Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-97-24-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 14 juillet 1998

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5 L'audience est ouverte à 9 h 55

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7 (L'accusé est introduit.)

8 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

9 (Micro s'il vous plaît).

10 M. le Président (interprétation). - Monsieur Vucicevic, vous

11 avez la parole.

12 M. Vucicevic (interprétation). – Bonjour, Mesdames et Messieurs

13 les Juges, bonjour, Monsieur Semenovic.

14 Monsieur Semenovic, vous avez témoigné dans le procès Tadic,

15 vous avez également déposé dans ce dossier concernant la date à laquelle

16 vous avez rencontré les responsables du SDS et les commandants militaires

17 de Prijedor. Dans le procès Tadic, vous nous avez dit que c'était le 16,

18 vous avez dit, dans une autre réponse, que c'était huit jours avant le

19 début de l'offensive. Puis vous avez dit que dans ce cas, dans ce dossier,

20 vous avez dit que c'était entre le 15 et le 18. Pourriez-vous essayez de

21 réconcilier toutes ces dates pour le plaisir de la Cour, s'il vous plaît ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Dans la réponse fournie à cette

23 question, j’ai pu élaborer, pour ma part, que j'étais dans l'incapacité de

24 présenter une date exacte, mais j'ai pu

25 situer la période dans laquelle cette réunion avait pu avoir lieu. J’ai

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1 dit, après le 16, ou huit jours qui précédaient l'attaque. Par conséquent,

2 portant tout cela sur la même période parce que c'est le 24 que l'attaque

3 a eu lieu. En tout cas, c'est dans cette période que je situe cette

4 réunion et que cette réunion a eu lieu.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, j'aimerais que vous

6 portiez votre attention à la réunion, même celle qui a eu lieu au siège du

7 SDS de Prijedor. Monsieur Kurnoga était là, M. Rosavic également. Et la

8 réunion n'a pas pu commencer avant l'arrivée des commandants militaires.

9 Est-ce exact ?

10 M. Semenovic (interprétation). – Oui, M. Muskevic a dit lui-même

11 que la réunion ne pouvait commencer qu’après la venue de M. Zelalja et de

12 M. Arzic.

13 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous souvenir de la

14 position occupée par M. Muskevic, dans le SDS à l'époque ?

15 M. Semenovic (interprétation). - Il était Président du parti

16 démocratique serbe.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez témoigné dans le

18 procès Tadic qu'à peu près une demi-heure plus tard, M. Zelalja, le

19 lieutenant-colonel Arzic et un autre soldat ou officier militaire que vous

20 ne connaissiez pas sont arrivés, est-ce exact ?

21 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que quelqu'un d'autre

23 est arrivé avec eux ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas d’avoir

25 vu d'autres personnes venir avec, c'est-à-dire que préalablement, il y

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1 avait pas mal de personnes que j’ai citées.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Quelles étaient les autres

3 personnes présentes dans la salle avant le début de la réunion ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Je l'ai déjà dit. Il y avait

5 Kurozovic, Miskovic, Ducenko étaient là, et puis une ou deux personnes que

6 je ne connaissais pas, en tenue civile. Ce n'étaient pas des officiers, je

7 supposais que c'étaient des membres de la direction du SDS mais ces

8 personnes-là, je ne les connaissais pas et je ne peux pas vous dire qui

9 elles étaient.

10 M. Vucicevic (interprétation). - N’est-il pas juste de dire que

11 vous connaissiez toute la direction du SDS de Prijedor à ce moment-là,

12 ayant fait partie d'un gouvernement de coalition avec eux ?

13 M. Semenovic (interprétation). - Je ne pouvais pas connaître

14 tous les membres de la direction du SDS parce que, qui dit direction du

15 parti dit un comité exécutif composé de onze personnes. Le SDS avait, à

16 deux reprises, modifié la composition de sa direction, il n'était pas

17 possible de retenir leurs noms. Je connaissais bien le nom des gens avec

18 qui j'ai pu avoir des contacts directs.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez vous, s'il vous plaît,

20 vous avez témoigné au procès Tadic que le major Zelalja a indiqué à une

21 délégation de Kozarac qu'il devait rendre 7 000 fusils. Et lorsque vous

22 avez témoigné mercredi, vous avez dit que c'est le colonel Arsic qui a dit

23 à la délégation de rendre 5 000 fusils. Alors, pourriez-vous, à présent,

24 nous fixer sur qui a dit quoi, et combien d'armes devaient être rendues ?

25 M. Semenovic (interprétation). - Tant que je m'en souvienne,

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1 Zelalja avait dit qu'il fallait rendre 5 000 fusils et lors de

2 l'invitation, lorsqu'il s’est référé à M. Arsic, comme officier de

3 sécurité, on a mentionné le chiffre de 7 000 fusils mais pour ce qui est

4 de Prijedor, dans l’ensemble, je dirais qu’il s’agissait du chiffre de

5 11 000. Je ne suis pas encore certain mais en tout cas le chiffre

6 dépassait 10 000.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Qui a fait cette exigence, qui

8 a évalué le nombre total de ces fusils à 11 000 à Kozarac le 15 ou le

9 16 mai parmi les officiers ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Personne ne pouvait faire des

11 estimations comme quoi il peut y avoir tant d'armes à Kozarac mais ce

12 serait plutôt de dire, de parler de la municipalité de Prijedor. C'est de

13 cela que parlait Arsic.

14 M. Vucicevic (interprétation). - C'est donc une déclaration très

15 importante qu’a faite le colonel Arsic, n’est-ce pas

16 M. Semenovic (interprétation). - En ce moment-là, toutes leurs

17 déclarations nous étaient importantes. Pas seulement à ce moment-là mais

18 avant même, car nous avons été accusés sans preuve à la base et étant

19 donné qu'il s'agit évidemment d'accusations... C'était important.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Comme c'était important, vous

21 n'avez pas témoigné de cette déclaration lors du procès Tadic, soit le

22 fait qu'il y avait entre 10 et 11 000 fusils d'après le lieutenant-colonel

23 Arsic ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas l'avoir

25 dit ou pas, cette réunion était longue et ce que j'ai dit, moi, je ne

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1 pouvais le dire qu'en réponse aux questions posées et je n'étais

2 absolument pas en situation de relater les détails ou l'ensemble des

3 événements. Et c'est une réunion de la série de réunions que j'ai pu avoir

4 dans cette période préélectorale et post-électorale. Par conséquent, il

5 n'est pas aisé d'interpréter tout cela dans un laps de temps si court,

6 surtout pas au moment où l'on vous pose une question comme quoi :

7 " Rappelez-vous maintenant tel ou tel détail ". ...Voilà pourquoi, la

8 conversation menée...

9 M. Vucicevic (interprétation). - Mais il semble qu'il serait

10 tout de même très important de faire une distinction entre une discussion

11 politique dans une réunion et un témoignage devant la Cour, n'est-ce pas ?

12 M. le Président (interprétation). - Mais je pense que ça, c'est

13 un commentaire plus qu'une question.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Je retire. Au procès Tadic,

15 vous avez témoigné que M. Medunjanin avait fait le commentaire suivant ou

16 avait fait un commentaire sur le nombre de fusils. Quel est le nombre de

17 fusils cité par M. Medunjanin ? J'aimerais attirer votre attention à la

18 transcription du procès Tadic, page 94, pardon, 924.

19 M. Semenovic (interprétation). - En ce moment-ci, je ne peux pas

20 me rappeler le

21 chiffre cité par M. Medunjanin. Ce dont j'ai parlé il y a deux ans, mais

22 voilà que deux ans se sont écoulés depuis. Je sais seulement que lui

23 parlait d'armes qui seraient moins nombreuses que de ces armes-là dont

24 nous sommes accusés.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Donc aujourd'hui, vous ne vous

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1 souvenez pas de ce que vous avez dit il y a deux ans. Est-ce exact ? Et

2 aujourd'hui vous ne vous souvenez pas de ce qu’a dit M. Medunjanin il y a

3 sept... six ans ?

4 M. Keegan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, le

5 conseil en fait ne reflète pas effectivement la transcription. Je crois

6 que s'il veut citer la transcription, il doit demander à ce qu'elle soit

7 versée au dossier auprès de la Chambre. S'il veut s’en tenir à cette

8 déclaration, je crois qu'il ne cite pas correctement, car en fait c'est à

9 la page 923 dans la transcription qui est en ma possession et le

10 témoignage auquel il me semble qu’il fait référence indique que

11 M. Medunjanin...

12 M. Vucicevic (interprétation). - Je fais objection.

13 M. le Président (interprétation). - Laissez Me Keegan continuer.

14 Bien entendu, mettre à l’épreuve la mémoire du témoin est tout à fait

15 légitime, mais pas à partir du moment où l’on ne cite pas exactement ce

16 qui a été dit antérieurement. Où y a-t-il erreur ?

17 M. Keegan (interprétation). - Ce n'est pas à la page 924, c’est

18 la page 923, je crois, où en fait M. Medunjanin n’a pas fait référence à

19 un chiffre spécifique, il a simplement dit : " Comment est-ce qu’on peut

20 vous donner 7 000 s’il n’y a pas ces 7 000 ? " Donc il n’a pas fait

21 référence à un nombre spécifique d’armes, en fait il a... et il n’y a pas,

22 donc, dans cette déclaration, de suggestion d'une divergence dans le

23 témoignage comme l’affirme ou semble l’affirmer la défense.

24 M. le Président (interprétation). - Je ne vais pas demander à

25 cette Chambre d'envisager la possibilité d'accepter que l'on verse au

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1 dossier des déclarations antérieures à titre de preuve sans que l'on en

2 confère, mais il est évident que le conseil a le droit de procéder à un

3 contre-interrogatoire sur la base d'éléments fournis antérieurement.

4 Cependant, Monsieur Vucicevic, je me demande dans quelle mesure

5 il est utile de procéder à un contre-interrogatoire d’un témoin pour

6 déterminer ce qu’il a dit précisément il y a deux ans et déterminer s'il

7 se souvient précisément de ce qu'il a dit il y a deux ans. Je crois qu'il

8 serait surprenant qu'il s'en souvienne.

9 Soumettez des circonstances spécifiques au témoin, mais je ne

10 pense pas que nous puissions progresser à partir de détails ou

11 d'incohérences que l'on aurait pu relever quant à ce qui a été dit ou pas

12 dit lors d'un autre procès.

13 M. Vucicevic (interprétation). - J’aimerais faire un

14 commentaire.

15 M. le Président (interprétation). - Je ne vous demande pas de

16 faire un commentaire, je vous demande de continuer votre interrogatoire.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur Semenovic, j'aimerais

18 attirer votre attention sur le témoignage que vous avez donné au procès

19 Tadic, page 923, ligne 14.

20 Je vais lire ce témoignage. La question était la suivante :

21 "Est-ce que le commandant Zeljaja a indiqué ce qu'il ferait si les

22 7 000 armes n'étaient pas remises au SDS."

23 Votre réponse était : "Oui, il l'a dit. Après qu'il ait prononcé

24 ces paroles, M. Medunjanin a demandé à prendre la parole, puis M. Tadic.

25 Ils ont dit qu'il était impossible de remettre 7 000 fusils alors qu'il

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1 n'y en avait même pas 1 000."

2 Vous souvenez-vous d'avoir effectivement dit ceci ?

3 M. le Président (interprétation) - Quant à savoir si le témoin

4 s'en souvient, ou pas, c'est ce qui figure dans le procès-verbal du procès

5 Tadic.

6 Monsieur Semenovic, sur cette position, est-ce qu'effectivement,

7 M. Medunjanin a dit quelque chose qui aille dans le même sens que ce que

8 l'on vient de vous dire ?

9 M. Semenovic (interprétation). - Dans ce sens, oui, il l'a dit,

10 mais pour ce qui est du chiffre concernant le nombre de fusils, non, il ne

11 pouvait même pas dire qu'il y en avait

12 approximativement autant que le chiffre dont nous sommes accusés. Il a

13 déclaré quelque chose dans ce que vous dites tout à l'heure,

14 Monsieur le Président, il n'a pas dit qu'à Kozarac, il n'y a pas de

15 fusils. Il n'y avait même pas de fusils à Kozarac. C'étaient les paroles

16 de Medunjanin.

17 Bien entendu, il y a deux ans que j'ai fait cette déposition et

18 je n'ai pas eu l'occasion de lire, de revoir ma déposition. Par

19 conséquent, si on me pose une question de ce genre, il me faut un temps

20 pour me le rappeler, pour me rappeler d'abord les événements et également

21 me rappeler ce dont monsieur veut s'informer.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur Semenovic, lors de

23 votre témoignage hier, vous avait cité M. Medunjanin comme ayant dit qu'il

24 n'y avait pas plus de 5 000 fusils.

25 M. le Président (interprétation) - Monsieur Vucicevic, je vais

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1 exiger de vous que vous poursuiviez. Vous avez déjà insisté sur ce point.

2 Vous avez amplement attiré notre attention sur ce point. Je ne pense pas

3 que nous puissions progresser.

4 M. Vucicevic (interprétation). - Je voulais simplement signaler

5 des incohérences entre ce qui a été dit il y a deux ans et aujourd'hui.

6 M. le Président (interprétation) - Oui, bien entendu. Vous

7 pourrez le faire en temps utile. Pouvons-nous poursuivre maintenant ?

8 M. Vucicevic (interprétation). - Lors du procès Tadic, au tout

9 début, lorsque vous avez commencé à décrire votre carrière politique à la

10 page 892, ligne 1, en réponse à la question : "Vous êtes-vous impliqué

11 dans le processus politique à l'époque ?" Vous avez répondu : "Oui, je

12 suis devenu politiquement actif dans la deuxième moitié de 1989."

13 Dans votre témoignage d'hier, vous avez dit que vous avez entamé

14 votre carrière politique, vous êtes devenu actif politiquement au milieu

15 de 1990, pouvez-vous réconcilier...

16 M. le Président (interprétation) - Je crois que vous lui avez

17 déjà posé cette question si je me souviens bien...

18 M. Vucicevic (interprétation). - Mais, Monsieur le Président,

19 c'est après avoir entendu sa réponse. J'ai délibérément omis toute

20 référence au procès Tadic. Je pense que ma question est claire et que le

21 procès-verbal le reflétera. C'est pour cela que je la pose maintenant.

22 M. le Président (interprétation) - Je crois qu'il ne faut pas

23 revenir sur tout cela. Vous avez procédé à un contre-interrogatoire

24 approfondi sur ce point hier. Veuillez, s'il vous plaît, poursuivre.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Lors de votre témoignage d'hier

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1 concernant la formation, la date de formation du SDA, vous avez aussi

2 indiqué que le président du SDS au niveau de l'Etat, c'était

3 Alija Izetbegovic, est-ce exact ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez aussi témoigné il y a

6 quelques jours que le SDA avait un programme, n'est-ce pas ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Oui, chaque parti avait son

8 programme à lui.

9 M. Vucicevic (interprétation). - Quand M. Alija Izetbegovic est-

10 il devenu président du SDA ? Président, quel que soit le terme que l'on

11 utilise ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Autant que je m'en souvienne,

13 j'ai répondu à cette question hier pour dire quand fut formé le SDA

14 officiellement. C'était début juin 1990, lorsque le parti fut enregistré

15 et lorsque le parti a eu sa réunion, son assemblée constituante...

16 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez entendu une

17 déclaration faite par M. Izetbegovic ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Oui, j'ai entendu parler de ce

19 livre. On en a tellement parlé dans la presse. La presse a été contestée,

20 il y a eu beaucoup de discussions.

21 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous lu cet ouvrage ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Non.

23 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que M. Izetbegovic a

24 écrit d'autres

25 ouvrages sur la question à votre connaissance ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Je crois qu'il a écrit très peu

2 de livres, mais je ne les ai pas lus.

3 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur le Président... (La

4 défense s'éloigne du micro, nous sommes désolés, nous n'entendons plus.)

5 Excusez-nous, c'est une différence de pratique nationale.

6 (L'huissier s'exécute.)

7 Je n'ai pas eu l’occasion, car j’ai reçu cet ouvrage il y a

8 quelques jours seulement, je n'ai pas eu l'opportunité de vous le

9 traduire. Je vais cependant demander au témoin de lire les paragraphes

10 pertinents et vous en recevrez la traduction. De cette manière, dans

11 quelques jours, je vous remettrai la traduction complète de cette pièce

12 que j'aimerais faire verser au dossier.

13 M. le Président (interprétation). - Nous allons vous permette de

14 procéder de la sorte, mais vous devez bien comprendre la règle.

15 Normalement, ces documents doivent être présentés avec leur traduction.

16 De manière exceptionnelle, nous allons vous laisser procéder

17 comme vous l'avez indiqué, mais souvenez-vous qu'il faudra à l’avenir,

18 fournir une traduction de tout ce que vous nous remettez ou que vous

19 demandez de verser.

20 M. Vucicevic (interprétation). – M. Semenovic, j’aimerais que

21 vous portiez votre attention à la page 22, dernier paragraphe qui commence

22 par : "La première conclusion est la plus importante parmi les

23 conclusions." Voulez-vous, s’il vous plaît, lire les toutes premières

24 pages de ce paragraphe ?

25 M. Semenovic (interprétation). - Je les ai lues.

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1 M. Vucicevic (interprétation). – Voulez-vous les lire à haute

2 voix pour que les interprètes puissent le traduire et pour que les Juges

3 entendent ce qui est écrit ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Vous voulez que je cite le

5 texte ?

6 M. Vucicevic (interprétation). – Oui, s'il vous plaît.

7 M. Semenovic (interprétation). - Ici je cite : "La première

8 conclusion est la plus importante". Je n'ai pas pu lire de quelle

9 conclusion il s'agit. Donc : "La première conclusion est la plus

10 importante, et celle concernant, c'est l'impossibilité de concilier

11 l'Islam et le système non islamique. Ce qui est important, la conclusion,

12 est qu'il ne peut y avoir une réconciliation entre l'Islam, les

13 institutions non islamiques et les religions non islamiques. Non plus,

14 qu’il ne peut y avoir de paix, entre les institutions islamiques et les

15 institutions non islamiques."

16 M. le Président (interprétation). – Voulez-vous que le témoin

17 lise tout ?

18 M. Vucicevic (interprétation). – Pardon ?

19 M. le Président (Interprétation). – Voulez-vous que le témoin

20 continue à lire ?

21 M. Vucicevic (interprétation). – Non, seulement ce passage.

22 Etes-vous d'accord avec cette déclaration, Monsieur Semenovic ?

23 M. Semenovic (interprétation). - Non. Je ne comprends pas dans

24 quel contexte vous voulez que je me mette d'accord. Je viens de lire un

25 fragment tiré d'un livre que je n'ai pas lu, je ne sais pas ce qui

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1 précède, et je n’ai pas d’ailleurs ce qui suit ce texte.

2 M. Vucicevic (interprétation). – Je vous demande simplement si

3 vous êtes d'accord, ou si vous n'êtes pas d'accord avec ce que vous venez

4 de lire. Et je le répète : "Il n'y a ni paix, ni coexistence entre la foi

5 islamique et les institutions politiques et sociales non islamiques."

6 M. Semenovic (interprétation). - Je suis en désaccord absolu.

7 M. Vucicevic (interprétation). – Où s’est tenue la première

8 conférence annuelle du premier anniversaire du SDA de Bosnie-Herzégovine ?

9 J'aimerais que vous portiez votre attention sur l'année 1991.

10 M. Semenovic (interprétation). - La première réunion annuelle,

11 le premier anniversaire ? Je ne comprends pas.

12 M. Vucicevic (interprétation). – Où s'est tenue la première

13 assemblée du SDA de

14 Bosnie-Herzégovine en 1991, dès lors que la fondation a eu lieu en 1990 ?

15 M. Semenovic (interprétation). – Pensez-vous au premier congrès

16 ou à la réunion à l'assemblée constituante ?

17 M. Vucicevic (interprétation). – Est-ce qu'une réunion a eu lieu

18 à Forcara en 1991 ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Il y avait, à Forca, une

20 réunion mais ce n'était pas l'assemblée constituante, non plus que le

21 congrès. C'était tout simplement une des réunions du parti que j'ai pu

22 voir sur les écrans et j'ai entendu dire également au sein des organes du

23 parti que la réunion a eu lieu.

24 M. Vucicevic (interprétation). – Avez-vous suivi la déclaration

25 de M. Izetbegovic, lors de cette conférence politique ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas l'avoir

2 suivie.

3 M. Keegan (interprétation). – Monsieur le Président, excusez-

4 moi. C'est maintenant la cinquième question ou réponse que les

5 sténotypistes n’arrivent pas à relever car les interventions se succèdent

6 trop rapidement et ne permettent pas à l’interprétation d’aller à son but.

7 M. le Président (interprétation). - Monsieur Vucicevic, avez-

8 vous entendu cette remarque qui a été faite par Me Keegan ?

9 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, je suis conscient de ce

10 fait.

11 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous, s’il vous

12 plaît, rester très conscient de ce problème en permanence ?

13 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge.

14 Monsieur Semenovic, ayant témoigné que vous êtes en désaccord

15 avec cette déclaration du dirigeant du parti, n'est-il pas juste d'en

16 conclure que le SDA de Prijedor était en désaccord avec la politique de la

17 direction de Sarajevo ?

18 M. Keegan (interprétation). - Objection.

19 M. le Président (interprétation). - Non, vous ne pouvez pas

20 faire objection, mais essayons d'aller aussi rapidement que possible pour

21 traiter de ces questions.

22 M. Keegan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

23 M. le Président (interprétation). - Monsieur Semenovic, est-ce

24 que le SDA local était en désaccord avec la politique menée par la

25 direction du parti à Sarajevo ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Je souhaite dire ici tout

2 simplement qu'il ne s’agit pas d’une déclaration faite par le président du

3 parti, c'est une déclaration faite par cet homme il y a vingt ou trente

4 ans dans le cadre d'un travail scientifique qui est ce livre-ci. Il s'agit

5 d'un livre écrit il y a plusieurs décennies. Il s'agit d'une citation

6 tirée du livre de cet homme.

7 Beaucoup plus tard, cet homme deviendra le président du parti et

8 ce n'est pas une déclaration faite par lui en tant que président du parti.

9 Il a fait référence à plusieurs reprises à ce livre plus tard, mais je ne

10 m'en suis jamais intéressé, non plus que j'ai pris part à des

11 conversations ou à des débats parce que finalement ce livre n'a pas

12 l’objet du travail politique ou officiel du SDA. C'est tout ce que je peux

13 dire.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Lorsque vous vous êtes référé à

15 la question des armes qui existaient dans la région de Kozarac, vous avez

16 dit qu'il n'y avait pas assez d'armes, ne serait-ce que pour armer un

17 tiers de la population.

18 M. Semenovic (interprétation). - Je l’ai dit parce que c'était

19 ma façon d'illustrer ce que j'avais dit préalablement.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Mais au procès Tadic, vous avez

21 témoigné de manière détaillée. On vous a montré les éléments de preuve

22 reprenant les listes de la mobilisation, la liste d'appel à la

23 mobilisation pour le ministère territorial, vous avez également témoigné

24 au procès Tadic que vous avez personnellement participé au renforcement de

25 cette liste ou au développement de cette liste. Avez-vous souvenir du

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1 nombre d'unités ou T?O qui

2 existaient à Kozarac et dans les environs ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Je ne sais pas, parce que je

4 n'étais pas responsable du commandement de la Défense territoriale, non

5 plus que de l'organisation de la Défense territoriale sous cet angle

6 militaire, pour traiter évidemment de ce que la loi en stipule. Je ne sais

7 pas combien d'hommes furent engagés, non plus que ce qui devrait être

8 comme chiffre pour illustrer le nombre d'armes. Ce n'était ni la matière

9 dont je m’occupais, non plus que ma responsabilité. Par conséquent, pour

10 ce qui est du nombre d’armes, je n’en sais rien.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez déclaré que le

12 8 avril une lettre a été envoyée au niveau de la République, lettre qui

13 indiquait qu'il y avait appel à la mobilisation de la Défense

14 territoriale. Savez-vous qui est l'auteur de cet ordre ou de cette

15 lettre ?

16 M. Semenovic (interprétation). - J'ai dit qu'autant que je m'en

17 souvienne, cela a dû être daté du 8 avril, et je n'en suis pas certain

18 encore, mais je suis certain que c'était un ordre émis par la Présidence

19 de la Bosnie-Herzégovine. Il y avait un quartier général de la Défense

20 territoriale de Bosnie-Herzégovine et les ordres ont été émis. Cette

21 décision a été communiquée par la radio et tous pouvaient l'entendre et je

22 crois que certaines de ces télévisions environnantes croates ou autres

23 l’avaient reprise.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Ce qui veut dire que le

25 8 avril, l'Etat de Bosnie-Herzégovine avait lancé un appel à la

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1 mobilisation de toutes ces forces armées, des forces qu'elle avait sous

2 son commandement, est-ce bien exact ?

