Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 13 juillet 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 23.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Jarcevic, je vous rappelle

7 que vous êtes toujours sous le coup de la déclaration solennelle que vous

8 avez faite hier, par conséquent, vous devez dire la vérité, toute la

9 vérité, rien que la vérité. Cela vous convient-il ?

10 LE TÉMOIN: SLOBODAN JARCEVIC [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Vous pouvez me faire confiance pour que

13 je respecte cette consigne.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jarcevic. Nous allons maintenant

18 continuer avec l'interrogatoire principal. Je vais vous rappeler encore une

19 fois qu'il faut faire attention à faire des pauses entre mes questions et

20 vos réponses pour les interprètes. Je sais que cela n'est pas toujours

21 facile, mais ce serait poli de notre part de permettre au service de

22 l'interprétation de faire son travail.

23 R. Oui, je le ferai.

24 Q. Hier, nous avions arrêté alors que nous parlions de la présence des

25 troupes régulières croates à Posavina, au nord de la Bosnie-Herzégovine,

26 dans la vallée de la rivière Sava. Vous avez expliqué qu'on rencontrait

27 beaucoup de problèmes car la seule voie de communication avait été bloquée,

28 ce qui faisait que plus rien ne pouvait passer depuis la Serbie et la

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1 Yougoslavie en Krajina; est-ce exact ? Est-ce que c'est ce que vous avez

2 dit hier ?

3 R. Oui, je voudrais rajouter quelque chose. En plus, les gens dans la

4 Krajina n'avaient plus d'électricité.

5 Q. Vous avez hier décrit deux cas caractéristiques, deux exemples, que 12

6 bébés à Banja Luka, il s'agissait de la route qui traversait le couloir,

7 que ces 12 bébés sont morts car on ne pouvait pas obtenir des

8 approvisionnements, à savoir des incubateurs et de l'oxygène depuis

9 Belgrade et que les Nations Unies n'ont rien fait. Ensuite, vous avez

10 décrit un autre cas selon lequel un homme qui se trouvait à Knin, étant

11 donné le fait qu'on ne pouvait plus passer, n'a pas pu atteindre Belgrade

12 et obtenir une aide médicale. Dans ces conditions, je voudrais vous poser

13 une question. Est-ce que vous avez contacté la FORPRONU ? Vous avez dit que

14 vous avez contacté le conseil de Sécurité, mais que celui-ci n'a pas réagi.

15 Mais est-ce que le gouvernement de la Srpska Krajina, et en tant que

16 représentant de ce gouvernement, avez-vous contacté la FORPRONU concernant

17 ce problème ?

18 R. Je peux vous dire, Maître Milovancevic, je pourrais vous donner le nom

19 et le prénom de la personne qui a perdu son rein. C'était un journaliste

20 connu à Belgrade. Il habitait à Knin, il s'appelait Rade Matias. Il

21 travaillait pour le quotidien serbe très connu [imperceptible]. Nous sommes

22 intervenus auprès du Conseil de sécurité, cela a été fait à la fois par le

23 gouvernement de Yougoslavie et le gouvernement de la Serbie et nous, de

24 l'Association des Serbes de Bosnie-Herzégovine, de même que toute une série

25 d'organismes humanitaires, nous avons tous essayé d'intervenir mais il n'en

26 avait cure. Le Conseil de sécurité n'a pas permis à aucun vol de se

27 déplacer, ni hélicoptère, ni avion, et je vous rappellerais que c'était

28 parce que les Serbes étaient hors la loi, hors la loi internationale à

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1 l'intérieur des républiques qui s'étaient séparées.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais vous demander, Monsieur le

3 Témoin, d'écouter de très près les questions qui vous sont posées, essayez

4 d'y répondre aussi brièvement que possible. Vous nous avez donné tout un

5 paragraphe en tant que réponse, vous n'avez toujours pas répondu à la

6 question. La question était très simple, et vous pouvez y répondre par oui

7 ou par non. Est-ce que le gouvernement de la Srpska Krajina a contacté la

8 FORPRONU concernant votre problème, oui ou non ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque le couloir a

10 été fermé, je n'appartenais pas encore au gouvernement de la République de

11 Srpska Krajina, c'est pour cela que j'ai expliqué les autres interventions

12 provenant d'autres entités. Evidemment, le gouvernement, que je n'avais pas

13 encore rejoint, est également intervenu auprès des responsables de la

14 FORPRONU à Knin.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Votre réponse simple, c'est je ne

16 faisais pas partie du gouvernement de la Republika Srpska Krajina à

17 l'époque. C'est cela la réponse à votre question.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci, vous avez tout à fait raison.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

20 Q. Concernant les opérations de combat à proprement parler, dans cette

21 région de Posavina à la frontière de la Bosnie-Herzégovine et de la

22 Croatie, on appelle en général ces opérations l'opération corridor, vous

23 avez dit que M. Martic y était présent. Savez-vous comment se fait-il que

24 les unités de la Srpska Krajina se sont rendues dans le territoire de la

25 Bosnie-Herzégovine pour participer à ces opérations de combat ?

26 R. C'était la conséquence normale et naturelle de ce qui arrivait

27 couramment aux personnes qui se trouvaient dans la Republika Srpska Krajina

28 et qui étaient extrêmement menacées à l'époque.

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1 Q. Selon les informations que vous aviez, ce qu'avait le gouvernement

2 lorsque vous l'avez rejoint à la fin du mois d'octobre 1992, cette

3 opération s'est produite au mois de juin et juillet 1992, je le rappelle,

4 pouvez-vous nous dire quel était l'objectif de cette opération ? Est-ce que

5 vous avez pu le déduire ? Avez-vous une connaissance à ce sujet ?

6 R. L'objet de cette opération était de relier l'Etat de la Republika

7 Srpska Krajina et la population qui s'y trouvait, et les autres, pour

8 établir un lien avec le monde extérieur par la Yougoslavie, ce lien ne

9 pouvait pas être établi depuis les autres côtés parce qu'il y avait la

10 République de la Croatie qui se trouvait à ses autres frontières et qui

11 avait déjà expulsé 400 000 Serbes. Beaucoup de ces personnes s'étaient

12 réfugiées dans la République Srpska Krajina sans moyen de survie, sans

13 électricité, sans la possibilité de recevoir des soins médicaux. C'était

14 une situation horrifiante.

15 Puis-je rajouter, Maître Milovancevic, quelque chose ?

16 Q. Oui.

17 R. Je l'ai dit, il n'y a pas eu d'assistance ni provenant de la communauté

18 internationale, ni de qui que ce soit d'autre.

19 Q. Je pense que nous en avons terminé avec ce sujet-là, nous allons passer

20 à quelque chose d'autre.

21 Vous avez expliqué que la situation dans la République Srpska Krajina

22 ou plutôt dans les zones de protection des Nations Unies était très

23 difficile, qu'il n'y avait pas d'électricité, on était complètement isolé,

24 il y avait un siège et on était encerclé. Est-ce que vous savez si la

25 République Srpska Krajina a reçu de l'aide et de l'assistance de la Serbie

26 et de la Yougoslavie ?

27 R. Je vais vous dire, c'était comme suit : il y a eu énormément

28 d'aide humanitaire qui est arrivée depuis les pays européens et d'autres

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1 pays, aussi à travers des organisations serbes se trouvant dans ces pays,

2 et également des organisations humanitaires de ces pays. Ils ont été

3 organisés de façon - non pas pour aider les Serbes - il s'agissait

4 d'organismes humanitaires, donc ils donnaient de l'assistance. Ce qui a été

5 un obstacle à cette aide c'était à la frontière hongroise, et en tant que

6 ministre, j'ai informé les Nations Unies de ce problème. Il y avait deux

7 méthodes qui étaient appliquées par les autorités douanières de la Hongrie.

8 Ils retenaient les camions à la frontière pour très longtemps ce qui avait

9 deux conséquences négatives. Les alimentations pourrissaient, de même pour

10 les médicaments, et ils faisaient en sorte qu'il soit impossible pour les

11 gens qui transportaient l'aide humanitaire de revenir faire leur travail à

12 temps en Allemagne, en France ou dans le pays où ils se trouvaient, la

13 Hollande ou autre. Ceci a réduit la quantité d'aide qui provenait pendant

14 la période qui a suivi et nous, à Knin, nous avons protesté très fortement

15 contre la République de Hongrie auprès de l'Union européenne et de l'OSCE.

16 Je vais vous donner un autre exemple les Slovènes également ont

17 empêché l'aide d'arriver aux Serbes et vous allez vous convaincre une fois

18 de plus que les Serbes étaient véritablement placés hors de la loi. Deux

19 personnes qui transportaient deux camions, des camions de nourriture qui

20 devaient aller en Krajina depuis la Suisse ont été arrêtées à la frontière

21 hongro-slovène et les responsables ont détruit les permis de travail

22 provenant de la Suisse de façon à ce que ces camionneurs ne pouvaient plus

23 revenir en Suisse. Grâce au fait que l'ambassade Suisse avait compris ce

24 qui s'était produit lorsque nous avons écrit depuis Knin, ils ont pu

25 émettre de nouveaux passeports pour ces personnes à travers la Yougoslavie,

26 et l'ambassade Suisse leur a donné de nouveaux visas pour rentrer et pour

27 pouvoir retourner en Suisse car leurs familles se trouvaient en Suisse.

28 Vous pouvez imaginer ce qui se passait.

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1 Q. En plus de cette aide humanitaire y a-t-il eu des échanges humanitaires

2 en ce qui concerne la Serbie, la Yougoslavie entre la Krajina et la Serbie,

3 et vice versa ?

4 R. Beaucoup d'entreprises à l'intérieur de la Serbie ont aidé la Republika

5 Srpska Krajina et ont envoyé de la nourriture pour les gens, du bétail, des

6 médicaments. Je dois dire que le gouvernement de la Serbie, de même que le

7 gouvernement de la Yougoslavie ont également envoyé aide et assistance,

8 mais la plupart de l'assistance qui est rentrée dans la Republika Srpska

9 Krajina provenait de la Yougoslavie, car des relations étatiques avaient

10 été établies, il y avait un commerce, et il y avait une coopération

11 économique, c'était le type de coopération qui nous permettait de survivre

12 bien que nous n'ayons jamais pu regarder les chiffres, mais il semblerait

13 qu'il y avait un surplus commercial. Il y avait du commerce dans les deux

14 sens entre la Yougoslavie et la Krajina. La Krajina n'avait pas beaucoup

15 d'habitants, il n'y avait pas un marché très intéressant pour une économie,

16 même pour une économie comme l'économie yougoslave. Etant donné que la

17 Yougoslavie était très peuplée, tout ce que nous produisions et que nous

18 fabriquions était exporté en Yougoslavie. Premièrement, un million de tonne

19 de pétrole que nous avions à Mirkovac [phon] alors que la Serbie devait

20 importer son pétrole d'autres pays, car il était soumis au système des

21 sanctions.

22 Q. Vous voulez dire que l'économie de la République Srpska Krajina, les

23 branches de l'économie qui continuaient à fonctionner, exportait ses

24 produits en Serbie, et cetera. Un commerce tout à fait classique entre ces

25 deux pays.

26 R. Oui. C'est le cas, et très souvent, M. Martic ou le gouvernement

27 demandait une assistance financière à la Yougoslavie. Ils ne disaient

28 jamais dans les lettres que la Yougoslavie devait quelque chose à la

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1 Krajina ou avait des dettes. Probablement l'argent qui rentrait en tant

2 qu'assistance en Krajina était moins que ce qui était dû du fait des

3 exportations provenant de la Krajina, de la Yougoslavie. Je vais vous

4 donner un exemple : nous au gouvernement avons décidé de vendre du pétrole

5 à 0,8 pfennig, la devise allemande à l'époque, alors qu'au niveau mondial

6 la Yougoslavie recevait des exportations semi légales de l'Europe de

7 l'ouest et des pays voisins, et devait payer ce pétrole au prix d'entre

8 deux et trois marks allemand.

9 Q. Monsieur Jarcevic, pour l'économie et les entreprises dans la Krajina,

10 est-ce qu'il y avait une possibilité pour celles-ci de coopérer avec

11 d'autres à part la Yougoslavie, étant donné le système des sanctions ?

12 R. Lorsque j'étais ministre, on a eu la visite d'entrepreneurs italiens

13 très souvent, parfois d'Allemands, c'étaient des gens qui voulaient entrer

14 en affaires avec nous, mais après avoir pris des informations de leurs

15 Etats et de leurs organes policières, ils abandonnaient cette idée car on

16 leur disait qu'il s'agissait d'une zone à haut risque, qu'on était sous le

17 système des sanctions tout comme la République fédérale de Yougoslavie. Je

18 pense qu'après la Résolution #815 cela l'a été et ensuite la Résolution

19 #871 de 1993, malheureusement et à la honte si on peut dire des Nations

20 Unies, ils avaient placé sous sanction le territoire qu'auparavant ils

21 protégeaient. C'est quelque chose qui a été l'objet des débats d'hommes

22 politiques et de juristes partout dans le monde et dans les différents

23 instituts universitaires.

24 Q. Merci. Nous allons maintenant passer à un autre sujet, le plan Vance et

25 la façon dont celui-ci a été appliqué. Selon ce plan, des troupes des

26 Nations Unies ont été déployées sur le territoire de la Yougoslavie, de la

27 Krajina, et ils étaient divisés en ce qu'on appelait les zones UNPA, les

28 zones protégées. Est-ce qu'on peut dire quelle était l'attitude des

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1 autorités de la Srpska Krajina vis-à-vis du plan Vance et vis-à-vis de sa

2 mise en œuvre ?

3 R. Vous connaissez les conditions sous lesquelles le plan Vance a été

4 accepté, mais ce fut en fin de compte accepté, et notre homme politique, le

5 Dr Milan Babic, était opposé à l'adoption de ce plan et il était contre le

6 fait que les forces des Nations Unies soient déployées en République de

7 Srpska Krajina, car il ne pensait pas qu'ils allaient agir de façon

8 conforme vis-à-vis des deux côtés, à la fois les Serbes et les Croates. Le

9 Parlement est intervenu, le président de celui-ci, Mile Paspalj, fut l'un

10 des signataires du plan Vance, de même que la Yougoslavie et la Croatie.

11 Ensuite, le gouvernement de la République Srpska Krajina, ce qui était tout

12 à fait naturel, leur a demandé que l'armée soit déployée le long de la

13 frontière entre la Krajina et la Croatie, car il y avait des indications au

14 sein des Nations Unies que la Croatie allait violer l'accord et traverser

15 la frontière. Mais à New York, le plan ne fut pas accepté. Ils ont dit que

16 les Nations Unies allaient être déployées d'une façon très bizarre, selon

17 un schéma très bizarre, en tant que tache d'encre sur le papier. Il

18 s'agissait de territoires à l'intérieur de la Srpska Krajina qui étaient

19 très éloignés les uns des autres et qui se trouvaient dans ces villes.

20 Q. Pour les besoins de la clarté du compte rendu, vous avez parlé du fait

21 que l'armée devait être déployée le long de la frontière; de quelle armée

22 s'agit-il ?

23 R. Il s'agit de l'armée des Nations Unies qui était appelée la force de

24 protection. Ils étaient censés protéger le peuple de la Croatie, là d'où

25 venait le danger, car ils allaient finalement expulser 400 000 Serbes de

26 ces villes. En fin de compte, si vous le permettez, je vais rajouter

27 quelque chose. Cette expulsion et cette persécution des Serbes de la

28 frontière ne se limitaient pas simplement à la Srpska Krajina, cela devait

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1 s'appliquer à toute la Croatie, mais en Krajina, les Serbes étaient la

2 majorité et ils se sont organisés et ont pu empêcher en 1991 leur expulsion

3 depuis la Croatie.

4 Q. Très bien, Monsieur Jarcevic, vous avez expliqué cet aspect-là. Selon

5 la résolution du Conseil de sécurité, les forces de la FORPRONU ont-elles

6 véritablement été déployées sous forme de tache d'encre à travers tout le

7 territoire qui était placé sous la protection des Nations Unies ?

8 R. Oui. Peut-être que pour cette Chambre il est important de savoir qu'il

9 avait été envisagé qu'avec l'arrivée des Nations Unies, l'armée populaire

10 yougoslave devait se retirer de la Krajina. Cette armée-là n'était pas

11 serbe à l'époque, comme elle a été décrite par l'Accusation, par contre, au

12 contraire, il s'agissait de soldats qui étaient de toutes appartenances

13 ethniques et de toutes les minorités ethniques de la Yougoslavie. Le

14 commandement de l'armée, très souvent, était représenté par des personnes

15 qui n'étaient pas Serbes, par exemple, le siège de Vukovar. Le commandant

16 de l'attaque de l'armée qui a attaqué Vukovar n'était pas serbe, mais

17 plutôt un croate --

18 Q. -- sous le plan Vance.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci de ralentir et d'attendre qu'il

20 y ait interprétation avant de poser la question suivante. Rappelez-vous de

21 ce que nous avons dit au témoin et tenez-vous le pour dit également, Maître

22 Milovancevic, à savoir ralentir.

23 Vous pouvez continuer.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez eu

25 raison de me le faire remarquer.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Bien entendu, rappelez-le moi autant que

27 fois que cela est nécessaire, car nous avons tendance à accélérer.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

2 Q. D'après le plan Vance-Owen, l'artillerie lourde de la Défense

3 territoriale, à savoir les chars, les blindés, et cetera, il fallait les

4 mettre dans les hangars. Est-ce que ceci s'est effectivement produit ?

5 R. Le gouvernement de la République serbe de la Krajina a accepté ceci

6 sans aucun problème.

7 Q. Est-ce que la police de la République serbe de la Krajina, ou plutôt,

8 la police locale, tel que prévu par le plan Vance, est-ce qu'elle était

9 d'accord avec ceci ?

10 R. Oui, en effet. Mais j'ai dit hier que M. Vance avait fait une remarque

11 au ministre chargé des Affaires intérieures, Martic. Il a fait la remarque

12 en lui indiquant que beaucoup de membres de la police portaient des fusils

13 automatiques. M. Martic lui a expliqué qu'il s'agissait d'une pratique qui

14 respecte les critères internationaux, à savoir que 7 % des policiers

15 portaient ces fusils automatiques et que les besoins se présentaient pour

16 cela à cause de l'armée croate qui tuait quotidiennement les civils serbes

17 de la Krajina. Ici, il a aussi répété à M. Vance que : "Si l'armée des

18 Nations Unies est capable d'empêcher les souffrances de la population

19 serbe, dans ce cas, les policiers vont abandonner même les pistolets."

20 Q. Je vais vous poser la question suite à votre réponse, la question

21 suivante. Le fait que la police de la Republika Srpska Krajina portait des

22 fusils automatiques, était-ce le résultat de l'intention de M. Martic et du

23 gouvernement du RSK de court-circuiter le plan Vance ?

