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1 Le mardi 15 août 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic à vous.
7 Avant que de vous demander de continuer vraiment, je m'excuse de vous le
8 dire mais je tiens à avertir le témoin. Monsieur Licina, hier, avant de
9 commencer votre témoignage, vous avez fait une déclaration solennelle au
10 terme de laquelle vous vous êtes engagé à dire la vérité, toute la vérité,
11 rien que la vérité. Vous êtes toujours tenu par cette déclaration, à savoir
12 par la nécessité de dire la vérité et rien que la vérité. Merci.
13 LE TÉMOIN: RATKO LICINA [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous pouvez y
16 aller.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Interrogatoire principal par M. Milovancevic : [Suite]
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Licina.
20 R. Bonjour.
21 Q. La Défense se propose de poursuivre votre interrogatoire principal. Une
22 fois de plus, je vous demanderais de tenir compte des services
23 d'interprétation, à savoir de ralentir votre débit afin que les interprètes
24 puissent arriver à vous suivre et afin de faire en sorte que nos questions
25 et réponses ne se recoupent pas.
26 Vous nous avez expliqué hier que vous étiez membre de l'assemblée de la
27 SAO de la Krajina puis de la République serbe de la Krajina pendant toute
28 la durée de l'existence de cette assemblée. Ai-je bien compris votre
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1 explication ?
2 R. Oui. J'ai été membre de cette assemblée de la SAO de la Krajina et de
3 la République serbe de la Krajina, et après les élections de 1993, j'ai été
4 député de l'assemblée de la RSK, à savoir depuis la tenue de ces élections
5 en 1993.
6 Q. Pendant que vous avez été député, avez-vous assumé des fonctions au
7 sein du comité principal du SDS, à savoir, du Parti démocratique serbe ?
8 R. Oui. J'ai continué à être membre du comité principal. Je ne sais pas si
9 j'ai dit que j'avais été membre des comités chargés de la défense de la
10 sécurité et de l'information.
11 Q. Pouvez-vous nous dire quelles sont les instances de pouvoir qui
12 existaient sur le territoire de la SAO de la Krajina, puis ensuite sur le
13 territoire de la République serbe de la Krajina. Je parle des organes
14 principaux du pouvoir exécutif et législatif, ainsi que judiciaire.
15 R. Il existait un pouvoir judiciaire exécutif et législatif. Le pouvoir
16 législatif était le Parlement, le gouvernement était le pouvoir exécutif et
17 les instances judiciaires étaient celles qui existaient dans la République
18 serbe de Krajina. En 1991, à savoir à partir du 19 décembre 1991, la
19 République de la Krajina serbe a été instituée et il y a eu une des
20 instances législatives, exécutives et judiciaires de mises en place. Le
21 pouvoir exécutif était symbolisé par le président de la République serbe de
22 la Krajina et par le gouvernement, alors que le pouvoir judiciaire était
23 représenté par les tribunaux en place.
24 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, puisque vous avez mentionné le
25 gouvernement de la SAO de la Krajina puis de la République serbe de la
26 Krajina, quels ont été les ressorts, à savoir les ministères principaux qui
27 ont été mis en place ? Pouvez-vous en citer quelques-uns ?
28 R. Le gouvernement de la SAO de la Krajina, puis de la République serbe de
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1 la Krajina a disposé de tous les ministères usuels qui existent dans les
2 autres pays, un ministère de la Défense, un ministère de l'Intérieur, un
3 ministère chargé des Affaires étrangères, un ministère de l'Information, du
4 Commerce, en d'autres termes tous les ministères tels qu'à l'accoutumée
5 ailleurs.
6 Q. Pendant cette période allant de 1991 à 1995, vous avez été député au
7 Parlement. Savez-vous nous dire si le gouvernement de la SAO de la Krajina
8 et/ou de la République serbe de la Krajina a siégé et a exercé ses
9 fonctions, et nous dire si le premier ministre a également assumé ses
10 fonctions ?
11 R. Pendant toute cette période, en d'autres termes, allant du 19 décembre
12 1990, depuis le moment où la SAO de la Krajina a été mise en place jusqu'au
13 4 août 1995, ce gouvernement a assumé ses fonctions de façon normale. Il a
14 siégé, il a pris des décisions, a proposé des textes de lois au Parlement
15 comme le font les autres gouvernements dans le monde.
16 Q. Merci. Etant donné que vous avez exercé des fonctions politiques
17 importantes au sein du Parti démocratique serbe d'une part, et étant donné
18 que vous avez été député au Parlement de la SAO de la Krajina, puis de la
19 République serbe de la Krajina d'autre part, pouvez-vous nous dire si en
20 sus des instances normales du pouvoir de la politique officielle, de la
21 politique publique, il y avait eu une politique secrète, une organisation
22 parallèle de programmes clandestins qui auraient visé à perpétrer des
23 crimes, à malmener la population croate, à l'expulser, à emprisonner la
24 population croate ou à exécuter des ressortissants de cette population.
25 Est-ce que cela existait sur le territoire de la SAO de la Krajina en tant
26 que programme, organisation, ou système parallèle et clandestin ?
27 R. De manière tout à fait affirmative je déclare qu'aucune association
28 criminelle ou rien du genre de ce que vous venez de citer n'a existé. Ma
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1 réponse en bref serait non.
2 Q. Lorsque nous avons suivi hier la chronologie des événements par les
3 années qui se sont suivies, nous avons parlé des conflits qui sont survenus
4 sur le territoire de l'ex-République yougoslave de la Croatie. Sauriez-vous
5 nous dire à quelle période il y a eu déploiement des troupes de la FORPRONU
6 et mise en place de ce qui est convenu d'appeler le plan Vance ?
7 R. Les négociations relatives au plan Vance, pour ce qui est de les situer
8 dans le temps, ont été rattachées à la fin de l'année 1991, je dirais
9 novembre, décembre 1991 et le tout début de 1992. Pour autant que je m'en
10 souvienne, cela s'est soldé par l'acceptation de ce plan Vance proposé et
11 ensuite la Résolution 743 du Conseil de sécurité, suivant laquelle il y a
12 eu déploiement de forces de maintien de la paix des Nations Unies, que l'on
13 appelait la FORPRONU. Pour autant que je m'en souvienne, leur déploiement a
14 commencé à partir du mois de mars 1992, si mes souvenirs sont bons, cela a
15 duré plusieurs mois le temps qu'ils se déploient pour occuper quatre
16 secteurs, le secteur sud, nord, ouest et est. Je crois que c'est ainsi que
17 l'organisation avait été mise en place.
18 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire, Monsieur Licina, si les instances de la
19 SAO de Krajina, autrement dit le gouvernement, le Parlement - j'apporte des
20 explications d'ores et déjà - je parle des instances qui ont existé sur le
21 terrain - parce que certains affirment que c'est la prétendue République
22 serbe de la Krajina, ou de la prétendue SAO de la Krajina, ce qui
23 m'intéresse c'est de savoir si les instances de la SAO de Krajina ou de la
24 République serbe de la Krajina, au moment de l'arrivée de ces forces de
25 maintien de la paix ont respecté et mis en œuvre les résolutions des
26 Nations Unies, à savoir les dispositions principales du plan Vance.
27 Sauriez-vous nous en dire quoi que ce soit ?
28 R. D'après ce que j'en sais, toutes les dispositions du plan Vance du côté
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1 de la République serbe de la Krajina ont été mises en œuvre. Pour ce qui
2 est maintenant de la façon d'appeler cela la prétendue ou les prétendues
3 instances, je tiens à dire que l'Etat de Croatie jusque-là a été divisé en
4 deux parties, il y a deux peuples qui ont créé deux Etats de fait. C'est
5 une autre chose maintenant que de dire qui en a une qui n'a pas été
6 reconnue internationalement, mais la République serbe de la Krajina avait
7 son pouvoir législatif, exécutif et judiciaire sur le territoire contrôlé
8 par elle, et avait toutes les caractéristiques d'un Etat.
9 Q. Etant donné que vous venez de nous apporter la réponse que vous venez
10 d'apporter, pour ce qui est de la République de la Croatie dont la
11 reconnaissance est survenue en janvier, est-ce qu'on pouvait la qualifier
12 de prétendue République de Croatie vis-à-vis de la Yougoslavie ?
13 R. On pourrait appliquer absolument le même critère, la qualifier de
14 prétendue République de Croatie. Mais à la différence près que la Croatie,
15 à la différence de la Krajina sur le territoire que cette Krajina estimait
16 sien et le contrôlait, la Croatie ne contrôlait pas son territoire de façon
17 intégrale et la question qui se pose est de savoir c'est de déterminer si
18 c'était véritablement un Etat au sens plein du terme.
19 Q. Merci. Savez-vous nous dire si la Défense territoriale de la République
20 de la Krajina serbe avait placé ses armes sous double clé dans des
21 entrepôts placés sous le contrôle de la FORPRONU ?
22 R. Ce que je sais c'est qu'en effet, oui. C'est exact. C'est à l'époque
23 que l'on avait créé des bataillons bleus en application de cette
24 résolution. Il ne devait y avoir que des forces policières ou des forces
25 ramenées à cette échelle-là, et on les avait appelé les bataillons bleus.
26 La plupart d'entre nous n'avait plus fait partie des forces armées. On
27 n'avait plus porter des armes, si je puis m'exprimer ainsi.
28 Q. Au moment de l'arrivée des troupes des Nations Unies, est-ce que la
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1 Défense territoriale de la République serbe de la Krajina ou de l'armée de
2 la Krajina serbe, qualifions-là brièvement ainsi avait disposé d'armes
3 lourdes, de chars, d'artillerie, de mortiers, et je voudrais savoir si les
4 armes lourdes ont également été mises dans des entrepôts ?
5 R. Oui. Les armes lourdes ont été mises de côté, et très rapidement il y a
6 eu violation de cette Résolution 743 et des dispositions du plan Vance.
7 Parce que de fait, toutes les forces de la FORPRONU ne s'étaient pas
8 déployées et il y a eu une première violation des dispositions du plan
9 Vance dans le secteur de la Dalmatie, notamment sur le plateau de Miljevac.
10 Cela s'est passé au mois de juin 1992.
11 Q. Pour ce qui est de ce plateau de Miljevac, dites-nous, si c'est un
12 secteur qui était censé être sécurisé par les Nations Unies, un secteur
13 protégé ?
14 R. Oui. Le plateau Miljevac était censé être une région où les forces des
15 Nations Unies étaient supposées protéger la population. Toutefois, la
16 Croatie a procédé à une agression contre ce secteur. Je crois qu'il y a eu
17 quelque 150 personnes de tuées.
18 Q. Au sujet de cette action réalisée par l'armée croate dans le secteur du
19 plateau de Miljevac, savez-vous nous dire si le Conseil de sécurité a
20 adopté une résolution quelconque au sujet de l'attaque en question ?
21 R. Je ne me souviens pas d'une résolution concrète. Je sais qu'il y a eu
22 des avertissements, mais la Croatie de façon évidente a été encouragée à
23 procéder à de nouvelles violations de ce type s'agissant du plan Vance et
24 de la Résolution 743, cela s'est ramené à une réprimande verbale.
25 Q. Les forces croates qui ont fait incursion dans le plateau de Miljevac
26 se sont-elles retirées ou pas ?
27 R. Pour autant que je le sache, non. Pour ce qui est de ces intrusions
28 jusqu'à l'occupation définitive de la RSK au moment de l'opération Tempête.
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1 Ce que je sais c'est que la RSK et la population, les forces de la police
2 et de l'armée ne sont plus jamais revenues sur aucun des territoires où il
3 y a eu intrusion. Il y a eu d'autres incursions, par exemple, au champ de
4 Miljevac en 1992, puis à Maslenica en janvier 1993, puis la poche de Medak
5 en septembre 1993, ce qui fait que, comme je l'ai dit, ultérieurement au
6 moment de l'opération Eclair en 1995 sur le territoire de la Slavonie
7 occidentale.
8 Q. Est-ce que la FORPRONU, les forces de maintien de la paix des Nations
9 Unies, les Casques bleus avaient-ils l'obligation de protéger la population
10 de ces régions de crainte de voir survenir des attaques armées ? Le savez-
11 vous ou pas ?
12 R. Pour autant que je le sache --
13 M. BLACK : [interprétation] Objection. C'est une question directrice,
14 Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est une question directrice,
16 Maître Milovancevic.
17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé au
18 témoin s'il y avait obligation ou pas, mais nous pouvons poser la question
19 dans une forme plus neutre. Si vous me demandez de le faire, je ne
20 manquerai pas de le faire, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous contestez donc que vous ayez
22 procédé de façon suscitant des objections. Alors si voulez reformulez,
23 admettez-vous que la façon dont vous avez procédé est sujette à objection ?
24 Si vous le faites, vous devez retirer la question précédente et reformuler
25 celle-ci. Mais je ne sais pas si vous avez dit que vous admettiez ou pas.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour gagner du
27 temps, je retire ma question et je vais la poser d'une façon autre. Je ne
28 souhaite pas du tout laisser entendre que je suis enclin à porter des
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1 questions suggestives.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Licina, la résolution du Conseil de sécurité prévoyant
5 l'arrivée et le déploiement des forces Nations Unies sur le territoire de
6 la Yougoslavie comportait, j'imagine, plusieurs éléments. Y avait-il des
7 dispositions pour ce qui est des engagements pris par les Nations Unies
8 concernant la protection de certaines régions ?
9 R. D'après ce que j'en sais et d'après la façon dont on a accepté
10 l'arrivée des forces de maintien de la paix des Nations Unies, on nous a
11 expliqué, et c'est ainsi que nous l'avions comprise, cette résolution, que
12 les forces de maintien de la paix étaient censées entièrement protéger la
13 population sur le territoire où elles étaient déployées, à savoir, sur le
14 territoire de la RSK partagé en quatre secteurs tels qu'on les avait
15 appelés à l'époque.
16 Q. A votre avis, cette obligation des Nations Unies a-t-elle été réalisée
17 pour ce qui est du plateau de Miljevac ?
18 R. Ce qui est évident, c'est que les forces de maintien de la paix des
19 Nations Unies n'ont pas réalisé cette obligation, elles ne l'ont pas fait.
20 Elles ne l'ont pas fait non seulement sur le plateau de Miljevac, mais à
21 l'occasion des autres offensives croates non plus et où il a été perpétré
22 un grand nombre de crimes, et beaucoup de gens ont été tués à l'occasion de
23 toutes ces agressions croates. Les forces de maintien de la paix, après ces
24 agressions croates, sont venues créer des zones tampon, une fois que nous
25 avions déjà été expulsés de ces parties-là. Par conséquent, j'estime que
26 les forces de maintien de la paix n'ont pas réalisé leur obligation
27 conformément aux prévisions et aux termes de la résolution.
28 Q. Il est survenu une question très importante à l'occasion de ce procès,
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1 à savoir, la question des armes à canon long et des armes automatiques
2 portées par la police de la RSK ou de la SAO de la Krajina. Pouvez-vous
3 nous dire quelle est la raison pour laquelle la police de la SAO de la
4 Krajina avait porté des fusils automatiques en dépit du fait que le secteur
5 protégé par les Nations Unies avait comporté des troupes des Nations Unies
6 qui étaient au nombre de près de 11 000 hommes ?
7 R. Comme je vous l'ai dit, les forces de maintien de la paix ont commencé
8 à se déployer au mois de mars 1992. Ce déploiement a duré plusieurs mois et
9 il n'y a pas eu déploiement plein et entier des forces de maintien de la
10 paix, et il y a eu déjà des violations du plan Vance et de la résolution
11 avec l'attaque du plateau de Miljevac au mois de juin, donc à peine trois
12 mois après. Les forces de maintien de la paix n'étaient pas encore
13 déployées. Nous, nous avions déjà mis sous clé une partie des armements. Il
14 aurait été complètement fou de se désarmer dans cette situation. Il a été
15 logique de garder nos armes à canon long.
16 Q. Monsieur Licina, en sus de l'agression telle que vous la qualifiez sur
17 le plan de Miljevac, vous avez également parlé d'autres opérations des
18 forces croates sur les territoires également sous protection des Nations
19 Unies. En sus de ces grandes agressions dont les noms sont notoirement
20 connus, y a-t-il d'autres conflits ? Si c'est le cas, quand et combien ont-
21 ils été ? Savez-vous nous dire quoi que ce soit à ce sujet ?
22 R. Il y a eu quatre grandes offensives croates : plateau de Miljevac;
23 Miljevic Polje, disons que c'est un peu plus petit; puis, ensuite, il y a
24 eu Maslenica, en janvier 1993; en septembre 1993, la poche de Medak dans le
25 secteur de la Lika; et au mois de mai 1995, dans l'opération Eclair en
26 Slavonie occidentale. Mis à part ce fait-là, il y a constamment eu des
27 attaques individuelles, mais nous nous sommes souvenus de ces quatre
28 grandes offensives. Mais de façon permanente, depuis les combats du plateau
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1 de Miljevac jusqu'à l'occupation de la RSK en août 1995, il y a constamment
2 eu des combats.
3 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à ce que soit rectifiée au compte rendu
4 l'appellation de Mirkovic [phon] Polje à la place de ce que l'interprète a
5 dit.
6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
7 Q. En sus de ces combats permanents, pouvez-vous nous dire si vous avez
8 vécu cela en personne ou si ce sont des informations qui vous sont
9 parvenues en votre qualité de député ou de personne chargée de
10 l'information ? Vous nous dites que vous avez été à Gracac, sur le
11 territoire de la RSK, et la RSK, c'est beaucoup plus grand que Gracac,
12 alors que savez-vous nous dire ?
13 R. En ma qualité de député de la RSK et en ma qualité de membre du comité
14 chargé de la défense et de la sécurité, il est normal que j'aie eu à être
15 informé de ce type de chose. Pour ce qui est maintenant de mes
16 connaissances directes, je dirais que j'en ai eu de façon directe dans ma
17 municipalité, parce que Gracac, c'est une municipalité territorialement
18 grande, mais assez petite de par le nombre de ses habitants. Nous n'avions
19 que quelque 13 000 habitants. Pendant cette guerre, la municipalité de
20 Gracac a perdu 500 de ses ressortissants, ce qui fait que j'ai, et comment,
21 eu l'occasion d'assister à bon nombre d'enterrements. C'étaient des gens
22 que je connaissais pour la plupart du temps, et bien entendu, j'ai eu
23 connaissance, j'ai eu à connaître ce type de chose.
24 Q. Savez-vous comment a-t-il été possible que l'armée croate, la police
25 croate, les forces armées croates traversent la ligne de délimitation pour
26 entrer sur le territoire placé sous la protection des Nations Unies dans
27 des circonstances où il y avait 10 000 à 11 000 soldats sur le terrain ?
28 Est-ce que vous savez comment cela a été possible ?
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1 R. D'après ce que j'en sais, de manière générale, elles se tenaient à
2 l'écart. Mais puisque vous me posez cette question, en fait, je ne
3 comprends pas comment cela a été possible. En pratique, ceci n'aurait pas
4 dû se produire, mais de toute évidence, cela s'est bel et bien produit.
5 Donc, une chose, c'est ce qu'on a écrit, ce qu'on a couché sur le papier,
6 et ce que l'organe suprême des Nations Unies, le Conseil de sécurité des
7 Nations Unies a proclamé, et c'est une tout autre chose, ce qui s'est
8 produit sur le terrain.
9 Q. S'agissant de ce qui se produisait sur le terrain, il y a bon nombre de
10 documents émanant des Nations Unies, la police civile, la FORPRONU,
11 relatifs aux victimes croates sur le territoire de la RSK et les forces de
12 la police de la RSK de Krajina, de la SAO Krajina, de se voir reprocher
13 cela. Est-ce que vous en savez quelque chose ?
14 R. J'en ai appris, des choses, dans les journaux. Il me semble que Franjo
15 Tudjman - je crois que cela figure ici dans le texte - que Franjo Tudjman a
16 dit que la Croatie a perdu 10 000 de ses ressortissants, qu'il y a eu 10
17 000 victimes croates. Mais en pratique, ici, on ne tient pas compte des
18 victimes serbes, car lorsqu'il a cité ce chiffre relatif aux victimes, il
19 n'a tenu compte que des Croates. Proportionnellement, si on tient compte de
20 la population croate de la Croatie et de la population de la Krajina, il y
21 a eu trois fois plus de victimes dans la Krajina, à peu près.
22 Q. Lorsque j'ai cité les rapports de la FORPRONU, j'aimerais savoir s'il
23 est exact que l'armée et la police de la RSK de la Krajina et avant cela de
24 la SAO de la Krajina, de manière planifiée et organisée a arrêté, torturé,
25 tué la population croate sur son territoire.