3 M. Semenovic (interprétation). - La présidence a émis l'ordre

4 portant mobilisation de la Défense territoriale. Je l'ai mentionné cet

5 ordre-là.

6 M. Vucicevic (interprétation). - Le SDA de Prijedor, son comité

7 a mis en oeuvre cet ordre pour ce qui est des régions à population

8 musulmane majoritaire et elle l'a fait en érigeant des barrages routiers,

9 est-ce exact ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Non. Il y avait un commandement

11 de la Défense

12 territoriale de Prijedor, lequel commandement était tenu de mener à bien,

13 d'exercer cet ordre. Mais il y avait là une composition ethnique mixte.

14 Pour ce qui est du rapport des responsables qui étaient d'origine ethnique

15 serbe et quant à leur approche de la matière, je l'ai déjà expliqué cette

16 matière-là.

17 Dans ce contexte-là, on ne pouvait pas réaliser cet ordre émis

18 par la Bosnie-Herzégovine parce que tout simplement une partie de ces

19 responsables ne pouvait pas l'accepter, ne voulait pas l'accepter.

20 J'ai dit que c'est à partir du centre, c'est-à-dire à partir de

21 Prijedor que cet ordre n'a pas pu être exécuté entièrement. Cela veut dire

22 que pour une partie de Prijedor, on ne pouvait pas exécuter l'ordre émis

23 par la présidence de l'Etat.

24 Cette année, une partie de ces responsabilités a été entamée,

25 mais tout cela sans grand succès parce qu'il n'y a pas eu une bonne

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1 coordination, je dirai, une coordination centrale.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Vous étiez un homme politique.

3 Vous viviez à Trnopolje et vous représentiez politiquement l'ensemble de

4 la municipalité, et cet ordre, lorsqu'il fut émis, provoqua chez vous de

5 vives inquiétudes, n'est-ce pas ?

6 M. Semenovic (interprétation). - J'ai été très inquiet avant

7 même l'ordre donné parce que nous avons pu voir tout cela, tous ces

8 événements que j'ai décrits. Il y avait des explosions, il y a eu des

9 coups tirés, tous étaient inquiets.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Hier, vous avez déclaré qu'un

11 tank de la JNA était posté depuis le 3 mai au carrefour de la route de

12 Prijedor à Banja Luka-Cerska. Vous avez déclaré également que c'était la

13 route parallèle principale qui menait à Kozarac, est-ce bien exact ?

14 M. Semenovic (interprétation). - Autant que je m'en souvienne,

15 c'était le 3 mai.

16 M. Vucicevic (interprétation). - A cette époque-là, y avait-il

17 un barrage routier qui se trouvait juste de l'autre côté de la route ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Je crois que oui. C'était vrai

19 après l'apparition du char, les gens ont créé ce point, une espèce de

20 protection, de barrage -je ne sais plus- fait en bois ou en sable, je ne

21 m'en souviens plus.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Ce qui revient à dire que des

23 soldats de la JNA se trouvaient d'un côté de la route et que la Défense

24 territoriale du SDA se trouvait de l'autre côté et que les uns, les autres

25 se fixaient ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Ce n'étaient pas les soldats de

2 la JNA, mais en général des gens déjà connus, même les habitants de

3 Kozarac parlaient avec, je pense évidemment à l'équipage du char et aux

4 soldats. Il y avait des gens assez âgés, enfin des gens de Prijedor qui

5 sont vraiment du troisième banc, tout cela en fait après la prise de

6 pouvoir par SDS de Prijedor.

7 Ce char est apparu trois jours plus tard ; prise de panique, la

8 population a fait ce qu'elle a fait. Les gens voulaient se faire une

9 protection telle qu'elle.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Essayons de voir si je vous ai

11 bien compris.

12 M. Semenovic (interprétation). - Vous m'avez posé la question

13 comme quoi d'un côté, il y avait la Défense territoriale et de l'autre

14 côté la JNA. Ce n'était pas la JNA. Nous avons clairement reconnu les

15 soldats de la JNA. A ce moment-là, une partie des soldats de la JNA était

16 à Benkovac au camp militaire, nous le savons également parce que d'aucuns

17 voulaient s'enfuir et on parlait avec des gens de Kozarac et les gens de

18 Kozarac étaient là pour aider dans ce sens, pour leur fournir des

19 vêtements de civils.

20 Par exemple, il y avait un certain Zelalja qui a voulu aider pas

21 mal de soldats de la JNA et qui leur a permis de s'enfuir et puis

22 Avdo Mujkanovic lui aussi.

23 M. Vucicevic (interprétation). - Je crois que nous nous écartons

24 trop de ce carrefour sur lequel portait ma question.

25 M. le Président (interprétation) - Oui, posez votre question

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1 suivante.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Est-il exact de dire qu'à

3 partir du 8 avril, il y avait pratiquement un état de guerre froide en

4 Bosnie entre le SDA et le SDS sur la base de ce que vous venez de dire ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Je ne comprends pas très bien

6 ce terme "état de guerre froide". Un ultimatum nous a été émis

7 préalablement ; déjà, les responsables, dans leurs conversations, même par

8 la radio, lors de la prise du pouvoir, ont émis des messages par la radio

9 où il était clair qu'on demandait un désarmement des extrémistes. Après

10 quoi, le char est apparu et l'affaire est claire et évidente.

11 Si vous voulez savoir si d'un côté, il y avait un point de la TO

12 et de l'autre côté ce char-là, alors là, c'est exact parce que cela est

13 évident.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Le 16 mai, ou aux environs de

15 cette date, au moment où vous et les autres représentants officiels de

16 Korac reçurent un ultimatum de la part des commandants de la JNA, vous

17 retournez à Kozarac et discutez de cet ultimatum avec qui que ce soit ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Avec qui avez-vous discuté de

20 cet ultimatum ? A quel endroit et à quel moment ? Qui était présent au

21 moment de cette réunion ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas de la

23 date exacte de cette réunion, mais je crois que c'était un jour après la

24 réunion de Prijedor. Il y avait une réunion de masse de gens avec des

25 représentants des collectivités locales, de la Défense territoriale, tous

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1 étaient rassemblés à l'école élémentaire de Kozarac.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous pris la parole à

3 l'occasion de cette réunion ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Oui, j'ai pris la parole.

5 M. Vucicevic (interprétation). - D'autres personnes ont-elles

6 pris la parole ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Becir Medunjanin a pris la

8 parole également. Ont parlé aussi d'autres gens parce que la réunion a

9 duré plusieurs heures. Après de telles menaces, il était évident que les

10 gens allaient se faire tuer et qu'il a fallu trouver une issue à la

11 situation. Par conséquent beaucoup ont parlé, je ne peux pas me rappeler

12 maintenant le nom d'une vingtaine ou trentaine de personnes qui ont pris

13 la parole.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Le choix qui se présentait,

15 quel était-il ? Soit vous restituiez les armes, soit vous passiez à

16 l'affrontement ? Qu'avez-vous recommandé ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Non, le choix fait a été de

18 rendre les armes et de laisser entrer la police serbe dans Kozarac qui

19 devait arborer le drapeau serbe. C'était justement ce qu'on nous avait

20 demandé.

21 M. Vucicevic (interprétation). - Qu’avez-vous recommandé à cette

22 assemblée à l'école élémentaire sur ce point ?

23 M. Semenovic (interprétation). - Je n'avais pas de proposition à

24 faire, il ne me restait qu'à interpréter ce que j'ai pu entendre avant

25 cette réunion et les gens étaient tous rassemblés maintenant pour qu'on en

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1 discute, pour qu'on trouve une décision. Je n'avais rien suggéré dans

2 cette situation-là.

3 M. Vucicevic (interprétation). - Vous souvenez-vous des propos

4 tenus par M. Medunjanin à cette occasion de cette réunion ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas bien de

6 toutes ses déclarations mais je sais que M. Medunjanin et lui non plus

7 n'avaient pas de proposition concrète.

8 L'objectif de la réunion étant d'aboutir à une décision en

9 commun et non pas de prendre évidemment une solution politique ou de

10 quelqu'un qui serait du côté de la Défense territoriale. Si nous l'avions

11 voulu, on n'aurait certainement pas rassemblé tous ces gens-là. Notre

12 objectif était de voir autant de gens possible pour prendre une décision

13 en commun, pour

14 que les gens soient derrière cette position. Je ne me souviens pas très

15 bien que Becir Medunjanin aurait dit : " Nous allons faire ceci ou cela

16 etc. ", c’est pour cela que les gens ont été rassemblés.

17 M. le Président (interprétation). - C'était un bon exemple.

18 L'interprète n'avait pas terminé d'interpréter. J'insiste,

19 Maître Vucicevic, pour que vous fassiez vraiment un effort. Nous tenons à

20 savoir ce que vous dites et ce que dit le témoin, c'est vraiment utile. Il

21 est peut-être utile que vous mettiez vos écouteurs.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur Semenovic, est-ce

23 qu’une question a été adressée à l’assemblée sur la question de savoir

24 s'il fallait rendre les armes et accepter le pouvoir serbe à Kozarac ?

25 Est-ce qu'un vote s'est tenu sur cette question au cours de l'assemblée ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas

2 exactement mais il y avait une espèce de mode de prononciation, disons.

3 M. Vucicevic (interprétation). - C’était une réunion des plus

4 importantes, Monsieur le Président. Il semblait que là se déroulait un

5 processus démocratique. Est-ce que je peux poursuivre dans cette voie ?

6 M. le Président (interprétation). - Oui.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur Semenovic, une

8 question capitale, une des questions les plus importantes qui se pose dans

9 la vie des hommes politiques de la région : le SDA, le SDS étaient

10 favorables au processus démocratique. Je vous demande quelles furent les

11 modalités de prise de décision à cette réunion et quelle fut la décision

12 prise ?

13 M. Semenovic (interprétation). - A cette réunion la décision

14 était de respecter, d'observer la loi de la Bosnie-Herzégovine car nous

15 n'avons pas reconnu l'Etat créé par les Serbes parce qu'ils ont déjà formé

16 la Bosnie-Herzégovine des Serbes. Ils voulaient que cette partie, cette

17 région soit également incluse dans la Bosnie-Herzégovine serbe et à la fin

18 la décision qui a pu prévaloir, c'est de continuer, de respecter,

19 d'observer la présidence de la

20 Bosnie-Herzégovine et nos autorités.

21 M. Vucicevic (interprétation). - Et vos autorités, quelle

22 direction ont-elles amorcé, direction que vous avez empruntée s'agissant

23 de l'ultimatum qui vous avez été adressé ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Nous n'avons eu aucun contact

25 avec nos autorités de la République étant sans communication par

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1 téléphone, sans aucune liaison. La seule chose à voir c'étaient les lois

2 de la Bosnie-Herzégovine, la Défense territoriale comme structure de

3 défense,. Nous avons eu la police de Kozarac comme étant une structure

4 établie par et en vertu de la loi de la Bosnie-Herzégovine.

5 La seule chose que nous ayons pu avoir, c'était la radio par

6 laquelle nous avons pu apprendre les déclarations des responsables et les

7 attitudes prises par la direction du parti.

8 Il y avait donc deux possibilités : ne plus être partis de

9 Bosnie-Herzégovine, accepter donc de faire partie de la nouvelle Bosnie-

10 Herzégovine des Serbes ou demeurer donc dans le cadre de la Bosnie-

11 Herzégovine et les hommes ont pris la décision comme quoi nous restons

12 partie intégrante de la Bosnie-Herzégovine. C'était la décision de cette

13 réunion.

14 M. Vucicevic (interprétation). – Monsieur Semenovic, vous saviez

15 que Kozarac était encerclé. Au vu des informations reçues précédemment,

16 vous saviez où était positionnée, et avec quels effectifs, se trouvait

17 l’artillerie des militaires qui s’opposait à vous. Vous connaissiez donc

18 leurs forces et il semblerait que vous et les gens de Kozarac ne devaient

19 pas décider sur la question de savoir s’ils voulaient défendre

20 l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine, mais plutôt de savoir s’il

21 fallait lutter, ou vous rendre. Pourriez-vous répondre à cette question ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Là-dessus, je peux vous dire

23 comme suit : "Les gens ont décidé, tous pris de peur pour leur propre vie,

24 nous étions conscients du fait que nous étions encerclés, nous avons donc

25 décidés de rester partie intégrante de la Bosnie-Herzégovine, car ce n'est

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1 qu’ainsi que nous avons eu droit à notre légitime défense. Et ce sont ces

2 jours-là que la décision a été prise par la JNA de se retirer de Bosnie-

3 Herzégovine. Ce qui a été émis

4 également par la radio.

5 Evidemment, l'agression contre la Bosnie-Herzégovine a été déjà

6 constatée par le conseil de sécurité de l'ONU et nous nous attendions à ce

7 que ces décisions, surtout celles prises par la communauté internationale,

8 suffiraient pour contrecarrer ces attaques. Nous nous attendions à ce que

9 ces jours-là, étant donné la résolution de l'ONU soit mise en œuvre,

10 surtout pour ce qui est du retrait des forces armées. Ce qui nous restait

11 à nous, c'était de tout faire pour ne pas provoquer des actions armées

12 contre nous mais la décision était prise d'observer la loi de la Bosnie-

13 Herzégovine, mais également d'avoir droit à notre légitime défense, au cas

14 où nous serions attaqués. Et la décision a été prise comme quoi, si nous

15 étions attaqués nous devons nous défendre et le seul moyen était la

16 Défense territoriale qui était la seule structure restante, d'ailleurs,

17 qui relevait de la compétence de l'Etat. Tout autour de nous, il y avait

18 le nouvel Etat des Serbes de Bosnie, qui l'ont formé cet Etat.

19 M. Vucicevic (interprétation). – Je vous ramène à cette réunion

20 qui s'est tenue à Kozarac que vous avez déjà décrite. Lorsque vous vous

21 êtes adressé à l'assemblée, avez-vous tenu ces propos que vous venez de

22 tenir à propos de la situation prévalant, au plan international, de ce

23 qu'on pouvait escompter de la communauté internationale face à cet

24 ultimatum ? Avez-vous parlé de cela précédemment, dont vous venez de

25 parler devant les Juges ?

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1 Est-ce que je peux demander au témoin, Monsieur le Président de

2 répondre par "oui" ou par "non" ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

4 M. Vucicevic (interprétation). – Il se peut que vous ayez tenu

5 ces propos à l'époque ?

6 M. Semenovic (interprétation). – Vraiment, je ne m'en souviens

7 pas.

8 M. Vucicevic (interprétation). – Vous avez dit vous être porté

9 volontaire pour la Défense territoriale. Quelle fut votre affectation de

10 combat au sein de la Défense territoriale

11 avant le début des hostilités de Kozarac ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Il n'y avait pas une

13 affectation spéciale. Quant à moi, je me suis mis à la disposition de la

14 Défense territoriale. Il n'y a pas vraiment eu une responsabilité spéciale

15 à accomplir.

16 M. Vucicevic (interprétation). – Qui était le Président du

17 comité exécutif local du SDA à Prijedor ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Le Dr. Mirza Mujadzic ?

19 M. Vucicevic (interprétation). – Et l'avez-vous consulté après

20 que vous ayez fait l'objet de cet ultimatum le 16 mai ?

21 M. Semenovic (interprétation). – Non, parce qu'il était

22 impossible d'entrer en contact.

23 M. Vucicevic (interprétation). – Est-ce que vous auriez su, à

24 l'époque, où il se trouvait ?

25 M. Semenovic (interprétation). – Non, je savais où il était, où

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1 il habitait, où se trouvait sa maison mais je n'avais aucune idée où il

2 pouvait être à ce moment-là, à sa maison ou ailleurs.

3 M. Vucicevic (interprétation). – Hier, dans le cadre de votre

4 déposition, vous avez dit que M. Medunjanin avait donné l'assurance au

5 commandant militaire selon laquelle le côté musulman ou la Défense

6 territoriale n’ouvrirait pas le feu ou ne serait pas la première à ouvrir

7 le feu.

8 M. Semenovic (interprétation). – Oui, il l'a dit à Kozarac :

9 "C’est sûr que personne ne tirera pas une balle sur votre armée."

10 M. Vucicevic (interprétation). – Et néanmoins, on a tiré au

11 barrage d'Hambarine le 22 mai, n'est-ce pas ?

12 M. Semenovic (interprétation). – Oui, je l'ai entendu à la

13 radio, mais je ne me

14 trouvais pas dans cette partie de Prijedor, je ne savais pas très bien ce

15 qui s'y passait.

16 M. Vucicevic (interprétation). – Avez-vous un souvenir précis de

17 ce que vous avez entendu à la radio à l'époque, s'agissant de

18 l'affrontement militaire au barrage d’Hambarine ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas

20 exactement, mais je sais qu'à la radio, on disait comme quoi des coups ont

21 été tirés sur l'armée serbe. Cela fait partie d'une information émise par

22 la cellule de crise. Je ne me souviens pas avec exactitude. Nous étions à

23 Kozarac. Nous avons été bloqués et n'avons eu aucun contact, aucune

24 liaison physique avec cette partie de la ville.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous entendu mentionner

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1 cet ultimatum adressé à la Défense territoriale de Hambarine ?

2 M. Semenovic (interprétation). - Je ne sais pas. Autant que je

3 m'en souviens, on a fait mention aux informations de cet ultimatum, mais

4 je ne peux pas m'en souvenir maintenant avec précision.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Après qu'il y ait eu des

6 activités militaires à Kozarac, ou concernant Kozarac le 24, avez-vous

7 réussi à vous rendre à Kozarac au cours des deux ou trois jours suivants ?

8 M. Semenovic (interprétation). - J'ai tenté une fois, mais sans

9 une tentative nouvelle parce qu'il était vraiment impossible de le faire.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous établi un contact

11 quelconque avec les dirigeants politiques du SDA après le 22 mai ? Je vous

12 demande de vous intéresser surtout aux trois mois de l'été 92 ?

13 M. Semenovic (interprétation). - Non. Je n'avais aucun contact.

14 J'ai pu rencontrer seulement Besim Alic, ce monsieur étant du côté du

15 quartier général de la Défense territoriale, mais lui, je l'ai rencontré

16 vers la mi-juillet. Je me souviens lui avoir dit que j'étais tout seul sur

17 ce terrain-là où j'ai dû me cacher. A cette occasion-là, j'ai justement

18 rencontré ce M. Alic. La conversation a été très brève. On s'est échangé

19 deux ou trois phrases. Lui disait comme quoi il prenait la route de la

20 Kozara. Je ne l'ai plus jamais revu.

21 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce

22 le bon moment pour faire la pause ? En effet, je prévois la diffusion

23 d'une cassette pour la poursuite des débats, mais si vous voulez, je peux

24 poursuivre mes questions pendant un certain temps.

25 M. le Président (interprétation) - Non, non, le moment est

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1 bienvenu. Nous allons faire une pause de 20 minutes.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Je vous remercie,

3 Monsieur le Président.

4 (L'audience, suspendue à 10 h 45, est reprise à 11 h 20.)

5 M. Vucicevic (interprétation). - Je reviens à une pièce dont

6 nous avons déjà demandé le versement : cette déclaration islamique. Il

7 s'agit d'une publication. Voici d'ailleurs l'ouvrage-même que j'aimerais

8 remettre à l'huissier.

9 (L'huissier s'exécute.)

10 M. le Président (interprétation). - De quoi s'agit il ?

11 M. Vucicevic (interprétation). - Dans cet ouvrage, on apprend

12 qu'il est produit par une petite maison d'édition musulmane à Sarajevo. Il

13 a été publié en 1990. Je soumets ceci à votre examen.

14 M. le Président (interprétation). - Eh bien, nous admettrons

15 cette pièce lorsqu'elle sera traduite. Poursuivez, Maître Vucicevic.

16 M. Vucicevic (interprétation). - Je reviens sur les questions

17 que je posais à propos de cette réunion qui s'est tenue après l'ultimatum

18 délivré par les commandants militaires, cette réunion qui s'est tenue à

19 Kozarac. J’ai relevé que le témoin à utilisé le terme "consensus", ce qui

20 a été traduit par "décision". J'aimerais poser une question afin de tirer

21 ceci au clair. Ceci m’a été indiqué par un co-conseil au cours de la

22 pause.

23 Monsieur Semenovic, lorsque vous avez parlé de la phase

24 terminale de cette réunion qui s'est tenue à l'école élémentaire de

25 Kozarac, j’aimerais savoir si on est passé aux voix, s'il y a eu un vote ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - J'ai dit qu'il y avait une

2 espèce de prononciation, c'est-à-dire la fin étant que les gens étant à

3 cette réunion devaient se prononcer sur une attitude à prendre en commun

4 face aux problèmes devant lesquels ils étaient. Etait-ce une mise aux voix

5 aux bras levés ou collective ? Je ne m'en souviens pas et je l’ai déjà

6 dit.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Vous venez de parler de la

8 manifestation de l'expression collective de la volonté. Comment ceci

9 s’est-il manifesté, comment ceci a-t-il été fait ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Il y avait la mise aux voix, où

11 l’on prépare les bulletins, les bulletins de vote, on formule d'abord les

12 questions et puis après, lesquels bulletins devaient être glissés dans les

13 urnes, mais il y a aussi des mises aux voix où les individuels devaient

14 être appelés, nom et prénom, pour dire s’ils sont pour ou contre.

15 Il y a eu la mise aux voix où on peut évidemment se présenter

16 devant une assemblée pour dire si les présents sont pour ou contre, ils

17 doivent se prononcer. Ceux qui sont pour lèvent leurs bras, ceux qui ne le

18 sont pas ne le font pas. Alors là, on fait le décompte et on voit si on

19 est pour ou contre. Voilà ces différentes variantes de mise aux voix. Il

20 n'y avait pas de bulletins de vote on n'a pas procédé à des votes du

21 genre, mais il y avait donc une autre sorte d’expression, d’opinion.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Aujourd'hui, vous avez énoncé

23 les différentes modalités d'expression d'un avis, afin de constituer ou de

24 prendre une décision, mais vous avez déclaré également que vous ne vous

25 souveniez pas de la modalité qui avait été utilisée lors de cette réunion

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1 à Kozarac ?

2 M. Semenovic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, si on

3 avait fait l'appel de

4 tous ces individus présents ou si on avait demandé tout simplement à

5 l'ensemble du rassemblement, ceux qui étaient "pour" à lever le bras, la

6 main ou ceux qui étaient "contre", parce que vous savez, j'étais présent à

7 tant de mises aux voix et je ne me souviens pas vraiment comment nous

8 avons pu passer au vote pour chacune de ces réunions. C'est impossible de

9 retenir tout cela.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Est-il exact de dire qu'il

11 s'agissait là d’une des réunions les plus importantes de votre vie ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Il y avait plusieurs réunions

13 importantes dans ma vie.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Et vous ne vous souvenez pas de

15 celle-ci, est-ce bien exact ?

16 M. Semenovic (interprétation). - Je ne me souviens pas,

17 monsieur, car nous étions tous en proie à une psychose, pris d'une grande

18 peur, d'épouvante je dirais, lorsque cette réunion s'était tenue. Je crois

19 que vous pouvez bien saisir la situation. C'était une question de vie ou

20 de se faire tuer. Il a fallu trouver une issue à cette situation parce

21 qu'on a vu ce qui s'est passé, on a vu à la télévision ce qui s'est passé

22 dans les autres municipalités de Bosnie-Herzégovine, avec tous ces

23 massacres massifs

24 M. Vucicevic (interprétation). - Je vous remercie,

25 Monsieur Sejmanovic. Je vais passer à un autre sujet.

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1 Monsieur, lorsque vous étiez à Trnopolje, est-ce qu'il y avait

2 d'autres membres de votre famille qui partageaient votre maison ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Il y avait ma mère.

4 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes caché

5 dès le début de l'action militaire à Kozarac ?

6 M. Semenovic (interprétation). - Je l'ai déjà dit hier. Le

7 second jour, lorsque des

8 réfugiés en masse sont venus de la direction de Trnopolje, je me suis

9 caché pour ne pas que les gens se fassent tuer. Si par exemple, l'armée

10 qui s'approchait déjà de nous les voyait avec moi, parce que moi, pour les

11 beaux yeux des autorités serbes, j'étais un de ces extrémistes.

12 M. Vucicevic (interprétation). - Qu'est-il advenu de votre mère

13 au cours de cette période qui nous intéresse ? Pourriez-vous le dire aux

14 Juges ?

15 M. Semenovic (interprétation). - Pensez-vous à ces jours-là ou

16 peut-être pour l'ensemble de la période, je vous prie ?

