LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

AFFAIRE n° IT-95-9

 

LE PROCUREUR DU TRIBUNAL

CONTRE

BLAGOJE SIMIC
MILAN SIMIC
MIROSLAV TADIC
SIMO ZARIC

 

QUATRIÈME ACTE D'ACCUSATION MODIFIÉ

Le Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 18 du Statut du Tribunal, accuse :

Blagoje SIMIC
Milan SIMIC
Miroslav TADIC
Simo ZARIC

des CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ, des INFRACTIONS GRAVES AUX CONVENTIONS DE GENÈVE de 1949 et des VIOLATIONS DES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE exposés ci-dessous :

LES ACCUSÉS

1. Blagoje SIMIC, né en 1960, est un médecin originaire de Kruskovo Polje, municipalité de Bosanski Samac. De 1991 à 1995, il a présidé le Parti démocratique serbe (SDS) à Bosanski Samac. De 1991 au 17 avril 1992, il était également Vice-Président de l’assemblée municipale et du 4 novembre 1991 au 30 novembre 1992 au moins, membre de l'assemblée de la «Région autonome serbe de la Bosnie du nord» autoproclamée, appelée par la suite «Province autonome serbe de Semberija et Majevica», de la «République serbe de Bosnie-Herzégovine». Le 17 avril 1992 ou vers cette date, Blagoje SIMIC a été nommé Président de la Cellule de crise serbe de la «Municipalité serbe de Bosanski Samac». Le 21 juillet 1992 ou vers cette date, la Cellule de crise a été rebaptisée «Présidence de guerre de la Municipalité serbe de Bosanski Samac» et Blagoje SIMIC en a été nommé Président. Le 22 janvier 1993 ou vers cette date, Blagoje SIMIC a été élu Président de «l’assemblée municipale de Samac», poste qu’il occupait toujours après la publication de l’acte d’accusation initial en l’espèce. Dans tous les postes qu’il a occupés depuis le 17 avril 1992 environ et à toutes les périodes visées par le présent acte d’accusation, Blagoje SIMIC occupait le rang le plus élevé dans la hiérarchie civile de la municipalité de Bosanski Samac.

2. Milan SIMIC, né le 9 août 1960 à Sarajevo, est économiste de formation ; il a travaillé pour diverses entreprises à Bosanski Samac. Lors de la prise de Bosanski Samac par la force, il était membre du Quatrième détachement, une unité de la défense territoriale organisée par la JNA. Le 30 mai 1992, Milan SIMIC a été nommé Président du Conseil exécutif de l’assemblée de Bosanski Samac et il est devenu membre de la Cellule de crise serbe. En tant que Président du Conseil exécutif, Milan SIMIC était chargé des affaires administratives de la municipalité, y compris la mise en oeuvre du plan social et du budget annuel, l’établissement des rapports financiers et le contrôle de l’habitat et de l’urbanisme au plan municipal, ainsi que de la mise en oeuvre des mesures, décisions et autres règlements de la Cellule de crise serbe et de la Présidence de guerre. Milan SIMIC a quitté ce poste le 24 juin 1993 ou vers cette date, après avoir été gravement blessé par balle au cours d’une tentative d’assassinat.

3. Miroslav TADIC, alias Miro Brko, né le 12 mai 1937 dans le village de Novi Grad, municipalité d’Odzak, a enseigné dans le secondaire et a ensuite été tenancier du café "AS" à son domicile de Bosanski Samac. En 1991, Miroslav TADIC est devenu membre du Quatrième détachement, une unité de la défense territoriale organisée par la JNA. En tant que commandant adjoint chargé de la logistique, il travaillait en étroite collaboration avec Simo ZARIC, dans le cadre de leurs rôles respectifs au sein du Quatrième détachement. Après le 17 avril 1992, Miroslav TADIC, devenu Président de la «Commission d’échanges» de Bosanski Samac, était chargé de l’organisation et de l’exécution de la majorité des soi-disant «échanges» de prisonniers dans le cadre desquels des civils non serbes étaient expulsés de leurs domiciles. Il est resté membre de la Commission d'échanges au moins jusqu’en 1995. À l’époque où il présidait cette Commission, Miroslav TADIC était aussi membre de la Cellule de crise serbe.