26 R. Je ne connais aucun cas de figure de ce genre, aucun.
27 Q. Vous avez mentionné plusieurs attaques menées contre le territoire
28 placé sous la protection des Nations Unies. Sauriez-vous nous dire si
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1 pendant cette période qui va de la fin de l'année 1991, début 1992, donc le
2 moment où on vote la résolution sur la mission des Nations Unies en Croatie
3 jusqu'à l'opération Tempête, est-ce qu'il y a eu ne serait-ce qu'une seule
4 attaque ayant pour objectif le fait de traverser la ligne de délimitation
5 entre les forces croates et serbes, action menée par l'armée ou la police
6 de la SAO Krajina ?
7 R. Pour autant que je le sache, l'armée de la RSK, donc l'armée et la
8 police en tant que force régulière de la RSK n'ont entrepris pendant cette
9 période-là contre la Croatie aucune action, donc on n'a pas bougé d'un
10 pouce. La seule chose qui s'est produite, ce fut l'agression menée sur le
11 territoire de la République serbe de la Krajina, la RSK.
12 Q. Vous avez évoqué le plateau de Miljevac, janvier 1993. Vous avez
13 mentionné l'opération de Maslenica. Vous avez également évoqué la poche de
14 Medak. Pourriez-vous nous dire dans quelle situation s'est trouvée la
15 population civile dans ces régions, là où il y a eu des attaques menées par
16 l'armée croate et la police croate ?
17 R. S'agissant de l'opération menée sur le pont de Maslenica, Ravni Kotari,
18 il y a eu un pogrom important de la population civile des villages
19 Smokovic, Kasic et autres, me semble-t-il. Je pense qu'il y a eu à peu près
20 300 victimes dans le cadre de cette opération. Par ailleurs, si l'on parle
21 de cette même période, là où se situe cette action militaire de Maslenica,
22 une incursion terroriste s'est produite dans la municipalité de Gracac,
23 plus précisément dans le secteur de Mali Alan [phon]. Je pense que le nom
24 du site est Egeljac. Les forces croates se sont infiltrées, elles ont
25 intercepté un camion de soldats de l'armée de la RSK, et un crime bestial a
26 été commis : 22 soldats ont été égorgés. Il s'agit d'un meurtre qui, de
27 toute évidence, par la suite, lorsqu'on a procédé à des autopsies, s'est
28 révélé comme ayant été commis à l'arme blanche.
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1 Q. Vous avez mentionné Ravni Kotari, l'opération de Maslenica en janvier
2 1993. Qu'est-il advenu des biens, des maisons, de l'église et de la
3 population serbes dans les villages où il y a eu des attaques croates ?
4 R. Les biens serbes ont été pillés et brûlés, et on a traité de la même
5 façon les bâtiments civils et religieux, donc l'église ou les églises
6 orthodoxes.
7 Q. Le Conseil de sécurité a-t-il réagi suite à cette opération dans le
8 secteur de Maslenica ? La Croatie a-t-elle essuyé des conséquences ?
9 R. Pour autant que je le sache, elle n'a subi aucune conséquence suite à
10 cela. Encore une fois, il n'y a eu qu'un avertissement plutôt mou, et grâce
11 à cette attitude des Nations Unies, la Croatie s'est vu encourager à
12 entreprendre de nouveaux crimes commis contre le peuple, la population de
13 la RSK.
14 Q. Savez-vous où se situe le secteur de la poche de Medak ? Que s'est-il
15 passé en septembre 1993 ?
16 R. Oui, je sais où se situe la poche de Medak. De fait, c'est sur le
17 territoire de la municipalité de Gracac. C'étaient des villages serbes qui
18 se sont rattachés à la municipalité de Gracac. J'en ai parlé hier.
19 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Etait-ce un secteur placé sous la
20 protection des Nations Unies ?
21 R. Oui, certainement. C'était placé sous la protection des forces de
22 maintien de paix des Nations Unies. Il s'agit des villages Divoselo,
23 Pocitelj, Ornice et Citluk.
24 Q. Que s'est-il produit là-bas ? Avez-vous des connaissances à ce sujet ?
25 R. [aucune interprétation]
26 M. BLACK : [interprétation] Objection.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
28 M. BLACK : [interprétation] Excusez-moi pour cette interruption. Je n'ai
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1 pas soulevé d'objection précédemment, mais la question que je me pose est
2 de savoir quelle est la pertinence de cette série de questions. Si l'on
3 veut nous faire entendre qu'il y a eu des incursions, des infiltrations, je
4 ne vois pas d'objection à soulever, mais quand il s'agit des détails au
5 sujet de ce qu'a subi la population civile, les détails des attaques des
6 Croates menées contre les Serbes, je ne vois pas ce que cela a à voir avec
7 les chefs d'accusation.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic ?
9 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, par l'entremise
10 de la déposition de ce témoin, la Défense s'emploie à attirer l'attention
11 sur la nature des rapports des Nations Unies envoyés au Conseil de sécurité
12 qui comportent peu ou prou les détails au sujet de ce qui se passe sur le
13 territoire placé sous la protection des Nations Unies, des territoires où
14 la population civile devient la victime des événements. La Défense estime
15 que ces rapports sont partiaux. Bien entendu, nous ne souhaitons pas
16 formuler de commentaires, mais présenter la situation réelle telle qu'elle
17 s'est présentée sur le terrain. Nous estimons que ceci est pertinent parce
18 que ceci a à voir avec la thèse de base de l'Accusation, à savoir,
19 l'entreprise criminelle commune.
20 Par cette question, nous cherchons à apporter une réponse à de nombreuses
21 thèses soulevées ou exposées par l'Accusation en l'espèce. Ceci a à voir
22 avec les armes entre les mains de la militia de la République serbe de
23 Krajina, le comportement de tous les protagonistes, la présence des
24 militaires dans la Krajina. Donc, nous contestons toutes les thèse de
25 l'Accusation et nous souhaitons aussi révéler le caractère totalement
26 partial des rapports des Nations Unies. Dans certaines résolutions du
27 Conseil de sécurité figurent des constatations qui ne figurent absolument
28 pas dans ces rapports.
Page 6447
1 M. BLACK : [interprétation] Mais si je peux répondre, Monsieur le
2 Président, comment est-ce qu'on va ici contester les rapports des Nations
3 Unies alors que nous n'en n'avons vu aucun ? Ces rapports existent bel et
4 bien et ils sont accessibles. Nous en avons quelques-uns entre les mains de
5 l'Accusation, de nombreux ont été communiqués à la Défense, mais ils ne
6 s'en servent pas. La Défense préfère exposer sa propre thèse, préfère faire
7 parler le témoin au sujet des rapports, des discours, et cetera, que nous
8 ne voyons, n'entendons jamais. Si effectivement la Défense se propose de
9 remettre en question nos thèses, je pense qu'il faudra qu'elle nous
10 soumette ces rapports, pour ce qui est de la pertinence de ces documents.
11 Eu égard à l'entreprise criminelle commune, je pense que cette
12 pertinence, au mieux, n'est que très minime. L'Accusation affirme que
13 l'entreprise criminelle commune date de 1990-1991. Tout ce dont on parle se
14 situe plus tard.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, la Défense n'a jamais
16 soumis leur thèse. Nous essayons de lire entre les lignes. C'est tout ce
17 que nous avons pu faire jusqu'à présent. Mais ce que vous êtes en train
18 d'affirmer c'est qu'ils essaient de nous montrer ce que les Croates ont
19 fait aux Serbes, ce qui correspond tout à fait à ce qu'ils font depuis le
20 début. La présente Chambre de première instance essaie depuis le début de
21 comprendre ce que se propose de démontrer la Défense, ce qu'est sa thèse.
22 Mais puisque nous ne le savons pas encore tout à fait clairement, il nous
23 est très difficile de savoir quelle est la pertinence de telle ou telle
24 question ? Dans la mesure où la Chambre a bien compris en lisant entre les
25 lignes, il semblerait que c'est cela la thèse de la Défense.
26 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, il est possible que ce
27 soit leur thèse, leur position, mais elle n'est pas juridiquement valable.
28 Le fait est que ceci ne peut avoir un impact sur la responsabilité pénale
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1 de M. Martic pour les crimes qui sont reprochés dans l'acte d'accusation.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je vous accorde ce point, alors il
3 faudra clôturer leur présentation des moyens, et il n'y a rien qui nous
4 permet de faire cela.
5 M. BLACK : [interprétation] Il faudrait soit qu'il termine la présentation
6 de leurs moyens ou qu'il trouve une Défense qui est juridiquement valable.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous ne vous levez pas un
8 peu trop tard ? Est-ce que vous ne soulevez pas cet argument un peu trop
9 tard ?
10 M. BLACK : [interprétation] Mais j'ai essayé de soulever des objections
11 depuis le début, Monsieur le Président, au fur et à mesure, je pense que M.
12 Whiting et d'autres membres du bureau du Procureur ont soulevé des
13 objections à ce type de questions. A chaque fois que ces questions ont été
14 posées lorsqu'il a été question des crimes commis contre les Serbes de la
15 main des Croates.
16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Black, toutefois, comme
17 l'a dit Me Milovancevic, pendant que vous présentiez vos moyens de preuve,
18 il y a eu des éléments qui ont été présentés par les témoins de
19 l'Accusation au sujet du plan Vance et les circonstances dans lesquelles il
20 se situe, les forces de la FORPRONU, et ceci a présenté les choses dans une
21 perspective spécifique au sujet de laquelle on pourrait dire que les Serbes
22 étaient des agresseurs et que les Croates étaient les victimes de cette
23 agression. Ceci a en effet placé les choses dans une perspective différente
24 qui correspondait à la thèse de l'Accusation. Je pense que ce qu'est en
25 train de dire Me Milovancevic, c'est que du point de vue des faits ce
26 n'était pas exact, mais en plus, ce n'était pas pertinent afin de juger des
27 questions de l'espèce, donc ce que la Défense propose de faire maintenant
28 c'est de présenter leur point de vue, le point de vue qu'ils estiment
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1 correct, l'angle de vue qu'il estime exact, à savoir que c'étaient les
2 Croates les agresseurs dans ce contexte. Telle serait la pertinence de
3 cette déposition. Je pense que ceci va au-delà de ce que vous venez de nous
4 dire. De ce point de vue-là, je dirais que la pertinence existe, et qu'en
5 fin de compte, il appartiendra à la Chambre de première instance de
6 déterminer la responsabilité ou l'innocence au sujet des chefs pertinents
7 de l'acte d'accusation. Tel serait mon point de vue.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Du point de vue de la Défense - encore
9 une fois j'essaie de lire entre les lignes - c'est qu'il s'agissait d'une
10 sorte d'autodéfense. Etait-ce le cas ? Nous le verrons en fin de compte,
11 mais c'est ce que nous essayons de comprendre et c'est que nous pensons
12 comprendre.
13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je serais d'accord avec cela. Je
14 vous remercie, Monsieur le Président.
15 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que je peux avoir quelques instants,
16 s'il vous plaît, pour l'avis de mon conseil ?
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Certainement.
18 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
19 M. BLACK : [interprétation] Puis-je répondre, brièvement ?
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous en prie.
21 M. BLACK : [interprétation] Un premier point pour préciser. La thèse de
22 l'Accusation n'a jamais été de dire que les Croates n'ont jamais violé le
23 plan Vance ou qu'il n'y a pas eu de conflit militaire, y compris dans les
24 zones roses, à savoir les zones dont on parle maintenant. Ce sur quoi nous
25 avons essayé de nous polariser c'était le traitement réservé à la
26 population civile sur le territoire de la RSK. Tel a été le point focal de
27 notre thèse. Ce qui est le plus important, l'autodéfense ne constitue pas
28 un moyen de défense contre les chefs d'accusation pour crimes de guerre et
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1 crimes contre l'humanité, contre la population croate de la RSK en
2 l'occurrence. Je pense que ceci est clair dans la jurisprudence de ce
3 Tribunal mais j'ai déjà cité quelques sources depuis le début de la
4 l'affaire. J'admets que ceci a une certaine pertinence eu égard au plan
5 Vance, cependant je me demande si cette pertinence justifie que l'on
6 consacre tant de temps à cette question puisque nous n'avons jamais affirmé
7 que la partie croate n'a pas violé le plan Vance.
8 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je serais d'accord avec vous,
9 Monsieur Black, sauf qu'il y a eu pas mal moyens de preuve présentés devant
10 la Chambre du côté de l'Accusation allant dans ce sens - je ne sais pas si
11 mes collègues sont d'accord avec moi - je ne pense pas que compte tenu de
12 cela on puisse limiter la Défense si l'Accusation, ne serait-ce que de
13 manière secondaire ou indirecte en présentant différents autres points
14 juridiques, ait présenté une quantité considérable de moyens de preuve sur
15 ce point. Comme ceci a fait partie intégrante de votre thèse, je pense que
16 pour répondre à l'exigence de l'équité, il faudrait donner la possibilité à
17 la Défense de répondre devant la Chambre de première instance. De ce point
18 de vue-là, tout en admettant la validité de votre position, je pense que
19 compte tenu de la manière dont vos moyens ont été présentés il faudra
20 donner cette opportunité à la Défense.
21 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Encore une fois, je voudrais ajouter
23 un petit point. Même si le point semble insignifiant du point de vue de
24 l'Accusation, il appartient à la Défense de fournir sa propre
25 interprétation, et du point de vue de la Défense ce point est important, la
26 Chambre doit donner à la Défense la possibilité de s'en occuper.
27 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.
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1 Maître Milovancevic, vous pouvez poursuivre.
2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Monsieur Licina, vous avez dit que la poche de Medak était placée sous
4 la protection des Nations Unies. Qu'est-il advenu de la population pendant
5 l'opération qui a été appelée poche de Medak ? Qu'est-il advenu de la
6 population civile serbe ?
7 R. Comme je viens de le dire à l'instant, le secteur de la poche de Medak
8 est un secteur qui comprend ces quatre villages que j'ai cités avec
9 d'autres hameaux. En septembre 1993, il y a eu une incursion, une
10 infiltration des forces croates. Pour autant que je m'en souvienne, même
11 d'après le rapport du général Jean Cot, des forces de paix des Nations
12 Unies de l'époque suite à cette opération croate dans cette région, il n'y
13 avait plus âme qui vive. Tout a détruit et tout a été tué, les soldats, les
14 civils, le bétail. Absolument tout, Melasibje [phon], Divoselo et les
15 autres villages. Cela a été une opération de terre brûlée.
16 Q. Monsieur Licina, savez-vous quelque chose au sujet d'éventuelles
17 négociations entre les représentants de la RSK et la partie croate avec la
18 médiation des négociateurs internationaux ou la FORPRONU ? Est-ce que ceci
19 aurait eu lieu ?
20 R. Au moment des négociations entre les parties croates et serbes,
21 généralement on était témoin de ce genre d'incursions. Si mes souvenirs
22 sont bons, Djordje Bjegovic, qui était le chef du gouvernement serbe de
23 l'époque était en train de négocier à Londres ou ailleurs, je ne me
24 souviens plus très bien, mais précisément au moment où l'opération de la
25 poche de Medak a eu lieu. Un détail que j'ai oublié, il y a eu environ 100
26 morts suite à cette action. Il s'agit pour la plupart des personnes qui
27 viennent de la même municipalité que moi-même, de la municipalité de Gracac
28 et Donji Lapac, j'en connais un grand nombre.
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1 Q. Ce qu'on a appelé l'accord de Zagreb, en savez-vous quelque chose ? Il
2 me semble que c'est le 29 mars 1994 qu'on a signé ce traité.
3 R. Cet accord de Zagreb, oui, il y a été signé en 1994, il concernait une
4 amorce de coopération économique entre les Serbes et les Croates. Je pense
5 qu'il s'agissait d'ouvrir l'autoroute à la circulation et aussi l'oléoduc,
6 si je ne me trompe pas.
7 Q. C'est un accord militaire que j'avais à l'esprit qui prévoyait la
8 séparation des forces. Vous, vous parlez d'un accord économique. Vous
9 faites une différence ?
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous ne pouvez
11 pas procéder de la sorte. Je suis désolé. Le témoin vous a répondu. Il vous
12 a parlé de la coopération économique. La coopération militaire ou accord
13 militaire n'a rien à voir avec cela. Est-ce que vous voulez déposer à sa
14 place ? Qu'aviez-vous à l'esprit ? Il vous faut réagir suite à la réponse
15 que vous avez entendue, coopération économique.
16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
17 Q. Vous avez mentionné la coopération économique, Monsieur Licina, est-ce
18 qu'on a traduit dans les faits certains éléments de cet accord portant sur
19 la coopération économique ?
20 R. Pour autant que je m'en souvienne, l'autoroute a été ouverte à la
21 circulation en Slavonie occidentale dans certains tronçons de l'autoroute.
22 Il y avait plusieurs volets, l'aspect économique, l'aspect militaire dans
23 cet accord de Zagreb.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vais pas vous laisser parler de
25 l'accord militaire maintenant. Je voudrais que vous parliez de l'accord
26 économique.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
28 Q. Monsieur Licina, où étiez-vous en mai 1995 ?
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1 R. En mai 1995, j'étais à Gracac, là où je vivais.
2 Q. Lorsque vous avez mentionné l'opération Eclair, j'aimerais savoir où
3 vous avez appris les éléments d'information sur cette opération ?
4 Brièvement, pouvez-vous nous dire ce qui s'est produit et où, dans quel
5 secteur ?
6 R. Comme je vous l'ai déjà dit, j'étais député à l'assemblée. J'étais
7 membre du conseil chargé de la Défense et de la Sécurité. Au mois de mai
8 1995, il y a eu une incursion des forces croates, encore une nouvelle
9 agression menée par la partie croate contre la RSK, une nouvelle violation
10 du plan Vance dans le secteur de la Slavonie occidentale, dans le secteur
11 ouest si je ne me trompe pas. A ce moment-là, il y a un nettoyage ethnique
12 total des municipalités de Pakrac et Okucani, par ailleurs la Slavonie
13 occidentale a connu un pogrom également en 1991, lorsque les Serbes ont été
14 ethniquement nettoyés du secteur de Grubisno Polje, Podravska Slatina et
15 Daruvar. Tout un secteur a été nettoyé de Serbes, il y a eu un grand nombre
16 de victimes. Par la suite, on a appris des choses disant que les victimes
17 qui auraient été incinérées dans des poêles à Sisak, mais enfin, ce sont
18 des informations de seconde main.
19 Q. Est-ce qu'au moment où l'armée croate et la police croate ont attaqué
20 la Slavonie occidentale, ce territoire était sous contrôle des Nations
21 Unies ?
22 R. Oui. A l'époque, ce territoire était contrôlé par les Nations Unies.
23 D'ailleurs, à l'époque, c'était la période après les événements qui ont
24 suivis après l'adoption du plan Z-4.
25 Q. Est-ce que l'armée croate et la police croate se sont retirées à un
26 moment donné du le territoire de la Slavonie occidentale ? Ils ont fait une
27 incursion sur ce territoire, est-ce que le Conseil de sécurité a réagi à
28 une telle incursion dans le territoire contrôlé par les Nations Unies ?
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1 R. Je n'en sais rien. Il y avait qu'une réprimande orale mais les forces
2 croates y sont restées, en fait c'était une sorte de feu vert pour procéder
3 à une agression ultérieure contre la SAO de Krajina au mois d'août 1995.
4 Q. Connaissiez-vous des détails du plan Z-4 ? Quelles étaient les
5 dispositions de ce plan et est-ce que ce plan a été mis en oeuvre ?
6 R. Par rapport au plan Z-4, c'était la période vers la fin de l'année
7 1994, le début de l'année 1995. Le plan Z-4 a été antérieurement proposé au
8 moment où la Croatie, en 1992, sous la pression de la communauté
9 internationale, a proposé de redéfinir la Croatie. Je pense qu'une loi a
10 été adoptée concernant la formation des districts de Glina et de Knin. En
11 fait, ce plan a été rebaptisé en tant que plan Z-4 et a été proposé à la
12 SAO de Krajina. Mais cela s'est passé au moment où le mandat de la FORPRONU
13 allait être prolongé. Le président Martic nous a informé, à l'époque, qu'à
14 propos de ce plan, il y aurait des discussions au moment où le statut des
15 forces des Nations Unies allait être discuté. Ce qui était logique à
16 l'époque.