17 M. Vucicevic (interprétation). - Les deux, si vous pouvez.

18 M. Semenovic (interprétation). - Oui, ma mère elle aussi s'est

19 cachée. D'abord, elle a fait partie de ces réfugiés en masse qui se sont

20 retrouvés au village de Sivci dans une maison. Après quoi, elle a dû

21 quitter cette maison. Elle a erré toute seule à travers les forêts, les

22 prés. Elle allait en direction de Prijedor sans savoir elle-même où elle

23 allait.

24 Elle est parvenue à gagner Prijedor, à Garevci plutôt. C'est une

25 femme assez âgée, presque analphabète, après quoi, elle arrive à la ville.

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1 Elle a trouvé quelqu'un qui l'a reçue dans son appartement. Puis, elle

2 s'est cachée dans le village de Celeci, après ce village de Celeci avec

3 d'autres réfugiés, ma mère est arrivée à la région d'Hambarine.

4 Lorsque les autorités serbes ont rassemblé les femmes avec les

5 enfants pour les mettre dans des autocars pour les transporter vers

6 Trnopolje, ils l'ont fait en convoi. C'est là, dans le convoi de

7 Trnopolje, qu'ils ont passé la nuit. Après quoi, à bord de camions et

8 autocars, ils les ont transportés à la localité de Turbe, laquelle

9 localité se trouvait sous le contrôle de l'armée bosniaque.

10 A Prijedor, elle a été cachée, elle a été reçue par Muharema. Je

11 ne connais pas les noms des autres personnes.

12 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que votre mère a essayé

13 de savoir où vous vous trouviez ?

14 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

15 M. Vucicevic (interprétation). - Pourriez-vous donner, fournir

16 des détails aux Juges ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Oui, j'ai déjà mentionné que ma

18 mère était parmi les réfugiés dans ce rassemblement massif du village de

19 Sivci. Les hommes et les femmes, avec qui ma mère était, ont eu peur de la

20 voir avec parce qu'elle devait être, comme les autorités serbes le

21 préconisaient, la mère d'un extrémiste. C'est ainsi qu'elle a dû quitter

22 ensuite ce rassemblement pour aller à Sivci, comme je viens de le dire,

23 dans cette maison ; laquelle maison, elle a quitté une fois de plus pour

24 errer à travers la montagne, mais elle a dû s'assurer quelques affaires

25 personnelles, vêtements ou autres. Elle a passé la nuit dans cette maison-

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1 là. Le lendemain, les soldats serbes étaient venus.

2 D'après elle, il s'agissait de quatre soldats qui étaient venus

3 en voiture, les deux ayant encerclés la maison, les deux autres ont

4 pénétré dans la maison pour la maltraiter, pour la menacer, lui logeant le

5 canon de fusil dans la bouche. Après quoi, ils l'ont emmenée vers la

6 voiture.

7 En l'emmenant vers la voiture, ils ont ouvert la portière

8 arrière et comme elle est de petite taille, 1,50 mètre et quelques, et

9 comme la voiture était parquée près d'un vignoble, elle s'en est enfuie.

10 Elle a pris la direction d'un ruisseau qui était non loin de la maison.

11 C'était notre maison à nous. Elle s'est cachée près de ce ruisseau, mais

12 les soldats se sont mis à la rechercher, ils ont tiré dessus et ont essayé

13 de tout perquisitionner, mais ils ne l'ont pas trouvée parce qu'elle

14 s'était cachée, petite quelle était, près des arbres, près de troncs

15 d'arbres, près du ruisseau. Après quoi, elle s'est sauvée une fois de plus

16 pour errer des jours et des jours comme je viens de le dire.

17 C'est ce qu'elle m'a relaté d'ailleurs. Et une partie de ces

18 événements ont été observés et constatés par des gens qui m'en ont parlé

19 plus tard.

20 Quant à moi j'ai été informé de sa mort parce que d'aucuns

21 prétendument ont vu qu'elle a été emmenée de la maison, ont entendu des

22 coups de feu et puis après ils ont cru qu'elle a été abattue. Plus tard

23 évidemment ils ont pu constater qu'elle s'était enfuie.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Ce sont donc là des moments

25 très éprouvant auxquels a survécu votre mère, mais il n'empêche que plus

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1 tard lorsqu'elle est arrivée à Tronopolje, elle a été transférée sur un

2 territoire contrôlé par les Musulmans de Bosnie. Est-ce exact ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

4 M. Vucicevic (interprétation). - Et j'espère qu'elle est en

5 bonne santé aujourd'hui.

6 M. Semenovic (interprétation). - Oui, elle est en vie.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Dans le cadre de votre

8 déposition, vous avez déclaré avoir trouvé refuge dans la maison d'une

9 dame ukrainienne et que vous y avez passé un mois, est-ce exact ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Non. J'étais caché dans la

11 maison d'une musulmane, mais sa maison se trouvait au beau milieu de

12 maisons d’Ukrainiens. Ses voisins étaient des Ukrainiens. C'est l'épouse

13 de Dze Mala Sivac, on l'appelle Hada Sivac et cette dame est en vie encore

14 aujourd'hui.

15 M. Vucicevic (interprétation). - C'est quelque chose d'assez

16 nouveau que vous nous soumettez. Pourriez-vous nous fournir des

17 explications aux Juges quant à la présence de ces Ukrainiens dans la

18 région de Prijedor ? Est-ce qu’ils étaient assimilés, quelle est leur

19 appartenance religieuse ? Ceci pourrait constituer des informations

20 utiles ?

21 M. Semenovic (interprétation). - J'ai déjà mentionné qu'il y

22 avait à Tronopolje beaucoup de nationalités, je crois 17. Parmi eux

23 beaucoup d'Ukrainiens, il y avait deux familles d'Allemands, il y avait

24 des Turcs albanais, Romanichels, Serbes, Croates.

25 Pour ce qui est des Ukrainiens et de leur passé, je n'en sais

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1 pas grand-chose. J'avais

2 des camarades de classe qui étaient des Ukrainiens, j'avais des voisins

3 Ukrainiens, mais à quel moment ils étaient venus s'installer là, je ne

4 sais pas. Dans le passé un peu lointain je ne sais pas à quel moment, mais

5 ces gens-là qui ont vécu, qui ont vu le jour je les connais, ils vivaient

6 normalement, ils travaillaient leur terre.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Mais ne pourrait-on pas en

8 conclure que les familles ukrainiennes qui avaient constitué une majorité

9 dans ce hameau étaient assez favorables au SDS ou tout du moins c'est

10 l'impression que vous en avez retiré, à savoir qu'ils étaient favorables

11 ou plutôt qu'ils penchaient du côté du SDS ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Non, ce n'est pas l'impression

13 qui serait la mienne. Une partie d'Ukrainiens a réussi à s'enfuir avant

14 que les événements se produisent, d'autres qui n'ont pas pu le faire

15 évidemment étaient là, mais ceux qui sont restés, probablement de peur,

16 ils ont accepté de se faire mobiliser. Après ces événements, il n'y a plus

17 eu d'Ukrainiens d'ailleurs dans le village de Tronopolje et aujourd'hui

18 même il n'y en a plus.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Tout du moins est-il possible

20 de dire que ces personnes étaient neutres s'agissant des rapports entre le

21 SDS et le SDA ? Vous avez cherché refuge dans ce village parce qu'il y

22 avait une majorité d'Ukrainiens et les Ukrainiens en uniforme militaire de

23 l'époque vous avaient fourni quelques informations ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Non, pas à moi, mais comme ils

25 étaient les voisins de Mme Hada qui m'a offert cette cachette, c'est avec

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1 elle qu'ils ont pu être en contact. Je n'étais pas en contact avec les

2 Ukrainiens, elle-même a été interrogée par eux et cette dame a démenti

3 justement d'avoir caché qui que ce soit.

4 De même, je peux confirmer ici qu'il n'y a pas eu beaucoup

5 d'Ukrainiens qui auraient accepté la mobilisation. D'aucuns parmi eux au

6 nombre restreint l'ont fait parce qu'ils ont eu peur pour leur propre

7 peau.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Vous vous êtes réfugié dans ce

9 village où il y avait

10 ces Ukrainiens. Etaient-ils de foi orthodoxe, catholique ou autre ?

11 M. Vucicevic (interprétation). - Ils appartiennent à une espèce

12 d'église catholique autant que je sache. J’avais un collègue, un camarade

13 de classe qui se disait catholique grec, mais je ne sais pas très bien

14 expliquer la distinction entre les catholiques de l'église apostolique

15 romaine ou catholique grecque, peut-être qu'il y a eu des orthodoxes parmi

16 eux, je ne sais pas.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

18 j'aimerais passer à autre chose, notamment à la diffusion de la cassette

19 versée au dossier hier par l'accusation. Il est certain que je ne vais pas

20 vous proposer de visionner l'ensemble de la cassette, juste quelques

21 extraits seront nécessaires.

22 (La cassette est visionnée).

23 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous arrêter l'image

24 ici. Monsieur Sejmenevic, reconnaissez-vous le carrefour qui se trouve à

25 l'arrière-plan sur cette image ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - L'image que je vois ici est

2 assez floue, assez mauvaise. Je ne vois pas clairement où se situe cette

3 croisée des chemins.

4 M. Vucicevic (interprétation). - Je vous rappelle qu'il s'agit

5 d'images filmées de Tronopolje et des alentours du centre de détention.

6 Est-ce que ceci vous rafraîchit la mémoire ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Oui, il me semble que le

8 bâtiment que nous voyons est un groupe électrogène, un relais électrique

9 et la route, si je vois, doit être la route de Tronopolje à Prijedor.

10 Le bâtiment que nous voyons est un groupe électrogène, un relais

11 électrique, et la route, si je vois bien, doit être la route allant de

12 Trnopolje à Prijedor.

13 M. Vucicevic (interprétation). - Ce qui veut dire que la route

14 allant de Trnopolje à Prijedor, vient de gauche et arrive vers ce relais

15 électrique, ou ce groupe électrogène.

16 M. Semenovic (interprétation). - Oui, c'est cela.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Et cette route va de l'est à

18 l'ouest, n'est-ce pas ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Quant à l'autre route, elle

21 traverse la route de Trnopolje à Prijedor à 90 degrés ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Oui et cette route mène vers

23 Kozarac, et la route que nous venons de décrire qui va dans l’autre

24 direction va vers Onarska.

25 M. Vucicevic (interprétation). – Alors, qu'est-ce que ce

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1 carrefour représente, ce que nous voyons sur l'image ?

2 M. Semenovic (interprétation). - Cela représente une partie de

3 la surface qui appartenait à la coopérative agricole. A droite du relais

4 électrique, se trouvent les entrepôts de la coopérative agricole, avec

5 plus tard leurs bâtiments.

6 M. Vucicevic (interprétation). - Nous parlons de ce

7 transformateur électrique. Il se trouve à une des extrémités de cette

8 propriété, de cette coopérative que vous venez de décrire, n’est-ce pas ?

9 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Veuillez examiner cette

11 photographie. Est-ce qu’il est possible de revenir un peu en arrière ainsi

12 nous aurons peut-être une image plus claire ?

13 (La cassette est visionnée.)

14 Et je vous demande de vous intéresser surtout à la question de

15 savoir s'il y a des clôtures ou une clôture quelconque ? Est-ce qu’il y a

16 une clôture sur cette portion de terrain ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Ici, je ne vois pas de clôture.

18 M. Vucicevic (interprétation). - Ceci suffira.

19 Nous parlons de ce coin de route, ou du bout de terrain que nous

20 voyons. Pourriez-vous nous dire comment on peut entrer dans ce camp et en

21 sortir, puisque c'est le coin sud-ouest de ce centre de détention ?

22 M. Semenovic (interprétation). - C'est tout à fait du côté

23 opposé, à droite, derrière le vieux bâtiment de la salle de cinéma près de

24 l'école élémentaire, et derrière les maisons qui longent la route. Encore,

25 allez-y, rembobinez parce que c'est tout à fait le côté opposé de ce côté

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1 que vous montrez.

2 (La cassette est rembobinée.)

3 M. Vucicevic (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez à

4 Trnopolje, à l'intérieur du centre de détention, est-ce que vous avez eu

5 l'occasion de vous approcher de cet endroit que nous voyons sur l’image ?

6 M. Semenovic (interprétation). – Non, mais je connais bien cet

7 endroit parce que ma maison, on la verra après, parce qu'elle se trouve au

8 bout de la route, à droite, et on voit un pin qui se dresse justement dans

9 ma maison... Et voilà, à droite, derrière le pin se trouve ma maison,

10 l'entrée de la cour, et on ne la voit pas très bien parce qu'il y a eu

11 beaucoup de verdure, et ce terrain là, quant à moi je le connaissais bien.

12 M. Vucicevic (interprétation). - Effectivement, c'est un indice

13 très utile. A partir de souvenirs que vous avez conservés du moment qui a

14 précédé le conflit armé dans cette région de Kozarac, pourriez-vous vous

15 souvenir du type de clôture que l'on trouvait à cet endroit, à ce coin ?

16 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est de ce terrain

17 là, lorsque j'y suis arrivé et qui, officiellement était le camp, avait

18 une clôture en fil, mais le fil ne se trouvait pas dans l'enceinte totale

19 de la clôture du camp mais il avait des nids de mitrailleuses. Déjà ici,

20 sur cette image, à gauche, et puis après non loin de ma maison, et puis

21 après sur le terrain à découvert il y avait sur le balcon de la maison

22 d'Hamdo encore un autre nid et puis d'un autre côté, du côté d’ailleurs

23 que j’avais emprunté moi-même -c'est-à-dire derrière une rangée de maison

24 qui longent la route, non loin de la maison- il y avait une étable,

25 laquelle étable avait les deux portes de centrées.

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1 Dans cette étable se trouvait également un nid de mitrailleuses

2 et la partie-là que vous m'illustrez maintenant -à peu près à

3 l'emplacement même, au positionnement de la caméra qui a pris en vue tout

4 cela- il y avait un bunker militaire et à sa droite, peut-être à une

5 distance de 50 à 70 mètres, une autre garde militaire. Puis, à une

6 distance de 100 mètres de cette sentinelle-là, il y avait une autre garde

7 mais il n'y avait pas de clôture en fils ici. La clôture en fils était

8 dans cette partie antérieure mais je ne sais pas,.

9 Après, derrière les entrepôts, il y avait la clôture de l'école,

10 il y avait la clôture en fils qui abritait une partie du camp seulement et

11 puis après, un terrain vraiment à découvert, juste devant la maison de ce

12 Hamdo que je viens de mentionner tout à l'heure. Et c'est justement ces

13 terrains découverts qui ont été placés sous le contrôle et la sentinelle,

14 c'est-à-dire les points de garde étaient là et les nids de mitrailleuses y

15 étaient dressés; Il y avait toujours quelqu'un qui observait bien le

16 terrain.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Vous venez de déclarer quel

18 était le positionnement des différentes... ou des nids de mitrailleuses ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

20 M. Vucicevic (interprétation). - A cet endroit-même pourtant, il

21 y a quelques instants, vous avez dit que pendant votre séjour au camp,

22 vous n'avez jamais eu l'occasion de vous rendre sur ce coin-ci. Alors

23 comment avez-vous établi la position des différents nids de

24 mitrailleuses ?

25 M. Semenovic (interprétation). - Lors de mon entrée, lorsque

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1 comme je vous ai dit je me suis glissé le long du canal, j'ai vu, j'ai pu

2 apercevoir un nid de mitrailleuses dans l’étable que j’ai mentionnée et

3 ensuite j’en ai vu un autre sur le balcon de la maison d’Hamdo.

4 J'ai vu un nid de mitrailleuses ici à gauche sur cette image-là,

5 sur l'écran ; le nid de mitrailleuses pour lequel j'ai dit qu'il se

6 trouvait positionné sur la route, je ne l'ai pas vu mais dans des contacts

7 que j'ai eus avec une quinzaine de personnes dans l'enceinte du camp je

8 m'en

9 suis informé. Je voulais savoir quel était le positionnement, quels

10 étaient les horaires des convois, etc. Et les gens qui étaient dans le

11 camp, ils le savaient tous. Personnellement, je ne l'ai pas vu mais

12 d'autres l'ont vu et me l'ont relaté, se trouvant dans cette enceinte-là.

13 Mais ce que j’ai vu, je vous l’ai mentionné déjà.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Mais l'endroit précis par

15 lequel vous êtes entré dans ce centre de Trnopolje se situe le long de

16 cette route aussi, mais beaucoup plus à l'est, n'est-ce pas ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Non. Juste à l'opposé de cette

18 route, derrière la station de relais TRAVO, se trouvaient les prés,

19 l'ancien terrain de foot, mais parallèlement avec cette route-là, il y a

20 un autre pré, une prairie et c'est justement là où se situe l'endroit par

21 lequel je suis entré. Pas ici près de la route, mais juste là, à l'opposé

22 de la route.

23 M. Vucicevic (interprétation). - Essayons de nous assurer que

24 nous parlons bien du même endroit, cet endroit par lequel vous êtes entré

25 dans ce centre de détention. Etait-il situé de façon, dans le coin

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1 diagonalement opposé à celui-ci, ou bien plutôt à un endroit qui se situe

2 plus à l'est par rapport à cette image-ci ?

3 M. Semenovic (interprétation). - L'endroit se situe plutôt du

4 côté droit de l'image que l'on ne peut pas voir, que l'on ne peut pas

5 capter ici sur l'image.

6 (La vidéo est visionnée.)

7 M. Vucicevic (interprétation). - Maintenant nous voyons un homme

8 qui transporte quelque chose dans une brouette. Pourriez-vous nous dire

9 quel était le contenu de cette brouette, au cas où vous le sauriez ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Vous pensez ce qui est tacheté

11 ici, en pointillé, c'était probablement quelqu'un parmi ceux qui se sont

12 délivré un laissez-passer pour regagner leur maison, pour aller prendre un

13 sac de farine peut-être, parce que la police avait permis à peu de gens,

14 bien sûr, de temps en temps une permission de regagner leur maison pour

15 évidemment s'assurer un peu de farine ou du sel, ou des pommes de terre

16 qu'il fallait arracher s'ils avaient un jardin potager.

17 Dans ce sens là, et dans ces intentions-là, des permissions

18 spéciales ont été délivrées, pas tous les jours, peut-être tous les trois

19 ou quatre jours, mais en tout cas une chose est sûre, il fallait

20 évidemment avoir une permission. Il fallait s'adresser aux gardes, etc.

21 D'aucuns l'ont reçue, cette permission, d'autres ne l'ont pas reçue. Il a

22 fallu surtout savoir qu'il y avait les délais dans lesquels il fallait

23 rentrer dans le camp.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Les personnes bénéficiant de

25 cette permission spéciale n'étaient pas escortées par des gardes armés

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1 jusqu'à leur domicile, je suppose, n'est-ce pas ?

2 M. Semenovic (interprétation). - Non. J'ai mentionné qu'il

3 s'agissait là bien de points de contrôle. J'ai mentionné qu'il y avait la

4 route Trnopolje-Kozarac. C'est à ce point de contrôle qu'on pouvait se

5 faire délivrer une permission et également connaître les délais dans

6 lesquels on devrait regagner le camp.

7 Près de ma maison également, il y avait un point de contrôle. Là

8 aussi, on devait se présenter. C'est ainsi que la personne étant munie

9 d'une permission devait se présenter où le moment de son passage étant

10 constaté.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Mais pour que tout soit clair,

12 nous voyons ici un homme qui transporte quelque chose dans une brouette.

13 Cette photo est prise à l'intérieur et non pas à l'extérieur du camp ?

14 M. Semenovic (interprétation). - Oui, je pense bien que c'est

15 quelqu'un qui apporte de la farine ou peut-être de l'eau. Je ne vois pas

16 très bien ce qui est sur l'image. Si c'est de la farine, alors

17 probablement avec permission évidemment des gardes, il est allé la

18 chercher. S'il s'agit évidemment d'un bidon, là où il devait aller

19 chercher de l'eau, probablement, il y avait un puits où l'on puisait l'eau

20 à une centaine de mètres non loin de l'école parce que cet endroit était

21 démuni d'eau. Il a fallu s'assurer de l'eau potable. Par conséquent, je ne

22 vois pas très bien ce qui est présenté en pointillés blancs.

23 M. Vucicevic (interprétation). - On pourrait donc voir dans

24 cette brouette un récipient dans lequel on gardait l'eau destinée aux

25 personnes du centre de détention. Apparemment, il n'y avait pas d'eau dans

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1 cette partie du centre de détention ?

2 M. Semenovic (interprétation). - Non. Il n'y a pas d'eau. Là, se

3 trouve seulement cette station de transformateur.

4 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que nous pouvons passer

5 à la séquence suivante ?

6 (La cassette est visionnée)

7 Remontez, vous venez de dépasser l'endroit qui m'intéressait.

8 (La cassette est rembobinée)

9 Pourriez-vous rembobiner un peu plus ?

10 (La cassette est rembobinée)

11 Est-ce que vous pourriez rembobiner encore un peu plus ? Oui,

12 c'est le bon endroit... Arrêtez... Avancez un peu, jusqu'au point, à

13 l'endroit que je vous ai indiqué au cours de la pause. Voilà c'est la

14 bonne image.

15 J'attire votre attention sur le fait qu'il y a deux clôtures :

16 une clôture intérieure et il semblerait qu'il y ait une clôture

17 extérieure. Est-ce exact ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Je ne sais pas s'il y avait une

19 clôture extérieure et une autre intérieure.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire

21 l'immeuble dans le coin à droite de l'image qui est devant vous ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Il s'agit-là du bâtiment où se

23 trouve l'ancienne salle de cinéma qui fait partie du bâtiment de la

24 collectivité locale.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Où se trouve le transformateur,

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1 le poste de transformation, le coin ou le carrefour que nous venons de

2 décrire par rapport à cet immeuble ?

3 M. Semenovic (interprétation). - La station de transformateur se

4 trouve à gauche.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Et où se trouve l'immeuble,

6 l'entrepôt que vous avez indiqué tout à l'heure par rapport à cet

7 immeuble ?

8 M. Semenovic (interprétation). - A gauche.

9 M. Vucicevic (interprétation). - Ayant vécu plusieurs années à

10 peut-être 200 mètres, sinon moins, de cet endroit, avez-vous souvenir de

11 cette clôture que l'on voit à l'écran ?

12 M. Semenovic (interprétation). - C'était une clôture qui

13 existait depuis celle que l'on voit sur l'écran.

14 M. Vucicevic (interprétation). - C'est aussi une clôture qui

15 délimitait le périmètre du centre de détention, est-ce exact ? En tout cas

16 lorsque vous vous y trouviez ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

18 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous avancer en avance

19 rapide ?

20 (La cassette est visionnée)

21 Arrêt sur image, s'il vous plaît. Vous voyez les brouettes, là,

22 n'est-ce pas ?

23 M. Semenovic (interprétation). - L'image est très floue, mais je

24 suppose que c'est bien cela, que ce sont des brouettes.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous faire défiler

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1 l'image en avant et en arrière de manière à ce que l'image soit plus

2 claire ?

3 (La cassette est visionnée.)

4 Bien, est-ce que vous voyez les choses plus clairement,

5 Monsieur Semenovic ?

6 M. Semenovic (interprétation). - Malheureusement cette image est

7 de très mauvaise qualité mais je suppose qu'il s'agit bien là de

8 brouettes. Enfin le premier objet que je

9 vois a vraiment les contours d'une brouette, il se peut que ce soient les

10 contours d'une brouette.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Mais ces brouettes

12 appartenaient à l'entreprise de bâtiments de construction, n'est-ce pas ?

13 M. Semenovic (interprétation). - Cela est possible mais je n'en

14 suis pas certain.

15 M. le Président (interprétation). - Monsieur Vucicevic, il faut

16 être sûr de cela on parle d'Omarska ici, ou est-ce qu'on est à Trnopolje ?

17 M. Vucicevic (interprétation). - On est à Trnopolje.

18 M. le Président (interprétation). - Très bien.

19 M. Semenovic (interprétation). - Je ne suis pas sûr. Ceci est

20 peut-être justement le cas parce que ce sont des brouettes. Il peut y

21 avoir des gens qui se sont vu délivrer des permissions pour aller chercher

22 de la farine mais qui ont été obligés de laisser leur brouette ici pendant

23 que tout cela se passait ici. Je ne suis pas certain.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Voyez-vous la maison qui est en

25 plein centre de l'écran ? Puisque vous avez vécu dans ce quartier, peut-

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1 être savez-vous à qui appartenait ou à qui appartient cette maison, la

2 maison que l'on voit derrière ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Je ne vois pas vraiment, je ne

4 vois pas de maison.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, on voit la maison, là, au

6 moment où l'image défile. On voit une maison entre ces deux blonds en

7 uniforme. Reconnaissez-vous cette maison ?

