont été effectuées. Qu'est-ce que vous
23 voulez de plus de moi ? Il y a une phrase qui dit qu'ils ont été très lents
24 à réagir; est-ce que vous savez que les autorités n'ont pas fait un seul
25 rapport, ni aucun chef d'accusation n'a été porté contre ceux qui étaient
26 responsables de ces tueries dans ce champ ? Pouvez-vous imaginer une forme
27 d'administration de la justice alors que 600 personnes ont été tuées à
28 Sisak ?
Page 6257
1 Q. Quand je vous pose des questions concernant ce qui se passe en RSK, je
2 cherche des réponses à ces questions pertinentes à la RSK. Si vous
3 continuez tout le temps de me dire ce qui se passe en Croatie, vous
4 comprenez, nous nous concentrons ici sur la RSK --
5 L'INTERPRÈTE : Le témoin intervient, M. Whiting continue.
6 M. WHITING : [interprétation]
7 Q. -- Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que ce qui est déclaré
8 dans ce document concernant les autorités locales et le fait pour eux de ne
9 pas se préoccuper des problèmes qui se produisaient dans le secteur sud de
10 la RSK est exact ? Car vous semblez donner des justifications à ceci.
11 R. Je n'ai simplement remarqué que des documents de ce type devraient
12 également contenir des moyens concernant le nettoyage ethnique des Serbes.
13 Il n'y a qu'un seul document des Nations Unies de ce type. Je commentais
14 sur le document à proprement parler.
15 Q. Ce document unique des Nations Unies, vous l'avez cité hier, et il date
16 de 1993. Nous allons l'examiner plus tard. Ce document se réfère à des
17 Serbes qui ont été déplacés de la Croatie et à beaucoup de réfugiés. Hier,
18 vous avez parlé de ceci. Hier, vous avez -- en vous basant sur ce document.
19 Est-ce que c'est le cas, Monsieur, que vous donnez du crédit au document
20 des Nations Unies quand ils soutiennent, quand ils appuient les Serbes,
21 mais que vous ne leur donnez aucun crédit quand ils critiquent les Serbes ?
22 Est-ce que c'est votre point de vue ?
23 R. Non, ce n'est pas mon point de vue, en tout cas pas formulé de cette
24 façon-là. Mais en tout cas, il y a une centaine de documents qui éclairent
25 d'une lumière négative sur les Serbes, alors qu'un seul donne un éclairage
26 positif de ceci. Cet équilibre ne peut être accepté parce que cela ne
27 correspond pas à ce qui s'est passé.
28 Q. Nous allons maintenant examiner de plus près le paragraphe 79, car on
Page 6258
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 6259
1 ne peut pas l'expliquer par le manque d'électricité ou d'autres manques. Il
2 est dit que les autorités locales ont forcé les personnes qui partaient à
3 signer une déclaration selon laquelle leur départ était volontaire. Ceci
4 était présenté comme un élément montrant l'existence d'un nettoyage
5 ethnique, et ceci est vrai, n'est-ce pas ? C'est ce qui est passé dans le
6 secteur sud à l'époque ?
7 R. C'est la première fois que j'entends parler de ce cas, croyez-le. Je
8 voudrais vous expliquer. Les Nations Unies ne faisaient pas -- ne
9 remettaient pas leurs documents au gouvernement de la RSK, c'était
10 simplement une pure coïncidence que nous ayons pu les obtenir, si quelqu'un
11 de la FORPRONU décidait de nous donner ces documents ou si quelqu'un du
12 ministère des Affaires étrangères de la Serbie décidait de nous les donner,
13 ou si la Yougoslavie en faisait de même, mais c'était très rarement le cas,
14 ou parfois il y avait également nos collègues à New York nous nous
15 faisaient parvenir ces documents. C'est pour cela que nous qui étions dans
16 le gouvernement, nous n'avions pas une image complète de la façon dont
17 notre gouvernement était vu de l'autre côté. C'est pour cela que nous avons
18 immédiatement considéré cela de cette manière et que nous avons signé le
19 plan Vance.