17 Q. Est-ce que vous savez-vous si ce statut a été redéfini --
18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je m'excuse, mais avant de
19 continuer, pouvez-vous nous dire qui était le président Martic ? Monsieur
20 Licina, pouvez-vous répondre à la question qui vous a été posée ? Peut-être
21 que d'autres moyens de preuve ont été antérieurement présentés. Je m'excuse
22 de vous avoir posé cette question. Pouvez-vous nous dire qui était le
23 président Martic ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Milan Martic a été élu président en 1994, au
25 mois de janvier, si je ne me trompe pas, et il est présent ici dans ce
26 prétoire.
27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
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1 Q. Par rapport à la question qui vous a été posée par le Juge Nosworthy,
2 vous avez répondu que M. Martic a été élu président; mais président de
3 quoi, de quelle entité ? Pouvez-vous nous dire quelle était sa fonction ?
4 R. Il a été élu président de la SAO de Krajina.
5 Q. Savez-vous si en Slavonie occidentale, il y avait des victimes serbes ?
6 R. Autant que j'en sache, en Slavonie occidentale, il y avait un grand
7 nombre de victimes. Je ne sais pas le nombre exact. Ici, j'ai le rapport de
8 Veritas; c'est un centre de documentation concernant l'année 1995. Je pense
9 qu'il s'agissait d'à peu près 1 000 victimes ou de personnes disparues.
10 Q. Savez-vous si le nombre exact a été déterminé à un moment donné, le
11 nombre exact de victimes ?
12 R. Non. Les données dont nous disposons, même aujourd'hui en tant que le
13 gouvernement de la SAO de Krajina en exil, ce sont les données de Veritas,
14 ce centre de documentation qui s'en est occupé. Ici, il s'agit des victimes
15 dont leur famille les a déclarées en tant que victimes. Il s'agit de 6 500
16 victimes ou personnes disparues, selon les données présentées par Veritas.
17 Q. Vous parlez de 6 500 personnes disparues; de quel territoire il s'agit
18 et de quelle période il s'agit ?
19 R. De la période allant de 1991 jusqu'en 1995, c'était sur le territoire
20 de la SAO de Krajina. Il s'agit des citoyens de la SAO de Krajina. A
21 l'époque, toutes les personnes qui vivaient pendant la guerre sur le
22 territoire de la SAO de Krajina ont été considérées comme des citoyens de
23 la SAO de Krajina, c'est-à-dire, ces victimes ont été à l'époque des
24 citoyens de la SAO de Krajina.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce qu'est le centre Veritas ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un centre de documentation et
27 d'information qui s'occupe de la collecte des informations relatives aux
28 victimes sur le territoire de la SAO de Krajina. Le directeur de ce centre
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1 est M. Savo Strbac.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les informations que vous venez de
3 nous présenter, est-ce que ces informations émanent de cette source, de
4 cette organisation ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je viens de dire, oui, mais selon nos
6 informations, il y avait plus de victimes. Mais compte tenu de la situation
7 dans laquelle nous nous trouvions et des circonstances prévalant à
8 l'époque, nous n'avions pas pu avoir plus d'informations. Il s'agit ici des
9 informations provenant des gens qui arrivaient au centre Veritas pour
10 déclarer la disparition de leurs proches, des membres de leur famille ainsi
11 que des personnes tuées. Veritas a été fondé en 1992 ou 1993, mais plutôt
12 1993. Cette organisation, pendant qu'on était dans la Krajina, s'est
13 occupée de cela, donc Veritas dispose de ces données se rapportant à cette
14 époque. Ce que je viens de dire, ce sont les événements survenus en 1995,
15 entre les mois de mai et août.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Sous quelle forme avez-vous reçu les
17 informations provenant de Veritas ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des tableaux. Je dispose d'un
19 tableau, ici. Veritas faisait des bulletins réguliers dans lesquels il
20 présentait des informations, collectait. Le centre de documentation et
21 d'information Veritas coopère avec le Tribunal, pour autant que j'en sache,
22 et je pense que Veritas présente et transmet des informations de façon
23 régulière au Tribunal.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
25 Vous pouvez continuer, Maître Milovancevic.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
27 Q. Vous avez mentionné l'opération Tempête, Monsieur Licina. Qu'est-ce que
28 cela signifie, ce terme, ce mot "Tempête" ?
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1 R. Le terme "Tempête" signifie l'agression de l'armée croate contre le
2 territoire de la République serbe de Krajina, plus exactement contre le
3 territoire de l'ancienne SAO de Krajina. Il s'agit de la Dalmatie
4 septentrionale, Kordun, Balaj [phon] et Lika. L'opération Tempête a
5 commencé le 4 août 1995.
6 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était l'issue de l'opération Tempête,
7 brièvement ?
8 R. L'issue de l'opération Tempête a été le nettoyage ethnique le plus
9 grand qui se serait passé en Europe après la Seconde Guerre mondiale.
10 M. BLACK : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Black.
12 M. BLACK : [interprétation] Je m'excuse d'avoir interrompu le témoin, mais
13 j'ai une objection par rapport à la période. Il s'agit d'août 1995. Je
14 pense que la Chambre a déjà rendu une décision selon laquelle les faits qui
15 se sont passés pendant l'opération Tempête ne sont pas pertinents pour cet
16 acte d'accusation, ce qui s'est passé avec les Serbes, ce qui a été fait
17 aux Serbes par les Croates. Il n'y a pas de base pour en parler et ce n'est
18 pas pertinent pour cette affaire.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic ?
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'acte
21 d'accusation englobe la période allant de 1991 jusqu'à la fin de 1995. M.
22 Martic, on lui reproche la participation à l'entreprise criminelle commune
23 pendant cette période. Le Procureur a expliqué qu'il s'agissait de
24 l'entreprise criminelle commune dans la période de 1991 jusqu'à 1992. S'il
25 veut modifier cela, je suis d'accord avec lui. Mais dans l'acte
26 d'accusation, il a été dit que c'est la période allant jusqu'à la fin de
27 1995, et il y a eu cette entreprise criminelle commune. Le Procureur
28 mentionne dans son acte d'accusation, dans les dispositions finales, les
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1 paragraphes finaux, vers la fin de l'acte d'accusation, dans le paragraphe
2 69 ou 70, je ne suis pas sûr, il a mentionné l'opération Tempête. Il dit
3 que pendant cette opération Tempête, les autorités croates ont établi leur
4 pouvoir sur le territoire de la SAO Krajina. Pour le Procureur, il s'agit
5 d'un seul commentaire de cette opération, de cette attaque contre la zone
6 protégée par les Nations Unies. Le Procureur constate même dans l'acte
7 d'accusation que la population s'est retirée avec l'armée, et maintenant,
8 il s'oppose à ce que je pose la question concernant ce repli au témoin,
9 mais c'est une question clé sur laquelle on n'a pas réussi à avoir un
10 accord. En posant de telles questions, on peut arriver à des conclusions
11 présentées dans l'acte d'accusation que nous contestons. Il serait
12 improbable et naïf de dire que la Défense essaie de défendre quelqu'un qui
13 a commis un crime par un autre crime. Il ne s'agit pas de cela. La Défense
14 veut montrer que pendant tout ce temps-là, il existait l'entreprise
15 criminelle commune de la part des Croates et que la population serbe, du
16 début jusqu'à la fin, n'a essayé que de se protéger, et que malgré les
17 efforts des Nations Unies, il y avait un exode total de la population
18 serbe. Ici, les choses ont été présentées d'une façon tout à fait
19 différente. Est-ce qu'il y avait des crimes de guerre pendant cette
20 période-là ? Je ne sais pas. J'aimerais que M. le Procureur me dise s'il y
21 a eu une guerre pendant laquelle il n'y avait pas de crimes de guerre.
22 C'est pour cela que nous pensons que cette objection n'a pas de base du
23 tout dans l'acte d'accusation.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je pourrais vous demander,
25 Maître Milovancevic, que lorsque vous répondez à une objection, vous
26 essayiez de vous concentrer sur l'objection même et non pas sur l'affaire
27 toute entière ? J'ai entendu ce que vous avez dit. Oui, Monsieur Black ?
28 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Pour
Page 6460
1 répondre brièvement, je pense que le conseil de la Défense a mentionné le
2 paragraphe 78 de l'acte d'accusation où il a fait référence à l'opération
3 Tempête. J'ai compris cela. Mais apparemment, cela n'a pas été décrit comme
4 un repli de la population civile avec l'armée. Cela n'a pas été dit dans
5 l'acte d'accusation, et c'est ce que mon conseil, le conseil de la Défense
6 a dit. Il a mentionné la ligne 18 de la page 27 [comme interprété].
7 L'opération Tempête a été mentionnée dans la partie du texte où des faits
8 complémentaires ont été présentés dans l'acte d'accusation parce qu'il est
9 évident que la RSK a cessé d'exister. Le conseil de la Défense a raison
10 pour dire que la période mentionnée dans l'acte d'accusation va jusqu'au
11 mois de décembre 1995. Cela a été fait pour pouvoir mentionner la
12 responsabilité se rapportant à l'article 7(3), à savoir qu'il n'y avait pas
13 de punition, même après que les actes d'accusation ont été établis, à
14 savoir que le 3 mai 1995, il y a eu l'acte d'accusation établi pour le
15 pilonnage de Zagreb. Je ne comprends pas comment l'opération Tempête aurait
16 pu justifier toutes ces charges, parce que le pilonnage de Zagreb ou un
17 autre incident qui est survenu avant -- je ne sais pas pourquoi l'opération
18 croate survenue en août 1995 aurait eu des incidences sur ces événements
19 qui sont survenus vers la fin de 1995, comme cela a été mentionné dans
20 l'acte d'accusation. Le Procureur n'a pas l'intention de modifier l'acte
21 d'accusation ni d'abréger la période mentionnée dans l'acte d'accusation
22 qui est pertinente pour l'acte d'accusation. J'ai essayé de dire que c'est
23 clair dans l'acte d'accusation que la période couverte par l'acte
24 d'accusation, c'est entre les années 1990 et 1991 et que cela ne peut pas
25 représenter une réponse par rapport aux événements relatifs à l'entreprise
26 criminelle commune. Cela ne peut pas être une réponse par rapport aux
27 événements qui se sont passés en 1993, 1994 et 1995. Je voudrais suggérer
28 que dans ce cas-là, il s'agirait d'une autre affaire et non pas de la
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1 nôtre, si la Défense affirme que les Croates ont commis une entreprise
2 criminelle commune. Voilà.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Après la pause, la Chambre dira sa
5 décision par rapport à l'objection.
6 Nous reprenons à 11 heures moins le quart.
7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 15.
8 --- L'audience est reprise à 10 heures 49.
9 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur Milovancevic, si vous le
10 permettez, j'aimerais vous demander combien de temps avez-vous encore
11 l'intention de consacrer à ces questions en corrélation avec l'opération
12 Tempête pour ce qui est de la mise en place de l'affaire que vous
13 défendez ?
14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je serais très bref et très concis. Ce
15 faisant, la Défense se propose de faire plusieurs choses, entre autres,
16 vérifier les dires d'un expert concernant les personnes disparues, M.
17 Grujic, pour ce qui est du nombre des victimes. L'Accusation dispose de
18 chiffres dramatiquement différents par rapport à ceux qui sont en
19 possession de la Défense et elle souhaite déterminer la situation réelle à
20 ce sujet.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question, Maître Milovancevic,
23 était celle de savoir quelle a été l'issue de l'opération Tempête ?
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous êtes en
25 train de me rappeler la dernière des questions que j'avais posées.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous parlez du nombre de
27 victimes, êtes-vous en train de parler du nombre de victimes pendant
28 l'opération Tempête ou quoi ?
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce nombre de
2 victimes d'après l'expert fait partie des renseignements présentés aux
3 Juges de la Chambre. Le nombre des victimes fait également partie des
4 renseignements, ou plutôt je dois le vérifier si cela fait partie des
5 renseignements que nous a avancés ici même le témoin.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. La question peut être posée.
7 L'objection est rejetée.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur Licina, pouvez-vous nous dire brièvement quel est l'issue de
10 l'opération Tempête du point de vue de la population civile qui s'est
11 trouvée englobée par l'envergure de l'opération ?
12 R. Comme je l'ai dit, l'opération Tempête a complètement nettoyé sur le
13 plan ethnique la Dalmatie du Nord, la Lika, le Kordun, la Banja de ses
14 populations serbes. Il s'agit de quelque 250 000 réfugiés. Pour ce qui est
15 des victimes, d'après les renseignements dont je dispose, il s'agirait de 1
16 000 et quelques. J'ai un rapport ici, je vais voir le chiffre exact; 1 909,
17 d'après les chiffres de Veritas. Pour ce qui est de l'exactitude de ces
18 chiffres, cela se trouve être confirmé par les informations dont je dispose
19 à titre direct. J'ai déjà dit tout à l'heure que la municipalité de Gracac
20 a compté quelque 500 victimes à elle seule. Là-dessus, à peu près 200
21 victimes sont tombées rien que sur le secteur de Gracac. La municipalité de
22 Gracac est l'une des 15 municipalités qui ont été englobées par l'opération
23 Tempête. Cela vous illustre de façon imagée l'envergure du crime perpétré à
24 cet endroit.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je puis exprimer une
26 préoccupation, Maître Milovancevic ? Je vois que M. Licina dispose d'une
27 chemise de couleur bleue devant lui. Il me semble que c'est une chemise à
28 documents et il est constamment en train de la consulter. Je ne sais pas du
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1 tout ce qui se passe. Je m'attendais à ce qu'il vienne témoigner de
2 mémoire. Je ne suis pas sûr du statut du document qu'il est en train de
3 consulter constamment. Etes-vous à même de tirer la chose au clair ?
4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Licina, vous venez d'entendre la constatation et la question
6 de M. le Juge Moloto. Vous avez mentionné le fait que vous disposiez de
7 certains chiffres. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agit ?
8 Qu'est-ce que c'est que cette chemise bleue ?
9 R. Quand j'ai parlé du centre de documentation Veritas qui a vaqué à la
10 tâche de déterminer le nombre de victimes sur le territoire de la RSK, ce
11 sont les renseignements qui sont tirés du bulletin du centre de
12 documentation Veritas. Il est vrai que je témoigne en me reposant sur ma
13 mémoire, mais comme il y a beaucoup de chiffres, je n'ai pas tout gardé en
14 mémoire et je n'ai pas voulu me tromper en donnant des chiffres, c'est la
15 raison pour laquelle je me sers de ce document, rien d'autre.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il ne vous est pas permis de vous
17 servir d'un document dont le statut n'a pas été confirmé devant les Juges
18 de la Chambre. Vous ne pouvez pas vous en servir pour vous rafraîchir la
19 mémoire, vous n'êtes pas en train, vous, de témoigner en guise de témoin
20 expert, n'est-ce pas ?
21 Monsieur Milovancevic, ce monsieur ne témoigne pas en tant que témoin
22 expert; me suis-je trompé ?
23 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Cela est tout à fait exact, Monsieur le
24 Président. Je vais demander au témoin de ne pas se servir de ce document.
25 Il a sorti le document quand il a parlé des victimes et des renseignements
26 liés à des chiffres uniquement, c'est quelque chose qui appartient au
27 témoin même, ce n'est pas un document que nous avons l'intention de verser
28 au dossier, ni de nous en servir.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est justement la raison pour
2 laquelle cela ne devrait pas être utilisé. Je vous demanderais de mettre
3 cette pochette dans votre cartable.
4 Vous pouvez continuer, Maître Milovancevic. Merci.
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Monsieur Licina, où vous trouviez-vous le 4 août 1995, date à laquelle
7 a commencé l'opération Tempête ?
8 R. Le 4 août 1995, j'étais à Gracac. Ce jour-là, les pilonnages ont
9 commencé à Gracac. Pour autant que je m'en souvienne, c'était vers cinq
10 heures du matin. C'est là qu'a commencé l'attaque. D'après ce que j'ai
11 appris ultérieurement, c'était aussi l'attaque généralisée des Croates sur
12 la Krajina. Le premier axe d'attaque de l'attaque des Croates se situe --
13 Q. Monsieur Licina, excusez-moi. Nous ne parlons pas maintenant des
14 détails de l'opération.
15 R. Je vous prie de m'en excuser.
16 Q. Je vous demanderais de ne pas persévérer avec les détails pour ne pas
17 perdre notre temps. Ce que je voudrais entendre, c'est le vécu qui est le
18 vôtre. Pouvez-vous nous dire si Gracac était une municipalité, une ville,
19 une localité sous protection des Nations Unies et s'il y avait à Gracac des
20 installations militaires ? Parce que vous avez dit qu'il y avait des tirs à
21 l'artillerie en direction de la ville.
22 R. Gracac, c'est l'une des 27 municipalités de la RSK qui se trouvent dans
23 le secteur de la Lika. Gracac est le siège, le chef-lieu de la
24 municipalité. Dans la ville même de Gracac, il n'y avait aucun effectif, ni
25 aucune installation militaire. Nos effectifs les plus proches se trouvaient
26 à 15 ou 20 kilomètres de cette localité vers Mali Alan, vers Metka et
27 autres localités.
28 Q. Qui a ouvert ces tirs à l'artillerie, ces pilonnages ?
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1 R. Ce sont les forces croates qui ont ouvert le feu, le pilonnage de
2 Gracac s'est produit même avant. Mais de façon aussi intense, le pilonnage
3 de Gracac a été chose courante pendant plusieurs mois avant déjà.
4 Q. Dites-nous ce qui vous est arrivé à vous-même et à la population
5 civile ?
6 R. Comme la plupart des gens de la Krajina, à l'époque, pendant ces
7 quelques jours dans la colonne ou l'exode qui s'est produit, nous sommes
8 allés en Serbie. Nous avons fui sous la pression de l'agression croate.
9 D'après ce que j'en sais, il est parti environ 250 000 personnes. En termes
10 pratiques, une région très grande a été pratiquement nettoyée sur le plan
11 ethnique. Cela a été le parachèvement d'événements qui se sont produits au
12 fil d'un peu moins de cinq ans où les régions de la Croatie ont vu s'en
13 aller quelque 600 000 Serbes, donc un peuple entier a été ethniquement
14 nettoyé dans un Etat.
15 Q. Monsieur Licina, s'agissant du plan Vance que nous avons déjà
16 mentionné, la résolution qui a fait adopter ce plan et qui a fait envoyer
17 et déployer des troupes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie porte le
18 numéro 743, du moins c'est ce que vous nous avez dit ?
19 R. Oui.
20 Q. Savez-vous nous dire si la partie croate avait accepté les dispositions
21 de ce plan Vance. Est-ce que cela avait force d'obligation pour la
22 Croatie ?
23 R. Cela avait force d'obligation pour la Croatie et elle l'a acceptée. Ce
24 n'est que lorsque la partie croate et la partie serbe l'ont acceptée que la
25 résolution a commencé à être mise en œuvre. Toutefois, elle a été violée
26 très rapidement par la partie croate à peine trois mois après le début du
27 déploiement des effectifs de maintien de la paix. La première violation,
28 c'est le plateau de Miljevac, comme je l'ai dit.
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1 Q. Vous avez dit que cela s'est soldé par l'opération Tempête. Ma question
2 suivante, compte tenu le chiffre de 6 500 citoyens de la Krajina serbe qui
3 ont été tués pendant cette période de cinq ans allant de 1991 à 1995, est-
4 ce que dans ce chiffre de
5 6 500 personnes tuées, il y a également d'englobées les personnes qui ont
6 péri à l'occasion de l'opération Tempête ?
7 R. En partie, oui. Je vous répète que le centre de documentation et
8 d'information à Veritas a collecté ces renseignements en écoutant les
9 membres de la famille, les parents qui déclaraient les personnes tuées ou
10 disparues parmi les membres de leurs familles. Il s'entend qu'il y a eu
11 beaucoup de gens qui ont fui vers des pays tiers, qui ne sont pas allés
12 seulement vers la Serbie, ce qui fait que les renseignements ne sont
13 probablement pas complets. Les chiffres doivent être supérieurs.
14 Q. Je vous pose la question parce qu'ici dans le procès, un expert de
15 l'Accusation est venu, un employé du gouvernement de la République de
16 Croatie, M. Grujic qui, dans son rapport d'expert, a cité le fait que sur
17 le territoire de la RSK, il y avait 302 victimes serbes.
18 R. Est-ce que cela se rapporte à l'opération Tempête seulement ou --
19 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, objection.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
21 M. BLACK : [interprétation] D'après ce que j'ai gardé en mémoire du
22 témoignage de M. Grujic, je crois que le conseil de la Défense me
23 rectifiera si je me trompe et me montrera le passage dans le compte rendu
24 d'audience, il n'a pas dit seulement 302 victimes du groupe ethnique serbe
25 pour ce qui est de l'opération Tempête. Il s'est référé au nombre qui lui
26 était connu, mais il n'a pas parlé du nombre total des victimes.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, qu'en dites-
28 vous ?