8 M. Semenovic (interprétation). - J'en vois des contours, mais je

9 suppose qu'il s'agit-là de la... Je ne vois pas bien.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez

11 continuer à faire défiler l'image lentement ?

12 (L'image est visionnée lentement.)

13 Arrêt, s'il vous plaît.

14 Reconnaissez-vous la ligne d'arbres que l'on aperçoit au fond ?

15 M. Semenovic (interprétation). - Je ne comprends pas, je

16 reconnais enfin tous ces arbres, je vois bien qu'il s'agit d'arbres.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Reconnaissez-vous ce bosquet

18 particulier, ayant vécu-là longtemps et ayant séjourné dans ce centre de

19 détention pendant un certain temps ?

20 M. Semenovic (interprétation). - Par rapport au positionnement

21 de la caméra il s'agit-là bien de ces arbres qui sont en direction de

22 Prijedor. Par conséquent, je pense que ces arbres sont non loin de la

23 maison d'Hamdo, dont j'ai mentionné le nom.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvons-nous rapidement passer

25 à l'extrait suivant ?

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1 (Deuxième extrait.)

2 Pouvez-vous lentement nous passer cet extrait de la bande ?

3 (La cassette est visionnée.)

4 Vous pouvez la passer à vitesse normale.

5 Monsieur Semenovic, j'attire votre attention sur les personnes

6 qui se trouvent près de la clôture et celles qui sortent.

7 Cela suffit, merci...

8 Monsieur Semenovic, reconnaissez-vous cette partie de la clôture

9 qui se trouve là sur l'image ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Je crois qu'il s'agit de la

11 clôture qui se trouve près de la route qui mène de Trnopolje à Kozarac et

12 de l'autre côté de la clôture se trouvent des maisons, enfin des maisons

13 des ukrainiens, dans lesquels habitaient toujours certains ukrainiens.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Vous serez d'accord avec moi

15 qu'à cet endroit du centre de détention, les gens entrent et sortent

16 librement ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Non, non. Ces gens-là que l'on

18 voit sur la route, je suppose que ce sont des gens qui habitent ces

19 maisons qui se trouvent en face du camp. C'était la maison de Pavle,

20 l’ukrainien qui était mobilisé, mais ces familles étaient là pendant

21 quelques temps, et puis après elles s'en sont allées.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Mais on a vu deux civils, deux

23 jeunes filles qui sortaient ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Je vous parle justement de ces

25 maisons, et de ces familles qui habitaient ces maisons. Je suppose qu'il

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1 s'agit bien de celles-là.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous faire reculer la

3 bande, s'il vous plaît, en montrant simplement les civils sortant de la

4 partie qui se trouve derrière la clôture avec les civils ? Un peu plus...

5 Pouvez-vous reculer encore un peu, reculez un peu... A partir d'ici, vous

6 pouvez passer la bande à vitesse normale.

7 Pouvez-vous vous concentrer sur l'homme qui marche, là dans

8 l'image, la fille qui sort, la deuxième jeune femme qui sort ?

9 Je vous remercie, vous pouvez arrêter l'image.

10 Monsieur Semenovic, avez-vous reconnu l'homme, l'homme âgé qui

11 est entré sur cette partie de la bande vidéo ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Je ne le reconnais pas. Je ne

13 sais pas qui c'est.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez témoigné d'ukrainiens

15 qui possédaient des maisons de l'autre côté de la rue. Est-ce que ces

16 filles faisaient partie des foyers, de ces foyers ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Je ne sais pas, je n'ai pas

18 reconnu les personnes qui ont été filmées. J'ai dit tout simplement qu'en

19 face du camp se trouvaient les maisons habitées par ces gens-là qui en

20 sont les propriétaires.

21 Dans le camp, venaient également des équipes de la Croix-Rouge

22 Serbe de Prijedor. C'étaient des civils. Ensuite, il faut préciser que le

23 traitement n'était pas le même réservé à Trnopolje, aux hommes et aux

24 femmes. Quant aux hommes, le traitement leur a été infligé de

25 façon plus rigoureuse et les hommes ne pouvaient pas quitter le camp sans

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1 avoir la permission.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, mais la personne âgée, ce

3 monsieur âgé que l'on voit sur la bande vidéo, semblait apporter quelque

4 chose au centre dans un conteneur quelconque ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Je suppose que cela est

6 possible.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous repasser cette

8 partie de la bande magnétique...

9 (La cassette est visionnée.)

10 Non, non, on est trop loin.... Voilà, faites passer la bande à

11 partir de là.

12 On voit deux hommes en uniforme sur la route, vous le voyez, et

13 vous voyez cet homme avec un tee-shirt blanc qui porte un récipient à la

14 main, vous le voyez ?

15 M. Semenovic (interprétation). - Je crois que c'est quelqu'un

16 qui est allé chercher de l'eau dans l'une de ces maisons d'ukrainiens.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvons-nous conclure qu'il

18 s'agit-là d'un des détenus ou des réfugiés du centre qui s'étaient rendus

19 là-bas pour aller chercher de l'eau ?

20 M. Semenovic (interprétation). - Cela est possible, mais je n'en

21 suis pas certain, étant donné que je ne connais pas la personne en

22 question. Je pense qu'il a dû avoir la permission de se mouvoir ainsi,

23 parce qu'il ne pouvait pas aller de son propre chef. Je suis certain.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvons-nous passer au prochain

25 extrait de la bande ?

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1 (Troisième extrait.)

2 (La cassette est visionnée.)

3 Vous avez témoigné hier que cet homme est M. Kupresanin, est-ce

4 exact ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

6 M. Vucicevic (interprétation). - Quel poste occupait-il dans

7 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et dans le gouvernement de coalition qui

8 avait été formé au début de 1991 ?

9 M. Semenovic (interprétation). - Il était député à l'assemblée

10 de Bosnie-Herzégovine, tout comme moi.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Faisait-il partie de la

12 direction du SDS au niveau de l'Etat ?

13 M. Semenovic (interprétation). - Je ne le sais pas.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous été en communication

15 avec lui dans une conférence, ou professionnellement, ou au niveau social

16 pour débattre de politique, pour essayer d'améliorer la situation en tant

17 que législateur, une conversation quelconque avec lui au début de 1991 ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Je le voyais au parlement, je

19 l'écoutais parler comme j'écoutais les autres représentants de tous les

20 partis, mais nous n'avons jamais eu de rapports particuliers, non plus que

21 nous n'avons eu la possibilité de mener des conversations particulières.

22 Tout simplement, il était député comme moi et comme j’ai été

23 député, j’ai pu voir tous ces gens-là. J'ai pu entendre leurs propos, j'ai

24 suivi leurs interventions comme ils l'ont fait lorsque moi j'étais à

25 prendre la parole et c'était tout.

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1 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, mais cet homme,

2 M. Kupresanin, est devenu plus tard le président de la région autonome de

3 Krajina serbe, est-ce exact ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Et lors de votre détention à

6 Omarska, il est venu vous voir, est-ce exact ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Non, il n'est pas venu me voir.

8 Si j'ai bien compris, il était venu parce qu'il était à la recherche de

9 responsables qui étaient encore en vie

10 pour les rassembler à un point à Banja Luka notamment. L'action qui était

11 en coordination avec la direction qui lui était supérieure, il était en

12 contact avec Karadzic et leur objectif était justement d’essayer

13 d’exploiter ces responsables en vue de mener à bien certains de leurs

14 plans.

15 M. Vucicevic (interprétation). - Donc, partant de leur action,

16 il est juste de conclure que M. Karadzic et M. Kupresanin pensaient que

17 les dirigeants du SDA d'Omarska n'étaient pas en grand danger, puisqu'il

18 est venu vous contacter ? C'est une des conclusions ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Deux jours plus tard, j'avais

20 compris entièrement les intentions qui étaient les leurs. Un soldat serbe

21 qui m'a escorté depuis le bâtiment de la municipalité où j'ai été emmené

22 par la police pour aller à Vrbanja m'a justement dit à un moment : "Ce que

23 tu viens de décider, d'appartenir à l'assemblée serbe, c'est une bonne

24 action que j'estime beaucoup, mais attention tu pourrais te faire tuer par

25 les extrémistes musulmans." C'est en ce moment-là que j'avais entièrement

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1 saisi l'ensemble de cette intention.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Au procès Tadic, vous avez

3 témoigné à la page 961 du procès-verbal, à partir de la ligne 20, jusqu'à

4 la ligne 26. Est-ce que M. Kupresanin vous a jamais demandé de lui

5 apporter votre assistance dans les négociations ?

6 M. Semenovic (interprétation). - Oui, une des premières choses

7 qu’il voulait faire c’était d’organiser une espèce de table ronde à

8 Banja Luka. Il a dit...

9 M. le Président (interprétation). - N'allez pas trop vite, car

10 il faut interpréter vos propos.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Bihac va devenir une partie de

12 la Bosnie-Herzégovine serbe et il vient de la région de Banja Luka.

13 Monsieur le Président, je n'entends plus rien dans mon casque.

14 Un Musulman sera le président du gouvernement, le premier

15 ministre. Nous avons des hommes excellents, Fikret Abdic... Nous avons

16 déjà... Nous sommes arrivés à un accord avec Fikret Abdic, il sera premier

17 ministre et le Serbe sera président et les Musulmans de Bihac

18 pourront être satisfaits, tous les Musulmans qui restent à Banja Luka

19 pourront eux aussi l'être.

20 M. Semenovic (interprétation). - Oui, cela est exact. C'est

21 ainsi qu'il a parlé.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous entendu parler de ce

23 plan d'abord par le soldat ou par M. Kupresanin ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Si je m'en souviens bien, je

25 l'ai d'abord appris de Kupresanin et peu de temps après, par ce soldat.

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1 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux Juges

2 qui est M. Fikret Abdic ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Avant les opérations de guerre,

4 il était membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine mais il a quitté le

5 poste pour former des unités paramilitaires qui étaient en coopération

6 avec les milices des Serbes de Croatie, la milice de Martic, après quoi,

7 avec également des forces serbes, pour attaquer ensemble la Bosnie-

8 Herzégovine.

9 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur le Président, peut-

10 être sommes-nous arrivés au bon moment ?

11 M. le Président (interprétation). - Avez-vous encore beaucoup de

12 questions à poser à ce témoin ?

13 M. Vucicevic (interprétation). - Eh bien, je dois encore

14 conclure sur cette rencontre avec M. Kupresanin et quelques autres

15 questions. Cela ne prendra pas très longtemps.

16 M. le Président (interprétation). - Très bien. Nous nous

17 retrouverons donc à 14 heures 05.

18 (L'audience, suspendue à 12 h 30, est reprise à 14 h 05.)

19 M. Vucicevic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

20 Madame et

21 Messieurs les Juges.

22 Monsieur Semenovic, avant l’interruption du déjeuner, vous nous

23 aviez parlé de M. Fikret Abdic. Qui est ce monsieur ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Je vous ai déjà dit que

25 Fikret Abdic était membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine élu

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1 aux premières élections libres pluripartistes.

2 M. Vucicevic (interprétation). - A quel parti appartenait-il ?

3 M. Semenovic (interprétation). - D’abord au parti d'action

4 démocratique, pour en sortir aussitôt.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Lorsqu’il faisait partie de la

6 présidence, était-il membre du SDA ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Etait-il membre du conseil

9 exécutif du SDA à un moment donné ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Probablement pour un premier

11 temps, mais je n'en suis pas certain.

12 M. Vucicevic (interprétation). - Il était effectivement candidat

13 à la présidence de l'Etat au moment des élections en 90, n’est-ce pas ?

14 M. Semenovic (interprétation). - Non, il était candidat à...

15 membre de la présidence de la République.

16 M. Vucicevic (interprétation). - Par conséquent, son nom

17 figurait sur le bulletin de vote, n'est-ce pas ?.

18 M. Semenovic (interprétation). - Oui, c'est cela.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Et le nom de M. Izetbegovic

20 figurait sur le même bulletin de vote ?

21 M. Semenovic (interprétation). - Oui, c’est cela.

22 M. Vucicevic (interprétation). - N’est-il pas exact de dire qu’à

23 l’issue de ces élections, c’est M. Abdic qui a recueilli le plus grand

24 nombre de voix, les votes majoritaires ?

25 M. Semenovic (interprétation). - Oui, il a eu plus de votes que

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1 M. Izetbegovic à ces élections.

2 M. Vucicevic (interprétation). - N’est-il pas exact de dire que

3 M. Fikret Abdic est Musulman de Bosnie ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Lors de votre déposition, vous

6 avez également déclaré que lui, que M. Abdic, a ensuite attaqué l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine ?

8 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

9 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce bien l’armée de la

10 Bosnie-Herzégovine de M. Izetbegovic ?

11 M. Semenovic (interprétation). - Lors du retrait de la JNA de

12 Bosnie-Herzégovine, a été formé l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais pour

13 ce qui est de la date exacte de la formation de cette armée, je ne m’en

14 souviens pas. Je sais que la Défense territoriale à été formée début avril

15 et que c’est à partir de la Défense territoriale qu’a été formée l'armée

16 de la Bosnie-Herzégovine.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur Abdic s’est donc

18 dissocié, séparé du gouvernement à la tête duquel se trouvait Izetbegovic

19 et M. Abdic a proclamé sa propre entité dans la partie au nord-ouest de la

20 Bosnie. Est-ce bien exact ?

21 M. Semenovic (interprétation). - Oui, dans une partie de la

22 région où il a été présent, il s’était séparé pour la proclamer entité,

23 district autonome.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Seriez-vous en mesure de nous

25 citer quelques villes de plus grande importance dans ladite région ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Vous parlez de cette

2 région-là ? Il s'agit de

3 Bihac, de Velika Kladusa, Cazin, Buzim, Busasca Krupa, il s’agit bien sûr

4 de la région de Bosanska Krajina et pour ce qui est de la partie du

5 territoire où Fikret Abdic a proclamé l’autonomie, c’était Velika Kladusa

6 et une partie du territoire municipal de Cazin.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Dès lors, lorsque vous avez

8 déclaré que M. Abdic avait par la suite attaqué l’armée de Bosnie-

9 Herzégovine, vous vouliez dire par là qu’il y avait pour ainsi dire un

10 conflit armée entre deux armées musulmanes ?

11 M. Semenovic (interprétation). - Il y avait une formation de

12 défense de l'armée bosniaque dans la Kranja bosniaque. A un moment donné,

13 Fikret Abdic, qui à ce moment-là se trouvait dans le territoire de la

14 Croatie, a émis des ordres, des directives pour reprendre la ville de

15 Kladusa, et déclaré la séparation de cette partie. Ensuite, il s'est fait

16 armer par les armées serbes pour créer sa propre armée et sa propre police

17 pour attaquer ensuite les forces de la Bosnie-Herzégovine qui étaient là

18 pour défendre le territoire contre l'agression. C'est ce que j'ai appris,

19 parce que je n’étais pas présent personnellement sur le terrain.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Ce que vous avez appris par la

21 couverture médiatique, de la presse notamment, à l'époque, vous permet-il

22 de dire, de situer approximativement ces événements dans le temps ?

23 M. Semenovic (interprétation). - Je ne saurais pas le situer

24 exactement.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez déclaré que M. Abdic

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1 était partisan, s’agissant de la région autonome qu'il a déclarée telle,

2 par rapport au gouvernement central de Bosnie que M. Abdic et ses

3 partisans avaient coopéré avec l'etiny*** serbe connue sous le nom de

4 région autonome serbe de Krajina ?

5 M. Semenovic (interprétation). – Oui, c'est ce que j’ai pu lire

6 dans la presse, j’ai pu le voir également à la télé, apprendre par les

7 moyens évidemment de communication. Au moment où il l’a fait, il n'était

8 plus membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Il s'est sorti des

9 rangs de la présidence.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Et ces partisans adeptes, les

11 membres de ces troupes insurgées, étaient en majorité Musulmans.

12 M. Semenovic (interprétation). - Ces membres étaient pour la

13 plupart des Musulmans. Pour ce qui est des officiers, ils étaient pour la

14 plupart des Serbes.

15 M. Vucicevic (interprétation). - Ce que vous dites devant cette

16 éminente Chambre, aujourd'hui, c'est que les Musulmans de la région de

17 Bihac, de cette krajina dont vous avez parlé, entretenaient des liens de

18 coopération étroite, notamment militaires, au niveau d'une alliance

19 militaire avec les Serbes de la région autonome de Krajina, y compris

20 Prijedor, dont vous êtes originaire.

21 M. Semenovic (interprétation). – Moi, je vous ai parlé des

22 impressions que je pu avoir en lisant la presse, en écoutant la radio, en

23 regardant la télé. Je vous ai parlé uniquement de la région de

24 Velika Kladusa, je n'ai pas parlé de région de Bihac, de Buzim, ou d’une

25 grande partie de la municipalité de Cazim.

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1 M. Vucicevic (interprétation). - Grâce aux informations

2 générales que vous avez obtenues, savez-vous s’il y a eu des opérations

3 militaires impliquant l'armée de Bosnie-Herzégovine sous l'autorité

4 centrale de M. Izetbegovic et des troupes, des formations qui ont été

5 loyales à M. Fikret Abdic.

6 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est des unités de

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine qui étaient sous la direction de la

8 présidence de Bosnie-Herzégovine, mais pas Alija Izetbegovic, lui n’étant

9 qu’un des membres de la présidence, était là pour défendre le pays. Or, le

10 pays était attaqué par les forces de l'agresseur. Outre les forces serbes

11 qui ont perpétré l'agression, il y avait là aussi, l'agression perpétrée

12 par les milices de Fikret Abdic, et moi je vous parlais, pour dire, pour

13 ce qui est du caractère de ce conflit, je ne sais en conclure que d'après

14 les informations reçues moyennant les médias, je n'en sais pas grand-

15 chose.

16 M. Vucicevic (interprétation). - Encore une seule question sur

17 ce point,

18 Monsieur le Président.

19 Monsieur Semenovic, savez-vous s’il y avait des prisonniers de

20 guerre qui furent capturés provenant de deux groupes armés musulmans, d'un

21 côté l'armée de M. Izetbegovic, et de l'autre côté les formations

22 militaires de M. Abdic ?

23 M. Semenovic (interprétation). - Je ne sais pas.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Au cours du procès Tadic, vous

25 avez déclaré que M. Kupresanin vous avait informé du fait que l'entité

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1 Serbe en Bosnie était sur le point de constituer un gouvernement de

2 coalition avec M. Abdic et que M. Abdic devait devenir le président de

3 cette nouvelle entité politique. Vous-souvenez vous de votre déposition

4 dans ce procès-là ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Je m’en souviens, mais

6 l'interprétation est erronée. Kupresanin disait que le président de cet

7 Etat serbe, devait être un Serbe, et que Abdic, lui, devait être le

8 premier ministre.

9 M. Vucicevic (interprétation). - Le poste auquel vous pouviez

10 aspirer était celui de parlementaire au sein de l'assemblée de cette

11 entité. C’est bien ce que vous avez dit dans votre déposition ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Ce n’est pas Kupresanin qui me

13 l’a dit, je répète une fois de plus ce qui m’a été dit par le soldat qui

14 m'escortait lorsque que je devais quitter Loznica pour aller à Zepak. Ce

15 n'est pas que je me sois entretenu avec lui, mais un moment donné, il m’a

16 dit que c'était une bonne chose que de décider de faire partie de

17 l'assemblée Serbe.

18 Après quoi, après plusieurs jours, Kupresanin est venu me dire

19 que probablement, ils allaient m’emmener à Knine, et qu'à partir de Knine,

20 moyennant un transporteur véhicule militaire, on devrait se rendre à des

21 négociations qui devaient avoir lieu à Bihac où je devais prendre part

22 pour ce qui est du caractère de la qualité qui aurait été la mienne. On ne

23 m'a pas dit grand-chose, tout ce que je sais, c’est que j'ai été épouvanté

24 devant cette éventualité, même au

25 risque de me faire tuer, je l'aurais refusé et je l'ai refusé.

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1 M. Vucicevic (interprétation). - Par conséquent, vous avez

2 regardé M. Kupresanin droit dans les yeux et vous lui avez dit : "Jje ne

3 peux pas me rendre à Knine pour ces négociations." C’est bien ce que vous

4 avez fait ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Non, je n'ai pas osé le lui

6 dire de cette façon-là. Je lui ai dit, pour autant que je m'en souvienne :

7 " Monsieur Kupresanin, je ne sais pas dans quelle mesure ceci serait de

8 nature à contribuer à la bonne marche des négociations, je considère que

9 ceci ne serait d'aucune utilité, mais vous qui êtes un homme intelligent,

10 vous serez le mieux placé pour en décider ".

11 J’ai essayé d'emprunter un ton amical et pacifique, je ne

12 pouvais pas dire ouvertement, je ne voulais pas y aller; J'étais tout à

13 fait conscient de ma situation. Je n'ai pas dit non plus que je voulais y

14 aller, mais à la fin de la conversion il m’a dit : " Ecoute, on viendra te

15 prendre par hélicoptère, on s’y rendra, peut-être même en voiture, parce

16 que moi-même je n’aime pas trop l’hélicoptère ".

17 Dans les jours qui suivaient, je m’attendais à ce que la police

18 vienne me récupérer pour m’y emmener.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Mais vous n'avez jamais réalisé

20 ce voyage, vous n’avez pas été forcé de partir ?

21 M. Semenovic (interprétation). - Non, ils ne m'ont pas emmené

22 là-bas.

23 M. Vucicevic (interprétation). - Alors que vous attendiez dans

24 l'éventualité de ce voyage, en vue de négocier avec les représentants

25 musulmans de M. Habdkic, vous vous remettiez de vos épreuves chez votre

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1 soeur dans un quartier de Banja Luka, n’est-ce pas ?

2 M. Semenovic (interprétation). - Oui, c’était à peu près le

3 contenu de la conversation entre Kupresanin et les officiers militaires

4 lorsqu’ils étaient venus pour s'entretenir avec ma soeur et mon gendre en

5 me disant que je devais prendre du poids. Ils m’avaient ensuite

6 apporté de la nourriture à deux ou plusieurs reprises.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Vous souvenez-vous si l'un

8 quelconque des soldats serbes vous a amené la nourriture qui avait été

9 promise ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Oui, une fois, je ne saurais

11 vous dire la date. Ce jour-là, à Vrbanja était venu M. Kupresanin et des

12 officiers pour m'apporter un paquet de nourriture ; il y avait des

13 haricots secs, de l'huile, du sucre et d'autres denrées alimentaires.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Je reprends un dernier point

15 dans le cadre de vos contacts avec M. Kupresanin. Ce dernier est allé vous

16 chercher dans sa voiture avec chauffeur et vous a conduit à Banja Luka,

17 n'est-ce pas ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Oui, c'était un véhicule de

19 fonction de la Upstina de la municipalité Banja Luka.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Au cours du procès Tadic vous

21 avez déclaré avoir eu une conversation ordinaire avec M. Kupresanin au

22 moment où vous êtes monté dans la voiture. Puis, il semble qu’il y ait un

23 trou d’une heure et que vous arrivez chez votre soeur. Le cas échéant,

24 M. Kupresanin vous a-t-il dit quelque chose au cours de ce trajet vous

25 menant d'Omarska à Vrbanja ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Je n'ai pas bavardé avec

2 M. Kupresanin, je n'avais qu'à répondre aux questions qu’il m’avait posées

3 et je me suis surtout mis à écouter ce qu’il disait.

4 Au cours du trajet le chauffeur s'est arrêté à une halte pour

5 récupérer deux soldats qui ont fait du stop. Pour la plupart de la

6 conversation ils parlaient avec ce soldat sur la situation de Gradacac, de

7 Jajce.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Vous venez de parler de

9 Gradacac. Pourriez-vous expliquer aux Juges où se trouve cette ville, ce

10 qu’elle représente et pourquoi M. Kupresanin s'intéressait tout

11 particulèrement à la situation militaire qui prévalait dans cette ville ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Au cours du trajet depuis

13 Omarska à Banja Luka, peut-être à une station d'une dizaine de kilomètres

14 de Banja Luka, il y avait deux soldats qui, le pouce levé, voulaient

15 stopper la voiture. L’autre a donné l'ordre au chauffeur de s'arrêter et

16 les deux soldats sont entrés dans la voiture, ils leur demandaient où ils

17 étaient en positionnement, l’autre parlait de Gradacac et l'autre, si je

18 m’en souviens bien, disait qu’il était sur le champ de guerre de Jajce,

19 alors ils voulaient s'informer de la situation des deux camps de guerre

20 différents et sur leurs permissions. C’était à peu près le contenu de leur

21 conversation.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Je vous ai posé une question,

23 il suffit d’y répondre tout aussi simplement. Je ne vous demande pas de

24 longues réponses. Qui luttait contre qui sur cette position à Gradacac ?