24 R. Non. Ils devaient le faire. Ils étaient responsables de la protection

25 des vies de la population, ils le faisaient tant bien que mal.

26 Q. Est-ce que vous savez quelles étaient les compétences de la police et

27 est-ce qu'ils avaient le devoir de maintenir la paix et l'ordre ? Est-ce

28 qu'on discutait de cela au sein du gouvernement de la RSK ?

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1 R. Vous savez, les obligations de la police dans tout Etat se ressemblent.

2 Il n'y a pas de différence. En dépit de la situation de guerre, ces

3 obligations sont restées les mêmes en dépit des sanctions imposées par la

4 communauté internationale. Il s'agissait de protéger la population. Il

5 s'agissait d'une force de protection. Le nom en dit long sur la mission de

6 cette force. Puisque le commandant des Nations Unies ne protégeait pas la

7 population, il fallait bien que la police le fasse, en dépit du nom des

8 Nations Unies, à savoir les forces de la protection des Nations Unies.

9 Q. Vous, vous avez participé au gouvernement de la RSK. Est-ce que vous

10 savez quelle était la situation sur le terrain qui pouvait rendre le

11 travail de la police encore plus difficile quand il s'agissait de maintenir

12 l'ordre et la loi ?

13 R. A l'époque où j'ai été le ministre des Affaires intérieures, je peux

14 vous dire que la Croatie a fait 700 irruptions sur les territoires de la

15 RSK. Au cours de tous ces incidents, il y a eu des meurtres de policiers,

16 de soldats, mais le plus souvent, de policiers. Je suis toujours étonné au

17 jour d'aujourd'hui de voir qu'aucun acte d'accusation n'a été dressé contre

18 les hommes d'Etat ou les officiers croates contre ces intrusions.

19 Q. Monsieur Jarcevic, on a parlé de cinq offensives importantes croates

20 qui ont été menées contre cette zone protégée. Est-ce que c'est de cela que

21 vous parlez ?

22 R. Mais les cinq offensives, ce n'est presque rien, il y en a eu bien plus

23 que cela. C'est un petit exemple qui illustre les 700 irruptions dont j'ai

24 parlé.

25 Q. Pour que ce soit plus clair, en plus de ces cinq offensives d'envergure

26 qui ont eu lieu à des dates spécifiques, qu'est-ce que vous pouvez nous

27 dire des autres ?

28 R. Monsieur Milovancevic, je ne peux pas vous les énumérer toutes. Vous

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1 savez, même les personnes qui étaient responsables de cela ne seraient pas

2 capables de le faire.

3 Q. Vous n'avez pas compris la question. Je vous ai posé une question au

4 sujet de ces cinq offensives.

5 R. [aucune interprétation]

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, M. Jarcevic a

7 parlé de 700 irruptions de la police et de l'armée sur le territoire de la

8 RSK. Vous, vous parlez de cinq; de cinq quoi ? Parce que je ne vois pas où

9 le témoin a parlé de cela. Vous, en revanche, vous parlez de ces cinq

10 grandes offensives de la Croatie contre la région protégée; mais qui a

11 mentionné cela ?

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le

13 Président, je vais éclaircir cela. M. Jarcevic n'a pas dit qu'il y avait

14 700 policiers, il a dit qu'il y a eu 700 irruptions, 700 attaques contre le

15 territoire de la République serbe de la Krajina pendant la période où il

16 était le ministre de ladite entité et que la police et l'armée croates

17 avaient participé à ces attaques. Je lui ai demandé si ces 700 attaques

18 existaient parallèlement avec les cinq offensives qui ont été menées.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, c'est justement

20 ce que je viens de dire. Il a parlé de 700 attaques. J'ai utilisé le mot

21 que vous avez utilisé : intrusions. Vous, vous dites qu'il y en a eu cinq

22 d'importantes, donc cinq intrusions importantes. Mais qui a parlé de cinq

23 intrusions ? Il avait parlé de 700, le témoin a parlé de 700, et vous, vous

24 parlez de cinq intrusions sur le territoire. Je voudrais savoir qui a

25 vraiment mentionné cela ?

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, hier, le témoin a

27 parlé effectivement de cinq grandes offensives. Je fais une différence

28 entre les intrusions ou les attaques de plus petite taille, plutôt des

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1 attaques individuelles, je fais la différence entre cela et cinq

2 importantes opérations militaires de grande envergure avec la participation

3 de l'aviation et des chars de l'artillerie. C'est pour cela que j'ai essayé

4 d'attirer l'attention du témoin sur la différence qui existe entre la

5 nature même de ces attaques.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Hier, le témoin a

7 mentionné cinq grandes offensives, vous auriez dû lui poser la question

8 comme suit : hier, vous avez mentionné cinq grandes offensives, je voudrais

9 savoir où elles se situent par rapport aux 700 intrusions sur le terrain

10 que vous mentionnez aujourd'hui. Dans ce cas-là, tout le monde aurait

11 compris de quoi il en était et sur quoi portait exactement votre question.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.

13 Q. Monsieur Jarcevic, hier, vous avez mentionné cinq grandes offensives

14 contre le territoire qui était placé sous la protection des Nations Unies.

15 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous les énumérer ?

16 R. La première a eu lieu le 21 juin 1992, c'était quelques mois avant que

17 je ne commence à exercer une fonction au sein du gouvernement de la

18 Krajina. Mais j'ai eu accès à un rapport, c'est vraiment terrible de lire

19 ce rapport et de voir que 40 soldats serbes ont été massacrés carrément et

20 ensuite jetés dans une fosse. La veille, les officiers de la FORPRONU ont

21 demandé aux officiers du QG de la Krajina de ne pas tirer sur la frontière

22 parce que ce jour-là justement, ou cette semaine-là se tenait, dans une

23 ville voisine, à Sibenik, une espèce de journée d'enfants ou quelque chose

24 comme cela. Evidemment, nos officiers n'ont pas voulu provoquer des

25 incidents, et les Croates en ont profité; ils les ont surpris pendant

26 qu'ils dormaient pratiquement et ils les ont tous massacrés. Le 21 juin, il

27 y a eu ce massacre, ce massacre absolument incroyable contre un territoire

28 placé sous la protection des Nations Unies. Cependant, il y avait cette

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1 résolution, la Résolution #762. C'est une résolution qui était censée

2 suivre ce qui se passe sur ce territoire-là. Dans le cadre de cette

3 résolution, à chaque fois on a demandé aux deux côtés de ne pas mener

4 d'autres actions ou attaques et quelque chose dans ce sens-là. Toujours

5 est-il que dans ces résolutions, on traite toujours de la même façon les

6 victimes et les bourreaux.

7 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais cette offensive, elle a eu lieu

8 où exactement ? Elle portait sur quel territoire ?

9 R. Sur le plateau de Miljevac, au sud de la Krajina, quelques kilomètres

10 loin de la côte et de la ville où se tenait ce festival, ce prétendu

11 festival d'enfants.

12 Q. Pourriez-vous nous parler des autres agressions importantes de grande

13 envergure et nous donner les dates ?

14 R. La suivante a eu lieu le 22 janvier 1993. A l'époque, j'étais déjà

15 membre du gouvernement de la RSK. Je vais ajouter quelque chose que j'ai

16 oublié de dire hier. Suite à une suggestion formulée par la FORPRONU, les

17 commissions croates et de la Krajina devaient se rencontrer à Obrovac pour

18 discuter du fonctionnement de la centrale électrique. Cependant, ce jour-

19 là, les Croates ont commencé une attaque, mais heureusement, notre

20 délégation n'était pas sur le chemin pour se rendre à cette réunion. Ils

21 n'étaient pas en train de traverser la région attaquée par les Croates. Ils

22 ont attaqué Ravni Kotari et aussi le territoire du pont de Maslenica.

23 D'après les informations que nous avons obtenues, les Croates ont tué à peu

24 près 700 ou 800 officiers et soldats. La plupart d'entre eux étaient des

25 civils, bien sûr, et ils ont même incendié un grand nombre de maisons et

26 endommagé même un monument historique, le monument historique datant du

27 XVIIe siècle, le monument de Stojan Jankovic. La FORPRONU, les

28 représentants des Nations Unies ont demandé, ont supplié le gouvernement de

Page 6204

1 la RSK de ne pas répondre de la même façon alors qu'il était capable de le

2 faire, parce qu'il y avait un grand nombre de volontaires de pays européens

3 appartenant même à d'autres nations de l'Europe qui étaient venus dans la

4 République serbe de la Krajina pour aider la Krajina serbe. Mais nous

5 n'avons pas fait cela, nous n'avons pas riposté, alors que nous aurions pu.

6 Q. Pour ne pas revenir là-dessus, je vais vous poser encore une petite

7 question. Au moment où a commencé cette deuxième offensive de l'armée

8 croate, est-ce qu'à ce moment-là, les armes de la RSK étaient placées,

9 verrouillées, gardées par la FORPRONU dans un dépôt, verrouillées,

10 enfermées dans un dépôt ?

11 R. C'est à ce moment-là que les forces serbes ont supplié les Nations

12 Unies de les laisser utiliser leurs chars et l'artillerie, de les sortir de

13 ces dépôts, autrement parce qu'ils avaient peur que les forces croates ne

14 s'emparent de Knin et Dieu sait ce qui serait arrivé. Même les forces de

15 l'ONU insistaient pour qu'on prenne ces armes.

16 Q. Est-ce que le Conseil de sécurité a condamné cette agression ? Est-ce

17 qu'il a demandé aux forces croates de s'arrêter ?

18 R. Oui. Ils ont effectivement condamné cette action, mais à nouveau ils

19 ont inclus cette phrase demandant aux deux côtés de s'abstenir de toute

20 riposte et toute opération militaire. Puisque nous avions déjà eu cette

21 expérience du plateau de Miljevac où on a demandé aux Croates de se

22 retirer, mais en réalité ils ne l'ont pas fait, c'est-à-dire ils se sont

23 retirés, mais ils ont laissé leurs policiers derrière. A ce moment-là, nous

24 avons demandé à l'ONU d'insister pour que toutes les forces croates se

25 retirent y compris les membres de l'armée qui étaient déguisés en portant

26 des uniformes de la police. Cela ne s'est pas produit malheureusement,

27 c'est un point sur lequel nous insistions tout le temps, que les policiers

28 aussi bien que les militaires se retirent de la région.

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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelle était la prochaine grande

2 offensive des forces croates ?

3 R. On en a parlé. C'était le 8 septembre quand M. Knut Vollebaek,

4 l'adjoint au président de la conférence de négociations qui devait

5 normalement négocier un accord de paix, est venu demander qu'une conférence

6 ait lieu. A ce moment-là, on discutait d'un plan de paix. Un officier est

7 venu les informer que les forces croates avaient attaqué Krajina au niveau

8 de la poche de Medak dans la région de la Lika.

9 Q. Ce sont deux grandes offensives qui vont suivre, après cela les

10 opérations Tempête et Eclair. Nous en avons parlé ?

11 R. Oui.

12 Q. La prochaine question que je vais vous poser, c'est la question qui

13 porte sur les 700 irruptions de la police et de l'armée croates sur votre

14 territoire. A l'époque, vous étiez le ministre de la RSK et ceci a eu lieu

15 entre le mois d'octobre 1992 et le mois d'avril 1992. Il s'agissait

16 d'attaques qui étaient moins importantes, mais qui étaient menées en

17 respectant un certain rythme ?

18 R. Oui. Il s'agissait de quelque chose de très particulier. On peut

19 caractériser cela comme une guerre d'information.

20 Q. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agissait ?

21 R. Les Croates avec leurs soldats emmenaient aussi bien les diplomates que

22 les caméras de la télé et les journalistes. Ensuite, à partir d'un point,

23 ils attaquaient nos positions, les nôtres ripostaient et ceux qui

24 observaient tout cela ne pouvaient entendre que les tirs venant de notre

25 côté. Ensuite, dans le monde, on disait que les Serbes avaient violé le

26 cessez-le-feu, attaqué le territoire croate, et cetera. Même à un moment

27 donné, le Conseil de sécurité a été informé de cela par l'ambassadeur russe

28 Vitaly Churkin. C'est justement dans son bureau que le 29 mars 1994, nous

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1 avons signé un accord. Il était complètement partial, il était toujours

2 prêt à privilégier la politique croate.

3 Q. Monsieur Jarcevic, les attaques menées par les forces de l'armée croate

4 sur le territoire placé sous la protection de l'ONU, est-ce que le

5 gouvernement de la République de Krajina a informé la FORPRONU de ceci ?

6 Est-ce que la FORPRONU était au courant de ce qui se passait ?

7 R. Oui. Nous en avons, à chaque fois, informé la FORPRONU, le Conseil de

8 sécurité et même les ambassades à Belgrade. Il y a eu deux attaques qui ont

9 été particulièrement différentes puisque l'armée serbe a pris un citoyen

10 britannique et un citoyen hollandais qui faisaient partie de l'armée

11 croate.

12 Q. Vous voulez dire qu'il y avait des mercenaires là-bas ?

13 R. C'étaient soit des mercenaires, soit autre chose, mais je ne saurais

14 pas répondre à cette question.

15 Q. Très bien. Pourriez-vous me dire, par rapport à tout ce qui s'est

16 passé, quelle était l'attitude des autorités de la République serbe de la

17 Krajina vis-à-vis de la FORPRONU ? Est-ce que ces rapports étaient bons ou

18 est-ce qu'ils n'étaient pas bons justement parce que les Serbes n'étaient

19 pas respectés par la FORPRONU ?

20 R. Je pense que ces rapports étaient excellents, peut-être pas toujours du

21 côté de la FORPRONU. C'est un point assez intéressant parce que vous savez

22 j'ai eu une réunion avec un expert du droit international qui a été amené

23 du Canada. Une fois, j'ai discuté avec cette personne parce que justement

24 les membres de la FORPRONU étaient là, ils ne payaient pas leur loyer, la

25 nourriture, l'électricité et ils restaient dans les hôtels, et cetera, sans

26 payer quoi que ce soit. Vous savez ce qu'ils disaient ? Ils disaient que

27 c'est le territoire croate et qu'ils allaient payer cela au gouvernement

28 croate. Nous avons continué à écrire des lettres, et cetera, parce que nous

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1 demandions que ce qu'ils nous devaient nous soit payé. C'est à ce moment-là

2 qu'une grande juriste est venue du Canada. Elle est venue discuter avec

3 moi, c'était une dame qui s'appelait MacDonald. Elle a ouvert ce bouquin et

4 elle a dit : "Vous ne pouvez pas demander que les représentants des Nations

5 Unies paient pour cela puisque vous n'êtes pas un pays reconnu par l'ONU."

6 Je l'ai interrompue et j'ai dit : "Ecoutez, Madame, la Chine à un moment

7 donné n'était pas membre des Nations Unies. Est-ce que vous auriez été

8 capable de manger, de vivre en Chine, à Taïwan, par exemple, sans payer

9 parce que c'était un pays qui n'était pas reconnu par les Nations Unies à

10 l'époque ? Est-ce que vous pourriez rester dans un hôtel sans payer quoi

11 que ce soit ? Elle était un peu prise par surprise et elle n'a pas répondu,

12 elle a fermé son dossier et elle est partie sans répondre quoi que ce soit.

13 Elle ne s'est pas excusée non plus. Cependant, la FORPRONU a continué à ne

14 pas payer, à ignorer complètement les factures. A un moment donné, je me

15 souviens à Topusko les soldats de la FORPRONU ont mangé, comme tous les

16 jours d'ailleurs, à ce moment-là le directeur de l'hôtel est sorti et il a

17 dit que ce jour-là, il n'y aurait pas de nourriture tant qu'ils n'auraient

18 pas payé leurs factures. Effectivement, une heure plus tard, l'argent est

19 arrivé de Zagreb par hélicoptère et ils ont payé ce qu'ils devaient.

20 Si vous voulez, je vais vous citer un autre exemple. Il y avait pas mal de

21 soldats venant du Kenya, ils ont appris un petit peu à parler le Serbe, ils

22 nous racontaient toujours une petite histoire qui faisait référence à la

23 période où ils étaient encore des esclaves aux XVIIIe et XIXe siècles, les

24 esclaves des Européens, et ils disaient : "Moi, je suis noir; toi, tu es

25 Serbe, c'est la même chose. Cela revient au même."

26 Q. Est-ce que vous voulez dire que ni la population, ni les autorités de

27 la Republika Srpska Krajina n'ont jamais eu quoi que ce soit contre la

28 FORPRONU et qu'au contraire il était de leur intérêt de les avoir là et de

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1 coopérer avec eux ?

2 R. Oui, effectivement. Puisque de toute façon, toutes ces choses-là se

3 sont réglées par la suite, ils ont commencé à payer leurs factures et nous

4 avons compris qu'il était dans notre intérêt qu'ils soient là et eux, ils

5 ont compris aussi que cet argent allait servir à nourrir la population,

6 soigner les malades, et cetera.

7 Q. C'était la guerre, n'est-ce pas, Monsieur Jarcevic ? Vous parlez des

8 conditions de guerre. Vous parlez de 700 attaques armées, qu'il s'agisse de

9 petites et de grandes attaques plus ou moins importantes, à part les cinq

10 offensives de grande envergure qui ont eu lieu en Srpska Krajina. Pendant

11 cette période-là, est-ce que le gouvernement de la République serbe de la

12 Krajina a jamais discuté

13 des mesures discriminatoires éventuelles à prendre contre les populations

14 non-serbes de la Krajina ?

15 R. Non. Vous savez, le gouvernement était vraiment motivé pour protéger

16 les Croates qui sont restés dans le territoire de la République serbe de la

17 Krajina. Il y avait effectivement des Croates qui habitaient à Lika. Vous

18 savez, c'était très difficile d'empêcher les gens de se venger. Il y avait

19 des gens qui ont perdu les siens à Zagreb, à Split, à Zadar. C'était très

20 difficile d'empêcher les actes de vengeance.

21 C'est vrai qu'il y a eu des crimes individuels commis contre la

22 population croate, mais c'était vraiment des cas isolés qui n'étaient

23 jamais couverts par la police de la Krajina, par les autorités de la

24 Krajina. C'est là que se trouve la différence entre le comportement du

25 gouvernement de la Krajina et du gouvernement croate parce que le

26 gouvernement croate couvrait ces crimes alors que le gouvernement de la

27 Krajina n'a jamais couvert de tels crimes. Je vais vous dire quelque chose

28 qui va vous surprendre. Cela va vraiment vous surprendre. C'est un document

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1 que vous allez probablement pouvoir examiner. C'est un document émanant de

2 la cour constitutionnelle croate datant de l'année dernière où une famille

3 serbe qui habite en Dalmatie a porté plainte, on y voit le procès-verbal

4 d'une session de travail du gouvernement croate où l'on dit à un point, on

5 parle de l'année 1991-1992, les policiers, les soldats et les citoyens

6 tuent les Serbes. C'est quelque chose qui ne s'est jamais produit dans la

7 République serbe de la Krajina.

8 Q. Monsieur Jarcevic, est-ce que vous avez entendu parler de certains

9 crimes -- les villages de Skabrja, Saborsko, Kruska, Kostajnica, Nadin,

10 Dubica. Est-ce que vous avez entendu parler de cela ? Est-ce que vous en

11 parliez lors de réunions du gouvernement ? Est-ce que vous avez reçu des

12 rapports à ce sujet ?

