Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 10 novembre 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

6 LE TÉMOIN: PATRICK BARRIOT [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur Barriot. Je tiens à

9 vous rappeler que vous avez fait une déclaration lors du début de votre

10 déposition hier, déclaration sur laquelle vous allez dire la vérité, toute

11 la vérité, rien que la vérité. Vous êtes toujours tenu par cette

12 déclaration. D'accord ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.Questions de la

14 Cour : [Suite]

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

16 Hier, nous étions en train de parler quand on s'est quitté, et j'essaie de

17 comprendre, vous êtes un homme d'honneur, vous avez sacrifié votre

18 profession, votre métier. Vous avez sacrifié votre profession de soldat

19 pour dire la vérité. Vous avez écrit cet article qui, selon vous, nous

20 avons mal représenté le rôle joué par M. Martic dans le pilonnage de

21 Zagreb. Vous savez tout cela. Qu'avez-vous fait pour corriger ces

22 informations erronées qui avaient été données au public ?

23 R. Monsieur le Président, je crois qu'il y a eu une confusion dans les

24 propos. Je ne pense pas que ce soit un problème d'interprète parce que

25 l'interprétation est excellente. J'ai dû mal m'exprimer. Je reprends mes

26 explications.

27 Au mois de mai 1995, lorsque les roquettes Orkan ont été tirées sur Zagreb,

28 la version officielle était que M. Milan Martic avait donné l'ordre de

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1 tirer ces roquettes. C'était la version officielle, la version que j'ai eue

2 dans un premier temps. Très rapidement aussi comme je vous l'ai dit, j'ai

3 eu l'information que les roquettes étaient tirées sur les objectifs

4 militaires. Je l'ai dit hier.

5 J'ai dit également que si le président Milan Martic avait assumé cette

6 décision, c'était qu'il ne voulait pas qu'un subalterne porte la

7 responsabilité de ce tir. Qu'en tant que président, il a voulu assumer

8 cette décision. Ceci je l'ai su plus tard. Dans tous les cas, je n'ai

9 jamais changé mes écrits. Ce que j'ai écrit, je le maintiens, c'était la

10 version officielle et celle que souhaitait assumer le président Martic.

11 Plus tard, comme je vous l'ai dit, j'ai acquis la conviction que ce n'était

12 pas lui qui avait donné cet ordre.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je tiens à vous interrompre parce que

14 cela j'ai très bien compris. Ce que je vous demande est la chose suivante :

15 qu'avez-vous fait depuis que vous avez appris quelle était la version

16 correcte pour essayer de corriger un petit peu l'impression que vous avez

17 donnée au monde ?

18 R. Je le fais aujourd'hui, Monsieur le Président, devant ce Tribunal parce

19 que vous me posez la question, et je réponds en mon âme et conscience ce

20 que je sais et ce que je crois.

21 Maintenant, si M. Milan Martic me demande de rectifier une déclaration, je

22 le ferai, mais je vous ai dit ce que je croyais en mon âme et conscience.

23 Comme vous le disiez, j'ai tout perdu pour dire la vérité. J'ai brisé ma

24 carrière, j'ai brisé mon couple, j'ai tout perdu. Donc, je n'ai aucun

25 intérêt ici à dire quoi que ce soit qui soit contraire à la vérité.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Je comprends bien que vous

27 nous dites que vous êtes prêt à corriger votre erreur ici au Tribunal.

28 Malheureusement, cela ne va être entendu que par ceux qui vont lire le

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1 compte rendu. Ceux qui ont lu votre article ne vont pas, de ce fait, savoir

2 quelle est la correction que vous voulez porter, puisque quand on fait des

3 corrections normalement de choses qui ont été publiées, il faut que la

4 correction soit aussi publiée dans les mêmes médias que ce qui a été

5 utilisé la première fois pour publier les informations erronées.

6 R. Monsieur le Président, je suis prêt à le faire, mais je crois que cela

7 n'a pas une grande importance. Je crois que l'important était que --

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, ce n'est

9 pas vraiment pertinent. Ma question n'est pas de vous demander à l'avenir

10 ce que vous allez faire. Je vous demandais ce que vous aviez fait jusqu'à

11 présent pour corriger les choses, étant donné que vous êtes un homme

12 d'honneur, un homme de vérité.

13 Evidemment, jusqu'à présent, vous n'avez rien fait pour vous

14 corriger, mis à part venir ici au Tribunal.

15 R. Mais il me semble que c'est la chose la plus importante que de déclarer

16 sur l'honneur devant un Tribunal et devant vous, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Puis-je vous poser une question ?

19 Quelle est la signification véritable de ce que vous avez dit aujourd'hui

20 quand vous dites que vous avez appris par la suite que la version

21 officielle n'était pas la version correcte ? Qu'est-ce que cela signifie ?

22 Vous dites la version officielle était que Milan Martic, l'accusé en

23 l'espèce, avait donné ordre de pilonner. Or, cela peut signifier deux

24 choses; soit que l'ordre de viser les cibles qui ont été atteintes en fin

25 de compte ou de tirer sur Zagreb de façon indiscriminée; ou cela peut

26 vouloir dire sinon que c'est quelqu'un d'autre qui aurait donné l'ordre. Ce

27 que vous avez dit était assez ambigu, je trouve.

28 R. Je regrette de m'être exprimé de façon ambiguë, parce que c'est très

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1 clair dans mon esprit. J'ai appris par la suite, dans l'entourage du

2 président Martic et d'après les discussions, que ce n'est pas lui qui avait

3 donné les ordres, mais qu'il assumait cette décision parce qu'elle avait

4 été fait par un subalterne, et qu'en tant que président, il refusait de

5 voir un subalterne rendu responsable de cette décision qu'il n'avait pas

6 prise.

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Qui donc a pris la décision dans ce

8 cas-là, selon ce que vous avez appris par la suite ?

9 R. Je ne sais pas, Monsieur. Je ne connais pas assez l'hiérarchie

10 militaire dans la République serbe de Krajina pour pouvoir vous répondre

11 sur ce sujet.

12 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Non, je vous demande ce que vous avez

13 appris par la suite. Vous dites que vous avez appris par la suite que ce

14 n'était pas l'accusé Milan Martic qui avait donné l'ordre. Est-ce que vous

15 avez aussi appris qui avait donné l'ordre ? Peut-être non. Je n'en sais

16 rien.

17 R. Je ne connais pas le nom, mais je sais que c'est un subalterne.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Et son poste, vous avez la moindre

19 idée, un inférieur hiérarchique ? Vous ne savez pas quel était son rang ?

20 Je vous demande une fois si vous le savez ou si vous ne le savez pas, c'est

21 pas grave.

22 R. Non. Je regrette, je ne le sais pas.

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pour ce dernier point. M. Milan Martic

25 aurait pris la responsabilité en tant que président. Vous êtes d'accord

26 quand même pour dire qu'il était normal en tant que président qu'il prenne

27 la responsabilité. De par la loi, c'était normal qu'il endosse cette

28 responsabilité.

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1 R. De par la loi, Monsieur le Président, et de par l'honneur. C'était une

2 question de défense d'une population civile agressive et c'est un geste de

3 légitime défense. C'était logique et c'était l'honneur d'assumer cette

4 responsabilité.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Merci.

6 Y a-t-il d'autres questions, Monsieur, de la part de la Défense ?

7 M. PEROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, une question très

8 brève, s'il vous plaît.

9 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Perovic :

10 Q. [interprétation] Monsieur Barriot, hier en répondant aux questions des

11 Juges, et je crois aussi au cours du contre-interrogatoire, vous avez fait

12 référence à des réfugiés musulmans de ce que vous avez appelé la poche de

13 Bihac. Vous avez parlé de 40 000 de ces réfugiés ?

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que cette question vient bien

15 d'une question des Juges parce que je ne me rappelle pas qu'aucun des Juges

16 ait posé de question à propos des Musulmans.

17 M. PEROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que c'est

18 vous qui avez posé la question à peu près des réfugiés musulmans au RSK et

19 de leur position dans la RSK. Si je me souviens bien, vous nous avez

20 demandé pourquoi ils n'étaient pas allés en Croatie. Voici ma question.

21 Elle a trait avec cette partie de votre question.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

23 M. PEROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Q. Monsieur Barriot, si je vous ai bien compris, ces réfugiés musulmans

25 venaient d'un pays voisin, la Bosnie, n'est-ce pas ?

26 R. C'est exact. Ils venaient de la poche de Bihac, de la région de Velika

27 Kladusa.

28 Q. En d'autres mots, ce n'étaient pas des personnes qui habitaient en RSK

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1 précédemment ?

2 R. Non. On peut considérer qu'ils étaient des réfugiés en République serbe

3 de Krajina.

4 Q. Si je vous ai bien compris, en tant que réfugiés, ils étaient venus se

5 réfugier dans la RSK.

6 R. Oui, ils sont venus se réfugier dans les camps de Turan et de Betanija

7 et je peux dire que j'étais sur place. J'ai visité ces camps, et j'ai vu

8 ces réfugiés avec M. Bertrand Dupasquier en particulier, le responsable de

9 l'UNHCR. Nous avons vu tous ces réfugiés.

10 Q. Le Président vous a demandé pourquoi ces personnes n'étaient pas plutôt

11 conduites en Croatie depuis la Bosnie. Par rapport à cela, je voudrais vous

12 poser cette question : savez-vous quelle était la position des autorités

13 croates en ce qui concerne un transfert éventuel de ces réfugiés depuis la

14 poche de Bihac jusqu'à la Croatie ?

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Perovic, je crois que la

16 question était : pourquoi ne vont-ils pas plutôt dans d'autres parties de

17 l'ex-Yougoslavie où la situation économique était plus saine qu'en

18 Krajina ?

19 M. PEROVIC : [interprétation]

20 Q. Avez-vous compris l'intervention du Président, la clarification que le

21 Président vient de nous donner sur la question ? Hier, la question était de

22 savoir pourquoi ils s'étaient rendus en RSK plutôt que d'aller en Serbie,

23 en Croatie ou dans une autre partie de l'ex-Yougoslavie ? Pourriez-vous

24 nous dire pourquoi ils n'y sont pas allés ?

25 R. Oui, la raison est très simple. C'était d'une part, bien sûr, la région

26 la plus proche où ils pouvaient être accueillis, et il était hors de

27 question pour les autorités croates de recevoir des réfugiés musulmans.

28 Q. Vous dites où ils pouvaient être acceptés; c'est bien cela que vous

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1 avez dit ? Merci. Vous avez répondu à ma question, vous avez anticipé très

2 exactement ma question. Je n'ai plus de questions à vous poser, Monsieur

3 Barriot. Je vous remercie.

4 M. PEROVIC : [interprétation] Messieurs, Madame les Juges, j'en ai terminé

5 avec les questions.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très merci, Monsieur Perovic.

7 Monsieur Black.

8 M. BLACK : [interprétation] Merci. Malheureusement, ceci est un micro qui

9 est trop court.

10 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Black :

11 Q. Monsieur Barriot, n'est-il pas vrai de dire que les Musulmans qui

12 quittaient les parties serbes de la Bosnie-Herzégovine allaient en Croatie,

13 passaient de la poche de Bihac ? Ils allaient ailleurs, ceux qui venaient

14 d'ailleurs en Bosnie-Herzégovine. Il y en a beaucoup qui sont allés en

15 Croatie, n'est-ce pas ? Ou est-ce que vous n'en savez rien ?

16 R. Non. Je connais parfaitement la situation. Vous semblez oublier une

17 chose. C'est qu'à cette époque, M. Fikret Abdic, depuis septembre 1993,

18 avait déclaré la province autonome de Bosnie occidentale, c'étaient des

19 Musulmans qui étaient fidèles à Fikret Abdic. En fait, le gouvernement

20 d'Alija Izetbegovic et le 5e Corps musulman voulaient à tout prix les

21 éliminer. Donc, de l'endroit où ils étaient dans la poche de Bihac, ils ne

22 pouvaient pas aller de toute façon ailleurs en Bosnie parce qu'ils se

23 seraient fait tuer --

24 Q. Je dois vous interrompre. Ma question était de savoir si les Musulmans

25 qui quittaient d'autres endroits de la Bosnie-Herzégovine sont allés en

26 Croatie, qui venaient d'ailleurs de la poche de Bihac ?

27 R. A ma connaissance, non, ou alors c'était vraiment un très, très petit

28 nombre.

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1 Q. Maintenant, je vais vous poser une question à propos d'autre chose, une

2 question que le Juge Moloto vous a posée aujourd'hui, quant à savoir si

3 vous aviez apporté des corrections à la déclaration selon laquelle M.

4 Martic aurait ordonné le pilonnage de Zagreb. Non seulement, vous n'avez

5 pas corrigé cela, mais vous l'avez répété en publiant un article en 1997 et

6 dans ce livre aussi de 2003, votre témoignage sur la Serbie, n'est-ce pas ?

7 R. Il n'y avait aucune raison de modifier ce texte. Il n'y avait aucune

8 raison de modifier ce texte. Dans ces écrits, je ne témoigne pas devant un

9 tribunal ou devant la justice. Aujourd'hui, je le fais.

10 Q. Mais l'explication juridique n'est pas que vous n'aviez aucune raison

11 d'apporter des corrections, parce que c'était vrai et correct, et que vous

12 êtes en train de modifier votre histoire maintenant, uniquement parce que

13 vous avez peur que cela va poser du tort à M. Martic en l'espèce ?

14 R. Mais non, c'est totalement faux. Là, vous interprétez. Vous me faites

15 dire ce que je n'ai pas dit. J'ai dit et j'ai écrit ce qu'assumait le

16 président Milan Martic. Aujourd'hui, on me demande ce que je pense et ce

17 que je sais en conscience. C'est deux choses totalement différentes. Je

18 n'ai jamais tenu de discours.

19 Q. Je vous remercie.

20 M. BLACK : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

23 Monsieur Barriot, ceci conclut votre témoignage aujourd'hui. Je vous

24 remercie d'avoir pris le temps de venir témoigner ici devant ce Tribunal.

25 Vous pouvez maintenant quitter le prétoire. Vous pouvez vous lever. Merci.

26 LE TÉMOIN : Merci, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 [Le témoin se retire]

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

3 Président. La Défense aimerait citer son prochain témoin, Nikola

4 Dobrijevic, qui témoignera viva voce, tout comme M. Barriot. Nous allons

5 procéder de la sorte pour exactement les mêmes raisons que celles qui

6 étaient le témoignage de M. Barriot.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

8 M. WHITING : [interprétation] J'espère que je ne vais pas traiter

9 d'un problème qui va ressembler à un problème logistique. J'ai deux petits

10 problèmes en ce qui concerne ce témoin. Le premier problème qui va

11 rapidement être résolu, à mon avis, l'autre est plus compliqué.

12 Tout d'abord, nous avons reçu un résumé 65 ter très détaillé pour ce

13 témoin environ une heure et quart avant le début de l'audience. Auparavant,

14 nous n'avions reçu qu'un résumé 65 ter extrêmement vague. Cela ne fait

15 qu'une heure et quart que nous avons reçu à notre disposition ce 65 ter qui

16 est enfin détaillé. J'ai des exemplaires pour vous.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je serais ravi si vous pouviez

18 m'en faire part parce que le mien est au bureau.

19 M. WHITING : [interprétation] J'en ai là, j'ai des exemplaires

20 disponibles. Je vais vous les faire parvenir.

21 Il y a deux points qui se rapportent à ceci. Tout d'abord, un

22 problème de planning, ensuite un problème de fond, de fond à propos de

23 certaines choses qui se trouvent dans ce résumé 65 ter.

24 Pour ce qui est du planning, enfin du moins les délais, nous n'avons

25 eu qu'une heure et quart pour parcourir ce document. Cela ne suffit pas. Si

26 vous pouviez me permettre de commencer mon contre-interrogatoire lundi,

27 cela me donnera tout le week-end pour y travailler, parce que là ce petit

28 problème sera éliminé. Je ne pense pas vraiment pouvoir commencer mon

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1 contre-interrogatoire avant lundi. Je pense que ce n'est pas un problème,

2 puisque de toute façon le témoin suivant n'est pas prévu avant mardi

3 prochain au plus tôt. Donc, cela c'est simple.

4 L'autre question qui est plus compliquée, à mon avis, c'est que dans

5 ce résumé 65 ter, il y a plusieurs sujets qui, à notre avis, sont tout à

6 fait pris en compte par votre décision de la semaine dernière, que vous

7 avez prise, qui sont à propos de sujets pour lesquels vous considérez que

8 vous avez déjà été amplement informés, ou d'autres points qui, à notre

9 avis, sont parfaitement non pertinents, mais qui n'ont rien à voir avec les

10 chefs d'accusation.

11 Je ne sais pas si vous voudriez que l'on étudie le résumé 65 ter pour

12 voir à l'avance quels sont des sujets qui devraient être étudiés et ceux

13 qui ne devraient pas l'être pour ne pas avoir à soulever des objections

14 toutes les cinq minutes. Enfin, c'est une suggestion.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites qu'il y a des points

16 qui ne sont pas totalement pas pertinents dans ce dernier

17 65 ter ?

18 M. WHITING : [interprétation] Tout à fait.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On n'a pas eu le temps de le

20 voir en plus.

21 M. WHITING : [interprétation] En effet. Je pense que c'est le dernier 65

22 ter qui est celui, bien sûr, qui va être utilisé ici en audience.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, qu'avez-vous à

24 dire à propos de ces deux problèmes ?

25 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, oui, je vais répondre très

26 brièvement, Monsieur le Président.

27 Bien sûr, pour ce qui est du délai extrêmement court dont se

28 plaignait mon éminent confrère, il a tout à fait raison. La Défense est

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1 tout à fait d'accord pour que le contre-interrogatoire ne commence que

2 lundi. Enfin, si bien sûr, Messieurs et Madame le Juge, vous êtes d'accord.

3 Malheureusement, nous avons présenté ce document extrêmement tard, parce

4 que nous avons dû un petit peu réorganiser la planification des autres

5 témoins. Enfin, nous en sommes absolument désolés. Nous présentons nos

6 excuses à la Chambre et à nos éminents collègues à ce propos.

7 Pour ce qui est de la Défense tu quoque, nous considérons que ceci ne va

8 pas être utilisé pour empêcher la Défense de bien défendre son client. Tout

9 ce qui est dans la déclaration est important. Cela porte sur ce qui s'est

10 passé à Banija, dans la zone de la RSK qui nous intéresse. Ce sont des

11 choses à propos desquelles nous n'avons rien entendu jusqu'à présent, mis à

12 part ce qui s'est passé dans deux ou trois villages, date bien certaine.

13 Alors qu'ici, nous allons avoir un témoin qui va nous parler d'une

14 zone qui est couverte par l'acte d'accusation, il va en parler de façon

15 chronologique. Il parle uniquement des points qui sont autorisés dans votre

16 décision, et surtout pas de ceux que vous avez écartés.

17 A la fin de la déclaration 65 ter dont nous a parlé l'Accusation, il

18 y a des points qui n'ont pas été couverts jusqu'à présent. Il va s'agir

19 d'une nouvelle déclaration du témoin sur ce qu'il sait, et nous considérons

20 que c'est extrêmement important pour les Juges de savoir ce qu'il en est.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic.

22 Est-ce qu'il y a des réponses ?

23 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je suis désolée. Avant la réponse

24 de M. Whiting.