20 Q. Mais je suis désolé. Hier, vous nous avez dit, vous nous avez expliqué
21 que vous aviez votre bureau à Belgrade, et la raison d'après ce que j'avais
22 compris, c'est que vous pourriez avoir des contacts avec tout le
23 gouvernement étranger de Belgrade, et cetera. Maintenant, ce que vous nous
24 dites, c'est que vous étiez isolé et que vous n'aviez pas accès à de telles
25 choses.
26 R. Monsieur Whiting, on aurait été encore plus isolés si nous avions été à
27 Knin. Je vous dirais que pendant une certaine période de temps, l'ambassade
28 américaine nous a retourné des documents sous pli scellé en nous disant et
Page 6260
1 en nous informant qu'ils n'avaient même pas ouvert les documents.
2 Maintenant, ce n'est pas une façon d'agir dans les cercles diplomatiques.
3 Q. Monsieur Jarcevic, concernant l'expulsion des Croates de la RSK, est-ce
4 que vous croyez véritablement, n'est-ce pas, et il me semble que vous le
5 croyez véritablement, que l'expulsion des civils croates depuis le
6 territoire de la RSK, c'était quelque chose qui avait été fabriqué par les
7 Croates de façon à pouvoir le reprocher aux Serbes ? Est-ce que c'est cela
8 que vous croyez ?
9 R. Je pense que la plupart des Croates qui sont partis de la RSK l'ont
10 fait du fait d'un scénario inventé par le gouvernement croate.
11 Q. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus dans les détails ce que vous
12 entendez par là ?
13 R. C'est assez simple. Il s'agissait d'une guerre de l'information et de
14 renseignements que la RSK était incapable de lancer sur une base d'égalité
15 avec la Croatie, car la Croatie avait des moyens financiers, ils étaient en
16 mesure de payer les agences de presse internationales pour mener des
17 campagnes concernant les mauvais traitements que subissaient les
18 populations croates, bien que je ne veuille pas dire par là qu'au niveau
19 local, il n'y avait pas eu de conflits entre membres des peuples croates et
20 serbes. Mais cela démarrait toujours par le meurtre de Serbes par des
21 Croates.
22 Q. Je vais vous interrompre parce que vous parlez de quelque chose
23 d'autre. Vous parlez des campagnes, de la propagande, et cetera, les
24 médias. Mais ma question, c'était ceci. Vous avez dit que la plupart des
25 Croates ont quitté la RSK du fait d'un scénario inventé par le gouvernement
26 croate et vous avez dit par ailleurs dans une autre déposition que vous
27 croyiez que l'expulsion des civils croates depuis le territoire de la RSK
28 avait été fabriquée par les Croates, que les Croates l'avait causée et
Page 6261
1 qu'ils l'avaient fabriquée de façon à ce que ces derniers puissent le
2 reprocher aux Serbes. Vous le croyez, n'est-ce pas ?
3 R. Bien entendu, car le gouvernement croate avait l'intention d'expulser
4 les Croates de tout le territoire de la Croatie. Il y a des documents qui
5 le prouvent, même le document des Nations Unies du 15 mai 1993. Maintenant
6 --
7 Q. [aucune interprétation]
8 R. -- pourquoi le gouvernement croate traiterait les Croates de -- les
9 Serbes de Dubrovnik d'une façon différente ?
10 Q. D'abord, vous pensez que le gouvernement croate était en train
11 d'expulser des Croates depuis la Croatie, et deuxièmement, que ceci vous a
12 fait croire que le gouvernement croate avait causé l'expulsion des Croates
13 de la RSK. C'est cela, votre raisonnement ?