13 R. Oui. Nous avons effectivement parlé de cela. J'ai envoyé une lettre au

14 Conseil de sécurité, j'ai essayé d'expliquer la situation en illustrant mes

15 rapports de ces crimes. Par exemple, il y a eu un conflit entre les

16 séparatistes croates, l'armée croate si vous voulez et l'armée populaire

17 yougoslave qui, à l'époque, n'était pas encore l'armée serbe, parce que

18 cette armée est restée l'armée yougoslave jusqu'au moment où elle ne se

19 retire de la Krajina. Même si les dirigeants étaient vraiment tous des

20 Croates, la plupart était des Croates. Vous aviez le premier ministre Ante

21 Markovic, le ministre des Affaires intérieures Loncar, un Croate aussi, le

22 chef d'état-major s'appelait Yougoslave, mais sa mère était Croate alors

23 que son père était Serbe, je veux bien, Veljko Kadijevic. Le commandant de

24 l'aviation, c'était un Croate, le général Jurjevic. L'armée qui se battait

25 à Vukovar, le commandant de cette armée c'était un Macédonien.

26 Il ne faut pas faire l'amalgame entre cette armée et les dirigeants

27 serbes et la terre serbe. C'était une armée yougoslave, complètement

28 yougoslave, et le gouvernement yougoslave était compétent pour tout le

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1 territoire de l'ex-Yougoslavie. Peu importe si l'on considérait que la

2 Croatie et la Slovénie à l'époque étaient déjà indépendantes, oui ou non.

3 Si vous me posez une question au sujet de la Skabrnja, je peux vous dire

4 que là il s'agissait de l'armée populaire yougoslave, et ces crimes ne

5 devraient pas être liés avec les dirigeants serbes. De toute façon, je

6 dirais que les officiers yougoslaves, leur part de responsabilité dans ces

7 crimes est moindre que la part de responsabilité des officiers croates.

8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais intervenir puisque vous

9 êtes en train de terminer de répondre à la question posée. Vous avez dit

10 auparavant que le gouvernement était vraiment voué à la protection des

11 Croates qui sont restés en Krajina. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

12 Vous avez dit cela il y a pas longtemps.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vous ai pas du tout compris. Madame,

14 excusez-moi, personne ne m'a donné votre nom de famille.

15 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'accepte votre excuse. Vous avez

16 dit tout à l'heure que le gouvernement de la RSK disposait des mesures

17 extrêmement strictes portant sur la protection des Croates qui étaient

18 restés dans la Krajina. C'est comme cela que je vous ai compris tout à

19 l'heure. Vous avez dit cela en répondant à une question posée par Me

20 Milovancevic. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Puisque vous vous souvenez de

23 cela. Est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient ces mesures qui

24 ont été mises en place pendant la période pertinente pour l'acte

25 d'accusation pour protéger les Croates qui étaient restés dans la Krajina ?

26 Quelles étaient les mesures spécifiques et concrètes prises par votre

27 gouvernement que vous avez mises en place pour mettre en œuvre cette

28 politique ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Nom de Dieu, pour nous, tous les citoyens de

2 la République serbe de la Krajina étaient égaux.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous interrompre ?

4 Je vous prie de bien vouloir utiliser un langage approprié à ces lieux. Ce

5 n'est pas la peine d'évoquer le nom de Dieu. Je ne dis pas que c'est une

6 insulte, mais ce n'est tout simplement pas approprié.

7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous devriez vous rappeler du fait

8 que vous avez dit que le gouvernement était voué à protéger ces Croates.

9 C'est ce que vous avez dit. Je remercie, Monsieur le Président, de

10 l'observation qu'il vient de faire.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup. Je ne souhaitais pas insulter

12 qui que ce soit. Lorsque l'on dit "nom de Dieu" en Serbe c'est peut-être

13 beaucoup plus faible que l'équivalent en anglais, mais je ne vais plus

14 répéter cela.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre à votre question maintenant.

17 Ce que j'ai dit, Madame, est la chose suivante : le gouvernement de la

18 République de Krajina serbe n'a pas pris de mesures à l'encontre des

19 membres de quelque groupe ethnique ou de quelque nation que ce soit. Je ne

20 souhaite pas dire que la population n'a pas ressenti ou manifesté une

21 certaine animosité à l'encontre des Croates qui vivaient parmi eux. Je peux

22 vous donner l'exemple de M. Martic qui, lorsqu'il était président, s'est

23 adressé directement à la cour afin que l'on mène des enquêtes ou une

24 enquête plutôt sur le meurtre de plusieurs Croates et deux Hongrois à

25 Baranja. Je ne connais pas les détails, mais je crois que la cour a

26 condamné les auteurs de ces crimes à 20 ans de prison. Ceci montre bien que

27 le gouvernement tenait compte de cela et veillait à ce que cela ne

28 reproduise pas. Je vais vous donner un exemple contraire. A Sisak, par

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1 exemple, 600 Serbes ont été tués en 1991 et jusqu'à aujourd'hui ni le

2 gouvernement croate ni les institutions internationales n'ont tenu qui que

3 ce soit responsable pour ces crimes.

4 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais vous interrompre. Vous ne

5 nous avez toujours pas dit ce que je vous ai demandé, mais le Président me

6 rappelle qu'il faut procéder à une pause maintenant, donc je vais traiter

7 de cela tout à l'heure.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je suppose que le moment est

9 opportun pour prendre une pause. Nous allons revenir ici à 11 heures moins

10 le quart.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Madame le Juge.

14 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Ma première demande auprès de vous

15 est de me dire de quelle manière faut-il prononcer votre nom de manière

16 appropriée.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Jarcevic, ce qui correspond à un bouc, en

18 traduction.

19 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Je souhaite que vous me

20 disiez la chose suivante. Dans votre réponse, vous avez dit qu'en réalité,

21 il n'y avait pas de mesures spécifiques prises par le gouvernement de la

22 RSK, sauf qu'il n'y avait pas de discrimination à l'encontre des Croates.

23 Ai-je bien compris vos propos ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas vraiment expliqué en ce qui

25 concerne le gouvernement de la RSK. Dans la situation dans laquelle le

26 gouvernement de la RSK et la population se sont retrouvés, si la même chose

27 était arrivée dans un autre Etat et au sein d'une autre population, je

28 suppose que cela aurait été bien plus grave, à la fois pour la population

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1 majoritaire et pour la population minoritaire.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Très bien. Nous nous en tiendrons

3 à cela. Une autre question me travaille. Je m'intéresse à tout ce qui a été

4 dit dans cette affaire, mais de temps en temps, certains points sont plus

5 présents dans mon esprit que d'autres.

6 Vous avez fait référence à l'armée yougoslave, à l'armée de la

7 Yougoslavie; est-ce qu'il y avait une armée de la RSK ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous parlez de l'année 1991, il faut savoir

9 que l'armée de la RSK était seulement en cours de constitution.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pendant l'existence de la RSK,

11 jusqu'en 1995, par exemple, aviez-vous une armée de la RSK à quelque moment

12 que ce soit depuis la création de la RSK ? Je suppose que vous savez de

13 quoi je parle lorsque je dis la RSK ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 19 novembre 1991, la RSK a été proclamée et

15 elle disposait de son armée jusqu'à la fin.

16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Vous êtes en train de parler de

17 l'armée yougoslave, vous étiez en train de parler de l'armée yougoslave au

18 cours de votre déposition. Mais cette armée yougoslave se référait à quel

19 territoire ? Est-ce qu'il est possible de faire une distinction entre elle

20 et l'armée de la RSK ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée de la République fédérale de la

22 Yougoslavie avait été déployée sur tout le territoire de la République

23 fédérative socialiste de Yougoslavie en 1991.

24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Attendez. Quels étaient les

25 territoires couverts par l'armée yougoslave ou de la Yougoslavie dont vous

26 avez parlé ? C'est la réponse qui m'intéresse, par opposition à l'armée de

27 la RSK.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur la base de la résolution du Conseil de

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1 sécurité stipulant que les lois yougoslaves s'appliquent sur le territoire

2 placé sous la protection des Nations Unies, le moment du retrait de la JNA

3 était prévu aussi. Les documents indiquant cela existent, ceci est reflété

4 également dans la correspondance entre l'état-major général de la JNA et la

5 FORPRONU. Je pense que les dernières unités de la JNA se sont retirées de

6 la partie orientale de la République serbe de Krajina, si je ne me trompe,

7 en septembre 1992. Les officiers de la FORPRONU avaient accepté cela et se

8 tenaient au courant de ce processus.

9 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Jarcevic, je vais essayer

10 de m'exprimer de façon un peu plus claire, car visiblement, je ne suis pas

11 en train de réussir à vous indiquer clairement quelle est la nature de la

12 déposition qui m'intéresse. Est-ce que vous acceptez qu'il y avait une

13 armée appelée l'armée croate ? Peut-on avoir une réponse de vous pour le

14 compte rendu d'audience, oui ou non ? Je vous parle de la période dont je

15 vous ai parlé. Depuis la création de la RSK jusqu'en 1995, est-ce que

16 l'armée croate existait au cours de cette période ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vais vous poser la question

19 suivante : au cours de cette période, vous acceptez que l'armée de la RSK

20 existait également ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Le Président vient d'attirer mon

23 attention sur le fait que j'ai été annoncée dans le compte rendu d'audience

24 comme le Juge Moloto, ce qui me flatte, mais ce qui n'est pas exact.

25 Je vais poser ma question suivante. Lorsque vous parlez de l'armée

26 yougoslave, est-ce que vous pouvez nous dire quels étaient les territoires

27 couverts par cette armée, compte tenu du fait que l'armée croate tout comme

28 l'armée de la RSK existaient ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, voici ma réponse. L'armée de la

2 République fédérale de Yougoslavie se trouvait sur le territoire de la RSK,

3 conformément à un accord passé avec la FORPRONU. La FORPRONU et l'armée

4 yougoslave s'étaient mises d'accord sur le rythme et les temps de son

5 retrait de la RSK. Le gouvernement de la RSK à Knin n'avait aucune

6 influence là-dessus.

7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Jarcevic, ce n'est

8 pas l'histoire qui m'intéresse. Je souhaite simplement savoir ce à quoi

9 correspondaient les composantes de cette armée, puisque vous avez dit au

10 cours de votre déposition que l'armée croate et l'armée de la RSK

11 existaient pendant cette même période. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir

12 et que vous nous disiez exactement quels étaient les territoires que

13 l'armée yougoslave représentait, si vous voulez, ou recouvrait. Je ne

14 savais pas que j'étais si peu douée pour communiquer.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, je ne vous comprends pas du

16 tout.

17 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que l'armée

18 yougoslave représentait la Croatie, à l'époque ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, je ne comprends pas cette

20 question, puisque l'armée croate était une armée créée de manière

21 anticonstitutionnelle. La Croatie a fait sécession de la Yougoslavie de

22 manière anticonstitutionnelle et elle avait créé son armée qu'elle avait

23 armée dès avant la proclamation de l'indépendance avec le soutien des Etats

24 européens. Les dirigeants yougoslaves ont omis de placer cela à l'ordre du

25 jour des discussions menées devant l'ONU et l'OSCE et d'autres institutions

26 internationales. Il existe des documents indiquant que le ministre des

27 Affaires étrangères n'a rien fait et que la communauté internationale n'a

28 rien fait au sujet du fait que la Croatie s'armait avec l'aide de la

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1 Hongrie depuis longtemps et qu'elle formait des formations paramilitaires.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je pense que je ne peux pas

3 insister de manière supplémentaire. Pour le moment, je vais m'en tenir là.

4 Je ne sais pas si le Président, le Juge Président ou mon confrère le Juge

5 Hoepfel ou le conseil de la Défense, Me Milovancevic, pourrait essayer

6 d'obtenir la réponse du témoin, conformément à ce à quoi je m'attends.

7 Merci beaucoup.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose que ma consoeur souhaite

9 que je poursuive des questions à ce sujet.

10 Monsieur Jarcevic, s'il vous plaît, ne nous parlez pas de la FORPRONU ni

11 des Nations Unies et leur résolution. Veuillez simplement répondre à ma

12 question. Je crois que mon éminente consoeur souhaite obtenir de vous la

13 chose suivante : lorsque vous parlez de la JNA, c'est-à-dire l'armée

14 yougoslave, il s'agit d'une armée qui, d'après vous, représentait quelle

15 république et quelle province de Yougoslavie ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous n'avez pas indiqué

17 la période qui vous intéresse.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La période qui avait été mentionnée

19 par le Juge Nosworthy.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il est question de l'année 1990-1991,

21 l'armée populaire yougoslave était dans des casernes dans chaque

22 république, c'est là qu'elle a subi des attaques, une agression,

23 conformément au document des Nations Unies qui l'ont constatée. Elle a été

24 attaquée par des formations paramilitaires de Slovénie et de Croatie et par

25 la suite également de la Bosnie-Herzégovine.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Jarcevic, je vous ai demandé

27 de ne pas mentionner les Nations Unies ni les résolutions. Je vous demande

28 la question suivante : du point de vue de l'Etat fédéral yougoslave et non

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1 pas du point de vue des Nations Unies et de votre point de vue, vous, en

2 tant que ministre au sein de la RSK, quels étaient les territoires que

3 l'armée yougoslave représentait ou par rapport auxquels elle était

4 compétente ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit,

6 l'armée yougoslave se trouvait dans toutes les républiques et s'est retirée

7 à des moments différents de la Slovénie et du territoire de la Croatie et

8 du territoire de la RSK et, à un moment donné, de la Bosnie-Herzégovine.

9 Elle se retirait vers des régions qui, par la suite, sont devenues la

10 République fédérale de Yougoslavie, autrement dit, la Serbie-et-Monténégro.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Maître Milovancevic ?

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Afin d'éviter tout malentendu, Monsieur Jarcevic, la JNA était l'armée

14 de l'Etat fédéral de Yougoslavie qui s'appelait, en 1990 et 1991, la

15 République fédérative socialiste de Yougoslavie, que l'on appelait la RSFY

16 pour abréger. Est-ce qu'en Yougoslavie, en 1990 et 1991, mis à part la JNA

17 qui était une puissance armée fédérale, est-ce qu'une des républiques ou

18 plusieurs avaient leur propre armée --

19 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai l'impression que le

20 conseil souhaitait répondre à la question plutôt que de poser une question,

21 c'est la raison pour laquelle je fais objection.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Avez-vous entendu cela, Maître

23 Milovancevic ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais

25 reformuler ma question afin d'éviter que ma question soit mal comprise de

26 quelque manière que ce soit, avec votre permission, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une question de

28 malentendu, mais le problème est que vous avez posé une question

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1 directrice. Ne placez pas de mots dans la bouche du témoin. Je vais --

2 permettez-moi de parler -- de terminer. Posez votre question, et nous

3 allons obtenir une réponse du témoin, mais veuillez ne pas suggérer la

4 réponse au témoin. Il s'agit de votre témoin, et vous ne pouvez pas faire

5 ceci avec lui. Ceci peut être fait lors du contre-interrogatoire.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

7 Q. Monsieur Jarcevic, dites-moi si l'armée populaire yougoslave était une

8 force armée fédérale.

9 R. Oui, suivant la constitution.

10 Q. Est-ce que, mis à part la JNA, les républiques pouvaient disposer de

11 leur propre armée ?

12 R. Non. Elles ne pouvaient pas avoir leur armée, mais elles pouvaient

13 disposer de la Défense territoriale, qui n'était pas une armée, mais une

14 organisation de soutien à la JNA.

15 Q. Est-ce qu'en vertu de la constitution yougoslave, les forces armées

16 fédérales étaient unifiées et constituées de la JNA et de la Défense

17 territoriale ?

18 R. Oui. C'était le cas et c'est que j'ai essayé d'expliquer.

19 Q. Merci. Le plan Vance, et nous allons y revenir, prévoyait le retour des

20 personnes déplacées. Vous en avez parlé quelque peu hier. Monsieur

21 Jarcevic, est-ce qu'à quelque moment que ce soit la République serbe de

22 Krajina, le gouvernement de la RSK et notamment M. Martic en tant que

23 ministre de l'Intérieur et par la suite en tant que président de la RSK,

24 est-ce qu'ils ont jamais empêché le retour de la population croate, car ils

25 les haïssaient, car il s'agissait d'un ennemi ou pour quelque raison que ce

26 soit ?

27 R. Ni moi, ni nous, ni Martic comme président, nous ne l'avons jamais

28 fait. Nous disions qu'il fallait absolument rendre possible en même temps

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1 le retour des Serbes expulsés.

2 Q. Est-ce que ce que vous venez de dire veut dire que tout ce que vous

3 souhaitiez obtenir, c'était la réciprocité et le traitement égal de la

4 population serbe et croate ?

5 R. Oui, le traitement égal, sachant que le nombre des Serbes expulsés

6 était bien supérieur à celui des Croates expulsés.

7 Q. Merci. Vous avez parlé de cinq grandes offensives et du fait que le

8 Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté des résolutions condamnant ces

9 offensives. Est-ce que la République de Croatie, en tant que membre des

10 Nations Unies, a jamais été sanctionnée ou punie par les Nations Unies en

11 raison de telles offensives ?

12 R. Elle n'a jamais subi de conséquence, et c'est le seul Etat dans le

13 monde qui a occupé une zone placée sous la protection de l'ONU et qui a

14 attaqué une telle zone.

15 Q. Vous avez dit hier que la République serbe de Krajina, ou plutôt, sa

16 population, suite à ces opérations, était forcée de quitter la Croatie. Il

17 s'agissait du départ de centaines de milliers de personnes. Est-ce que

18 cette population, aujourd'hui, au bout de 11 ans après son expulsion, peut

19 retourner sur le territoire de la Croatie ?

20 R. Les conditions lui permettant de rentrer ne sont pas réunies et je

21 souhaite répéter maintenant que la Croatie est le seul pays après la

22 Deuxième Guerre mondiale qui a placé l'ensemble d'une population dans le

23 statut de hors-la-loi, car les biens mobiliers et immobiliers des familles

24 serbes ont été confisqués.

25 Q. Monsieur Jarcevic, il y a trois jours, le 150e anniversaire de la

26 naissance de Nikola Tesla, un scientifique de renommée mondiale, a été

27 célébré dans le village serbe de Smiljane, près de Gospic. A Gospic, il y a

28 trois jours, le président de la République de Serbie y est allé afin de

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1 célébrer cet événement et afin d'y rencontrer le président croate Stipe

2 Mesic. Le président de la Serbie a été étonné de voir, et ceci a été

3 transmis par les médias, que des milliers de villages serbes en Croatie

4 n'ont toujours pas l'électricité 11 ans après les événements. Est-ce que

5 vous pouvez nous dire quelque chose à ce sujet ?