25 Je dois dire que je n'ai pas très, très bien compris sur ce que vous

26 nous avez dit pour ce qui est du tu quoque. Pourriez-vous expressément nous

27 expliquer ce que vous voulez dire ? Je ne comprends pas si vous acceptez

28 les propos de M. Whiting ou si vous les réfutez. Vous êtes en train de nous

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1 dire que vous ne pourriez pas présenter votre cause de cette façon; c'est

2 cela ?

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non. Madame le Juge, je suis désolé, je

4 n'ai pas été précis. J'en suis désolé et je vais me reprendre.

5 Ce que je voulais vous dire, c'est que nous considérons que

6 l'objection à une défense tu quoque n'est pas toujours valide. Ce n'est pas

7 ce que nous faisons d'ailleurs; nous ne nous lancerons pas dans ce type de

8 tactique. Ce type d'objection pourrait être utilisé, abusé d'ailleurs, on

9 pourrait même en abuser pour empêcher la défense de fonctionner

10 correctement.

11 Voilà exactement ce que j'avais en tête. J'espère que cette fois-ci

12 j'ai été un petit peu clair dans mon expression ?

13 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Pour empêcher le fonctionnement

14 correct de la défense, mais par rapport à quel point, par rapport à quelle

15 pièce bien précise ? Parce que vous semblez nous dire qu'il ne faudrait pas

16 utiliser ce tu quoque pour la défense telle qu'elle est, mais dans un

17 contexte différent, il pourrait être utilisé pour présenter en revanche vos

18 arguments, les arguments de la Défense. C'est cela qui me pose problème,

19 parce que je trouve que c'est ambiguë ce que vous nous dites.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie de votre question.

21 La présente question de la Défense est la suivante : jusqu'à présent, nous

22 n'avons pas essayé d'utiliser le tu quoque, à aucun moment jusqu'à présent.

23 Ce que je voulais dire il y a quelques minutes, c'est que nous essayons de

24 dépeindre les choses telles qu'elles étaient pour ce qui est de la période

25 pertinente à l'acte d'accusation et pour ce qui est de la zone aussi qui

26 traitait de l'acte d'accusation. Nous voulons essayer de reprendre le

27 contexte afin que les points ne soient pas pris de façon isolée, mais qu'on

28 reprenne bien le contexte pour que l'on puisse en tirer des conclusions,

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1 pour savoir ce que voulait les deux parties. C'est ce que je tenais à dire.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

3 Milovancevic. Maintenant, c'est beaucoup plus clair dans mon esprit.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.

5 M. WHITING : [interprétation] Tout ceci me flatte, si je puis dire. Parce

6 que j'en suis flatté parce que c'est à la fois jeune et vieux.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé, Monsieur Black.

8 M. WHITING : [interprétation] Je tiens à faire remarquer qu'il y a un

9 certain nombre de paragraphes qui -- enfin je l'ai laissé entre vos mains

10 de toute façon suite à votre décision de la semaine dernière. Après les

11 quatre premiers paragraphes introductifs, il y a une phrase à propos de

12 référendum qui a eu lieu à l'été 1990. Ensuite, le paragraphe suivant nous

13 parle du MUP de Croatie qui aurait lancé un raid sur Petrinja en septembre

14 1990. Ensuite, le paragraphe suivant porte sur le 26 juin 1991, quand la

15 Croatie a proclamé son indépendance et les forces croates à Kostajnica. Au

16 paragraphe suivant, on parle des troupes croates, ensuite des crimes qui

17 auraient été commis contre des Serbes à Sisak.

18 Deuxième page, ensuite. Il y a encore un certain nombre de paragraphes qui,

19 en effet, portent sur des points qui sont à l'acte d'accusation. Mais dans

20 les trois derniers paragraphes, enfin l'antépénultième, par exemple, nous

21 parle de Stipe Mesic, de l'indépendance proclamée par la Croatie, ensuite

22 c'est l'opération Tempête et les événements qui ont découlé de l'opération

23 Tempête et ce qui l'ont précédée aussi.

24 Il me semble que certains de ces paragraphes que j'ai identifiés sont

25 parfaitement pris en compte dans la décision de la semaine dernière.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Whiting. Je

27 pense qu'il faudrait que l'on fasse rentrer le témoin. Je dois tout

28 d'abord, bien sûr, rendre une décision.

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1 Pour ce qui est du premier point, avant que j'en décide une bonne

2 fois pour toutes, si j'ai bien compris, si l'Accusation commence son

3 contre-interrogatoire lundi, j'aimerais être absolument certain que nous en

4 terminerons avec le témoin lundi ?

5 M. WHITING : [interprétation] Tout à fait.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Y compris les questions des Juges, les

7 questions découlant des questions des Juges, et cetera.

8 M. WHITING : [interprétation] Oui. Dès que le témoin en aura terminé avec

9 sa déposition directe aujourd'hui, d'après ce que j'ai vu, je pense que mon

10 contre-interrogatoire prendra deux séances, et la troisième de la journée,

11 donc de l'audience servira aux questions supplémentaires et aux questions

12 des Juges.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là,

14 l'Accusation pourra commencer son contre-interrogatoire lundi. Cela, c'est

15 la première décision.

16 Pour ce qui est de la deuxième décision, étant donné que la Chambre

17 n'a pas encore pu lire cette déclaration, elle est certes assez courte,

18 mais un peu trop, nous n'avons pas eu le temps de la lire. Je pense que je

19 préfère laisser les choses en état; ce sera au conseil de se lever chaque

20 fois qu'ils considéreront que les points abordés sont des points qui sont

21 couverts dans la décision de la semaine dernière. Il vous suffira de

22 sauter, comme des cabris.

23 Monsieur Milovancevic, vous pouvez appeler le témoin.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

25 L'INTERPRÈTE : Aucune cabine d'interprète n'a reçu la déclaration 65 ter.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne savais pas que les interprètes

27 disposaient du résumé.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Mais les interprètes n'ont toujours

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1 pas besoin du résumé.

2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

3 LE TÉMOIN: NIKOLA DOBRIJEVIC [Assermenté]

4 [Le témoin répond par l'interprète]

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez lire le

6 texte de la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

10 asseoir.

11 Maître Milovancevic, vous avez la parole.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Interrogatoire principal par M. Milovancevic :

14 Q. [interprétation] Monsieur Dobrijevic, bonjour.

15 R. Bonjour.

16 Q. Vous me connaissez. Je suis Predrag Milovancevic, je suis le conseil de

17 Milan Martic. Je vais vous poser les questions en son nom aujourd'hui, donc

18 des questions de l'équipe de la Défense.

19 Avant de le faire, je vais vous demander de ne pas perdre de vue une

20 chose, à savoir tous les deux nous devons faire attention à ménager une

21 pause avant de prendre la parole, donc avant la question et avant la

22 réponse pour aider les interprètes à faire leur travail. S'il vous plaît,

23 tenez-en compte. Je vais essayer de vous poser des questions brèves et vous

24 faites de même.

25 R. Oui.

26 Q. Pouvez-vous décliner votre identité, s'il vous plaît.

27 R. Je suis Nikola Dobrijevic. Je suis né à Bestrma. C'est un village près

28 de Sisak, c'est dans la région de Banija. Le

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1 7 septembre 1950, c'est ma date de naissance. Je suis juriste diplômé. J'ai

2 deux enfants qui sont majeurs aujourd'hui. Je vis à Belgrade.

3 Q. Vous dites que vous êtes juriste par formation. Ai-je raison de dire

4 que vous êtes licencié d'une faculté de droit ?

5 R. Oui. J'ai été premier de ma promotion.

6 Q. Pouvez-vous nous dire où vous avez travaillé, dans quelles entreprises

7 jusqu'en 1990.

8 R. J'ai travaillé dans l'industrie sidérurgique à Sisak. J'ai travaillé

9 sur des machines-outils. Ensuite, j'ai fait une école technique secondaire.

10 Puis, j'ai eu une bourse de la fondation Tito ce qui m'a permis de faire

11 mes études de droit. Après j'ai travaillé comme juge stagiaire à Sisak.

12 Ensuite, j'ai été directeur dans l'entreprise Autopromet. Enfin, je suis

13 revenu à l'industrie sidérurgique de Sisak, mais là j'ai occupé un poste de

14 directeur.

15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Puis-je vous demander de quelle

16 faculté de droit vient votre diplôme ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai fait mes études de droit à Banja Luka.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi de vous avoir interrompu.

19 Maître Milovancevic, veuillez poursuivre.

20 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous en prie, c'est moi qui vous

21 remercie.

22 Q. Puisque nous évoquons votre biographie, le mieux ce serait peut-être de

23 vous entendre dire quelles ont été vos fonctions ou des postes que vous

24 avez occupés à partir de 1990 jusqu'en 1995 dans la SAO de Krajina, ensuite

25 République serbe de Krajina.

26 R. En 1990, j'ai rejoint la Défense territoriale, et j'ai fait partie de

27 l'état-major de la TO à Gradiska.

28 Q. Merci. Un instant. Je vous ai posé ma question, mais en songeant aux

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1 fonctions politiques que vous auriez exercées. Etiez-vous directeur,

2 ministre ou autre ?

3 R. Avant que la guerre n'éclate, j'étais l'un des organisateurs du Parti

4 socialiste de Croatie. C'était un parti qui a vu le jour à Petrinja, qui

5 était pro-yougoslave. Il a été créé entre deux tours de négociations en

6 Croatie.

7 Q. Etiez-vous député ?

8 R. Oui, j'ai été député à l'assemblée de la République serbe de Krajina

9 depuis le début jusqu'aux élections de 1993.

10 Q. Merci. Lorsqu'on parle de forêts de Krajina, est-ce que cela vous

11 semble familier ?

12 R. A partir du moment où je ne travaillais plus au ministère de

13 l'Intérieur de Krajina, j'ai commencé à travailler dans cette entreprise

14 forestière. J'ai été directeur adjoint, puis j'ai aussi été ministre dans

15 un gouvernement où le chef de gouvernement était feu Milan Babic.

16 Q. Vous avez dit : après avoir quitté le ministère de l'Intérieur, je suis

17 devenu directeur adjoint à l'entreprise forestière de Krajina, Krajina

18 Suma.

19 R. Oui. Pendant une brève période, à la fin de l'année 1992, début 1993,

20 j'ai eu le rôle de coordinateur du MUP pour la Banija au ministère de

21 l'Intérieur de la Krajina. J'étais d'une certaine manière l'assistant de M.

22 Milan Martic.

23 Q. Merci. Nous allons essayer de procéder dans l'ordre chronologique à

24 présent. Vous venez de mentionner le Parti socialiste de Croatie, un parti

25 d'orientation pro-yougoslave. Pourriez-vous nous dire quand on a créé ce

26 parti et qui l'a fait ?

27 R. Ce parti a été créé en 1990 entre deux cycles d'élection en Croatie. Il

28 faut savoir qu'Ivica Racan a été pratiquement la plus grande illusion aux

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1 yeux des Serbes de Krajina, et en particulier des Serbes de Banija. Il a

2 remporté les élections pendant ce premier tour d'élection, grâce notamment

3 aux voix serbes de Banija. Mais au cours du deuxième tour d'élection, il a

4 modifié le programme de son parti. Entre autres, il a mis en exergue le

5 fait que la souveraineté croate était indivisible. En d'autres termes,

6 qu'on allait rayer les Serbes de la constitution croate.

7 Q. Je vous remercie. Cela suffit. Ai-je tort de dire que pendant les

8 premières élections multipartites de Croatie, vous avez été l'un des

9 fondateurs de ce Parti socialiste de Croatie ?

10 R. Vous avez raison.

11 Q. Merci.

12 R. Je dois peut-être ajouter que le secrétaire de ce parti a été Goran

13 Babic, un écrivain croate, originaire de l'île de Vis. Il y avait pas mal

14 de Croates dans le parti. Il y avait des personnalités qui travaillaient à

15 la radio, télévision de Zagreb et qui sont actifs sur la scène politique

16 croate.

17 Q. Merci. Que savez-vous du référendum sur la souveraineté, l'autonomie du

18 peuple en Croatie ? Vous vous en souvenez ?

19 R. Oui. Je me souviens de ce référendum.

20 Q. A ce sujet, j'ai une seule question à vous poser : qui avait le droit

21 de prendre part à ce référendum ? C'était le référendum qui portait sur

22 l'autonomie et la souveraineté du peuple serbe en Croatie ?

23 R. Oui. Je le sais. Je suis d'une région plutôt mixte, serbo-croate ou

24 croato-serbe. Tous les citoyens qui résidaient dans cette région avaient le

25 droit de participer au référendum.

26 Afin que ce soit tout à fait clair aux yeux des Juges, je parle de la

27 Banija. En son cœur se trouve Sisak, ce sont les municipalités de Petrinja,

28 Glina, Kostajnica, Dvor Na Uni, et pendant quelques temps Novska également.

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1 Q. Merci.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Excusez-moi de cette interruption. Pour

3 que vous puissiez vous orienter plus facilement, dans l'atlas dont on se

4 sert dans cette affaire, page 21, au niveau des cases C3 et D3, on peut

5 trouver les localités évoquées par ce témoin; page 21 de l'atlas.

6 Q. Monsieur Dobrijevic, quelles sont les localités un peu plus grandes

7 dans la Banija ?

8 R. Je viens de les énumérer Sisak, Petrinja, Kostajnica, Glina, Dvor Na

9 Uni.

10 Q. Savez-vous quelle était la population de la région en 1990 et la

11 composition ethnique ?

12 R. A peu près 200 000 habitants, dont 48 % à peu près de Croates, 36 % de

13 Serbes, 12 % de Yougoslaves et les autres. Comme on a pu voir dans le

14 recensement qui a eu lieu par la suite, parmi les Yougoslaves c'étaient

15 surtout les Serbes qui se déclaraient ainsi.

16 Q. Merci.

17 R. Si je puis ajouter une chose, si la Chambre m'y autorise ? Je parle

18 également de la ville de Sisak, cela s'étend jusqu'à Zagreb, jusqu'à Velika

19 Gorica. C'est une population exclusivement croate, mais la Banija où s'est

20 étendue la République serbe de Krajina avait une majorité serbe car Sisak,

21 qui était à la frontière, faisait partie de la Croatie non pas de la

22 Krajina. Je voulais juste ajouter cela pour préciser les choses.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites que Sisak s'étend jusqu'à

24 Velika Gorica, vous voulez dire la zone urbaine ? Vous voulez dire qu'elle

25 s'étend dans cette direction-là ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Sisak s'étend jusqu'à Velika Gorica. Il

27 est frontalier de Velika Gorica.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.

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1 Maître Milovancevic.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Lorsqu'on parle de ces localités de Banija, est-ce que vous savez quel

4 est le parti qui a remporté les premières élections pluripartites en 1990 à

5 Kostajnica ?

6 M. WHITING : [interprétation] Objection. J'ai dit précédemment

7 qu'effectivement, il s'agit là d'une série de sujets que la Chambre ne

8 trouve pas utile d'entendre, en particulier l'élection pluripartite dont on

9 parle.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.

11 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mais ce ne sont

12 pas les élections pluripartites qui m'intéressent maintenant au sens

13 politique pour ce qui est du principe des élections. Je pose la question

14 sur les résultats électoraux dans une localité. Ce serait très intéressant

15 d'entendre les résultats pour la municipalité de Kostajnica. La Chambre

16 devrait s'informer de cela. C'est la seule question qui portera sur les

17 élections. Il s'agit d'un un seul fait qui n'a jamais été mentionné dans

18 l'espèce jusqu'à présent, alors que nous avons un chef d'accusation qui

19 concerne Kostajnica.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.

21 M. WHITING : [interprétation] Si la Défense estime que cette question en

22 particulier est très importante, je les laisserai poser leur question.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y, Maître Milovancevic.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

25 Q. Vous avez entendu ma question. Monsieur le Témoin. Qui a remporté les

26 premières élections pluripartites à Kostajnica et qui a été le président

27 municipal ?

28 R. C'est une question très importante, parce que c'est le SDP de Racan qui

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1 a remporté ces élections à Kostajnica. Sur les 56 députés, seul, six

2 étaient des Croates. Tous les autres ont été des Serbes et ils ont élu un

3 Croate, Slavko Miocevic, pour être président de la municipalité. C'est ce

4 qu'il a été à Kostajnica. Merci.

5 Q. Pourriez-vous nous dire quelles ont été les relations entre les

6 différents groupes ethniques en Banija et à Kostajnica en 1990 ?

7 R. Dès 1990, les relations sont devenues un petit peu tendues, parce qu'on

8 a commencé à s'armer du côté des unités paramilitaires croates. Mais parmi

9 les gens simples, rien n'a changé dans les relations. Il n'y a pas eu de

10 tensions pour ce qui est du commun des mortels, mais dès que le HDZ ait

11 entré sur la scène politique croate, ceci a créé aussi des tensions en

12 Banija.

13 Q. Merci. A l'automne 1990, fin septembre 1990, Petrinja, l'une des

14 localités les plus importantes de Banija; qu'est-ce qu'elle vous évoque à

15 ce moment-là ?

16 R. Oui. Petrinja, c'était tout d'abord l'endroit où il y avait l'une des

17 entreprises de transformation de la viande la plus importante de Croatie,

18 Gavrilovic, c'était le moteur de la croissance économique dans cette

19 région, cette entreprise. En outre, le parti socialiste croate, qui était

20 pro-yougoslave, avait son siège à Petrinja.

21 A la fin de l'année 1990, je pense que c'était en septembre, je ne me

22 souviens pas maintenant de la date, une action très connue a été lancée, à

23 savoir les policiers croates ont décidé de prendre toutes les armes dans

24 les postes de police des localités où la majorité de la population était

25 serbe. Je pense que c'était à la fin du mois de septembre 1990, et ceci a

26 créé les premières tensions graves en Banija, et 400 personnes se sont

27 enfuies dans les casernes. Il y a eu une action menée par la police et 300

28 membres de la ZNG, armés, je ne sais pas si c'était la ZNG. D'ailleurs, on

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1 les appelait membres du MUP à l'époque. Ils sont arrivés à Petrinja. On

2 s'est mis à arrêter des gens. On a arrêté 100 personnes à cette occasion.

3 Q. Merci. Nous parlons de la fin du mois de septembre 1990. Vous venez de

4 nous répondre longuement au sujet de ces événements. D'après vous, cette

5 intervention du MUP croate à Petrinja, qu'est-ce qui l'a provoquée d'après

6 ce que vous en savez ?

7 R. C'était le désarmement des postes de police de Banija qui l'a causé

8 dans les localités où la population serbe était majoritaire, puisque la

9 population, les citoyens ont appris que sous le couvert de la nuit on

10 allait sortir des armes pour Sisak. Et Loncarevic, qui était Serbe et qui

11 était le chef de la police à Petrinja, avait été emmené dès le matin à

12 Sisak pour ne pas être présent sur place. On a tenté de transporter ces

13 armes de nuit pour Sisak.

14 Q. Mais qui a essayé de le faire ? Tout d'abord, dites-nous à qui

15 appartenaient ces armes au poste de police ?

16 R. A la police de réserve.

17 Q. Comment est-ce qu'on allait les transporter ?

18 R. C'était une camionnette avec une plaque d'immatriculation de Zagreb qui

19 a été interceptée à la sortie de Petrinja.

20 Q. Qui l'a interceptée ? Pour quelle raison ?

21 R. Ce sont les militants du Parti démocrate serbe qui l'ont fait. Je ne

22 sais pas d'où ils ont eu l'information disant que ces armes allaient être

23 transférées à Sisak, mais c'est ce qui leur a permis d'agir.

24 Q. Par la suite, qu'était advenu de ces armes ? Ils sont partis pour Sisak

25 ou non ?