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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Le Procureur, à mon avis, Monsieur le
2 Président, a communiqué aux Juges de la Chambre et à la Défense le constat
3 d'expert qui, dans la liste des victimes, précise 302 victimes serbes et 4
4 150 à peu près personnes dont l'appartenance ethnique n'a pas été
5 déterminée. Nous avons voulu vérifier cela auprès de l'expert. Nous n'avons
6 pas reçu de réponse véritable mais on nous a apporté des explications
7 complémentaires disant qu'il y a eu exhumation de certains cadavres et que
8 l'identification n'était pas achevée et qu'il n'était pas permis de
9 déterminer de qui il s'agissait. C'est la raison pour laquelle je parle des
10 chiffres qui me semblent différer de façon dramatique par rapport à ce que
11 le témoin est en train de nous dire.
12 J'essaie de procéder à de très brèves comparaisons. C'est la raison
13 pour laquelle j'ai posé les questions que j'ai posées.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mon problème c'est que ce témoin-ci
15 nous a déjà dit qu'à son avis l'information dont il disposait était
16 incomplète, et qu'à son avis, les chiffres étaient supérieurs. Or, votre
17 question se rapportait au chiffre de 6 500 personnes qui ont péri. Si j'ai
18 bien compris cette question, le nombre des victimes ne découle pas
19 entièrement de l'opération Eclair [comme interprété]. Vous avez posé la
20 question : "Est-ce que cela englobe le nombre de personnes tuées pendant
21 l'opération Tempête." Pouvez-vous demander au témoin, d'après ses
22 informations, combien de gens ont été tués pendant cette opération Tempête,
23 si tant est qu'il le sait.
24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais poser la
25 question mais j'ai l'impression que vous n'avez pas jusqu'au bout compris
26 la question que j'ai posée. Je vais accepter toutefois votre suggestion
27 pour ce qui est de reposer la question au témoin. Avec votre autorisation,
28 Monsieur le Président, j'aimerais enchaîner ?
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, oui, allez-y. Nous allons
2 entendre ce que vous allez poser comme question.
3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Licina, pouvez-vous nous dire quel est le renseignement dont
5 vous disposez vous concernant le nombre de victimes parmi les
6 ressortissants du groupe ethnique serbe pendant l'opération Tempête en août
7 1995 ?
8 R. Le chiffre dont je dispose est d'environ 1 900 victimes. Le chiffre de
9 6 500 victimes se rapporte au total des victimes pendant la guerre en
10 entier, renseignements recueillis par le centre de documentation et
11 d'information Veritas. J'ai dit que rien que sur le territoire de ma
12 municipalité à moi, il y avait quelque 200 personnes de tuées pendant
13 l'opération Tempête.
14 Q. Quand vous parlez de 6 500 victimes, est-ce que vous parlez de victimes
15 serbes sur le territoire de la RSK pour qu'il n'y ait pas d'imprécision ?
16 R. Quand on parle de victimes et quand on parle des 6 500 victimes qui
17 sont recensées par le centre de documentation et d'information Veritas, je
18 parle de citoyens de la RSK. Nous n'avons pas fait de distinction pour ce
19 qui est de l'appartenance ethnique de ces ressortissants.
20 Q. Est-ce que vous avez un statut de réfugié encore à présent, Monsieur
21 Licina ?
22 R. Oui.
23 Q. Mis à part vous-même, y a-t-il d'autres personnes du groupe ethnique
24 qui ont fui pendant l'opération Tempête et qui bénéficie du même statut ?
25 R. Comme je l'ai déjà dit pour ce qui est de l'ex-Croatie, il y a eu plus
26 de 600 000 personnes qui ont fui, en premier lieu des Serbes, des
27 ressortissants du groupe ethnique serbe qui ont recherché et trouvé le
28 salut dans la Serbie, dans la Republika Srpska et des pays tiers. Entre-
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1 temps, l'Etat de Serbie a défini les choses parce que certaines personnes
2 ont, pour des raisons variées, dû se procurer des cartes d'identité pour
3 avoir du travail. Il s'est écoulé depuis 11 ans, ce qui fait que le nombre
4 des réfugiés est ramené à 107 000 à présent. Mais ces gens quoi qu'ayant
5 pris des cartes d'identité et n'ayant pas un statut officiel de réfugiés,
6 c'est tout, ce sont des réfugiés, ce sont des personnes expulsées de chez
7 elles qui n'ont pas réalisé, de nos jours encore, leurs droits.
8 Q. Vous voulez dire qu'en prenant des pièces d'identité dans un nouvel
9 Etat, ex-Yougoslavie et de nos jours Yougoslavie -- et de nos jours Serbie,
10 ils ont perdu le statut de réfugiés, quoi qu'étant des personnes
11 expulsées ?
12 R. Oui. Sur le plan officiel, ils n'ont plus le même statut, et pour ce
13 qui est du statut officiel, il y a 107 000 réfugiés, de nos jours encore,
14 en Serbie. Mais il doit y avoir encore trois fois autant de personnes qui
15 sont des réfugiés, mais qui ont dû se procurer des pièces d'identité pour
16 accéder à certains droits, pour trouver un emploi ou pour réaliser des
17 droits immobiliers.
18 Q. Monsieur Licina, au début de votre interrogatoire, vous nous avez
19 expliqué la tentative des représentants politiques du peuple serbe en
20 Croatie d'accéder par des voies politiques à la solution du statut et de la
21 situation de la condition du peuple serbe en Croatie, conformément aux
22 modalités prévues par la constitution. Dans ce procès, on a souvent eu
23 l'occasion d'entendre que la population serbe a été intimidée par la
24 perpétration d'un génocide. On a encouragé la peur par les médias, par les
25 discours des hommes politiques, dans les journaux.
26 M. BLACK : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je ne vois
27 pas de question, ici. Je vois un discours. J'ai l'impression que le conseil
28 de la Défense est en train de témoigner. Peut-être me trompais-je ?
Page 6470
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai aussi ce problème, Maître
2 Milovancevic. Vous avez commencé à parler de génocide et d'autres
3 appréhensions. Je ne suis pas sûr du fait de vous entendre poser une
4 question ou de vous entendre témoigner. Qu'êtes-vous en train de faire ?
5 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me propose de
6 poser des questions tout à fait courtes pour ne pas laisser se dégager de
7 telles impressions. Me le permettez-vous ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cela nous serait d'une grande aide, et
9 pendant que nous en sommes aux questions courtes, j'aimerais également
10 demander au témoin de fournir des réponses courtes et précises. J'ai essayé
11 de me retenir de le faire remarquer pour vous permettre de dire tout ce que
12 le témoin avait à dire, mais la plupart des questions et des réponses se
13 trouvent être plutôt longues et vont au-delà de -- les réponses, pour
14 autant que j'ai pu le voir, vont au-delà de la question. Si les détails
15 sont nécessaires, le conseil vous demandera des éclaircissements.
16 Concentrez-vous sur la question, et vous de même, Maître Milovancevic, je
17 vous prie de faire la même chose.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Monsieur Licina, vous êtes un haut responsable du SDS. Vous avez été
20 député. Vous êtes resté tout le temps sur le territoire de la RSK depuis le
21 début ?
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il faut que je vous interrompe, Maître
23 Milovancevic. Tout cela est déjà consigné au compte rendu. Nous savons
24 qu'il est un éminent représentant. Posez votre question de façon courte. Ne
25 donnez pas de partie introductive pour cette question que vous avez à
26 poser.
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]
28 Q. Monsieur Licina, lors des différentes réunions au niveau local ou au
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1 niveau de l'Etat de la République serbe de la Krajina, les instances
2 officielles n'ont-elles jamais cherché à semer une peur infondée de l'état
3 soi-disant dangereux oustachi, un danger de génocide, l'a-t-on brandi ?
4 R. Jamais, lors d'aucune instance, aucune réunion, que ce soit au niveau
5 du Parti SDS ou de la part de quelque autre instance officielle de la RSK
6 que ce soit ou de la SAO de Krajina, n'a-t-on jamais cherché à semer la
7 peur, à générer la peur. Mais de toute évidence, la Croatie s'est lancée
8 dans la réorganisation de l'Etat sans ces Serbes, sans l'acceptation des
9 Serbes. Elle l'a fait, et les Serbes ont été forcés d'agir, ils ont été
10 absolument contraints et forcés de la part de l'Etat croate, lorsqu'ils ont
11 agi, qu'ils ont créé la SAO Krajina au moment de l'adoption de la
12 constitution croate, et de même lors des référendums ou la Croatie a opéré
13 sécession de la Yougoslavie. La Krajina a organisé son référendum, pour sa
14 part. Donc, tout simplement, la Krajina s'est contentée de respecter la
15 loi, à la différence de la Croatie qui ne l'a pas fait. De même, la Croatie
16 a piétiné toutes les lois du droit international par ces offensives et les
17 attaques sur le territoire protégé par les Nations Unies, Me Milovancevic.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Licina, c'est dans votre
19 première phrase que vous avez répondu à la question. Par la suite, vous
20 avez ajouté 11 à 12 phrases qui vraiment ne constituent pas des réponses à
21 cette question. S'il vous plaît, focalisez, concentrez-vous bien sur la
22 question et répondez-y. S'il y a lieu d'apporter des détails, le conseil
23 vous posera des questions. Il nous faut agir de la manière aussi prompte
24 que possible pour mener à son terme cette procédure aussi rapidement que
25 possible. Nous avons besoin des réponses et non pas de longs discours.
26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'en ai terminé avec mon interrogatoire
27 principal. J'ai donné la possibilité au témoin d'ajouter ces quelques
28 phrases pour terminer afin d'apporter une explication à ce qu'il avait dit
Page 6472
1 dans sa première phrase. Je vous remercie. Je vous remercie, Monsieur le
2 Témoin.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
4 Milovancevic.
5 Monsieur Black ?
6 M. BLACK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de
7 poursuivre, Monsieur le Président, je voudrais qu'une plainte soit
8 consignée au compte rendu d'audience. Une bonne partie de ce qui a été dit
9 par ce témoin dans le cas de sa déposition n'est pas contenue dans le
10 résumé présenté en application du 65. Nous souhaitons demander, à l'avenir,
11 qu'il y ait des éléments d'information complémentaires qui nous soient
12 fournis dans ces résumés 65 ter. Il nous faudra avoir des feuilles
13 d'informations supplémentaires. Bien entendu, les circonstances sont
14 légèrement différentes. La Défense a une déclaration préalable alors que
15 nous avons -- pour ce qui est de nos témoins, pour ce qui est de la
16 situation préalable, nous avons eu l'occasion de revoir nos témoins et de
17 les récoler, mais peut-être que la Défense pourrait procéder de la même
18 façon pour nous aider pour le contre-interrogatoire.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, avez-vous
20 entendu ?
21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, c'est dans notre intérêt d'adopter
22 la même attitude. Effectivement, nous souhaitons nous conformer aux règles
23 et nous souhaitons que la procédure se déroule d'une manière tout à fait
24 respectueuse des règles.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-il vrai que vous avez posé des
26 questions qui ne figurent pas dans le résumé 65 ter ?
27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, absolument pas. Tout ce que nous
28 avons abordé figure dans notre résumé.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est un point qui fait l'objet de
2 contestation. Est-ce qu'il faut que l'on parcoure le résumé ?
3 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que je le fasse,
4 Monsieur le Président ? J'espère que ma mémoire ne me trompe pas. Si je ne
5 me trompe pas, il a été question de M. Martic en tant que président. Il a
6 été question de son poste ou plutôt de ce qu'il pensait du plan Vance Owen.
7 Je pense que Mme le Juge Nosworthy a posé une question là-dessus. M. Martic
8 n'est absolument pas mentionné dans le résumé 65 ter.
9 Il y a eu des questions au sujet des différents organes du gouvernement de
10 la RSK, les ministères, et cetera, mais nulle part il n'est question de
11 cela.
12 Le plan Vance Owen est mentionné uniquement pour ce qui est du mois de juin
13 1992, et quelques mois après l'adoption du plan Vance, lorsqu'il y a eu
14 massacre sur le plateau de Miljevac. Aucun des documents des Nations Unies
15 n'a été mentionné, mais le conseil de la Défense s'est empressé de prouver
16 que ces documents n'étaient pas exacts.
17 Un autre problème, peut-être que ceci fait partie d'un malentendu
18 entre les conseils, mais par exemple ce témoin parle des armes qui ont été
19 fournies aux Croates. Ce que nous avons entendu, c'étaient des choses dites
20 sur Spegelj et différentes choses au sujet de l'armement, mais ceci n'a pas
21 figuré dans le résumé 65 ter. Nous avons une référence à la question des
22 armes fournies aux Croates.
23 Mais ce ne sont que quelques exemples, Monsieur le Président. Il nous
24 faudrait plus de temps pour vous fournir une liste exhaustive des exemples.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, est-ce que
26 vous pouvez répondre à cela ? Peut-être que ceci pourrait nous aider
27 d'avoir des exemplaires du 65 ter, du résumé en application de cet article.
28 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai un exemplaire,
Page 6474
1 Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'en ai déjà reçu un exemplaire.
3 Merci.
4 M. BLACK : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'après ce que je vois, il n'y
6 aucune référence faite à l'opération Tempête dans ce résumé, Maître
7 Milovancevic. A l'opposé, je vois qu'on se réfère à l'opération Eclair.
8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense estime
9 qu'aucune de ces questions ne sort de la substance de ce résumé et de ces
10 informations fournies à l'Accusation. Les différentes réponses du témoin ne
11 peuvent pas être entièrement anticipées dans leurs détails, donc je ne peux
12 pas faire une anticipation à 100 % pour fournir un reflet fidèle
13 conformément à cela à l'Accusation. Mais je maintiens que la Défense
14 respectait précisément ce cadre fourni à l'Accusation, l'a respecté pendant
15 l'interrogatoire du témoin.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La Chambre vient d'attirer votre
17 attention sur le fait qu'on ne se réfère pas à l'opération Tempête dans
18 votre résumé. Il y a eu un interrogatoire très étendu mené par vous sur
19 cette opération. Je n'ai pas l'intention de développer là-dessus, mais ce
20 point permet à la Chambre d'étayer la demande de l'Accusation et de vous
21 avertir de ne pas sortir du cadre des résumés 65 ter. Si vous avez
22 l'intention de le faire, je vous prie de fournir des éléments d'information
23 supplémentaires au sujet des points que vous souhaitez aborder.
24 Est-ce qu'il y a un contre-interrogatoire ?
25 M. BLACK : [interprétation] Oui, je vous remercie.
26 Contre-interrogatoire par M. Black :
27 Q. [interprétation] Monsieur Licina, il nous faudra poser beaucoup de
28 questions. Je vais vous demander d'essayer de bien écouter mes questions et
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1 de répondre précisément à celles-ci. Vous me comprenez ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous vous souvenez, hier, vous avez parlé du HDZ. Vous avez dit que
4 c'était un parti "serbo phobique", "croato centrique". Vous vous en
5 souvenez ?
6 R. Oui, mais je n'ai pas dit cela seulement au sujet du parti qu'est le
7 HDZ, je l'ai dit au sujet de tous les autres partis croates également.
8 Q. Très bien. Restons-en au HDZ pour l'instant.
9 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que je peux voir sur le e-court, s'il
10 vous plaît, un document ? Je pense que nous avons réussi à enregistrer dans
11 le système électronique tous les documents grâce à l'application de Mme
12 Walpita. Je pense que la référence du document B/C/S est 00440884 jusqu'à
13 00440809. La traduction anglaise, en revanche, 03017013 jusqu'à 03017055.
14 Il s'agit d'un document qui est plutôt long. Peut-être que nous pourrions
15 avoir un exemplaire avec l'aide de Mme l'Huissière, un exemplaire en B/C/S.
16 Ceci pourrait nous permettre d'avancer plus rapidement.
17 Q. Monsieur Licina, en attendant de voir cela apparaître, il s'agit des
18 documents qui ont à voir avec la première assemblée générale du HDZ qui
19 s'est tenue à Zagreb en 1990; est-ce exact ?
20 R. Oui, je suppose. Il faudrait qu'il en soit ainsi. C'est ce qui est
21 écrit sur la page de garde.
22 M. BLACK : [interprétation] En particulier, c'est la page 22 qui
23 m'intéresserait dans la version B/C/S, page 17 en anglais, Monsieur le
24 Président, Madame, Messieurs les Juges.
25 Q. Monsieur Licina, on voit les statuts du HDZ, ici. Le voyez-vous ?
26 R. Oui. J'ai trouvé.
27 Q. L'article 10, pourriez-vous l'examiner, s'il vous plaît ? L'article 10,
28 en son alinéa 2, il est question des principes du HDZ.
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1 R. Oui.
2 Q. Page 23, en bas de la version en B/C/S, sur la version électronique,
3 normalement, il est dit ici que l'un des principes du HDZ est de promouvoir
4 la transformation de la République de Croatie pour en faire un Etat
5 multipartite, démocratique et parlementaire qui garantira tous les droits
6 et libertés de tous les citoyens indépendamment de leur appartenance
7 nationale, de leur confession, de leurs opinions politiques, de leur sexe
8 ou autre. Est-ce que c'est bien ce qui est stipulé ici ?
9 R. A l'article 10, en son alinéa 2, c'est ce qu'on lit. Mais à l'article
10 10.1, il est dit qu'ils cherchent à garantir le droit du peuple croate à
11 l'autodétermination jusqu'à la sécession et pour la réalisation de
12 l'étatisation de l'Etat croate. Donc, d'une certaine manière, ces deux
13 alinéas s'expriment mutuellement, se contredisent.
14 Q. Mais rien dans ce document ne dit que tel en est le cas. Il n'est pas
15 dit que le 10.1 exclut le 10.2. Cela ne figure pas ici, n'est-ce pas ?
16 R. Mais si la Croatie, jusqu'à ce moment-là, était l'Etat de deux peuples
17 constitutifs et, ipso facto, si l'alinéa 10.1 doit être traduit dans les
18 faits, alors on nie le droit des Serbes par là même, donc l'alinéa 10.2 est
19 remis en question.
20 Q. Nous allons revenir à cela plus tard, mais à l'article 10 que l'on lit
21 ici, il n'y a rien de serbo phobique ?
22 R. Dans cet article, on peut trouver ce que j'ai qualifié de croato
23 centriste, le fait de placer au centre les Croates.
24 Q. On y reviendra peut-être plus tard, mais les statuts du SDS mentionnent
25 explicitement le peuple serbe également. Est-ce que c'est un parti serbo
26 centriste d'après vous alors ?
27 R. Non, non. Car dans les statuts du SDS à aucun moment on ne conteste les
28 droits du peuple croate. Nous n'avons pas contesté au peuple croate son
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1 droit à l'autodétermination, de même nous exigeons qu'on nous reconnaisse
2 le droit à l'autodétermination.
3 Q. Au point 10.2 c'est tout à fait comparable. Il est question de fournir
4 des garanties des droits et des libertés fondamentaux de tous les citoyens,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Je reviens encore une fois au point 10.1 où on cherche la sécession de
7 la Croatie, cela ne peut pas se passer sans l'aval du peuple serbe. Or, il
8 n'a pas donné son aval à la sécession. Les deux peuples auraient dû se
9 mettre d'accord là-dessus. C'est dans ce sens-là que cette attitude est une
10 attitude qui ne prend pas en compte les intérêts nationaux de l'autre
11 peuple, c'est une attitude unilatérale de la part du peuple croate.
12 Q. Lorsque le HDZ apporte son appui à l'indépendance de la Croatie, pour
13 vous c'est la même chose que le fait d'être serbophobe. N'est-ce pas que
14 c'est pour vos deux choses qui sont tout à fait égales ?
15 R. C'est dans le contexte de la campagne électorale que j'ai parlé de
16 serbophobie du HDZ, dans le contexte des messages lancés par le HDZ dans le
17 cadre de cette campagne électorale. Ces messages étaient de toute évidence
18 serbophobes.
19 Q. Avancez un petit peu dans le document. L'article 15, s'il vous plaît,
20 pourriez-vous l'examiner ?
21 R. Des statuts.
22 Q. Oui, tout à fait. C'est juste quelques articles plus loin que ce que
23 nous étions en train d'examiner. Je vais paraphraser. Il est dit ici que le
24 HDZ peut compter parmi ses membres toutes personnes qui acceptent ces
25 statuts, mais il n'est nulle part dit que ces membres doivent être
26 exclusivement Croates et que les Serbes ne peuvent pas être affiliés au
27 HDZ, n'est-ce pas ?
28 R. Je ne vois pas ce que j'ai contesté dans ce sens-là. Je ne vois pas
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1 pourquoi vous me posez cette question.