6 M. WHITING : [interprétation] Objection. Tout d'abord, il s'agit d'une

7 question suggestive, et deuxièmement, je ne vois pas la pertinence.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la pertinence de cela et

9 pourquoi est-ce que vous posez une question directrice ?

10 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je ne souhaitais pas poser une question

11 directrice, mais quant à la pertinence, elle est liée aux allégations

12 contenues dans l'acte d'accusation dressé par l'Accusation en raison de

13 l'opération Tempête, à l'encontre des trois co-accusés, où il est question

14 des efforts systématiques déployés par une partie de l'Etat croate afin

15 d'expulser la population et d'empêcher le retour de la population. Ce qui

16 m'intéresse est de savoir si M. Jarcevic, qui est au courant de la

17 situation, sait qu'aujourd'hui 11 ans après la guerre les autorités croates

18 n'ont pas connecté l'électricité dans les villages serbes pour leur rendre

19 la vie possible. Nous sommes au XXIe siècle et les gens vivent dans le noir

20 sans électricité puisque les autorités croates n'ont pas voulu les

21 connecter.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La déposition entendue jusqu'à présent

23 est que la population serbe refusait de rentrer, pourquoi connecter

24 l'électricité dans des maisons qui sont vides ? Nous décidons que la

25 question est sans pertinence et nous ne l'admettons pas.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense

27 n'a plus de questions pour ce témoin. Je vous remercie.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

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1 Monsieur Whiting.

2 Contre-interrogatoire par M. Whiting :

3 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur. Je m'appelle Alex Whiting. Comme

4 vous avez pu le constater sans doute, je suis l'un des Procureurs dans

5 cette affaire.

6 R. Bonjour, je ne savais pas que vous étiez le Procureur. Je suis content

7 de vous rencontrer et j'espère que nous allons nous entendre.

8 Q. Moi aussi. Je pense que quelque chose qui pourrait nous aider à nous

9 entendre c'est si vous vous concentrez avec beaucoup d'attention sur les

10 questions que je vais vous poser et que vous y répondiez de manière aussi

11 succincte et aussi précise que possible.

12 Comprenez-vous ?

13 R. Tout à fait.

14 Q. Monsieur, hier, vous avez témoigné, il s'agit de la page 64 du compte

15 rendu d'audience, que M. Martic n'avait jamais exprimé, je vous cite : "De

16 la haine vis-à-vis de quelque groupe ethnique ou religieux que ce soit et

17 ce fut également mes propres points de vue. C'est ainsi que nous nous

18 sommes très bien entendus."

19 Est-ce que vous vous souvenez d'avoir dit cela hier ?

20 R. Oui, tout à fait, Monsieur Whiting.

21 Q. Vous-même et M. Martic partagiez les mêmes points de vue à l'époque,

22 n'est-ce pas ? A l'époque où vous étiez ministre des Affaires étrangères de

23 la RSK ?

24 R. Oui. Nous continuons à avoir les mêmes points de vue aujourd'hui aussi.

25 Q. Pendant que vous étiez ministre des Affaires étrangères de la RSK, vous

26 avez, à plusieurs reprises, utilisé un langage très extrême alors que vous

27 parliez des Croates et des Musulmans; est-ce exact ?

28 R. Seulement lorsqu'il s'agissait des Etats des Musulmans et des Croates.

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1 Ils étaient brutaux vis-à-vis de la population serbe et je maintiens ceci

2 aujourd'hui.

3 Q. Nous allons examiner un certain nombre de ces déclarations. Je vous

4 demanderais de vous reporter au numéro 02150847, s'il vous plaît. Vous

5 allez maintenant pouvoir examiner une lettre que vous avez vous-même écrite

6 et que vous avez lue à voix haute pendant la séance de l'assemblée de la

7 Republika Srpska, le 11 septembre 1993. Vous l'avez écrite à Alexa Buha --

8 R. Oui, je connais ce document.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé, mais nos écrans n'affichent

10 pas ce dont vous parlez.

11 M. WHITING : [interprétation] Oui. Moi aussi, j'ai le même problème.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi. Mon ordinateur est également

13 confronté à ce même problème, je n'ai pas d'image.

14 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi, mais il y a du B/C/S

15 des deux côtés, à la fois du côté anglais et du côté B/C/S.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur

17 Whiting.

18 M. WHITING : [interprétation] Merci.

19 Q. Monsieur Jarcevic, vous voyez cette lettre, vous la reconnaissez ?

20 R. Oui, bien entendu. C'est moi qui l'ai écrite, pas de problème.

21 Q. Vous avez écrit ces mots ?

22 R. J'ai écrit chacun de ces mots.

23 Q. Je voudrais que vous examiniez le bas de la page 1 de la version

24 anglaise, page 2 de la version en B/C/S. Je ne vais pas lire l'ensemble de

25 la lettre, mais je voudrais vous lire un passage. Il se trouve à peu près

26 au milieu de la page B/C/S. Si vous descendez un peu. Voilà. A peu près là.

27 Dans la version anglaise cela commence en bas et cela dit la chose

28 suivante. Vous l'avez écrite pendant que vous étiez ministre des Affaires

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1 étrangères, n'est-ce pas ? Ministre des Affaires étrangères de la RSK ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Vous avez adressé cette lettre afin que celle-ci soit lue à voix haute

4 pendant l'assemblée de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine; c'est

5 exact ?

6 R. Oui. C'est ce qui s'est passé, cette lettre a été lue, n'est-ce pas à

7 votre connaissance ?

8 R. Oui.

9 Q. Nous allons maintenant regarder ce que vous avez indiqué dans votre

10 lettre : "La Croatie attend que les Serbes de la Republika Srpska

11 s'entretuent ou qu'ils se préoccupent d'eux-mêmes de façon que la Croatie

12 puisse remplir les fosses avec des femmes, des enfants et de vieilles

13 personnes serbes. Nous ne devons pas commettre aujourd'hui la même erreur

14 que nous avons commise tant de fois. Les chevaliers serbes doivent se

15 trouver sur les frontières serbes. Le mécréant qui pensait et qui a appris

16 depuis son enfance qu'il fallait exterminer le peuple serbe ne doit pas

17 mettre le pied sur la terre serbe. Trop de nos terres nous ont été enlevées

18 pendant ce siècle pour que nous puissions nous permettre de sacrifier un

19 seul mètre actuellement."

20 Dans ce petit passage que je viens de lire, le mécréant dont vous parlez

21 qui a appris depuis son enfance qu'il fallait exterminer le peuple serbe,

22 il s'agit du peuple serbe, n'est-ce pas ? C'est d'eux que vous parlez ?

23 R. Tout ce que je dis que c'est qu'à travers les manuels scolaires

24 beaucoup avait dit qui était à l'origine de la haine vis-à-vis des Serbes,

25 qui a donné lieu à cette haine, c'est vrai. J'ai écrit deux ou trois livres

26 à ce sujet depuis cette époque-là, je n'ai pas besoin de retirer une seule

27 phrase de ce texte que vous venez de lire. Je vous peux vous expliquer

28 quelle était la situation qui existait à l'époque. Je suis sûr que la

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1 Chambre n'est pas au courant. Avec la permission de la Chambre, j'aimerais

2 l'expliquer.

3 Q. Monsieur, veuillez vous contenter de répondre à mes questions, s'il

4 vous plaît. Le mécréant dont vous parlez dans cette lettre c'est le peuple

5 croate, parce que ce sont eux qui, selon vous, ont appris depuis leur

6 enfance à travers les manuels scolaires qu'il fallait exterminer les Serbes

7 de façon que le mécréant ici est le peuple croate, n'est-ce pas ?

8 R. L'Etat croate, Monsieur, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure quand

9 vous m'avez posé la question. L'Etat croate a commis des actes terribles

10 contre les Serbes.

11 Q. Je ne vous demande pas -- est-ce que vous êtes en train de nous dire

12 que l'Etat croate et le peuple croate utilisaient des manuels scolaires

13 différents ?

14 R. Il n'y aurait pas eu le mal qu'il y a eu --

15 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que le peuple croate et

16 l'Etat croate utilisaient les mêmes manuels scolaires ?

17 R. L'Etat croate publiait et émettait ses manuels scolaires, il les

18 donnait à ses habitants. C'était Ante Starcevic, un raciste qui a dit que

19 ces manuels scolaires était le père de l'Etat croate. Il a dit que les

20 Serbes devraient être exterminés et que le bétail devait être exterminé.

21 Q. Ce que vous êtes en train de dire pour que nous soyons sûrs, c'est

22 qu'on avait appris au peuple croate à travers ces manuels scolaires depuis

23 leur enfance qu'il fallait exterminer les Serbes; est-ce que c'est ce que

24 vous dites dans ce passage ?

25 R. J'ai été clair. Le père de l'Etat croate, dans les manuels croates

26 utilisés dans les écoles primaires et élémentaires, a dit que les Serbes

27 devaient être exterminés. Si vous lisez ce que dit le père de l'Etat

28 croate, il a dit que la race devrait être exterminée.

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1 Q. Est-ce que vous essayez de faire dans ce passage -- il me semble que ce

2 que vous essayez de faire c'est que le peuple serbe soit effrayé par le

3 peuple croate. Ce n'est pas cela le but de ce passage ?

4 R. Ils ont peur de l'Etat croate et je n'ai pas dit qu'ils avaient eu peur

5 du peuple croate, mais j'ai dit que l'Etat avait préparé la population pour

6 ce mal, qu'il avait commis ce mal à plusieurs reprises pendant le XXe

7 siècle.

8 Q. Si vous dites que l'Etat préparait la population à ce mal, n'est-ce pas

9 la même chose que de dire que le peuple serbe devrait avoir peur du peuple

10 croate, n'est-ce pas cela ce que vous êtes véritablement en train de dire,

11 Monsieur ?

12 R. Monsieur, le peuple croate n'avait pas peur. Il croyait que les

13 événements n'allaient pas se répéter, ceux qui avaient eu lieu pendant la

14 Deuxième guerre mondiale, malheureusement c'est ce qui s'est passé et les

15 manuels scolaires ont eu une énorme influence à la fois sur les individus

16 et de façon collective. On ne peut pas dire le contraire. Si vous prenez un

17 seul de ces manuels scolaires croates vous allez voir qu'il est écrit que

18 la race serbe doit être exterminée. Je suis très content que --

19 Q. Je dois vous interrompre parce que vous ne répondez pas à ma question.

20 Si vous dites que l'Etat prépare la population pour le mal, ce n'est pas la

21 même chose ? Est-ce la même chose que de dire que le peuple serbe devrait

22 avoir peur du peuple croate ? Oui ou non ?

23 R. Je vous répète, l'Etat croate et je ne vais pas répondre à votre

24 question d'une façon différente. Je sais qu'il y a parmi le peuple croate

25 des individus bons, tout comme chez le peuple serbe. Il y a des bons et des

26 mauvais. Mais lorsque l'Etat et l'église mènent la population vers une

27 certaine direction, c'est cela qui se produit.

28 Q. A chaque fois que vous parlez de ce qui s'est passé pendant la Deuxième

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1 Guerre mondiale, à la fois à l'époque et maintenant ici aujourd'hui n'est-

2 ce pas la même chose que vous essayez d'obtenir, à savoir que le peuple

3 serbe ait peur du peuple croate ? Ce n'est pas cela votre but, Monsieur ?

4 R. Cher Monsieur, est-ce que votre peuple à vous n'aurait pas peur des

5 camps de concentration, des camps de la mort en Croatie car à part

6 l'Allemagne, c'est le seul pays où il y a eu des camps de la mort, des

7 camps de concentration pour les Serbes, les Tziganes et les Juifs, on ne

8 peut pas le nier.

9 Q. Je vais conclure que ce que vous nous dites là, c'est de dire qu'en

10 fait c'est ce que vous vouliez faire, faire en sorte qu'ils aient peur, et

11 c'est ce que vous continuez à faire aujourd'hui, n'est-ce pas ?

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Milovancevic ?

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] L'Accusation présente ses points de vue

15 et ses positions comme étant ce que le témoin aurait dit. Le témoin a

16 répondu. Maintenant, si l'Accusation est satisfaite de la réponse ou pas,

17 bien c'est leur affaire. Mais ils ne peuvent pas faire des commentaires sur

18 le témoin, ensuite en déduire une signification que le témoin n'a pas

19 affirmé. Il peut continuer évidemment avec son contre-interrogatoire.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting ?

21 M. WHITING : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin ait répondu à

22 ma question et s'il l'a fait, il l'a fait de manière simplement rhétorique.

23 C'est tout ce que je voulais essayer de faire savoir. Ce que j'ai essayé de

24 faire, c'est de lui demander confirmation ou infirmation de ce que

25 j'affirmais.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous entendez, Maître Milovancevic ?

27 On demande au témoin de commenter s'il est d'accord ou non avec

28 l'interprétation de sa réponse.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si l'Accusation

2 s'attend à un commentaire de la part du témoin, il doit lui poser la

3 question, mais il ne doit pas lui-même faire le commentaire en prétendant

4 que c'est ce qu'a dit le témoin.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne comprends pas très bien ce que

6 vous voulez dire. Je suis désolé. Il faut comprendre qu'il s'agit d'un

7 contre-interrogatoire. Ce n'est pas l'interrogatoire principal, je ne

8 comprends pas très bien ce que vous entendez par là. Dans un contre-

9 interrogatoire, il est légitime pour celui qui l'effectue de faire des

10 propositions au témoin et demander au témoin de faire un commentaire là-

11 dessus. C'est ce que j'ai essayé de vous encourager à faire pendant que

12 vous-même vous faisiez le contre-interrogatoire. Je ne suis pas sûr de bien

13 vous comprendre.

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président. Oui, je suis

15 d'accord avec ce que vous venez de dire. Je pense à peu près la même chose.

16 J'ai fait une objection parce qu'après avoir entendu la réponse du témoin,

17 il a pris le sens et la signification de ce témoin, l'a reformulé et a dit

18 : "Donc, j'en déduis que vous dites ceci et cela."

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Car le témoin au lieu de répondre à la

20 question a posé une question. Ce n'est pas au témoin de poser des questions

21 dans cette Chambre ou devant un quelconque tribunal. C'est au témoin de

22 répondre aux questions. S'il pose une question rhétorique, celui qui fait

23 le contre-interrogatoire essaie de trouver le sens de la question qui est

24 posé par cette question rhétorique et invite le témoin à dire est-ce que je

25 vous ai bien compris ? Sinon, d'expliquer ce qu'il a voulu dire.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, c'est exactement de cela que je

27 parle, Monsieur le Président Moloto, mais l'Accusation a posé au témoin la

28 question de savoir s'il était d'accord avec ces conclusions.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien entendu qu'il a posé cette

2 question. Il vous a dit, en réagissant à votre objection -- j'ai en fait

3 dit à la fin : est-ce exact ? C'est au témoin, à ce moment-là, de dire oui

4 ou non. C'est contenu dans le compte rendu d'audience. Si vous voulez le

5 voir, on peut le vérifier.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 M. WHITING : [interprétation] Puis-je continuer.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Continuez, objection rejetée.

9 M. WHITING : [interprétation] Merci.

10 Q. Monsieur Jarcevic, encore une dernière fois, je vous pose la question.

11 En fait, lorsque vous avez évoqué ce qui s'est passé pendant la Deuxième

12 Guerre mondiale à l'époque et lorsque vous l'évoquez ici aujourd'hui devant

13 la Cour, est-ce que vous essayez de faire en sorte que le peuple serbe ait

14 peur du peuple croate ? J'aimerais bien avoir une réponse directe de votre

15 part à cette question.

16 R. Je ne veux pas accuser tout le peuple croate. Par votre question, c'est

17 ce que vous essayez de me faire faire. Je ne le ferai pas. Mais j'accuse

18 l'Etat croate, je lui reproche cela parce que c'est lui qui avait les

19 manuels scolaires qui pouvaient donner lieu à ces mots. C'est ce que j'ai

20 dit dans mon texte.

21 Q. Le langage contenu dans cette lettre était quelque chose qui était très

22 courant dans les médias serbes officiels à l'époque de 1991, 1992 et 1993,

23 n'est-ce pas ? Ces mots pouvaient se trouver dans les médias serbes

24 officiels à l'époque, n'est-ce pas ?

25 R. Monsieur, on peut trouver un langage de ce type dans les œuvres

26 scientifiques ou historiques qui éclairent la période de la persécution

27 serbe et les massacres des Serbes.

28 Q. Je ne vous ai pas posé de questions concernant les œuvres historiques

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1 et scientifiques, je vous ai simplement posé la question à propos des

2 médias serbes officiels. Merci de vous concentrer sur mes questions et d'y

3 répondre. Ce type de langage était-il assez courant dans les médias serbes

4 officiels dans les années que j'ai mentionnées, 1991, 1992 et 1993; est-ce

5 exact ?

6 R. Oui, mais si je puis me permettre de rajouter quelque chose, ce langage

7 n'était pas vraiment comparable, en termes de toxicité, à celui qui était

8 utilisé des côtés musulman et croate. Je peux vous donner plusieurs

9 exemples.

10 Q. Me Milovancevic vous posera peut-être des questions à ce propos, mais

11 pour l'instant, j'ai d'autres questions. Vous nous avez dit que vous avez

12 fait cette déclaration pendant que vous étiez ministre des Affaires

13 étrangères, donc à une époque où vous essayiez de négocier la paix avec la

14 Croatie; est-ce exact ?

15 R. Oui.

16 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on faire verser

17 ce document au dossier et lui donner un numéro ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, on peut accepter ce document.

19 Pouvez-vous lui attribuer un numéro ?

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 861.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

22 M. WHITING : [interprétation] Merci.

23 Q. Je voudrais vous poser des questions concernant votre approche pendant

24 les négociations. Pendant votre déposition, pendant le contre-

25 interrogatoire, vous en avez parlé, vous avez passé en revue une série de

26 négociations qui se sont déroulées avec les Croates. Maintenant, je vais

27 vous poser une première question. Est-ce vrai de dire qu'un des obstacles

28 majeurs à toutes les négociations qui se sont déroulées avant que vous ne

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1 deveniez ministre des Affaires étrangères et après cela était le fait que

2 vous et d'autres dirigeants serbes n'aviez pas voulu accepter une solution

3 qui donnait aux Serbes l'autonomie en RSK, car vous insistiez toujours et

4 encore sur le fait d'avoir votre propre Etat de la RSK, que la RSK devienne

5 une nation séparée ? Cela ne constituait-il pas un obstacle majeur pour la

6 négociation d'une paix ?