4. Simo ZARIC, alias Solaja, né le 25 juillet 1948, dans le village de Trnjak, municipalité d’Odzak, est un ancien chef de la police de Bosanski Samac et ancien agent de renseignement du Service de sécurité de l’État (SDB). En 1991, Simo ZARIC a commencé à organiser et à superviser une unité de défense territoriale parrainée par la JNA, connue d’abord sous le nom de Quatrième Détachement et plus tard rebaptisée 5e Bataillon de la 2e Brigade de Posavina. À la création du Quatrième détachement, Simo ZARIC en a été nommé «Commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance, du moral et de l’information». Le 29 avril 1992, Simo ZARIC a été nommé «Chef du service de sécurité nationale» de Bosanski Samac par la Cellule de crise serbe. Après la prise de pouvoir serbe à Odzak en juillet 1992, la Cellule de crise de Bosanski Samac a nommé Simo ZARIC aux fonctions d’«Adjoint au président du conseil de guerre, chargé de la sécurité» pour la municipalité d’Odzak. Dans ces postes de responsabilité, Simo ZARIC rendait directement compte à la Cellule de crise serbe de Bosanski Samac et en recevait des ordres. Le 1er septembre 1992, Simo ZARIC a été nommé «Commandant adjoint de la 2e Brigade de Posavina, chargé du moral et de l’information» au sein de l’Armée serbe de Bosnie. Entre avril et juillet 1992, Simo ZARIC a travaillé avec Miroslav TADIC à l’organisation de soi-disant «échanges» de prisonniers, dans le cadre desquels des civils non serbes étaient expulsés de leurs domiciles. Simo ZARIC est demeuré membre de l’Armée serbe de Bosnie jusqu’en 1995.

RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE

5. Chacun des accusés susmentionnés est individuellement responsable des crimes qui lui sont reprochés dans le présent acte d’accusation, en application de l’article 7 1) du Statut du Tribunal. La responsabilité pénale individuelle comprend le fait de planifier, inciter à commettre, ordonner, commettre ou de toute autre manière aider et encourager à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 5 du Statut du Tribunal.

ALLÉGATIONS JURIDIQUES DE PORTÉE GÉNÉRALE

6. Sauf indication contraire, tous les actes et omissions allégués dans le présent acte d'accusation se sont déroulés entre septembre 1991 environ et le 31 décembre 1993 environ, en République de Bosnie-Herzégovine, sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

7. Pendant toute la période couverte par le présent acte d'accusation, la République de Bosnie-Herzégovine était le théâtre d'un conflit armé et d'une occupation partielle.

8. Pendant toute la période couverte par le présent acte d'accusation, toutes les victimes mentionnées dans le présent document étaient protégées par les Conventions de Genève de 1949.

9. Toutes les personnes incriminées dans le présent acte d’accusation étaient tenues de respecter les lois et coutumes régissant la conduite de la guerre, y compris les Conventions de Genève de 1949.

10. Tous les actes et omissions qualifiés de crimes contre l'humanité s’inscrivaient dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre les civils croates et musulmans de Bosnie habitant dans les municipalités de Bosanski Samac et Odzak.

11. Dans chacun des paragraphes reprochant aux accusés des actes de torture, lesdits actes ont été commis par un agent de l’État ou une personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement, dans l’un au moins des buts suivants : obtenir des informations ou des aveux d'une victime ou d'un tiers ; punir la victime pour un acte qu’elle-même ou un tiers a commis ou est soupçonné d'avoir commis ; intimider ou contraindre la victime ou un tiers ; et/ou pour toute autre raison fondée sur une forme quelconque de discrimination.

12. Les paragraphes 6 à 11 sont repris et intégrés dans chacune des accusations exposées ci-après.

ACCUSATIONS

CHEF D'ACCUSATION 1
(Persécutions)

13. À partir de septembre 1991 environ et jusqu’au 31 décembre 1993 au moins, Blagoje SIMIC, Milan SIMIC, Miroslav TADIC et Simo ZARIC, agissant de concert et avec d’autres responsables civils et militaires serbes, ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime contre l’humanité : la persécution de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, dans les municipalités de Bosanski Samac et Odzak, et ailleurs sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

14. Lesdites persécutions ont été perpétrées, exécutées et réalisées par ou grâce aux moyens suivants :

a. la prise, par les forces serbes, de villes et villages habités par des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes ;

b. l’arrestation, la détention et l’emprisonnement illégaux de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et non pour leur protection et leur sécurité ;

c. les traitements cruels et inhumains infligés à des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi qu’à d’autres civils non serbes, y compris des sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines ;

d. la déportation, le transfert et l'expulsion de leurs maisons et villages par la force, l’intimidation et la coercition de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes ;

e. la destruction et le pillage, sans motif et à grande échelle, des biens de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, y compris les habitations, les commerces, les biens privés et le bétail ;

f. la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à savoir deux églises catholiques, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et janvier 1993, et l’autre dans le village de Hrvatska Tisina, approximativement entre avril 1992 et août 1992, et deux mosquées, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et novembre 1992, et l’autre dans la ville d’Odzak, approximativement en juillet 1992.

