Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 2 mai 2003.)

2 (Audience sur requête de la défense de Milan Milutinovic.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 02, sous la présidence du Juge May.)

4 M. le Président (interprétation): Monsieur Shin, hier, nous en sommes

5 arrivés à un moment où vous vouliez passer à huis clos partiel pour

6 aborder un thème. Est-ce que vous souhaitez continuer dans ce sens ou bien

7 aborder un autre thème?

8 M. Shin (interprétation): Non merci, Monsieur le Président; je préfère

9 continuer à huis clos partiel concernant le même thème.

10 (Huis clos partiel à 9 heures 04.)

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24 (Audience publique à 9 heures 10.)

25 M. Shin (interprétation): L'accusation se penche maintenant sur son

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1 troisième point: en ce qui concerne les garanties fournies par la

2 République de Serbie et de l'Etat de Serbie et Monténégro. Je vais

3 commencer par la jurisprudence.

4 En effet, hier beaucoup de choses ont été dites dans ce prétoire, qui

5 déformaient la jurisprudence et le droit du Tribunal. Ceci est peut-être

6 le fruit d'un malentendu quant à la façon d'interpréter la jurisprudence.

7 Ici, il ne s'agit pas d'un rejet catégorique face à des garanties offertes

8 par un Etat quelconque. La jurisprudence de ce Tribunal dit que, même s'il

9 s'agit de garanties solides dignes de foi, il est peut-être possible de

10 s'appuyer sur ces garanties dans certains cas mais pas dans d'autres, même

11 si un même Etat offre ses garanties à différents moments. Je pense plus

12 particulièrement à l'arrêt rendu par la Chambre d'appel dans la demande en

13 vue de liberté provisoire de Mrksic.

14 Paragraphe 9 de cette décision rendue par la Chambre d'appel, il est dit

15 clairement que la fiabilité d'une garantie est à déterminer en fonction

16 des circonstances entourant un cas particulier. A titre d'illustration, la

17 Chambre d'appel a fourni deux exemples.

18 Le premier exemple est une hypothèse où un accusé A se livre de son plein

19 gré au Tribunal, une fois qu'il a reçu notification de son Acte

20 d'accusation, et collabore avec l'accusation d'une façon qui montre qu'il

21 a véritablement l'intention de venir être jugé et subir son procès.

22 Par contraste, la Chambre prend une hypothèse B où vous avez un haut

23 fonctionnaire de l'Etat, un haut dignitaire qui occupe ses fonctions au

24 moment où il aurait commis ces crimes repris dans l'Acte d'accusation et

25 dispose d'informations intéressantes pour le Tribunal s'il était prêt à

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1 collaborer.

2 La Chambre d'appel déclare ceci: "Il est raisonnable qu'une Chambre de

3 première instance se fonde sur des garanties dans la cas de l'accusé A

4 mais pas dans celui de l'accusé B, même si ces garanties doivent venir de

5 la même autorité, du même Etat".

6 Il y a à décanter un principe de cet arrêt. Le voici. A notre avis: c'est

7 l'attitude personnelle de l'accusé qui est à placer au premier plan, qui

8 est le point à considérer en premier lieu au moment où on se penche sur

9 une requête aux fins de mise en liberté provisoire et quand on essaie de

10 voir le poids qu'il faut donner à des garanties données par un Etat.

11 Je vous renvoie à l'audience de la Chambre de première instance n°1, suite

12 à la demande en vue de liberté provisoire de Martic l'année dernière. Le

13 Juge Orie a, dans ce cadre, indiqué que l'attitude d'un accusé est le

14 point essentiel. Il laissait entendre que si l'attitude est positive et si

15 le gouvernement soutenait ceci, si on avait le soutien du gouvernement, ça

16 aiderait la Chambre à statuer. Cependant, le Juge Orie souligne le fait

17 que l'attitude de l'accusé est la première chose à prendre en

18 considération.

19 Hier, un point a été soulevé par M. Caric qui représente l'Etat de Serbie

20 et du Monténégro. Il a présenté des arguments et ceci, en fait, conforte

21 l'attitude adoptée par ce Tribunal sur la question. Il a cité plusieurs

22 cas de personnes qui avaient demandé ici la liberté provisoire et

23 l'avaient obtenue de la part du Tribunal; ceci de la part de diverses

24 Chambres de première instance du Tribunal. Les garanties de l'Etat, en

25 fait, ont été prises en compte. Ce fut le cas de Mme Plavsic, de M.

