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1 Le lundi 20 juillet 2009
2 [Jugement]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 30.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Aujourd'hui, la Chambre de première
7 instance rend son jugement dans le procès de Milan Lukic et Sredoje Lukic.
8 Ce qui va suivre est un résumé des conclusions de la Chambre de première
9 instance. Ce n'est qu'un résumé. Le texte qui fait foi est le texte du
10 jugement qui sera mis à la disposition du public à l'issue de la présente
11 audience.
12 La présente affaire concerne les événements qui ont eu lieu dans la
13 municipalité de Visegrad et dans la ville qui porte le même nom en Bosnie-
14 Herzégovine entre le 7 juin 1992 et le 10 octobre 1994. Cette municipalité
15 est située dans la région sud-est de la Bosnie, près de la frontière de la
16 République de Serbie, du côté oriental. En avril 1992, à la suite d'actes
17 de violence contre la population musulmane dans cette municipalité, l'armée
18 populaire yougoslave, appelée la JNA, est entrée à Visegrad et s'en est,
19 par la suite, retirée le 19 mai 1992 après avoir établi le contrôle serbe
20 sur la ville et l'ensemble de la municipalité.
21 A la suite du retrait de la JNA, des attaques contre la population
22 non-serbe, comprenant des meurtres, des disparitions, des viols et des
23 sévices, ainsi que la destruction de biens appartenant à des non-Serbes, se
24 sont accrues. Ces attaques ont été le fait de groupes paramilitaires qui
25 opéraient à Visegrad avec l'accord tacite des autorités serbes. Le nombre
26 de meurtres arbitraires et de disparitions a atteint un paroxysme en mai et
27 juin 1992.
28 C'est dans ce contexte qu'il est allégué que Milan Lukic et Sredoje
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1 Lukic, tous deux originaires du village de Rujiste, près de Visegrad,
2 auraient commis les crimes dont ils sont accusés.
3 Milan Lukic a été accusé d'avoir commis ou aidé et encouragé à
4 commettre des persécutions, des assassinats, exterminations, traitements
5 cruels, et actes inhumains en tant que crimes contre l'humanité et crimes
6 de guerre par rapport à six incidents distincts.
7 Ces incidents sont les suivants : premièrement, le meurtre de cinq
8 Musulmans civils à la rivière Drina le 7 janvier 1992 ou vers cette date;
9 deuxièmement, le meurtre de sept civils à l'usine Varda dans la ville de
10 Visegrad le 10 juin 1992 ou autour de cette date; et troisièmement, les
11 événements qui ont conduit et abouti au fait qu'environ 70 Musulmans civils
12 ont été brûlés vifs dans la maison d'Adem Omeragic dans la rue Pionirska à
13 Visegrad, le 14 juin 1992 ou vers cette date; quatrièmement, le fait qu'ont
14 été brûlés vifs approximativement 70 Musulmans civils dans la maison de
15 Meho Aljic à Bikavac, également dans la ville de Visegrad, le 27 juin 1992
16 ou vers cette date; cinquièmement, le meurtre de Hajra Koric, un civil
17 musulman, en juin 1992 ou vers cette époque; et sixièmement, les sévices de
18 détenus musulmans au camp de détention d'Uzamnica entre le mois d'août 1992
19 et le mois d'octobre 1994.
20 Sredoje Lukic est accusé d'avoir commis ou aidé et encouragé à commettre
21 les crimes de persécution, meurtre, extermination, traitement cruel et
22 actes inhumains, en tant que des crimes contre l'humanité et des crimes de
23 guerre, en ce qui concerne trois des six incidents susmentionnés, à savoir
24 : premièrement, le fait d'avoir brûlé vif environ 70 personnes dans la
25 maison d'Adem Omeragic; deuxièmement, le fait d'avoir brûlé vif
26 approximativement 70 civils musulmans dans la maison de Meho Aljic;
27 troisièmement, le fait d'avoir infligé des sévices à des détenus musulmans
28 au camp de détention d'Uzamnica.