15. À partir du 17 avril 1992 environ et jusqu’au 31 décembre 1993 au moins, à la fois avant et durant son mandat de Président de la Cellule de crise serbe de Bosanski Samac et de Président de la Présidence de guerre, Blagoje SIMIC, agissant de concert avec d’autres, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les persécutions décrites aux paragraphes 13 et 14 ci-dessus, du fait, notamment, de sa participation aux actes et omissions suivants :

a. la prise de la municipalité de Bosanski Samac par les forces serbes ;

b. l’émission d’ordres, de mesures, de décisions et autres dispositions réglementaires au nom de la Cellule de crise serbe et de la Présidence de guerre et l’autorisation d’autres actions officielles qui enfreignaient le droit des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes à un traitement égal devant la loi et qui les privaient de leurs droits fondamentaux ;

c. l’arrestation, la détention et l’emprisonnement illégaux de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et non pour leur protection et leur sécurité ;

d. les traitements cruels et inhumains infligés à des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi qu’à d’autres civils non serbes, y compris des sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines ;

e. la déportation, le transfert forcé et l'expulsion de leurs maisons et villages, par la force, l’intimidation et la coercition, de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes ;

f. la destruction et le pillage, sans motif et à grande échelle, des biens de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, y compris les habitations, les commerces, les biens privés et le bétail ;

g. la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à savoir deux églises catholiques, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et janvier 1993, et l’autre dans le village de Hrvatska Tisina, approximativement entre avril 1992 et août 1992, et deux mosquées, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et novembre 1992, et l’autre dans la ville d’Odzak, approximativement en juillet 1992.

16. À partir du 17 avril 1992 environ et jusqu’en février 1993, à la fois avant et durant son mandat de Président du Conseil exécutif de l’assemblée de Bosanski Samac et de membre de la Cellule de crise serbe, Milan SIMIC, agissant de concert avec d’autres, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les persécutions décrites aux paragraphes 13 et 14 ci-dessus, du fait, notamment, de sa participation aux actes et omissions suivants :

a. la mise en oeuvre d’ordres, de mesures, de décisions et autres dispositions réglementaires pris par la Cellule de crise serbe et la Présidence de guerre et l’autorisation d’autres actions officielles qui enfreignaient le droit des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes à un traitement égal devant la loi et qui les privaient de leurs droits fondamentaux ;

b. la détention et l’emprisonnement illégaux de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, dans des conditions inhumaines, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses et non pour leur protection et leur sécurité ;

c. la torture et les sévices corporels infligés à des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi qu’à d’autres civils non serbes emprisonnés dans des camps de détention et, notamment, à Hasan Bicic, Muhamad Bicic, Perica Misic, Ibrahim Salkic et Safet Hadzialijagic.

17. À partir de septembre 1991 environ et jusqu’au 31 décembre 1993 au moins, à la fois avant et durant son mandat de membre et de Président de la Commission d’échanges et de membre de la Cellule de crise serbe, Miroslav TADIC, agissant de concert avec d’autres, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les persécutions décrites aux paragraphes 13 et 14 ci-dessus, du fait, notamment de sa participation aux actes et omissions suivants :

a. la prise de la municipalité de Bosanski Samac par les forces serbes ;

b. l’arrestation et l’emprisonnement illégaux de nombreux Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et non pour leur protection et leur sécurité ;

c. les traitements cruels et inhumains infligés à des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi qu’à d’autres civils non serbes, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines ;

d. la déportation, le transfert forcé et l'expulsion de leurs maisons et villages, par la force, l’intimidation et la coercition, de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées ;

e. la destruction et le pillage, sans motif et à grande échelle, des biens de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, y compris les habitations, les commerces, les biens privés et le bétail ;

f. la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à savoir deux églises catholiques, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et janvier 1993, et l’autre dans le village de Hrvatska Tisina, approximativement entre avril 1992 et août 1992, et deux mosquées, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et novembre 1992, et l’autre dans la ville d’Odzak, approximativement en juillet 1992.