14 R. Je crois qu'un grand nombre de Croates ont quitté la Krajina du fait
15 d'un scénario qui a été inventé par la Croatie. Je crois que je l'ai déjà
16 dit à deux reprises. J'espère avoir été clair.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel est ce scénario ? Quand vous
18 dites en fonction ou du fait de ce scénario, nous ne comprenons pas ce que
19 vous voulez dire. Pouvez-vous partager avec nous le secret de ce scénario,
20 nous expliquer de quoi il s'agissait ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président, et je
22 vous remercie du fait que vous êtes disposé à écouter mon explication. Vous
23 voyez, en 1990 et 1991 --
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous écoute et j'écoute tout ce qui
25 est dit ici.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990 et 1991, le Parlement croate a amendé
27 la constitution et, de ce fait, a pratiquement placé les Serbes hors la
28 loi, pas simplement ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la République
Page 6262
1 de la Krajina, ou plutôt dans la République de Krajina, mais tous les
2 Serbes. Ils ont amendé la partie de la constitution qui stipulait que les
3 décisions stratégiques ne pouvaient être prises qu'avec le consentement
4 total des membres des deux groupes ethniques. Seuls les députés croates ont
5 voté en faveur de cet amendement. Ceci constitue le fait d'avoir placé les
6 Serbes hors la loi. Ce qui s'est ensuite dit, c'est la fuite des Serbes de
7 la Croatie. Vous pouvez retrouver cela dans le bulletin qui est publié par
8 le gouvernement croate cette année. Il est clairement montré que pendant
9 que l'une de ces réunions, la décision du gouvernement dit que les Serbes
10 sont en train d'être tués par des membres de l'armée, de la police et par
11 des civils. Ce scénario particulier pouvait être mis en œuvre dans les
12 grandes villes, mais non en Krajina, là où il y avait une population serbe
13 majoritaire qui s'est organisée et a essayé d'empêcher ces intentions du
14 gouvernement croate. Vous avez 400 000 personnes qui ont été expulsées de
15 cette zone. Que pouvaient faire ces personnes qui devaient se cacher et
16 essayer de s'organiser ? Qu'est-ce qu'on peut s'attendre de telles
17 personnes ? Ils avaient connu le statut de peuple constitutif depuis 1630.
18 C'est cela, l'image complète. Bien entendu, la seule solution qu'avait la
19 Croatie à ce stade, c'est d'essayer de faire porter la culpabilité par
20 l'autre côté. Mais déjà, à cette époque-là, les Croates avaient expulsé 400
21 000 Serbes. Ils avaient organisé le départ des Croates après. Bien entendu,
22 je ne souhaite pas nier qu'il y avait un conflit interethnique et qu'un
23 certain nombre de Croates ont été obligés de fuir, car il y avait plus de
24 Serbes que de Croates. Il s'agissait de Croates armés qui ont été vaincus
25 et ont été obligés de se retirer avec leur famille. C'était une scène
26 atroce, mais néanmoins elle a été organisée par le gouvernement croate, et
27 c'était de façon à pouvoir cacher le fait que les Serbes avaient été
28 expulsés depuis Dubrovnik, Split et Zadar. Je peux vous dire qu'à Zadar,
Page 6263
1 cette petite station balnéaire, il y avait
2 26 000 Serbes et 25 000 Croates. Les 26 000 Serbes ont été expulsés et sont
3 arrivés dans le territoire de la RSK. Est-ce que vous pensez que vous êtes
4 capable de persuader qui que ce soit de ne pas prendre les armes et se
5 défendre ? Merci.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous entends. Vous avez parlé
7 surtout de l'expulsion de Serbes par des Croates. Je ne suis pas sûr de
8 comprendre comment tout ceci peut conforter l'idée que le gouvernement de
9 la Croatie avait créé ou fabriqué un système permettant l'expulsion de
10 Croates.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Le gouvernement a organisé l'évacuation des
12 Croates du territoire de la RSK afin d'accuser les autorités de la RSK et
13 la JNA d'avoir expulsé ces personnes. Beaucoup de ces personnes ont quitté
14 la zone de façon organisée, tout comme l'organisation terroriste allait le
15 faire plus tard avec l'évacuation de la population albanaise de cette zone
16 en 1999.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous dites que le gouvernement a
18 organisé l'évacuation des Croates depuis le territoire de la RSK afin de
19 pouvoir en accuser les autorités de la RSK, de quelles actions spécifiques
20 parlez-vous de la part du gouvernement pour organiser cette évacuation ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque le Parlement croate a amendé la
22 constitution, le gouvernement croate a commencé à mettre en place des
23 commissariats de police croates dans les zones habitées par les Serbes en
24 relevant de leurs fonctions certains membres serbes et en prenant à leur
25 place des Croates. Le même scénario s'est appliqué en 1941, lorsque les
26 officiers de police croates faisaient sortir 100 ou 200 personnes serbes et
27 les tuaient. Les Serbes avaient peur que tout ceci risquait de se répéter.