25 M. Semenovic (interprétation). - Les deux soldats disaient

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1 qu'ils combattaient les Oustaci, c'était leur vocabulaire.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Et Gradacac se trouve à l'est

3 de Banja Luka, n'est-ce pas ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Gradacac se trouve à la

5 frontière avec la Croatie.

6 M. Vucicevic (interprétation). - A combien de kilomètres à l'est

7 de Banja Luka se trouve cette ville ?

8 M. Semenovic (interprétation). - Je ne sais pas le dire avec

9 exactitude.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Pourrait-on dire que les

11 activités militaires de Gradacac faisaient partie des combats pour ce

12 couloir ?

13 M. Semenovic (interprétation). - J’ai entendu dire à la radio

14 que des luttes ont été livrées pour ce couloir, mais je n’en savais rien.

15 Nous avons été bloqués, c’est tout simplement ce que j'ai pu entendre à la

16 radio ou éventuellement apprendre par la télévision croate de temps en

17 temps. Je ne peux que vous dire quelque chose au sujet de mes impressions,

18 de ce qui aurait

19 pu se passer. Je ne sais pas ce qui s’était passé sur le terrain.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Dans le cadre de votre

21 déposition vous avez déclaré que vous, ainsi que les citoyens de Kozarac,

22 avaient été à un moment donné encerclés début mai 1992. A titre

23 d’information générale, savez-vous si toute la Krajina de la région était

24 bloquée du côté oriental de la Bosnie du fait que le couloir longeant la

25 rivière Sava avait été bloqué par des forces musulmanes ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Je ne le savais pas à ce

2 moment-là.

3 M. Vucicevic (interprétation). - Quand avez-vous eu connaissance

4 de ce fait ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Ce n'est que dans les jours qui

6 suivaient que j’ai appris par la radio que des luttes ont été menées pour

7 le corridor. Il s'agit de luttes livrées par les Serbes d'un côté et

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine de l’autre, c'est-à-dire la lutte engagée

9 par l'armée de cette nouvelle entité d'un nouvel Etat serbe ainsi formé et

10 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Vous souvenez-vous du moment où

12 l'alimentation électrique a été coupée qui desservait Kozarac et

13 Prijedor ? Est-ce que cela s’est passé en avril ou en mai 1992 ?

14 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est de Prijedor, je

15 ne me souviens pas qu'il y ait eu des coupures de courant,

16 d’approvisionnement en courant. Il y a peut-être eu des délestages ou des

17 rationnements, je ne m’en souviens pas vraiment, mais à Kozarac, avant

18 l’attaque, il y a eu une coupure de courant.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Mais pour autant que vous vous

20 en souveniez, Trnopolje a été alimentée en courant électrique jusqu'au

21 dernier jour où vous avez dû quitter ce village ou avez-vous une autre

22 explication à fournir ?

23 M. Semenovic (interprétation). - Cela est exact. Toutes les

24 maisons serbes de Trnopolje et les villages serbes avaient du courant sans

25 cesse. Même pendant les combats, il y

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1 avait du courant, on pouvait le voir le soir surtout parce qu’on voyait la

2 lumière, mais pour ce qui est de Kozarac et de la région musulmane

3 (Kozarac est à 100 km de Trnopolje) il n'y avait pas de courant du tout.

4 Pour ce qui est des maisons de la Krajina, il y avait encore du

5 courant ou dans certaines maisons des Musulmans qui ont été alimentées par

6 les mêmes réseaux que les maisons que je viens de mentionner qui

7 appartenaient à d'autres.

8 Mais pratiquement depuis Trnopolje à la montagne de Kozara

9 l'ensemble de ce territoire était resté sans courant.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Vous êtes un ingénieur des

11 Mines, vous avez donc des connaissances générales techniques et vous

12 pourrez peut-être répondre à cette question : d'où venait le courant

13 électrique approvisionnant Prijedor et Banja Luka ? Le savez-vous ?

14 M. Semenovic (interprétation). - Je ne le sais pas avec

15 exactitude, je suppose qu’une partie a été alimentée depuis la Bosnie

16 centrale. Pour une autre, le courant peut-être venait de l’autre côté,

17 mais ceci n'a pas grand-chose à voir avec la formation qui est la mienne.

18 M. Vucicevic (interprétation). - Dans le cadre du procès Tadic,

19 vous avez déclaré avoir entendu deux conversations qui avaient lieu entre

20 M. Karadzic et M. Kupresanin, est-ce exact ?

21 M. Semenovic (interprétation). - Oui.

22 M. Vucicevic (interprétation). - Vous dites avoir reconnu la

23 voix de M. Karadzic puisque vous l'aviez entendu s'exprimer au parlement

24 et vous aviez eu apparemment aussi des contacts personnels avec lui, est-

25 ce exact ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est des contacts

2 personnels, j'en ai eu rarement, peut-être à une ou deux reprises

3 lorsqu'il a fallu faire quelque chose au nom du club de députés de notre

4 parti pour leur soumettre telle ou telle motion là où M. Karadizic était

5 là, mais c’était des contacts à deux ou trois reprises de nature formelle.

6 Mais pour ce qui est de sa voix, je la connaissais bien puisque

7 M. Karadzic a parlé très fréquemment à l'assemblée pendant que j'ai été

8 député au parlement et pour ce qui est de cette voix, je l’ai reconnue

9 seulement dans le premier cas où Kupresanin a parlé depuis Omarska avec

10 lui, mais dans l’autre cas où nous étions dans le bâtiment de la Opstina

11 de Banja Luka où j’ai été vraiment pas loin de l’appareil de téléphone où

12 on peut entendre, lorsqu’il s’agit surtout de ces appareils de vieille

13 date, j'ai pu reconnaître dans le récepteur la voix du Dr. Karadzic. Plus

14 tard, j’ai pu évidemment constater que c’était bien le Dr. Karadzic qui

15 parlait.

16 M. Vucicevic (interprétation). - Lors de la première

17 conversation, à part M. Kupresanin et vous-même, qui d'autre était présent

18 dans les deux pièces au sujet desquelles vous avez témoigné ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Dans cette pièce où j’ai été

20 emmené, d'ailleurs j’y ai été emmené par un policier, avec la venue de

21 M. Kupresanin, ce policier étant sorti, il y avait Kupresanin avec moi et

22 c'est ainsi que la conversation a été entamée, comme je vous l’ai relaté.

23 Plus tard, depuis le bureau contigu, on l’a appelé tout simplement en

24 disant qu’il avait un coup de téléphone de la part du président, et il

25 s’est levé du bureau pour aller répondre à cet appel.

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1 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous pu voir d'autres

2 personnes présentes dans le bureau d'à-côté ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Je crois qu'il y avait une

4 personne dans cette pièce-là, peut-être quelqu'un qui appartenait au

5 secrétariat, mais c'est ce que j'ai pu voir à travers le couloir et aussi

6 par la porte de l'autre pièce qui était ouverte. Je n'ai même pas osé me

7 retourner mais juste le moment où je me suis retourné pour permettre un

8 angle de vision, parce que dans ces situations-là, surtout pour des gens

9 comme moi qui étaient d’abord au camp, où la situation est pernicieuse et

10 où on doit contrôler son comportement, chaque millimètre de son mouvement,

11 et à un moment donné, pendant qu'ils parlaient, M. Meakic était entré dans

12 le bureau, et qui voulait peut-être entamer une conversation avec moi mais

13 moi comme je n'ai pas

14 vraiment branché, lui après un certain temps a quitté la pièce. C'est de

15 cet autre bureau, et c'était la seule chose que j'ai pu entendre, on

16 entendait parler de ses besoins en savon, en literie, en draps, etc.

17 Ensuite la phrase répétée à deux reprises : " je n’en ai trouvé qu’un

18 seul ". Le sens de la phrase, je n’ai pas pu bien saisir, mais j’ai saisi

19 beaucoup plus tard, bien sûr, lorsqu’il m’a été dit que je devais le

20 suivre.

21 M. Vucicevic (interprétation). - Alors que vous observiez

22 M. Kupresanin en conversation avec M. Karadzic, avez-vous entendu les

23 termes suivants : "couverture", "lit", "détergent", prononcés directement

24 par le biais du téléphone, donc les mots mêmes de M. Karadzic ou bien

25 avez-vous entendu M. Kupresanin répéter ces termes ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Non, je n'ai pas entendu

2 l’interlocuteur, l'autre partie ; j'ai entendu Kupresanin répéter ces

3 mots-là, qu'il a fallu du savon, des détergents et trois cents lits.

4 M. Vucicevic (interprétation). - Si vous avez entendu

5 M. Kupresanin, avez-vous entendu M. Kupresanin transmettre ces ordres à

6 quiconque à ce moment-là ou à un quelconque autre moment à Banja Luka ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas entendu

8 passer des ordres de ce genre, je l'ai entendu parler par téléphone avec

9 quelqu'un à Banja Luka. Ce n'est pas qu'il a donné des ordres à quiconque

10 mais il a fait mention de ces articles-là. De même, il a parlé de

11 vêtements qui devaient m’être réservés, ensuite d'un certain emploi qui me

12 concernait pour dire " oui, oui, oui, etc." ou pour tout simplement

13 confirmer certaines déclarations.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Donc vous confirmez maintenant

15 que c'est M. Karadzic qui aurait exigé que vous soyez bien traité car vous

16 avez pu entendre directement que cela n'était pas Kupresanin à Banja Luka

17 qui répétait, c’était la voix de Karadzic que vous avez pu entendre par le

18 biais de ce téléphone de modèle ancien qui était posé sur le bureau ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Sur la base de ce que j’ai pu

20 capter, je vous ai

21 répété à plusieurs reprises ce que j’ai entendu, j'ai pu conclure qu’il a

22 été ordonné à Kupresanin de se rendre à Omarska et si il y a eu des

23 députés qui ont pu survivre, de les rassembler, de les réunir à un point

24 déterminé pour qu’ils se restaurent un peu et pour essayer de les

25 manipuler ensuite, les exploiter à des fins politiques. C’est ainsi que

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1 j’ai compris.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Vous venez de témoigner que

3 vous avez compris que ça n’était pas ce qu’a dit M. Karadzic. Je vous

4 demande simplement : que lui avez-vous entendu dire ?

5 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous avons déjà

6 entendu la réponse à cela.

7 M. Vucicevic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

8 Un point mineur : Monsieur Semenovic, j’aimerais que vous

9 portiez votre attention au tout premier jour, lorsque que vous vous êtes

10 rendu aux autorités du centre de détention de Trnopolje. Quel était le nom

11 du capitaine auquel vous vous êtes rendu ?

12 M. Semenovic (interprétation). - Il s’appelait Slavko, c’est

13 Adem Trnjanin, un de mes amis, qui m’a dit qu’il est allé plus tard

14 chercher ce Slavko.

15 M. Vucicevic (interprétation). - A-t-il fait des commentaires

16 quant à savoir à qui vous pouviez vous rendre, et à qui il ne fallait pas

17 vous rendre ?

18 M. Semenovic (interprétation). - Il m’a prié de me rendre, il

19 savait que quinze personnes allaient être tuées, lui y compris, parce que

20 l’ultimatum leur a été donné de quarante-huit heures.

21 Ce dénommé Slavko m’a dit comme quoi je n'allais pas être battu

22 mais simplement, il s’intéressait à savoir comment j’entrais et sortais de

23 Trnopolje. C’est tout ce que Slavko voulait savoir, c’est ce qu’Adem m’a

24 appris. Pour ce qui est des autres, il n’a rien dit. D’ailleurs, il était

25 hors de lui, il a eu beaucoup de mal pour parler de cette situation.

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1 M. Vucicevic (interprétation). - Peut-on dès lors

2 raisonnablement conclure que certains détenus ou réfugiés du centre de

3 Trnopolje avaient un avis favorable au sujet du capitaine Slavko ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Le capitaine Slavko

5 interrogeait quelques-uns de ces quinze personnes parmi lesquelles moi y

6 compris, entre autres il a interrogé Adem Trnjanin.

7 A la fin de cet interrogatoire, maltraitement, il y en a eu qui

8 ont été battus. On nous a justement donné comme condition cet ultimatum.

9 Pour ce qui est du contenu de ces conversations qui ont suivi, je n'en

10 sais rien. Mais Adem disait qu'on n'allait pas nous battre parce que ce

11 Slavko, lui, était le commandant des gardes du camp, et il voulait savoir

12 par quels moyens je m'y étais pris pour y entrer.

13 M. Vucicevic (interprétation). - Mais en fait, le capitaine

14 Slavko était pratiquement votre voisin avant que la guerre n'éclate,

15 n'est-ce pas ?

16 M. Semenovic (interprétation). - Non, ce n’est pas cela, je ne

17 le connaissais pas. Peut-être que oui, mais peut-être qu'il vivait un peu

18 plus loin de ma maison je n'ai pas pu reconnaître l'homme en le voyant.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Ensuite, vous avez été

20 conduit... la voiture dans laquelle vous étiez emmené s'est arrêtée devant

21 l'usine de Keraterm et vous avez témoigné avoir pu observer des

22 prisonniers dans ce camp-là, en très mauvais état, et vous avez pu

23 observer un immeuble de l'autre côté de la rue. Qui était logé dans cet

24 immeuble à ce moment-là ?

25 M. Semenovic (interprétation). - La voiture s'était arrêtée en

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1 face du camp de Keraterm, empruntant la route depuis Trnopolje à Prijedor.

2 Nous sommes arrivés à l’endroit où cette route rejoint la route Prijedor-

3 Banja Luka. C'est à ce point-là que se trouvent les usines Keraterm, une

4 grande enceinte de l'usine, juste à côté de la route, et puis à droite,

5 des bâtiments administratifs d'une quelconque firme de Prijedor. La

6 voiture étant arrêtée donc dans la cour tout de suite en passant la porte

7 d'entrée. C'est là que se trouvait la police militaire.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous pu observer des

9 hommes en uniforme dans l'enceinte ou aux alentours de l'usine de

10 Keraterm ?

11 M. Semenovic (interprétation). - En regardant par la portière à

12 droite, derrière la voiture, j'ai pu voir la clôture du camp et un nombre

13 énorme de gens détenus. Pour ce qui est du reste du camp, je n'ai pas pu

14 le voir, l'observer depuis la voiture. J’ai pu voir un grand nombre de

15 personnes en uniforme sortir de ce bâtiment devant lequel la voiture était

16 arrêtée.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous vu des hommes en

18 uniforme de l'autre côté de la route, côté Keraterm ?

19 Semenovic (interprétation). - Non. J'ai pu apercevoir une partie

20 de l'enceinte de l'usine, j'ai pu voir donc la clôture et un grand nombre

21 de personnes capturées, détenues dans l'enceinte.

22 Enfin, la partie évidemment de l'enceinte qu’il m'était permis

23 de voir. Je n'ai pas pu voir l'ensemble de Keraterm non plus que le reste

24 du camp. Je ne sais pas ce qui se trouvait derrière.

25 M. Vucicevic (interprétation). - Si l’on comparait l'immeuble de

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1 Trnopolje et celui du Keraterm du point de vue de la structure physique du

2 bâtiment, l’immeuble de Keraterm est en fait très proche de la route,

3 n'est-ce pas ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Oui, l'installation se trouve

5 très près de la route.

6 M. Vucicevic (interprétation). - Avez-vous observé des nids de

7 mitrailleuses à Keraterm ?

8 M. Semenovic (interprétation). – Depuis la voiture, je n'ai pas

9 pu les observer. Pour ce qui est de l'angle de vision de trente à quarante

10 mètres que j’ai pu voir depuis la voiture, je n'ai pas vu de

11 mitrailleuses. Il y avait seulement une clôture très haute, et à

12 l'intérieur, derrière la clôture dans l’enceinte, j'ai vu des hommes. Je

13 vous répète, depuis la voiture, je n'ai pu voir que cette section

14 d'ailleurs de l'enceinte.

15 M. Vucicevic (interprétation). - Je m’excuse auprès du Tribunal,

16 et par son biais, auprès du témoin pour lui demander de rappeler ces

17 détails. Je sais que c’est très pénible, nous allons essayer de passer ce

18 témoignage aussi rapidement que possible car je sais que tout ceci est

19 très pénible.

20 Monsieur Semenovic, un détail mineur cependant, une fois que

21 vous avez été placé en cellule, dans le bâtiment de la police, en fait

22 dans une cellule de détention de la police de Prijedor, vous avez témoigné

23 d’une situation épouvantable dans la cellule, la condition d'autres

24 personnes, mais à un moment, vous avez indiqué que certains avaient frappé

25 à la porte et que vous auriez dû nettoyer une chambrée. Qui a frappé à la

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1 porte ? Et qui était dans la chambrée que vous deviez nettoyer ?

2 M. Semenovic (interprétation). - C'était quelqu'un de la police

3 spéciale. L’homme qui a frappé donnaient des coups de pied sur la porte et

4 qui me lançaient des propos dérisoires sur mon compte, c’était

5 Dragan Saponja, c’était lui, qui le jour préalable m'avait battu dans le

6 bâtiment de la SUP de la milice, donc, avant l'interrogatoire.

7 M. Vucicevic (interprétation). - C'est effectivement totalement

8 répréhensible, et je compatis à votre souffrance. C’est pour cela, vous

9 avez témoigné que vous avez été réveillé et que vous auriez dit que l’on

10 voulait que vous nettoyez une chambrée. Cette chambrée que vous auriez dû

11 nettoyer, c’était celle de qui ?

12 M. Semenovic (interprétation). - C'était la chambrée de la

13 police spéciale qui était installée. C’étaient donc les policiers

14 militaires spécialistes. Lorsqu'ils m'ont fait entrer dans la cellule,

15 d'abord, à la première porte, j'ai été battu, à la porte même de la

16 cellule, battu par plusieurs soldats. La porte de l'autre cellule a été

17 ouverte, et j'ai pu voir des lits, je m'en suis rendu compte que c'était

18 la chambrée.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Je vous présente mes excuses,

20 Monsieur Semenovic, moi, j’avais l'impression, j'ai vérifié dans la

21 transcription que vous avez

22 mentionné hier dans votre témoignage, que c'était la police militaire, et

23 c’était un peu confus, c’est pourquoi je voulais savoir de qui il

24 s’agissait. S’agissait-il d’une unité spéciale de la police ou bien de la

25 police ordinaire ou d'une unité ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Non, ce n'était pas la police

2 ordinaire, il s’agissait des unités de la police spéciale.

3 M. Vucicevic (interprétation). - Sur la base des uniformes,

4 s’agissait-il de la police spéciale en uniforme bleu, ce qui est la

5 couleur traditionnelle de l’uniforme policier en Yougoslavie, ou bien

6 s’agissait-il de la police militaire ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Non, ce n'est pas la police

8 civile, c'était bien de la police spéciale. Et hier, en répondant à l’une

9 de vos questions, j'ai expliqué la différence qu’il y avait entre les

10 uniformes qui étaient les leurs et les autres. Il y avait une nuance de

11 couleur lilas, un peu treillis aussi, de camouflage mais tous portaient

12 donc le même uniforme.

13 Lorsqu’ils m’ont battu, à l’entrée de la cellule même, d’aucuns

14 voulaient qu’on m’introduise d’abord dans la chambrée pour la nettoyer,

15 mais ils ne l'ont pas fait parce que sous les coups qu’ils m'ont asséné,

16 je suis tombé à terre. Sur ce, ils se sont arrêtés pour me rentrer dans la

17 cellule, pour refermer la porte derrière moi. Ils ne m'ont pas emmené pour

18 me faire nettoyer la chambrée.

19 M. Vucicevic (interprétation). - Il semble que l'un des signes

20 distinctifs de la police militaire dans cette Yougoslavie, celle qui a

21 suivi, c’était un ceinturon blanc. Etait-il équipé d’un ceinturon blanc ou

22 ne portait-il pas de ceinturon blanc ?

23 Vous pouvez répondre si vous êtes d’accord avec la première

24 proposition que j’ai faite. Si c’est autre chose, alors indiquez-le si

25 vous êtes d’un avis différent.

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1 M. Semenovic (interprétation). - Autant que je puisse me

2 souvenir, il n'y avait pas de ceinturon blanc. Son ceinturon était plutôt

3 noir. Pour ce qui est des autres soldats, ceux qui m'ont battu devant la

4 cellule, je ne me souviens pas les avoir vu porter de ceinturon blanc.

5 J'ai pu suivre certaines de leurs conversations au cours de la

6 nuit, car j'avais de l’insomnie, et eux, ils ont monté la garde. Je les ai

7 entendu parler des actions qu'ils devaient mener et d'après ces

8 conversations, j'ai pu conclure aussi qu'ils appartenaient à l'unité de

9 police spéciale.

10 M. Vucicevic (interprétation). – Pouvons-nous repasser la bande

11 vidéo de tout à l'heure ?

12 M. le Président (interprétation). - Oui.

13 (La cassette est visionnée.)

14 M. Vucicevic (interprétation). – Pouvez-vous faire avancer la

15 bande ? Pouvez-vous identifier l'extrait de la bande où M. Semenovic est

16 interviewé ?

17 (La cassette est rembobinée.)

18 C'est pas la bonne direction. C’est une pièce de l'accusation.

19 Pouvez-vous rembobiner dans l'autre sens, s'il vous plaît ?

20 M. le Président (interprétation) - Pouvez-vous nous aider,

21 Maître Keegan ?

22 M. Keegan (interprétation). - Si je me souviens bien, c'est aux

23 environs de huit minutes, à la position 8 minutes sur la bande magnétique.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Merci.

25 M. Keegan (interprétation). - C'est le clip 3, 8 minutes 30 et

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1 quelques secondes. 32 secondes.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Pourriez-vous maintenant

3 envoyer la bande avec le son, s'il vous plaît ?

4 M. le Président (interprétation) - Page 4 de la transcription.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous arrêter la bande et

6 rembobiner, s'il vous plaît ?

7 (Me Keegan s'exprime hors micro).

8 M. le Président (interprétation) - On fait référence à la

9 page 8, je dis page 4. Je suppose qu'il s'agit du passage qui commence

10 par : "...Journalistes hors champ de la caméra faisant référence à de

11 rares habitants de ce centre de réception qui se soient rendus

12 volontairement à Omarska. L'homme répond : "Oui, c'est exact". Cet

13 individu, cet homme, c'est Monsieur Semenovic.

14 M. Keegan (interprétation). - C'est exact.

15 M. Vucicevic (interprétation). - Pouvez-vous repasser ?

16 (La cassette est visionnée et interprétée.)

17 "Nous avons entendu dire que vous êtes un de ceux qui sont

18 détenus dans ce camp et qui est venu de son propre chef ici.

19 Oui.

20 Pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison êtes-vous venu ici

21 et comment ?

22 Je suis venu en me cachant pendant un certain temps, dans la

23 situation de ces événements affreux pour essayer d'établir la vérité parce

24 qu'on devrait ensuite s'occuper des déclarations que j'ai faites moi-même.

25 Qui pensez-vous qui devrait être appréhendé ? Qui serait le

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1 coupable ?

2 Je pense avant tout à tous ces leaders de la Krajina de Bosnie,

3 à Mirza Mudadzic, et également au Président de la branche de la section du

4 parti de Prijedor, Mirza Mudadzic. Je pense aussi à d'autres membres du

5 conseil exécutif de Bosnie Herzégovine, ainsi que des gens qui ont

6 travaillé avec eux pour organiser toutes ces affaires militaires et de

7 combat.

8 Est-ce que vos collègues qui sont dans ce camp connaissent aussi

9 vos sentiments et votre opinion ?

10 J'en ai parlé à deux reprises déjà ici lors des discussions que

11 j'ai mené avec les gens, mais également lors d'une interview accordée à la

12 TV Krajina. J'ai fait pas mal de déclarations. J'ai adressé aussi un

13 message au peuple concernant la situation ici présente, et

14 que je peux voir directement de mes propres yeux.

15 Lorsque je suis témoin donc de Krajina de Prijedor, qui n'a

16 aucun fondement, dont le fondement ne se retrouve pas dans les

17 interventions des gens qui ont parlé de cette situation. Comme vous pouvez

18 le voir, il y a eu pas mal de journalistes étrangers de Grande-Bretagne,

19 la raison pour laquelle dans le monde entier, dans les médias

20 internationaux, il a été affirmé qu'en Républika Srepska où vous êtes

21 maintenant se trouvent des camps de concentration où sont capturés des

22 Musulmans et des Croates.

23 Etant donné, que vous êtes vous-même venu ici, Que pouvez- vous

24 dire à l'adresse de ces journalistes ? S'agit-il d'un camp de

25 concentration ou d'un camp de rassemblement ou quoi ?

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1 Je pourrais leur dire que les opérations de guerre ont eu des

2 conséquences telles qu'il a été nécessaire pour les gens de se regrouper

3 pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des causes de survie, en fin

4 de compte.

