Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 15 septembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends que les parties ont des

  6   questions de procédure à évoquer.

  7   Maître Alarid.

  8   M. ALARID : [interprétation] Brièvement, Monsieur le Président, avec la

  9   permission de la Chambre, je souhaiterais présenter M. Dragan  Ivetic. Il

 10   est assis ici comme interprète pour moi. Il se peut qu'il y ait une

 11   possibilité qu'il fasse partie de l'équipe, mais pour le moment Jelena est

 12   en train de procéder à du travail d'enquête à Sarajevo, et donc nous avons

 13   besoin de trouver un moyen de communiquer avec le client, et c'est de cette

 14   façon que nous avons arrangé. Donc avec la permission de la Chambre, il

 15   sera ici en attendant pour cette semaine.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vois pas d'objection à cela.

 17   Monsieur Groome.

 18   M. GROOME : [interprétation] Juste pour cette demande qui a trait au témoin

 19   suivant, VG-35. Normalement c'est ma pratique avant qu'un témoin ne dépose

 20   de demander quelles sont les mesures de protection dont ont a besoin qui

 21   seraient nécessaires. Dans les discussions que j'ai eues avec ce témoin, on

 22   lui a accordé le 20 juin de cette année un pseudonyme et toute la

 23   déposition de ce témoin doit avoir lieu en audience à huis clos. Et ceci a

 24   été fait sur la base de la déposition, on a pensé qu'il valait mieux que ce

 25   soit pour l'ensemble en audience à huis clos.

 26   Quand je lui ai parlé au cours du week-end, elle m'a fait savoir

 27   qu'elle n'aurait pas d'objection à ce que le reste de sa déposition

 28   concernant le contexte en général -- elle dépose également avec les témoins

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  1   oculaires pour ce qui est d'un des chefs d'accusation, à savoir le meurtre

  2   de Hajra Koric. L'Accusation demande maintenant à la Chambre de bien

  3   vouloir modifier son ordonnance du 20 juin et demande que sa déposition

  4   puisse se faire avec déformation des traits du visage et pseudonyme mais si

  5   ceci est fait en audience publique, sauf pour les parties où il est

  6   question de l'agression sexuelle dont elle a été victime.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons y faire droit.

  8   M. GROOME : [interprétation] Et avec ça, Monsieur le Président,

  9   l'Accusation voudrait citer le témoin VG-35.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que vous ne fassiez cela, j'ai

 11   deux questions en ce qui concerne les membres de la Chambre qui ont besoin

 12   de certains éclaircissements de votre part, Monsieur Groome. (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   Donc je dois demander à l'Accusation de préciser, faire savoir si

 19   elle entend toujours citer le témoin VG-17, parce que ce témoin ne figure

 20   pas sur la liste des témoins. Si vous ne pouvez pas répondre à ma question

 21   maintenant, à ce moment-là vous pouvez prendre le temps d'effectuer les

 22   recherches nécessaires.

 23   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais

 24   revérifier, mais je pense que c'était notre intention de continuer à

 25   demander que ce témoin puisse venir déposer.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. La deuxième question a trait à

 27   une demande de l'Accusation présentée le 11 avril. On demande que la façon

 28   dont sera lue la déposition du témoin VG-002 soit transformée en

Page 1645

  1   déposition, en personne de vive voix et que ceci devienne une déposition au

  2   titre de l'article 92 bis, et il y a été fait droit le 22 avril. En ce qui

  3   concerne VG-002 et VG-022, la décision de la Chambre a été qu'à son avis

  4   l'Accusation peut ajouter sur sa liste de témoins cette modification de la

  5   façon dont elle souhaite interroger les témoins en question, et ici je cite

  6   la décision. "Toutefois, quant à savoir si ces témoins seront en fin de

  7   compte entendus de la façon proposée, ceci dépendra des décisions prises

  8   sur ces demandes, sur ces requêtes en vertu des articles 92 bis et 92 ter

  9   du Règlement relativement à ces témoins." Mais l'Accusation n'a pas déposé

 10   de requête au titre de l'article 92 bis en ce qui concerne VG-002.

 11   Le 12 septembre 2008, l'Accusation a avisé la Chambre du fait que VG-002

 12   comparaîtrait en tant que témoin le 22 septembre, bien qu'il ait été noté

 13   que cette déposition aurait lieu conformément aux dispositions de l'article

 14   92 bis. De sorte que l'Accusation est priée de bien vouloir expliquer quel

 15   est le statut de ce témoin et quelles sont les déclarations ou

 16   transcriptions ou dépositions antérieures qu'elle souhaite ajouter,

 17   conformément aux dispositions de l'article 92 bis ou 92 ter. C'est donc une

 18   question à laquelle il va falloir que vous réfléchissiez, Monsieur Groome.

 19   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez maintenant faire entrer

 21   le témoin.

 22   M. GROOME : [interprétation] L'Accusation cite le témoin VG-35 à

 23   comparaître.

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande que le témoin fasse la

 26   déclaration.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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  1   LE TÉMOIN: TÉMOIN VG-35 [Assermentée]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, et

  4   Monsieur Groome, vous pouvez commencer.

  5   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Interrogatoire principal par M. Groome : 

  7   Q.  [interprétation] Témoin VG-35, la Chambre vient juste d'ordonner une

  8   modification de la façon dont vous allez déposer à la suite du fait que

  9   j'ai transmis vos vœux sur la façon dont votre témoignage pourrait être

 10   présenté. Il y aura déformation des traits du visage, et nous vous

 11   appellerons tout le temps VG-35, et certaines parties de votre déposition

 12   seront faites en audience à huis clos.

 13   Je voudrais vous demander de commencer votre déposition en regardant une

 14   feuille de papier qui vous est présentée. Je demande que vous nous disiez

 15   si c'est bien votre nom qui figure sur cette feuille de papier ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que c'est bien votre date de naissance qui est indiquée là ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourrais-je vous demander de bien vouloir signer votre nom au bas du

 20   document ?

 21   R.  [Le témoin s'exécute]

 22   M. GROOME : [interprétation] Et une fois que ce feuillet aura été montré au

 23   conseil de la Défense et à la Chambre, je voudrais demander qu'il soit

 24   versé au dossier sous pli scellé.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ceci devient la

 26   pièce P100, déposée sous pli scellé.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. GROOME : [interprétation] Avec la permission de la Chambre, je voudrais

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  1   utiliser des questions directrices pour pouvoir examiner certaines

  2   questions qui concernent le cadre général de la déposition du témoin et

  3   également des questions qui ne sont pas en litige.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

  5   M. CEPIC : [interprétation] Je demande la parole, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic.

  7   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons une question

  8   de principe à évoquer en ce qui concerne les questions directrices d'une

  9   façon générale. Merci.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic, en ce qui concerne

 11   toutes les questions ? Pour certaines questions je peux imaginer que vous

 12   n'allez pas évoquer de problèmes, les questions de cadre général. Mais si

 13   vous nous dites vraiment que vous souhaitez qu'il n'y ait aucune question

 14   directrice, alors cela bien sûr, c'est quelque chose dont il faut que nous

 15   tenions compte.

 16   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

 17   pour autant que j'aie compris, ce témoin va déposer en personne, de vive

 18   voix, mais ce témoin a également fait des déclarations qu'elle a remises au

 19   bureau du Procureur en 1998 et en 2001. Donc ceci, pour moi, m'a mis dans

 20   le doute.

 21   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Procureur, dans ces

 22   circonstances, veuillez procéder de la façon ordinaire.

 23   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 24   Q.  VG-35, je voudrais appeler votre attention sur ce qui s'est passé au

 25   cours du printemps 1992. Est-ce que vous vous rappelez lorsque le Corps

 26   d'Uzice est entré -- le Corps d'Uzice de l'armée de la République populaire

 27   yougoslave, quand il est arrivé à Visegrad, est-ce que…

 28   R.  Oui, mais c'était au mois de mai.

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  1   Q.  Et qu'avez-vous fait, vous et votre famille, au moment où il est arrivé

  2   ?

  3   R.  Je me suis enfuie de Visegrad.

  4   Q.  Vous vous êtes enfuie où ?

  5   R.  A Medjedje.

  6   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous êtes revenue à Visegrad ?

  7   R.  Plusieurs jours plus tard.

  8   Q.  Avant de revenir à Visegrad, est-ce que vous avez reçu des

  9   renseignements concernant la situation à Visegrad ?

 10   R.  Oui. Ils nous ont dit que le Corps d'Uzice était arrivé et que nous

 11   pouvions tous rentrer chez nous. 

 12   Q.  Est-ce qu'on vous a dit quoi que ce soit en ce qui concernait la

 13   situation au point de vue sécurité après l'arrivée du Corps d'Uzice à

 14   Visegrad ?

 15   R.  Ils ont dit qu'on pouvait rentrer chez nous sans aucun danger et

 16   reprendre notre travail.

 17   Q.  Où travailliez-vous à l'époque ?

 18   R.  Je travaillais pour une société.

 19   Q.  Pouvez-nous dire le nom de cette société ?

 20   R.  TMP, Elplin.

 21   Q.  Quelle était l'activité, d'une façon générale, de cette société ?

 22   R.  Nous réparions des réservoirs de carburant.

 23   Q.  Pourriez-vous dire à la Cambre où en ville se trouvait le bureau

 24   principal de cette société ?

 25   R.  C'était après un arrêt d'autobus, il y avait là un réservoir et c'est

 26   là que se trouvaient tous les bus. Une fois qu'on avait passé cet endroit,

 27   c'est là que se trouvait ma société.

 28   Q.  Lorsque vous êtes retournée à votre société, est-ce que votre directeur

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  1   ou votre supérieur portait le même nom, et c'était la même personne qu'au

  2   moment où vous êtes partie ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Quel était le nom de votre nouveau supérieur ?

  5   R.  Furtula Strajin.

  6   Q.  Quelle est l'origine ethnique de Furtula Strajin ?

  7   R.  C'est un Serbe.

  8   Q.  Est-ce que M. Furtula vous a jamais remis un papier ou un document

  9   après votre retour ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire de façon résumée ce que c'était que ce document

 12   ? Quel était l'objet de ce document ?

 13   R.  C'étaient des certificats qui étaient délivrés aux Musulmans. C'était

 14   en fait un laissez-passer pour pouvoir aller au travail tous les jours.

 15   Q.   Est-ce qu'il fallait présenter ce laissez-passer lorsque vous vous

 16   rendiez à votre travail ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Où deviez-vous présenter ce laissez-passer ?

 19   R.  Juste avant d'arriver au tunnel. C'était près du vieux pont de chemin

 20   de fer.

 21   Q.  Après que vous soyiez retournée à votre travail, est-ce que vous avez

 22   été de plus en plus préoccupée, du point de vue sécurité, de votre

 23   possibilité d'aller et venir, de faire la navette entre chez vous et votre

 24   travail ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Y a-t-il eu une série d'événements qui ont fait que vous avez été de

 27   plus en plus préoccupée pour votre sécurité et celle de votre famille ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Pourrais-je appeler votre attention sur un événement. Est-ce qu'à un

  2   moment donné quelqu'un a apporté une arme à la société et que ceci, en

  3   fait, vous a beaucoup préoccupée ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire quel type d'arme c'était et

  6   quelles étaient les circonstances dans lesquelles elle a été apportée dans

  7   votre lieu de travail ?

  8   R.  Un Serbe est entré dans mon bureau portant une arme. C'était une arme

  9   qui avait un trépied. Je ne suis pas sûre de la façon dont on appelle ça,

 10   une mitrailleuse ou un fusil-mitrailleur, quelque chose comme ça. Je n'y

 11   connais pas grand-chose en ce qui concerne les armes, mais c'était une

 12   sorte d'arme. Il a apporté des coupons alimentaires, des coupons de

 13   déjeuner, il les a mis sur la table et il voulait de l'argent en échange de

 14   ces tickets. C'est quelque chose que je ne pouvais pas accepter. Alors

 15   Furtula est sorti et est retourné au bureau mais la mitrailleuse est restée

 16   sur ma table, ma petite table latérale. La porte était fermée et je n'ai

 17   pas pu entendre ce qu'ils disaient. Ils sont restés pendant un certain

 18   temps à l'extérieur puis ils ont quitté le bureau.

 19   Q.  VG-35 --

 20   R.  -- mais cette arme est restée sur mon bureau.

 21   Q.  Est-ce que je peux vous demander, au cours de cette période, est-ce que

 22   vous connaissiez une personne du nom d'Ekrem Dzafic ?

 23   R.  Dzafic, oui.

 24   Q.  Est-ce qu'il travaillait également dans cette société ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce qu'il y a eu des cas où vous avez fait le trajet aller-retour

 27   depuis votre domicile jusqu'à votre travail dans la voiture d'Ekrem Dzafic

 28   ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Y a-t-il eu une autre circonstance dans laquelle vous avez reçu un

  3   appel de chez vous concernant les personnes qui étaient entrées dans votre

  4   maison ?

  5   R.  Oui, j'ai eu un appel de mon fils.

  6   Q.  Quel âge avait votre fils à l'époque ?

  7   R.  Il n'avait pas encore 9 ans. Il avait 8 ans et demi. Il n'avait pas

  8   encore atteint 9 ans.

  9   Q.  Qu'est-ce que votre fils vous a dit qui se passait chez vous pendant

 10   que vous étiez au travail ?