28 Localement, le gouvernement a pu organiser l'évacuation de Croates et de
Page 6264
1 faire passer cela pour une expulsion.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par
3 localement ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Les autorités locales, Monsieur le Président,
5 car si vous relevez de ses fonctions un officier de police serbe et que
6 vous le remplacez par un officier croate, bien entendu cette personne va
7 recevoir des instructions de son ministre et de son gouvernement. Il
8 recevrait des instructions de la même manière que l'officier de police qui
9 se trouva à Dubrovnik, celui qui a expulsé
10 2 200 Serbes de cette zone-là. Pourquoi un officier de police croate se
11 trouvant en Krajina se comporterait-il différemment ?
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est la suivante : comment
13 le fait de relever un policier serbe de ses fonctions et de le remplacer
14 par un Croate peut être la cause du déplacement d'un Croate depuis une zone
15 en particulier ? Moi, j'aurais imaginé bien au contraire que cela pourrait
16 attirer les Croates dans cette même zone.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ces commissariats de
18 police furent les endroits où les crimes ont commencé à être commis contre
19 les Serbes, alors tous les Serbes se sont organisés et ont résisté. Si un
20 officier de police croate se faisait tuer quelque part, c'était simplement
21 du fait que lui avait tué quelqu'un ou que des civils serbes avaient été
22 tués auparavant. C'est quelque chose qui a été utilisé par le gouvernement
23 croate à ses propres fins afin d'évacuer la population croate et la faire
24 partir de la Krajina.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que je vous comprends,
26 maintenant, mais je veux vérifier. Je vais vous dire ce que j'ai compris et
27 je voudrais que vous me disiez si j'ai raison. Voilà ce que j'ai compris.
28 Vous dites qu'à cause de toutes ces choses que vous prétendez, le
Page 6265
1 gouvernement aurait fait, à savoir, relever les policiers serbes de leurs
2 fonctions et les remplacer par des policiers croates, les Serbes ont été
3 obligés de se défendre, et ce faisant, ont fait partir les Croates, et le
4 gouvernement croate a reproché aux Serbes d'avoir fait fuir les Croates.
5 Est-ce que c'est cela que vous voulez dire ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'était une situation
7 complètement chaotique. Même les gens du cru ne comprenaient pas la
8 situation. Mais je vais vous citer un exemple. Par exemple, vous licenciez
9 dix Serbes d'une entreprise.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous ai posé une question simple.
11 Je vous ai posé une question simple. Est-ce que je vous ai bien compris
12 quand vous dites -- quand je dis ce que je viens de dire, ou vous ne m'avez
13 pas compris ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous avez compris que le gouvernement
15 croate, par les mesures qu'il a prises, a fait en sorte qu'il y ait des
16 conflits interethniques et que ce même gouvernement organisait les départs
17 des Croates de la République serbe de la Krajina, dans ce cas-là, vous
18 m'avez bien compris.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas ce que vous avez dit.