7 R. Non.

8 Q. Non, parce qu'il ne s'agissait pas d'un obstacle ou parce que ce

9 n'était pas l'objectif des dirigeants serbes de la RSK ?

10 R. L'objectif des dirigeants de la RSK était d'obtenir l'autonomie en

11 Croatie, mais la partie croate n'a jamais voulu l'accepter. Si cela avait

12 été le cas, il n'y aurait pas eu de guerre. Vous vous souvenez que les

13 Serbes voulaient l'autonomie culturelle. Mais cela non plus, ils n'ont pas

14 pu l'obtenir.

15 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que lorsque vous étiez

16 ministre des Affaires étrangères après 1992, vous et les autres dirigeants

17 de la RSK auriez accepté l'autonomie et n'auriez pas insisté pour avoir un

18 Etat séparé ? Est-ce que vous comprenez la distinction que j'essaie de

19 faire ?

20 R. L'autonomie représente le fait que le peuple ait le statut d'Etat du

21 peuple qui se veut autonome. Ceci nous avait été enlevé par un amendement

22 en 1990 à la constitution, et les Croates n'ont jamais été d'accord pour

23 nous restituer notre souveraineté de la façon dont nous en avions joui en

24 Yougoslavie. C'était un obstacle majeur.

25 Q. Je vais vous interrompre parce que je voudrais --

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Whiting, avant de

27 continuer, page 44, ligne 19, il est dit : je comprends que les Serbes

28 demandaient une autonomie culturelle après avoir parlé de l'autonomie

Page 6233

1 complète, et j'ai vu que l'interprète s'était corrigée. Est-ce qu'on

2 pourrait clarifier cette affaire ?

3 L'INTERPRÈTE : L'interprète note que le témoin avait parlé d'autonomie

4 culturelle.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [aucune interprétation]

6 M. WHITING : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

7 Q. Monsieur Jarcevic, je voudrais faire la différence entre une autonomie

8 et un Etat séparé. L'autonomie représenterait les droits des Serbes sur le

9 territoire de la RSK, mais qui resterait au sein de l'Etat croate. Un Etat

10 à part voudrait dire que la RSK deviendrait un Etat séparé par rapport à la

11 Croatie. Maintenant que nous avons fait cette distinction, n'est-il pas

12 exact que ce qui a empêché, qui a toujours empêché la paix avec la Croatie

13 était le fait que vous et les dirigeants serbes de la RSK, vous insistiez

14 toujours pour avoir un Etat séparé et vous n'étiez pas prêts à accepter une

15 forme d'autonomie; est-ce exact ?

16 R. Monsieur Whiting, vous savez, nous posions nos demandes au maximum.

17 Vous savez, les deux côtés, quand ils commencent à négocier, ils demandent

18 le maximum, et ensuite on commence à négocier, à lâcher du lest des deux

19 côtés. Les Croates ne nous ont jamais laissé faire cela. Au cours de leurs

20 négociations, ceci n'était jamais le cas, toutes les négociations, qu'elles

21 aient eu lieu à partir de Knin jusqu'à Oslo et Londres.

22 Q. Vous, les Serbes, vous n'auriez jamais accepté l'autonomie, n'est-ce

23 pas ? Ce que vous vouliez, c'était votre Etat, n'est-ce pas ?

24 R. Mais non, vous n'avez absolument pas raison. Je vous ai dit que Redman

25 et Churkin ont demandé qu'on signe l'accord d'Erdut. Après cela, l'Etat

26 croate devait devenir un Etat entier, mais qu'à l'intérieur, il devrait y

27 avoir deux parties de cet Etat du point de vue national. L'Etat croate a

28 refusé cela. Vous savez quelles sont les autorités du point de vue

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1 national, d'une Russie et d'une Amérique, et c'est sous leurs auspices que

2 cet accord s'était fait.

3 Q. Nous allons examiner en effet cet accord, l'accord d'Erdut, plus tard.

4 Nous allons bien voir qu'il n'en est rien de ce que vous venez de décrire

5 dans cet accord. Mais pour l'instant, je vais vous demander d'examiner le

6 document 02108173. Oui, c'est bien l'article en question, je vous remercie.

7 Monsieur, voyez-vous cet article ? Il s'agit d'un journal en date du 14 et

8 15 janvier 1993. On peut lire la réaction de Slobodan Jarcevic, le ministre

9 des Affaires extérieures. Je vais vous donner lecture de quelques

10 paragraphes de cet article. Tout d'abord, au début, on peut lire, et je

11 cite : "J'espère que le monde va comprendre que tout le mal qui est arrivé

12 dans l'ex-Yougoslavie est venu de la Croatie et d'une création musulmane

13 artificielle qui ont tous les deux commencé la guerre dans le désir de

14 détruire le peuple serbe." Est-ce que vous avez dit cela ?

15 R. Oui. Je pense exactement la même chose au jour d'aujourd'hui puisque

16 vous pouvez voir dans quelle mesure j'avais raison.

17 Q. [aucune interprétation]

18 R. [aucune interprétation]

19 Q. Mais qu'est-ce que vous voulez dire par cette création musulmane

20 artificielle ?

21 R. Merci de m'avoir posé cette question. Le peuple musulman, c'est un

22 peuple serbe qui a adopté la foi musulmane parce qu'il était forcé de le

23 faire par les Turcs. L'Austro-Hongrie et l'Allemagne faisaient tout cela

24 par les manuels, même si vous, vous dites que les manuels n'influencent

25 aucunement les jeunes générations. C'est pour cela qu'ils se sont éloignés

26 de l'arbre serbe et c'est pour cela que je maintiens et dis que c'est un

27 Etat artificiel, parce qu'ils ont créé leur Etat artificiel sur ce qui

28 était, avant, la terre serbe. Vous me dites de ne pas revenir sur

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1 l'histoire, mais c'est l'histoire qui décrit tout. Mais les grands pays

2 avaient une influence différente dans les Balkans que l'influence dont ils

3 jouissaient dans leurs colonies en Afrique, par exemple, et ailleurs. Vous

4 devez le savoir, vous n'êtes pas sans le savoir, Monsieur, parce que vous

5 êtes sans doute Britannique, si je ne m'abuse.

6 Q. Un petit peu plus loin dans le texte, j'espère que vous allez voir cela

7 en B/C/S, on peut lire que Jarcevic a répété le point de vue qu'un Etat

8 monstre qui existait déjà dans le passé a été à nouveau créé sur le

9 territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine.

10 C'est quoi cet Etat monstre dont vous parlez ?

11 R. Monsieur Whiting, merci de m'avoir posé cette question. Je vais répéter

12 ce que j'ai dit, et d'ailleurs, je maintiens ce point de vue. La Bosnie-

13 Herzégovine telle qu'envisagée ne peut pas fonctionner. C'est un Etat

14 monstre. Je vais vous dire pourquoi. C'est un Etat qui ne peut pas avoir de

15 manuels communs, ne peut pas avoir un drapeau commun, ne peut pas avoir des

16 armoiries communes. La langue serbe, on lui a donné encore deux ou trois

17 autres noms, alors que ce n'est rien d'autre que la langue serbe. Regardez,

18 il y a quelques jours, les Croates en Herzégovine ont dressé un monument,

19 et les Musulmans ont dit que c'était le monument pour les criminels. Celui

20 qui va être le héros pour les Croates, il va être un criminel pour les

21 Musulmans. Comment voulez-vous que fonctionne un Etat semblable ? C'est

22 pour cela que j'appelle cela un Etat monstre. Je maintiens ce que j'ai dit.

23 Vous savez, je suis né en Bosnie. Je connais très bien les circonstances

24 dans ces terres. Je sais très bien ce qui se passe là-bas. Je le sais mieux

25 que d'autres.

26 Q. Je vais encore vous poser quelques questions, mais si vous ne me

27 remerciez -- si vous arrêtez -- si vous cessez de me remercier à chaque

28 question que je vous pose, je pense que nous allons gagner un tout petit

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1 peu de temps. Ce sera toujours cela de gagné. Ce n'est pas nécessaire. Un

2 tout petit peu plus loin dans le texte, je vous cite : "En jugeant le tout,

3 qu'il s'agisse de la fédération ou de la confédération de la Croatie telles

4 qu'envisagées pour la RSK, ce n'est pas acceptable pour nous." Ensuite,

5 vous dites, et on parle de lui, et en fait, on parle de vous, là, je pense

6 : "La RS, la Republika Srpska et la RSK doivent avoir leur propre Etat.

7 C'est impossible de ne pas donner au peuple serbe le droit à

8 l'autodétermination, a dit Jarcevic." C'est un exemple qui illustre bien

9 que vous, à l'époque, en tant que ministre des Affaires extérieures de la

10 RSK, vous concéderiez que la RSK devait être un Etat séparé et qu'une

11 fédération ou une confédération avec la Croatie n'étaient pas acceptables.

12 Etait-ce votre point de vue à l'époque ?

13 R. Mais je le pense au jour d'aujourd'hui. Moi, je ne pouvais pas oublier

14 ce qui avait été décidé quand j'avais trois ans seulement, le 29 et le 30

15 septembre 1945, lors du congrès des Serbes à Zagreb.

16 Q. Vous avez répondu à la question. Merci. Je vais poser une autre

17 question. Pourquoi vous, en tant que ministre des Affaires étrangères de la

18 RSK, pourquoi vous insistez sur l'existence d'un Etat séparé de la

19 Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine ? Pourquoi c'est dans votre

20 intérêt ?

21 R. Parce que nous avions des liens très proches avec cet Etat. Evidemment

22 que nos points de vue étaient semblables, et nos rapports aussi étaient

23 bons. Vous savez, 64 % des terres appartenaient sur le cadastre aux Serbes,

24 et les décisions cruciales concernant ces terres ne pouvaient pas être

25 prises par les membres appartenant à d'autres communautés religieuses. Ce

26 sont les propriétaires qui devaient prendre les décisions concernant ces

27 terres, parce que comme vous le savez, la propriété privée, c'est un

28 concept sacré dans le monde entier.

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1 M. WHITING : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de

2 cette pièce, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette pièce a été versée. Pourriez-

4 vous lui attribuer une cote ?

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document 862.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

7 M. WHITING : [interprétation] Merci.

8 Q. Monsieur Jarcevic, hier, à la page 41 du compte rendu d'audience, vous

9 avez dit que le gouvernement, et là vous faisiez référence au gouvernement

10 de la RSK, n'a pas rejeté, je vous cite, "une seule proposition venant de

11 médiateurs internationaux. Nous avons accepté toutes les propositions qui

12 ont été négociées avec les Croates."

13 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Ce n'est pas exact, n'est-ce pas ? Ce n'est pas vrai. En réalité, vous

16 n'avez pas accepté les propositions qui auraient donné de l'autonomie aux

17 Serbes de la RSK, parce que ce que vous vouliez, c'était votre propre Etat,

18 n'est-ce pas ?

19 R. Je vous l'ai dit, c'était notre demande à leur maximum. Aujourd'hui,

20 même si nous devions nous asseoir côte à côte avec les Croates pour

21 négocier avec eux, cela serait notre point de départ, parce qu'en 1945,

22 nous avions notre Etat.

23 Q. Monsieur, ce serait votre point de départ et point de clôture, n'est-ce

24 pas, puisque vous n'avez jamais fait d'écart par rapport à cette

25 proposition ?

26 R. Monsieur, comment voulez-vous qu'il y ait un écart alors que l'on a

27 chassé 400 000 personnes des villes Croates ? Comment accepter un tel

28 Etat ? Est-ce que vous, vous accepteriez de vivre dans un tel Etat ?

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1 Q. La vérité est que vous n'avez jamais fait d'écart par rapport à cette

2 position, vous insistiez toujours, depuis toujours pour avoir un Etat, et

3 c'est cela qui empêchait la paix.

4 R. Nous avions notre Etat en 1945, je le répète, je l'ai dit. Ce n'est pas

5 un fait nouveau.

6 Q. Je vais vous demander d'examiner la pièce 02107500, s'il vous plaît.

7 M. WHITING : [interprétation] Pourriez-vous s'il vous plaît agrandir la

8 partie haute de la page, tout en haut de la page ?

9 Q. C'est le journal Glas Srpski en date du 15 février 1993. Hier, vous

10 avez déposé au sujet d'un voyage à New York aux mois de janvier et février

11 1993, et cet article rapporte les déclarations faites par votre délégation

12 avant le départ. On peut y lire : "La délégation de la République de Serbe

13 de la Krajina doit partir mardi." Ensuite, on énumère les membres de la

14 délégation, et vous y êtes.

15 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais examiner la deuxième page en

16 anglais, s'il vous plaît. En B/C/S, c'est à droite de l'article.

17 Q. On peut y lire comme suit : "De plus, comme vous le savez, nous avons

18 récemment refusé la déclaration de M. Owen qui a dit que nous allions à ces

19 négociations pour créer une espèce de coexistence et d'autonomie au sein de

20 la République de Croatie. Ce n'est pas pour cela que nous y allions,

21 justement. Nous y allons pour refuser constamment ces deux mots-là, la

22 coexistence et l'autonomie."

23 Est-ce que vous avez dit cela ? Est-ce que votre délégation a dit cela ?

24 Est-ce que vous maintenez cela ?

25 R. Non, ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est Bojo Martinovic qui l'a dit,

26 c'est bien écrit ici. Il était le conseiller au sein du gouvernement de la

27 République serbe de la Krajina. En réalité, il était le conseiller du

28 premier ministre Rajko Zecevic. Cela étant dit, mais je n'exclus pas la

Page 6239

1 question posée, vous savez, quand vous partez en négociation, vous partez

2 avec les demandes au maximum, et il faut les faire connaître dans la

3 presse. Il n'y a rien de bizarre là-dedans.

4 Q. Cette déclaration reflétait le point de vue de la délégation dont vous

5 faisiez partie; est-ce que vous dites cela ?

6 R. Oui. Evidemment, il fallait avoir des demandes maximales qu'il

7 s'agissait de présenter à la presse, aux médias. D'ailleurs, ce sont les

8 demandes que nous avons formulées à partir du moment où nous nous sommes

9 assis autour de la table de négociations à New York.

10 Q. Quand hier, quand vous avez dit que votre gouvernement n'a pas rejeté

11 une seule proposition formulée par les médiateurs internationaux, ceci ne

12 correspondait pas à la vérité, n'est-ce pas ? Puisqu'ici, on voit bien un

13 document où l'on indique que votre délégation avait rejeté une proposition

14 formulée par les médiateurs internationaux.

15 R. Vous ne m'avez pas du tout compris, Monsieur, et je vais vous expliquer

16 pourquoi. Nous avons accepté toutes les propositions pour négocier, mais

17 cela ne veut pas dire que nous avons accepté les nuances et les opinions

18 des représentants de la FORPRONU.

19 Q. Qu'en est-il des propositions faites par M. Owen ? Vous les avez

20 refusées, n'est-ce pas ? D'ailleurs, c'est bien dit dans l'article, c'est

21 ce qu'on peut lire dans l'article.

22 R. Bien, Monsieur Whiting, je vous ai dit que nous n'étions pas d'accord

23 avec les points de vue exprimés par les représentants de la FORPRONU et des

24 Nations Unies, mais nous avons accepté de négocier à chaque fois. Nous

25 avons accepté toutes les propositions de négociations, c'est de cela que je

26 parlais. Mais évidemment que nous n'avons pas, à chaque fois, accepté les

27 points de vue formulés par M. Owen.

28 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser cette

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1 pièce ? Je voudrais demander une cote.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Cette pièce a été versée au

3 dossier. Peut-on lui attribuer une cote ?

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du document 863.

5 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, moi aussi.

7 M. WHITING : [interprétation]

8 Q. Je vais parler par la suite des négociations et des différentes

9 négociations auxquelles vous avez pris part, mais pour l'instant, je

10 voudrais parler de la situation telle qu'elle était dans la RSK au moment

11 où vous y êtes arrivé pour prendre le poste de ministre des Affaires

12 extérieures au mois d'octobre 1992. Vous avez dit qu'au cours d'une des

13 premières réunions que vous avez eues avec M. Martic, il vous a dit qu'il

14 avait dit à Cyrus Vance que la raison pour laquelle la police gardait des

15 fusils dans la RSK était à cause des attaques perpétrées par les Croates.

16 Est-ce que vous vous souvenez de cela ? C'est aux pages 35 et 36 du

17 transcript.

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que Martic vous a dit qu'il avait déjà dit cela au général de la

20 FORPRONU, Satish Nambiar, au mois de juillet 1992, que le général Nambiar

21 avait fermement rejeté son argument ? Est-ce qu'il vous a dit cela ?

22 R. Non. Je n'étais pas du tout informé de cette discussion qui aurait eu

23 lieu entre ce général et M. Martic.

24 Q. Bien. Je vais vous demander d'examiner rapidement la pièce 574 pour

25 voir si cela rafraîchit votre mémoire.

26 M. WHITING : [interprétation] Il y a un problème d'interprétation. Nous

27 recevons la traduction en B/C/S sur le canal anglais. Le témoin aura du mal

28 à suivre, peut-être.

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1 Q. Monsieur, c'est un mémorandum qui a été versé au dossier déjà, en

2 l'espèce, venant du général Nambiar, où il relate la réunion qu'il a eue

3 avec Milan Martic le 29 juillet 1992. Je vous prie de bien vouloir examiner

4 le deuxième paragraphe. Je ne vais pas vous lire l'intégralité de ce

5 paragraphe, mais en somme, dans ce paragraphe, au niveau du petit A et

6 petit B --

7 M. WHITING : [interprétation] Le Greffier, essayez, s'il vous plaît, de

8 montrer cela au témoin.

9 Q. Le général Nambiar raconte que M. Martic justifie le maintien d'une

10 milice d'un certain nombre, et sur le petit B, on peut lire qu'il souhaite

11 -- qu'il insiste pour que les membres de la milice aient des fusils pour se

12 protéger des Croates. Au niveau du troisième paragraphe, vous allez voir la

13 réponse du général Nambiar qui dit : dans ma réponse, j'ai expliqué que

14 nous insistions pour continuer la démilitarisation et que les forces de la

15 police portent uniquement des pistolets avec le but de maintenir la paix et

16 de revenir à une vie normale dans la région le plus rapidement possible.

17 J'ai renouvelé mon point de vue, à savoir que le Conseil de sécurité

18 n'allait pas approuver un quelconque changement au niveau du plan Vance-

19 Owen. Quant à lui, il a insisté qu'il allait aider la FORPRONU en donnant

20 l'ordre pour un désarmement immédiat et un démantèlement de la milice des

21 frontières, et la milice spéciale devait faire en sorte que toutes les

22 armes autres que les armes du service soient remises au contrôle de la

23 FORPRONU.

24 Maintenant que vous avez vu ce document, est-ce que M. Martic

25 -- est-ce que vous vous souvenez si M. Martic vous a dit cela ? Est-ce

26 qu'il vous a dit cela ? Est-ce qu'il vous a raconté ce qui s'est passé en

27 1992, qu'il avait déjà fait cette proposition à la FORPRONU et qu'elle

28 avait été rejetée ?