18. À partir de septembre 1991 environ et jusqu’au 31 décembre 1992 environ, à la fois avant et durant ses mandats de «Commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance, du moral et de l’information» du Quatrième détachement, de «Chef du service de sécurité nationale» à Bosanski Samac, d’«Adjoint au président du conseil de guerre chargé de la sécurité» à Odzak et de «Commandant adjoint de la 2e Brigade de Posavina, chargé du moral et de l’information», Simo ZARIC, agissant de concert avec d’autres, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les persécutions décrites aux paragraphes 13 et 14 ci-dessus, du fait, notamment, de sa participation aux actes et omissions suivants :

a. la prise de la municipalité de Bosanski Samac par les forces serbes ;

b. l’arrestation et l’emprisonnement illégaux de nombreux Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et non pour leur protection et leur sécurité ;

c. les traitements cruels et inhumains infligés à des Croates et Musulmans de Bosnie ainsi qu’à d’autres civils non serbes, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines ;

d. l’interrogatoire de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, qui avaient été arrêtés et détenus, et le fait de les contraindre à signer de fausses déclarations ;

e. la déportation, le transfert forcé et l’expulsion de leurs maisons et villages, par la force, l’intimidation et la coercition, de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées ;

f. la destruction et le pillage, sans motif et à grande échelle, des biens de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, y compris les habitations, les commerces, les biens privés et le bétail ;

g. la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à savoir deux églises catholiques, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et janvier 1993, et l’autre dans le village de Hrvatska Tisina, approximativement entre avril 1992 et août 1992, et deux mosquées, l’une dans la ville de Bosanski Samac, approximativement entre août 1992 et novembre 1992, et l’autre dans la ville d’Odzak, approximativement en juillet 1992.

19. Par ces actes, Blagoje SIMIC, Milan SIMIC, Miroslav TADIC et Simo ZARIC, agissant de concert et avec d’autres, ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter :

Chef 1 : des persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, CRIME CONTRE L'HUMANITÉ sanctionné par l'article 5h) du Statut du Tribunal.

CHEFS D’ACCUSATION 2 et 3
(Expulsion et transfert)

20. À partir du 17 avril 1992 environ jusqu’au 31 décembre 1993 environ, Blagoje SIMIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter l’expulsion et le transfert illégaux de centaines de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées, de leurs maisons situées dans la municipalité de Bosanski Samac vers d’autres pays ou vers des régions de Bosnie-Herzégovine qui ne se trouvaient pas sous l’autorité des forces serbes.

21. À partir du 17 avril 1992 environ jusqu’au 31 décembre 1993 environ, Miroslav TADIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter l'expulsion et le transfert illégaux de centaines de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées, de leurs maisons situées dans la municipalité de Bosanski Samac vers d'autres pays ou vers des régions de la République de Bosnie-Herzégovine qui ne se trouvaient pas sous l’autorité des forces serbes.

22. À partir du 17 avril 1992 environ et jusqu'au 31 décembre 1992 au moins, Simo ZARIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter l'expulsion et le transfert illégaux de centaines de Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées, de leurs maisons situées dans la municipalité de Bosanski Samac vers d'autres pays ou vers des régions de la République de Bosnie-Herzégovine qui ne se trouvaient pas sous l’autorité des forces serbes.

23. Par ces actes, Blagoje SIMIC, Miroslav TADIC et Simo ZARIC ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter :

Chef 2 : des expulsions, CRIME CONTRE L'HUMANITÉ sanctionné par l'article 5 d) du Statut du Tribunal et

Chef 3 : des expulsions ou transferts illégaux, INFRACTION GRAVE aux Conventions de Genève de 1949 («Infraction grave») sanctionnée par l'article 2 g) du Statut du Tribunal.

CHEFS D’ACCUSATION 4 à 6
(Sévices corporels et tortures infligés à Hasan Bicic, Muhamed Bicic, Perica Misic et Ibrahim Salkic)

24. Une nuit, entre le 10 juin environ et le 3 juillet 1992 environ, dans le couloir du gymnase de l’école primaire de Bosanski Samac, Milan SIMIC, alors qu’il était Président du Conseil exécutif de l’assemblée municipale de Bosanski Samac et membre de la Cellule de crise serbe a, en compagnie d’autres hommes serbes, battu Hasan Bicic, Muhamed Bicic, Perica Misic et Ibrahim Salkic avec différentes armes. Milan SIMIC a donné des coups de pied dans les parties génitales de Hasan Bicic, Muhamed Bicic, Perica Misic et Ibrahim Salkic et tiré un coup de feu au-dessus de leur tête.

