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1 Le jeudi 13 novembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais rendre le jugement relatif à
6 la requête présentée oralement hier par Me Cepic en vue de l'admission d'un
7 certain nombre de certificats médicaux concernant Mitar Vasiljevic.
8 Le 10 septembre 2008, la Défense a demandé l'admission au dossier de ces
9 documents. La Chambre de première instance a ordonné que ces documents
10 soient enregistrés aux fins d'identification en réservant sa décision
11 jusqu'à la date du 11 septembre 2008.
12 Ce jour-là, la Chambre a rendu sa décision qui se lit comme suit : "Si la
13 Défense souhaite entendre des témoins qui souhaitent s'exprimer au sujet
14 des événements de la rue Pionirska, elle peut le faire au moment de la
15 présentation de ses moyens, et à ce moment-là, bien sûr, elle pourra
16 présenter tout élément de preuve relatif à la rue Pionirska, y compris les
17 certificats médicaux et certificats d'hospitalisation de M. Vasiljevic.
18 La Chambre a ordonné que les certificats d'hospitalisation demeurent
19 enregistrés aux fins d'identification, et elle estime toujours que ces
20 documents devraient être présentés par la Défense au moment où celle-ci
21 présentera ses moyens. Les certificats d'hospitalisation vont par
22 conséquent demeurer enregistrés aux fins d'identification."
23 Je passe maintenant à la décision de la Chambre de première instance eu
24 égard à l'application de l'article 98 bis du Règlement. Cet article du
25 Règlement prévoit, comme vous le savez, que la Chambre, après avoir entendu
26 les arguments présentés oralement par les parties, va rendre un jugement
27 d'acquittement sur tous les chefs d'accusation, si aucun élément de preuve
28 n'est présenté à l'appui d'une condamnation.
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1 Cette norme doit s'appliquer à chaque chef d'accusation de l'acte
2 d'accusation, et cette application consiste à se poser la question de
3 savoir si l'élément de preuve, dans son efficacité maximum, pourrait
4 conduire un juge raisonnable des faits à condamner l'accusé pour le chef
5 d'accusation en question. Donc, aussi longtemps qu'il existe un ou
6 plusieurs éléments de preuve aptes à étayer un jugement de condamnation,
7 une requête en vue d'un jugement d'acquittement sera rejetée.
8 Cette norme n'exige aucune appréciation de la culpabilité alléguée de
9 l'accusé au vu des éléments de preuve présentés par l'Accusation dans le
10 cadre de la présentation de ses moyens. La Chambre de première instance ne
11 s'est donc pas posée la question de la crédibilité des témoins de
12 l'Accusation, et elle n'est pas en train d'évaluer la puissance ou la
13 faiblesse des éléments de preuve présentés à elle.
14 Comme la Chambre d'appel dans l'affaire Jelisic l'a déclaré, je cite :
15 "A l'issue de la présentation des moyens de l'Accusation, la Chambre peut
16 estimer que les éléments présentés par l'Accusation suffisent à étayer une
17 condamnation au-delà de tout doute raisonnable, et pourtant, même si les
18 éléments de preuve de la Défense sont présentés par la suite, prononcer un
19 acquittement à l'issue du procès si, de son point de vue, l'Accusation n'a
20 pas prouvé la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable."
21 La puissance ou la faiblesse des éléments de preuve présentés à la Chambre
22 de première instance ainsi que des éléments tels que contradictions ou
23 défauts de cohérence présents dans les éléments de preuve présentés par
24 l'Accusation sont des éléments que la Chambre de première instance est
25 tenue d'apprécier lorsqu'elle aura à déterminer la culpabilité ou
26 l'innocence de l'accusé à l'issue du procès. Dans ces conditions, une
27 requête en application de l'article 98 bis en vue d'acquittement obtiendra
28 le résultat recherché si aucun élément de preuve présenté n'est apte à
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1 étayer un chef d'accusation, ou si les seuls éléments de preuve pertinents,
2 même considérés dans leur capacité maximale d'efficacité, sont incapables
3 de donner à croire qu'ils n'étayent pas convenablement un jugement de
4 culpabilité sur un chef déterminé.
5 L'article du Règlement, tel que modifié en décembre 2004, se concentre sur
6 les chefs d'accusation, et non sur les charges en tant que telles. Si un
7 chef d'accusation est divisé en plusieurs parties et qu'il n'est présenté
8 aucun élément de preuve sur l'une des parties de ce chef d'accusation, mais
9 qu'il y a des éléments de preuve aptes à étayer un jugement de condamnation
10 sur les autres parties du même chef d'accusation, la requête en vue
11 d'acquittement est rejetée. Les Chambres de première instance dans
12 l'affaire Milutinovic, Mrksic et Martic ont précisé ce qu'elles
13 considéraient comme étant la norme eu égard à l'administration de la
14 preuve, et la présente Chambre de première instance applique la même norme
15 en l'espèce.
16 Passons maintenant aux arguments présentés. La Défense de Sredoje Lukic a
17 choisi de ne présenter aucun argument en vue de l'application de l'article
18 98 bis. La Défense de Milan Lukic a affirmé que l'Accusation avait échoué
19 dans son devoir d'établir les exigences juridiques aptes à déterminer que
20 les crimes avaient été commis dans le contexte d'un conflit armé et avaient
21 été motivés par des discriminations raciales, ethniques ou religieuses, et
22 a demandé le retrait de l'acte d'accusation dans son ensemble.