26 R. Non. On a ramené ces armes et 300 policiers sont arrivés par la suite

27 de Zagreb, comme je l'ai dit, en appliquant des méthodes oustachi pour

28 dire. Ainsi, ils se mettent à fouiller des maisons, à se servir de

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1 baïonnettes pour percer des oreillers. On s'est mis à arrêter des pères

2 sous les yeux de leurs enfants. On a arrêté environ 400 personnes. Il y a

3 des gens qui ont passé jusqu'à trois mois en prison.

4 Q. Vous avez dit : des membres des unités spéciales sont arrivées et ils

5 ont appliqué des méthodes oustachi pour arrêter. Que vouliez-vous dire par

6 là ? Pourquoi avez-vous utilisé ce terme ?

7 R. Je vous ai dit c'étaient des méthodes qui ne correspondent pas à un

8 niveau de civilisation élevé. On faisait irruption dans des maisons, on

9 perçait les oreillers à l'aide de baïonnettes. Dans des meules de foin, on

10 cherchait des choses. On grimpait dans les greniers, sur les toits des

11 maisons, et on arrêtait des parents sous les yeux de leurs enfants mineurs.

12 Je ne sais pas comment vous dépeindre la situation d'une manière plus

13 éloquente.

14 Q. Y a-t-il eu une réaction suite à ces arrestations menées par la police

15 croate, des arrestations de tant de gens ?

16 R. Oui. Nous, le Parti socialiste de Croatie qui était d'une orientation

17 pro-yougoslave, nous en avons informé les dirigeants fédéraux; la

18 présidence, l'armée. Je pense que Petar Gracanin était le chef de la police

19 fédérale. Il était hospitalisé à l'académie militaire de Belgrade. Nous

20 l'avons informé de qui s'était produit à Petrinja.

21 Q. Merci. Quel a été votre objectif, pourquoi avez-vous informé les plus

22 hautes instances de l'Etat de ce problème ? Que cherchiez-vous par là ?

23 R. On demandait aux organes fédéraux de nous aider. On a compris que la

24 politique menée était devenue tellement extrémiste qu'on n'allait plus

25 pouvoir nous aider en Croatie, donc on s'est adressés aux organes fédéraux

26 pour mettre fin à un comportement contraire à la loi des unités

27 paramilitaires croates.

28 Q. Très bien. Est-ce qu'il y a eu une réaction au niveau fédéral ?

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1 R. Quelques jours plus tard, Vasil Tupurkovski, qui était un membre de la

2 présidence, est venu sur place. Avant cela, il a été voir Stipo Mesic à

3 l'aéroport de Pleso. Mesic lui a fourni des informations, suite à cela

4 Tupurkovski est venu à Petrinja. Je ne l'ai pas vu, je ne suis pas allé à

5 cette réunion. A Banski Grabovac, on avait tenu un rassemblement

6 précédemment. Il y avait une dizaine de milliers de personnes qui se sont

7 rassemblées là. Mais on n'a pas vraiment reçu de garanties de la part de M.

8 Tupurkovski non plus.

9 Q. Merci. Après les événements de Petrinja -- je me reprends, je vous

10 repose une autre question.

11 Est-ce que les médias ont parlé de ces événements de Petrinja, je parle là

12 des médias en Croatie ou ailleurs ?

13 R. La seule chose que je sais à ce sujet, c'est que les chaînes de

14 télévision ont montré, ont diffusé cette image atroce de Petrinja. Car des

15 civils, comme je vous ai dit, qui avaient peur, ont essayé de se mettre

16 dans la caserne. Plusieurs centaines de personnes ont essayé d'entrer dans

17 la caserne. Il y a eu des officiers qui ont même tenté d'empêcher ces gens

18 de s'installer dans les casernes.

19 Q. La caserne appartenant à qui ?

20 R. La caserne de la JNA à Petrinja.

21 Q. Comment s'appelait la caserne ?

22 R. Vasil Gasica [phon], je pense.

23 Q. Mais l'armée ?

24 R. L'armée populaire yougoslave.

25 Q. Il ne faut pas que nos voix se chevauchent. S'il vous plaît, attendez

26 un petit peu que j'aie posé ma question.

27 Vous dites que les civils ont tenté de se mettre à l'abri à la caserne.

28 Vous voulez dire la caserne de JNA; c'est cela que vous avez dit ?

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1 R. Oui. Je vais faire des efforts pour faire une pause.

2 Q. Ce qui se passait à Petrinja, concrètement, est-ce que ceci a un impact

3 sur la vie de la population à Banija ? Comment a réagi la population ?

4 R. Hélas, les conséquences ont été très importantes. A partir de ce jour-

5 là, on a commencé à mettre sur pied des gardes villageoises. Il y a eu des

6 gens qui se sont mis à vendre leur bétail pour se procurer une arme. On a

7 commencé à organiser ces gardes villageoises dans tous les villages serbes,

8 dans les environs de Petrinja, Sisak, Dvor Na Uni, Kostajnica, et cetera.

9 Q. Merci. Vous avez dit que la population serbe a tenté de se procurer des

10 armes, que les gens se mettaient à vendre leurs vaches pour s'acheter une

11 arme. Savez-vous ce qui en a été du côté croate ? Excusez-moi d'utiliser ce

12 terme, mais je vais quand même l'employer. Sur le plan de l'armement, que

13 pouvez-vous nous dire ?

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.

15 M. WHITING : [interprétation] Oui, ceci également, l'armement illégal des

16 Croates fait partie des sujets qui sont sur cette liste de la décision de

17 la Chambre.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic.

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'ai du mal

20 à comprendre comment peut-on soulever ce genre d'objection. Je n'aborde pas

21 un sujet abstrait; je parle de localités concrètes, de personnalités

22 concrètes, je demande au témoin si très concrètement il en a su quelque

23 chose.

24 Je ne fais pas de la politique là et je n'aborde pas de questions

25 politiques. J'essaie d'établir des faits qui concernent Kostajnica et les

26 environs. Il s'agit de questions très brèves.

27 Le témoin connaît les noms des villages, des individus, il connaît

28 cette période. S'il pouvait nous en dire quelque chose, ce serait très

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1 utile, à la Chambre et aux deux parties.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Whiting.

3 M. WHITING : [interprétation] D'après ce que j'ai compris dans la

4 décision de la Chambre, il ne s'agissait pas de limiter des sujets pour ce

5 qui est d'exclure des éléments vagues, en ne permettant que des éléments

6 qui allaient permettre "d'établir des faits." Vous n'avez pas qualifié de

7 général, particulier ou autre ce type de moyens de preuve.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, quelles sont vos

9 conclusions, que demandez-vous ?

10 M. WHITING : [interprétation] Que ceci figure sur votre liste et qu'il ne

11 faudrait pas qu'il y ait de questions posées là-dessus, à moins que vous

12 souhaitez modifier votre ordonnance.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

14 Nous faisons droit à votre objection.

15 Oui, Monsieur Milovancevic.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, mon éminent

17 confrère du bureau du Procureur n'a pas eu d'objection lorsqu'il s'agissait

18 d'une tentative des Serbes de s'armer. Cette situation devient absurde. On

19 n'a plus le droit de présenter des moyens de preuve dans cette affaire ?

20 Votre décision avait pour objectif de rationaliser la procédure, mais non

21 pas de l'empêcher. Donc de la rationaliser dans la mesure où on allait

22 éviter des redites sur des points généraux. Maintenant, nous parlons de cas

23 concrets, de lieux concrets. Nous n'en savons rien. Qui, où, comment, quoi,

24 pourquoi. Nous avons juste abordé une journée où il y a des victimes.

25 Dans l'acte d'accusation, cependant, le Procureur affirme qu'un état

26 de conflit armé a prévalu pendant toute la durée de la période couverte par

27 l'acte d'accusation.

28 Monsieur le Président, à quel moment est-ce qu'avant la fin de la

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1 procédure on peut constater qu'on a suffisamment démontré la situation ?

2 Je ne vais pas répéter dix fois les choses, mais maintenant je parle

3 de choses concrètes, d'événements concrets. Ce témoin de Kostajnica ne

4 parle pas de Zadar ou de Zagreb; il nous parle de son village, de sa

5 région. C'est pourquoi il a été cité en tant que témoin. J'essaie

6 d'expliquer cela à la Chambre. J'essaie de me faire comprendre de la part

7 de la Chambre. Je ne suis pas là pour enfreindre aux décisions de la

8 Chambre ou pour demander d'autres règles qui s'appliqueraient à la Défense

9 et qui ne s'appliquent pas à l'Accusation. Tout simplement, Monsieur le

10 Président, je me demande comment est-ce que je peux continuer d'exercer mon

11 métier, de faire mon travail ici juste qu'au bout.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, la Chambre

13 a pris une décision là-dessus. Vous devez vous contenter de présenter des

14 faits sur Kostajnica par l'intermédiaire de ce témoin, mais ne parlez pas

15 de l'armement illégal des parties, que ce soit des Croates ou des Serbes.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur le Président, je pense que l'heure est venue de faire la pause.

18 Est-ce que je pourrais reprendre après la pause ?

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.

20 Nous reprendrons les débats à 4 heures.

21 L'audience est suspendue.

22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 32.

23 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous avez la

25 parole.

26 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

27 Q. Monsieur Dobrijevic, tout au début j'ai oublié de vous poser une

28 question qui semble logique. En 1991 et en 1992, où habitiez-vous ?

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1 R. Je vivais et je travaillais à Sisak. J'étais directeur à l'entreprise

2 Autopromet Sisak. Puis la guerre est arrivée au moment où j'étais au

3 service du personnel à l'usine métallurgique de Sisak. J'y étais directeur

4 du service juridique.

5 Q. Vous dites que la guerre vous a trouvé à Sisak. Est-ce que vous y êtes

6 resté ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

7 R. Il me faudrait beaucoup de temps pour vous raconter cette histoire. Je

8 ne sais pas si les Juges de la Chambre veulent l'entendre.

9 Q. Excusez-moi. Est-ce que vous êtes parti de Sisak, si c'est le cas où

10 est-ce que vous êtes allé ? Si c'est nécessaire, je vous poserai d'autres

11 questions.

12 R. Je suis parti de Sisak le jour où mes enfants ont terminé le cours

13 préparatoire de l'école élémentaire, le 15 juin 1991. Nous sommes allés à

14 Belgrade. Je suis revenu plus tard à Banija parce que mon village natal se

15 trouve à 15 kilomètres de Sisak, dans ce qu'on appelle la partie serbe de

16 la Banija.

17 Q. Merci. Vous dites que vous êtes parti de Sisak le 15 juin 1991, est-ce

18 qu'il y avait une raison à votre départ ?

19 R. Etant donné que j'étais membre du Mouvement SK en faveur de la

20 Yougoslavie, c'était un parti politique dans lequel il y avait beaucoup

21 d'officiers et militaires. Puis-je dire que le Parti socialiste de Croatie,

22 c'est lui qui avait des tendances pro-yougoslaves dont j'ai déjà parlé. Il

23 s'est fusionné avec la SK parce que ce fut là une dernière tentative en vue

24 de préserver la Yougoslavie. Nous étions beaucoup plus menacés en Croatie,

25 nous qui prenions des orientations pro-yougoslaves. Nous étions bien plus

26 en danger que ceux qui étaient favorables à des idées qui finalement sont

27 sortis victorieux de cette époque.

28 Si vous le permettez, je vais vous dire une chose : le premier engin

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1 explosif a été posé dans les locaux du mouvement SK pour la Yougoslavie qui

2 avait à sa tête Jakolic, une Croate. Le parti avait son bureau central à

3 Zagreb.

4 Q. Je ne veux pas interpréter vos réponses. Je vais vous demander une fois

5 de plus quelle fut la raison qui vous a poussé à quitter Sisak ?

6 R. J'avais peur d'être liquidé, d'être assassiné. Me Silvije Degen m'a

7 défendu devant un tribunal à Sisak parce qu'on m'avait accusé d'avoir

8 organisé des rassemblements du SK, de ce qu'on appelle la Ligue des

9 Communistes et aussi du mouvement SK pour la Yougoslavie. C'est un fait

10 bien connu. Vous pouvez faire des recherches dans les archives à ce propos.

11 Q. Nous allons maintenant passer à un autre sujet.

12 M. WHITING : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre. Je

13 m'interroge -- est-ce qu'on pourrait demander au témoin quand il est revenu

14 de Belgrade à Banija, ceci nous permettrait de mieux suivre sa déposition.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est une requête qui vous est

16 adressée, Maître Milovancevic. Est-ce que vous pourriez poser la question ?

17 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui, c'est tout à fait logique.

18 Q. Vous avez dit, Monsieur Dobrijevic, qu'après la fin de l'année

19 scolaire, vous aviez emmené vos enfants à Belgrade. Quand êtes-vous

20 revenu ?

21 R. Je suis revenu à Samarica le 1er août. C'est là que j'ai essayé

22 d'organiser la Défense territoriale des villages serbes qui avaient été

23 gardés à l'écart de la municipalité de Sisak et qui ont été rattachés à la

24 République de la Krajina serbe.

25 Q. C'est au cours de quelle année tout cela ?

26 R. En 1991.

27 Q. Merci. Quand on parle de Kostajnica en 1991, à votre avis quels sont

28 les événements les plus saillants de cette année 1991 ?

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1 R. Kostajnica, c'est un lieu géographique des plus intéressants dans le

2 cadre de la Banija. En effet, aucune des municipalités serbes n'avait

3 d'accès à la Bosnie pour se ravitailler, à l'exception de Kostajnica et de

4 Dvor Na Uni. Mais Kostajnica est très près des municipalités dont je parle,

5 et Dvor Na Uni se trouve 100 kilomètres plus loin. Cela passe par une zone

6 boisée qu'on appelle Samarica. Le 26 juin 1991, lorsque les paramilitaires

7 ont organisé une incursion, tout ce territoire a été coupé de tout

8 ravitaillement, tout à fait isolé et dans l'impossibilité de se procurer

9 l'approvisionnement nécessaire à la population de cette partie de la

10 Banija.

11 Q. Merci. Lorsque vous dites que : "Vous avez été coupé et isolé," est-ce

12 que vous pourriez préciser votre propos, quelle fut la partie qui a été

13 isolée ? Quels sont les villages, les municipalités qui furent isolés ?

14 R. Je pense qu'il serait utile aux Juges de savoir que la ligne de

15 démarcation suivait le cours des rivières Sava et Kupa. Tout ce qui était

16 sur la rive droite de la rivière Kupa, mais Kostajnica se trouve sur la

17 rivière Una, et il n'était plus possible de traverser ces rivières, mis à

18 part Kostajnica et Dvor Na Uni. Cela veut dire qu'il n'était plus possible

19 d'obtenir des ravitaillements pour la population de la Bosnie et de la

20 Yougoslavie mis à part ces deux endroits-là.

21 Q. Merci.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais signaler la page d'atlas

23 concernée aux Juges. Page 21 de l'atlas, Madame et Messieurs les Juges.

24 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que Kostajnica est limitrophe avec la

25 Bosnie; est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. La localité la plus grande de la région, c'est Sisak ?

28 R. Oui, c'est le centre de la région.

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1 Q. Si nous regardons cette carte près de Sisak, au sud de Sisak on trouve

2 la municipalité de Petrinja, et il y a une route qui va de Sisak à

3 Petrinja, et une autre qui va à Dubica.

4 Vous dites que des villes et des villages auraient été coupés.

5 Pourriez-vous nous dire quelle est cette région qui a été coupée suite à

6 l'incursion de paramilitaires croates dans la région de Banija ?

7 R. Mis à part les localités qui se trouvaient de l'autre côté de la Sava,

8 Sunja était contrôlée par les forces croates, et on ne pouvait pas aller à

9 Dubica en passant par la route Sisak-Sunja-Dubica. Cette route avait été

10 coupée.

11 Ce que je veux dire c'est que de Banija vers la Bosnie et la

12 Yougoslavie, on ne pouvait passer que par Dvor ou Kostajnica, mais Dvor

13 était à 100 kilomètres de là, et il fallait passer par cette zone très

14 boisée de Samarica. Il était le plus logique et le plus facile de passer

15 par Kostajnica. C'est la raison pour laquelle les paramilitaires croates

16 ont fait des incursions sur Kostajnica. Le président Tudjman s'était rendu

17 en visite à Kostajnica trois jours avant l'incursion pour s'assurer que les

18 Serbes de la Banija se trouveraient isolés et dans l'impossibilité de se

19 ravitailler.

20 Q. Merci. Vous avez parlé de l'arrivée de forces paramilitaires croates

21 dans Kostajnica le 26 juin 1991. Dans quelles circonstances est-ce que ceci

22 s'est passé ?

23 R. Les forces croates pouvaient passer par de tels territoires aussi

24 étendus qui étaient contrôlés par les Serbes sans aucun problème. C'est là

25 la preuve que les Serbes ne voulaient pas faire la guerre et n'y étaient

26 pas prêts non plus, parce que des forces venant de Zagreb sont passées par

27 la route de Sisak-Sunja-Kostajnica, aussi par la route de Petrinja, et ce

28 sont les deux voies qu'ils ont utilisé pour entrer dans Kostajnica

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1 prétendument, parce qu'ils voulaient assister aux funérailles d'un homme

2 qui avait trouvé la mort à Zagreb. Mais c'était une colonne assez douteuse

3 parce que les véhicules avaient des plaques d'immatriculation différentes.

4 On voyait des plaques de partout en Croatie. Les gens qui ont suivi tout

5 ceci ont compris qu'en fait, c'était là une occupation de Kostajnica. Cela

6 s'est fait pratiquement d'un jour à l'autre, parce qu'au cours de la nuit

7 sont arrivées des renforts, des hommes en tenues paramilitaires venant de

8 Zagreb. Et dès le matin, on a commencé à avoir un raid à Kostajnica.

9 Des postes de contrôle ont été érigés dans tout Kostajnica et il

10 fallait les franchir. Il était impossible qu'un véhicule franchisse un de

11 ces points sans être fouillé et contrôlé. Ces contrôles se répétaient des

12 milliers de fois. C'est à ce moment-là que les Serbes ont commencé à

13 quitter Kostajnica.

14 Q. Merci. Tout ceci s'est passé le 26 juin 1991. Saviez-vous combien

15 d'hommes sont venus de cette façon à Kostajnica ?

16 R. On a estimé qu'environ 300 policiers sont arrivés, c'étaient des

17 membres de cette para-armée. C'était encore une armée paramilitaire croate

18 à l'époque, mais pendant les trois mois qui s'en sont suivis, lorsque

19 Kostajnica a été libérée, il y avait environ 600 soldats croates. Mais il y

20 avait un autre accès à Kostajnica qui a été utilisé, c'est en passant par

21 Novska, Sukri Kamen [phon], de Jasenovac en longeant la rivière Una, et

22 c'est l'itinéraire qui a été utilisé aussi par ces effectifs pour se

23 replier en passant par Novska, puis après vers Zagreb, après la libération

24 de Kostajnica.

25 Q. Comment les événements ont-ils évolué ? Après, vous avez dit que 300

26 hommes étaient d'abord arrivés. Est-ce qu'il y a quelque chose qui s'est

27 passé en juillet ?

28 R. Oui, il y a eu des incursions, des raids, et je vais essayer de me

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1 limiter à l'essentiel. Ces effectifs sont restés à Kostajnica pendant trois

2 mois. Les Serbes ont établi une Défense territoriale. C'était Branko

3 Mitrovic qui était responsable de l'état-major. Il était aussi le chef de

4 la municipalité, après le remplacement de Miocevic, et son siège se

5 trouvait dans le village de Komogovina, environ 10 kilomètres de là. C'est

6 à la sortie de Kostajnica, à Banija. C'est ainsi que ces forces sont

7 restées à Kostajnica pendant trois mois.