20 Vous avez dit que les Serbes se sont armés pour se défendre et que c'est
21 pour cela que les Croates sont partis, alors que maintenant vous dites que
22 c'est le gouvernement croate qui a organisé les départs des Croates de la
23 RSK. Là, nous avons deux déclarations différentes. Je ne vois pas où est
24 votre position, à moins que quand on parle de l'organisation, que vous
25 parlez de toute l'action de --
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense à la tuerie des Serbes.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] [chevauchement] -- pour provoquer une
28 vengeance et l'autodéfense.
Page 6266
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai dit que le gouvernement croate a
2 organisé le licenciement des Serbes. Ils ont ouvert des postes de police
3 dans les villages serbes. Les policiers croates étaient les premiers à
4 avoir tué des Serbes. Après cela, les Serbes se sont organisés pour se
5 défendre des incidents suivants provoqués par les policiers croates. Il y a
6 eu des conflits, des batailles, l'armée populaire yougoslave a pris part à
7 cela et la Croatie en a profité pour organiser le déplacement de la
8 population serbe, pour organiser les départs de la population croate de la
9 République serbe de la Krajina vers les villes croates.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
11 M. WHITING : [interprétation]
12 Q. Je vais aller un petit peu plus loin. Dits-moi si j'ai raison. Vous
13 avez dit que le gouvernement croate a fait exprès pour organiser
14 l'évacuation et l'expulsion de la population croate de la RSK pour
15 justement jeter le blâme sur les Serbes. Est-ce vraiment cela que vous
16 dites ? C'est ce que vous croyez ?
17 R. Oui, je l'ai dit. Si je l'ai dit, c'est que j'y crois.
18 Q. Plus tôt, nous avons abordé le thème des médias et de la propagande. Je
19 vais vous demander d'examiner le paragraphe 95 de ce document, à la page 28
20 dudit document. Dans ce document, les Nations Unies ont dit ce qui suit :
21 le blocus d'information qui existait depuis le début des hostilités dans
22 l'ex-Yougoslavie a des conséquences à long terme. Les médias électroniques
23 contrôlés par le gouvernement et la presse ont participé à une campagne de
24 propagande nationaliste et encline à un seul côté. Les médias officiels
25 n'ont rien fait pour se distancer de la politique de l'intolérance, et
26 comme résultat, nous avons davantage de haine, la haine qui a été nourrie
27 justement par cette propagande.
28 R. Est-ce que là il s'agit de médias de la République serbe de la
Page 6267
1 Krajina ? Parce que ceci n'est pas écrit dans cet article. On parle de
2 JuTel. JuTel, ce n'est pas un journal, un organe de la Krajina, c'étaient
3 des Yougoslaves, des gens qui étaient orientés -- une organisation pro
4 yougoslave plutôt que serbe. C'est pour cela qu'il s'appelle JuTel : "Ju",
5 c'est pour Yougoslave, et "Tel", télé.
6 Q. Pour vous répondre, justement dans cette partie du rapport on parle de
7 la Serbie et des médias serbes. Veuillez s'il vous plaît répondre à la
8 question. Cette description correspond-elle à la façon dont on parlait de
9 tout cela dans les médias en Serbie à l'époque ?
10 R. Monsieur le Procureur, dans la suite de la phrase, justement on parle
11 des médias croates et des médias serbes, on parle des deux, des deux pays,
12 de la presse dans les deux pays.
13 Q. Oui, effectivement. Mais je vous ai posé une question au sujet des
14 médias serbes. Pourriez-vous répondre à la question que je vous ai posée.
15 Est-il exact -- est-ce que ce qui est dit au sujet des médias serbes est
16 exact ?
17 R. Non, si on les compare aux médias croates, non, ce n'est pas vrai,
18 parce qu'il n'arrivait pas à la cheville des médias croates tellement ils
19 étaient eunuques, ces derniers.
20 Q. Oublions la Croatie un instant, s'il vous plaît. Répondez ma question
21 au sujet de médias serbes. Est-il exact que le gouvernement contrôlait les
22 médias électroniques, la presse qui a participé à la campagne de la
23 propagande nationaliste et que ceci a contribué à la préparation de la
24 haine. Est-ce exact ? Est-il exact que l'on voyait de tel phénomène dans
25 les médias serbes ?