23 Au cas où elle ne réussirait pas sur la base des arguments présentés, la
24 Défense de Milan Lukic concède que l'Accusation a présenté des éléments de
25 preuve aptes à étayer une condamnation eu égard aux chefs d'accusation
26 numéro 1, persécution; numéros 2, 3, 4 et 5, incident de la Drina; numéros
27 11 et 12, actes inhumains et traitement cruel relatifs à l'incident de la
28 rue Pionirska; et numéros 20 et 21, relatifs aux incidents survenus à la
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1 caserne d'Uzamnica.
2 Eu égard aux autres chefs d'accusation, la Défense de Milan Lukic conteste
3 l'identification de l'accusé par les témoins. Et ce faisant, elle conteste
4 en particulier la possibilité de s'appuyer sur l'identification réalisée
5 dans le prétoire et demande en conséquence le retrait des chefs
6 d'accusation 6 et 7, relatifs aux incidents survenus à l'usine Varda; des
7 chefs d'accusation 8, 9 et 10, extermination et meurtre en rapport avec
8 l'incident survenu à la rue Pionirska; des chefs numéros 13, 14, 15, 16, et
9 17 relatifs à l'incident de Bikavac; et des chefs 18 et 19, relatifs au
10 meurtre de Hajira Koric. S'agissant des événements de Bikavac, qui figurent
11 dans les chefs d'accusation 13 et 17, il est également déclaré que
12 l'Accusation n'a pas présenté des éléments de preuve suffisants aptes à
13 démontrer les conditions qui ont provoqué le décès des victimes présumés
14 durant cet événement.
15 Dans sa réponse, l'Accusation a présenté des éléments très détaillés qui
16 mettent en exergue les éléments de preuve présentés par elle susceptibles
17 d'étayer un jugement de condamnation pour chacun des chefs d'accusation
18 concernés.
19 Au total, 21 chefs d'accusation impliquant des persécutions,
20 l'extermination, le meurtre, des actes inhumains et des traitements cruels
21 ont été retenus contre l'accusé dans le cadre des six incidents survenus
22 dans la municipalité de Visegrad en Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1994.
23 Eu égard à chacun des crimes reprochés individuellement aux accusés, ces
24 crimes sont présumés avoir été commis ainsi qu'encouragés et incités dans
25 le strict cadre de l'application de l'article 7(1) du Règlement. Les crimes
26 reprochés aux accusés sont énumérés dans les articles 3 et 5 du Statut. Je
27 vais maintenant parler des éléments de preuve qui constituent les
28 conditions sine qua non que l'on trouve dans ces articles, à savoir la
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1 nécessité de l'existence d'un conflit armé dans la région au moment des
2 attaques ainsi que la nature généralisée ou systématique de cette attaque.
3 Ensuite, les éléments de preuve liés aux six incidents seront abordés par
4 moi. Enfin nous conclurons en parlant du chef numéro 1 de l'acte
5 d'accusation, à savoir les persécutions.
6 La Chambre de première instance a entendu un grand nombre d'éléments
7 de preuve indiquant qu'un conflit armé avait éclaté à Visegrad et dans ces
8 environs en avril 1992. Par exemple, la Chambre de première instance met en
9 exergue la déposition de VG-011 ainsi que celle de Mirsada Kahriman. La
10 Chambre a également entendu d'autres témoins, notamment Mirsad Tokaca, VG-
11 025, VG-097, et Adem Berberovic, qui ont tous indiqué que ces hostilités
12 n'avaient pas cessé avec le départ du Corps d'Uzice à la mi-mai 1992. Par
13 conséquent, la Chambre conclut au fait que les violences qui ont marqué ce
14 conflit ont duré un temps suffisant et ont été d'une intensité suffisante
15 pour que les conditions exigées dans l'article 98 bis du Règlement soient
16 satisfaites.
17 Les éléments de preuve indiquent également que les crimes reprochés
18 aux accusés dans l'acte d'accusation ont été commis dans le cadre d'une
19 attaque généralisée et systématique visant la population civile musulmane
20 de Visegrad. Des témoins sont venus dire dans leur déposition, par exemple,
21 que des Musulmans avaient disparu et avaient été tués, que leurs biens
22 avaient été pris, et que les mosquées de Visegrad avaient été incendiées.
23 Au nombre des témoins ayant évoqué ces faits, on trouve VG-032, VG-035, VG-
24 038, VG-064, VG-082, et VG-119.
25 La Chambre de première instance tient également à mettre l'accent sur
26 la déposition d'Ewa Tabeau, qui a déclaré dans son témoignage que sur 6 799
27 Musulmans enregistrés comme présents à Visegrad au moment du recensement de
28 1991, un seul était toujours à Visegrad à l'issue du conflit. Elle a
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1 également déclaré dans sa déposition que 62 % des personnes portées
2 disparues en 1992 ont disparu de Visegrad dans la période allant de mai à
3 juillet 1992, la majorité d'entre eux ayant disparu au cours du mois de
4 juin de cette année 1992.
5 Les conclusions très claires que l'on peut tirer à l'issue de
6 l'examen des crimes commis par les Serbes contre la population musulmane
7 consistent à dire que ces crimes ont été motivés par des considérations
8 ethniques. Un bon exemple de ce fait est fourni par la déposition de VG-
9 115, qui a évoqué dans son témoignage l'encerclement de ses collègues
10 musulmans et l'exécution quotidienne de Musulmans sur les rives de la
11 Drina.
12 Par ailleurs, la Chambre de première instance a entendu de nombreux témoins
13 évoquer des crimes qui ne sont pas visés à l'acte d'accusation et qui sont
14 présumés avoir été commis par les accusés et d'autres, et avoir visé la
15 population civile musulmane. Au nombre de ces crimes, on trouve des actes
16 de viol, de passage à tabac, de détention illégale et de vol. A cet égard,
17 la Chambre rappelle la déposition de VG-011, VG-013, VG-035, VG-058, VG-
18 063, VG-064, VG-082, VG-089, VG-097, VG-115, VG-119 et VG-131.