 11   R.  Il a dit : "Maman, quand est-ce que tu vas rentrer à la maison ? Notre

 12   maison est pleine de soldats."

 13   Q.  Est-ce que vous aviez un autre enfant en plus de ce garçon ?

 14   R.  Un autre fils. J'ai deux fils.

 15   Q.  Il était plus jeune que ce fils dont vous venez de parler ?

 16   R.  Oui. L'autre fils venait juste d'avoir 2 ans, à Visegrad.

 17   Q.  Les deux enfants, est-ce qu'ils étaient effrayés par la présence de ces

 18   soldats dans la maison ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  VG-35, est-ce qu'il y a eu en fin de compte un dernier événement qui

 21   vous a fait vous rendre compte que vous ne pourriez plus aller travailler

 22   dans votre société ?

 23   R.  Oui. C'était un moment difficile. C'était difficile pour moi de voir

 24   pleurer mon fils. Ça m'a causé beaucoup de souffrance. J'ai regardé à

 25   travers la fenêtre et la mosquée était en flammes, près du pont Rzavski.

 26   Q.  Qu'est-ce que vous avez conclu après avoir vu la mosquée de la ville

 27   qui brûlait ?

 28   R.  Je me suis rendu compte que les Musulmans ne devaient plus rester, et

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  1   moi non plus.

  2   Q.  Après cela, est-ce que vous êtes jamais retournée au travail ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pendant combien de temps est-ce que vous êtes retournée au travail

  5   après cette journée-là ?

  6   R.  A plusieurs fois Strajin Furtula envoyait une voiture me chercher, une

  7   voiture de société qui était, à l'époque, conduite par Piro Andric.

  8   Q.  A un moment donné est-ce que vous avez cessé d'aller au travail ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce qu'à un moment donné votre mari a fui Bikavac parce qu'il

 11   craignait qu'on emmène les Musulmans pour les tuer ?

 12   R.  Excusez-moi. Pourriez-vous répéter votre question ?

 13   Q.  Est-ce qu'il est venu un moment où votre mari est parti de Visegrad ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Environ vers quel moment, à quelle période est-ce que votre mari a

 16   quitté Visegrad ?

 17   R.  Il est parti en mai.

 18   Q.  Pourquoi est-il parti ?

 19   R.  Il est parti pour aller trouver un travail.

 20   Q.  Est-ce que vous êtes restée à Visegrad avec vos deux fils ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que quelqu'un d'autre est resté chez vous, dans votre maisonnée

 23   ?

 24   R.  Mon beau-père et ma belle-mère sont restés.

 25   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez tenté de partir avec un convoi,

 26   avec votre beau-père, votre belle-mère et vos deux enfants, mais qu'on vous

 27   l'a refusé ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Pourquoi est-ce qu'on ne vous a pas autorisés à quitter Visegrad à

  2   cette occasion et sur ce convoi ?

  3   R.  Parce que mon beau-père et ma belle-mère n'avaient pas encore 65 ans.

  4   Q.  Je voudrais maintenant appeler votre attention sur le 26 juin, et je

  5   voudrais vous demander si à un moment donné au cours de cette journée vous

  6   avez vu un soldat serbe à l'extérieur de votre maison ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire dans quel quartier de Visegrad vous habitiez ?

  9   R.  Ban Polje, que l'on connaît également sous le nom de Bikavac.

 10   Q.  Combien y avait-il de personnes devant chez vous, devant votre maison

 11   le 26 juin ?

 12   R.  Il y avait moi, mes enfants, mon beau-père, ma belle-mère, ma belle-

 13   sœur.

 14   Q.  Par rapport à ce soldat, combien de soldats serbes y avait-il devant

 15   votre maison le 26 juin ?

 16   R.  Il y avait Milan Lukic. Il était là avec un --

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi ce qu'a dit le témoin.

 18   M. GROOME : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que je pourrais vous demander --

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, répéter

 21   votre dernière réponse pour les interprètes.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait Milan Lukic avec un jeune garçon.

 23   M. GROOME : [interprétation]

 24   Q.  VG-35, je remarque que vous tremblez. Est-ce que ça va, ça peut aller ?

 25   R.  Oui, ça va.

 26   Q.  Sentez-vous libre de mettre votre veste si vous avez froid dans cette

 27   salle d'audience, ou s'il y a une quelque autre manière dont vous pouvez

 28   installer de façon plus confortable, faites-le-nous savoir, s'il vous

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  1   plaît.

  2   Quel était l'âge du garçon qui se trouvait devant la maison ?

  3   R.  Très jeune. Quinze ans, peut-être. Je n'arrive pas à me souvenir.

  4   C'était un jeune garçon.

  5   Q.  D'après votre déposition, c'était Milan Lukic. Comment saviez-vous le

  6   nom de la personne qui se trouvait devant votre maison ?

  7   R.  Cette personne s'est présentée.

  8   Q.  Avez-vous eu une conversation avec cette personne ?

  9   R.  Oui, avec Milan.

 10   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire ce qu'il vous a dit et, en

 11   l'occurrence, si vous lui avez dit quoi que ce soit ?

 12   R.  A ce moment-là Milan m'a demandé des nouvelles de mon mari. Je lui ai

 13   dit qu'il était parti travailler et je ne sais rien d'autre. Il m'a demandé

 14   comment se faisait-il qu'on avait la maison, où je travaillais, des choses

 15   comme ça. J'ai répondu.

 16   Q.  Est-ce que vous avez parlé de votre lieu de travail et de votre

 17   supérieur hiérarchique à votre travail ?

 18   R.  Oui, quand je lui ai dit où je travaillais, il m'a dit, en personne :

 19   "Je sais tout sur vous," et que c'était Furtula Strajin qui le lui avait

 20   dit en personne. Je lui ai dit à ce moment-là : "Je n'ai aucune raison de

 21   mentir. Ce que je dis est la vérité."

 22   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez parlé avec lui de votre âge et de

 23   son âge à lui ?

 24   R.  Oui. Milan m'a dit qu'il était né en 1967. Je lui ai dit en quelle

 25   année j'étais née moi-même. Je suis plus âgée que lui.

 26   Q.  Combien de temps a duré votre conversation, à peu près, s'il vous plaît

 27   ?

 28   R.  Ce n'était pas long. J'avais peur quand j'avais entendu son nom. Peut-

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  1   être une demi-heure, je ne sais pas exactement.

  2   Q.  Pourquoi avez-vous eu peur en entendant son nom ?

  3   R.  J'avais déjà entendu parler de lui. J'avais entendu qu'il était auteur

  4   des méfaits à Visegrad.

  5   Q.  A quel moment de la journée avez-vous eu cette conversation avec lui ?

  6   R.  Si je me souviens bien, c'était dans le courant de l'après-midi.

  7   Q.  A quelle distance se trouvait-il par rapport à vous au moment de votre

  8   entretien ?

  9   R.  Il se trouvait devant ma maison. Nous avions une table en bois là, sous

 10   un prunier. Il était assis à table, et moi, j'étais accroupie. Je n'étais

 11   pas assise.

 12   Q.  A quelle distance de lui étiez-vous accroupie pendant qu'il était assis

 13   à table ?

 14   R.  A quelque 10 ou 20 centimètres. Nous n'étions pas plus loin l'un de

 15   l'autre.

 16   Q.  Pendant cette demi-heure pendant laquelle vous affirmez vous avez eu

 17   cet entretien avec lui, étiez-vous en mesure de clairement voir son visage

 18   ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Comment est-il arrivé jusqu'à votre maison, si vous le savez ?

 21   R.  A pied.

 22   Q.  Est-ce qu'à un moment donné il est parti de votre maison ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Comment est-il parti de votre maison ?

 25   R.  Il est parti à pied jusqu'au croisement, et après ce croisement, je ne

 26   sais pas où il est parti, ni de quelle façon.

 27   Q.  Ce jeune garçon de 15 ans dont vous avez parlé, il était de quelle

 28   appartenance ethnique ?

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  1   R.  Il était Serbe.

  2   Q.  Est-ce que ce jeune garçon est resté après le départ de Milan Lukic ou

  3   il est parti avec Milan Lukic ?

  4   R.  Il est parti avec Milan Lukic.

  5   Q.  Pendant que vous lui parliez, est-ce qu'il vous avait posé des

  6   questions sur l'endroit où se trouvait votre mari ?

  7   R.  Quand je lui ai dit que je ne savais rien, il m'a répondu : "Je vais

  8   vérifier et je viendrai te dire où il est. Si tu as dis un mensonge, je te

  9   tue." Moi, je lui ai tout simplement dit : "Je n'ai jamais peur de la

 10   vérité."

 11   Q.  Est-ce qu'il vous a dit qu'il serait de retour le même jour ?

 12   R.  Il m'a dit qu'il serait de retour le même soir, mais il n'a pas été de

 13   retour avant le lendemain soir.

 14   Q.  Je pense que pour les Juges il serait bon si vous pouviez expliquer un

 15   peu comment étaient les maisons dans le quartier où vous habitiez. Ma

 16   première question à cet égard est : est-ce qu'en 1992 votre rue allait de

 17   manière continue de côté et d'autre de votre maison ou est-ce que la rue

 18   s'arrêtait de manière brusque peu après votre maison ?

 19   R.  La rue allait de "koritos" [comme interprété], c'est comme cela qu'on

 20   appelait cet endroit-là, vers la ville. Puis de "koritos" jusqu'au

 21   carrefour, où j'habitais, il y avait un chemin. Sur ce chemin, il y avait

 22   d'abord une maison, ensuite il y avait ma maison. Puis le chemin menait

 23   jusque vers deux maisons, et après il n'y avait plus de chemin.

 24   M. GROOME : [interprétation] Puis-je demander à l'huissière de nous donner

 25   une copie vide de la pièce 167 [comme interprété].

 26   Q.  Si quelqu'un était dans la porte de votre maison et regardait en dehors

 27   de la maison, est-ce que le chemin s'arrêterait sur la droite ou sur la

 28   gauche, ce chemin ?

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  1   R.  La fin du chemin, de la façon où je suis tournée maintenant, il était à

  2   gauche, entre ces deux maisons-là.

  3   Q.  Je voudrais vous demander d'inscrire des choses sur ce diagramme.

  4   M. GROOME : [interprétation] Je sais que la photographie en soi était bien

  5   prise.

  6   Q.  Mais je vous demanderais d'attendre la fin de ma question avant de

  7   commencer à apposer des inscriptions. La première, est-ce que vous pouvez

  8   inscrire "VG-35" en bas de cette photographie pour que nous puissions

  9   savoir que c'était vous qui avez apposé ces inscriptions.

 10   R.  Par ici ? Un instant, je vous prie.

 11   M. GROOME : [interprétation] Ça ne marche pas bien ? On va peut-être vous

 12   donner une copie papier.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

 14   M. GROOME : [interprétation] Est-ce que vous pouvez donner une copie papier

 15   et la mettre sur le rétroprojecteur.

 16   Q.  Témoin VG-35, nous allons mettre une copie papier sur le

 17   rétroprojecteur, ensuite nous vous demanderons d'y apposer des

 18   inscriptions.

 19   Entre-temps, je vous demanderais plusieurs questions. Connaissez-vous la

 20   maison qui appartenait à Meho Aljic ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Par rapport à votre maison, où se trouvait sa maison ?

 23   R.  Je voudrais d'abord vous décrire où se trouve ma maison.

 24   Q.  Je vous prie de regarder la photographie qui se trouve sur la table à

 25   votre droite. Prenez votre temps et dites-nous si vous reconnaissez ce

 26   qu'il y a sur cette photographie.

 27   Avant d'écrire quoi que ce soit dessus, je vous poserai plusieurs

 28   questions, mais surtout, n'écrivez rien pour l'instant.

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  1   Est-ce que ceci est la photographie du quartier de Bikavac à Visegrad ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pourriez-vous écrire "VG-35" en bas de la photographie pour que nous

  4   puissions savoir que c'était bien vous qui avez écrit les inscriptions.

  5   Vous allez le faire avec l'aide de l'huissière.

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Pourriez-vous faire un cercle autour de la maison où vous habitiez à

  8   l'époque, et pouvez-vous inscrire à l'intérieur de ce cercle "VG-35."

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   M. GROOME : [interprétation] Avec l'aide de l'huissière, si on bougeait un

 11   peu la photographie, nous pourrions peut-être voir les inscriptions faites

 12   par le témoin. Est-ce que nous pouvons maintenant regarder ça dans

 13   l'ordinateur ? Nous pourrions peut-être voir un gros plan de cette

 14   photographie.

 15   Q.  Sur cette photographie, pourriez-vous indiquer l'endroit où vivait la

 16   famille Aljic ?

 17   R.  Ceci est un tout petit peu différent.

 18   Q.  Cette photographie a été prise récemment. Si vous n'êtes pas en mesure

 19   d'indiquer clairement, d'identifier clairement où se trouvait la maison,

 20   n'inscrivez rien. Faites-le uniquement si vous êtes sûre et certaine de la

 21   reconnaître.

 22   R.  Elle se trouvait à peu près par ici.

 23   Q.  Est-ce que vous pouvez faire un cercle autour de la maison.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Et inscrire les lettres "MA" à l'intérieur de celui-ci.