26 R. Non, ce n'est pas exact.
27 M. WHITING : [interprétation] Nous allons regarder les conclusions et les
28 recommandations de ce rapport. Ceci se trouve au paragraphe 134.
Page 6268
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle page ?
2 M. WHITING : [interprétation] Page 38.
3 Q. Au niveau des paragraphes 134 et 135, on parle de la façon dont a
4 constitué le nettoyage ethnique dans la Bosnie-Herzégovine et en Croatie.
5 Au niveau du paragraphe 135 on peut lire, la continuation du nettoyage
6 ethnique dans un effort intensionnel de créer le fait accompli et ce qui
7 correspondait à la violation flagrante des engagements internationaux.
8 Ensuite, on peut lire : "Les autorités serbes contrôlaient de facto
9 certains territoires en Bosnie-Herzégovine et dans la région protégée par
10 les Nations Unies --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic ?
12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Puisque M. Jarcevic, au cours de
13 l'interrogatoire principal, a parlé de la situation en Yougoslavie, la
14 Défense se restreint pour soulever une objection puisque le Procureur
15 aborde un terme qui n'a pas du tout été abordé de l'interrogatoire
16 principal. Le Procureur pourtant continue, il parle de la guerre des
17 médias, la guerre de l'information, mais je pense que ceci dépasse
18 grandement la portée des questions posées par la Défense dans
19 l'interrogatoire principal.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, je vais lire ce que vous
21 avez dit parce que je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit. Vous
22 vous contredisez puisqu'au début vous dites, vu que M. Jarcevic a parlé de
23 la situation en Yougoslavie au cours de l'interrogatoire principal. Donc il
24 a déposé ce sujet. Ensuite, il n'a pas déposé au sujet de la situation en
25 Yougoslavie plus tard. Les phrases se contredisent. Je ne comprends pas ce
26 que vous vouliez dire par là - laissez-moi terminer. Ensuite, on parle de
27 chefs qui figurent dans l'acte d'accusation, se pose la question aussi de
28 l'entreprise criminelle commune, et ceci comprend la collaboration entre
Page 6269
1 les Yougoslaves et les gens de la Yougoslavie et les gens qui habitaient
2 dans la RSK, je sais que je ne vous ai pas très bien compris. Pourquoi
3 vous dites que ceci n'est pas pertinent ?
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce n'est pas cela que j'ai dit, pas du
5 tout, j'ai dit autre chose. J'ai dit que dans le contre-interrogatoire, le
6 Procureur doit faire suite à l'interrogatoire principal. Le Procureur
7 aurait pu faire venir son témoin et lui poser autant de questions qu'il
8 voulait au sujet de cette guerre médiatique. M. Jarcevic n'a pas été
9 questionné à ce sujet lors de l'interrogatoire principal. Le Procureur ici
10 aborde un terme tout à fait nouveau.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Laissez M. Whiting répondre, s'il vous
12 plaît, plutôt laissez-le répondre.
13 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que tout
14 simplement il ne serait pas naturel de séparer la guerre des médias de ce
15 thème tout entier. C'est clair que tout cela fait un tout, cela ressort du
16 document-ci, et ceci devrait ressortir clairement aussi des réponses suite
17 aux questions que je pose. Tout ceci fait partie d'une campagne de
18 nettoyage ethnique le témoin en a parlé au cours de l'interrogatoire
19 principal, et je pense qu'il est tout à fait convenable de lui poser des
20 questions à ce sujet au cours de son contre-interrogatoire. Ensuite, le
21 Règlement de procédure et de preuve demande aux parties de présenter ses
22 arguments au témoin et si de permettre au témoin de répondre à ces
23 arguments. Nous sommes obligés de poser ces questions au témoin pour qu'il
24 sache quelle est notre position et je pense que mes questions sont
25 certainement justes et correspondent à la portée prévue par le Règlement.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] M. Milovancevic, est-ce que vous avez
27 une réponse ?