19 En conclusion, la Chambre de première instance s'est convaincue que
20 l'Accusation a présenté des éléments de preuve suffisants pour indiquer que
21 les conditions sine qua non requises aux articles 3 et 5 du Statut sont
22 satisfaites.
23 Nous allons maintenant nous pencher sur les crimes visés à l'acte
24 d'accusation.
25 Dans les chefs d'accusation 2 à 5, Milan Lukic est poursuivi pour meurtre
26 en tant que crime contre l'humanité, chef numéro 2; et pour meurtre, en
27 tant que violation des lois ou coutumes de la guerre, chef numéro 3,
28 sanctionné par l'article 3 et 5 du Statut eu égard au meurtre d'hommes
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1 musulmans de Bosnie sur les rives de la Drina, le 7 juin 1992.
2 S'agissant de survivants de cet incident, Milan Lukic se voit
3 reprocher des actes inhumains, crime contre l'humanité, chef numéro 4; et
4 traitement cruel, violation des lois ou coutumes de la guerre, chef numéro
5 5, tous actes sanctionnés par les articles 3 et 5(i) du Statut.
6 La Chambre s'est vu présenter des éléments de preuve émanant de VG-
7 014 et de VG-032, indiquant que durant l'après-midi du 7 juin 1992, Milan
8 Lukic, en compagnie d'autres soldats armés, a encerclé plusieurs hommes
9 musulmans de Bosnie, notamment Amir Kurtalic, Ekrem Dzafic, Hasam Kustura,
10 Hasan Mutapcic, Meho Dzafic, VG-032 et VG-014.
11 La Chambre de première instance a entendu les témoignages de VG-014,
12 VG-032 et Mitar Vasiljevic. VG-032 a déclaré dans sa déposition que Milan
13 Lukic avait contraint sous la menace de son fusil ces hommes à lui remettre
14 leurs objets de valeur ainsi que leur cartes d'identité qu'il a piétinées.
15 Après quoi, il les a emmené à l'hôtel Vilina Vlas, à bord d'un certain
16 nombre d'automobiles, puis dans un lieu très proche de la Drina où il leur
17 a ordonné de se rapprocher de la rivière. Lukic et deux soldats ont ouvert
18 le feu sur les hommes qui se trouvaient au bord de la rivière, mais VG-014
19 et VG-032 ont réussi à s'échapper idem.
20 La Chambre a également entendu la déposition de VG-079 qui a observé
21 l'incident à partir de la rive opposée de la rivière en compagnie d'une
22 autre personne. La déposition de VG-079 correspond et corrobore la
23 déposition de VG-014 et de VG-032.
24 La Chambre conclut que l'Accusation a présenté des éléments de preuve
25 aptes à étayer une condamnation s'agissant des chefs d'accusation 2 à 5
26 relatifs à l'incident survenu sur les bords de la Drina.
27 Dans les chefs d'accusation 6 et 7, Milan Lukic est accusé de meurtre
28 en tant que crime contre l'humanité et de meurtre en tant que violation des
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1 lois ou coutumes de la guerre en rapport avec le meurtre de plusieurs homes
2 musulmans de Bosnie dans la scierie de Varda et dans l'usine de meubles de
3 Visegrad, le 10 juin 1992 ou à peu près ce jour-là.
4 La Chambre de première instance s'est vue présenter des éléments de
5 preuve concernant les événements survenus dans l'usine de Varda émanant de
6 VG-017, VG-042 et VG-024. Ces témoins ont déclaré dans leur déposition que
7 dans la matinée d'une journée qui était le 10 juin 1992 ou un jour très
8 proche de cette date, Milan Lukic est arrivé dans l'usine de Varda à bord
9 d'une Passat. Il portait un fusil automatique. Il a pénétré à l'intérieur
10 de l'usine Varda, a fait sortir six ou sept hommes au nombre desquels se
11 trouvait Ibrisim Memisevic, et il les a regroupés au portail de l'usine
12 tout près de la guérite des gardes.
13 Les témoins ont vu Milan Lukic emmener ces hommes jusqu'au bord de la
14 Drina. VG-042 a vu Milan Lukic au moment où il a exigé de ces hommes qu'ils
15 se mettent en rang face à la rivière, et au moment où il les a abattus par
16 arme à feu. Lorsque VG-024 s'est rendu compte de ce que Milan Lukic
17 s'apprêtait à faire, elle s'est mise à courir. Après quoi, elle a entendu
18 une longue salve d'armes à feu. VG-017 a ensuite perdu de vue ces hommes au
19 moment où ils atteignaient la rivière, mais elle a entendu les bruits du
20 fusil automatique en train de tirer peu de temps après. Milan Lukic est
21 revenu jusqu'à la voiture qu'il a fait démarrer dans la direction de
22 Visegrad.
23 VG-042 a déclaré dans sa déposition que le lendemain de l'incident,
24 elle avait aidé à récupérer le cadavre d'Ibrisim Memisevic au bord de la
25 rivière et à l'enterrer. Les cadavres des autres hommes sont restés
26 éparpillés sur les rochers qui longeaient la rivière.
27 VG-017, qui a également aidé à enterrer le cadavre d'Ibrisim
28 Memisevic, a constaté que le cadavre "présentait de très nombreux impacts
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1 de balles".
2 La Chambre conclut que l'Accusation a présenté des éléments de preuve
3 aptes à étayer une condamnation eu égard aux chefs d'accusation 6 et 7,
4 tous deux liés à l'incident survenu dans l'usine de Varda.