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1 Miodrag Jokic, de M. Talic, de Pavle Strugar et de M. Gruban.

2 Par conséquent, il est clair qu'on ne rejette pas tout de go les garanties

3 fournies par un Etat, mais nous estimons qu'il faut opérer un distinguo

4 entre les affaires ou cas où l'on s'est fondé sur les garanties données

5 par un Etat et ceux où ce n'était pas le cas. Et je crois que la

6 distinction est très claire.

7 Dans les cas cités, le Tribunal a constaté que l'accusé s'était livré

8 quelques jours quelquefois, voire quelques mois après avoir pris

9 connaissance de l'Acte d'accusation, mais ça n'a jamais été après

10 plusieurs années.

11 Monsieur Caric a présenté d'autres arguments hier, notamment en ce qui

12 concerne l'application et la procédure visée à l'Article 54bis dans une

13 autre affaire. A notre avis, c'est une procédure pertinente en ce qui

14 concerne la présente audience, car cette procédure découle d'une absence

15 ou d'un refus de collaboration, ou tout du moins de difficultés soulevées

16 en matière de coopération par l'Etat de Serbie et de Monténégro.

17 L'année dernière, dans l'affaire Sainovic et Ojdanic, la Chambre d'appel a

18 dit que le niveau, le degré de collaboration offert par un Etat est un

19 élément important lorsqu'on statue sur une demande de mise en liberté

20 provisoire.

21 Et enfin, toujours dans le cadre de ses arguments, M. Caric a fait

22 allusion au fait que six personnes avaient été fournies par l'Etat de

23 Serbie et Monténégro. Nous aimerions obtenir des éclaircissements à ce

24 propos. Est-ce que c'est là quelque chose qui est distinct du fait que les

25 personnes mises en accusation s'étaient livrées de leur plein gré, élément

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1 qu'il avait soulevé dans ses arguments?

2 Pour ce qui est des garanties fournies par un Etat, nous nous appuyons sur

3 les arguments présentés dans notre mémoire en réplique.

4 Je reviens brièvement à un point de la jurisprudence établie par ce

5 Tribunal, que ce soit au niveau de la première instance, mais aussi en

6 appel dans l'affaire Mrksic. Dans la décision Mrksic, on souligne la

7 pertinence que peut revêtir telle ou telle circonstance au moment où on

8 pourrait s'attendre à ce que l'accusé revienne pour être jugé.

9 C'est certain, la Chambre d'appel n'indique pas qu'il faudrait se livrer à

10 quelque spéculation que ce soit mais plutôt que, dans la mesure du

11 possible, le contexte futur est un élément de considération pertinent.

12 Dans l'affaire Mrksic, on pensait à la probabilité qu'il y aurait un

13 changement de gouvernement comme étant un facteur à prendre en compte.

14 Nous nous contenterons de souligner que, à la lumière de ce qui s'est

15 passé récemment, notamment l'assassinat tragique du Premier ministre M.

16 Zoran Djindjic, et étant donné qu'il y a une période de transition pour ce

17 qui est de la République fédérale de Yougoslavie qui est devenue

18 maintenant un Etat de Serbie et Monténégro, et étant donné que maintenant

19 nous avons en fait un gouvernement de transition, tout ceci montre qu'il y

20 a une incertitude politique. Et, en vertu de la jurisprudence de ce

21 Tribunal, ceci milite contre le fait d'octroyer la liberté provisoire

22 contre le fait de se baser sur les garanties fournies par un Etat, surtout

23 en ce qui concerne cet accusé.

24 Nous indiquerons également, comme l'a prouvé l'assassinat de M. Djindjic,

25 c'est qu'il y a un risque véritable que posent des forces opposées au

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1 Tribunal en Serbie et au Monténégro. Mon confrère, hier, a lui-même fait

2 référence à certains articles de presse parus dans ce contexte.