5 Pour ce qui est de ce centre, je ne devrais pas dire qu'il

6 s'agit d'un camp de concentration, à moins qu'il ne s'agisse de propagande

7 politique. D'ailleurs, qu'il y en a encore de par le monde. Ce sera

8 bientôt ici enflammé par la guerre.

9 Devrait-on dire que du côté musulman, il y a eu des gens qui se

10 sont préparés à faire la guerre ici ?

11 Ces derniers mois, on en parlait beaucoup."

12 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur Semenovic, vous avez

13 témoigné hier du fait que l'on vous a donné une déclaration à lire avant

14 que cet entretien n'ait lieu. Je vous demande la chose suivante :aviez-

15 vous devant vous cette déclaration lorsque vous avez accordé cet

16 entretien ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Oui, lorsque le journaliste de

18 Prijedor était venu, il s’agit de M. Ecim, lui m'a apporté la déclaration

19 faite par écrit que je devais lire et qu’il a pris

20 par une caméra. Il m'a demandé sans interprétation aucune d’en donner

21 lecture et en regardant droit dans la caméra. Il a tourné à deux reprises.

22 Après quoi, il y a eu cette interview lorsque la télévision Serbe Serna a

23 confectionné ce que nous avons pu voir.

24 M. Vucicevic (interprétation). - Donc vous n’aviez pas cette

25 déclaration devant vous lorsque la Serna a procédé à cette prise de vue ?

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1 M. Semenovic (interprétation). - Non, je ne l’ai pas eue sous

2 mes yeux.

3 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que que M. Ecim vous a

4 proposé de vous adresser aux journalistes étrangers ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Non.

6 M. Vucicevic (interprétation). - Vous souvenez-vous quand les

7 journalistes étrangers sont venus visiter le camp d'Omarska ?

8 M. Semenovic (interprétation). - Un jour après le tournage fait

9 par Zivko Ecim, les journalistes étrangers sont venus à Omarska. Je crois

10 bien que c’était une journée après ce tournage. Après quoi, la police

11 était venue au Nacelnik, à la verrière, pour me conduire vers l’étage,

12 vers de ce bâtiment où se tenaient les équipes de journalistes étrangers

13 et qui, comme je l’ai déjà dit hier, elles ont refusé de me prendre en

14 vue, après quoi j’ai été emmené dans la grande salle du premier étage ou

15 cette interview a été faite.

16 M. Vucicevic (interprétation). - Je n’ai plus que quelques

17 petits points à évoquer Monsieur le Président.

18 Monsieur Semenovic, avez-vous été membre de la Défense

19 territoriale à Trnopolje après avoir terminé votre service militaire ? Si

20 tel était le cas, quand vous étiez réserviste, quelles étaient vos

21 attributions ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Je n'étais pas membre de la

23 Défense territoriale. Je me suis mis à la disposition uniquement

24 immédiatement avant la guerre lorsque les gens devaient se mettre à la

25 disposition de la Défense territoriale pour élargir cette dernière étant

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1 donné qu'il n'y avait pas d'autres moyens d'organiser la défense de façon

2 légale.

3 Or, avant la guerre, après mon service militaire accompli,

4 j'étais dans la composition de ceux qui étaient des unités de réserve qui

5 une fois tous les 3 ou 4 ans ont été appelés à des exercices militaires,

6 c'était cela mon affectation. Il y en a qui ont été invités une fois tout

7 les 7 ans. Pour ce qui me concerne, en 10 ans, j'ai été appelé une fois

8 seulement. Si je m'en souviens bien, c'était en 1984 ou 1985, mais cela

9 fait longtemps, je ne m'en souviens plus.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Après avoir décidé de rejoindre

11 la Défense territoriale, avez-vous à un moment donné reçu une arme de

12 quelque qu'un ?

13 M. Semenovic (interprétation). - Non, parce qu’il n’y avait pas

14 d’arme et ceux qui n’avaient pas d’arme devaient en prendre pour s'en

15 munir uniquement en cas de guerre, lorsque ceux qui sont sur les lignes de

16 combat sont morts pour que d'autres viennent les remplacer, les relever,

17 surtout par exemple Kozarac et pour les villages environnant. La majeure

18 partie de ces gens-là, qui sont mis à leur disposition, n'avaient pas

19 d'arme.

20 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez déclaré que vous vous

21 êtes retrouvé dans la réserve de la JNA après avoir terminé votre service

22 militaire. En situation d'urgence, de mobilisation par exemple, vous

23 saviez à quel endroit vous deviez vous présenter, quels étaient ces

24 endroits ?

25 M. Semenovic (interprétation). - D'après la loi, on appelait

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1 cela le lieu de rassemblement.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Exactement, c’est bien à cela

3 que je pense.

4 M. Semenovic (interprétation). - Lorsqu’en 1984 ou 1985 nous

5 étions en exercice militaire, nous avons reçu cet appel, et ceux qui

6 étaient appelés avaient un certain temps pour se rendre sur le lieu de

7 rassemblement. Le lieu de rassemblement qui était le mien, où je devais me

8 présenter, se trouvait dans la région d’Orlovci, à Gorni Orlovci, c’est-à-

9 dire à la croisée des

10 chemins, il y a à droite une petite route locale et profondément dans la

11 région, 2 ou 3 km, il y avait justement là l’emplacement du lieu de

12 rassemblement où je devais me présenter. Une fois arrivé là-bas, on devait

13 se rendre vers les poligônes d'exercice.

14 M. Vucicevic (interprétation). - Gorni Orlovci est resté votre

15 lieu de rassemblement pour le reste de votre service, de réserve ?

16 M. Semenovic (interprétation). - Non. Un lieu de rassemblement,

17 c’est l’endroit où doivent se rassembler tous ceux qui ont reçu un appel à

18 l'exercice militaire. C'est à partir de cet endroit que me l'on doit

19 ensuite s'acheminer vers les régions, les endroits où les exercices

20 militaires devaient prendre place.

21 M. Vucicevic (interprétation). - Parlons du début du mois de

22 septembre 1991. Avez-vous reçu un appel puisque vous étiez de réserve et

23 nous étions toujours bien sûr sous la compétence de la JNA, étiez-vous

24 censé vous présenter afin d'avoir un service d’actif ?

25 M. Semenovic (interprétation). - Pour autant que je m’en

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1 souvienne, je n'en ai pas reçu.

2 M. Vucicevic (interprétation). - Quelle était l’instance

3 compétente chargée de l'envoi de ces appels à la mobilisation ?

4 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est des appels à la

5 mobilisation, je crois qu’ils devaient être délivrés par le secrétariat à

6 la défense nationale. Je pense que ceci devait être le secretariat à la

7 défense nationale, mais je n'en suis pas absolument certain.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Ne serait-il pas exact de dire

9 que M. Medunjanin de Kozarac était le chef de cette entité de cette

10 instance ?

11 M. Semenovic (interprétation). - Je pense que c’était lui, je

12 n’en suis pas sûr, mais je crois que oui.

13 M. Vucicevic (interprétation). - C'était un ami très proche de

14 vous, un ami très proche ou un associé politique très proche ?

15 M. Semenovic (interprétation). - Oui. Pour ce qui est de dire un

16 collaborateur politique, il l'était.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Savez-vous si des hommes ayant

18 votre âge étaient, eux, appelés pour prestation de service ?

19 M. Semenovic (interprétation). - Oui, il y en avait beaucoup qui

20 ont été appelés.

21 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous avons déjà

22 parcouru ces différents éléments. Y a-t-il d'autres questions que vous

23 voulez poser à ce témoin, Maître Vucicevic ?

24 M. Vucicevic (interprétation). - Dans votre déposition d’hier,

25 vous avez retiré la déclaration que vous avez faite à la télévision de la

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1 SRNA, mais quand avez-vous fait ce retrait pour la première fois ? Quand

2 vous êtes-vous rétracté pour la première fois. ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Je ne comprends pas bien :

4 "quand vous avez retiré cette déclaration ?"

5 M. Vucicevic (interprétation). - Plutôt que de rétraction, on

6 pourrait parler de contradiction.

7 M. le Président (interprétation). - Hier, vous avez dit que ce

8 qui avait été déclaré à la télévision n'était pas vos propres propos. Ce

9 que Me Vucicevic vous demande, au cas où vous pourriez répondre, c'est la

10 question de savoir quand vous avez... vous vous êtes rétracté par rapport

11 à cette déclaration pour la première fois. Vous souvenez-vous de cette

12 occasion ?

13 M. Semenovic (interprétation). - Je l'ai dit, pour une première

14 fois, au moment où j'ai réussi à quitter la région de Bosnie-Herzégovine

15 et dans une conversation avec les autorités officielles de Bosnie-

16 Herzégovine, et je l’ai dit au Tribunal.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Il s'agit là, effectivement,

18 d'une déclaration importante. Ceci serait vrai de tout homme qui a

19 souffert comme vous l'avez fait. J'essaie simplement de situer dans le

20 temps le moment où vous vous êtes rétracté, s’agissant de cette

21 déclaration. A qui vous avez fait cette déclaration ? Quand ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Lors d'une conversation au

23 sujet de mon séjour dans le camp, je crois que cette conversation, je l'ai

24 eue avec un des enquêteurs du Tribunal de La Haye. C’est la première fois,

25 c'était la première fois pour moi, que je racontais tous ces événements.

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1 C'est à cette occasion-là que j’ai parlé de cette déclaration et de ce

2 tournage.

3 M. Vucicevic (interprétation). - Vous vous souvenez peut-être du

4 mois ou de la saison au cours de laquelle ceci se serait produit, lorsque

5 vous avez désavoué en fait cette déclaration ?

6 M. Semenovic (interprétation). - En 1995, je pense bien fin

7 1995, mais je ne suis pas sûr. Peut-être, c'était déjà début 1996.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Vous avez quitté le territoire

9 de la Kranja le 15 janvier 1993, n'est-ce pas ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Le 15 ou le 19, je ne suis plus

11 sûr. En tout cas, dans cette période-là, du 15 au 19.

12 M. Vucicevic (interprétation). - Est-ce que M. Kupresanin vous

13 avait autorisé à quitter ce territoire détenu par les serbes, car toute la

14 clarté n'a pas été faite sur ce point ? Pourriez-vous nous parler des

15 entretiens que vous auriez eus directement ou indirectement avec

16 M. Kupresanin avant que vous ne soyez autorisé à quitter le territoire ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est du thème de mon

18 départ, je n'en ai jamais parlé avec Kupresanin. C’est un représentant du

19 CICR qui a eu cet entretien avec Kupresanin, et puis un autre monsieur,

20 Nikola Granic, directeur de la société, de la firme Plan de Banja Luka,

21 qui était en bonnes relations avec Kupresanin, et un docteur

22 stomatologiste nommé Emir. Ce sont eux qui ont eu la conversation avec

23 lui, puis c’est après qu'il a donné la permission pour moi de quitter le

24 territoire. Là, ils ont entrepris des actions tout à fait à mon insu.

25 C'est plus tard que j'ai appris, lorsque le docteur Emir est venu me voir,

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1 lorsqu'ils m'ont demandé de libeller une formule de remerciements à

2 M. Kupresanin qui m’a sauvé la vie, laquelle déclaration devait rester à

3 Banja Luka.

4 En retour, grâce à l’action de la Croix-Rouge, il me serait

5 permis de quitter le pays et d’aller en Norvège ; je ne sais pas pourquoi

6 la Norvège. Sans explication aucune, on m’a dit que je devais me rendre en

7 Norvège.

8 M. Vucicevic (interprétation). - Connaîtriez-vous l’appartenance

9 ethnique de M. Nikola Granic ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Je ne suis pas sûr de le

11 savoir, mais je crois qu’il est Croate. Je n’en suis pas absolument sûr.

12 M. Vucicevic (interprétation). - Ne serait-il pas raisonnable de

13 conclure que même en 93, M. Kupresanin avait des rapports étroits avec un

14 médecin musulman, et avec un Croate de Banja Luka, que ces trois hommes,

15 un Serbe, un Musulman et un Croate, vous ont prêté assistance, vous aidant

16 ainsi à quitter le territoire ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Il y avait aussi

18 M. Bernard Schwarzer, je ne sais plus comment se prononce son nom,

19 secrétaire de la Croix-Rouge International. Mais pour les trois autres, je

20 sais que ce sont des gens qui ont grandi ensemble. C'étaient tous ce qu’on

21 appelait dans le temps "des orphelins de guerre". Lors de la seconde

22 guerre mondiale, ils étaient restés sans parents et tous les trois

23 ensemble, ils ont grandi dans une maison de Musulmans. Je crois que

24 c’était la maison de la mère de ce Dr. Emir. Sa mère les a vraiment

25 accueillis comme étant des orphelins de guerre. Leur amitié se

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1 prolongeait. Cela a duré pendant quelques temps en 1993. Après quoi

2 M. Granic s'est vu obligé de quitter Banja Luka pour se rendre en Slovénie

3 si j'ai bien entendu dire. Je ne sais pas ce que le Docteur Emir est

4 devenu.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Voilà des informations tout à

6 fait intéressantes.

7 M. le Président (interprétation) - C'est peut-être le cas, mais

8 est-ce vraiment très utile ?

9 M. Vucicevic (interprétation). - Je vous remercie,

10 Monsieur le Président de votre remarque. J'aimerais demander à mes co-

11 conseils si nous devons poser d'autres questions à ce témoin.

12 (Maître Vucicevi s'entretient avec ces collègues).

13 M. Vucicevic (interprétation). - Merci,

14 Madame et Messieurs les Juges, nous n'avons plus de questions à poser à ce

15 témoin.

16 M. le Président (interprétation) - Maître Keegan, voulez-vous

17 exercer votre droit de réplique ?

18 M. Keegan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, ce

19 sera rapide, mais puisqu'il y a eu une longue discussion sur le camp, nous

20 avions préparé un diagramme, un petit schéma que nous n'avons pas eu

21 l'occasion de montrer à la défense. Pourrions-nous avoir la pause

22 maintenant ? Il y a aussi une cassette ?

23 M. le Président (interprétation) - J'espère que cela pourra être

24 réglé rapidement. Nous pourrions ainsi commencer l'audition d'un autre

25 témoin.

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1 M. Keegan (interprétation). - Oui.

2 M. le Président (interprétation) - Puisque vous êtes debout,

3 permettez-moi d'ajouter ceci. Nous avons envisagé le dispositif à prendre

4 pour vendredi. Nous n'avons pas l'intention d'avoir une longue audience ce

5 jour-là puisque nous devons régler d'autres questions.

6 Nous avions pensé terminer à 13 heures vendredi, alors que nous

7 commencerions à 9 heures le matin, un peu plus tôt que d'habitude. Je ne

8 pense pas que ceci provoquera de trop gros inconvénients ?

9 M. Keegan (interprétation). - Non, ce ne sera pas le cas,

10 Monsieur le Président.

11 M. Vucicevic (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

12

13 (La séance, suspendue à 15 h 22, est reprise à 15 h 46.)

14 M. le Président (interprétation). - Il semblerait que nous avons

15 perdu dix minutes au cours de la pause, ceci ne vous est pas imputable,

16 mais nous allons travailler jusqu'à 17 heures 10 pour compenser cette

17 perte de temps.

18 M. Keegan (interprétation). - D’accord, Monsieur le Président.

19 Monsieur Semenovic, s’agissant de questions posées à propos de

20 l'ordre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, portant mobilisation des

21 forces de la Défense territoriale, appel réalisé vers le 8 avril, comme

22 vous l'avez dit dans le cadre de votre déposition. Précédemment, vous

23 aviez fait part de vos connaissances à propos d’attaques lancées contre

24 des régions musulmanes, dans l'est de la Bosnie, notamment à Zvornik et à

25 Bjeljina, parmi d’autres, savez-vous si ces attaques se sont produites

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1 avant ou après cet appel à la mobilisation des forces de Défense

2 territoriale de Bosnie-Herzégovine ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Cela s'est passé avant l'ordre

4 portant création du territoire de Bosnie-Herzégovine.

5 M. Keegan (interprétation). – Pourrait-on enregistrer ce

6 document aux fins d’identification pour le placer ensuite sur le

7 rétroprojecteur. Nous n'avons pas eu le temps, au cours de la pause, de

8 faire des photocopies. Ceci a été montré à la défense. Nous veillerons à

9 ce que des exemplaires soient remis aux Juges.

10 M. le Greffier (interprétation). – La cote attribuée est la

11 cote P44.

12 M. Keegan (interprétation). – Veuillez placer ce document sur le

13 rétroprojecteur.

14 Veuillez vous intéresser à l'uniforme porté par cette personne.

15 Reconnaissez-vous cet uniforme ?

16 M. Semenovic (interprétation). - Oui. C'est bien l'uniforme des

17 policiers militaires spécialistes et que j’ai expliqué déjà à plusieurs

18 reprises. Il s'agit évidemment de treillis de camouflage nuancé en lilas,

19 mais un peu plus terne, par rapport à d'autres uniformes en treillis de

20 camouflage.

21 M. Keegan (interprétation). – Merci. Pourrait-on remettre la

22 photo aux Juges afin qu'ils voient les couleurs représentées sur la

23 photo ?

24 Il y a ensuite un schéma que nous voulons présenter au témoin,

25 nous avons déjà fourni des copies de ce schéma à la défense. Il s’agira de

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1 la pièce de l'accusation n°°P45.

2 Monsieur Semenovic, reconnaissez-vous ce croquis, ce schéma ?

3 M. Semenovic (interprétation). - Oui

4 M. Keegan (interprétation). - Que représente-t-il ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Cela représente Trnopolje, et

6 au beau milieu de ce dessin, se trouvent les établissements de la

7 collectivité locale, et de l'école militaire. On reconnaît les contours de

8 ce terrain de football que j’ai mentionné, et après une route.

9 M. Keegan (interprétation). - Veuillez placer ce croquis ou ce

10 schéma sur le rétroprojecteur, tout le monde pourra suivre vos

11 explications.

12 Voulez-vous prendre un peu de recul ?

13 Première question : reconnaissez-vous les routes qui sont

14 représentées sur ce schéma ?

15 M. Semenovic (interprétation). – Oui, c'est bien la route de

16 Trnopolje à Kozarasa.

17 M. Keegan (interprétation). – Pourriez-vous écrire un "K" au

18 bout de cette route qui mène à Kozarasa.

19 M. Semenovic (interprétation). - C’est écrit sur les dessins.

20 M. Keegan (interprétation). - Merci. Parlons de l'autre route

21 qui va de la gauche vers la droite, comme on le trouve sur ce plan, ainsi

22 que sur l’écran de l'ordinateur.

23 M. Semenovic (interprétation). - C’est la route venant de

24 Trnopolje à Prijedor.

25 M. Keegan (interprétation). - Veuillez placer un "P" au bout de

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1 cette route qui va

2 dans la direction de Prijedor.

3 Et si l’on poursuivait cette route vers la gauche, dans quel

4 quartier de la municipalité arriverait-on ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Cette route continue vers

6 Omarska, pas vers la municipalité, mais vers Omarska, c’est cette route

7 là.

8 M. Keegan (interprétation). - Veuillez placer un "O" à l’endroit

9 requis. Merci.

10 Parlons des bâtiments que vous aviez commencé à décrire lorsque

11 vous avez reçu ce plan. Vous avez placé de la Mjesna Sajednica du bâtiment

12 de la communauté locale.

13 M. Semenovic (interprétation). - C'est bien le bâtiment de la

14 collectivité locale, il s’agit de ce grand bâtiment, à gauche, bâtiment

15 plus grand, c'est l'ancienne cinéma salle de cinéma. Ici, il y avait un

16 point de commerce, et ici c'étaient les offices de la collectivité locale.

17 Enfin, la partie qui fait jonction des deux bâtiments.

18 M. Keegan (interprétation). - Je vous demanderai de placer un

19 "T" près du bâtiment où se trouvait la salle de cinéma. Un "T", à

20 proximité de cet emplacement.

21 Vous avez également fait état d'autres choses. Je vous

22 demanderai de décrire l'autre bâtiment qui se trouve à la droite du

23 complexe qui abrite la collectivité locale. Dites-nous ce que c'est ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Ici, vous pouvez voir le

25 bâtiment de l'école élémentaire sur ce dessin, cette figure. Cette partie

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1 de l'école élémentaire contient les classes, le restant étant le gymnase

2 faisant partie intégrante de l'école élémentaire du bâtiment.

3 M. Keegan (interprétation). - Je vous demanderai d'apposer un

4 "S" à proximité des bâtiments scolaires.

5 Est-ce que la caméra pourrait prendre un peu de recul ?

6 Monsieur Semenovic, veuillez indiquer sur ce plan, de façon

7 générale, où vous êtes entré, par où vous êtes entré dans ce camp de façon

8 approximative ?

9 (Micro s'il vous plaît).

10 Je vous demanderai d'apposer un "A" à cet endroit. Merci.

11 Nous avons également une cassette vidéo qui a été fournie à la

12 défense le 3 juillet. Je crois qu'on y voit la partie qui intéressait la

13 défense de façon plus claire ; l'image est beaucoup plus claire, l'est

14 aussi le bâtiment de la collectivité locale. On voit aussi plus clairement

15 les bâtiments scolaires.

16 Pourrait-on diffuser cette cassette ? Il s'agira de la pièce de

17 l'accusation 46.

18 (La cassette est visionnée).

19 M. Keegan (interprétation). - Veuillez arrêter l'image.

20 Monsieur Semenovic, reconnaissez-vous cet endroit que l'on est en train de

21 voir ?

22 M. Semenovic (interprétation). - Oui, je le reconnais.

23 M. Keegan (interprétation). - De quoi s'agit-il ?

24 M. Semenovic (interprétation). - Il s'agit bien du bâtiment des

25 entrepôts de la coopérative agricole. Ce que vous voyez devant face à ce

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1 barbelé, c'est bien la cour de la coopérative agricole.

2 M. Keegan (interprétation). - Peut-on poursuivre sur la

3 diffusion du film ? Où se trouve le cameraman qui prend ces vues, sur

4 laquelle des deux routes que vous avez indiquées ?

5 M. Semenovic (interprétation). - Sur la route qui mène de

6 Trnopolje à Kozarac.

7 M. Keegan (interprétation). - Excusez-moi, je voulais parler des

8 images précédentes. Voilà, cet endroit que l'on voit présentement.

9 M. Semenovic (interprétation). - Pour ce qui est du

10 positionnement du cameraman, il se trouve à l'angle que font les routes

11 Trnopolje Kosarac et Trnopolje Prijedor à droite par rapport au relais

12 station de transformateur qui est à gauche de l'image que vous me

13 présentez.

14 M. Keegan (interprétation). - Je vous remercie. Peut-on

15 poursuivre la diffusion ? Arrêt sur image. Etes-vous en mesure de

16 déterminer l'endroit où se trouve la personne qui filme cette scène ?

17 M. Semenovic (interprétation). - Le cameraman se trouve sur la

18 route de Trnopolje à Kozarac par rapport à l'endroit que j'ai mentionné

19 tout à l'heure. Il s'est déplacé en direction de Kozarac pour environ

20 30 mètres approximativement. Derrière le fil barbelé avec les hommes que

21 vous voyez, se trouve le bâtiment de l'ancien cinéma. Derrière, on

22 reconnaît l'entrée du bâtiment de la collectivité locale.

23 M. Keegan (interprétation). - Peut-on poursuivre la diffusion ?

24 Peut-on arrêter l'image ?

25 Monsieur Semenovic, reconnaissez-vous l'uniforme que porte cet

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1 homme qui se trouve à la droite de l'autre côté de la clôture ?

2 M. Semenovic (interprétation). - L'homme à droite porte

3 l'uniforme d'un militaire spécialiste, de la police militaire spécialiste.

4 M. Keegan (interprétation). - Merci. Poursuivons la diffusion.

5 Peut-on avoir du son ? Apparemment, la bande son ne passe pas,

6 peu importe. Avancez.

7 Cela suffira, je vous remercie. Avancez en avance rapide.

8 Veuillez arrêter, merci. Veuillez arrêter l'image à cet endroit. Pourrez-

9 vous déterminer où se trouve le caméraman qui filme ces hommes ?

10 M. Semenovic (interprétation). - Je pense que le caméraman se

11 trouve au début de la route qui mène de Trnopolje à Prijedor.

12 M. Keegan (interprétation). - Peut-on revenir un peu en

13 arrière ?

14 Oui, c'est un bon endroit pour fixer l'image. Quel est le

15 bâtiment que nous voyons là, en arrière-plan, ce grand bâtiment qui occupe

16 la totalité de l'image ?

17 M. Semenovic (interprétation). - C'est bien le bâtiment de

18 l'ancienne salle de cinéma.