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1 R. Vous voyez très bien qu'il n'y avait pas de compréhension par rapport à

2 la situation dans laquelle se trouvait la population serbe dans la RSK. Si

3 les forces de l'ONU avaient fait quoi que ce soit pour protéger la

4 population serbe des forces croates, évidemment qu'on aurait remis toutes

5 les armes. Le plan Vance ne pouvait pas être mis en place, mis en œuvre à

6 cause des activités des forces croates. Ces fusils automatiques, c'était

7 juste le sommet de l'iceberg. C'était juste une chose en plus.

8 Q. Je vais vous poser encore une seule question. Est-ce que vous pensez

9 qu'à partir du moment où on a dit à M. Martic au mois de juillet que sa

10 position n'était pas correcte, qu'elle n'allait pas être acceptée, est-ce

11 que vous pensez qu'il a eu raison de n'avoir rien fait au mois de novembre

12 1992 pour respecter le plan Vance, alors qu'il savait que sa position avait

13 été déjà rejetée une fois ? Est-ce que vous pensez -- est-ce que vous

14 approuvez cela ?

15 R. Je l'approuve. Je pense qu'il avait raison parce que personne d'autre

16 ne voulait protéger les Serbes, la population serbe, pas, en tout cas,

17 conformément au plan Vance.

18 Q. Monsieur, vous n'avez pas -- vous avez répondu à la question.

19 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais demander que l'on fasse une pause

20 maintenant.

21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je voudrais, Monsieur Whiting,

22 entendre la question que vous avez posée à l'origine, à savoir si M. Martic

23 lui a dit au début, quand il est arrivé à son poste, que son plan avait

24 déjà été rejeté une fois, parce qu'il n'a pas répondu.

25 M. WHITING : [interprétation] Je vais lui poser la question.

26 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons prendre une pause

28 maintenant et reprendre nos travaux à 12 heures 30.

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1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 05.

2 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.

4 M. WHITING : [interprétation]

5 Q. Monsieur Jarcevic, quand vous êtes arrivé et quand vous êtes devenu le

6 premier ministre de la RSK au mois d'octobre 1992, vous souvenez-vous si M.

7 Martic vous a dit qu'il avait déjà eu une dispute avec le commandant de la

8 FORPRONU concernant le fait que les policiers avaient des armes, des

9 fusils, et que son point de vue a été rejeté.

10 R. Monsieur Whiting, évidemment que je suis au courant du problème. Ceci

11 figurait dans notre plan Vance-Owen, c'est vrai, mais à cause de

12 l'agression croate malheureusement ceci n'a pas pu être mis en place.

13 Q. Monsieur, vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question était de

14 savoir quand vous êtes arrivé et quand vous êtes devenu le ministre des

15 Affaires étrangères de Radovan Karadzic en 1992, vous nous avez dit que

16 vous avez eu cette réunion avec M. Martic et il avançait l'argument, cet

17 argument de Cyrus Vance au sujet de la question de savoir pourquoi les

18 forces serbes dans la RSK devaient maintenir leurs canons d'après le plan

19 Vance. Veuillez écouter ma question et y répondre. Ma question est la

20 suivante : est-ce qu'à cette époque-là, M. Martic vous a dit qu'il avait

21 déjà avancé cet argument au commandant de la FORPRONU, en juillet 1992 et

22 que ceci avait été rejeté ?

23 R. J'ai dit que M. Martic ne m'avait pas informé de cette conversation

24 avec Satish Nambiar. Je l'ai dit avant la pause.

25 Q. En fait, vous n'étiez pas entièrement informé des événements qui

26 s'étaient produits avant votre arrivée. C'est clair maintenant vous

27 l'acceptez.

28 R. Monsieur Whiting, bien sûr que je n'étais pas au courant de tous les

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1 détails et de tous les événements qui se sont déroulés avant mon arrivée,

2 et probablement encore aujourd'hui je ne sais pas tout ce qui s'est passé

3 même pendant que j'étais ministre. C'est normal. C'est humain.

4 Q. Je vais revenir maintenant au sujet du plan Vance et de la

5 démilitarisation. N'est-il pas vrai de dire que dès le début de la mise en

6 œuvre du plan Vance en 1992, les forces serbes en RSK ont refusé de se

7 plier aux demandes de démilitarisation, n'est-ce pas ?

8 R. Les forces serbes ont accepté la demande de démilitarisation et comme

9 je l'ai dit ils ont mis les armes lourdes sous une double clé. C'était

10 l'élément le plus important de la démilitarisation.

11 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, qu'ils n'ont pas accompli à

12 100 % leurs obligations par rapport à la démilitarisation ? Ils ne l'ont

13 pas fait dès le début et ils ne l'ont jamais fait ensuite, n'est-ce pas ?

14 R. Je ne sais pas ce que vous souhaitez obtenir de moi. La démilitarisation

15 dans le sens de placer les armes lourdes sous le verrou a été effectuée.

16 D'après le plan Vance, l'armée de la RSK n'était pas englobée par ce plan,

17 mais ce plan n'avait pas prévu non plus une agression croate dans les zones

18 protégées par les Nations Unies. Les deux événements ont été liés. Le

19 peuple serbe a dû se défendre car il n'y avait pas d'autres protecteurs ni

20 défenseurs. Je ne comprends pas pourquoi encore aujourd'hui, on a du mal à

21 comprendre les souffrances du peuple serbe.

22 Q. Monsieur, encore une fois, veuillez vous consacrer sur ma question et

23 répondre à ma question. Etes-vous d'accord pour dire que la

24 démilitarisation impliquait qu'il fallait rendre toutes les armes, sauf les

25 armes légères ?

26 R. Oui.

27 Q. Au sein de la RSK, ceci n'a jamais été respecté, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, car la paix n'a jamais été établie, n'a jamais régné.

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1 Q. N'est-il pas vrai également, Monsieur, que la démilitarisation

2 prévoyait que toutes les forces, sauf la police, soient écartées, ceci non

3 plus n'a jamais été respecté, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Je peux vous dire la chose suivante. Les forces de l'armée de la

6 République serbe de Krajina existaient, mais ne disposait pas d'armes

7 lourdes. Je ne sais pas comment vous voulez que le peuple se défende de

8 l'agression croate sans armée. Il n'y a pas eu d'autres solutions proposées

9 par les Nations Unies, même s'ils l'avaient promis par le biais du plan

10 Vance.

11 Q. Examinons un document, s'il vous plaît. Il s'agit du document 00242533.

12 Il s'agit du rapport du secrétaire général en date du 28 septembre 1992

13 concernant les événements qui se sont déroulés en Croatie et ce qui se

14 passait à l'époque en Croatie. Puisque ce rapport a été émis seulement un

15 mois avant que vous n'ayez pris fonction, je suppose que vous êtes au

16 courant de cela. Il s'agit de la pièce 75, excusez-moi je ne l'avais pas

17 dit. Je pense encore une fois que nous devrons changer l'ordre.

18 Apparemment, nous n'avons pas la traduction de ce document. Je vais vous le

19 lire. Monsieur, vous allez bien ?

20 R. Ai-je l'air aussi misérable ? Je me sens bien, merci.

21 Q. Excusez-moi, j'avais l'impression que vous étiez en train de soupirer.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement vous aviez l'air

23 pas en forme tout à l'heure, ne m'interrompez pas, s'il vous plaît. Si vous

24 ne sentez pas bien, nous devons tenir compte de cela et vous accordez une

25 pause. Vous avez pris cela à la légère, mais pour nous c'est sérieux. Vous

26 sentez-vous bien, Monsieur ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me sens bien. Effectivement, je suis un peu

28 ému, simplement en raison du fait qu'il m'est difficile d'accepter que le

Page 6247

1 monde ne comprenne toujours pas la situation dans laquelle nous nous sommes

2 retrouvés. Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais survivre.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Etes-vous en mesure de continuer ce

4 contre-interrogatoire ou est-ce que vous préférez que l'on procède à une

5 brève pause ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas besoin de pause. Nous pouvons

7 poursuivre. Merci.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Merci,

9 Monsieur Whiting.

10 M. WHITING : [interprétation] Merci.

11 Q. Je vais simplement ajouter que si à un moment donné vous ressentez des

12 difficultés, veuillez nous le dire, et nous allons nous interrompre.

13 R. Merci beaucoup. Je vais vous le dire.

14 Q. Si vous examinez la page de ce document, encore une fois il s'agit de

15 la pièce à conviction 75. Ce qui m'intéresse c'est le paragraphe 4, je vais

16 simplement lire. Tout d'abord, est-ce que vous vous souvenez -- je sais que

17 nous n'avons pas de version dans votre langue, mais est-ce que vous vous

18 souvenez avoir vu ce document lorsque vous avez pris vos fonctions en tant

19 que ministre des Affaires étrangères au sein de la RSK, que ce rapport

20 avait été émis un mois auparavant par les Nations Unies ? Est-ce que vous

21 vous en souvenez ?

22 R. Monsieur Whiting, croyez-moi, il va falloir que je vous explique

23 quelque chose avec votre permission.

24 Q. Si vous pourriez, s'il vous plaît, simplement --

25 R. Cela concerne --

26 Q. Non, veuillez répondre à ma question, s'il vous plaît, et me dire si

27 vous vous souvenez avoir reçu ce rapport au moment où vous avez pris vos

28 fonctions en tant que ministre des Affaires étrangères de la RSK ? Oui ou

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1 non.

2 R. Je ne m'en souviens pas.

3 Q. Très bien. Examinons maintenant le paragraphe 4, où il est écrit comme

4 suit -- tout d'abord il est question de deux phases de la démilitarisation

5 qui avance bien, puis il est dit : "Cependant, la démilitarisation complète

6 des zones placées sous la protection de l'ONU ont été reportées en raison

7 de la violation du plan de l'ONU mentionnée dans mon rapport le 27 juillet.

8 Il s'agit de la création des nouvelles forces de milice serbes qui

9 s'appelle parfois forces spéciales de la police, parfois la police de la

10 frontière, les brigades de police à fins multiples constituées des anciens

11 membres de la JNA, de la Défense territoriale et des éléments irréguliers."

12 Tout d'abord, ceci est vrai, n'est-ce pas, Monsieur Jarcevic ?

13 R. Oui, effectivement, c'est ainsi que les armées ont été créées dans

14 toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie, y compris la Bosnie-

15 Herzégovine. Ils étaient tous, pour la plupart au moins, précédemment des

16 soldats et des officiers de la JNA.

17 Q. Le fait de maintenir ces forces avec leurs armes en RSK constituait une

18 violation dès le début du plan Vance, n'est-ce pas ?

19 R. Oui. Le plan Vance était violé de tous les côtés.

20 Q. Examinons maintenant le paragraphe 34 qui figure à la page 11 de ce

21 document. Je vais lire le début de ce paragraphe et vous poser la même

22 question. Il y est dit : "La cause principale de la détérioration de la

23 situation dans les zones placées sous la protection de l'ONU depuis fin

24 juillet se trouve dans la décision des autorités de Knin de créer de

25 nouvelles forces paramilitaires. Cette action n'est pas conforme à la

26 démilitarisation des zones protégées par l'ONU et constitue une violation

27 flagrante du plan de l'ONU. Les dégâts occasionnés sont d'autant plus

28 grands en raison du comportement illégal et cruel de ces dites unités de la

Page 6249

1 police. Malgré la vigilance de la FORPRONU, ils ont ravivé certaines des

2 caractéristiques du comportement serbe les plus problématiques manifestées

3 au cours de la guerre en Croatie, y compris le 'nettoyage ethnique' et ils

4 ont créé des conditions de faire régner l'anarchie, notamment dans le

5 secteur est."

6 N'est- il pas vrai, Monsieur, que la situation qui existait lorsque vous

7 êtes devenu ministre des Affaires étrangères de la RSK en octobre 1992

8 ressemblait à cela ?

9 R. Monsieur Whiting, ce qui est dit dans ce document est vrai. Cependant,

10 la situation en Krajina n'a pas été décrite de manière exacte.

11 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, que les forces paramilitaires qui ont été

12 décrites ici ont commis des violations flagrantes du plan de l'ONU ? Je

13 pense que vous avez déjà accepté cela, n'est-ce pas ?

14 R. Il n'est pas vrai de dire qu'il s'agit là des formations

15 paramilitaires. Si le même document ne dit pas la même chose au sujet des

16 forces croates, qui étaient elles aussi paramilitaires.

17 Q. Peu importe le terme paramilitaire ou pas. Il est vrai, n'est-ce pas,

18 que les forces créées par les autorités de Knin avaient violé le plan de

19 l'ONU ? Je pense que vous aviez déjà accepté cela auparavant, n'est-ce pas

20 ?

21 R. Ecoutez, je ne serais pas d'accord pour dire que c'est ainsi que l'on

22 violait le plan Vance, car le plan Vance ne régulait pas la question de

23 savoir comment il fallait utiliser et déployer l'armée en Croatie et en

24 République serbe de Krajina. La seule chose qui était dite était que les

25 forces devaient être désarmées en République serbe de Krajina et le

26 gouvernement l'a effectué en plaçant les armes lourdes sous le verrou

27 double.

28 Q. Je ne vais pas revenir à la question du désarmement, puisque vous avez

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1 déjà répondu à ces questions. Nous allons parler de la deuxième partie de

2 ce paragraphe. Il est vrai, n'est-ce pas, que les unités de la police de la

3 RSK ont agi d'une manière illégale et cruelle, n'est-ce pas, comme ceci est

4 indiqué dans ce rapport ? C'est vrai, n'est-ce pas ?

5 R. Il n'est pas exact qu'ils se comportaient de manière cruelle ni qu'ils

6 procédaient au nettoyage ethnique. Je ne suis pas d'accord avec cela tout

7 simplement car un tel plan n'existait pas au sein du gouvernement de la

8 RSK.

9 Q. Nous y reviendrons. Au paragraphe 35, il est dit : "Il est

10 particulièrement grave de noter que la situation en matière de sécurité qui

11 se détériore rend impossible à la FORPRONU et au HCR de commencer des

12 programmes importants pour le retour des réfugiés et des personnes

13 déplacées chez eux."

14 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, Monsieur, que le refus des autorités de la

15 RSK de respecter la démilitarisation a rendu impossible aux réfugiés de

16 revenir en RSK; n'est-ce pas vrai ?

17 R. Ce n'est pas vrai car on ne mentionne pas le problème principal lié au

18 retour des Serbes qui avaient été expulsés en nombre bien plus élevé. C'est

19 la défaillance de ce document qui montre clairement quelle était l'attitude

20 de l'ONU envers les Serbes par opposition à l'attitude envers les Croates.

21 Pourquoi n'ont-ils pas enregistré l'expulsion des Serbes ?

22 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi, Monsieur, pour dire que les

23 autorités de Knin n'ont jamais créé de condition en RSK permettant aux

24 réfugiés de rentrer en RSK ? Est-ce que vous êtes d'accord ?

25 R. Oui, en raison des sanctions et en raison du manque de

26 réciprocité.

27 Q. Je souhaite que l'on examine un autre rapport qui a été émis lorsque

28 vous étiez ministre des Affaires étrangères de la RSK. Il s'agit du numéro

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1 00241473. La date est le 24 novembre 1992.

2 M. WHITING : [interprétation] Je souhaite que l'on examine le paragraphe

3 11, à la page 3 en anglais. Je ne suis pas sûr quelle est la page en B/C/S.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je n'ai que cela.

5 M. WHITING : [interprétation]

6 Q. Je vais vous demander de vous concentrer sur le paragraphe 11.

7 M. WHITING : [interprétation] En anglais, si l'on peut retrouver la page 3.

8 Q. Dans le paragraphe 11 qui s'enchaîne sur le paragraphe suivant, il dit

9 : la démilitarisation a été empêchée par ledit gouvernement de la

10 République serbe de Krajina. Ensuite, il a expliqué de quelle manière ces

11 autorités ont remplacé la JNA et la TO par les forces de milice serbe en

12 utilisant des pièges de type différent. C'est vrai, n'est-ce pas ? Ceci est

13 conforme à ce qui s'est passé; d'après vos informations, les forces de la

14 JNA et de la Défense territoriale sont simplement devenues les forces de la

15 Milicija serbe ?

16 R. Il y a trois questions. Dans ma réponse, j'ai dit que c'est ainsi que

17 l'on créait également l'armée croate et slovène. Toutes ces armées ont été

18 crées à la base des officiers et des soldats de la JNA. Mais permettez-moi

19 une chose. Il est dit ici : le gouvernement de la République serbe de

20 Krajina à Knin, entre guillemets, ce qui veut dire que le Conseil de

21 sécurité ne nous a pas reconnus en tant que gouvernement. Ils l'ont fait

22 seulement au moment où il fallait signer le plan Vance, donc ceci reflète

23 l'approche deux poids, deux mesures qui nous était réservée.

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Tantôt on était reconnus, tantôt pas.

26 Q. Monsieur, ceci n'est pas la première fois aujourd'hui que vous dites

27 que la République serbe de Krajina n'a jamais été reconnue en tant qu'Etat

28 par quelque pays que ce soit du monde ni par les Nations Unies. Vous le

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1 savez, n'est-ce pas ?

2 R. Mais d'après la charte de l'ONU, il existe des Etats qui ne sont pas

3 reconnus. Ceci est connu, et vous le savez vous-même.

4 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Vous avez continué à répondre en

5 parlant de la Croatie et de la Slovénie. Or, ma question portait sur la

6 RSK, et la question est de savoir s'il n'est pas vrai que la JNA et les

7 forces de la Défense territoriale ont simplement reçu d'autres noms et

8 parfois de nouveaux uniformes, et elles ont commencé à être appelées les

9 forces de Milicija et elles ont été maintenues au sein de la RSK. N'est-il

10 pas vrai que ceci s'est passé conformément à ce document ?

11 R. Ceci est normal puisque ces gens-là sont nés dans cette région et ils

12 sont restés chez eux.

13 M. WHITING : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le paragraphe

14 12 ? Il est à l'écran. Peut-être que nous pouvons l'agrandir en anglais, et

15 la partie qui nous intéresse est à la fin du paragraphe 12, je suppose que

16 cela va être la page suivante en B/C/S. Si vous pouvez agrandir un peu le

17 paragraphe 12 dans la version en anglais, peut-être il sera plus facile de

18 lire ainsi. Très bien. Il va falloir que l'on fasse plus d'efforts.