8 Q. Merci. Cette réponse est suffisante. Glinska Greda, Trnjani, Cakale,

9 Bestrma, est-ce que ces noms vous disent quelque chose ? Est-ce que ces

10 noms de villages vous disent quelque chose ?

11 R. Il nous a fallu défendre Kostajnica. Kostajnica a été libérée, mais je

12 voudrais pouvoir m'étendre sur ce sujet.

13 Q. Un instant, s'il vous plaît. Nous allons revenir à la question de la

14 libération de Kostajnica, mais pour le moment nous suivons la séquence des

15 événements. C'est ce que j'essaie d'établir, la chronologie des événements.

16 Nous parlons maintenant du 21, du 22 août 1991. Essayez d'être le

17 plus concis possible. Pourquoi ces jours-là sont-ils importants ?

18 R. C'est difficile d'être bref pour vous parler de tout cela, parce qu'il

19 s'agit ici d'un crime sanglant commis dans la Banija, en effet les 21 et 22

20 août. Il y a eu une orgie sanglante dans ces villes et dans mon village de

21 Bestrma, je vous ai dit que c'était mon village natal, et dans plusieurs

22 villages voisins.

23 Je n'en ai pas parlé auparavant parce que le Procureur ne m'a pas

24 autorisé à parler de l'armement, mais je dirais que le 10 avril 1991, 120

25 volontaires qui venaient surtout d'Argentine sont arrivés à Sisak. Il

26 s'agissait de descendants des anciens oustachi qui avaient pris la fuite

27 dans les pays d'Amérique latine.

28 A cette époque-là, dans la cour des bureaux de l'administration de la

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1 police, cour qui est adjacente à celle du bâtiment du tribunal où je

2 travaillais à Sisak, il y avait plusieurs véhicules qui ont été transformés

3 en véhicules blindés destinés à attaquer ces villages. Je pense que cette

4 question est importante.

5 Q. Merci, merci. Parlez-nous rapidement de ces jours-là. Qu'est-ce qui

6 s'est passé le 21 et le 22 août ? Qu'est-ce qui est arrivé ? Qu'est-ce qui

7 s'est passé ?

8 R. A l'aube, venant du village du Komarevo, de cette région-là, village

9 qui est contigu à mon village natal de Bestrma, et c'était un haut lieu des

10 Oustachi pendant la Deuxième Guerre mondiale, effectivement, ils ont dit

11 que Sisak avait défendu l'Europe pendant cette guerre, et c'est de là

12 qu'ils sont venus, ces hommes, en colonne. Ils étaient en uniforme de

13 l'armée yougoslave. Ils sont descendus sur le village de Madzari, vers un

14 carrefour. Il y a une route qui va vers mon village de Bestrma. Il y a

15 aussi le village de Kinjacka et de Brdjani. Cela c'est une première

16 colonne.

17 Il y avait la deuxième colonne, un deuxième convoi qui venait du

18 village de Trnjani ou plutôt du village de Madzari et on va jusqu'à

19 Trnjani, Cakale, Velika Kinjacka, se rencontre ces deux colonnes, et en

20 traversant ces villages, elles se sont livrées à une orgie de sang.

21 Quand ils sont entrés à Glinska Greda, ils ont fait sortir la population de

22 leur maison. Ils étaient en uniforme de l'armée yougoslave. Les gens se

23 sont mis à sortir de chez eux et ils ont été abattus par des rafales de

24 mitraillettes. On a tué notamment Misa Vucinic, Ratko Djekic, qui était un

25 retraité, on a tué Kragulj, je ne me souviens pas de son prénom. C'était le

26 seul homme à être armé parce qu'il était sentinelle dans la garde

27 villageoise, c'était le seul qui avait une arme. Je ne me souviens pas du

28 quatrième homme qui a été tué.

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1 Mais quand même, j'ai apporté dans cet auguste Tribunal, une liste des 611

2 personnes tuées à Sisak, et j'espère que vous me donnerez l'autorisation

3 d'en parler plus tard parce que tout ceci peut être vérifié, on peut voir

4 de la main de qui ces personnes ont trouvé la mort.

5 Donc, je vous dis que cette colonne a poursuivi son chemin est entré dans

6 mon village de Bestrma, Dragan Biskupovic, un musicien bien connu, a été

7 tué dans sa cour. Sinon, il était chauffeur aux laminoirs de Sisak. Je le

8 dis parce que le criminel qui l'a tué l'a aussi castré, émasculé parce

9 qu'ils ont reconnu cet homme. C'était un homme vraiment exceptionnellement

10 bon. Je ne sais si je peux dire cela d'un homme, mais plus tard, sa femme a

11 été tuée ici. Je voudrais que son fils vienne témoigner ici.

12 Nedeljko Cajic, le père de deux jeunes enfants, a été tué. A ce moment-là,

13 la colonne a déjà dépassé notre village, va vers le village Blinksi [phon],

14 en passant par cette route, va vers le village de Mala Kinjacka.

15 La deuxième partie de la colonne entre dans le village de Trnjani et tue

16 Dragan, je pense qu'il s'appelait Tatisic, ils tuent une jeune gamine, je

17 ne me souviens de son nom. Vous voyez comment les choses sont. Mais quand

18 je dis jeune fille, elle avait 18 ans, elle s'appelait Zeljka. Je ne me

19 souviens pas de son nom de famille.

20 Q. Est-ce que c'est peut-être Zeljka Vojinovic ?

21 R. Oui. Elle était à la fenêtre de sa maison, elle a été tuée par un

22 voisin du village de Madzari qui faisait partie de la colonne.

23 Dans le village de Cakale, ils ont tué Lazar Stanic, un parlementaire bien

24 connu, lui aussi, de l'assemblée municipale de Sisak, président de la

25 communauté locale et qui était président du village, et en tant que cela,

26 il a essayé de rencontrer cette colonne pensant que c'était l'armée

27 yougoslave.

28 Dans le village de Kinjacka, Velika Kinjacka, Dragan Bekic, Misa

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1 Vucinic [phon] ont été tués sur la route. Leposava Pajic a été blessé et

2 Dragica Trlenica [phon] aussi. Au bout du village de Kinjacka, ils ont tué

3 Ranko Martinovic qui était le seul à être armé. Il avait un fusil de chasse

4 parce qu'il était dehors, l'arme pointée déjà à ce moment-là. Une fois

5 qu'il y a eu fusion de ces colonnes, elles ont poursuivi leur chemin vers

6 Sunja en passant vers le village Brdjani.

7 A l'aube, il a commencé à faire clair, les sentinelles locales se

8 sont rassemblées et ont essayé de dresser un barrage près du village de

9 Brdjani.

10 Il y a eu une escarmouche entre les paramilitaires croates et la garde

11 villageoise, quatre ou cinq Croates ont été tués. Il y a désormais un

12 monument érigé à la mémoire de ces paramilitaires qui avaient décidé de se

13 livrer à cette orgie sanglante. Après cela, effectivement, je pense que

14 ceci marque le début de la guerre, parce qu'après cela, plus rien n'a été

15 pareil dans Banija.

16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je pense que le témoin doit

17 ralentir, doit parfois respirer. Cela lui fera du bien. Calmez-vous un peu,

18 Monsieur.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

20 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Afin que nous restions avec lui

21 dans sa déposition.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Manifestement le

23 témoin est en émoi, il s'émeut en parlant, c'est pour cela que je ne l'ai

24 pas interrompu. Si je ne l'ai pas interrompu c'est parce qu'il animait ce

25 qui s'est produit la raison pour laquelle la guerre a éclaté, c'est comme

26 cela que cela s'est passé.

27 Q. Donc, c'est ceci qui s'est passé les 21, 22 août 1991, si je me

28 souviens bien ?

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1 R. Oui. C'est exact.

2 Q. Quand -- pourquoi a-t-on essayé de libérer Kostajnica ? Vous dites

3 qu'il y a eu libération de Kostajnica. Mais dites-moi d'abord, pourquoi

4 cela s'est fait et quand cela s'est passé ?

5 R. Je vous l'ai déjà dit. Les forces paramilitaires de Croatie sont

6 restées trois mois à Kostajnica. Mais dans l'intervalle, plusieurs

7 incidents sont survenus parce que ces unités de Kostajnica ont attaqué nos

8 gardes territoriales. Par exemple, Bogdan Sarengaca, un jeune homme du

9 village de Velasnja [phon] a été tué, il était le seul fils, le seul enfant

10 de cette famille. Quelqu'un d'autre a été tué, un autre jeune homme, je ne

11 me souviens plus de son nom. Il était originaire d'un village voisin. Peut-

12 être qu'il s'appelait Rokvic, mais je n'en suis pas sûr. Quoi qu'il en

13 soit, ces deux jeunes hommes ont été tués. Il s'en est suivi une situation

14 tout à fait difficile, et on a décidé qu'il fallait libérer Kostajnica.

15 Q. Un instant, excusez-moi. Qui a décidé qu'il fallait libérer

16 Kostajnica ? Quelle force devait-on utiliser pour le faire ? Pour parler de

17 la libération de Kostajnica, qui s'en est chargé ?

18 R. A l'exception de la Défense territoriale qui se composait des habitants

19 des villes et de la campagne de la région, qui était organisée, je pense

20 que la personne la plus renommée, était pratiquement le chef du village.

21 C'est ce que nous avions à Banija.

22 En ce qui concerne Kostajnica, Branko Mitrovic était le président de

23 la municipalité et le chef de la Défense territoriale. J'étais un des

24 adjoints de l'état-major de mon unité.Mon unité se trouvait sur un

25 territoire près de Sisak, Sas, Zivaja, Kostajnica, Bacin, Banija formait un

26 triangle, et cela formait un territoire à partir de Novska. Mais la

27 décision principale a été adoptée par la Défense territoriale, plutôt par

28 son état-major, l'état-major de la Défense territoriale de Kostajnica.

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1 Cette ville a été libérée uniquement par sa population, par ses

2 habitants, sans l'aide de la police, sans l'aide d'une Défense territoriale

3 qui serait venue d'ailleurs. Il y avait une vingtaine de jeunes hommes de

4 mon unité qui les ont aidés, et un de ces combattants de la Défense

5 territoriale de la municipalité de Sisak a été tué.

6 Q. Merci. Vous avez dit que l'unité de la Défense territoriale avait à sa

7 tête le président de la municipalité Branko Mitrovic. Une question à ce

8 propos. Vous avez dit qu'après la première élection multipartite, c'était

9 un Croate qui était le maire de Kostajnica ?

10 R. Exact. C'est M. Miocevic, il est resté maire jusqu'au moment où il a

11 proposé qu'une partie du budget de la municipalité soit réservé à

12 l'armement des forces paramilitaires croates. C'est à ce moment-là que M.

13 Miocevic a été démis de ses fonctions ?

14 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je

15 ne m'étais pas rendu compte que vous étiez en train de vous consulter.

16 Q. Je vais reposer la question, Monsieur le Témoin. Vous avez dit que M.

17 Miocevic était membre de l'assemblée municipale, mais aussi maire de la

18 ville. Il avait été remplacé quand ? Quand l'a-t-il été et pourquoi ?

19 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais je sais qu'il a été

20 remplacé parce que et uniquement parce qu'il avait proposé qu'une partie du

21 budget municipal de Kostajnica soit réservée ou affectée au budget

22 militaire de la République de Croatie.

23 Q. Est-ce que cela veut dire que d'autres membres de l'assemblée n'avaient

24 pas accepté ou est-ce qu'il y a d'autres raisons ?

25 R. Oui, tout à fait. Ils n'avaient pas accepté la chose. Etant donné que

26 le Parti de Racan avait gagné les élections et qu'il a rejoint les rangs de

27 Franjo Tudjman, peut-être qu'il a rejoint la politique suivie par Franjo

28 Tudjman, et ceci est corroboré par de nombreux documents, puisqu'à l'époque

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1 il était vice-premier ministre.

2 A l'époque, les membres de l'assemblée municipale ont commencé à faire

3 défection, à partir vers le SDS, vers le Parti démocratique serbe, et les

4 conseillers qui étaient au SDP, eux, ont commencé à partir vers le SDS.

5 Q. Si j'en conclus, tout ce que vous avez dit, le président de la

6 municipalité en 1991 était bel et bien Branko Mitrovic pendant les conflits

7 dont vous nous avez parlé, n'est-ce pas, des escarmouches ?

8 R. Oui.

9 Q. C'est ce qu'il a dit ?

10 R. Oui.

11 Q. Mais pourriez-vous nous dire de la Défense territoriale de Kostajnica,

12 quand ils sont rentrés dans Kostajnica ? Y a-t-il eu des combats, et

13 pourriez-vous nous dire combien de paramilitaires croates se trouvaient à

14 Kostajnica ?

15 R. Il y avait environ 600 paramilitaires croates dans Kostajnica à

16 l'époque. Mais Kostajnica était difficile à défendre; c'est entouré de

17 population serbe, partout, tout autour, et la ligne principale était la

18 rivière Una, il y avait aussi un pont allant à Bosanska Kostajnica. Alors,

19 je pense que le combat a commencé le 26 septembre. Il a duré 15 jours.

20 Côté serbe, il y a eu six à sept victimes, si je me souviens bien.

21 Les Croates, eux, ont subi moins de pertes parce que la plupart des

22 combattants croates se sont rendus à Bosanska Kostajnica, et se sont rendus

23 devant l'armée de Yougoslavie, et 60 à 80 membres des paramilitaires

24 croates se sont rendus à la Défense territoriale sur une colline que l'on

25 appelle Djed, juste au sud de Kostajnica.

26 Il y avait des personnes qui venaient du corps forestier de Zagreb,

27 des personnes qui venaient aussi de la télévision de Zagreb. J'ai

28 d'ailleurs des vidéos qui montrent comment, parmi les militaires croates

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1 qui avaient été capturés, ont été traités. Ils n'ont pas été maltraités

2 d'ailleurs après leur capture. On n'a pas touché à un seul cheveu de leurs

3 têtes. Cela se voit très, très bien sur le clip vidéo puisqu'on les voit en

4 train de fumer et allonger, et en train de se reposer.

5 Q. Très bien. Vous dites que Kostajnica a été libérée par les unités de la

6 Défense territoriale. Vous avez décrit cette libération. Vous nous dites

7 qu'il était sous le commandement de Branko Mitrovic, qui était le président

8 de la municipalité. Pouvez-vous nous dire quelle était la composition

9 ethnique de la Défense territoriale de Kostajnica ?

10 R. Je vous remercie de cette question. Donc, 111 membres de la Défense

11 territoriale étaient Croates. Donc, il y avait 111 des combattants de la

12 Défense territoire qui libéraient Kostajnica étaient des Croates.

13 Q. Très bien.

14 R. Mais puis-je poursuivre ?

15 Lors des élections de 1993, les premières élections multipartites qui

16 ont eu lieu dans la République de la RSK, 1 200 Croates à Kostajnica ont

17 voté, ce qui signifie qu'ils devaient être au moins plus de 2 000 si on

18 prend en compte les mineurs qui n'avaient pas le droit de vote à l'époque,

19 ce qui montre bien que les Croates n'ont pas été chassés de Kostajnica. Au

20 contraire. La plupart de la population croate de Kostajnica est restée sur

21 place.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je commence à ne plus m'y retrouver.

23 Je pensais qu'on parlait de la composition ethnique de la Défense

24 territoriale de Kostajnica. Donc, il n'y avait que ces 111 combattants

25 croates et rien d'autre ? C'était l'ensemble des forces de la TO ? Puis

26 maintenant, vous nous parlez d'élections et de personnes qui se rendent aux

27 urnes. Il conviendrait de prendre les choses une à la fois.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je vais essayer de

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1 tirer les choses au clair.

2 Q. Savez-vous, Monsieur le Témoin, de combien de membres était composée la

3 Défense territoriale de Kostajnica ?

4 R. Environ 500, 500 à 600 personnes. Je pensais qu'ils étaient plus

5 nombreux à Kostajnica.

6 Q. Merci. Vous nous avez parlé de 111 membres de la TO de Kostajnica dont

7 vous nous avez précisé qu'ils étaient Croates. Est-ce que cela signifie que

8 sur les 500 à 600 personnes, il y avait 111 Croates; c'est bien cela ?

9 R. Oui, tout à fait. C'est tout à fait cela. Au sein de l'Unité de la

10 Défense territoriale de Kostajnica qui libérait justement Kostajnica, il y

11 avait 111 combattants qui étaient Croates. Donc, bien sûr, la Défense

12 territoriale était composée des habitants de Kostajnica et des villages

13 environnants.

14 Q. Merci.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez nous dire quelle était

16 l'appartenance ethnique de ceux qui n'étaient pas Croates au sein de la

17 Défense territoriale, parce qu'on ne sait toujours pas de quoi était

18 composée cette Défense territoriale en matière d'appartenance ethnique ?

19 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

20 Q. Pouvez-vous répondre à la question ?

21 R. Oui, oui, c'est simple. La plupart d'entre eux, la plupart des autres

22 étaient Serbes. Il y avait un nombre minime d'autres appartenances

23 ethniques; il y avait des Musulmans, il y avait aussi des personnes qui

24 n'avaient fait aucune référence à leur appartenance ethnique. Mais la

25 plupart des membres de la TO étaient des Serbes, puisque Kostajnica était

26 un village principalement serbe.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 Maître Milovancevic.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

2 Q. Vous nous avez parlé du conflit à Kostajnica et vous avez dit qu'il

3 avait eu lieu à la fin de septembre 1991. Vous avez dit que c'était ce dont

4 vous vous souveniez. Si je vous parle du 11 ou du 12 septembre 1991, est-ce

5 que cela rafraîchit un peu votre mémoire, cela vous permet de retrouver la

6 date ? Je vous pose une question très directe, mais nous avons beaucoup

7 d'informations à propos d'une bataille qui aurait eu lieu le 12 ou le 13

8 septembre. Donc, on ne voudrait pas qu'il sorte de cette audience l'idée

9 qu'il y ait deux batailles l'une après l'autre.

10 R. Je suis désolé, parce que beaucoup de temps s'est écoulé, et j'ai du

11 mal à me souvenir de la date. Donc, je vous demande de m'excuser pour mon

12 manque de précision.

13 Q. Bien. Vous avez dit que vous avez capturé un certain nombre de troupes

14 croates à Kostajnica. Ont-ils tous été capturés ou y en a-t-il qui ont

15 quitté Kostajnica ?

16 R. Certains ont quitté Kostajnica dans la direction de Novska par Bacin,

17 et d'autres se sont rendues en Bosnie, en République en Bosnie. Parce qu'il

18 y avait une unité de l'armée régulière de Yougoslavie qui était cantonnée

19 là-bas.

20 Q. Merci. Au moment du conflit, juste après, que s'est-il passé en ce qui

21 concerne la population de Kostajnica ?

22 R. La plupart des habitants de Kostajnica sont rentrés à Kostajnica, ce

23 qui était normal. Certains Croates, des habitants croates ont quitté

24 Kostajnica avec les paramilitaires croates, mais la plupart des habitants

25 de Kostajnica y sont restés. D'ailleurs, ceci est corroboré par le fait que

26 lors des élections qui ont eu lieu par la suite en RSK, plus de 1 200

27 Croates qui avaient le droit de vote se sont rendus aux urnes.

28 Q. Merci. Vous dites que les combats à Kostajnica ont duré une journée.

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1 Que s'est-il passé pour Bacin, Dubica et Cerovljani ?