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai pas dit que les questions
Page 6270
1 n'étaient pertinentes. Evidemment, ces questions ont un lien avec l'acte
2 d'accusation et avec les chefs qui figurent dans l'acte d'accusation, mais
3 ce que j'essaie de dire c'est que le contre-interrogatoire doit découler de
4 l'interrogatoire principal et là ce n'est pas le cas, tout simplement.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous n'avez pas répondu au
6 Procureur.
7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est notre réponse.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Je rejette votre objection.
9 M. WHITING : [interprétation]
10 Q. Monsieur, nous avons été interrompu, j'étais en train de vous donner
11 lecture de certains paragraphes, 134, 135, et je vais commencer à vous lire
12 le paragraphe 136, je ne sais pas si vous en souvenez, mais il y est écrit
13 que : "Les autorités serbes ont pris le contrôle effectif de certains
14 territoires en Bosnie-Herzégovine et des régions protégées par les Nations
15 Unies et étaient les principaux responsables de la politique du nettoyage
16 ethnique qui s'est déroulé. Le commandement de l'armé populaire yougoslave
17 et les dirigeants politiques de la République de Serbie ont aussi leur part
18 de responsabilité dans cette politique qui n'aurait pas pu se poursuivre
19 jusqu'au jour d'aujourd'hui sans leur support actif."
20 Ceci contredit votre déposition dans votre interrogatoire principal quand
21 vous avez dit que les autorités de la RSK n'ont pas leur part de
22 responsabilité dans le nettoyage ethnique qui a eu lieu dans la RSK ?
23 R. Je continue et persiste à dire que le gouvernement de la République
24 serbe de la Krajina et leur assemblée n'ont jamais organisé le nettoyage
25 ethnique. Le nettoyage ethnique des Croates dans la République de la RSK,
26 je dois dire qu'ils ont discuté de cela avec les co-présidents quand il
27 s'agissait d'écrire ces documents et des documents semblables, nous avons
28 demandé à maintes reprises pourquoi l'on ne contrôlait pas les autorités
Page 6271
1 croates puisque ce sont les autorités croates qui ont fait cette politique
2 de nettoyage ethnique. Vance a répondu, il n'y a aucune résolution qui nous
3 autorise à faire cela. C'est là que vous pouvez voir à quel point ces
4 documents du Conseil de sécurité ne sont pas complets, à quel point ils
5 sont partiaux puisqu'on n'y voit pas d'obligation de contrôler les
6 autorités croates. Cela veut dire que vous pouvez expulser les Serbes, vous
7 pouvez les mettre hors la loi et personne ne va jamais répondre de cela.
8 Q. Bon. Je viens de vous lire les paragraphes 134, 135 et 136 et vous
9 dites que ceci ne correspond pas à la réalité. Laissez tomber la Croatie
10 pour l'instant. Je vous demande de vous concentrer sur ces paragraphes et
11 de nous dire si ceci est exact, si ceci correspond à la vérité ?
12 R. Ils ne sont pas véridiques puisque le gouvernement n'a jamais organisé
13 le nettoyage ethnique et ne l'a jamais encouragé, de quelque façon que ce
14 soit.
15 M. WHITING : [interprétation] Je vais demander que ce document soit versé
16 au dossier.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document vient d'être versé au
18 dossier. Je vais demander une cote pour ce document.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
20 deviendra la pièce 865.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Vous pouvez continuer.
22 M. WHITING : [interprétation]
23 Q. Plus tôt aujourd'hui, on vous a posé quelques questions au sujet de
24 Skabrnja. A la page 22 du compte rendu d'audience. Vous avez dit puisque
25 vous me posez des questions au sujet de Skabrnja, c'est l'armée populaire
26 yougoslave qui était là-bas et d'après moi, ces crimes ne devraient pas
27 être liés à la responsabilité des gens de la République serbe de la Krajina
28 même si la part de responsabilité des officiers yougoslaves n'est pas aussi
Page 6272
1 importantes que celles des officiers croates et leurs soldats et des crimes
2 qu'ils ont commis.