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1 En ce qui concerne l'incident de la rivière Drina, les éléments de
2 preuve montrent que Milan Lukic a chargé dans son véhicule sept Musulmans
3 le 7 juin 1992 et les a ensuite conduits jusqu'à la rivière, près de Sase,
4 où il les a fait aligner sur la rive. Milan Lukic n'a tenu aucun compte des
5 supplications de ceux qui lui demandaient de les laisser en vie et a dit à
6 ses soldats de tirer sur ces hommes, de les tuer d'une seule balle. Lui-
7 même et ses soldats ont ensuite tiré dans le dos de ces hommes en tuant
8 certains sur le coup et en continuant à tirer des coups supplémentaires sur
9 les corps de ceux qu'ils croyaient être encore en vie. Cinq hommes ont
10 péri. Seuls Témoins VG-014 et VG-032, qui tous deux ont déposé devant la
11 Chambre de première instance, ont survécu en faisant semblant d'être morts.
12 En ce qui concerne l'incident de l'usine de Varda, le dossier montre que le
13 10 juin 1992 ou vers cette date, Milan Lukic a pénétré dans l'usine de
14 Varda et a raflé sept Musulmans de leur lieu de travail, après quoi il les
15 a emmenés à la rive de la Drina, en face de l'usine, où il les a fait
16 aligner. Alors Milan Lukic a tiré sur ces hommes sous les yeux d'un certain
17 nombre de personnes qui pouvaient tout voir, y compris l'épouse et la fille
18 de l'une des victimes, Ibrisim Memisevic. Les sept hommes ont tous été
19 tués.
20 Des éléments de preuve considérables ont été reçus concernant l'incident de
21 la rue Pionirska. Ces éléments montrent qu'un groupe d'environ 70 Musulmans
22 civils, dont la plupart étaient originaires du village de Koritnik et
23 comprenaient de nombreux membres de la famille Kurspahic, ont été emmenés
24 par un groupe de Serbes armés à la maison de Jusuf Memic dans la rue
25 Pionirska, où tous ont été dérobés sous la menace d'armes à feu. Des femmes
26 et certains enfants ont ensuite été fouillés au corps, après quoi plusieurs
27 femmes ont été emmenées, lesquelles ont dit, lorsqu'elles ont été ramenées
28 à la maison, qu'elles avaient été violées. Plus tard dans la soirée, le
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1 groupe de victimes a été transféré à la maison voisine d'Adem Omeragic où
2 ils ont été enfermés dans une pièce du rez-de-chaussée de la maison. Il est
3 démontré que les tapis de la pièce avaient été préparés avec une substance
4 accélérante. Après un certain temps, un engin explosif allumé a été mis
5 dans la pièce et a déclenché un feu intense lorsqu'il a explosé. Tandis que
6 les victimes essayaient de s'échapper des flammes par les deux fenêtres de
7 cette pièce, des hommes armés à l'extérieur de la maison leur ont tiré
8 dessus. D'autres engins explosifs ont aussi été jetés dans la pièce. Les
9 Témoins VG-078 et VG-101, qui se cachaient tout près de là, ont pu entendre
10 les coups de feu venant de la maison d'Adem Omeragic. VG-101 a dit à VG-078
11 :
12 "Ils sont en train de tuer notre mère, notre belle-mère et les deux enfants
13 de notre frère. Ils n'avaient fait aucun mal."
14 Seule une poignée de personnes a survécu, et tous ceux qui sont encore en
15 vie sont venus déposer devant la Chambre de première instance. Mais 59
16 personnes ont été brûlées vives.
17 La Défense de Milan Lukic a contesté le fait même qu'il y ait eu un
18 incendie dans la maison d'Adem Omeragic en faisant déposer un certain
19 nombre d'experts qui ont visité les lieux en janvier 2009. La Chambre de
20 première instance a souscrit au point de vue des experts selon lequel plus
21 l'enquête sur les lieux est retardée, moins fiables sont les conclusions
22 que l'on peut en tirer.
23 Etant contre-interrogés par l'Accusation, les experts ont nuancé leurs
24 conclusions à un tel point que cela a rendu leurs conclusions générales
25 pratiquement dénuées de fondement, y compris le fait qu'ils ont reconnu
26 qu'un incendie aurait pu avoir lieu et qu'un engin explosif avait explosé
27 dans la maison d'Adem Omeragic. En conséquence, la Chambre de première
28 instance a accordé peu de poids à leurs dépositions.