 26    R.  [Le témoin s'exécute]

 27   Q.  Et la dernière maison, si vous savez où elle se trouvait, est-ce que

 28   vous savez où habitait la famille Turjacanin ? Et, s'il vous plaît, si vous

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  1   pouvez faire un cercle autour de cette maison-là.

  2   R.  [Le témoin s'exécute] Je pense qu'il s'agit bien de cette maison-là.

  3   Q.  Est-ce que vous pouvez marquer cet endroit avec la lettre "T" ?

  4   R.  [Le témoin s'exécute]

  5   Q.  Vous nous avez dit que vous avez vu Milan Lukic devant votre maison le

  6   26 juin. Est-ce que vous pouvez écrire, dessiner un cercle autour de

  7   l'endroit où vous avez vu Milan Lukic devant votre maison et mettre un "ML"

  8   à cet endroit-là ?

  9   R.  C'était devant la maison. Il était devant la porte.

 10   Q.  J'ai bien vu que vous avez écrit "ML".

 11   Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Nous ne pouvons pas voir

 12   les inscriptions.

 13   M. GROOME : [interprétation] Est-ce que vous pouvez peut-être montrer

 14   toutes ces inscriptions. On peut peut-être les montrer aux Juges pour voir

 15   s'ils sont capables de les déchiffrer. Sinon, nous pouvons le refaire, une

 16   fois de plus, dans le prétoire électronique.

 17   Q.  En tout cas, Madame le Témoin, ce sont toutes les inscriptions qu'on

 18   allait vous demander d'écrire.

 19   M. GROOME : [interprétation] Est-ce que ceci est suffisant ?

 20   Q.  Témoin VG-35, j'aimerais attirer votre attention à la journée du 27

 21   juin 1992 et aux premières heures de la matinée, très tôt le matin. Est-ce

 22   que quelque chose d'inhabituel s'est passé le matin du 27 juin 1992 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé ? Vers quelle heure, c'est-à-dire quelque

 25   chose s'est passé dans votre maison le 27 juin ?

 26   R.  Le matin, vers 5 heures, après 5 heures du matin.

 27   Q.  Où vous trouviez-vous à 5 heures du matin, ce jour-là ?

 28   R.  Nous dormions dans la chambre.

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  1   Q.  Et que s'est-il passé ?

  2   R.  Quelqu'un a frappé à la porte.

  3   Q.  Est-ce que quelqu'un de votre maisonnée est allé ouvrir la porte ?

  4   R.  Ma belle-mère.

  5   Q.  Que s'est-il passé quand elle a ouvert la porte ?

  6   R.  C'est Milan Lukic qui est rentré avec Sredoje, et il y avait quelqu'un

  7   d'autre, mais je ne sais pas qui. Ils ont fait irruption.

  8   Q.  Que s'est-il passé ? Vous avez mentionné Sredoje. Qui est ce "Sredoje"

  9   ?

 10   R.  Sredoje Lukic.

 11   Q.  Le connaissiez-vous d'avant ce jour-là ?

 12   R.  Je savais qu'il travaillait à la police.

 13   Q.  Saviez-vous si votre mari le connaissait d'avant ce jour-là ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que votre mari connaissait Sredoje Lukic avant le jour dont nous

 16   sommes en train de parler ?

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Cepic.

 18   M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si mon

 19   confrère, M. Groome, va faire tout son interrogatoire en posant des

 20   questions directrices.

 21   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelles sont ces questions

 23   directrices si on pose la question : "Est-ce que votre mari connaissait

 24   Sredoje Lukic ?"

 25   M. CEPIC : [interprétation] Cette question-là, en particulier, n'est pas

 26   directrice, mais la plupart des autres questions l'ont été.

 27   M. GROOME : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec cette

 28   affirmation.

Page 1662

  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et pour quelle raison n'avez-vous

  2   pas soulevé d'objection auparavant ? Je n'avais pas donné la permission à

  3   M. Groome de poser des questions directrices. Je lui ai dit de procéder de

  4   manière habituelle. Si vous trouvez qu'une question est directrice, vous

  5   pouvez soulever une objection.

  6   Maintenant, nous pouvons continuer.

  7   M. GROOME : [interprétation]

  8   Q.  Témoin VG-35, comment se fait-il que votre mari connaissait Sredoje

  9   Lukic ?

 10   R.  Mon mari était serveur et il venait à l'hôtel, et s'il y avait des

 11   choses, il intervenait, ou bien ils prenaient un café. Ils se

 12   connaissaient.

 13   Q.  Connaissiez-vous Sredoje Lukic d'après son nom ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Quand ces hommes sont arrivés dans votre maison, dans quelle pièce vous

 16   trouviez-vous ?

 17   R.  Dans la chambre à coucher.

 18   Q.  Que s'est-il passé quand ils sont rentrés dans la chambre à coucher ?

 19   R.  On a commencé avec des provocations, des injures. S'il faut que je les

 20   prononce, je peux les répéter.

 21   Q.  Je vous demanderais de répéter, le mieux que vous vous en souvenez, de

 22   dire ce qu'ils avaient dit. Et je vous demanderais également d'identifier

 23   la personne qui a prononcé ces mots, au lieu de dire "ils" ont dit.

 24   R.  Milan.

 25   Q.  Et qu'a dit Milan ?

 26   R.  Milan a dit : "Regardez. Ils dorment. Il faut les baiser." Il était en

 27   train de rire. Je n'avais pas dit un mot.

 28   Q.  Il était à quelle distance de vous au moment où il avait fait cette

Page 1663

  1   déclaration ?

  2   R.  Si près. Il nous a -- surtout quand quelqu'un enlève votre couette,

  3   mais nous étions habillés. Nous dormions habillés. Nous ne nous étions pas

  4   déshabillés pour aller dormir, mais on était si près que cela.

  5   Q.  Vous avez dit que quelqu'un a enlevé la couette. Est-ce que quelqu'un a

  6   enlevé la couette avec laquelle vous étiez couverte ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Qui était-ce ?

  9   R.  Milan Lukic.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic.

 11   M. CEPIC : [interprétation] Est-ce que notre confrère, M. Groome, peut nous

 12   donner les indications claires pour les allégations que nous venons

 13   d'entendre ?

 14   M. GROOME : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire, au

 16   juste ?

 17   M. CEPIC : [interprétation] Le nombre de la page où le témoin a dit que

 18   Milan Lukic a enlevé la couverture.

 19   M. GROOME : [interprétation]

 20   Q.  Vous avez donc dit que Milan Lukic a enlevé les couvertures qui étaient

 21   au-dessus de vous ?

 22   R.  Je pense qu'ils étaient l'un derrière l'autre.

 23   Q.  Ils ont passé combien de temps dans votre maison ?

 24   R.  Quand on a peur on ne peut pas le déterminer avec exactitude. Ça a duré

 25   peut-être un quart d'heure, peut-être une demi-heure, je ne sais pas

 26   exactement.

 27   Q.  Y avait-il quelque chose qui vous empêchait de voir le visage de Milan

 28   Lukic pendant le temps qu'il était dans votre maison ?

Page 1664

  1   R.  Non.

  2   Q.  Est-ce que vous avez reconnu en lui la même personne avec laquelle vous

  3   avez parlé la veille devant votre maison ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Y avait-il quoi que ce soit qui ne vous permettait pas de voir le

  6   visage de Sredoje Lukic pendant le temps qu'il était dans votre chambre à

  7   coucher ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Pourriez-vous nous décrire comment ils sont partis ? Est- ce que

 10   quelque chose s'est passé pour qu'ils partent ?

 11   R.  Milan riait tout simplement, puis ils sont sortis de la maison.

 12   Q.  Qu'avez-vous fait une fois qu'ils étaient partis ?

 13   R.  Nous ne pouvions plus dormir. On était dans l'attente de ce qui allait

 14   se passer.

 15   Q.  Est-ce qu'à un moment donné dans le courant de la même matinée

 16   quelqu'un est retourné dans votre maison ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vers quelle heure à peu près quelqu'un est retourné dans votre maison ?

 19   R.  Je pense qu'il était à peu près 7 heures et demie ou 8 heures.

 20   M. GROOME : [interprétation] Je m'excuse, mais je souhaiterais maintenant

 21   formellement verser au dossier la photographie où le témoin a inscrit les

 22   inscriptions.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons la verser.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette photographie devient la pièce 161

 25   [comme interprété].

 26   M. GROOME : [interprétation]

 27   Q.  Qui est-ce qui est retourné dans votre maison ?

 28   R.  C'était Milan Lukic qui est revenu.

Page 1665

  1   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire ce qui s'était passé au moment

  2   où il était revenu dans votre maison ?

  3   R.  Il était en train de frapper à la porte. Ma belle-mère a ouvert la

  4   porte. Milan m'a demandée. Ma belle-mère est arrivée, elle est arrivée à la

  5   porte, elle m'a dit : VG-35, Milan te demande. Je suis sortie. J'étais sur

  6   le seuil de ma maison.

  7   Q.  Que s'est-il passé ?

  8   R.  Il m'a dit : "Tu as cinq minutes pour te préparer pour me suivre."

  9   Q.  Est-ce que vous lui avez dit quelque chose, et si oui, quoi ?

 10   R.  Oui. Je m'excuse. Tout d'abord, j'ai réfléchi. Est-ce que je peux

 11   m'enfuir par cette porte, par ce seuil et qu'il me tue. A ce moment-là j'ai

 12   pensé à mes enfants et je me suis dit, que feraient-ils.

 13   Q.  Est-ce que vous vous êtes enfuie ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  A ce moment-là, était-il seul ou en compagnie de quelqu'un d'autre ?

 16   R.  Il était seul.

 17   Q.  Que s'est-il passé ensuite ?

 18   R.  Je lui ai dit : "Je suis prête. Je n'ai pas besoin de me préparer."

 19   Q.  Et qu'a-t-il fait au moment où vous lui avez dit que vous étiez prête ?

 20   R.  "Viens avez moi et monte dans la voiture."

 21   Q.  Y avait-il une voiture devant votre maison ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Avez-vous reconnu la voiture en question ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Connaissiez-vous le propriétaire de la voiture ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Qui était le propriétaire de la voiture ?

 28   R.  Ekrem Dzafic.

Page 1666

  1   Q.  Etes-vous montée dans la voiture ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Où étiez-vous assise dans la voiture ?

  4   R.  A l'arrière.

  5   Q.  Est-ce que Milan Lukic est monté dans la voiture ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Où était-il assis ?

  8   R.  A l'avant, au volant.

  9   Q.  Vous souvenez-vous quoi que ce soit de la banquette arrière de la

 10   voiture ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Je vous prie de nous décrire ce dont vous vous souvenez de la banquette

 13   arrière de la voiture en question.

 14   R.  Sur la banquette arrière il y avait une bouteille d'alcool. J'ai jeté

 15   un coup d'œil sur la bouteille et dans le rétroviseur, Milan a remarqué que

 16   j'avais vu la bouteille et il m'a dit : "Tu veux me tuer ?" Je lui ai

 17   répondu que je n'avais jamais tué qui que ce soit dans ma vie. Il a pris la

 18   bouteille et il l'a mise sur le siège avant.

 19   Q.  Est-ce que la voiture est partie de devant votre maison ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Qu'avez-vous fait au moment où la voiture a démarré devant votre maison

 22   ?

 23   R.  Je n'ai pensé qu'à mes enfants.

 24   Q.  Il est allé où avec cette voiture ?

 25   R.  Il m'a dit qu'il savait où se trouvait mon mari et il m'a dit qu'il

 26   savait que j'attendais pour un échange, pour voir mon mari.

 27   Q.  Est-ce que vous vous rappelez où il est allé avec cette voiture ?

 28   R.  Il conduisait, il s'est arrêté à côté du Megdan.

Page 1667

  1   Q.  Avant d'arriver au Megdan, est-ce qu'il s'est arrêté à un autre endroit

  2   ?

  3   R.  Il est allé quelque part, mais mon esprit ne fonctionnait pas. Tout ce

  4   que je pouvais faire c'était penser à mes enfants. Il est allé quelque part

  5   vers le SUP, le secrétariat des Affaires intérieures.

  6   Q.  Où se trouve le quartier dont vous parlez et que vous appelez Megdan ?

  7   Où est-ce que ça se trouve par rapport à Bikavac ?

  8   R.  Juste derrière l'église.

  9   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous vous êtes arrêtés devant une maison à

 10   Megdan ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Connaissiez-vous la personne qui était propriétaire de cette maison ?

 13   L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait, s'il vous plaît, répéter.

 14   L'interprète n'a pas entendu et n'a pas compris la réponse du témoin.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

 16   répéter cela, Témoin.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une maison qui appartenait à Forta.

 18   Forta, c'était le nom de famille de cette famille. C'est une maison

 19   appartenant à des Musulmans. Un de mes amis y vivait, et j'y avais été dans

 20   cette maison avant la guerre.

 21   M. GROOME : [interprétation]

 22   Q.  Qu'est-ce que Milan Lukic a fait lorsqu'il est arrivé à la maison Forta

 23   ?

 24   R.  Il m'a dit de sortir de la voiture.

 25   Q.  Une fois sortie de la voiture, où êtes-vous allée ?

 26   R.  Dans la maison.

 27   Q.  Avant d'entrer dans la maison, avez-vous vu quelqu'un dans le voisinage

 28   de la maison, à côté de la maison ?