5 Nous allons maintenant nous pencher sur les chefs d'accusation 8 à 12, qui
6 reprochent à Milan Lukic et à Sredoje Lukic des crimes liés à l'incendie de
7 la rue Pionirska en date du 14 juin 1992. S'agissant des 70 Musulmans de
8 Bosnie à peu près qui ont été tués durant cet incident, dans les chefs
9 d'accusation 8 à 10, Milan Lukic et Sredoje Lukic se voient reprocher des
10 actes d'extermination, crime contre l'humanité, sanctionnés par l'article
11 5(b) du Statut, un acte de meurtre, crime contre l'humanité et un acte de
12 meurtre en tant que violation des lois ou coutume de la guerre. S'agissant
13 des survivants à cet incident, Milan Lukic et Sredoje Lukic se voient
14 reprocher dans les chefs d'accusation 11 et 12, des actes inhumains en tant
15 que crimes contre l'humanité, chef d'accusation numéro 11; et des actes de
16 traitement cruel en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre,
17 chef d'accusation numéro 12.
18 La Chambre de première instance s'est vue présenter des éléments de preuve
19 relatifs aux événements survenus dans la rue Pionirska, éléments présentés
20 par les Témoins VG-013, VG-018, VG-038, VG-084, VG-78, VG-101, VG-115, et
21 Huso Kurspahic.
22 Nombreux étaient ces témoins qui faisaient partie du groupe composé
23 d'environ 70 Musulmans qui est arrivé à Visegrad le 14 juin 1992. On avait
24 dit à ce groupe qu'il devrait passer la nuit dans une maison située dans la
25 rue Pionirska et dont le propriétaire était Jusuf Memic. Dans la soirée,
26 Milan Lukic et Sredoje Lukic sont arrivés dans cette maison, accompagnés
27 d'autres hommes, au nombre desquels se trouvaient Mitar Vasiljevic et Milan
28 Susnjar. Les membres du groupe ont subi une fouille de corps, et leurs
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1 objets de valeur leur ont été pris. Milan Lukic, Sredoje Lukic, et les
2 autres sont alors partis pour revenir plus tard dans la nuit et déclarer au
3 groupe qu'il allait leur falloir déménager dans une autre maison.
4 Les témoins ont déclaré dans leur déposition que ce transfert a été
5 dirigé par Milan Lukic, Sredoje Lukic, Milan Susnjar, Mitar Vasiljevic, et
6 d'autres et qu'on les a emmenés dans la maison d'Adem Omeragic dans la rue
7 Pionirska également. Milan Lukic et Sredoje Lukic portaient des fusils tous
8 les deux. Le Témoin VG-084 a déclaré dans sa déposition que Sredoje Lukic
9 était en possession de grenades qu'il portait à la ceinture.
10 Le Témoin VG-013 a déclaré dans sa déposition qu'en pénétrant dans la
11 maison d'Adem Omeragic elle avait remarqué la présence de tapis sur le sol,
12 tapis couverts d'un liquide visqueux d'où émanait une odeur très prenante.
13 Le groupe était enfermé dans une pièce verrouillée de la maison. Les
14 témoins ont ensuite vu Milan Lukic et d'autres jeter des engins explosifs
15 et de l'essence dans la pièce. Et la pièce a pris feu. VG-013 a subi une
16 blessure à la jambe due à un éclat d'obus.
17 Certains ont essayé de prendre la fuite en passant par les fenêtres. Les
18 témoins ont déclaré dans leur déposition que les personnes qui ont essayé
19 de s'évader ont été atteintes par des coups de feu. VG-013 a également
20 déclaré dans sa déposition que Milan Lukic s'est mis à tirer sur les
21 fenêtres alors qu'un autre auteur éclairait les fenêtres à l'aide d'une
22 lampe de poche pendant qu'il tirait. Le Témoin VG-013 a réussi à sortir par
23 une des fenêtres mais a reçu une balle dans la partie supérieure du bras
24 gauche. La mère de VG-084 a brisé une fenêtre et VG-084 a poussé sa mère
25 hors de la maison par la fenêtre et l'a suivie immédiatement. VG-084 a été
26 blessé au front par un éclat. VG-018 a été blessé au cou, au visage et aux
27 bras. Ces deux témoins se sont cachés derrière un arbre tout proche. Huso
28 Kurspahic a dit dans sa déclaration que son père, Hasib Kurspahic, décédé
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1 aujourd'hui, lui a dit comment il s'est échappé au moment où une explosion
2 a fait sauter la porte à côté de laquelle il se trouvait et qui l'a jeté
3 dehors. Hasib Kurspahic a vu des personnes en train d'essayer de s'échapper
4 et sur lesquelles on tirait et qui ont été abattues et qui avaient été
5 tuées. Lui-même a été blessé au front et au bras droit.
6 Compte tenu de ce qui précède, la Chambre de première instance conclut que
7 l'Accusation a présenté des éléments de preuve aptes à étayer une
8 condamnation eu égard aux chefs d'accusation numéros 8 à 12 de l'acte
9 d'accusation.
10 A présent, nous allons nous pencher sur les chefs d'accusation 13 à 17,
11 dans lesquels Milan Lukic et Sredoje Lukic se voient reprocher des crimes
12 liés à l'incendie de la maison de Bikavac le 17 juin 1992. En ce qui
13 concerne les quelque 70 Musulmans de Bosnie qui sont présumés avoir été
14 tués au cours de cet incident, les chefs 13, 14 et 15 reprochent aux deux
15 accusés l'extermination, un crime contre l'humanité, il s'agit là du chef
16 13; et l'assassinat, un crime contre l'humanité, chef 14; et le meurtre en
17 tant que violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 15.