19 M. Keegan (interprétation). - Vous voyez un autre bâtiment à

20 droite, devant ce cinéma, ce bâtiment a un toit orange, qu'est-ce que

21 c'est ?

22 M. Semenovic (interprétation). - C'est l'une des maisons qui se

23 trouvent en face de la collectivité locale.

24 M. Keegan (interprétation). - Je vous remercie. Poursuivons, si

25 vous le voulez bien, la diffusion du film.

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1 En avance rapide, s'il vous plaît.

2 Revenez un peu en arrière et faites défiler les images à la

3 vitesse normale. Mais d'abord, revenez d'abord un peu en arrière s'il vous

4 plaît , à vitesse normale, s'il vous plaît. Merci.

5 Monsieur Semenovic, reconnaissez-vous ce champ et ce bois à

6 l'arrière-plan ?

7 M. Semenovic (interprétation). - Oui. Je pense bien que c'est

8 justement l'endroit qui se trouve derrière l'école.

9 M. Keegan (interprétation). - Merci, veuillez arrêter l'image.

10 Nous demandons le versement de la totalité de cette cassette, nous l'avons

11 constituée assez rapidement, nous vous fournirons une transcription

12 complète, avec la traduction pour les passages qui ne sont pas en anglais.

13 Monsieur Semenovic, une dernière question. M. Krupesanin est

14 venu vous chercher pour vous faire sortir du camp. Puis, sont survenus ces

15 événements dont vous avez déjà parlé. Vous a-t-il fait sortir du camp

16 avant ou après la visite de la presse internationale, au camp d’Omarska ?

17 M. Semenovic (interprétation). - C'est le matin du jour qui a

18 suivi l'entrée dans le camp des journalistes internationaux, c'est-à-dire

19 de la Communauté Internationale.

20 M. Keegan (interprétation). - Je vous remercie,

21 Monsieur Semenovic. Monsieur le Président, je n'ai plus de questions à

22 poser.

23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie d'être venu

24 déposer devant ce Tribunal, vous pouvez vous retirer.

25 M. Keegan (interprétation). - Excusez-moi, nous voudrions avoir

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1 la possibilité de rappeler ce témoin.

2 M. le Président (interprétation). - J'espère que ce sera pour de

3 bonnes raisons dans ce cas-là, parce qu'il a déjà passé une bonne partie

4 de la semaine.

5 M. Vucicevic (interprétation). - Objection à cette éventualité

6 aux fins de ce compte rendu.

7 M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que vous

8 puissiez soulever d'objection.

9 J'espère que vous n'aurez pas à revenir devant nous, puisque

10 votre déposition fut très longue, mais sous cette réserve, vous pouvez

11 vous retirer et je vous remercie d'être venu devant ce Tribunal.

12 (Le témoin est reconduit).

13 M. Keegan (interprétation). - Notre témoin suivant sera

14 M. Edward Vulliamy.

15 M. Vucicevic (interprétation). - Monsieur le Président, avec

16 votre autorisation, puis-je m'approcher du greffier d'audience, ne fut-ce

17 que pour trent secondes ?

18 (Me Vucicevic s'approche du greffier)

19 (Le témoin est introduit dans le prétoire).

20 M. le Président (interprétation). - Veillez à ce que le témoin

21 prête sa déclaration solennelle.

22 M. Vulliamy (interprétation). - Je déclare solennellement que je

23 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

24 M. Keegan (interprétation). - Vous pouvez vous asseoir.

25 M. Vulliamy (interprétation). - Merci.

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1 M. Keegan (interprétation). - Pourriez-vous décliner votre

2 identité ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Je m'appelle

4 Edward Sebastian Vulliamy.

5 M. Keegan (interprétation). - Vous êtes citoyen du Royaume-Uni ?

6 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

7 M. Keegan (interprétation). - Et quelle université avez-vous

8 fréquentée, qu'avez-vous étudié ?

9 M. Vulliamy (interprétation). - J'ai fait l'université d'Oxford,

10 au Royaume-Uni, où j'ai étudié la philosophie avec les sciences

11 politiques, et ceci, je l'ai fait de façon plus rapide à l'université de

12 Florence où j'ai également étudié la philosophie.

13 M. Keegan (interprétation). - Vous avez terminé vos études.

14 Etes-vous devenu journaliste, par la suite ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

16 M. Keegan (interprétation). - Pour quelles entités travaillez-

17 vous ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - Je travaille pour le journal

19 " Guardian " et pour " The Observer ", qui est un journal apparenté.

20 M. Keegan (interprétation). - Quel sujet couvrez-vous en

21 général ?

22 M. Vulliamy (interprétation). - J'ai fait diverses choses, au

23 cours

24 des quinze dernières années. Je me suis intéressé à des conflits qui ont

25 éclaté dans diverses contrées du monde pour ce journal, et auparavant pour

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1 une chaîne de télévision, mais ces six dernières années, je me suis

2 surtout intéressé aux guerres en ex-Yougoslavie.

3 M. Keegan (interprétation). - Quelle distinction avez-vous reçue

4 en votre qualité de journaliste ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Avant la Yougoslavie, j'ai

6 obtenu le Prix de la télévision pour ce qui était des affaires

7 d'actualité. Ceci, n'avait pas de lien avec la Yougoslavie, mais depuis

8 que je m'intéresse à la guerre, j'ai gagné le British Press Award, le

9 Rapport du journaliste de l'année 1992. La même année, je crois avoir

10 gagné le prix du Correspondant extérieur, j'ai obtenu le prix

11 d'Amnesty International en journalisme en 93, je crois avoir obtenu le

12 prix " James Cameron " en 1994, ce qu'on qualifie souvent de Pulitzer

13 britannique, et j'ai obtenu le Prix de journaliste international de

14 l'année, l'année dernière pour une rétrospective que j'avais faite de la

15 guerre en Bosnie-Herzégovine.

16 M. Keegan (interprétation). - Quand avez-vous commencé à

17 travailler à la question du démantèlement de l'ex-Yougoslavie ?

18 M. Vulliamy (interprétation). - J'y suis allé, à titre

19 professionnel bien sûr, pour la première fois au cours de l'été 91. En

20 juin 91 plus précisément. Au départ, je voulais le couvrir le conflit qui

21 commençait à éclater dans ce qui était alors la partie occidentale de la

22 Yougoslavie, en Slovénie. C'étaient vraiment les premiers coups tirés dans

23 cette guerre. ?

24 M. Keegan (interprétation). - Pourrait-on fournir au témoin

25 cette carte-ci ?

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1 Je demande également qu'une copie soit placée sur le

2 rétroprojecteur.

3 Un exemplaire de cette carte a déjà été fourni à la défense,

4 cette carte nous sera utile dans la mesure où elle énumère des villes en

5 ex-Yougoslavie sans aucune autre indication topographique qui serait de

6 nature à distraire celui qui s'intéresserait à la question.

7 M. le Greffier.- Il s'agira de la carte portant la cote P 47.

8 M. Keegan (interprétation). – Veuillez brancher le

9 rétroprojecteur, merci.

10 M. Vulliany, vous avez dit avoir commencé à travailler d'abord

11 en Slovénie. Pourriez-vous succinctement nous décrire ces régions qui vous

12 ont intéressé ?

13 M Vulliany (interprétation). - Je crois que l'on commence à un

14 endroit qui ne se trouve pas sur cette carte, dans le coin supérieur

15 gauche, on voit effectivement la Slovénie, je me trouvais dans cette

16 région que j'indique ici à Lubjana, capitale, et dans la partie plus

17 orientale de la Slovénie, partie qui est adjacente à la Croatie. C'était

18 une première phase.

19 M. Keegan (interprétation). - Qu'avez-vous fait ensuite pour

20 couvrir ce conflit ?

21 M Vulliany (interprétation). - Une nouvelle phase de la guerre a

22 commencé en Croatie et j'ai eu pour mission de suivre les événements et

23 j'ai consacré plusieurs mois en Croatie à mon travail.

24 M. Keegan (interprétation). – Pourriez-vous nous dire où vous

25 avez travaillé ?

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1 M Vulliany (interprétation). – A Zagreb, capitale manifestement

2 de la Croatie, puis je me suis rendu sur ce qui était une ligne de front

3 entre les forces de Croatie qui commençaient à prendre forme et la JNA

4 d'alors. Il y a Sisak, Petrinja, Linja, Danjez dans cette région au

5 pourtour de ce que l'on appelait la Krajina où les populations croates et

6 serbes se rencontraient. J'ai également travaillé d'ailleurs pour

7 l'essentiel dans cette région-ci, plus à droite dans l'est de la Croatie

8 dans l'ouest de ce qui est devenu depuis la Serbie.

9 Du côté croate, j'ai travaillé à Osija qui était assiégé par la

10 JNA, j'ai travaillé à Vukovar qui est juste sur la frontière, ville elle

11 aussi assiégée par la JNA, je crois que je suis resté à Vukovar jusqu'à

12 l'avant-dernier jour où l'on pouvait encore y rester. Je suis sorti par

13 une route traversant des champs de maïs, et puis j'ai travaillé à Mostar,

14 un petit village plus au sud et au cours de cette période-là, je

15 m'intéressais aussi aux côtés de la JNA avec des yougoslaves, avec l'armée

16 qui était en train de devenir l'armée Serbe. J'ai travaillé aussi à un

17 endroit dénommé Bogojevo qu'on ne retrouve pas sur cette carte, mais qui

18 se trouve ici. C'est une garnison, une

19 ville-garnison. Puis j'ai travaillé à Sid, ville importante, et dans toute

20 cette région à Sombor, plus au nord, il était possible de passer par

21 Hambarine pour échapper aux lignes de front. J'ai aussi travaillé en 91

22 sur la côte, et plus précisément à Dubrovnik qui était assiégée elle

23 aussi, j'ai travaillé également dans les villes de Sibenik plus au nord

24 quand on remonte cette cote et à Zadar, elle aussi ville plus

25 septentrionale qui se trouvait sous le feux des pilonnages.

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1 M. Keegan (interprétation). - Revenons à cette partie de la

2 Bosnie orientale près de Vinkovci et de Vukovar, quelles étaient les

3 forces en présence des deux côtés ? Quel était le type d'armement dont

4 disposaient les forces ?

5 M. Vucicevic (interprétation). - Objection à cette question qui

6 nous écarte de la région de Prijedor et de la Bosnie-Herzégovine.

7 M. le Président (interprétation) - A première vue, ceci semblait

8 être une objection raisonnable. Quelle est la pertinence de ce que le

9 témoin peut nous dire en dépit de l'intérêt que peut présenter cette

10 région. Est-ce que ceci concerne cette affaire ?

11 M. Keegan (interprétation). - La description du conflit nous

12 permettra d'établir les plans, les schémas dont on va voir l'émergence

13 ultérieurement dans la région autonome de Krajina, c'est important pour

14 Prijedor et les municipalités environnantes. Bien sûr, il faut garder à

15 l'esprit la nature des allégations, des accusations portées contre

16 l'accusé. Mais, nous estimons que ceci est pertinent et j'espère que nous

17 pourrons vous en apporter la preuve au moment de la présentation des

18 éléments de preuve.

19 M. le Président (interprétation) – Maître Keegan, nous n'allons

20 pas vous empêcher de présenter vos éléments de preuve. Nous acceptons

21 votre argument portant sur l'ampleur des chefs d'accusation que vous devez

22 démontrer. Cependant, nous vous demanderons de vous limiter jusqu'au

23 moment où l'on aborde les points les plus pertinents qui sont en liaison

24 directe avec l'affaire qui nous occupe actuellement.

25 M. Keegan (interprétation). - Pouvez-vous donc nous décrire la

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1 manière dont se répartissaient les forces de part et d'autre et les types

2 d'armements employés par ces forces en présence ?

3 M Vulliany (interprétation). - Soyons brefs, l'armée croate

4 était une armée naissante, un mélange de la police, ancienne police de

5 civils avec un armement hétéroclite, en fait, un mélange de forces plus ou

6 moins régulières et de milices qui ont été formées ultérieurement. De

7 l'autre côté, côté JNA, on avait une armée régulière, l'armée populaire

8 yougoslave avec un armement à sa disposition qui semblait considérable, en

9 tout cas d'après ce que j'ai pu constater et qui intervenait comme élément

10 de soutien et de contrôle d'irréguliers qui combattaient dans les villages

11 dans lesquels je me suis rendu dans le cadre de mon travail, côté

12 yougoslave JNA serbe et donc, en fait, il y avait une certaine imbrication

13 entre ces deux types de forces.

14 M. Keegan (interprétation). - Avez-vous pu déceler un modus

15 operandi quant à la manière dont ces offensives étaient menées au cours de

16 la période que vous avez passée dans cette partie du côté serbe.

17 M. d'Amato (interprétation). – Objection et je vous remercie de

18 me donner l'occasion de m'adresser à vous. Nous vous déposons une

19 objection quant au fondement de cette question.

20 M. le Président (interprétation) - Nous venons de déclarer que

21 cette question était recevable. Vous pouvez continuer Maître Keagan.

22 M Vulliany (interprétation). – Eh bien, le schéma était plus ou

23 moins le suivant "le micro s'il vous plaît". Bogojevo se trouve plus ou

24 moins ici. Il s'agit d'une ville de garnison où se retrouvaient en fait

25 les unités d'artillerie de blindés, les véhicules de transport, c'est là

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1 que les convois étaient constitués. Ensuite, on alimentait les lignes de

2 siège de Vukovar avec un encerclement d'artillerie et d'infanterie autour

3 de Vukovar et Bogojevo voyait un même

4 déploiement mais pour Osejak. Donc, l'opération était à cheval sur la

5 frontière, si vous le voulez, avec les bases arrières et les garnisons

6 côté serbe et les combats se produisant côté croate. J'ai souvenir d'un

7 soir dans un village appelé Bjanobordo où l'on voyait, moi j'étais au bord

8 d'un champ, et de part et d'autre, les combats avaient lieu, en première

9 ligne, on trouvait les irréguliers avec leurs armes automatiques et

10 derrière, des rangées de chars d'assaut, les tirs d'armes légères se

11 faisaient entre irréguliers de part et d'autre du champ et les chars qui

12 tiraient sur Osija à ce moment, en fait étaient à 500 mètres derrière ces

13 irréguliers et tout le travail logistique se faisait de l'autre côté de la

14 frontière dans la partie serbe.

15 Comme je dois être bref, je ne vais pas reprendre la même

16 direction, mais la même chose se passait à Sid ici dans le cadre du siège

17 de Vukovar. Donc, il y avait cette imbrication entre forces régulières et

18 irrégulières et les officiers, en particulier un colonel ouzela que j'ai

19 appris à connaître nous indiquant clairement qu'ils avaient la charge et

20 le commandement des deux.

21 M. Keegan (interprétation). - Au cours de votre séjour, avez-

22 vous pu vous enquérir auprès des forces serbes, de leur rôle et de

23 l'objectif poursuivi dans ces offensives ?

24 M Vulliany (interprétation). – Oui, et de manière prolongée, car

25 nous pouvions discuter avec eux dans les cafés et nous avons pu déterminer

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1 quels étaient leurs objectifs, c'est-à-dire d'établir des territoires

2 exclusivement serbes en Croatie et aussi je dois dire, nous avons pu

3 discuter de leurs craintes et des expériences tout à fait déplaisantes

4 auxquelles ils avaient été confrontés dans la Croatie naissante, bon

5 nombre d'entre eux avaient perdu leur emploi, ce qui expliquait non pas ce

6 pour quoi ils combattaient, mais pourquoi aussi.

7 M. Keegan (interprétation). - Et donc, peut-on dire que leur

8 objectif en ce qui concernait la population non serbe de ces régions…

9 M Vulliany (interprétation). - Ils voulaient les repousser aussi

10 loin que possible, reprendre Osijak et repousser les croates jusqu'à

11 Zagreb. Une anecdote : ils ont indiqué : "Voilà Zagreb vroom", c'est un

12 peu la manière donc ils ont décrit les faits, c'est-à-dire qu'en fait ils

13 voulaient repousser les Croates aussi loin que possible.

14 M. Keegan (interprétation). - Lorsque vous vous êtes ensuite

15 déplacé au cours cette guerre, est-ce que vous avez pu constater un

16 scénario très similaire en 1992 et ce entre la Serbie et la Bosnie ?

17 M Vulliany (interprétation). - Oui. En fait, c'était au début

18 août 1992, une autre année, une autre guerre. C'était dans un endroit qui

19 s'appelait Loznica. Je vais essayer de le trouver, cela se trouve là,

20 juste à l'intérieur de la Serbie, à la frontière de la Bosnie-Herzégovine

21 et je m'y suis rendu parce que nous cherchions des endroits où des

22 déportés, des réfugiés et où l'on prétendait que des prisonniers étaient

23 détenus, donc, un camp où des Musulmans bosniaques avaient été détenus

24 après avoir été déportés de cette région. C'est une autre question, mais

25 si j'ai bien compris la question, Loznica était à nouveau une ville de

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1 garnison où l'on voyait l'entretien du matériel, beaucoup de trafic

2 transfrontalier. Je me suis rendu à Kucepak d'où venaient justement ces

3 déportés, il y avait tellement de trafic militaire allant vers le front

4 pour approvisionner les troupes que nous avons pu franchir la frontière

5 nous-mêmes, sans même qu'on nous demande nos papiers, car la frontière

6 physique n'existait plus. La seule différence en fait était qu'alors que

7 dans la premier conflit les combats avaient eu lieu car les Croates

8 étaient armés et avaient des moyens d'intimidation. Certains combats ont

9 était tout à fait rudes, et même parfois ils ont pu progresser. Ici il n’y

10 avait pas de combats effectifs mais plus simplement une occupation et une

11 déportation de civils. Mais le schéma était le même, une ville de garnison

12 et des interventions qui se faisaient de manière transfrontalière.

13 M. Keegan (interprétation). – La composition des forces que vous

14 avez vues, qui passaient en Bosnie-Herzégovine orientale, quel était le

15 type de forces que vous avez vues ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - A ce moment-là, le JNA s'était

17 plus ou moins désintégré. Il s'agissait de l'armée Yougoslave parce qu’en

18 fait la prétention de communisme

19 avait disparu et dès lors on parlait d'armée yougoslave. Il y avait une

20 armée régulière et encore une fois des groupes irréguliers avec des

21 uniformes partiels, vestes, treillis et jeans ou l'inverse, et donc une

22 interaction entre les forces régulières et ces milices ou ces semi-civils

23 donc des irréguliers.

24 M. Keegan (interprétation). - Quel type de coopération avez-vous

25 pu observer entre ces forces irrégulières, les milices et l'armée

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1 yougoslave ?

2 M. Vulliamy (interprétation). - Ils partageaient les casernes,

3 les chambrées, l'armement était manifestement un armement provenant de

4 l'armée régulière, qui était fourni aux irréguliers, les moyens de

5 transport étaient ceux de l'armée régulière, même si c'était des hommes

6 dont l'uniforme n’était pas celui des forces régulières qui les

7 utilisaient.

8 La partie logistique, le savoir-faire militaire, si vous voulez

9 était apporté par l'armée régulière et ce au profit des irréguliers que

10 cette armée régulière armait, en fait.

11 M. Keegan (interprétation). – Avez-vous vu des passages

12 d'armement lourd, artillerie, blindé ?

13 M. Vulliamy (interprétation). – Oui, il y avait moins

14 d’artillerie et de chars traversant à ce point spécifique en Bosnie que

15 dans la région de Vukovar mais c'est parce que les combats étaient moins

16 intenses. Cependant, je dois dire que l’artillerie lourde, les transports

17 motorisés blindés et les blindés eux-mêmes passaient.

18 M. Keegan (interprétation). - Comme nous avons toujours la carte

19 à l'écran, pouvez-vous nous décrire brièvement les autres zones de conflit

20 que vous avez couvertes entre 92 et 95.

21 M. Vulliamy (interprétation). - Cela couvre une période assez

22 prolongée. Je vais aller aussi vite que possible. Je vais faire la chose

23 suivante, je vais essayer de procéder de manière chronologique dans la

24 mesure du possible.

25 Au cours de l'été 92, j'étais dans la capitale, Sarajevo, à Pale

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1 la capitale des Serbes,

2 de la partie serbe. Je me suis rendu à Banja Luka, ici, à Prijedor, qui

3 est ici, et aux alentours de Prijedor puis vers les territoires tenus par

4 le gouvernement Anmarska, Trnopolje et puis pendant un certain temps j'ai

5 travaillé ici à Travnik, Novo Travnik, Zenica. C'est une série de villes

6 où il y avait un mélange de Musulmans et de Croates, et à Tuzla, où l'on

7 retrouve les trois groupes ethniques, mais aux mains du gouvernement.

8 J'ai aussi travaillé pendant cet été en Herzégovine et à

9 l’automne je suis allé dans ce qu’on a appelé la poche de Bihac, contiguë

10 au territoire gouvernemental mais qui était isolé et coupé du reste à ce

11 moment-là. J’ai aussi travaillé jusqu'en 93 en Bosnie centrale, autour de

12 Travnik, ici aussi, 93 Sarajevo, 94 Mostar, puis j'ai quitté la Bosnie dix

13 mois.

14 Lorsque je suis revenu à la fin de la guerre, Zenica, Bosnie

15 centrale, Sarajevo de nouveau, puis après la fin de la guerre, pour la

16 première fois j'ai pu me rendre dans des parties que l'on ne pouvait pas

17 visiter pendant la guerre, la vallée de Ledrina, ici, Viziograd et encore

18 une fois Prijedor et Banja Luka, et aussi cette partie-là.

19 En fait, pratiquement, j'ai couvert tout le territoire.

20 M. Keegan (interprétation). – Au cours de cette période avez-

21 vous couvert le conflit partant des trois principaux groupes intervenant

22 dans ce conflit, les Musulmans Bosniaques, les forces serbes.

23 M. Vulliamy (interprétation). – Oui, effectivement, c’était là

24 la difficulté car pendant des périodes prolongées, deux guerres se

25 déroulaient en parallèle, une entre alliance musulmane/croate et le côté

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1 nationaliste serbe d'une part, et une autre guerre entre les Croates de

2 Bosnie et les Musulmans de Bosnie. Il a fallu couvrir les deux conflits

3 suivant ce qui semblait être la priorité du moment.

4 M. Keegan (interprétation). – Avez-vous passé un certain temps

5 avec et avez-vous fait des reportages concernant des récits de

6 participants dans chacune de ces guerres ?

7 M. Vulliamy (interprétation). – Oui, j'ai passé beaucoup de

8 temps avec les

9 participants des trois parties en présence.

10 M. Keegan (interprétation). - Avez-vous pu avoir des entretiens

11 avec des officiers de commandement, des policiers militaires ?

12 M. Vulliamy (interprétation). – Oui, de part et d’autre.

13 M. Keegan (interprétation). – Avez-vous parlé avec les

14 représentants des trois nationalités ?

15 M. Vulliamy (interprétation). – Oui.

16 M. Keegan (interprétation). – Dans ces conversations, vous êtes-

17 vous concentré sur les rôles respectifs dans le conflit, la manière dont

18 ils les menaient ou ce dont ils avaient été victimes ainsi que les

19 origines et les objectifs ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Oui. Avec les soldats on a parlé

21 de peu d’autres choses que ce qu’ils voulaient faire, ce pourquoi ils

22 combattaient et avec les victimes on parlait de bien peu de choses, mis à

23 part ce qui leur était advenu et ce dans les trois cas.

24 M. Keegan (interprétation). - Votre recherche de reportage, de

25 récit en 1992 ainsi que dans la préparation de votre livre, à cette

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1 occasion avez-vous pu discuter avec des collègues journalistes, revoir des

2 archives concernant les événements qui se passaient en Bosnie-Herzégovine.

3 M. Vulliamy (interprétation). – Oui, effectivement, en ce qui

4 concerne nos collègues, nous formions un clan relativement serré et en fin

5 de journée, on discutait pas mal entre nous de ce qui s’était passé, nous

6 comparions les expériences, nous nous aidions les uns et les autres, ce

7 qui est peu habituel. A l'évidence nous parlions aux différentes agences

8 internationales, la Croix-Rouge, le Commissariat aux réfugiés des Nations

9 Unies. Parfois nous partagions un logement ou nous nous retrouvions dans

10 les mêmes hôtels.

11 Bien entendu, j'ai essayé de lire le plus possible, on

12 produisait beaucoup de littérature, on lisait tout ce qu’on pouvait se

13 procurer.

14 M. Keegan (interprétation). - Cela impliquait des rapports

15 officiels de gouvernement et d’organisations et agences non-

16 gouvernementales ?

17 M. Vulliamy (interprétation). – Oui, des rapports officiels,

18 notamment du Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, et du CICR,

19 certainement aussi bien sûr par le biais de nos interprètes ou de nos

20 traducteurs plutôt, nous lisions tout ce qui était publié par les trois

21 gouvernements, en croate, yougoslave, serbe, le gouvernement de Sarajevo

22 et le gouvernement auto-proclamé de Pale, bien entendu.