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  1   R.  Oui. J'ai vu Lakic.

  2   Q.  Est-ce que c'est le nom d'une personne que vous connaissiez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pourriez-vous décrire dans quel état était cette maison à l'intérieur ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Cette maison donc, à l'intérieur, était dans quel état ?

  7   R.  C'était horrible, épouvantable. Tout avait été vandalisé.

  8   Q.  Est-ce que Milan Lukic a dit quelque chose en ce qui concerne l'état

  9   dans lequel était l'intérieur de cette maison ?

 10   R.  Oui. Il m'a dit : "C'est vrai que ce n'est pas un hôtel. Je te présente

 11   mes excuses."

 12   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander

 13   maintenant que nous allions en audience à huis clos partiel.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Audience à huis clos partiel.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes en

 16   audience à huis clos partiel.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 1669-1674 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   [Audience publique]

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  VG-35, lors de votre retour depuis la maison Forta jusqu'à chez vous,

  8   est-ce que Milan Lukic vous a dit quoi que ce soit ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Que vous a-t-il dit ?

 11   R.  Il a dit qu'il faudrait que je dise à mon mari ce qu'il m'avait fait.

 12   Q.  Qu'est-ce que vous avez répondu ?

 13    R.  J'ai dit : "Tu n'as rien fait du tout. Ramène-moi à mes enfants."

 14   Q.  Est-ce qu'il vous a dit quoi que ce soit sur la question de quitter

 15   Visegrad ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Qu'est-ce qu'il a dit ?

 18   R.  Que je ne sortirais jamais vivante de Visegrad.

 19   Q.  Que s'est-il passé lorsque vous êtes rentrée chez vous ?

 20   R.  Ma belle-mère m'a vue. Je voudrais dire ceci : lorsque Milan m'a

 21   emmenée, à l'endroit où nous étions au croisement près de la maison, il m'a

 22   dit de descendre de la voiture. Je suis descendue, et je ne me suis jamais

 23   retournée. Je m'attendais à ce que peut-être il me tue.

 24   Alors que je m'approchais de la maison, de la porte, ma belle-mère

 25   s'est évanouie sur-le-champ. Je suis entrée dans la maison. Mes enfants,

 26   mon fils aîné, a mis ses bras autour de moi et m'a dit : "Maman, tu es de

 27   retour," et j'ai dit, oui. Je les ai embrassés aussi fort que je pouvais.

 28   Je savais ce que ça voulait dire pour eux, ce que ça représentait pour eux.

Page 1676

  1   Q.  Pourrais-je maintenant appeler votre attention sur l'après-midi du 27.

  2   Est-ce qu'à un moment donné Milan Lukic est revenu chez vous ?

  3   R.  Oui, il est revenu.

  4   Q.  Cette fois-là, quand il est revenu, est-ce qu'il était seul ou est-ce

  5   qu'il était avec d'autres ?

  6   R.  Il était avec un groupe de personnes.

  7   Q.  Avez-vous reconnu l'un quelconque des membres de ce groupe qui se

  8   trouvaient là avec lui ?

  9   R.  J'en ai reconnu deux.

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire les noms de ces personnes que vous avez reconnues

 11   ?

 12   R.  Milan Lukic et Sredoje Lukic.

 13   Q.  Vers quelle heure de la journée est-ce que ceci a eu lieu, lorsqu'ils

 14   sont revenus cette fois-là ?

 15   R.  Entre 4 heures et 5 heures.

 16   Q.  Quand ils sont revenus cette fois-ci, est-ce que Milan Lukic vous a dit

 17   quoi que ce soit ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

 20   R.  "Pourquoi est-ce que tu pleures ?" Il m'a ri au nez.

 21   Q.  Ces hommes, qu'ont-ils fait dans votre maison ?

 22   R.  Ils ont pris tout mon argent et tous mes bijoux.

 23   Q.  Combien de temps ont-ils passé dans votre maison à ce moment-là ?

 24   R.  Sredoje est parti, mais Milan est resté, puis il y avait cette

 25   troisième personne que je ne connaissais pas. Ils ont pris tous mes bijoux

 26   et ils les ont emportés. J'ai donné les bijoux que j'avais. J'avais

 27   également un anneau que je leur ai donné. C'était un gros anneau. Il y

 28   avait un collier, un long collier, avec deux cœurs qui symbolisaient mes

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  1   deux fils. L'un était petit et l'autre était plus grand. Le plus grand

  2   symbolisait mon fils aîné, et le deuxième, en forme de cœur, représentait

  3   mon fils cadet, et ils ont également emporté ça. Ils m'ont pris ça

  4   également.

  5   Q.  Dans quel état étiez-vous à ce moment-là, du point de vue physique ?

  6   R.  C'était difficile. J'envisageais de me suicider ce jour-là, mais ma

  7   belle-mère m'a sauvée.

  8   Q.  Est-ce qu'à un moment donné Milan Lukic a quitté la maison ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Comment a-t-il quitté la maison ?

 11   R.  Ils sont sortis. Nous croyions que tous étaient partis. Brusquement,

 12   j'ai commencé à avoir très, très froid et j'avais de la fièvre. C'était le

 13   27 juin. La température était agréable et douce, mais je frissonnais de

 14   froid, probablement à cause de ma crainte et également de ce que j'avais

 15   subi ce jour-là. J'ai dit à ma belle-mère : "Va fermer la porte, s'il te

 16   plaît. Je gèle." Ma belle-mère s'est levée, et il y avait un homme qui se

 17   trouvait à la porte, l'homme qui se trouvait avec Milan, celui que je n'ai

 18   pas reconnu, celui qui était avec Milan Lukic, celui que je ne connaissais

 19   pas. Il était juste sur le pas de notre porte et --

 20   Q.  Est-ce qu'il vous a dit quoi que ce soit ?

 21   R.  Il a dit à ma belle-mère : "T'en fais pas. Je vous surveille et je

 22   fermerai la porte pour vous." Puis ma belle-mère est revenue. Heureusement,

 23   nous n'avions rien dit à ce moment-là. Après tout, nous avions trop peur

 24   pour parler. Nous craignions seulement de savoir si on allait survivre ou

 25   non. C'était notre seule préoccupation.

 26   Q.  Est-ce que vous avez vu si Milan Lukic et les autres hommes avaient une

 27   voiture ou non ?

 28   R.  Oui.

Page 1678

  1   Q.  Avez-vous vu cette voiture ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que vous avez reconnu cette voiture ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  C'était la voiture qui appartenait à qui ?

  6   R.  Behija Zukic.

  7   Q.  Avez-vous remarqué quelque chose d'inhabituel eu égard à cette voiture

  8   ?

  9   R.  Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là. Je n'ai pas compris

 10   votre question.

 11   Q.  Y avait-il de la musique qu'on entendait en provenance de cette

 12   voiture-là ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pourriez-vous dire quelle était l'intensité du volume de la musique en

 15   provenance de la voiture ?

 16   R.  C'était une musique l'on appelions "kalesija" ou "burska".

 17   Q.  Est-ce que vous avez remarqué quelle direction cette voiture avait

 18   démarré ?

 19   R.  La voiture est passée devant ma porte. Si on me permettait, Messieurs

 20   et Madame les Juges, comment j'ai pu remarquer cette voiture, parce que de

 21   mon séjour, on peut voir les voitures qui passent. Donc j'ai pu voir quand

 22   la voiture est passée et quand elle s'est arrêtée.

 23   Q.  A l'endroit où la voiture s'est arrêtée, étiez-vous encore en mesure

 24   d'entendre la musique qui venait de cette voiture-là ?

 25   R.  Oui, puisque la porte d'entrée était ouverte.

 26   M. GROOME : [interprétation] Nous allons maintenant passer à une série de

 27   questions qui vont parler de la soirée. On pourrait peut-être procéder à la

 28   pause maintenant.

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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous allons faire la pause

  2   maintenant.

  3   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

  4   --- L'audience est reprise à 16 heures 14.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Groome.

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  VG-35, nous sommes allés à la pause, et juste avant vous avez décrit la

  8   voiture Passat et la musique que vous avez entendue de la voiture. Je

  9   voudrais attirer votre attention sur la chose suivante : est-ce que vous

 10   saviez qu'à l'époque il y avait des réfugiés musulmans qui habitaient très

 11   près de votre maison ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce que vous avez appris d'où venaient ces réfugiés ?

 14   R.  Ils étaient originaires de Zupa.

 15   Q.  Le quartier Zupa, est-ce un quartier qui se trouve au nord de Visegrad

 16   ? Est-ce que dans cette partie-là, il y a plusieurs villages qui composent

 17   Zupa ?

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 21   M. GROOME : [interprétation] Je vais demander à ce qu'on montre dans le

 22   prétoire électronique la pièce 101.

 23   Q.  Il s'agit, VG-35, de la photographie où vous avez apposé vos

 24   inscriptions plus tôt cet après-midi. Voyez-vous cet autre écran qui se

 25   trouve en face de vous ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que vous voyez la maison dans laquelle étaient ces réfugiés sur

 28   cette photographie ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous marquer un cercle autour de la maison où avaient été les

  3   réfugiés ?

  4   R.  C'est en bas de ma maison, en aval de ma maison. On ne peut pas voir la

  5   maison en question. C'est la maison de Hasan Vilic.

  6   Q.  Donc vous témoignez que la maison dont vous parlez ne figure pas sur

  7   cette photographie mais se trouve en aval de la route.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez mentionné que quand Milan Lukic a été de retour dans votre

 10   maison, qu'il était dans une Passat.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant.

 12   Oui, Monsieur Cepic.

 13   M. CEPIC : [interprétation] J'ai vérifié le transcript et ce témoin n'a

 14   jamais parlé de Passat.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne m'en souviens pas non plus.

 16   M. GROOME : [interprétation] J'ai peut-être fait erreur.

 17   Q.  Témoin VG-35, qui était le propriétaire de cette voiture ?

 18   R.  Behija Zukic.

 19   Q.  Pourriez-vous inscrire "BZ1" à l'endroit où la voiture s'est trouvée le

 20   27 juin ?

 21   R.  En amont de ma maison, par ici, sur la route.

 22   Q.  Pourriez-vous écrire "BZ1" à l'endroit où se trouvait la voiture la

 23   première fois que vous l'avez vue ?

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Vous avez dit que cette voiture s'est arrêtée au-delà de la maison.

 26   Etiez-vous en mesure de voir où s'était arrêtée la voiture ?

 27   R.  L'endroit où j'ai apposé l'inscription est l'endroit où s'est arrêtée

 28   la voiture.

Page 1682

  1   Q.  Et pendant que la voiture était à l'arrêt, vous pouviez entendre la

  2   musique qui venait de la voiture ?

  3   R.  Oui, puisque la porte d'entrée était ouverte.

  4   M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus besoin de la photographie. Je

  5   souhaiterais la verser au dossier, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La pièce a été versée au dossier.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction 102.

  8   M. GROOME : [interprétation]

  9   Q.  Madame, au moment où Milan Lukic et les autres étaient partis de votre

 10   maison, avez-vous entendu quoi que ce soit ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Qu'avez-vous entendu ?

 13   R.  Des terribles coups de feu. J'ai pensé à ce moment-là -- parce que je

 14   savais qu'il y avait des hommes à nous qui s'étaient cachés. Je pensais

 15   qu'ils les avaient arrêtés. On pouvait entendre des bruits, des éclats de

 16   voix, des cris.

 17   Q.  Je souhaite attirer votre attention à environ 9 heures du soir, ce

 18   jour-là. Est-ce qu'à un moment donné votre belle-mère vous a demandé de

 19   regarder quelque chose ?

 20   M. ALARID : [interprétation] Objection. Il s'agit d'une question

 21   directrice.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'à un moment donné votre

 23   belle-mère vous avait posé une question ? Est-ce que votre belle-mère vous

 24   a demandé quoi que ce soit ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce qu'elle vous a demandé ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] De regarder par la fenêtre de la salle de bain

 28   l'énorme flamme qui se dégageait.

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  1   M. GROOME : [interprétation]

  2   Q.  Est-ce que vous êtes allée regarder par la fenêtre de la salle de bain

  3   ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Pourriez-vous décrire à la Chambre ce que vous avez pu observer ?

  6   R.  Il y avait d'énormes flammes. Je n'avais jamais vu cela de toute ma

  7   vie, des flammes aussi grandes. J'ai pensé à ce moment-là qu'une maison

  8   était en feu.

  9   Q.  Etiez-vous en mesure, de l'endroit où vous vous trouviez, de déterminer

 10   de quelle maison il s'agissait ?

 11   R.  Non, pas tout de suite, puisqu'il faisait nuit.

 12   Q.  Avez-vous entendu quelque chose au moment où vous avez vu cette maison

 13   qui brûlait ?

 14   R.  Il n'y avait plus de voitures. On n'entendait plus la musique.

 15   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, après l'incendie que vous avez vu,

 16   quelqu'un était arrivé à votre porte ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  C'était vers quelle heure ?

 19   R.  Après minuit, peut-être vers 1 heure du matin, minuit et demi.

 20   Q.  Vous parlez ici d'une heure du matin du 28 juin ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Qui est arrivé à votre porte ?

 23   R.  Zehra Turjacanin.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'était passé quand cette femme

 25   est venue ?

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic.