3 J'ajouterai une seule chose: M. Duso Mihajlovic, qui est le ministre de

4 l'Intérieur de Serbie, lui-même a été observé, a été vu à Belgrade au

5 service de nouvelles quotidiennes VIP, et il aurait indiqué que le groupe

6 qui a commis l'assassinat a des liens avec ce qu'on appelle des "éléments

7 quasi patriotiques" ou "anti-La Haye" en Serbie. Et il dit: "La décision

8 de se livrer à cet assassinat, elle a été prise par M. Spasojevic et

9 'Legija', qui a été mentionné hier, qui disait que c'était lui qui était à

10 l'origine de ce plan qu'on a appelé 'Arrêtons La Haye'."

11 Quatrième point: il a trait à la position élevée occupée par l'accusé.

12 Manifestement, il a été Président de Serbie; il a bénéficié de la position

13 qu'il occupait, il en a tiré des avantages. Et pour ce qui est de la

14 protection à l'encontre d'autorités qui voudraient le livrer à ce

15 Tribunal, maintenant il essaie de tirer davantage parti de cette

16 situation. Il a parlé hier de stabilité politique, de la transition et du

17 rôle apparemment important qu'il aurait joué à cet égard.

18 Cependant, la jurisprudence montre que les choses vont dans un sens

19 contraire. La position élevée occupée par l'accusé milite contre sa mise

20 en liberté provisoire. La Chambre d'appel le note dans sa décision

21 Sainovic-Ojdanic: la position occupée par un accusé dans une voie

22 hiérarchique et les conséquences que ceci aura sur le poids des garanties

23 gouvernementales sont des facteurs significatifs qui militent contre la

24 liberté provisoire.

25 Hier, mon confrère a cité le cas de plusieurs personnes à qui on a accordé

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1 cette liberté provisoire, qui voudrait dire que le statut élevé de

2 quelqu'un n'est pas nécessairement un élément qui plaiderait contre la

3 liberté provisoire.

4 Je me contenterai de rappeler une chose. Si nous, on passe en revue les

5 personnes à qui on a accordé la liberté provisoire, il apparaît que ce

6 n'est pas tant le statut de l'accusé qui est intervenu comme facteur, mais

7 plutôt le moment où cet accusé a accepté l'existence de l'Acte

8 d'accusation dressé contre lui, contre elle, et a accepté de se livrer.

9 Maintenant, parlant d'une question de pouvoir de discrétion (, une

10 question sensible puisqu'il s'agit de l'état de santé de l'accusé,

11 j'aimerais que nous passions à huis clos partiel si vous me le permettez.

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 (Huis clos partiel à 9 heures 21.)

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1 (Audience publique à 9 heures 26.)

2 M. Shin (interprétation): J'aimerais rapidement aborder d'autres questions

3 soulevées hier au cours de l'audience.

4 Pour ce qui est de la perception qu'a le public d'une situation, les

5 documents qui se trouvent à l'annexe n°1 montrent que la demande faite par

6 l'accusé est sans pertinence, ces documents qu'on y trouve. Et d'autres se

7 félicitent du fait que M. Milutinovic s'est rendu. Mais, à notre avis,

8 c'est là quelque chose de tout à fait différent de la question d'une

9 éventuelle mise en liberté provisoire de l'accusé. Il y a des personnes

10 qui se félicitent qu'il s'est rendu, mais ceci ne montre pas que ces

11 personnes voudraient qu'il soit mis en liberté provisoire nécessairement.

12 Sinon, nous pensons que la perception qu'a l'opinion publique est un

13 élément important.

14 Le Tribunal tient, bien sûr, compte en tout premier lieu des victimes, et

15 nous avons d'autres arguments que nous avons présentés dans notre mémoire.

16 Et puis, il y a un autre point en ce qui concerne les menaces à l'égard de

17 victimes, de témoins et d'autres. Nous revenons ici et nous faisons valoir

18 nos arguments inscrits dans notre mémoire en réponse, mais nous soulevons

19 certains points. Nous estimons qu'il ne faut pas apporter la preuve ici

20 que de telles menaces ou d'autres formes de risques, auxquels sont

21 exposées ces personnes, doivent nécessairement se produire. Nous nous

22 basons notamment sur la jurisprudence établie dans l'affaire Blaskic où il

23 était estimé que s'il y avait communication de matériel, ça accroissait

24 les risques. Et vous avez aussi l'affaire Krajisnik: là, la Chambre de

25 première instance était constituée de façon différente, il y avait une

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1 opinion dissidente, notamment du Juge Robinson sur ce point notamment.