18 En ce qui concerne l'unique survivant de cet incident, les chefs 16 et 17,
19 reprochent aux deux accusés des actes inhumains, un crime contre
20 l'humanité, chef 16; et des traitements cruels, violation des lois ou
21 coutumes de la guerre, chef 17.
22 La Chambre de première instance a entendu des témoins dire que dans la
23 soirée du samedi 27 juin 1992, Zehra Turjacanin et d'autres ont été sortis
24 de leur maison à Bikavac par Milan Lukic -- je remarque ici que je n'ai pas
25 respecté ce que demandait le Juge Van den Wyngaert en ce qui concerne la
26 prononciation de certains noms. En tout cas cette personne et d'autres
27 personnes ont été obligées de sortir de chez elles par Milan Lukic, Sredoje
28 Lukic, Mitar Vasiljevic et d'autres Serbes. Cette femme et sa famille ont
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1 entendu dire qu'il y avait un convoi qui avait été organisé afin d'assurer
2 leur transport à Bajina Basna alors, qu'en fait, Milan Lukic et son groupe
3 les ont emmenés dans une maison proche qui appartenait à Meho Aljic. Zehra
4 a déclaré qu'au moment où elle était entrée dans la maison de Meho Aljic,
5 Milan Lukic s'était emparé d'une chaîne en or quelle avait au cou.
6 Alors qu'ils se trouvaient à une certaine distance de là, les Témoins VG-
7 115 et VG-058 ont vu combien de personnes, dont des personnes qui venaient
8 de villages avoisinants, ont été rassemblés dans la maison de Meho Aljic.
9 D'après ce qu'a entendu la Chambre, il y avait plus de 60 femmes, jeunes
10 enfants, et personnes âgées dans cette maison. Le Témoin VG-115 a déclaré
11 que toutes les personnes qui s'y trouvaient étaient des civils; que
12 personne ne portait d'armes ni ne portait d'uniforme quel qu'il soit.
13 Les éléments de preuve montrent qu'une fois toutes les personnes
14 rassemblées dans la maison, Milan Lukic, Sredoje Lukic et d'autres Serbes
15 ont jeté des pierres sur la maison afin de briser les fenêtres. Après quoi,
16 ils y ont jeté au moins deux grenades et se sont mis à tirer sur les murs
17 et les personnes qui se trouvaient à l'intérieur de la maison. Des
18 fragments de grenade ont pénétré dans la jambe gauche de Zehra. Et de
19 l'extérieur de la maison, là où ils se trouvaient, les Témoins VG-115 et
20 VG-058 ont vu que de l'essence a été utilisée pour incendier la maison. Le
21 feu s'est propagé très rapidement. Les vêtements que portaient Zehra ont
22 pris feu et sa peau a commencé à brûler. Elle a aussi vu que des vêtements
23 portés par les autres personnes dans la maison prenaient feu et que ces
24 personnes ont commencé à être brûlés vives.
25 Zehra a réussi à s'échapper par une petite ouverture qu'il y avait
26 dans une porte, porte que Milan et Sredoje Lukic avaient auparavant
27 barricadée en se servant d'une lourde porte de garage en métal. Une demi-
28 heure plus tard, le Témoin VG-058 entendait encore les hurlements qui
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1 venaient de la maison.
2 Le Témoin VG-058 a vu Milan Lukic, Sredoje Lukic et Mitar Vasiljevic
3 au moment où ils sont partis en véhicule.
4 Zehra est la seule survivante connue à ce jour de l'incendie de la
5 maison de Bikavac. Un enregistrement vidéo a été effectué au moment où elle
6 subissait un traitement médical en 1992, et ces images montrent la gravité
7 extrême des brûlures qu'elle a subies. Bon nombre d'éléments qu'elle a
8 présentés ont été confirmés par les Témoins VG-032, VG-035, VG-058, VG-115,
9 VG-119, et par Huso Kurspahic.
10 Par conséquent, la Chambre conclut que l'Accusation a présenté des éléments
11 de preuve susceptibles de justifier une condamnation en vertu des chefs 13
12 à 17.
13 Nous allons maintenant nous pencher sur les chefs 18 et 19. Milan Lukic s'y
14 voit reproché l'acte de meurtre en tant que crime contre l'humanité, chef
15 18; et le chef de meurtre en tant que violation des lois et coutumes de la
16 guerre, chef 21, s'agissant de l'assassinat de Hajira Koric, une femme
17 musulmane de Bosnie, en juin 1992 ou vers cette date.
18 Le Témoin VG-035 est venue nous dire qu'au cours d'une période allant du 1er
19 au 5 juillet, au cours de ces journées-là, elle se trouvait dans une maison
20 accompagnée de 10 ou 15 femmes et enfants, au moment où quelque dix hommes
21 armés en uniforme de camouflage, qu'on a qualifiés de "groupe de Savic",
22 ont pénétré dans la maison. Ces hommes ont fait sortir tout le monde de la
23 maison, et le groupe constitué par ces femmes et ces enfants sont partis en
24 direction de Bikavac. Alors que ce groupe était en route, et après le
25 départ du groupe de Savic, ces personnes ont rencontré Milan Lukic et
26 plusieurs hommes qui leur ont donné l'ordre de s'arrêter et les ont
27 encerclés.
28 Le Témoin VG-035 a déclaré qu'un des hommes était à la recherche de Harija
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1 Koric. Cet homme s'est approché de la belle-sœur du Témoin VG-035, et c'est
2 à ce moment-là que Milan Lukic a dit : "Non, ce n'est pas elle." C'est à ce
3 moment-là qu'il l'a désignée, elle. Milan Lukic a demandé à Hajira Koric où
4 se trouvaient son mari et son fils. Elle a répondu qu'ils étaient à
5 Belgrade.
6 Le Témoin VG-035 a déclaré que Milan Lukic a alors donné des coups de pied
7 à Hajira Koric et qu'elle est tombée par terre. Alors qu'elle était encore
8 au sol, Milan Lukic a tiré deux fois sur elle, une première fois dans la
9 poitrine et puis, après l'avoir retournée du pied, il lui a tiré dans le
10 dos. Le Témoin VG-035 a déclaré que Hajira Koric a succombé à ses
11 blessures.