 27   M. CEPIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut expurger le transcript,

 28   puisqu'il s'agit du Témoin numéro 1 et témoin protégé ?

Page 1684

  1   M. GROOME : [interprétation] Ceci n'est plus nécessaire parce que ce témoin

  2   n'a plus demandé de mesures de protection.

  3   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

  4   M. GROOME : [interprétation]

  5   Q.  Que s'est-il passé quand cette personne est arrivée à votre porte ?

  6   R.  Elle a frappé à notre porte. Ma belle-mère s'est levée. Tout le monde

  7   s'est levé. Nous avons ouvert la porte. Nous n'osions pas ouvrir les

  8   lumières, nous n'osions pas allumer. Elle nous a dit que Milan Lukic a tout

  9   incendié. Elle a dit qu'elle avait essayé de sauver sa sœur mais qu'elle

 10   n'a pas pu, que sa sœur avait été brûlée. Je n'osais pas la regarder.

 11   Q.  Pourquoi n'osiez-vous pas allumer ?

 12   R.  Si l'armée serbe allait voir la maison allumée, ça voudrait dire que

 13   j'étais là. Je n'osais pas allumer la lumière pour ma propre sécurité.

 14   Q.  Combien de temps est-ce que Zehra est restée dans votre maison ?

 15   R.  Elle nous avait tout simplement dit : "Enfuyez-vous. Ils vont mettre le

 16   feu à votre maison aussi." Ça n'a pas duré longtemps, et elle est partie

 17   après.

 18   Q.  Savez-vous où elle s'est rendue une fois qu'elle a quitté votre maison

 19   ?

 20   R.  Elle m'a tout simplement dit : "Je vais continuer, voir où il y a des

 21   gens, pour leur dire de se sauver. Il faut qu'ils s'enfuient de leurs

 22   maisons."

 23   Q.  Les réfugiés dont vous avez parlé il y a quelques minutes, les avez-

 24   vous jamais revus après cette nuit-là ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Est-ce que vous pensez qu'ils sont morts dans l'incendie que vous avez

 27   décrit ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez pu déterminer quelle était cette

  2   maison qui était en flammes ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  A quel moment ?

  5   R.  Quand Zehra m'a dit que Milan a incendié les personnes qui étaient dans

  6   la maison de Meho Aljic. A ce moment-là, moi, ma belle-mère et les enfants,

  7   nous sommes partis. Nous sommes passés devant cette maison-là, et c'est

  8   horrible de devoir dire à quel point qu'on sentait les corps et les

  9   cheveux. On voulait quitter Bikavac, mais nous n'avons pas réussi. L'aube

 10   étant venue, nous sommes rentrés à la maison.

 11   Q.  Je voudrais maintenant passer à une autre série de questions. Je

 12   voulais vous demander si vous connaissiez une femme, une dénommée Hajra

 13   Koric.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Etiez-vous présente au moment où elle a été tuée ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez vous souvenir à quel moment, quel jour ceci

 18   s'est passé ?

 19   R.  Cela s'était passé en juillet. Je ne peux pas vous donner la date

 20   exacte, entre le 1er et le 5 juillet.

 21   Q.  Où est-ce que ça s'est passé ?

 22   R.  Cela s'est passé à Potok.

 23   Q.  Pourquoi étiez-vous à Potok ?

 24   R.  J'ai essayé de quitter Visegrad, et je me cachais. Je suis passée d'une

 25   maison à l'autre. Je me trouvais là parce que cette maison-là était celle

 26   qui était le plus près de l'arrêt du bus.

 27   Q.  Ne nous donnez pas de noms, mais y avait-il d'autres personnes dans la

 28   maison ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Combien de personnes il y avait dans la maison, mais ne nous donnez pas

  3   de noms.

  4   R.  Il y avait des femmes et des enfants. Je vais juste essayer de les

  5   compter sans dire les noms. Bon, j'y étais. Je pense que nous étions au

  6   nombre de 12.

  7   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions-nous passer

  8   maintenant à huis clos partiel.

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes

 11   maintenant en huis clos partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   M. GROOME : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce qu'à un moment donné des soldats sont rentrés dans la maison ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Combien y avait-il à peu près de soldats ?

  3   R.  Ils étaient quelques-uns. Je ne saurais pas vous dire exactement. Ils

  4   nous ont chassés de la maison.

  5   Q.  Où se trouvait Hajra Koric au moment où ces hommes avaient fait

  6   irruption ?

  7   R.  Elle était sous la table, sous la table de la cuisine.

  8   Q.  Vous avez dit que ces soldats vous avaient chassés de la maison. Où

  9   êtes-vous allés une fois que vous avez quitté la maison ?

 10   R.  Nous avons commencé à faire demi-tour vers Bikavac. Ceux-là étaient

 11   partis. Et après Milan Lukic est arrivé avec son groupe. Il a dit :

 12   "Arrêtez-vous. Vous êtes encerclés."

 13   Q.  Avant l'arrivée de Hajra Koric, est-ce qu'elle vous avait dit elle-même

 14   quelque chose sur l'endroit où se trouvaient son mari et son fils ?

 15   R.  Oui. Hajra nous a dit : Milan est à la recherche de mon mari et de mon

 16   fils. Je lui ai dit qu'il s'était rendu à Belgrade. Il y avait quelqu'un et

 17   que son frère ou quelqu'un d'autre de sa famille qui était militaire. Mais

 18   elle nous avait dit à nous la vérité, qu'ils étaient à la maison, sous une

 19   espèce de tôle d'aluminium.

 20   Q.  Que s'est-il passé quand Milan Lukic a arrêté ce groupe ?

 21   R.  En compagnie de quelqu'un d'autre, il cherchait Hajra. Il allait d'une

 22   femme à l'autre. Il est arrivé jusqu'à ma belle-sœur, et il a dit, Milan :

 23   "C'est pas elle." Hajra était la dernière et quand il l'a reconnue, il l'a

 24   fait sortir de notre groupe.

 25   Q.  Que s'est-il passé ensuite ?

 26   R.  Il lui a posé la question où se trouvait son mari. Elle lui a dit :

 27   "Milan, je t'ai dit la vérité. Je ne sais pas. Il est parti à Belgrade. Je

 28   ne sais rien de plus." Il était en train de rire.

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  1   Q.  Que s'est-il passé ?

  2    R.  Elle s'est approchée de lui. Elle lui a dit : "Milan, tu sais, fiston,

  3   tu sais très bien que mon mari est parti. J'ai dit la vérité." Milan a

  4   sorti son arme et il a tiré directement dans sa poitrine.

  5   Q.  Que s'est-il passé avec Hajra Koric après ces coups de feu ?

  6   R.  Elle est tombée par terre. Milan a ricané et il a dit : "Qu'est-ce qui

  7   lui arrive ?"

  8   Q.  Que s'est-il passé après ?

  9   R.  Avec son pied, il l'a retournée et il lui a tiré une balle dans le dos

 10   une fois de plus.

 11   Q.  Est-ce que vous étiez en mesure de vous rendre compte si elle a décédé

 12   après le coup de feu ?

 13   R.  Oui. Elle ne donnait aucun signe de vie.

 14   Q.  Est-ce qu'aujourd'hui, en ce moment, vous avez une mémoire vive de

 15   l'apparence physique de Milan Lukic ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   M. ALARID : [interprétation] Je soulève une objection quant à la façon dont

 18   la question a été posée.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi vous soulevez une objection

 20   ?

 21   Monsieur Groome.

 22   M. GROOME : [interprétation]

 23   Q.  Pourquoi votre mémoire est vive sur son apparence physique ?

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que le témoin a répondu

 25   à la question de façon affirmative ? Oui.

 26   M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   Q.  Pourquoi vous dites que vous gardez une mémoire vive de son apparence

 28   physique ?

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  1   R.  Quand quelqu'un vous apporte une grande douleur, il viole votre dignité

  2   et votre fierté, vous ne pouvez pas effacer son image de votre tête, de

  3   celui qui vous a causé une grande douleur.

  4   Q.  Pourriez-vous regarder autour de vous dans ce prétoire et nous dire si

  5   vous reconnaissez quelqu'un qui se trouve ici ?

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic.

  7   M. CEPIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je demande à

  8   soulever mon objection habituelle.

  9   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous savons très bien quelle

 10   est votre objection.

 11   M. CEPIC : [interprétation] Je vous remercie.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'ils peuvent se lever, s'il vous

 13   plaît.

 14   M. GROOME : [interprétation]

 15   Q.  Au lieu de leur demander à qui que ce soit de se lever, pourriez-

 16   vous essayer de vous lever et peut-être essayer de reconnaître ces

 17   personnes ?

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Je pense que c'est la

 19   meilleure manière de procéder. L'accusé qui s'était levé devrait se

 20   rasseoir.

 21   [Le témoin se lève]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Cravate bleue. Milan Lukic.

 23   M. GROOME : [interprétation]

 24   Q.  Reconnaissez-vous quelqu'un d'autre ?

 25   R.  Oui, je reconnais Sredoje.

 26   Q.  Vous avez fait référence à "Sredoje" tout à l'heure, pourriez-vous dire

 27   où est assise cette personne et comment elle est habillée ?

 28   R.  Cette personne porte des lunettes.

Page 1691

  1   Q.  Y a-t-il quelque chose d'autre concernant ses vêtements, que vous

  2   pourriez nous dire ?

  3   R.  Sa cravate est de couleur rouge à rayures, j'ai l'impression.

  4   Q.  Vous pouvez vous asseoir, maintenant. Merci.

  5   [Le témoin s'assoit]

  6   M. GROOME : [interprétation] Je demanderais que soit consigné au compte

  7   rendu d'audience que le témoin a identifié Milan Lukic et Sredoje Lukic.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

  9   M. GROOME : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

 10   Q.  Merci beaucoup, VG-35.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, Maître Alarid --

 12   M. GROOME : [interprétation] Juste un instant, j'attire votre attention sur

 13   le fait que le témoin vient de dire à l'huissière qu'elle aurait besoin de

 14   quelques instants de repos.

 15   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause de

 16   dix minutes.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   --- La pause est prise à 16 heures 41.

 19   --- La pause est terminée à 16 heures 54.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Cepic.

 21   M. CEPIC : [interprétation] Toutes mes excuses, j'aimerais juste demander

 22   au Procureur s'il peut me donner des références du compte rendu où l'on

 23   parle de la levée des mesures de protection pour la personne mentionnée par

 24   VG-35.

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On le verra une autre fois. Je vais

 26   maintenant donner la lecture d'une décision sur une demande déposée par la

 27   Défense de l'accusé Milan Lukic le 9 septembre aux fins de changer la durée

 28   des audiences et d'organiser les audiences quatre jours par semaine.

Page 1692

  1   Le 12 septembre, le Procureur a répondu en disant qu'il laissait la

  2   décision entre les mains de la Chambre de première instance. La Chambre a

  3   examiné les arguments de la Défense et a décidé que nous allons siéger

  4   quatre jours par semaine, et ainsi la Chambre modifie le planning jusqu'à

  5   fin octobre.

  6   La Chambre a pris, en prenant cette décision, compte des arguments

  7   avancés par la Défense. Tout d'abord, la Défense de Milan Lukic se trouve

  8   actuellement dans une situation inhabituelle où il n'y a que le conseil

  9   principal, sans co-conseil. En plus de cela, Milan Lukic est le seul accusé

 10   pour une grande majorité des chefs d'accusation contenus dans l'acte

 11   d'accusation.

 12   La Chambre remarque, par ailleurs, que le Procureur s'est appuyé dans

 13   une grande mesure sur l'article 92 ter, accélérant ainsi le rythme de la

 14   procédure, c'est-à-dire le nombre de témoins qui apparaissent devant la

 15   Chambre et pour lesquels la Défense doit se préparer.

 16   Nous n'allons pas siéger mardi, 16 septembre; ensuite, vendredi 26

 17   septembre; lundi 29 septembre; vendredi 10 octobre; jeudi 23 octobre,

 18   vendredi 31 octobre. Ce sont les dates où nous ne siègerons pas.

 19   La Chambre de première instance accepte la demande de la Défense pour

 20   une pause entre le lundi 13 et le mercredi 22 octobre. Nous demandons aux

 21   parties, et notamment à la Défense, d'utiliser cette pause pour compléter

 22   leurs enquêtes et préparer leurs témoins.

 23   Cela signifie, conformément à la décision sur la base de l'article 98

 24   bis, qu'il n'y aura pas d'autres pauses entre la fin de la présentation des

 25   moyens de preuve du Procureur et le début de la présentation des moyens à

 26   décharge. Je souligne également le fait que tout cela peut être modifié, le

 27   cas échéant.

 28   Voulez-vous répondre à Me Cepic, Monsieur Groome ?

Page 1693

  1   M. GROOME : [interprétation] Au début j'ai dit que le témoin ne demandait

  2   plus de mesures de protection. J'attendrai l'arrivée du témoin ici à La

  3   Haye avant de demander, d'une manière formelle, la levée de ces mesures de

  4   protection. Mais d'après ce qu'elle m'a dit, elle ne souhaitait plus

  5   bénéficier de ces mesures.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Cepic ?

  7   M. CEPIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

  8   demandé au bureau du Procureur de nous fournir des déclarations pour des

  9   témoins qui vont suivre. Il s'agit des déclarations qui ont été

 10   partiellement expurgées. Par exemple, s'agissant de la déclaration de ce

 11   témoin-ci, c'est justement l'endroit où le nom de Zehra Turjacanin est

 12   mentionné qui a été expurgé.