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1 Sur la base de l'acceptation par la Chambre de première instance dans
2 l'affaire Vasiljevic de l'alibi de Mitar Vasiljevic en ce qui concerne
3 l'incident de la rue Pionirska, la Défense de Milan Lukic a également
4 contesté la crédibilité d'un certain nombre de témoins présentés par
5 l'Accusation qui se rappelaient avoir vu Mitar Vasiljevic sur les lieux. Au
6 vu du dossier présenté dans la présente espèce, la Chambre de première
7 instance, à la majorité, le Juge Robinson étant d'une opinion dissidente, a
8 conclu que Mitar Vasiljevic était, en fait, présent rue Pionirska lorsque
9 les personnes ont été volées dans la maison de Jusuf, au moment où elles
10 ont été transférées et au moment où il y a eu le trajet vers la maison
11 d'Adem Omeragic et son incendie.
12 Les éléments de preuve démontrent que Milan Lukic se trouvait à l'intérieur
13 de la maison de Jusuf Memic et qu'il a volé les victimes de leurs objets de
14 valeur. Il était présent et armé lorsque les fouilles corporelles ont eu
15 lieu. Il a aussi participé au fait d'emmener un certain nombre de femmes de
16 la maison qui auraient été violées. Milan Lukic a participé au transport
17 des victimes jusqu'à la maison d'Adem Omeragic, et le dossier démontre que
18 c'est lui qui a verrouillé la porte une fois que le groupe s'est trouvé à
19 l'intérieur de la pièce. La Chambre de première instance a également conclu
20 que c'est Milan Lukic qui a placé l'engin explosif dans la pièce, plongeant
21 ainsi la maison dans les flammes. De plus, la Chambre de première instance
22 a conclu qu'il tirait devant les fenêtres de la maison et qu'il a tiré sur
23 VG-013 et l'a blessée lorsque ce témoin prenait la fuite.
24 Le dossier démontre que Sredoje Lukic, policier à Visegrad, était
25 également présent et armé à la maison de Jusuf Memic, y compris lorsque les
26 victimes ont été volées et fouillées au corps à l'intérieur de la maison et
27 lorsque les femmes ont été emmenées de la maison. La Chambre de première
28 instance a conclu qu'il était également présent pendant le trajet jusqu'à
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1 la maison d'Adem Omeragic. Toutefois, alors que la Chambre de première
2 instance a conclu qu'il n'y avait pas de preuve fiable que Sredoje Lukic
3 ait incendié la maison d'Adem Omeragic ou ait tiré aux fenêtres sur les
4 personnes qui essayaient de s'échapper, la Chambre a néanmoins, le Juge
5 Robinson étant d'une opinion dissidente, conclu que par sa présence et le
6 fait qu'il était armé, Sredoje Lukic a contribué de façon substantielle à
7 la mort des 59 personnes qui étaient enfermées dans cette maison. La
8 Chambre de première instance a conclu que Sredoje Lukic avait aidé et
9 encouragé à commettre les traitements cruels et les actes inhumains qui ont
10 été commis contre les membres de ce groupe.
11 L'autre incident faisant objet de l'acte d'accusation dans lequel des
12 Musulmans civils ont été brûlés vifs a eu lieu à la maison de Meho Aljic à
13 Bikavac. Zehra Turjacanin a déposé en ce qui concerne cet incident. Elle
14 est apparue comme une protagoniste triste et tragique, mais héroïque.
15 Handicapée de façon permanente à la suite de ces événements et marquée pour
16 la vie, elle a rompu tous ses liens avec son ancienne patrie. Sa
17 déposition, ainsi que les dépositions d'autres témoins, montre que Milan
18 Lukic et d'autres hommes armés ont forcé un groupe d'environ 70 Musulmans à
19 s'entasser de force dans la maison de Meho Aljic, et les ont enfermés à
20 l'intérieur. Toutes les issues avaient été bloquées par du mobilier très
21 lourd et une porte de garage avait aussi été placée contre une porte pour
22 empêcher toute fuite. Des coups de feu ont été tirés sur la maison et des
23 grenades ont été jetées à l'intérieur, ce qui a incendié la maison. Les
24 Témoins VG-058 et VG-035 se rappellent encore comme s'ils y étaient les
25 cris affreux des personnes qui se trouvaient dans la maison, et je les
26 cite, "comme les hurlements de chats." La Chambre de première instance a
27 constaté qu'au moins 60 Musulmans ont été brûlés vifs.