2 Mais nous faisons valoir ici, une fois de plus, que ce qui est important

3 dans le principe, c'est l'attitude personnelle de l'accusé affichée.

4 L'accusé ici n'a aucun respect pour l'institution qui est la nôtre; il l'a

5 démontré aussi bien par sa conduite que par les termes qu'il a utilisés

6 pour le qualifier. Hier, mon confrère a présenté un argument sur ce point.

7 La réputation d'intégrité en tant que fonctionnaire ou agent de la

8 fonction publique, c'était un point abordé.

9 Je ne sais pas s'il est utile de repasser à huis clos sur ce point?

10 M. le Président (interprétation): Oui.

11 (Huis clos partiel à 9 heures 29.)

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23 (Audience publique en 9 heures 30.)

24 M. Shin (interprétation): Encore quelques commentaires sur la question de

25 la coopération manifestée par l'accusé. Ceci ne porte pas à controverse, à

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1 notre avis. Nous rejetons, de façon catégorique, la qualification qui a

2 été donnée par mon éminent confrère à savoir que, de toutes façons, la

3 politique du Tribunal est une incitation pour l'accusé. La Chambre d'appel

4 dans l'affaire Sainovic & Ojdanic a été tout à fait claire, que ce soit

5 dans l'avis majoritaire des Juges ou dans l'opinion dissidente.

6 L'accusation a aussi été parfaitement limpide dans la position qu'elle a

7 adoptée par écrit et oralement devant la présente Chambre.

8 Pour que tout soit clair, nous le répétons, la loi est établie, le droit

9 est établi dans ce domaine; et l'accusation respecte et applique ce droit.

10 Permettez-moi d'ajouter un dernier point avant de passer à mes

11 conclusions.

12 Hier, j'ai cité un argument invoqué l'année dernière dans le cadre de

13 l'audience, enfin, de la mise en liberté provisoire de Ojdanic et

14 Sainovic. Ce point concernait l'arrestation ou plutôt la politique de la

15 Serbie qui consistait à ne pas déférer M. Milutinovic tant qu'il n'aurait

16 pas terminé son mandat de Président. Et ceci a été dit par M. Nebojsa

17 Sarkic qui était du ministère de la Justice à l'époque; ceci se trouve à

18 la page 46 du compte rendu d'audience, mais je n'en suis pas tout à fait

19 sûr. Monsieur Sarkic dit, à cette occasion, que le présent accusé allait

20 se livrer de son plein gré une fois qu'il aurait terminé son mandat de

21 Président, ou encore qu'il serait déféré sous la contrainte, par la force

22 si c'était nécessaire. Mais ceci, bien sûr, montre bien quelle est la

23 nature de la reddition de cet accusé.

24 Nous estimons que sa reddition n'est pas véritablement volontaire, comme

25 on le voit dans l'interprétation de l'Article 65-B), car il savait que

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1 s'il ne se rendait pas, il risquait fort d'être arrêté.

2 En conclusion, l'accusation se contente de déclarer, d'abord, que la

3 reddition de l'accusé n'a pas été un acte volontaire comme l'entend

4 l'Article 65-B). C'était un fugitif, il refusait de se rendre à ce

5 Tribunal. Il l'a refusé pendant près de quatre ans. Il a reconnu

6 l'existence de ce Tribunal uniquement quand ceci lui a été nécessaire.

7 Auparavant, il a manifesté son mépris pour le Tribunal, que ce soit par

8 ses agissements mais aussi par les mots qu'il a utilisés pour parler du

9 Tribunal. Et il ne s'est rendu qu'au moment où la protection qu'il avait

10 du fait des ses fonctions étatiques devait cesser d'exister. Il a compris

11 qu'il était dans son intérêt d'essayer de tirer parti du fait qu'il se

12 soit rendu volontairement, en espérant pouvoir se fonder sur les garanties

13 fournies par son Etat.