2 R. Ce sont des villages qui sont sur l'axe Kostajnica-Novska, le long de

3 la Una, dans ce que j'ai appelé le triangle de Banija.

4 Si je me souviens bien, du moins à ma connaissance, certains groupes

5 de paramilitaires croates se trouvaient là, et deux à trois jours après la

6 libération de Kostajnica, une opération pour libérer le reste des villages

7 situés le long de cet axe a été entreprise. Il s'agit de l'axe qui va vers

8 Novska et qui passe pas les villages de Bacin et les autres dont j'ai

9 parlé.

10 Q. Merci. Savez-vous que deux à trois jours après la libération de

11 Kostajnica, savez-vous s'il y a eu des escarmouches dans les environs, ou

12 des combats ?

13 R. Bien sûr, il y a eu des combats et des escarmouches dans ces villages,

14 parce qu'il y avait encore des groupes de paramilitaires croates qui

15 s'étaient repliés là.

16 Q. Très bien. Après que les forces de la TO sont entrées dans Kostajnica,

17 Bacin, Dubica et Cerovljani, qu'est-il arrivé à ces villages ? Les troupes

18 de la Défense territoriale sont-elles restées dans tous ces villages, ont-

19 ils avancé plus loin ?

20 R. La ligne de séparation entre la RSK et la Croatie était extrêmement

21 longue. C'est une ligne aussi qui n'est pas très naturelle parce qu'elle

22 est très sinueuse. Il fallait, bien sûr, assurer la sécurité de cette

23 ligne. Les combattants qui avaient libéré Kostajnica et les autres villages

24 se sont postés le long de la ligne de séparation pour éviter que les

25 paramilitaires croates ne repassent la ligne et ne reprennent la zone.

26 Q. Pourriez-vous brièvement nous dire par où passait cette ligne de

27 séparation ?

28 R. Je ne peux pas vraiment être très précis. Il me faudrait une carte.

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1 Vraiment, sans carte je pense que je ne peux pas vous être très utile.

2 Q. Mais on a quand même parlé des grands villages, Sisak, Petrinja,

3 Kostajnica. Vous nous avez parlé de Sunja aussi. Pour ce qui est de ces

4 villages, pourriez-vous nous dire où se trouvait la ligne de séparation ?

5 Vous avez parlé de Dubica, d'ailleurs.

6 R. De Sunja à Dubica, ensuite vers Novska, vous avez là la ligne de

7 séparation qui était tenue par la Défense territoriale de Kostajnica sur la

8 ligne qui séparait la RSK de la République de Croatie.

9 Q. Merci. De Sunja à Dubica, ensuite vers Novska, voici, d'après vous, la

10 ligne de séparation, n'est-ce pas ?

11 Quand vous nous dites "ligne de séparation," qu'avez-vous vraiment en

12 tête ? Pouvez-vous nous dire ce qu'elle sépare ?

13 R. Cela signifie qu'on avait creusé des tranchées, qu'on avait des

14 sentinelles qui montaient la garde à tour de rôle. La population ainsi

15 était protégée de toute incursion éventuelle d'une unité qui viendrait de

16 notre côté. Les Croates avaient exactement la même ligne de l'autre côté.

17 Tout allait très bien quand on avait une frontière naturelle, comme

18 la rivière Save ou la rivière Una. En revanche, quand il n'y avait pas de

19 frontière vraiment naturelle, la ligne de séparation là passait par des

20 forêts, par des prés, par des champs, et elle était très, très difficile,

21 bien sûr, à sécuriser.

22 Q. Si sur la base de votre réponse j'en concluais qu'il s'agissait d'une

23 ligne de front, est-ce que j'aurais raison ?

24 R. Oui, vous auriez raison.

25 Q. J'ai une carte sous les yeux à la page 21. Pourriez-vous nous dire

26 quelle est la distance entre Sunja et Dubica ?

27 R. Trente à 35 kilomètres.

28 Q. Cette ligne coïncidait avec la ligne de front ?

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1 R. Oui, mais la ligne de front était beaucoup plus longue, comme je vous

2 l'ai dit. Ce n'était pas une ligne droite; c'était une ligne qui empruntait

3 parfois des routes, parfois des frontières vraiment naturelles, des

4 barrières naturelles quand le terrain s'y prêtait.

5 Q. Merci. Vous nous avez dit que les forces de la TO de Kostajnica, après

6 être rentrées dans Kostajnica, Dubica, Bacin, et cetera, ont tenu la ligne

7 de front. Savez-vous qu'après tout ceci, aux environs de la mi-septembre

8 1991, savez-vous s'il y avait eu le moindre conflit ou escarmouche le long

9 de la ligne de front ?

10 R. Il y en avait tous les jours, c'était quotidien, des conflits de toutes

11 sortes d'intensités.

12 Q. Merci.

13 M. WHITING : [interprétation] Je suis désolé. J'aimerais savoir exactement

14 où va nous mener ces questions qui nous sont posées. J'aimerais savoir

15 exactement où se trouvait le témoin à l'époque, j'aimerais savoir

16 exactement comment il a eu connaissance de tout cela. Je pense que tout

17 ceci n'a pas été clairement établi au début de l'interrogatoire principal.

18 Je pense qu'on a dit qu'il était près de Sisak, mais je n'en suis même pas

19 sûr.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Milovancevic, qu'avez-vous à

21 dire ?

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je remercie mon éminent collègue, M.

23 Whiting, d'avoir fait cette remarque si pertinente.

24 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez donné énormément de détails à propos

25 de toute cette géographie. Comment saviez-vous tout cela ? Où vous

26 trouviez-vous à l'époque ?

27 R. Monsieur le Procureur, je crois que c'est facile à comprendre. De Sas,

28 Zivaja, Crkveni Bok, Livanski Bok, Strmen, tout cela, ce sont des villages

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1 dont on parle. Avant la guerre, ces villages faisaient partie de la

2 municipalité de Sisak. Nous étions juste à la frontière de la municipalité

3 de Kostajnica, au village de Mala Gradusa. Nous avons mis en place une

4 nouvelle municipalité qui comprenait les 23 villages serbes de l'ancienne

5 municipalité de Sisak, qui se trouvaient du bon côté de la frontière de

6 RSK. J'étais l'un des fondateurs d'ailleurs de cette municipalité. Ensuite,

7 j'étais vice commandant de la Défense territoriale de la zone, de cette

8 zone-là. Nous étions juste à côté de Kostajnica, donc notre territoire

9 était contigu à Kostajnica. Nous lancions des actions combinées, nous

10 avions des accords. C'était la seule ville dans un rayon de 15 kilomètres

11 depuis mon QG.

12 De plus, le commandant de la Défense territoriale de la ville à

13 l'époque était un jeune homme de Kostajnica. Je vous ai dit que 21 ou 22

14 combattants de ma propre unité ont participé à la libération de Kostajnica.

15 Donc, j'étais là, j'étais présent ou toujours tenu informé de ce qui se

16 passait.

17 Q. Merci. Que s'est-il passé à Kostajnica après que les unités de la

18 Défense territoriale de Kostajnica soient rentrées en ville ? Que s'est-il

19 passé dans cette ville en ce qui concerne les autorités, l'administration

20 et cetera, et la population de cette zone ?

21 R. Quand je parle de la libération de Kostajnica, ce n'était pas le bon

22 terme à employer, parce qu'on s'est retrouvés avec exactement les mêmes

23 personnes que ceux que l'on avait avant l'occupation de Kostajnica.

24 Quant à cette portion de triangle de la Banija, il n'y avait pas un

25 seul commissariat. On a essayé d'en mettre sur pied, de créer des organes

26 d'autorité, parce que le gouvernement ne pouvait pas fonctionner

27 correctement. Il y avait des maisons qui avaient sauté, qui avaient été

28 démolies. Vous savez, j'imagine ce que cela veut dire quand on entre dans

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1 une nouvelle zone. Même si les autorités ont était déjà élues, il faut

2 quand même un petit moment, une période de transition avant que

3 l'administration ne reprenne sur des bases normales.

4 Q. Très bien. Pour ce qui est de l'attitude des autorités par rapport à la

5 population locale, pouvez-vous nous dire exactement comment elles se

6 comportaient ?

7 R. Le fait même qu'un très grand nombre de Croates soient restés à

8 Kostajnica montre bien que l'administration locale était tout à fait

9 correcte vis-à-vis d'eux. Il y a eu quand même d'autres facteurs assez

10 perturbants qui émergeaient. Il y a eu certains groupes qui ont émergé et

11 que je n'appellerais même pas des unités paramilitaires. C'étaient des

12 espèces de houligans autonomes, dans toutes sortes d'uniformes, qui ont

13 essayé de mettre en place leur propre gouvernement, leur propre autorité,

14 leur propre police et cetera, ici ou là. Mais je tiens à dire très

15 expressément que le stress n'avait absolument rien à voir avec l'autorité

16 locale qui régnait à Kostajnica.

17 Ce n'était pas uniquement à Kostajnica. Cela se passait dans toute la

18 Krajina. Mais ici, je ne suis là que pour déposer à propos de la Banija.

19 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait eu ces groupes qui étaient apparus et

20 qui avaient essayé d'organiser un peu les choses, et vous nous dites qu'ils

21 ne dépendaient pas des autorités. Pouvez-vous nous dire exactement qui

22 étaient ces personnes, ce qu'ils faisaient et comment ils fonctionnaient ?

23 R. C'étaient des individus qui avaient un comportement très violent. Il y

24 avait un groupe, par exemple, dirigé par une personne qui s'appelait Japan;

25 je pense qu'il a été tué. Il y avait un autre qui était dirigé par Stevo

26 Borojevic. Je crois que lui aussi a été tué.

27 Il y avait des groupes plus ou moins grands. Ils terrorisaient la

28 population la nuit. Ils ne terrorisaient pas que les Croates; ils

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1 terrorisaient aussi les Serbes. Mais ils terrorisaient surtout les Croates

2 et la population croate jusqu'à ce que l'on mette en place le commissariat

3 en 1992, donc le poste de police, au début de 1992. On avait beaucoup de

4 problèmes jusqu'en 1992 avec ce type de groupes autonomes de houligans.

5 Q. Quand vous nous parlez de ces problèmes, dites-nous, comment vous en

6 avez eu connaissance ?

7 R. J'en ai eu connaissance, parce que personnellement je les ai

8 rencontrés. Je les ai vus sur le terrain. Puis, j'étais en communication

9 très étroite avec le président de la municipalité et avec les dirigeants.

10 Tout ceci était connu. Il n'y avait pas que moi d'ailleurs qui savais que

11 ces personnes sévissaient dans le coin.

12 Q. Très bien. Vous avez parlé d'un Borojevic et un autre qui s'appelait

13 Japan. Pouvez-vous nous dire comment ils étaient habillés ? Comment ils se

14 présentaient, ce qu'ils représentaient ? Vous nous dites qu'ils

15 terrorisaient la population. Pouvez-vous nous donner quelques exemples.

16 R. Il s'agissait de jeunes types assez frustrés. Il y avait toutes sortes

17 de petits groupes. Il y avait enfin un dénommé Rajan parmi eux.

18 Malheureusement, certains d'entre eux faisaient référence à Milan Martic en

19 disant qu'il constituait sa police ou son armée alors qu'il ne l'avait

20 jamais vu. En tout cas, Milan Martic, à cette époque-là n'en avait jamais

21 entendu parler.

22 Donc, c'étaient des gens qui essayaient de se donner de l'importance

23 en citant, en faisait référence à la personne la plus connue de la Krajina

24 de l'époque.

25 Q. Merci. Savez-vous si la Défense territoriale a fait quoi que ce soit

26 pour éviter que ces groupes ne sévissent ?

27 R. Oui, beaucoup de choses. J'ai une anecdote d'ailleurs à ce propos.

28 Juste après la libération de Kostajnica, la population croate de cette zone

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1 était en danger, bien sûr, parce qu'elle était menacée par ces groupes. Je

2 sais que certaines personnes éminentes du triangle de la Banija, M. Glavas,

3 M. Misljenovic et d'autres se sont rendus à Knin pour demander l'aide de

4 Milan Martic pour que quelque chose soit fait afin d'éviter que tout ceci

5 ne dégénère.

6 Pour que le Procureur ne me demande pas à nouveau comment j'ai pu apprendre

7 tout cela, je tiens à vous dire que ce qui était très intéressant c'est que

8 Milan Martic est arrivé dans le triangle de la Banija à l'époque. Je ne

9 sais pas s'il était déjà venu auparavant. Il est venu par hélicoptère. Il a

10 été réalisé à une réunion. Donc, il est venu deux jours plus tard. A

11 l'époque il y avait aussi une unité de l'armée yougoslave qui était sous

12 commandement du Corps de Banja Luka.

13 Je tiens à souligner ceci parce que la Défense territoriale de la

14 Banija et ces troupes n'avaient absolument rien en commun avec cette autre

15 unité. Il n'y avait aucun lien de commandement entre les deux.

16 Q. Je suis désolé. Vous avez parlé d'un certain nombre de personnes

17 éminentes qui se sont rendues à Knin pour voir M. Martic qui, deux jours

18 plus tard, est arrivé par hélicoptère. Pourquoi sont-ils aller le voir,

19 lui ?

20 R. Parce qu'ils pensaient que c'était la personne la plus influente en

21 Krajina à l'époque. C'est aussi la raison qui m'a été donnée plus tard par

22 ces personnes qui s'étaient rendues à Knin. Ils pensaient que Milan Martic

23 pourrait faire quelque chose, pourrait prendre des mesures. Le commandant

24 de la brigade était Slobodan Borojevic, le commandant du groupe Stevo

25 Borojevic. Là, je vous parle de Slobodan Borojevic.

26 Je pense qu'à l'époque M. Martic a tout simplement donné un ordre et a

27 enjoint le commandant Slobodan Borojevic de neutraliser ces espèces

28 d'autonomes en tenue de camouflage qui étaient sur le pont vers Dubica et

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1 de mettre à leur place la police militaire parce que je tiens à dire à

2 nouveau, nous n'avions pas de police civile à l'époque.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais juste essayer de comprendre

4 un petit peu ce que s'est passé. M. Martic, vous dites, c'est sans doute la

5 personne la plus influente de la Krajina à l'époque. De quelle autorité

6 parlons-nous ? Etait-il ministre de quelque chose, d'où tenait-il son

7 autorité ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, M. Martic était le ministre des

9 Affaires intérieures de la Krajina.

10 J'essaie de vous exposer la genèse. A l'époque, dans cette région-là,

11 il n'y avait pas d'unités du ministère de l'Intérieur déployé là-bas parce

12 que la police n'avait pas été constituée. M. Martic n'aurait pu être

13 informé de ce qui se passait sur le terrain puisque la police n'y était

14 pas. C'est la raison pour laquelle que les membres de la Défense

15 territoriale, pour autant que je le sache, étaient tous aussi des députés à

16 l'assemblée de Kostajnica, et c'est pour cela qu'ils sont partis demander à

17 M. Martic de l'aide.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-il exact de dire que le ministre

19 de l'Intérieur a des attributions sur la police ? Est-ce que c'est lui qui

20 est le ministre de tutelle pour la police ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous dites qu'il était ministre de

23 l'Intérieur, mais à l'époque la police n'avait pas encore été mise sur

24 pied. Vous dites qu'il avait de l'autorité sur quoi alors ? Sur qui ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Milan Martic a bâti son autorité très

26 rapidement. C'est l'un des hommes qui s'est rangé aux côtés du peuple de la

27 Krajina qui a été mis en péril. Il avait beaucoup de charisme en Krajina à

28 l'époque en plus de ses fonctions. C'est une autre question de savoir

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1 pourquoi il n'y avait pas de police sur le terrain.

2 Il ne s'est écoulé que quelques jours depuis la libération de

3 Kostajnica, trop peu de temps pour mettre sur pied un poste de police.

4 Un mois ou deux mois plus tard, après le départ de M. Martic, Pero

5 Vuruna a été nommé chef de ce poste de police nouvellement créé à

6 Kostajnica. Je suppose que le ministre Martic lui a donné l'ordre de placer

7 une partie de ses effectifs dans le village de Sas où la population croate

8 risquait de se trouver menacée.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir

10 apporté cette réponse, mais vous ne m'avez toujours pas répondu sur qui

11 s'exerçait la responsabilité de M. Martic. Vous me dites que c'était

12 quelqu'un qui avait du charisme et qu'il avait beaucoup d'autorité. Est-ce

13 que je vous ai bien compris, à savoir nonobstant ses fonctions il exerçait

14 un pouvoir réel ? S'il voulait que quelque chose fonctionne dans sa zone,

15 c'est lui qui pouvait l'obtenir. Il avait un pouvoir réel et effectif dans

16 la Krajina. C'est cela que vous avez dit ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, vous m'avez compris. Il

18 avait du pouvoir sur ce terrain, mais après lorsque la police a été

19 établie. A ce moment-là, la loi ne régnait pas. Ils ont cherché quelqu'un

20 qui avait suffisamment d'autorité pour mettre sur pied un pouvoir qui

21 allait pouvoir protéger cette population.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La création a eu lieu plus tard, mais

23 même avant cela, même à ce stade-ci, il exerçait une véritable autorité, il

24 avait de l'autorité indépendamment de l'autorité qui est fondée dans la

25 loi ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce pouvoir, on ne peut pas parler de

27 pouvoir. On parle d'autorité qu'exerce une personnalité, une personne. On

28 avait besoin de quelqu'un qui puisse exercer une autorité pour modifier la

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1 situation sur le terrain plus que de se contenter d'être passif.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que vous n'avez pas bien

3 entendu ma question. C'est justement ce que j'allais dire. En tant qu'être

4 humain, c'est quelqu'un qui avait de l'autorité, ce charisme dont vous

5 parliez, et même avant que la police ne soit mise sur pied, il a pu exercer

6 son autorité.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les choses étaient faites lorsqu'il le

9 souhaitait. Vous dites qu'il a réussi à faire ouvrir ces postes de police

10 dans deux villages. Merci.

11 Maître Milovancevic, je vous ai interrompu. Allez-y, s'il vous plaît.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Vous avez mentionné un autre Borojevic, qui était commandant d'une

14 unité, vous avez mentionné son attitude dans ces événements. A quel sujet,

15 vouliez-vous parler de lui ?

16 R. J'ai mentionné Slobodan Borojevic. Il a été commandant d'une brigade

17 qui était placée sous le commandement du corps de Banja Luka. Cet homme a

18 justement vu les relations qui régnaient sur le terrain. Vu l'apparition de

19 toutes sortes de groupes autonomes, vu que la population était menacée, il

20 a essayé de partir, en fait, il a menacé de quitter le terrain avec ses

21 hommes si quelque chose ne changeait pas. D'après les gens qui sont allés

22 demander de l'aide à Martic, cela a été une des premières raisons, à savoir

23 essayer d'empêcher cette unité régulière de Slobodan Borojevic de quitter

24 cet endroit.

25 Q. Merci. Savez-vous quelle a été l'attitude de M. Martic eu égard à

26 l'activité de ces groupes ou de ces individus ?

27 R. Que ce soit à ce moment-là ou plus tard, lorsque pendant une brève

28 période je suis devenu un collaborateur un peu plus proche de M. Martic,

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1 j'ai su qu'il a toujours condamné ce type de comportement. A aucun moment

2 n'a-t-il toléré des groupes autonomes ou tout manquement à la discipline,

3 et cetera.