28 La Défense de Milan Lukic a également contesté que l'incendie de
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1 Bikavac ait eu lieu par le truchement de ses experts. Pour les motifs
2 énoncés précédemment, la Chambre de première instance n'a accordé que peu
3 de poids à ces dépositions en ce qui concerne l'incendie de Bikavac. Elle
4 n'a attribué aucun poids à la déposition de l'expert psychologue de la
5 Défense George Hough, qui a fourni des opinions sur la déposition de Zehra
6 Turjacanin, unique survivante de l'incident, sans avoir eu le moindre
7 contact avec elle. La Défense a également contesté la crédibilité de Zehra
8 Turjacanin parce qu'au cours de la période qui a suivi immédiatement le
9 moment où elle a échappé au feu, elle a donné diverses explications à des
10 soldats serbes et à un médecin concernant la façon dont elle avait subi ces
11 horribles brûlures. La Chambre de première instance a conclu que ces
12 explications différentes ne jettent pas un doute sur la déposition de Zehra
13 Turjacanin.
14 La Chambre de première instance est convaincue que Milan Lukic était
15 présent et armé pendant tout l'incident. Il s'est servi de la crosse de son
16 fusil pour pousser les gens dans la maison en disant : "Allons, faisons
17 entrer le plus de gens possible à l'intérieur." Après avoir enfermé les
18 victimes à l'intérieur, il a tiré sur la maison, jeté des grenades dans la
19 maison, et a ensuite incendié la maison en utilisant de l'essence.
20 Toutefois, en ce qui concerne la présence de Sredoje Lukic au cours de
21 l'incident, la Chambre de première instance, à la majorité, le Juge David
22 étant d'une opinion dissidente, a estimé que la déposition de Zehra
23 Turjacanin ne lui permettait pas de se prononcer de façon concluante. En
24 conséquence, la Chambre de première instance, par la majorité, le Juge
25 David étant d'une opinion dissidente, n'est pas convaincue que Sredoje
26 Lukic était présent à l'incident de Bikavac.
27 En ce qui concerne le meurtre de Hajra Koric, le dossier montre que
28 Milan Lukic a cherché Hajra Koric dans un groupe de femmes et d'enfants qui
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1 cherchaient à s'enfuir. Lorsque Milan Lukic l'a trouvée, il l'a séparée des
2 autres et l'a tuée à bout portant. Il riait lorsqu'il a retourné son corps
3 du pied et lui a tiré dans le dos.
4 En ce qui concerne le camp d'Uzamnica, le dossier montre qu'à la fois
5 Milan Lukic et Sredoje Lukic se rendaient en visites opportunistes au camp,
6 quoique Sredoje Lukic y soit venu moins fréquemment que Milan Lukic.
7 Lorsqu'ils étaient au camp, à la fois Milan Lukic et Sredoje Lukic ont
8 brutalisé à coups de pied et frappé les détenus de leurs poings, avec des
9 matraques, avec des bâtons et avec des crosses de fusil. Plusieurs victimes
10 ont déposé devant la présente Chambre d'instance au sujet de ces brutalités
11 et des graves blessures infligées et des blessures permanentes qu'ils ont
12 subies et des souffrances qu'ils ont endurées.
13 Milan Lukic a présenté une défense d'alibi pour les incidents
14 suivants, la rivière Drina, l'usine de Varda, la rue Pionirska, Bikavac, et
15 le camp d'Uzamnica. Les alibis présentés pour les incidents de la rivière
16 Drina et l'usine de Varda font état du fait que Milan Lukic se soit trouvé
17 à Belgrade et à Novi Pazar, en Serbie, du 7 au 10 juin 1992. La Chambre de
18 première instance a conclu que l'alibi allégué comporte de nombreuses
19 contradictions frappantes, la Chambre a estimé que la déposition de deux
20 témoins-clés, à savoir MLD1 et MLD10, manque de crédibilité. Le Témoin
21 MLD10 est venu déposer également pour étayer la défense d'alibi pour
22 l'incident de Bikavac, à savoir qu'à la fin du mois de juin 1992, Milan
23 Lukic s'est trouvé à Rujiste pour une période de trois ou quatre jours. A
24 cet égard, la Chambre de première instance est arrivée à la conclusion que
25 la déposition du Témoin MLD10 était entièrement dénuée de fiabilité. Ce qui
26 remet en particulier la question de la crédibilité du Témoin MLD10, c'est
27 la déposition crédible et fiable de Hamdija Vilic disant que MLD10 a reçu
28 une rémunération en échange d'un faux témoignage.