19 Q. Dans le paragraphe 12, il est écrit : "Mes représentants ont insisté

20 pour que le Conseil de sécurité continue à considérer les autorités de

21 Belgrade responsables pour la mise en œuvre du plan de paix, ce qu'ils

22 avaient accepté auparavant. Apparemment, il est évident que les autorités

23 de Belgrade pourraient, si elles le décidaient, prendre des mesures afin de

24 persuader les autorités serbes locales, notamment à la lumière de la

25 dépendance économique importante d'une grande partie des zones protégées

26 par les Nations Unies de la RFY." Il est vrai, n'est-ce pas, que Belgrade

27 aurait pu influencer la RSK à l'époque sur ce sujet ? Vous êtes d'accord ?

28 R. Pas entièrement. Mais ce que je pourrais dire, c'est qu'il s'agissait

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1 là des relations les plus étroites existant entre les deux pays.

2 Q. [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous parlez de quels pays ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] La République serbe Krajina était un Etat, et

5 son caractère d'Etat découle de l'année 1630. Mais vous ne me permettez pas

6 de le mentionner. Leurs fonctions, les fonctions d'Etat au sein de la RSK

7 sont bien plus anciennes que celles en Serbie.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre à ma

9 question ? Quels deux pays ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] La République fédérale de Yougoslavie et la

11 République serbe de Krajina.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

13 M. WHITING : [interprétation]

14 Q. Monsieur, nous allons maintenant prendre l'exemple de votre situation.

15 Vous êtes devenu ministre des Affaires étrangères de la RSK; cependant,

16 vous n'aviez pas de liens auparavant avec la RSK, vous avez été recommandé

17 pour ce poste par les Serbes en Bosnie. Belgrade vous payait, et vous aviez

18 votre bureau à Belgrade.

19 R. C'est exact.

20 Q. Ceci est un peu différent par rapport à la situation où l'on a deux

21 Etats différents, n'est-ce pas ?

22 R. C'est exact. Je l'ai expliqué dans le détail, hier. Maintenant, vous

23 voulez diviser le peuple serbe selon les provinces ou par quelque chose de

24 ce genre. Les terres serbes, pour moi, se trouvent dans la République serbe

25 de la Krajina, en Serbie et en Bosnie. Il s'agit là de terres serbes, et la

26 République fédérale de Yougoslavie, l'ancienne Yougoslavie était des zones

27 habitées par des Serbes.

28 Q. Mais vous n'êtes pas en désaccord avec ce que j'ai dit tout à l'heure,

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1 à savoir qu'étant donné ces liens étroits, quelle que soit leur nature,

2 Belgrade aurait pu exercer pas mal d'influence sur les autorités locales

3 serbes à cette époque en 1992; est-ce exact ?

4 R. Nous avons écouté leurs opinions, les opinions de notre allié et il y

5 avait des relations normales entre deux Etats.

6 Q. Je crois que vous nous avez dit, n'est-ce pas, que c'est quelque chose

7 de plus proche que deux Etats, c'est un peu plus comme un seul Etat ?

8 R. Vous savez, les mesures qui ont été prises par les Nations Unies contre

9 les deux nous ont rapprochés davantage, davantage qu'avant, ce qui est

10 quelque chose de tout à fait naturel.

11 M. WHITING : [interprétation] Pourrait-on faire accepter -- verser ce

12 document au dossier ?

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci est le cas. Veuillez lui

14 attribuer une cote.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote 864.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

17 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Je voudrais maintenant que nous examinions un rapport provenant des

19 Nations Unies. Celui-ci concerne les droits de l'homme dans le territoire

20 de l'ancienne Yougoslavie. Ce document porte le numéro 02191193 daté du 17

21 novembre 1992. Plus tôt aujourd'hui, il s'agit de la page 21 du compte

22 rendu d'audience d'aujourd'hui, vous avez dit que toute activité

23 criminelle, toute discrimination contre les Croates à l'intérieur de la RSK

24 n'avait pas été organisée par le gouvernement. Vous vous souvenez d'avoir

25 déposé en ce sens ?

26 R. Oui, c'était comme cela que cela s'est produit.

27 Q. Mais ce n'est pas vrai. Nous allons regarder le paragraphe 78 de ce

28 document, à la page 25.

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1 Il est dit, au paragraphe 78, que dans le secteur sud, une partie de la

2 soi-disant République de la Krajina, les autorités locales pratiquaient la

3 discrimination. Les tribunaux ne fonctionnent toujours pas convenablement

4 et les processus d'enquête de la police locale, dans l'opinion des

5 responsables de la FORPRONU, ont quasiment cessé d'exister.

6 Il s'agit là d'une source de grandes préoccupations pour le personnel des

7 Nations Unies qui rassemble les éléments de preuve concernant des meurtres,

8 des vols, des pillages et d'autres formes de violence criminelle très

9 souvent liées à un nettoyage ethnique. Là où selon leur mandat, de tels

10 moyens de preuve sont transférés aux autorités locales, ces derniers sont

11 hésitants, hésitent avant de prendre des mesures, et parfois sont

12 ouvertement non coopératifs.

13 Au paragraphe 79, il est dit : beaucoup de personnes veulent désespérément

14 fuir la zone; cependant, avant de recevoir l'autorisation des autorités

15 locales, ces personnes sont très souvent obligées de signer une déclaration

16 selon laquelle leur départ est volontaire, ce qui sème la confusion en ce

17 qui concerne le statut juridique de leurs biens et en même temps efface

18 tout moyen de preuve concernant le nettoyage ethnique. C'est vrai, n'est-ce

19 pas ? C'était cela la situation en RSK en novembre 1992, à l'époque où vous

20 étiez ministre des Affaires étrangères de la RSK ?

21 R. Monsieur Whiting, je vais prendre la liberté de dire que je ne suis pas

22 d'accord avec -- je ne fais pas confiance à chacun des rapports soumis par

23 le Conseil de sécurité sous la forme de ces documents. Je vais vous donner

24 un exemple. En 1992, lorsque je suis devenu ministre, Nambiar a parlé lors

25 d'une conférence de presse à Belgrade concernant certains poulets qui

26 avaient été volés dans une certaine partie de la Krajina sans parler du

27 tout de meurtres de certains Serbes par des Croates. Ces Serbes ont été

28 tués dans le champ où ils travaillaient. Maintenant, pourquoi ce type de

Page 6256

1 cas-là n'a jamais été documenté dans ces documents ? Certains de ces cas

2 étaient bien pires que celui qui est mentionné ici. En ce qui concerne le

3 sud, il y a des éléments de preuve effectifs, et ils vont vous être

4 montrés, montrant que ceux qui ont pris des mesures contre les Croates ont

5 été arrêtés et punis. Il est dit qu'ils étaient hésitants. Mais dans de

6 telles circonstances, il n'y avait pas d'approvisionnement, pas

7 d'électricité; comment pouvaient-elles, ces agences, fonctionner

8 convenablement ?

9 Q. A la fin de votre question, il semblait -- vous donniez l'impression

10 d'être d'accord avec le fait que les autorités ne fonctionnaient pas

11 convenablement et qu'elles ne répondaient pas à ces problèmes. Vous êtes

12 d'accord pour dire que c'est ce qui se passait, comme décrit dans le

13 document, n'est-ce pas ?

14 R. J'ai dit qu'ils ont été arrêtés, Monsieur. C'est que j'ai dit.

15 Q. Ensuite, vous avez dit qu'ils étaient lents à réagir, mais dans de

16 telles circonstances où il n'y avait pas d'approvisionnement ni

17 d'électricité, comment ces agences pouvaient-elles fonctionner

18 convenablement ? Vous donnez l'impression que vous voulez justifier le fait

19 que les autorités de la RSK n'étaient pas à même de répondre et de traiter

20 des problèmes qui se posaient en RSK en termes de nettoyage ethnique; est-

21 ce exact ?

22 R. J'ai dit que des arrestations ont été effectuées. Qu'est-ce que vous

23 voulez de plus de moi ? Il y a une phrase qui dit qu'ils ont été très lents

24 à réagir; est-ce que vous savez que les autorités n'ont pas fait un seul

25 rapport, ni aucun chef d'accusation n'a été porté contre ceux qui étaient

26 responsables de ces tueries dans ce champ ? Pouvez-vous imaginer une forme

27 d'administration de la justice alors que 600 personnes ont été tuées à

28 Sisak ?

Page 6257

1 Q. Quand je vous pose des questions concernant ce qui se passe en RSK, je

2 cherche des réponses à ces questions pertinentes à la RSK. Si vous

3 continuez tout le temps de me dire ce qui se passe en Croatie, vous

4 comprenez, nous nous concentrons ici sur la RSK --

5 L'INTERPRÈTE : Le témoin intervient, M. Whiting continue.

6 M. WHITING : [interprétation]

7 Q. -- Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que ce qui est déclaré

8 dans ce document concernant les autorités locales et le fait pour eux de ne

9 pas se préoccuper des problèmes qui se produisaient dans le secteur sud de

10 la RSK est exact ? Car vous semblez donner des justifications à ceci.

11 R. Je n'ai simplement remarqué que des documents de ce type devraient

12 également contenir des moyens concernant le nettoyage ethnique des Serbes.

13 Il n'y a qu'un seul document des Nations Unies de ce type. Je commentais

14 sur le document à proprement parler.

15 Q. Ce document unique des Nations Unies, vous l'avez cité hier, et il date

16 de 1993. Nous allons l'examiner plus tard. Ce document se réfère à des

17 Serbes qui ont été déplacés de la Croatie et à beaucoup de réfugiés. Hier,

18 vous avez parlé de ceci. Hier, vous avez -- en vous basant sur ce document.

19 Est-ce que c'est le cas, Monsieur, que vous donnez du crédit au document

20 des Nations Unies quand ils soutiennent, quand ils appuient les Serbes,

21 mais que vous ne leur donnez aucun crédit quand ils critiquent les Serbes ?

22 Est-ce que c'est votre point de vue ?

23 R. Non, ce n'est pas mon point de vue, en tout cas pas formulé de cette

24 façon-là. Mais en tout cas, il y a une centaine de documents qui éclairent

25 d'une lumière négative sur les Serbes, alors qu'un seul donne un éclairage

26 positif de ceci. Cet équilibre ne peut être accepté parce que cela ne

27 correspond pas à ce qui s'est passé.

28 Q. Nous allons maintenant examiner de plus près le paragraphe 79, car on

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1 ne peut pas l'expliquer par le manque d'électricité ou d'autres manques. Il

2 est dit que les autorités locales ont forcé les personnes qui partaient à

3 signer une déclaration selon laquelle leur départ était volontaire. Ceci

4 était présenté comme un élément montrant l'existence d'un nettoyage

5 ethnique, et ceci est vrai, n'est-ce pas ? C'est ce qui est passé dans le

6 secteur sud à l'époque ?

7 R. C'est la première fois que j'entends parler de ce cas, croyez-le. Je

8 voudrais vous expliquer. Les Nations Unies ne faisaient pas -- ne

9 remettaient pas leurs documents au gouvernement de la RSK, c'était

10 simplement une pure coïncidence que nous ayons pu les obtenir, si quelqu'un

11 de la FORPRONU décidait de nous donner ces documents ou si quelqu'un du

12 ministère des Affaires étrangères de la Serbie décidait de nous les donner,

13 ou si la Yougoslavie en faisait de même, mais c'était très rarement le cas,

14 ou parfois il y avait également nos collègues à New York nous nous

15 faisaient parvenir ces documents. C'est pour cela que nous qui étions dans

16 le gouvernement, nous n'avions pas une image complète de la façon dont

17 notre gouvernement était vu de l'autre côté. C'est pour cela que nous avons

18 immédiatement considéré cela de cette manière et que nous avons signé le

19 plan Vance.

20 Q. Mais je suis désolé. Hier, vous nous avez dit, vous nous avez expliqué

21 que vous aviez votre bureau à Belgrade, et la raison d'après ce que j'avais

22 compris, c'est que vous pourriez avoir des contacts avec tout le

23 gouvernement étranger de Belgrade, et cetera. Maintenant, ce que vous nous

24 dites, c'est que vous étiez isolé et que vous n'aviez pas accès à de telles

25 choses.

26 R. Monsieur Whiting, on aurait été encore plus isolés si nous avions été à

27 Knin. Je vous dirais que pendant une certaine période de temps, l'ambassade

28 américaine nous a retourné des documents sous pli scellé en nous disant et

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1 en nous informant qu'ils n'avaient même pas ouvert les documents.

2 Maintenant, ce n'est pas une façon d'agir dans les cercles diplomatiques.

3 Q. Monsieur Jarcevic, concernant l'expulsion des Croates de la RSK, est-ce

4 que vous croyez véritablement, n'est-ce pas, et il me semble que vous le

5 croyez véritablement, que l'expulsion des civils croates depuis le

6 territoire de la RSK, c'était quelque chose qui avait été fabriqué par les

7 Croates de façon à pouvoir le reprocher aux Serbes ? Est-ce que c'est cela

8 que vous croyez ?

9 R. Je pense que la plupart des Croates qui sont partis de la RSK l'ont

10 fait du fait d'un scénario inventé par le gouvernement croate.

11 Q. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus dans les détails ce que vous

12 entendez par là ?

13 R. C'est assez simple. Il s'agissait d'une guerre de l'information et de

14 renseignements que la RSK était incapable de lancer sur une base d'égalité

15 avec la Croatie, car la Croatie avait des moyens financiers, ils étaient en

16 mesure de payer les agences de presse internationales pour mener des

17 campagnes concernant les mauvais traitements que subissaient les

18 populations croates, bien que je ne veuille pas dire par là qu'au niveau

19 local, il n'y avait pas eu de conflits entre membres des peuples croates et

20 serbes. Mais cela démarrait toujours par le meurtre de Serbes par des

21 Croates.

22 Q. Je vais vous interrompre parce que vous parlez de quelque chose

23 d'autre. Vous parlez des campagnes, de la propagande, et cetera, les

24 médias. Mais ma question, c'était ceci. Vous avez dit que la plupart des

25 Croates ont quitté la RSK du fait d'un scénario inventé par le gouvernement

26 croate et vous avez dit par ailleurs dans une autre déposition que vous

27 croyiez que l'expulsion des civils croates depuis le territoire de la RSK

28 avait été fabriquée par les Croates, que les Croates l'avait causée et

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1 qu'ils l'avaient fabriquée de façon à ce que ces derniers puissent le

2 reprocher aux Serbes. Vous le croyez, n'est-ce pas ?

3 R. Bien entendu, car le gouvernement croate avait l'intention d'expulser

4 les Croates de tout le territoire de la Croatie. Il y a des documents qui

5 le prouvent, même le document des Nations Unies du 15 mai 1993. Maintenant

6 --

7 Q. [aucune interprétation]

8 R. -- pourquoi le gouvernement croate traiterait les Croates de -- les

9 Serbes de Dubrovnik d'une façon différente ?

10 Q. D'abord, vous pensez que le gouvernement croate était en train

11 d'expulser des Croates depuis la Croatie, et deuxièmement, que ceci vous a

12 fait croire que le gouvernement croate avait causé l'expulsion des Croates

13 de la RSK. C'est cela, votre raisonnement ?

14 R. Je crois qu'un grand nombre de Croates ont quitté la Krajina du fait

15 d'un scénario qui a été inventé par la Croatie. Je crois que je l'ai déjà

16 dit à deux reprises. J'espère avoir été clair.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel est ce scénario ? Quand vous

18 dites en fonction ou du fait de ce scénario, nous ne comprenons pas ce que

19 vous voulez dire. Pouvez-vous partager avec nous le secret de ce scénario,

20 nous expliquer de quoi il s'agissait ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président, et je

22 vous remercie du fait que vous êtes disposé à écouter mon explication. Vous

23 voyez, en 1990 et 1991 --

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous écoute et j'écoute tout ce qui

25 est dit ici.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990 et 1991, le Parlement croate a amendé

27 la constitution et, de ce fait, a pratiquement placé les Serbes hors la

28 loi, pas simplement ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la République

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1 de la Krajina, ou plutôt dans la République de Krajina, mais tous les

2 Serbes. Ils ont amendé la partie de la constitution qui stipulait que les

3 décisions stratégiques ne pouvaient être prises qu'avec le consentement

4 total des membres des deux groupes ethniques. Seuls les députés croates ont

5 voté en faveur de cet amendement. Ceci constitue le fait d'avoir placé les

6 Serbes hors la loi. Ce qui s'est ensuite dit, c'est la fuite des Serbes de

7 la Croatie. Vous pouvez retrouver cela dans le bulletin qui est publié par

8 le gouvernement croate cette année. Il est clairement montré que pendant

9 que l'une de ces réunions, la décision du gouvernement dit que les Serbes

10 sont en train d'être tués par des membres de l'armée, de la police et par

11 des civils. Ce scénario particulier pouvait être mis en œuvre dans les

12 grandes villes, mais non en Krajina, là où il y avait une population serbe

13 majoritaire qui s'est organisée et a essayé d'empêcher ces intentions du

14 gouvernement croate. Vous avez 400 000 personnes qui ont été expulsées de

15 cette zone. Que pouvaient faire ces personnes qui devaient se cacher et

16 essayer de s'organiser ? Qu'est-ce qu'on peut s'attendre de telles

17 personnes ? Ils avaient connu le statut de peuple constitutif depuis 1630.

18 C'est cela, l'image complète. Bien entendu, la seule solution qu'avait la

19 Croatie à ce stade, c'est d'essayer de faire porter la culpabilité par

20 l'autre côté. Mais déjà, à cette époque-là, les Croates avaient expulsé 400

21 000 Serbes. Ils avaient organisé le départ des Croates après. Bien entendu,

22 je ne souhaite pas nier qu'il y avait un conflit interethnique et qu'un

23 certain nombre de Croates ont été obligés de fuir, car il y avait plus de

24 Serbes que de Croates. Il s'agissait de Croates armés qui ont été vaincus

25 et ont été obligés de se retirer avec leur famille. C'était une scène

26 atroce, mais néanmoins elle a été organisée par le gouvernement croate, et

27 c'était de façon à pouvoir cacher le fait que les Serbes avaient été

28 expulsés depuis Dubrovnik, Split et Zadar. Je peux vous dire qu'à Zadar,

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1 cette petite station balnéaire, il y avait

2 26 000 Serbes et 25 000 Croates. Les 26 000 Serbes ont été expulsés et sont

3 arrivés dans le territoire de la RSK. Est-ce que vous pensez que vous êtes

4 capable de persuader qui que ce soit de ne pas prendre les armes et se

5 défendre ? Merci.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous entends. Vous avez parlé

7 surtout de l'expulsion de Serbes par des Croates. Je ne suis pas sûr de

8 comprendre comment tout ceci peut conforter l'idée que le gouvernement de

9 la Croatie avait créé ou fabriqué un système permettant l'expulsion de

10 Croates.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Le gouvernement a organisé l'évacuation des

12 Croates du territoire de la RSK afin d'accuser les autorités de la RSK et

13 la JNA d'avoir expulsé ces personnes. Beaucoup de ces personnes ont quitté

14 la zone de façon organisée, tout comme l'organisation terroriste allait le

15 faire plus tard avec l'évacuation de la population albanaise de cette zone

16 en 1999.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous dites que le gouvernement a

18 organisé l'évacuation des Croates depuis le territoire de la RSK afin de

19 pouvoir en accuser les autorités de la RSK, de quelles actions spécifiques

20 parlez-vous de la part du gouvernement pour organiser cette évacuation ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque le Parlement croate a amendé la

22 constitution, le gouvernement croate a commencé à mettre en place des

23 commissariats de police croates dans les zones habitées par les Serbes en

24 relevant de leurs fonctions certains membres serbes et en prenant à leur

25 place des Croates. Le même scénario s'est appliqué en 1941, lorsque les

26 officiers de police croates faisaient sortir 100 ou 200 personnes serbes et

27 les tuaient. Les Serbes avaient peur que tout ceci risquait de se répéter.