 13   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Groome ?

 14   M. GROOME : [interprétation] Je ne sais pas à quel moment ce document a été

 15   communiqué à la Défense, mais je vais faire ce qu'il faut pour que Me Cepic

 16   reçoive la version non expurgée de la déclaration.

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid, avant la pause,

 19   j'allais dire quelque chose, mais je n'ai pas réussi à finir ce que j'ai

 20   commencé. Il est évident que ce témoin a vécu une expérience, un

 21   traumatisme profond. Vous avez évidemment tous les droits, vous avez droit

 22   d'avancer votre thèse devant ce témoin afin de défendre votre client, mais

 23   je vous demande de prendre en compte, en faisant cela, le traumatisme

 24   qu'elle a subi.

 25   M. ALARID : [interprétation] Bien sûr.

 26   Contre-interrogatoire par M. Alarid : 

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, VG-35.

 28   R.  Bonjour.

Page 1694

  1   Q.  Je suis Jason Alarid et j'assure la défense de Milan Lukic. J'espère

  2   que j'arriverai à vous poser les questions qu'il faut sans vous manquer de

  3   respect. Je suis conscient des douleurs, que le fait même que vous devez

  4   parler de ces événements, vous causent, et je n'ai pas envie de vous causer

  5   davantage de mal, de douleurs. Peut-on essayer de commencer avec les

  6   questions et réponses ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si j'ai bien compris, vous avez compris ou vous avez cru savoir que la

  9   personne en question était Milan Lukic le 26, le jour où vous l'avez vu

 10   parler à un garçon serbe; cela est-il vrai ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Ensuite, on vous a demandé d'identifier Milan Lukic et la Défense s'est

 13   levée et elle a soulevé des objections. Mais malgré cela, vous l'avez

 14   identifié, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Avant d'arriver ici à La Haye, au moment où vous avez fait vos

 17   déclarations en 1998 et 2001, vous connaissiez les accusés, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et vous saviez que le premier accusé dans l'affaire Visegrad, vous

 20   saviez qu'il a été arrêté et que son procès était en cours devant le

 21   Tribunal, que c'était Mitar Vasiljevic, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  On vous a ensuite demandé d'apporter quelques précisions concernant

 24   votre déclaration de 2001 parce que vous étiez potentiellement témoin dans

 25   l'affaire Vasiljevic, mais vous n'avez jamais témoigné dans cette affaire,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Je ne sais pas.

 28   Q.  Dîtes-nous, avez-vous déjà témoigné dans une salle d'audience comme

Page 1695

  1   celle-ci avec Mitar Vasiljevic assis sur le banc des accusés ?

  2   R.  C'est la première fois que je me trouve dans cette salle d'audience.

  3   Q.  On s'est adressé à vous en 2001, mais vous n'avez pas été à l'époque

  4   obligée de vous trouver face à Mitar Vasiljevic dans une salle d'audience;

  5   cela est-il exact ?

  6   R.  Oui, c'est exact. On ne me l'a pas demandé.

  7     Q.  A l'époque où on vous a demandé de faire cela, vous ne connaissiez

  8   pas Mitar Vasiljevic ?

  9   R.  Je le connaissais.

 10   Q.  Combien de temps avez-vous vécu à Visegrad ?

 11   R.  J'ai fait mes études secondaires à Visegrad. Je me suis mariée à

 12   Visegrad et j'ai vécu à Visegrad à partir de ce moment-là.

 13   Q.  Etes-vous née à Visegrad ou êtes-vous venue vivre à Visegrad enfant ?

 14   R.  Non, je ne suis pas née à Visegrad.

 15   Q.  Et comment ça se fait que vous êtes venue à Visegrad faire vos études

 16   secondaires là-bas ?

 17   R.  Parce que dans mon village il n'y avait que l'école primaire et l'école

 18   secondaire se trouvait à Visegrad.

 19   Q.  Comment s'appelle le village où vous avez grandi ?

 20   R.  Dobrun.

 21   Q.  En arrivant à Visegrad pour y faire vos études secondaires, à l'époque

 22   où vous y êtes arrivée, est-ce que vous avez connu Mitar Vasiljevic ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Avez-vous entendu son nom dans les conversations ?

 25   R.  Non. Pas à l'époque où j'allais à l'école.

 26   Q.  A présent, en examinant vos déclarations, je me suis rendu compte du

 27   fait que votre mari travaille également comme serveur à Panos. Avez-vous

 28   connu Mitar Vasiljevic grâce à votre mari -- par votre mari ?

Page 1696

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Alors juste par votre mari, combien d'années avez-vous connu Mitar

  3   Vasiljevic ?

  4   R.  De nombreuses années.

  5   Q.  Est-ce que vous le fréquentiez, est-ce que vous pourriez le reconnaître

  6   sur une photographie ?

  7   R.  J'ai vu Mitar Vasiljevic devant le bâtiment de la police pendant la

  8   guerre.

  9   Q.  En dehors de cela, est-ce que le fait que vous le connaissiez a jamais

 10   représenté un problème pour vous en tant qu'habitant de cette ville ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Est-ce que vous pensez pouvoir le reconnaître aujourd'hui ?

 13   R.  Je ne sais pas.

 14   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a jamais demandé d'identifier Mitar

 15   Vasiljevic dans le cadre d'une enquête ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Alors vous êtes venue ici en 2001, on s'est entretenu avec vous en

 18   2001, mais personne ne vous a jamais montré de photographie des accusés ?

 19   R.  On m'a montré des photographies mais je n'ai identifié personne pour

 20   des raisons de sécurité personnelle.

 21   Q.  Je ne comprends pas. Qu'entendez-vous par cela, "que vous ne les avez

 22   pas identifiés pour des raisons liées à la sécurité personnelle" ?

 23   R.  J'attendais ce moment, le moment où Milan et Sredoje seraient assis

 24   ici. J'attendais qu'ils soient arrêtés.

 25   Q.  Mais ne pensez-vous pas qu'il serait utile aux Procureurs de savoir que

 26   vous êtes capable de les reconnaître sur les photographies dès 2001 ?

 27   R.  Je ne comprends pas votre question.

 28   Q.  Peut-être que je n'ai pas bien compris. Pourriez-vous me dire la chose

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  1   suivante, à quel moment vous a-t-on montré des photographies ?

  2   R.  Je ne sais pas exactement.

  3   Q.  Je vois indiqué ici sur un document qu'on s'est adressé à vous une fois

  4   en 1998, une autre fois en 2001, mais je ne sais pas s'il y a eu d'autres

  5   occasions où on s'est entretenu avec vous. Est-ce que cela s'est passé la

  6   première ou la deuxième fois ?

  7   R.  Je ne me souviens pas.

  8   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, si les photographies de Milan Lukic et

  9   Sredoje Lukic ou de Milan Lukic ou Sredoje Lukic se trouvaient parmi les

 10   photographies qu'on vous a montrées, ou vous n'avez tout simplement pas

 11   regardé ces photographies, ne voulant pas procéder à l'identification.

 12   R.  Je ne supportais pas de regarder ces photographies. Je ne voulais pas

 13   le faire. C'était trop dur pour moi.

 14   Q.  Vous êtes née en 1960.

 15   R.  Non, ce n'est pas exact.

 16   Q.  Excusez-moi, je me suis trompé.

 17   M. ALARID : [interprétation] De toute façon, il faudra qu'on passe à huis

 18   clos partiel. Je n'ai aucune objection.

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il faudra le faire.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos partiel.

 21   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   M. ALARID : [interprétation]

 15   Q.  Ne trouvez-vous pas bizarre que lors d'une première rencontre il vous

 16   dise quelle est son année de naissance ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je trouve que c'est bizarre que quelqu'un vous dise quelle est son

 19   année de naissance lors d'une première rencontre. Que pensez-vous de cela ?

 20   R.  Je ne lui ai pas demandé. Je ne lui ai pas demandé comment il

 21   s'appelait, ni quel était son nom de famille, ni quel était son âge. Je ne

 22   lui ai rien demandé.

 23   Q.  Et il vous a dit qu'il était né en "1967" juste comme ça ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Tout cela s'est passé la première fois où vous l'avez rencontré, où

 26   vous l'avez vu ?

 27   R.  Oui, le 26.

 28   Q.  Vous a-t-il dit quelque chose au sujet de ses origines, de l'endroit

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  1   dont il était originaire ou le saviez-vous tout simplement, comme ça ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Il n'avait que quatre ans de moins que vous. Visegrad est une petite

  4   communauté. Avez-vous déjà entendu parler de Milan Lukic avant cela ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Oui, mais vous avez entendu dire avant le 26 juin que Behija Zukic

  7   avait été tuée par Milan Lukic, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et avant le 26 juin, avez-vous déjà entendu quelque chose d'autre au

 10   sujet de Milan Lukic de la part d'autres membres de votre communauté

 11   musulmane ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Quel genre de choses avez-vous entendu dire ?

 14   R.  Qu'il faisait des malheurs, simplement. Qu'il a fait beaucoup de mal

 15   partout à Visegrad, qu'il tuait des gens, qu'il emmenait des gens, qu'il a

 16   violé.

 17   Q.  Avez-vous également entendu à quoi il ressemblait ? Quelqu'un vous a-t-

 18   il décrit Milan Lukic pour que vous sachiez à quoi il ressemble pour vous

 19   en méfier ?

 20   R.  Non, personne me l'a décrit. J'ai tout simplement su que c'était lui

 21   quand il s'est présenté comme Milan Lukic.

 22   Q.  Avez-vous entendu dire qu'il était du village de Rujiste ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Mais avez-vous appris qu'il était de Rujiste ou que ses parents étaient

 25   de là-bas ?

 26   R.  Les gens le disaient, mais moi-même je n'en sais rien.

 27   Q.  A quelle distance de Rujiste se situe votre village ?

 28   R.  Je ne le sais pas. Je n'y suis jamais allée.

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  1   Q.  Vous nous avez dit que vous saviez qui était Sredoje Lukic tout

  2   simplement parce qu'il était policier.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Policier en tant qu'un fonctionnaire d'Etat est quelqu'un que vous avez

  5   pu connaître depuis très longtemps, depuis des années avant le début de la

  6   guerre à cause de sa fonction ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Ici aujourd'hui, en prenant compte évidemment de l'âge et des

  9   changements qu'il a dû subir lui-même, vous serez capable de reconnaître

 10   Sredoje Lukic, même s'il était tout seul ici dans le prétoire, n'est-ce pas

 11   ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Si vous procédez par élimination, vous savez que celui qui n'est pas

 14   Sredoje Lukic doit être Milan Lukic, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non. Je l'ai reconnu aussi.

 16   Q.  Alors revenons à Koric. Vous avez dit qu'il y avait là-bas environ 10 à

 17   15 réfugiés et que vous étiez avec eux ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Vous avez également déclaré que tout d'abord dix hommes, dix soldats,

 20   étaient entrés dans la maison, à la recherche de Hajra ?

 21   R.  Je l'ai entendu dire par d'autres personnes. Je ne les connaissais pas.

 22   Ils disaient qu'il s'agissait du groupe de Savic, mais je ne les

 23   connaissais pas. Ce sont ceux qui ont dit : "On pourrait maintenant vous

 24   tuer tous."

 25   Q.  Quand vous dites : "Le groupe de Savic," qu'entendez-vous par cela ?

 26   R.  Je parle du groupe de Savic.

 27   Q.  Alors que savez-vous du groupe de Savic ?

 28   R.  C'était également un groupe armé. Je ne sais pas qui ils cherchaient et

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  1   pourquoi.

  2   Q.  Savez-vous si les membres du groupe de Savic portaient des uniformes ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Quel type d'uniformes ? Pourriez-vous nous les décrire ?

  5   R.  Des uniformes de camouflage.

  6   Q.  A l'époque, il existait plusieurs types d'uniforme de camouflage de

  7   couleurs différentes ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Pourriez-vous nous décrire le leur.

 10   R.  Blanc et gris, si je m'en souviens bien.

 11   Q.  Vous avez dit que ces dix hommes du groupe de Savic étaient partis et

 12   que le groupe de Lukic est arrivé plus tard.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Tout cela s'est passé entre le 1er et le 5 juillet, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Vous savez cela parce que le jour où vous avez quitté Visegrad est le 9

 17   juillet, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Cela s'est passé dans les deux ou trois jours qui ont suivi votre fuite

 20   de Bikavac ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Bien. Est-ce que vous pourriez être un peu plus précise. S'agissant de

 23   cette période du 1er au 5, est-ce que c'était plus près du 1er ou du 5, ou

 24   peut-être au milieu, à partir du moment où vous attachez cela au moment où

 25   vous avez fui Bikavac ?

 26  R.  Cela s'est passé entre le 1er et le 5, mais je ne sais pas si cela s'est

 27   passé le 3 ou le 1er ou le 5. Je ne peux pas être sûre.

 28   Q.  Bien. Vous avez fait référence à "Milan Lukic et son groupe." Combien

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  1   d'hommes comptait son groupe ?