2 Q. S'il vous plaît, plus loin dans ce document, après le texte des statuts
3 il y a un message qui est lancé à toute la population croate et aux
4 citoyens croates.
5 R. C'est quelle page, s'il vous plaît ?
6 Q. Page 39, je crois, de la version en B/C/S et 34 en anglais. L'avez-vous
7 trouvée ?
8 R. Oui, c'est une proclamation électorale. Oui.
9 Q. Voici ma question suivante : c'est une annonce qui se réfère
10 explicitement aux élections que vous venez de mentionner; c'est bien cela ?
11 C'est ce qu'on lit dans la première ligne.
12 R. Oui.
13 Q. Un peu plus loin, en votant pour le HDZ vous donnez votre voix pour, et
14 on lit la suite. Je vous prie d'examiner le point 4 où il est dit, n'est-ce
15 pas : "On vote pour la transformation de la Croatie pour en faire un Etat
16 parlementaire démocratique pluripartite fondé sur le respect des droits et
17 des libertés de l'homme de tous ses citoyens." C'est bien ce qu'on lit ici,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Au point 6, il est dit : "En votant pour le HDZ on vote pour une
21 égalité pleine et entière de tous les citoyens de la République de Croatie
22 indépendamment de leur appartenance nationale, à savoir croate, serbe,
23 italienne, juive ou toute autre appartenance, pour l'égalité de toutes les
24 confessions; catholique romaine, orthodoxe, musulmane et toutes autres,
25 ainsi que de toutes autres visions du monde." C'est bien cela, n'est-ce pas
26 ?
27 R. Oui. Mais je ne parle pas de documents officiels. Je parle de ce qui se
28 produisait dans le cadre de la campagne électorale, dans les discours des
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1 fonctionnaires du parti, de la campagne de ce parti politique. C'est de
2 cela que je parlais lorsque j'ai dit que c'était un parti qui était
3 serbophobe.
4 Q. Dans cette déclaration qui fait partie de la campagne électorale, il
5 n'y a rien de serbophobe, n'est-ce pas ?
6 R. C'est très relatif ce que vous êtes en train de dire. Il n'y a rien qui
7 soit serbophobe. S'il y a une rencontre entre le Dr Tudjman et le Dr
8 Raskovic - ces rencontres ont eu lieu d'ailleurs. On ne peut pas sortir les
9 choses du contexte pour se faire une idée fidèle du fonctionnement d'un
10 parti. Il faut replacer cela dans le contexte.
11 Q. Je vais passer à un autre sujet. Hier, dans votre déposition, vous avez
12 également mentionné quelques déclarations, déclarations prononcées par
13 Stjepan Mesic. Lorsqu'il dit que : "Tous les Serbes vont pouvoir être
14 placés sous la même appellation." Vous vous souvenez d'avoir cité cette
15 déclaration de Mesic, pages 33 et 34 du compte rendu d'audience si ceci
16 peut nous aider.
17 R. Oui. Si je me souviens bien, cette déclaration a été donnée à Brinj ou
18 à Gospic sur le territoire de la Lika. Je ne sais pas s'il s'agit d'une
19 déclaration tout à fait exacte mais le sens est là. Oui, que les Serbes
20 devraient être englobés sous une même et seule appellation. C'est un
21 message qui a été lancé lors de plusieurs réunions. Je ne faisais que
22 donner un exemple de cela.
23 Q. Est-ce que vous l'avez entendu dire ces propos parce que vous venez de
24 nous donner deux versions différentes de ce qu'il a dit ? Est-ce que vous
25 l'avez jamais entendu dire cette déclaration ?
26 R. Nous parlons de deux versions différentes, mais cette version a le même
27 sens. Lorsque je dis allez mettre tout sous un seul prunier, sous un même
28 arbre, mettre tous les Serbes sous un même prunier, on peut dire aussi sous
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1 un même parapluie de façon imagée. J'ai entendu cela dans les médias parce
2 que c'était omniprésent, comme je l'ai déjà dit auparavant, j'ai vécu la
3 même ambiance à Zagreb parce qu'en 1989 et 1990 j'ai pu assister à des
4 promotions de plusieurs partis politiques.
5 Q. Ma question était la suivante : est-ce que vous avez entendu ou vu
6 Stjepan Mesic dire cette déclaration que vous venez de mentionner ?
7 R. Pour autant que je m'en souvienne cette déclaration a été même mise à
8 la télévision. Il y avait des extraits de cette déclaration qui ont été
9 diffusés à la télévision.
10 Q. Etes-vous sûr de cela ou même si ce sont vos hypothèses, est-ce que
11 vous vous souvenez d'avoir vu ou d'avoir entendu Mesic dire cela ?
12 R. Oui, je me souviens de cela. Je ne fais pas d'hypothèses. Je suis sûr
13 d'avoir entendu cela.
14 Q. La raison pour laquelle je vous pose la question est la suivante : il
15 n'a jamais dit cela. Stjepan Mesic n'a jamais proféré ces mots, n'est-ce
16 pas ?
17 R. Il ne faut pas que vous me mettiez les mots dans la bouche. J'ai été
18 convoqué ici pour dire la vérité, ce que j'ai vu et ce que j'ai entendu.
19 C'est ce que j'ai appris.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La réponse est simple, Monsieur
21 Licina. Est-ce que M. Stjepan Mesic a fait cette déclaration ? Est-ce qu'il
22 a dit cela ? Répondez tout simplement à cette question.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela s'est passé il y a une quinzaine
24 d'années, si je me souviens. Ma réponse est oui. C'était durant l'année
25 1990, la campagne préélectorale, je ne me souviens pas de l'endroit où il a
26 dit, peut-être bien à Brinj ou Gospic, mais l'un de ces deux endroits.
27 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Etiez-vous témoin de cela ? C'est-
28 à-dire est-ce que vous avez vu cela à la télévision, ou est-ce que vous
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1 avez entendu cela ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu cela à la télévision.
3 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que je peux continuer, Monsieur le
4 Président ?
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
6 M. BLACK : [interprétation]
7 Q. Monsieur Licina, il y a une autre déclaration pour laquelle vous avez
8 dit que c'était Stjepan Mesic qui l'a faite. A la page 34 du compte rendu
9 d'hier, vous avez dit que dans cette deuxième déclaration il a dit que les
10 Serbes pouvaient prendre avec eux la quantité de sol qui allait se coller
11 sur les semelles de leurs chaussures.
12 Vous souvenez-vous d'avoir témoigné là-dessus ?
13 R. Oui, je m'en souviens.
14 Q. Vous souvenez-vous de ces mots précis qu'il a dit ou vous avez une
15 autre version de cette déclaration ?
16 R. Il a utilisé un mot précis pour ces chaussures "opanak" [phon] parce
17 qu'il voulait parler de ces chaussures de façon péjorative parce que
18 c'était pour la plupart des paysans qui portaient cette sorte de
19 chaussures, ces "opanci".
20 Q. Vous dites que c'est la seule différence qui existe entre les deux
21 versions, vous voulez dire que vous avez entendu deux versions de cette
22 déclaration ?
23 R. Non. J'ai entendu parler d'une seule version et non de deux versions.
24 On m'a dit qu'il s'agissait de "opanci", de ces chaussures traditionnelles
25 en cuir portées par les paysans de cette région. Il n'a pas utilisé le mot
26 "chaussures" mais plutôt le mot "opanci".
27 Q. Avez-vous entendu et avez-vous vu Stjepan Mesic à la télévision ou en
28 personne, cela n'est pas important, ce qui est important c'est ce que vous
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1 avez vu ou entendu M. Stjepan Mesic dire ces mots, sa déclaration dont vous
2 venez de parler ?
3 R. Oui.
4 Q. C'est parce que M. Mesic a expliqué devant ce Tribunal que ce qu'il
5 avait dit était que les Serbes n'avaient pas transformés la Croatie en
6 Serbie en apportant avec eux du sol serbe collé sur la semelle de ses
7 chaussures. C'est quelque peu différent par rapport à cela, n'est-ce pas ?
8 R. Non. Stjepan Mesic a déclaré ce que je viens de dire, à savoir que les
9 Serbes pouvaient apporter avec eux la quantité de sol collé sur la semelle
10 de ses "opanci", c'était parce qu'il fallait donner l'impression que les
11 Serbes étaient venus de quelque part. Mais les Serbes, c'est un peuple qui
12 y vivait depuis la nuit des temps, mais les Serbes d'autres régions de
13 Croatie également y vivaient depuis longtemps. Il voulait donner
14 l'impression qu'il s'agissait d'agresseurs dans les yeux des médias du
15 monde entier. Tous mes ancêtres par exemple et les ancêtres de mes amis y
16 vivaient. Nous sommes un peuple autochtone de cette région. En émettant une
17 telle déclaration, il voulait donner l'impression qu'il s'agissait
18 d'agresseurs qu'il fallait chasser.
19 Q. Permettez-moi maintenant d'aborder un autre sujet. C'est un sujet qui a
20 été abordé auparavant, à savoir la différence entre une minorité et un
21 peuple constitutif. Vous souvenez-vous de la question de la Juge Nosworthy
22 par rapport à celle-là qui vous a été posée hier ?
23 R. Oui.
24 Q. A la page 71 du compte rendu de l'audience d'hier, vous avez donné une
25 explication, à savoir que si les Serbes avaient représenté une minorité la
26 situation aurait été différente dans ce cas-là ils n'auraient pas eu tous
27 les droits et il n'y aurait pas eu de sécession sans l'aval des Serbes.
28 Parce que si les Serbes sont un peuple constitutif alors il faudra avoir
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1 leur consentement pour la sécession parce qu'une nation vient avant une
2 république. Est-ce que c'était cela que vous avez dit ?
3 R. Oui. J'ai dit que les Croates et les Serbes étaient deux peuples
4 souverains et constitutifs en Croatie jusqu'à l'époque, s'ils avaient perdu
5 ce statut d'un peuple constitutif et souverain, alors les Serbes n'auraient
6 pas eu le droit de décider de leur propre destin.
7 Q. Bien. C'est la seule conséquence de cette modification dans la
8 constitution, la seule conséquence du fait que les Serbes représentaient
9 une minorité, c'est-à-dire que les Serbes dans ce cas-là auraient perdu le
10 droit à la sécession ?
11 R. C'était l'essence de toutes les questions du conflit, des questions
12 politiques, des questions militaires, les Serbes ne pouvaient pas être
13 réduits à une minorité.
14 Q. Selon la constitution de la Yougoslavie et de la Croatie, la minorité
15 bénéficiait d'une protection de tous les droits de l'homme, n'est-ce pas,
16 les droits de l'homme fondamentaux ?
17 R. Je ne parle pas ici des droits de l'homme, je parle des droits
18 nationaux, parce que le droit national des Serbes a été menacé et les
19 droits de l'homme également. Nous avions beaucoup d'expérience tirée de la
20 Seconde Guerre mondiale. Notre réaction dans ce sens était assez logique.
21 Q. Dans quelques instants, nous allons parlé de la relation entre la
22 Deuxième Guerre mondiale et des événements de 1990, mais est-ce que vous
23 acceptez le fait que les Serbes constituaient une minorité par rapport au
24 nombre des Serbes en Croatie, n'est-ce pas ?
25 R. J'ai dit hier que les Serbes avant la Deuxième Guerre mondiale
26 représentaient 37 % de la population du Banovina de Croatie. Un certain
27 nombre de Yougoslaves qui pour la plupart - c'est ce qu'on allait voir plus
28 tard étaient les Serbes - le pourcentage des Serbes a été diminué à 12 %, à
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1 savoir presque trois fois. Il était logique que les Serbes devaient
2 défendre leur position du peuple constitutif parce qu'ils avaient une
3 expérience amère de la Deuxième Guerre mondiale, à savoir au moment où ils
4 ont été réduits au statut d'une minorité nationale, une proie à être tuée.
5 Dans la Deuxième Guerre mondiale plus d'un million de Serbes ont été tués
6 dans les camps de concentration d'Oustachi, dans les fosses, et cetera.
7 Q. Monsieur Licina, vous n'avez pas répondu à mes questions. Vous
8 acceptez, n'est-ce pas, que les Serbes ont constitué une minorité de par
9 leur nombre en Croatie, mais indépendamment du fait s'il s'agit de 12 % ou
10 de 13 %, il s'agissait d'une minorité, n'est-ce pas ?
11 R. Les Serbes ne représentaient pas une minorité; les Serbes
12 représentaient un peuple constitutif. Je ne l'accepte pas, cela. Je ne veux
13 pas non plus dire que les Croates étaient une minorité. Au moment où un
14 peuple est réduit au statut d'une minorité selon la constitution, c'est une
15 minorité. Mais en parlant du statut d'une minorité et en s'exprimant et en
16 utilisant des pourcentages et des chiffres, cela ne veut rien dire.
17 Q. Bien. Mettons à côté la constitution et parlons des chiffres. Etes-vous
18 d'accord pour dire que les Serbes représentaient une minorité en Croatie de
19 par leur nombre ?
20 R. Il y avait des informations, des données. Par exemple, M. Slobodan
21 Komazica, professeur, a fait une étude scientifique relative à la
22 diminution du nombre des Serbes en Croatie, et c'était mis en question. En
23 fait, toutes ces informations --
24 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Est-ce que ce professeur a dit
25 qu'il y avait plus de Serbes que de Croates, par exemple ? Est-ce que le
26 professeur a affirmé que -- la question qu'on vous a posée, est-ce que vous
27 acceptez le fait qu'il y avait moins de Serbes, c'est-à-dire qu'il y avait
28 moins de Serbes de la part de leur nombre ? Je ne vois pourquoi vous évitez
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1 de répondre à la question. Faites face et répondez-y.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nombre des Serbes a été diminué par le
3 génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale, on ne peut pas accepter cela,
4 que c'était un génocide, et je ne peux pas en parler de cette façon. Je
5 peux parler des chiffres informels. Il y avait 12 % des Serbes, mais je
6 n'accepte pas cela pour dire que les Serbes ne représentaient qu'une
7 minorité. Les Serbes étaient un peuple.
8 M. BLACK : [interprétation]
9 Q. Monsieur Licina, c'est l'un des sujets éternels du SDS qui a été
10 discuté non seulement dans les années 1990, mais même aujourd'hui,
11 lorsqu'on vous pose des questions par rapport à la Croatie dans les années
12 1990, constamment, vous vous concentrez sur le sujet de la Deuxième Guerre
13 mondiale. Ce sujet n'était-il pas quelque chose qui a été constamment
14 utilisé par le SDS ?
15 R. Monsieur Black, nous avons des souvenirs amers. Nous avons eu des
16 victimes, des grandes pertes. Il n'y a pas de familles qui n'aient pas
17 perdu l'un de leurs proches. Les Juifs se souviennent tout le temps de
18 leurs victimes, et les Serbes aussi ont le droit de se souvenir de leurs
19 victimes, victimes pendant la Deuxième Guerre mondiale.
20 Q. [aucune interprétation]
21 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Un instant. Je m'excuse de vous
22 avoir interrompu. Je voudrais consulter le Président ainsi que d'autres
23 collègues. Je vous remercie.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Monsieur Licina et Monsieur
26 Black, si vous permettez, j'ai consulté M. le Président et M. le Juge
27 Hoepfel, et au compte rendu, il faudrait consigner que par rapport à la
28 question posée par M. Black, par rapport au nombre de Serbes et par rapport
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1 à la question du compte rendu si les Serbes représentaient une minorité à
2 l'époque, il faudrait être clair que le témoin a refusé de répondre à cette
3 question.
4 Monsieur Black, vous pouvez poser votre question suivante.
5 M. BLACK : [interprétation] Merci. Je vais procéder à la prochaine
6 question.
7 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais
9 j'aimerais poser une question au témoin.
10 Monsieur Licina, à la page 52, au paragraphe 2 du compte rendu de
11 l'audience d'aujourd'hui, vous avez dit : "Il était logique que les Serbes
12 défendaient leur statut de peuple constitutif parce qu'ils avaient des
13 mauvaises expériences, d'amères expériences de la Deuxième Guerre
14 mondiale," et vous avez continué à parler de ce sujet. Ma question est la
15 suivante : est-ce que les Serbes ont fait ce qu'ils ont fait pendant la
16 période de 1991 à 1995 parce qu'ils avaient d'amères expériences de la
17 Deuxième Guerre mondiale ? Répondez-nous par oui ou par non.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes n'ont rien fait de mal pendant
19 cette guerre. Ils ne faisaient que se défendre.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas répondu à ma question.
21 Ma question est la suivante, et je vais la répéter. Est-ce ce que les
22 Serbes ont fait pendant la période entre 1991 et 1995 parce qu'ils avaient
23 d'amères expériences de la Deuxième Guerre mondiale ? Est-ce que c'est de
24 cette façon que vous expliquez le comportement des Serbes pendant cette
25 période-là ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Black, vous
28 pouvez continuer.
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1 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur Licina, les Albanais au Kosovo, par exemple, étaient une
3 minorité, et jamais ils n'ont reçu le statut d'un peuple, n'est-ce pas ?
4 R. C'est vrai, mais les Albanais n'ont pas pu bénéficier du statut d'un
5 peuple parce que les Albanais ont leur Etat, leur pays mère, et les
6 Albanais -- les Croates, les Serbes, les Slovènes, les Macédoniens et les
7 Musulmans représentaient des peuples constitutifs, les Monténégrins aussi,
8 pendant l'existence de la République socialiste et fédérative de
9 Yougoslavie, selon la constitution.
10 Q. Est-ce qu'après la dissolution de la Yougoslavie, les Serbes en
11 Croatie, en Krajina, avaient également leur pays mère, n'est-ce pas ?
12 C'était la Serbie ?
13 R. Ce n'est pas vrai parce que les Serbes en Croatie représentaient un
14 peuple constitutif. Les Serbes étaient un peuple constitutif au niveau de
15 toute la Yougoslavie, à savoir, notre pays, notre Etat était la
16 Yougoslavie.
17 Q. Mais après le démantèlement de la Yougoslave et la sécession de la
18 Croatie de la Yougoslavie, il était logique que les Serbes soient devenus
19 une minorité, parce que là, ils avaient leur pays mère.
20 R. Cela n'a aucun sens parce que les Serbes représentaient un peuple
21 constitutif en Croatie, en Bosnie-Herzégovine. Ils étaient souverains et
22 toutes les constitutions parlaient de ce droit des Serbes, et en fin de
23 compte, les Serbes, pendant la Deuxième Guerre mondiale représentaient 90
24 %, jusqu'à l'année 1994, représentaient 90 % des forces antifascistes en
25 Croatie. Sur cette base, les Serbes sur le territoire de la Croatie ont
26 bénéficié du statut d'un peuple constitutif ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine
27 et dans d'autres républiques. Les Serbes étaient un peuple souverain sur le
28 territoire de toutes les républiques faisant partie de la Yougoslavie, mais
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1 la Serbie ne peut pas être le pays mère des Serbes de la Krajina parce que
2 nous n'étions pas venus de la Serbie, nous vivions donc en Croatie depuis
3 toujours.
4 Q. Je ne vérifie pas quand vous étiez venus, parce que vous ne contestez
5 pas que les Albanais vivaient au Kosovo tout ce temps-là, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Mais les Albanais représentaient une minorité. Mais les Albanais
7 avaient leur pays mère : l'Albanie.
8 Q. Juste une question de plus, après quoi nous allons aborder un autre
9 sujet. Les Serbes avaient le droit de voter lors du référendum sur
10 l'indépendance de la Croatie, n'est-ce pas ?
11 R. Les Serbes, on les a empêchés de se déclarer au niveau national déjà en
12 1990, et il est cynique de dire qu'on a permis aux Serbes de participer au
13 référendum en Croatie. Ils ont essayé d'empêcher les Serbes de se déclarer,
14 de se prononcer au mois d'août 1990.
15 Q. Je vais d'abord vous demander de vous concentrer sur ma question.
16 D'abord, les Serbes, on leur a permis de voter lors du référendum sur
17 l'indépendance de la Croatie, n'est-ce pas ?
18 R. Je vous ai déjà répondu à cette question.
19 Q. Non. On leur a permis de voter lors du référendum sur l'indépendance de
20 la Croatie ?