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais demander qu'on nous affiche un

5 document à l'écran. C'est la pièce 602, s'il vous plaît, c'est un document

6 qui figure sur la liste de 65 ter du Procureur. Il s'agit d'un ordre de M.

7 Martic du 26 novembre 1991, qui concerne la municipalité de Kostajnica.

8 Q. Vous avez sous les yeux un document, en haut à gauche, on lit : Région

9 autonome serbe de Krajina, ministère des Affaires intérieures, Knin, le 27

10 novembre 1991. Le voyez-vous, Monsieur le Témoin ?

11 R. Oui.

12 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler le texte

13 pour voir les points qui vont de 1 à 4. Merci.

14 Q. Je vous donnerai lecture des paragraphes 1 et 4.

15 Au point 1 : "Conformément à l'accord écrit et oral passé avec le

16 commandant du Corps d'armée de Banja Luka, le général lieutenant-colonel

17 Nikola Uzelac, que les activités relevant des autorités civiles dans une

18 situation de guerre qui prévaut dans la région de Dubica ou Kostajnica,

19 jusqu'à ce que le poste de police et de sécurité publique de Dubica ne sera

20 établi de manière régulière, que le poste de sécurité publique de

21 Kostajnica, avec l'aide de la police militaire, se charge et se chargera de

22 l'ensemble des missions relevant du domaine de la sécurité publique. Il est

23 question de l'aide de la police militaire du Corps de Banja Luka, c'est-à-

24 dire du 3e Détachement, avec mon commandant capitaine de première classe

25 Slobodan Borojevic."

26 Au point 4 : "Tout individu vêtu d'uniforme de camouflage qui n'est pas

27 membre de la police de la SAO Krajina, qui n'est pas porteur d'une carte

28 d'identité le désignant comme personnel habilité ou qui n'a pas été désigné

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1 légalement sur ordre du ministère de l'Intérieur de la Krajina, est tenu de

2 rendre ses documents de membre de la police, et de se présenter en

3 département militaire de Kostajnica afin d'être versé dans des unités de

4 guerre de l'armée populaire yougoslave."

5 Le voyez-vous ? Voyez-vous la signature du ministre ainsi que le

6 cachet ?

7 R. Oui.

8 Q. Cet ordre correspond-il à ce que vous saviez de la situation sur

9 le terrain à l'époque ?

10 R. Cet ordre vient de confirmer les faits que j'ai évoqués

11 justement.

12 Q. Merci. Une autre question juste avant la pause. Au point 4 de cet

13 ordre, il est question d'individus vêtus d'uniformes de camouflage, alors

14 qu'ils n'ont pas été nommés par un document valable, et ils n'ont pas de

15 cartes d'identité de personnes habilitées, ou ils n'ont pas été postés

16 selon une décision du ministère de l'Intérieur. D'après ce que vous savez,

17 est-ce qu'il y avait des individus sur le terrain qui se présentaient comme

18 membres de la police ou comme représentants d'une autre instance de

19 pouvoir ?

20 R. Justement, j'ai dit qu'il y avait toutes sortes de groupes et de

21 groupuscules autonomes, jusqu'à ce qu'une hiérarchie de la police ne soit

22 établie. Il y a eu des arrestations. Certains se sont éliminés entre eux,

23 liquidés. D'autres ont dû accepter la discipline militaire et ont dû

24 respecter la discipline militaire de la SAO Krajina.

25 Q. La police a été créée à quel moment, la police de la SAO Krajina, à

26 savoir à quel moment commence-t-elle à fonctionner réellement ?

27 R. Pour l'essentiel, c'était un début de 1992, Kostajnica en janvier,

28 Gradusa, Petrinja et Glina par la suite. C'est pendant cette période-là que

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1 la police de la Krajina a commencé à exercer de manière un peu plus appuyée

2 ses fonctions.

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, je pense qu'on pourrait suspendre

4 à présent, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous allons faire

6 une suspension d'audience à présent, et nous reviendrons à 17 heures 45.

7 [Le témoin se retire]

8 --- L'audience est suspendue à 17 heures 14.

9 --- L'audience est reprise à 17 heures 43.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un petit point pratique pour qu'on

11 n'oublie pas.

12 La Chambre doit rendre une décision orale suite aux différentes

13 requêtes qui lui ont été présentées. Je veux donner lecture de la décision.

14 Je pense que les exemplaires ont été distribués.

15 La Chambre de première instance a été saisie de plusieurs requêtes eu égard

16 au rapport d'expert militaire de Milisav Sekulic. La Chambre de première

17 instance a pris en considération tous les arguments des parties, et dans

18 l'intérêt de la justice et d'un procès juste et équitable, rendra une

19 décision orale aujourd'hui. Une décision écrite portant sur tous les points

20 soulevés exposant les motifs de la Chambre, sera rendue lundi le 13

21 novembre.

22 Après avoir demandé le curriculum vitae de Milisav Sekulic qui lui a

23 été fourni aujourd'hui, la Chambre de première instance constate que

24 Milisav Sekulic satisfait les critères lui permettant d'être accepté en

25 tant qu'expert militaire déposant sur les points de l'espèce. Toutefois,

26 avant de prendre en considération le rapport de Milisav Sekulic au titre de

27 l'article 94 bis, la Chambre de première instance note la requête de la

28 Défense pour un report du temps de la date butoir afin de se conformer à

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1 l'ordonnance de la Chambre de première instance du 7 novembre et aux

2 objections de l'Accusation.

3 La Chambre de première instance note, en outre, que ceci n'est pas la

4 première fois que la Défense n'a pas su respecter les dates limites et

5 qu'elle demande au dernier moment un report de temps qui aurait dû être

6 demandé bien avant.

7 La Chambre de première instance constate que ce genre de comportement

8 ne correspond pas aux normes professionnelles requises devant ce Tribunal.

9 La requête de la Défense aux fins d'extension du temps est donc

10 rejetée. Toutefois, il convient d'ajouter que la Défense, lorsqu'elle ne

11 s'est pas conformée à la date butoir, a compromis sa chance que la Chambre

12 de première instance reçoive des références adéquates pour le rapport de la

13 Défense.

14 Parlons maintenant du rapport lui-même. La Chambre de première instance a

15 examiné le rapport à la lumière du Règlement et de la jurisprudence du

16 Tribunal. Le résultat de cet examen par la Chambre de première instance a

17 permis à la Chambre de constater que le rapport pourra être versé en tant

18 que rapport d'expert à condition qu'il soit rédigé sous la forme requise.

19 Cette version expurgée sera distribuée aux parties et elle sera

20 annexée à la décision écrite.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 1012.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Dobrijevic, excusez-nous.

25 Nous devions nous occuper de quelque chose avant de vous entendre.

26 Maître Milovancevic, vous avez la parole.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, une phrase si

28 vous m'y autorisez. Nous avons entendu votre décision. Ceci nous pèse,

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1 cette opinion de la Chambre eu égard à notre attitude face aux décisions de

2 la Chambre. Vous savez, nous avions des centaines de notes de bas de page,

3 dans le cas de ce rapport d'expert. C'est un travail énorme. Vous

4 comprenez, nous approchons de la fin de stade de la procédure. Il ne

5 s'agissait absolument pas d'un manque de respect face à une décision de la

6 Chambre. Je ne sais pas si vous jugerez notre attitude comme étant

7 justifiée ou non. Mais je vous prie de croire que c'est en toute

8 responsabilité dans la mesure de nos capacités que nous cherchons à nous

9 conformer aux décisions de la Chambre.

10 Si vous m'y autorisez, je souhaite à présent poursuivre avec

11 l'interrogatoire de ce témoin.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, je comprends,

13 mais j'espère que vous avez également entendu que la Chambre n'y est pas

14 allée à la légère.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur Dobrijevic, avant la suspension d'audience, nous allons parler

17 de cette période où on a commencé à fonctionner le SUP dans la bannière.

18 Vous vous rappelez cette période ?

19 R. Oui.

20 Q. Au début de votre déposition, vous avez dit que vous avez été à un

21 moment donné le coordonnateur du SUP pour la Banija. Quelle a été votre

22 mission et qui vous a nommé à ce poste? Très brièvement.

23 R. Le rôle que j'ai joué ou les fonctions que j'ai exercées n'ont pas été

24 très importantes. Cependant, M. Milan Martic, ministre de la police de la

25 Krajina à l'époque, tout simplement, il a jugé qu'un homme doté de mes

26 qualités, je suppose, allait pouvoir l'aider, ne serait-ce que sur le plan

27 de l'information pour ce qui est des relations qui prévalaient en Banija.

28 Cela n'a pas duré longtemps, trois mois, trois mois et demi. Quelque part

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1 dans les archives je dois avoir la décision par laquelle j'ai cessé

2 d'exercer ces fonctions. C'est en décembre 1992 que j'ai été nommé, et dès

3 la mi-avril 1993, j'ai été relevé de mes fonctions. Il m'a été ordonné

4 d'essayer de constituer le tribunal militaire de Krajina avec l'assistance

5 du ministre de la Défense. Je n'arrive pas à me rappeler son nom

6 maintenant. Cela me reviendra.

7 Q. Merci. Cela me suffit. Merci. Au sujet de la situation qui

8 prévalait dans la municipalité de Kostajnica et dans la ville même de

9 Kostajnica, Bacin, Cerovljani, Zivaja et à Sas, en septembre, en octobre et

10 en novembre 1991, quel est l'Etat qui avait une existence de sujet

11 international à ce moment-là ?

12 R. Seule la République fédérale de Yougoslavie.

13 Q. A ce moment-là, qui était ministre de l'Intérieur de l'Etat fédéral ?

14 Vous vous en souvenez-vous ?

15 R. C'était le général Petar Gracanin.

16 Q. Sur le terrain, dans n'importe quelle des républiques des entités de

17 l'Etat fédéral de la Yougoslavie, qui assumait la responsabilité pour

18 organiser le ministère de l'Intérieur au niveau fédéral et au niveau de la

19 République ?

20 R. Avant tout, c'était le secrétaire fédéral et la police fédérale, et

21 après au niveau des républiques, c'étaient les secrétaires et les polices

22 des républiques, qui étaient situés à un échelon inférieur.

23 Q. Encore une question qui porte sur Kostajnica et les localités des

24 environs. D'un point de vue militaire, ces localités sont situées dans la

25 zone de responsabilité de quelle unité ?

26 R. Oui. Je l'ai souligné à plusieurs reprises. C'était dans la zone de

27 responsabilité du Corps de Banja Luka.

28 Q. Merci. Dans votre biographie, nous l'avons évoqué au début, vous avez

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1 dit que vous avez été ministre au sein du gouvernement de M. Babic au

2 milieu de l'année 1995. Ce gouvernement emmené par

3 M. Babic a été nommé ou élu à quel moment, et vous, vous étiez ministre

4 dans quel secteur ?

5 R. Ce gouvernement, comme on le sait, a été élu à Topusko. Je pense que

6 c'était le 27 ou le 28 juillet 1995. Sur tous les gouvernements celui-là a

7 eu le mandat le plus court puisqu'il a été constitué sept jours avant

8 l'opération Tempête. J'étais ministre sans portefeuille dans ce

9 gouvernement.

10 Q. Merci.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez nous donner la date de la

12 dissolution de ce gouvernement de Babic ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est difficile d'en parler, il est difficile

14 de dire à quel moment cela a cessé d'exister puisque ce gouvernement existe

15 encore aujourd'hui.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

17 Q. Vous avez dit que M. Milan Babic, en tant que chef de gouvernement de

18 la République serbe de Krajina a été élu fin

19 juillet 1995. Vous étiez ministre dans ce gouvernement. Est-ce que vous

20 savez quelque chose du départ de M. Babic pour Belgrade le

21 2 août 1995 ?

22 R. Madame, Messieurs les Juges, est-ce que je peux parler très brièvement

23 de ces quelques jours où ce gouvernement a existé avant cette fameuse

24 opération policière appelée Tempête ?

25 Juste avant l'élection du gouvernement, nous avions été informés de

26 la part du commandant de l'armée de la République serbe de Krajina, le

27 général Mile Mrksic, que la Krajina était attaquée.

28 Le lendemain, de Topusko, le gouvernement au complet est parti à une

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1 réunion à Knin. Nous avons tenu cette réunion à Knin où certaines

2 conclusions ont été adoptées. Il faut savoir que d'une certaine manière on

3 avait déjà lancé des attaques dans les zones frontalières ou en bordure de

4 la Krajina.

5 Entre autres, on a décidé que cinq ministres et le chef du

6 gouvernement Milan Babic allait partir pour Belgrade, car le chef du

7 gouvernement M. Milan Babic devait rencontrer l'ambassadeur des Etats-Unis

8 à Zagreb, Peter Galbraith, et nous, tous les autres ministres, on devait

9 aider à organiser notre travail en tant que chef du gouvernement.

10 Q. Excusez-moi, je vous interromps. Qui était le président de la

11 République serbe de Krajina à ce moment-là ?

12 R. M. Milan Martic.

13 Q. Merci. Suite à cette décision du gouvernement prise à la réunion de

14 Knin, est-ce que vous êtes parti pour Belgrade, et si oui, à quel moment?

15 Que s'est-il passé? Très brièvement, s'il vous plaît.

16 R. Dès le matin, on est partis à Belgrade. Et pour ainsi dire, on a

17 déployé des efforts considérables à Belgrade, non seulement pour informer

18 la situation aux dirigeants de la Serbie et de la Yougoslavie, mais aussi

19 les ambassadeurs d'autres pays. Je sais que j'ai rédigé moi-même une lettre

20 à Kofi Annan. D'autres personnes ont du être chargées également de rédiger

21 d'autres lettres et de s'adresser aux protagonistes internationaux

22 importants afin d'empêcher l'attaque sur la Krajina.

23 Le 2, M. Babic est allé s'entretenir avec M. Peter Galbraith.

24 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre. M. Babic a été reçu par M.

25 Galbraith le 2, de quoi ?

26 R. Le 2 août, trois jours avant la Tempête.

27 Q. De quelle année, 1900 ?

28 R. 1995.

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1 Q. Le 2 août 1995 ?

2 R. Oui. Je pense qu'on le voie d'après le contexte. Maintenant, c'est

3 précisé. J'étais l'un des ministres chargés d'être présent pendant cette

4 réunion. Cependant, au dernier moment, M. Milan Babic a décidé d'aller

5 parler à M. Galbraith tout seul. D'après ce que je sais, la réunion a

6 commencé à 20 heures du soir et a duré jusqu'à 22 heures 30 à peu près. M.

7 Babic est revenu assez ému de cette réunion. Il s'est agité. Il y avait là

8 Svetozar Vincic [phon], ministre des Finances. Il y avait Mile Bosnjic,

9 ministre du Commerce, moi-même et nos employés qui travaillaient à Terazije

10 à Belgrade, comme représentants de notre gouvernement.

11 Milan Babic nous a dit comme suit : Peter Galbraith a dit la chose

12 suivante, Tudjman a déployé 110 000 soldats le long de la frontière. Il en

13 a 100 000 de réserve. C'est définitif, il attaque la Krajina. La seule

14 chance de reporter ou d'empêcher cette attaque sur la Krajina, c'est que la

15 délégation qui était à ce moment-là à Genève, Lazar Macura, ministre des

16 Affaires étrangères, Mile Vojinovic, assistant de M. Martic, M. Prijic et

17 ex-commandant de l'armée, le commandant Mile Novakovic, c'était cela la

18 composition de la délégation à Genève. On lui a demandé d'employer tous les

19 moyens, d'exercer son autorité, d'accepter tout ce qu'on allait lui

20 demander à Genève pour empêcher la guerre. Sinon, et je cite littéralement

21 les propos du feu Babic : Peter Galbraith a dit que si on n'allait pas

22 accepter ceci, on ne pouvait s'adresser à personne pour demander de l'aide.

23 La Yougoslavie est empêchée de nous aider. Elle ne peut que lancer des

24 appels à l'opinion internationale. Qui plus est, même si elle voulait se

25 lancer dans l'aventure de la guerre, elle n'avait du carburant que pour 15

26 jours. Je parle de carburant nécessaire à la guerre. Ce sont les propos de

27 M. Milan Babic rapportés de la réunion qu'il a eue avec M. Galbraith cette

28 nuit-là.

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1 Q. Merci.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, excusez-moi.

3 Monsieur Dobrijevic, est-ce que vous avez mentionné quelque chose que je

4 n'ai pas remarqué ? A l'époque vous étiez ministre de quoi ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais ministre sans portefeuille.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

7 Merci, Monsieur Milovancevic.

8 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

9 Q. Vous avez dit que vous avez essayé de rentrer en contact avec la

10 délégation de la République serbe de Krajina à Genève. Est-ce que vous y

11 êtes parvenu, et que s'est-il passé ?

12 R. Oui. Toute la nuit on a parlé avec cette délégation, et je dois dire

13 que dans un premier temps la délégation n'acceptait pas à l'unanimité qu'on

14 accepte tout, peu importe ces détails ici. En fin de compte, on a quand

15 même pu se mettre d'accord pour accepter tout ce qu'on a demandé à notre

16 délégation. Pour autant que je le sache, c'est là qu'on a accepté de

17 poursuivre les négociations le jeudi d'après à l'aéroport de Zagreb, Pleso,

18 au plus haut niveau, à savoir le premier ministre et les autres ministres

19 afin de libérer le chemin de fer de Lika. Il fallait résoudre à la fois des

20 questions militaires et économiques.

21 Q. Merci. Votre délégation a accepté à Genève et que s'est-il passé par la

22 suite ?

23 R. Oui, tout à fait. La délégation l'a accepté entièrement, intégralement

24 et d'une certaine manière, nous avons essayé d'organiser une petite fête

25 dans nos locaux. Malheureusement, la République serbe de Krajina a quand

26 même été attaquée malgré tout. Ce matin-là, je suis parti pour Banja Luka

27 car les ministres présents m'ont proposé pour être coordinateur de la

28 colonne de réfugiés, mais on s'attendait à ce qu'il y ait que des blessés,

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1 des personnes âgées et des enfants, à ce moment-là.

2 Cependant, hélas, cette opération Tempête a été tellement violente

3 que cela a été la fin de la République serbe de la Krajina.

4 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire si la République serbe de Krajina aurait

5 pu se défendre militairement face aux forces croates ?

6 R. Si vous m'y permettez, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

7 Juges, je souhaite vous exposer un fait.

8 Après l'opération Eclair ou plutôt après la chute de la Slavonie

9 occidentale, j'ai eu un entretien direct avec le président Slobodan

10 Milosevic qui n'est plus parmi nous. Deux jours après la chute de la

11 Slavonie occidentale, j'ai dit à M. Milosevic la chose suivante, je cite :

12 "Monsieur le Président, vu le sort de la Slavonie occidentale, il faut

13 s'attendre à ce que toute la Krajina connaisse le même sort si la Croatie

14 nous attaque, et ce, pour la simple raison qu'il n'y a pas 50 ou 60 000

15 combattants dans la Krajina, comme on se plaît à imaginer. Pendant quatre

16 ans, on n'a pas entraîné cette armée. Ce sont des hommes épuisés à force de

17 tenir les lignes de front sur les lignes des limites de partage. Ils n'ont

18 pas la force de faire face à l'armée croate. On sait que la Croatie n'avait

19 que trois avions au début de la guerre, mais à la fin elle en avait 36."

20 Q. M. Milosevic, que vous a-t-il répondu ?

21 R. Il m'a dit littéralement, puisqu'il y a eu beaucoup d'interceptions de

22 ces entretiens, je souhaite vous le citer littéralement. Il m'a dit :

23 "Monsieur Dobrijevic, vous êtes placé sous la protection des Nations Unies.