12 La Chambre de première instance conclut que l'Accusation a présenté des
13 éléments de preuve susceptibles de justifier une condamnation au regard des
14 chefs d'accusation 18 et 19, et de l'assassinat de Hajira Koric.
15 Passons maintenant aux chefs 20 et 21, où Milan Lukic et Sredoje Lukic se
16 voient reprochés des actes inhumains, un crime contre l'humanité, chef 20;
17 et des traitements cruels, une violation des lois et coutumes de la guerre,
18 chef 21, pour avoir passé à tabac des hommes musulmans de Bosnie détenus au
19 camp de détention se trouvant à la caserne d'Uzamnica à Visegrad, sévices
20 répétés qui se sont produits entre août 1992 et octobre 1994.
21 La Chambre de première instance a reçu des éléments de preuve relatifs aux
22 sévices infligés à quatre détenus au camp d'Uzamnica. Ces personnes ont dit
23 que Milan Lukic et Sredoje Lukic étaient souvent venus au camp d'Uzamnica
24 au cours de la période allant d'août 1992 à octobre 1994, et qu'ils y ont
25 régulièrement infligés des sévices à coups de poing, à coups de crosses de
26 fusil et avec des bâtons en bois.
27 Adem Berberovic a déclaré que Milan Lukic et Sredoje Lukic avaient
28 plusieurs fois infligé des mauvais traitements aux détenus, notamment à
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1 Nurko Dervisevic. Il s'est souvenu tout particulièrement qu'un jour Milan
2 Lukic s'était servi d'une matraque électrique, et aussi d'une batte en bois
3 pour infliger ces sévices. Nurko Dervisevic s'est souvenu que Milan Lukic
4 l'avait frappé de coups de pied et l'avait souvent écrasé au sol. Nurko
5 Dervisevic et VG-025, dont la déclaration a été versée au dossier par écrit
6 en application de l'article 92 quater, ces témoins ont déclaré que Milan
7 Lukic avait frappé, avait donné des coups aux détenus jusqu'à ce qu'ils se
8 mettent à saigner. Islam Kustura a déclaré que Milan Lukic s'était acharné
9 sur lui et sur les autres détenus jusqu'à ce qu'ils tombent.
10 Puis, Milan continuait à les frapper et ne s'arrêtait pas tant qu'il
11 n'avait pas frappé tout le monde. Islam s'est souvenu des blessures subies
12 en conséquence. La Chambre a ensuite entendu des éléments de preuve
13 montrant que le Témoin VG-025 avait été frappé par Milan Lukic à plusieurs
14 reprises.
15 La Chambre conclut que l'Accusation a présenté des éléments de preuve
16 susceptibles de justifier une condamnation au regard des chefs 20 et 21.
17 Enfin, la Chambre examine maintenant le chef d'accusation numéro 1, qui
18 reproche aux accusés le crime de persécution, crime contre l'humanité,
19 sanctionné par l'article 5(h) du Statut. Après avoir déclaré que
20 l'Accusation avait présenté des éléments de preuve susceptibles de
21 justifier une condamnation pour ce qui est des chefs 2 à 21, la Chambre de
22 première instance conclut que ceci s'applique également au chef
23 d'accusation numéro 1. Les éléments de preuve présentés montrent et
24 confortent la conclusion selon laquelle ces actes ont été commis avec une
25 intention de discrimination.
26 La Défense de M. Milan Lukic a contesté l'utilisation qui a été faite de
27 l'identification des accusés en prétoire. La Chambre de première instance
28 conclut qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer sur cette question,
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1 puisqu'elle accepte ce qu'avait requis l'Accusation, à savoir qu'il y a
2 suffisamment d'éléments de preuve en matière d'identification qui ont été
3 présentés par d'autres témoins pour remplir les conditions exigées par
4 l'article 98 bis du Règlement.
5 En résumé, en raison des critères énoncés auparavant, les éléments de
6 preuve déjà mentionnés sont, de l'avis de la Chambre de première instance,
7 susceptibles de justifier une condamnation pour les crimes reprochés aux
8 chefs 1 à 21 de l'acte d'accusation.
9 C'était le jugement que la Chambre de première instance a rendu. Nous
10 allons suspendre l'audience. Elle reprendra -- qui va me dire quand nous
11 allons reprendre les débats ?
12 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lundi, le 24 novembre. Ce sera
14 l'après-midi, dans la salle d'audience numéro I.
15 M. ALARID : [interprétation] Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Alarid.
17 M. ALARID : [interprétation] Permettez-moi d'évoquer quelques questions
18 administratives pour ce qui est du calendrier. Je sais que la Chambre nous
19 a dit qu'il fallait prévoir le début de la présentation des moyens, mais je
20 dois vous aviser que nous avons déposé une autre requête pour présenter
21 davantage de témoins. Je rentre demain aux Etats-Unis pour essayer de
22 poursuivre les préparatifs pour notre Défense. Bien sûr, nous avons
23 normalement la semaine prochaine le dépôt en application de la liste 65
24 ter. Ça peut se faire électroniquement. Je voulais vous avertir de mes
25 intentions pour ce qui est de la présentation de nos moyens, afin que vous
26 sachiez quelles sont les contraintes que nous avons en matière de temps.