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1 L'alibi présenté par Milan Lukic pour l'incident survenu rue
2 Pionirska consiste à dire la chose suivante : du 13 au 15 juin 1992, il
3 aurait été déployé en tant que policier de réserve à Kopito. La Chambre de
4 première instance a conclu que les dépositions des témoins fondamentaux eu
5 égard à la défense d'alibi dans son ensemble, à savoir MLD4, MLD7 et Goran
6 Djeric, présentent des divergences sur des points-clés eu égard à la
7 défense d'alibi. La Chambre de première instance a conclu, en outre, que
8 les dépositions des Témoins MLD4 et Goran Djeric étaient sans fiabilité.
9 Peu de preuves ont été présentées pour étayer la défense d'alibi pour
10 les actes reprochés comme s'étant produits au camp de détention d'Uzamnica.
11 D'après ces témoignages, Milan Lukic aurait été en prison lui-même pendant
12 une partie de la période pertinente. La Chambre de première instance a
13 conclu que le placement en détention de Milan Lukic pendant une certaine
14 période au printemps 1993 et peut-être en 1994 n'a pas d'incidence sur la
15 preuve montrant qu'il aurait infligé des sévices aux détenus, puisque cela
16 ne correspond pas à la même période de temps.
17 Sredoje Lukic a présenté une défense d'alibi pour les incidents
18 survenus rue Pionirska et dans le quartier de Bikavac. A la lumière de ces
19 décisions prises à la majorité des voix, à savoir que l'Accusation n'a pas
20 démontré au-delà de tout doute raisonnable que Sredoje Lukic était présent
21 pendant l'incident de Bikavac, la Chambre de première instance n'a pas
22 dégagé de conclusion eu égard à l'alibi pour l'incident de Bikavac.
23 S'agissant maintenant de l'alibi pour l'incident survenu rue
24 Pionirska, à savoir que Sredoje Lukic aurait rencontré Veroljub Zivkovic et
25 Branimir Bugarski à Obrenovac en Serbie, dans la soirée du 14 juin 1992, la
26 Chambre de première instance a estimé que certains aspects de la preuve
27 présentée manquent de plausibilité et que la déposition de Veroljub
28 Zivkovic, un témoin-clé, n'est ni crédible ni fiable.
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1 Pour chacun des incidents au sujet desquels il y a eu présentation
2 d'une défense d'alibi, la Chambre de première instance s'est penchée sur
3 l'ensemble de la preuve, autrement dit, sur les éléments de preuve
4 présentés par l'Accusation ainsi que sur les éléments de preuve présentés
5 par la Défense. La Chambre est arrivée à la conclusion que l'alibi ne peut
6 raisonnablement être vrai. En particulier, la Chambre de première instance
7 a rejeté l'alibi invoqué pour les incidents survenus à la rivière Drina et
8 à l'usine de Varda en estimant qu'il s'agit d'un artifice présenté
9 cyniquement et sans pitié. La Chambre de première instance a conclu que
10 l'Accusation a démontré au-delà de tout doute raisonnable les chefs
11 d'accusation tels que cités à l'acte d'accusation.
12 Un très grand nombre de preuves ont été citées au sujet d'autres crimes qui
13 ont été commis à Visegrad pendant la période couverte par l'acte
14 d'accusation, y compris des meurtres, des viols et des sévices infligés,
15 dont certains auraient été commis par Milan Lukic et Sredoje Lukic. Une
16 partie significative de ces éléments de preuve, y compris plusieurs
17 incidents de viol, ont été présentés par l'Accusation afin de réfuter les
18 défenses d'alibi présentées. Puisque Milan Lukic et Sredoje Lukic ne se
19 voient pas reprochés des crimes quels qu'ils soient et qui auraient été
20 commis lors de ces incidents, la Chambre de première instance n'a dégagé
21 aucune conclusion sur leur éventuelle culpabilité eu égard à ces incidents.