14 Par conséquent, je pense qu'il ne faut accorder aucun poids aux garanties

15 personnelles fournies par l'accusé. Vu les circonstances, de l'avis de

16 l'accusation, il est clair que la jurisprudence montre que les garanties

17 fournies par un Etat ne signifient pas nécessairement que cet accusé va

18 revenir pour être jugé. Et les conditions concernant sa mise en liberté

19 provisoire ne vont pas nécessairement remédier à ce vice.

20 L'état de santé de l'accusé, nous en avons déjà parlé de façon

21 approfondie.

22 Dernier élément: quatre ans se sont écoulés au cours de cette période,

23 l'accusé en vertu du droit n'avait aucune excuse que ce soit avant le mois

24 d'octobre 2000 ou après; et ce point a été concédé par mon confrère de la

25 partie adverse. Vu ces circonstances, nous pensons que l'accusé pourra

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1 toujours trouver une réponse et une raison au fait de ne pas comparaître à

2 son procès si on lui donne le choix de le faire et qu'il continuera à

3 chercher de telles raisons pour en tirer parti et ne pas se présenter à

4 son procès.

5 Je vous remercie, Monsieur le Président, j'en ai terminé.

6 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Shin.

7 Soyez bref, Maître Livingston, s'il vous plaît.

8 M. Livingston (interprétation): Permettez-moi d'aborder en premier lieu ce

9 qui, à mon avis, semble apparaître comme étant le point clé de la présente

10 requête.

11 Nous parlons de la période qui a suivi le mois d'octobre 2000, comme l'a

12 dit M. Shin hier.

13 Il a dit qu'il n'y avait aucune autorité politique ou aucune considération

14 politique qui expliquerait qu'on ne tienne pas compte de l'autorité du

15 Tribunal, qu'il ne faut pas donner pas de poids à la signification d'une

16 éventuelle stabilité politique. Ceci met, à mon avis, l'accès là où il ne

17 faut pas.

18 A mon avis, la question qui se pose ici -et c'est une question

19 fondamentale et c'est d'ailleurs quelque chose qui a été souligné par le

20 Juge Hunt dans son avis dissident pour ce qui est de l'appel Ojdanic et

21 Sainovic-, la question qui se pose, c'est de savoir si le comportement de

22 l'accusé montre qu'il n'avait pas l'intention de se livrer. Or, nous

23 estimons que les preuves indiquent de façon catégorique qu'il avait

24 l'intention de le faire.

25 J'accepte ce qui a été dit par la Chambre d'appel, aussi bien dans

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1 l'affaire Mrksic que dans l'affaire Sainovic-Ojdanic. Il faut voir chaque

2 cas, il faut voir chaque accusé, l'examiner, le considérer dans ses

3 propres circonstances à lui, dans le contexte qu'il lui revient. Le temps

4 s'écoule, et quelquefois la mémoire s'émousse de ce fait. Mais j'espère

5 que tous ceux qui sont ici présents dans ce prétoire se souviendront des

6 images tout à fait spectaculaires qu'on a vues sur nos écrans de

7 télévision en octobre 2000 lorsqu'il y a eu cette prise du Parlement,

8 lorsqu'il y a eu un incendie à la station de télévision, quand on a vu ces

9 images de pillage. Le chaos aurait pu régner rapidement si les autorités

10 n'avaient pas réussi à maîtriser la situation très rapidement. C'est une

11 situation tout à fait exceptionnelle qui découle de la chute du régime

12 précédent. On l'a vue dans un autre contexte tout récemment pour l'Irak.

13 Nous ne sommes pas ici simplement dans une situation politique de salon.

14 La Serbie se trouvait face à une véritable catastrophe, une urgence

15 politique, et il n'est pas exact de dire que des hommes politiques de la

16 carrure de M. Djindjic, mais il y avait aussi M. Zivkovic -et c'est vrai

17 que c'est important d'avoir des gens comme ça-, s'ils partent ceci ébranle

18 la stabilité politique d'un pays. Et ces choses-là ne se gomment pas en

19 l'espace d'un jour, d'une semaine, d'un mois.