3 Vous êtes d'accord pour dire, Monsieur, qu'au cours du conflit au mois de
4 novembre 1991, les forces serbes ont commis des crimes à Skabrnja. Vous
5 êtes d'accord avec cela ?
6 R. Je ne saurais répondre exactement à la question que vous m'avez posée.
7 Je peux juste vous dire que l'armée populaire yougoslave avait des
8 officiers et des soldats qui appartenaient à toutes les nationalités qui
9 formaient l'ex-Yougoslavie, le pourcentage de Serbes n'était pas plus
10 important que le pourcentage d'autres personnes. Il était tout à fait
11 proportionnel à la composition de la population de l'ex-Yougoslavie.
12 Q. Dans votre réponse, vous parlez des crimes à Skabrnja. Vous dites qui
13 devrait être tenu responsable pour ces crimes. Cela veut dire n'est-ce pas,
14 que vous acceptez que les crimes ont été commis à Skabrnja ? Est-ce que
15 vous acceptez cela, qu'il y a eu des crimes de commis à Skabrnja ?
16 R. C'est très bien connu. Tout le monde le sait. Il y a eu des crimes
17 commis des deux côtés, en même temps.
18 Q. Ensuite, est-ce que vous avez appris que dans l'attaque contre
19 Skabrnja, ce ne sont pas seulement les forces de l'armée populaire
20 yougoslave qui ont participé à cette attaque, mais aussi les forces de la
21 police et la Défense territoriale ? Ils ont tous participé à cette action,
22 est-ce que vous savez cela ?
23 R. Ce que je sais, c'est que les Croates ont commis un crime là-bas et
24 ensuite l'armée populaire yougoslave a réagi, ainsi que les Serbes du cru.
25 Je ne connais pas les détails, croyez-moi, parce qu'à l'époque je n'étais
26 pas en Republika Srpska Krajina et je n'ai pas étudié en détail la
27 documentation relative à Skabrnja.
28 Q. Monsieur, vous acceptez, n'est-ce pas, qu'au cours de l'opération
Page 6273
1 entreprise par la JNA, par la police et la Défense territoriale, au cours
2 du mois de novembre 1991 à Skabrnja, que ces forces serbes ont commis des
3 crimes. Vous acceptez cela ?
4 R. Je ne peux pas accepter cela parce que vous dites que la JNA c'était
5 l'armée serbe, non, Monsieur, vous ne pourrez pas me forcer à accepter.
6 C'était l'armée yougoslave composée de tout le peuple de l'ex-Yougoslavie.
7 Même un Albanais s'est fait tuer en portant un uniforme de l'armée
8 populaire yougoslave. Ce sont les croates qui l'ont tué. C'est ce que je
9 sais. Vous ne pouvez pas parler de l'armée serbe dans ce cas-là.
10 Q. Vous évitez de répondre à la question que je vous ai posée. Je vous ai
11 posé la question suivante : au cours de l'attaque perpétrée par la JNA
12 contre la Skabrnja, la Défense territoriale de la région de la SAO Krajina
13 et la police de la région ont attaqué Skabrnja et pendant cette attaque qui
14 a eu lieu au mois de novembre 1991, il y a eu des crimes qui ont été
15 commis.
16 R. Oui, j'ai entendu parler des crimes. Les Serbes étaient seulement dans
17 la Défense territoriale et ils étaient dans quelques unités de caractère
18 local. Mais la JNA, je persiste à dire qu'elle n'était pas une armée serbe
19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment
20 serait opportun pour lever la séance.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous levons la séance
22 jusqu'à demain à 9 h 00.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le vendredi 14 juillet
24 2006, à 9 heures 00.
25
26
27
28