27 Lors de la dernière brève pause que nous avons eue, vous avez dit que je
28 devais tirer parti du temps qui m'était donné, ce que j'ai fait. J'ai
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1 préparé une copie des CV des experts que j'envisage de citer à comparaître.
2 J'ai déjà remis un exemplaire à l'autre équipe de la Défense, mais il y a
3 un jeu de documents destiné aux Juges et un pour M. Groome.
4 Une des complications, c'est que, par exemple, le deuxième CV que vous
5 allez trouver, c'est celui -- ou le troisième plutôt, c'est celui de Cliff
6 Jenkins, ancien chef de police d'Albuquerque qui était responsable de
7 l'unité chargée des crimes sexuels et autres crimes. Vous savez qu'il faut
8 faire une demande au Greffe pour voir si un expert est autorisé à examiner
9 certains documents confidentiels. Il s'écoule un certain temps, et vous
10 savez, je suis sûr que l'Accusation n'a pas ce genre de problème, il faut
11 que d'abord je désigne M. Jenkins pour qu'il devienne expert, et je dois
12 demander qu'il ait le droit de revenir ici pendant que je suis ici pour
13 qu'il puisse consulter tous les documents, parce qu'il y a des dépôts
14 électroniques, mais ce n'est pas facile. Bien sûr, si ce n'est pas imprimé,
15 on ne peut pas vraiment comparer des documents.
16 S'il était ici, nous pourrions mieux nous préparer. Je dois
17 maintenant emmener un disque dur aux Etats-Unis afin que M. Jenkins puisse
18 examiner les documents. Il y a aussi une éventuelle visite sur les lieux.
19 Autre expert que je n'ai pas encore tout à fait désigné, c'est une
20 difficulté que ceci présente parce que je dois ici parler à des
21 représentants officiels au niveau de l'Etat, mais aussi au niveau national.
22 Il faut qu'il y ait un expert pour Bikavac et pour la rue Pionirska pour
23 voir s'il y a encore des éléments de preuve, bien sûr, sachant que le temps
24 constitue un problème. Il y a des tests de médecine légale et de police
25 scientifique qu'on pourrait faire même aujourd'hui pour confirmer ce
26 qu'affirme l'Accusation, ou rejeter certaines des allégations faites par
27 l'Accusation.
28 Vous allez le voir également, nous avons un premier CV, celui du Dr
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1 Warner Anderson, qui pour le moment est directeur de l'adjoint du
2 département de la Défense en matière de santé. Il était au Nouveau-Mexique.
3 Il était responsable des urgences. C'est comme ça que je le connais, par
4 hasard, et il pourra examiner les documents relatifs à Mme Turjacanin, et
5 l'idéal, ce serait de procéder à une visite médicale physique, mais je
6 comprends qu'il y a des difficultés. Je ne veux même pas aborder le
7 problème maintenant, mais le Dr Anderson est en Virginie. Difficile de le
8 faire venir, difficile de lui apporter là-bas des documents confidentiels,
9 et il y a notamment l'enregistrement vidéo montrant les blessures, on ne
10 peut pas envoyer ceci par courrier électronique. Il faut donc l'envoyer.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez un délai
12 supplémentaire --
13 M. ALARID : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- parce que vous devez aller aux
15 Etats-Unis ? C'est pour ça ?
16 M. ALARID : [interprétation] En partie. Vous savez, c'est un cauchemar sur
17 le plan logistique, parce qu'il faut demander l'autorisation du Greffe pour
18 tout. On a en tout 150 heures pour nos experts, et je dois les répartir
19 entre les experts que je veux appeler. On a déjà demandé 150 heures de
20 plus, parce que vous avez le deuxième CV qui est celui du Dr George Huff,
21 qui a un doctorat en psychologie, et qui en ce moment procède à l'examen de
22 M. Lukic. Ce qui se fait pendant qu'on a eu audience tous les jours, il va
23 le voir à la prison avant les audiences, et il examine d'autres éléments.
24 Manifestement, cette évaluation va être faite pour ici aussi.
25 J'ai peur de ne pas pouvoir tenir les délais, parce que vous savez -- vous
26 avez été gentil, vous nous faites passer en second lieu, mais je pense que
27 l'équipe Sredoje Lukic va n'avoir que quatre témoins, plus éventuellement
28 l'accusé. Mais c'est tout ce qu'il y a en tout. En tout cas, il n'y en a
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1 quatre qui sont confirmés. Et quatre témoins, ça ne prend pas beaucoup de
2 temps. Ça, c'est une donnée qu'il faut prendre en compte. Finalement, la
3 faveur que vous nous faites n'est pas vraiment une faveur, parce que si on
4 avait deux ou trois mois pour Sredoje Lukic, on pourrait continuer à
5 travailler. C'est le problème qu'on a, parce que je n'ai qu'un serbophone
6 ici --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devriez nous être
8 reconnaissant, parce que c'est quand même très gentil ce que nous avons
9 fait.
10 M. ALARID : [interprétation] Je vous suis reconnaissant. Ça, c'est certain.
11 Mais voilà la réalité telle qu'elle se présente.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez combien de temps de
13 plus ?
14 M. ALARID : [interprétation] Quelle que soit la situation, vous pourriez
15 peut-être nous prévoir en janvier, après les vacances de Noël, parce que ça
16 me donnerait du temps pour mettre le tout en branle, parce qu'il faut tenir
17 compte des contraintes bureaucratiques, logistiques. L'Accusation, elle, a
18 des ressources bien plus grandes et elle n'a pas tous ces obstacles.