21 R. En tant qu'un peuple constitutif, les Serbes, au mois d'août, ont
22 essayé de se prononcer, et l'Etat de Croatie a essayé d'empêcher cela. Ce
23 référendum n'a pas été acceptable pour les Serbes parce que dans ce cas-là,
24 ils auraient été majorés et ils auraient été mis en minorité. Il est
25 cynique de dire cela, d'affirmer qu'on a permis aux Serbes de voter.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Licina, est-ce qu'on a permis
27 aux Serbes de voter lors du référendum sur l'indépendance de la Croatie ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce référendum n'a pas eu lieu sur tout le
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1 territoire de la Croatie, à l'époque. Donc, seulement une partie des Serbes
2 en Croatie ont pu ou auraient pu voter lors de ce référendum, dans le sens
3 juridique et formel.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous ai pas demandé de me dire
5 si les Serbes avaient la possibilité de voter. Ma question était la
6 suivante : est-ce qu'on a permis aux Serbes de voter lors du référendum sur
7 l'indépendance de la Croatie ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Formellement, oui, mais réellement,
9 pratiquement, non.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Licina, est-ce qu'on a permis
11 aux Serbes de voter lors du référendum portant sur l'indépendance de la
12 Croatie ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà répondu à cette question. Les Serbes
14 en tant qu'un peuple constitutif n'ont pas eu la possibilité de se
15 prononcer, et en tant que citoyens, les Serbes, par rapport à leur nombre,
16 auraient été mis en minorité. C'est pour cela que les Serbes n'ont pas
17 participé à ce référendum, même si formellement, on leur a permis de se
18 présenter pour voter au référendum.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Licina, je vais vous poser la
20 même question une dernière fois : est-ce qu'on a permis aux Serbes de voter
21 au référendum sur l'indépendance de la Croatie ? Il faut que vous répondiez
22 par oui ou par non.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Formellement, oui.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Au compte rendu, il sera consigné
25 qu'encore une fois, vous avez refusé de répondre à ma question.
26 Je pense qu'il est venu le moment propice à faire une pause. Nous allons
27 continuer à 12 heures 30.
28 --- L'audience est suspendue à 12 heures 03.
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1 --- L'audience est reprise à 12 heures 32.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Black, vous pouvez continuer.
3 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
4 Q. Monsieur Licina, penchons-nous maintenant sur un aspect de ce que vous
5 nous avez raconté hier au sujet des amendements à la constitution croate,
6 pour voir si je vous ai bien compris. Il me semble que vous avez précisé
7 que les amendements à la constitution croate ont été adoptés en juillet
8 1990; est-ce bien exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Ensuite, vous avez laissé entendre que les Serbes ont réagi à cela en
11 créant une association des municipalités de la Dalmatie du Nord et de la
12 Lika, n'est-ce pas ?
13 R. Non. Pour ce qui est de cette communauté des municipalités de la
14 Dalmatie du Nord et de la Lika, cela s'est fait déjà au mois de juin. En
15 guise de réaction aux amendements à la constitution, il y a eu une
16 manifestation politique qui a été l'organisation de ce rassemblement des
17 Serbes dans la localité de Srb.
18 Q. Merci pour l'éclaircissement que vous venez de nous apporter. La
19 finalité réelle de l'association des municipalités de la Dalmatie du Nord
20 et de la Lika a été un mouvement vers la séparation ethnique des Serbes
21 même avant l'adoption des amendements à la constitution; est-ce bien
22 exact ?
23 R. Non, ce n'est pas exact. La communauté des municipalités ou
24 l'association des municipalités s'est faite conformément à des intérêts
25 qu'elles avaient en commun. Ce n'était pas la raison. La communauté de la
26 Dalmatie du Nord et de la Lika a été une communauté de trois municipalités.
27 Ces municipalités s'appuyaient les unes sur les autres, elles étaient
28 attenantes, d'autant plus qu'il y a déjà eu des blocages de la part des
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1 autorités centrales de la république. Il a donc été logique de voir ces
2 municipalités s'associer sur un plan économique. Il a été procédé à un
3 rattachement économique.
4 Q. Quand je me penche sur votre réponse, j'ai l'impression d'en avoir deux
5 différentes. Vous dites qu'il n'y a pas eu de séparation ethnique, puis
6 ensuite vous dites que les autorités centrales de la république ont procédé
7 à des blocages et qu'il a été logique de voir ces municipalités créer une
8 association économique. Je ne comprends ce que vous êtes en train de dire.
9 Est-ce que cela a été une réaction aux activités de la part de la Croatie
10 ou est-ce que cela a été un mouvement de la part des Serbes pour ce qui est
11 d'aboutir à une séparation ethnique en juin 1990 ?
12 R. Le Parti démocratique serbe a proclamé ses objectifs politiques en
13 disant s'employer en faveur de différents degrés d'autonomie serbe. Le
14 premier de ces degrés d'autonomie était celui d'une autonomie culturelle,
15 et c'est sur ce plan que le rattachement des municipalités s'est fait. Pour
16 vous informer, je dirais que la plupart de ces municipalités habitées par
17 des Serbes ont été considérées comme étant des municipalités sous-
18 développées. C'est ainsi qu'on les qualifiait dans la Croatie de l'époque.
19 Géographiquement, elles étaient dirigées les unes vers les autres et elles
20 ont été négligées par la république. En premier lieu, c'est cet aspect
21 culturel et économique qui l'emportait.
22 Q. S'agissant de ces municipalités, il était question de Knin, Benkovac,
23 Gracac, Donji Lapac, Obrovac et Titova Korenica, n'est-ce pas ?
24 R. Les trois premières municipalités qui ont créé une association de
25 municipalités, c'étaient Knin, Gracac et Donji Lapac. Obrovac et Korenica
26 se sont jointes ultérieurement, mais c'étaient les territoires qui visaient
27 à se rattacher mutuellement, et cela constituait ensemble une entité
28 territoriale.
Page 6493
1 Q. C'est jusqu'au mois de juin 1990 que ces municipalités que j'ai
2 mentionnées ont constitué une association des municipalités de la Dalmatie
3 du Nord et de la Lika, n'est-ce pas ?
4 R. Non, ce n'est pas exact. La décision de créer cette association a eu
5 lieu vers la fin du mois de juin. La communauté de ces municipalités de la
6 Dalmatie du Nord et de la Lika a été créée avec trois municipalités. Ces
7 trois municipalités que j'ai dites ont constitué cette association de
8 municipalités de la Dalmatie du Nord et de la Lika. Cela s'est fait fin
9 juin; les autres se sont jointes à l'association ultérieurement. Je ne me
10 souviens pas des dates, mais cela s'est fait dans le courant de l'été et de
11 l'automne.
12 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que nous pourrions nous pencher sur la
13 pièce à conviction numéro 140 de l'affichage électronique ?
14 Q. Cela devrait apparaître sur le moniteur que vous avez devant vous,
15 Monsieur Licina.
16 M. BLACK : [interprétation] Je vais demander maintenant à ce que l'on nous
17 agrandisse la partie supérieure du document.
18 Q. Monsieur Licina, quand vous vous penchez sur le moniteur que vous avez
19 devant vous, j'imagine que vous allez reconnaître le document, qui est une
20 décision portant création et constitution de cette association des
21 municipalités de la Dalmatie du Nord et de la Lika, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Et la date en question, c'est celle du 27 juin 1990; le voyez-vous ?
24 R. Oui, comme je vous l'ai dit, c'est tout à la fin du mois de juin que
25 cela s'est fait.
26 Q. Exact. Maintenant, nous pouvons nous pencher sur l'article numéro 1.
27 Au deuxième alinéa de cet article 1, il est dit : font partie de
28 cette association des municipalités de la Dalmatie du Nord et de la Lika
Page 6494
1 les municipalités suivantes : Knin, Benkovac, Gracac, Donji Lapac, Obrovac
2 et Titova Korenica, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Mais pour que cette décision puisse entrer en vigueur, il fallait
4 qu'il y ait confirmation de la part de chacune des municipalités à titre
5 individuel. J'ai dit que les premières décisions ont été prises par Knin,
6 Gracac et Donji Lapac, fin juin, et ultérieurement, les autres
7 municipalités l'ont fait. Je n'ai pas contesté le fait qu'elles aient fait
8 partie de l'association, mais je vous dis qu'à titre officiel, la décision
9 a été prise par ces municipalités. Ce n'est que partant des décisions
10 prises par ces municipalités-là qu'il y a eu création de l'association en
11 tant que telle. Elles ont donc entériné la décision au niveau de leurs
12 Parlements locaux individuels.
13 Q. Vous nous dites en somme que cela a été entériné ultérieurement, mais
14 la décision que nous voyons là est une décision qui a été prise le 27 juin
15 pour la totalité de ces municipalités et c'est ce qui a constitué
16 l'association de toutes ces municipalités, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, c'est exact. Mais je précise une fois de plus que la décision est
18 entrée en vigueur suite à la décision entérinée par les trois
19 municipalités. Les autres municipalités se sont jointes aux premières
20 ultérieurement. Je ne sais pas quand est-ce que cela s'est passé, mais en
21 substance, je n'estime pas --
22 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Vous l'avez déjà dit. Concentrons-nous
23 sur l'essentiel. Il n'est nullement nécessaire de répéter.
24 Toutes ces municipalités ont fait partie de la SAO de la Krajina et
25 de la RSK, n'est-ce pas ?
26 R. Ces municipalités ont constitué la SAO de la Krajina. Elles ne se sont
27 pas associées. Donc, cette association ou cette communauté des
28 municipalités a constituée la SAO de Krajina. La SAO de Krajina n'a pas été
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1 une entité distincte qui aurait été rejointe par ces municipalités. Ces
2 municipalités ont fondé la SAO de la Krajina.
3 Q. Et ultérieurement, toutes ces municipalités ont fait partie de la RSK,
4 n'est-ce pas ?
5 R. Toutes ces municipalités, ultérieurement, en leur qualité de la SAO de
6 Krajina, ont constitué la République de la SAO de -- et de la Krajina
7 serbe, parce que cela, la RSK a été constituée par -- la Slavonie
8 occidentale, la Baranja et le Srem occidental aux côtés de la Krajina ont
9 constitué la République de Krajina serbe.
10 Q. Votre réponse, en somme, est oui ?
11 R. Oui.
12 Q. Alors je vous demande de vous concentrer sur les questions et de
13 répondre de façon complète mais concise. Est-ce que vous me comprenez ?
14 R. Oui. Je fournis des réponses concises, parce que vous avez dit : c'est
15 associé, c'est rattaché; alors j'ai dit, pour expliquer, qu'il n'y avait
16 pas eu association, mais qu'il y a eu fondation.
17 Q. Je vais reprendre une fois de plus, Monsieur. La finalité véritable de
18 cette communauté des municipalités, c'était la prise d'un premier pas pour
19 la création d'un Etat serbe distinct; est-ce bien exact ?
20 R. Non, ce n'est pas exact.
21 Q. D'abord, il y a eu une association des municipalités, puis une SAO de
22 la Krajina, et au final, une RSK. C'étaient des pas logiques vers la
23 création d'un Etat serbe distinct, n'est-ce pas ?
24 R. Les faits et gestes politiques des Serbes dans la Krajina ont été
25 conditionnés par les faits et gestes de la Croatie. Nous n'avons fait que
26 ce que, sur le plan politique, il convenait de faire pour défendre nos
27 droits politiques. Je ne vois pas de logique dans ce que vous essayez
28 d'expliquer. Le fait qu'il y ait coïncidence pour ce qui est d'indiquer que
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1 ces municipalités ont fait partie de tout cela ne signifie rien. Je vous
2 parle d'un concept politique, pour ma part.
3 Q. Permettez-moi de vous poser une question au sujet d'agissements
4 politiques autres. Le 18 juin [comme interprété] 1990, vous ainsi que
5 Vojislav Lukic, le président du comité municipal du SDS, vous êtes allés au
6 service de Sécurité publique de Gracac, n'est-ce pas ?
7 R. Ce n'est pas exact. Vojislav Lukic était le maire, et la date n'est pas
8 exacte. Ce n'est pas le 18 juillet, mais le 17 août 1990. Je me trouvais
9 être président du comité municipal du SDS et représentant au Parlement de
10 la Croatie, et Vojislav Lukic était maire dans cette municipalité. C'était
11 dans la nuit du 17 au 18.
12 Q. Vous avez tout à fait raison. Merci d'avoir précisé les choses à cet
13 effet, Monsieur Licina. Mais vous êtes tout de même allé au poste de
14 sécurité publique de Gracac ce jour-là, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 M. BLACK : [interprétation] J'aimerais que, maintenant, sur le système de
17 l'affichage électronique du Tribunal, l'on nous montre le document qui
18 porte le numéro ERN 02663436A. Il s'agit de la partie inférieure d'un
19 journal qui a été photocopié. La version électronique en anglais porte la
20 référence 02663436, et cela va jusqu'au 36A. J'aimerais que cela nous soit
21 montré sur les écrans.
22 Merci. J'aimerais zoomer sur la deuxième colonne du bas, la partie basse de
23 l'écran. Merci.
24 Q. Monsieur Licina, je ne sais pas si vous arrivez à lire, mais je vais
25 vous en donner lecture, et à vous de suivre pour voir si c'est bien exact.
26 Il est dit que vous ainsi que M. Lukic et le Dr Gacesa [phon] avez visité
27 le poste de sécurité publique de Gracac dans l'intention de faire en sorte
28 que les employés de ce centre de sécurité publique ne signeraient pas un
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1 document qui porterait engagement de réaliser les instructions et ordres du
2 ministère de l'Intérieur de la République de Croatie. Donc, il est exact de
3 dire que vous êtes allé là-bas leur demander de ne pas signer un engagement
4 qui les contraindrait à respecter les ordres ou à se conformer aux ordres
5 du ministère de l'Intérieur de la République de Croatie ?
6 R. Non. Ce n'est pas exact. Ceci est tiré du journal Vjesnik, et comme je
7 l'ai dit dans l'interrogatoire principal, ce jour-là, j'étais arrivé de
8 Zagreb. Je suis arrivé à Korenica puis à Gospic en train. Je ne suis arrivé
9 que très tard dans la soirée. Ce dont j'ai parlé lorsque je suis allé avec
10 Vojislav Lukic -- M. Gaseca n'était pas présent, lui. Bien, je dirais que
11 nous avons été au poste de sécurité publique parce que le ministre de
12 l'époque de l'Intérieur, M. Josip Boljkovac, avait demandé un entretien par
13 le biais d'une ligne téléphonique spéciale, une ligne qui était celle de la
14 police. C'est la raison pour laquelle nous sommes allés au poste de
15 sécurité publique.
16 M. BLACK : [interprétation] Question technique. Je ne sais pas si les Juges
17 de la Chambre ont réussi à retrouver la traduction. Ce n'est que
18 tardivement que nous avons reçu la traduction. Il se peut que cela n'ait
19 pas encore été consigné dans la version électronique. Je m'en excuse. Je
20 voudrais poser une --
21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur Black, j'aimerais poser une
22 question complémentaire, parce que sur le système, il est question du 18
23 juillet, et le témoin a rectifié le tir en parlant du mois d'août.
24 J'aimerais que la chose soit quand même tirée au clair.
25 M. BLACK : [interprétation]
26 Q. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de la date de votre visite à ce
27 poste de police à Gracac ?
28 R. Oui. Je m'en souviens très bien. Il s'agit du 17 août, deux jours avant
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1 la tenue de notre référendum, du référendum -- on s'est prononcé nous
2 autres, le 19 août. Ceci est la date du 17 août. Je crois comprendre qu'il
3 y a une erreur dans le journal. Je sais pour sûr que c'est la date du 17
4 août.
5 Q. Vous n'êtes pas allé au poste de police au mois de juillet, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Jusqu'au 17 août, j'étais encore à Zagreb, ce n'est que le 17 que je
8 suis arrivé de Zagreb. Jusque-là, j'ai travaillé à Zagreb et j'avais des
9 obligations au niveau du parti également à Zagreb.
10 M. BLACK : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, je crains fort
11 qu'indépendamment de ce que le témoin vient de dire, je ne suis pas en
12 mesure de vérifier la chose pour ce qui est de la date de cet article. Je
13 me propose de vous en informer demain, je m'en excuse.
14 Q. Monsieur Licina, ce que j'affirme c'est que cet événement s'est
15 effectivement produit et vous avez demandé à la police de Gracac de
16 désobéir aux ordres émanant du ministère croate de l'Intérieur, n'est-ce
17 pas exact ?
18 R. Non. Dans le courant de la journée ou plutôt la veille. Je crois que
19 c'était la nuit du 16 au 17, il y a eu une confiscation des armes au niveau
20 du poste de police de Gracac. Cela a fortement troublé les citoyens. Il y a
21 eu rassemblement de ces derniers et ce que je suis en train de dire, je le
22 raconte partant de ce que je sais, à savoir partant des informations qui
23 m'ont été communiquées par mes collaborateurs du parti puisque je n'étais
24 pas présent. Je suis arrivé à Gracac le 17 au soir, vers 10 heures du soir.
25 Ce qui fait que je n'étais pas là dans la journée. Ce n'est que le soir que
26 je suis arrivé. Ensuite, je suis allé à la mairie et je crois que la
27 conversation avec Boljkovac s'est déroulée après minuit.
28 Q. Si vous n'étiez pas là-bas, je ne trouve pas nécessaire de continuer à
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1 en parler.
2 Permettez-moi de vous poser maintenant des questions au sujet de
3 l'assemblée serbe de Srb qui s'est tenue là-bas, le 25 juillet 1990 dont
4 vous avez déjà parlé ? Est-il exact de dire qu'à ce rassemblement il y a eu
5 environ 100 000 Serbes de Croatie; est-ce exact ?
6 R. Il y a eu environ 100 000 Serbes de Croatie et non pas Serbes croates
7 comme vous l'avez dit vous-même.
8 Q. Ce rassemblement a adopté une déclaration relative à la souveraineté et
9 à l'autonomie du peuple serbe; est-ce exact ou pas ?
10 R. Oui. Ce rassemblement de Srb a adopté une déclaration portant sur la
11 souveraineté et l'autonomie du peuple serbe et a créé un conseil national
12 en guise d'organe exécutif.
13 Q. Vous étiez présent en personne à ce rassemblement, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, j'étais présent en personne et j'ai été élu membre de ce Conseil
15 national serbe.
16 M. BLACK : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous penchions
17 sur la pièce à conviction 141, toujours dans le système d'affichage
18 électronique du Tribunal.
19 Q. Monsieur Licina, vous reconnaissez ceci, n'est-ce pas, comme
20 étant la déclaration portant sur la souveraineté et l'autonomie du peuple
21 serbe adoptée à l'occasion de ce rassemblement du 25 juillet 1990 ?
22 R. Oui, je le reconnais.
23 Q. Au paragraphe 1, il est dit : "Le peuple serbe, conformément à ses
24 particularités géographiques, historiques, sociales et culturelles, est un
25 peuple souverain avec tous les droits qui sont ceux de la souveraineté d'un
26 peuple." Au même paragraphe, on dit : "Le peuple serbe en République
27 socialiste de Croatie s'octroie le droit --"
28 R. Descendez encore un peu. Encore un peu. Voilà.
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1 Q. Oui. Je vous remercie, Monsieur Licina. Je vais entamer à nouveau la
2 lecture du deuxième alinéa. Il est dit : "Le peuple serbe en République
3 socialiste de Croatie a pleinement le droit de faire en sorte, aux côtés du
4 peuple croate ou de façon autonome, d'établir de nouveaux rapports au sein
5 de la Yougoslavie et d'opter en faveur d'un aménagement fédéral ou
6 confédéral de l'Etat." On dit de concert avec le peuple croate ou de façon
7 autonome, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Il n'est pas fait état non seulement de la souveraineté serbe, mais il
10 est question également d'une indépendance serbe potentielle, n'est-ce pas ?
11 R. Le peuple serbe a proclamé son souhait de rester dans un Etat conjoint.
12 Le peuple serbe n'a pas contesté au peuple croate le droit de créer un
13 Etat. D'un autre côté, il a demandé à avoir le même droit, à avoir un droit
14 identique à celui du peuple croate; rien d'autre.
15 Q. Donc vous demandez le droit de bénéficier d'un Etat serbe indépendant.
16 C'est ce que vous affirmez en juillet 1990, vous et d'autres personnes
17 présentes lors de ce rassemblement.
18 R. Non. Nous demandons que la Croatie continue de faire partie de l'Etat
19 commun fédéral et dans ce cas-là, nous demandons une autonomie culturelle
20 pour les Serbes. Si l'Etat fédéral devait changer de nature, nous demandons
21 un autre degré de droits, en cas de fédération ou de sécession, les droits
22 seront différents.
23 Q. Monsieur, ce que vous venez de dire, c'est que cela comporte l'idée de
24 la sécession serbe de Croatie, n'est-ce pas ? C'est cela qui est l'un des
25 points de cette déclaration.