23 M. Keegan (interprétation). - Sur la base de vos expériences, de

24 vos entretiens et conversations, en particulier avec des personnes

25 d'origine serbe, dans les régions que l'on a appelées "les Krajina",

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1 c'est-à-dire dans la Krajina bosniaque ainsi que la Krajina croate, avez-

2 vous pu déterminer qu'il y avait une différence d'approche par rapport à

3 des gens que l'on considérait comme étant des musulmans bosniaques plutôt

4 que ceux dont on ressentait qu'ils étaient d'origine croate ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, en fait c'est quelque chose

6 qui s'est développé lentement, au cours d'une certaine période, mais il y

7 avait une différence assez importante.

8 Si vous le permettez, lorsque je dis "les Serbes", je parle des

9 Serbes qui suivaient l'idéologie et qui avaient répondu à l'appel de

10 mobilisation parce qu'il y avait beaucoup de serbes qui considéraient que

11 cette idéologie était inacceptable. Quand je parle des Serbes, j'entends

12 les nationalistes serbes. Des dizaines de milliers de serbes ont combattu

13 cette idéologie. Il faut le savoir.

14 Concernant ma réponse : il y a avait une différence. Les Serbes

15 qui combattaient, qui ont accepté l'idéologie nationaliste craignaient et

16 détestaient, d'une certaine manière, mais respectaient aussi les Croates

17 qui avaient un sentiment très fort de ce terme narod, de peuple, pas de la

18 populace qui est à l'arrêt du bus, mais le peuple au sens allemand du

19 terme, "das volk", les Serbes respectaient les Croates comme étant un

20 peuple légitime en ce sens, un narod

21 légitime.

22 Lors de la guerre en Croatie, dont je vous ai parlé tout à

23 l'heure, j'avais l'impression, vers la fin, que sous forme d'un accord

24 tacite les deux côtés luttaient pour un objectif qu'il visait à obtenir.

25 Ils s'opposaient, mais se respectaient. Les Serbes avaient de bonnes

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1 raisons de craindre les Croates vu l'histoire de ce siècle et les

2 souffrances qu'ils avaient connues pendant la deuxième guerre mondiale. Ce

3 n'était pas surprenant. Il y avait donc un mélange d'hostilité, de crainte

4 et de respect, mais pas de mépris. Certainement pas.

5 Concernant les musulmans, c'était différent. La langue était

6 différente. On parlait d'eux comme étant des indésirables, des gens sales,

7 un terme Balija, que l'on peut traduire grosso modo comme "romanichels",

8 "sales romanichels", plus ou moins. Nikola Koljevic qui était le Vice-

9 Président de la Républika Srepska.

10 M. Vucicevic (interprétation). - Nous faisons objection à ce

11 terme.

12 M. le Président (interprétation) - Il ne fait aucun doute que

13 l'on pourra le traduire d'une manière acceptable.

14 M. Vulliamy (interprétation). - Je m'en remettrai à toute

15 interprétation de la défense. Ceci étant dit, Koljevic, le Vice-Président

16 dont j'ai parlé tout à l'heure, en fait parlait d'une guerre des musulmans

17 contre les serbes, le général Vladic a dit : "Si on le laisse entrer, il

18 emmènera ses cinq épouses et on aura un village".

19 C'était un langage différent qui était utilisé à leur égard. Il

20 ne s'agissait pas d'une race, d'un peuple réel et légitime, mais plutôt

21 d'un faux peuple. Je l'ai entendu répéter à maintes reprises, mais au fil

22 des années, j'ai pu me rendre compte -je crois que je n'avais pas tort-

23 que ce mépris, ce dédain ressenti par un grand nombre, mais certainement

24 pas par tous les serbes, j'insiste là-dessus, par un grand nombre de

25 serbes, était un peu mélangé avec une certaine envie, jalousie, ou les

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1 deux mêlées, car dans les différents endroits où je me suis rendu, où j'ai

2 pu rencontrer ces personnes, où les musulmans étaient sur représentés dans

3 la population commerçante, dans l'intelligentsia, souvent, ils avaient une

4 meilleure formation académique. Il y avait ce mélange de haine et de

5 dédain, mais aussi une certaine envie.

6 C'est quelque chose que j'ai réalisé graduellement au fur et à

7 mesure de mes entretiens. C'est-à-dire qu'il y avait cette caractérisation

8 de mercantilisme, d'intelligentsia. Ce sont eux qui ont porté le plus dur

9 fardeau de ces combats. Mais effectivement, il y avait ces différences.

10 M. Keegan (interprétation). - Au cours de vos conversations, je

11 m'imagine le Pr. Koljevic qui, à l'époque, était le Vice-Président de la

12 Républika Srepska, qu'avez-vous souvenir d'avoir discuté avec lui ?

13 M. Vulliamy (interprétation). - J'ai eu plusieurs conversations

14 avec le Pr. Koljevic.

15 M. le Président (interprétation) - Vous pouvez continuer.

16 M. Vulliamy (interprétation). - Oui.

17 M. Vucicevic (interprétation). - Je voudrais soulever un point.

18 Aux Etats-Unis, j'indiquerai que comme Monsieur Koljevic est mort depuis

19 longtemps, il n'y a aucun moyen de vérifier ce qu'il a dit ou ce qui a été

20 dit. C'est la "dead man's rule".

21 M. le Président (interprétation) - Cette "dead man's rule"

22 n'existe pas. Nous acceptons le oui-dire, vous pourrez contre-interroger

23 autant que vous le voudrez.

24 Maître Keegan, je crois que nous devrions pouvoir limiter

25 l'expression de ces points de vues autant que faire se peut.

Page 125

1 M. Keegan (interprétation). - Oui, nous allons essayer de savoir

2 ce qu'a dit Monsieur Koljevic en ce qui concerne ce terme et de quelle

3 manière ceci était pertinent au niveau de Prijedor en 1992.

4 M. le Président (interprétation) - Tâchez de faire vite !

5 M. Keegan (interprétation). - Sur la base des conversations et

6 du contexte de ce terme, à quoi ce terme faisait-il allusion ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Le Pr. Koljevic nous a envoyé à

8 Prijedor en 1992, c'est là où j'ai eu mes premiers entretiens avec lui. En

9 fait, la mémoire raciale était ce qu'il considérait comme étant le plus

10 important, la caractéristique la plus importante, les Serbes l'avaient

11 acquise, les musulmans n'avaient pas cette mémoire raciale.

12 Je ne vais pas entrer dans le détail, mais c'était un homme très

13 intelligent, très clair au niveau de la poésie, de la conscience de

14 l'histoire. Il considérait qu'il y avait une justification historique. Je

15 pense que c'est cela qu'il entendait par mémoire raciale. Il ne

16 considérait pas que les musulmans aient eu une mémoire raciale.

17 M. Keegan (interprétation). - Partant de vos observations, de la

18 relation entre ce concept qui a été discuté et le recours à la propagande

19 par les dirigeants serbes depuis le début du conflit et pendant toute sa

20 durée ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Il est certain qu'en ce qui

22 concerne ce que le Pr. Koljevic appelait "mémoire raciale" et que nous

23 pourrions appeler "histoire", oui, effectivement, c'est juste. Cela

24 existait. Pardonnez-moi, mais l'une de nos blagues, nos plaisanteries,

25 parmi les journalistes, était : "Quand est-ce que le conflit a commencé ?

Page 126

1 La réponse était : "Aux environs de 1360. C'est pour cela que l'obus de

2 mortier est tombé hier".

3 Il est certain qu'une bonne partie de ce ressentiment venait de

4 la deuxième guerre mondiale, mais avant, et remontait au plus profond des

5 siècles. Monsieur Koljevic, lors de ma première visite, a dit : "C'était

6 la troisième grande guerre des Balkans, la première ayant été avec celle

7 avec l'empire ottoman et l'empire ostro-hongrois." On invoquait l'histoire

8 dans la propagande, vous m’avez parlé de la propagande effectivement de

9 manière incessante : télévision, magazine, bandes dessinées, dessins

10 animés, de l’extérieur cela pouvait paraître banal, mais je pense que cela

11 a eu une très grosse influence, le fait d’invoquer l’histoire et de se

12 justifier devant l'histoire.

13 M. Keegan (interprétation). - Les traducteurs demandent que vous

14 vous exprimiez

15 un peu plus lentement.

16 M. Vulliamy (interprétation). - Je vous présente mes excuses.

17 M. Keegan (interprétation). - Avez-vous au cours de vos

18 expériences dans cette période fait un usage de ces exemples historiques

19 et comment ils étaient utilisés par rapport aux Bosniaques en

20 particulier ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - L'un des jalons dans ce

22 processus semble être la visite du Président Milosevic, le serbien, sur-

23 le-champ de Kosovopolie qui est une défaite des Serbes au treizième siècle

24 et la promesse d'une revanche contre les Turcs.

25 Il est certain que les évocations des souffrances serbes au

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1 cours de la deuxième guerre mondiale ont été utilisées de manière

2 systématique et notamment le fait que l'on avait exhumé des corps serbes à

3 l'aube de la guerre.

4 Ceci ne semblait pas être trop dirigé contre les Musulmans, mais

5 plutôt contre les Croates, je m'en suis rendu compte ensuite les Musulmans

6 avaient participé à ces événements aussi, et donc il y a des épisodes

7 spécifiques de l'histoire serbe qui étaient systématiquement évoqués pour

8 justifier ce qui paraissait être l’imposition de souffrances au présent.

9 M. Keegan (interprétation). - Dans votre expérience, avez-vous

10 trouvé qu’il y avait un rapport entre ces exemples historiques entre le

11 recours à la propagande et les forces paramilitaires comparables à ce que

12 vous avez pu voir lors de ce que vous avez vu entre 1991 et 1995?

13 M. Vulliamy (interprétation). - J'ai essayé de décrire la

14 relation existante entre l’armée régulière et les irréguliers, donc à

15 l’évidence je parle de ce que j’ai lu dans des ouvrages. Il semble

16 effectivement qu’il y ait eu un rapport entre le fait de savoir s’il

17 s’agissait de l'armée royale de Serbie et les irréguliers, les différentes

18 milices qui ont combattu pendant la deuxième guerre mondiale.

19 Il y a toujours eu en fait cet élément d’irréguliers dans les

20 forces serbes ; dans la

21 période antérieure on les appelait les « Ceta », si je me souviens bien,

22 et c’est ce qui a donné lieu à l’utilisation du terme Tchetnik utilisé

23 parfois pour décrire les irréguliers, mais effectivement le schéma d'après

24 ce que j’ai pu recouper dans l’histoire semblait effectivement se répéter

25 lors de ces occasions.

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1 M. Keegan (interprétation). - Dans les exemples que vous avez

2 vus dans le cadre de votre recherche et dans la propagande, qu'avait été

3 le rôle joué par ces forces irrégulières ou paramilitaires ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Le sale travail était fait par

5 ces forces irrégulières, ils devançaient le gros des troupes, ils allaient

6 en éclaireur, c’était des troupes de choc, si vous voulez, toujours

7 dirigées contre des civils où ils étaient à l'arrière, ils nettoyaient,

8 ils se débarrassaient des poches de résistance et de tous les civils

9 qu’ils ne voulaient pas voir dans les parages.

10 M. Keegan (interprétation). - Lors des réunions que vous avez

11 eues avec les Serbes de Bosnie, des dirigeants serbes de Bosnie qu'ils

12 soient civils ou militaires, y a-t-il eu des écrits sur lesquels ils se

13 basaient pour défendre et pour mouvoir leurs idéaux ? Y avait-il des

14 traces historiques ?

15 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, plusieurs bandes ou

16 plusieurs éléments ont été produits dans les années 1940 qui justifiaient

17 de l’existence ce que l’on a appelé la Grande Serbie.

18 Il y avait aussi des ouvrages plus anciens. Certains de ces

19 ouvrages ont été republiés dans des manuels que portaient les effectifs,

20 il y avait des cartes de proclamation, c'était pratiquement, on peut le

21 dire, une guerre de cartes, tout le monde avait toujours sa carte pour

22 justifier des actions entreprises. Il y avait effectivement des tracts et

23 des cartes qui se voyaient à la télévision, que l’on présentait dans des

24 allocutions télévisées ou politiques. Effectivement, quelquefois, on les

25 retrouvait dans des petits agendas qu’on leur remettait.

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1 M. Keegan (interprétation). - Dans ce concept de la Grande

2 Serbie dont vous avez pris connaissance, quels devaient être les

3 territoires que l’on reprenait dans le cadre de ce concept ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Ceci dépend de l'époque dont on

5 parle. Les cartes qui m’ont été le plus souvent montrées dataient de la

6 fin des années 1930, du début des années 1940, je parle bien sûr du

7 XXème siècle. Ces cartes recouvraient pratiquement l’essentiel de la

8 Croatie, toute la Bosnie en général avec la Dalmatie qui est une sorte de

9 petit état vassal, le long de la côte adriatique, mais cette Grande Serbie

10 devait englober toutes ces régions, et le point crucrial étant à mon avis

11 que c’étaient tous les territoires où vivaient les Serbes, qu’ils parlent

12 bosniaque, croate ou autre chose, c’était le moteur de ce concept de la

13 Grande Serbie, là où il y a un Serbe, existe la Serbie. C’est l’idée que

14 l’on retrouvait aussi qui sous-tendait ces cartes.

15 M. Keegan (interprétation). - Vous avez suivi ce processus de

16 démantèlement, de désintégration de la Yougoslavie depuis le début. A ce

17 titre, savez-vous s’il y a eu des déclarations périodiques délivrées par

18 le HCR ou le CICR à propos d’atrocités commises de tous les côtés, en

19 Bosnie ou ailleurs, ainsi que de déclarations politiques ou de dirigeants

20 politiques et militaires.

21 M. Vulliamy (interprétation). - J’étais à l’extérieur de la

22 Bosnie pendant les premiers mois de la guerre, lors du printemps 1992,

23 mais à l’évidence je suivais de très près les événements.

24 Il est vrai que le HCR en particulier, mais aussi la Croix Rouge

25 internationale, dans la mesure où ils se sentaient autorisés à le faire,

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1 ainsi que des gouvernements, notamment le gouvernement croate parlait de

2 ce qu’un homme du HCR Peter Kespak a appelé le plus grave déplacement de

3 population depuis la deuxième guerre mondiale.

4 Je lisais les journaux américains et anglais, il y avait aussi

5 une couverture télévisée

6 des événements et il y avait effectivement une influence massive de

7 personnes venant de la région de Prijedor, de Banja Luka qui

8 franchissaient la frontière avec la Croatie pour arriver à Karlovac, ville

9 frontière où des témoignages étaient recueillis.

10 Il est vrai que les agences internationales, les médias ainsi

11 que les gouvernements occidentaux quasi à l’unanimité étaient désemparés

12 par l’ampleur de ces déplacements de population, et le gouvernement de

13 Croatie tout particulièrement s’inquiétait de cette situation parce que ce

14 pays sortait aussi de la guerre et avait vu augmenter sa population de

15 dizaines de milliers de personnes.

16 M. Keegan (interprétation). - Avez-vous rencontré au cours du

17 mois d’août 1992, au moment où vous êtes revenu en ex-Yougoslavie, des

18 exemples de ce type de nettoyage ethnique, de transferts forcés de

19 population dans la région de Loznica ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Oui, c’était la première fois

21 que j’en faisais l’expérience directement. Je me rendais en Bosnie. J’ai

22 été voir un camp, ce n’était pas vraiment un camp, c’était un endroit dans

23 lequel les autorités serbes yougoslaves avaient détenues des personnes

24 venant de la Bosnie orientale.

25 J’ai parlé d’un village appelé Zepak, c’étaient les premières

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1 personnes à qui j’ai parlé. Elles n’étaient pas en mauvais état, le

2 traitement qu’elles recevaient, toutes proportions gardées, maintenant je

3 sais assez bien quel est le traitement qui était réservé, mais le

4 traitement n’était pas trop grave, c’était la première fois que je voyais

5 ces déplacements massifs de la population, mais de l’autre côté du pays

6 bas, à cet endroit où il y avait l’affluence la plus grande, parce que la

7 plupart des gens venaient de Prijedor.

8 M. Keegan (interprétation). - Les personnes que vous avez

9 rencontrées à Loznica vous ont-elles dit comment elles avaient franchi la

10 frontière et pourquoi elles se trouvaient dans ce centre ?

11 M. Vulliamy (interprétation). - Des soldats étaient arrivés chez

12 eux et leur avaient

13 dit qu’ils devaient partir, on ne s’est pas préoccupé de savoir pourquoi,

14 ils ont été déplacés.

15 M. Keegan (interprétation). - Où sont-ils emmenés ?

16 M. Vulliamy (interprétation). - On leur a dit qu’ils allaient à

17 Subotica qui se trouve dans le nord de la Yougoslavie, près de la

18 frontière avec la Hongrie. On leur a dit que des formalités avaient été

19 faites pour leur obtenir des papiers leur permettant de quitter le pays

20 pour aller en Hongrie, Allemagne et Autriche, je pense. Mais apparemment

21 rien ne s’était passé de la sorte au moment où nous nous sommes entretenus

22 avec eux.

23 M. Keegan (interprétation). - Et depuis quand ces personnes

24 étaient-elles au camp ?

25 M. Vulliamy (interprétation). - Depuis des semaines plutôt que

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1 des mois.

2 M. Keegan (interprétation). - Quelle étaient les forces en

3 présence autour de ce centre ?

4 M. Vulliamy (interprétation). - Des membres de la police

5 yougoslave en uniforme.

6 M. Keegan (interprétation). - A quelle distance vous trouviez-

7 vous de la frontière avec la Bosnie-Herségovine ?

8 M. Vulliamy (interprétation). - Loznica est une ville frontière.

9 Les déportés pouvaient voir leur village d’origine. Je ne devrais pas dire

10 que c’était un camp, ce n’était pas vraiment un camp, c’est un centre de

11 déportation, de déportés. Depuis la cour de ce centre -c’était une école

12 auparavant- il était possible de voir le village d’où ils venaient de

13 l’autre côté de la frontière, ils nous l’ont indiqué du doigt. Ils nous

14 ont même donné des instructions nous permettant de pouvoir voir leurs

15 maisons. Ils pouvaient pour certains d'ente eux voir leur maison

16 personnelle.

17 M. Keegan (interprétation). - Comment vous êtes vous trouvez à

18 Loznica ?

19 M. Vulliamy (interprétation). - C'était la première étape de ce

20 qui allait devenir un long voyage. Ce village figurait en première place

21 sur une liste de camps de concentration qu'aurait établi le gouvenement de

22 Bosnie. Nous allions à cet endroit pour cette raison. Cela s'est avéré

23 être tout autre chose qu'un camp de concentration.

24 Voici le contexte. Je parle de ces récits relatifs à l’afflux

25 massif de personnes qui venaient à Karlovac en franchissant la frontière

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1 de la Croatie, mais ceci s’assortaissait aussi de rapports ou de

2 reportages relatifs à des camps.

3 M. Keegan (interprétation). - Vous souvenez-vous de la

4 publication de ces articles dans la presse occidentale ?

5 M. Vulliamy (interprétation). - Au cours de 10 derniers jours de

6 juillet 1992.

7 M. Keegan (interprétation). - Et après la publication de ces

8 articles relatifs à des déplacements massifs et forcés et de leur

9 détention dans des camps, que s’est-il passé ?

10 M. Vulliamy (interprétation). - La presse américaine et

11 britannique parlaient de l’existence de ces camps, commençaient à citer

12 des noms de camp petit à petit et les témoignages se fondaient sur ce

13 qu’avaient dit des gens arrivés en Croatie, on parlait de Manjaca, de

14 Tronoplje et enfin de Omarska.

15 M. Karadzic, président de ce que l’on appelait alors la

16 République serbe de Bosnie-Herzégovine, se trouvait être à Londres à

17 l’occasion d’une réunion. Le jour où le journal pour lequel je travaille

18 ainsi que d’autres journaux ont publié des articles à partir de ce que des

19 gens avaient décrit s’agissant des conditions qui auraient régné dans les

20 camps de Omarska entre autres.

21 Roy Goodmann avait aussi publié un article dans un journal de

22 New York « News Day ». Le Docteur Karadzic a fait l’objet de

23 contestations, on lui a posé des questions à la télévision, sur ITN.

24 M. Karadzic a déclaré qu’il s’agissait-là de mensonges et d’exagérations

25 et qu’aucun civil n’était détenu prisonnier. M. Karadzic a écrit une

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1 lettre au Gardian, au journal pour lequel je travaille dans ce sens-là.

2 Tout ceci a fait l’objet d’une publication quelques jours plus tard.

3 Il a donc rejeté ces allégations qui avaient été formulées et

4 ceci s’est accompagné d’un défi. Il défiait les journalistes et surtout

5 ceux d’ITN, la chaîne à laquelle il parlait, il défiait ces journalistes

6 d’aller voir par eux-mêmes et sur place qu’il s’agissait bien de

7 fabrication mensongère, ici je ne fais que paraphraser, je ne me rappelle

8 plus ses propos exacts. Il défiait ces journalistes d’aller voir eux-mêmes

9 sur place. Le rédacteur en chef pour lequel je travaillais alors m’a dit :

10 «d’accord, nous allons relever ce défi ». Ce fut le cas aussi pour ITN.

11 Je ne sais pas combien de temps il pensait consacrer à cette

12 visite, mais Paul Webst, mon ancien rédacteur en chef, a téléphoné à

13 M. Karadzic en utilisant son portable alors qu’il allait vers l’aéroport,

14 il lui a offert un délai de deux semaines, mais notre rédacteur en chef a

15 dit : «non, nous partons maintenant, j’ai quelqu’un de prêt ». C’était

16 moi. Donc nous sommes allés à Loznica parce que c’était le premier nom

17 dans la liste, mais nous avons été d’abord à Belgrade, puis à Loznica à la

18 suite du défi-invitation lancé par M. Karadzic.

19 M. Keegan (interprétation). - A votre arrivée à Belgrade, est-ce

20 que vous avez dû obtenir une accréditation ?

21 M. Vulliamy (interprétation). - Le lendemain nous sommes arrivés

22 à Belgrade et la première chose que nous avons dû faire, ce fut d’obtenir

23 une accréditation ou une autorisation auprès de la SRNA, il s’agit-là de

24 l’agence de presse yougoslave, et il nous fallait obtenir leur

25 autorisation si nous voulions poursuivre ce voyage et cette enquête.

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1 M. Keegan (interprétation). - Combien de jours avez-vous fini

2 par passer à Belgrade ?

3 M. Vulliamy (interprétation). - Nous avions voulu partir plus

4 vite, nous voulions aller directement à Omarska, en tout cas dans les

5 meilleurs délais, mais nous avons fini par passer 3 jours à Belgrade car

6 nous avons dû attendre que les différentes autorités prennent les

7 dispositifs nous permettant de voyager et d’obtenir les laissez-passer. Il

8 y avait aussi le Pr. Koljevic dont j’ai parlé que nous avons entendu.

9 Nous nous sommes dits : «plutôt que de perdre notre temps à

10 Belgrade, autant l’utiliser pour voir certains des endroits repris dans la

11 liste fournie par le gouvernement bosniaque et qui parle de camps de

12 concentration qui existeraient pour voir si la description était exacte ».

13 Ce qui n’était pas le cas.

14 Plutôt que de perdre notre temps à Belgrade, autant l’utiliser

15 pour voir certains des endroits repris dans la liste fournie par le

16 gouvernement bosniaque et qui parle de camps de concentration qui

17 existeraient pour voir si la description était exacte. Ce qui n’était pas

18 le cas.

19 M. Keegan (interprétation). - Qui vous a emmené à ce centre ?

20 M. Vulliamy (interprétation). - Nous avons eu le droit d’y

21 aller. J’avais mon interprète et un collègue free-lance qui travaillait

22 depuis Belgrade et nous n’avons rencontré aucune difficulté à aller à cet

23 endroit. Nous avions les documents de SRNA, nous avions notre direction,

24 nous n’avons pas eu de difficulté. Ayant vu Loznica et un autre endroit,

25 Subotica, j’ai compris qu’il n’avait opposé aucune difficulté parce qu’il

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1 était tout à fait exagéré de parler là de camp de concentration.

2 M. Keegan (interprétation). - Le moment est-il venu de lever

3 l’audience.

4 M. le Président (interprétation). - Oui, l’audience va être

5 levée, nous reprendrons nos travaux. Monsieur Vulliamy, voulez-vous être

6 présent demain matin à 9 heures 30 ?

7 M. Vulliamy (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation). - L’audience est levée.

9 L’audience est levée à 17 heures.

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