22 En l'espèce, le fait que Milan Lukic et Sredoje Lukic aient commis des
23 crimes caractérisés par l'indifférence et une action sans-cœur et haineuse
24 à l'égard de la vie humaine, la Chambre de première instance est arrivée à
25 la conclusion que Milan Lukic a tué en personne au moins 132 Musulmans. Au
26 début du mois de juin 1992 et en l'espace de quelques jours, Milan Lukic a
27 exécuté, de manière sommaire, 12 hommes musulmans à la rivière Drina. Il a
28 fait cela avec indifférence et de manière intentionnelle. Il a commis le
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1 meurtre de sang-froid de Hajra Koric d'une manière désinvolte et cavalière.
2 En se rendant au camp Uzamnica pour y effectuer des visites opportunistes,
3 tant Milan Lukic que Sredoje Lukic ne s'y rendaient pour aucune autre
4 raison, si ce n'est pour brutaliser les détenus. Même si Sredoje Lukic est
5 venu dans ce camp moins souvent que Milan Lukic, les deux accusés ont roué
6 de coups les détenus avec une brutalité extraordinaire et leur ont infligé
7 ainsi des blessures graves et permanentes.
8 La Chambre de première instance a conclu que Milan Lukic a joué un rôle
9 dominant, à la fois dans l'incident survenu dans la rue Pionirska que dans
10 celui de Bikavac. Lors de ces incidents, 59 et au moins 60 personnes,
11 respectivement, ont été brûlées vives. Même si Sredoje Lukic n'a pas
12 personnellement incendié la maison d'Adem Omeragic, il savait ce qui allait
13 advenir des victimes qu'il a aidées à mener vers la maison d'Adem Omeragic.
14 La Chambre de première instance estime que l'incendie de la rue Pionirska
15 ainsi que l'incendie de Bikavac constituent des exemples de pires actes
16 inhumains qu'un individu puisse commettre contre un autre. Dans la trop
17 longue et malheureuse histoire d'actes inhumains commis dans l'histoire de
18 l'humanité, les incidents de la rue Pionirska et l'incendie de Bikavac
19 doivent être inscrits parmi les actes les plus graves. A la fin du XXe
20 siècle, un siècle marqué par la guerre et le bain de sang sur une très
21 grande échelle, ces événements atroces se caractérisent par la très grande
22 brutalité des incendies commis par l'évidente préméditation qui les marque
23 par le manque de pitié, la brutalité consistant à mener des victimes, les
24 piéger et les enfermer dans les deux maisons en les rendant impuissantes
25 face à l'enfer qui va s'ensuivre, et également par le degré de souffrance
26 infligé aux victimes qui sont brûlées vives. Effacer toute trace de
27 victimes individuelles représente un acte de cruauté unique qui doit
28 augmenter la gravité que l'on attribue à ces crimes.
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1 Milan Lukic et Sredoje Lukic se voient reprochés d'avoir commis
2 l'acte de persécution en commettant les actes qui sont à la base du présent
3 acte d'accusation. La Chambre de première instance a conclu que Milan Lukic
4 a été mené par l'intention discriminatoire lorsqu'il a commis les actes à
5 la base de cet acte d'accusation. La Chambre de première instance également
6 conclu que Sredoje Lukic a agi avec intention discriminatoire lorsqu'il a
7 aidé et encouragé que des actes à la base de cet acte d'accusation soient
8 commis. Le Juge Robinson étant d'une opinion dissidente, la Chambre de
9 première instance est arrivée à la conclusion que les actes à la base de
10 l'acte d'accusation consistent en transférant à peu près 70 civils
11 musulmans à la maison d'Adem Omeragic et leur détention et meurtre dans
12 cette maison pendant l'incident de la rue Pionirska.