26 R. Non. Ce n'est pas la conclusion que l'on peut tirer. Pour que les
27 Serbes puissent opérer une sécession, il faudrait tout d'abord que les
28 Croates quittent l'Etat commun. Nous ne souhaitions absolument aucune
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1 sécession, ni la première ni la seconde.
2 Q. De fait, vous souhaitiez la sécession. En juillet 1990, les dirigeants
3 serbes souhaitaient se doter d'un Etat serbe séparé de la Croatie. C'est
4 cela qui est exact, n'est-ce pas ?
5 R. Ce n'est pas exact. Ce n'est pas exact. Encore une fois, le point
6 crucial, le peuple serbe était un peu plus constitutif de Croatie et devait
7 bénéficier des mêmes droits que le peuple croate. Nous ne contestions aucun
8 droit au peuple croate, par là même, nous, nous souhaitions qu'aucun droit
9 ne nous soit retiré. Tout ce que nous faisons est dicté par des mesures
10 prises par les dirigeants politiques de Croatie. Vous ne pouvez pas séparer
11 les deux. Vous devez tenir compte de l'ensemble des éléments pour tirer des
12 conclusions valables.
13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic.
15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] J'ai une objection. Je me suis retenu
16 jusqu'à présent, il s'agit de la chose suivante. Monsieur le Procureur,
17 dans le cadre de son contre-interrogatoire a le droit de poser des
18 questions suggestives mais il n'a pas le droit de fournir des
19 désinformations au témoin, qu'il fournisse l'ensemble du texte du document
20 au témoin. L'article suivant, l'article deuxième fait référence de
21 l'autonomie à laquelle a droit le peuple serbe. C'est juste deux lignes
22 plus loin et indépendamment de cet article 2, le Procureur se permet
23 d'induire en erreur le témoin. C'est un document qui a été fourni à la
24 Chambre. C'est un document au sujet duquel le témoin s'est déjà prononcé.
25 Il y est question précisément de l'autonomie. Je sais que le Procureur a le
26 droit d'exercer certaines pressions sur le témoin, mais il n'a pas le droit
27 de fabriquer de toutes pièces ces documents. Il faudra qu'il présente
28 l'intégralité du document au témoin.
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1 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
3 M. BLACK : [interprétation] Il semblerait plutôt que ceci constitue une
4 éventuelle question supplémentaire et que ce ne soit pas une objection en
5 bonne et due forme. Monsieur le Président, je ne m'oppose pas à évoquer
6 l'article 2 de ce document, si vous m'y autorisez je vais le faire.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée. Allez-y.
8 M. BLACK : [interprétation]
9 Q. Monsieur Licina, le conseil de la Défense vous a demandé d'examiner
10 l'article 2 de ce même document --
11 R. Est-ce qu'on peut relever le texte, s'il vous plaît ?
12 Q. Est-ce qu'on peut faire défiler le texte, s'il vous plaît ?
13 R. C'est bien, maintenant.
14 Q. Dans ce document y a-t-il quelque chose qui nous permettrait d'étayer
15 votre affirmation d'il y a un instant, à savoir que vous demandiez
16 uniquement de bénéficier des mêmes droits que les Croates, que vous
17 demandiez uniquement les mêmes droits pour les Serbes ?
18 R. L'explication intégrale est fournie ici. Je peux vous en donner
19 lecture. Je vais le faire. "Sur la base de la souveraineté, le peuple serbe
20 de Croatie a le droit à l'autonomie. Le contenu de cette autonomie dépendra
21 de l'organisation fédérative ou confédérative de la Yougoslavie. Donc la
22 nature, le contenu de cette autonomie dépendra de l'organisation fédérative
23 ou confédérative de Yougoslavie. En cas d'une organisation fédérative, le
24 peuple serbe a le droit de se servir de manière libre et sans aucune
25 entrave dans la vie officielle ou privée, de la langue littéraire serbe, de
26 l'écriture cyrillique, des écoles et des programmes scolaires serbes."
27 C'est tout à fait clair. Ceci explique tout à fait clairement ce que je
28 viens de dire précédemment, à savoir tout ce que nous faisions était dicté
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1 par des mesures prises par la direction politique croate.
2 Q. Ce n'est pas ce qui est dit ici, n'est-ce pas, ce qu'entreprennent les
3 Serbes est dicté par ce que font les Croates. Je ne le vois ni dans
4 l'article 2 ni nulle part ailleurs dans ce document.
5 R. A l'article 2, premier alinéa, deuxième phrase, où il est dit : "Le
6 contenu de cette autonomie dépendra de l'organisation fédérative ou
7 confédérative de la Yougoslavie." Bien entendu, c'est là qu'il y a ce lien
8 de dépendance qui est énoncé explicitement, très clairement.
9 M. BLACK : [interprétation] Je voudrais me servir du système Sanction à
10 présent, Monsieur le Président, pour montrer quelque chose.
11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Permettez-moi de poser une question
12 au sujet de cette déclaration.
13 Monsieur Licina, dans cette proclamation trouve-t-on où que ce soit ce que
14 vous avez dit dans un premier lieu, à savoir votre souhait de continuer de
15 vivre au sein d'un Etat commun ? Est-ce que cela est exprimé quelque part ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, oui, cela est exprimé du
17 fait même que l'on précise quelles sont les positions politiques adoptées
18 par les Serbes, quelle attitude ils réservent à l'égard de l'autonomie, de
19 la future organisation de la Croatie ou de l'Etat fédéral. Je pense que
20 cette phrase se suffit, qu'elle l'explique lorsqu'il est dit que : "La
21 nature, le contenu de cette autonomie dépendra de l'organisation fédérative
22 ou confédérative."
23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Où que cela se lit ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à l'article 2, premier alinéa, deuxième
25 phrase.
26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] D'après ce que je vois, il n'est pas
27 tout à fait clair pour moi que cette phrase constitue une expression de ce
28 souhait serbe de rester au sein de l'Etat commun. Est-ce que vous pouvez
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1 m'aider à trouver cela ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] On trouve cela dans l'engagement des Serbes
3 pour une organisation fédérale de l'Etat. Les Serbes à partir du moment où
4 l'Etat serait fédéral, ne demanderaient de plus qu'une autonomie
5 culturelle. Je pense c'est ce qu'on lit dans la suite. A l'alinéa 2, du
6 deuxième article, si l'Etat était fédéral il est précisé quels sont les
7 droits qui devraient revenir aux Serbes en cas d'organisation fédérale ou
8 confédérale. A ce moment-là, puisque l'Etat était encore fédéral, nous
9 avons eu pour aspiration précisément ce qui est écrit ici.
10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, mais je ne
11 vous comprends toujours pas, parce que si vous continuez la lecture au
12 paragraphe 4 de l'article 2, il est question de l'autre option du système
13 confédéral. Est-ce que cela ne veut pas dire qu'il y ait là une préférence
14 exprimée pour cela dans cette proclamation ? Est-ce que vous pouvez me
15 démontrer cela ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où on a rédigé cette déclaration,
17 d'un point de vue formel c'était encore une fédération. Je ne vois pas ce
18 qui est contestable pour ce qui est de l'article 4. Le peuple serbe aurait
19 droit à une autonomie politique et culturelle. Il est tout à fait logique
20 que les Serbes faisant partie d'une unité, à savoir la Croatie, une unité
21 confédérale, qu'il faut qu'ils redéfinissent leur statut au sein de cet
22 Etat. C'est tout à fait logique car avant tout les Serbes prônaient un Etat
23 fédéral, mais en cas de changement, il est naturel, il est logique que les
24 Serbes doivent se protéger, qu'il faut qu'ils renforcent leur statut pour
25 se doter d'un niveau plus élevé, disons.
26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,
27 Monsieur le Témoin. Je ne vous ai pas demandé de me dire ce qui serait
28 logique et ni quelle conclusion je devrais tirer. Répondez à ma question,
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1 s'il vous plaît. Est-ce qu'il y a une préférence pour l'une ou l'autre
2 option, à savoir fédération ou confédération, exprimée dans cette
3 déclaration ? Si oui, pouvez-vous me montrer, s'il vous plaît, dans quelle
4 phrase on trouve l'expression de ce souhait ou de cette préférence ?
5 Pouvez-vous, s'il vous plaît, répondre clairement et brièvement ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] D'un point de vue formel, du point de vue de
7 notre nombre en tant que minorité, nécessairement nous devions défendre les
8 droits de notre communauté en tant que peuple, et vu les rapports de force
9 il est tout à fait logique, nous avons pris les positions que nous avons
10 prises. Non, non, je vous comprends.
11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Attendez, ce n'est pas ce que
12 je vous ai demandé. Vous continuer de parler de logique. Tout d'abord, vous
13 avez parlé d'un souhait de rester au sein d'un Etat commun. Est-ce que ce
14 souhait se traduit dans le libellé de cette proclamation ? Oui ou non ? Si
15 oui, à quel endroit, montrez-nous dans quelle phrase ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] La déclaration proclame notre opinion
17 quant au statut des Serbes au sein de la Croatie, quel il devrait être si
18 la Croatie restait une unité confédérale; et à l'opposé quel il devrait
19 être si la Croatie était une unité fédérale. A ce moment-là, nous étions en
20 position d'adopter ce genre d'attitude et de décision. Il n'est absolument
21 pas question ici de notre souhait de faire sécession de la Croatie. Ce
22 qu'on voit au point 2, on y voit tout d'abord le souhait --
23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] S'il vous plaît, Monsieur le
24 Témoin, répondez à ma question. Je ne vous ai pas demandé s'il était
25 question du désir d'opérer une sécession, mais s'il était question d'un
26 souhait de rester au sein de l'Etat commun.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] On ne le voit pas explicitement dans le
28 texte, mais dans sa totalité le texte est présenté sous cet angle-là.
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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Cela me suffit. Merci.
2 Je vous en prie, Monsieur Black.
3 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
4 Je voudrais que l'on regarde, à l'aide du logiciel Sanction, un petit
5 extrait vidéo. Ce sera la pièce 497, un entretien avec M. Martic. Comme
6 d'habitude, je ne sais pas quel est le bouton sur lequel il faut appuyer.
7 Apparemment, ce sera le même endroit que lorsque nous regardons le prétoire
8 électronique.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 M. BLACK : [interprétation] J'ai l'impression que nous avons un problème
11 technique, Monsieur le Président.
12 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : nous n'avons pas le transcript
13 de cet extrait.
14 M. BLACK : [interprétation] Est-ce que la régie peut vérifier si tout va
15 bien ? Je vais essayer de résoudre cela.
16 Est-ce que je peux avoir quelques instants, s'il vous plaît ?
17 Excusez-moi, Monsieur le Président. Je vais revenir à cela plus tard. Nous
18 avons un petit problème avec les ordinateurs.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas de mal.
20 M. BLACK : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Peut-être que
21 c'est résolu.
22 Nous avons un problème avec notre ordinateur, ici. Ceci n'a rien à voir
23 avec la régie ou le prétoire électronique.
24 Q. Monsieur Licina, excusez-moi de ce contretemps. Nous allons essayer de
25 revenir à cela plus tard. Mais le fait du 17 août 1990, la révolution des
26 troncs d'arbres, c'est de cela que je souhaiterais parler à présent. Vous
27 vous rappelez, vous avez dit hier que les actions entreprises par les
28 Croates ce jour-là avaient pour objectif d'empêcher le référendum serbe. Il
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1 me semble que vous l'avez réitéré aujourd'hui. C'est bien cela, votre
2 opinion ?
3 R. Vous avez dit le 17 août 1992, mais vous parlez de 1990. Vous voulez
4 répéter votre question ?
5 Q. Etait-ce peut-être une erreur de traduction, je ne sais pas, mais
6 effectivement, ce que j'avais à l'esprit, c'était le 17 août 1990. Hier,
7 dans votre déposition, vous avez dit qu'il y a eu des mouvements entrepris
8 par des Croates. Vous avez dit que vous avez vu un transporteur blindé et
9 que cela avait pour objectif d'empêcher le référendum serbe. Vous vous
10 rappelez nous avoir dit cela ?
11 R. Oui. Le 17 août, j'ai vu de mes propres yeux cela, puisque ce jour-là,
12 je me rendais de Zagreb à Gracac, à Korenica, à 70 kilomètres de Gracac,
13 donc j'ai vu des --
14 Q. Excusez-moi. Je n'ai pas besoin que vous répétiez ce que vous avez dit
15 précédemment, mais vous vous rappelez du sujet, qu'on a abordé déjà ce
16 point ? Les Serbes ont tenu le référendum comme prévu, n'est-ce pas,
17 finalement ?
18 R. Oui.
19 Q. Donc, les actions entreprises par les Croates n'ont pas entravé la
20 tenue du référendum serbe ?
21 R. Les opérations croates auraient probablement empêché le référendum si,
22 disons, l'armée n'avait pas réagi, à savoir, un avion de la JNA a ramené un
23 hélicoptère du MUP croate qui, me semble-t-il, s'était envolé vers
24 Benkovac. S'il n'y avait pas eu cette auto-organisation serbe des barrages
25 routiers, on aurait probablement fait irruption dans les municipalités
26 serbes.
27 Q. Le gouvernement croate, ce qu'il a fait ce jour-là, cela n'avait rien à
28 voir avec le référendum, n'est-ce pas ? Cela avait à voir avec la prise de
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1 possession sur les armes, n'est-ce pas, les armes qui étaient perçues comme
2 une menace de la part des Croates et aux mains des Serbes de Krajina ?
3 R. Non. Ce n'est pas exact. Il y avait deux processus. D'une part, la
4 création de nouveaux postes de police, j'en ai déjà parlé, dans des
5 localités où il y avait une population croate à l'intérieur des
6 municipalités où les autorités locales étaient Serbes, donc dans les
7 assemblées locales. En même temps, il y avait confiscation des armes des
8 mains de la police de réserve des postes de police à Benkovac, Obrovac,
9 Gracac, donc dans ces localités-là.
10 Q. Je ne vois pas très bien ce que la création du nouveau poste de police
11 a à voir avec cela. Mais ce jour-là, les opérations croates allaient saisir
12 et confisquer les armes des forces de réserve parce qu'ils pensaient que
13 les Serbes de Krajina souhaitaient exercer le contrôle sur ces armes; c'est
14 bien cela, n'est-ce pas ? C'est ce qu'ont fait les Croates le 17 août
15 1990 ? Cela n'a rien à voir avec le référendum.
16 R. Non. Ce n'est pas exact, ce que vous venez de dire. Je reviens à ce que
17 j'ai dit. Il faut qu'on se fasse une idée complète. Dans les localités où
18 il n'y avait pas de postes de police, où il n'y avait pas lieu, où il
19 n'était pas nécessaire d'avoir un poste de police, on en a créé. Des postes
20 de police qui existaient déjà, on est venu leur confisquer des armes, des
21 armes qui étaient là, prévues pour les unités de réserve de la police.
22 Donc, il faut envisager tout le contexte. C'était la veille au soir avant
23 le référendum, et c'est uniquement si vous prenez en compte tous ces
24 éléments que vous allez comprendre pleinement la réalité de la situation.
25 Q. S'agissant des nouveaux postes de police, hier, vous en avez reparlé à
26 plusieurs reprises, vous avez dit que c'étaient des postes de police
27 illégaux, mais c'étaient des postes croates, sur le territoire croate, qui
28 étaient parfaitement légitimes, n'est-ce pas ?
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1 R. Ce n'était pas parfaitement légitime, ces postes de police, car ils ont
2 été constitués uniquement dans les municipalités serbes. On n'en a pas créé
3 de nouveaux, disons, un exemple, dans la municipalité de Varazdin, par
4 exemple dans un village de la municipalité de Varazdin ou dans la
5 municipalité de Cakovec, autre exemple. On en a créé dans des municipalités
6 à majorité serbe, donc cela avait bel et bien une connotation politique.
7 Q. La raison pour laquelle on les a créés dans les municipalités serbes,
8 c'était premièrement pour protéger la population croate et deuxièmement
9 pour répondre à l'organisation des Serbes. Nous en avons parlé. C'est la
10 raison pour laquelle on a créé, et de manière justifiée, ces nouveaux
11 postes de police, n'est-ce pas ?
12 R. Non. Ce n'est pas exact, car les Serbes n'ont adressé aucune menace. Il
13 n'y a pas eu de meurtres ou d'assassinats. Dans mon interrogatoire
14 principal, j'ai dit qu'au moment de la levée du siège, la caserne de Sveti
15 Rok, là, par exemple, il y avait un poste de police. Jusqu'à ce moment-là,
16 il y a eu cinq victimes parmi les habitants de la municipalité de Gracac,
17 cinq morts. Donc, ce sont eux qui ont généré la crise. En même temps, ils
18 ont empêché que l'on traverse ce territoire, donc que les organes
19 légitimement, légalement élus de la municipalité passent, se présentent, ce
20 n'était pas possible, donc ils ne pouvaient pas fonctionner.
21 Q. Je vais aborder un autre point que vous avez dit au sujet du 17 août
22 1990. Affirmez-vous que ces barrages aient été dressés en même temps dans
23 tant d'endroits différents de la Krajina serbe de manière spontanée, sans
24 qu'il n'y ait eu aucune organisation ? C'est cela que vous dites ? C'est ce
25 que vous avez laissé entendre hier et aujourd'hui.
26 R. Certainement. C'était spontané. Pour vous le prouver, pour vous
27 l'illustrer, nous avions même un problème de communication entre Gracac et
28 Knin, donc deux municipalités à l'intérieur de ce territoire. C'est
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1 spontanément que la population s'est mise à ériger les barrages. Entre
2 Gracac et Knin, vous aviez à traverser quatre ou cinq barrages routiers,
3 même si de Gracac, il fallait aller vers Korenica, et cetera. Donc, s'il y
4 avait eu une organisation de ces barrages, ils se seraient trouvés
5 uniquement le long des frontières de ce territoire. Mais ce n'est pas cela
6 qui s'est produit. Il y en avait partout.
7 Q. Je ne suis pas sûr que je vous aie bien compris. Est-ce que vous dites
8 que les barrages ont été établis pour améliorer la communication ou ces
9 barrages représentaient un obstacle à la communication ? Je n'ai pas
10 compris votre réponse.
11 R. Ces barrages ont été établis de peur, parce qu'auparavant, j'ai dit que
12 le peuple serbe avait d'amères expériences de la guerre précédente, et le
13 peuple a réagi ainsi.
14 Q. Vous savez, n'est-ce pas, que Petar Gracanin, ministre serbe de
15 l'Intérieur, plus tard, publiquement, s'est vanté parce que c'était lui qui
16 a suggéré l'établissement des barrages à l'époque ? Est-ce que vous êtes au
17 courant de ces déclarations ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez la parole, Maître
19 Milovancevic.
20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je soulève une objection, parce que M.
21 Petar Gracanin était général, il n'était pas ministre serbe de l'Intérieur.
22 Il était secrétaire au niveau fédéral, à l'Intérieur, donc ministre de
23 l'ex-Yougoslavie, ministre de l'Intérieur de l'ex-Yougoslavie.
24 M. BLACK : [interprétation] J'accepte cette correction et je vous en
25 remercie.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il ne s'agissait pas d'une objection,
27 mais plutôt d'une correction, n'est-ce pas, Maître Milovancevic ?
28 Monsieur Black, vous pouvez continuer.
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1 M. BLACK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
2 m'excuse d'avoir fait cette erreur.
3 Q. Donc, vous étiez au courant de ces déclarations dans lesquelles il est
4 dit qu'il a suggéré que ces barrages soient érigés. Vous connaissiez cela ?
5 R. Non. Je ne connais pas cela, mais il y avait beaucoup de déclarations
6 des hommes politiques à ce moment-là qui voulaient se rendre importants.
7 Q. Est-ce que vous suggérez que les hommes politiques avec certains motifs
8 politiques ne sont pas fiables, on ne peut pas avoir confiance en eux ?
9 C'est cela que vous vouliez dire ?
10 R. Non, mais il n'y a aucun homme sur Terre qui, à chaque fois, a dit la
11 vérité en énonçant quelque chose. La question qui se pose, c'est : quand il
12 a dit cela ? Est-ce que vraiment il a dit cela ? Pour autant que j'en
13 sache, il n'avait aucun rapport avec cela.
14 Q. Mais vous savez que la police serbe a donc donné des hommes qui
15 allaient être sur ces barrages; vous acceptez cela, n'est-ce pas ?