20 Le présent accusé a terminé son mandat parce qu'il voulait assurer la

21 stabilité politique de son pays, ce n'était pas la manifestation de mépris

22 à l'égard du Tribunal.

23 M. Robinson (interprétation): L'importance de la stabilité, pour vous,

24 c'est plus important que ce qui était indispensable?

25 M. Livingston (interprétation): Oui. Et M. Milutinovic me rappelle un

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1 point important. Au moment où il était ministre des Affaires Etrangères,

2 il l'était avant 1997. C'est lui la personne qui avait établi le premier

3 bureau de liaison avec le Tribunal à Belgrade; et ceci n'est pas un signe,

4 le signe d'un homme qui aurait manifesté du mépris à l'égard de ce

5 Tribunal puisqu'il a contribué au démarrage de la coopération avec ce

6 Tribunal. A mon avis, c'est un point capital.

7 Autre point important qu'il me faut répéter et que me rappelle M.

8 Milutinovic, il est important de le rappeler: il a été Président de

9 Serbie, et de ce fait, il va être surveillé, il aura la protection de

10 gardes du corps 24 sur 24, jour et nuit, s'il rentre à Belgrade. Il a le

11 droit à ce genre de protection. Et c'est ce qui va se passer. Je suis sûr

12 que le représentant, M. Caric, pourra le confirmer.

13 La possibilité de le voir disparaître dans les sous-bois, dans les forêts

14 où on ne pourrait plus jamais le retrouver, c'est une possibilité qu'il

15 n'y a aucune raison d'être, vu les circonstances qui entoure M.

16 Milutinovic.

17 Monsieur Caric l'a dit hier: les autorités n'auraient aucune difficulté à

18 mettre en place et à faire respecter d'autres garanties qui avaient été

19 données par l'Etat s'agissant d'autres accusés.

20 Cet accusé-ci va être gardé de près, va être sous surveillance constante,

21 ce qui fait qu'il sera encore moins probable que sa liberté provisoire

22 pose davantage de problème et qu'il ne se livre pas en temps voulu. C'est

23 une différence importante, en ce qui le concerne, par rapport à

24 pratiquement toutes les autres personnes qui ont été accusées par ce

25 Tribunal.

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1 L'accusation parle du poste de haut dignitaire de grand commis de l'Etat

2 occupé par l'accusé. Ce que M. Shin a dit revient pratiquement à accepter

3 ce que moi, j'avais affirmé.

4 Il a parlé d'autres personnes ayant exercé des fonctions élevées à qui on

5 a accordé la mise en liberté provisoire, et il dit qu'en la présente

6 instance la haute fonction n'a pas été nécessairement un facteur important

7 pris en compte par les Juges pour accorder la liberté provisoire. C'est

8 plutôt la brièveté de la période qui s'est écoulée entre le fait d'avoir

9 pris connaissance de l'Acte d'accusation et la reddition qui compte. Je

10 comprends cela et je suis d'accord.

11 Mais si on a l'impression -et j'insiste sur ceci-, si on a l'impression

12 que c'est une position, une fonction élevée, ceci n'est pas une

13 interdiction. Je pense que M. Shin n'a pas bien compris ce que je disais.

14 J'avais dit: "Ne devrait pas être un obstacle à une liberté provisoire."

15 La question du temps qui s'est écoulé entre le moment où l'on prend

16 connaissance de l'Acte d'accusation et la reddition, ce n'est pas ce qui

17 compte. Ce qui compte, c'est de savoir si l'on s'est rendu de son plein

18 gré. Et si vous êtes convaincus, il faudra que vous le soyez du fait que

19 sa reddition a été tout à fait de plein gré en la présente espèce.

20 A mon avis, le fait qu'à première vue -et j'insiste, à première vue, prima

21 facie- cet accusé exerçait un poste élevé, ça ne devrait pas être un

22 obstacle à la mise en liberté provisoire.

23 En fin de compte, la question de savoir s'il sera présent à son procès en

24 application et en respect des conditions imposées par la Chambre, est-ce

25 qu'il va s'immiscer dans la question de témoin. C'est un accusé qui sera

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1 surveillé jour et nuit. C'est un accusé qui, franchement, a des

2 antécédents sur lesquels j'insiste. A mon avis, il est pratiquement

3 inconcevable qu'une fois qu'après s'être rendu une première fois, il

4 refusera de le refaire à l'avenir. Et je vous incite à tirer ce genre de

5 conclusion.