28 Localement, le gouvernement a pu organiser l'évacuation de Croates et de

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1 faire passer cela pour une expulsion.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par

3 localement ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Les autorités locales, Monsieur le Président,

5 car si vous relevez de ses fonctions un officier de police serbe et que

6 vous le remplacez par un officier croate, bien entendu cette personne va

7 recevoir des instructions de son ministre et de son gouvernement. Il

8 recevrait des instructions de la même manière que l'officier de police qui

9 se trouva à Dubrovnik, celui qui a expulsé

10 2 200 Serbes de cette zone-là. Pourquoi un officier de police croate se

11 trouvant en Krajina se comporterait-il différemment ?

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est la suivante : comment

13 le fait de relever un policier serbe de ses fonctions et de le remplacer

14 par un Croate peut être la cause du déplacement d'un Croate depuis une zone

15 en particulier ? Moi, j'aurais imaginé bien au contraire que cela pourrait

16 attirer les Croates dans cette même zone.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ces commissariats de

18 police furent les endroits où les crimes ont commencé à être commis contre

19 les Serbes, alors tous les Serbes se sont organisés et ont résisté. Si un

20 officier de police croate se faisait tuer quelque part, c'était simplement

21 du fait que lui avait tué quelqu'un ou que des civils serbes avaient été

22 tués auparavant. C'est quelque chose qui a été utilisé par le gouvernement

23 croate à ses propres fins afin d'évacuer la population croate et la faire

24 partir de la Krajina.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que je vous comprends,

26 maintenant, mais je veux vérifier. Je vais vous dire ce que j'ai compris et

27 je voudrais que vous me disiez si j'ai raison. Voilà ce que j'ai compris.

28 Vous dites qu'à cause de toutes ces choses que vous prétendez, le

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1 gouvernement aurait fait, à savoir, relever les policiers serbes de leurs

2 fonctions et les remplacer par des policiers croates, les Serbes ont été

3 obligés de se défendre, et ce faisant, ont fait partir les Croates, et le

4 gouvernement croate a reproché aux Serbes d'avoir fait fuir les Croates.

5 Est-ce que c'est cela que vous voulez dire ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'était une situation

7 complètement chaotique. Même les gens du cru ne comprenaient pas la

8 situation. Mais je vais vous citer un exemple. Par exemple, vous licenciez

9 dix Serbes d'une entreprise.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous ai posé une question simple.

11 Je vous ai posé une question simple. Est-ce que je vous ai bien compris

12 quand vous dites -- quand je dis ce que je viens de dire, ou vous ne m'avez

13 pas compris ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous avez compris que le gouvernement

15 croate, par les mesures qu'il a prises, a fait en sorte qu'il y ait des

16 conflits interethniques et que ce même gouvernement organisait les départs

17 des Croates de la République serbe de la Krajina, dans ce cas-là, vous

18 m'avez bien compris.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas ce que vous avez dit.

20 Vous avez dit que les Serbes se sont armés pour se défendre et que c'est

21 pour cela que les Croates sont partis, alors que maintenant vous dites que

22 c'est le gouvernement croate qui a organisé les départs des Croates de la

23 RSK. Là, nous avons deux déclarations différentes. Je ne vois pas où est

24 votre position, à moins que quand on parle de l'organisation, que vous

25 parlez de toute l'action de --

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense à la tuerie des Serbes.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] [chevauchement] -- pour provoquer une

28 vengeance et l'autodéfense.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai dit que le gouvernement croate a

2 organisé le licenciement des Serbes. Ils ont ouvert des postes de police

3 dans les villages serbes. Les policiers croates étaient les premiers à

4 avoir tué des Serbes. Après cela, les Serbes se sont organisés pour se

5 défendre des incidents suivants provoqués par les policiers croates. Il y a

6 eu des conflits, des batailles, l'armée populaire yougoslave a pris part à

7 cela et la Croatie en a profité pour organiser le déplacement de la

8 population serbe, pour organiser les départs de la population croate de la

9 République serbe de la Krajina vers les villes croates.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

11 M. WHITING : [interprétation]

12 Q. Je vais aller un petit peu plus loin. Dits-moi si j'ai raison. Vous

13 avez dit que le gouvernement croate a fait exprès pour organiser

14 l'évacuation et l'expulsion de la population croate de la RSK pour

15 justement jeter le blâme sur les Serbes. Est-ce vraiment cela que vous

16 dites ? C'est ce que vous croyez ?

17 R. Oui, je l'ai dit. Si je l'ai dit, c'est que j'y crois.

18 Q. Plus tôt, nous avons abordé le thème des médias et de la propagande. Je

19 vais vous demander d'examiner le paragraphe 95 de ce document, à la page 28

20 dudit document. Dans ce document, les Nations Unies ont dit ce qui suit :

21 le blocus d'information qui existait depuis le début des hostilités dans

22 l'ex-Yougoslavie a des conséquences à long terme. Les médias électroniques

23 contrôlés par le gouvernement et la presse ont participé à une campagne de

24 propagande nationaliste et encline à un seul côté. Les médias officiels

25 n'ont rien fait pour se distancer de la politique de l'intolérance, et

26 comme résultat, nous avons davantage de haine, la haine qui a été nourrie

27 justement par cette propagande.

28 R. Est-ce que là il s'agit de médias de la République serbe de la

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1 Krajina ? Parce que ceci n'est pas écrit dans cet article. On parle de

2 JuTel. JuTel, ce n'est pas un journal, un organe de la Krajina, c'étaient

3 des Yougoslaves, des gens qui étaient orientés -- une organisation pro

4 yougoslave plutôt que serbe. C'est pour cela qu'il s'appelle JuTel : "Ju",

5 c'est pour Yougoslave, et "Tel", télé.

6 Q. Pour vous répondre, justement dans cette partie du rapport on parle de

7 la Serbie et des médias serbes. Veuillez s'il vous plaît répondre à la

8 question. Cette description correspond-elle à la façon dont on parlait de

9 tout cela dans les médias en Serbie à l'époque ?

10 R. Monsieur le Procureur, dans la suite de la phrase, justement on parle

11 des médias croates et des médias serbes, on parle des deux, des deux pays,

12 de la presse dans les deux pays.

13 Q. Oui, effectivement. Mais je vous ai posé une question au sujet des

14 médias serbes. Pourriez-vous répondre à la question que je vous ai posée.

15 Est-il exact -- est-ce que ce qui est dit au sujet des médias serbes est

16 exact ?

17 R. Non, si on les compare aux médias croates, non, ce n'est pas vrai,

18 parce qu'il n'arrivait pas à la cheville des médias croates tellement ils

19 étaient eunuques, ces derniers.

20 Q. Oublions la Croatie un instant, s'il vous plaît. Répondez ma question

21 au sujet de médias serbes. Est-il exact que le gouvernement contrôlait les

22 médias électroniques, la presse qui a participé à la campagne de la

23 propagande nationaliste et que ceci a contribué à la préparation de la

24 haine. Est-ce exact ? Est-il exact que l'on voyait de tel phénomène dans

25 les médias serbes ?

26 R. Non, ce n'est pas exact.

27 M. WHITING : [interprétation] Nous allons regarder les conclusions et les

28 recommandations de ce rapport. Ceci se trouve au paragraphe 134.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle page ?

2 M. WHITING : [interprétation] Page 38.

3 Q. Au niveau des paragraphes 134 et 135, on parle de la façon dont a

4 constitué le nettoyage ethnique dans la Bosnie-Herzégovine et en Croatie.

5 Au niveau du paragraphe 135 on peut lire, la continuation du nettoyage

6 ethnique dans un effort intensionnel de créer le fait accompli et ce qui

7 correspondait à la violation flagrante des engagements internationaux.

8 Ensuite, on peut lire : "Les autorités serbes contrôlaient de facto

9 certains territoires en Bosnie-Herzégovine et dans la région protégée par

10 les Nations Unies --

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic ?

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Puisque M. Jarcevic, au cours de

13 l'interrogatoire principal, a parlé de la situation en Yougoslavie, la

14 Défense se restreint pour soulever une objection puisque le Procureur

15 aborde un terme qui n'a pas du tout été abordé de l'interrogatoire

16 principal. Le Procureur pourtant continue, il parle de la guerre des

17 médias, la guerre de l'information, mais je pense que ceci dépasse

18 grandement la portée des questions posées par la Défense dans

19 l'interrogatoire principal.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, je vais lire ce que vous

21 avez dit parce que je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit. Vous

22 vous contredisez puisqu'au début vous dites, vu que M. Jarcevic a parlé de

23 la situation en Yougoslavie au cours de l'interrogatoire principal. Donc il

24 a déposé ce sujet. Ensuite, il n'a pas déposé au sujet de la situation en

25 Yougoslavie plus tard. Les phrases se contredisent. Je ne comprends pas ce

26 que vous vouliez dire par là - laissez-moi terminer. Ensuite, on parle de

27 chefs qui figurent dans l'acte d'accusation, se pose la question aussi de

28 l'entreprise criminelle commune, et ceci comprend la collaboration entre

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1 les Yougoslaves et les gens de la Yougoslavie et les gens qui habitaient

2 dans la RSK, je sais que je ne vous ai pas très bien compris. Pourquoi

3 vous dites que ceci n'est pas pertinent ?

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce n'est pas cela que j'ai dit, pas du

5 tout, j'ai dit autre chose. J'ai dit que dans le contre-interrogatoire, le

6 Procureur doit faire suite à l'interrogatoire principal. Le Procureur

7 aurait pu faire venir son témoin et lui poser autant de questions qu'il

8 voulait au sujet de cette guerre médiatique. M. Jarcevic n'a pas été

9 questionné à ce sujet lors de l'interrogatoire principal. Le Procureur ici

10 aborde un terme tout à fait nouveau.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Laissez M. Whiting répondre, s'il vous

12 plaît, plutôt laissez-le répondre.

13 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que tout

14 simplement il ne serait pas naturel de séparer la guerre des médias de ce

15 thème tout entier. C'est clair que tout cela fait un tout, cela ressort du

16 document-ci, et ceci devrait ressortir clairement aussi des réponses suite

17 aux questions que je pose. Tout ceci fait partie d'une campagne de

18 nettoyage ethnique le témoin en a parlé au cours de l'interrogatoire

19 principal, et je pense qu'il est tout à fait convenable de lui poser des

20 questions à ce sujet au cours de son contre-interrogatoire. Ensuite, le

21 Règlement de procédure et de preuve demande aux parties de présenter ses

22 arguments au témoin et si de permettre au témoin de répondre à ces

23 arguments. Nous sommes obligés de poser ces questions au témoin pour qu'il

24 sache quelle est notre position et je pense que mes questions sont

25 certainement justes et correspondent à la portée prévue par le Règlement.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] M. Milovancevic, est-ce que vous avez

27 une réponse ?

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai pas dit que les questions

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1 n'étaient pertinentes. Evidemment, ces questions ont un lien avec l'acte

2 d'accusation et avec les chefs qui figurent dans l'acte d'accusation, mais

3 ce que j'essaie de dire c'est que le contre-interrogatoire doit découler de

4 l'interrogatoire principal et là ce n'est pas le cas, tout simplement.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous n'avez pas répondu au

6 Procureur.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est notre réponse.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Je rejette votre objection.

9 M. WHITING : [interprétation]

10 Q. Monsieur, nous avons été interrompu, j'étais en train de vous donner

11 lecture de certains paragraphes, 134, 135, et je vais commencer à vous lire

12 le paragraphe 136, je ne sais pas si vous en souvenez, mais il y est écrit

13 que : "Les autorités serbes ont pris le contrôle effectif de certains

14 territoires en Bosnie-Herzégovine et des régions protégées par les Nations

15 Unies et étaient les principaux responsables de la politique du nettoyage

16 ethnique qui s'est déroulé. Le commandement de l'armé populaire yougoslave

17 et les dirigeants politiques de la République de Serbie ont aussi leur part

18 de responsabilité dans cette politique qui n'aurait pas pu se poursuivre

19 jusqu'au jour d'aujourd'hui sans leur support actif."

20 Ceci contredit votre déposition dans votre interrogatoire principal quand

21 vous avez dit que les autorités de la RSK n'ont pas leur part de

22 responsabilité dans le nettoyage ethnique qui a eu lieu dans la RSK ?

23 R. Je continue et persiste à dire que le gouvernement de la République

24 serbe de la Krajina et leur assemblée n'ont jamais organisé le nettoyage

25 ethnique. Le nettoyage ethnique des Croates dans la République de la RSK,

26 je dois dire qu'ils ont discuté de cela avec les co-présidents quand il

27 s'agissait d'écrire ces documents et des documents semblables, nous avons

28 demandé à maintes reprises pourquoi l'on ne contrôlait pas les autorités

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1 croates puisque ce sont les autorités croates qui ont fait cette politique

2 de nettoyage ethnique. Vance a répondu, il n'y a aucune résolution qui nous

3 autorise à faire cela. C'est là que vous pouvez voir à quel point ces

4 documents du Conseil de sécurité ne sont pas complets, à quel point ils

5 sont partiaux puisqu'on n'y voit pas d'obligation de contrôler les

6 autorités croates. Cela veut dire que vous pouvez expulser les Serbes, vous

7 pouvez les mettre hors la loi et personne ne va jamais répondre de cela.

8 Q. Bon. Je viens de vous lire les paragraphes 134, 135 et 136 et vous

9 dites que ceci ne correspond pas à la réalité. Laissez tomber la Croatie

10 pour l'instant. Je vous demande de vous concentrer sur ces paragraphes et

11 de nous dire si ceci est exact, si ceci correspond à la vérité ?

12 R. Ils ne sont pas véridiques puisque le gouvernement n'a jamais organisé

13 le nettoyage ethnique et ne l'a jamais encouragé, de quelque façon que ce

14 soit.

15 M. WHITING : [interprétation] Je vais demander que ce document soit versé

16 au dossier.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document vient d'être versé au

18 dossier. Je vais demander une cote pour ce document.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

20 deviendra la pièce 865.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Vous pouvez continuer.

22 M. WHITING : [interprétation]

23 Q. Plus tôt aujourd'hui, on vous a posé quelques questions au sujet de

24 Skabrnja. A la page 22 du compte rendu d'audience. Vous avez dit puisque

25 vous me posez des questions au sujet de Skabrnja, c'est l'armée populaire

26 yougoslave qui était là-bas et d'après moi, ces crimes ne devraient pas

27 être liés à la responsabilité des gens de la République serbe de la Krajina

28 même si la part de responsabilité des officiers yougoslaves n'est pas aussi

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1 importantes que celles des officiers croates et leurs soldats et des crimes

2 qu'ils ont commis.

3 Vous êtes d'accord pour dire, Monsieur, qu'au cours du conflit au mois de

4 novembre 1991, les forces serbes ont commis des crimes à Skabrnja. Vous

5 êtes d'accord avec cela ?

6 R. Je ne saurais répondre exactement à la question que vous m'avez posée.

7 Je peux juste vous dire que l'armée populaire yougoslave avait des

8 officiers et des soldats qui appartenaient à toutes les nationalités qui

9 formaient l'ex-Yougoslavie, le pourcentage de Serbes n'était pas plus

10 important que le pourcentage d'autres personnes. Il était tout à fait

11 proportionnel à la composition de la population de l'ex-Yougoslavie.

12 Q. Dans votre réponse, vous parlez des crimes à Skabrnja. Vous dites qui

13 devrait être tenu responsable pour ces crimes. Cela veut dire n'est-ce pas,

14 que vous acceptez que les crimes ont été commis à Skabrnja ? Est-ce que

15 vous acceptez cela, qu'il y a eu des crimes de commis à Skabrnja ?

16 R. C'est très bien connu. Tout le monde le sait. Il y a eu des crimes

17 commis des deux côtés, en même temps.

18 Q. Ensuite, est-ce que vous avez appris que dans l'attaque contre

19 Skabrnja, ce ne sont pas seulement les forces de l'armée populaire

20 yougoslave qui ont participé à cette attaque, mais aussi les forces de la

21 police et la Défense territoriale ? Ils ont tous participé à cette action,

22 est-ce que vous savez cela ?

23 R. Ce que je sais, c'est que les Croates ont commis un crime là-bas et

24 ensuite l'armée populaire yougoslave a réagi, ainsi que les Serbes du cru.

25 Je ne connais pas les détails, croyez-moi, parce qu'à l'époque je n'étais

26 pas en Republika Srpska Krajina et je n'ai pas étudié en détail la

27 documentation relative à Skabrnja.

28 Q. Monsieur, vous acceptez, n'est-ce pas, qu'au cours de l'opération

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1 entreprise par la JNA, par la police et la Défense territoriale, au cours

2 du mois de novembre 1991 à Skabrnja, que ces forces serbes ont commis des

3 crimes. Vous acceptez cela ?

4 R. Je ne peux pas accepter cela parce que vous dites que la JNA c'était

5 l'armée serbe, non, Monsieur, vous ne pourrez pas me forcer à accepter.

6 C'était l'armée yougoslave composée de tout le peuple de l'ex-Yougoslavie.

7 Même un Albanais s'est fait tuer en portant un uniforme de l'armée

8 populaire yougoslave. Ce sont les croates qui l'ont tué. C'est ce que je

9 sais. Vous ne pouvez pas parler de l'armée serbe dans ce cas-là.

10 Q. Vous évitez de répondre à la question que je vous ai posée. Je vous ai

11 posé la question suivante : au cours de l'attaque perpétrée par la JNA

12 contre la Skabrnja, la Défense territoriale de la région de la SAO Krajina

13 et la police de la région ont attaqué Skabrnja et pendant cette attaque qui

14 a eu lieu au mois de novembre 1991, il y a eu des crimes qui ont été

15 commis.

16 R. Oui, j'ai entendu parler des crimes. Les Serbes étaient seulement dans

17 la Défense territoriale et ils étaient dans quelques unités de caractère

18 local. Mais la JNA, je persiste à dire qu'elle n'était pas une armée serbe

19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le moment

20 serait opportun pour lever la séance.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous levons la séance

22 jusqu'à demain à 9 h 00.

23 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le vendredi 14 juillet

24 2006, à 9 heures 00.

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