16 R. [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Milovancevic.
18 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Ce que M. le Procureur, M. Black dit, il
19 parle du territoire de la République de Croatie. La police sur ce
20 territoire appartenait au ministère de l'Intérieur de la République de
21 Croatie. Il n'y avait pas de police serbe sur le territoire de la
22 République de Croatie. Quand les problèmes ont surgi, ces problèmes étaient
23 sur le territoire qui était majoritairement peuplé par la population serbe
24 ou croate. Mais définir ainsi la police est contraire à des appellations
25 officielles de telles forces de police à l'époque.
26 M. BLACK : [interprétation] Je retire ma question. Est-ce que je peux la
27 reformuler ?
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
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1 M. BLACK : [interprétation]
2 Q. Vous savez, Monsieur Licina, que la police, les membres de la police
3 d'appartenance ethnique serbe étaient ceux qui étaient sur ces barrages le
4 17 août 1990; est-ce que vous savez cela ?
5 R. Non. Tout ce que je sais, c'est que les barrages ont été érigés. S'il y
6 a eu des policiers, ces policiers y étaient en tant que citoyens de telles
7 localités. Il ne s'agit pas d'hommes qui seraient venus d'ailleurs. Je ne
8 sais pas si tous ces hommes étaient policiers ou pas, mais il n'y avait
9 aucune organisation par rapport à tout cela.
10 Q. Vous savez que l'état-major de la Défense a été formé le 17 août 1990
11 pour organiser ces barrages et d'autres activités. Vous avez appris que par
12 la suite, cet état-major ou ce quartier général est devenu par la suite le
13 Conseil de la résistance nationale, n'est-ce pas ?
14 R. Non. Je n'étais pas au courant de cela.
15 M. BLACK : [interprétation] Maintenant, permettez-moi de montrer un
16 document qui va être affiché grâce au système du prétoire électronique. Ce
17 document porte le numéro ERN 02163347 jusqu'à 02163352.
18 Est-ce qu'on peut voir brièvement la dernière page du document, s'il vous
19 plaît ?
20 Je vous remercie. Est-ce qu'on peut défiler ce document jusqu'en bas
21 de la page ?
22 Q. Monsieur Licina, reconnaissez-vous le nom qui figure en bas, à gauche ?
23 C'est le nom de Zdravko Tolimir, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Il était chef de l'organe chargé de la sécurité au sein de la JNA.
26 Peut-être pas au mois de septembre 1990, mais il faisait partie de l'organe
27 chargé de la sécurité de la JNA, n'est-ce pas ?
28 R. Si je m'en souviens bien, Zdravko Tolimir était l'un des officiers
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1 appartenant au Corps de Knin. C'est tout ce que je sais sur lui. En 1991,
2 il y était, mais par rapport à l'année 1990, je n'en sais rien. Après cela,
3 il est parti, je pense qu'il est parti en Bosnie.
4 Q. Tirons cela au clair. Lorsque vous dites "le Corps d'armée de Knin",
5 c'est le Corps d'armée de la JNA; n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Je me souviens qu'il était l'un des officiers de ce corps. Je ne
7 le connaissais pas en personne. Je connaissais son nom et je sais qu'après,
8 il était membre de l'armée de la Republika Srpska, mais je ne suis pas sûr.
9 Q. Cela suffit. Je vous remercie.
10 Avant de retirer la dernière page de l'écran, il faut dire que sur
11 cette page, il est dit que c'est lui qui a pris cette déclaration, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Je vous remercie. Regardons maintenant encore une fois la première page
15 de cette déclaration.
16 M. BLACK : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler le document
17 vers le bas, s'il vous plaît ?
18 Q. La personne qui fait la déclaration dit qu'il était fonctionnaire ou
19 employé du centre chargé des informations de Knin. Voyez-vous cela ? Donc,
20 le centre d'information de Knin, je suppose que c'est cela, n'est-ce pas ?
21 R. Oui. C'est ce qui est dit ici dans ce document.
22 Q. Très bien. En bas, un peu plus loin, il est dit que dans la soirée du
23 17 août jusqu'à -- à partir de la soirée du 7 août jusqu'à la matinée du 18
24 août 1990, il se trouvait dans le centre, dans ce centre, n'est-ce pas ?
25 R. Je me souviens très bien de cet événement, parce qu'il est question de
26 cet événement dans cette phrase. Vous pensez à cet événement, n'est-ce pas
27 ?
28 Q. Oui, exactement. Un peu plus loin vers le bas, il est dit qu'il était
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1 au courant de la formation du quartier général chargé de la défense de Knin
2 qui a été formé. Plus tard, il dit que ce QG a été rebaptisé le Conseil de
3 la résistance nationale. Est-ce que cela rafraîchit votre mémoire ? Est-ce
4 que vous vous souvenez que ce Conseil de la résistance nationale a été
5 formé le 17 août 1990 ?
6 R. Je ne me souviens pas de cela, mais je vois que c'est la déclaration
7 faite par une personne qui se trouve en ce moment en Croatie, et je pense
8 qu'à Knin, il est membre d'un parti croate. A Knin, je pense, il est --
9 Q. Cette déclaration a été faite à la JNA, n'est-ce pas, et non pas aux
10 autorités croates ?
11 R. Oui.
12 Q. Ce qu'il est dit ici est correct et vrai, à savoir qu'un QG chargé de
13 la défense de Knin a été formé, qui a été rebaptisé par la suite le Conseil
14 de la résistance nationale, et c'est après -- et après, Milan Martic se
15 trouvait à la tête de cela, n'est-ce pas ?
16 R. C'est sa déclaration à lui, ce monsieur. Je ne peux pas vous confirmer
17 si c'est vrai ou pas. C'est sa déclaration à lui. Mais par rapport à son
18 engagement politique actuel et ses activités politiques actuelles, je ne
19 suis pas sûr si c'est vrai ou pas.
20 Q. Permettez-moi de vous poser d'autres questions par rapport à d'autres
21 déclarations. Peut-être que vous n'en savez rien.
22 Un peu plus loin à la page 3 de la version en anglais; je crois qu'il
23 s'agit également de la page 3 dans la version en B/C/S -- nous pouvons
24 maintenant afficher la page 3 sur l'écran. Il s'agit du paragraphe en haut.
25 Je ne peux pas lire le B/C/S. Il s'agit du paragraphe suivant, vers le bas,
26 un peu plus vers le bas. Je vous remercie.
27 Il est dit que le 17 août, il y a eu une communication pour la
28 plupart avec les membres du SDS et d'autres personnes d'une municipalité
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1 qui ont été engagées pour organiser les citoyens en vue d'une résistance
2 dans le cadre des événements ou une attaque par les forces du MUP. Est-ce
3 que c'est vrai ? Est-ce que vous acceptez cela ?
4 R. Je n'accepte rien. Vous me présentez la déclaration de quelqu'un qui a
5 fait ces déclarations à un organe au sein de la JNA. Cela ne ressemble qu'à
6 sa déclaration à lui. Je ne peux pas confirmer sa véracité ou pas, parce
7 que je n'en sais rien.
8 Q. Vous ne savez rien par rapport à l'organisation à Knin ? Vous ne savez
9 rien par rapport aux événements ni à Golubic le 17 août 1990.
10 R. Non.
11 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, maintenant je voudrais
12 proposer ce document au versement au dossier. Est-ce qu'on peut avoir un
13 numéro pour ce document ?
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Est-
15 ce qu'une cote peut être accordée à ce document ?
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
17 deviendra la pièce à conviction portant la cote 872.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
19 M. BLACK : [interprétation] Je suis toujours sur ce document. On me
20 rappelle que j'ai oublié de demander le versement au dossier d'un document
21 émanant du HDZ dont le numéro ERN sera 00449884 jusqu'à 9904, je pense, et
22 la traduction en anglais commence au chiffre 03017013. J'aimerais également
23 demander que ce document soit versé au dossier.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le document avec le numéro
25 ERN peut être versé au dossier ? Est-ce qu'on peut accorder une cote à ce
26 document ?
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document
28 émanant de l'assemblée générale du HDZ deviendra la pièce à conviction
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1 portant la cote 873.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. BLACK : [interprétation]
4 Q. Monsieur Licina, avant de quitter cette déclaration faite par M.
5 Tolimir, je voudrais vous poser quelques questions, autres questions
6 concernant ce qui s'est passé après le 17 août 1990.
7 S'il vous plaît, rapportez-vous à la page 4 du document, il s'agit du
8 bas de la page, du paragraphe en bas de la page en B/C/S. Il est dit : "Par
9 rapport à l'armement illégal des citoyens, je peux déclarer que cela a été
10 fait en masse à trois reprises sur le territoire de SAO Knin et SAO
11 Obrovac. A peu près 1 300 carabines et 400 pistolets ont été distribués, et
12 je sais qu'au village de Strmica, il y avait 600 carabines qui ont été
13 distribuées. Il est dit que c'était de l'usine RO Sport de Belgrade. Ces
14 armes ont été transportées parce que cette usine avait une filiale à Knin."
15 Est-ce vrai que ces armes sont venues de Serbie et d'autres pays et
16 ont été distribuées aux citoyens serbes ?
17 R. Je n'ai jamais entendu parler de cela. Il y avait des armes sur ces
18 barrages, mais ces armes ont été des armes personnelles des gens qui
19 vivaient là-bas. Il y avait des fusils de chasse, il y avait des gens qui
20 n'étaient armés qu'avec des pierres. Je ne peux pas donner de commentaires
21 là-dessus. C'est la déclaration que quelqu'un a faite en organe militaire.
22 Q. Je vous pose la question qu'en se basant seulement sur ce qui figure
23 dans ces déclarations.
24 Maintenant, je vous prie de regarder la page suivante, la page 5,
25 c'est la page 6 dans la version B/C/S. En fait, dans la déclaration, il est
26 également dit que les citoyens ont obtenu des armes des effectifs de police
27 de réserve du poste de police de Knin, et il a été dit que cela a été
28 distribué aux citoyens le 17 août 1990, après qu'un entrepôt du poste de
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1 police de Knin a été pillé. Je sais que vous avez dit que vous avez entendu
2 de cela; c'est-à-dire que ces armes appartenant à la police de réserve ont
3 été distribuées aux citoyens serbes.
4 R. Non. Je ne me souviens pas d'avoir dit cela. Je ne sais que les armes
5 ont été prises --
6 Q. Je ne suggère pas que vous ayez dit cela. Je m'excuse de vous avoir
7 interrompu. J'ai dit que vous avez entendu parler de cela. Est-ce que vous
8 avez entendu parler du fait que les armes de station de police de Knin et
9 d'autres postes de police ont été distribuées aux citoyens serbes ?
10 R. Non. Je n'en sais rien.
11 Q. J'ai encore un point. J'aimerais savoir si vous avez entendu parler de
12 cela. Dans le paragraphe suivant, Simo Dubajic [phon] et Milan Martic ont
13 été mentionnés, et il est dit que ce sont eux qui ont distribué des armes
14 et que les gens en ville en parlaient. Est-ce que vous avez entendu parler
15 de cela, du fait que Milan Martic aurait participé dans la distribution des
16 armes ?
17 R. Simo Dubajic était un personnage intéressant, mais je n'ai jamais
18 entendu parler de cela. Je pense que Simo Dubajic était quelqu'un dont on a
19 entendu parler déjà pendant la Deuxième Guerre mondiale.
20 Q. Il faut tirer au clair quelque chose. Est-ce que vous avez voulu dire
21 quelque chose par rapport à la Deuxième Guerre mondiale ? Parce que cela ce
22 n'est pas apparu clairement au compte rendu.
23 R. Simo Dubajic était l'un des commandants des Partisans. C'est ce que je
24 voulais dire par rapport à lui. Il était originaire de cette région.
25 Q. Est-ce que c'est le même Simo Dubajic ou une autre personne, ou c'est
26 justement -- est-ce que vous le connaissiez uniquement par son nom ?
27 R. Oui, son nom m'est familier.
28 Q. Vous n'étiez pas présent à Knin ou à Golubic le 17 août 1990 ?
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1 R. Le 17 août 1990, comme je l'ai déjà dit, j'étais jusqu'à 14 heures à
2 Zagreb, après quoi je suis parti pour Gracac où je suis arrivé tard dans la
3 soirée, à peu près vers 22 heures. Donc, physiquement, je ne pouvais pas
4 être à Knin.
5 Q. Très bien. Je vous remercie. Je me souviens que vous avez témoigné là-
6 dessus auparavant. Milan Babic à l'époque était président de la
7 municipalité de Knin, n'est-ce pas, au mois d'août 1990 ?
8 R. Oui, il était également président du Conseil national serbe.
9 Q. Il était également membre du conseil principal du SDS et il était
10 également président de l'association des municipalités de la Dalmatie du
11 Nord et de la Lika, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Il était membre du conseil exécutif et président des associations
13 des municipalités de la Dalmatie du Nord et de la Lika, donc il occupait un
14 certain nombre de fonctions.
15 Q. Avant de quitter cette date du 17 août 1990, n'est-il pas vrai qu'à
16 partir de cette date-là, Milan Martic a été considéré comme héros du peuple
17 serbe parce qu'il a participé aux événements en tant que dirigeant, aux
18 événements qui sont survenus ce jour-là ?
19 R. Milan Martic a été considéré comme étant un héros de la SAO de Krajina,
20 je ne sais pas depuis quelle date et comment, mais il s'agit d'une période
21 s'étalant sur plusieurs années. Mais je ne peux pas vous dire la date
22 exacte à partir de laquelle cela s'est produit.
23 Q. Donc, vous n'êtes pas d'accord avec moi pour dire que cela a réellement
24 commencé à la date du 17 août 1990, qu'en fait, c'était le premier jour de
25 son apparition sur la scène en tant qu'un héros serbe ?
26 R. Milan Martic, si je me souviens bien, est devenu populaire au sein du
27 peuple après la déclaration qu'il a -- après l'interview accordée à Heni
28 Erceg à la télévision croate. Après, il a dit à cette occasion-là qu'il ne
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1 porterait pas un damier sur son couvre-chef. Je pense que Milan Martic a
2 été reconnu dans le -- que le peuple reconnaissait Milan Martic.
3 Q. Vous souvenez-vous de la date à laquelle Milan Martic a dit cela ?
4 R. Je pense que c'était pendant l'été. Je ne me souviens pas de la date
5 exacte. C'était durant l'été 1990.
6 Q. Je vous remercie.
7 M. BLACK : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que j'en ai
8 fini avec mes questions pour aujourd'hui. Mais avant de --
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de quitter le prétoire, ce
10 document ne pourrait pas apparaître demain sur l'écran, et j'aimerais poser
11 une question au témoin. Selon vous, les barrages routiers ont été érigés de
12 façon spontanée par les citoyens de la région de Knin et d'autres régions,
13 et par rapport à la position de l'auteur de cette déclaration, quels
14 commentaires, si vous avez des commentaires à proférer, quels commentaires
15 donneriez-vous par rapport à cette déclaration ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas donner de commentaires parce
17 que c'est quelqu'un qui se trouve aujourd'hui en Croatie qui est membre
18 d'un parti politique et qui se dit parti politique serbe, mais à mon avis,
19 il ne s'agit pas d'un parti politique serbe. Par rapport à ce que j'ai dit,
20 qu'il n'y avait pas eu d'organisation, je confirme ce que j'ai déjà dit
21 dans mon témoignage, il y avait beaucoup de barrages routiers entre toutes
22 nos municipalités. S'il y a eu une organisation par rapport à ces barrages,
23 ces barrages se seraient trouvés sur les bords de tout ce territoire, sur
24 les frontières de ce territoire, mais il y avait entre Knin et Gracac, Knin
25 et Lapac, Lapac et Strbac, il y avait partout de ces barrages routiers et
26 cela montre que tout cela était spontané. S'il y a eu un système -- par
27 exemple, je devais me déplacer ce jour-là parce qu'il y avait le référendum
28 entre Gracac et Knin, je devais voyager entre cinq et six heures, sinon
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1 c'est moins d'une heure de route. Ce n'est pas logique, c'est-à-dire que
2 nous aurions créé des problèmes pour nous-mêmes.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que l'auteur de cette
4 déclaration en Croatie, est-ce qu'il était en Croatie le 2 décembre 1990 ?
5 Est-ce qu'il était en Croatie au moment où il a fait cette déclaration ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le connais pas en personne. Je ne
7 connais que son nom de la presse et je pense qu'il est président de ce
8 parti politique en Croatie en ce moment.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Répondez à ma question. Vous dites que
10 votre commentaire est basé sur le fait que cet homme se trouve aujourd'hui
11 en Croatie, et je vous pose la question suivante : est-ce que le 2 décembre
12 1990, au moment où il a fait cette déclaration, il se trouvait en Croatie,
13 si la Croatie a un rapport quelconque avec le contenu de cette
14 déclaration ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le connais pas en personne, et de ce
16 fait, je ne peux pas savoir s'il y était ou pas.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous demande pas de me dire si
18 vous connaissez cet homme ou pas. Je vous demande de me dire si cet homme
19 était en Croatie le 2 décembre 1990. S'il vous plaît, essayez d'écouter ma
20 question et essayez d'y répondre de façon succincte, concise et
21 compréhensive, s'il vous plaît.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le connais pas. Je vous dis que je ne le
23 connais pas. Je ne connais pas cet homme et je ne peux pas savoir où il se
24 trouve. Tout simplement, je ne le connais pas.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi alors vous dites qu'il se
26 trouve en Croatie ? Vous ne pouvez pas nous dire où est son domicile
27 aujourd'hui. Vous venez de nous dire qu'il est en Croatie --
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous dis qu'il est en Croatie et qu'il est
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1 membre d'un parti politique là-bas.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que cela a à voir avec la
3 déclaration qu'il a faite le 2 décembre 1990 ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je vous dis qu'il y a une
5 continuité politique, tout simplement.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne me parlez pas de l'impertinence de
7 cela, mais est-ce que vous suggérez que si ces barrages avaient été
8 organisés par quelqu'un, ces barrages se seraient trouvés partout ? Vous
9 dites, il me semble, que vous suggérez que c'était le cas contraire.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si je vous montre tous
11 les endroits pour lesquels je sais qu'il y avait des barrages routiers à
12 l'époque, vous pourriez voir que cela n'était pas logique.
13 Je vous dis qu'à l'intérieur de ce territoire, il y avait des
14 barrages entre les municipalités serbes. S'il y avait eu le souhait et
15 l'intention d'organiser des barrages ainsi, nous n'aurions pas créé de
16 problèmes parce que ces barrages étaient prêts de tous les villages. Cela
17 prouve que les citoyens, la population a érigé ces barrages de façon
18 spontanée. L'emplacement de ces barrages routiers vous dit que cela a été
19 érigé de façon spontanée.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que vous aviez dit que ces
21 barrages se trouvaient partout et que ces barrages ont été érigés de façon
22 spontanée. Ce qui démontre que cela n'a pas été fait de façon organisée.
23 J'essaie de regarder dans le compte rendu ce que vous avez dit.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A l'intérieur du territoire et autour de
25 ce territoire, donc à l'extérieur de ce territoire et à l'intérieur de ce
26 territoire. Je parle du fait que les barrages existaient à l'intérieur du
27 territoire serbe à l'époque, et que la communication entre les endroits
28 serbes était difficile. Si un système avait existé, ces barrages ne se
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1 seraient pas érigés. Les barrages qui ont été érigés entre les localités
2 serbes prouvent que c'était un processus spontané.
3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Permettez-moi de vous poser une
4 brève question dans ce contexte ? C'étaient les protestations entre qui et
5 qui ? Les protestations de la population locale de quelle appartenance
6 ethnique ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été probablement interprété de
8 façon incorrecte. J'ai utilisé le mot "processus," et non pas le mot
9 "protestation." C'était un processus spontané.
10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Oui. Le processus spontané,
11 mais venu de qui ? Des Serbes locaux, des Croates ou des deux ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Du peuple qui habitait ce territoire.
13 D'abord, il s'agissait des Serbes. Mais c'étaient entre des municipalités
14 serbes que ces barrages ont été érigés. Ces barrages se trouvaient près de
15 chaque village et c'est la preuve que cela n'a pas été organisé, que cela a
16 été spontané. Pour organiser le référendum, on a été confronté à des
17 problèmes. Par exemple, faire venir des gens à Knin de Gracac, on devait se
18 déplacer entre ces deux endroits, il nous a fallu quatre ou cinq heures.
19 Normalement, il vous faut 45 minutes. Notre intérêt était d'organiser tout
20 cela le plus rapidement possible.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le Juge Nosworthy a d'autres
22 obligations cet après-midi, nous devons lever l'audience. Nous allons
23 reprendre demain à 9 heures dans le même prétoire. Je pense que nous
24 pourrons continuer à discuter du même sujet.
25 --- L'audience est levée à 13 heures 55 et reprendra le mercredi 16
26 août 2006, à 9 heures 00.
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