  2   R.  Je n'ai pas essayé de les compter. J'avais trop peur pour cela.

  3   Q.  Bien. Quand on vous a dit de sortir de cette maison, vous vous êtes

  4   retrouvée sans protection à ce moment-là, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Vous avez également dit que Hajra Koric était dans ce rang avec vous et

  7   qu'elle se trouvait au bout, qu'elle était la dernière ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez dit que Milan Lukic a regardé, faisait l'inspection à la

 10   recherche de Hajra ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Dans votre déclaration, la déposition d'aujourd'hui et les déclarations

 13   préalables --

 14   R.  Toutes mes excuses. Est-ce que je peux rajouter quelque chose ?

 15   Q.  Oui.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que Milan Lukic cherchait

 18   Hajra. Quelqu'un de son groupe cherchait Hajra, alors il est allé jusqu'à

 19   ma belle-sœur, et à ce moment-là, Milan a dit : "Non, ce n'est pas Hajra."

 20   Ensuite, il a montré Hajra en disant : "C'est ça, Hajra," et il l'a faite

 21   sortir du rang.

 22   M. ALARID : [interprétation]

 23   Q.  Je n'ai remarqué nulle part, ni dans vos déclarations préalables ni

 24   dans votre déposition d'aujourd'hui, que Milan Lukic vous avait reconnue

 25   alors que vous étiez alignée.

 26   R.  Personne ne me l'a demandé; sinon, je l'aurais dit.

 27   Q.  On ne dirait pas que ça le dérangeait d'une manière quelconque ou qu'il

 28   vous connaissait avant cet événement-là. Cela ne découle pas de vos

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  1   déclarations préalables ni de votre déposition.

  2   R.  Je ne comprends pas ce que vous êtes en train de dire.

  3   Q.  Je voulais vous dire, je m'attendrais, compte tenu de ce que vous nous

  4   avez raconté, que Milan Lukic aurait peut-être dit qu'il vous connaissait,

  5   vous, à ce moment-là.

  6   R.  Moi, je l'ai reconnu, et je peux vous dire que je n'oublierai jamais

  7   son visage.

  8   Q.  Toutes mes excuses, Madame, mais vous n'avez pas bien compris ma

  9   question. Ce que je voulais dire, c'est que je me serais attendu à ce qu'il

 10   vous reconnaisse, vous, pendant que vous étiez alignée, et qu'il vous fasse

 11   sortir, vous, du rang, au moment où cela est arrivé à Hajra.

 12   R.  Il cherchait Hajra. Il m'a dit, à moi : "N'aie pas peur." Quand il a

 13   fini ce qu'il avait à faire avec Hajra, je m'attendais à ce que la même

 14   chose m'arrive. Mais Milan nous a donné l'ordre, à tous, de rentrer dans la

 15   maison. Il nous a dit que personne ne devait quitter la maison, qu'il

 16   allait revenir vers 23 heures pour nous voir, et s'il se rendait compte à

 17   ce moment-là que quelqu'un s'était enfui, qu'il allait nous tuer tous.

 18   Alors, une femme, dont je ne mentionnerai pas le nom maintenant parce qu'on

 19   est en audience publique, et moi-même, nous avons décidé de quitter la

 20   maison, nous disant qu'il ne pourrait jamais tuer tout le monde et qu'il

 21   fallait que quelqu'un reste pour raconter ce qui s'est passé. Alors nous

 22   avons quitté la maison. Nous sommes allées dans une autre maison, et le

 23   soir, vers 23 heures, si je me souviens bien, nous avons entendu un grand

 24   bruit, des cris, des coups de feu. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Est-

 25   ce que c'était Milan qui est venu nous chercher ou pas, je ne le sais pas.

 26   Je ne peux pas vous donner de réponse.

 27   Q.  Bien. Même si en apparence il ne s'est pas -- mais malgré tout cela, on

 28   dirait, d'après son comportement, qu'il ne vous avait pas reconnue, en

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  1   fait.

  2   R.  Qu'entendez-vous par cela ?

  3   Q.  Mais ce jour-là, vous avez dit qu'il vous avait dit de ne pas avoir

  4   peur, mais cela n'indique pas qu'il vous a reconnue.

  5   R.  Oui, mais ce n'est pas moi qu'il cherchait, il cherchait Hajra Koric,

  6   parce que son objectif était de la tuer. Pour quelle raison ? Je ne le sais

  7   pas. C'est à lui qu'il faudra poser cette question.

  8   Q.  Il n'y a aucune raison pour que vous soyez au courant de cette

  9   information que je vais vous communiquer maintenant, mais je vais vous le

 10   dire. Nous avons reçu des informations selon lesquelles quelqu'un d'autre

 11   aurait vu une autre personne tirer un premier coup de feu sur Hajra Koric,

 12   et qu'ensuite, Milan Lukic aurait tiré un coup de feu sur elle alors

 13   qu'elle était déjà morte. Pourriez-vous nous expliquer cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Quelqu'un d'autre a-t-il tiré sur Hajra Koric d'abord, et ensuite Milan

 16   Lukic ?

 17   R.  Non. Milan Lukic a tiré sur Hajra Koric. Personne d'autre.

 18   Q.  Mais avez-vous vu quelqu'un d'autre tirer sur le corps ?

 19   R.  Est-ce que vous comprenez ce que je suis en train de vous dire ? Je

 20   vous dis qu'il n'y a que Milan Lukic qui a tiré sur Hajra. Il n'y avait que

 21   lui.

 22   Q.  Oui, je comprends très bien, mais je le dis, j'ai examiné quelques

 23   autres déclarations dans le cadre de cette affaire, et j'ai trouvé cette

 24   information-là, et j'ai pensé que vous pourriez peut-être être en mesure de

 25   nous aider à mettre cela au clair. C'est pour cette raison-là que je vous

 26   ai posé cette question, et non pas pour vous ennuyer.

 27   Bien. Passons à un autre thème. Vous avez dit que VG-114 est venue chez

 28   vous tôt le matin du 28 juin; cela est-il exact ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous avez entendu des coups sur la porte. Pourriez-vous décrire cela à

  3   la Chambre, s'il vous plaît.

  4   R.  VG-114, elle a donné plusieurs coups sur la porte pour nous réveiller,

  5   mais elle ne faisait pas beaucoup de bruit. Ce n'était pas très fort. Elle

  6   n'avait pas l'intention d'alerter toute la ville ou tout le quartier.

  7   Q.  Ai-je bien compris votre déposition, vous ne l'avez pas regardée, vous

  8   ne l'avez pas vue ?

  9   R.  J'ai dit que je n'osais pas allumer la lumière.

 10   Q.  Mais alors, comment savez-vous que c'était bien elle ? Comment avez-

 11   vous identifié cette personne comme elle, comme VG-114 ?

 12   R.  Je connais VG-114. Je la connais très bien. Je connaissais ses parents

 13   très bien aussi, alors personne ne pourra me dire le contraire, me dire que

 14   ce n'était pas elle. J'ai reconnu sa voix. On buvait du café ensemble de

 15   temps en temps. Avant la guerre, on se fréquentait.

 16   Q.  Bien. Lors de votre déposition ici aujourd'hui et dans vos déclarations

 17   préalables, je n'ai vu aucune référence à des difficultés éventuelles

 18   qu'elle aurait pu avoir en vous décrivant ce qui s'était passé cette nuit-

 19   là.

 20   R.  Elle nous a dit très clairement que Milan Lukic avait incendié ce

 21   groupe de personnes, qu'elle avait essayé de sauver sa sœur qui avait à

 22   l'époque 9 ou 10 ans et qui était de mauvaise santé; elle était handicapée.

 23   Elle m'a dit : "Ma mère a brûlé vivante, mes deux sœurs et les deux enfants

 24   de mes deux sœurs ont brûlé. Sauvez-vous. Enfuissez-vous". J'ai très bien

 25   compris ce qu'elle nous a dit. Elle nous a dit que ses bras et ses mains

 26   avaient brûlé, que ses cheveux avaient brûlé. Je n'ai pas pu la voir parce

 27   que je n'osais pas allumer, mais c'est ce qu'elle nous a raconté.

 28   Q.  Bien. En fait, la raison pour laquelle je vous ai posé cette question,

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  1   c'est que ses blessures devaient être terribles, et que normalement elle

  2   aurait dû avoir beaucoup de difficultés à circuler, à se déplacer dans cet

  3   état. C'est pour ça que je vous ai demandé cela.

  4   R.  Monsieur, c'est vrai, c'est un miracle, mais elle nous a clairement

  5   expliqué ce qui s'est passé. Mais dans cet état, malgré tout, elle a trouvé

  6   suffisamment de force pour sortir et aller alerter les autres, leur dire

  7   qu'il fallait se sauver.

  8   Q.  Donc vous pensez que c'est à elle que vous devez cette décision de

  9   quitter le village et de vous sauver cette nuit-là ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Quand vous avez vu une maison brûler à travers la fenêtre de la salle

 12   de bain pour la première fois, n'est-il pas vrai qu'à l'époque, suite au

 13   départ du Corps d'Uzice, il y a eu déjà beaucoup de maisons musulmanes

 14   incendiées ?

 15   R.  Je ne peux pas vous le dire. Avant cet incident, il y a eu d'autres

 16   maisons incendiées, mais ce soir-là, la seule maison en flammes était celle

 17   de Meho Aljic. C'est ce que je sais.

 18   Q.  Oui, mais vous avez appris cela plus tard, n'est-ce pas ? En la voyant

 19   à travers la fenêtre de la salle de bain, vous ne saviez pas que c'était

 20   exactement cette maison-ci, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, j'ai vu à travers la fenêtre une maison en flammes, et VG-114 m'a

 22   dit que tout le monde avait brûlé dans la maison de Meho Aljic.

 23   Q.  Bien. Vous avez fait référence tout à l'heure à une Passat, ou plutôt,

 24   c'est le Procureur qui a fait référence à une Passat et c'est vous qui avez

 25   dit que vous pensiez qu'il s'agissait de la voiture de Behija Zukic; cela

 26   est-il exact ?

 27   R.  Oui, voiture de Behija Zukic.

 28   Q.  Bien. La voiture appartenant à M. Dzafic, celle qu'on appelait le fer à

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  1   repasser, Peglica, quelle était sa couleur ?

  2   R.  Couleur qui me fait penser à la banane.

  3   Q.  Jaune ?

  4   R.  Pas vraiment jaune, mais -- pas le jaune habituel.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid.

  6   M. ALARID : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai l'intention de faire la pause à

  8   l'heure habituelle. J'ai l'impression qu'on n'est pas tout à fait sûr quant

  9   à la durée des pauses. La durée des pauses est la même pour les audiences

 10   du matin et de l'après-midi : la première, 20 minutes, la deuxième, une

 11   demi-heure.

 12   Mais nous devrions travailler jusqu'à 7 heures et 10 minutes pour

 13   travailler autant de temps que le matin. Cela signifie que nous allons

 14   faire une pause d'une demi-heure et que nous allons finir à 19 heures 10.

 15   --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.

 16   --- L'audience est reprise à 18 heures 09.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Alarid.

 18   M. ALARID : [interprétation] Une petite difficulté technique, Monsieur le

 19   Président.

 20   Q.  Madame, lorsque nous avons eu la suspension de séance, nous étions en

 21   train de parler de la voiture d'Ekrem Dzafic, et quelle était la couleur de

 22   cette voiture ?

 23   R.  J'ai dit que ce n'était pas le jaune pâle. Couleur banane, je dirais.

 24   Q.  Est-ce que ce serait donc un jaune plus clair, comme le jaune d'un

 25   surligneur ?

 26   R.  Est-ce que nous allons parler de nuances ?

 27   Q.  Si vous ne pouvez pas vous en souvenir, non, bien sûr.

 28   Je vais vous poser la question suivante, Madame. Est-il vrai que de

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  1   nombreux Musulmans ont eu leurs voitures saisies à un moment ou à un autre

  2   pendant cette agression ?

  3   R.  A ce que j'ai entendu.

  4   Q.  Si vous le savez, est-il vrai qu'un grand nombre de ces voitures ont

  5   été emmenées au poste de police pour être utilisées par ces agresseurs ?

  6   R.  Je ne peux pas répondre à cette question.

  7   Q.  Est-il vrai que, comme vous dites, depuis la première fois que vous

  8   avez vu ce Milan Lukic jusqu'à plus tard, en fait il se trouvait dans deux

  9   voitures, il utilisait deux voitures ?

 10   R.  Il m'a emmenée dans la voiture d'Ekrem.

 11   Q.  C'est là que vous avez découvert une bouteille d'alcool, n'est-ce pas,

 12   il y avait une bouteille d'alcool à bord ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Cette bouteille d'alcool, est-ce qu'elle était à moitié bue ? Est-ce

 15   qu'elle était presque vide ? Est-ce qu'elle était presque pleine ?

 16   R.  Je ne peux pas vous dire ça.

 17   Q.  La question suivante que je vais vous poser c'est de savoir, cet homme

 18   que vous connaissiez comme étant Milan Lukic, qui vous a emmenée dans cette

 19   voiture, est-ce qu'il était ivre ou est-ce que vous pouvez nous dire

 20   quelque chose à ce sujet, est-ce que vous pourriez vous rendre compte ?

 21   R.  Je ne pourrais pas le dire. J'avais trop peur. Je ne pensais pas à ça.

 22   Q.  Bien. A un autre moment - et en fait, je tourne autour de la question,

 23   je tourne autour du pot - vous étiez avec cette personne pendant deux ou

 24   trois heures --

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas une bonne chose

 26   d'admettre cela, Maître Alarid.