25. Par ces actes, Milan SIMIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter :

Chef 4 : un acte de torture, CRIME CONTRE L’HUMANITÉ sanctionné par l'article 5 f) du Statut du Tribunal ;

Chef 5 : des actes inhumains, CRIME CONTRE L'HUMANITÉ sanctionné par l'article 5 i) du Statut du Tribunal ;

Chef 6 : des traitements cruels, VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève.

CHEFS D’ACCUSATION 7 à 9
(Sévices corporels et tortures infligés à Safet Hadzialijagic)

26. Une nuit, vers le mois de juin 1992, dans le couloir du gymnase de l’école primaire de Bosanski Samac, Milan SIMIC, alors qu’il était Président du Conseil exécutif de l’assemblée municipale de Bosanski Samac et membre de la Cellule de crise serbe a, en compagnie d’autres hommes serbes, donné des coups de pied à Safet Hadzialijagic et l’a battu à maintes reprises avec différentes armes. Milan SIMIC a introduit le canon de son arme dans la bouche de Safet Hadzialijagic. Pendant les sévices, les autres Serbes qui accompagnaient Milan SIMIC ont descendu plusieurs fois le pantalon de la victime et ont menacé de lui couper le pénis. Au cours de ces sévices, Milan SIMIC a tiré des coups de feu au-dessus de la tête de Safet Hadzialijagic.

27. Par ces actes, Milan SIMIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter :

Chef 7 : un acte de torture, CRIME CONTRE L'HUMANITÉ sanctionné par l'article 5 f) du Statut du Tribunal ;

Chef 8 : des actes inhumains, CRIME CONTRE L'HUMANITÉ sanctionné par l'article 5 i) du Statut du Tribunal ;

Chef 9 : des traitements cruels, VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève.

ALLÉGATIONS FACTUELLES SUPPLÉMENTAIRES

28. Les municipalités de Bosanski Samac et Odzak se situent sur les bords de la Save, qui marque la frontière nord de la Bosnie-Herzégovine avec la République de Croatie. Ces municipalités se trouvent dans une zone connue sous l’appellation de «Corridor de la Posavina», qui relie, d’ouest en est, la Bosnie-Herzégovine occidentale à la Serbie.

29. En 1991, la Slovénie et la Croatie ayant déclaré leur indépendance de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie (RSFY), les citoyens de la Bosnie-Herzégovine ont dû choisir entre déclarer leur indépendance ou demeurer yougoslaves. La plupart des Croates et Musulmans de Bosnie étaient partisans de l’indépendance, tandis que les Serbes de Bosnie, menés par le SDS (Parti démocratique serbe) et la JNA (Armée populaire yougoslave), voulaient continuer à faire partie de la Yougoslavie.

30. La Bosnie-Herzégovine a déclaré son indépendance de la Yougoslavie le 29 février 1992. Mais, bien avant cette date, le SDS et la JNA ont envisagé l’éventualité d’une guerre, en prévoyant la création de municipalités distinctes contrôlées par les Serbes sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Les États-Unis et les pays de la Communauté européenne ont reconnu la République de Bosnie-Herzégovine en tant qu’État indépendant le 7 avril 1992.

31. Un point important des projets du SDS et de la JNA consistait à établir un contrôle serbe exclusif sur de très larges portions de territoire dans l’ouest, le nord et l’est de la Bosnie-Herzégovine, où vivaient de nombreux Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes. Pour prendre le contrôle de ce territoire, les Serbes de Bosnie projetaient d’isoler et d’expulser autant de non-Serbes que possible, au moyen d’une campagne que l’on connaît maintenant sous l’appellation de «nettoyage ethnique».

32. Les municipalités de Bosanski Samac et Odzak se situant sur la frange nord du «Corridor de la Posavina», leur contrôle était vital pour les Serbes de Bosnie, qui s’efforçaient de créer un couloir sous leur contrôle entre la Serbie à l’est, les Serbes de Krajina en Croatie et d’autres régions de Bosnie-Herzégovine occidentale.

33. Le 29 février 1992, les autorités serbes ont annoncé la formation d’une municipalité distincte, la «Municipalité serbe de Bosanski Samac».