24 Si les Nations Unies ne vous protègent pas et ne vous sauvent pas et si

25 vous-même vous n'êtes pas capable de vous battre --," il a dit cela

26 littéralement,"-- ou de vous défendre, la seule chose que je puisse vous

27 proposer c'est de vous construire des maisons en Serbie."

28 Et c'était cela la fin de ma conversation avec le président Slobodan

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1 Milosevic.

2 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

3 Maître Milovancevic.

4 Qui vous a dit qu'il y avait 50 à 60 000 combattants dans la

5 Krajina ? Vous avez dit que "certains laissaient entendre cela," mais qui ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne croyais pas que c'était vrai parce

7 que je connaissais la réalité de la situation. Il y a eu à un moment donné

8 autant de combattants dans la Krajina, mais ces hommes n'étaient pas aptes

9 à combattre. Il y avait des personnes âgées qui n'avaient que des fusils de

10 chasse. En ces quatre ans, du temps de l'existence de la République serbe

11 de Krajina, beaucoup de gens sont partis parce qu'ils n'avaient pas de

12 moyens de subsistance. Ils se sont exilés dans des pays tiers à l'étranger.

13 On ne peut pas vraiment parler de véritables unités de combat. Il n'y en

14 avait quasiment pas à ce moment-là de celles sur lesquelles on aurait pu

15 compter dans la République serbe de Krajina.

16 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il me semble que M. Dobrijevic n'a pas

18 répondu à la question. Qui vous a fait croire cela ? Qui a dit qu'il y

19 avait 50 à 60 000 combattants dans la Krajina ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est le chiffre qu'on

21 entendait prononcer, parce qu'il y avait à peu près

22 230 000 habitants dans la Krajina à ce moment-là. Normalement, sur ce

23 nombre, il aura fallu qu'il y en ait 50 à 60 000 aptes à combattre.

24 Vous savez que c'est de Beli Manastir à Drnis que s'étend la Krajina.

25 C'est une frontière qui est tellement étendue que ces effectifs-là, même

26 s'ils avaient été capables de se battre, ils n'auraient pas pu livrer une

27 défense efficace. Mon estimation personnelle est que de 25 à 30 000 soldats

28 militaires étaient capables de livrer bataille à ce moment-là.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Dobrijevic.

2 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci.

3 Q. Vous avez dit que la délégation serbe a accepté cet accord à Genève,

4 mais que la Croatie a néanmoins attaqué le lendemain. Ce que M.

5 Milovancevic vous a mentionné et ce que le président vous a dit, est-ce que

6 cela s'est réalisé, est-ce que les Nations Unies ont protégé la Krajina, ce

7 territoire placé sous la protection de l'ONU ?

8 R. C'est un fait notoire. Si les Nations Unies avaient protégé la Krajina,

9 le Krajina se serait maintenue. Nous étions une zone placée sous la

10 protection des Nations Unies. D'après moi, la Croatie n'a pas attaqué la

11 République serbe de Krajina. Elle a attaqué plutôt les Nations Unies. Et je

12 pense que c'est un fait. Ni cet éminent Tribunal, ni qui que ce soit

13 d'autre sur la scène internationale ne peut se permettre de ne pas tenir

14 compte de cela.

15 Q. Merci. Au sujet d'un renseignement que vous avez fourni sur votre

16 parcours personnel, vous avez quitté Sisak, avez-vous dit, à un moment

17 donné. Vous avez dit : "Je suis parti pour qu'on ne me tue pas." Vous vous

18 souvenez ? C'est ce que vous avez dit ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous pouvez nous expliquer ce que vous entendiez par là. A quel moment

21 est-ce que cela se rapporte ? Qui vous aurait tué ?

22 R. Vraiment, je prie cette Chambre. Véritablement, je lui demande de

23 m'autoriser à prononcer quelques phrases au sujet des crimes commis à

24 Sisak.

25 On a liquidé à Sisak, 611 personnes. Il s'agit d'une liste que j'ai

26 apportée. Je l'ai apportée ici. J'insiste et je vous prie instamment de

27 verser au dossier cette liste en tant que pièce à conviction devant ce

28 Tribunal.

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1 Et 611 personnes ont été tuées à Sisak, dont 99 % étaient des civils. Les

2 liquidations qui ont eu lieu à Sisak en font, pour ainsi dire, un Jasenovac

3 en Croatie. Tout ce qui se passe à Osijek ou Gospic n'est rien en

4 comparaison de ce qui s'est passé à Sisak.

5 Ce que je viens de dire n'est qu'un préambule, n'est qu'une

6 introduction.

7 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre. Je vous ai posé une question

8 concrète et vous apportez une réponse un peu plus longue. Qui a tué qui et

9 pour quelle raison ? En une phrase.

10 R. C'était vers la fin de l'année 1990, début 1991, qu'a commencé la

11 liquidation à Sisak. Vous trouverez dans cette liste les prénoms,

12 patronymes, manières de tuer ces personnes, et aussi les lieux où ces

13 liquidations se sont effectuées.

14 L'une des premières liquidations, cela a été l'assassinat de M.

15 Damjan Zilic. On l'a emmené de son lieu de travail à la raffinerie. Son

16 épouse, Mme Zilic Gligorincic [phon] était Croate. Elle était présidente de

17 la municipalité de Petrinja avant la guerre.

18 Il y a beaucoup de policiers qui ont été tués aussi. C'étaient des

19 policiers qui n'avaient pas accepté les nouveaux emblèmes croates, le

20 damier notamment.

21 Outre cela, on a surtout tué à Sisak des retraités, par exemple, à

22 Zeleni Breg.

23 Q. Quelle était l'appartenance ethnique des personnes qu'on a tuées ?

24 R. Je parle uniquement de Serbes qu'on a tués. Il y a peut-être eu cinq ou

25 six personnes d'origine croate qu'on voit dans la liste ici aussi qui ont

26 été tuées aussi, mais la majorité, pratiquement toutes ces personnes

27 étaient d'origine serbe.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, vous devez

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1 terminer l'interrogatoire principal de ce témoin aujourd'hui. Je pense que

2 cela va trop lentement.

3 Vous avez posé des questions précises au témoin. Il peut dire en

4 l'espace de quelques mots, par exemple, qui voulait le tuer. Maintenant, il

5 est en train de nous parler de l'assassinat de M. Damjan Zilic. C'est très

6 intéressant, mais cela ne répond pas à la question que vous avez posée.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Simple

8 remarque. Je vais terminer sous peu, dans cinq minutes.

9 Q. Monsieur Dobrijevic, je vous ai demandé qui vous avait menacé ?

10 Pourquoi est-ce que vous avez voulu, pourquoi est-ce que vous avez dû

11 quitter Sisak ?

12 R. Si vous me le permettez, Madame et Messieurs les Juges, je dirai que

13 Djuro Brodarac, deux ans avant que ne soit créé l'Etat croate, c'était un

14 nationaliste croate bien connu, il avait commandé les Brigades de la

15 jeunesse pendant le mouvement populaire maspok en Croatie.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question était simple. On vous a

17 demandé qui menaçait de vous tuer. Bien sûr, vous parlez du contexte

18 historique, mais répondez, s'il vous plaît, à la question posée par

19 l'avocat de la Défense, s'il vous plaît.

20 Maître Milovancevic,

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais essayer, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Dobrijevic, nous devons respecter la procédure en vigueur ici

23 dans ce Tribunal. Je vous ai posé une question précise. Vous avez fait une

24 description de la situation, mais dites-nous qui vous menaçait. Ce danger

25 mortel, comme vous l'avez qualifié, d'où venait-il ?

26 R. Il venait surtout du MUP de Sisak. Je ne sais pas si cela suffit. A mon

27 avis, cela ne suffit pas, mais enfin.

28 Q. C'est suffisant. Merci.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vais demander qu'on montre un

2 document de la Défense, qu'il soit affiché à l'écran. La cote est 1D0134.

3 Q. Monsieur Dobrijevic, vous avez ici un document de Human Rights Watch".

4 La date est celle du mois de septembre 2006. Je vais lire le deuxième

5 paragraphe. Le voici : "Entre 1991 et 1992, par exemple, il semblerait que

6 plus de 100 Serbes de Croatie ont 'disparu,' ont été tués à Sisak ou autour

7 de cette ville qui se trouve à 50 kilomètres au sud-est de Zagreb. Ces

8 personnes ont été victimes d'une campagne d'assassinats et de disparitions

9 ainsi que d'atteintes à leurs personnes et de menaces. Dans plusieurs des

10 cas, les auteurs présumés étaient des membres de l'armée croate ou des

11 forces de police."

12 Est-ce que ces informations fournies par "Human Rights Watch" correspondent

13 à vos connaissances concernant cette année 1991 ?

14 R. Tout à fait.

15 Q. Merci. C'est suffisant. N'oublions pas l'heure.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

17 Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé --

19 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, ce n'est pas "Human Rights

20 Watch". Je n'ai pas d'objection, mais il s'agit d'Amnesty International. Je

21 voulais le préciser.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, vous êtes d'accord.

23 Vous êtes d'accord ?

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui. Oui, excusez-moi.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Une

26 cote, s'il vous plaît.

27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 1013.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Milovancevic, poursuivez.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on montre au

2 témoin un autre document de la Défense. C'est le document de la Défense

3 133. C'est un document émanant d'Amnesty International. Pouvons-nous voir

4 la page 13 en anglais. La date est celle du

5 13 décembre 2004.

6 Je pense qu'on montre la page 12 à l'écran. Voici la page 13 qui nous

7 intéresse. Peut-on voir la totalité de la page à l'écran ?

8 Q. Je vais lire une partie, Monsieur le Témoin. "Les informations

9 concernant les crimes commis contre la population serbe de Croatie à Sisak

10 et aux alentours, une ville de Croatie centrale à environ 50 kilomètres au

11 sud-est de Zagreb, sont devenues disponibles dans une des premières phases

12 du conflit armé. Dans plusieurs cas, les auteurs présumés étaient des

13 membres de l'armée croate ou des forces de police croate. Entre 1991 et

14 1992, les Serbes de Croatie à Sisak et des environs ont été victimes d'une

15 campagne d'assassinats, d'enlèvements, de 'disparitions,' d'atteintes à

16 leurs personnes et de menaces. En novembre 1991, Amnesty International a

17 fait état du fait que jusqu'à 21 villageois serbes auraient été tués le 22

18 août 1991 dans les villages de Kinjacka, Cakale et Trnjani, près de Sisak,

19 au moment où des forces de sécurité croates ont effectué une perquisition

20 de chaque maison à la recherche de paramilitaires serbes qui avaient tirés

21 des tirs de mortier dans la ville de Sisak."

22 "Dans un rapport publié en mars 1992, Amnesty International fournit des

23 informations sur l'assassinat de 12 Serbes de Croatie à Sisak, certains

24 ayant travaillé à la raffinerie de pétrole INA."

25 Une partie du texte du deuxième paragraphe m'intéresse également. Je la

26 cite : "Les crimes commis à Sisak ne sont pas bien connus en dehors de la

27 Croatie. Ils ont été choisis comme étant des exemples illustrant une

28 violation systématique ou des violations systématiques commises contre la

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1 population civile. Le climat d'intimidation des Serbes de Croatie, et en

2 général de ceux qu'on soupçonne de ne pas soutenir l'indépendance croate,

3 climat qui prévalait à Sisak dès le début du conflit, a été illustré par la

4 publication le 29 juin 1991 dans le magasine croate Slobodni Tjednik d'une

5 liste de 14 habitants de Sisak. On y donnait les noms et parfois les

6 adresses et numéros de téléphone de soi-disant collaborateurs avec l'ennemi

7 et de membres du service de Renseignements militaires yougoslave, KOS."

8 Ce sont des informations fournies en 2004 par Amnesty International. Est-ce

9 que ceci correspond à la situation que vous avez effectivement décrite au

10 Tribunal aujourd'hui ?

11 R. Oui, mais ce sont des éléments mineurs. Je voudrais demander aux Juges

12 de m'autoriser à utiliser quelques minutes pour en dire davantage.

13 Q. Merci, Monsieur Dobrijevic. Il faut respecter la procédure.

14 Question suivante.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Tout d'abord, je demande le versement de

16 ce document.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier. Une

18 cote, s'il vous plaît.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 1014.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci bien.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

22 Q. Vous avez mentionné qu'à un moment donné vous étiez membre d'un parti

23 politique dont le siège avait été dynamité ou plastiqué. Vous vous en

24 souvenez ?

25 R. Oui.

26 Q. Comment s'appelait-il ce parti ?

27 R. Ligue des Communistes/Mouvement pour la Yougoslavie.

28 Q. Quelle fut l'attitude des autorités croates et des partis dominants par

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1 rapport à ce parti politique en 1991 ?

2 R. Ce qui irritait les autorités croates le plus à l'époque, c'était tout

3 parti qui était d'origine yougoslave à l'époque. Les autorités croates

4 voulaient transformer le parti SDS en parti extrémiste afin qu'il fasse

5 contrepoids à ce qui était à ce moment les extrémistes croates. C'était

6 plutôt un contrepoids au parti extrémiste croate de façon à justifier les

7 tentatives de sécession des dirigeants croates.

8 J'étais plutôt à gauche, et qui à gauche essayait de préserver la

9 Yougoslavie, était pris pour cible par les forces politiques et les forces

10 de pressions croates.

11 Q. A cet égard, j'aimerais vous poser une question. Vous avez une thèse,

12 vous dites que la politique croate, les autorités croates étaient contre

13 les partis pro-yougoslaves dans cette situation où la Croatie insistait

14 alors que le président de la Croatie allait devenir président de la

15 Yougoslavie en 1991. Je pense à Stjepan Mesic.

16 R. Stjepan Mesic s'est servi de son poste pour en terminer, pour achever

17 la Yougoslavie. Rappelez-vous ce qu'il a dit : "J'ai fait mon travail. La

18 Yougoslavie n'existe plus." J'ai emmené cet extrait, si vous voulez le

19 voir.

20 Q. Non, non, ce n'est pas nécessaire.

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Dernière pièce, dernier document avant

22 d'en terminer, pièce 1D0181.

23 Avant que le document ne soit affiché à l'écran, j'aimerais fournir une

24 explication. Il s'agit ici du procès-verbal d'une réunion du conseil

25 suprême d'Etat, réunion qui s'est tenue le

26 12 novembre 1991. Vous avez ici une page de ce procès-verbal. Début à midi

27 quinze, président le Dr Franjo Tudjman, président de la République de

28 Croatie.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez une version en anglais ou

2 est-ce que je n'ai pas appuyé sur la bonne touche ?

3 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] La traduction est obtenue il y

4 longtemps. Il devrait y avoir une version en anglais qui a été saisie dans

5 le système. J'ai une copie sur support papier.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Fort bien.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Peut-on voir la première page en B/C/S,

8 et nous allons voir le bas pour voir la totalité du texte. Merci.

9 Q. C'est le procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue - c'était le 36e

10 Session du conseil suprême d'Etat, elle s'est tenue, disais-je, le 12

11 novembre 1991, et était présidée par le Président Tudjman.

12 La première page, en dessous du mot "président," on dit que le président a

13 présenté l'ordre du jour, et on y parle de l'attitude à l'égard de la

14 présidence fédérale de la Yougoslavie.

15 Vous le voyez ?

16 R. Oui.

17 Q. Prenons la page 114 en B/C/S. En anglais, c'est une page différente,

18 page 2. Je vais vous indiquer la partie qui m'intéresse, c'est au bas de la

19 page. Là je prends l'intervention de M. Mesic.

20 A l'occasion de cette réunion des dirigeants croates, M. Mesic dit ceci :

21 "Est-ce que je peux intervenir, parce que j'ai d'autres informations qui

22 vont sans nul doute vous intéresser."

23 Voici, ce qu'il dit en début de paragraphe. Là, je saute quelques phrases

24 pour aller plus vite.

25 Il dit un peu plus loin ceci : "Grâce à un contact à Korcula, j'ai pu

26 rencontrer Andreotti. Ce n'était pas un engagement ferme qui a été pris, à

27 mon avis, et je crains que ceci ne soit compromis. Du coup, j'ai pris une

28 décision quoi qu'il arrive non pas parce que c'est un contact avec Korcula

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1 -- "

2 M. WHITING : [interprétation] Je veux soulever une objection. J'ai attendu

3 parce que je n'étais pas tout à fait sûr.

4 J'ai été avisé du fait qu'on allait utiliser ce document juste avant

5 le début de l'audience. Je n'ai pas eu la possibilité de lire sa totalité,

6 mais vu l'évolution des choses, là je fais objection aux motifs de

7 l'absence de pertinence. Première objection, parce qu'il me semble que ceci

8 va porter sur la dissolution de la Yougoslavie. Vous avez dit que c'était

9 un des sujets pour lequel il n'était plus nécessaire de présenter des

10 plans, le plan Carrington, le plan Vance. Je pense que c'est là-dessus que

11 cela porte.

12 Autre objection, je pense qu'on n'a pas posé des fondements. Je me

13 demande en quoi ce témoin est compétent pour parler de cette réunion et de

14 ce procès-verbal.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, on ne parle pas

16 ici de la dissolution de la Yougoslavie, ce n'est pas le sujet. Je ne suis

17 pas d'accord avec mon estimé confrère. Nous ne parlons pas de la

18 dissolution mais du démantèlement ou de la désintégration de la

19 Yougoslavie. Ici, ce document prouve quelle était l'attitude du président

20 de la présidence, qui était le représentant croate Stipe Mesic. Il était

21 président de la RSFY.

22 Nous avons eu l'occasion de le voir au moment où il prononce cette

23 fameuse phrase, cette phrase devenue célèbre. Nous avons pu voir ce qu'il y

24 avait dans ce document. A l'appui de ces images, il était utile de voir le

25 procès-verbal de cette réunion. Bien des choses deviendront plus claires

26 lorsque nous aurons eu l'occasion de voir cette partie-ci du texte.

27 Le témoin a fourni des motifs pour lesquels il faut présenter cet

28 élément de preuve. Stipe Mesic, il est venu de Croatie, il est venu à la

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1 présidence du pays pour le faire se désintégrer. Il le dit dans cette

2 fameuse phrase : "J'ai fini mon travail, j'ai fait mon boulot. La

3 Yougoslavie n'existe plus."

4 Je pense dès lors que l'objection n'est pas fondée.

5 M. WHITING : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président. Regardez la

6 date de ce document, 12 novembre 1991. Je ne pense que

7 M. Mesic soit à ce moment-là, ce jour-là, président de la présidence. Il

8 est inexact, à mon avis, de dire qu'il parle en tant que président de la

9 présidence. De toute façon, la question de la présidence reste un sujet

10 sans pertinence.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous allez répondre à l'objection, et

12 puisque vous avez la parole, est-ce que vous pourriez réagir aux autres

13 motifs soulevés pour soutenir l'objection, à savoir de l'absence de

14 pertinence, ou plutôt le fait que ce sujet avez été exclus par la Chambre.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas

16 que l'on a exclu ce sujet, la Chambre ne l'a pas interdit. Je vais vous

17 dire pourquoi. Nous avons vu des séquences vidéo enregistrées le 5

18 décembre, lorsque le président Mesic s'adresse au parlement à Zagreb et dit

19 : "Je pense que j'ai fait mon travail. La Yougoslavie n'existe plus." Ceci

20 est suivi d'applaudissements. C'est un mois après cet événement-ci. Ce

21 document-ci est lié de plus près la décision de la Commission Badinter qui

22 - et l'Accusation a prétendu que ces conclusions de la Commission Badinter,

23 en tout cas les a présentées. Donc, en utilisant ce document nous

24 établissons un lien avec la Commission Badinter, et nous donnons aux Juges

25 l'occasion de voir ce que faisait la Commission Badinter. Puisque ce

26 document est antérieur dans le temps à la Commission Badinter, cela pourra

27 être intéressant.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Maître

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1 Milovancevic. Nous avons vu ces images montrant

2 M. Stipe Mesic tenant ces propos. Cependant, cela c'était avant que la

3 Chambre ne rende une ordonnance orale excluant certains sujets.

4 Ici même, je ne me souviens plus exactement si le sujet en question est

5 exclu ou pas. M. Whiting estime qu'il est exclu, vous pas. Vous justifiez

6 ce que vous disiez en disant que l'Accusation a présenté des éléments de

7 preuve. Manifestement, pour ce qui est des sujets exclus, ils avaient été

8 étayés par beaucoup d'éléments de preuve. La raison pour laquelle nous

9 excluons ces sujets, c'est parce que nous avons reçu suffisamment

10 d'éléments de preuve à leur propos. Effectivement, cette séquence a été

11 diffusée, mais avant que l'ordonnance orale ne soit rendue. Depuis, nous

12 avons rendu cette ordonnance disant que les éléments avaient été présentés

13 en nombre assez suffisant. Maintenant, vous devez établir que ce sujet n'a

14 pas été exclu, mais n'oubliez pas que cela a été exclu parce qu'il y avait

15 suffisamment d'éléments de preuve qui étaient présentés.