 27   M. ALARID : [interprétation] Excusez-moi ?

 28   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas une bonne chose

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  1   d'admettre que vous êtes en train de tourner autour du pot.

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 16   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 1711-1715 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 18   [Audience publique]

 19   M. ALARID : [interprétation]

 20   Q.  N'est-il pas vrai, Madame, que Lukic est un nom assez répandu aussi

 21   comme nom de famille dans votre région, dans votre partie du pays ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et à une époque où tant de choses horribles se passaient, il se peut

 24   qu'il y ait eu plus d'un Milan Lukic dans l'armée serbe ou parmi les

 25   agresseurs serbes; ne serait-ce pas possible ?

 26   R.  Il n'y avait qu'un seul Milan Lukic à Visegrad.

 27   Q.  N'est-il pas vrai qu'il y avait un autre Milan Lukic d'une cinquantaine

 28   d'années, qui était un peu plus puissant dans la communauté ?

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  1   R.  Pas que je sache. Je ne sais pas cela. Je sais seulement en ce qui

  2   concerne celui-ci que j'ai désigné du doigt aujourd'hui, et je suis

  3   certaine à 100 % que c'est lui.

  4   Q.  Mais Madame, d'après votre déclaration de 1998, il appert que vous

  5   étiez sûre à 100 % que cette personne que vous aviez identifiée comme étant

  6   Milan Lukic avait les yeux bleus.

  7   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il y a un

  8   malentendu en ce qui concerne la déclaration de 1998. Il n'y a pas eu de

  9   déclaration en B/C/S que le témoin ait pu lire comme on l'a suggéré au

 10   début de ces questions. C'est toujours fait en anglais et il y a un

 11   traducteur ou un interprète qui retraduit dans un sens et dans l'autre pour

 12   le témoins et l'enquêteur, qui incidemment ne parle qu'anglais comme

 13   deuxième langue. Donc je pense que la question qui convient c'est de savoir

 14   si elle se rappelle les caractéristiques physiques et non pas si elle a lu

 15   la déclaration en B/C/S et signé quelque chose qu'elle aurait pu pleinement

 16   comprendre dans sa propre langue.

 17   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, n'a-t-elle pas fait une

 18   déclaration ?

 19   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, elle a fait une

 20   déclaration par le truchement d'un interprète, une déclaration qui a été

 21   enregistrée par une personne qui là encore ne parlait pas anglais en

 22   première langue et la question qui a été posée c'était : n'a-t-elle pas eu

 23   la possibilité de lire sa déclaration en B/C/S et en anglais en 1998 ? Il

 24   n'y avait pas de déclaration B/C/S qu'elle ait été en mesure de lire en

 25   1998. Elle dépendait d'interprète. Et nous venons d'entendre avec nos

 26   propres interprètes très expérimentés qu'il y a de grandes difficultés qui

 27   se posent pour l'utilisation de certains mots qu'elle a utilisés pour sa

 28   description de Milan Lukic. Il est tout à fait possible qu'il y ait eu un

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  1   problème de traduction et non pas une description erronée par le témoin.

  2   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors dans ce cas-là quelle peut

  3   être l'utilité d'une déclaration ? Est-ce que vous êtes en train de dire

  4   qu'on ne peut pas faire grand-chose, d'en tirer grand-chose dans un contre-

  5   interrogatoire ?

  6   M. GROOME : [interprétation] Ce n'est pas qu'on ne puisse pas y trouver

  7   grande utilité, Monsieur le Président, mais la procédure, ça certaines

  8   limites et il serait erroné de suggérer que le témoin a eu la possibilité

  9   de lire sa déclaration en B/C/S pour ce qui est de l'exemplaire de 1998.

 10   M. ALARID : [interprétation] Alors le problème je pense --

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle aurait eu la possibilité de

 12   l'entendre si on lui en donnait lecture.

 13   M. GROOME : [interprétation] Oui, par interprète ou traducteur.

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, par un interprète ou

 15   traducteur, oui.

 16   Oui, Maître Alarid, peut-être que vous voulez tenir compte de cela ?

 17   M. ALARID : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, je veux bien mais

 18   avec tout le respect que je dois à M. Groome, il est en train de devenir

 19   lui-même témoin d'une certaine sorte, vous savez, en train de nous

 20   expliquer quelle était la situation lorsque la déclaration de ce témoin a

 21   été recueillie. En plus de ça, je pense que peut-être on a bien compris ce

 22   qui a été dit mais je voudrais poser la question au témoin encore une fois.

 23   Q.  Madame, n'est-il pas vrai que vous avez lu la déclaration 1998 et que

 24   vous avez eu la possibilité d'entendre cela avant que vous ayez signé la

 25   version anglaise ?

 26   R.  Je ne l'ai pas eue entre les mains parce que lorsque j'ai été

 27   interrogée, il y avait un interprète qui a consigné les choses par écrit en

 28   1998.

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  1   Q.  Alors, Madame, n'est-il pas vrai que vous avez paraphé chacune des

  2   pages après qu'on vous les ait lues les unes après les autres ?

  3   R.  Oui. J'ai apposé ma signature.

  4   Q.  Et en apposant votre signature sur chaque page, c'était, n'est-ce pas,

  5   une indication qui voulait dire qu'on vous avait donné lecture de chaque

  6   page et que vous avez été d'accord avec le contenu.

  7   R.  L'interprète a pu interpréter mais je ne me souviens absolument pas

  8   d'avoir parlé des yeux bleus. Je ne sais pas.

  9   Q.  N'est-il pas vrai que les mots "bleu" et le mot "marron" sont très

 10   différents l'un de l'autre ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et nous pouvons le voir parce que dans le premier paragraphe de la

 13   traduction en bosniaque, il est clairement dit qu'il a des yeux bleus et

 14   que les cheveux sont d'un châtain clair.

 15   R.  Je me souviens très bien d'avoir parlé du châtain foncé.

 16   Q.  Je m'excuse, je me corrige, il s'agit du châtain foncé et, par

 17   ailleurs, est- ce que vous estimez que châtain foncé est une couleur qui

 18   est plus proche du noir que d'une couleur blonde ?

 19   R.  Ça ne peut pas être blond si c'est châtain foncé.

 20   Q.  Si je vous disais châtain clair, est-ce que c'est plus près du blond ou

 21   du noir ?

 22   R.  Châtain, c'est châtain, châtain foncé. Donc plus près de cheveux noirs

 23   que du châtain clair.

 24   M. ALARID : [interprétation] Je souhaite verser au dossier 101D [comme

 25   interprété], la déclaration du témoin de 1998 sous pli scellé.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, c'est la pièce 1D44 sous pli

 27   scellé.

 28   M. ALARID : [interprétation] Peut-on demander dans le cadre du prétoire

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  1   électronique une autre pièce, 1D-1109.

  2   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic.

  3   M. CEPIC : [interprétation] Ce n'est pas rentré au compte rendu. Est-ce que

  4   la greffière d'audience peut répéter la cote du document qui vient d'être

  5   versé au dossier ?

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 1D44, sous pli scellé.

  7   M. CEPIC : [interprétation] Merci.

  8   M. ALARID : [interprétation] Je demanderais aussi au technicien d'agrandir

  9   un peu plus le visage.

 10   Q.  Madame, peut-on affirmer que ceci est la photographie de l'homme qui

 11   est aujourd'hui dans ce prétoire, qui est assis au fond et que vous avez

 12   identifié aujourd'hui comme étant Milan Lukic ?

 13   R.  C'est bien lui.

 14   Q.  Etes-vous d'accord que la couleur des yeux de la personne qui figure

 15   dans cette photographie est marron ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je ne veux pas parler ici plus de châtain clair ou foncé, mais

 18   j'avancerai qu'il s'agit bien de cheveux châtains clairs.

 19   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec vous. D'après moi, il s'agit de

 20   cheveux qui sont châtains foncés.

 21   M. ALARID : [interprétation] A ce moment-là, je souhaite verser au dossier

 22   le document 00319 [comme interprété].

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 1D45.

 24   M. ALARID : [interprétation]

 25   Q.  Madame, je souhaiterais, avec tout le respect que je vous dois, montrer

 26   la photographie de cet homme torse nu.

 27   M. ALARID : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D0-3111 [comme

 28   interprété].

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  1   Q.  Madame, ceci n'est peut-être pas une photographie d'une qualité

  2   extraordinaire, mais je demanderais à ce que l'on montre tout 

  3   particulièrement le haut du torse.

  4   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quel moment cette photographie a-

  5   t-elle été prise ?

  6   M. ALARID : [interprétation] Après la guerre, Monsieur le Président.

  7   Q.  Madame, si je regarde la photographie, je ne vois pas forcément quelque

  8   chose qu'on pourrait caractériser comme de marques ou des grains de beauté.

  9   Il s'agit peut-être de taches de rousseur.

 10   R.  Vous pouvez l'appeler comme vous voulez. Que ce soit des taches de

 11   rousseur ou des grains de beauté, cet homme, de toute façon, avait quelque

 12   chose sur son corps, des taches.

 13   Q.  Et que direz-vous, est-ce qu'ici les cheveux sont plutôt d'un châtain

 14   clair ou d'un châtain foncé.

 15   R.  Je ne sais pas, pour moi, ceci c'est du châtain foncé.

 16   M. ALARID : [interprétation] Je souhaite verser cette photographie au

 17   dossier.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle portera la cote 1D46.

 19   M. ALARID : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Alarid.

 21   Maître Dieckmann.

 22   M. DIECKMANN : [interprétation] Oui, c'est moi qui vais continuer.

 23   Contre-interrogatoire par M. Dieckmann : 

 24   Q.  [interprétation] Bonsoir, Madame.

 25   R.  Bonsoir.

 26   Q.  Je m'appelle Jens Dieckmann, et je suis conseil de la Défense de

 27   Sredoje Lukic. Je souhaiterais vous poser quelques questions, tout

 28   simplement, et je voudrais vous les poser avec tout le respect que je vous

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  1   dois, eu égard à toutes les souffrances que vous avez dû endurer.

  2   Mes questions sont courtes et précises, et dans la mesure du

  3   possible, je vous demanderais de me répondre de manière concise et brève,

  4   si cela vous est possible.

  5   R.  Oui, je vais essayer.

  6   Q.  Je vous remercie. Premièrement, êtes-vous d'accord avec moi qu'un être

  7   humain peut se souvenir mieux des événements qui ont eu lieu récemment,

  8   dans un passé récent, que de ceux qui s'étaient passés il y a longtemps,

  9   beaucoup de temps auparavant. Etes-vous d'accord avec moi ?

 10   R.  Je ne vois pas tout à fait ce que vous voulez dire. Pourriez-vous le

 11   clarifier ?

 12   Q.  D'un point de vue général, c'était ma question, est-il plus facile pour

 13   un être humain de se souvenir des détails d'un événement qui a eu lieu dans

 14   un passé récent que des détails d'un événement qui s'est passé dans un

 15   passé lointain ?

 16   R.  Tout le film, aujourd'hui, dans ce prétoire, s'est déroulé à nouveau

 17   dans ma tête.

 18   Q.  Je vous remercie, Madame.

 19   VG-35, ce que j'avance, c'est que le 27 juin 1992, Sredoje Lukic

 20   n'était pas à Bikavac, ni tôt le matin, ni plus tard, ni à aucun moment de

 21   la journée, puisqu'il se trouvait très loin de  l'endroit où se sont passés

 22   tous ces événements. Est-ce que vous me comprenez ?

 23   R.  Non.

 24   M. CEPIC : [interprétation] Il vaudrait mieux que mon confrère le vérifie,

 25   mais dans le compte rendu d'audience est rentrée une réponse complètement

 26   opposée à ce que le témoin venait de dire.

 27   [Le conseil de la Défense se concerte]

 28   M. DIECKMANN : [interprétation]

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  1   Q.  Madame le Témoin, pourriez-vous répéter votre réponse ?

  2   R.  Sredoje Lukic était bien là-bas. Vous pouvez affirmer ce que vous

  3   voulez, qu'il n'y était pas, vous pouvez faire ce que vous voulez, mais il

  4   y était.

  5   Q.  Je vous remercie, Madame. Vous connaissiez Sredoje Lukic, qui était un

  6   agent de police de Visegrad ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Avant la guerre, après votre travail, vous voyiez Sredoje Lukic qui

  9   était au carrefour en marchant vers Draganje [phon] en uniforme, en se

 10   dirigeant vers sa maison; est-ce exact ?

 11   R.  Je ne comprends pas votre question.

 12   Q.  En rentrant à la maison, vous souvenez-vous avoir croisé Sredoje Lukic,

 13   quand il venait dans la direction opposée, portant son uniforme de policier

 14   ?

 15   R.  Je ne me souviens pas, parce que la tête était penchée vers le bas.

 16   Q.  Vous souvenez-vous qu'il se comportait de manière amicale et était

 17   souriant ?

 18   R.  Avant la guerre, il me disait bonjour. Il connaissait bien mon mari.

 19   C'est bien ce que j'avais dit.

 20   Q.  Vous savez, ici --

 21   M. DIECKMANN : [interprétation] Nous pourrions peut-être passer à huis clos

 22   partiel.

 23   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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  7   --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 17

  8   septembre 2008, à 8 heures 50.

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