13 La Chambre de première instance est arrivée à la conclusion que Milan
14 Lukic est coupable en l'application de l'article 7(1) du Statut de ce
15 Tribunal en ayant commis des persécutions, un crime contre l'humanité, chef
16 1; d'avoir commis l'assassinat, crime contre l'humanité, chef 2; meurtre,
17 violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 3; actes inhumains, un
18 crime contre l'humanité, chef 4; traitement cruel, violation des lois ou
19 coutumes de la guerre, chef 5; assassinat, crime contre l'humanité, chef 6;
20 meurtre, violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 7; assassinat --
21 meurtre, violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 10; actes
22 inhumains, crime contre l'humanité, chef 11; traitement cruel, violation
23 des lois ou coutumes de la guerre, chef 12; meurtre, violation des lois ou
24 coutumes de la guerre, chef 15; actes inhumains, crime contre l'humanité,
25 chef 16; traitement cruel, violation des lois ou coutumes de la guerre,
26 chef 17; assassinat, crime contre l'humanité, chef 18; meurtre, violation
27 des lois ou coutumes de la guerre, chef 19; actes inhumains, crime contre
28 l'humanité, chef 20; et traitement cruel, violation des lois ou coutumes de
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1 la guerre, chef 21.
2 La Chambre de première instance, à la majorité des voix, le Juge Van
3 Den Wyngaert étant d'une opinion dissidente, déclare Milan Lukic coupable
4 en application de l'article 7(1) du Statut pour avoir commis :
5 extermination, un crime contre l'humanité, chef 8; et extermination, un
6 crime contre l'humanité, chef 13.
7 La Chambre de première instance condamne Milan Lukic à la prison à
8 vie. En application de l'article 101(C), Milan Lukic a le droit qu'on
9 déduise le temps qu'il a déjà passé en détention à la date d'aujourd'hui,
10 cela représente 1 443 jours, et que toute période additionnelle qu'il
11 passera en détention, en attendant un arrêt d'appel ou une procédure
12 éventuelle, sera également déduite. Cette information est fournie pour
13 répondre à une situation où elle serait nécessaire dans le cadre de toute
14 procédure future éventuelle. En application de l'article 103(C), Milan
15 Lukic sera placé sous la garde du Tribunal en attendant que soient
16 finalisées les dispositions relatives à son transfèrement à l'Etat où il
17 purgera sa peine.
18 La Chambre de première instance, à la majorité des voix, le Juge
19 David étant d'une opinion dissidente, déclare Sredoje Lukic non coupable
20 des chefs suivants : chef 8, extermination, un crime contre l'humanité;
21 chef 13, extermination, un crime contre l'humanité; chef 14, assassinat, un
22 crime contre l'humanité; chef 15, meurtre, une violation des lois ou
23 coutumes de la guerre; chef 16, actes inhumains, un crime contre
24 l'humanité; chef 17, traitement cruel, une violation des lois ou coutumes
25 de la guerre.
26 La Chambre de première instance déclare Sredoje Lukic coupable en
27 application de l'article 7(1) du Statut d'avoir commis : des actes
28 inhumains, un crime contre l'humanité, chef 20; et de traitement cruel, une
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1 violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 21.
2 La Chambre de première instance déclare Sredoje Lukic coupable en
3 application de l'article 7(1) du Statut de ce Tribunal d'avoir aidé et
4 encouragé les persécutions, un crime contre l'humanité, chef 1; des actes
5 inhumains, un crime contre l'humanité, chef 11; le traitement cruel, une
6 violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 12.
7 La Chambre de première instance, à la majorité des voix, le Juge
8 Robinson étant d'une opinion dissidente, déclare Sredoje Lukic coupable en
9 application de l'article 7(1) du Statut pour avoir aidé et encouragé :
10 l'assassinat, un crime contre l'humanité, chef 9; meurtre, une violation
11 des lois ou coutumes de la guerre, chef 10.
12 La Chambre de première instance condamne Sredoje Lukic à une peine de
13 30 ans de prison. En application de l'article 101(C), Sredoje Lukic a le
14 droit que l'on déduise le temps qu'il a déjà passé en détention de la peine
15 de prison ci-dessus mentionnée, aujourd'hui cette période se monte à 1 404
16 jours, et que l'on déduise toute période supplémentaire qu'il aura passée
17 en détention dans le cadre d'une procédure d'appel. En application de
18 l'article 103(C), Sredoje Lukic sera placé sous la garde du Tribunal en
19 attendant que soient finalisées les dispositions relatives à son
20 transfèrement à l'Etat où il purgera sa peine.
21 L'audience est levée.
22 --- L'audience est levée à 16 heures 14.
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