16 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Nous acceptons la position prise par

17 l'Accusation en disant que c'est superflu, mais nous le ferions uniquement

18 pour autant que l'Accusation accepte notre thèse, à savoir que la Croatie a

19 fait un acte de sécession brutal et violent de la Yougoslavie. C'est le

20 premier sujet, le sujet le plus important. Si l'Accusation accepte, nous

21 nous n'avons plus rien à faire.

22 Pour ce qui est de la question qui est de savoir s'il y a

23 suffisamment d'éléments de preuve qui ont été présentés sur ce point, c'est

24 un point qui mérite un examen approfondi. Nous avons présenté des éléments

25 de preuve au moment du contre-interrogatoire des témoins par le truchement

26 d'autres documents, mais maintenant nous avons des documents qui viennent

27 des dirigeants croates en personne.

28 Par conséquent, ici, il s'agit d'un document où les représentants, ou le

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1 représentant croate au niveau de la direction yougoslave dit ce qu'il a

2 fait exactement, lui et d'autres, de façon très brève, très succincte.

3 Lorsque l'Accusation a eu des témoins à la barre, par le truchement de ces

4 témoins, elle a plaidé sur des arguments tout à fait différents. Nous, nous

5 n'avons pas d'autres documents, pas d'autres pièces et pas d'autres

6 questions à poser à ce témoin, mis à part celle-ci, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une réponse ?

8 M. WHITING : [interprétation] Non, je maintiens mon objection sur les deux

9 motifs. En revanche, je n'ai rien à rajouter.

10 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] J'ai une question. Peut-être que

11 M. Milovancevic pourrait y répondre ou vous Monsieur Whiting.

12 Est-ce la première fois que la Défense présente des éléments de

13 preuve de ce type sur ce sujet ou y a-t-il eu d'autres éléments de preuve

14 présentés par la Défense, toujours au sujet de ce dont nous venons de

15 parler ?

16 M. WHITING : [interprétation] Il y a deux questions dans votre question.

17 Pour ce qui est de ces éléments de preuve de cette nature, je crois que

18 c'est la première fois. En effet, nous n'avons pas de comptes rendus de

19 conversations et de propos tenus par des dirigeants croates.

20 C'est à savoir si c'est la première fois qu'ils ont présentée des

21 éléments de preuve sur ce sujet, et là pas du tout en revanche. On y

22 revient absolument sans cesse. On parle toujours du fait que la Croatie

23 fait sécession de façon brutale, et cetera, et cetera. On a entendu

24 énormément d'éléments de preuve à ce propos. Je ne suis même pas sûr que ce

25 soit pertinent par rapport aux chefs d'accusation.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je peux peut-être aidé le Juge

27 Nosworthy parce que je me souviens qu'à un moment dans la présentation de

28 moyens de la Défense, il y a eu une petite dispute à propos des propos

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1 vraisemblablement tenus par M. Mesic, et c'est pour cela que la Défense

2 nous a présenté la séquence vidéo où nous avons entendu les propos tenus

3 par M. Mesic. Sachez, Madame le Juge Nosworthy, que nous avons déjà entendu

4 parler de tout cela.

5 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Merci.

6 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis désolé, Messieurs et Madame le

7 Juge. Je ne suis pas d'accord avec vous, j'en suis tout à fait désolé.

8 Nous n'avons pas traité ce sujet de cette façon jusqu'à présent. Je

9 trouve que ce que vient de dire mon éminent confrère de l'Accusation est

10 tout à fait étrange. Pourquoi ceci serait pertinent ? Je vais vous le dire.

11 Au protocole II de la convention de Genève, au paragraphe 2, il est stipulé

12 qu'une insurrection armée -- il y a un plutôt une définition de

13 l'insurrection armée par rapport à la guerre civile parce que

14 l'insurrection armée se tient dans le cadre d'un Etat et il est convenu

15 dans ce protocole que l'Etat a droit de supprimer l'insurrection par tout

16 moyen.

17 C'est ce qui nous intéresse ici parce que l'article 3 du IIe

18 Protocole de la convention de Genève est un protocole qui est pris en

19 compte dans les conventions de Genève et qui dit que la guerre civile dans

20 un pays, et là je ne paraphrase pas du tout, mais il est écrit que la

21 guerre civile ne peut pas être utilisée comme moyen pour entreprendre des

22 actions illégales contre un parti. Or, le 12 novembre 1991, la Yougoslavie

23 existait encore et son président Stjepan Mesic était en train de se lancer

24 dans une action qui est absolument essentielle pour les Juges de cette

25 Chambre. Jusqu'à présent, on a présenté aucun élément de preuve à ce

26 propos. Ce qu'un homme politique a dit dans la presse, on a parfois vu

27 certains articles, et cetera, mais vous ne pouvez pas vous baser là-dessus.

28 Bien sûr, ce sont des propos de journalistes alors qu'ici, nous avons un

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1 compte rendu d'une réunion des dirigeants croates qui concerne exactement

2 ce qui est stipulé dans l'article 3 du Protocole II de la convention de

3 Genève.

4 Je suis tout à fait étonné et surpris que l'Accusation est en train

5 de demander si c'est pertinent ou non. Depuis dix mois, qu'est-ce qu'on

6 fait finalement ? Dans l'acte d'accusation, il est allégué qu'il y a eu un

7 conflit armé dans une République de Yougoslavie. Or, le fait même que le

8 TPIY se réfère à la Yougoslavie montre bien qu'il s'agit d'un Etat. Et là,

9 tout d'un coup, l'Accusation m'interdit de présenter des éléments de preuve

10 sous prétexte que les Juges ont décidé d'exclure certains points, qui ne

11 seront pas couverts ou qui ont déjà ont déjà été couverts. Non, je

12 considère que ce sujet n'a jusqu'à présent qu'été abordé au passage. Or,

13 c'est l'essentiel du dossier et nous allons rentrer dans les détails de ce

14 sujet. Cela fera d'ailleurs l'objet d'une analyse tout à fait détaillée par

15 notre témoin.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Milovancevic, pour

17 votre longue thèse.

18 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [interprétation] Je suis désolée.

19 J'aimerais savoir à l'avant-dernière ligne de vos propos, avez-vous

20 dit que le sujet a été traité uniquement de façon superflue ou de façon

21 superficielle ? C'est important quand même.

22 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie de cette question,

23 Madame le Juge. J'ai dit "superficiellement," parce que le tout a été

24 abordé qu'au passage.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je remercie tous les

26 deux d'avoir ainsi présenté vos arguments avec autant de conviction.

27 J'aimerais comprendre quelque chose. La Défense a-t-elle bel et bien montré

28 la séquence vidéo de M. Mesic pour savoir exactement quels étaient ses

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1 propos ? Parce que vous commencez à dire, vous avez commencé votre

2 argumentation en disant que vous ne pouvez pas être d'accord avec moi. Or,

3 je n'ai pas dit grand-chose. Tout ce que j'avais dit, c'est que je voulais

4 rappeler au Juge Nosworthy que nous avions vu une séquence vidéo qui avait

5 été présentée par la Défense et dans ce clip vidéo, nous avons entendu les

6 propos de M. Mesic. Vous nous l'avez montrée, cette séquence vidéo, parce

7 qu'il y avait une dispute entre les deux parties à propos des termes exacts

8 employés par M. Mesic.

9 Si le fait d'avoir montré ce clip et d'avoir présenté des éléments de

10 preuve ne traitait pas du sujet dont on parle, dans ce cas-là, je suis tout

11 à fait prêt à vous faire remarquer que je suis tout à fait prêt à m'excuser

12 car je me serais trompé. Ai-je raison ou non ?

13 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Non, absolument pas, Monsieur le

14 Président. J'ai peut-être parlé trop vite. En effet, vous avez fait

15 référence à cette séquence vidéo, cette séquence vidéo a bel et bien été

16 montrée. Nous avons bel et bien vérifié ainsi quels étaient les propos

17 tenus par M. Mesic lors de cette séquence.

18 Je tenais à dire autre chose. Ce que je voulais dire c'est qu'en

19 voyant cette séquence vidéo, quand on l'a vue, on n'est pas rentré dans le

20 sujet même. On n'est pas rentré dans les tenants et les aboutissants. Je

21 pensais que votre explication portait sur l'objection du Procureur. Mais je

22 suis allé un peu trop loin. Je parlais de la nature même de l'objection et

23 non pas de ce que vous avez dit.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le but de mes propos était juste de

25 rappeler au Juge Nosworthy que ce sujet avait bel et bien traité, qu'il ait

26 été traité en détail ou non, c'est encore autre chose.

27 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous comprends bien. Je pense que

28 maintenant nous sommes d'accord.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il faudrait maintenant que la Chambre

2 prenne une décision à propos de cette objection parce que c'est la première

3 fois que nous rentrons dans ce type de détails et c'est pour cette raison

4 que je vais permettre à M. Milovancevic de poursuivre son interrogatoire

5 qui porte sur ces comptes rendus venant des autorités croates.

6 Monsieur Milovancevic, vous pouvez poursuivre.

7 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur le Témoin, je vais commencer à vous lire le texte qui se

9 trouve à la page 114, dans la version en B/C/S, où M. Mesic dit que par le

10 biais d'une connexion à Korcula, très privée, il est allé en Italie pour

11 rendre visite à Andreotti. Il dit : "C'est une bonne chose que j'y sois

12 allé. Andreotti a demandé des informations qui l'ont surpris."

13 Ensuite, je vais passer au paragraphe suivant. Je reprends un passage

14 un peu plus loin qui se trouve à la page 16 de la traduction.

15 Voici ce que dit M. Mesic. Il dit qu'il a rendu visite à Andreotti,

16 et il poursuit, je cite : "Qu'est-ce qui est le plus important pour nous ?"

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] La traduction n'a que 12 pages. Nous

18 n'avons pas toutes les pages en anglais.

19 M. MILOVANCEVIC : [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, en effet il n'y a que 12 pages

21 dans la traduction.

22 M. WHITING : [interprétation] Je pense que le conseil nous parle de la page

23 16, en bas de la page. La traduction en anglais n'est une traduction que de

24 certains passages. C'est une traduction partielle mais elle est bel et bien

25 présente.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous avons maintenant retrouvé le

27 passage. Merci, Monsieur Milovancevic.

28 Vous pouvez poursuivre.

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1 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je vous remercie.

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font remarquer que la cabine anglaise n'a

3 que le texte en B/C/S, donc c'est une traduction à vue.

4 M. MILOVANCEVIC : [interprétation]

5 Q. Voici que ce dit M. Stjepan Mesic, qui parle à M. Tudjman : "Qu'est-ce

6 qui est important pour nous après tout ? Si les dirigeants de la diplomatie

7 croate était bonne, c'était bien parce que maintenant nous sommes avantagés

8 par la présentation -- en notre diplomatie. Et il m'a dit cela parce c'est

9 quelque chose que je ne peux que relayer à la présidence de la république.

10 Cela n'ira pas plus loin."

11 Ensuite, au paragraphe suivant, il dit la chose suivante. Je cite, et là,

12 il cite Andreotti : L'Autriche, l'Allemagne et l'Italie votaient pour une

13 reconnaissance séparée de la Croatie, et si la Communauté européenne ne

14 reconnaît pas. "Et je me suis déjà mis d'accord avec lui pour rencontrer

15 Genscher et je le ferai sans doute demain ou le jour suivant."

16 Ensuite, un autre passage.

17 M. Mesic ensuite poursuit à la page 116 donc de la version en B/C/S

18 et je cite : "Mais j'y suis allé en venant ostensiblement de Yougoslavie.

19 Donc, quel que soit mon poste, ma fonction, et que ce soit une fonction

20 opérationnelle ou non, j'ai pris position en cette qualité, en disant que

21 la seule solution était de voir les choses en face et de reconnaître la

22 réalité."

23 Ensuite il poursuit et il dit et je cite : "Les obstacles sont mis sur

24 notre chemin par Lord Carrington. Il nous l'a dit en privé. Il nous a dit

25 qu'il avait entendu de la part de Milosevic que 27 villages serbes avaient

26 été rasés, totalement détruits par l'armée croate, qui avait aussi chassé

27 les Serbes. Milosevic avait rajouté qu'il ne demandait pas un pouce de

28 terrain pour arriver à une Grande-Serbie. Il n'était intéressé que par les

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1 droits des Serbes de Croatie."

2 Est-ce que vous voyez cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Quand vous étiez en Banija, ensuite dans la période qui a suivi,

5 pensez-vous que ce que dit M. Mesic à M. Tudjman sont des choses qui sont

6 bel et bien arrivées ?

7 R. Oui, absolument. Je pense que cela corrobore parfaitement à propos de

8 quoi je viens de déposer, y compris les thèses que je n'ai pas pu exposer.

9 Q. Savez-vous à quel moment la Commission Badinter a donné son opinion ?

10 R. Je ne me souviens pas très bien de la date, mais je sais très bien que

11 c'est arrivé.

12 Q. En tant que juriste et en tant que témoin de l'époque, quelle est votre

13 opinion des travaux de la Commission Badinter, au vu de ce que vient de

14 dire M. Mesic ? C'est-à-dire : "Andreotti m'a promis que l'Italie,

15 l'Autriche et l'Allemagne reconnaîtraient la Croatie de façon séparée si la

16 Communauté européenne refusait cette reconnaissance."

17 R. J'aimerais répondre à cette question plus ou moins de la même façon,

18 pour vous dire que ce qui s'est passé en 1991, c'est à peu près ce qui

19 s'est déjà passé en 1941, c'était toujours les mêmes qui voulaient la

20 guerre et qui avaient fait la guerre en Yougoslavie, qui étaient à nouveau

21 en train de tirer les ficelles en Croatie.

22 Il est évident que c'était l'Eglise catholique, l'Autriche, l'Italie,

23 qui étaient du côté de la Croatie. C'est pour cela que la Croatie a décidé

24 de se débarrasser des Serbes, de leur faire subir un génocide, et de créer

25 leur propre Etat sur le cadavre des Serbes, puisqu'il est bien connu

26 qu'après tout ceci, plus d'un million de Serbes ont dû quitter la Croatie.

27 Q. Je vous remercie.

28 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au

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1 témoin. J'aimerais que ce document soit versé au dossier.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est donc versé au dossier.

3 Il faudrait lui donner une cote.

4 M. WHITING : [interprétation] Je tiens à dire que nous avons lu deux

5 paragraphes d'un document qui fait plus de 100 pages. Il n'y a que de 12

6 pages qui ont été traduites en anglais. Si la Défense veut verser la

7 totalité de ces 100 pages, sachez que je n'ai même pas lu les 12 pages en

8 anglais, et certainement pas les 100 pages en B/C/S. Il faudrait peut-être

9 attendre lundi avant de décider si on veut ou non verser ce document, qu'on

10 puisse avoir le temps d'y jeter un œil.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez 200 pages en anglais ?

12 M. WHITING : [interprétation] Oui, c'est nous qui avons fait la traduction

13 d'ailleurs.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Milovancevic.

15 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord pour que

16 vous preniez une décision lundi à propos du versement de ce dossier. En

17 effet, je pense qu'il faudrait qu'il lise ce document pendant le week-end.

18 Je tiens à vous dire que nous avons reçu ce document de la part de

19 l'Accusation au titre de l'article 68, il y a quelques années d'ailleurs.

20 C'était suite à la disposition portant sur les éléments à décharge et nous

21 l'avons reçue de leur part. Nous avons traduit les parties et les passages

22 qui à notre avis étaient pertinents.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. De toute façon, il dit

24 qu'il a la traduction et il est tout à fait d'accord pour accepter que vous

25 avez bien et bel obtenu ce document de la part de l'Accusation.

26 Le versement de ce dossier ne se fera que lundi, quand on entendra

27 l'avis de l'Accusation.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, je suis

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1 Autrichien, bien sûr ce que vous avez dit à propos de l'Autriche m'a un

2 tout petit peu irrité quand vous avez allégué que l'Autriche était l'un des

3 parents, l'un des auteurs de la Deuxième Guerre mondiale, et l'un des

4 responsables de la Deuxième Guerre mondiale. Vous vouliez vraiment dire ce

5 que vous avez dit ou est-ce que c'est une erreur ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de la Deuxième Guerre

7 mondiale, je suis un petit peu plus tolérant pour ce qui est de l'Autriche,

8 mais pour ce qui est des événements récents, non. Absolument pas. Vous

9 savez qu'il y a eu 23 MiG --

10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne vous demande pas d'être

11 tolérant, je vous demande d'être exact. Vous vous souvenez que l'Autriche a

12 été responsable de la Deuxième Guerre mondiale ? Vous répondez par oui ou

13 pas non.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre ni par oui, ni par

15 non.

16 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Dans ce cas-là, il convient de noter

17 au compte rendu que le témoin ne peut répondre à cette question ni par un

18 oui, ni par un non. Je vous remercie.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Maître Milovancevic, nous

20 en avons fini avec l'interrogatoire principal ?

21 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] Oui. J'en ai terminé avec mon

22 interrogatoire principal, je n'ai plus de questions.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

24 M. MILOVANCEVIC : [interprétation] S'il vous plaît, pour ce qui est de ce

25 qu'a dit le témoin et de ce que le Juge Hoepfel vient de dire, je pense que

26 la Défense sait très bien qu'en 1938 il y a eu l'Anslauss avec l'Autriche.

27 Ce sont quand même des faits historiques. Bien sûr, nous ne sommes pas ici

28 pour en parler. C'est pour cela que nous n'avons pas insisté là-dessus.

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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne pense pas que ce sera bon

2 d'insister.

3 Mme LE JUGE NOSWORTHY : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] J'ai posé une question à propos de

5 l'histoire de la connaissance qu'avait le témoin de l'histoire, et j'ai

6 dit, j'ai répondu que ce que j'avais entendu me suffisait.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Fort bien.

8 L'audience est suspendue. Elle reprendra lundi 13 novembre à

9 14 heures 15, dans la salle d'audience numéro II.

10 --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le lundi 13 novembre

11 2006, à 14 heures 15.

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