6 Je crois que j'ai pratiquement utilisé les dix minutes qui m'étaient

7 impartis. Mais permettez-moi de revenir rapidement sur un autre point,

8 point préoccupe mon client.

9 Franchement, mon client nie avoir fait des déclarations que l'accusation

10 met dans sa bouche dans ce rapport de l'agence de presse "Reuters" en

11 2001. Et M. Milutinovic me demande de dire aussi que "Nacional", en tant

12 que journal a été fermé, n'existe plus depuis le début de cette année. Et

13 c'est le nouveau haut représentant de Bosnie, Paddy Ashdown, qui en a

14 décidé la fermeture à cause du caractère peu fiable des articles qui y

15 apparaissait; ce qui veut dire que ce journal n'existe plus.

16 Ce qui compte, à mon avis, ici c'est que l'accusation reconnaît que

17 récemment -parce qu'il y a quand même beaucoup de temps qui s'est écoulé

18 depuis l'année 2001- sans aucune équivoque, sans parler des arguments qui

19 auraient voulu dire ceci ou n'auraient pas voulu dire cela, il est clair

20 que l'accusé n'a jamais manifesté aucun mépris et n'a jamais dit qu'il ne

21 reviendrait plus au Tribunal.

22 Si vous êtes en mesure de me suivre et de reconnaître ce qu'ont fait

23 certains hommes politiques de grande hauteur morale de Serbie -et

24 n'oubliez pas que la Serbie est maintenant membre du Conseil de l'Europe

25 depuis peu de temps-, je pense que l'on ne peut féliciter le régime actuel

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1 en Serbie pour son comportement actuel, puisque c'était une reddition

2 faite de plein gré de la part de l'accusé.

3 Les autorités sont catégoriques sur ce point, les autorités estiment qu'il

4 était nécessaire, indispensable -comme le disait le Juge Robinson- que

5 l'accusé termine son mandat de Président pour l'avenir de son pays à

6 partir du mois d'octobre 2000.

7 M. Robinson (interprétation): M'imputer ce genre de propos...

8 M. Livingston (interprétation): Non, non, non, je vous comprends bien,

9 Monsieur le Juge Robinson, je ne suis pas en train de dire que c'est

10 exactement ce que vous avez dit. Mais, avec le respect que je vous dois,

11 c'est tout de même l'image que vous avez présenté du rôle d'homme

12 politique joué par M. Milutinovic.

13 Et je répète, et ce sera mon dernier point: hier, Peter Scheider a été

14 cité dans le cadre de cette émission de "B-92" dont il a également été

15 question, et je crois qu'il importe de se rappeler ce qui a été dit à ce

16 moment-là, à savoir que "Le Tribunal devrait montrer plus de compréhension

17 pour les risques politiques et les risques du point de vue de sécurité,

18 qui sont inhérents à la coopération avec lui." (Fin de citation.)

19 En d'autres termes, on ne doit pas simplement examiner la situation

20 juridique comme si elle se trouvait dans un vide complet. Chacun est en

21 droit, et notamment les hauts responsables internationaux, d'indiquer que

22 ce Tribunal fait partie d'un ensemble plus vaste.

23 A mon avis, lorsqu'on rassemble tous ces éléments, ils indiquent que

24 l'accusé a couru un grand risque dans l'intérêt de ce Tribunal et qu'il

25 mérite la liberté provisoire. Je vous invite donc à faire droit à sa

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1 requête et je vous remercie.

2 M. Robinson (interprétation): Je demande un huis clos partiel.

3 (Huis clos partiel à 9 heures 50.)

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10 (Audience publique à 9 heures 52.)

11 M. le Président (interprétation): Nous allons réfléchir à tous ces

12 arguments et rendre notre décision en temps utile.

13 Maintenant, nous ferons 20 minutes de pause avant d'entamer l'audience

14 relative à l'autre affaire qui se tient dans ce prétoire.

15 (L'audience est levée à 9 heures 52.)

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