34. Le 17 avril 1992, les forces militaires serbes de Bosnie-Herzégovine et d'autres parties de l'ex-Yougoslavie se sont emparées par la force de la ville de Bosanski Samac et, quelques jours plus tard, elles contrôlaient toute la municipalité de Bosanski Samac. Les Serbes ont ensuite déclaré que l’administration de la municipalité de Bosanski Samac avait été remplacée par la «Municipalité serbe de Bosanski Samac».

35. Avant le 17 avril 1992, la municipalité de Bosanski Samac comptait près de 17 000 Musulmans et Croates de Bosnie, sur une population totale d'environ 33 000 habitants. Suite à la prise du pouvoir par les forces serbes dans la municipalité de Bosanski Samac, la majorité des habitants non serbes s’est enfuie ou a été contrainte de partir, si bien qu’en mai 1995, il restait moins de 300 personnes sur les 17 000 habitants musulmans et croates de Bosnie.

36. Le 13 juillet 1992 ou vers cette date, le Premier Corps de Krajina de l’Armée serbe de Bosnie s’est emparé par la force de la municipalité voisine d’Odzak. Au fur et à mesure de l’avancée des forces militaires serbes sur Odzak, la majorité des habitants non serbes a fui la région. Ceux d’entre eux qui ne s’étaient pas enfuis avant la prise de pouvoir ont fui, ont été tués ou ont été contraints de partir.

37. Avant juillet 1992, la municipalité d’Odzak comptait environ 22 500 Croates et Musulmans de Bosnie, sur une population totale de 30 000 habitants. En novembre 1995, lors de la signature des accords de Dayton, la quasi-totalité des 22 500 habitants croates et musulmans de Bosnie s’étaient enfuis ou avaient été forcés de quitter la municipalité d’Odzak.

38. Immédiatement après s’être emparées par la force de la municipalité de Bosanski Samac, les autorités serbes ont établi la «Cellule de crise de la municipalité serbe de Bosanski Samac» (Cellule de crise serbe), qui remplaçait l’assemblée municipale dûment élue et contrôlait tous les aspects de l’administration municipale. Conformément à leur projet de «nettoyage ethnique», les autorités serbes ont arrêté et détenu un grand nombre d’hommes non serbes, forcé de nombreux non-Serbes à quitter leurs foyers et transféré de nombreux habitants non serbes dans d’autres villages où ils ont été détenus contre leur gré. Elles ont promulgué un certain nombre de lois et règlements discriminatoires à l’égard des non-Serbes, exigé de la plupart d’entre eux qu’ils effectuent des travaux forcés, entrepris, à grande échelle, de piller les biens privés ou commerciaux des non-Serbes, expulsé et déporté un grand nombre d’habitants non serbes et leur ont, de façon générale, imposé des conditions de vie si difficiles et tyranniques, que la plupart des Croates et Musulmans de Bosnie et autres habitants non serbes de la municipalité se sont enfuis ou se sont vus contraints de quitter la région.

39. Après la prise de la municipalité d’Odzak par l’armée, la Cellule de crise serbe de Bosanski Samac a également pris en main le contrôle de l’administration civile de cette municipalité. La plupart des habitants non serbes avaient quitté la municipalité d’Odzak avant la prise du pouvoir par les forces serbes, mais ceux qui étaient restés ont été soumis ŕ des actes de discrimination et d’oppression similaires à ceux imposés aux habitants non serbes de la municipalité de Bosanski Samac. Beaucoup des habitants non serbes qui participaient aux travaux forcés à Bosanski Samac ont reçu l’ordre de prendre part au pillage des biens privés et commerciaux d’habitants non serbes de la municipalité d’Odzak.

40. À partir du 1er septembre 1991 environ et jusqu’au 31 décembre 1993, Blagoje SIMIC, Milan SIMIC, Miroslav TADIC et Simo ZARIC ont, agissant de concert et avec d’autres membres de la Cellule de crise serbe, d’autres organes politiques, municipaux et administratifs, la police et l’armée, commis, planifié, incité à commettre, ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé une campagne de persécutions servant le but commun, à savoir débarrasser les municipalités de Bosanski Samac et Odzak de tous les non-Serbes, et ont, dans l’exécution de ladite campagne, commis d’autres violations graves du droit international humanitaire dirigées contre les Croates et Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes habitant dans les municipalités de Bosanski Samac et Odzak, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Toute référence aux termes «agissant de concert» est limitée au chef 1.

 

Le Procureur
(signature et cachet)
Carla Del Ponte

Fait le 9 janvier 2002
La Haye (Pays-Bas)