19 C'est le problème qu'on a quand on a une petite équipe. C'est pour ça
20 qu'on a essayé d'avoir un niveau 2, parce que vous savez, dans la décision
21 Perisic qui porte sur l'égalité des armes, il y a un exemple. On a vu que
22 l'Accusation avait pu constituer une équipe de 12 personnes sur un projet
23 pendant trois jours, et ça, ça représente une journée homme pendant six
24 mois. C'est là le genre de problème qu'on doit affronter, parce qu'ici
25 Marie, elle fait toute la dactylographie. Danny, il est arrivé sur le tard
26 là et il essaie de rattraper le temps perdu, et moi, j'étais le seul. Je
27 vous le rappelle, c'est pour ça que vous serez content de la liste 65 ter
28 parce que nous avons toute une série de témoins. Il y en a beaucoup qui
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1 viennent, des témoins à charge. Nous avons choisi les témoins que eux,
2 l'Accusation, avaient décidé de ne pas citer, et je pense que nous avons de
3 bons éléments.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc --
5 M. ALARID : [interprétation] Et techniquement, nous ne sommes même
6 pas financés pour ce mois-ci. On m'a fait des promesses -- je ne peux pas
7 ici me lancer dans l'inconnu, mais normalement on devrait l'avoir eu en
8 général vers le milieu du mois, on a la somme mensuelle et on ne sait même
9 pas comment ça va être réparti. Je comprends bien, le greffier n'est pas
10 ici à La Haye, ça veut dire que vraiment, là, on est acculé, et on n'a pas
11 nécessairement ni les ressources, ni la souplesse requise si, par exemple,
12 je devais demander les services d'un avocat qui serait vraiment là à notre
13 merci pour tout ce qu'il nous faut faire.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous demandez
15 comme délai supplémentaire ?
16 M. ALARID : [interprétation] Nous demandons cinq ou six semaines de plus.
17 Ça veut dire que nous pourrions commencer après les vacances de Noël.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Cepic, je suis sûr que vous
20 pourrez vous exprimer quant à vos propres témoins. On a laissé entendre que
21 vous aviez l'intention de citer quatre témoins, qu'en est-il ?
22 M. CEPIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
23 Juges, j'ai essayé de faire preuve de la plus grande efficacité possible.
24 Nous commençons le 24 novembre, et nous allons essayer d'en terminer en
25 très peu de temps.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voudrez une semaine ?
27 M. CEPIC : [interprétation] Moins que cela, deux jours peut-être. Rien que
28 deux jours. Rien que deux jours ouvrables.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons recevoir les requêtes
2 que vous allez déposer, Maître Alarid, et nous allons les examiner
3 soigneusement.
4 M. ALARID : [interprétation] Comme Me Cepic me le disait en aparté, je
5 m'excuse auprès de lui parce que je ne pouvais pas m'engager en son nom. Il
6 m'a donné un aperçu général de ses intentions et ce qu'il a précisé
7 maintenant est conforme à ce qu'il m'avait dit, mais je ne voulais pas
8 confirmer le nombre de ses témoins.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, mais Me Cepic ne vous a pas
10 compris de la sorte, il n'avait pas de raison de le faire d'ailleurs.
11 Monsieur Groome, je veux d'abord entendre ce que vous direz.
12 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai pas d'avis particulier, mais il
13 serait peut-être utile de tirer une chose au clair. Me Alarid peut-il
14 présenter la partie de l'alibi dans sa défense. Les CV que je viens de
15 recevoir semblent porter sur des experts en alcoolisme, en psychiatrie,
16 pour essayer peut-être de réduire la peine, et là, il aurait besoin de plus
17 de temps pour se préparer, mais peut-être qu'il a déjà les témoins qu'il
18 veut citer pour l'alibi.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Alarid.
20 M. ALARID : [interprétation] Je dirais que non, même si nous avons présenté
21 les témoins, la difficulté c'est que nous avons une petite équipe pour les
22 préparer. Je suis le conseil principal, mon co-conseil est arrivé très
23 tardivement. Jelena ne fait plus partie de notre équipe. Donc nous avons
24 maintenant besoin des deux avocats, alors que l'Accusation pouvait avoir
25 des rapports individuels avec la Section des Victimes et des Témoins pour
26 chacun des témoins. Si nous n'avons pas un peu de marge de manœuvre, il est
27 difficile d'agir parce que je pense que si nous agissions en hâte ce serait
28 très peu organisé et ça ne ferait pas bonne impression sur vous. Je pense
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1 que l'idéal quand on présente des moyens à décharge, c'est de ne pas les
2 tronçonner, de ne pas les diviser.
3 L'une des choses qui a corsé le tout, c'est que notre commis à l'affaire,
4 Jelena, a fait l'objet de menaces, des obstacles ont été posés sur sa
5 route, et il y a des témoins qui maintenant font l'objet de menaces parce
6 qu'ils veulent bien nous parler. Tout ce qu'on peut faire pour le moment,
7 c'est essayer de compenser tout cela parce que vu le financement actuel, le
8 Greffe ne veut pas nous donner une personne de plus. Donc, effectivement,
9 quand on a si peu de personnes ça prend plus longtemps.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez l'intention de présenter
11 des témoins pendant combien de temps ?
12 M. ALARID : [interprétation] Moins de deux mois, moins que le temps pris
13 par l'Accusation.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Moins de deux mois. Très bien. Nous
15 tiendrons compte de tous ces éléments. Vous allez déposer une requête ou
16 convient-il de considérer ce que vous venez de dire comme une requête ?
17 M. ALARID : [interprétation] Nous avons préparé une requête écrite qui sans
18 doute est plus claire que mon intervention orale.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne vous sous-estimez pas, Maître
20 Alarid. Suspension de l'audience.
21 --- L'audience est levée à 15 heures 16 et reprendra le lundi 24 novembre
22 2008, à 14 heures 15.
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